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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 20 DÉCEMBRE 2000

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE Mme CHRISTINE LAZERGES

1. Date d'expiration des pouvoirs de l'Assemblée. Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, des conclusions d'un rapport sur six propositions de loi organique (p. 10517).

DISCUSSION GÉNÉRALE (suite) (p. 10517)

MM. Jacky Darne, Jean-Pierre Balligand, Mme Monique Collange,

M.

Gaëtan Gorce.

Clôture de la discussion générale.

MOTION DE RENVOI EN COMMISSION (p. 10521)

Motion de renvoi en commission de M. André Aschieri : MM. Noël Mamère, Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur ; Bernard Roman, président de la commission des lois, rapporteur ; Dominique Bussereau, Maxime Gremetz, Yves Cochet, Jean-Luc Warsmann, Jean-Yves Caullet. Rejet.

DISCUSSION DES ARTICLES (p. 10526)

Article 1er (p. 10526)

MM. Pascal Clément, Patrick Ollier.

Amendements de suppression nos 1 de M. Warsmann et 3 de M. Bussereau : MM. Jean-Luc Warsmann, Dominique B ussereau, le rapporteur, le ministre, Gérard Gouzes. Rejet.

L'amendement no 5 rectifié de M. de Charette a été retiré.

Amendements nos 6 de M. Albertini et 9 de M. Blessig :

M. Pierre Albertini. Retrait de l'amendement no

6. MM. Emile Blessig, le rapporteur, le ministre, Gérard Gouzes, Patrick Ollier. Adoption de l'amendement no

9. Adoption de l'article 1er modifié.

Article 2 (p. 10532)

Amendements de suppression nos 2 de M. Warsmann et 4 corrigé de M. Bussereau : MM. Jean-Luc Warsmann, Dominique Bussereau, le rapporteur, le ministre, Patrick Ollier. Rejet.

Adoption de l'article 2.

Après l'article 2 (p. 10533)

Amendements nos 7 et 8 rectifié de M. Mamère : MM. Noël Mamère, Yves Cochet, le rapporteur, le ministre, JeanLuc Warsmann, Pierre Albertini, Jean-Marc Ayrault, Patrick Ollier.

Suspension et reprise de la séance (p. 10537)

Rappel au règlement (p. 10537)

MM. Dominique Bussereau, Jean-Marc Ayrault.

Suspension et reprise de la séance (p. 10538)

Rejet des amendements nos 7 et 8 rectifié.

Mme la présidente.

Renvoi des explications de vote et du vote sur l'ensemble de la proposition de loi organique à la prochaine séance.

2. Ordre du jour des prochaines séances (p. 10538).


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 20 DÉCEMBRE 2000

COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE Mme CHRISTINE LAZERGES,

vice-présidente

Mme la présidente.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1 DATE D'EXPIRATION DES POUVOIRS DE L'ASSEMBLÉE Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, des conclusions d'un rapport sur six propositions de loi organique

Mme la présidente.

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d'urgence, des conclusions du rapport de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République sur les propositions de loi organique : de M. Georges Sarre et plusieurs de ses collègues relative à l'antériorité de l'élection présidentielle par ra pport à l'élection législative (nos 2602, 2791) ; de M. Bernard Charles et plusieurs de ses collègues visant à modifier l'article L.O. 121 du code électoral en vue de la concomitance de l'élection présidentielle et des élections législatives (nos 2665, 2791) ; de M. Raymond Barre modifiant la date d'expiration des pouvoirs de l'Assemblée nationale (nos 2741, 2791) ; de M. Hervé de Charette relative à l'organisation des élections présidentielles et législatives (nos 2756, 2791) ; de M. Gérard Gouzes relative à la date d'expiration des pouvoirs de l'Assemblée nationale (nos 2757, 2791) ; de M. Jean-Marc Ayrault et plusieurs de ses collègues modifiant la date d'expiration des pouvoirs de l'Assemblée nationale (nos 2773, 2791).

Discussion générale (suite)

Mme la présidente.

Hier soir, l'Assemblée a commencé d'entendre les orateurs inscrits dans la discussion générale.

La parole est à M. Jacky Darne.

M. Jacky Darne.

Madame la présidente, monsieur le m inistre de l'intérieur, mes chers collègues, c'est Jean Poperen, qui fut le ministre des relations avec le Parlement de Michel Rocard, qui m'a le plus apporté et le plus influencé dans ma réflexion et mon engagement p olitiques. Il désapprouvait les institutions de la Ve République et considérait en particulier comme une anomalie la singularité de notre vie publique. La France est en effet la seule grande démocratie où le Président de la République dispose à la fois de la légitimité du suffrage universel direct et du droit de dissolution.

C'est ce cumul qui bloque la vie parlementaire. Et, Jean Poperen l'expliquait très bien, cela vaut que le Président et le Premier ministre soient issus des mêmes rangs ou qu'il y ait cohabitation. Car dans ce dernier cas, la majorité parlementaire est forcément rangée derrière le Premier ministre dans son rapport de force avec le Président. Le rôle du Parlement par rapport au pouvoir exécutif n'a pas été plus fort suivant que l'on était ou non en période de cohabitation. Il n'a pas été plus fort non plus suivant que le Président de la République avait été élu avant ou après les députés - le lien entre dates des élections et pouvoir du Parlement, que beaucoup d'orateurs ont invoqué, n'existe pas.

Partageant ce point de vue critique sur les institutions, pourquoi suis-je favorable au rétablissement du calendrier ? Pour une raison et une seule : la cohabitation est une faiblesse pour la France.

Même si ceux qui exercent les deux plus hautes fonctions veillent à ce que les pouvoirs de chacun soient respectés, à ce que leur expression sur la scène internationale ne discrédite pas la France, personne ne peut défendre l'idée que l'action politique y gagne en cohérence. Bien sûr, une partie des Français se sont habitués à ce système et lui trouvent même un intérêt, en ce qu'ils pensent que la neutralisation relative de l'un par l'autre est un gage de sagesse, que la voie moyenne doit être la meilleure.

Je crois, à l'inverse, que cette situation appauvrit le débat politique, car elle donne une prime excessive à la tactique nécessaire pour conquérir ou garder le pouvoir.

Or c'est le débat d'idées le plus clair possible qui fait vivre la démocratie et non l'inverse. En outre, jusqu'à présent, les cohabitations n'ont jamais conduit à une crise majeure, mais qu'en serait-il si un différend fondamental, par exemple à l'occasion d'un conflit mondial, survenait entre le Premier ministre et le Président ? Je suis donc persuadé que la cohabitation est l'autre faiblesse principale de notre Constitution,...

M. Bernard Roman, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

Très juste !

M. Jacky Darne.

... la première étant le cumul de la légitimité et du pouvoir dont dispose le Président, je viens de l'évoquer.

Le rétablissement du calendrier est, à l'évidence, un moyen d'articuler de façon bien plus cohérente l'élection présidentielle et les législatives. Je n'ai jamais entendu défendre un autre point de vue, ni ici ni ailleurs.

Pourtant, même dans l'ordre rétabli des échéances électorales, tel que nous le voulons, nous ne serons pas sûrs d'éviter une nouvelle cohabitation. Je crois d'ailleurs que cela poserait un vrai problème. Après cinq ans, une autre période de cohabitation, aussi longue ou écourtée par une dissolution supplémentaire, conduirait nécessairement à une nouvelle république. Or je suis favorable à une nou-


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velle république, mais je préfère que nous la préparions à froid, dans une période de calme, plutôt qu'à chaud, à l'occasion d'une crise institutionnelle.

Choisissons donc le calendrier qui donne le plus de chances au fonctionnement de notre démocratie et permettra de préparer sereinement les évolutions nécessaires pour rééquilibrer la Constitution au profit du Parlement.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme la présidente.

La parole est à M. Jean-Pierre Balligand.

M. Jean-Pierre Balligand.

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le sujet semble moins passionner nos collègues ce matin, mais je ferai trois remarques.

La première porte sur le paradoxe que nous sommes en train de vivre. Le RPR, qui devrait protéger non seulement la Constitution mais surtout son esprit, s'oppose à ce que l'élection présidentielle et le Président de la République soient replacés au centre ou au sommet de nos institutions ; et les forces politiques qui, historiquement, ont franchement combattu la Constitution de 1958, sont précisément celles qui veulent revenir à son esprit même, pour ce qui concerne le Président.

Je le dis en particulier aux membres du RPR,...

M. Bernard Roman, président de la commission, rapporteur.

Ils ne sont pas nombreux, ce matin !

M. Jean-Pierre Balligand.

... ceux qui sont, en quelque sorte, les pères de la Constitution - je pense aux grands juristes, comme le professeur Vedel, qui ont participé d irectement à sa rédaction, avec Michel Debré déclarent, depuis le débat sur le quinquennat, qu'il faut remettre le Président au centre des institutions.

Ma deuxième réflexion m'est inspirée par une expérience de parlementaire ininterrompue de dix-neuf ans,...

M. Bernard Roman, président de la commission, rapporteur.

On ne dirait pas. Vous êtes resté jeune !

M. Jean-Pierre Balligand.

... et je l'adresse notamment, en toute modestie, à mes collègues de la gauche plurielle qui sont hostiles à la disposition contenue dans ces propositions de loi. Le Parlement a-t-il une chance quelconque, si le calendrier électoral est maintenu, de retrouver un pouvoir que la Constitution de 1958 ne lui confère pas et qu'il n'a jamais eu au cours de la Ve République. C'est la vraie question.

J'ai connu trois cohabitations. Pendant la première, on peut dire que le Président de la République était resté au centre des institutions. Je me souviens en particulier de son refus de signer des ordonnances, qui avait conduit au retour des textes concernés devant le Parlement et à l'ouverture de débats publics. Le Président n'était pas uniquement un symbole, il était actif et jouait un rôle de protection de certaines lignes directrices. A cet égard, je crois que la première cohabitation était dans le droit-fil de la Constitution de 1958. Mais si l'on est honnête intellectuellement, il faut admettre que, pendant la deuxième cohabitation et celle que nous vivons, le pouvoir du Président de la République a reculé de manière significative.

Est-ce grave ? me rétorquerez-vous. Ce n'est que mieux pour le Parlement, prétendent même certains. Mais ce n'est pas vrai ! La Constitution de 1958 a bâti une organisation institutionnelle à caractère bicéphale, avec un double exécutif, constitué par le Président, d'une part, et le Premier ministre, d'autre part. Or l'effacement du Président conduit à un système monocéphale, dans lequel le p ouvoir du Premier ministre est renforcé. Comme membre de la majorité, comme socialiste, je ne pourrais d'ailleurs que m'en réjouir, mais cela n'a pas produit un quelconque renforcement du pouvoir parlementaire. Pour cela, il faudrait aller plus loin dans les réformes. Pour l'instant, contentons-nous de revenir à un système bicéphale, puisque la Constitution le prévoit. Et celles et ceux qui respectent la Constitution, pour cette seule raison, doivent replacer le Président au sommet de l'édifice constitutionnel.

Ma troisième remarque porte sur le pouvoir du Parlement. Même si, sous la présidence de Raymond Forni, nous nous attaquons à un vrai texte, une modification de la loi organique, qui nous permettra peut-être de redonner au Parlement le pouvoir que la Constitution de 1958 ne lui avait pas octroyé, il faudra probablement aller plus loin, examiner sagement, sans stéréotypes, les pratiques politiques, et en particulier s'attaquer à l'article 12 de la Constitution - c'est la seule suggestion que je ferai aujourd'hui.

Une fois résolu le problème de l'adéquation dans le temps entre le mandat présidentiel et le mandat législatif, qui sont désormais tous les deux de cinq ans, si l'on veut donner un vrai pouvoir au Parlement, il faudra supprimer cet article 12, qui confère le droit de dissolution au Président de la République. Toutefois, Jacky Darne vient de le dire, nous ne pouvons pas agir dans la précipitation. Il faut qu'un débat ait lieu dans le pays.

En conclusion, j'estime que le Gouvernement a été sage : il a fait son travail en acceptant les propositions de parlementaires issues de différents bancs tendant à replacer l'élection présidentielle au centre de la vie politique. Il serait malhonnête de dire que cela empêchera, juridiquement, toute nouvelle cohabitation, mais il y en aura moins souvent.

Qu'il puisse y avoir quelques considérations tactiques de la part de tel ou tel parlementaire auteur d'une proposition de loi, peut-être, mais cela concerne surtout l'opposition, puisque le débat est manifestement assez lourd de ce côté-là de l'Assemblée.

Mes chers collègues, essayons de décrisper le débat et faisons de l'élection du Président de la République l'acte rythmant la vie politique et déterminant les orientations, car ce scrutin peut faire émerger une majorité, quel qu'en soit le résultat. Le Premier ministre et le ministre de l'intérieur, en acceptant qu'il y ait débat sur cette question, n'ont pas la volonté de maîtriser le processus à 100 %. Je pense, tout simplement, que les Français choisiront.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme la présidente.

La parole est à Mme Monique Collange.

Mme Monique Collange.

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme chacun a pu le constater, il est assez peu fréquent que le Parlement soit saisi d'un nombre aussi important de propositions de loi aux origines les plus diverses, mais dont le contenu est sensiblement le même.

En effet, pas moins de six propositions de loi traduisent la même volonté de modification du calendrier électoral de 2002, pour rétablir la logique institutionnelle de la Constitution de la Ve République.

Pourtant, ces initiatives ne manquent pas de susciter q uelques interrogations ou critiques différentes chez nombre de nos collègues, aux sensibilités politiques tout aussi variées. Mais il me semble qu'au-delà des nuances et subtilités d'analyse, seuls deux types d'opposition se sont exprimés.


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Il y a tout d'abord ceux qui dénoncent je ne sais quelle manipulation politicienne ou ce qu'ils appellent un « tripatouillage électoral ». Il y a ensuite ceux qui expriment une position infiniment plus respectable au nom d'une conception différente de l'organisation de notre démocratie, en rupture avec celle qui sous-tend la Ve République.

Je voudrais donc m'attacher à répondre, avec courtoisie certes, mais non sans franchise, aux uns et aux autres.

Certains des membres de l'opposition prennent le soin de formuler une critique non pas du principe dont s'inspirent les propositions de loi qui nous sont soumises, mais des conditions dans lesquelles ce principe se concrétise. Ils ne contestent donc pas la véracité de notre analyse, de la logique du régime qui veut que les élections présidentielles précèdent les élections législatives. En revanche, ils considèrent que nous sommes trop proches des échéances pour que nous puissions rétablir sereinement le calendrier qui serait conforme à l'esprit de la Constitution, et ils se livrent alors à un mauvais procès d'intention.

Ils croient voir dans la démarche des parlementaires, auteurs ou signataires de ces propositions, les signes d'une magouille politique. Ces signes, ils semblent les identifier dans une prétendue précipitation des événements. Pourtant, cette question était déjà présente dans les débats que nous avons eus sur le quinquennat, ce qui ne manque pas de contredire le prétendu caractère soudain de cette réflexion. En outre, peut-on accuser les constitutionnal istes d'être les instruments de légitimation d'une magouille politicienne, alors qu'ils sont unanimes à considérer que la modification du calendrier est opportune ? Dans le même temps, certains croient bon de dénoncer des collusions partisanes contre nature ne manquant pas d'alimenter une forme d'antiparlementarisme. A ce titre, il est bien triste de constater que ceux qui se réclament ici du gaullisme n'ont conservé de l'héritage du général que l'esprit de ses écrits des années 30. Sinon, comment interpréter les propos de M. Debré, qui disait récemment craindre le retour aux dérives de la IVe République si cette modification du calendrier électoral était votée ? Mais j'entends aussi le discours de certains de mes collègues de la majorité qui considèrent, au contraire, que l'on risque de « mettre le Parlement à genoux » en procédant à ce rétablissement.

Mme Muguette Jacquaint.

Eh oui !

Mme Monique Collange.

De ce point de vue, il me semble qu'il n'y a pas de gradation s'agissant de la limitation de la place du Parlement dans l'architecture institutionnelle de notre pays. En effet, parce qu'il ne s'agit que de mettre le calendrier électoral en conformité avec la logique de la Ve République, c'est sur l'organisation même de cette République que l'on doit s'interroger.

Poussant la logique jusqu'au bout, nos collègues les plus critiques considèrent que le calendrier tel qu'il se présente peut définitivement mettre un terme à la toutepuissance de la Présidence de la République, au régime présidentialiste. Il s'agirait donc de profiter des circonstances pour porter le coup de grâce à une fonction présidentielle affaiblie par les cohabitations successives, par certains choix hasardeux ou par les mises en cause, qu'elles soient fondées ou non, du titulaire de la fonction.

Pourtant, est-il besoin de passer par une crise de régime, par un « grand soir constitutionnel » pour repenser l'organisation des pouvoirs publics de notre pays ? Tel n'est pas mon point de vue. N'y a-t-il pas quelque chose de stimulant à penser que l'on pourrait réformer nos institutions par le biais d'un débat serein et responsable ? Ne serait-ce pas une victoire de la démocratie et du Parlement que de donner mandat aux futurs représentants du peuple, ceux désignés par le suffrage universel en 2002, pour qu'ils engagent des réformes constitutionnelles courageuses et ambitieuses ? Ne serait-ce pas une victoire de la démocratie alors que l'histoire nous enseigne que, jusqu'à présent, ces changements d'envergure ne s'opéraient que dans le sang et les larmes ? C'est la raison pour laquelle je souhaite que de l'articulation de l'élection présidentielle avec les élections législatives naissent les ferments d'une telle réflexion. C'est aussi la raison pour laquelle je voterai sans la moindre hésitation cette proposition de rétablissement du calendrier électoral. Je la voterai pour que les Françaises et les Français puissent se saisir, dans le cadre de ces échéances, de la question de la modernisation de notre démocratie, dans un climat de nature à honorer les principes qui fondent la République. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme la présidente.

La parole est à M. Gaëtan Gorce.

M. Gaëtan Gorce.

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la politique est parfois cruelle avec ceux qui perdent avec le temps le fil de leurs convictions, s'embrouillent avec leur mémoire ou doutent de leur histoire. Le test ADN est pourtant sans équivoque : à ceux qui voudraient voir dans notre Constitution une sorte d'enfant trouvé dont on ne pourrait dire les origines, il en rappelle la filiation gaulliste, dans l'esprit comme dans la lettre.

Reprenant les accents anciens d'Alexandre Millerand au lendemain de la Première Guerre mondiale et surtout ceux du discours de Bayeux au lendemain de la Seconde, le général de Gaulle a voulu faire du Président de la République la clef de voûte de nos institutions. Et en faisant ratifier par les Français le principe de son élection au suffrage universel, il en a fait plus qu'un arbitre, un chef politique autour duquel doivent s'ordonner les majorités parlementaires comme en 1962, en 1981 ou 1988.

L'actuel chef de l'Etat, garant de l'équilibre de nos institutions, ne devrait avoir à cet égard aucun doute. Il est paradoxal que ce soit le Parlement qui doive le lui rappeler.

A cet égard, le rétablissement de l'ordre normal des élections, la présidentielle d'abord, les législatives ensuite, ne devrait souffrir aucune contestation et apparaître au fond comme une initiative normale, somme toute banale, un peu comme l'on remet les compteurs à zéro après quelques faux départs, dont la dissolution manquée de 1997 a sans doute constitué l'exemple le plus spectaculaire.

Mais puisque débat il y a, concentrons-le sur l'essentiel, à savoir l'évolution, et peut-être pourrions-nous dire les dérives constitutionnelles auxquelles on a assisté depuis quelques années autour de la fonction présidentielle comme autour de la fonction parlementaire et qu'il serait utile de corriger.

Ne conviendrait-il pas, tout d'abord, de rétablir la responsabilité présidentielle qui est devenue, dans les mains de l'actuel chef de l'Etat, une sorte de « mistigri » peu en rapport avec la nature et les responsabilités de sa charge ? La contrepartie des pouvoirs neufs et forts confiés au Président de la République par la Constitution de 1958, c'est justement sa responsabilité, c'est-à-dire sa capacité à assumer ses choix devant l'opinion et à en tirer, le cas échéant, les conséquences. Or force est de constater que depuis 1995, par maladresse ou par calcul, l'on a en quel-


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que sorte organisé l'irresponsabilité présidentielle, rompant successivement avec tous les principes posés par le général de Gaulle : une dissolution différée, puis manquée, conduisant à la plus longue période de cohabitation de notre histoire au risque d'affaiblir la fonction présidentielle ; un référendum tronqué, présenté, dès l'abord, comme n'engageant pas le chef de l'Etat, alors qu'il portait justement sur la durée de son mandat, élément essentiel de son statut. Et je ne parlerai pas de son irresponsabilité pénale et du trouble qu'elle ne peut manquer de provoquer dans l'esprit des Français. « Un chef de l'Etat qui en soit un », cette tautologie gaullienne n'a jamais été autant d'actualité et n'a sûrement encore pas tinté d'une manière aussi aiguë et sans doute si désagréable à l'oreille du titulaire de la charge.

Nous, socialistes, n'avons jamais caché nos réticences à l'égard des institutions de la Ve République. Mais la règle est la règle et il faut s'y soumettre, sauf à décider d'en changer, le RPR devenant alors peut-être le Rassemblement pour la VIe République, ce qui, vous en conviendrez, changerait la nature de notre débat.

Mais s'il faut rétablir la responsabilité présidentielle, il importe, pour atteindre le point d'équilibre indispensable à la bonne santé de notre démocratie, de conforter symétriquement le rôle et l'autorité du Parlement. Elu pour cinq ans, sûr de son pouvoir et assumant sa responsabilité, le Président de la République devrait disposer, avec le rétablissement de l'ordre normal des élections, d'une majorité parlementaire acquise à son programme pour la durée de sa mandature. C'est cette convergence des majorités qui lui permettra, avec l'appui du Gouvernement, de mettre en oeuvre la politique choisie par les Français.

Pour autant, la mission du Parlement ne saurait se résumer à l'approbation de ses orientations et des projets de loi qui lui seront soumis, sauf à nier, dans les faits, la séparation des pouvoirs, et surtout à priver la démocratie des ressources qu'apporte une assemblée déterminée à assumer son rôle de représentation.

Il est, à cet égard, urgent de rompre avec cette

« culture de l'exécutif » qui fonctionne comme une sorte d'excroissance du pouvoir présidentiel et qui s'est progressivement substituée à une « culture de la délibération », qui figurait pourtant au coeur de notre tradition républicaine. Cette « culture de l'exécutif », chacun en connaît les manifestations négatives : elle fait d'un membre d'un cabinet ministériel une personnalité plus influente qu'un parlementaire ; elle voit dans le ministre le seul représentant de l'intérêt général et dans le député le malheureux représentant d'intérêts locaux particuliers ; elle prive notre fonction de contrôle de sa portée au nom de la solidarité politique et elle fait du débat parlementaire l'ersatz de l'examen médiatique auquel tous les membres du Gouvernement, quels qu'ils soient et quelles que soient les majorités, préfèrent se livrer.

Il faut, dans notre équation institutionnelle, renforcer le facteur parlementaire en insistant sur les composantes qui sont vraiment utiles, c'est-à-dire en renforçant la valeur ajoutée démocratique du Parlement. Lieu privilégié du débat démocratique, le Parlement trouve sa justification dans la nature de la délibération qui soumet la décision publique à une discussion collective, publique, transparente, ouverte et contradictoire. Aussi vaudrait-il mieux parler de pouvoir délibérant que de pouvoir législatif, et cela d'autant plus que la totalité des textes soumis à son examen est désormais d'origine gouvernementale.

Il y a fort à parier que le changement du calendrier des élections présidentielle et parlementaires ne fera que renforcer cette situation. Dans ces conditions, ne serait-il pass ouhaitable de compenser par un allégement des contraintes juridiques l'alourdissement des contraintes politiques auxquelles est soumise la majorité parlementaire ? Il s'agirait sans doute moins de limiter l'usage de l'article 49-3 de la Constitution que de supprimer ces moyens, plus discrets, mais ô combien efficaces, dont dispose l'autorité gouvernementale à l'encontre du législateur, que sont le vote bloqué et plus encore la seconde délibération.

De même conviendrait-il de toiletter et de dépoussiérer la procédure législative en modernisant la formule du débat général, en limitant les redondances entre travail en séance et travail en commission, en recourant plus largement aux commissions spéciales pour permettre aux commissions permanentes de se concentrer sur leur mission de contrôle, enfin en modernisant profondément notre procédure budgétaire.

Il faudrait aussi clarifier le rôle et la place du contrôle constitutionnel en substituant au contrôle par voie d'action, prolongement immédiat du débat politique que nous avons ici, un contrôle par voie d'exception devant une juridiction constitutionnelle dont les débats devraient être contradictoires et rendus publics.

Par ailleurs, dans un système politique et administratif de plus en plus complexe, dans un contexte économique et social où la sensibilité à l'impôt est devenue de plus en plus forte, le contrôle parlementaire sur l'application de la loi et plus encore sur l'efficacité de la dépense publique peut représenter un apport formidable pour l'Etat comme pour la démocratie. Concentrer les missions des commissions parlementaires, qui devraient être plus nombreuses, sur le contrôle et l'évaluation des lois et des politiques publiques, leur transférer les prérogatives des commissions d'enquête et des offices parlementaires, intégrer dans la Constitution la reconnaissance de cette fonction, telles sont les orientations simples et pratiques qui pourraient concourir au renforcement de l'autorité parlementaire.

Le rétablissement de la responsabilité présidentielle à laquelle nous allons procéder doit absolument s'accompagner du rétablissement de la fonction parlementaire, sauf à définitivement déséquilibrer nos institutions.

Le projet qui nous est présenté répond à la première exig ence. Nous devons avoir la volonté politique de répondre rapidement à la seconde. Pourrons-nous enfin passer des déclarations d'intention en la matière à leur concrétisation ? Parviendrons-nous à rompre avec cette

« culture de l'exécutif » qui fait de la réhabilitation du Parlement une des Arlésiennes les plus célèbres de notre répertoire politique ? En répondant par l'affirmative, nous serons fidèles non seulement à l'esprit des institutions, comme nous allons l'être aujourd'hui en votant ce texte, mais aussi à l'esprit de nos engagements pour une démocratie plus forte et plus vivante, en somme à cette république moderne que ce grand parlementaire et grand homme d'Etat qu'était Pierre Mendès France appelait de ses voeux voilà quarante ans et qui reste encore à inventer.

Une fois votée cette loi nécessaire qui, faut-il le rappeler, est d'origine parlementaire, ne pourrions-nous pas nous atteler de la même façon à cette nouvelle tâche et redonner à la fonction parlementaire son lustre et plus encore une utilité ? Et cela en dépassant les appels habituels à la prudence qui font qu'il est toujours trop tôt ou trop tard ou qu'il faut rechercher un impossible consensus pour mettre un terme au réversible affaissement de notre Parlement.


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Et si je devais me laisser aller à quelque grandiloquence à la fin de cette intervention, je dirais que si la voix du Président de la République doit se faire entendre forte et claire s'agissant de nos institutions, celles de Gambetta, de Clemenceau, de Joseph Caillaux, d'Aristide Briand, de Jaurès, de Léon Blum, de Mendès France et de Robert Schuman ne doivent pas s'éteindre.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme la présidente.

La discussion générale est close.

Motion de renvoi en commission

Mme la présidente.

J'ai reçu de M. André Aschieri et de plusieurs de ses collègues une motion de renvoi en commission déposée en application de l'article 91, alinéa 6, du règlement.

La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère.

Le débat qui a commencé hier m atin s'éternise sans vraiment donner l'impression d'avancer. Croyez bien, mes chers collègues, que j'en suis désolé, mais dans le déroulement de notre procédure parlementaire, c'est le moment qui est prévu pour défendre la motion de renvoi en commission. Rassurez-vous, je n'abuserai pas de votre patience ! J'ai déjà pu développer hier, au début de la séance de nuit, les raisons pour lesquelles nous pensons, mes collègues Verts et moi-même, que ce débat sur le calendrier électoral est à nouveau une occasion manquée. Je voudrais maintenant vous dire pourquoi nous n'acceptons pas cette façon de faire, qui consiste à procéder en urgence à un tel débat et à le restreindre à un minuscule changement institutionnel, qui fera toutefois du Président de la République la clé de voûte de nos institutions et de notre Premier ministre le premier gaulliste de France.

Nous avons décidément bien du mal à comprendre que, dans un ordre du jour parlementaire particulièrement chargé, le Gouvernement ait jugé utile de réserver prioritairement plusieurs jours de séance à une question finalement subalterne. Nous le comprenons d'autant moins que nous entendons, depuis plusieurs mois, cette petite musique qui consiste à repousser à plus tard un grand nombre de réformes nécessaires en prétextant de l'engorgement de l'ordre du jour. Combien de fois en effet ne nous a-t-on pas demandé d'être compréhensifs et d'attendre patiemment des jours meilleurs pour mettre en oeuvre des mesures importantes.

Mes chers collègues, il ne s'agit pas de dire que les réformes institutionnelles doivent systématiquement passer au second plan. Nous pensons au contraire qu'il y a urgence. Il est grand temps de répondre à l'attente grandissante des Français sur ce sujet. On ne pourra pas lais-s er leur insatisfaction démocratique longtemps sans réponse. Mais alors, comment expliquer que l'on se précipite pour régler cette question de calendrier, que l'on y passe le temps nécessaire dans les deux assemblées, qu'on l'a privilégie sans aborder le débat au fond ? Comment justifier que l'on ne présente pas aux Français et, par conséquent, à notre Parlement une réforme globale des institutions ? Pour tout dire, on frise l'« abracadabrantesque », comme l'a récemment dit le premier magistrat de ce pays ! C'est parce que je n'ai pas entendu jusqu'ici de réponses satisfaisantes à toutes ces questions que je défends aujourd'hui devant vous une motion de renvoi en commission. Nous le savons tous, la question préalable, l'exception d'irrecevabilité et la motion de renvoi en commission sont souvent soutenues sans conviction, dans l'unique but d'obtenir du temps de parole. Je crois, pour ma part, que, pour une fois, cette motion est parfaitement justifiée. En effet, nous trouvons inadmissible que, comme lors du débat sur le quinquennat, notre commission des lois n'ait pas débattu réellement des réformes institutionnelles. Si nous voulons que le Parlement retrouve toute sa place dans le fonctionnement de notre République, il faut en effet que les commissions de l'Assemblée ne se dessaisissent pas d'elles-mêmes de leurs prérogatives.

Monsieur le président de la commission des lois, rebellez-vous donc contre les injonctions gouvernementales ! Je vous sais, à titre personnel, très sincèrement attaché à un fonctionnement plus parlementaire de notre démocratie et à un fonctionnement plus démocratique de notre Parlement. Alors, résistez, monsieur le président ! Sachez-le, nous sommes prêts à entrer en résistance avec vous ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Yves Cochet.

Très bien !

Mme Véronique Neiertz.

Quel courage ! Rendez-vous aux quatre colonnes !

M. Noël Mamère.

Il n'y a aucune raison pour que les débats que nous pourrions avoir en commission soient étroitement contrôlés par le Gouvernement. L'hégémonie de celui-ci sera d'autant plus forte que nous nous y soumettrons de nous-mêmes.

Alain Néri.

Rendez-vous salle des quatre colonnes !

M. Noël Mamère.

Pour l'instant, je suis à la tribune de l'Assemblée, et non dans la salle des quatre colonnes, pour exprimer les objectifs structurels d'un parti politique de la majorité plurielle s'agissant de nos institutions.

Nous sommes déjà très nombreux à regretter les conditions de travail souvent inacceptables dans lesquelles nous essayons de légiférer. Le calendrier nous est imposé par le G ouvernement. Aucun délai sérieux n'est garanti.

Depuis 1958, tout est fait pour court-circuiter le Parlement et empêcher les parlementaires de légiférer.

C'est aussi à cela que l'on reconnaît la vraie nature d'un régime. Cessons donc de regarder avec envie nos collègues allemands ou américains, et réagissons ! Et s'il ne devait y avoir qu'une seule raison pour défendre cette motion de renvoi en commission, celle-ci suffirait.

Je n'ai pas coutume de soutenir nos homologues du Sénat. J'ai dit ce que les Verts pensaient de cette institution, fondamentalement antidémocratique en raison de son mode d'élection. Je comprendrais néanmoins que les sénateurs, notamment à la commission des lois, usent de leurs prérogatives pour examiner dans un délai raisonnable cette proposition de loi sur le calendrier en tenant compte du temps nécessaire au débat, à la réflexion et, in fine, à l'action législative proprement dite.

Alors qu'on accepte d'interminables navettes - jusqu'à quatre lectures pour un même texte à l'Assemblée -, pourquoi cette urgence et cette précipitation pour une échéance électorale qui se déroulera dans plus d'un an, voire dans un an et demi si cette proposition est adoptée ? Après tout, si le sujet est aussi important et l'évidence aussi nette, pourquoi ne pas avoir proposé une telle modification il y a plusieurs mois ? Pourquoi ne pas l'avoir votée en même temps que le quinquennat, puisqu'il paraît que c'est la conséquence logique de l'adoption de cette réforme ? Il faudrait remettre la pyramide institutionnelle sur ses pieds ? Pourquoi alors s'être laissé enfer-


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mer dans la logique dite du « quinquennat sec » imposée par le Président de la République ? J'ai beau retourner toutes ces questions dans tous les sens, je ne vois pas de réponse politique claire qui s'impose naturellement.

Les Verts ne peuvent en aucun cas s'associer à cette façon de faire de la politique. C'est un accroc non négligeable à la méthode chère au Premier ministre. Nombre d'analystes s'en sont fait l'écho dans la presse. Nous sommes, nous aussi, au regret de le constater.

Il s'agit simplement, a-t-on aussi entendu, de régler les problèmes tels qu'ils se présentent, sans arrière-pensées politiques. Sur ce dernier point, il est vrai, les avis des analystes ne sont pas unanimes. Nous ne joindrons pas notre voix à la complainte d'une partie de la moitié droite de cet hémicycle, qui crie subitement à la magouille et au tripatouillage.

M. Didier Quentin.

C'est pourtant ce qui se passe...

M. Noël Mamère.

Je n'oublie pas que l'opposition d'aujourd'hui est majorité d'hier, selon la règle démocratique -, cette majorité qui n'a pas hésité à dissoudre l'Assemblée nationale sans raison et qui, à une époque un petit peu moins récente, s'était lancée dans un redécoupage pour le moins biscornu et pour tout dire partial de nos circonscriptions législatives.

S'il s'agit réellement de traiter les problèmes institutionnels et les dysfonctionnements démocratiques dont est victime notre pays, les Verts sont prêts à participer au débat et à apporter leur pierre à la rénovation de l'édifice républicain. Oui, nous pensons qu'il est urgent de réformer nos institutions. Non, nous ne pensons pas qu'il soit trop tard pour le faire avant les élections de 2002. Si chacun agit dans un esprit sincère et constructif, c'est possible. Alors, nous constaterons que cette question du calendrier est secondaire. Il ne sera plus nécessaire d'en faire l'affaire politique de l'année. On se rendra bien compte que nous sommes en train de passer complètement à côté du débat majeur sur la démocratisation de notre pays.

Puisque nous sommes en train de préparer les fêtes de fin d'année, permettez-moi, monsieur le ministre, cette image qui vaut ce qu'elle vaut : nous aurions préféré un

« paquet complet » de réformes institutionnelles plutôt qu'une « pochette surprise », surtout pour y trouver une mauvaise surprise...

Les sujets de réflexion et les possibilités de réforme, en effet, ne manquent pas. J'en ai évoqué plusieurs, hier, lors de la séance de nuit. Même si leur importance est indéniable je n'y reviendrai pas. Rappelons les plus emblématiques, comme l'équilibre et la séparation des pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire, l'harmonisation des modes de scrutin, la durée des mandats, le non-cumul des mandats ou le droit de vote des résidents étrangers.

Le temps m'était compté hier soir je n'ai pas pu évoquer certains points de réforme possibles. Je voudrais vous les présenter rapidement pour vous montrer, chers collègues, combien il aurait été nécessaire que notre commission des lois menât donc un travail plus long et plus approfondi. Le vote de cette motion de renvoi en commission serait donc d'une incontestable utilité.

Dans une nouvelle République, le fonctionnement des pouvoirs et leurs relations devront donc être revus. La séparation des pouvoirs doit devenir une réalité. S'il est démocratiquement sain que les citoyens puissent choisir directement celui - ou celle - qui dirigera l'exécutif, celui-ci - ou celle-là - ne doit pas empiéter sur le pouvoir législatif et doit être fortement et régulièrement contrôlé par le Parlement. L'Assemblée nationale et le Sénat doivent donc pouvoir maîtriser leur ordre du jour, garder leur pouvoir d'initiative législative et disposer de nouveaux pouvoirs d'enquête et d'investigation, notamment sur l'action du pouvoir exécutif et de son administration.

D'une manière générale, les moyens du Parlement doivent être considérablement renforcés. L'énorme disproportion qui existe aujourd'hui entre les moyens de l'Assemblée nationale et du Sénat et ceux de la machine a dministrative dont dispose le Gouvernement rend complètement irréelle toute idée de contrôle du Parlement sur l'action du Gouvernement. J'ai entendu hier M. le Premier ministre s'engager en faveur de ce renforcement au cours du débat général sur l'avenir des institutions. J'ose espérer qu'il ne s'agissait pas d'un voeu pieux. Mais quels sont les moyens que l'on se donne réellement pour y parvenir ? La séparation des pouvoirs, c'est la nécessaire distinction entre le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif ; ceux-ci sont, de fait, aujourd'hui totalement confondus au profit du Gouvernement. Mais l'application du principe de séparation des pouvoirs doit évidemment concerner aussi, et peut-être surtout, le pouvoir judiciaire. L'indépendance de celui-ci doit être constitutionnellement garantie. Rien ne justifie en effet que les possibilités d'enquête des juges puissent être entravées par le pouvoir exécutif.

Nous avons connu, il y a quelques années, ce genre de malentendus. Inutile de rappeler l'épisode rocambolesque de l'hélicoptère dépêché dans l'Himalaya, à des milliers de kilomètres d'ici, pour aller donner des instructions à un procureur. (Protestations sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. Hervé Gaymard.

Quel rapport ?

M. Jean-Marie Demange.

Hors sujet !

M. Noël Mamère.

Inutile de rappeler la pratique de dessaisissement d'un juge. Enfin, plus récemment, nous avons dû constater la démission de M. Benmakhlouf, procureur de Paris. Notre collègue Montebourg a, d'ailleurs, très bien montré qu'il est impossible de parler d'indépendance de la justice quand un procureur général se trouve être un ancien membre de cabinet ministériel.

(« Eh oui ! » sur les bancs du groupe communiste.)

Au nom de tous les députés Verts, je tiens à saluer son action. Elle le mérite incontestablement, dans la mesure où elle fait oeuvre de salubrité démocratique.

L'indépendance de la justice est donc une nécessité voulue par les Français. Mais il est logique que celle-ci soit assortie de contreparties. Le droit de recours et de révision des procès doit être garanti et la responsabilité des magistrats doit pouvoir être engagée. Un contrôle citoyen du pouvoir judiciaire doit pouvoir être instauré.

C'est à ce prix que l'on pourra, dans le même temps, supprimer les formes d'immunité judiciaire dont profite, qu'on le veuille ou non, le Président de la République.

Enfin, il me semble important de souligner un autre aspect de cette refondation de la République que nous appelons de nos voeux : une authentique démocratie suppose que les citoyens voient leurs droits garantis et renforcés. Trop de lois et de règlements actuellement en vigueur en France sont encore des entorses aux droits et aux libertés fondamentales de la personne humaine. Les recours auprès de la Cour européenne des droits de l'homme le montrent régulièrement.


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De même que la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen fait partie du préambule de la Constitution de notre Ve République, celle de la VIe République devrait intégrer la Charte des droits fondamentaux dont l'Union européenne est en train de se doter. Ainsi, un citoyen qui estimerait qu'une loi qui lui est appliquée est contraire à cette charte pourrait saisir le Conseil constitutionnel. Cela permettrait de débarrasser progressivement la législation française de toutes ses dispositions qui sont, d'évidence, inconstitutionnelles. Cela se pratique dans de nombreux pays, comme l'Allemagne et les Etats-Unis ; et rien ne justifie que la France s'en prive.

Dans ce débat sur les institutions, je souhaiterais également vous faire part de quelques réflexions sur la décentralisation. Nous l'avons dit hier, les députés Verts soutiennent l'accord trouvé entre le Gouvernement et les élus corses. Dans le même temps, nous avons bien du mal à comprendre le refus de s'engager dans une régionalisation généralisée de la part d'un certain nombre de politiques.

Nous pensons en effet qu'il n'est absolument pas dangereux de reconnaître qu'il existe dans notre pays des identités régionales. Nous n'hésitons pas à dire qu'il faut développer cette sorte de « multi-appartenance » pour mieux nous prémunir contre toute forme de repli identitaire.

Même si cela peut paraître paradoxal, l'avancement de la construction européenne doit être couplé à un profond mouvement de décentralisation en France même. Beaucoup de décisions peuvent et doivent être prises au plus près des citoyens. C'est indispensable si l'on veut réduire le fossé qui se creuse chaque jour un peu plus entre les décideurs politiques et leurs « administrés ». Alors que la mondialisation rend nécessaire l'avènement d'institutions politiques couvrant des territoires de plus en plus vastes, il est sain de préserver des communautés d'appartenance de proximité : le quartier, la ville ou l'agglomération, le pays, la région, la nation. Créer les conditions d'un sentiment de « multi-appartenance » est donc le meilleur antidote aux deux maux qui guettent notre époque : l'atomisation individualiste et le repli nationaliste.

Après la première étape de 1982, la décentralisation doit maintenant être relancée en garantissant aux collectivités territoriales une véritable autonomie grâce à un important transfert de compétences et de moyens financiers. Elle doit également être « relégitimée » par une démocratisation de leur fonctionnement.

Le débat sur la Corse a montré que la question d'un pouvoir législatif des régions est maintenant posée. Les Verts, qui défendent le fédéralisme, y ont de fait toujours été favorables. Si des garde-fous doivent bien sûr être posés pour éviter la contradiction avec des législations française et européenne, il est néanmoins utile de rendre possible des expérimentations sur certains thèmes et dans certaines régions.

Ce type de fonctionnement, d'inspiration fédérale, a toujours été un facteur de progrès pour les pays qui le p ratiquent, créant une sorte d'émulation-concurrence entre les collectivités locales. Des propositions minoritaires au niveau national peuvent convaincre la majorité après avoir été testées dans une région. C'est un facteur décisif dans la « crédibilisation » d'une véritable alternance. C'est donc une question cruciale pour les Verts.

Mais cette nouvelle étape ne sera possible que si le fonctionnement des collectivités locales françaises est profondément démocratisé. Qu'il s'agisse des conseils municipaux ou régionaux, sans parler des conseils généraux et des structures intercommunales, la démocratie y est souvent formelle et très limitée. De profondes réformes de fonctionnement doivent être engagées, en commençant par harmoniser les modes de scrutin et la durée des mandats en la limitant à cinq ans. Le mode de scrutin régional pourrait servir de modèle. Dans ce cadre, l'élection au suffrage universel direct des élus intercommunaux et l'éventuelle suppression des conseils généraux doivent être envisagées pour rendre plus simples et plus transparentes les institutions locales.

Je n'évoquerai pas davantage ici l'intérêt et la nécessité de mettre en place des modes de scrutin mixtes, moitié majoritaires, moitié proportionnels. J'y reviendrai dans le débat sur les amendements. Je crois néanmoins nécessaire de souligner le double avantage de cette façon d'élire nosr eprésentants : non seulement refléter fidèlement la volonté politique de nos concitoyens, mais aussi laisser la place à l'innovation. Tout système peut avoir tendance à se figer dans des habitudes qui peuvent, peu à peu, se transformer en sclérose généralisée. L'immense avantage d'un mode de scrutin permettant la représentation des minorités, c'est justement de toujours laisser une place aux idées innovantes. En effet, toute idée nouvelle, avant de devenir un jour majoritaire, commence par être minoritaire. Les collectivités locales, qui pourraient être le creuset de l'innovation et de l'expérimentation, sont donc tout particulièrement concernées.

Une démarche identique à celle qui viserait à une plus grande régionalisation des pouvoirs devra être entreprise pour les DOM-TOM. Ce sera la seule façon de se défaire définitivement de l'héritage colonial. Nous ne devons pas hésiter à mettre sur pied des statuts particuliers qui permettent de se donner les moyens de l'autodétermination.

Puisque nous en venons à parler de la démocratie locale, je voudrais dire un mot d'un sujet majeur, qui ne pourra pas être plus longtemps laissé de côté : le statut de l'élu. Comme toute chose, la démocratie a un prix. Il ne s'agit évidemment pas de l'alourdir sans cesse, mais il est nécessaire de garantir un minimum à tous les élus de ce pays pour qu'ils puissent exercer leur tâche publique convenablement.

Pensons que des milliers d'élus locaux, qui consacrent pourtant beaucoup de temps à faire vivre la démocratie dans leur commune, ne sont pas indemnisés du tout, soit parce qu'aucune indemnité n'est prévue par la loi, soit parce que le budget des communes concernées est trop faible pour qu'elles puissent la prendre en charge. Nous demandons instamment au Gouvernement d'aller vers une prise en charge partielle ou totale par l'Etat des indemnités d'élus. C'est une question de solidarité nationale, d'égalité républicaine et, tout simplement, de démocratie.

C'est une ardente nécessité si l'on veut que davantage de personnes, davantage de Français s'engagent en politique. C'est même une condition sine qua non s'agissant de personnes dont les revenus sont faibles et la situation professionnelle mal assurée. On ne peut pas se résigner à voir la représentation politique être aussi éloignée de la réalité sociale de notre pays ; la démocratie n'est jamais aussi vivante que lorsqu'elle est le reflet fidèle de la diversité sociale. Combien y a-t-il d'ouvriers dans notre assemblée ? Combien d'artisans ? Combien de personnes ayant connu le chômage ?

M. Eric Doligé.

Et combien de fonctionnaires, à gauche ?

M. Noël Mamère.

Les réponses à ces questions sont autant de désaveux pour l'idéal républicain. Là aussi, n ous pouvons prendre des mesures rapides pour commencer à combler le fossé qui se creuse entre les


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citoyens et la politique. Là aussi, nous avons la faiblesse de penser qu'il est nettement plus urgent de procéder à une telle réforme que de chipoter sur une question de calendrier. Je me permets d'ailleurs de saluer ici l'action très positive menée par nos amis du groupe communiste, qui ont récemment présenté dans leur « niche » d'initiative parlementaire un texte allant dans le sens d'un meilleur statut de l'élu pour permettre un accès de tous et de toutes à la politique. Puisque tout le monde s'est engagé depuis maintenant deux jours à respecter les droits du Parlement et à renforcer ses pouvoirs, j'espère que cette proposition de loi sera définitivement adoptée par notre assemblée.

De tous ces sujets, nous aurions pu parler à la commission des lois. De tous ces sujets, nous aurions pu débattre dans cet hémicycle. Sur tous ces sujets, nous aurions pu construire des avancées démocratiques en jouant enfin notre vrai rôle de législateurs. En fait, avec mes collègues Verts, j'aurais souhaité que notre assemblée se transforme, au moins pour un temps, en véritable assemblée constituante. Mais ce débat a montré que d'autres préoccupations - beaucoup plus secondaires et, disons-le, politic iennes - l'emportaient sur la volonté d'assumer clairement ses responsabilités de législateurs. Je demande donc, mes chers collègues, d'adopter cette motion de renvoi en commission.

Lors d'une de ses campagnes présidentielles, François Mitterrand affirmait sur ses affiches que le seul objectif du président de l'époque, M. Giscard d'Estaing, était de garder le pouvoir alors que son ambition, à lui candidat, était de le rendre aux citoyens.

M. Eric Doligé.

Ils ont été déçus !

M. Noël Mamère.

Je n'hésite pas à le dire : rendons aux parlementaires le pouvoir qui leur a été confisqué ! Et si on ne nous le rend pas, chers collègues, reprenons-le, en votant cette motion de renvoi en commission.

M. Yves Cochet.

Bravo !

Mme la présidente.

La parole est à M. le ministre de l'intérieur.

M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur.

Madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, je vais être très bref concernant la motion de renvoi en commission proposée par M. Mamère. Le président de la commission de lois s'exprimera sans doute d'ailleurs longuement luimême, d'autant qu'il s'agit de propositions de loi, donc de textes d'initiative parlementaire.

Sur la décentralisation, monsieur Mamère, comme vous le savez très bien, un débat aura lieu ici à la mijanvier, dans un mois à peine. Inutile donc de l'engager dès ce matin. Nous aurons l'occasion à ce moment-là de faire le tour de la question.

Hier, les questions orales avec débat nt déjà permis, avec l'accord du Gouvernement, un large échange de vues sur tous les sujets et pas uniquement sur celui traité dans les six propositions de loi.

L'Assemblée nationale est donc largement éclairée sur l'enjeu précis de ces propositions de loi et du rapport de la commission des lois, car, monsieur Mamère, c'est bien sur ce rapport qui fait la synthèse des six propositions de loi d'initiative parlementaire que l'Assemblée va devoir se prononcer. De ce point de vue, j'ai trop de respect pour l'initiative parlementaire pour suggérer aux députés de voter un renvoi en commission. Chacun, ici, assume ses responsabilités.

Mesdames, messieurs les députés, vous êtes à présent tous éclairés...

M. René André.

Doucement !

M. le ministre de l'intérieur.

Le Gouvernement s'exprime comme c'est son droit et il considère que les parlementaires ont la responsabilité de l'initiative parlementaire.

M. René André.

Vous n'en croyez pas un mot !

M. le ministre de l'intérieur.

Il est vrai que c'est nouveau. Avant 1997, en effet, on laissait peu de place à l'initiative parlementaire. Aujourd'hui, 30 % des lois sont d'initiative parlementaire. (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. René André.

Et toutes celles que vous bloquez ?

M. le ministre de l'intérieur.

Saluons-le car c'est là la meilleure façon de respecter les droits du Parlement.

(Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste.)

Cela n'a pas empêché toutefois l'opposition de s'opposer à beaucoup de propositions de loi. Ce fut le cas notamment s'agissant du PACS, même si aujourd'hui certains dans ses rangs semblent le regretter. (Exclamationss ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

Pour en revenir au sujet qui nous occupe depuis hier, non, monsieur Mamère, je n'ai pas le sentiment que ce soit le problème politique de l'année. C'est évidemment la baisse du chômage, qu'il convient de mettre à l'actif du Gouvernement et de la majorité plurielle, qui constitue la vraie nouvelle politique de l'année. Voilà ce qui touche le plus nos concitoyens !

M. Eric Doligé.

Vous oubliez la sécurité ! C'est un comble pour le ministre de l'intérieur !

M. le ministre de l'intérieur.

Aujourd'hui, il s'agit simplement d'une affaire de calendrier. Il s'agit simplement, sans toucher à la date de l'élection présidentielle, de permettre aux électeurs de choisir dans la clarté l'Assemblée n ationale qui suivra l'élection du Président de la République.

Concernant les réformes institutionnelles que vous appelez de vos voeux, monsieur Mamère, vous savez très bien que ce Gouvernement - et le Premier ministre l'a dit encore hier - est ouvert à la discussion. Il l'a d'ailleurs montré au moment de l'instauration du quinquennat même si le débat a été quelque peu bridé par les conditions dans lesquelles cette réforme constitutionnelle a été présentée au Parlement. Il est clair que 2002 sera l'occasion pour les uns et les autres de faire des propositions.

J'ai d'ores et déjà entendu certaines de vos suggestions.

Sachez que le Gouvernement n'est pas fermé aux évolutions.

Néanmoins, monsieur Mamère, et ne voyez aucun trait polémique dans mon propos, votre sollicitation de la majorité sénatoriale, s'agissant d'un texte visant tout simplement à reporter les élections législatives pour permettre à l'élection présidentielle de se dérouler avant, m'apparaît comme un fait nouveau. Mais compte tenu de ce qu'est la majorité sénatoriale, je pense que votre sollicitation n'empêchera pas ce texte, voulu par des parlementaires dans la diversité, d'avancer.

M. Patrick Ollier.

Diversité et confusion !

M. le ministre de l'intérieur.

J'en ai la conviction. Je vais donc arrêter là mon propos en suggérant, au nom du Gouvernement, aux parlementaires éclairés que vous êtes tous de ne pas voter cette motion de renvoi en commission. Cela étant, j'apprécie, monsieur Mamère, la manière


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dont vous avez ouvert des débats pour l'avenir. (« Ah ! »s ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

Le Gouvernement y participera, bien évidemment. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Noël Mamère.

Merci, monsieur le ministre.

Mme la présidente.

La parole est à M. Bernard Roman, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, rapporteur.

M. Bernard Roman, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, rapporteur.

M. le ministre vient de dire que vous aviez ouvert des débats pour l'avenir, monsieur Mamère. Comme vous, je regrette que nous ne puissions dès à présent engager ces discussions. Ce texte, comme celui qui a institué le quinquennat, nous permettait de le faire, en effet. Mais il y a une explication objective à cette situation. Cette occasion manquée de poser l'ensemble du problème de nos institutions est due à la période de cohabitation que nous connaissons.

Aujourd'hui, toute réforme de la Constitution est impossible sans un accord explicite des deux chefs de l'exécutif. Tout débat qui pourrait durer des heures et des jours devant la commission des lois, devant laquelle vous voulez nous renvoyer, serait vain dans la mesure où aucune arme ne permettrait de faire valider, ni par la représentation nationale ni par le peuple, une proposition de modification institutionnelle que nous sommes pourtant un certain nombre à appeler de nos voeux. Des députés socialistes se sont exprimés sur ce point dans la discussion générale ; je pense à MM. Derosier, Quilès et Ayrault, notamment. Du reste, la question des institutions a souvent été évoquée par ceux qui sont favorables au rétablissement du calendrier. Ils y voient une condition de clarté propice à l'évolution qu'ils souhaitent. En revanche, ceux qui ont tenu des propos négatifs visant à dénoncer des manoeuvres n'ont à aucun moment présenté des propositions en ce sens.

Monsieur Mamère, pour faire évoluer nos institutions, il est absolument indispensable que la situation soit claire en 2002. Seule une majorité claire - et j'espère que ce sera la reconduction de la gauche plurielle - pourra institutionnellement faire des propositions de modifications.

C'est en ce sens que je regrette que vous ne soyez pas à nos côtés pour souhaiter le rétablissement du calendrier électoral qui garantira cette situation claire.

En fait, monsieur Mamère, ce n'est pas le renvoi du présent texte en commission qui nous donnera la possibilité de faire ce que la cohabitation n'a pas permis. C'est grâce au peuple que nous le ferons, à l'occasion de l'échéance présidentielle de 2002 et du débat qui portera forcément sur les institutions. Voilà pourquoi nous souhaitons que cette élection se déroule clairement devant les Français avant qu'ils n'aient à se prononcer pour les législatives.

(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

Mme la présidente.

Dans les explications de vote sur la motion de renvoi en commission, la parole est à M. Dominique Bussereau, pour le groupe Démocratie libérale et Indépendants.

M. Dominique Bussereau.

Hier, nous avons débattu de deux motions de procédure. Aux termes de la première, Patrick Devedjian nous a expliqué que le présent texte posait un certain nombre de difficultés au regard de la Constitution. Et je regrette que la majorité de cette Assemblée ne nous ait pas suivis dans le vote en faveur de cette motion. Puis, Pascal Clément a opposé au nom de l'ensemble de l'opposition la question préalable. Nous discutons maintenant de la motion de renvoi en commission. Certes, le président de la commission des lois vient de nous dire que ces propositions de loi avaient été largement débattues. Mais je ne partage pas du tout son avis.

En effet, s'agissant d'un texte arrivé en catimini et pour convenance personnelle du Premier ministre, la commission des lois constitutionnelles - tel est le titre exact de cette commission, monsieur Roman - n'a effectué qu'un très court travail. Or le sujet méritait un plus ample examen.

Quant à M. le ministre de l'intérieur, qui nous explique en permanence, depuis hier, que l'actuel gouvernement respecte les droits du Parlement, je lui rappellerai simplement la malheureuse affaire des ordonnances, la semaine dernière, à propos de textes pourtant très importants pour la vie quotidienne des Français. Je mentionnerai aussi le sort réservé à toutes les propositions de loi que l'opposition présente dans ses niches et qui ne sont jamais discutées.

M. Jean-Luc Warsmann.

Absolument !

M. Dominique Bussereau.

Tout cela prouve au contraire que le Gouvernement tient la représentation nationale dans le plus profond mépris et ne prend pas en compte le rôle démocratique de l'opposition.

M. François Goulard.

C'est vrai !

M. Dominique Bussereau.

Le groupe DL considère donc que cette motion de renvoi doit être votée. La commission des lois a besoin de travailler, de réfléchir, de faire des propositions. Pouvons-nous espérer sortir un jour de la guerre civile, s'agissant d'un sujet aussi important que celui du fonctionnement de notre vie publique ? Sortons de l'affrontement bloc contre bloc que nous impose le Gouvernement et engageons une réflexion commune ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et sur quelques bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

Mme la présidente.

Pour le groupe communiste, la parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz.

Nos concitoyens considèrent en général que nous sommes à 100 000 lieues de leurs problèmes. Cette discussion en est un exemple. Ne croyezvous pas en effet que, dans les entreprises et dans les quartiers, le débat porte plutôt ce matin sur la décision du Conseil constitutionnel d'abroger la disposition visant à abaisser la CSG sur les bas salaires que nous avons votée voilà quelques jours ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste.)

Mme Odette Grzegrzulka.

Cette décision du Conseil constitutionnel est scandaleuse !

M. Didier Boulaud et M. Michel Lefait.

Merci la droite !

M. Maxime Gremetz.

Après avoir pris connaissance de l'analyse du scrutin intervenu, hier, je constate d'ailleurs que ceux qui ont voté avec la majorité l'inversion du calendrier électoral sont ceux-là mêmes qui ont présenté ce recours devant le Conseil constitutionnel. Cela devrait faire réfléchir.

Hier, Jean Vila, Robert Hue et moi-même avons indiqué que nous étions favorables à une modernisation de la vie démocratique et politique. Nous avons expliqué qu'il


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fallait la proportionnelle, qu'un statut de l'élu était nécessaire, que bien des choses devaient être modifiés et qu'il convenait de donner des droits nouveaux aux salariés. Or la disposition visant à inverser le calendrier ne va pas dans ce sens. Elle accentuera au contraire la présidentialisation du régime. Eh oui, la gauche est plurielle et nous avons le droit d'avoir des avis différents !

M. Arnaud Lepercq.

L'ancienne gauche plurielle !

M. Maxime Gremetz.

C'est pourquoi le groupe communiste ne peut que s'associer à cette motion de renvoi en commission.

M. Jean Besson.

Très bien !

Mme la présidente.

Pour le groupe RCV, la parole est à M. Yves Cochet.

M. Yves Cochet.

Mes chers collègues, je n'ai rien à ajouter à l'excellent propos de mon ami Noël Mamère. Je vous informe simplement que les députés Radicaux de gauche et du Mouvement des Citoyens appartenant au groupe Radical, Citoyen et Vert voteront contre la motion de renvoi en commission. En revanche, et disant cela je ne surprendrai personne, les députés Verts voteront la motion de renvoi en commission.

(Applaudissements sur quelques bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Mme la présidente.

Pour le groupe du Rassemblement pour la République, la parole est à M. Jean-Luc Warsmann.

M. Jean-Luc Warsmann.

La discussion générale a fait apparaître plusieurs points extrêmement importants.

Il est clair tout d'abord que cette proposition de loi pose des problèmes de constitutionnalité dans la mesure où elle ne poursuit pas un but d'intérêt général. Il s'agit bel et bien d'une loi de convenance personnelle pour le Premier ministre.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme Odette Grzegrzulka.

Changez de disque !

M. Jean-Luc Warsmann.

Il est clair également que cette proposition de loi ne garantit en rien que les élections présidentielles auront lieu à l'avenir avant les élections législatives puisque le problème du droit de dissolution et du vice-président n'est pas pris en compte. Ce texte est donc totalement incohérent au niveau des principes.

Il est clair enfin que la question des parrainages, qui représentait le seul et minuscule argument avancé par le Gouvernement, aurait pu être réglée par de multiples autres solutions. En tout état de cause, déplacer les élections pour cette simple raison était tout à fait disproportionné.

Alors oui, mes chers collègues, il faut renvoyer ce texte en commission. Et s'il fallait ajouter un dernier argument, je rappellerait un propos du Premier ministre en date du 19 octobre dernier : « Toute initiative de ma part serait interprétée de façon étroitement politique, voire politicienne. [...]. Moi, j'en resterai là et il faudrait vraiment qu'un consensus s'esquisse pour que des initiatives puissent être prises. » Recherchons ce consensus et prépa-

rons-nous à travailler sérieusement ! - cette fois - en commission. Le groupe du Rassemblement pour la République votera donc cette motion de renvoi en commission.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

Mme la présidente.

La parole est à M. Jean-Yves Caullet, pour le groupe socialiste.

M. Jean-Yves Caullet.

Je serai très bref, le président de la commission des lois ayant d'ores et déjà développé les arguments que je comptais avancer pour justifier le rejet de cette motion de renvoi en commission.

Tous les propos de notre collègue Mamère ont en effet démontré qu'un revoi en commission du présent texte ne permettrait en rien d'aboutir à la révision de nos institutions qu'il appelle de ses voeux.

Par ailleurs, il faut raison garder et considérer que ce texte, qui effectivement donne lieu à un débat très large, se borne tout simplement à rétablir...

M. Jean-Luc Warsmann.

Non à modifier !

M. Jean-Yves Caullet.

... l'ordre d'un calendrier qui permettra aux citoyennes et aux citoyens de s'exprimer dans le bon ordre sans que la campagne des législatives ne soit assourdie par celle des présidentielles. C'est précisément dans ces conditions-là qu'on peut le mieux choisir ses représentants.

Il n'est donc nullement nécessaire de renvoyer ce texte en commission et d'en retarder l'examen. Il importe au contraire de l'adopter rapidement.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme la présidente.

Je mets aux voix la motion de renvoi en commission.

(La motion de renvoi en commission n'est pas adoptée.)

Discussion des articles

Mme la présidente.

J'appelle maintenant, dans les conditions prévues par l'article 91, alinéa 9, du règlement, les articles de la proposition de loi organique dans le texte de la commission.

Article 1er

Mme la présidente.

« Art. 1er L'article L.O. 121 du code électoral est ainsi rédigé :

« Art. L.O. 121. Les pouvoirs de l'Assemblée nationale expirent le 15 juin de la cinquième année qui suit son élection. »

Plusieurs orateurs sont inscrits sur l'article 1er

La parole est à M. Pascal Clément.

M. Pascal Clément.

Je me suis en effet inscrit sur l'article car je souhaitais revenir sur un amendement que j'avais déposé, qui n'a pas été adopté par la commission et que je n'ai pas redéposé. Il proposait la concomitance des dates de l'élection présidentielle et de l'élection législative.

Tous les orateurs que nous avons entendus depuis hier, madame la présidente, monsieur le ministre, font appel au bon sens de l'opinion publique et des parlementaires.

Or, si c'est vraiment une affaire de bon sens, et ce sera m a première observation, comment se fait-il que depuis 1997, date des dernières élections législatives, personne n'y ait pensé ? Il aura fallu, il y a quelques semaines, une prise de conscience du Premier ministre devant le congrès de son parti, pour que le bon sens, tout d'un coup, illumine le parti socialiste et son gouvernement. L'argument vaut, du reste, pour ceux qui, dans l'opposition, se réclament du bon sens alors qu'ils n'avaient rigoureusement jamais pensé à cette réforme avant.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 20 DÉCEMBRE 2000

C'est pourquoi je vous invite, au nom du bon sens, à vous mettre à la place de l'électeur qui, demain, devra voter, d'abord un premier dimanche au premier tour des présidentielles, puis un deuxième dimanche, quinze jours a près, au second tour, puis encore un troisième dimanche, quelques semaines plus tard, au premier tour d es législatives et, enfin, un quatrième et dernier dimanche au second tour, le tout sur une période d'environ deux mois.

Comment voulez-vous expliquer un tel enchaînement aux Français en faisant appel au bon sens ? La participation électorale va baisser. On peut toujours la qualifier d'incivique, elle sera dans la pratique inéluctable.

Je ne veux pas revenir sur la différence d'appréciation, originale sinon paradoxale, même si elle est fort intéressante, entre ceux qui veulent la prééminence de l'élection présidentielle et ceux qui rappellent à juste titre la lettre de la Constitution, elle, plus parlementaire. La concomitance des dates était le moyen de régler ce problème quasi théologique dont les hommes politiques français adorent discuter mais que l'opinion publique, quant à elle, ne veut même pas essayer de comprendre. Elle considère que ces querelles cachent souvent, sinon toujours, des intérêts politiciens. Personne ne s'étonne que, derrière ce débat que je qualifie toujours de théologique, il y ait d'abord et avant tout les arrière-pensées politiques des promoteurs du projet.

La concomitance des deux élections tendait donc à effacer une différence d'interprétation constitutionnelle, somme toute cosmétique, et à régler le problème de façon pratique. Les Français nous auraient été très reconnaissants de n'avoir à se déplacer que deux fois, au lieu de quatre, quand on sait le goût traditionnel des électeurs pour le chemin des urnes.

Cette réponse, m'objecte-t-on, diminuerait incontestablement la prééminence de l'élection présidentielle.

Pourtant, quand, pour des élections, certes d'une autre nature, les Français sont appelés, et ils le seront bientôt, à voter le même jour à la fois pour les municipales et pour les cantonales, ils savent très bien faire la différence entre les fonctions, les mandats et les compétences. Et on voudrait nous faire croire qu'ils en seraient incapables s'ils devaient, le même jour, voter pour le Président de la République et pour le pouvoir législatif ! Ce serait clairement sous-estimer les Français que de considérer qu'ils pourraient se tromper.

Dans ce cas, chacun étant élu le même jour, au moins nous n'aurions pas, par rapport à l'esprit originel de la Constitution, cet effet d'entraînement que M. Jospin a particulièrement souligné - ce faisant il soulignait aussi ses arrière-pensées politiques -, qui fera que le gagnant des présidentielles gagnera dans la foulée les élections législatives. On évitera ainsi, comme l'a rappelé M. Jospin hier à la tribune, la parenthèse de la cohabitation, qu'il semblait regretter. Nous aurions alors la cohérence des pouvoirs.

En définitive, c'est tout le pouvoir du Parlement qui sera mis de côté au profit exclusif de l'élection présidentielle, qui, elle, entraînera l'adhésion de l'ensemble des électeurs.

Pour conclure, il serait peut-être intéressant, et si vous aviez l'amabilité de nous répondre, monsieur le ministre, que vous nous expliquiez pourquoi le Gouvernement n'a pas de lui-même pensé à la concomitance des dates. Car, même si elle n'est pas appliquée la prochaine fois, je suis prêt à parier que les Français l'exigeront dans cinq ans, quand ils se seront rendu compte, ce qui n'est pas encore le cas pour le moment, que le mandat du Président de la République et celui des députés ont une durée identique, de cinq ans. Alors, ils exigeront la concomitance pour des raisons non pas constitutionnelles, mais purement pratiques.

M. Didier Boulaud.

Il se prend pour Mme Soleil !

M. Pascal Clément.

Dans ces conditions, pourquoi ne pas l'adopter maintenant ? Pourquoi, monsieur le ministre, le Gouvernement a-t-il refusé la concomitance des dates qui vous aurait d'abord dispensé d'une querelle sur votre gauche...

M. Patrick Lemasle.

Il parle pour ne rien dire !

M. Pascal Clément.

... nous aurait ensuite épargné une fracture au sein de l'opposition et aurait enfin, j'en suis convaincu, satisfait la quasi-totalité des électeurs ? Si le Gouvernement voulait bien répondre à cette question, je lui en saurais gré, car mon propre questionnement sera bientôt suivi de celui de tous les Français.

Mme la présidente.

La parole est à M. Patrick Ollier.

M. Patrick Ollier.

Madame la présidente, monsieur le ministre, chers collègues, nous allons entrer dans le vif sujet en abordant maintenant, sous un angle technique, les différentes propositions de loi qui nous sont soumises.

A ce niveau du débat, il faut rappeler un certain nombre de principes que le Gouvernement n'a pas respectés, à mon sens, et qui vont au moment du vote nous poser des problèmes.

Tout d'abord, vous souhaitez, monsieur le ministre, entamer un débat relatif à une inversion du calendrier électoral en prétendant ne pas toucher aux institutions.

Nous avions demandé que se tienne, en vertu de l'article 132 de notre règlement, un débat sur les institutions pour que, précisément, le Gouvernement exprime sa volonté devant nous et nous dise dans quelle direction il souhaitait les voir évoluer. Et il est tout à fait normal qu'un gouvernement puisse, à certains moments de la vie de la nation, s'interroger sur cette question.

En fait de débat au titre de l'article 132, vous nous avez servi hier une séance de questions orales avec débat - c'est l'intitulé qui a été retenu -, contrairement à ce qui avait été décidé par la Conférence des présidents. Je tiens à le souligner et à émettre une protestation officielle au nom de mon groupe auprès de la Conférence des présidents, parce que non seulement vous avez refusé le débat en annonçant d'emblée la position du Gouvernement mais, qui plus est, vous avez maintenu l'intitulé des questions orales avec débat, qui avait pourtant fait l'unanimité contre lui à la Conférence des présidents, ce qui revient à organiser ce fameux débat croupion destiné à habiller la manipulation.

Deuxièmement, on en arrive à l'examen des amendements de suppression déposés par M. Jean-Luc Warsmann et d'autres, et c'est sur ce point que je souhaite argumenter. Je suis en effet stupéfait qu'on en arrive à ce stade d'un débat qui se prétend sérieux, serein,...

M. Claude Evin.

Tout à fait !

M. Patrick Ollier.

... sur les institutions de la République sans que personne ait encore abordé, jusqu'à présent, le problème du droit de dissolution conféré au Président par l'article 12 de la Constitution.

M. Bernard Roman, président de la commission, rapporteur, et Mme Yvette Benayoun-Nakache.

Mais si !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 20 DÉCEMBRE 2000

M. Patrick Ollier.

Je n'en ai pas entendu parler hier, sauf du côté de l'opposition, au cours des excellentes démonstrations faites par nos orateurs, notamment celui de notre groupe, M. Devedjian.

M. Didier Boulaud.

Et par notre excellent Balligand !

M. Patrick Ollier.

Personne n'a parlé non plus de l'article 49 de la Constitution, sauf nous, une fois de plus.

M. Bernard Roman, président de la commission, rapporteur.

Quatre des nôtres en ont parlé hier ! Il ne faut pas dire de contrevérités !

M. Patrick Ollier.

Monsieur Roman, écoutez-moi ! Nous avons relevé l'opposition qu'il y a, sur le plan technique, à vouloir inverser le calendrier. Il ne s'agit pas de rétablir, vous ne rétablissez rien du tout...

Mme Yvette Benayoun-Nakache.

Si !

M. Patrick Ollier.

Rien - ni la pratique constitutionnelle, ni une obligation institutionnelle, ni une contrainte constitutionnelle - ne justifie que le Parlement inverse le calendrier. Il ne rétablirait rien du tout en effet.

Si vous aviez voulu lancer un débat sur l'avenir des institutions, vous auriez dû d'emblée, dès hier matin, poser la question des articles 12 et 49 de la Constitution.

Comment peut-on faire voter un texte qui va inverser le calendrier électoral alors que subsiste l'article 12 qui, à tout moment, permet au Président de la République de dissoudre l'Assemblée, et partant de décaler à nouveau l'ordre des élections ? N'y a-t-il pas là une contradiction qu'aucun argument d'ordre constitutionnel ou institutionnel ne peut surmonter ? Le seul argument qu'on puisse trouver derrière vos démonstrations respectives, m onsieur le ministre, monsieur le président de la commission, c'est la convenance personnelle ! Un député du groupe socialiste.

Et Bayrou ?

M. Patrick Ollier.

Je n'en trouve pas d'autre parce qu'il n'y en a pas d'autre, si ce n'est de rendre service d'une manière toute politicienne à la majorité, même pas à la majorité d'ailleurs, mais au parti socialiste au sein de la majorité plurielle ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Didier Boulaud.

Ça vous va bien, de dire ça !

M. Patrick Ollier.

Si vous aviez réellement voulu aller jusqu'au bout de votre logique, vous auriez dû vous interroger sur les conséquences du vote d'une motion de censure, qui, demain, pourrait bien se produire, car, à l'évidence, votre majorité plurielle devient tellement diverse ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Didier Boulaud.

Et l'Alliance ?

M. Patrick Ollier.

Ne parlez pas de l'opposition, qui, demain, redeviendra à son tour majoritaire.

Restons-en, mes chers collègues, au pouvoir qui est le vôtre en tant que parlementaires, prévu à l'article 49 de la Constitution, à savoir le vote d'une motion de censure.

M. Didier Boulaud.

Il joue la montre !

M. Patrick Ollier.

Expliquez-moi comment le Parlement pourra exercer librement son droit fondamental à la censure dans les trois ou quatre mois qui suivront les élections législatives ou présidentielles, une fois le calendrier inversé pour simple convenance personnelle ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Il s'agit d'une pression insupportable exercée sur le Parlement, car cela signifierait qu'en cas de dissolution ou de décès du Président, on l'a dit hier, ou encore de motion de censure, le Parlement pourrait toujours faire fi de tels événements fondamentaux pour la vie de la République et voter uniquement pour rendre service au parti majoritaire dans l'hémicycle une loi rétablissant le calendrier. C'est intolérable et inadmissible. Pour toutes ces raisons, nous souhaitons que les amendements de suppression soient votés, et c'est ce que je vous demande au nom du groupe du RPR. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Mme la présidente.

Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 1 et 3.

L'amendement no 1 est présenté par M. Warsmann ; l'amendement no 3 est présenté par M. Bussereau et les membres du groupe Démocratie libérale et Indépendants.

Ces amendements sont ainsi rédigés :

« Supprimer l'article 1er »

La parole est à M. Jean-Luc Warsmann, pour soutenir l'amendement no

1.

M. Jean-Luc Warsmann.

A l'occasion de cet amendement de suppression de l'article 1er , je voudrais dire combien j'ai été choqué par les arguments utilisés par les défenseurs de cette proposition de loi et qui visent à abaisser le rôle du Parlement.

J'ai été choqué d'entendre dire s'agissant des deux élections nationales que l'une était « essentielle » et l'autre, celle des députés, « accessoire ».

M. Bernard Roman, président de la commission, rapporteur.

C'est vous qui l'avez dit !

M. Jean-Luc Warsmann.

J'ai été choqué aussi d'entendre l'argument selon lequel l'élection législative devrait forcément suivre l'élection présidentielle parce qu'il fallait que les députés élus soient des supporters, des militants du Président de la République.

Je crois pour ma part que, dans le rôle du député, il y a autre chose, notamment le travail qu'il fait pour son département et qui s'ajoute à son travail de législateur.

Un député ne se réduit ni à une étiquette politique ni à un supporter d'un leader national.

Cette argumentation remet en cause notre travail. Et c'est une des nombreuses raisons pour lesquelles je souhaite la suppression de l'article 1er . Je souhaite, en effet, que l'on tourne le dos aux arguments qui remettent en cause le rôle du Parlement et, au-delà, tout l'équilibre de nos institutions.

Mme la présidente.

La parole est à M. Dominique Bussereau, pour soutenir l'amendement no

3.

M. Dominique Bussereau.

Cet amendement vise également à supprimer l'article 1er

Nous sommes dans la situation assez paradoxale où une assemblée parlementaire choisit majoritairement de se porter un coup terrible.

(Rires sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Didier Quentin.

C'est vrai !

M. Dominique Bussereau.

En fait, l'article 1er est, pour le Premier ministre, un article de circonstance - je l'ai d'ailleurs dit hier soir dans la discussion générale. Je pense même qu'un certain nombre de ceux qui le voteront en seront demain les victimes électorales.

M. Didier Boulaud.

Il y en aura d'autres !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 20 DÉCEMBRE 2000

M. Dominique Bussereau.

Leur attitude est pour le moins paradoxale ! Mais libre à eux d'accepter d'être les victimes des ambitions présidentielles et personnelles de M. Jospin ! En réalité, on nous demande de voter un article qui ne tient aucun compte des évolutions de notre vie politique.

On prolonge, parce que cela arrange, les pouvoirs de l'Assemblée jusqu'au 15 juin 2002 sans tenir compte de ce qui pourrait arriver d'ici là, par exemple une modification de la date prévue pour l'élection présidentielle parce que le Président de la République élu en 1995 aurait décidé de provoquer l'élection présidentielle à un autre moment.

M. Philippe Nauche.

Chiche !

M. Dominique Bussereau.

On est donc en train, pour des convenances personnelles, de figer le code électoral.

L'attitude des députés de la majorité, ou de celles et ceux qui se préparent à voter ce texte, me fait penser à la t rès belle légende allemande, Der Rattenfnger bei Hameln, c'est-à-dire la légende du joueur de flûte. Eh bien, avec ce joueur de flûte qu'est M. Jospin, beaucoup se noieront. Tant pis pour eux ! Hélas pour la démocratie ! Hélas pour le Parlement français ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

Mme la présidente.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Bernard Roman, président de la commission, rapporteur.

La commission a bien sûr rejeté ces deux amendements de suppression. Permettez-moi simplement deux observations.

La première puisqu'on ne cesse de nous accuser de proposer un texte de convenance personnelle,...

M. Dominique Bussereau.

D'arrangement !

M. Bernard Roman, président de la commission, rapporteur.

Pour reprendre l'histoire de cette « convenance personnelle », je dirai, notamment aux orateurs du Rassemblement pour la République qui se succèdent en serinant la même rengaine, que je les comprends, parce que l'inventeur de cette expression n'est autre que Jacques Chirac, le 14 juillet 1996, quand il s'est exprimé à la télévision pour dire qu'il ne recourrait jamais à la dissolution.

Donc, vous parlez d'or, mes chers collègues ! Cela dit, vous nous prêtez des pensées dont je souhaite dire clairement ici qu'elles sont erronées. Il ne s'agit pour nous que de changer le calendrier. S'il y a débat entre présidentialistes et partisans d'une démocratie parlementaire renforcée, je peux vous assurer que, de ce côté de l'hémicycle, nous sommes pour une démocratie parlementaire renforcée.

M. Didier Boulaud.

Très bien !

M. Bernard Roman, président de la commission, rapporteur.

Disposer d'un calendrier clair en 2002 nous permettra de poser le problème aux Français, qui pourront alors trancher en connaissance de cause et non pas dans un climat de confusion que vous essayez d'entretenir pour créer l'illusion d'une manipulation, ce dont personne n'est dupe. La commission a donc repoussé ces amendements.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'intérieur.

Le Gouvernement est naturellement défavorable à ces amendements de suppression qui entendent maintenir le statu quo . Or le Gouvernement est attaché à cette réforme.

Mme la présidente.

La parole est à M. Gérard Gouzes.

M. Gérard Gouzes.

C'est bien entendu contre ces amendements de suppression que j'interviens.

Je voudrais dire à M. Bussereau que si nous sommes très sensibles à l'intérêt qu'il nous porte, nous pensons qu'il est préférable que chacun s'occupe de ses affaires.

En tout cas, pour ce qui nous concerne, cela nous rassurerait.

Pour en revenir au sujet, je crois que ces amendements de suppression de l'article 1er et, en quelque sorte, la dramatisation de ce débat, sont une mauvaise opération.

Tout à l'heure, M. Ollier a prétendu que l'article 12 de notre Constitution devait être modifié.

M. Didier Quentin. Il a raison ! M. Patrick Ollier. Ce n'est pas ce que j'ai dit !

M. Gérard Gouzes.

Veut-il ainsi supprimer le droit de dissolution du Président de la République ? Je n'en sais rien. Mais ce que je sais, c'est que son propos n'a rien à voir avec notre débat.

M. Jean-Luc Warsmann.

Si ! Il est au coeur même du débat !

M. Gérard Gouzes.

En réalité, il s'agit simplement de rétablir l'ordre logique du calendrier, l'enchevêtrement des deux élections, législative et présidentielle, n'étant que le fruit du hasard. Nous l'avons compris, et des constitutionnalistes aussi éminents que le doyen Georges Vedel, que l'on ne peut accuser de je ne sais quelle arrièrepensée, l'ont souligné.

Je terminerai en indiquant qu'en matière d'arrièrepensées, nous n'avons aucune leçon à recevoir de ceux qui, en 1995, avaient reporté au mois de juin les élections municipales pour qu'elles interviennent après l'élection présidentielle. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste.)

Mme Odette Grzegrzulka. Exactement ! Il fallait le rappeler !

Mme la présidente.

La parole est à M. Jean-Luc Warsmann.

M. Jean-Luc Warsmann.

Les débats ont toujours un intérêt, et celui qui vient de se dérouler réside dans l'aveu qui ressort des interventions du président de la commission des lois et du ministre.

Depuis le début de la discussion, les membres du groupe socialiste affirment qu'ils veulent non pas inverser le calendrier, mais le rétablir. Or, d'une même voix, le ministre et le président de la commission des lois ont prononcé les mots : « changer le calendrier ». Il est donc désormais très clair qu'il s'agit bien de cela : on change la règle du jeu. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) Ces mots ont été prononcés, le Journal officiel en fera foi.

Reste à savoir quelle sera la conséquence politique de cette décision.

Certains de mes collègues sont intervenus pour souligner que cela allait favoriser la droite ou la gauche, selon les cas. Tel n'est pas du tout le sens de ma réflexion. Je suis d'ailleurs bien incapable de dire si, dans seize mois, cela favorisera plus la droite ou la gauche.

Surtout, je constate que si l'on ne change pas le calendrier, si les règles du jeu restent telles qu'elles sont et que la majorité actuelle perde les élections législatives, elle risque, devenue opposition, de remettre en cause la candidature de M. Jospin à l'élection présidentielle. En effet,


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 20 DÉCEMBRE 2000

un Premier ministre qui aurait été battu aux élections législatives ne serait plus un bon candidat à l'élection présidentielle, et d'autres personnes de gauche voudront prendre sa place. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme Martine David. Madame la présidente, c'est trop long ! M. Albert Facon. Manipulateurs ! Magouilleurs ! M. Jean-Luc Warsmann. En revanche, si l'élection présidentielle précède les législatives, le seul changement politique sera que Lionel Jospin est assuré d'être le candidat du parti socialiste au premier tour. Cela démontre que, comme je l'ai souligné cette nuit - et je le répète avec force -, il s'agit d'une loi de convenance personnelle, d'une assurance tous risques pour Lionel Jospin d'être le candidat socialiste au premier tour, même si sa majorité est désavouée. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

Mme la présidente.

Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 1 et 3.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente.

L'amendement no 5 rectifié de MM. de Charette, Albertini et Blessig a été retiré par ses auteurs.

Je suis saisie de deux amendements, nos 6 et 9, pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement no 6, présenté par M. Albertini et M. Blessig, est ainsi rédigé :

« Dans le dernier alinéa de l'article 1er , substituer à la date : "15 juin", la date : "30 juin". »

L'amendement no 9, présenté par M. Blessig, est ainsi rédigé :

« Dans le dernier alinéa de l'article 1er , substituer à la date : "le 15 juin", les mots : "le troisième mardi de juin". »

La parole est à M. Pierre Albertini, pour soutenir l'amendement no

6.

M. Pierre Albertini.

Permettez-moi de souligner le caractère quelque peu surréaliste de ce débat. En effet, la question de l'ordre des élections, qui n'aurait dû être appréciée qu'en fonction de la logique institutionnelle, est appréhendée exclusivement à l'aune de l'origine des propositions et des circonstances. Or, si une idée est bonne en l'espèce, il faut rappeler que l'UDF avait été la première à poser cette question de manière publique,...

M. Bernard Roman, président de la commission, rapporteur.

Monsieur Warsmann, écoutez !

M. Pierre Albertini.

... il nous appartient, en tant que parlementaires, de nous y rallier, non pas parce qu'elle est l'émanation de tel ou tel groupe politique, mais parce qu'elle est conforme à l'intérêt général. C'est bien ainsi que nous avons abordé ce débat, et je prétends que cette clause de conscience, en même temps liberté de jugement, et un débat institutionnel pacifié, sont les garants d'un Etat de droit, d'une démocratie vivante et confiante, dans notre pays.

Je tenais à le souligner, parce qu'il me semble qu'en l'occurrence les circonstances l'emportent sur le débat de fond, ce qui est totalement absurde.

M. Hervé de Charette.

Absolument !

M. Pierre Albertini.

Il fallait le déclarer publiquement.

(Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

Mon amendement avait des objectifs très simples de clarté et de précaution. Le président de la commission des lois le savait. Il consistait à renvoyer au 30 juin l'expiration des pouvoirs de l'Assemblée nationale, et non pas l'organisation des élections législatives, bien sûr. Personne n'aurait d'ailleurs imaginé que ces élections pourraient avoir lieu au mois de juillet, c'est-à-dire au début de la période durant laquelle nos concitoyens prennent leurs vacances.

Il répondait au principe de précaution, parce que l'effet cumulé de la date de l'élection présidentielle, rétablie en premier, de la proclamation de ses résultats par le Conseil constitutionnel - je n'ose d'ailleurs imaginer qu'il y ait un doute qui ferait sauter allègrement les délais prévus à cet effet, comme des expériences étrangères viennent de nous le démontrer avec une certaine acuité - et de l'intérêt de former le nouveau gouvernement devait conduire à prendre un peu de marge. Il fallait donc faire en sorte que les élections législatives puissent être organisées deux dimanches de juin, en laissant aux pouvoirs publics un peu plus de souplesse et de liberté.

Cela étant, mon ami Emile Blessig a déposé un amendement allant dans le même sens, et inspiré par le même souci. Je retire donc celui que j'avais déposé au profit du sien et je vous demande, madame la présidente, d'en prendre acte.

Mme la présidente.

L'amendement no 6 est retiré.

La parole est à M. Emile Blessig, pour soutenir l'amendement no

9. M. Emile Blessig. La modification du calendrier a deux objets : clarifier les enjeux électoraux, et répondre à une lecture pratique et cohérente de notre constitution.

Cet amendement propose de fixer au troisième mardi du mois de juin l'expiration des pouvoirs de l'Assemblée nationale, car il semble préférable de ne pas retenir une date fixe.

En effet, comme vient de le dire mon collègue Pierre Albertini, une date mobile rend plus facile l'installation de la nouvelle assemblée lors d'un jour de tenue de séance, ainsi que la proclamation par le Conseil constitutionnel des résultats du deuxième tour de l'élection présidentielle, laquelle intervient généralement quatre jours après la date du deuxième tour. Cela donne également le temps au Président de la République nouvellement élu de constituer une équipe.

Cet amendement, dont la rédaction est homothétique à celle de l'article L.O. 121 actuel du code électoral, rend plus souple le choix des dates de convocation pour les élections législatives, au lieu de nous bloquer en fixant une date précise.

Mme la présidente.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Bernard Roman, président de la commission, rapporteur.

Cet amendement n'a pas été examiné par la commission, mais je pense à titre personnel qu'il constitue un bon compromis entre la proposition initiale de M. Albertini qui prévoyait le 30 juin et celle de la proposition de loi organique, le 15 juin.

Il présente également le mérite de reprendre la rédaction actuelle de l'article L.O. 121 du code électoral en remplaçant le premier mardi d'avril par le troisième de juin.

J'y suis d'autant plus favorable qu'il me permet de me joindre à l'appel à davantage de sérénité qu'a lancé M. Albertini, en me tournant plus particulièrement vers


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 20 DÉCEMBRE 2000

nos amis du RPR. Puisqu'il s'agit d'un appel, je précise en effet qu'en 2002 le troisième mardi de juin sera le 18 ! (Sourires.)

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'intérieur.

M. Albertini a posé un vrai problème auquel l'amendement présenté par M. Blessig répond bien. En effet, il propose, pour la date d'expiration des pouvoirs de l'Assemblée nationale, de substituer à celle du 15 juin fixée par la proposition de loi organique le troisième mardi de juin.

Cette disposition présente l'avantage d'être en parfaite cohérence avec les autres dispositions du code électoral.

En effet, le second tour des élections législatives a forcément lieu un dimanche et la proclamation des résultats intervient le lundi, en application de l'article L.O.

175 du code électoral. La nouvelle Assemblée nationale peut donc se réunir le mardi.

Le choix d'une date mobile, qui est de droit presque constant depuis le début de la Ve République, est préférable à celui d'une date fixe parce qu'il facilite l'installation de la nouvelle assemblée nationale en évitant qu'elle ne tombe un samedi ou un dimanche.

C'est pourquoi le Gouvernement est favorable à l'adoption de cet amendement.

Mme la présidente.

La parole est à M. Gérard Gouzes.

M. Gérard Gouzes.

Mes chers collègues, auteur d'une proposition de loi qui fixait cette date au 15 juin, j'ai écouté avec beaucoup d'attention la proposition de M. Blessig.

Il est évident que le choix du 30 juin aurait présenté le même inconvénient. Cette date aurait même été sans doute trop tardive, ce qui aurait obligé l'Assemblée à se retrouver directement dans une session extraordinaire, et non pas ordinaire.

C'est la raison pour laquelle je me rallie aussi au choix du troisième mardi de juin, qui n'a pas l'inconvénient d'être une date fixe.

D'ailleurs, qui sait ? Peut-être que le fait qu'il s'agisse du 18 juin 2002 conduira-t-il M. Warsmann, M. Ollier et leurs amis à voter ce texte de bon sens.

Mme la présidente.

La parole est à M. Patrick Ollier.

M. Patrick Ollier.

Monsieur le président de la commission des lois, je comprends que vous soyez un rien provocateur, mais évoquer le 18 juin pour nous appeler à voter le texte dépasse la provocation. Je me permets de vous rappeler que le 18 juin c'est aussi Waterloo.

M. Bernard Roman, président de la commission, rapporteur.

C'est vous qui êtes provocateur ! J'en appelais à la sérénité.

M. Patrick Ollier.

En matière de dates, je vous conseille donc d'être prudent.

M. Albertini a parlé de démocratie sereine et apaisée.

Chacun connaît sa grande compétence en matière d'institutions et de droit constitutionnel, et j'ai, en général, beaucoup de respect pour les positions qu'il prend dans cet hémicycle, mais, aujourd'hui, nous ne sommes pas d'accord.

D'abord, peut-on vraiment imaginer que le faux débat organisé hier est de nature à favoriser une démocratie sereine et apaisée ? Mesdames, messieurs de la majorité, vous êtes au pouvoir depuis trois ans. Vous avez donc eu tout le temps d'organiser un vrai débat sur les institutions, loin des contingences électorales, à l'abri de toute suspicion qui pourrait peser sur telle ou telle manipulation, comme cela est à l'évidence le cas aujourd'hui. Nous vous aurions alors entendus, nous serions entrés dans ce débat, et cela aurait permis de savoir si nos institutions devaient évoluer, dans quel sens et comment.

Mme Monique Collange.

Quelle hypocrisie !

M. Patrick Ollier.

Or, depuis trois ans, rien ! Je vais même plus loin, en rappelant que, le 19 octobre dernier, le Premier ministre a lui-même déclaré publiquement qu'une disposition en la matière ne pourrait intervenir que dans le cadre d'un consensus,...

M. Jean-Luc Warsmann.

Absolument !

M. Gérard Gouzes.

Vous l'avez déjà dit !

M. Patrick Ollier.

... qu'il y était personnellement opposé, et que, si d'aventure il s'y engageait, cela apparaîtrait comme une décision de convenance et s'apparenterait à une mesure politicienne. J'ai écouté M. Jospin et je souhaite que tout le monde ait bien entendu ses propos.

Je suis contre cet amendement parce que, au travers de la question de dates, est posé le problème de l'évolution de nos institutions. Ainsi, chaque fois qu'un parlementaire de nos groupes prendra la parole, monsieur le président de la commission, monsieur le ministre, il vous rappellera, tant que vous n'aurez pas répondu à nos questions d'ordre constitutionnel sur ces sujets, que vous ne pouvez pas faire abstraction des articles 12 et 49 de la Constitution lorsque vous traitez de l'inversion des dates du calendrier électoral.

Le Conseil constitutionnel aura d'ailleurs à se prononcer sur le texte qui sortira de nos débats, et il jugera de leur conformité au regard de la Constitution, de sa lettre et de son esprit.

M. Didier Boulaud.

Comme pour la CSG !

M. Patrick Ollier.

En revanche, il n'entrera pas dans l'appréciation des convenances personnelles.

En effet, en traitant du problème des dates, vous touchez forcément au droit de dissolution du Président et au pouvoir de censure de l'Assemblée, c'est-à-dire à la possibilité même de faire fonctionner nos institutions, puisque intervient forcément un décalage de dates dès lors que l'un ou l'autre exerce son pouvoir institutionnel. Ces dates décalées ne peuvent pas être rétablies, ou, plutôt, inversées.

(Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme la présidente.

Monsieur Ollier, vous parlez depuis plus de cinq minutes, terminez.

M. Patrick Ollier.

Je voudrais terminer, mais le brouhaha est tel que je ne suis pas sûr d'être entendu.

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme Odette Grzegrzulka.

Chassez le naturel, il revient au galop !

Mme la présidente.

Poursuivez, monsieur Ollier.

M. Patrick Ollier.

Les dates ne peuvent donc pas être

« rétablies », comme vous le dites à tort, ou inversées. S'il fallait une preuve supplémentaire du fait qu'il s'agit d'une mesure de convenance personnelle, la voilà.

(« Très bien ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no

9. (L'amendement est adopté.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 20 DÉCEMBRE 2000

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'article 1er , modifié par l'amendement no

9. (L'article 1er , ainsi modifié, est adopté.)

Article 2

Mme la présidente.

« Art. 2. L'article 1er s'applique à l'Assemblée nationale élue en juin 1997. »

Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 2 et 4 corrigé.

L'amendement no 2 est présenté par M. Warsmann ; l'amendement no 4 corrigé est présenté par M. Bussereau et les membres du groupe Démocratie libérale et Indépendants.

Ces amendements sont ainsi rédigés :

« Supprimer l'article 2. »

La parole est à M. Jean-Luc Warsmann, pour soutenir l'amendement no

2.

M. Jean-Luc Warsmann.

L'article 2 de la proposition de loi dont nous débattons est ainsi rédigé : « L'article 1er s'applique à l'Assemblée nationale élue en juin 1997. »

Deux éléments montrent parfaitement bien qu'il ne concerne que l'année 2002.

D'abord, la proposition de loi ne pose pas du tout le principe que, à l'avenir, les élections législatives seront toujours organisées apres l'élection présidentielle. En effet, ainsi que l'a très bien démontré Patrick Ollier, à partir du m oment où n'est pas présentée une proposition d'ensemble cohérente, prévoyant un vice-président pour remplacer le président en cas de décès et supprimant le droit de dissolution, il n'est pas possible d'atteindre l'objectif de principe que l'on prétend viser quant à l'ordre des scrutins.

Ensuite, je tiens à rappeler, afin que cela figure au compte rendu, ce qui s'est passé en commission des lois.

Lorsque des amendements ont été présentés pour décaler la date de réunion de l'Assemblée du 15 au 30 juin, l'un de nos collègues de la majorité a sorti un agenda pour voir si la fête des pères n'allait pas tomber un jour d'élection ! (Murmures sur les bancs du groupe socialiste.)

Tel était son problème essentiel ! Cela signifie qu'on pense tellement à légiférer pour l'année 2002 que l'on cherche la bonne date, afin d'éviter la fête des pères. On en arrive ainsi à proposer le troisième mardi de juin.

Ce n'est absolument pas une manière de légiférer pour des principes constitutionnels.

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Il s'agit donc bien d'une proposition de loi pour une année, 2002, et pour une personne, Lionel Jospin.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

Mme la présidente.

La parole est à M. Dominique Bussereau, pour soutenir l'amendement no 4 rectifié.

M. Dominique Bussereau.

Si des enfants ou des adolescents suivaient nos débats, ils diraient : « Cet article 2, c'est vraiment de la triche ! » En l'occurrence, la majorité est prise avec les doigts dans le pot de confiture. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Didier Boulaud.

La majorité parisienne, ce n'est pas dans la confiture qu'elle a les doigts !

M. Dominique Bussereau.

Non seulement on modifie le code électoral - ce qui n'est tout de même pas rien, dans un pays démocratique -, mais on n'intervient que pour une assemblée et pour une année. Cela signifie que l'on introduit dans la bible du fonctionnement démocratique et républicain de sotre pays des dispositions qui ne vaudront que pour une année. J'espère que cela n'échappera pas à la sagacité du Conseil constitutionnel.

Pour toutes ces raisons, je souhaite que l'Assemblée vote la suppression de cet article. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

Mme la présidente.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Bernard Roman, président de la commission, rapporteur.

La commission a rejeté ces deux amendements.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'intérieur.

Il ne peut être que défavorable.

M. Jean-Luc Warsmann.

Il n'y a pas beaucoup d'arguments !

Mme la présidente.

La parole est à M. Patrick Ollier.

(Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Patrick Ollier.

Je vous remercie de votre réaction ! Elle montre l'effet que cela vous fait d'entendre l'opposition s'exprimer ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme la présidente.

Poursuivez !

M. Patrick Ollier.

Je serai bref, si on me laisse parler ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Parmi les droits de l'opposition, figure celui de pouvoir s'exprimer dans cet hémicycle, et j'entends bien en user ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme Martine David.

Mais il faut respecter les temps de parole !

M. Patrick Ollier.

Monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, vous vous êtes appuyés sur la p ratique constitutionnelle et vous avez, à plusieurs reprises, parlé de rétablissement. Or, pour nous - et le texte n'apporte pas de solution à ce problème -, il est d'abord important que nous nous accordions sur le sens des mots. En effet, nous estimons qu'il s'agit non de rétablissement, mais bien d'inversion.

Tout à l'heure, quelqu'un a parlé de « souffle gaulliste » et, nous montrant du doigt, a entrepris de nous faire une leçon de gaullisme. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Vous ne manquez pas d'audace ! Comme nous sommes désormais dans le cadre d'un débat exclusivement technique, je me permettrai seulement, sans aucun esprit partisan ou politicien, cela va de soi (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste),...

M. Didier Boulaud.

Cela va de soi !

M. Patrick Ollier.

... de vous rappeler certains précédents.

Vous parlez de pratique constitutionnelle, vous parlez du rétablissement d'un calendrier, monsieur le président de la commission. Mais comment pouvez-vous faire abstraction des nombreux précédents qui, depuis 1962, ont émaillé notre vie institutionnelle ? Voyez ce qui s'est passé en 1962, en 1968, en 1969, en 1973, en 1974, à la mort du président Pompidou... Dans le seul but de trouver des raisons d'inverser ce calendrier, doit-on aller jusqu'à oublier subitement l'histoire et la pratique constitutionnelle de nos prédécesseurs ? Que je sache, tous ces précédents prouvent que la date de l'élection présidentielle ou des élections législatives n'est déterminée ni par


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 20 DÉCEMBRE 2000

la pratique constitutionnelle ni par quelque autre texte ; elle est seulement liée aux conséquences de l'application normale de la Constitution : on dissout, une date est prévue au terme du mandat des députés ; et lorsque, malheureusement, un président décède, on procède immédiatement à l'élection de son successeur. A chaque fois qu'un incident de la plus grande importance, y compris l'adoption d'une motion de censure dans cet hémicycle, est intervenu dans la vie de nos institutions, jamais il n'a été question, comme vient de l'expliquer parfaitement M. Bussereau, de toucher à la date des élections et d'arranger le calendrier pour des raisons de simple convenance personnelle - en l'occurrence celle de M. Jospin.

Faut-il encore une autre preuve de la démonstration que nous vous entendons nous répéter à chaque amendement, chers collègues de la majorité ? Celle que je viens d'apporter me semble de nature à vous inciter, de même que tous nos collègues de l'opposition, à réfléchir. Les précédents constitutionnels ne font que renforcer la conviction de ceux qui refusent ce texte, et qui voteront contre à chaque fois que vous proposerez un amendement ou un article ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme la présidente.

Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 2 et 4 corrigé.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'article 2.

(L'article 2 est adopté.)

Après l'article 2

Mme la présidente.

Je suis saisie de deux amendements, nos 7 et 8 rectifié, pouvant être soumis à une présentation.

L'amendement no 7, présenté par M. Mamère, Mme Aubert, M. Cochet et M. Marchand, est ainsi libellé :

« Après l'article 2, insérer l'article suivant :

« I. Les articles L. 123 à L. 126 du code électoral sont ainsi rédigés :

« Art. L. 123. Les députés à l'Assemblée nationale sont élus au suffrage universel direct, la moitié d'entre eux étant élue dans des circonscriptions au scrutin uninominal majoritaire à deux tours, l'autre moitié étant élue, dans des circonscriptions régionales, à la représentation proportionnelle suivant la règle du plus fort reste, sans panachage ni vote préférentiel.

« Art. L. 124. Les sièges des députés élus dans les régions sont répartis conformément au tableau no 1 annexé au présent code.

« La révision de la répartition des sièges a lieu au cours de la première session ordinaire du Parlement qui suit la publication des résultats du recensement général de la population.

« Art. L. 125. Pour les députés élus au scrutin uninominal à deux tours :

« est proclamé élu au premier tour le ou la candidate qui a obtenu la majorité absolue des suffrages exprimés et un nombre de suffrages au moins égal au quart des électeurs inscrits dans cette circonscription ;

« est proclamé élu au deuxième tour le ou la candidate qui a obtenu le plus grand nombre de suffrages. En cas d'égalité, le plus jeune des candidats est proclamé élu.

« Art. L. 126. Pour les députés élus à la représentation proportionnelle, seules sont admises à la répartition des sièges au sein de la circonscription régionale les listes ayant obtenu au moins 5 pour 100 des suffrages exprimés et n'ayant pas obtenu un nombre de députés élus en application de l'article L. 125 rapporté au nombre total de députés élus dans la région supérieur au pourcentage des suffrages exprimés qui se sont portés sur cette liste. Les sièges sont attribués aux candidats d'après l'ordre de présentation sur chaque liste. Si plusieurs listes ont le même reste pour l'attribution du dernier siège, le siège est attribué au plus jeune des candidats susceptibles d'être proclamés élus. »

« II. Le premier alinéa de l'article L.O. 160 du code électoral est ainsi rédigé :

« Est interdit l'enregistrement de la candidature d'une personne inéligible et, dans les circonscriptions régionales, des listes des candidats au sein desquelles l'écart entre le nombre de candidats de chaque sexe est supérieur à un et qui ne sont pas composées alternativement d'un candidat de chaque sexe. »

L'amendement no 8 rectifié, présenté par M. Mamère, Mme Aubert, MM. Aschieri, Cochet et Marchand, est ainsi libellé :

« Après l'article 2, insérer l'article suivant :

« I. - L'article L.O.

119 du code électoral est ainsi rédigé :

« Art. L.O.

119 . - Le nombre de députés à l'Assemblée nationale élus, d'une part, dans les départements et, d'autre part, sur une liste nationale est fixé respectivement à 570 et 60. »

« II. - Les articles L.

123, L.

124, L.

125 et

L. 126 du code électoral sont ainsi rédigés :

« Art. L.

123 . - Les députés à l'Assemblée nation ale sont élus au suffrage universel direct, 577 d'entre eux étant élus dans des circonscriptions au scrutin uninominal majoritaire à deux tours, 60 d'entre eux étant élus, sur une liste nationale, à la représentation proportionnelle suivant la règle du plus fort reste, sans panachage, ni vote préférentiel.

« Art. L.

124. - La révision de la répartition des sièges a lieu au cours de la première session ordinaire du Parlement qui suit la publication des résultats du recensement général de la population.

« Art. L.

125. - Pour les députés élus au scrutin uninominal à deux tours :

« est proclamé élu au premier tour le ou la candidate qui a obtenu la majorité absolue des suffrages exprimés et un nombre de suffrages au moins égal au quart des électeurs inscrits dans cette circonscription.

« est proclamé élu au deuxième tour le ou la candidate qui a obtenu le plus grand nombre de suffrages. En cas d'égalité, le plus jeune des candidats est proclamé élu.

« Art. L.

126. - Pour les députés élus à la représentation proportionnelle, seules sont admises à la répartition des sièges les listes ayant obtenu au moins 5 % des suffrages exprimés et dont la ou les formations politiques qui les constituent n'ont pas obtenu un nombre de députés élus en application de l'article L.

125 rapporté au nombre total de députés élus dans les mêmes conditions supérieur au pourcentage des suffrages exprimés qui se sont portés sur cette liste. les sièges sont attribués aux candidats


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 20 DÉCEMBRE 2000

d'après l'ordre de présentation sur chaque liste. Si plusieurs listes ont le même reste pour l'attribution du dernier siège, le siège est attribué au plus jeune des candidats susceptibles d'être proclamés élus. »

« III. - Le premier alinéa de l'article L.O.

160 du code électoral est ainsi rédigé :

« Art. L.O.

160. - Est interdit l'enregistrement de la candidature d'une personne inéligible et, pour la liste nationale, des listes des candidats au sein desquelles l'écart entre le nombre de candidats de chaque sexe est supérieur à un et qui ne sont pas composées alternativement d'un candidat de chaque sexe. »

La parole est à M. Noël Mamère, pour soutenir l'amendement no

7.

M. Noël Mamère.

L'amendement no 7 s'inscrit dans la droite ligne de ce que j'ai exposé au nom des députés Verts lors de la discussion générale et de la motion de renvoi en commission : son but est d'introduire un peu de proportionnelle dans le système majoritaire. Le système que nous proposons est en tout point semblable au système allemand qui fonctionne très bien depuis maintenant cinquante ans, sans avoir créé d'instabilité gouvernementale. Il permet tout au contraire, comme nous le souhaitons tous ici, que cette maison, l'Assemblée nationale, soit vraiment le lieu de la représentation nationale, c'està-dire de toutes les familles de pensée et de la diversité sociale de notre pays. On ne peut pas dire que ce soit le cas aujourd'hui.

Voilà pourquoi je suis persuadé que notre amendement sera voté par une très large majorité de notre assemblée, dès lors que les partis de gauche comme de droite, si j'en crois leurs déclarations, ont inscrit la proportionnelle dans leurs projets et leurs programmes.

Mme la présidente.

La parole est à M. Yves Cochet, pour soutenir l'amendement no 8 rectifié.

M. Yves Cochet.

Cet amendement suit un but comparable à celui de M. Mamère en visant à introduire une part de proportionnelle dans notre mode de scrutin, afin que la société française soit mieux représentée dans sa diversité à l'Assemblée nationale. Nous avons cherché à combiner le meilleur de ce qu'il y a dans les scrutins majoritaires, mais aussi dans le scrutin proportionnel.

Nombre de nos concitoyens sont attachés, on le sait, à l'actuel mode de représentation qui permet d'avoir un député de proximité dans sa circonscription. Aussi le préservons-nous dans notre amendement. Mais ils souhaitent également, divers enquêtes et sondages l'ont montré depuis longtemps, être mieux représentés à l'Assemblée nationale. C'est ce que permet notre amendement, grâce à une liste complémentaire de soixante députés élus à la proportionnelle, assortie d'un mécanisme compensatoire qui permettrait une représentation équitable de chaque sensibilité.

J'ai devant moi, monsieur le ministre de l'intérieur, un texte qui ne me quitte pas depuis trois ans et demi. Le voici, mes chers collègues : il s'intitule : « Texte politiques, Parti socialiste - Verts ». C'est un accord que nous avions passé en janvier 1997.

M. Dominique Bussereau.

Ils ne respectent jamais leurs accords !

M. Yves Cochet.

Vous le connaissez fort bien, cher Daniel Vaillant, nous l'avions rédigé ensemble ! (« Ah ! »s ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Dominique Bussereau.

On saura tout ! Le voilà pris la main dans le sac !

M. Yves Cochet.

De quoi s'agit-il ? Je lis simplement le verso de ce texte politiquement très intéressant et que la majorité a d'ailleurs partiellement mis en oeuvre. Et tout porte à croire, avec le sommet de la majorité qui s'est tenu voilà un mois et demi, qu'elle y puisera un regain d'énergie pour continuer dans ce sens et atteindre les objectifs fixés pour cette législature.

M. Eric Doligé.

Vous vous faites avoir en permanence !

M. Yves Cochet.

Au chapitre « démocratie et citoyenneté », il était prévu de parvenir durant cette législature à une « compensation proportionnelle à l'inégalité due au mode de scrutin majoritaire ».

M. Charles Cova.

Allons ! Ce ne sont pas des couleuvres que vous avalez, mais des boas constrictors !

M. Dominique Bussereau.

C'est du marchandage !

M. Yves Cochet.

Rappelons-nous également que cette majorité, notamment le Gouvernement et le Premier ministre, s'est donné une maxime : « Dire ce qu'on fait, faire ce qu'on dit. » Faisons-le aujourd'hui, mes chers col-

lègues !

M. Noël Mamère.

Très bien ! Mme la présidente Quel est l'avis de la commission sur ces deux amendements ?

M. Bernard Roman, président de la commission, rapporteur.

La commission a émis un avis défavorable à ces deux amendements. Mais qu'il me soit permis de prendre une minute pour expliquer qu'il ne s'agit pas d'un avis défavorable sec...

Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République.

Ah !

M. Eric Doligé.

M. Roman fait de l'humour !

M. Bernard Roman, président de la commission, rapporteur.

Le souhait d'« instiller », comme on dit, une dose de proportionnelle dans le scrutin législatif est tout à fait légitime. Le souci d'assurer la diversité, le pluralisme, auxquels je faisais allusion hier dans mon propos, dans la démocratie française, organisée dans un système qui n'est pas bipartiste, mais bipolaire, mérite d'être pris en compte.

M. Gérard Hamel, M. Patrick Ollier et M. Didier Quentin.

Alors, votez-le !

M. Bernard Roman, président de la commission, rapporteur.

Je ne veux pas répondre à la place d'un des rédacteurs du document auquel M. Cochet faisait allusion, mais il est exact que c'était un des engagements que nous avions pris pour cette législature...

M. Eric Doligé.

Et que vous n'avez pas tenus !

M. Pierre Albertini.

Et il y en a d'autres !

M. Bernard Roman, président de la commission, rapporteur.

... et que nous n'avons, il est vrai, pas tenus. Au moment où s'est posée, voilà quelques mois, cette question, le Premier ministre a répondu en estimant qu'il était trop tard pour changer d'une manière aussi importante les règles du jeu du mode de scrutin avant les élections législatives.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 20 DÉCEMBRE 2000

M. Didier Quentin.

Pour ça, c'est trop tard !

M. Eric Doligé.

Quel funambule !

M. Bernard Roman, président de la commission, rapporteur.

Il ne s'agit aujourd'hui que de rétablir le calendrier,...

M. Jean-Luc Warsmann.

Non ! de changer le calendrier.

M. Bernard Roman, président de la commission, rapporteur.

... et cela n'a rien d'une modification extraordinaire qui toucherait à l'organisation du mode de scrutin. Mais, pour en revenir à la question posée, il nous a semblé que c'était trop tard.

M. Patrick Ollier.

Quel aveu !

M. Bernard Roman, président de la commission, rapporteur.

Il est vrai, je l'ai dit en commission, je veux le redire ici, que, lorsque nous sommes arrivés aux responsabilités en 1997, la situation, certains l'ont oublié un peu facilement, était dramatique sur le plan économique, sur le plan social comme sur celui de l'organisation de la société (Rires et exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République)...

M. Charles Cova.

Elle était dramatique quand nous sommes arrivés en 1993, ça oui !

M. Bernard Roman, président de la commission, rapporteur.

Vous pouvez rire, mesdames et messieurs ! Mais il y avait un million de familles qui ne riaient pas à l'époque ; et si, aujourd'hui, elles retrouvent l'envie de rire, c'est parce qu'elles ont retrouvé du travail grâce à nous.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Richard Cazenave.

Et d'un coup de baguette magique, ça va tout seul !

M. Jean-Luc Warsmann.

Merci à la croissance !

M. Bernard Roman, président de la commission, rapporteur.

A partir du moment où nous nous sommes attachés à d'autres chantiers prioritaires, celui-là, c'est vrai, nous l'avons quelque peu laissé de côté. Il nous semble trop tard pour le reprendre aujourd'hui ; mais je crois que cette demande est légitime et il faudra que nous remettions l'ouvrage sur le métier pour pouvoir la concrétiser.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement sur ces deux amendements ?

M. le ministre de l'intérieur.

L'amendement no 7 présenté par M. Mamère tend à instaurer, pour l'élection des députés, un mode de scrutin mixte dans lequel une moitié des sièges serait pourvue au scrutin uninominal à deux tours, et l'autre moitié élue à la représentation proportionnelle dans des circonscriptions régionales.

Je ne puis à cet égard que confirmer les propos du Premier ministre : si le programme de la législature n'a pas prévu une réforme pour l'élection des députés, le débat, je tiens à vous le redire, y compris à mon ami Yves Cochet, reste ouvert pour l'avenir. (« Ah ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.) La réflexion doit se poursuivre afin de rechercher un mode de scrutin capable de mieux représenter la pluralité des opinions tout en assurant une majorité parlementaire. On ne peut, en effet, souhaiter le renforcement du rôle du Parlement et réduire celui-ci à l'impuissance pour cause d'absence de majorité. Le débat est ouvert sur ce point, mais le changement de mode de scrutin pour 2002 n'est pas, il est vrai, à l'ordre du jour. De surcroît, cet amendement n'a pas de rapport avec le texte en discussion qui vise au rétablissement d'un calendrier électoral cohérent.

M. Jean-Luc Warsmann.

Non, au changement !

M. Bernard Roman, président de la commission, rapporteur.

Mais si !

M. Patrick Ollier.

Pas rétablissement, inversion !

M. le ministre de l'intérieur.

Je faisais allusion à la dissolution de 1997, monsieur Ollier, en parlant d'un calendrier électoral cohérent tirant les conséquences de décisions prises et que je ne qualifierai pas.

Ajoutons que le mode de scrutin relève de la loi ordinaire et non de la loi organique.

Enfin, tel qu'il est rédigé, cet amendement serait insuffisant pour aboutir à la réforme souhaitée par ses auteurs, laquelle exigerait de modifier nombre d'autres articles du code électoral. Ainsi, l'élection des sénateurs se déroule d ans le cadre départemental ; or les députés sont membres du collège électoral, ce qui entre en contradiction avec l'élection d'une partie d'entre eux dans un cadre régional.

Pour ces raisons, je ne puis qu'émettre un avis défavorable à cet amendement.

L'amendement no 8 rectifié, lui aussi présenté par M. Mamère mais défendu en séance par M. Cochet, vise à permettre l'introduction de la représentation proportionnelle pour l'élection de soixante députés supplémentaires à l'Assemblée nationale,...

M. Didier Boulaud.

Il n'y a pas assez de place !

M. le ministre de l'intérieur.

... les autres députés continuant d'être élus dans des circonscriptions au scrutin uninominal à deux tours.

Cela me rappelle les travaux qui ont occupé un certain nombre de parlementaires à l'époque dans le cadre de la commission Vedel, sans parvenir à résoudre le problème de la manière d'instiller la proportionnelle, soit par le biais de soixante députés au sein des 577 membres que compte actuellement l'Assemblée, soit par le biais d'une soixantaine de députés supplémentaires qui s'ajouteraient aux 577 élus dans des circonscriptions. M. Pons, ici présent, faisait tout comme moi partie de cette commission.

Je me souviens également des travaux auxquels vous faisiez allusion tout à l'heure. Je ne reviens pas sur le fait que cette question n'est pas à l'ordre du jour du travail proposé par le Gouvernement à l'Assemblée nationale pour cette législature, pour des raisons sur lesquelles le Premier ministre a longuement eu l'occasion de s'exprimer ici.

Je veux donc dire très clairement que le Gouvernement n'est pas favorable à l'adoption de cet amendement pour les mêmes raisons qui l'ont conduit à s'opposer à l'amendement no 7 : non seulement, comme l'a expliqué M. Roman, cette question n'est pas à l'ordre du jour du programme gouvernemental, mais l'affaire est un peu plus compliquée que ne le laisse entendre la manière dont vous l'avez présentée, sur la base du rapport qu'en avait fait, en son temps, la commission Vedel. Cela mériterait des travaux complémentaires, ne serait-ce que pour éviter des risques d'anticonstitutionnalité. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme la présidente.

La parole est à M. Jean-Luc Warsmann, pour répondre au Gouvernement.

M. Jean-Luc Warsmann.

Nous ne partageons évidemment pas ces positions sur la mise en place du scrutin proportionnel ; mais au moment où le débat touche à sa fin, et au-delà du fond, je voudrais noter le profond changement de comportement intervenu du côté du Gouvernement et du Premier ministre.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 20 DÉCEMBRE 2000

Je relisais il y a quelque temps le discours qu'avait fait le Premier ministre devant nous le 19 juin 1997. Sa quatrième phrase était la suivante : « Exigence de respect, à commencer par celui de la parole donnée. »

(« Ah oui ? »

s ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. Didier Boulaud.

C'est sûr, ce n'est pas Chirac !

M. Bernard Roman, président de la commission, rapporteur.

Il relit tous les jours les discours de Jospin !

M. Jean-Luc Warsmann.

J'en prendrai deux exemples concrets, au coeur du débat qui nous occupe. L e Premier ministre parle le 19 octobre 2000.

Qu'annonce-t-il au niveau du report du calendrier électoral ? « Moi, j'en resterai là, et il faudrait vraiment qu'un consensus s'esquisse pour que des initiatives puissent être prises ». Trahison de la parole donnée ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Aujourd'hui encore, une parole avait été donnée. Et même si sur le fond, je ne partage pas la position de mes collègues Mamère et Cochet, reste que cette parole, là encore, n'est pas respectée. Là est le changement de comportement : voilà un Premier ministre qui n'avait à la bouche que les mots de morale et de parole donnée et qui, par deux fois, coup sur coup, renie sa parole (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants),...

Mme Yvette Benayoun-Nakache.

C'est une honte !

M. Jean-Luc Warsmann.

... pour une raison très simple, et cela a été la conclusion de son discours hier : désormais, le sujet auquel pense en premier lieu le Premier ministre, ce n'est plus la gestion du pays, mais les élections présidentielles. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Mme la présidente.

La parole est à M. Pierre Albertini.

M. Pierre Albertini.

Sur le registre « j'espère qu'un jour nous aurons un débat pacifié sur les institutions et sur les systèmes électoraux », je voudrais simplement faire observer à M. Cochet que j'ai moi-même déposé, il y a deux ou trois ans de cela, une proposition qui répond à son souhait... Voilà qui montre bien que le souci d'introduire une part de représentation proportionnelle dans la désignation des députés est assez largement partagé. Toute la question est de savoir comment : pour ma part, je prétends qu'il faut le faire dans le cadre des 577 sièges actuels, si l'on ne veut pas augmenter exagérément le nombre des députés.

Je ferai observer sur ce point à M. Roman qu'il a une conception de l'échelle et de la notion du temps assez élastique,...

M. Bernard Roman, président de la commission, rapporteur.

Eh oui !

M. Pierre Albertini.

... puisqu'il vient de nous démontrer, en répondant aux deux amendements, que d'ici à 2002 il y avait suffisamment de temps pour inverser le calendrier des élections, mais pas assez pour changer le mode de scrutin... On savait que, sur le plan philosophique, la notion du temps était quelque chose d'assez relatif ; il vient de nous en donner une illustration supplémentaire !

M. Didier Boulaud.

Ça coule de source !

Mme la présidente.

La parole est à M. Jean-Marc Ayrault.

M. Jean-Marc Ayrault.

Effectivement, la représentation de la diversité des forces politiques françaises est une question qui se pose réellement. Je l'ai développée hier, je ne le referai pas ce matin dans mon intervention, mais je crois que cela n'a de sens que si cela s'inscrit non dans une décision je dirai de circonstance (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants), comme cela nous est proposé ce matin à travers ces deux amendements, mais dans une conception globale, équilibrée, d'une vraie réforme de nos institutions. (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Patrick Ollier.

Et il recommence !

M. Jean-Marc Ayrault.

Et je constate que, sur ce point, les députés du RPR, qui, finalement, n'ont aucun argument pour justifier la non-remise en ordre du calendrier de nos élections, s'y opposent tout simplement parce qu'ils n'ont rien à dire sur le fond et sur l'avenir de nos institutions. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Et je voudrais ajouter autre chose, monsieur Warsmann,...

M. Richard Cazenave.

Encore une !

M. Pierre Albertini.

Ne vous enfoncez pas !

M. Jean-Marc Ayrault.

... certainement bien plus importante aux yeux des Français que les leçons de morale que vous prétendez nous donner. En saisissant le Conseil constitutionnel pour dénoncer ce qui devait, dès le 1er janvier 2001, se traduire par une amélioration du pouvoir d'achat pour 9 millions de salariés, vous avez conduit à ce que le Conseil annule cette disposition...

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Alain Néri.

Voilà le cadeau de Noël de l'opposition !

M. Didier Boulaud.

C'est le cadeau de Noël de la droite aux Français ! Plusieurs députés du groupe socialiste.

Hou ! Hou !

M. Jean-Marc Ayrault.

Entre ceux qui nous parlent des promesses tenues et ceux qui agissent, les Français sauront choisir ! Nous, nous n'avons pas fait campagne contre la fracture sociale et mené une politique contraire.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Protestationss ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Nous, nous sommes cohérents par rapport aux engagements que nous avons pris ; vous avez obtenu l'annulation, mais nous rétablirons cette disposition par un projet de loi qui sera examiné dès les premiers jours de la session de janvier.

(Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme la présidente.

La parole est à M. Patrick Ollier.

M. Patrick Ollier.

Madame la présidente, ce qui vient de se passer à l'instant dans l'hémicycle est extrêmement grave.

M. Didier Boulaud.

C'est ce qui s'est passé au Conseil constitutionnel qui est grave !

M. Patrick Ollier.

Depuis que nous avons engagé ce débat, M. le ministre, M. le président de la commission et d'autres orateurs s'attachent à nous parler de rétablissement du calendrier alors qu'il s'agit d'une inversion, à


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 20 DÉCEMBRE 2000

nous expliquer qu'il s'agit d'intérêt général et d'institutions, ce dont nous voulons bien admettre le principe.

Le débat s'ouvre. Et à l'instant, M. le président du groupe socialiste avoue, devant l'hémicycle entier, qu'il s'agit d'une mesure de circonstance ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste. - Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants, ainsi que sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

Plusieurs députés du groupe socialiste.

Il parlait des amendements !

M. Patrick Ollier.

En conséquence, il faut que nous réfléchissions à la suite de notre débat.

Aussi, au nom de mon groupe, je demande une suspension de séance d'un quart d'heure pour que nous puissions tirer les conséquences de l'aveu public qui est fait par M. Ayrault, au nom du groupe socialiste, qu'il s'agit là d'une affaire de circonstance, essentiellement liée à l'intérêt de M. Jospin.

Mme la présidente.

Je vous accorde cinq minutes.

Suspension et reprise de la séance

Mme la présidente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à onze heures cinquante, est reprise à onze heures cinquante-cinq.)

Mme la présidente.

La séance est reprise.

Rappel au règlement

M. Dominique Bussereau.

Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Mme la présidente.

La parole est à M. Dominique Bussereau, pour un rappel au règlement.

M. Dominique Bussereau.

Ce rappel est fondé sur l'article 58 de notre règlement et motivé par trois considérations qui m'amèneront, au nom des trois groupes de l'opposition, à demander une nouvelle suspension de séance. (« Oh ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

Nous venons de vivre un moment formateur mais particulièrement grave pour notre vie parlementaire. En direct, un peu avant midi, M. Ayrault a avoué que cette loi avait un caractère « de circonstance ».

(Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste.) J'ai vu nombre de ses collègues blêmir et les députés Verts rire. Dans cette affaire, M. Ayrault n'aura pas rendu service à M. Jospin, mais ils régleront leurs problèmes entre eux, le moment venu.

Il y a plus grave. C'est une des premières fois dans notre assemblée que le rôle du Conseil constitutionnel est mis en cause. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République.

C'est grave !

M. Dominique Bussereau.

La décision du Conseil constitutionnel illustre pourtant la manière dont le Gouvernement travaille : à législation forcenée, sans respect du calendrier des parlementaires. Quand on légifère à la hâte, on légifère mal. Et, à cause de la hâte et des surenchères au sein de la majorité plurielle, le Conseil constitutionnel a dû relever un problème de forme.

M. Eric Doligé.

Eh oui !

M. Dominique Bussereau.

Sur le fond, ce qui est beaucoup plus grave encore, c'est de voir, dans cette assemblée, l'instance suprême de notre Constitution insultée par des parlementaires. Cela ne s'était jamais passé.

(« Tout à fait ! » sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Aussi, madame la présidente, au nom des trois groupes de l'opposition, et devant la gravité de ce qui vient de se passer, nous demandons une nouvelle suspension de séance pour en tirer toutes les conséquences. (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance.)

Mme la présidente.

Monsieur Bussereau, il ne s'agit pas à proprement parler d'un rappel au règlement. Je vais vous accorder une suspension de séance, sur place, pendant quelques minutes. (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Patrick Ollier.

Il faut que nous nous réunissions !

Mme la présidente.

La parole est à M. Jean-Marc Ayrault. (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Jean-Marc Ayrault.

J'avais demandé la parole avant que vous ne sollicitiez une suspension de séance, chers collègues !

Mme la présidente.

Je suspendrai à nouveau la séance quelques instants, après l'intervention de M. Ayrault.

M. Jean-Marc Ayrault.

Je vous remercie, madame la présidente, de me donner la parole.

Je comprends l'émotion des députés de droite parce que les réactions sont très vives à leur égard.

J'ai mis, chers collègues, le doigt sur une responsabilité politique qui est la vôtre, celle d'avoir dénoncé ce que la majorité avait voté (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants), à savoir l'amélioration du pouvoir d'achat de 9 millions de salariés dès le 1er janvier prochain.

Mme Christine Boutin.

C'est le principe d'égalité devant l'impôt qui est en cause !

M. Jean-Marc Ayrault.

Vous avez voulu faire annuler cette disposition.

Mme Christine Boutin.

Au nom du principe d'égalité ! Plusieurs députés du groupe socialiste.

C'est honteux !

M. Jean-Marc Ayrault.

Il est parfaitement dans mon droit de dénoncer votre initiative politique. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - « Scandaleux ! »s ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 20 DÉCEMBRE 2000

Quant au mot « circonstance », tout le monde aura compris - parce que j'ai affaire à des collègues intelligents - qu'il s'appliquait aux amendements de nos collègues Verts qui, saisissant cette circonstance du calendrier des élections (Rires et exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) veulent faire adopter une réforme du mode de scrutin.

Je maintiens que c'est une proposition de circonstance et que cette mesure ne pourrait être mise en oeuvre que dans un cadre global. Je n'ai pas dit autre chose.

En réalité, ce qui vous gêne, c'est la dénonciation de votre attitude politique concernant ces 9 millions de familles françaises ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Didier Boulaud.

Ce sont des affameurs du peuple ! Suspension et reprise de la séance

Mme la présidente.

La séance est suspendue pour quelques instants.

(La séance, suspendue à douze heures, est reprise à douze heures trois.)

Mme la présidente.

La séance est reprise.

Je mets aux voix l'amendement no

7. (Vives protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) (L'amendement n'est pas adopté.)

M. Jean-Luc Warsmann.

Rappel au règlement !

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no

8. (Vives protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants ; claquements de pupitres.)

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. Jean-Luc Warsmann.

J'ai demandé la parole pour un rappel au règlement !

M. Patrick Ollier.

C'est scandaleux !

Mme la présidente.

Nous avons achevé l'examen des articles. (Vives protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la Démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants ; claquements de pupitres.)

M. Jean-Luc Warsmann.

Rappel au règlement !

Mme la présidente.

Je rappelle que le titre de la proposition de loi organique adopté par la commission est ainsi rédigé :

« Proposition de loi organique modifiant la date d'expiration des pouvoirs de l'Assemblée nationale. »

Les explications de vote et le vote sur l'ensemble de cette proposition de loi organique auront lieu cet aprèsmidi, après les questions au Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Vives protestationss ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la Démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Jean-Luc Warsmann.

C'est scandaleux !

M. Patrick Ollier.

C'est inadmissible ! 2

ORDRE DU JOUR

DES PROCHAINES SÉANCES

Mme la présidente.

Cet après-midi, à quinze heures, deuxième séance publique : Questions au Gouvernement sur des thèmes européens ; Explications de vote et vote sur la proposition de loi organique modifiant la date d'expiration des pouvoirs de l'Assemblée nationale ; Discussion, en lecture définitive, du projet de loi de finances pour 2001 ; Discussion, en lecture définitive, du projet de loi relatif à l'archéologie préventive ; Discussion, en lecture définitive, du projet de loi relatif à l'élargissement du conseil d'administration de la société Air France et aux relations de cette société avec l'Etat, et portant modification du code de l'aviation civile.

A vingt et une heures, troisième séance publique : Suite de l'ordre du jour de la deuxième séance.

La séance est levée.

(La séance est levée à douze heures cinq.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT