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APRÈS L'ART. 32
N° 257
ASSEMBLÉE NATIONALE
6 décembre 2006

LOI DE FINANCES RECTIFICATIVE POUR 2006 - (n° 3447)

Commission
 
Gouvernement
 

AMENDEMENT N° 257

présenté par

M. Martin-Lalande, M. Mariani, M. Merville et M. Richard

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ARTICLE ADDITIONNEL

APRÈS L'ARTICLE 32, insérer l'article suivant :

I. – Après l’article 244 quater K du code général des impôts, il est inséré un article 244 quater KA ainsi rédigé :

« Art. 244 quater KA. – I. – A. Les entreprises de création de jeux vidéo soumises à l’impôt sur les sociétés ou exonérées en application des articles 44 sexies, 44 sexies A, 44 octies, 44 decies et 44 undecies peuvent bénéficier d’un crédit d’impôt au titre des dépenses exposées en vue de la création de jeux vidéo dont le coût de développement est supérieur ou égal à 150 000 euros et qui sont destinés à une commercialisation effective auprès du public. Ces jeux sont agréés dans des conditions fixées par décret.

« B. N’ouvrent pas droit au crédit d’impôt mentionné au A les jeux vidéo comportant des séquences à caractère pornographique ou de très grande violence, susceptibles de nuire gravement à l’épanouissement physique, mental ou moral des utilisateurs. »

« II. – Est considéré comme un jeu vidéo mentionné au I, tout logiciel de loisir mis à la disposition du public sur un support physique ou en ligne intégrant des éléments de création artistique et technologique et proposant à un ou plusieurs utilisateurs une série d’interactions s’appuyant sur une trame scénarisée ou des situations simulées et se traduisant sous forme d’images animées, sonorisées ou non.

« III. – Les jeux vidéo définis au II doivent répondre aux conditions de création suivantes :

« A. Être adaptés d’une œuvre préexistante du patrimoine culturel européen à partir d’un scénario écrit en français ou se distinguer par la qualité et l’originalité de leur concept, ainsi que par leur contribution à l’expression de la diversité culturelle et de la création européennes en matière de jeu vidéo ;

« B. Être réalisés essentiellement avec le concours d’auteurs et de collaborateurs de création qui sont soit de nationalité française, soit ressortissants d’un État membre de l’Union européenne ou d’un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen ayant conclu avec la France une convention fiscale contenant une clause d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude ou l’évasion fiscale. Les étrangers, autres que les ressortissants européens précités, ayant la qualité de résidents français sont assimilés aux citoyens français. Le respect de ces conditions est apprécié au moyen d’un barème de points attribués aux auteurs et collaborateurs de création précités répartis en groupes de professions. Ce barème est fixé par décret.

« IV. – A. Le crédit d’impôt calculé au titre de chaque année est égal à 20 % du montant total des dépenses suivantes, dès lors qu’elles entrent dans la détermination du résultat imposable :

« 1° des dotations aux amortissements des immobilisations créées ou acquises à l’état neuf et affectées directement à la création des jeux vidéo dans les conditions prévues au III. Les dotations aux amortissements des immeubles ne sont pas retenues dans la base de calcul du crédit d’impôt ;

« 2° des charges de personnel relatives aux salariés de l’entreprise affectés directement à la création des jeux vidéo répondant aux conditions prévues au I et au III ;

« 3° des autres dépenses de fonctionnement. Ces dépenses sont fixées forfaitairement à 75 % des dépenses de personnel mentionnées au 2°.

« B. Lorsque la création du jeu vidéo est partagée entre plusieurs sociétés, chacune de ces sociétés peut, si elle répond aux conditions mentionnées au A du I, bénéficier d’un crédit d’impôt au titre des dépenses éligibles qu’elle a personnellement exposées.

« C. 1° Les dépenses ouvrent droit au crédit d’impôt à compter de la délivrance par le directeur général du Centre national de la cinématographie d’un agrément à titre provisoire attestant que le jeu vidéo remplira les conditions prévues au I et au III. Cet agrément est délivré sur la base de pièces justificatives comprenant notamment un devis détaillé des dépenses de création et une liste nominative des salariés.

« 2° Lorsque la création du jeu vidéo est partagée entre plusieurs sociétés, la demande d’agrément est déposée par la société qui pilote le projet, y compris si cette dernière n’expose pas de dépenses éligibles. Celle-ci devra établir, lors de la demande d’agrément provisoire, la liste des sociétés qui participeront à la réalisation du projet ainsi que la répartition, entre ces différentes sociétés, des dépenses indiquées dans le devis mentionné au 1°.

« 3° Lors de la délivrance de l’agrément définitif, la société qui a déposé la demande d’agrément provisoire dans les conditions visées au 2° devra fournir un état détaillé des dépenses éligibles au crédit d’impôt ventilées par société ayant participé à la création du jeu vidéo.

« 4° Pour la délivrance des agréments, et dans des conditions et selon des dispositions fixées par décret, le directeur général du centre national de la cinématographie fait appel à un comité d’experts chargé de vérifier le respect des dispositions générales du I et des conditions de création du B du III, ainsi que d’évaluer les jeux vidéo au regard des conditions de création mentionnées au A du III.

« V. – Les subventions publiques reçues par les entreprises à raison des opérations ouvrant droit au crédit d’impôt sont déduites des bases de calcul de ce crédit.

« VI. – Le crédit d’impôt est plafonné pour chaque entreprise à 3 000 000 euros par exercice. Lorsque l’exercice est d’une durée inférieure ou supérieure à douze mois, le montant du plafond est diminué ou augmenté dans les mêmes proportions que la durée de l’exercice.

« VII. – Un décret fixe les conditions d’application du présent article, notamment les obligations déclaratives incombant aux entreprises. »

II. – Après l’article 220 L du code général des impôts, il est inséré un article 220 L bis ainsi rédigé :

« Art. 220 L bis – Le crédit d’impôt défini à l’article 244 quater KA est imputé sur l’impôt sur les sociétés dû par l’entreprise au titre de l’exercice au cours duquel l’entreprise a exposé les dépenses. Si le montant du crédit d’impôt excède l’impôt dû au titre de cet exercice, l’excédent est restitué. En cas de non-obtention de l’agrément définitif dans un délai de vingt-quatre mois à compter de l’agrément provisoire, l’entreprise doit reverser le crédit d’impôt dont elle a bénéficié. Les modalités de ce reversement sont précisées par décret. »

III. – Après le l du 1 de l’article 223 O du code général des impôts, il est inséré un m ainsi rédigé :

« l bis des crédits d’impôt dégagés par chaque société du groupe en application de l’article 244 quater KA. »

IV. – Les dispositions du présent article sont applicables aux dépenses exposées au cours des exercices clos entre la date de l’accord de la Commission européenne statuant sur leur compatibilité avec le marché commun, conformément au 3 de l’article 88 du Traité instituant la Communauté européenne, et le 31 décembre 2009.

V. – La perte de recettes pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits de consommation sur les tabacs prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

EXPOSÉ SOMMAIRE

Cet amendement a pour objet de soutenir les entreprises de création de jeux vidéo – pour les jeux répondant à un certain nombre de critères culturels – en instituant un mécanisme de crédit d’impôt. Cet amendement est pleinement cohérent avec les négociations conduites par le Gouvernement français auprès de la Commission européenne.

L’industrie française des jeux vidéo subit une crise inquiétante : par rapport à 1994, il y a en 2005 deux fois moins d’emplois (12 000 contre 25 000) et quatre fois moins de studios.

Face à une concurrence accrue dans un marché mondial en fort développement, l’industrie française des jeux vidéo doit pouvoir reprendre sa place de premier rang.

Le différentiel de 30 % avec les États-Unis, de 60 % avec le Canada, sans parler de la Chine, en terme de rapport coût/productivité est trop défavorable à notre pays. Les entreprises françaises, pour rester compétitives, sont dans l’obligation de réduire leurs coûts salariaux. Par exemple, un programmeur est payé deux fois moins en France qu’aux États-Unis.

Par ailleurs, la montée de l’euro sur le marché financier a augmenté de 50 % les coûts de production. Ces coûts, évalués pour chaque jeu vidéo, à 5 millions d’euros au minimum et plus généralement à 15 millions d’euros, représentent un investissement conséquent. Dans certains pays, tel le Canada, cet investissement est aidé à hauteur de 40 %.

Sur les marchés principaux – l’Europe, les États-Unis, et le Japon – en 2005, les jeux vidéo ont obtenu un chiffre d’affaire supérieur à celui du cinéma en salle (19 milliards d’euros contre 15 milliards d’euros). Le jeu vidéo est, de plus, classé en première position des ventes de produits culturels en France. Le jeu vidéo est une œuvre culturelle, certes composée d’un logiciel représentant 25 % du coût de production, mais surtout composée d’un scénario représentant 15 % du coût de production, d’un contenu visuel représentant 55 % du coût de production et d’un contenu audio représentant 5 % du coût de production.

Pour l’ensemble de ces raisons, le Gouvernement défend une politique de soutien à l’industrie des jeux vidéo qui s’inscrit dans le cadre du maintien de la diversité culturelle.

En effet, la diversité culturelle, défendue par la France aux niveaux européen et international, passe tant par la diversité des œuvres que par la diversité des opérateurs présents sur le marché, qu’ils soient producteurs, distributeurs ou détaillants.

Il convient de créer un mécanisme de crédit d’impôt spécifique à la production des jeux vidéo – répondant à certains critères – afin, d’une part, de maintenir et de développer les entreprises en particulier les PME et les TPE de ce secteur, qui sont les meilleurs gisements d’emplois et de diversité culturelle et, d’autre part, de favoriser la diversité et la richesse de l’offre.

Le Gouvernement a donné son accord à la mise en œuvre d’un tel soutien et des discussions sont en cours avec la Commission européenne, qui vient d’ouvrir une procédure d’enquête, dont la durée maximale est de six mois. Afin de rendre applicable ce crédit d’impôt dès que la Commission européenne aura donné son accord, il est proposé que le Parlement adopte cet amendement.

Dans la très dure compétition mondiale, il est vital pour l’industrie française des jeux vidéo de ne pas devoir attendre le budget 2008 pour bénéficier de ce crédit d’impôt.