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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 14 DÉCEMBRE 2000

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE

DE

M.

PATRICK

OLLIER

1. E mploi précaire et recrutement dans la fonction publique. - Transmission et discussion du texte de la commission mixte paritaire (p. 10247).

M. Jean-Yves Caullet, rapporteur de la commission mixte paritaire.

DISCUSSION GÉNÉRALE (p. 10249)

MM. Pierre Cardo, François Colcombet, Georges Tron, Patrick Braouezec, Emile Blessig.

Clôture de la discussion générale.

M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

TEXTE DE LA

COMMISSION

MIXTE PARITAIRE (p. 10255)

Adoption de l'ensemble du projet de loi compte tenu du texte de la commission mixte paritaire.

2. Indemnisation des condamnés reconnus innocents. Discussion d'une proposition de loi (p. 10261).

Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Christine Lazerges, rapporteure de la commission des lois.

QUESTION PRÉALABLE (p. 10265)

Question préalable de M. Jean-Louis Debré : MM. Jean-Luc Warsmann, Claude Goasguen, Emile Blessig, Thierry Mariani, Jean-Yves Caullet. - Rejet.

DISCUSSION GÉNÉRALE (p. 10271)

MM. François Colcombet, Emile Blessig, Patrick Braouezec, Jean-Luc Warsmann, Claude Goasguen.

Clôture de la discussion générale.

Mme la garde des sceaux.

DISCUSSION

DES ARTICLES (p. 10276)

Article 1er (p. 10276)

M. Jean-Luc Warsmann.

Amendement no 2 de la commission des lois : Mmes la rapporteure, la garde des sceaux. - Adoption.

Adoption de l'article 1er modifié.

Articles 1er bis, 1er ter et 1er quater. - Adoption (p. 10277)

Après l'article 1er quater (p. 10277)

Amendement no 3 de la commission : Mmes la rapporteure, la garde des sceaux. - Adoption.

Article 2 (p. 10278)

Amendement no 4 de la commission : Mmes la rapporteure, la garde des sceaux. - Adoption.

Amendement no 5 de la commission : Mmes la rapporteure, la garde des sceaux. - Adoption.

Adoption de l'article 2 modifié.

Après l'article 2 (p. 10278)

Amendement no 6 de la commission : Mmes la rapporteure, la garde des sceaux. - Adoption.

Articles 3 à 7, 7 bis, 8 à 15 et 15 bis. - Adoption (p. 10278)

Après l'article 15 bis (p. 10279)

Amendement no 7 de la commission : Mmes la rapporteure, la garde des sceaux. - Adoption.

Amendement no 8 de la commission : Mmes la rapporteure, la garde des sceaux. - Adoption.

Amendement no 9 de la commission : Mmes la rapporteure, la garde des sceaux. - Adoption.

Amendement no 10 de la commission : Mmes la rapporteure, la garde des sceaux. - Adoption.

Amendement no 11 de la commission : Mme la rapporteure.

Amendements nos 12, 13 et 14 de la commission : Mmes la rapporteure, la garde des sceaux. - Adoption des amendements nos 11, 12, 13 et 14.

Amendement no 15 de la commission : Mmes la rapporteure, la garde des sceaux. - Adoption.

Articles 16, 16 bis, 16 ter et 16 quater. - Adoption (p. 10280)

Après l'article 16 quater (p. 10281)

Amendement no 1 du Gouvernement, avec les sousa mendements nos 16 de la commission, 18 de M. Warsmann et 17 de la commission : Mmes la garde des sceaux, la rapporteure. - Adoption du sous-amendement no

16. M. Jean-Luc Warsmann, Mmes la rapporteure, la garde des sceaux. - Adoption du sous-amendement no

18. Mmes la rapporteure, la garde des sceaux. - Adoption du sous-amendement no

17. Adoption de l'amendement no 1 rectifié et modifié.

Amendement no 19 de M. Blessig : M. Emile Blessig,

Mmes la rapporteure, la garde des sceaux. - Rejet.

Articles 17 et 18. - Adoption (p. 10283)

EXPLICATIONS DE

VOTE (p. 10283)

MM. François Colcombet, Claude Goasguen, Jean-Luc Warsmann, Emile Blessig.

Mme la garde des sceaux.

VOTE

SUR L'ENSEMBLE (p. 10285)

Adoption de l'ensemble de la proposition de loi.

3. Ordre du jour de la prochaine séance (p. 10285).


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 14 DÉCEMBRE 2000

COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. PATRICK OLLIER,

vice-président

M. le président.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

EMPLOI PRÉCAIRE ET RECRUTEMENT DANS LA FONCTION PUBLIQUE Transmission et discussion du texte de la commission mixte paritaire

M. le président.

M. le président de l'Assemblée nationale a reçu de M. le Premier ministre la lettre suivante :

« Paris, le 12 décembre 2000.

« Monsieur le président,

« Conformément aux dispositions de l'article 45, alinéa 3, de la Constitution, j'ai l'honneur de vous demander de soumettre à l'Assemblée nationale, pour approbation, le texte proposé par la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la résorption de l'emploi précaire et à la modernisation du recrutement dans la fonction publique ainsi qu'au temps de travail dans la fonction publique territoriale.

« Veuillez agréer, Monsieur le président, l'assurance de ma haute considération. »

En conséquence, l'ordre du jour appelle la discussion du texte de la commission mixte paritaire (no 2790).

La parole est à M. le rapporteur de la commission mixte paritaire.

M. Jean-Yves Caullet, rapporteur de la commission mixte paritaire.

Monsieur le président, monsieur le ministre de la fonction publique, mes chers collègues, lors de l'examen par notre assemblée du projet de loi examiné préalablement par le Sénat sur la résorption de l'emploi précaire dans la fonction publique, j'avais eu l'occasion, en tant que rapporteur de la commission des lois, de vous présenter l'ensemble du texte, son origine, son équilibre, ses objectifs. Je n'y reviendrai donc pas dans le détail.

Rappelons simplement que le constat de la situation dans les trois fonctions publiques nécessitait une réaction forte.

On a tiré la leçon de l'expérience de la loi Perben, et une négociation avec l'ensemble des organisations syndicales représentatives s'est conclue par un accord signé par six organisations représentatives sur sept.

Comme j'avais eu l'occasion de le faire en première lecture, je tiens à souligner que le texte qui nous est soumis est fidèle à cet accord.

Nos travaux parlementaires ont, je crois, enrichi ou précisé le projet sans le dénaturer aucunement.

L'accord intervenu en commission mixte paritaire, après un débat approfondi mais serein, traduit bien l'état d'esprit constructif qui a présidé à l'élaboration du texte.

Le choix de la procédure d'urgence et les délais très brefs qui nous ont été impartis n'auraient d'ailleurs pas permis d'aboutir à un résultat positif s'il en avait été autrement.

Je saisis d'ailleurs cette occasion pour remercier depuis c ette tribune tous ceux qui m'ont adressé leurs remarques, leurs demandes, leurs analyses. Compte tenu des délais très brefs, il m'a été malheureusement impossible de leur répondre à titre personnel, mais qu'ils sachent que leur avis et suggestions ont été très utiles pour nourrir ce débat qui, bien que rapide, a été extrêmement sérieux et profond.

Pour ne pas alourdir mon propos, j'insisterai simplement sur les trois points majeurs qui ont fait l'objet de l'accord de la commission mixte paritaire.

La première des divergences apparues entre l'Assemblée nationale et le Sénat portait sur la durée de l'expérience requise dans la dernière année - deux mois pour l'Assemblée nationale, quatre mois pour le Sénat - pour permettre d'entrer dans le champ des dispositions prévues par le texte.

Après un débat relativement long et compte tenu du fait que ce n'est qu'une des conditions d'entrée dans le dispositif, qui prévoit aussi la nécessité de justifier de trois ans d'expérience dans les huit années écoulées précédemment, la CMP en est revenue pour les articles 1er , 3 et 7 du texte, à la rédaction de l'Assemblée nationale, avec un délai de deux mois.

Nous avions ensuite une divergence d'appréciation sur l'article 13 et la capacité laissée aux communes de moins de 2000 habitants de recruter des contractuels sans contrainte pour des temps de travail inférieurs à trente et une heure trente.

Le souci du Gouvernement et de notre assemblée était d'éviter de trop réouvrir les portes de la précarité à laquelle on prétend s'attaquer en la résorbant par des dispositions législatives. Considérant qu'un certain nombre de dispositions permettent aux communes les plus petites de répondre à leurs besoins - le recrutement direct à l'échelon 2 de la catégorie C de titulaires, le maintien dans leurs fonctions des contractuels recrutés dans les dispositions actuelles du code permettant le recrutement de contractuels pour les communes en dessous de 2000 habitants, et la possibilité, bien entendu, de continuer à recruter des contractuels dans la mesure où les titulaires ne sont pas disponibles pour occuper le poste ouvert l'Assemblée nationale n'a pas jugé utile de laisser les communes de moins de 2000 habitants continuer à recourir à des contractuels sans conditions pour des emplois d'une durée de travail inférieure à trente et une heures trente.

Vous imaginez que les débats sur ce point entre les représentants de l'Assemblée nationale et ceux du Sénat en commission mixte paritaire ont été particulièrement intéressants, les sénateurs faisant valoir que le point de


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vue de la Haute Assemblée était fondé sur le fait que, dans des communes de petite taille, une certaine souplesse pour le recrutement était indispensable à la vie normale des services. La vérité étant souvent au milieu, ...

M. Georges Tron.

Pas toujours ! (Sourires.)

M. Jean-Yves Caullet, rapporteur.

Cela dépend au milieu de quoi ! La vérité étant souvent au milieu, disais-je, nous avons obtenu un accord qui consiste à autoriser les communes dont la population est inférieure à 1 000 habitants à recruter des contractuels pour faire face à leurs besoins, pour des emplois dont le temps de travail est inférieur au mi-temps de la fonction publique : nous avons donc une réduction du seuil de population et une réduction du temps, pour qu'il n'y ait pas une trop grande incitation à reconstituer un effectif de contractuels, ce qui aurait été à l'encontre des orientations générales du texte.

Dernier point qui a fait l'objet d'un accord : la réduction et l'aménagement du temps de travail dans la fonction publique territoriale, avec deux aspects : la nécessité, par souci de la parité, de faire bénéficier les agents de la fonction publique territoriale de l'aménagement et de la réduction du temps de travail, et la nécessité, non moindre, de permettre aux collectivités locales de mettre en oeuvre ces dispositions dans le respect du principe de libre administration auquel nous sommes tous attachés.

La rédaction qui a recueilli l'accord de la commission mixte paritaire permet aux agents de la fonction publique territoriale de bénéfier de l'aménagement et de la réduction du temps de travail dans les même limites que celles qui sont retenues pour la fonction publique d'Etat.

Au cours du débat, certains se sont inquiétés de savoir s'il s'agissait des limites générales indiquées par la voie réglementaire pour ce qui concerne l'Etat et si nous ne risquions pas d'avoir des comparaisons de service à service au sein d'un même département ou dans une même collectivité, pour savoir si ce qui avait été accordé aux uns dans le cadre d'une négociation, ne devrait pas automatiquement être transposé aux autres.

Je suis persuadé que le bon sens l'emportera, et que, comme l'a souhaité la commission mixte paritaire, vous pourrez bien nous confirmer qu'il n'y aura pas de dérive en la matière, et qu'il s'agit bien des limites générales applicables aux fonctionnaires de l'Etat, ce qui deviendra la référence pour l'application de l'aménagement et de la réduction du temps de travail dans les collectivités locales.

Un accord ayant été acquis sur ces trois points fondamentaux, il a ensuite été nécessaire de réexaminer l'ensemble des dispositions sur lesquelles pouvait subsister un débat, qu'il s'agisse d'un problème de rédaction ou de la recherche d'une homogénéité entre des dispositions adoptées marginalement par l'une ou l'autre des assemblées.

Si le cadre d'ensemble n'est absolument pas modifié par la lecture qu'en on faite les deux assemblées ou par l'accord de la commission mixte paritaire, diverses dispositions résultant du débat et adoptées en CMP ont contribué à améliorer le texte.

Ainsi, la reconnaissance des acquis professionnels ou d'autres expériences a pu être précisée, et surtout harmonisée dans les différentes fonctions publiques.

De même, la prise en compte de l'expérience dans un emploi précédent, ou lorsqu'il y a eu transfert du fonctionnaire vers un établissement public de coopération intercommunale, a contribué à éviter des iniquités.

Par ailleurs, la possibilité de prolonger des contrats pour les contractuels de la fonction publique territoriale, afin d'atteindre les conditions d'éligibilité aux dispositions du texte concernant la fonction publique territoriale, évite une sorte d'effet guillotine interdisant à certaines personnes, à quelques mois près, d'entrer dans les conditions du dispositif légal.

Bien entendu, il subsiste des catégories de personnels qui sont en dehors du texte - la catégorie A +, les contrats à durée indéterminée, les contrats aidés, certains CDD qui ont été renouvelés depuis longtemps et dont les agents n'ont pas pu, ou n'ont pas su, accéder aux concours qui leur étaient offerts - mais, au-delà du fait que l'objet de la loi n'a jamais été une titularisation générale, une sorte de « grand coup de torchon » sur l'histoire de toute la fonction publique, l'ouverture d'une troisième voie et la validation des acquis professionnels et des expériences acquises sont des possibilités ouvertes à tous.

J'appelle votre attention, monsieur le ministre, sur le fait que les mesures réglementaires qui seront nécessaires pour mettre en oeuvre ces dispositions concernant les concours de troisième voie et la validation des acquis doivent être rédigées avec un esprit d'ouverture. Notamment pour l'âge des candidats, on ne doit mettre des barrières qui empêcheraient les fonctions publiques de bénéficier de l'expérience acquise dans d'autres secteurs par des personnes dont les qualités leur seraient bénéfiques.

M. le président.

Monsieur le rapporteur, concluez, s'il vous plaît.

M. Jean-Yves Caullet, rapporteur.

Je me dépêche, monsieur le président. Bien entendu, nous serons vigilants, notamment dans le cadre de l'observatoire que vous avez mis en place, monsieur le ministre, pour vérifier l'efficacité du dispositif.

Pour conclure, je voudrais, rapidement, appeler votre attention sur quelques dispositifs complémentaires adoptés lors de l'examen en CMP qui avaient été adoptés soit au Sénat soit à l'Assemblée nationale.

Je mets de côté la validation de la situation des agents du conseil supérieur de la pêche, qui est anecdotique.

L'article 16 concerne la possibilité pour des candidats sortants de faire état, dans le cadre de la loi régissant les campagnes électorales et de la loi régissant le financement desdites campagnes, de leur expérience du mandat qu'ils assumaient précédemment.

L'article 21, qui précise les conditions de l'action sociale des collectivités locales pour leurs agents, est une rédaction générale évitant un listing qui aurait pu exclure un certain nombre de dispositions. Nous nous sommes souvent demandé si les tickets restaurant entraient bien dans cette liste. Je pense que oui mais les choses vont mieux en le disant.

M. Bernard Roman, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

Tout à fait !

M. Jean-Yves Caullet, rapporteur.

Aux articles 27 et 28, des précisions ont été apportées, très attendues, pour ce que nous appelons « les accidentés de carrière ».

Les articles 18, 19 et 20, qui concernent les sapeurspompiers, ont été rejetés non pas sur le fond mais sur la forme puisqu'une loi est en préparation sur ce thème.

L'ensemble des parlementaires, monsieur le ministre, ont souhaité que vous nous confirmiez quand la loi permettant de régler ces problèmes sera présentée au Parlement en 2001.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 14 DÉCEMBRE 2000

M. le président.

Il vous faut conclure, monsieur le rapporteur !

M. Jean-Yves Caullet, rapporteur.

J'aurai terminé, monsieur le président, après avoir signalé que l'article 26 concernant l'allocation formation et reclassement a été supprimé par la commission mixte paritaire car cette disposition peut être examinée dans le cadre de la loi de modernisation sociale.

Pour toutes ces raisons, je pense que nous avons fait là un pas extrêmement décisif pour la résorption de la précarité dans les fonctions publiques et qu'il est tout à fait nécessaire que ce texte soit adopté rapidement, et avant le 16 décembre, qui est la date d'échéance de la loi Perben.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Mes chers collègues, je vous rappelle que le débat est organisé par la conférence des présidents...

M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

Très bien organisé !

M. le président.

... et que je me dois de faire respecter cette organisation.

Discussion générale

M. le président.

Dans la discussion générale, la parole est à M. Pierre Cardo.

M. Pierre Cardo.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, c'est la deuxième lecture, il y a déjà eu de nombreuses discussions, et nous n'allons pas répéter tout ce que nous avons déjà dit en première lecture. Des améliorations ont été apportées et je voudrais souligner quelques points.

Nous avons débattu des conséquences de l'application de la loi Perben, nous en avons vu les insuffisances.

L'objectif était d'améliorer les conditions de titularisation dans les différentes fonctions publiques, et c'est vrai qu'elle a permis d'augmenter le nombre des emplois précaires.

Votre projet est censé régler en partie ce problème.

Cela dit, il y a tout de même un certain déséquilibre entre la façon dont est traitée la fonction publique d'Etat et celle dont est traitée la fonction publique territoriale. Il semble qu'on aura plus de facilité à régler la précarité que nous observons dans la fonction publique d'Etat que celle qui existe, et qui va sans doute perdurer, un peu trop, dans la fonction publique territoriale. Cela tient aux conditions que vous avez prévues, qui sont un tant soit p eu plus restrictives pour cette dernière fonction publique.

Comme je l'avais souligné en première lecture, je n'ai pas l'impression que cette loi nous permettra de régler les problèmes de recrutement pour des emplois spécifiques comme ceux qui sont liés à la politique de la ville. Nous serons sans doute obligés de maintenir des emplois précaires parce qu'il n'y a pas dans la fonction publique territoriale de cadre permettant aux collectivités locales de recruter les profils adaptés. Les salaires, les statuts ne correspondent pas aux nécessités de ces fonctions très spécifiques.

C'est le premier problème, et je regrette qu'à l'occasion de cette loi on n'ait pas essayé d'avancer un peu sur ce point. On ne pouvait peut-être pas tout traiter. En plus, c'est une procédure d'urgence. Apparemment, on est pressé, cela ne facilite pas le débat.

Il y a un autre problème que je veux soulever, bien qu'on en ait beaucoup parlé en première lecture.

Puisqu'on parle de précarité, je ne comprends pas qu'on ait totalement exclu du débat les CES, les contrats emploi solidarité, les CEC, les contrats emploi consolidé et les emplois-jeunes.

Si on m'explique que les emplois-jeunes sont là pour permettre de nouveaux types d'emplois, pour avoir une utilité sociale, je dirai que, par définition, la fonction du service public, c'est l'utilité sociale.

Quant aux CES et aux CEC, il me semble que leur renouvellement perpétuel depuis des lustres démontre, s'il en était besoin, qu'ils sont nécessaires pour l'accomplissement de la tâche de service public dévolue à telle ou telle institution.

Quand les gens arrivent au bout de la période au cours de laquelle on peut les garder, on en met d'autres. Est-ce que ce sont pour autant des emplois de réinsertion ? Comme cela a été rappelé dans la loi de lutte contre les exclusions, les CES et CEC doivent être prioritairement réservés aux personnes ayant le plus besoin d'être réinsérées. Est-ce le cas ? Vous faites sans doute partie du conseil d'administration d'un collège, vous avez une commune à gérer, vous êtes membre d'un conseil général... Je suis désolé mais ce n'est pas le cas. Ce sont des emplois à temps partiel, peu rémunérés et, surtout, ce qui est choquant, me semble-t-il, c'est qu'ils sont financés à 50, 80 ou 100 % par la DDTE. Si ce sont des emplois qui doivent être maintenus, puisqu'on les renouvelle chaque année, il n'y a pas de raison. A un moment donné, il faudra tout de même prendre des dispositions p our que cette dépense entre dans le budget de l'employeur. Au moins, les choses seront claires ! En 2001, les crédits consacrés aux CES et CEC seront réduits. Qu'est-ce qui sera touché en premier lieu par la réduction des crédits consacrés à ces outils de réinsertion ? Comme par hasard, ce sera les plans départementaux d'insertion, les ateliers, les chantiers d'insertion.

Ces mesures et outils de réinsertion sont destinés aux populations en difficulté et ce sont des constantes dans les différentes collectivités territoriales, voire dans la fonction publique d'Etat. On ne peut pas en réduire le nombre puisqu'ils sont indispendables au bon fonctionnement de ces institutions. C'est donc nous, qui luttons sur le terrain contre les exclusions, qui verrons nos budgets réduits, et donc les outils destinés à lutter contre l'exclusion des publics qui en ont besoin. C'est là qu'il y a une anomalie ! Pour terminer - j'ai compris, monsieur le président, qu'il fallait faire vite (Sourires) -, mes critiques avant de dire tout de même des petites choses positives, je ne trouve pas normal, on était plusieurs à le dire en première lecture, qu'on renvoie à un décret en conseil d'Etat pour l'aménagement et la réduction du temps de travail dans les collectivités territoriales. Je sais que vous voulez donner un nouveau souffle à la décentralisation. C'est bien, mais donner ainsi un pouvoir avec un élastique, c'est une conception de la décentralisation qui n'est pas tout à fait la mienne. Je pense qu'on aurait pu faire confiance aux collectivités et les laisser débattre ellesmêmes de ce problème avec les organisations chargées de défendre les intérêts des personnels.

La fonction publique d'Etat a été traité d'une certaine façon. Les entreprises ont été traitées d'une autre façon, i l y a eu un débat à l'Assemblée nationale. Ce n'est pas le cas pour la fonction publique territoriale. Je le regrette parce que c'est la traiter d'une façon un peu secondaire.


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Les collectivités méritaient, me semble-t-il, autre chose vu les compétences qui leur ont été déléguées et les preuves qu'elles ont données de leur aptitude à assumer leur responsabilité.

Cela dit, ne soyons pas seulement négatifs, monsieur le ministre ! Il y a tout de même, c'est vrai, des améliorations par rapport à la loi antérieure. Je pense que, notamment pour la fonction publique d'Etat, vous allez obtenir une réduction de la précarité, ce qui sera plutôt positif.

J'ai exprimé des regrets sur la fonction publique territoriale, je regrette qu'on ait évacué le problème des CES, mais cette loi a tout de même des aspects positifs. Espérons qu'il y aura d'autres possibilités d'améliorer encore les choses ! Par conséquent, nous nous abstiendrons sur ce texte, vu les quelques réserves que nous émettons, sans nous y opposer compte tenu des améliorations qu'il apporte à des gens qui, manifestement, en ont besoin, même si nous aurions souhaité un peu plus de souplesse et une loi peut-être un peu plus proche des préoccupations non seulement des contractuels mais aussi des employeurs dans les collectivités.

M. le président.

La parole est à M. François Colcombet.

M. François Colcombet.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, les socialistes soutiennent tout à fait cette loi, qu'ils trouvent parfaite. (Exclamations sur divers bancs.)

M. Georges Tron.

« Parfaite » !

M. François Colcombet.

Elle a été particulièrement bien élaborée, ne serait-ce que parce que le ministre est quelqu'un de tout à fait expérimenté...

M. Daniel Marcovitch.

C'est vrai !

M. François Colcombet.

... qui est passé par de grands ministères et qui a une expérience territoriale, ce qui montre d'ailleurs que l'alternance des différents mandats est quelque chose de très positif pour aborder un sujet comme celui-ci.

Monsieur le ministre, vous avez conclu un accord avec les principales organisations syndicales, comme l'avait fait autrefois M. Perben. Une seule organisation syndicale, la CGT, avait exprimé des réticences mais d'après ce que l'on peut savoir, elles ne portent que sur une partie de l'accord. En réalité, je crois qu'on peut dire très clairement que l'ensemble des personnes représentant la fonction publique sont d'accord avec ce que vous proposez.

En effet, 100 000 personnes, d'après les calculs qui ont été faits pourraient bénéficier de ces mesures contre, semble-t-il, seulement 55 000 après les accords Perben.

C'est donc un train de mesures tout à fait important, qui devrait règler pas mal de choses.

M. Pierre Cardo.

Surtout dans la fonction publique d'Etat !

M. François Colcombet.

Un autre aspect positif de ce texte est qu'il tente d'éviter que les situations précaires ne se reproduisent. Un certain nombre de dispositions vont dans ce sens, qui nous paraissent tout à fait positives.

M. Pierre Cardo.

Peut mieux faire !

M. François Colcombet.

Enfin, l'application des 35 heures dans la fonction publique territoriale est également quelque chose qu'il fallait aborder, et qui est abordé dans ce texte.

Bref, l'ensemble du projet nous paraît tout à fait positif.

Un mot, avant de terminer, sur les emplois-jeunes et un certain nombre de catégories qui jouent, on s'en aperçoit, un rôle de plus en plus important, notamment dans les collectivités territoriales. Il est évident qu'il faudra y travailler et en particulier que nous devrons collectivement trouver une façon élégante de mettre fin aux contrats des emplois-jeunes. C'est là un des prochains chantiers auxquels le Gouvernement, j'en suis persuadé, ne manquera pas de s'atteler.

En tout cas, cette loi a été menée à bien, elle nous paraît tout à fait positive et nous la voterons sans aucune hésitation. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Pierre Cardo.

La gauche n'est plus ce qu'elle était !

M. le président.

La parole est à M. Georges Tron.

M. Georges Tron.

Monsieur le président, j'ai du mal à prendre la parole après mon collègue Colcombet. Car mes propos, par définition, vont sembler ou ternes ou particulièrement désobligeants envers le ministre...

M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

Ils ne seront ni l'un, ni l'autre, rassurez-vous !

M. Georges Tron.

... puisque sa loi est parfaite, j'ignorais que ce fût possible.

Plusieurs députés du groupe socialiste.

Mais si, cela peut exister !

M. Georges Tron.

Avec un ministre parfait qui fait une loi parfaite, nous ne sommes plus au Parlement mais quasiment dans une académie.

Cela dit, monsieur le ministre, ne boudons pas notre plaisir. Lors de la première lecture, il était clair - vous l'aviez compris - que nous étions tous assez bien disposés à l'égard du texte que vous nous aviez présenté. Comme M. le rapporteur l'a rappelé, trois dispositions étaient effectivement au coeur des désaccords que nous entretenions avec le Sénat. La première concerne la durée de l'expérience requise lors de l'année de référence. J'ai déjà eu l'occasion de dire que nous ne nous calions pas sur la positions de la majorité sénatoriale, étant entendu que les autres conditions prévues par le texte nous semblaient de nature à permettre de manifester l'attachement à la collectivité du contractuel qui souhaite devenir fonctionnaire. C'est la rédaction de l'Assemblée qui a prévalu, et je trouve cela tout à fait positif, étant fidèle en cela aux positions que j'ai adoptées ici même il y a une dizaine ou une quinzaine de jours.

En ce qui concerne le second point de désaccord, il nous paraissait indispensable de laisser en effet une capacité de gestion aux maires des petites collectivités. J'ai eu l'occasion ce matin même, lors de la discussion d'une proposition de loi communiste visant à faciliter l'exercice des mandats de conseiller municipal et de maire, d'insister sur les difficultés que rencontreraient les maires des petites communes, celles de moins de 2 000 habitants, si on leur retirait la possibilité d'embaucher des contractuels à temps non complet. Nous avons choisi une position intermédiaire. Est-ce le juste milieu, est-ce le bon sens ? Je laisse à M. le rapporteur le soin de trouver l'expression qui lui convient. Quoi qu'il en soit, je n'irai pas à l'encontre de ce que la commission mixte paritaire a décidé.

Le troisième point de désaccord portait sur l'autonomie de décision des collectivités locales. Sur ce point, nous avons été entendus. J'avais souligné en commission et ici même, dans l'hémicycle, qu'il n'était pas indispensable de se référer à un décret. Cette disposition a été supprimé e.


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Le texte de la commission paritaire est donc un texte qui, dans ses grandes lignes, nous convient. Il ne me reste plus qu'à émettre quelques réserves, des réserves sur ce texte mais aussi des réserves d'ordre plus général.

Concernant le texte en question, je vais redire rapidement, puisque Pierre Cardo l'a fait parfaitement, que nous sommes soucieux de corriger ce déséquilibre qui existe entre la fonction publique d'Etat et la fonction publique territoriale quant aux conditions à satisfaire pour pouvoir bénéficier des mesures qu'il prévoit. Pour la fonction publique d'Etat, et bien qu'un décret doive définir les conditions d'application du dispositif, aucune restriction n'est requise, semble-t-il, pour les bénéficiaires.

Le recours à des examens professionnels est même possible pour certaines catégories. Tandis que, pour la fonction publique territoriale, le critère retenu est la carence, ou la rareté de l'organisation de concours. Ce critère nous paraît restrictif. Il exclut du cadre d'emploi de la filière administrative et technique une bonne partie de ceux qui souhaitent y postuler. Pierre Cardo l'a dit, je le redis dans les mêmes termes : il existe un déséquilibre entre les deux fonctions publiques.

Notre deuxième réserve concerne les emplois aidés.

Nous avons eu l'occasion, lors de l'examen du texte en 1997, d'insister sur le problème fondamental que constituent les conditions de sortie de ces emplois aidés - je pense en particulier aux emplois-jeunes. Aujourd'hui, à l'occasion de ce projet de loi, il eût sans doute été utile que le Gouvernement indiquât quelques pistes, pour que l'on sache comment il conçoit la sortie du dispositif. Cela n'a pas été le cas. Ni plus ni moins que Pierre Cardo, j'exprime à mon tour quelques inquiétudes à ce sujet.

Troisièmement, et j'ai pris le soin de demander à M. le rapporteur s'il me confirmait l'inclusion de ce dispositif dans le texte, je voudrais vous faire part de mes doutes, de mes questions, de mes interrogations - vous choisirez le mot qui vous convient - au sujet de cette disposition qui a été votée ici lors de la première lecture concernant les contrats à durée indéterminée dans la fonction publique qui sortent absolument de tout cadre statutaire.

M. Pierre Cardo.

C'est une nouvelle race d'emplois !

M. Georges Tron.

Comme je l'ai dit lors de la première lecture, cette disposition législative vise à régler quelques problèmes en suspens et qu'il faut certes régler, je n'en disconviens pas. Mais il reste qu'elle ouvre la porte à quelque chose qui, me semble-t-il, va à l'encontre de l'équité et du bon sens, et même à l'encontre de l'objectif que vous visez. Car il s'agit bien d'instaurer une nouvelle catégorie d'emplois dans la fonction publique, des emplois à durée indéterminée et qui pourront être rémunérés sur des bases antérieures à la titularisation.

Cela me paraît tout à fait préoccupant. Je le répète, je ne vois pas comment, demain, vous pourrez opposer une fin de non-recevoir à celles et ceux qui reprendront à l'appui de leur demande les arguments évoqués ici même par

M. le Déaut.

M. René Mangin.

Et par moi-même.

M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

Et aussi par M. Mangin !

M. Georges Tron.

En effet, M. Mangin a été très insistant sur le sujet, je n'ai pas oublié.

Au-delà du caractère géographique de cette disposition, je suis sincèrement convaincu que vous ouvrez une brèche, monsieur le ministre, dans laquelle vont rapidement s'engouffrer bien d'autres catégories que celles auxquelles vous avez initialement pensé. Cela me paraît tout à fait préoccupant.

Dernière remarque sur ce texte, avant deux ou trois autres d'ordre plus général, j'ai entendu avec attention les observations faites en première lecture par M. le ministre et M. le rapporteur sur les dispositions qui concernent les élections municipales. Je crois pour ma part qu'il eût été utile d'adopter quelques-uns des amendements que nous avions proposés en première lecture, mais la commission mixte paritaire ne s'est pas penchée sur ce problème. Je pense, en particulier, à un amendement qui me paraissait de bon sens, puisqu'il visait à préciser que le dispositif voté entrerait en application dès les prochaines élections municipales. Je ne suis pas convaincu que, demain, certains maires qui se représenteront - et nous serons un certain nombre dans ce cas - ne rencontreront pas quelques problèmes. Nous n'aurons alors qu'à nous en prendre à nous-mêmes.

En conclusion, monsieur le ministre, comme nous l'avons dit en première lecture, nous allons voter le texte que vous nous proposez puisque, je le répète, la commission mixte paritaire est allée dans le sens des remarques ou des réserves que j'avais émises en première lecture.

Comment pourrais-je dire aujourd'hui l'inverse de ce que j'avais dit il y a quelques semaines ? Je considère toutefois que ce texte est un élément positif d'une politique de la fonction publique qui, à bien d'autres égards, nous préoccupe. Je vous l'ai dit lors de la première lecture, bien des dispositions figurant dans ce texte sont des dispositions auxquelles nous pourrions souscrire sans difficulté, mais il n'y a pas, nous semblet-il, de cohérence entre ce qui se fait et se dit au niveau du Gouvernement et les intentions que vous affichez. Ce texte vise à résorber la précarité dans la fonction publique. C'est très bien. Nous y sommes tout à fait favorables. Mais comment ne pas déplorer que, alors même que vous êtes le premier à dire, monsieur le ministre, et de façon régulière, dans toutes les tribunes qui vous sont offertes, que vous ne connaissez pas exactement le nombre de fonctionnaires qui appartiennent à la fonction publique d'Etat...

M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

Nous progressons !

M. Georges Tron.

Vous progressez, mais vous êtes encore loin du compte ! Alors même, disais-je, que vous affirmez régulièrement ignorer le nombre de fonctionnaires aujourd'hui rémunérés par l'Etat -, ou alors vous ne le savez que deux ans après -, alors même que vous créez un outil, l'observatoire de la fonction publique, que nous avons approuvé, alors même que vous mettez en place une politique de gestion qui va, bien entendu, dans le bon sens, comment ne pas être stupéfait, je l'ai dit et je le redis, devant les déclarations de tel ou tel de vos collègues qui, avant même que nous ayons eu la possibilité d'étudier les conclusions de cet observatoire, annonce p our les prochaines années une politique de forte embauche dans la fonction publique ? Nous serions dans la séance des questions d'actualité, nous serions cinq cents dans cet hémicycle (Murmures sur ces bancs du groupe socialiste), vous nous feriez votre couplet habituel que vous savez si bien faire, et avec quel talent, en nous disant : vous qui, sur ces bancs, ne manquez pas une occasion de taper sur la fonction publique, etc. Comme vous le savez, parce que je sais que vous nous écoutez, ce n'est pas du tout ce dont il s'agit. Nous vous disons simplement : soyez cohérent, monsieur le ministre. Vous mettez en place des outils pour essayer de résoudre les problèmes qui se posent à la fonction publique. Comment voulez-vous que nous vous croyions


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et que nous vous entendions si, au moment même où vous faites ces effets d'annonce, certains de vos collègues contredisent en fait tout ce que vous indiquez ? C'est la raison pour laquelle, je le répète, ce texte n'est qu'un élément de l'ensemble de la politique de la fonction publique. Il serait grand temps que l'ensemble du Gouvernement mette en cohérence ses intentions et sa pratique réelle.

M. le président.

La parole est à M. Patrick Braouezec.

M. Patrick Braouezec.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, après un premier examen au sein des deux Chambres sur le projet de loi relatif à la résorption de l'emploi précaire dans la fonction publique, il n'aura fallu que quelques heures pour qu'aboutisse la commission mixte paritaire, dans un climat très consensuel mais pas unanime. En effet, mon collègue et ami Jean Vila a confirmé lors de la CMP le vote d'abstention que les députés communistes avaient émis le 30 novembre dernier.

Certes, nous l'avons dit, et je le répète aujourd'hui, les dispositions contenues dans le projet de loi constituent une avancée certaine en ce qui concerne son champ d'application, mais nous ne pouvons masquer le fait que ces mesures pèchent par leur manque d'ambition.

Depuis des années, nous sommes amenés à faire le même constat : les données chiffrées de la précarité dans la fonction publique, même si elles sont à manier avec la plus grande prudence, restent préoccupantes, voire alarmantes, avec une spécificité très marquée pour la fonction publique territoriale.

Dans ces conditions, tenant compte de l'expérience et de l'inefficacité de l'application du dispositif de 1996, né de l'application de la loi dite Perben, nous aurions pu, nous aurions dû, partir d'une réelle évaluation des besoins pour envisager dans les meilleures conditions les moyens de nature à les satisfaire.

M. Pierre Cardo.

Eh oui !

M. Patrick Braouezec.

C'est le choix inverse qui a été fait, et force est de constater que l'enveloppe budgétaire qui a été votée pour 2001 ne permettra ni de mener à bien cette réforme, ni d'envisager la réduction du temps de travail avec création d'emplois, ni de procéder au nécessaire renouvellement des effectifs dû au départ à la retraite de près de 45 % des agents dans les douze prochaines années, ni de revaloriser décemment les salaires.

M. Pierre Cardo.

Comme c'est bien dit !

M. Patrick Braouezec.

Nous le regrettons d'autant plus que les amendements que notre groupe avait déposés en première lecture pour faire avancer les choses, notamment en ouvrant le champ d'application du dispositif aux emplois-jeunes, à tous les emplois aidés, aux précaires des établissements publics industriels et commerciaux, de La Poste, de France Télécom, tous ces amendements ont été rejetés.

Nombreuses sont les organisations syndicales qui, bien que signataires du protocole d'accord du 10 juillet dernier, ne nous ont pas caché leur déception face au contenu minimal de ce projet.

Si leur volonté d'accompagner un processus a été forte, comme elle l'avait été en 1996, nous savons tous ici que l'aspiration des fonctionnaires à des changements profonds et à des moyens conséquents pour répondre aux besoins d'un service public moderne ne s'en trouve pas moins affaiblie.

Au regard de ces observations, et pour ne pas être trop long, je vous confirme que le groupe communiste s'abstiendra sur ce projet de loi.

M. le président.

La parole est à M. Emile Blessig.

M. Emile Blessig.

Monsieur le président, monsieur le ministre, le texte que nous examinons aujourd'hui a donné lieu à un accord de la commission mixte paritaire.

S'il est toujours regrettable d'avoir à légiférer dans l'urgence, cet accord porte sur un texte dont l'objectif n'est pas contestable, dès lors qu'il cherche à mettre fin à des situations d'inégalité entre agents publics, non justifiées par des différences de situation ou par l'intérêt général.

La discussion parlementaire a permis d'améliorer le dispositif proposé, même si le champ était limité de facto par le champ du protocole d'accord et même si la commission mixte paritaire n'a pas pu procéder à tous les aménagements souhaitables.

Au nombre des points positifs, je citerai, notamment, la validation de l'expérience professionnelle non seulement pour l'accès aux concours réservés, mais aussi pour les examens professionnels, ainsi que l'élargissement de la possibilité de cumul entre activités publiques et activités privées. Toutefois, on peut craindre que les voies de titularisation prévues ne restent largement théoriques pour les agents à temps partiel les plus anciens, notamment dans le secteur de l'enseignement. En effet, les conditions mêmes imposées aux agents non titulaires recrutés à t emps partiel, tels que les vacataires recrutés sur 200 heures à l'année, ne leur permettront que très difficilement de remplir les conditions d'ancienneté prévues par la loi. Il faut aussi, à cet égard, regretter l'absence d'un dispositif d'accompagnement concernant les pensions de retraite de ces agents les plus anciens.

Par ailleurs, la commission mixte paritaire a permis, en partie, de prendre en compte la nécessaire souplesse de la gestion dans les petites communes, du moins pour celles de moins de mille habitants, qui pourront recruter des agents contractuels pour une durée qui n'excède pas la moitié de celles des agents publics à temps complet.

Toujours au titre des points positifs, je mentionnerai aussi la clarification attendue du cadre juridique encadrant la communication en période électorale, avec la possibilité pour les maires sortants de faire état de leur bilan de gestion.

Malheureusement, les articles introduits par le Sénat pour répondre à certaines des attentes des sapeurspompiers, aussi anciennes que légitimes, ont été retirés du texte. Nous le regrettons.

M. Pierre Cardo.

Oui, c'est dommage !

M. Emile Blessig.

Par ailleurs, je tiens à mentionner des problèmes dont l'enjeu est important, qui ne sont pas réglés par le projet de loi, mais qui appellent - et parfois dans l'urgence - une réponse du Gouvernement et la définition d'une véritable démarche ambitieuse et cohérente, dont bénéficieront tant le service public que l'ensemble des agents qui y concourent, quel que soit leur statut.

Tout d'abord, je mentionnerai un point particulier mais d'importance : il s'agit des difficultés rencontrées par les personnels des CFA, et des CFPPA. En effet, plus de 50 % de ces agents ont été recrutés sous contrat à durée indéterminée, ce qui les exclut du champ d'application du projet de loi.

A titre d'exemple, alors que les maîtres-auxiliaires se voient proposer, grâce à ce texte, la titularisation sur simple examen professionnel avec maintien de leur


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ancienneté, les 350 enseignants contractuels des CFA de ma région, l'Alsace, qui exercent les mêmes fonctions, doivent passer un concours réservé et doivent accepter de perdre la moitié de leur ancienneté pour être titularisés, ce qui a des incidences extrêmement importantes sur leurs revenus. C'est là une situation injuste.

En raison de l'urgence déclarée par le Gouvernement et du stade atteint par la discussion parlementaire, le Gouvernement pourrait peut-être proposer de régler ce problème par voie d'amendement. A défaut, je tiens à appeler l'attention de M. le ministre sur cet enjeu, afin qu'il s'engage à régler dans les plus brefs délais la situation problématique des personnels des CFA et des CFPPA, qui est source d'insécurité juridique et d'inégalité de traitement.

De manière plus générale, l'objectif, louable, de résorption de l'emploi précaire dans les différentes fonctions publiques, ne met pas fin au recrutement de nontitulaires, ce qui serait d'ailleurs irréaliste.

Dès lors, l'ouverture de nouvelles voies de titularisation ne saurait décharger le Gouvernement de la responsabilité d'offrir aux non-titulaires un minimum de stabilité ainsi que toutes les garanties en termes de protection des droits sociaux comme de formation. Autrement dit, les efforts affichés en matière de résorption de la précarité dans la fonction publique, ne doivent pas masquer une dégradation des conditions d'emplois des non-titulaires. Je pense en particulier aux salariés qui sont employés par des établissements publics industriels et commerciaux, tels que La Poste, mais aussi aux 230 000 contrats aidés et aux 80 000 emplois-jeunes dans le secteur public, dont la situation juridique n'est pas sans poser de réels problèmes, notamment quant à leurs droits sociaux et à leur formation.

Au-delà du champ du protocole d'accord conclu le 10 juillet dernier, il appartient donc au Gouvernement de mettre fin à toutes les situations d'inégalité entre agents travaillant au service public, quel que soit leur statut, dès lors qu'elles ne sont pas justifiées par des différences de situation ou par l'intérêt général.

De manière plus ambitieuse, il lui revient aussi de mener une véritable réflexion sur la notion de travail au service du public et sur l'adéquation du statut aux objectifs du service public, pour mieux répondre aux attentes des citoyens comme aux aspirations des agents.

Or en replaçant ce projet de loi dans le contexte plus large de l'action gouvernementale, on ne peut que déplorer le manque d'ambition et les insuffisances de la nécessaire modernisation du secteur public.

A cet égard, la voie d'avenir n'est certainement pas dans la défense du dogme d'unicité du statut, justifiée au nom de l'efficacité du service public mais au prix d'une confusion avec le statut de ceux qui l'assurent et parfois au détriment du service rendu au public.

En témoignent, par exemple, un parcours professionnel qui reste pensé de manière trop rigide et uniforme, les freins à la mobilité interne comme le manque de passerelles entre les fonctions publiques et le manque d'ouverture de celles-ci sur le secteur privé, et l'insuffisante ouverture de la fonction publique territoriale, ce qui fait que le statut de la fonction publique s'apparente encore trop à un véritable carcan.

Dans ce contexte, l'urgence est d'admettre que l'adéquation « défense du statut égale défense du service public » est devenue obsolète, au détriment de la qualité même de ce service comme des perspectives offertes aux agents qui y concourent.

Dans les faits, monsieur le ministre, le retard de la France en matière de gestion et des fonctions publiques se creuse, alors que la plupart des autres démocraties ses ont lancées dans de profondes réformes. A titre d'exemple, le ministre Bassanini a entrepris, en Italie, une vaste réforme en 1997, au-delà de mesures partielles ou sectorielles. Les principes directeurs qui ont prévalu méritent qu'on s'y attarde : volonté claire de décentralisation définie sur le mode de la subsidiarité, principes d'efficience et d'efficacité, modification du rapport des fonctionnaires à leur travail avec suivi des performances, lien entre résultats obtenus et rémunérations, responsabilisation des agents.

Décentralisation, responsabilisation, contrôles d'efficience : voilà autant de pistes pour réformer la fonction publique française et nous mettre à l'heure européenne.

Dans notre pays, le renoncement à toute réforme un tant soit peu audacieuse risque de renforcer les dysfonctionnements au détriment des usagers du service public.

Le groupe UDF, tenant compte de l'accord intervenu au CMP, ne s'opposera pas à ce texte, tout en appelant le Gouvernement à se pencher sur les problèmes que le présent projet de loi ne permettra pas de résoudre.

M. le président.

La discussion générale est close.

La parole est à M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

Monsieur le président, je vais tenter, dans le cadre d'une discussion qui a été bien organisée par la conférence des présidents, d'apporter quelques commentaires et de fournir des réponses aux questions qui m'ont été posées par les uns et par les autres.

D'abord, mesdames, messieurs les députés, je tiens à vous exprimer ma reconnaissance d'avoir su travailler dans des conditions très contraignantes en termes de temps. Comme je l'ai déjà souligné en première lecture, ici et au Sénat, la déclaration d'urgence, l'inscription très rapide du texte d'abord au Sénat, puis à l'Assemblée n ationale, et son retour non moins rapide devant l'Assemblée nationale, puis devant le Sénat, ont été autant d'éléments qui ont constitué pour vous une sorte de carcan. Pour autant, cela ne vous a pas empêché de travailler au fond, de discuter de manière très précise et très efficace avec les sénateurs au sein de la commission mixte paritaire. Je vous remercie d'avoir compris la nécessité de cette urgence due à la nécessité de remplacer le plan qui vient à échéance la semaine prochaine par un autre plan et de mettre en oeuvre le plus rapidement possible les mesures de modernisation du recrutement. Ce travail était nécessaire, et je vous remercie de l'avoir fait dans la bonne humeur et avec une grande efficacité.

Je vous confirme, bien entendu, l'accord sans réserve du Gouvernement sur le texte élaboré par la commission mixte paritaire. Cela n'est tout de même pas si courant que les parlementaires des deux assemblées parviennent à un accord en CMP.

M. Jean-Yves Caullet, rapporteur.

C'est vrai ! Quoique,... Il y a tout de même eu deux accords en deux jours ! M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

En revanche, il est plus habituel que le Gouvernement apporte son soutien aux textes élaborés en CMP.

Bref, je tenais à souligner qu'il y avait eu accord et remercier le Parlement dans son ensemble pour le travail accompli.


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Je ne reviendrai pas, bien entendu, sur les dispositions principales et, en particulier, sur le compromis qui a été trouvé au sein de la commission mixte paritaire et qui laisse aux communes de moins de 2 000 habitants la possibilité de recruter des agents contractuels sur des temps non complets. Il s'agit d'une disposition qui a été très discutée ici, et surtout au Sénat. Au bout du compte, vous avez réussi à faire reculer le recours aux emplois précaires dans ces collectivités territoriales, tout en tenant compte de certaines spécificités dues à leur petite taille et souvent aussi à la nécessité d'employer des agents à temps non complet.

Je ferai maintenant quelques commentaires sur les aspects de ce texte qui ont nourri aussi bien l'intervention du rapporteur que celles des intervenants.

D'abord, M. Cardo et M. Braouezec ont fait remarquer que certaines catégories d'emplois, tant dans la fonct ion publique territoriale que dans celle de l'Etat, n'étaient pas concernées. Nous le savons depuis le début, puisque, dès la signature de l'accord avec les organisationss yndicales, ces catégories d'emplois n'étaient pas comprises dans le plan de titularisation. Du reste, ces catégories d'emplois comme d'autres catégories de même nature n'ont jamais été concernées par aucun des plans de titularisation, car elles sont considérées comme étant d'une tout autre nature que celle des emplois des agents des fonctions publiques, d'Etat, territoriale ou hospitalière, et, par conséquent, comme devant faire l'objet d'examens et de solutions différentes. Pour autant, cela ne signifie pas que nous ne nous intéressons pas, en particulier en ce moment, au devenir des emplois-jeunes, des CES, des CEC et autres emplois, qui sont d'une très grande utilité dans la lutte contre la précarité et qui permettent d'offrir des services nouveaux et de mobiliser des énergies pour assurer les services publics.

M. Pierre Cardo.

Les titulaires desdits emplois seront intéressés de le savoir ! M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

Oui, mais il ne s'agit pas d'une nouveauté.

Une disposition qui a également donné lieu aussi à de longues discussions concerne l'application de réduction du temps de travail dans les collectivités territoriales. Je tiens à souligner que je suis d'accord avec les dispositions adoptées par la CMP et qui sont d'ailleurs celles qui avaient été votées par l'Assemblée.

Cela dit, les choses ne sont jamais si simples qu'elles en ont l'air. Nous souhaitons, vous souhaitez dans votre majorité, que les 35 heures s'appliquent à l'ensemble de la société française, quelle que soit la nature juridique de l'emploi, c'est-à-dire qu'elles s'appliquent aussi bien aux entreprises privées, petites ou grandes, qu'aux fonctions publiques, d'Etat ou territoriale.

M. Georges Tron.

Il ne faut tout de même pas aller trop loin ! M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

On peut discuter sur le principe du passage aux 35 heures - ce que je comprends tout à fait -, mais je considère qu'il serait tout à fait anormal que certaines catégories de Français soient exclues du dispositif alors que d'autres pourraient en bénéficier.

M. Georges Tron.

Ce n'est pas ce que nous avons dit ! M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

Il est donc nécessaire qu'il y ait, non une uniformité, mais une cohérence dans l'ensemble de la société française quant aux modalités de passage aux 35 heures, en particulier dans la fonction publique.

S'agissant des collectivités territoriales, il faut par ailleurs respecter à la fois le principe d'autonomie de gestion des collectivités et celui de réalité, à savoir la diversité de ces collectivités. On ne fait pas de la même manière dans une campagne ou dans une ville, dans une grande collectivité ou dans une petite.

A l'évidence, le cadre auquel il est fait allusion est un cadre général, mais qui n'empêchera pas les collectivités territoriales de mettre ensuite en place, comme par le passé, des dispositifs spécifiques dès lors qu'ils ne sortiront pas des limites du cadre général fixé par l'Etat et celui-ci s'imposera à lui-même.

Nous sommes dans un dispositif de même nature que celui de la loi Aubry, qui fixe un cadre général pouvant faire l'objet de dispositions plus particulières par branche ou par entreprise. Autrement dit, le dispositif général qui va être mis en place pourra faire l'objet de dispositions plus particulières pour l'Etat, pour les collectivités territoriales et, au sein de ces dernières, pour chacune d'entre elles.

C'est ce mariage entre un cadre assez homogène et des dispositions spécifiques qui fait la particularité de l'aménagement et de la réduction du temps de travail dans la société française.

Monsieur Cardo et monsieur Tron, je ne voudrais pas laisser s'accréditer l'idée selon laquelle le dispositif de titularisation serait plus favorable dans la fonction publique d'Etat que dans celle des collectivités territoriales.

M. Georges Tron.

C'est facile ! M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

Je vois bien ce à quoi vous faites allusion, mais sachez que ce n'est pas le cas. Les dispositions sont du même ordre pour l'Etat et les collectivités territoriales.

D'ailleurs, elles se déclinent de manière parallèle.

La grande différence, c'est que l'Etat se fait obligation à lui-même de titulariser, alors qu'il laisse aux collectivités territoriales la possibilité de le faire, respectueux qu'il est de leur autonomie. Et s'il y a une différence, qui peut parfois être perçue comme une inégalité de traitement, c'est que l'Etat procédera à la titularisation, alors que les collectivités territoriales ne le feront que si elles le souhaitent et que si elles le votent.

M. Georges Tron.

Les conditions ne sont pas les mêmes ! M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

Globalement, les conditions sont identiques dans un cas et dans l'autre.

D'ailleurs, quand on regarde l'application du précédent plan, le plan Perben, on s'aperçoit que, grosso modo, il a été appliqué par l'Etat conformément à ce qui avait été prévu - même si, à notre sens, le plan était trop restrictif -, alors que les collectivités territoriales ont eu beaucoup plus de mal à le mettre en oeuvre.

C'est là que se situe le plus grand risque d'inégalité. Je tiens à en rendre conscient chacun des élus locaux, ici et en dehors de cet hémicycle.

M. Georges Tron.

Il y a tout de même des conditions différentes ! M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

Vous m'avez demandé, monsieur le rapporteur, de vous préciser deux points. Je vais vous répondre.

Le Sénat avait souhaité introduire dans le texte des dispositions favorables aux sapeurs-pompiers, compte tenu des certains problèmes qui peuvent se poser. Vous avez


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discuté de ces dispositions ici même et en commission mixte paritaire, pour, finalement, ne pas les retenir. Toutefois, je vous confirme qu'un projet de loi relatif à la démocratie locale, qui sera présenté en conseil des ministres au printemps, contiendra un ensemble de dispositions relatives à la situation des sapeurs-pompiers.

M. Bernard Roman, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

Très bien ! M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

Vous pourrez trouver dans ce dispositif des dispositions de même nature que celles que vous n'avez pas souhaité inclure dans le présent texte.

Je vous confirme également que les tickets-restaurant relèvent, à l'évidence, de l'action sociale. Sinon, je serais très inquiet pour la commune d'Argenton-sur-Creuse, qui a adopté ce système.

(Sourires.)

M. Georges Tron.

Quid des contrats à durée indéterminée ? M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

Nous avons déjà eu un débat sur ce thème l'autre jour.

M. Georges Tron.

Nous en reparlerons ! M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

Je crois l'avoir résumé en disant qu'une petite inégalité permettait de réparer...

M. Georges Tron.

Une grande bêtise ! M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

... une grande injustice. Je m'arrêterai là.

M. Georges Tron.

Nous aurons l'occasion d'en reparler ! M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

Ce texte n'est pas destiné à régler tous les problèmes de la fonction publique. Il a pour objet de n'en régler que certains. Du reste, ce n'est pas le seul texte sur le sujet ; d'autres dispositifs existent ou sont en train d'être élaborés.

Imaginez ce dispositif tel que vous allez l'adopter, avec en particulier toutes les dispositions relatives à la modernisation du recrutement. Imaginez l'Observatoire de l'emploi public tel que nous l'avons mis en place et qui permettra d'aboutir à une connaissance statistique précise de l'état des choses et d'envisager l'évolution à suivre pour les années qui viennent. Imaginez la réforme de l'ordonnance de 1959, sur laquelle vous avez commencé à travailler et qui, je l'espère, pourra être adoptée par le Parlement dans les prochains mois. Eh bien, vous verrez que cet ensemble est cohérent et fort, et qu'il ne s'agit pas seulement de modernisation et de transparence, mais qu'il s'agit aussi d'efficacité afin de nous permettre de relever tous ensemble cet énorme défi qui consistera à renouveler 50 % des effectifs des fonctions publiques dans les douze prochaines années sans pour autant réduire les moyens et la qualité des services publics. C'est aussi ce à quoi concourt ce projet et je vous remercie de l'adopter. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.) Texte de la commission mixte paritaire

M. le président.

Je donne lecture du texte de la commission mixte paritaire :

TITRE Ier

DISPOSITIONS RELATIVES À LA RÉSORPTION DE L'EMPLOI PRÉCAIRE C HAPITRE Ier Dispositions concernant la fonction publique de l'Etat

« Art.

1er I. - Par dérogation à l'article 19 de la loi no 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, et sous réserve des dispositions de l'article 2 ci-dessous, peuvent être ouverts, pour une durée maximum de cinq ans à compter de la date de publication de la présente loi, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat, des concours réservés aux candidats remplissant les conditions suivantes :

« 1o Justifier avoir eu, pendant au moins quatre mois au cours de la période de douze mois précédant la date du 10 juillet 2000, la qualité d'agent non titulaire de droit public de l'Etat ou des établissements publics locaux d'enseignement, recruté à titre temporaire et ayant exercé des missions dévolues aux agents titulaires ;

« 2o Avoir été, durant la période de quatre mois définie au 1o , en fonctions ou avoir bénéficié d'un congé en application du décret pris sur le fondement de l'article 7 de la loi no 84-16 du 11 janvier 1984 précitée ;

« 3o Justifier, au plus tard à la date de nomination dans le corps, des titres ou diplômes requis des candidats au concours externe d'accès au corps concerné ou, pour l'accès aux corps d'enseignement des disciplines technologiques et professionnelles, des candidats au concours interne. Les candidats peuvent obtenir la reconnaissance de leur expérience professionnelle en équivalence des conditions de titres ou diplômes requises pour se présenter aux concours prévus par le présent article. Un décret en Conseil d'État précise la durée de l'expérience professionnelle prise en compte en fonction de la nature et du niveau des titres ou diplômes requis ;

« 4o Justifier, au plus tard à la date de clôture des inscriptions au concours, d'une durée de services publics effectifs au moins égale à trois ans d'équivalent temps plein au cours des huit dernières années.

« II. Peuvent également être ouverts, pendant une durée maximum de cinq ans à compter de la date de publication de la présente loi, des concours réservés aux candidats, recrutés à titre temporaire et ayant exercé des missions dévolues aux agents titulaires, qui satisfont aux conditions fixées aux 2o , 3o et 4o du I et remplissent l'une des conditions suivantes :

« justifier avoir eu, pendant la période définie au 1o du I, la qualité d'agent non titulaire de droit public des établissements publics de l'Etat, autres que les établissements publics locaux d'enseignement et que ceux à caractère industriel et commercial, mentionnés à l'article 2 de la loi no 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

« justifier avoir eu, pendant la même période, la qualité d'agent non titulaire des établissements d'enseignement figurant sur la liste prévue à l'article 3 de la loi no 90-588 du 6 juillet 1990 portant création de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger.

« Les fonctions exercées par les intéressés doivent correspondre à des emplois autres que ceux mentionnés à l'article 3 de la loi no 84-16 du 11 janvier 1984 précitée


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ou que ceux prévus par toute autre disposition législative excluant l'application du principe énoncé à l'article 3 de la loi no 83-634 du 13 juillet 1983 précitée.

« III. Les concours réservés prévus aux I et II sont organisés pour l'accès à des corps de fonctionnaires dont les statuts particuliers prévoient un recrutement par la voie externe. En outre, les corps d'accueil de catégorie A concernés sont ceux mentionnés à l'article 80 de la loi no 84-16 du 11 janvier 1984 précitée.

« Pendant une durée maximum de cinq ans à compter de la date de publication de la présente loi, l'accès des candidats remplissant les conditions fixées au I aux corps de fonctionnaires de l'Etat classés dans la catégorie C prévue à l'article 29 de la loi no 84-16 du 11 janvier 1984 précitée peut se faire, sans préjudice des dispositions prévues à l'article 12 ci-dessous, par la voie d'examens professionnels, selon des modalités déterminées par décret en Conseil d'Etat.

« Les candidats ne peuvent se présenter qu'aux concours ou examens professionnels prévus par le présent article donnant accès aux corps de fonctionnaires dont les missions, telles qu'elles sont définies par les statuts particuliers desdits corps, relèvent d'un niveau de catégorie au plus égal à celui des fonctions qu'ils ont exercées pendant une durée de trois ans au cours de la période de huit ans prévue au 4o du I. »

« Art.

2. Pendant une durée maximum de cinq ans à compter de la date de publication de la présente loi, les candidats qui remplissaient les conditions fixées aux articles 1er et 2 de la loi no 96-1093 du 16 décembre 1996 relative à l'emploi dans la fonction publique et à diverses mesures d'ordre statutaire et qui exerçaient des fonctions autres que celles du niveau de la catégorie C peuvent accéder à un corps de fonctionnaires, par voie d'examen professionnel, selon les modalités définies par décret en Conseil d'État. Toutefois, pour l'application du présent article, les conditions fixées aux articles 1er et 2 de la loi no 96-1093 du 16 décembre 1996 précitée s'apprécient à la date du 16 décembre 2000.

« Les candidats mentionnés à l'alinéa précédent doivent en outre remplir les conditions suivantes :

« 1o Satisfaire aux conditions fixées aux 1o et 2o du I de l'article 1er de la présente loi ;

« 2o Justifier d'une durée de services publics effectifs complémentaire qui sera fixée par décret en Conseil d'Etat. »

« Art.

2 bis. Les agents non titulaires mentionnés aux articles 1er et 2 de la présente loi, qui participent aux missions du service public de formation continue, ainsi que de formation et d'insertion professionnelles, dont les activités sont transférées à un groupement d'intérêt publ ic constitué en application de l'article L.

423-1 du code de l'éducation, conservent le bénéfice des dispositions prévues auxdits articles. Les services accomplis par les intéressés après le transfert des activités sont retenus pour le calcul des conditions d'ancienneté prévues aux 1o et 4o de l'article 1er et à l'article 2 de la présente loi. »

C HAPITRE II Dispositions concernant la fonction publique territoriale

« Art.

3. Par dérogation à l'article 36 de la loi no 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, et pour une durée maximum de cinq ans à compter de la date de publication de la présente loi, les agents non titulaires des collectivités territoriales ou des établissements publics en relevant exerçant des fonctions correspondant à celles définies par les statuts particuliers des cadres d'emplois peuvent, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, être nommés dans un cadre d'emplois de la fonction publique territoriale, selon les modalités fixées aux articles 4 et 5 ci-dessous, sous réserve qu'ils remplissent les conditions suivantes :

« 1o Justifier avoir eu, pendant au moins quatre mois au cours des douze mois précédant la date du 10 juillet 2000, la qualité d'agent non titulaire recruté en application de l'article 3 de la loi no 84-53 du 26 janvier 1984 précitée ;

« 2o Avoir été, durant la période définie au 1o , en fonctions ou avoir bénéficié d'un congé en application du décret pris pour l'application de l'article 136 de la loi no 84-53du 26 janvier 1984 précitée ;

« 3o Justifier, au plus tard à la date de la proposition de nomination dans le cadre d'emplois pour les agents relevant de l'article 4, ou au plus tard à la date de la clôture des inscriptions aux concours pour les agents relevant de l'article 5, des titres ou diplômes requis des candidats au concours externe d'accès au cadre d'emplois concerné. Les intéressés peuvent obtenir la reconnaissance de leur expérience professionnelle en équivalence des conditions de titres ou diplômes requises pour se présenter aux concours prévus par le présent article. Un décret en Conseil d'État précise la durée de l'expérience professionnelle prise en compte en fonction de la nature et du niveau des titres ou diplômes requis ;

« 4o Justifier, au plus tard à la date de la proposition de nomination dans le cadre d'emplois pour les agents relevant de l'article 4, ou au plus tard à la date de la clôture des inscriptions aux concours pour les agents relevant de l'article 5, d'une durée de services publics effectifs au moins égale à trois ans d'équivalent temps plein au cours des huit dernières années.

« Pour l'appréciation de cette dernière condition, les périodes de travail à temps non complet correspondant à une durée supérieure ou égale au mi-temps sont assimilées à des périodes à temps plein, les autres périodes de travail à temps non complet sont assimilées aux trois quarts du temps plein.

« Les cadres d'emplois ou, le cas échéant, les grades ou spécialités concernés par les dispositions du présent chapitre sont ceux au profit desquels sont intervenues des mesures statutaires prévues par le protocole d'accord du 9 février 1990 sur la rénovation de la grille des classifications et des rémunérations des trois fonctions publiques, ainsi que ceux relevant des dispositions de la loi no 961093 du 16 décembre 1996 précitée. »

« Art.

4. Les agents non titulaires remplissant les conditions énumérées à l'article 3 et qui ont été recrutés après le 27 janvier 1984 peuvent accéder par voie d'intégration directe au cadre d'emplois dont les fonctions correspondent à celles au titre desquelles ils ont été recrutés et qu'ils ont exercées pendant la durée prévue au 4o de l'article 3, dans la collectivité ou l'établissement dans lequel ils sont affectés, sous réserve de remplir l'une des conditions suivantes :

« 1o Avoir été recrutés avant la date d'ouverture du premier concours d'accès audit cadre d'emplois organisé, dans le ressort de l'autorité organisatrice dont ils relèvent, en application des dispositions de l'article 36 de la loi no 84-53 du 26 janvier 1984 précitée ;


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 14 DÉCEMBRE 2000

« 2o Ou avoir été recrutés au plus tard le 14 mai 1996 lorsque, à la date de leur recrutement, les fonctions qu'ils exerçaient correspondaient à celles définies par le statut particulier d'un cadre d'emplois pour lequel un seul concours a été organisé, dans le ressort de l'autorité organisatrice dont ils relèvent, en application des dispositions de l'article 36 de la loi no 84-53 du 26 janvier 1984 précitée.

« Le cas échéant, il peut être tenu compte pour apprécier la condition d'ancienneté mentionnée au 4o de l'article 3 de la présente loi de la durée des contrats effectués pour le compte de la collectivité ou de l'établissement public précédents.

« Les agents concernés par les dispositions du présent article disposent d'un délai de douze mois à compter de la notification de la proposition qui leur est faite pour se prononcer sur celle-ci. »

« Art.

5. Les agents non titulaires remplissant les conditions énumérées à l'article 3 et qui ont été recrutés après le 14 mai 1996 peuvent se présenter à des concours réservés organisés pendant une période de cinq ans à compter de la date de publication de la présente loi à condition d'exercer, à la date de leur recrutement, des fonctions qui correspondent à celles définies par les statuts particuliers des cadres d'emplois pour lesquels un seul concours a été organisé, dans le ressort de l'autorité organisatrice dont ils relèvent, en application des dispositions de l'article 36 de la loi no 84-53 du 26 janvier 1984 précitée.

« Les intéressés doivent avoir exercé les fonctions définies au premier alinéa pendant la durée prévue au 4o de l'article 3 de la présente loi. Le cas échéant, il peut être tenu compte de la durée des contrats effectués pour le compte de la collectivité ou de l'établissement précédents.

« Les concours réservés donnent lieu à l'établissement de listes d'aptitude classant par ordre alphabétique les candidats déclarés aptes par le jury.

« L'inscription sur une liste d'aptitude ne vaut pas recrutement.

« Tout candidat déclaré apte depuis moins de deux ans peut être nommé dans un des cadres d'emplois auxquels le concours réservé donne accès, dans les conditions fixées par la dernière phrase du quatrième alinéa de l'article 44 de la loi no 84-53 du 26 janvier 1984 précitée nonobstant le délai mentionné au premier alinéa de l'article 3 de la présente loi.

« II. Supprimé. »

« Art.

5 bis A. Pour les agents non titulaires recrutés dans une commune pour exercer des fonctions correspondant à celles définies par le statut particulier d'un cadre d'emplois et qui sont affectés dans un établissement public de coopération intercommunale, en raison d'un transfert de compétences de la commune vers cet établissement public, à des fonctions correspondant au m ême cadre d'emplois, les conditions requises aux articles 3 à 5 s'apprécient sans préjudice de ce changement d'affectation. »

....................................................................

« Art.

5 ter. Les personnels bénéficiant d'un contrat de travail à la date de promulgation de la présente loi avec une association, qui a été créée ou qui a succédé par évolution statutaire, transformation ou reprise d'activité à une association qui avait été créée avant le 31 décembre de l'année au titre de laquelle les transferts de compétences prévus par la loi no 82-213 du 2 mars 1982 modifiée relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions, par la loi no 83-8 du 7 janvier 1983 relative à la répartition de compétences entre les communes, les départements, les régions et l'Etat et par la loi no 83-663 du 22 juillet 1983 complétant la loi no 83-8 du 7 janvier 1983 précitée ont pris effet dans le domaine d'activité dont relève cette association et dont l'objet et les moyens sont transférés dans leur intégralité à une collectivité territoriale, à un établissement public de coopération intercommunale ou à un syndicat mixte, peuvent être recrutés par cette collectivité ou cet établissement, en qualité d'agent non titulaire, pour la gestion d'un service public administratif.

« Les agents non titulaires ainsi recrutés peuvent conserver le bénéfice des stipulations de leur contrat de travail antérieur lorsqu'elles ne dérogent pas aux dispositions légales et réglementaires régissant les agents non titulaires de la fonction publique territoriale. Toutefois, ils peuvent conserver le bénéfice de leur contrat à durée indéterminée ainsi que celui de la rémunération perçue au titre de leur contrat de travail antérieur et de leur régime de retraite complémentaire et de prévoyance.

« Par dérogation à l'article L.

122-9 du code du travail, les personnes recrutées dans les conditions fixées aux alinéas précédents ne perçoivent pas d'indemnités au titre du licenciement lié à la dissolution de l'association. »

« Art.

5 quater. Supprimé. »

« Art.

5 quinquies. Pour la mise en oeuvre des dispositions prévues par les articles 4 et 5, les agents non titulaires relevant des articles 3 à 5 peuvent voir leur contrat prolongé jusqu'au terme de l'application de la présente loi. »

....................................................................

C HAPITRE

III Dispositions concernant la fonction publique hospitalière

« Art.

7. Par dérogation à l'article 29 de la loi no 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière, peuvent être ouverts, pour une durée maximum de cinq ans à compter de la date de publication de la présente loi, dans des conditions définies par décret en Conseil d'État, des concours ou examens professionnels réservés aux candidats remplissant les quatre conditions suivantes :

« 1o Justifier avoir eu, pendant au moins quatre mois au cours des douze mois précédant la date du 10 juillet 2000, la qualité d'agent non titulaire de droit public des établissements mentionnés à l'article 2 de la loi no 86-33 du 9 janvier 1986 précitée, recruté à titre temporaire et ayant assuré des missions dévolues aux agents titulaires ;

« 2o Avoir été, durant la période définie au 1o , en fonctions ou avoir bénéficié d'un congé en application du décret pris sur le fondement de l'article 10 de la loi no 86-33 du 9 janvier 1986 précitée ;

« 3o Justifier, au plus tard à la date de nomination dans le corps, des titres ou diplômes requis des candidats au concours ou examen professionnel externe d'accès au c orps concerné. Les candidats peuvent obtenir la reconnaissance de leur expérience professionnelle en équivalence des conditions de titres ou diplômes requises pour se présenter aux concours prévus par le présent article.

Un décret en Conseil d'Etat précise la durée de l'expérience professionnelle prise en compte en fonction de la nature et du niveau des titres ou diplômes requis ;


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 14 DÉCEMBRE 2000

« 4o Justifier, au plus tard à la date de clôture des inscriptions au concours ou à l'examen professionnel, d'une durée de services publics effectifs au moins égale à trois ans d'équivalent temps plein au cours des huit dernières années.

« Les concours ou examens professionnels réservés prévus à l'alinéa précédent sont organisés pour l'accès à des corps de fonctionnaires dont les statuts particuliers prévoient un recrutement par la voie externe. Les examens professionnels réservés prévus au même alinéa ne peuvent être organisés que pour les corps dont les statuts particuliers prévoient un recrutement externe par examen professionnel.

« Les candidats ne peuvent se présenter qu'aux concours ou examens professionnels prévus par le présent article donnant accès aux corps de fonctionnaires dont les missions, telles qu'elles sont définies par les statuts particuliers desdits corps, relèvent d'un niveau de catégorie au plus égal à celui des fonctions qu'ils ont exercées pendant la période prévue au 4o »

....................................................................

TITRE II

DISPOSITIONS RELATIVES À LA MODERNISATION DU RECRUTEMENT

....................................................................

« Art.

10. L'article 19 de la loi no 84-16 du 11 janvier 1984 précitée est ainsi modifié :

« I. Le 1o est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsqu'une condition de diplôme est requise, les candidats disposant d'une expérience professionnelle conduisant à une qualification équivalente à celle sanctionnée par le diplôme requis peuvent, lorsque la nature des fonctions le justifie, être admis à se présenter à ces concours.

Un décret en Conseil d'État précise la durée de l'expérience professionnelle prise en compte en fonction de la nature et du niveau des diplômes requis. »

« II. Le même article est complété par trois alinéas ainsi rédigés :

« 3o En outre, pour l'accès à certains corps et dans les conditions fixées par leur statut particulier, des concours réservés aux candidats justifiant de l'exercice pendant une durée déterminée d'une ou plusieurs activités professionnelles, d'un ou de plusieurs mandats de membre d'une assemblée élue d'une collectivité territoriale ou d'une ou de plusieurs activités en qualité de responsable, y compris bénévole, d'une association, peuvent être organisés. La durée de ces activités ou mandats ne peut être prise en compte que si les intéressés n'avaient pas, lorsqu'ils les exerçaient, la qualité de fonctionnaire, de magistrat, de militaire ou d'agent public. Les statuts particuliers fixent la nature et la durée des activités requises, ainsi que la proportion des places offertes à ces concours par rapport au nombre total des places offertes pour l'accès par concours aux corps concernés.

« Les concours mentionnés aux 1o , 2o et 3o peuvent être organisés soit sur épreuves, soit sur titres ou sur titres et travaux, éventuellement complétés d'épreuves, lorsque les emplois en cause nécessitent une expérience ou une formation préalables.

« Les concours peuvent être organisés au niveau national ou déconcentré. La compétence des ministres en matière d'organisation des concours peut être déléguée, par arrêté conjoint du ministre intéressé et du ministre chargé de la fonction publique, après consultation des comités techniques paritaires, au représentant de l'État dans la région, le département, le territoire ou la collectivité d'outre-mer, pour les personnels placés sous son autorité. »

....................................................................

« Art.

13. I A. - A la fin du troisième alinéa de l'article 3 de la loi no 84-53 du 26 janvier 1984 précitée, les mots : « applicables aux agents de l'Etat » sont remplacés par les mots : « mentionné à l'article 4 de la loi no 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat ».

« I. Le dernier alinéa de l'article 3 de la loi no 84-53 du 26 janvier 1984 précitée est ainsi rédigé :

« Toutefois, dans les communes de moins de 1 000 habitants et dans les groupements de communes dont la moyenne arithmétique des nombres d'habitants ne dépasse pas ce seuil, des contrats peuvent être conclus pour une durée déterminée et renouvelés par reconduction expresse, pour pourvoir des emplois permanents à temps non complet pour lesquels la durée de travail n'excède pas la moitié de celle des agents publics à temps complet. »

« I bis A. Les agents contractuels qui ont été recrutés en application des dispositions du dernier alinéa de l'article 3 de la loi no 84-53 du 26 janvier 1984 précitée dans sa rédaction antérieure à la présente loi, en fonctions à la date de publication de la présente loi ou bénéficiaires, à la même date, de l'un des congés prévus par le décret pris en application du dernier alinéa de l'article 136 de la loi no 84-53 du 26 janvier 1984 précitée, continuent à être employés dans les conditions prévues par la législation antérieure, lorsqu'ils ne sont pas recrutés au titre des dispositions des articles 36 ou 38 de la loi no 84-53 du 26 janvier 1984 précitée ou au titre des dispositions des articles 3 à 5 de la présente loi.

« I bis. Supprimé.

« II. L'article 14 de la loi no 84-53 du 26 janvier 1984 précitée est complété par cinq alinéas ainsi rédigés :

« Les centres de gestion réalisent une synthèse des informations mentionnées à l'alinéa précédent ainsi que de toutes autres données relatives à l'évolution des emplois dans les collectivités et établissements relevant de leur ressort et aux besoins prévisionnels recensés en application de l'article 43 de la présente loi, dans le but d'organiser une concertation annuelle auprès de ces collectivités et établissements et de contribuer à l'évaluation des b esoins prévisionnels de recrutement ainsi que des moyens nécessaires à leur mise en oeuvre.

« A ce titre, ils examinent plus particulièrement les demandes et propositions de recrutement et d'affectation susceptibles d'être effectuées sur la base du deuxième alinéa de l'article 25.

« Les informations et propositions issues de cette concertation sont portées à la connaissance des comités techniques paritaires.

« Les centres de gestion veillent à informer et associer les délégations régionales ou interdépartementales du Centre national de la fonction publique territoriale pour ce qui concerne l'organisation des concours relevant de la compétence de cet établissement.

« Les centres de gestion peuvent conclure des conventions pour exercer les missions relevant de leurs compétences en application des dispositions prévues par les qua-


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 14 DÉCEMBRE 2000

trième et cinquième alinéas ci-dessus, ainsi que par les troisième et quatrième alinéas de l'article 23 et les articles 24 et 25. »

« II bis. Après le premier alinéa de l'article 26 de la loi no 84-53 du 26 janvier 1984 précitée, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsqu'une collectivité territoriale non affiliée sollicite le centre de gestion de son département pour l'organisation d'un concours décentralisé de sa compétence et si celui-ci n'organise pas ce concours lui-même ou par convention avec un autre centre de gestion, la collectivité territoriale pourra conventionner l'organisation de ce concours avec le centre de gestion de son choix. »

« III. Supprimé.

« IV. L'article 36 de la loi no 84-53 du 26 janvier 1984 précitée est complété par deux alinéas ainsi rédigés :

« En outre, l'accès à certains cadres d'emplois peut être, dans les conditions fixées par leur statut particulier, ouvert par la voie d'un troisième concours aux candidats justifiant de l'exercice, pendant une durée déterminée, d'une ou de plusieurs activités professionnelles ou d'un ou de plusieurs mandats de membre d'une assemblée élue d'une collectivité territoriale ou d'une ou de plusieurs activités en qualité de responsable d'une association.

« La durée de ces activités ou mandats ne peut être prise en compte que si les intéressés n'avaient pas, lorsqu'ils les exerçaient, la qualité de fonctionnaire, de magistrat, de militaire ou d'agent public. Les statuts particuliers fixent la nature et la durée des activités requises, et la proportion des places offertes à ce concours par rapport au nombre total des places offertes pour l'accès par concours aux cadres d'emplois concernés. »

« V. Pour la durée d'application du dispositif de la présente loi, le rapport établi sur la base de l'article 33 de la loi no 84-53 du 26 janvier 1984 précitée comporte un bilan de la mise en oeuvre des dispositions prévues aux articles 3 à 5.

« Le centre de gestion est rendu destinataire du bilan susmentionné et en assure la transmission aux organisations syndicales représentées au Conseil supérieur de la fonction publique territoriale.

« VI. Le 1o de l'article 36 de la loi no 84-53 du 26 janvier 1984 précitée est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsqu'une condition de diplôme est requise, les candidats disposant d'une expérience professionnelle conduisant à une qualification équivalente à celle sanctionnée par le diplôme requis peuvent, lorsque la nature des fonctions le justifie, être admis à se présenter à ces concours.

Un décret en Conseil d'Etat précise la durée de l'expérience professionnelle prise en compte en fonction de la nature et du niveau des diplômes requis. »

« VII. Dans le deuxième alinéa de l'article 25 de la loi no 84-53 du 26 janvier 1984 précitée, après les mots :

« service à temps », sont insérés les mots : « complet ou ».

« VIII. Supprimé.

« IX. Après le cinquième alinéa (d) de l'article 38 de la loi no 84-53 du 26 janvier 1984 précitée, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« e) En cas d'intégration totale ou partielle des fonctionnaires d'un cadre d'emplois dans un autre cadre d'emplois classé dans la même catégorie. »

« X. Le quatrième alinéa de l'article 44 de la loi no 84-53 du 26 janvier 1984 précitée est ainsi rédigé :

« Toute personne déclarée apte depuis moins de trois ans ou, si celui-ci est intervenu au-delà de ce délai, depuis le dernier concours, peut être nommée dans un des emplois auxquels le concours correspondant donne accès ; la personne déclarée apte ne bénéficie de ce droit la deuxième et la troisième année que sous réserve d'avoir fait connaître son intention d'être maintenue sur ces listes au terme de l'année suivant son inscription initiale et au terme de la deuxième année. Le décompte de cette période de trois ans est suspendu le cas échéant durant l'accomplissement des obligations du service national et en cas de congé parental ou de maternité. »

« Art. 14. - L'article 29 de la loi no 86-33 du 9 janvier 1986 précitée est ainsi modifié :

« I. Le 1o est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsqu'une condition de diplôme est requise, les candidats disposant d'une expérience professionnelle conduisant à une qualification équivalente à celle sanctionnée par le diplôme requis peuvent, lorsque la nature des fonctions le justifie, être admis à se présenter à ces concours.

Un décret en Conseil d'Etat précise la durée de l'expérience professionnelle prise en compte en fonction de la nature et du niveau des diplômes requis. »

« II. Le même article est complété par un 3o ainsi rédigé :

« 3o En outre, pour l'accès à certains corps et dans les conditions fixées par leur statut particulier, des concours réservés aux candidats justifiant de l'exercice pendant une durée déterminée d'une ou plusieurs activités professionnelles, d'un ou de plusieurs mandats de membre d'une assemblée élue d'une collectivité territoriale ou d'une ou de plusieurs activités en qualité de responsable, y compris bénévole, d'une association, peuvent être organisés. La durée de ces activités ou mandats ne peut être prise en compte que si les intéressés n'avaient pas, lorsqu'ils les exerçaient, la qualité de fonctionnaire, de magistrat, de militaire ou d'agent public. Les statuts particuliers fixent la nature et la durée des activités requises, ainsi que la proportion des places offertes à ces concours par rapport au nombre total des places offertes pour l'accès par concours aux corps concernés. »

« Art.

14 bis. - Il est inséré, après le premier alinéa de l'article 25 de la loi no 83-634 du 13 juillet 1983 précitée, un alinéa ainsi rédigé :

« Toutefois, les agents publics, ainsi que ceux dont le contrat est soumis aux dispositions du code du travail en application des articles 34 et 35 de la loi no 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, occupant un emploi à temps non complet ou exerçant des fonctions impliquant un service à temps incomplet pour lesquels la durée de travail est inférieure à la moitié de la durée légale ou réglementaire du travail des agents publics à temps complet peuvent être autorisés à exercer, à titre professionnel, une activité privée lucrative dans les limites et conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. »

TITRE

III

DISPOSITIONS RELATIVES AU TEMPS DE TRAVAIL

« Art. 15. - Après l'article 7 de la loi no 84-53 du 26 janvier 1984 précitée, il est inséré un article 7-1 ainsi rédigé :

« Art.

7-1. - Les règles relatives à la définition, à la durée et à l'aménagement du temps de travail des agents des collectivités territoriales et des établissements publics


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 14 DÉCEMBRE 2000

mentionnés au premier alinéa de l'article 2 sont fixées par la collectivité ou l'établissement, dans les limites applicables aux agents de l'Etat, en tenant compte de la spécificité des missions exercées par ces collectivités ou établissements.

« Les régimes de travail mis en place antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi no ... du... relative à la résorption de l'emploi précaire et à la modernisation du recrutement dans la fonction publique ainsi qu'au temps de travail dans la fonction publique territoriale peuvent être maintenus en application par décision expresse de l'organe délibérant de la collectivité ou de l'établissement prise après avis du comité technique paritaire, sauf s'ils comportent des dispositions contraires aux garanties minimales applicables en matière de durée et d'aménagement du temps de travail. »

TITRE IV

DISPOSITIONS DIVERSES

« Art.

16 A. - Sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée, sont validées :

« les décisions individuelles prises en application du décret no 96-1086 du 9 décembre 1996 portant statut des personnels techniques et administratifs du Conseil supérieur de la pêche prenant effet du 5 mai 1999 jusqu'à la date d'entrée en vigueur du décret no 2000-792 du 24 août 2000 portant statut des personnels techniques et administratifs du Conseil supérieur de la pêche ;

« la liste d'aptitude des agents pour l'accès au titre de l'année 1999 à la 2e classe de la catégorie des techniciens du Conseil supérieur de la pêche ;

« la liste d'admission par ordre de mérite des candidats au concours interne de la catégorie des techniciens du Conseil supérieur de la pêche, ouvert au titre de l'année 1999 ;

« la liste d'admission par ordre de mérite des candidats au concours externe de la catégorie des techniciens du Conseil supérieur de la pêche, ouvert au titre de l'année 1999.

« Les candidats reçus au concours externe de la catégorie des techniciens du Conseil supérieur de la pêche, ouvert au titre de l'année 1999, sont nommés stagiaires à compter du 1er octobre 1999, sauf report de nomination motivée par le respect d'une obligation légale, ou par une demande de report pour convenances personnelles.

« Art.

16. - I. Le second alinéa de l'article L.

52-1 du code électoral est complété par deux phrases ainsi rédigées :

« Sans préjudice des dispositions du présent chapitre, cette interdiction ne s'applique pas à la présentation par un candidat ou pour son compte, dans le cadre de l'organisation de sa campagne, du bilan de la gestion des mandats qu'il détient ou qu'il a détenus. Les dépenses affé-r entes sont soumises aux dispositions relatives au financement et au plafonnement des dépenses électorales contenues au chapitre V bis du présent titre. »

« II. Les dispositions du I revêtent un caractère interprétatif.

....................................................................

« Art. 18. - Supprimé.

« Art. 19. - Supprimé.

« Art. 20. - Supprimé.

« Art. 21. - L'article 9 de la loi no 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires est complété par trois alinéas ainsi rédigés :

« Les prestations d'action sociale, individuelles ou collectives, sont distinctes de la rémunération visée à l'article 20 de la présente loi et sont attribuées indépendamment du grade, de l'emploi ou de la manière de servir.

« L'Etat, les collectivités locales et leurs établissements publics peuvent confier à titre exclusif la gestion de tout ou partie des prestations dont bénéficient les agents à des organismes à but non lucratif ou à des associations nationales ou locales régies par la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association.

« Ils peuvent participer aux organes d'administration et de surveillance de ces organismes. »

« Art.

22. - Dans le dernier alinéa de l'article 21 de la loi no 90-1067 du 28 novembre 1990 relative à la fonction publique territoriale et portant modification de certains articles du code des communes, les mots : « ou de secrétaire général d'une commune ou de directeur d'un établissement de coopération intercommunale mentionnés à l'article 53 de la loi no 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relative à la fonction publique territoriale » sont remplacés par les mots : « ou de directeur général des services d'une commune de plus de 5 000 habitants ou de directeur général d'un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre de plus de 20 000 habitants, ainsi que de directeur général adjoint des services d'une commune ou d'un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre de plus de 80 000 habitants ».

....................................................................

« Art.

24. - Après le cinquième alinéa de l'article 53 de la loi no 84-53 du 26 janvier 1984 précitée, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :

« de directeur général, de directeur général adjoint des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre de plus de 20 000 habitants ;

« de directeur général des services techniques des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre de plus de 80 000 habitants ; ».

....................................................................

« Art. 26. - Supprimé.

« Art. 27. - La loi no 84-53 du 26 janvier 1984 précitée est ainsi modifiée :

« 1o Dans le premier alinéa de l'article 53, après les mots : « celui-ci peut demander », sont insérés les mots :

« à la collectivité ou l'établissement dans lequel il occupait l'emploi fonctionnel » ;

« 2o Dans la première phrase du deuxième alinéa du I de l'article 97, après les mots : « pouvoir de nomination ; », sont insérés les mots : « l'intéressé est soumis à tous les droits et obligations attachés à sa qualité de fonctionnaire ; » ;

« 3o Dans la deuxième phrase du deuxième alinéa du I de l'article 97, après les mots : « confier des missions », sont insérés les mots : « , y compris dans le cadre d'une mise à disposition réalisée dans les conditions prévues aux articles 61 et 62, » ;

« 4o Après le deuxième alinéa du I de l'article 97, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :

« Pour l'application des dispositions des articles 39, 76 et 80 et de la dernière phrase de l'article 78, il est tenu compte de la manière de servir du fonctionnaire pris en


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 14 DÉCEMBRE 2000

c harge lors de l'accomplissement des missions qui peuvent lui être confiées ou en cas de détachement. Les fonctionnaires pris en charge concourent pour l'avancement de grade et la promotion interne avec l'ensemble des fonctionnaires territoriaux du centre dont ils relèvent, qui appartiennent au même cadre d'emplois. Le fonctionnaire pris en charge peut bénéficier du régime indemnitaire correspondant à son grade lors de l'accomplissement des missions qui peuvent lui être confiées.

« A l'expiration d'une disponibilité, d'un détachement, d'une position hors cadres ou d'un congé parental du fonctionnaire pris en charge, prononcés par le Centre national de la fonction publique territoriale ou le centre de gestion, la collectivité ou l'établissement redevable de la contribution prévue à l'article 97 bis examine les possibilités de reclassement de l'intéressé dans un emploi correspondant à son grade. En l'absence de reclassement, le fonctionnaire est pris en charge par le Centre national de la fonction publique territoriale ou le centre de gestion. »

;

« 5o Après le troisième alinéa de l'article 97 bis, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« La contribution due au titre du fonctionnaire pris en charge en application des dispositions du premier alinéa de l'article 53 est versée par la collectivité ou l'établissement dans lequel le fonctionnaire occupait l'emploi fonctionnel. »

;

« 6o L'avant-dernier alinéa de l'article 97 bis est ainsi rédigé :

« Dans tous les cas, la contribution cesse lorsque le fonctionnaire a reçu une nouvelle affectation ou lorsque le fonctionnaire bénéficie d'un congé spécial de droit dans les conditions prévues à la deuxième phrase du deuxième alinéa de l'article 99. Lorsque le fonctionnaire est placé par le centre compétent dans une position autre que l'activité, le calcul et le versement de la contribution mentionnée aux alinéas précédents sont suspendus à cette date jusqu'à la fin de la période correspondante. Lorsque le fonctionnaire fait l'objet d'une mise à disposition prévue à l'article 61 ou à l'article 62, la contribution est réduite à concurrence du remboursement effectué par la collectivité, l'établissement ou l'organisme d'accueil jusqu'à la fin de la période de mise à disposition. »

« Art.

28. - I. Le premier alinéa de l'article 99 de la loi no 84-53 du 26 janvier 1984 précitée est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :

« Les collectivités ou établissements dans lesquels des fonctionnaires territoriaux occupent un emploi fonctionnel visé à l'article 53 ont la faculté d'accorder, sur demande des intéressés, un congé spécial d'une durée maximale de cinq ans dans des conditions fixées par décret.

« La demande de congé spécial au titre du premier alinéa de l'article 53 peut être présentée jusqu'au terme de la période de prise en charge prévue au I de l'article 97.

Le congé spécial de droit est accordé par la collectivité ou l'établissement public dans lequel le fonctionnaire occupait l'emploi fonctionnel, y compris lorsque la demande est présentée pendant la période de prise en charge. »

« II. Il est inséré avant le dernier alinéa de l'article 99 de la loi no 84-53 du 26 janvier 1984 précitée un alinéa ainsi rédigé :

« Toutefois, les fonctionnaires qui bénéficient d'un congé spécial de droit octroyé pendant la prise en charge sont mis à la retraite au plus tard à la fin du mois au cours duquel ils réunissent les conditions requises pour obtenir une pension à jouissance immédiate à taux plein. »

Vote sur l'ensemble

M. le président.

Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi, compte tenu du texte de la commission mixte paritaire.

(L'ensemble du projet de loi est adopté.)

2

INDEMNISATION DES CONDAMNÉS

RECONNUS INNOCENTS Discussion d'une proposition de loi adoptée par le Sénat

M. le président.

L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, tendant à faciliter l'indemnisation des condamnés reconnus innocents et portant diverses dispositions de coordination en matière de procédure pénale (nos 2740, 2796).

La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux, ministre de la justice.

Monsieur le président, madame la rapporteure, mesdames, messieurs les députés, le texte soumis à votre examen et les amendements qui l'accompagnent ont deux objets principaux.

D'une part, il vous est proposé de compléter la loi du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes par des dispositions concernant l'indemnisation des détentions suivies d'une révision de la condamnation.

D'autre part, le Gouvernement et votre rapporteure, Mme Lazerges, vous proposent de faciliter la mise en oeuvre d'une partie des dispositions de cette loi relatives à l'application des peines.

Comme vous le savez, la loi du 15 juin 2000 a recueilli un très large consensus politique, et le rôle du Parlement, notamment celui de l'Assemblée nationale, a été prépondérant dans son élaboration.

Les principales modifications apportées par la loi du 15 juin 2000 portaient sur le renforcement des droits de la défense, avec notamment l'intervention d'un avocat dès la première heure de la garde à vue, sur la limitation de la détention provisoire, sur la création d'un appel en m atière criminelle et sur la juridictionnalisation de l'application des peines.

S ur les propositions de votre rapporteure,

Mme Lazerges, qui rapporte également le présent texte, ces dispositions ont été très sensiblement améliorées par l'Assemblée nationale, qui est d'ailleurs à l'origine de la réforme de l'application des peines.

Permettez-moi, avant d'aborder le fond de cette proposition de loi, de rendre hommage au travail de votre commission des lois, de son président, M. Bernard


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 14 DÉCEMBRE 2000

Roman, et de sa rapporteure, Christine Lazerges. Une fois de plus, la qualité des travaux de votre commission des lois permet, en accord complet avec le Gouvernement, de faire progresser le droit pour le bien commun.

J'en viens au contenu de la proposition de loi.

Le premier objectif de cette proposition de loi est de parfaire la loi du 15 juin 2000 en y apportant quelques précisions ou compléments, ce qui est bien normal compte tenu du nombre élevé des dispositions de cette dernière.

La proposition de loi avait comme objet principal d'étendre à l'hypothèse de la révision les nouvelles règles instituées en matière d'indemnisation des détentions provisoires.

Le Sénat a fort opportunément complété ce texte sur d'autres points afin de réparer d'autres omissions.

Sans parler de corrections purement rédactionnelles, je citerai, par exemple, les dispositions permettant de maintenir les sanctions encourures par le témoin qui refuse de comparaître ou de déposer, qui paraissent évidemment nécessaires.

Je citerai aussi les dispositions permettant de désigner une même cour d'assises composée autrement lorsque celle-ci comprend neuf magistrats professionnels, comme en matière de terrorisme.

Je citerai encore les dispositions d'adaptation concernant l'outre-mer, qui tiennent compte de la spécificité des juridictions qui y ont leur siège.

Je citerai enfin les dispositions qui rendent plus explicite le fait qu'une réparation intégrale est due pour l'indemnisation d'une détention provisoire suivie d'un nonlieu, d'une relaxe ou d'un acquittement.

Votre commission propose, dans le même esprit, de compléter cette proposition de loi par des dispositions de coordination particulièrement bienvenues et qui sont donc totalement approuvées par le Gouvernement.

Certaines sont de nature rédactionnelle. Tel est le cas de celles qui visent à compléter les dispositions adoptées par le Sénat en matière d'indemnisation des détentions provisoires et de celles qui tendent à prendre en compte la suppression des ordonnances de transmission de pièces au procureur général et des arrêts de mise en accusation devant la cour d'assises, suppression qui résulte de la réforme de la procédure criminelle.

D'autres dispositions procèdent à des coordinations de fond. Tel est le cas de l'amendement qui tend à compléter l'ordonnance du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante afin de permettre au juge des libertés et de la détention de prononcer une mesure de liberté surveillée ou de garde provisoire. Cette disposition, qui vise à aligner les attributions du juge des libertés et de la détention sur celles du juge des enfants avant la réforme du 15 juin 2000, est particulièrement bienvenue car elle est de nature à limiter l'incarcération des mineurs.

Tel est également le cas de l'amendement ayant pour objet de permettre au parquet, en cas d'appel par la personne mise en examen de l'ordonnance de mise en accusation, de disposer d'un délai d'appel supplémentaire pour former appel incident. Cette disposition permettra ainsi d'éviter qu'une affaire criminelle concernant plusieurs accusés - dont l'un seul fait appel de l'ordonnance de mise en accusation - ne soit jugée au cours de plusieurs procès distincts. C'est donc une mesure de simplification de la justice.

Le deuxième objectif du texte est de permettre que la réforme du 15 juin 2000 entre en vigueur le 1er janvier prochain dans des conditions aussi sereines que possible, en facilitant les conditions de son application.

Pour faciliter cette mise en oeuvre sereine, le Sénat a adopté un amendement du Gouvernement précisant que le décret prévu pour la réforme de l'application des peines peut déterminer la localisation des débats contradictoires qui se tiendront devant les juges de l'application des peines et les juridictions régionales de la libération conditionnelle.

Ces débats, lorsqu'ils concernent des condamnés incarcérés, et uniquement dans ce cas-là, auront lieu au sein de l'établissement pénitentiaire. Une telle solution a été adoptée, d'une part, pour renforcer la présence du droit, de la défense et des magistrats dans les établissements pénitentiaires et, d'autre part, pour répondre à des exigences de sécurité, c'est-à-dire de responsabilité, qui imposent de ne pas multiplier les extractions de personnes éventuellement susceptibles de tenter de s'évader.

Dans le même souci d'application sereine, le Sénat a adopté, à la suite d'amendements du Gouvernement, plusieurs dispositions complétant le code de l'organisation judiciaire afin de permettre, dans les juridictions de taille modeste, c'est-à-dire à une ou deux chambres, une forme de mutualisation des moyens.

Ainsi, dans des conditions strictement encadrées par ces dispositions, le juge des libertés et de la détention d'une juridiction pourra, pendant les périodes de service allégé de fin de semaine ou en cas d'absence d'un magistrat, exercer cette fonction dans un ou deux autres tribunaux.

De même, la continuité de l'exercice des fonctions de juge des libertés et de la détention pourra dans tous les cas être assurée dans les petites juridictions.

Je souhaite maintenant vous donner quelques indications sur les efforts accomplis pour préparer et permettre la mise en oeuvre de la réforme.

D'abord un groupe de suivi, chargé d'apporter tout complément propre à favoriser l'entrée en vigueur de la réforme, a été créé dès avant cet été. Il est compo sé de praticiens de terrain, magistrats et fonctionnaires, et de responsables de mes services. Il fonctionne très régulièrement et me remet des lettres, qui peuvent vous être communiquées si vous le désirez, qui sont des sortes de rapports d'étape ou de rapports d'activité.

Ensuite, les principaux décrets d'application de la loi sont achevés ou sur le point de l'être : le décret en Conseil d'Etat sur l'indemnisation des détentions provisoires, daté du 10 décembre 2000, a été publié au Journal officiel du 13 décembre 2000 ; la publication du décret sur l'application des peines est intervenue ce matin ; le décret sur l'indemnisation des frais engagés pour une procédure suivie d'un non-lieu, d'une relaxe ou d'un acquittement, devrait être publié au premier trimestre 2001.

Pour l'information des juridictions, les principales dispositions de la loi du 15 juin 2000 font l'objet de cinq c irculaires. Trois de ces circulaires, en date des 16 novembre, 4 et 11 décembre, sont actuellement disponibles et diffusées. Ainsi, la circulaire commentant les dispositions concernant la garde à vue et l'enquête a-t-elle été signée le 4 décembre. Deux circulaires seront encore diffusées dans les prochains jours. La mobilisation des services permet donc de publier, dans les délais annoncés aux juridictions, tous les textes nécessaires.


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E nfin, je rappelle que des moyens financiers et humains ont déjà été prévus en 1999 et 2000 pour la partie de la réforme créant le juge des libertés et de la détention. Ils seront complétés grâce à la loi de finances actuellement examinée par le Parlement, en particulier pour l'appel criminel et pour la juridictionnalisation de l'application des peines.

J'ai, tout particulièrement sur ce dernier point, beaucoup écouté, depuis ma prise de fonctions, les représentants des syndicats et organisations de greffiers et fonctionnaires de justice ou de magistrats. J'ai analysé les éléments que me fournissaient les chefs de cour et de juridiction.

Pour mieux apprécier la portée des inquiétudes exprimées, j'ai fait vérifier les conditions dans lesquelles la loi du 15 juin 2000 allait entrer en vigueur, en demandant, dès le 8 novembre dernier, à l'inspection générale des services judiciaires, de procéder à un examen concret de la situation des juridictions, afin d'être en mesure de vous proposer toute mesure d'ajustement.

Les conclusions de ce rapport, qui a été déposé officiellement le 6 décembre, et que j'ai largement fait diffuser - ce que vous avez sûrement noté avec beaucoup de satisfaction - se résument comme suit.

La création du juge des libertés et de la détention, qui a été anticipée, paraît, sous réserve de quelques aménage ments, ne pas devoir poser de problèmes insurmontables.

M. Jean-Luc Warsmann.

Incroyable !

Mme la garde des sceaux.

Le recours en matière criminelle nécessitera dans les mois à venir un renforcement des effectifs de magistrats et de greffiers.

La juridictionnalisation de l'application des peines soulève, quant à elle, des difficultés particulières concernant principalement les effectifs des greffes.

M. Bernard Roman, président de la commission des lois constitutionnelles de la législation et de l'administration générale de la République. Bien sûr !

Mme la garde des sceaux.

Il s'ensuit que, si la loi du 15 juin 2000 pourra être appliquée dans des conditions plutôt satisfaisantes, une adaptation de nature législative apparaît nécessaire pour une partie du volet de la loi consacré à l'application des peines.

En effet, un véritable échange des arguments et des pièces du dossier, c'est-à-dire l'instauration d'un débat contradictoire en présence du condamné, assisté de son conseil, requiert l'intervention d'un greffier. Or les greffiers ne seront pas en nombre suffisant au 1er janvier 2001 pour réaliser ces tâches nouvelles, ce qui rend matériellement difficile la tenue des débats contradictoires dès le 1er janvier 2001. Nous disposerons cependant de renforts significatifs en greffiers au cours de l'année 2001, puisque 400 personnes arriveront sur le terrain entre le 2 mai et le 3 septembre 2001.

Dans l'attente de ces renforts, l'application à la date prévue, soit le 1er janvier 2001, de cette nouvelle disposition, et de celle-ci seulement, dans des conditions matérielles susceptibles de mécontenter la population pénale pourrait, de façon paradoxale, nuire à la sérénité d'une réforme à laquelle le Gouvernement comme le Parlement, qui en est l'auteur, sont profondément attachés.

C'est pourquoi, me référant notamment tant aux inquiétudes des magistrats, des greffiers et fonctionnaires qu'aux conclusions de l'inspection générale des services judiciaires, j'ai déposé devant votre assemblée un amendement proposant un aménagement partiel et transitoire de la disposition relative à la procédure suivie par le juge de l'application des peines.

La procédure prévue par la loi du 15 juin 2000 rend obligatoire le débat contradictoire et l'intervention d'un greffier pour assister le juge dans son audition du condamné et lorsqu'il statue. Je noterai, en incidente, que si nous avions eu à notre disposition 200 greffiers supplémentaires dans la promotion 1997, nous ne serions pas aujourd'hui dans cette situation.

Mme Raymonde Le Texier.

C'est vrai !

M. Jean-Luc Warsmann.

C'est faux !

Mme la garde des sceaux.

L'amendement que je propose, aménage, du 1er janvier au 16 juin 2001, une période transitoire pendant laquelle les décisions du juge de l'application des peines seront rendues après avis de la c ommission de l'application des peines et avis du condamné sans aller pour autant jusqu'à un débat contradictoire.

Le condamné, assisté le cas échéant de son avocat, pourra donc formuler des observations écrites et présenter des observations orales devant ce magistrat, qui n'aura pas besoin d'être assisté d'un greffier.

Il est bien sûr précisé que le condamné pourra bénéficier de l'aide juridictionnelle. Les sommes nécessaires sont prévues dans le budget.

M. Bernard Roman, président de la commission.

Très bien !

Mme la garde des sceaux.

Il est en effet indispensable que le condamné puisse être effectivement assisté par un avocat quels que soient ses revenus ou ceux de sa famille.

M. Bernard Roman, président de la commission.

C'est essentiel !

Mme la garde des sceaux.

Dès le 1er janvier 2001, les autres avancées résultant de la réforme de l'application des peines entreront en vigueur ainsi que le Parlement l'avait voulu et fixé.

M. Claude Goasguen.

Tant mieux !

Mme la garde des sceaux.

Le juge de l'application des peines devra statuer sur les demandes des condamnés par des décisions motivées, ce qui favorisera l'information du condamné, qui est aujourd'hui parfois tenu dans l'ignorance des raisons pour lesquelles les demandes d'aménagement de peine qu'il a déposées sont refusées.

En matière de libération conditionnelle, la compétence du juge de l'application des peines sera étendue aux condamnés à des peines inférieures ou égales à dix ans d'emprisonnement.

Enfin, les libérations conditionnelles concernant les condamnés à des peines supérieures à dix ans, les longues peines, relèveront de la juridiction régionale de la libération conditionnelle et non plus du ministre de la justice.

C'est donc ici la juridictionnalisation intégrale qui entre en vigueur tout de suite.

Pour me résumer, dès la fin de la période transitoire, le 16 juin 2001, la procédure devant le juge de l'application des peines sera totalement juridictionnalisée, puisque la décision interviendra à la suite d'un débat contradictoire.

La commission des lois de l'Assemblée a adopté cet amendement en le modifiant par un sous-amendement afin de préciser que les décisions du juge de l'application des peines pourront faire l'objet d'un appel de la part du condamné et du procureur de la République, et non d'un simple recours de ce dernier, comme le prévoient les textes actuels.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 14 DÉCEMBRE 2000

Je suis favorable à ce sous-amendement qui permet de garantir au mieux les droits du condamné pendant cette période transitoire, tout en permettant les aménagements nécessités par le nombre insuffisant de greffiers.

Comme vous le voyez, ces différentes dispositions, et notamment celles résultant de la combinaison de l'amendement que j'ai proposé et du sous-amendement déposé par Mme Lazergues, sont à la fois nécessaires et justifiées.

Avant de conclure, je voudrais insister sur deux points.

D'une part, l'amendement du Gouvernement ne peut nullement être considéré comme un report de la loi du 15 juin 2000, ou d'une partie de cette loi. Il aménage le dispositif procédural par un régime transitoire pendant une très courte période, qui sauvegarde totalement au fond les droits des condamnés tout en évitant le danger de blocage des juridictions de l'application des peines.

Tout est ainsi mis en oeuvre pour permettre que la loi du 15 juin 2000, en dépit de l'importance des changements qu'elle induit dans le fonctionnement de nos juridictions, puisse être appliquée dans des conditions satisfaisantes.

D'autre part, la proposition d'un régime transitoire pour une modalité de procédure devant le juge de l'application des peines relève d'un choix portant sur des considérations strictement techniques que j'ai exposées.

De telles dispositions peuvent naturellement appeler des objections pour n'importe lequel des volets et d'aucuns peuvent regretter, comme je l'ai lu et entendu, que la population pénale ne bénéficie pas de l'immédiate et entière application de la loi du 15 juin 2000 alors que la situation des prisons a fait l'objet cette année d'une attention particulière.

Ces objections sont pertinentes, et je les partage. Mais des dispositions transitoires appliquées à d'autres volets de la loi du 15 juin 2000, comme le juge des libertés et de la détention ou l'appel criminel, auraient légitimement appelé les mêmes objections, car le propre de la loi du 15 juin est de ne pas avoir de volet secondaire. C'est pourquoi je vous demande d'adopter cette proposition de loi avec les amendements du Gouvernement et de la commission qui la complètent utilement.

Je voudrais pour terminer, puisque l'occasion m'en est donnée ici, remercier l'ensemble des chefs de cour pour l'excellence du travail réalisé. Cette loi sera appliquée si chacun y met du sien et en dépit des difficultés qui ont largement été décrites. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à Mme la rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

Mme Christine Lazerges, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la loi no 2000516 du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes constitue indiscutablement une réforme fondamentale de la procédure pénale française.

M. Jean-Luc Warsmann.

Quel succès en effet !

M. Claude Goasguen.

C'est de l'aveuglement : lisez les journaux !

M me Christine Lazerges, rapporteure.

Je rappelle qu'elle revisite la procédure pénale de l'interpellation d'un suspect jusqu'au terme de l'exécution des peines et sans oublier les victimes dans un souci constant de recherche d'équilibre.

A l'évidence, ce grand texte répond à un certain nombre d'attentes légitimes. Il ne s'agit en aucun cas d'une enième tentative d'ajustement de la procédure aux problèmes du moment, je me plais à le rappeler. Aucun des volets de ce texte n'est mineur ainsi que Mme la garde des sceaux vient de le souligner.

M. Jean-Luc Warsmann.

Quelle autosatisfaction !

Mme Christine Lazerges, rapporteure A partir d'un projet de loi d'une quarantaine d'articles que certains pouvaient trouver un peu timide, le législateur, aussi bien à l'Assemblée nationale qu'au Sénat, est parvenu, grâce à son travail et à ses amendements, à construire un texte d'une grande ampleur dont les 142 articles s'articulent autour de volets décisifs à la fois pour défendre les libertés, pour mieux protéger la présomption d'innocence, et pour garantir autrement que ce n'était le cas les droits des victimes.

Les fondements de la procédure française sont maintenant énoncés dans une série de principes directeurs définis à l'article préliminaire du code de procédure pénale. Il ne me paraît pas inutile de relire le premier alinéa de cet article : « La procédure pénale doit être équitable et contradictoire et préserver l'équilibre des droits des parties ». Ce sont ces objectifs qui ont guidé le travail du Gouvernement et du Parlement.

Pourquoi alors, me direz-vous, le rendez-vous de cet après-midi ? Pour deux raisons.

La première tient à la judicieuse initiative prise par le sénateur Michel Dreyfus-Schmidt. Il a attiré l'attention de ses collègues et, du même coup la nôtre, sur un oubli de la loi concernant l'indemnisation des condamnés reconnus innocents. Nous avons bouleversé le système de l'indemnisation des personnes bénéficiant d'un non-lieu, d'une relaxe ou d'un acquittement après une détention provisoire, en omettant, il est vrai, ce qui peut arriver après un pourvoi en révision, c'est-à-dire, là aussi, une relaxe ou un acquittement. Cette proposition de loi du Sénat nous permet de réparer cet oubli.

En effet, le 21 novembre dernier, le Sénat a harmonisé le régime d'indemnisation des condamnés reconnus innocents avec le régime applicable aux personnes placées à tort en détention provisoire. Il a, par ailleurs, mis en cohérence l'ensemble des sanctions encourues par le témoin qui refuse de comparaître, de déposer ou de prêter serment. Enfin, Mme la ministre vient de le rappeler, le Sénat a proposé diverses mesures de coordination, un toilettage ultime sur quelques petits points qui nous avaient échappé.

La seconde raison tient au souci du Gouvernement et de la commission des lois que la loi entre en vigueur dans les meilleurs conditions possibles.

M. Jean-Luc Warsmann.

On croît rêver !

Mme Christine Lazerges, rapporteure.

Pour cela, il est apparu nécessaire de préciser quatre lignes d'un alinéa d'un article.

Je tiens à préciser ici que certaines dispositions de la loi du 15 juin 2000 sont entrées en vigueur dès le 16 juin dernier, en particulier celles concernant les victimes, et je m'en félicite.

C'est ainsi que de nombreux tribunaux - il est important de le rappeler à ceux qui prétendent que la loi serait inapplicable - ont déjà autorisé l'indemnisation des victimes d'infraction contre les biens dans des conditions qui n'étaient pas ouvertes par les textes en vigueur avant


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 14 DÉCEMBRE 2000

la loi du 15 juin. Une décision du tribunal de grande instance de Castres m'a même été transmise hier à ce sujet.

L'essentiel du texte, la quasi-intégralité du texte entre en vigueur le 1er janvier prochain. L'enregistrement des interrogatoires de mineurs en garde à vue n'entrera pas tout de suite en application puisque, vous vous en souvenez, nous avions considéré qu'une année était nécessaire pour équiper un nombre suffisant de lieux de garde à vue en matériels audiovisuels et pour permettre de former les agents et les officiers de police judiciaire qui procéderont à ces interrogatoires. La date d'entrée en vigueur de ce dispositif particulier est fixée au 16 juin 2001.

C'est justement cette date-là que je vous proposerai, par pragmatisme, de retenir dans un amendement pour le sixième alinéa de l'article 722 du code de procédure pénale.

M. Claude Goasguen.

Ce n'est pas un amendement, c'est un aveu !

Mme Christine Lazerges, rapporteure.

La commission des lois, à partir du diagnostic du Gouvernement, de la commission de suivi, dont il a été fait état tout à l'heure, et de l'inspection générale des services judiciaires, a en effet pris conscience de ce que certaines difficultés pourraient être rencontrées, faute d'un nombre de greffiers suffisant.

Pour ce qui est de la mise en place du juge des libertés et de la détention provisoire ou de l'appel des décisions rendues par les cours d'assises, les études qui ont été réalisées, à la demande du Gouvernement, permettent de pronostiquer un déroulement normal.

Les efforts consentis en 2001 par le budget de la justice sont considérables, tout comme l'étaient les efforts réalisés dans les deux projets précédents. Cela dit, ils devront être reconduits les prochaines années. Ils sont la démonstration d'une ferme volonté politique d'appliquer la loi pleinement et entièrement.

Je voudrais également saluer le travail tout à fait remarquable effectué par un grand nombre de chefs de juridiction pour que le texte puisse être appliqué sans heurt majeur. Pour en avoir rencontré plusieurs, je peux affirmer que beaucoup de chefs de juridiction sont déjà tout à fait prêts pour que cette loi s'applique complètement et correctement.

M. Jean-Luc Warsmann.

On croit rêver.

Mme Christine Lazerges, rapporteure.

Concernant la juridictionnalisation de l'application des peines, je voudrais vous faire part d'une lettre qui m'a été adressée ce matin par la présidente de l'Association nationale des juges de l'application des peines. Je lis : « La juridictionnalisation de l'application de peines est demandée par notre association depuis trente ans ». Nous-mêmes nous l'avions dit lors des débats il y a quelques mois. « C'est la partie de la loi la plus innovante ». Je partage volontiers cette opinion même si je reconnais qu'on peut en discuter. « Il n'est pas question de reporter cette application, il est question de la rendre possible. »

M. Jean-Luc Warsmann.

C'est subtil !

Mme Christine Lazerges, rapporteure.

L'amendement du Gouvernement qui vient de vous être excellemment présenté par la garde des sceaux et que je vous proposerai bien entendu d'adopter tout à l'heure et le sousamendement de la commission préfigurent, pendant une très courte période qui s'arrêtera le 16 juin prochain, une juridictionnalisation achevée.

M. Jean-Luc Warsmann.

On appliquera enfin la loi !

Mme Christine Lazerges, rapporteure.

Rien ne change - soyons clairs - concernant les juridictions régionales et la juridiction nationale de la libération conditionnelle.

L'amendement du Gouvernement respecte une garantie essentielle à laquelle nous étions fortement attachés, la faculté, pour le détenu qui demande un aménagement de sa peine, de s'entretenir avec le juge de l'application des peines, assisté de son avocat. Mme la ministre de la justice nous a indiqué que cela était possible et que l'aide juridictionnelle serait mise en oeuvre pour les avocats qui interviendraient dans ce cadre.

Faute de greffiers en nombre suffisant avant la sortie de la prochaine promotion, en avril 2001 - ce n'est pas dans bien longtemps -, le juge de l'application des peines entendra le détenu sans la présence d'un greffier : l'amendement se limite à cela.

Le sous-amendement de la commission des lois ouvre la voie de l'appel pour le procureur de la République, mais aussi pour le détenu. Nous tenions à ce qu'il y ait dès à présent un débat et que la décision du juge puisse être portée en appel.

Vous constatez ainsi, mes chers collègues, que cet amendement du Gouvernement, assorti du sous-amendement de la commission des lois et de votre rapporteure, ne constitue pas un report de l'entrée en vigueur de la loi du 15 juin 2000, mais permet simplement une parfaite application de cette loi dès le 1er janvier 2001.

Un effort considérable est demandé, c'est vrai, aux magistrats, et particulièrement aux juges de l'application des peines. Je veux les saluer. Ce sont eux, sans doute, qui font le travail le plus difficile au regard de la réinsertion des détenus. Par raison et par ambition, nous désirons que cette réinsertion soit facilitée autant qu'il est possible. Il faut pour cela que les peines de prison puissent être aménagées dans les meilleures conditions.

Je veux également rendre hommage aux greffiers, aux avocats, aux personnels pénitentiaires, à la police, à la gendarmerie, bref aux très nombreux acteurs de la mise en oeuvre de la loi du 15 juin 2000.

Il eût été suspect qu'une loi de cette ampleur ne suscite aucune inquiétude. L'inquiétude est parfaitement légitime et prouve la volonté de chacun d'oeuvrer pour que le service public de la justice réponde aux attentes des citoyens. Nous devrons être très vigilants, nous, députés, lorsqu'il s'agira d'adopter, dans un an, le budget du ministère de la justice. Sans doute devons-nous aussi prendre mieux conscience du coût d'une justice que nous voulons au service des libertés et au service des plus démunis, que nous voulons indépendante, que nous voulons de proximité.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme la garde des sceaux.

Beau travail ! Question préalable

M. le président.

J'ai reçu de M. Jean-Louis Debré et des membres du groupe du Rassemblement pour la République une question préalable, déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.

La parole est à M. Jean-Luc Warsmann.

M. Jean-Luc Warsmann.

Monsieur le président, madame la ministre de la justice, mes chers collègues, nous voici donc réunis, ce jeudi après-midi, pour discuter


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 14 DÉCEMBRE 2000

d'une proposition de loi d'initiative sénatoriale, dont l'objet est d'opérer quelques adaptations et de rectifier quelques incohérences dans la loi du 15 juin 2000 portant sur la présomption d'innocence.

Ayant écouté très attentivement les interventions de Mme la ministre de la justice et Mme la rapporteure, je peux dire que, depuis que je suis parlementaire, je n'ai que très rarement mesuré un tel décalage entre les discours tenus dans cet hémicycle et la réalité.

Jamais, en France, le monde judiciaire n'a été dans un tel état de choc. Quelles que soient les responsabilités, quelles que soient les professions - magistrats, greffiers, fonctionnaires de justice, surveillants de l'administration pénitentiaire, avocats, huissiers -, tous les intervenants de la justice manifestent leur inquiétude et clament l'impossibilité de faire fonctionner matériellement nos juridictions à compter du 1er janvier 2001. Il est bien paradoxal d'entendre au même moment Mme la ministre de la justice parler d'une « mise en oeuvre sereine de cette loi ».

Quelle est la situation de la justice en France ? Elle croule sous un océan d'affaires en retard. Les chiffres sont clairs. Ils méritent d'être rendus publics : devant les tribunaux de grande instance, 575 290 affaires en stock ; devant les tribunaux d'instance, 369 496 ; devant les cours d'appel, 309 613.

A u-delà des chiffres, les exemples concrets ne manquent pas. Dans un grand nombre de juridictions, on frôle quotidiennement le déni de justice, vu la lenteur à juger. J'avoue avoir honte, comme beaucoup de mes collègues parlementaires, devant les condamnations répétées de la France par la Cour européenne des droits de l'homme pour non-respect des délais minimaux de jugement.

Une juge des enfants de Marseille annonce qu'elle a un an de retard. Le juge des enfants qui travaille sur le secteur de Saint-Denis, Saint-Ouen, La Plaine-SaintDenis, affiche complet jusqu'en septembre 2001. La justice des mineurs, une priorité pour le Gouvernement ? Voilà la réalité sur le terrain.

A Marseille, au tribunal de police, les excès de vitesse commis en 1999 ne seront jugés qu'au printemps 2001.

Dans de nombreuses cours d'appel, en matière sociale notamment, il faut attendre trois ans pour obtenir un jugement.

Les délais moyens devant les tribunaux ne cessent de s'accroître. Les derniers chiffres publiés par le ministère de la justice en 1999 sont les suivants.

Devant les tribunaux d'instance, le délai moyen est de 5,2 mois, contre 5 en 1996. Devant les tribunaux de grande instance, il est de 9,1 mois. S'y ajoute le délai moyen devant les cours d'appel : 18,1 mois, contre 15,8 en 1996.

Devant les conseils de prud'hommes, nous en sommes à plus de 10 mois, auxquels il faut également ajouter les 18 mois d'attente devant la cour d'appel, soit plus de 28 mois au total.

La régulation de la justice pénale doit s'opérer par les c lassements sans suite puisque, en 1999, sur les 4 586 813 affaires que les tribunaux ont eu à connaître, 638 340 ont été traitées.

M. François Colcombet.

Qui a coupé les vivres de la justice pendant des années ?

M. Jean-Luc Warsmann.

La justice administrative est dans la même situation. Le délai moyen de jugement devant les tribunaux administratifs s'élève à 22 mois, devant les cours administratives d'appel à trois ans. Là encore, la loi sur les référés administratifs du 30 juin 2000 n'a donné lieu à aucun financement, aucun moyen supplémentaire.

De surcroît, la France connaît un véritable problème de respect de l'autorité des jugements. Un grand nombre de jugements ne sont pas effectués, la plus grande organisation professionnelle de magistrats allant même jusqu'à parler de « justice virtuelle ». Par exemple, en matière de sursis avec mise à l'épreuve, 25 % seulement des personnes condamnées sont réellement prises en charge. En matière de travaux d'intérêt général, il n'y a même pas de statistique sur le taux et la rapidité d'exécution.

M. François Colcombet.

Alors ?

M. Jean-Luc Warsmann.

Bref, la parole de l'Etat est bafouée. Des jugements sont rendus par des magistrats au nom du peuple français et ils ne sont pas appliqués.

Dans ce contexte, le Gouvernement a entrepris de faire voter par l'Assemblée nationale et le Sénat une accumulation de nouvelles dispositions. Il n'a pas respecté une règle, qui pour être formelle, n'en est pas moins fondamentale dans la gestion des affaires publiques, celle qui consiste à réaliser et à transmettre au Parlement une étude d'impact pour toute nouvelle disposition proposée.

Des études d'impact, nous n'en avons pas eu, mais des déclarations, oui, et en abondance. Je ne résiste pas au plaisir - ou à la peine - de vous en lire quelques-unes, que vous pourrez mettre à l'épreuve des faits.

Nous sommes dans cet hémicycle le 9 février 2000, nous discutons de la loi sur la présomption d'innocence et Mme Elisabeth Guigou déclare : « Je voudrais vous rappeler le principe de réalité qui est le mien. J'ai refusé de vous présenter des réformes ou de m'associer à des propositions de réforme qui ne seraient pas financées par des moyens correspondants. Notre justice a trop longtemps souffert de cette disproportion entre les effets d'annonce et les moyens effectifs. Pour les projets de loi, le financement et les dispositions pratiques sont prévus à l'avance. En tout état de cause, il ne fait pas de doute qu'une fois la loi votée, elle sera appliquée par le Gouvernement. »

Pourtant, durant tous les débats sur la justice de ces dernières années, concernant le budget ou d'autres textes, l'opposition avait tiré la sonnette d'alarme en soulignant le manque de moyens pour appliquer les nouvelles dispositions. Nous sommes maintenant le 10 février, nous discutons de l'institution du juge de la détention et j'explique notre position à Mme la ministre en ces termes :

« Première réserve : les juges de la détention seront des magistrats ayant rang de président ou de vice-président.

Deuxième réserve : cette mesure coûtera très cher en moyens et en postes de magistrats. Je le répète, il faut prendre en compte le rapport coût-efficacité. »

Que me répond Mme la garde des sceaux ? « J'ajoute à l'adresse de Jean-Luc Warsmann que cette réforme est déjà financée, avant même son vote par le Parlement. »

Nous allons voir dans quelques instants, en faisant le tour d'un certain nombre de juridictions, ce qu'il en est dans la réalité.

Un peu plus tard, au cours de la même séance, Mme la garde des sceaux nous parle des cours d'assises : « Nous avons terminé l'examen des articles relatifs aux cours d'assises. Nous venons de voter, en une demi-heure, une très grande réforme. Peut-être la voie a-t-elle été ouverte par la première tentative de mon prédécesseur. Mais le système était plus compliqué, et surtout plus coûteux ; c'est


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la raison pour laquelle je n'ai pas souhaité reprendre la discussion au point où elle en était avant la dissolution.

Je remercie l'Assemblée nationale d'avoir compris qu'il valait mieux attendre un peu pour être sûr d'avoir les moyens de cette importante réforme. »

M. Thierry Mariani. Ben voyons ! M. Jean-Luc Warsmann. Je vais arrêter là le jeu cruel des citations. Mais permettez-moi encore de vous rapporter une réaction générale sur la question du financement.

Je la prends dans le communiqué du Syndicat des avocats de France, dont beaucoup pensent que les membres sont proches de votre majorité.

M. Thierry Mariani. A juste titre ! M. Jean-Luc Warsmann. Le Syndicat des avocats de France estime, à propos de la loi de finances pour 2001, que « la chancellerie surfe sur les droits virtuels avec un certain cynisme puisque les charges anciennes et nouvelles supportées par les juridictions et par les avocats au titre de l'aide juridictionnelle ne sont aucunement budgétisées à hauteur de leur coût réel. Généreuse avec la peine des autres, incapable de s'attaquer aux dysfonctionnements persistants de la justice du quotidien, la chancellerie masque par une politique de communication habile le décalage entre la réalité et ses objectifs affichés depuis trois ans. » Le masque est tombé, le voile s'est déchiré,

nous voici confrontés à la réalité.

La réalité, c'est que toutes ces réformes vont nécessiter des moyens qui n'existent pas. Voulez-vous que j'en cite quelques-unes ? Le contrôle des locaux de garde à vue : il faut en contrôler 10 544 sur l'ensemble du territoire.

L'avis à parquet dès la première heure de garde à vue : 1 613 personnes sont mises en garde à vue chaque jour en France.

L e juge des libertés : on prévoit de 20 000 à 25 000 débats contradictoires.

Les cours d'assises : 1 000 à 1 500 affaires supplémentaires.

La juridictionnalisation de l'application des peines : 90 000 décisions prévisibles par an.

Quant à la réforme des prestations compensatoires - très justifiée d'ailleurs - elle va ouvrir la possibilité de f aire repasser devant les tribunaux près de 500 000 affaires.

Dans ce contexte, quelle est la situation réelle sur le terrain ? Le devoir des parlementaires étant d'écouter ce qui se dit dans le pays, je veux vous lire quelques motions votées par des assemblées générales de tribunaux.

Motion votée par l'assemblée générale du tribunal de grande instance de Créteil, réunie le 14 décembre 2000 :

« Les magistrats du tribunal de Créteil, après avoir fait part de leur inquiétudes lors de la précédente assemblée générale et en l'absence de réponse à ce jour, se voient contraints d'en tirer les conséquences. » Quelles sont leurs

demandes ? « La suppression de quatre audiences correctionnelles par semaine : trois de juge unique et une de comparution immédiate ; la suppression de certaines audiences de juge aux affaires familiales ; l'arrêt des participations aux activités non juridictionnelles, dont les commissions électorales et celles inhérentes à la politique de la ville. »

Motion de l'assemblée générale des magistrats du siège et du parquet de Fort-de-France : « Quant au siège, sa situation est catastrophique : sur dix-neuf postes budgétaires, seuls seize sont actuellement pourvus. La situation des greffes n'est pas plus florissante : le nombre de greffiers et fonctionnaires est insuffisant au regard de la masse totale de travail de l'ensemble des juridictions de l'île. » Encore les magistrats de Fort-de-France ne parlent-

ils pas des nouvelles dispositions. Ils font simplement le constat de ce qui existe aujourd'hui, en décembre 2000.

La même motion ajoute : « Entre le 1er janvier et le 14 novembre 2000, les juges d'instruction de Fort-deFrance ont décerné 178 mandats de dépôt, mesure qui relèvera désormais de la compétence du juge des libertés et de la détention » et qu'il sera, selon les magistrats, impossible d'appliquer compte tenu des effectifs, de même que l'ensemble des nouvelles dispositions.

Aussi l'assemblée générale de Fort-de-France est-elle d'avis que « les audiences civiles et pénales suivantes soient supprimées : un huitième des audiences du juge aux affaires familiales, soit deux audiences de contentieux d'après-divorce par mois ; un quart des audiences civiles ; un tiers des audiences du juge de l'application des peines ».

La motion de l'assemblée générale des magistrats du siège et du parquet de Caen aboutit aux mêmes conclusions : « Les magistrats demandent, à compter du 1er janvier 2001, la suppression d'audiences pénales et/ou civiles pour compenser les activités nouvelles. »

Mêmes conclusions aussi de l'assemblée générale extraordinaire des magistrats du siège et du parquet de Metz, où un magistrat observe : « Concernant la cour d'assises, l'instauration d'un appel tournant et celle d'un délaibutoir d'audiencement des dossiers criminels avec un détenu entraîneront inéluctablement une forte augmentation de l'activité de cette juridiction », que celle-ci, est-il ensuite précisé, n'est pas en état d'assurer. L'assemblée générale estime donc, au terme de sa réunion, que

« l'accroissement des tâches engendrées par le projet de loi sur le renforcement de la présomption d'innocence doit impérativement s'accompagner de moyens suffisants, soit de la création d'un poste de conseiller et de deux postes de greffier ».

Mais nous voici à Lille. Au cours de leur assemblée générale, les magistrats du parquet annoncent qu'ils

« souhaitent être dispensés désormais de tous les rapports écrits », ces rapports par lesquels, madame la garde des sceaux, vous souhaitez être informée dans le détail du déroulement des affaires individuelles. Ils continuent en expliquant que « pour tenir compte de ce surcroît de travail quant au nombre et à la charge des audiences civiles et pénales, de nombreux choix devront s'exercer, notamment au détriment du contentieux familial ».

A Perpignan, les magistrats constatent que « le poste de vice-président de premier grade chargé des fonctions de juge des libertés et de la détention n'est pas pourvu et ne devrait pas l'être avant plusieurs mois et qu'aucun poste de greffier n'a été créé pour assister ce magistrat dans ses fonctions ».

A Vannes, les juges du tribunal de grande instance demandent s'il est « normal que certaines cours d'appel convoquent en octobre 2000 pour fin 2003 » des justiciables qui ont déjà, en général, attendu pendant un an leur jugement de premier recours. Trois années pour obtenir une audience en appel : est-ce que remédier à cela ne devrait pas être la vraie priorité d'une politique de justice ? A Bobigny, l'assemblée générale du tribunal de grande instance constate qu'« environ 4 000 décisions susceptibles d'entraîner l'intervention d'un juge des libertés sont rendues chaque année, et ce pour vingt-quatre cabinets


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- treize juges d'instruction et onze juges des enfants soit en moyenne soixante-quinze décisions par semaine.

De tels chiffres, dès lors que la loi réserve aux seuls viceprésidents l'exercice de ces fonctions, impliquent nécessairement la désignation chaque semaine d'un viceprésident de permanence à plein temps et déchargé, sur ce laps de temps, de ses tâches habituelles : fonctions civiles et pénales, ou encore de ses activités parajuridictionnelles ». Les mêmes magistrats indiquent qu'ils vont se trouver dans la nécessité de « supprimer deux des six audiences hebdomadaires de comparution immédiate et huit audiences hebdomadaires devant le juge aux affaires familiales ».

Saint-Brieuc manifeste la même inquiétude. Dans toute la France, tous les magistrats, tous les greffiers tirent la même sonnette d'alarme.

Dans ce contexte, je voudrais rendre hommage au courage de l'inspection générale des services judiciaires, qui a été mandatée pour établir un rapport sur quelques juridictions. Etant donné qu'elle a été escamotée tout à l'heure, je tiens à vous lire la conclusion à laquelle est parvenue cette inspection générale dont, a priori, le moins que l'on puisse dire est qu'elle ne peut être suspectée d'une particulière hostilité à Mme la ministre : « La plupart des juridictions, quelle que soit leur taille, » seront conduites « à définir, dans la mesure où elles en ont la maîtrise, des priorités dans les contentieux traités, et audelà, dans les activités non juridictionnelles de leurs membres ».

Mes chers collègues, vous avez défendu la loi du 15 juin 2000, vous l'avez votée et c'est vous, madame la ministre, qui allez l'appliquer. Mais vous ne pourrez le faire qu'au détriment de la justice quotidienne et des droits des justiciables, qui sont déjà bafoués en permanence par ces retards.

M. Thierry Mariani. Eh oui !

Mme Christine Lazerges, rapporteure.

Il s'agit au contraire d'améliorer la justice quotidienne !

M. Jean-Luc Warsmann.

Aujourd'hui, les magistrats sont inquiets, accablés, et parfois même démotivés. Si, en dépit de cette situation difficile, la justice fonctionne encore, c'est parce que beaucoup de fonctionnaires travaillent sans compter. De nombreux magistrats n'hésitent pas à revenir le samedi ou le dimanche dans leur juridiction pour essayer d'accélérer le rythme de traitement des d ossiers. Mais lorsqu'ils voient la désinvolture avec laquelle on considère leurs problèmes, lorsqu'ils voient qu'un certain nombre de leurs collègues peuvent être attaqués sans que la ministre prenne la peine de faire son devoir, c'est-à-dire de les défendre, la démotivation devient bien réelle.

Cette démotivation, on la retrouve, hélàs !, au niveau de la justice administrative. Non seulement les droits quotidiens des Français ne peuvent plus être respectés, mais cette situation entraîne de nombreuses atteintes aux principes fondamentaux de notre pays. Et d'abord celui du respect de la liberté. Oui, le nombre de personnes placées en détention provisoire est élevé en France. Mais cela est dû d'abord aux retards dans les juridictions.

M. Bernard Roman, président de la commission, et

Mme Christine Lazerges, rapporteure.

Mais non !

M. Jean-Luc Warsmann.

Prenons le cas d'un prévenu poursuivi pour un crime. Eh bien, au terme de l'instruction - et les instructions durent longtemps, car les juges d'instruction sont débordés -, lorsque la mise en accusation est faite, le prévenu devra attendre, en moyenne, plus d'un an, avant d'être jugé en cour d'assises, faute de trouver un juge disponible. A cet égard, soulignons encore que vous avez prévu une procédure d'appel devant les cours d'assises sans moyens supplémentaires. Dans un certain nombre de cours d'assises, il n'y a même pas de salles pour tenir des audiences supplémentaires ! Bien évidemment, tout cela entraînera une nouvelle aggravation des délais et de nouveaux dysfonctionnements en chaîne.

Les mêmes observations prévalent pour les audiences de comparution immédiate. Oui, dans un certain nombre de cas, celles-ci se déroulent à un rythme et dans des conditions, d'horaires notamment, qui ne sont pas acceptables. C'est bien la conséquence du dénuement des moyens de la justice Dans une démocratie, l'accès au droit constitue l'un des principes fondamentaux. Si nul n'est censé ignorer la loi, encore faut-il pouvoir bénéficier des conseils nécessaires.

Aujourd'hui, les avocats ont engagé un mouvement qui s'est étendu dans tout le pays, de Lille à Paris. Des témoignages me parviennent de toutes les villes. Thierry Mariani m'a fait part de l'exaspération des avocats de Toulouse.

M. Bernard Roman, président de la commission.

Mariani est complice ! (Sourires.)

M. Jean-Luc Warsmann.

Et Jean-Louis Debré de l'exaspération des avocats du barreau d'Evreux. Dans toute la France, les avocats disent des choses simples. Premièrement, que le niveau actuel de l'aide juridictionnelle ne leur permet pas d'assurer une défense équitable des Français qui bénéficient de cette aide. Deuxièmement, que l'équilibre économique d'un grand nombre de cabinets d'avocats est aujourd'hui compromis par cette situation. Troisièmement, que les nouvelles dispositions censées s'appliquer à partir du 1er janvier 2001 vont entraîner un nouvel accroissement des tâches et de nouveaux déséquilibres. Comme tous ceux qui sont attachés à l'accès au droit, je considère que ce mouvement des avocats est légitime.

Je veux encore faire part de nos inquiétudes sur le fonctionnement de notre système pénitentiaire. Nous avons été nombreux, sur tous ces bancs, à nous mobiliser au sein de la commission d'enquête parlementaire. Or nous ignorons quelles suites concrètes seront données à ces travaux. La loi pénitentiaire n'avance guère, en effet.

M. Claude Goasguen.

Il n'y en aura pas !

M. Jean-Luc Warsmann.

En outre, elle se prépare dans le secret d'un bureau alors que, sur un sujet si important et qui concerne tant la société, nous espérions la constitution d'une sorte de commission Marceau Long. En dehors des effets d'annonce, nous ne voyons rien venir.

Le non-engagement des dépenses nous inquiète également beaucoup. Si les Français savaient qu'en matière d'établissement pénitentiaire 223 millions seulement ont été utilisés sur les 1 751 millions qui étaient disponibles au 30 juin 2000 pour lancer les travaux ! S'ils savaient que, sur plus de 1 milliard de francs de crédits de paiement, seuls quelque 239 millions ont été dépensés ! La justice, mes chers collègues, est une institution fondamentale dans un pays. Elle est la garante des droits et des libertés. Les citoyens ont droit à une justice efficace.

Ce service public doit être proche d'eux et doit rendre des décisions de qualité et rapides. Or, aujourd'hui, nous tournons le dos à tous ces objectifs.

Le groupe RPR a déposé cette question préalable pour montrer que le présent texte est totalement hors sujet au regard de la réalité.


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M. Thierry Mariani.

Absolument !

M. Bernard Roman, président de la commission.

Allez le dire aux sénateurs !

M. Claude Goasguen.

Les sénateurs ont été manipulés !

M. Jean-Luc Warsmann.

Nous ne pourrons reprendre ce débat que si le Gouvernement s'engage à amender la loi de finances qui sera définitivement votée dans les jours à venir ou, au pire, à déposer, dans les premières semaines de 2001, un collectif budgétaire pour rendre à la justice française les moyens de fonctionner dignement.

En attendant, je vous demande, mes chers collègues, de voter cette question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Dans les explications de vote, la parole est à M. Claude Goasguen.

M. Claude Goasguen. Madame la garde des sceaux, après avoir entendu M. Warsmann qui s'exprimait au nom du groupe RPR et de l'ensemble de l'opposition - je sais que cette précision plaît beaucoup au groupe socialiste -, nous avons le sentiment qu'on vous a donné un ministère bien malade. A la suite de l'audit que vous avez demandé, vous avez sans doute découvert des choses que vous ne soupçonniez pas. Nous non plus d'ailleurs, je dois le dire. A entendre en effet, pendant trois ans, le discours triomphaliste de Mme Guigou - qui est partie à temps -, le ministère de la justice additionnait les « lois historiques », pour reprendre l'expression de Mme le rapporteur.

Je ne sais si ces lois sont historiques mais elles sont en tout cas inapplicables. Comment peut-on qualifier d'historique la loi sur la présomption d'innocence ? Quelle singulière vision de l'histoire !

Mme Christine Lazerges, rapporteure.

Je n'ai pas dit

« historique » ! M. Claude Goasguen. Vous l'avez dit à cette tribune ; j'ai la citation et je peux vous la communiquer !

Mme Christine Lazerges, rapporteure.

J'ai parlé de loi d'une grande ampleur ! M. Claude Goasguen. Encore mieux ! L'aveuglement a des limites ! En réalité, madame la garde des sceaux, vous vous êtes servie de cette proposition de loi sénatoriale tout à fait justifiée - j'y reviendrai - pour introduire une sorte de cavalier juridique. L'amendement que vous avez déposé tend à essayer de colmater une petite brèche dans les énormes fissures qui apparaissent au sein de votre ministère. On s'aperçoit aujourd'hui, après trois ans d'exercice, que le Gouvernement s'est montré incapable de gérer le service public de la justice. On avait noté la même incapacité à l'éducation nationale, avec M. Allègre, qui a fini par tomber. Mme Guigou, elle, est partie à temps. C'est donc vous, madame, qui allez désormais gérer une situation bien difficile, croyez-moi.

Le service public de la justice est vétuste.

Et le manque de moyens est criant. Permettez-moi de rappeler, après M. Warsmann, que l'opposition n'a jamais renâclé lorsqu'il s'agissait de soutenir les services publics de la justice, de l'intérieur et de l'éducation nationale, que nous jugeons essentiels. Malheureusement, nous n'avons jamais senti de la part du Gouvernement la volonté de mener une vraie politique consensuelle dans ce domaine. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme Raymonde Le Texier.

On rêve ! C'est incroyable ! Qu'avez-vous fait lorsque vous étiez au pouvoir ? M. Claude Goasguen. La fameuse loi « historique » sur la présomption d'innocence était dépourvue de toute disposition intéressante en première lecture. Ce n'était rien ! Si l'opposition n'avait pas « appuyé sur le champignon » pour renforcer précisément la présomption d'innocence, cette loi ne figurerait même pas dans les manuels universitaires de deuxième année de droit pénal ! Vous n'avez pas su faire passer les lois. Vous n'avez pas favorisé le consensus. Vous ne savez pas gérer le service public. Et il n'y aurait même pas un petit paragraphe sur la présomption d'innoncence si les députés de l'opposition n'avaient pas donné du corps à une loi qui n'en avait pas.

Mme Christine Lazerges, rapporteure.

On hallucine ! M. Claude Goasguen. Alors vous fumez trop ! (Riress ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. Bernard Roman, président de la commission. Un joint pour M. Goasguen ! (Sourires.)

M. le président.

Poursuivez, monsieur Goasguen. Ne vous laissez pas interrompre par la majorité !

M. Claude Goasguen.

Voilà donc le premier des paquets que l'opposition vous réserve s'agissant de votre gestion du service public de la justice. Bien entendu, vous ne vous en sortirez pas par cette pirouette que constitue le dépôt d'un simple amendement. M. Warsmann a eu raison de poser cette question préalable car, au détour de ce petit texte que vous avez effiloché, c'est toute la question du service public de la justice qui est soulevée. Cela mérite bien un examen complémentaire, vous le reconnaîtrez, madame la garde des sceaux. Le groupe Démocratie libérale et Indépendants votera, bien sûr, cette question préalable.

M. Bernard Roman, président de la commission. Après avoir voté la loi sur la présomption d'innocence ! M. Claude Goasguen. Non ! Nous ne l'avions pas votée ! M. Bernard Roman, président de la commission. Seulement en CMP, c'est vrai !

M. le président.

La parole est à M. Emile Blessig.

M. Emile Blessig. Jean-Luc Warsmann a appuyé là où ça fait mal. Oui, le texte sur la présomption d'innocence est bon en lui-même, mais ses conditions de mise en oeuvre sont préoccupantes. Jamais, d'ailleurs, l'inquiétude n'a été aussi unanimement partagée par l'ensemble du corps judiciaire. Compte tenu des difficultés rencontrées, l'examen de la présente proposition de loi constituait précisément l'occasion de chercher à améliorer les modalités d'application de cette loi afin de favoriser le bon fonctionnement du service public de la justice. Tel n'est pas le cas, malheureusement. Le groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance s'associe donc à cette question préalable qu'il votera.

M. Thierry Mariani et M. Jean-Luc Warsmann. Très bien !

M. le président.

La parole est à M. Thierry Mariani.

M. Thierry Mariani. Bien sûr, le groupe du Rassemblement pour la République votera la question préalable de Jean-Luc Warsmann.

Madame la ministre, mes chers collègues, je me demande si les titres des textes de loi ne relèvent pas parfois de la psychanalyse. En l'occurrence, avec ce texte


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relatif à l'indemnisation des condamnés reconnus innocents, ne s'agit-il pas plutôt d'innocents qui reconnaissent leur culpabilité ? M. Bernard Roman, président de la commission.

Un divan pour M. Mariani, s'il vous plaît ! (Sourires.)

M. Thierry Mariani.

De fait, madame la ministre, avec ce texte, vous qui êtes innocente puisque vous arrivez dans ce ministère, vous allez reconnaître votre culpabilité.

Mme Guigou vous a sans doute laissé croire qu'elle vous laissait un ministère où tout était réglé. Or, tel n'est pas le cas et nous vous plaignons. En effet, nous avions eu l'occasion de vous apprécier dans votre précédent ministère...

M. Bernard Roman, président de la commission.

On l'apprécie toujours !

M. Thierry Mariani.

... même si nous ne partagions pas forcément vos orientations. Nous avions noté votre sens du dialogue.

Non, rien n'est réglé. Les avocats sont dans la rue et vous êtes contrainte de faire passer à la sauvette, un jeudi après-midi, dans un hémicycle pas trop plein,...

Mme la garde des sceaux.

Je le regrette !

M. Thierry Mariani.

Nous le regrettons tous ! ... une mesure visant en fait à repousser l'application de la loi sur la présomption d'innocence.

Chers collègues de gauche, je vois là un aveu d'échec.

Comme l'a dit Claude Goasguen, au-delà de l'illusion lyrique et des grandes envolées sur les « lois historiques », il y a la réalité. Le constat est là : vous n'avez pas prévu les moyens nécessaires à l'application de cette loi ; aujourd'hui, à une vingtaine de jours de l'échéance, vous devez le reconnaître tristement et faire marche arrière. Cette démarche illustre bien votre politique, d'ailleurs. Ainsi, dans quelques jours on constatera un recul identique à propos des 35 heures car, là encore, après l'illusion lyrique - les 35 heures pour tous au 1er janvier 2001 -, vous devez céder petit à petit.

Madame la ministre, je pense que vous n'étiez pas au courant de tout ce qui se passait quand vous êtes arrivée au ministère de la justice.

Mme la garde des sceaux.

Si !

M. Thierry Mariani.

Alors, c'est plus grave. Cela signifie que vous assumez les lacunes de vos prédécesseurs.

Mme la garde des sceaux.

Je suis responsable !

M. Thierry Mariani.

Pour ma part, je continue à croire que vous êtes innocente (Sourires) , même si cette proposition de loi est en quelque sorte l'aveu de culpabilité de votre majorité, qui reconnaît qu'elle doit repousser l'application du texte sur la présomption d'innocence.

L'adoption de la question préalable défendue par mon collègue Jean-Luc Warsmann vous permettrait d'avoir plus de temps pour étudier l'état réel dans lequel Mme Guigou vous a laissé le ministère de la justice. En demandant son rejet, vous allez vous priver de la possibilité de dire que vous ne saviez pas. Vous porterez l'entière responsabilité des dispositions qu'aujourd'hui vous n'avez ni les moyens ni la volonté d'appliquer.

M. Claude Goasguen.

Très bien !

M. le président.

La parole est à M. Jean-Yves Caullet.

M. Jean-Yves Caullet.

Bien entendu, le groupe socialiste ne saurait s'associer à cette caricature, aussi vigoureuse soit-elle. Certes, la situation n'est pas facile.

M. Thierry Mariani.

La faute à qui ?

M. Jean-Yves Caullet.

Mais le respect du droit et l'application de la justice ne vont pas sans poser des difficultés dans une démocratie. Au-delà la caricature, les arguments développés étaient soit de mauvaise foi, soit de circonstance.

M. Jean-Luc Warsmann.

C'est scandaleux de dire cela ! Les opinions peuvent être différentes mais on doit respecter l'autre !

M. Jean-Yves Caullet.

Mon cher collègue, nos souvenirs communs de visite en prison ne vous autorisent pas à m'interpeller et à m'interrompre sans arrêt. Si vous continuez ainsi, mon intervention risque d'être très longue !

M. Claude Goasguen.

Vous caricaturez, monsieur Caullet !

M. le président.

Ne vous laissez pas interrompre, monsieur Caullet !

M. Jean-Yves Caullet.

Face à une situation complaisamment exposée, M. Warsmann ne propose qu'une solution, celle qui a toujours été appliquée par ses amis politiques, aujourd'hui dans l'opposition : ne rien faire !

M. Jean-Luc Warsmann.

Pas du tout !

M. Jean-Yves Caullet.

La justice fonctionne mal, mais on ne lui donne pas de moyens. Les choses ne marchent pas mieux pour autant.

M. Thierry Mariani.

Parlez-nous donc de ce que fait le Gouvernement actuel !

M. Jean-Yves Caullet.

Et comme on manque de moyens, on n'améliore pas le droit. Il ne faut surtout toucher à rien ! Une justice efficace mériterait d'être soutenue, mais il ne faut tout de même pas que cela coûte trop cher !

M. Jean-Luc Warsmann.

Pas du tout !

M. Jean-Yves Caullet.

Cette première partie du discours, monsieur Warsmann, m'a profondément choqué.

M. Bernard Roman, président de la commission, et Mme Christine Lazerges rapporteure.

Nous aussi !

M. Jean-Yves Caullet.

La loi sur la présomption d'innocence améliore le droit, c'est incontestable. Elle a été votée pour cela et sera appliquée ainsi. Bien entendu, il y faut des moyens de la part des pouvoirs publics.

M. Thierry Mariani.

Précisément, vous ne les donnez pas !

M. Jean-Yves Caullet.

Précisément, ceux-ci n'ont jamais été aussi importants que sous ce gouvernement ! (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Bernard Roman, président de la commission.

Eh oui ! La justice a été étranglée par l'ancienne majorité !

M. Jean-Yves Caullet.

Mais il a fallu rattraper un retard considérable, et sur tous les plans, chacun peut le constater. Aujourd'hui, nous voyons encore des impatiences : je les prends comme le témoignage du souci des magistrats, des avocats et de l'ensemble des personnels qui concourent à la justice, de voir le droit s'appliquer.

M. Bernard Roman, président de la commission.

Très bien !

M. Jean-Yves Caullet.

Face à ces impatiences, le dialogue s'instaure et, quoi que vous en pensiez, des moyens sont débloqués pour appliquer progressivement les dispo-


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sitions retenues. Sauf à vous suspecter de mauvaise foi, je regrette que vous soyez bien mal informé - semble-t-il sur la progression des différents accords, qu'il s'agisse des greffiers ou de la pénitentiaire, et sur la poursuite du dialogue avec la profession d'avocat. Les avocats s'inquiètent fort justement de l'accès au droit de nos concitoyens les plus démunis, et nous partageons leur souci. Le Gouvernement et sa majorité soutiendront toute initiative visant à améliorer la situation.

M. Bernard Roman, président de la commission.

Très bien !

M. Jean-Yves Caullet.

Oui, en dépit d'une impatience que nous pouvons considérer comme légitime de la part des professions de justice, le droit et les moyens de la justice progressent dans notre pays. Nous ne pouvons donc que repousser cette question préalable, qui n'est qu'un prétexte. Le texte qui nous est soumis représentera un réel progrès pour l'indemnisation des victimes d'erreurs j udiciaires et améliorera techniquement un certain nombre de dispositions.

M. Claude Goasguen.

Et l'amendement du Gouvernement ?

M. Jean-Yves Caullet.

Ce texte propose en outre une mesure d'adaptation de quelques mois qui permettra de rattraper les retards pris dans le recrutement des greffiers, du fait de la promotion « zéro greffier », décidée sous l'égide de M. Toubon ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. Jean-Luc Warsmann.

C'est faux !

M. le président.

Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix la question préalable.

(La question préalable n'est pas adoptée.)

Discussion générale

M. le président.

Dans la discussion générale, la parole est à M. François Colcombet.

M. François Colcombet.

Je commencerai par rappeler à la droite, qui, tout à l'heure, nous donnait des leçons de morale...

M. Claude Goasguen.

Oh non ! Nous vous demandions juste d'appliquer la loi !

M. François Colcombet.

... en insistant fortement sur le fait que l'héritage de Mme Guigou, qui ne serait pas présentable...

M. Thierry Mariani.

C'est vrai !

M. François Colcombet.

... qu'elle pourrait faire l'effort de se souvenir de l'état dans lequel était la justice lorsque la gauche est arrivée au pouvoir ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Thierry Mariani.

C'est la première fois qu'il y a des grèves, en tout cas !

M. François Colcombet.

Pour avoir vécu cette période comme magistrat, je me souviens, non seulement de la promotion « zéro greffier », mais aussi des suppressions massives de postes d'éducateurs.

M. Jean-Luc Warsmann.

Alors pourquoi tous les délais de jugement sont-ils aggravés depuis que la gauche est au pouvoir ?

M. François Colcombet.

Je me souviens aussi de l'absence de recrutement de magistrats pendant des années.

M. Claude Goasguen.

Ça, c'était sous Badinter !

M. François Colcombet.

Je me souviens encore d'une réforme Toubon sur les cours d'assises, qui, elle, n'était dotée d'absolument aucun moyen. Je me demande donc comment vous avez osé invoquer les arguments que nous avons entendus !

M. Claude Goasguen.

Vous manquez d'imagination, cher collègue !

M. François Colcombet.

J'aimerais aussi rappeler - on ne le dit pas assez souvent - que l'aide judiciaire a été instaurée par un texte présenté par M. Nallet, après une longue concertation. Je ne sais si vous aviez participé à ces débats. J'étais rapporteur, quant à moi, et je peux vous dire que nous avions consulté tout le monde, notamment les bâtonniers. A l'époque, cette loi répondait aux attentes du monde judiciaire. Le problème, c'est qu'elle n'a jamais été actualisée. Pendant la période Toubon en particulier, personne ne s'est préoccupé d'abonder les sommes nécessaires à son application.

M. Claude Goasguen.

C'est la faute à Toubon, comme d'habitude !

M. Thierry Mariani.

Combien de fois avez-vous été au pouvoir depuis 1981 ?

M. François Colcombet.

Je tenais à vous rappeler tout cela ! Un député du groupe socialiste.

Il faut aussi leur parler d'un certain hélicoptère !

M. François Colcombet.

Le texte que nous examinons est issu d'une proposition qui me paraît tout à fait raisonnable, de M. Dreyfus-Schmidt. Il s'agissait de remplacer le régime actuel de l'indemnisation des personnes injustement condamnées par une réparation véritable et intégrale. Je salue cette heureuse initiative qui nous offre aussi l'occasion de procéder à un toilettage d'une importante loi. Quelques remarques à ce sujet.

D'abord, des textes devant le Parlement, j'en ai vu fréquemment arriver : pour celui-ci, je dois souligner l'attitude très ouverte du ministère de la justice, à telle enseigne que la loi qui en sortira sera essentiellement le fruit du travail du Parlement. Nous pouvons, dans le cadre de notre Constitution, nous réjouir de voir un gouvernement laisser le Parlement engager sur le fond une discussion qui s'est révélée très constructive. Sur de nombreux sujets, ceux qui grognent aujourd'hui ont contribué d'une certaine façon à charger la barque, en profitant de l'occasion.

M. Claude Goasguen.

Vous nous reprochez d'avoir été constructifs ?

M. François Colcombet.

Implicitement, cela signifiait : comme nous n'avons pas pu le faire du temps où nous étions au pouvoir, profitons-en pour le faire maintenant.

Et nous, nous avons accepté ! Parmi les nombreuses dispositions, deux au moins paraissent réellement révolutionnaires. Elles mettent, à mon avis, un point final heureux à ce siècle judiciaire en ouvrant la voie à un avenir qui sera celui de la défense des libertés. Je pense d'abord à la judiciarisation de l'exécution des peines. Pour avoir milité dans ma jeunesse dans des mouvements auxquels participaient des gens comme Foucault, des gens du comité d'action des prison-


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niers, je sais que, depuis des années, la judiciarisation des peines était demandée. Il n'en était pas question à l'époque.

M. Claude Goasguen.

Nous n'avons jamais été contre !

M. François Colcombet.

On ne pouvait même pas en discuter. Puis, peu à peu, l'idée a germé. Elle a éclos et, aujourd'hui, la voilà sur les fonts baptimaux, puisqu'elle est complètement admise.

M. Claude Goasguen.

Oui, mais il faut l'appliquer !

M. François Colcombet.

Cette réforme importante, il ne faut pas la retarder. Nous devons tout faire pour qu'elle soit mise en oeuvre dans de bonnes conditions quitte à attendre six mois de plus le nombre de greffiers nécessaire.

M. Claude Goasguen.

Enfin la vérité !

M. François Colcombet.

Pour le reste, son application est tout à fait possible. L'appel des cours d'assises, qui est également une grande réforme, peut entrer en vigueur. Je suis de ceux qui l'ont voté, précisément parce qu'il était d'application facile.

M. Claude Goasguen.

Et ça c'est Toubon !

M. François Colcombet.

Pas besoin de nouvelles salles, et il y a déjà les greffiers, les magistrats et le savoir-faire.

Le système, à mon avis, est parfait.

Le travail de l'Assemblée nationale a été, à beaucoup d'égards, exemplaire sur le fond. Ses apports sont très importants. Sur la forme, il y a bien eu quelques scories comme il arrive souvent quand on travaille vite et de façon contradictoire. Il m'arrive quelquefois, en épluchant des textes votés dans d'autres contextes ou même des textes votés par notre Assemblée, de m'apercevoir que, malgré toute notre attention, un mot a été pris pour un autre, un détail a été oublié. Il est tout à fait normal de rectifier le tir ensuite. Reste que le vrai travail a bien été fait. Il l'a été dans une « audience ». Une audience, oui ; comme le nom l'indique, il s'agit d'un endroit où les choses se disent publiquement, dans le cadre d'échanges, au cours desquels peut s'échauffer. D'ailleurs, vous nous en avez donné un bon exemple tout à l'heure, monsieur Goasguen, même si vous vous échauffez un peu dans le vide -, ce n'est pas notre cas, nous sommes dans le concret.

M. Claude Goasguen.

Mais vous n'appliquez pas la loi !

M. François Colcombet.

Ce texte est tout à fait légitime et il doit déboucher. Je suis de ceux qui pensent qu'il ne faut pas retarder l'application des textes, dans leur ensemble.

M. Bernard Roman, président de la commission.

Très bien !

M. François Colcombet.

La proposition me paraît tout à fait raisonnable. A ce sujet, j'ajouterai, avec une pointe de regret, que si le Gouvernement a, depuis le début, prévu de nombreuses créations de postes de magistrats, il n'a sans doute pas envisagé suffisamment de créations de postes de greffiers. Il en avait prévu notamment pour les tribunaux de commerce.

M. Claude Goasguen.

Ne parlez plus de choses qui fâchent !

M. François Colcombet.

Dès le début de cette législature, je me souviens d'être allé faire le siège de M. StraussKahn que j'avais convaincu de créer des postes pour les tribunaux de commerce. Cette réforme a été ajournée à cause de la pression insistante d'un certain nombre de lobbies dont l'efficacité est si grande que je me plais à lui rendre hommage - si elle était aussi grande pour rendre une bonne justice, nous n'aurions pas besoin de réforme !

M. Claude Goasguen.

Adressez-vous au garde des sceaux, pas à nous !

M. François Colcombet.

Toujours est-il qu'aujourd'hui les postes de magistrats existent, et qu'ils pourront servir à la mise en application de cette loi.

M. Claude Goasguen.

Seriez-vous en train de nous dire que vous avez retardé le texte à cause des lobbies ?

M. François Colcombet.

On créera ensuite d'autres postes pour appliquer la réforme des tribunaux de commerce qui, je l'espère, ne saurait tarder. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Emile Blessig.

M. Emile Blessig.

Monsieur le président, mes chers collègues, M. Colcombet vient de souligner que le Parlement avait apporté une plus-value non négligeable au texte. Plusieurs avancées sont en effet d'origine parlementaire, même s'il a fallu, d'une certaine manière, bouleverser l'équilibre des moyens nécessaires à la mise en oeuvre. Tout le malentendu actuel vient de la belle assurance du Gouvernement qui nous affirmait : pas de problème, la loi sera appliquée, les moyens sont là. Or, force est de le constater, les moyens ne suivent pas ! Le texte dont nous sommes saisis a manifestement un double objet. Le premier, qui a fait l'unanimité au Sénat, consiste à aligner le régime d'indemnisation des condamnés reconnus innocents sur celui des personnes abusivement placées en détention provisoire. Outre leur caractère désormais cohérent, les dispositifs d'indemnisation seront, par rapport à l'état actuel du droit, améliorés sur trois points. Je pense d'abord au droit d'obtenir une réparation intégrale du préjudice moral et matériel causé par la détention provisoire, qui remplace le droit à une indemnisation. Les procédures d'attribution sont harmonisées. Enfin, la possibilité est laissée à l'intéressé de demander une expertise pour l'évaluation du préjudice.

Ces dispositions, comme celles qui concernent les sanctions encourues par un témoin qui ne comparaît pas ou qui ne prête pas serment, rencontrent l'adhésion du groupe UDF qui y voit la condition pour améliorer le fonctionnement d'ensemble de la justice, notamment au quotidien. Le débat de fond porte sur le deuxième objectif de ce texte. Les uns parlent de report partiel, les autres de conditions d'application défectueuses de la loi sur la présomption d'innocence. Toujours est-il que l'inquiétude est générale. Elle touche non seulement les magistrats du siège, les juges d'instruction et les magistrats du parquet, mais aussi les avocats, les greffiers, voire les officiers de police chargés des enquêtes. L'inquiétude n'avait jamais atteint un tel niveau dans notre pays.

M. Jean-Luc Warsmann.

Absolument !

M. Emile Blessig.

L'augmentation de la charge de travail et la non-revalorisation des indemnités d'aide juridictionnelle a pour la première fois provoqué une grève générale des avocats de tous les barreaux. Quand on connaît l'atomisation de cette profession, il y a de quoi être inquiet. Cette grève avait d'ailleurs été précédé e de celle des greffiers - qui a même abouti à un report partiel de la judiciarisation de l'application des peines. Nous sommes tous d'accord sur ces bancs pour constater que des progrès importants sont prévus. Mais à quoi bon s'ils


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devaient se faire au détriment du fonctionnement quotidien de la justice, c'est-à-dire du fonctionnement tout court de l'institution ? Nous ne pouvons que déplorer un retard lié à l'intransigeance et à un défaut d'esprit d'anticipation qui révèlent un certain manque de dialogue social. Tout le monde aurait compris que les progrès voulus par le Parlement méritaient une mise en oeuvre progressive. Il n'y a pas de honte pour un gouvernement à faire preuve d'esprit d'anticipation : c'est même, à mon sens, sa première responsabilité.

Mme Christine Lazerges, rapporteure.

Absolument !

M. Emile Blessig.

Permettez-moi d'insister maintenant sur un point qui me paraît important, la situation des parquets.

Dans son rapport d'activité de 1999, le Conseil supérieur de la magistrature relevait - et je crois que c'est grave - une désaffection des magistrats pour les fonctions de parquet auprès des tribunaux de grande instance, hormis celles de procureur de la République.

M. Jean-Luc Warsmann.

Absolument, c'est grave !

M. Emile Blessig.

La désaffection se traduit notamment par l'augmentation croissante des candidatures de parquetiers du deuxième grade à des postes au siège, de même niveau hiérarchique, alors que l'inverse ne se vérifie pas.

De même, le Conseil supérieur de la magistrature déplore le faible nombre - voire une absence totale - de candidatures à certains postes de substituts, jadis très recherchés.

Les explications du CSM sont de nature à alimenter notre réflexion. Premièrement, l'importance des sujétions et des contraintes qu'entraîne la fonction de parquetier au plan de la vie personnelle et familiale. Deuxièmement, l'évolution de la nature des fonctions du parquet orientées désormais vers les partenariats et la participation aux politiques publiques. Troisièmement, les inquiétudes et les incertitudes de nombreux membres du parquet en ce qui concerne leur statut. Or, madame la garde des sceaux, ces inquiétudes sont enregistrées à situation législative constante : il faut y ajouter les sujétions nées de l'application de la loi sur la présomption d'innocence. On peut alors craindre un véritable déséquilibre du corps judiciaire.

Quelles sont ces sujétions supplémentaires ? Je les rappelle brièvement : la mise en oeuvre de l'appel des arrêts de cour d'assises ; la création du juge des libertés avec, et M. Jean-Luc Warsmann l'a rappelé, le nombre de débats que cela provoquerait ; la judiciarisation de l'application des peines qui, même si elle s'applique avec un certain retard, va mobiliser les parquetiers. J'ajoute le renforcement du contrôle par le parquet des enquêtes de police judiciaire qui se traduira notamment par l'augmentation du nombre des permanences nocturnes.

Quelle conclusion tirer de ces quelques éléments de fait ? L'accroissement prévu du nombre des postes risque d'être absorbé par la désaffection des magistrats pour les fonctions de parquet si bien que, globalement la situation des parquets risque d'empirer du fait de l'alourdissement de la charge de travail liée à la mise en oeuvre de la loi de juin 2000.

Pour tenir compte de ces sujétions particulières, j'ai déposé, madame le garde des sceaux, un amendement qui tend à reporter au 1er janvier 2002 l'application des dispositions de l'article 5 de la loi sur la présemption d'innocence concernant un point très précis, les modalités d'information du parquet d'une mesure de garde à vue.

M. le président.

La parole est à M. Patrick Braouezec.

M. Patrick Braouezec.

La proposition de loi que nous examinons tend à harmoniser le régime de l'indemnisation des condamnés, reconnus innocents, avec le système existant d'indemnisation des personnes placées de façon abusive en détention provisoire. Cette proposition de loi reprend donc le dispositif de l'article 149 du code de procédure pénale, et l'indemnisation sera obligatoire sauf exception. Vous me permettrez, madame la garde des sceaux, d'insister sur deux points.

D'abord, l'utilité d'une telle réforme pour la justice de notre pays témoigne d'une harmonisation nécessaire du code de procédure pénale avec les principes posés par la C onvention européenne des droits de l'homme. Il convient de ne pas se voiler la face devant un point important : l'erreur judiciaire est bel et bien au coeur du dispositif législatif proposé ! Conformément à un esprit de justice qui n'a pas jusqu'ici prévalu dans toute son ampleur, une personne injustement condamnée doit recevoir réparation du préjudice qu'elle a subi.

Aussi nous semble-t-il légitime de remplacer le mot

« indemnisation », retenu dans l'actuelle rédaction de l'article 626 du code de procédure pénale, par le mot

« réparation », plus juste et, par là même, plus approprié.

Ce changement de terminologie revêt une importance primordiale. La notion de « réparation » signifie clairement qu'une erreur a été commise dans le cadre d'une procédure judiciaire, qui a eu pour conséquence l'incarcération d'une personne innocente. Afin de la dédommager, il nous paraît juste d'intégrer au montant des réparations le préjudice matériel et le préjudice moral, en tant qu'éléments constitutifs de la théorie générale du préjudice.

Or la notion de « réparation » inclut précisément ces éléments.

Enfin, la présente réforme ne fait que souligner davantage le cruel manque de moyens dont souffre notre justice. Il était utile d'en rappeler l'origine : la gestion de 1993 à 1997 a été très néfaste à la justice...

M. Jean-Luc Warsmann.

C'est faux !

M. Patrick Braouezec.

Cette gestion conduit à l'actuelle mobilisation de l'ensemble des acteurs du monde judiciaire et pénitentiaire. Aussi, madame la ministre, à l'occasion de ce texte, que les députés communistes voteront, parce qu'il entend rompre sinon avec l'erreur judiciaire, du moins avec la rigidité du syst ème d'indemnisation actuel, réaffirmons-nous notre volonté de voir ces réformes s'accompagner de la mise à disposition des moyens matériels et humains de rendre et d'administrer la justice dans les meilleures conditions.

M. le président.

La parole est à M. Jean-Luc Warsmann.

M. Jean-Luc Warsmann.

Deux ou trois remarques seulement.

D'abord, cette proposition de loi comporte des disposit ions ponctuelles qui peuvent présenter un intérêt, notamment celles qui concernent l'harmonisation dur égime d'indemnisation des personnes condamnées reconnues avec celui des personnes ayant été placées, à tort, en détention provisoire.

Ensuite, cette proposition rectifie de très nombreuses erreurs ou incohérences, ce qui illustre une nouvelle fois, je le souligne, le manque de sérieux qui a accompagné la rédaction et l'entrée en vigueur de la loi sur présomption d'innocence.

Mais l'important dans ce débat, c'est précisément ce qui n'est pas dans la loi, c'est-à-dire l'impossibilité d'appliquer l'ensemble des dispositions ! A cet égard, combien


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n'ai-je pas été amusé d'entendre comme seul argument de défense de la majorité : « C'est la faute à Toubon » ! Eh oui, c'est la faute à Toubon si on vote une loi sur la présomption d'innocence sans prévoir les moyens de l'appliquer ! Comment ne pas sourire ? C'est vraiment le degré zéro de la politique quand, au pouvoir depuis trois ans, on propose des réformes sans moyen de les appliquer mais en accusant le prédécesseur de ne les avoir pas prévus ! Je précise que tous mes chiffres proviennent du ministère de la justice. Ils mettent bien en évidence l'étendue des retards qui, globalement, s'aggravent depuis 1997. Un discours manichéen sur le sujet est totalement injusticiable.

Surtout, ce qui choque le plus dans le monde judiciaire qui connaît, pour la première fois, un mouvement général, c'est que les difficultés ont été créées volo ntairement. Le monde judiciaire a l'habitude des difficultés, il sait y faire face. Faire face à des difficultés imposées par les circonstances, c'est difficile, autre chose est de se trouver face à des difficultés parce qu'un ministère ne fait pas son travail ! Pas d'étude d'impact ! Pas d'étude des conditions et des moyens d'application ! Il y a vraiment de qui se révolter quand il faut ensuite appliquer ces dispositions.

M. le président.

La parole est à M. Claude Goasguen.

M. Claude Goasguen.

Madame la garde des sceaux, ce texte comprend en fait deux textes. Je dirais volontiers du bien du premier, mais c'est pour mieux dire ensuite tout le mal que je pense de l'amendement que vous avez collé très artificiellement sur un texte par ailleurs intéressant.

Car cette proposition de loi aborde un vrai problème, et je voudrais montrer à quel point nous sommes tout à fait conscients des lacunes de notre droit s'agissant de l'indemnisation de ceux qui sont victimes de la procédure. Je veux être positif. M. Colcombet me le reprochera-t-il ? Je ne sais plus quoi faire. Tout à l'heure, il nous a reproché d'avoir fait du positif dans la loi de la présomption d'innocence.

M. François Colcombet.

Pas du tout, je vous faisais un compliment !

M. Claude Goasguen.

Madame la garde des sceaux, notre droit français manque de dispositifs en faveur des victimes, des victimes en général, pas seulement des victimes de la procédure, qui sont, à juste titre, l'objet de ce texte dont l'auteur est un sénateur socialiste qui, tout le monde le sait, est un bon juriste. Je le souligne d'autant plus volontiers que la médiatisation souhaitable, nécessaire, à laquelle nous avons participé sur les prisons, ne doit pas être ressentie par l'opinion publique comme la marque de l'intérêt exclusif que nous porterions aux prisonniers. S'il est justifié, je le répète, de s'intéresser au sort des prisonniers et à ce qui se passe dans les prisons, je pense que cette médiatisation doit avoir pour corollaire l'attention qu'il nous faut porter à l'indemnisation des victimes.

Dans ce domaine, nos procédures sont effroyablement archaïques et beaucoup trop longues. Ce que je souhaite, si je peux me permettre d'avancer une proposition sur la proposition de loi, c'est que vous fassiez étudier très vite, non pas tant le droit lui-même que les procédures réglementaires qui accompagnent le droit. On ne peut pas continuer à laisser traîner des procédures d'indemnisation qui, pour aboutir, doivent souvent ressembler à des procès. J'ai vu des victimes prendre un avocat parce qu'elles n'arrivaient pas dans les délais à obtenir des remboursements convenables ! Examinons les procédures financières, les procédures réglementaires et le niveau des indemnisations. Est-il décent que l'Etat rembourse systématiquement a minima ? C'est un problème financier important. Je crois que l'on ne peut pas se pencher sur le cas des prisonniers, même si c'est à juste titre, sans s'intéresser parallèlement aux victimes. Nous avons tous à y gagner. Il n'est question ici ni de droite ni de gauche, mais simplement de justice.

Au-delà de ces aspects positifs que j'espère voir aboutir le plus rapidement possible, je réserverai un traitement différent et quelques-unes de mes remarques les plus acerbes à l'amendement que vous y avez rajouté de la manière la plus artificielle qui soit.

Je comprends, Mme la garde des sceaux, les problèmes qui se posent à votre ministère ; je les ai moi-même soulignés tout à l'heure. Pour pressant que soit sans doute le besoin, fallait-il y répondre par cet amendement ? Je comprends bien que, faute de greffier, on soit obligé de modifier la procédure. Mais comprenez également que l'opposition soit en droit de vous poser quelques questions à ce sujet.

De deux choses l'une : ou bien l'on ne savait pas, auquel cas c'est grave, parce que cela laisse à supposer que les conseillers qui entouraient votre prédécesseur n'ont pas fait leur travail ; ou bien l'on savait, et c'est encore plus grave, car cela signifie que l'on n'a pas donné les moyens qu'il fallait, mais en toute connaissance de cause.

Quoi qu'il en soit, même s'il n'y a pas à en dramatiser les effets et les suites - après tout, cela arrive à tous les gouvernements, de droite comme de gauche -, il faut voir pour le moins dans cet amendement la récupération d'une maladresse gouvernementale.

Encore pourrait-on en rester là s'il n'y avait la grave situation - on ne peut tout de même pas la nier, monsieur Colcombet - du service public de la justice. J'entends bien que la droite y a ses responsabilités,...

M. François Colcombet.

Nous vous en donnons acte.

M. Claude Goasguen.

... mais vous oubliez un peu facilement que, depuis 1981, vous comptez un certain nombre de gardes des sceaux de vos rangs - davantage que nous, du reste - si mes calculs sont exacts ! C'est évidemment, je le sais, une attitude assez courrante, au Parti socialiste notamment, que de répéter comme une litanie le fameux refrain par lequel Valmont rythme la lettre qu'il adresse à sa correspondante : « Ce n'est pas ma faute ». J'aurais aimé la vérifier, mais je n'ai pu retrouver le livre à l'Assemblée nationale...

« Ce n'est pas ma faute, ce n'est pas ma faute... » Les

greffiers, nous n'en avons pas ? Ce n'est pas ma faute, c'est évidemment la faute de la droite qui n'en a pas suffisamment mis en place et qui n'en a pas organisé un système de formation satisfaisant.

M. François Colcombet.

C'est vrai !

M. Patrick Braouezec.

C'est exact !

M. Claude Goasguen.

La présomption d'innocence n'est pas bien appliquée ? Ce n'est pas ma faute, me dit M. Colcombet ; c'est évidemment encore la droite, qui dans cette affaire s'est montrée à vous entendre si positive qu'elle en a trop chargé la barque, au point de la rendre inopérationnelle ! Et le même M. Colcombet - notez que je ne lui en veux pas particulièrement, je parle du Parti socialiste en général - de tenir ensuite un raisonnement rigoureusement inverse : maintenant, c'est à force de se montrer négative que la droite paralyse l'utilisation de la


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justice ! Mais ce n'est pas ma faute... C'est assurément celle de M. Toubon ! Bref, c'est la faute de la droite quand elle est positive, c'est la faute de la droite quand elle est négative. C'est toujours la faute de tout le monde, sauf celle du Gouvernement en place.

M. François Colcombet.

Ça c'est vrai !

M. Claude Goasguen.

Et M. Colcombet de conclure en apothéose : voyez les tribunaux de commerce, les puissants lobbies qui y sévissent ont réussi à repousser l'examen de la loi sur les tribunaux de commerce. Là encore, ce n'est pas ma faute : c'est la faute des lobbies... A ceci près que l'ordre du jour, c'est tout de même le Gouvernement qui le fixe ! Si l'examen de cette loi est retardé, ce ne sera peut-être pas la faute du Parti socialiste, mais sûrement celle du Gouvernement, et non des lobbies, monsieur Colcombet.

Ayez au moins le courage de reconnaître qu'il vous arrive de temps en temps de commettre des bavures.

Nous en avons connu de graves à l'éducation nationale.

J'espère que vous ne souffrirez pas trop de ce genre d'erreurs, madame la garde des sceaux ; je m'en voudrais de porter atteinte au caractère plutôt sympathique de vos débuts dans vos nouvelles fonctions. Nous verrons la suite... Quoi qu'il en soit, lorsqu'en politique on commet une erreur et que l'on parle de vérité, il faut l'assumer.

Reconnaissez que, dans cette affaire, vous n'aviez pas prévu que l'on aurait besoin de greffiers dans les prisons pour l'application des peines ; reconnaissez que l'opposition ne fait que son travail en dénonçant vigoureusement ce qui, pour le Gouvernement, s'apparente à un manquement au devoir de responsabilité.

Voilà pourquoi, mes chers collègues, je voterai sans hésitation contre ce texte. J'aurais plutôt eu tendance à voter pour la première partie, à bien des égards positive ; le problème est que vous l'avez dénaturée par ce cavalier juridique que je ne peux pas ne pas dénoncer.

M. le président.

La discussion générale est close.

La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme la garde des sceaux.

Je suis ravie de vous être sympathique, monsieur Goasguen, mais j'ai eu l'impression que ces mots en cachaient d'autres beaucoup moins sympathiques. Il n'est que de se rappeler les propos tenus tout à l'heure à la tribune sur le soutien que l'on se doit d'apporter aux magistrats et au monde de la justice en général, ou encore de certaines phrases écrites sur le garde des sceaux, à tel point que plusieurs parlementaires ont cru devoir m'apporter leur soutien...

M. Jean-Luc Warsmann. Qu'est-ce que c'est que cette histoire ?

Mme la garde des sceaux.

Disons que nous en sommes à un partout... Mais passons.

Il y a plus grave. M. Warsmann affirmait tout récemment sur une chaîne de télévision - il ne pourra pas me contredire, car j'en ai été directement témoin - qu'il fallait reporter toute la loi, faute d'avoir prévu les moyens nécessaires. Et vous vous opposez aujourd'hui à un amendement technique tendant précisément à ce report !

M. Jean-Luc Warsmann.

Je n'ai pas parlé de cet amendement !

Mme la garde des sceaux.

C'est ce que vient de dire M. Goasguen. Vos contradictions au sein de l'opposition prouvent à mes yeux que le Gouvernement et sa majorité n'ont finalement eu qu'un tort : faire un grand texte de liberté.

Vous parlez des moyens. Mme Elisabeth Guigou, sur l'ensemble de ses budgets, aura, grâce au vote du Parlement, permis la création de 4 481 postes d'agents au total dans son ministère, dont 659 postes de magistrats entre 1999 et 2001, dont la majorité créés en anticipation de la loi sur la présomption d'innocence et la protection du droit des victimes. De votre côté, entre 1995 et 1997, soit une période équivalente, vous n'en avez créé que 133 ! Si la justice est aussi malade du manque de postes et de moyens que vous le dites, il faudrait se souvenir de ces chiffres...

Parlons des greffiers, c'est encore plus grave. Lorsqu'il avait lancé sa grande loi de programmation, M. Méhaignerie avait écrit qu'il faudrait régulièrement créer des postes de greffiers. En 1997, son successeur a décidé qu'il n'y aurait pas de promotion de greffiers...

M. Jean-Luc Warsmann.

Il y a eu des catégories C recrutés !

M. François Colcombet.

Et on a supprimé les éducateurs ?

Mme la garde des sceaux.

Monsieur Warsmann, laissez-moi parler. Je ne me suis jamais permis de vous interrompre. Non seulement il n'y a pas eu de promotion à l'école de greffiers, soit une perte de 200, mais 69 postes ont été supprimés,...

M. François Colcombet.

Tout à fait !

M. Bernard Roman, président de la commission.

C'est énorme !

Mme la garde des sceaux.

... soit 269 postes supplémentaires qui me manquent bien aujourd'hui pour résoudre mes problèmes de postes et de personnes pour les pourvoir ! Si je les avais eus, je serais beaucoup plus à l'aise...

M. Jean-Luc Warsmann.

C'est la faute à Toubon !

M. Bernard Roman, président de la commission.

C'est plus la faute de la droite que celle de la gauche !

Mme la garde des sceaux.

Vous me répondrez que cette mesure a été prise pour créer des postes de fonctionnaires de catégorie C. Pourquoi ? Parce que cela coûte beaucoup moins cher... Et votre collègue, M. Goasguen, parlait de qualité du service public ! Aujourd'hui, ces gens réclament une revalorisation de leur carrière, et à raison, dans la mesure où on leur a demandé de faire le travail des greffiers dont on venait de supprimer 69 postes ! Ce n'était ni juste pour la catégorie C ni juste pour les greffiers. Ce n'est que logique si les greffiers descendent aujourd'hui dans la rue pour réclamer que l'on reprenne ce dossier, que l'on crée des postes de greffiers et que l'on transforme des postes de catégorie C en catégorie B. Nous sommes en train de réparer les graves erreurs commises en 1997...

M. Jean-Luc Warsmann.

Et comment les remplacerezvous lorsqu'ils vont partir pendant près d'un an en formation ?

M. François Colcombet.

Un peu de pudeur, monsieur Warsmann !

M. le président.

Je vous prie de ne pas interrompre

Mme la garde des sceaux.

Mme la garde des sceaux.

Ajoutons que, dans la perspective de ce texte de loi, et après avoir fait l'inventaire des postes de magistrats, Mme Guigou a décidé d'organiser deux concours exceptionnels, lesquels ont permis de


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 14 DÉCEMBRE 2000

r ecruter 200 magistrats supplémentaires. Il y avait urgence. Cela faisait bien longtemps qu'il n'y avait pas eu de concours exceptionnels.

M. Jean-Yves Caullet.

Heureusement qu'il y a eu la dissolution !

Mme la garde des sceaux.

Prenons maintenant la question des délais, dont vous avez longuement parlé.

Pour les tribunaux de grande instance, les délais sont stables depuis dix ans, alors que le nombre d'affaires a augmenté de 20 %. Pour les tribunaux d'instance, les délais sont de cinq mois depuis dix ans alors que le nombre d'affaires a augmenté d'un peu moins de 20 %. Pour les cours d'appel enfin, les stocks ont heureusement diminué : 10 000 affaires de moins en stock en 1999. En d'autres termes, les choses vont plutôt mieux,...

M. Jean-Luc Warsmann.

Incroyable !

Mme la garde des sceaux.

... même si elles sont encore loin d'aller très bien. Tout ne va pas bien, mais cela va de mieux en mieux et il faudra continuer sur le budget de l'année prochaine.

Soyons également sérieux. Ce n'est pas un audit que j'ai demandé pour l'application de la loi, mais une inspection pour voir où flécher en priorité les postes.

M. Claude Goasguen.

C'est la même chose...

Mme la garde des sceaux.

Non, ce n'est pas la même chose.

M. Claude Goasguen.

C'est moins méchant !

Mme la garde des sceaux.

Il serait également bon de savoir pourquoi, à épure égale et à nombre d'affaires égal, certaines cours ont des délais beaucoup plus longs que d'autres. C'est là un travail qu'il faudra continuer à mener dans une totale sérénité.

Vous avez parlé des petits tribunaux qui n'ont pas les moyens. Les petits tribunaux encore sans vice-président sont Saint-Dié, Saint-Gaudens, Marmande, Belley, Millau, Hazebrouck, Péronne, Dinan et Morlaix. Les postes ont été créés en 2000 et doivent être pourvus dans les tout premiers jours de 2001. Ils sont en effet indispensables.

Vous trouvez que la mesure technique que nous vous proposons aujourd'hui est un cavalier. Après tout, peu importe le qualificatif : je vous répondrai seulement que si un problème de greffier se pose, mieux vaut le résoudre avec une mesure technique appropriée plutôt qu'à coups de grands discours sur le bogue de la justice.

La justice, je l'ai déjà dit, a besoin de sérénité, d'apaisement, de sérieux, de méthode, de rigueur. Je n'ai vraiment pas l'impression de porter l'héritage défaillant de mon précédesseur le plus immédiat. Tout au contaire, je crois que la justice avait pendant trop longtemps manqué d'un garde des sceaux qui se batte pour obtenir en un temps record 17,8 % d'augmentation de son budget et pour proposer de grands textes de liberté permettant de montrer une image digne de la France au niveau européen comme au niveau mondial. Essayez de vous montrer aussi sereins, apaisés, méthodiques et rigoureux que nous.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Claude Goasguen.

On en reparlera dans six mois ! Discussion des articles

M. le président.

J'appelle maintenant, dans les conditions prévues par l'article 91, alinéa 9, du règlement, les articles de la proposition de loi dans le texte du Sénat.

Article 1er

M. le président.

Je donne lecture de l'article 1er : Section 1 Dispositions relatives à l'indemnisation des condamnés reconnus innocents et à l'indemnisation des personnes placées en détention provisoire et bénéficiant d'un non-lieu, d'une relaxe ou d'un acquittement

« Art. 1er . - La première phrase du premier alinéa de l'article 149 du code de procédure pénale est ainsi rédigée :

« Sans préjudice de l'application des dispositions des deuxième et troisième alinéas de l'article L.

781-1 du code de l'organisation judiciaire, la personne qui a fait l'objet d'une détention provisoire au cours d'une procédure terminée à son égard par une décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement devenue définitive a droit, à sa demande, à réparation intégrale du préjudice moral et matériel que lui a causé cette détention. »

La parole est à M. Jean-Luc Warsmann, inscrit sur l'article.

M. Jean-Luc Warsmann.

Au moment où toute la France judiciaire hésite entre l'inquiétude, la colère, la révolte et la grève, Mme la garde des sceaux soutient que tout va de mieux en mieux ! Les professionnels de la justice qui liront nos débats constateront à quel point un ministre peut être déconnecté de la réalité !

M. Bernard Roman, président de la commission.

Nous en sommes à l'article 1er , monsieur Warsmann !

Mme Christine Lazerges, rapporteure.

Ne deviez-vous pas intervenir sur l'article, monsieur Warsmann ?

M. Jean-Luc Warsmann.

Mes collègues Thierry Mariani et Claude Goasguen se demandaient tout à l'heure si vous aviez bien mesuré votre héritage. Quoi qu'il en soit, à partir de maintenant, vous savez tout puisque nous vous avons tout dit. Ce n'est plus la faute de votre prédécesseur, cela devient la vôtre. C'est à vous de prendre les mesures nécessaires au bon fonctionnement de la justice.

Votre seul argument pour expliquer les difficultés qui existent sur le terrain a été d'évoquer le bilan de l'ancienne majorité. Je trouve extrêmement comique...

M. Jean-Yves Caullet.

Il n'y a pas de quoi !

M. Jean-Luc Warsmann.

... , lorsque l'on est au pouvoir depuis trois ans, d'aller critiquer ce qui a été fait avant, allant jusqu'à reprocher à l'ancienne majorité de ne pas avoir recruté suffisamment de greffiers et de magistrats pour appliquer une loi sur la présomption d'innocence votée en l'an 2000. Vous n'êtes décidément pas à une incohérence près !

M. François Colcombet.

Et la réforme de la cour d'assises ? Il n'y avait pas de moyens !

M. Bernard Roman, président de la commission.

L'article 1er , c'est l'indemnisation ou la réparation, rappelons-le !

M. Jean-Luc Warsmann.

Vous dites avoir déjà mis en place les moyens nécessaires, en termes de greffiers et de magistrats, pour appliquer la loi, en déclarant que, pour la plupart, ces moyens existaient déjà dans les juridictions. Or le problème, dont se plaignent tous les magistrats de France,...


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M. Bernard Roman, président de la commission.

Nous ne devons pas rencontrer les mêmes !

M. Jean-Luc Warsmann.

... c'est précisément que ces moyens-là n'ont permis aucune amélioration des délais.

Malgré le nombre de fonctionnaires arrivés en 1997, 1998, 1999 et jusqu'en décembre 2000, la justice est toujours aussi engorgée et le retard considérable.

Que va-t-il se passer au 1er janvier ? Tous ces juges et ces greffiers dans les juridictions se verront retirer leur travail de jugement et mis sur de nouvelles fonctions créées dans les tribunaux. En d'autres termes, pour parler très concrètement, des magistrats qui jugent aujourd'hui au civil, qui jugent des requêtes de divorce, des affaires familiales, bref, de tous les problèmes de la justice quotidienne, de la justice de la vie, seront retirés pour être affectés à la réforme. Ainsi, à Paris, cinq vice-présidents qui tenaient toutes les semaines des audiences civiles ne vont plus en juger, parce qu'ils vont devenir juges de la détention. Voià ce que nous dénonçons avec la plus grande vigueur...

Mme Christine Lazerges, rapporteure.

C'est complètement hors sujet !

M. Jean-Luc Warsmann.

Premièrement, malgré tous les chiffres que vous citez, le fonctionnement de la justice n'est pas amélioré, au contraire : depuis trois ans, les délais ont plutôt tendance à s'aggraver. Deuxièmement, vous amenez une masse considérable de travail supplémentaire. Alors, vous faites de la cavalerie : chaque poste de magistrat créé sert à remplacer plusieurs postes, à financer des mesures, à combler des retards ; bref, le même magistrat se retrouve à faire quatre ou cinq choses à la fois.

Vous venez encore de nous donner une illustration en amorçant que vous alliez prendre des vice-présidents dans quasiment tous les tribunaux de France pour nommer des juges de la détention. Mais que croyez-vous que fassent actuellement les vice-présidents en place dans les juridictions ? Ils ne se tournent pas les pouces, ils jugent ! A partir du moment où vous allez leur donner un nouveau travail de juge de la détention, ils ne jugeront plus. Ce sera bien un moins par rapport à l'ensemble des juridictions et c'est cela que constatent d'ores et déjà tous les magistrats, même si vous vous obstinez à ne pas le reconnaître.

M. le président.

Nous en arrivons aux amendements à l'article 1er

M. Bernard Roman, président de la commission.

Et que pensez-vous de l'article 1er , monsieur Warsmann ? (Sourires.)

M. le président.

Tenez-vous vraiment à ce que ce debat dure, monsieur le président ?

M. Jean-Luc Warsmann.

M. Roman veut relancer le débat !

M. Bernard Roman, président de la commission.

J'aurais cru que M. Warsmann s'exprimerait sur l'article 1er ...

M. le président.

Soyons sérieux ! Je n'ai pas à juger du fond des interventions. Sur les amendements en revanche, il en va différemment.

M. Jean-Luc Warsmann.

Et vous noterez que j'ai respecté les cinq minutes...

M. François Colcombet.

Personne n'a abusé de son temps.

M. le président.

Mme Lazerges, rapporteure, a présenté un amendement, no 2, ainsi rédigé :

« Compléter l'article 1er par l'alinéa suivant :

« Dans la deuxième phrase du premier alinéa de l'article 149 du même code, le mot : "indemnisation" est remplacé par le mot : "réparation". »

La parole est à Mme la rapporteur.

Mme Christine Lazerges, rapporteure.

Il ne s'agit que d'un amendement de simple rectification. Le Sénat a préféré le mot « réparation » au mot « indemnisation ». Un débat sur ce point ne me paraît pas utile...

M. Bernard Roman, président de la commission.

On vient de l'avoir !

Mme Christine Lazerges, rapporteure.

...mais il avait oublié d'opérer cette substitution à l'article 1er . Ce que nous faisons à sa place, par coordination.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Favorable. Je dirai juste à M. Warsmann, en citant Ihering, que la procédure est la soeur jumelle de la liberté.

M. Jean-Luc Warsmann.

Oh, alors, la France est sauvée !

M. le président.

Je mets aux voix l'article 1er , modifié par l'amendement no

2. (L'article 1er , ainsi modifié, est adopté.)

Articles 1er bis, 1er ter et 1er quater

M. le président.

« Art. 1er bis Dans le second alinéa de l'article 149 du même code, les mots : "une indemnisation", sont remplacés par le mot : "réparation". »

Je mets aux voix l'article 1er bis

(L'article 1er bis est adopté.)

M. le président.

« Art. 1er ter . - A la fin du second alinéa de l'article 149 du code de procédure pénale, la référence : "de l'article 149-1" est remplacée par la référence : "des articles 149-1 à 149-3" (premier alinéa). - (Adopté.)

« Art.

1er quater . - Au début de l'article 149-1 du même code, les mots : "L'indemnité" sont remplacés par les mots : "La réparation". »

- (Adopté.)

Après l'article 1er quater

M. le président.

Mme Lazerges, rapporteure, a présenté un amendement, no 3, ainsi rédigé :

« Après l'article 1er quater, insérer l'article suivant :

« Au début de la première phrase de l'article 150 du même code, les mots : "L'indemnité" sont remplacés par les mots : "La réparation". »

La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Christine Lazerges, rapporteure.

Cet amendement a rigoureusement le même but que le précédent : remplacer « indemnisation » par « réparation ».

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

3. (L'amendement est adopté.)


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Article 2

M. le président.

« L'article 626 du même code est ainsi modifié :

« I. Le premier alinéa est ainsi rédigé :

« Sans préjudice des dispositions des deuxième et troisième alinéas de l'article L.

781-1 du code de l'organisation judiciaire, un condamné reconnu innocent en application du présent titre a droit à réparation intégrale du préjudice matériel et moral qui lui a causé la condamnation. Toutefois, aucune réparation n'est due lorsque la personne a été condamnée pour des faits dont elle s'est librement et volontairement accusée ou laissé accuser à tort en vue de faire échapper l'auteur des faits aux poursuites. »

« II. Après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« A la demande de l'intéressé, le préjudice est évalué par expertise contradictoire réalisée dans les conditions des articles 156 et suivants. »

« II bis . - 1o Au début du troisième alinéa, les mots : "L'indemnité" sont remplacés par les mots : "La réparation".

« 2o Dans la deuxième phrase du même alinéa, les mots : "l'indemnisation" sont remplacés par les mots : "la réparation".

« 3o En conséquence, dans la dernière phrase du même alinéa, les mots : "l'indemnisation" sont remplacés par les mots : "la réparation".

« III. Dans le troisième alinéa, les mots : "par la commission et suivant la procédure prévue par les articles 149-1 et 149-2" sont remplacés par les mots : "par le premier président de la cour d'appel dans le ressort de laquelle réside l'intéressé et suivant la procédure prévue par les articles 149-1 à 149-4".

« IV. - Dans la première phrase du quatrième alinéa, le mot : "indemnité" est remplacé par le mot : "réparation". »

Mme Lazerges, rapporteure, a présenté un amendement, no 4, ainsi rédigé :

« Après le I de l'article 2, insérer le paragraphe suivant :

« I bis Dans le deuxième alinéa le mot "indemnité" est remplacé par le mot "réparation". »

La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Christine Lazerges, rapporteure.

Même objet que précédemment.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

4. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

Mme Christine Lazerges, rapporteure, a présenté un amendement, no 5, ainsi rédigé :

« A la fin du III de l'article 2, substituer aux m ots : "149-1 à 149-4", les mots : "149-2 à 149-4". »

La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Christine Lazerges, rapporteure.

Correction d'une erreur de référence.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

5. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 2, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 2, ainsi modifié, est adopté.)

Après l'article 2

M. le président.

Mme Lazerges, rapporteure, a présenté un amendement no 6, ainsi libellé :

« Après l'article 2, insérer l'article suivant :

« I. L'intitulé de la sous-section 3 de la section VII du chapitre Ier du titre III du livre Ier du même code est ainsi rédigée :

« Sous-section 3. - De la réparation à raison d'une détention. »

« II. - Dans la première phrase du premier alinéa de l'article 149-3, les mots : " d'indemnisation des détentions provisoires " sont remplacés par les mots : " de réparation des détentions ". »

La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Christine Lazerges, rapporteure.

Dès lors que l'objet de la commission nationale d'indemnisation dépasse celui de la réparation des seules détentions provisoires, il apparaît nécessaire de supprimer le mot « provisoire » et d'intituler la sous-section 3 : « De la réparation à raison d'une détention ». Ce qui correspond à l'intention du Sénat.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

6. (L'amendement est adopté.)

Articles 3 à 15 bis

M. le président.

Je donne lecture de l'article 3 : Section 2 Dispositions relatives aux sanctions encourues par le témoin qui ne comparaît pas, ne prête pas serment ou refuse de déposer

« Art. 3. - Les deux derniers alinéas de l'article 109 du même code sont supprimés. »

Je mets aux voix l'article 3.

(L'article 3 est adopté.)

M. le président.

« Art. 4. - A la fin du deuxième alinéa de l'article 326 du même code, les mots : "à la peine portée à l'article 109" sont remplacés par les mots : "à une amende de 25 000 francs". » -

(Adopté.)

« Art. 5. - A la fin de l'article 438 du même code, les mots : "à la peine portée à l'article 109" sont remplacés par les mots : "à une amende de 25 000 francs". » -

(Adopté.)

« Art. 6. - Dans l'article 434-15-1 du code pénal, après les mots : "Le fait de ne pas comparaître,", sont insérés les mots : "de ne pas prêter serment ou de ne pas déposer,". » -

(Adopté.)

Section 3 Dispositions diverses

« Art. 7. - A la fin de la première phrase de l'avantdernier alinéa de l'article 116 du code de procédure pénale, le mot : "permanente" est remplacé par le mot : "personnelle". » -

(Adopté.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 14 DÉCEMBRE 2000

« Art.

7 bis . - Le deuxième alinéa de l'article 137-1 du même code est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Il peut alors faire application des dispositions de l'article 93. » -

(Adopté.)

« Art.

8. - Dans l'article 152 du même code, les mots : "celles-ci" sont remplacés par les mots : "ceux-ci". » - (Adopté.)

« Art.

9. - Dans le dernier alinéa de l'article 179 du même code, les mots : "au troisième alinéa" sont remplacés par les mots : "au premier alinéa". » -

(Adopté.)

« Art.

10. - L'article 187-1 du même code est ainsi modifié :

« I. - Dans les troisième et cinquième alinéas, les mots : "du juge d'instruction" sont remplacés par les mots : "du juge des libertés et de la détention".

« II. - Dans le dernier alinéa, les mots : "par le juge d'instruction" sont remplacés par les mots : "par le juge des libertés et de la détention". » -

(Adopté.)

« Art.

11. - Dans les premier et deuxième alinéas de l'article 207-1 du même code, les mots : "chambre d'accusation" sont remplacés par les mots : "chambre de l'instruction". » -

(Adopté.)

« Art.

12. - Dans l'article 609-1 du même code, les mots : "ou de transmission de pièces" sont supprimés. » -

(Adopté.)

« Art.

13. - Dans l'article 610 du même code, les mots : "devant un tribunal civil autre que celui où s'est faite l'instruction" sont remplacés par les mots : "devant une cour d'appel autre que celle dans le ressort de laquelle siège la cour d'assises qui a rendu l'arrêt". » -

(Adopté.)

« Art.

14. - L'article 698-6 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Par dérogation aux dispositions du deuxième alinéa de l'article 380-1, en cas d'appel d'une décision d'une cour d'assises composée comme il est dit au présent article, la chambre criminelle de la Cour de cassation peut désigner la même cour d'assises, autrement composée, pour connaître de l'appel. » -

(Adopté.)

« Art.

15. - La dernière phrase de l'article 720-5 du même code est ainsi rédigée :

« La semi-liberté est alors ordonnée par la juridiction régionale de la libération conditionnelle dans les conditions prévues par l'article 722-1, sauf si la peine restant à subir par le condamné est inférieure à trois ans. » -

(Adopté.)

« Art.

15 bis . - I. - Le dernier alinéa de l'article 722 du même code est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Ce décret précise la localisation des débats contradictoires que doit tenir le juge de l'application des peines lorsqu'ils concernent des condamnés incarcérés. »

« II. - Le dernier alinéa de l'article 722-1 du même code est complété par une phrase ainsi rédigée : "Ce décret détermine la localisation des débats contradictoires que doit tenir la juridiction régionale de la libération conditionnelle lorsqu'ils concernent des condamnés incarcérés". » -

(Adopté.)

Après l'article 15 bis

M. le président.

Mme Lazerges, rapporteure, a présenté un amendement, no 7, ainsi rédigé :

« Après l'article 15 bis, insérer l'article suivant :

« Dans la première phrase du deuxième alinéa de l'article 77-2 du même code, la référence "41-4" est remplacée par la référence "41-3". »

La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Christine Lazerges, rapporteure.

Il s'agit de corriger une erreur de référence.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

7. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

Mme Lazerges, rapporteure, a présenté un amendement, no 8, ainsi rédigé :

« Après l'article 15 bis, insérer l'article suivant :

« Dans la première phrase du dernier alinéa de l'article 82-1 du même code, les mots "ou, s'il a été fait application du dernier alinéa de l'article 80-1, de l'envoi de la lettre prévue par cet alinéa" sont supprimés. »

La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Christine Lazerges, rapporteure.

Il s'agit encore d'une coordination rendue nécessaire par l'adoption de la loi du 15 juin, d'un toilettage.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

8. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

Mme Lazerges, rapporteure, a présenté un amendement, no 9, ainsi rédigé :

« Après l'article 15 bis, insérer l'article suivant :

« Dans la première phrase du premier alinéa de l'article 175-1 du code de procédure pénale, les mots "devant la juridiction de jugement ou de transmettre la procédure au procureur général" sont remplacés par les mots "ou la mise en accusation devant la juridiction de jugement". »

La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Christine Lazerges, rapporteure.

Coordination, monsieur le président, toilettage !

M. le président.

Ce sera un texte très propre ! (Sourires.)

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

9. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

Mme Lazerges, rapporteure, a présenté un amendement, no 10, ainsi libellé :

« Après l'article 15 bis, insérer l'article suivant :

« Avant le dernier alinéa de l'article 185 du code de procédure pénale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« En cas d'appel par la personne mise en examen de l'ordonnance de mise en accusation prévue par l'article 181, le procureur de la République dispose d'un délai d'appel incident de cinq jours supplémentaires à compter de l'appel de la personne mise en examen. »

La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Christine Lazerges, rapporteure.

L'amendement no 10 est plus important. Il s'agit de donner au procureur de la République le même délai pour faire appel d'une


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ordonnance de mise en accusation qu'à la personne poursuivie. Le procureur de la République ne bénéficiait que de cinq jours. Nous lui rajoutons cinq jours pour que et la personne poursuivie et le procureur de la République, aient dix jours pour faire appel d'une mise en accusation.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Avis favorable à cet excellent amendement.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

10. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

Mme Lazerges, rapporteure, a présenté un amendement, no 11, ainsi rédigé :

« Après l'article 15 bis, insérer l'article suivant :

« A la fin du premier alinéa de l'article 374 du même code, la référence "380-9" est remplacée par la référence "380-8". »

Voulez-vous, madame la rapporteure, présenter en même temps les amendements nos 12, 13 et 14 ?

Mme Christine Lazerges, rapporteure.

Volontiers, monsieur le président.

M. le président.

Je suis saisi de trois amendements de la commission.

L'amendement no 12 est ainsi rédigé :

« Après l'article 15 bis, insérer l'article suivant :

« Au début du premier alinéa de l'article 627 du même code, les mots "un arrêt de mise en accusation" sont remplacés par les mots "une décision de mise en accusation". »

L'amendement no 13 est ainsi rédigé :

« Après l'article 15 bis , insérer l'article suivant :

« Dans le premier alinéa de l'article 632 du même code, les mots "l'arrêt de renvoi" sont remplacés par les mots "la décision de renvoi". »

L'amendement no 14 est ainsi rédigé :

« Après l'article 15 bis, insérer l'article suivant :

« Au début de l'avant-dernier alinéa de l'article 9 de l'ordonnance no 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante, les mots "l'arrêt sera rédigé" sont remplacés par les mots "l'ordonnance sera rédigée". »

Vous avez la parole, madame la rapporteure.

Mme Christine Lazerges, rapporteure.

L'amendement no 11 corrige une erreur de référence. Nous voulons, en effet, que ce texte soit parfait au sortir de cette séance.

M. Bernard Roman, président de la commission.

Propre et parfait !

Mme Christine Lazerges, rapporteure.

Nous avions écrit « arrêt de mise en accusation ». En réalité il est meilleur d'écrire « décision de mise en accusation ». C'est à cette harmonisation avec la terminologie retenue dans la loi du 15 juin 2000 que procède l'amendement no

12. L'amendement no 13 tend encore à remplacer le mot

« arrêt » par « décision ».

L'amendement no 14 est aussi un amendement d'harmonisation avec la terminologie retenue dans la loi du 15 juin 2000.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement sur ces amendements ?

Mme la garde des sceaux.

Favorable à tous, monsieur le président.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

11. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

12. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

13. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

14. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

Mme Lazerges, rapporteure, a présenté un amendement, no 15, ainsi libellé :

« Après l'article 15 bis, insérer l'article suivant :

« L'article 11 de l'ordonnance no 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque le juge des libertés et de la détention est saisi par le juge d'instruction ou le juge des enfants en application du quatrième alinéa de l'article 137-1 du code de procédure pénale, il peut prononcer une mesure de liberté surveillée à titre provisoire, prévue par le huitième alinéa de l'article 8, ou une mesure de garde provisoire prévue par l'article 10. »

La parole est à Mme la rapporteure.

M me Christine Lazerges, rapporteure.

Nous nous sommes aperçus que, lorsque le juge de la détention et des libertés est saisi d'un dossier concernant un mineur, la loi du 15 juin 2000 ne lui donne le choix qu'entre le contrôle judiciaire, la liberté et la détention provisoire.

Nous pensons, que s'agissant de mineurs, le juge des libertés et de la détention doit pouvoir user des mêmes dispositifs particuliers que les juges des enfants aujourd'hui, à savoir le placement en liberté surveillée ou le placement dans un centre de placement immédiat, c'est-àdire toute la gamme des mesures proposées pour les mineurs délinquants.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Avis favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

15. (L'amendement est adopté.)

Articles 16, 16 bis , 16 ter et 16 quater

M. le président.

« Art. 16. - I. - Après l'article 722-1 du même code, il est inséré un article 722-1-A ainsi rédigé :

« Art. 722-1-A. - Dans les territoires et départements d'outre-mer, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les collectivités territoriales de Mayotte et de Saint-Pierre-et-Miquelon, la juridiction régionale de la libération conditionnelle prévue à l'article 722-1 est composée d'un magistrat du siège de la cour d'appel, président, d'un magistrat du siège de la cour d'appel et d'un juge de l'application des peines, assesseurs.

« Lorsque les débats contradictoires de la juridiction régionale de la libération conditionnelle établie auprès de la cour d'appel de Fort-de-France se tiennent dans le département de la Guyane, le premier président de la cour d'appel de Fort-de-France peut, par ordonnance, désigner le président de la chambre détachée ou l'un de ses conseillers pour exercer les fonctions de président et un conseiller de la chambre détachée pour exercer les fonctions d'assesseurs. »


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« II. - Le premier alinéa de l'article 823 du même code est ainsi rédigé :

« Pour l'application des dispositions de l'article 145 dans le territoire des îles Wallis-et-Futuna, le juge d'instruction peut ordonner l'incarcération provisoire de la personne mise en examen. Celle-ci doit comparaître devant le juge des libertés et de la détention dans les meilleurs délais, et au plus tard le septième jour ouvrable suivant. »

«

III. - Il est inséré au chapitre XII du titre Ier du livre VI du même code un article 868-1 ainsi rédigé :

« Art.

868-1 . - Par dérogation aux dispositions des deuxième et troisième alinéas de l'article 709-1, le président du tribunal de première instance de Wallis-etFutuna exerce les fonctions de juge de l'application des peines. »

« IV. - Il est inséré au chapitre IX du titre II du livre VI du même code un article 901-1 ainsi rédigé :

« Art.

901-1 . - Par dérogation aux dispositions des deuxième et troisième alinéas de l'article 709-1, le président du tribunal de première instance exerce les fonctions de juge de l'application des peines. »

Je mets aux voix l'article 16.

(L'article 16 est adopté.)

M. le président.

« Art. 16 bis . - Il est créé, dans le livre VI du code de l'organisation judiciaire, un titre IV ainsi rédigé :

«

TITRE IV

« LE JUGE DES LIBERTÉS ET DE LA DÉTENTION

« Art. L.

640-1 Les règles concernant les conditions de désignation et les attributions du juge des libertés et de la détention sont fixées par le code de procédure pénale et par les lois particulières.

« Art. L.

640-2 Pour l'organisation du service de fin de semaine ou du service allégé, pendant la période au cours de laquelle les magistrats bénéficient de leurs congés annuels, et nonobstant les dispositions des articles 137-1 du code de procédure pénale et L.

710-1 du présent code, un magistrat ayant rang de président, de premier viceprésident ou de vice-président exerçant les fonctions de juge des libertés et de la détention dans un tribunal de grande instance peut être désigné afin d'exercer concurremment ces fonctions dans, au plus, deux autres tribunaux de grande instance du ressort de la cour d'appel ; cette désignation est décidée par ordonnance du premier président, prise à la demande des présidents de ces juridictions et après avis du président du tribunal de grande instance concerné ; elle en précise le motif et la durée, ainsi que les tribunaux pour lesquels elle s'applique ; la durée totale d'exercice concurrent des fonctions de juge des libertés dans plusieurs tribunaux de grande instance ne peut excéder quarante jours au cours de l'année judiciaire.

« La désignation prévue à l'alinéa précédent peut également être ordonnée, selon les mêmes modalités et pour une durée totale, intermittente ou continue, qui ne peut excéder quarante jours, lorsque pour cause de vacance d'emploi ou d'empêchement, aucun magistrat n'est susceptible, au sein d'une juridiction, d'exercer les fonctions de juge des libertés et de la détention. »

(Adopté.)

« Art. 16 ter Dans la première phrase du premier alinéa de l'article L.

221-1 du code de l'organisation judiciaire, le mot : "juges" est remplacé par les mots : "magistrats du siège" ». (Adopté.)

« Art. 16 quater Il est inséré, dans le chapitre II du titre II du livre II du code de l'organisation judiciaire, un article L.

221-3 ainsi rédigé :

« Art.

L. 221-3 Pour l'organisation du service de fin de semaine ou du service allégé, pendant la période au cours de laquelle les magistrats bénéficient de leurs congés annuels, le procureur général peut désigner, après avis des procureurs de la République concernés, un magistrat du parquet d'un tribunal de grande instance de son ressort, pour exercer également les compétences du ministère public près d'au plus deux autres tribunaux de grande instance du ressort de la cour d'appel.

« La décision portant désignation en précise le motif et la durée ainsi que les tribunaux pour lesquels elle s'applique. »

(Adopté.)

Après l'article 16 quater

M. le président.

Le Gouvernement a présenté un amendement, no 1, ainsi libellé :

« Après l'article 16 quater, insérer l'article suivant :

« Après le premier alinéa de l'article 140 de la loi no 2000-516 du 15 juin 2000, renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :

« Du 1er janvier 2001 jusqu'au 16 juin 2001, les dispositions du IX de l'article 125 de la loi ne sont pas applicables, et la deuxième phrase du sixième alinéa de l'article 722 du code de procédure pénale, dans sa rédaction résultant du IV de l'article 125 de la loi, est ainsi rédigée :

« Cette décision est rendue, au vu des observations écrites du condamné ou de son avocat, après avis de la commission d'application des peines ; à sa demande, le condamné, assisté le cas échéant de son avocat, peut également présenter oralement des observations devant le juge de l'application des peines ; ce magistrat procède à cette audition et statut sans être assisté d'un greffier ; le condamné peut demander à bénéficier de l'aide juridictionnelle. »

Sur cet amendement, je suis saisi de trois sousamendements.

L e sous-amendement no 16, présenté par Mme Lazerges, rapporteure, est ainsi rédigé :

« Dans le deuxième alinéa de l'amendement no 1, supprimer les mots : "les dispositions du IX de l'article 125 de la loi ne sont pas applicables". »

Le sous-amendement no 18, présenté par M. Warsmann, est ainsi rédigé :

« Dans le deuxième alinéa de l'amendement no 1, supprimer le mot : "et". »

L e sous-amendement no 17, présenté par Mme Lazerges, rapporteure, est ainsi rédigé :

« Compléter le dernier alinéa de l'amendement no 1 par la phrase suivante :

« La décision du juge de l'application des peines peut être attaquée par la voie de l'appel par le condamné ou le procureur de la République dans le délai de dix jours à compter de sa notification. »

La parole est à Mme la garde des sceaux pour soutenir l'amendement no

1.

Mme la garde des sceaux.

Je serai brève car j'ai déjà développé mes arguments dans mon propos liminaire.

La juridictionnalisation de l'application des peines, dont l'entrée en vigeur est fixée au 1er janvier 2001, doit pouvoir s'effectuer dans la plus grande sérénité. Ce sont


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 14 DÉCEMBRE 2000

144 greffiers qui doivent être affectés dans les juridictions à la fin du mois d'avril 2001. On peut considérer qu'ils seront en poste en mai et totalement efficients au début de juin.

C'est pourquoi le présent amendement propose d'instaurer une période de six mois avec des aménagements extrêmement limités, qui respectent l'esprit de la loi puisque, comme je l'ai rappelé longuement tout à l'heure, le condamné à une peine de moins de dix ans pourra bâtir son argumentaire avec l'aide d'un avocat. C'est ce que demandaient les condamnés avant que la juridictionnalisation ne soit totale. C'est un grand progrès pour ces détenus qui souvent se sentent oubliés de ceux qui sont dehors.

M. le président.

La parole est à Mme la rapporteure, pour donner l'avis de la commission sur l'amendement no 1 et présenter le sous-amendement no

16.

Mme Christine Lazerges, rapporteure.

L'avis de la commission sur l'amendement no 1 est tout à fait favorable, mais nous souhaiterions une petite correction de forme : la commission s'appelle commission « de l'application des peines » et non pas « d'application des peines ».

Mme la garde des sceaux.

C'est exact !

M me Christine Lazerges, rapporteure.

Quant aux deux sous-amendements de la commission des lois, ce sont des compléments visant à se rapprocher de la formule finale qui fonctionnera à partir du 16 juin 2001.

Le sous-amendement no 16 n'est, en fait, qu'un sousamendement de coordination. Le sous-amendement no 17 offre à la personne qui demande à être entendue par le juge de l'application des peines la possibilité de faire appel. Cette possibilité est également offerte au procureur de la République. Donc, l'appel est possible tant pour le procureur de la République que pour le détenu qui s'entretient avec son juge de l'application des peines.

M. le président.

Je pense que le Gouvernement est d'accord avec la rectification proposée par Mme la rapporteure.

Mme la garde des sceaux.

Bien sûr !

M. le président.

L'amendement no 1 est ainsi rectifié.

Quel est l'avis du Gouvernement sur le sous-amendement no 16 ?

Mme la garde des sceaux.

Je ne peux qu'y être favorable, monsieur le président.

M. le président.

Je mets aux voix le sous-amendement no

16. (Le sous-amendement est adopté.)

M. le président.

La parole est à M. Jean-Luc Warsmann, pour soutenir le sous-amendement no

18.

M. Jean-Luc Warsmann.

Mon sous-amendement est de ceux, fondamentaux, que la majorité a l'habitude d'accepter biens qu'ils viennent de l'opposition. (Sourires.)

En fait, il ne s'agit que de rectifier un oubli dans le sous-amendement prédédent où la première partie d'une phrase disparaît si bien que la phrase commence par le mot « et », incorrection que l'on peut admettre de certaines vedettes mais qui n'a pas sa place dans le code ! Pour le reste, M. Goasguen l'a dit, tout le monde savait que ces greffiers étaient nécessaires, qu'ils auraient déjà dû exister auprès des juges d'application des peines.

Nous ne cautionnons évidemment pas, sur le fond, ce pas de clerc.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M me Christine Lazerges, rapporteure.

Je félicite M. Warsmann de participer avec vigilance à l'opération de toilettage à laquelle nous procédons cet après-midi. Il contribue ainsi grandement à l'oeuvre législative. Nous avons adopté avec plaisir son sous-amendement.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Le Gouvernement est favorable. Je salue l'élégance du sous-amendement et déplore que l'argument sur les greffiers en manque totalement ! C'est avant 1997 qu'on aurait eu besoin de ces postes !

M. Claude Goasguen.

Ben, voyons !

M. Jean-Luc Warsmann.

C'est comique !

M. le président.

Je mets aux voix le sous-amendement no

18. (Le sous-amendement est adopté.)

M. Claude Goasguen et M. Bernard Roman,

président

de la commission.

C'est un triomphe !

M. le président.

Madame la rapporteure, vous avez soutenu le sous-amendement no

17.

Mme Christine Lazergues, rapporteure.

En effet, je l'ai déjà défendu.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix le sous-amendement no

17. (Le sous-amendement est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 1 rectifié modifié par les sous-amendements adoptés.

(L'amendement, ainsi modifié, est adopté.)

M. le président.

M. Blessig a présenté un amendement, no 19, ainsi libellé :

« Après l'article 16 quater, insérer l'article suivant :

« L'article 140 de la loi no 2000-516 du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Par dérogation au premier alinéa, les dispositions prévues à l'article 5 de la loi entreront en vigueur le 1er janvier 2002. »

La parole est à M. Emile Blessig.

M. Emile Blessig.

Cet amendement tend à différer l'entrée en vigeur de la disposition qui oblige l'officier de police judiciaire à informer le procureur de la République d'une garde à vue ou d'une commission rogatoire dès le début de celles-ci, alors que le texte antérieur prévoyait que l'information soit communiquée « dans les meilleurs délais ». Il convient de rappeler que cette modification n'était pas prévue dans le projet initial présenté par le Gouvernement et qu'elle a été ajoutée au cours des débats parlementaires, marquant ainsi clairement la volonté de la représentation parlementaire de voir la loi évoluer sur ce point.

Cette formulation nouvelle de l'article 63 du code de procédure pénale doit être combinée avec l'introduction dans le même code d'un article préliminaire qui dispose que les mesures de contrainte dont la personne peut faire l'objet sont prises sur décision ou sous le contrôle effectif de l'autorité judiciaire.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 14 DÉCEMBRE 2000

Malgré quelques prises de position, contraires, estimant que la situation restait identique au passé - mais alors pourquoi voter un nouveau texte ? -, il est évident que le législateur a entendu que le parquet exerce, s'agissant de la garde à vue, comme c'est le cas pour la rétention douanière, un contrôle effectif dès le début de l'application de cette mesure. Par conséquent, dès le 1er janvier 2001, le parquet devra assurer un contrôle de la légalité, de l'opportunité, de la durée et de l'efficacité de ces mesures.

Se pose alors la question du travail de nuit des magistrats du parquet ! En effet, le substitut de permanence doit pouvoir être joint à toute heure afin de répondre aux sollicitations de l'officier de police judiciaire. Certes, on nous répondra que le fax suffira. Mais qu'adviendra-t-il si le fax n'est lu qu'en fin de nuit ? Dans le contexte d'une exigence renforcée de la responsabilité des magistrats, on peut s'interroger sur cette application en quelque sorte fictive de la loi puisque, alors que le Parlement a exigé une implication concrète du parquet, l'on nous dira vraisemblablement tout à l'heure qu'il y a eu enquête et que cela ne change rien à ce qui était prévu précédemment.

Se pose là un véritable problème.

Du reste, le groupe de suivi, dans sa recommandation numéro deux, a indiqué de façon lapidaire que la commission a considéré que l'information du procureur de la République pouvait être effectuée par tous moyens, notamment par simple télécopie, mention de ce qu'il a été informé étant faite au procès-verbal. Par conséquent, nous sommes face à une contradiction majeure entre la volonté du Parlement et la manière dont la chancellerie fait appliquer la loi qu'il a votée.

Différer l'application de cette mesure constituerait une solution acceptable puisque vous admettez qu'elle ne change rien et que l'on n'est pas en mesure de l'appliquer, parce qu'elle va entraîner des permanences nocturnes importantes pour bon nombre de membres du parquet. Dans la région parisienne, il y a, en moyenne, par substitut de garde, trente ouvertures de procédure.

Nous estimons que ce report permettra l'application par le parquet des dispositions les plus significatives de la loi, une meilleure intégration des recrutements exceptionnels effectués au courant de l'année 2000 et une reflexion plus globale sur le contrôle de la police judiciaire par le parquet. Je rappelle qu'un certain nombre d'officiers de police judiciaire par le parquet. Je rappelle qu'un certain nombre d'officiers de police judiciaire ont déjà annoncé qu'ils feraient une grève du zèle pour l'application de ce texte.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

Mme Christine Lazerges, rapporteure.

Avis défavorable.

Je pense que si M. Blessig avait lu le rapport de l'inspection générale, et le décret, qui n'a été publié que ce matin, c'est vrai, il saurait qu'il y a un consensus fort sur le fait que les substituts seront prévenus par fax chez eux et se rendront dans les lieux de garde à vue aussi rapidement que possible. Son amendement est donc inutile.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Défavorable également.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

19. (L'amendement n'est pas adopté.)

Articles 17 et 18

M. le président.

« Art. 17. - Les dispositions des articles 3 à 16 et 16 bis de la présente loi entreront en vigueur à la date d'entrée en vigueur des articles du code de procédure pénale qu'elles modifient ou auxquels elles font référence, dans leur rédaction issue de la loi no 2000516 du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes. »

Je mets aux voix l'article 17.

(L'article 17 est adopté.)

« Art.

18. La présente loi est applicable en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, dans les îles Wall is-et-Futuna et dans la collectivité territoriale de Mayotte. » -

(Adopté.)

Explications de vote

M. le président.

Dans les explications de vote, la parole est à M. François Colcombet.

M. François Colcombet.

Bien entendu, le groupe socialiste votera ce texte. Nous sommes persuadés que les greffiers seront là à temps et qu'il y a d'ores et déjà suffisamment de magistrats pour l'appliquer.

Certes, madame la ministre, vous rencontrez un problème imprévu puisque vous allez être obligée de nommer un procureur général à Paris.

M. Claude Goasguen.

Ça n'a pas l'air de trop vous gêner !

M. François Colcombet.

Il s'agit en tout état de cause d'une fonction très exposée ! Mais dans cette catégorie, il y a tout de même beaucoup de candidats. L'usage est d'ailleurs de nommer des gens spécialement sélectionnés, expérimentés, la plupart du temps préalablement nourris à la gelée royale. (Sourires.)

M. Claude Goasguen.

Ah ! C'est mieux !

M. François Colcombet.

La magistrature en regorge et je pense que cette difficulté sera très rapidement réglée.

Pour en revenir au texte que nous avons à voter aujourd'hui, je pense qu'il s'inscrit dans une évolution très positive, et en réalité, largement approuvée, bien audelà des bancs de la majorité actuelle.

En réalité, la proposition de M. Dreyfus-Schmidt comme la loi sur la présomption d'innocence sont l'aboutissement d'une très longue évolution, d'au moins cinquante ans, au cours desquels des tentatives de réformer la procédure pénale, d'améliorer la situation des victimes et des personnes injustement condamnées ont été sans cesse remises sur le métier.

Nous en arrivons à l'aboutissement de tout ce mouvement. Tous ceux qui sont vraiment attachés à la défense des libertés et à la nécessité de ne pas laisser les citoyens complètement démunis face à la justice et de faire en sorte qu'ils y trouvent juste réparation, doivent sans hésiter voter ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Pour le groupe Démocratie libérale et Indépendants, la parole est à M. Claude Goasgen.

M. Claude Goasguen.

Tout à l'heure, Mme la garde des sceaux, par une citation intéressante, a évoqué les relations entre la procédure et la liberté.

N'abusez pas, madame la ministre, de cette citation, même si elle est intéressante et si tout praticien du droit ils sont un certain nombre ici - la respecte. Nous savons bien que la procédure est là pour faire respecter la liberté.

Mais, je vous fais observer que cette citation, d'une autre époque, ne tient pas compte de la notion que nous avons du temps, fort différente au

XXIe siècle et au

XIXe siècle.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 14 DÉCEMBRE 2000

On ne peut pas impunément jongler avec les délais de procédure dans une période de médiatisation, de communication et d'information. Certes, il ne faudrait pas abuser de la rapidité. Mais on voit bien que, désormais, la lenteur des procédures est ressentie comme insupportable, par nos concitoyens. Par conséquent, nous devons tout mettre en oeuvre, y compris les moyens nécessaires, pour que cette procédure-là apparaisse - ça aussi, c'est la garantie de la liberté - aux yeux des citoyens comme une protection et non pas comme une gêne ou un frein.

Je partage l'avis de M. Colcombet : la justice connaît une période de mutation quant à la notion de temps. Et je regrette qu'il n'ait pas suivi cette poignée de députés minoritaires qui, à propos de la loi sur la présomption d'innocence, déclaraient que nous assistions à la mort de la procédure inquisitoire.

Comment conjuguer la procédure et la liberté en maintenant dans notre pays - quasi le seul au monde, dans ce cas - une procédure inquisitoire dont nous constatons tous les jours les abus ? Comment peut-on parler de procédure et de liberté au souvenir de certaines images auxquelles tout le monde pense ? Comment peut-on, dans notre pays de liberté, concilier la liberté et la procédure inquisitoire ? Nous avions proposé, à l'époque, d'aller carrément vers une procédure accusatoire. Elle est liée à la médiatisation et à la conception moderne que nous avons du temps. Je souhaite, madame la garde des sceaux, que vous alliez dans ce sens, car c'est aller dans le sens de la liberté et d'une procédure moderne.

Je vous ai dit tout à l'heure que je ne pouvais pas voter pour ce texte, dont je reconnais la nécessité juridique et dont j'approuve le fond, j'en ai discuté à plusieurs reprises avec ses auteurs-sénateurs parce que vous avez donné à cette propostion un « coup de canif procédural » en y ajoutant quelque chose qui n'avait rien à y faire.

Vous n'étiez pas obligé de procéder ainsi. Une déclaration à l'Assemblée nationale aurait suffi ou bien vous auriez pu proposer un projet que nous aurions voté très rapidement. Cela aurait été plus noble que cet ajout en catimini un jeudi après-midi, même si je sais que notre ordre du jour a ses contingences.

C'est pour cette raison et cette raison seule, parce que la première partie du texte me paraît positive, je tiens à le dire et à ce que cela figure au Journal officiel, mais la deuxième négative - en mathématique, plus par moins, ça fait moins ! - que je voterai contre, même si je partage l'esprit et la lettre des premiers articles de fond qui justifiaient le titre de la proposition de loi.

M. le président.

La parole est à M. Jean-Luc Warsmann, pour le groupe RPR.

M. Jean-Luc Warsmann.

Au moment où ce débat va s'achever, je veux redire ma totale opposition à la manière dont la justice est gérée par le ministère de la justice depuis quelques années.

Jamais un gouvernement n'aura autant désorganisé l'ensemble de l'institution judiciaire ! (Exclamations sur les bancs du du groupe socialiste.)

Mme Raymonde Le Texier.

Toujours excessif !

M. Jean-Luc Warsmann.

Jamais on n'aura voté une telle série de dispositions qu'il est impossible appliquer simultanément sur le terrain sans mettre les moyens nécessaires.

Je ne me suis pas intéressé au cours de ce débat à la question de savoir s'il fallait reporter telle ou telle disposition parce que l'application de la loi, c'est le rôle du Gouvernement. En revanche, dans une question préalable, j'ai demandé au Gouvernement de mettre en place les moyens nécessaires, et soit de déposer des amendements à la loi de finances pour 2001, qui ne sera votée difinitivement que la semaine prochaine, soit de s'engager à présenter un collectif en 2001. Pour l'instant, il n'y a pas eu de réponse favorable, je le regrette profondément.

En arrivant à la chancellerie, madame la ministre, vous n'étiez peut-être pas entièrement informée de la situation.

Après quelques semaines, après avoir rencontré un grand nombre de professionnels, après avoir entendu les parlementaires ici, et notamment cet après-midi, vous ne pourrez plus jamais dire : « je ne savais pas ».

Pour ma part, j'espère avoir accompli mon devoir de parlementaire, dire dans l'hémicycle ce qui se passe dans le pays réel, même si cela a suscité de nombreuses réactions défavorables sur les bancs de la majorité. Oui, dans toute la France, les assemblées générales de magistrats se réunissent et protestent. Oui, les avocats ont déclenché dans toute la France, et pour la première fois dans l'histoire, une grève générale. Oui, toutes les professions du monde judiciaire sont inquiètes et accablées par la situation.

Je regrette que ni le Gouvernement ni la majorité ne veuillent en tirer la moindre conséquence, et je regrette de voir présenter, au moment où la France judiciaire est dans de telles difficultés, de petites dispositions ponctuelles en catimini un jeudi en fin d'après-midi. Ce n'est vraiment pas à la taille de l'enjeu !

M. le président.

La parole est à M. Emile Blessig, pour le groupe UDF.

M. Emile Blessig.

Bien des choses ont été dites dans ce débat et, fondamentalement, tout le monde approuve des deux mains la première partie du texte, concernant l'indemnisation des condamnés reconnus innocents, mais la manière fermée dont le débat s'est organisé autour de la seconde partie, devant les inquiétudes légitimes exprimées ici et là, laisse augurer des difficultés.

Comme je l'ai dit, il n'y avait pas de honte à reconnaître que les anticipations du Parlement appelaient un certain nombre d'aménagements dans la mise en oeuvre du texte. Ce n'était pas renoncer, c'était faire preuve de sagesse.

Compte tenu de ces contradictions, et compte tenu de la manière dont s'est déroulée la discussion de la seconde partie, l'UDF ne s'oppose pas à ce texte, mais ne peut l'approuver. Donc, nous nous abstenons.

M. le président.

La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme la garde des sceaux.

Il y a une vraie contradiction dans vos propos, messieurs de l'opposition, que je ne comprends pas. Quand on demande publiquement le report total et qu'on n'accepte pas un aménagement technique, je ne suis pas ! Monsieur Blessig, vous avez demandé que je dépose un amendement à la loi de finances créant des postes budgétaires. Comme vous l'avez souligné vous-même avec juste raison, encore faut-il qu'il y ait des personnes pour occuper les postes ! Si nous avons travaillé à cet aménagement technique, ce n'est pas pour un problème de postes, mais pour un problème de personnes ! Imaginons, hypothèse absurde, que je crée par exemple 200 postes de greffiers demain par amendement. Encore faut-il qu'ils soient formés, monsieur Warsmann !

M. Jean-Luc Warsmann.

Si vous ne créez pas les postes, vous ne les aurez pas !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 14 DÉCEMBRE 2000

Mme la garde des sceaux.

Ce n'est pas donc pas une réponse et j'attends justement que la sortie de la prochaine promotion.

M. Jean-Luc Warsmann.

Le collectif, c'est la réponse pour les avocats !

Mme la garde des sceaux.

Sur la procédure accusatoire, nous n'allons pas reprendre le débat ici. Dans la mesure où, c'est l'accusé lui-même qui doit se charger de toute sa défense et des contre-expertises ce sont toujours les populations les plus défavorisées qui sont très défavorisées par ce type de procédures. Si l'on avait choisi une telle orientation, l'aide juridictionnelle que vous défendez avec tant d'enthousiasme maintenant n'aurait rien à voir avec celle que nous avons à rebâtir à partir des propositions de la commission Bouchet. Attention à de tels arguments ! On ne peut pas dire blanc et noir en même temps ! Je vous remercie tous d'avoir accepté de travailler sur cette proposition et d'avoir trouvé mieux que nous un ensemble de mesures cohérent qui nous permettra d'appliquer une grande loi, dans les meilleures conditions possibles, et particulier pour les détenus (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Luc Warsmann.

Quelles autosatisfaction ! Vote sur l'ensemble

M. le président.

Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.

(L'ensemble de la proposition de loi est adopté.)

3

ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SÉANCE

M. le président.

Ce soir, à vingt et une heures, troisième séance publique : Discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi de finances pour 2001, no 2794 : M. Didier Migaud, rapporteur général au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (rapport no 2810).

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-huit heures cinq.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT