XVe législature
Session extraordinaire de 2019-2020

Première séance du jeudi 23 juillet 2020

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Première séance du jeudi 23 juillet 2020

Présidence de M. Sylvain Waserman
vice-président

M. le président

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    La séance est ouverte.

    (La séance est ouverte à neuf heures.)

    1. Débat d’orientation des finances publiques pour 2021

    M. le président

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    L’ordre du jour appelle le débat d’orientation des finances publiques pour 2021.
    La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de la relance.

    M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie, des finances et de la relance

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    Je suis très heureux de vous retrouver avec Olivier Dussopt, ministre délégué chargé des comptes publics, pour ce débat d’orientation des finances publiques pour 2021. Nous allons débattre ce matin des grandes orientations de nos finances publiques, dans un contexte économique absolument inédit. En effet, la crise économique que nous devons affronter n’a aucun équivalent en France depuis la grande récession de 1929. En outre, la situation internationale reste extrêmement fragile ; l’épidémie de coronavirus s’est intensifiée dans certains pays, en particulier en Israël et aux États-Unis. Le contexte est inédit également car l’avenir est plus que jamais incertain. Un grand nombre des chiffres dont nous allons débattre aujourd’hui dépendent de l’éventualité d’une reprise de l’épidémie en France à l’automne, même si nous prenons toutes les dispositions sur le front sanitaire pour éviter une telle situation et comptons sur le sens des responsabilités de nos compatriotes. Il en va de notre sécurité sanitaire à tous, ainsi que de la situation économique et des emplois dans notre pays.
    Cette incertitude doit nous conduire à examiner avec une grande prudence les chiffres que je vous présente ce matin. Les maîtres mots de ce débat d’orientation des finances publiques seront donc pour moi « volonté » et « prudence ». Nous avons la volonté de surmonter la crise et d’apporter des réponses, comme nous le faisons avec le Président de la République et le Premier ministre, à toutes les entreprises et à tous les salariés qui sont inquiets pour leur emploi. Nous avons aussi la volonté de tenir nos finances publiques avec responsabilité malgré les circonstances. Mais il nous faut aussi faire preuve de prudence face à une situation économique qui reste imprévisible et instable.
    Vous le savez, nous avons évalué la récession pour l’année 2020 à 11 %. Depuis plusieurs semaines, nous enregistrons des indicateurs positifs qui traduisent l’efficacité des mesures que nous avons mises en place depuis le début du mois de mars. L’Institut national de la statistique et des études économiques, l’INSEE, constate ce matin dans ses enquêtes de conjoncture un net rebond de l’activité économique dans tous les secteurs. Nous nous en félicitons et nous y voyons la preuve de l’efficacité des mesures que nous avons mises en œuvre.
    La consommation s’est très rapidement redressée. Dans le secteur de l’automobile par exemple, les ventes de véhicules sont supérieures en juin 2020 à ce qu’elles étaient en juin 2019, grâce à l’instauration de la prime à la conversion et au soutien massif aux véhicules électriques et aux véhicules hybrides rechargeables. Le climat des affaires dans l’industrie s’améliore également. Après avoir chuté de 30 points en avril, l’indicateur de l’INSEE poursuit sa remontée en juillet.
    Ces bons résultats sont satisfaisants ; ils restent néanmoins trop fragiles pour que nous révisions nos prévisions de croissance pour le moment. Je tiens néanmoins à vous dire ma détermination à poursuivre avec la même volonté, le même engagement et la même ténacité la mise en place des mesures qui nous permettront d’améliorer la situation et de réduire l’ampleur de la récession dès 2020. Ce n’est pas demain qu’il faut se battre, c’est maintenant, comme nous le faisons depuis le premier jour. Je ne me résigne pas à une récession de 11 % : je pense que si nous accélérons la mise en place des mesures que nous avons déjà décidées et veillons à leur bonne exécution, nous pourrons atteindre dès 2020 un chiffre plus favorable.
    Nous avons déjà engagé 460 milliards d’euros pour amortir le choc sur l’économie, dans les trois projets de loi de finances rectificative déposés depuis le début de la crise en mars. Dans celui que nous examinons actuellement, nous engageons près de 45 milliards d’euros de dépenses budgétaires pour soutenir les secteurs les plus touchés par la crise, dont vous connaissez, sur le terrain, les entreprises ou les commerces : l’hôtellerie, la restauration, le secteur événementiel, la culture, l’aéronautique et tous ses sous-traitants, l’industrie automobile, la tech, le commerce d’une façon générale et le commerce de proximité. Tous ces secteurs ont bénéficié d’aides et de soutiens massifs de la part du Gouvernement.
    Nous avons décidé de mesures supplémentaires qui ont également pour objectif, dès 2020, d’améliorer la situation et de réduire l’ampleur de la récession, aujourd’hui estimée à 11 %. Les mesures fiscales, comme le report en arrière du déficit des entreprises – le carry-back – à hauteur de 400 millions d’euros, effectif dès 2020, doivent redonner une bouffée d’air aux entreprises et leur permettre d’enregistrer de meilleurs résultats. Les mesures en faveur des jeunes, qui se chiffrent à plusieurs milliards d’euros et seront précisées dès la semaine prochaine, doivent permettre à chaque jeune dans notre pays de trouver une place sur le marché du travail à la rentrée de septembre. L’augmentation de l’allocation de rentrée scolaire de 100 euros, qui représente une dépense budgétaire de 500 millions d’euros, vise à soutenir la demande et à nous permettre d’obtenir dès 2020 un taux de récession inférieur à 11 % – un chiffre que nous maintenons tout en le combattant.
    Pour l’année 2021, nous prévoyons dans le rapport préparatoire à ce débat d’orientation des finances publiques une croissance de 8 %. Cette prévision est à prendre avec plus de prudence encore. Les incertitudes, déjà considérables pour la fin de l’année 2020, sont totales pour l’année 2021, d’autant que le rebond de la croissance anticipé en 2021 dépendra de l’ampleur effective de la récession en 2020. La croissance pour 2021 est, de ce fait, très difficile à évaluer.
    Face à cette incertitude concernant les chiffres, nous devons avoir un seul et unique objectif économique : retrouver dès 2022 un niveau de richesse nationale équivalent au niveau d’avant la crise, c’est-à-dire à celui de 2019. C’est en effet l’essentiel, au-delà des chiffres de la récession ou du rebond de 2021. Pour nos compatriotes, pour notre prospérité, pour la place de la France en Europe et pour sa puissance économique dans le monde, l’essentiel est de réduire le plus vite possible l’écart de richesse entre la France d’après-crise et celle d’avant-crise. L’essentiel, mesdames et messieurs les députés, est de se battre contre le déclassement économique français. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, MODEM et Agir ens.) C’est notre objectif, et c’est sur ce critère que nous voulons et devons être jugés.
    Aujourd’hui, l’écart entre la France d’avant-crise et celle d’après-crise est estimé à 4 points de richesse nationale. C’est un chiffre considérable, derrière lequel il y a le risque de déclassement de la France, de perte de prospérité pour des millions de Français et de décalage par rapport à notre grand voisin allemand. Nous allons donc combattre ce chiffre, cette indication que je vous donne, et tout faire, au travers du plan de relance, pour réduire l’écart de richesse et nous fixer comme objectif que la France sorte renforcée de la crise économique – qu’elle en sorte transformée, avec un modèle économique plus efficace, plus compétitif, tourné vers l’avenir et engagé dans la décarbonation de notre industrie et de nos activités économiques. Mon objectif est que nous puissions, dès 2022, retrouver un niveau de croissance économique et de richesse nationale comparable à celui d’avant la crise.
    Pour parvenir à cet objectif, nous avons déjà multiplié les décisions, les mesures, les soutiens. Nous avons évité un effondrement économique français en prenant rapidement les mesures qui s’imposaient et, reconnaissons-le, en abandonnant parfois dans la rivière de cette crise un certain nombre d’habitudes et d’idéologies, pour viser uniquement l’efficacité, le soutien à nos entreprises et la défense de nos emplois. Il fallait mettre beaucoup d’engagement politique et beaucoup d’argent public. Nous avons mis l’un et l’autre pour sauver nos entreprises et défendre l’emploi.
    Nous continuerons, en mettant en œuvre un plan de relance de 100 milliards d’euros que je préciserai lors du conseil des ministres du 24 août prochain. Ce plan visera à accélérer la transformation de notre modèle économique et à renforcer l’offre française. C’est en effet ainsi que nous retrouverons dès 2022 le niveau de richesse que nous avions en 2019. Ce n’est certainement pas en engageant des dépenses publiques tous azimuts, sans aucune considération pour le modèle économique et sans choix stratégique, que nous y arriverons. C’est en faisant le choix résolu d’une amélioration de l’offre et des produits français, en développant l’innovation et l’investissement, en faisant de la France le leader de nouvelles technologies dans l’hydrogène, le calcul quantique ou le transport aéronautique que nous parviendrons à gagner cette bataille de la prospérité française et du niveau de développement de la France.
    Comme vous le savez depuis quelques jours, ce plan de relance pourra bénéficier du soutien de l’Union européenne. Le Président de la République a en effet obtenu la somme de 40 milliards d’euros dans le cadre du plan de relance adopté à Bruxelles il y a quelques jours, qui marque un succès national, franco-allemand et européen dont nous nous réjouissons. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, MODEM et Agir ens.)

    M. Fabien Roussel

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    Il faudra parler de la facture !

    M. Bruno Le Maire, ministre

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    Ce plan de relance a une méthode : la concertation. J’ai eu l’occasion de rencontrer un certain nombre d’entre vous et nous poursuivrons les concertations au cours des prochains jours. J’ai reçu hier l’ensemble des partenaires sociaux afin de discuter avec eux des grandes orientations du plan. Nous nous assurerons que toutes les propositions qui nous ont été faites y sont bien reflétées.
    Ce plan a aussi une priorité : l’emploi, en particulier celui des jeunes. Il a un impératif : la décarbonation de notre économie et sa transformation en une économie moins émettrice de CO2, plus économe de nos ressources et plus compétitive.

    M. Fabien Roussel

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    N’importe quoi !

    M. Bruno Le Maire, ministre

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    Ce plan aura aussi une règle, que je tiens à préciser devant les représentants du peuple français : les dépenses engagées dans le plan de relance doivent contribuer à la relance – autrement dit, elles doivent être rapides, ciblées et vertes. Nous ne souhaitons pas que figurent dans le plan de relance des dépenses qui n’auront d’effet qu’en 2023, 2024 ou 2025. La relance, c’est maintenant. Nous voulons que ces dépenses permettent à chaque Français de constater que quelque chose se passe dans sa vie quotidienne, dans sa commune, et qu’elles accélèrent le redressement économique de notre pays. Nous souhaitons également qu’elles contribuent à l’accélération de la décarbonation de l’économie française : nous ne voulons pas céder à la facilité qui consisterait à nourrir l’ancien modèle avec les crédits de demain. Nous voulons au contraire que les crédits dont nous décidons actuellement servent la transformation de l’économie de demain.
    Les dépenses du plan de relance seront isolées dans une mission budgétaire spécifique, de la même façon que nous avons isolé la dette liée à la crise du covid-19. Ce cantonnement de la dette nous permet, en toute transparence, de l’amortir dans le temps ; les dépenses du plan de relance seront elles aussi cantonnées. Ce choix a été fait avec Olivier Dussopt au nom du souci de sincérité et de transparence qui guide la majorité depuis le début du quinquennat. Pour éviter toute dérive des finances publiques, il est sain de séparer les dépenses qui financeront le plan de relance des dépenses habituelles, qui doivent financer les ministères et l’action publique.
    Par rapport à la loi de finances initiale pour 2020, les crédits des missions du budget de l’État, distincts du plan de relance, augmenteront de 7 milliards d’euros. Cette hausse nous semble raisonnable au regard des évolutions annuelles habituellement constatées et de la situation actuelle de la France.
    Nous avons également pris la décision de maîtriser l’évolution de l’emploi public en visant une stabilisation des créations d’emplois publics. Il y aura bien entendu des augmentations d’effectifs dans des secteurs jugés prioritaires comme la police, la justice et, évidemment, la santé, qui a particulièrement contribué au bien public au cours des dernières semaines. Mais il y aura aussi des réductions d’effectifs dans les secteurs où cela est possible. Le ministère de l’économie, des finances et de la relance participera ainsi à l’effort de diminution des emplois publics. Globalement, nous voulons stabiliser les effectifs de l’État en 2021. (Mme Cendra Motin applaudit.)
    Voilà les quelques éléments généraux que je souhaitais vous présenter. Je redis la détermination du Gouvernement et du Premier ministre, sous l’autorité du Président de la République, à relancer notre économie le plus rapidement possible et à retrouver dès 2022 le niveau de richesse nationale qui était le nôtre en 2019. C’est un défi considérable pour nous tous. Je suis certain que nous réussirons à le relever. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, MODEM et Agir ens.)

    M. le président

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    La parole est à M. le ministre délégué chargé des comptes publics.

    M. Olivier Dussopt, ministre délégué chargé des comptes publics

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    Je suis très heureux de vous présenter les orientations du Gouvernement dans le cadre du débat d’orientation des finances publiques pour 2021. Le contexte particulier a été rappelé par le ministre de l’économie, des finances et de la relance : nous sommes confrontés à un niveau de déficit et une croissance négative que nous n’avions jamais connus, donc à une dégradation des finances publiques dont le caractère exceptionnel est avéré.
    Je souhaite, dans un premier temps, revenir sur l’utilisation de notre budget pendant la période d’avant-crise. Je veux aussi faire état, avec vérité, de la situation actuelle de nos finances publiques. Enfin, puisqu’il est question de trajectoire, j’évoquerai les perspectives pour 2021, qui seront déterminantes pour financer les priorités politiques du Gouvernement et de la majorité ainsi que pour assurer la viabilité et la soutenabilité de nos finances publiques.
    Nous n’avons pas à rougir de notre action depuis 2017, qui s’est traduite par une nette amélioration des finances publiques, et ce jusqu’à l’année dernière. Depuis le début du quinquennat, notre stratégie est fondée sur la diminution des prélèvements obligatoires pour restituer du pouvoir d’achat aux Français et restaurer la compétitivité, sur la maîtrise de la dépense et de la dette publique, ainsi que sur l’application rigoureuse du principe de sincérité, tant aux prévisions qu’à la budgétisation des dépenses.
    Ne négligeons pas le rôle joué par la qualité de cette gestion dans notre capacité à affronter la crise. Les efforts accomplis depuis trois ans ont permis de sécuriser nos marges de manœuvre pour faire face aux dépenses exceptionnelles qui ont été, et sont encore, nécessaires pour répondre à la crise. Ils nous assurent également un socle suffisamment solide pour préparer le rebond de notre économie et le redressement des finances publiques. Les réformes que nous avons menées y ont grandement participé.
    Je veux tout d’abord évoquer la baisse des prélèvements obligatoires, qui se poursuivra afin de redonner du pouvoir d’achat aux Français et de la compétitivité aux entreprises – je pense évidemment à la suppression de la taxe d’habitation, aux réductions de cotisations sociales, à l’exonération fiscale et sociale des heures supplémentaires, à la transformation du CICE, le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, en allégement pérenne de cotisations sociales, ou encore à la baisse de l’impôt sur les sociétés. Le taux de prélèvements obligatoires est ainsi passé de 45,1 % en 2017 à 44,8 % en 2018, puis 43,8 % en 2019. Nous devons poursuivre nos efforts en la matière et ainsi tenir nos engagements.
    Ensuite, la progression des dépenses a été maîtrisée, notamment grâce à des réformes structurelles dans les domaines du logement, de l’emploi et de l’audiovisuel public. Les administrations locales, qui, nous le savons, font face à des responsabilités croissantes, se sont également engagées dans l’effort commun de maîtrise des finances publiques. Les collectivités et organismes locaux présentent depuis quelques années un solde excédentaire. Cela est en partie dû à la conclusion, en 2018, des contrats de Cahors et à un ciblage renforcé des dépenses des collectivités locales.
    Les finances de la sécurité sociale étaient revenues, avant la crise sanitaire, à une situation proche de l’équilibre, le déficit de l’an dernier s’étant réduit à 1,9 milliard d’euros, son niveau le plus faible depuis le début des années 2000.
    Enfin, la qualité de la gestion publique a été améliorée grâce à un travail de sincérisation des prévisions établies en lois de finances initiales, mais aussi à un plus grand respect des autorisations parlementaires, à l’instar des deux derniers budgets rectificatifs qui n’ont été accompagnés d’aucun décret d’avance.
    La Cour des comptes l’a souligné dans son rapport sur l’évolution des finances publiques, une réflexion doit être engagée sur les modalités de pilotage des finances publiques dans un contexte bouleversé et un avenir incertain. Nous devons tenir compte des conséquences économiques et financières de la crise sanitaire, mais aussi de l’impact de celle-ci sur notre capacité de pilotage. Le recours par le Gouvernement à trois budgets rectificatifs pour 2020, dont le dernier a encore fait l’objet d’un consensus – l’Assemblée nationale et le Sénat se prononceront cet après-midi sur les conclusions de la commission mixte paritaire –, montre que nous avons su réagir rapidement face à la crise pour apporter les réponses nécessaires à la survie de notre économie mais surtout au maintien des compétences et des revenus.  
    Nous avons dû prendre des décisions fortes, en faisant passer la santé de nos concitoyens au premier plan des priorités, et ajuster les crédits des administrations publiques concernées. En 2020, ce sont 8 milliards d’euros de dépenses de santé supplémentaires qui ont été nécessaires pour financer les commandes massives de médicaments, de respirateurs et de masques, mais aussi pour verser des primes au personnel soignant et des indemnités journalières.
    L’arrêt de l’activité a bouleversé nos entreprises, particulièrement les plus petites d’entre elles, et leurs salariés. Nous les avons aidés et nous devons redoubler d’efforts pour continuer à le faire tant en 2020 que dans le cadre du plan de relance. Je fais référence au soutien massif à l’emploi grâce au financement de l’activité partielle, qui représente aujourd’hui plus de 31 milliards d’euros d’engagements. Je citerai aussi le fonds de solidarité, destiné à venir en aide aux entreprises les plus vulnérables, qui a été étendu dans le troisième PLFR et comprend désormais plus de 8 milliards d’euros. L’État s’est placé en situation d’assureur en dernier ressort de l’économie française par la garantie des prêts aux entreprises qui en avaient besoin. Je pense également au report des échéances de paiement de certains prélèvements obligatoires, lesquels feront désormais, pour une part, l’objet d’annulations définies dans l’article 18 du troisième PLFR, au remboursement anticipé de crédits d’impôt et au compte d’affectation spéciale « Participations financières de l’État », que nous avons abondé de 20 milliards d’euros afin de nous permettre de prendre des participations dans le capital des sociétés qui en auraient besoin pour assurer leur survie économique ou garantir la souveraineté économique et industrielle de notre pays.
    Le confinement a exacerbé les disparités qui existent au sein de notre société. Il était de notre devoir d’apporter, en complément des actions déjà menées, un soutien aux plus fragiles. C’est pourquoi nous avons prolongé les revenus de remplacement, différé de quelques mois l’entrée en vigueur de la réforme de l’assurance chômage, versé une prime exceptionnelle de précarité et octroyé une aide supplémentaire aux jeunes et aux étudiants. Nous avons financé des chèques-services en matière d’alimentation ou d’hygiène pour accompagner les plus fragiles.
    Toutes ces mesures sanitaires, économiques et sociales ainsi que les garanties apportées par l’État représentent, au total, 470 milliards d’euros. Il était de notre devoir d’être à la hauteur des enjeux de la crise sanitaire. Dans ce contexte, vous en conviendrez, la dégradation de nos finances publiques était inéluctable, et je mets au défi quiconque de prétendre que nous aurions pu agir différemment face à un tel choc.
    À ce stade, nos prévisions économiques nous permettent d’estimer l’impact de la crise sur les finances publiques. Ainsi, le déficit public s’établirait à 11,4 % du PIB en 2020, contre 2,2 % prévus dans la loi de finances initiale. Le déficit structurel serait, en revanche, stable à 2,2 %, puisque les effets de la crise revêtent un caractère exceptionnel. La dette atteindrait, elle aussi, un niveau record à 121 % du PIB. Malgré cela, la France continue de jouir de la confiance de ses créanciers. Notre crédibilité sur les marchés, qui tient au sérieux de notre gestion, confirme à quel point les efforts ont permis d’affronter la crise dans de meilleures conditions. L’État continue de se financer aujourd’hui de manière optimale pour les finances publiques.
    Les finances publiques ont été utilisées comme instrument de lutte face à la crise. Nous avons mené une action forte, ciblée et contracyclique. Nous continuerons à le faire, pour les prochains mois et les deux ans à venir, dans le cadre du plan de relance auquel la priorité est donnée.
    Selon les dernières prévisions, le PIB rebondirait mécaniquement de 8 % en 2021, avant l’intervention du plan de relance. Ces prévisions sont encourageantes mais restent très incertaines, car la reprise de l’activité demeure très dépendante de la situation sanitaire et la crise a pu entraîner, dans les entreprises, des changements structurels dont nous ne mesurons sans doute pas encore toutes les conséquences.
    Il est donc nécessaire d’adopter un plan de relance pour notre tissu économique. Les mesures qui en découlent seront au cœur du projet de loi de finances pour 2021, que le Gouvernement présentera dans quelques semaines et dont nous débattrons dans les prochains mois.
    Le projet de loi de finances pour 2021 sera accompagné d’une budgétisation verte, permettant de mesurer l’impact environnemental de notre action. Cette innovation favorisera une réelle lisibilité des effets de l’action publique en matière d’environnement. C’est la première fois qu’un pays effectue cet exercice à l’échelle de son budget national. Nous comptons suivre la même méthode pour mesurer le caractère vert des actions qui seront menées dans le cadre du plan de relance. Il s’agit d’une avancée qui répond à un objectif de transparence et aux attentes de nos concitoyens.
    Les mesures dédiées à la relance seront essentiellement regroupées dans une nouvelle mission du budget de l’État. Celle-ci sera temporaire et se trouvera en dehors du périmètre de la norme de dépenses pilotables, afin de faciliter la lecture de notre action. Chaque politique publique se verra ainsi allouer, pour les deux ans qui viennent, des crédits du budget général et des crédits du plan de relance.
    Le budget 2021, hors plan de relance, dont les premiers équilibres vous sont présentés dans le fameux document qu’il est convenu d’appeler le « tiré à part », confirme notre sérieux budgétaire. Avec une progression des dépenses pilotables de l’État de 2,6 %, soit 7,2 milliards d’euros, le Gouvernement a choisi de construire un budget reprenant la trajectoire triennale comme point de référence, actualisée par les engagements pris et les priorités nouvelles nées de la période que nous vivons. L’évolution contenue des dépenses pilotables s’accompagne d’une maîtrise des effectifs de l’État. En effet, nous visons la stabilité du schéma d’emplois en 2021. Nous y travaillons en tenant les engagements pris en faveur des ministères prioritaires, ce qui demande des efforts aux autres ministères, mais aussi en donnant la priorité aux créations d’emplois dans l’administration territoriale, ce qui oblige l’administration centrale à faire un effort plus important que par le passé.
    Le PLF pour 2021 permettra de tenir plusieurs engagements que nous avions pris. Ainsi, les armées, qui ont bénéficié d’un renforcement sans précédent de leurs moyens depuis 2017 – 5,2 milliards d’euros en trois ans –, verront leur budget doté de 1,7 milliard d’euros supplémentaires en 2021, notamment en faveur de la défense spatiale, conformément à la loi de programmation militaire. Les moyens de la justice seront également accrus : une progression de 6 % des crédits du ministère de la justice est prévue pour financer une hausse des effectifs permettant de répondre aux besoins de la justice et d’améliorer l’accueil des victimes.
    Notre ambition est aussi d’investir dans les savoirs et les compétences afin de permettre aux jeunes de construire leur avenir sereinement et de bénéficier d’opportunités professionnelles dans un marché du travail profondément bouleversé. C’est la raison pour laquelle les budgets de l’éducation nationale et de l’enseignement supérieur et de la recherche seront respectivement en hausse de 1,3 milliard d’euros et de 300 millions d’euros. Dans cette optique, nous finançons également, dans le cadre du troisième PLFR et de la politique de relance, des primes pour l’embauche des plus jeunes et des apprentis, ou encore pour le recrutement en contrat de professionnalisation.
    Les enjeux environnementaux sont une autre priorité que nous voulons financer dans le cadre du PLF pour 2021. Les crédits alloués à la transition écologique s’élèveront à plus de 26 milliards d’euros, en hausse de 550 millions d’euros, auxquels s’ajoutera une enveloppe majeure du plan de relance. Nous veillerons à ce que la transition écologique soit au cœur des priorités de la relance, par conviction mais aussi pour respecter nos engagements tant internationaux qu’européens.
    D’autres priorités seront financées, même si les enveloppes budgétaires seront moins importantes – je le concède bien volontiers. Ainsi, les crédits de la culture seront en hausse de 150 millions d’euros. Le budget dédié à l’égalité entre les femmes et les hommes augmentera de près de 40 % en 2021, soit une hausse sans précédent.
    Ces grandes orientations doivent servir de cadre à la discussion générale qui s’ouvre aujourd’hui. Je connais l’engagement de chacun d’entre vous en faveur de l’intérêt général et des comptes publics. Je suis donc convaincu que nous aurons aujourd’hui des échanges de qualité, qui nous permettront de construire ensemble un budget qui nous remettra sur le chemin de la croissance, de l’emploi mais aussi du redressement des finances publiques. Il faudra garantir le financement de nos priorités tout en veillant à ce que les mesures que nous prendrons en faveur de la relance ne soient pas pérennes – elles devront être utiles, efficaces et massives sans entraîner pour autant une dégradation structurelle des comptes publics, comme nous nous y sommes engagés et comme Bruno Le Maire l’a rappelé à l’instant. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, MODEM et Agir ens.)

    M. le président

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    La parole est à M. le président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.

    M. Éric Woerth, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

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    Vous êtes en retard, monsieur le ministre de l’économie : c’est maintenant que le plan de relance doit être mis en place. Or, vous l’avez dit vous-même, il faudra attendre le mois prochain. Il n’y a pas de raison particulière à ce retard sauf à essayer de donner le ton politique de la rentrée, d’autant que la mise en application de ce plan sera évidemment très longue, car il ne suffit pas d’en discuter ! Mais vous connaissez mon désaccord sur ce sujet du calendrier.
    Pour faire face au tsunami qui a frappé notre économie, nous avons dû soutenir massivement nos entreprises, et plus généralement l’économie française. Le plan de sauvegarde a mobilisé environ 468 milliards d’euros, une somme absolument gigantesque qu’il faut relativiser. Il y a d’un côté les aides ponctuelles, sans impact immédiat sur le solde, comme les reports d’échéances fiscales ou les garanties de l’État, et de l’autre côté les dépenses réelles qui atteignent environ 60 milliards d’euros. Cela reste gigantesque au regard des capacités financières de notre pays. Un tel niveau de dépenses était totalement inimaginable il y a encore quelques mois, mais nous sommes aujourd’hui entrés « pour de vrai », contraints et forcés, dans un nouveau monde, celui où l’on peut dépenser sans compter. Il est d’autant plus facile d’être ministre aujourd’hui qu’il n’y a plus de problème de carnet de chèques, le ministre de l’économie vient de le dire ! (Murmures sur plusieurs bancs des groupes LaREM et SOC.)

    M. Bruno Le Maire, ministre

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    Ça se discute !

    M. Éric Woerth, président de la commission des finances

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    À entendre le ministre délégué chargé des comptes publics, c’est-à-dire de la dépense, tout est prioritaire : justice, défense, santé, éducation, recherche, culture, environnement, territoires. Quand tout est prioritaire, rien ne l’est.

    M. Jean-Luc Mélenchon

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    C’est vrai !

    M. Éric Woerth, président de la commission des finances

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    Qu’il n’y ait plus de priorités budgétaires en 2021, c’est un énorme problème pour notre pays, car alors tout est possible ! Je ne crois pas cependant que, même dans le nouveau monde, on puisse dépenser « quoi qu’il en coûte ».
    Vous l’avez dit, monsieur le ministre de l’économie, le Gouvernement devrait débloquer cet automne 100 milliards d’euros supplémentaires sur deux ans, soit un effort cumulé de plus de 160 milliards d’euros de dépenses nouvelles. J’ai parfaitement conscience qu’il faut dépenser massivement pour amortir la récession et éviter la multiplication des plans sociaux et l’explosion du chômage de masse. Mais notre pays ne peut s’exonérer tout à coup de toute contrainte financière. Certaines dépenses comme le financement du chômage partiel ou l’achat de masques sont ponctuelles, mais d’autres sont pérennes, comme les 8,5 milliards d’euros débloqués à l’issue du Ségur de la santé en faveur de la revalorisation des salaires des personnels de santé ou la suppression annoncée de certains impôts de production. Dieu sait si nous y sommes favorables, mais il faudra bien nous dire un jour comment vous comptez les financer. Je pensais que c’était l’objet de ce débat d’orientation des finances publiques, mais visiblement ce n’est pas le cas.
    Il ne faut pas confondre comptes publics et contes de fée ! Il y a des réalités derrière ces chiffres. C’est pourquoi je vous propose, dans un objectif de clarification, de joindre au plan de relance un plan sérieux et solide de rétablissement financier, ou de convalescence financière de notre pays. Vous devez expliquer comment on finance concrètement l’effort du pays : la confiance durable des Français et des marchés est à ce prix.
    Votre objectif de retrouver en 2022 le niveau de richesse de 2019 est atteignable, selon beaucoup de prévisionnistes : le cours naturel des choses et l’accumulation des plans de relance le permettront sans doute mais il n’en ira pas de même de la restauration des finances publiques. Celle-ci devra emprunter un chemin long et difficile, comme la Cour des comptes l’a indiqué très justement, et ce quel que soit le scénario retenu, du plus prudent au plus pessimiste.
    Curieusement, c’est le moment que vous choisissez pour annoncer la création d’un cinquième risque – elle devrait être votée cet après-midi. Reconnaissez que le calendrier est assez saugrenu, à un moment où toutes les branches sont massivement déficitaires. Il s’agira d’une coquille vide puisque nous ignorons comment ce risque sera financé et que cette idée ancienne ne deviendra réalité qu’une fois qu’on aura trouvé un financement durable.
    Comment éviter de verser de l’eau dans un bateau qui coule ? Comment faire en sorte que ce plan de relance permette à la fois de transformer la France et de consolider notre souveraineté financière ? Tels sont les débats que nous devrions avoir dès aujourd’hui, plutôt qu’un banal débat d’orientation des finances publiques. C’est d’un plan très conséquent de redressement de nos finances publiques que nous devrions débattre. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)

    M. le président

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    Avant de passer la parole à Mme Fadila Khattabi, je voudrais, en notre nom à tous, la féliciter de son élection hier à la présidence de la commission des affaires sociales. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)
    Madame la présidente, vous avez la parole.

    Mme Fadila Khattabi, présidente de la commission des affaires sociales

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    Le moment est crucial pour notre assemblée puisque c’est de l’avenir de nos finances publiques que nous allons débattre. En tant que présidente de la commission des affaires sociales, je tiens à souligner l’importance d’un examen commun à nos deux commissions.
    Les finances sociales jouent en effet un rôle tout à fait particulier dans notre pays, et ce pour plusieurs raisons. Je commencerai par un chiffre : près de 600 milliards d’euros sont affectés à la protection sociale, qui constitue donc le premier poste de dépenses publiques, loin devant les dépenses de l’État ou des collectivités territoriales. Les finances sociales sont essentielles aussi par la pluralité de leurs fonctions. Les dépenses de sécurité sociale servent bien sûr à soigner, à lutter contre la pauvreté comme à assurer le bien-être de nos concitoyens en les protégeant notamment contre les risques de la vie. Surtout, les finances sociales sont un rempart qui permet de limiter l’impact des crises en assurant la protection des personnes les plus fragiles. Comme le Premier ministre l’a indiqué dans sa déclaration de politique générale, « nous ne retrouverons pas l’unité sans une attention accrue aux plus vulnérables d’entre nous. » De ce point de vue, la création de ministères dédiés à l’autonomie et à l’insertion constitue un signal positif de la part du Gouvernement, présageant, espérons-le, de décisions budgétaires à la hauteur des enjeux.
    Les choix budgétaires faits au travers des précédentes lois de financement de la sécurité sociale ont permis d’amortir les effets de la crise actuelle. Les aides au maintien de l’emploi et des compétences ainsi que l’accompagnement des entreprises au cœur de la crise via le report ou l’annulation des cotisations sociales sont autant de leviers qui ont permis de maintenir notre pays à flot.
    Je voudrais insister sur la manière dont nous avons fait face collectivement à la crise sanitaire, tout d’abord en renforçant notre équipement sanitaire : 4,5 milliards d’euros sont venus augmenter le budget de l’agence Santé publique France. L’objectif national des dépenses d’assurance maladie – ONDAM – que nous serons amenés à voter sera historique puisqu’il prendra en compte les 8 milliards d’euros de dépenses supplémentaires en faveur de notre système de santé et de nos établissements médico-sociaux. Enfin, les finances sociales joueront un rôle majeur face à une crise économique et sociale d’ampleur mondiale. À ce sujet, nous ne pouvons que nous féliciter du système d’activité partielle que la France a su mettre en place rapidement et qui devrait bénéficier, à terme, à plus de 10 millions de salariés. Ce véritable amortisseur social a permis le maintien dans l’emploi de millions de nos concitoyens, garantissant ainsi la sauvegarde de notre tissu économique, indispensable à la reprise de l’activité. Aussi, ce sont plusieurs dizaines de milliards d’euros de cotisations sociales qui continueront à alimenter, à moyen et long terme, le financement de notre protection sociale.
    En ce qui concerne l’avenir, je souhaiterais évoquer deux sujets devant vous.
    Le premier concerne les finances sociales proprement dites. La reprise économique, avec une augmentation de 8 % du PIB prévue pour l’année prochaine, devrait entraîner un redressement des recettes de la sécurité sociale. Elle sera cependant progressive. C’est pourquoi nous veillerons avec un soin particulier, lors de l’examen en commission des prochains projets de loi de financement de la sécurité sociale, à l’équilibre délicat entre dépenses et recettes que suppose une trajectoire de retour à l’équilibre. Il est important de rappeler que nous étions très proches de cet équilibre en 2019.
    Le second sujet est celui du soutien aux salariés. Je tiens à saluer le pragmatisme avec lequel le Gouvernement a mis en place un dispositif d’activité partielle de longue durée, qui constitue une réponse pertinente et adaptée. Face à l’augmentation historique du chômage, ce dispositif pourra s’allier à d’autres mesures du troisième projet de loi de finances rectificative, en faveur tant des apprentis que des étudiants, car l’emploi des jeunes fait également partie des objectifs dans la réalisation desquels les finances sociales auront évidemment un rôle à jouer. De façon globale, la perte de cotisations entraînera mécaniquement une hausse du taux de chômage. Nous devons tout faire pour que cela ne réduise pas les moyens consacrés à notre système de santé ou à la prise en charge de l’autonomie, la cinquième branche de la sécurité sociale dont nous voterons la création aujourd’hui.
    Vous l’aurez compris : sauver l’emploi, c’est aussi sauver notre modèle de protection sociale qui repose encore largement sur le travail. Des choix cruciaux attendent notre commission lors de l’examen des prochains textes financiers. Le débat que nous avons aujourd’hui est l’occasion de mesurer ces enjeux, au mitan d’une année budgétaire comme nous n’en avions jamais connue auparavant.
    Le plan de relance économique annoncé ces derniers jours par le Président de la République et les accords obtenus au niveau européen auront également un impact positif sur la sphère économique et sociale de notre pays. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)

    M. le président

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    La parole est à M. le rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.

    M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

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    Ce débat d’orientation des finances publiques, dans la perspective du projet de loi de finances pour 2021, lance la séquence de la relance, après le temps de l’urgence marqué par la discussion de trois projets de loi de finances rectificative, en mars, en avril et en juillet – nous aurons l’occasion d’y revenir cet après-midi.
    Ce débat a lieu aujourd’hui dans une période de crise sans précédent. Habituellement situé dans la continuité de la publication du programme de stabilité du mois d’avril et étant a priori l’occasion de réviser la trajectoire pluriannuelle des finances publiques, le débat d’orientation s’inscrit cette année dans un contexte de grandes incertitudes économiques et budgétaires.
    Le programme de stabilité, transmis fin avril 2020 à la Commission européenne, a été allégé : la trajectoire au-delà de 2021 était trop incertaine pour être mise à jour. Le rapport préparatoire au présent débat, qu’a rendu public le Gouvernement le 29 juin, donne quelques perspectives de conjoncture économique et d’évolution des principaux indicateurs budgétaires pour 2021. Toutefois, il a été conçu « à droit constant », compte tenu du troisième PLFR avant son examen au Parlement et, surtout, avant les arbitrages préalables au PLF pour 2021 et aux principales mesures de relance de l’activité économique qui seront annoncées le 24 août.
    Notre débat d’orientation se déroule à un moment charnière, à un carrefour de la réponse publique à la crise. Il sera l’occasion de montrer l’amélioration notable des comptes publics intervenue en 2019, de révéler l’ampleur de la crise économique pour l’exercice 2020, et enfin d’esquisser, de façon inédite, l’exercice 2021. Tout l’intérêt du débat est de couvrir ces trois années.
    Nous en avons longuement discuté lors de l’examen du projet de loi de règlement, et nous le ferons une dernière fois cet après-midi, mais il convient de le redire avec force : l’exercice 2019 fut une réussite à plusieurs égards. Il nous permet d’affronter la crise dans de bonnes conditions économiques et financières, et d’apporter des réponses à la hauteur des enjeux, en parant à l’urgence et en favorisant la relance. Le déficit public s’est établi autour de 3 % du PIB ; le ratio de dette publique par rapport au PIB s’est stabilisé ; le ratio de prélèvements obligatoires a diminué d’un point de PIB entre 2018 et 2019, comme annoncé ; le ratio de dépenses publiques a diminué de 0,3 point. Ces améliorations, qui sont autant de preuves de sérieux budgétaire, constituent des forces et des armes pour affronter la crise.
    L’application des orientations de la loi de programmation des finances publiques se heurte à la crise économique de 2020. Cette année devrait être marquée par un déficit public record, de 11,4 % du PIB. La dette augmenterait de plus de 250 milliards d’euros, tandis que la richesse nationale se contracterait de 11 %, avec des effets encore mal perçus sur la croissance potentielle. Bien que tous les efforts budgétaires déployés depuis mars visent à contenir la violence de la crise, la perspective d’un rattrapage rapide et complet des pertes subies par notre économie n’est pas acquise. Le rapport élaboré par le Gouvernement pour préparer le présent débat prévoit une reprise du PIB d’environ 8 % en 2021, rebond mécanique faisant suite à la forte récession de 2020. Malgré ce rebond, le niveau de PIB attendu fin 2021 devrait être inférieur de 4 % à celui de fin 2019. Nous devons donc rester prudents : si une amélioration est prévue, la crise nous laissera encore groggy, et l’année 2021 ne suffira pas à nous faire rebondir. Une nouvelle programmation des finances publiques devra donc intervenir dans les prochains mois. Quand en connaîtrons-nous les principaux éléments, messieurs les ministres ?
    Le tiré à part du rapport préparatoire du Gouvernement annonce la concrétisation des lois de programmation sectorielles. Il distingue bel et bien des priorités, monsieur le président de la commission des finances, parmi lesquelles la recherche, l’enseignement et l’ensemble des missions régaliennes.
    En tant que rapporteur général du budget, je serai extrêmement vigilant, dans les prochains mois, à assurer une séparation claire, lisible, compréhensible et cohérente entre le budget de relance et le solde structurel. C’est en poursuivant notre effort de sérieux budgétaire en matière de dépenses structurelles que nous pourrons être ambitieux en matière de relance. Ce serait une très mauvaise réponse que de laisser filer la dépense publique et d’alourdir les dépenses de fonctionnement de l’État ; la sanction du marché se ferait alors sentir, et nous devrions probablement augmenter les prélèvements obligatoires – il faut l’éviter à tout prix.
    Le Gouvernement se veut ambitieux en matière de relance, grâce au plan de 100 milliards d’euros qui sera annoncé le 24 août : nous vous soutiendrons pleinement en ce sens, à condition que vous préserviez le sérieux budgétaire qui est notre marque de fabrique depuis trois ans concernant le solde structurel. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur plusieurs bancs du groupe MODEM.)

    M. Bruno Le Maire

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    Excellent !

    M. le président

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    La parole est à M. le rapporteur général de la commission des affaires sociales.

    M. Thomas Mesnier, rapporteur général de la commission des affaires sociales

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    Permettez-moi tout d’abord de partager le plaisir que j’ai de participer pour la première fois à ce débat en tant que rapporteur général de la commission des affaires sociales. L’exercice participe de la sincérité budgétaire et de la transparence de l’exécution des politiques publiques que nous votons dans cet hémicycle.
    La réponse engagée face à la crise sanitaire a fortement altéré les prévisions initiales. En quelques mois, nous avons changé de monde. Rappelons – on ne le dit pas assez – que la sécurité sociale a pris toute sa part dans l’effort financier de la nation. L’augmentation de 8 milliards d’euros de l’ONDAM a permis de répondre rapidement à l’ampleur de l’épidémie, en armant Santé publique France et en allouant des moyens supplémentaires aux soignants. Les budgets de l’État et des branches de la sécurité sociale – je pense notamment à l’action sociale menée par la Caisse nationale des allocations familiales, la CNAF – ont également permis de soutenir les publics les plus fragiles. Quatre millions de familles ont perçu une prime le 15 mai, pour un montant total de 1 milliard d’euros, tandis que les étudiants et les jeunes les plus fragiles ont reçu un soutien de la puissance publique. En ces temps difficiles, la cohésion sociale n’est pas négociable.
    Les efforts touchant les recettes sont d’une ampleur inédite : ils atteignent 43 milliards d’euros, dont 25 milliards au titre de la seule réduction de la masse salariale. Les amortisseurs sociaux ont pleinement joué leur rôle et ont atteint un niveau inégalé, deux fois supérieur à celui de 2010. Qu’il s’agisse des reports et des annulations de cotisations sociales, ou de la diminution des ressources liée au déploiement rapide de l’activité partielle, les mesures instaurées par le Gouvernement et la majorité ont permis de maintenir la continuité de l’emploi, de préserver les compétences et d’éviter une vague de faillites.
    Ces efforts ont été fournis conjointement par les régimes de la sécurité sociale, les régimes complémentaires et l’Unédic. L’Agence centrale des organismes de sécurité sociale – ACOSS – soutient les régimes afin qu’ils surmontent leurs éventuelles difficultés financières. Pour sa part, l’Unédic finance un tiers des dépenses liées à l’activité partielle. Cette prise en charge conjointe constitue une preuve supplémentaire de la cohérence d’ensemble de notre protection sociale – cohérence qui appelle, à mon sens, une réflexion collective concernant le champ d’examen du PLFSS. De nombreuses discussions ont été engagées à ce sujet, par le Haut Conseil pour le financement de la protection sociale comme par notre assemblée. L’action d’organismes déjà inclus, en comptabilité nationale, dans le champ des administrations de sécurité sociale – ASSO – ne peut plus constituer un point aveugle de notre exercice financier. Compte tenu des liens financiers entre l’assurance chômage, les régimes de retraite complémentaires et les régimes obligatoires de base, est-il encore normal que, dans les PLFSS, nous ne puissions jamais examiner les mesures qui affectent les uns sans parler des autres ?
    Ces réflexions pourraient déboucher sur une modification du cadre organique relatif à l’examen des PLFSS, concernant leur périmètre et leur calendrier d’examen. En effet, l’examen commun des dépenses de l’État, des collectivités territoriales et de la sécurité sociale montre l’intérêt d’une approche financière globale, sans renier la spécificité que constituent les finances sociales. Ce chemin de crête appelle davantage à une clarification des modes de présentation des deux textes financiers qu’à leur rapprochement. Une présentation commune du PLF et du PLFSS en conseil des ministres se justifierait parfaitement, tant leurs mesures sont imbriquées – le dernier projet de loi de finances rectificative le démontre. Cette évolution offrirait en outre de meilleures conditions d’examen du PLFSS, attendues depuis longtemps par mes collègues de la commission des affaires sociales, indépendamment des clivages politiques.
    S’agissant du contrôle de l’exécution, la réflexion est ouverte. Faut-il aller vers une loi de règlement pour les finances sociales ? Comment articuler le printemps social de l’évaluation avec une communication anticipée des documents permettant de dresser le bilan des mesures passées, tels les programmes de qualité et d’efficience ? Telles sont les questions auxquelles nous devrons répondre avant la fin de la législature. Nos réponses devront contribuer à renforcer l’information dont nous bénéficions – et dont bénéficient, à travers nous, les Français. Elles ne sauraient faire oublier que le texte qui nous occupe chaque automne concerne un champ des finances publiques autonome, qui justifie par son ampleur – un peu plus de la moitié des dépenses publiques – et par ses spécificités historiques, philosophiques et techniques, l’existence d’un texte financier propre.
    Le prochain exercice budgétaire s’annonce donc crucial, tant pour l’avenir du système de santé que pour le financement de l’autonomie de millions de Français – au sein, je l’espère, d’une nouvelle branche de la sécurité sociale, longtemps débattue, longtemps repoussée, et dont notre majorité entend acter la création cet après-midi. Le premier budget que je présenterai comme rapporteur général prouvera que parer aux urgences de la crise n’empêche en rien de préparer l’avenir de la protection sociale. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur plusieurs bancs du groupe MODEM.)

    M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général

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    Bravo !

    M. le président

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    La parole est à Mme Stella Dupont.

    Mme Stella Dupont

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    Le débat d’orientation des finances publiques pour 2021 est particulier. Alors que nous entrons dans une crise économique et sociale dont nous sommes loin de mesurer toutes les conséquences, l’horizon de 2021 semble lointain. Pourtant, nous devons répondre dès maintenant aux besoins et aux attentes des Français. Depuis le début de la crise sanitaire, le Gouvernement et le Parlement ont agi de concert pour limiter ses effets sur l’économie et la population. C’est le sens des trois projets de lois de finances rectificatives examinés depuis le mois de mars.
    Nous devons désormais regarder devant nous et nous projeter dans l’avenir. Comme cela a été dit, la relance est au cœur de nos priorités. Elle doit reposer sur trois piliers indissociables : un pilier économique, un pilier écologique et un pilier social. J’insisterai sur ce dernier.
    La mobilisation sociale évoquée par le Président de la République doit être au cœur de la relance. Puisque nous sommes en petit comité ce matin, je peux me permettre une confidence…

    Mme Véronique Louwagie

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    Ici, ce n’est pas facile !

    Mme Stella Dupont

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    J’essaierai pourtant, chère Véronique ! (Sourires.) Je suis originaire de la belle terre d’Anjou, aux bords de la Loire, où j’ai vécu une vie formidable avec ma famille. Fille de paysan, venant d’un milieu très modeste, j’ai de nombreux souvenirs d’enfance heureux, mais aussi d’autres, plus difficiles – je pense en particulier aux douches froides que nous prenions quand il n’y avait plus de quoi alimenter la chaudière. À la maison, nous n’avions pas d’eau chaude tous les jours. Ces temps ne sont pourtant pas si lointains – je suis née après le début des années soixante-dix –, mais telle fut ma réalité d’enfant. Cette réalité, de nombreuses familles la connaissent encore. Nos histoires de vie forgent nos personnalités et nourrissent nos combats. Je fais de la politique par goût des autres, par attention aux autres et spécialement aux plus fragiles – hier encore, j’étais d’ailleurs dans les campements d’Aubervilliers. La solidarité est centrale dans mon engagement, et c’est notamment pour cela que les citoyens de ma circonscription m’ont fait confiance.
    Plus que jamais, nous devons faire des questions sociales une priorité – tout particulièrement de la lutte contre la pauvreté, tant la crise a amplifié les difficultés quotidiennes de nombreux Français. Beaucoup d’entre eux ont été privés d’emploi – et donc de revenu – à cause de la raréfaction des contrats à durée déterminée, des missions d’intérim et de nombreux « petits boulots ».
    Il est crucial à cet égard de soutenir les foyers précaires, qui sont les plus touchés par la crise, sur le plan tant de l’emploi que du pouvoir d’achat. Cela doit passer par des mesures de soutien au pouvoir d’achat des ménages modestes, avec une redistribution ciblée vers ceux-ci, mesures qui pourraient prendre la forme, par exemple, d’une allocation supplémentaire pour les étudiants et les travailleurs précaires, comme le suggère le Conseil d’analyse économique – en complément, bien entendu, des mesures qui ont d’ores et déjà été annoncées par le Gouvernement. De telles mesures alimenteraient la consommation ainsi que l’activité des entreprises, les aides aux plus démunis étant immédiatement dépensées, tant les besoins sont importants.
    L’accompagnement des jeunes est également indispensable ; je salue le fait qu’il soit érigé en priorité pour les prochains mois. Plus largement, le secteur de l’insertion par l’activité économique mérite d’être au cœur du plan de relance.
    La mobilisation sociale doit en outre passer par la revalorisation des professions du soin et de l’accompagnement – cela a été dit. Les conclusions du Ségur de la santé sont de ce point de vue capitales. Elles sont exceptionnelles par leur ampleur, et devront trouver rapidement une traduction dans le porte-monnaie des professionnels concernés.
    En définitive, il convient que nous nous concentrions dès aujourd’hui sur la question de la mobilisation sociale.

    M. Pierre Dharréville

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    Faites-nous confiance !

    Mme Stella Dupont

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    Nous ferons en tout cas preuve d’une vigilance particulière en la matière dans les prochaines semaines et les prochains mois. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et Agir ens.)

    M. le président

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    La parole est à M. Gilles Carrez.

    M. Gilles Carrez

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    En 1981, les vannes de la dépense publique sont grandes ouvertes. (Exclamations sur les bancs du groupe SOC.) Neuf mois plus tard, en 1982, les cordes de rappel imposent leur loi – à l’époque, on appelait cela « la contrainte extérieure ». Puis, en 1983, c’est le tournant de la rigueur.
    À l’époque, la contrainte extérieure était celle du financement, celle de la dette ; les cordes de rappel, c’étaient les taux d’intérêt, qui doublèrent en quelques mois, l’inflation, qui explosa, les difficultés que rencontrait la France pour se financer – elle devait mendier des lignes de crédit auprès de l’Arabie Saoudite –, et le déficit du commerce extérieur, qui se creusait, le pouvoir d’achat distribué faisant tourner les usines à l’étranger ; on fut même obligé d’ouvrir des entrepôts improvisés à Poitiers pour y stocker les magnétoscopes !

    M. Jean-Luc Mélenchon

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    Vous n’avez pas des références plus récentes ?

    M. Gilles Carrez

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    À l’époque, la dépense publique plafonnait à 45 % du PIB ; en 2020, elle va dépasser 63 %. À l’époque, la dette publique était inférieure à 25 % du PIB ; elle atteint aujourd’hui 120 %.

    M. Jean-Luc Mélenchon

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    Pourriez-vous nous parler aussi de l’emprunt Balladur ? de l’emprunt Giscard ? des milliards de dépenses parasitaires ?

    M. Gilles Carrez

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    D’où cette question : le scénario dramatique de 1982-1983 peut-il se reproduire aujourd’hui ?
    À court et moyen terme, je ne le pense pas, parce que l’euro et la Banque centrale européenne nous protègent.

    M. Pierre Dharréville

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    Ah bon ? Nous sommes tranquilles, alors !

    M. Gilles Carrez

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    En 1982, avec le franc et la planche à billets de la Banque de France, ce n’était pas le cas. Toutefois, nous devons nous poser cette question : pouvons-nous nous endetter sans limite ?
    La facilité budgétaire, la domination budgétaire peuvent-elles durer indéfiniment ? Je ne le pense pas. La soutenabilité de la dette publique, voilà le principal défi auquel sont confrontées aujourd’hui nos finances publiques.

    M. Jean-Luc Mélenchon

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    Pas du tout ! Le défi, c’est la dette privée !

    M. Gilles Carrez

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    Or, étrangement, ce sujet n’est absolument pas abordé dans le rapport préparatoire au débat d’orientation des finances publiques.

    M. Éric Woerth, président de la commission des finances

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    Absolument !

    M. Gilles Carrez

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    Ce rapport, Éric Woerth l’a dit, est un feu d’artifice de dépenses. Certes, je ne nie pas la nécessité du soutien à la relance, mais, en dehors d’une pétition de principe – « on n’augmentera pas les impôts » –, il n’y a pas un mot sur le financement, ni sur la dette, qui explose.

    Mme Véronique Louwagie

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    Eh oui !

    M. Maxime Minot

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    Tout va très bien, madame la marquise !

    M. Gilles Carrez

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    C’est pourquoi je veux concentrer mon propos ce matin sur cette question : la dette. Peut-on vivre, chers collègues, avec une dette atteignant 120 % du PIB ?

    M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général

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    Lisez mon rapport !

    M. Gilles Carrez

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    Oui, tant que les taux d’intérêt restent faibles et que le pays peut se financer. Il y a une dizaine d’années, les économistes Reinhart et Rogoff ont montré, à travers l’étude de deux siècles de faillites et de défauts de paiement de pays, qu’autour de 100 % du PIB, on atteint une zone dangereuse.

    M. Jean-Noël Barrot

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    Il y avait une erreur dans le fichier Excel utilisé par les auteurs !

    M. Gilles Carrez

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    Il y a deux raisons à cela. La première, c’est que le service de la dette restreint les marges de manœuvre : le pays n’a plus les capacités d’investir, donc d’innover. La seconde est psychologique : quand la dette devient massive, les agents économiques s’attendent à des hausses d’impôts, ils ont peur de la faillite et adaptent en conséquence leur comportement.
    On nous cite, a contrario, l’exemple du Japon, dont la dette atteint 250 % du PIB. Mais cette dette est financée par l’épargne nationale ; en outre, j’observe que, depuis vingt ans, la croissance et le pouvoir d’achat stagnent au Japon. On peut aussi établir des comparaisons avec des situations dramatiques, comme celle de l’Argentine, qui était l’un des pays les plus riches au monde au sortir de la guerre et qui est complètement déclassée aujourd’hui, ou encore avec le Liban d’aujourd’hui. Ces comparaisons ne me paraissent pas appropriées.
    Nous devrions plutôt nous souvenir de ce qui s’est passé en 2008-2009 et, à nouveau, en 2011, lors de la crise de la dette souveraine. En Italie et en Espagne, pays pourtant protégés par l’euro, le différentiel de taux d’intérêt – ce que l’on appelle le « spread » – par rapport à l’Allemagne et même à la France s’est dramatiquement creusé, jusqu’à atteindre 400 ou 500 points de base. La dette publique de ces pays est devenue budgétairement insoutenable – et je ne parle pas de la Grèce et des efforts très douloureux qui ont été demandés à sa population. Et pourtant, en Italie et en Espagne, les budgets sont depuis plusieurs années votés et exécutés avec un solde primaire positif, c’est-à-dire en faisant table rase du passé. Il n’y a pas de frais financiers, et la seule question qui se pose est de savoir si l’on va être capable de compenser les dépenses de l’année par les recettes de l’année. C’est vrai en Italie, mais c’est faux en France : depuis des décennies, notre solde primaire est négatif.

    M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général

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    C’est vrai !

    M. Jean-Luc Mélenchon

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    Forcément ! Le capital ne paie pas !

    M. Gilles Carrez

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    C’est là qu’intervient un autre facteur, qui est très redoutable et dont est victime l’Italie : l’effet boule de neige de la dette publique. En effet, la croissance en volume du pays est tellement faible que, cela s’ajoutant à l’inflation, la croissance nominale est inférieure aux taux d’intérêt et la dette devient insoutenable. Si, pour le moment, notre pays a réussi à éviter cette situation, je suis persuadé que nous ne sommes pas à l’abri. C’est là tout le défi de la politique budgétaire et financière. Il convient de trouver le dosage le plus efficace entre les dépenses, la dette et l’accroissement de la productivité et de la compétitivité du pays. Comme M. Le Maire l’a dit tout à l’heure, l’attention doit se concentrer sur la bonne dépense : une dépense sélective, une dépense d’investissement, une dépense d’avenir. Mais l’attention doit aussi – et cela, le ministre ne l’a pas dit – se concentrer sur la conséquence de cette dépense qu’est la dette, qu’il nous faut maîtriser.
    Nous autres, députés du groupe Les Républicains, avons voté pour les trois collectifs budgétaires. Nous sommes parfaitement conscients que, dans les circonstances actuelles, en raison de la violence de la crise sanitaire, il faut tout faire pour préserver et renforcer notre potentiel de croissance. Cela passe par une augmentation des dépenses publiques – mais encore faut-il que ce soient les bonnes dépenses. Et cela passe par des baisses d’impôts – mais encore faut-il que ce soient les bonnes baisses d’impôts !

    M. Pierre Dharréville et M. Jean-Luc Mélenchon

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    Ou les bonnes augmentations !

    M. Gilles Carrez

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    En outre – et cela, le ministre l’a dit –, ce surcroît de dépenses doit être temporaire, productif et orienté vers des réformes de structure.

    Mme Véronique Louwagie

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    Tout à fait !

    M. Pierre Dharréville

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    Eh oui ! Il n’y a pas une feuille de papier à cigarettes entre Les Républicains et La République en marche !

    M. Gilles Carrez

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    Quant aux baisses d’impôts, qui creusent le déficit  Ah ! » sur les bancs du groupe GDR) – puisque, comme l’a rappelé Éric Woerth, elles sont financées par la dette –, elles aussi doivent renforcer la compétitivité de l’économie. Nous plaidons depuis trois ans pour une baisse des impôts de production, parce que nous savons que, même si c’est financé par de l’endettement à court terme, cela rapportera des recettes à moyen terme. Mais aujourd’hui, monsieur le ministre délégué chargé des comptes publics, vous êtes confronté à une impression d’argent magique ; c’est à un festival de promesses et de dépenses tous azimuts que se livre presque chaque jour le Président de la République.

    M. Jean-Luc Mélenchon

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    C’est plutôt une politique d’austérité qui est menée en ce moment…

    M. Gilles Carrez

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    Cela ne peut que vous rendre la tâche plus difficile. De surcroît, l’histoire budgétaire de ces dernières années ne peut qu’encourager l’insouciance, la préférence pour le court terme et, en définitive, l’irresponsabilité financière.
    Quelle est la réalité budgétaire française ? Depuis trop longtemps, la dette publique finance en premier lieu des dépenses de fonctionnement récurrentes – masse salariale, transferts sociaux, dépenses de santé – et très accessoirement des dépenses d’investissement. S’il est légitime de financer par la dette la construction d’un hôpital parce qu’il servira pour plusieurs générations, il n’est pas légitime, il est même injuste de financer par la dette la consommation de médicaments, car nos enfants et petits-enfants auront à payer deux factures : la leur et celle de leurs aïeux.

    M. Jean-Luc Mélenchon

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    Oui, mais si nous ne nous soignons pas, ils n’auront plus de parents !

    M. Pierre Dharréville

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    Taxez Sanofi !

    M. Gilles Carrez

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    Depuis trente ans, le déficit du budget de l’État est chaque année de deux à cinq fois supérieur aux dépenses d’investissement, qui sont de l’ordre de 20 milliards d’euros.

    M. Jean-Paul Dufrègne

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    Vous ne pensez qu’à diminuer les recettes. Imposez le capital !

    M. Gilles Carrez

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    Par conséquent, chaque emprunt nouveau sert à financer non seulement les intérêts de la dette, mais également la paie des fonctionnaires…

    M. Jean-Paul Dufrègne

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    Ah ! Ces infirmières !

    M. Gilles Carrez

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    …– et cela, à partir du 1er décembre, les bonnes années, et à partir du 1er novembre, les moins bonnes. De ce point de vue, l’année 2020 va battre tous les records, avec un déficit budgétaire de 222 milliards d’euros pour 460 milliards d’euros de dépenses.
    Pourtant, depuis des années, les bonnes intentions n’ont pas manqué, ici même, pour essayer de réserver la dette au financement de l’investissement. Je me souviens qu’en 2008, lorsqu’on a réformé la Constitution, un certain nombre d’entre nous étaient favorables à l’introduction d’une règle d’or pour ce faire. Cela n’a pas été possible.

    M. Jean-Paul Dufrègne

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    Tiens ? Sarkozy se serait-il trompé ?

    M. Gilles Carrez

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    On s’est borné à inscrire dans la Constitution l’objectif d’équilibre à moyen terme des finances publiques et à prévoir des lois de programmation pluriannuelle qui, au demeurant, ne sont jamais respectées.

    M. Jean-Paul Dufrègne

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    Serait-ce un mea culpa ?

    M. Gilles Carrez

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    Nous avons été quelques-uns à nous battre pour une règle d’or portant au moins sur le nécessaire équilibre, sur le cycle économique, des comptes sociaux, mais nous ne l’avons pas obtenue.
    Et puis, on a aussi débudgétisé, pour la bonne cause, des dépenses de recherche et d’investissement : ce fut, pour 45 milliards d’euros, l’objet des programmes d’investissements d’avenir – il y eut trois PIA.

    M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général

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    Très bonne mesure !

    M. Gilles Carrez

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    Cette démarche était en effet excellente, monsieur le rapporteur général, sauf que, dans le même temps, l’État continuait d’emprunter massivement pour financer ses dépenses de fonctionnement. En définitive, les PIA ont accéléré l’endettement.

    M. Jean-Paul Dufrègne

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    C’est vrai qu’en matière de dette, Sarkozy a fait très fort…

    M. Gilles Carrez

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    Aujourd’hui, deux nouvelles pistes s’ouvrent, pour malheureusement toujours plus de dette : la dette européenne mutualisée et le cantonnement de la dette nationale dite covid.
    Que l’Europe emprunte pour financer des dépenses d’avenir, des investissements dans la transition énergétique, les infrastructures, la recherche, la santé, pourquoi pas ; mais un emprunt, même européen, finit toujours par se rembourser, y compris avec des taux d’intérêt bas. Or j’ai trouvé le Président de la République peu disert sur le sujet.

    M. Fabien Roussel

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    Et pour cause !

    M. Gilles Carrez

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    Les nouvelles ressources européennes ? Ceux qui ont un peu d’expérience dans cette maison ne peuvent être que sceptiques !
    La taxe sur les transactions financières ? Elle a été introduite dans le code général des impôts – avec un taux nul, il est vrai – dès 2000. Au cours de la précédente législature, il ne se passa pas un seul examen de projet de loi de finances sans que Michel Sapin ne nous annonce que, dans les quinze jours, dans les huit jours ou dans les quarante-huit heures, l’Allemagne allait l’instaurer.

    Mme Véronique Louwagie

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    C’est vrai, il disait toujours que c’était imminent !

    M. Gilles Carrez

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    Résultat : on attend toujours que le Bundestag la vote.

    M. Jean-Luc Mélenchon

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    Il ne la votera jamais !

    M. Gilles Carrez

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    Nous, nous l’avons fait – mais pas les autres.
    La taxe GAFA ? Nous avons soutenu les efforts de Bruno Le Maire ; je regrette l’échec auquel, objectivement, nous sommes aujourd’hui confrontés.
    La taxe carbone aux frontières ? C’est une bonne idée, mais il faudra des décennies pour l’appliquer, à en juger par le précédent de la taxe sur les transactions financières.
    En revanche, il y a dans l’accord européen quelque chose de très inquiétant : l’augmentation des rabais dont bénéficient certains pays.

    M. Jean-Luc Mélenchon

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    Ah oui, c’est injuste !

    M. Gilles Carrez

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    La contribution annuelle de la France au budget européen risque donc fort d’augmenter. On nous dit que nous récupérerons 40 milliards d’euros sur 750, mais 40 milliards, cela représente à peine deux ans de prélèvements européens dans le budget annuel de notre pays !

    M. Jean-Luc Mélenchon

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    C’est certain !

    M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général

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    Pas tout à fait !

    M. Gilles Carrez

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    Monsieur le ministre délégué, j’aimerais que vous nous rassuriez : cet accord n’est-il pas un marché de dupes ?
    Quant au cantonnement de la dette…

    M. Jean-Luc Mélenchon

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    Enfin, on en parle !

    M. Gilles Carrez

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    …nous l’avons déjà fait pour la dette sociale avec la création de la CADES, la Caisse d’amortissement de la dette sociale, en 1996, et nous avons vu le résultat. Tout d’abord, ce n’est pas parce qu’une dette est cantonnée que cela dispense de la rembourser.

    M. Jean-Luc Mélenchon

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    Voilà !

    M. Gilles Carrez

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    Ensuite, l’emprunt de la CADES a par moments été plus coûteux que l’emprunt direct de l’État.

    Mme Valérie Rabault

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    Parce qu’il n’y avait pas assez de souches !

    M. Gilles Carrez

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    Il a fallu trouver 7 milliards d’euros par an et pour cela créer un prélèvement obligatoire supplémentaire, la CRDS – contribution pour le remboursement de la dette sociale.

    M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général

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    C’est justement pour cela que nous allons transférer 136 milliards d’euros à la CADES !

    M. Gilles Carrez

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    Enfin, cette dette est en train de devenir perpétuelle. Son extinction a été prévue en 2020, puis en 2025, et maintenant, monsieur le rapporteur général, en 2042 ou 2043.

    M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général

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    En 2042 !

    M. Gilles Carrez

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    Par conséquent, le cantonnement relève de l’illusion. Cela me rappelle le lapin blanc que le prestidigitateur fait disparaître, mais qui finit invariablement par réapparaître quelque part. (Sourires.) Monsieur le ministre délégué, je crains que le cantonnement ne soit qu’une facilité supplémentaire pour escamoter une partie de la dette et s’autoriser ainsi à emprunter toujours plus. Je voudrais donc vous faire une proposition en la matière.

    M. Jean-Luc Mélenchon

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    Ah !

    M. Gilles Carrez

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    Le rapporteur général s’intéresse d’ailleurs de très près à ce sujet, et je le salue pour ses efforts. À partir de maintenant, il faudrait cantonner la mauvaise dette, comme on le fait dans les entreprises, dans des structures de défaisance. En d’autres termes, toute la dette correspondant à des dépenses de fonctionnement récurrentes devrait être mise à part. Peut-être cela ferait-il prendre conscience du problème colossal qu’est en train de devenir, dans notre pays, la soutenabilité de la dette. En 2005, il y avait eu un déclic : on avait créé la fameuse commission dirigée par Michel Pébereau. Comme par hasard, 2005 et 2006 ont été, en vingt ans, les deux seules années où le solde primaire fut positif et où la dette, en pourcentage du PIB, a diminué.
    Cependant, l’imagination ne s’arrête pas au cantonnement, ni à la dette contractée par les autres pays européens. Certains nous proposent de rendre la dette perpétuelle, voire de ne pas la rembourser du tout, en tout cas s’agissant de la dette détenue par les banques centrales. La dette perpétuelle a déjà existé : c’est elle qui a fait vivre les rentiers durant tout le XIXe siècle. Elle coûtait très cher, en tout cas beaucoup plus cher que le système actuel.

    M. Jean-Luc Mélenchon

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    Mais nous proposons une dette sans paiement d’intérêt !

    M. Gilles Carrez

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    Les rachats massifs de titres souverains par la Banque centrale européenne, la BCE, nous ont en effet permis d’aboutir à une dette renouvelable que l’on en vient à appeler « dette roulante » et qui est de facto perpétuelle, mais à coût très faible.

    M. Jean-Luc Mélenchon

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    D’accord ! L’inflation est alors la meilleure solution !

    M. Gilles Carrez

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    Il y a toutefois deux conditions à cela. La première est que le taux d’inflation n’augmente pas ou, en tout cas, ne dépasse pas 2 % : ce sera certainement encore le cas durant quelques années, puisque cet objectif fait partie du mandat de la BCE. La seconde est de prendre garde au pourcentage maximal de dette souveraine que peut supporter le système des banques centrales. Pendant la pandémie, on s’est autorisé jusqu’à 50 %, contre un peu plus de 30 % en temps normal.

    M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général

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    Il y a de la marge !

    M. Gilles Carrez

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    Monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, nous devons consacrer des travaux approfondis à cette question absolument cruciale.
    Quant à l’annulation pure et simple de la dette, elle constituerait une erreur gravissime car elle compromettrait la confiance, et donc la protection que nous confèrent aujourd’hui l’euro et le système monétaire européen.

    M. Jean-Luc Mélenchon

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    Jamais de la vie !

    M. Gilles Carrez

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    Monsieur Mélenchon, vous consulterez vos sources. Je suis frappé de constater qu’entre 1981 et 1984, en pleine crise, alors que le gouvernement comptait des ministres communistes,…

    M. Pierre Dharréville

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    Eh oui !

    M. Gilles Carrez

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    …pas un seul n’a osé demander l’annulation, même partielle, de la dette.

    M. Pierre Dharréville

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    On ne leur en a pas laissé le temps !

    M. Gilles Carrez

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    Ils jugeaient cette idée contre-productive.

    M. Jean-Luc Mélenchon

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    Ne parlez pas pour eux, s’il vous plaît !

    M. Gilles Carrez

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    Ce que je dis est historique, monsieur Mélenchon.

    M. Pierre Dharréville

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    Historique comme l’accord européen ?

    M. Gilles Carrez

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    C’est un fait.
    Dans la situation actuelle, quelles propositions peut-on faire ? Le déficit colossal de cette année – 10 à 11 % du PIB – va entraîner une envolée de la dette, qui atteindra 120 % du PIB. Monsieur le ministre délégué, je suis surpris que, dans votre document, la cible en matière de déficit pour 2021 soit de 5,5 %. Quoique inférieur à 10 ou 11 %, ce chiffre est trop élevé. En effet, si vous ne restez pas sensiblement en dessous, la dette augmentera encore. Or une dette supérieure à 120 % du PIB est dangereuse – vous êtes d’accord avec moi, je crois, pour dire qu’il ne faut pas dépasser ce plafond.
    Nous devons garder l’œil rivé sur un indicateur essentiel, trop peu utilisé : le déficit structurel stabilisant. Il s’agit du déficit de nos comptes publics qui n’entraîne pas une augmentation de la dette, en pourcentage du PIB. Cela dépend évidemment de l’inflation, de la croissance et des taux d’intérêt. Aujourd’hui, le déficit structurel stabilisant tourne autour de 2 % : ce n’est pas hors de portée. Il faut revenir le plus vite possible à ce niveau.
    Un deuxième indicateur doit également nous guider : le solde primaire, que Dominique Strauss-Kahn fut le premier à mettre en valeur. On peut concevoir notre dette de 100 % du PIB comme notre héritage. Il est alors sain, responsable, de se demander si en faisant table rase du passé, en retranchant des dépenses les intérêts et les frais financiers que génère la dette, nous parviendrions à équilibrer nos dépenses et nos recettes. Monsieur le ministre délégué, il faut absolument revenir à l’équilibre du solde primaire.

    M. Jean-Luc Mélenchon

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    Pour cela, il faut augmenter les recettes !

    M. Gilles Carrez

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    Votre responsabilité sera immense : d’après le rapport de la Cour des comptes, dix années de stabilité de la dépense, en volume, nous feraient gagner près de 20 points de dette. Nous desserrerions le carcan ! Or il est de votre ressort de maîtriser les dépenses, qu’elles soient bonnes ou mauvaises, qu’elles soient temporaires, d’investissement ou récurrentes.
    En ce moment ont lieu les conférences budgétaires : les ministres viennent, les uns après les autres, présenter pour chaque budget des augmentations qui se chiffrent en milliards, voire en dizaines de milliards d’euros. C’est l’argent magique !

    M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général

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    Mais non !

    M. Gilles Carrez

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    Il faut résister à cette facilité. Gérald Darmanin a perdu beaucoup trop d’arbitrages : l’équipe chargée des finances publiques n’est pas soutenue par le Président de la République, ce qui est quelque peu gênant. Mais il faut que vous teniez bon, sans quoi nous risquons d’aller à la catastrophe. Il y a surtout un écueil à éviter : sous la précédente législature, vous étiez député socialiste.

    M. Olivier Dussopt, ministre délégué

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    C’est vrai.

    M. Gilles Carrez

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    Ne répétez donc pas l’erreur monstrueuse…

    M. Alain David

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    Attention à ce que vous allez dire !

    M. Gilles Carrez

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    …qui a consisté, dès la loi de finances rectificative d’août 2012, puis en 2013 et en 2014, à matraquer fiscalement les entreprises et les classes moyennes.

    M. Olivier Dussopt, ministre délégué

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    C’est vrai aussi.

    M. Jean-Louis Bricout et Mme Christine Pires Beaune

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    Et le CICE ?

    M. Gilles Carrez

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    L’incontinence fiscale de la majorité de l’époque, au début de la législature, a asphyxié le pays. En tant que président de la commission des finances, j’en ai été témoin : c’est elle qui a plombé, d’entrée de jeu, le quinquennat de François Hollande !

    M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général

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    Cela avait quand même commencé un peu avant…

    M. Gilles Carrez

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    Monsieur le ministre délégué, il vous faut donc être extrêmement vigilant. Votre rôle est capital.

    M. Fabien Roussel

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    Capital, ça c’est sûr ! (Sourires.)

    M. Gilles Carrez

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    J’espère que le rapporteur général sera à vos côtés : aider à tenir les comptes publics constitue un aspect très important de son mandat, et il ne doit pas reculer, au besoin, devant un conflit avec le Gouvernement, avec tel ou tel ministre.
    La signature de la France reste très respectée. Depuis la banqueroute des deux tiers, en 1797, notre pays n’a jamais fait défaut. Seul le Royaume-Uni est dans le même cas. L’Allemagne même a fait défaut à plusieurs reprises au XIXe siècle puis au XXe siècle. Nous avons la confiance de nos prêteurs, mais il faut savoir que les deux tiers d’entre eux ne sont pas français – pas même européens, pour une bonne partie –,…

    M. Alain David

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    Ils sont plutôt chinois !

    M. Gilles Carrez

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    …et que les taux d’intérêt sont bas voire négatifs. En apparence, tout va bien, d’où l’argent magique ; mais il ne faut en aucun cas céder à l’insouciance. Le bilan de la Réserve fédérale américaine dépasse aujourd’hui les 7 000 milliards de dollars :…

    M. Jean-Luc Mélenchon

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    Ah !

    M. Gilles Carrez

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    …il a augmenté de 66 % en trois mois. Le budget de la BCE a démesurément enflé à la suite de ses rachats massifs. De tout cela ressort une évidence : l’orage se rapproche.

    M. Jean-Luc Mélenchon

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    Ah !

    M. Fabien Roussel

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    C’est pourquoi il faut changer de système !

    M. Gilles Carrez

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    Une grave crise financière est inévitable à plus ou moins brève échéance.

    M. Jean-Luc Mélenchon

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    Vous allez voir comment ils vont effacer la dette !

    M. Gilles Carrez

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    Il vaudra mieux alors que notre pays ne soit pas lesté d’une dette insoutenable. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)        

    Plusieurs députés du groupe LR

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    Belle démonstration !

    M. le président

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    La parole est à M. Jean-Noël Barrot.

    M. Jean-Noël Barrot

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    La triple crise sanitaire, économique et sociale liée à l’irruption de la covid-19 met à rude épreuve la programmation de nos finances publiques. Mais l’incertitude qui entoure les prévisions sanitaires et économiques ne doit pas nous exonérer d’un débat sur ce qui a été fait, et sur ce qui doit l’être. Permettez-moi donc de faire quelques remarques au nom des députés du groupe du Mouvement démocrate et apparentés.
    Les efforts de réduction des déficits que nous avons consentis depuis le début de la législature nous ont permis d’entrer dans cette crise avec des comptes publics plus solides que si nous avions maintenu le rythme des trois dernières décennies. Bien sûr, cher Gilles Carrez, on peut toujours regretter que nous n’ayons pas su aller plus vite, plus loin, dans le rétablissement des finances publiques. Il faut toutefois rappeler qu’en matière de déficit public, les résultats des trois premières années de cette législature sont relativement bons.

    M. Alain Ramadier

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    Relativement !

    M. Jean-Noël Barrot

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    En 2017 comme en 2018, le déficit s’établit autour de 2,5 points de PIB, soit le meilleur résultat depuis 2007. En 2019, le déficit atteint 3 points de PIB si l’on tient compte de la transformation du CICE en baisse de charges permanente. Sans la double comptabilisation entraînée par cette mesure, le déficit tombe à 2,1 points de PIB – heureuse conséquence des efforts réalisés, qui ont du reste permis à la France de sortir enfin de la procédure pour déficit excessif.
    Ces efforts n’ont pas été le seul fait de l’État. Les collectivités et les organismes de sécurité sociale y ont largement contribué. Je voudrais à ce propos revenir sur l’émergence d’une nouvelle forme de coordination entre l’État et les collectivités, placée sous le signe de la transparence et du partage des responsabilités, loin des baisses de dotation uniformes, non concertées, qui avaient marqué la législature précédente. Le pacte de Cahors a ainsi permis, par contractualisation, d’atteindre très largement les objectifs de modération de la croissance des dépenses des collectivités, notamment des dépenses de fonctionnement,…

    M. Fabien Roussel

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    Pour les collectivités, 11 milliards d’euros de moins ! Merci pour elles !

    M. Jean-Noël Barrot

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    …tout en faisant davantage confiance à ces mêmes collectivités quant aux moyens d’y parvenir.
    Dans un contexte de ralentissement international, la croissance française de 2019 est restée, comme en 2018, robuste et supérieure à la moyenne de la zone euro. Pour la première fois depuis plus d’une décennie, le PIB français a augmenté plus vite que celui de nos partenaires allemands.
    La croissance est principalement portée par l’investissement et la consommation, dans un contexte de ralentissement de la demande mondiale : l’investissement des entreprises non financières, en hausse de 3,7 %, a atteint en 2019 un niveau historiquement haut, et la consommation des ménages a crû en 2019, soutenue par une croissance importante du pouvoir d’achat. Cette hausse a été permise par les réformes votées depuis 2017, comme la réforme du marché du travail et celles des divers secteurs d’activités concernés par la loi relative à la croissance et la transformation des entreprises – la loi PACTE –, qui ont accompagné une nette baisse du chômage, ainsi que par les mesures tendant à abaisser la fiscalité des ménages, comme la suppression de la taxe d’habitation pour 80 % des Français et le transfert des cotisations salariales vers la contribution sociale généralisée – CSG –, sans oublier la baisse de l’impôt sur le revenu pour les classes moyennes et le renforcement des dispositifs de soutien aux salariés – la prime d’activité – et aux Français plus fragiles – notamment la hausse de l’allocation aux adultes handicapés.
    La meilleure tenue des comptes publics et la croissance soutenue de 2018 et 2019 nous ont permis de réagir à la crise sanitaire aussi rapidement que massivement et de prendre les meilleures décisions, en l’état des connaissances du moment, pour préserver la santé de nos concitoyens et celle de nos entreprises.
    Certes, le confinement a été un choc brutal pour les entreprises, les artisans, les commerçants et l’économie en général. Mais nous avons amorti le choc du mieux possible pour empêcher que le temporaire ne se transforme en permanent. Il convenait de préserver, quoi qu’il en coûte, notre tissu productif et notre patrimoine entrepreneurial.
    Entre le 15 mars et le 3 juillet 2020, le montant total du report de cotisations sociales s’élevait à 25,92 milliards d’euros, soit plus d’un quart des cotisations dues en temps normal. Au 7 juillet, le montant des aides accordées au titre du fonds de solidarité était de 5 milliards d’euros ; elles ont permis d’aider plus de 1,7 million de petites entreprises, de professions libérales, d’autoentrepreneurs et de commerçants. En outre, 500 000 entreprises, parmi les plus petites du pays, ont bénéficié de prêts garantis par l’État. L’activité partielle a bénéficié à plus de 7 millions de salariés depuis le mois de mars. Au total, les mesures de soutien mises en œuvre par les pouvoirs publics, en premier lieu par l’État, représentent 460 milliards d’euros, dont 57,5 milliards de dépenses au sens maastrichtien. Ce bouclier anti-faillites et anti-licenciements a permis de contenir la très forte hausse du chômage qu’ont pu connaître d’autres pays du monde.
    Nous entrons désormais dans une deuxième phase de la réponse à la crise, celle de la relance, dans l’objectif de retrouver à l’horizon d’un an le niveau d’activité de la fin de l’année 2019 et de résorber le déficit d’emploi d’ici à la fin de l’année 2021. Cela constitue un réel défi.
    La détermination du Président de la République ainsi que la réactivité exceptionnelle du Gouvernement et des services dont vous avez la responsabilité, monsieur le ministre délégué, expliquent certainement l’évolution favorable de la situation économique que décrit l’INSEE dans une note publiée il y a quelques minutes, laquelle fait état d’un vif rebond dans tous les secteurs.
    Vous avez en effet agi efficacement pour soutenir la demande dans toutes ses composantes : la consommation, d’abord, avec l’activité partielle qui a maintenu le pouvoir d’achat des salariés, et les dispositifs de prime à la conversion ou les chèques-services, dont nous savons qu’ils sont les instruments les plus efficaces pour activer l’épargne forcée accumulée pendant le confinement ; la commande publique, ensuite, avec les avances et les dotations nouvelles ouvertes pour les collectivités.
    Vous avez aussi préservé la capacité productive du pays en faisant le choix de maintenir le capital humain dans les entreprises et en soutenant massivement la trésorerie de ces dernières. Nous avons engagé avec vous une réflexion sur les fonds propres des entreprises pour éviter que l’endettement accumulé pendant la crise ne compromette la reprise de l’investissement.
    Tout cela, les salariés, les chefs d’entreprise, les artisans et les commerçants le savent ; ils reconnaissent la qualité de l’exécution des politiques publiques.

    M. Jean-Paul Mattei

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    En effet !

    M. Jean-Noël Barrot

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    Mais nous sommes encore très loin de la sortie de crise, et l’intervention massive de la puissance publique dans le soutien à l’économie et à l’emploi nous impose, en même temps que nous débattons de l’orientation des finances publiques, le réexamen de nos priorités collectives. Les députés du groupe MODEM identifient trois principaux chantiers en la matière.
    Tout d’abord, l’adaptation de l’économie au défi climatique : la relance doit être l’occasion d’accélérer la transformation à long terme de notre économie dans le domaine environnemental. Prenons l’exemple des plans de relance de l’automobile et de l’aéronautique. Ils contiennent deux types de mesures : celles visant à redémarrer l’activité de ces secteurs, et les crédits de soutien à l’investissement. S’agissant de la relance de l’activité, le plan automobile traduit une volonté de renouveler le parc automobile en privilégiant les véhicules propres, notamment à travers le renforcement du bonus écologique pour les véhicules hybrides et électriques. En matière de soutien à l’investissement, les deux plans portent une attention toute particulière à la recherche et développement pour accélérer la transition vers les carburants bas carbone comme l’hydrogène et l’électricité. Nous espérons que le plan qui sera présenté à la fin de l’été poursuivra l’effort de transformation des entreprises dans cette direction.
    Le deuxième chantier est celui du renforcement de notre modèle social et de l’accompagnement de chacun à tous les âges de la vie. Il doit donner la priorité à la jeunesse, trésor de la nation, à laquelle nous devons accorder toute notre attention dans les mois qui viennent en poursuivant le développement du service civique et de l’apprentissage, qui sont des voies d’excellence pour l’accès à la citoyenneté et à l’emploi. Il doit apporter un soutien à toutes les familles en reconnaissant qu’elles sont le premier lieu de la solidarité et de la transmission, qu’il nous faut renforcer chaque fois que nous le pouvons. Il doit lancer une nouvelle politique pour l’autonomie, appuyée sur la création de la cinquième branche de la sécurité sociale que viendra consacrer le vote de cet après-midi.
    Le troisième chantier est celui de l’indépendance et de la souveraineté. La relocalisation des activités ne se fera pas par décret. La relocalisation de la valeur ajoutée en France suppose que le terreau soit fertile : elle nécessite une recherche dynamique menée par des universités plus autonomes, un environnement fiscal et réglementaire non dissuasif et des infrastructures – numériques et de mobilité – de classe mondiale.
    Nous le savons, la France se distingue par un niveau anormalement élevé des impôts de production qui, en taxant les sociétés avant même qu’elles ne fassent de bénéfices, affecte fortement la compétitivité de nos entreprises, en particulier dans le secteur industriel. Ces impôts, en premier lieu la C3S – contribution sociale de solidarité des sociétés –, la CVAE – cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises – et la CFE – cotisation foncière des entreprises –, sont parmi les premiers obstacles à la relocalisation des activités et à la souveraineté productive que nous appelons de nos vœux.

    M. Fabien Roussel

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    Et qui va payer ?

    Mme Valérie Rabault

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    Les ménages !

    M. Jean-Noël Barrot

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    Nous soutenons donc la proposition du ministre de l’économie de les faire baisser dans le cadre du plan de relance qui sera proposé cet été.

    M. Fabien Roussel

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    Qui va payer ?

    Mme Valérie Rabault

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    Les classes moyennes !

    M. Jean-Noël Barrot

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    J’ajouterai, si vous me le permettez, un quatrième chantier : l’association la plus large de tous les Français aux fruits de la prospérité, une fois que nous l’aurons retrouvée. Elle passera notamment par la revalorisation des rémunérations de celles et ceux qui ont été en première ou en deuxième ligne pendant la crise sanitaire. Sur ce point, les résultats du Ségur de la santé vont dans la bonne direction. Il faudra toutefois aller plus loin et permettre à tous les salariés, à travers un développement plus large et plus ambitieux de la participation, de l’intéressement et de l’actionnariat salarié, de partager les fruits de la croissance et d’être associés directement aux enjeux stratégiques et aux décisions de leur entreprise.

    M. Jean-Paul Mattei et M. Brahim Hammouche

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    Très bien !

    M. Fabien Roussel

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    Les actionnaires vont recevoir des dividendes !

    M. Jean-Noël Barrot

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    Un mot de méthode, enfin, pour souligner les progrès que nous avons réalisés collectivement, Parlement et Gouvernement, printemps après printemps, en matière d’évaluation des politiques publiques. Comme l’a rappelé le Premier ministre la semaine dernière, « c’est sur l’exécution que nos concitoyens nous attendent et sont fondés à nous juger. »
    Je me réjouis que les progrès se poursuivent en 2020, à commencer par ceux de l’évaluation ex ante. Après avoir mis en place un outil permettant à chaque parlementaire de mesurer en direct les effets d’un amendement concernant l’impôt sur le revenu sur les finances publiques, la distribution des revenus et les inégalités, la commission des finances a développé, en lien avec la direction interministérielle du numérique, un nouvel outil, LexImpact, qui permettra d’estimer l’impact d’une modification du projet de loi de finances pour 2021 sur les dotations des communes.
    Par ailleurs, dès le PLF pour 2021, la France sera le premier État au monde à présenter un budget vert recensant l’impact environnemental des dépenses fiscales et des politiques publiques. Ce nouveau document budgétaire constitue une avancée fondamentale dans l’amélioration de la lisibilité et de la transparence de l’information budgétaire et, plus généralement, du contrôle ex ante du Parlement sur les textes financiers.
    Les progrès en matière d’évaluation des finances publiques se sont aussi matérialisés dans la réponse à la crise du covid-19. Au début du mois d’avril, la commission des finances a décidé de modifier ses travaux préparatoires au printemps de l’évaluation en recentrant les travaux des rapporteurs spéciaux sur les effets de la crise sur les politiques publiques et l’exécution du budget 2020 à mi-parcours. En parallèle, un comité présidé par Benoît Cœuré a été chargé de veiller au suivi de la mise en œuvre et à l’évaluation des mesures de soutien financier aux entreprises confrontées à l’épidémie de covid-19. La création de ce comité, déjà très actif, et auquel participent, parmi d’autres parlementaires, le président et le rapporteur général de la commission des finances, montre que l’évaluation s’intègre tous les jours un peu plus dans notre culture politique.
    Ce mardi 21 juillet à l’aube, l’Europe a fait un pas de géant qui change tout. Soixante-dix ans après la déclaration Schuman et la création de la Communauté européenne du charbon et de l’acier – CECA –, vingt ans après la création de l’euro, les pays d’Europe ont décidé de faire front commun et de poursuivre leur intégration politique en levant une dette commune et en se fixant des objectifs budgétaires communs. C’est un accord historique, tant par l’ampleur des sommes engagées – 750 milliards d’euros qui s’ajoutent au cadre financier pluriannuel et qui se répartissent en 77 milliards d’euros d’aides des programmes européens, 360 milliards de prêts et 312 milliards de subventions directes – que par ses modalités, puisque tous les Européens seront solidaires de la dette. Fruit de l’engagement exceptionnel du Président de la République depuis trois ans, cet accord, en lien avec le plan de relance que vous présenterez cet été, monsieur le ministre délégué, ouvre un nouvel horizon et l’espoir d’un meilleur avenir pour tous les Français et pour tous les Européens. (Applaudissements sur les bancs des groupes MODEM et LaREM.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Valérie Rabault.

    Mme Valérie Rabault

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    Ce débat d’orientation budgétaire devrait être aussi inédit que l’ampleur du choc économique que nous vivons, et parce qu’il est inédit, le Gouvernement aurait gagné à présenter un document de combat. Au lieu de cela, vous nous présentez un document équivalent, pour les trois quarts, à celui de l’an dernier. J’avais indiqué au Premier ministre, à l’issue de sa déclaration de politique générale, que le Gouvernement n’était pas suffisamment en mode « urgence » ; je le redis aujourd’hui à la lecture du document communiqué pour ce débat d’orientation budgétaire. Permettez-moi de vous en donner quelques illustrations.
    Monsieur le ministre délégué, vous dites vouloir attendre le 24 août prochain pour présenter votre plan de relance. C’est beaucoup trop tard !

    Mme Véronique Louwagie

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    Bien sûr ! Nous n’avons cessé de le dire !

    Mme Valérie Rabault

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    De plus, le document n’inclut pas les conclusions du Ségur de la santé. Ces dépenses existent-elles réellement ? En tout cas, elles ne figurent pas dans le document.
    En outre, à la page 19 du rapport, il est écrit qu’un amendement au PLFR3 viendrait compenser les pertes de TVA et de TICPE – taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques – pour les régions à hauteur de 700 millions d’euros. Mais, monsieur le ministre délégué, nous n’avons jamais vu la couleur de cet amendement ! Il n’a jamais été présenté et, par conséquent, il n’a pas été voté !
    Je continue sur le chapitre des collectivités locales. Vous avez suspendu en 2020 les contrats de Cahors, qui encadrent l’évolution de leurs dépenses de fonctionnement. Or, bien que le débat d’aujourd’hui concerne l’année 2021, vous ne dites rien de leur devenir pour les années 2021 et 2022. Les contrats de Cahors seront-ils, oui ou non, rétablis par le Gouvernement ?
    Par ailleurs, qui prendra en charge le coût de la suppression de 10 milliards d’euros d’impôts de production ? Les régions ? Ou l’État, via une compensation aux régions ? Sur tous ces montants, vous gardez le silence.
    La forme du document révèle de très nombreux trous dans votre perspective budgétaire pour l’année 2021. Ces imprécisions, pour ne pas dire ces manquements, jettent le doute sur votre sérieux et votre capacité à gérer cette crise inédite.
    Je souhaite maintenant en venir au fond. Si l’on regarde les prévisions de la Commission européenne, réajustées il y a quelques jours, la France serait, avec la Grèce, la Finlande et la Croatie, l’un des seuls pays de l’Union européenne dont le PIB sera, à la fin de l’année 2021, inférieur de plus de 3 points à son niveau de 2019.
    Trois points de PIB, c’est beaucoup : plus de 75 milliards d’euros de richesse en moins qu’en 2019. À titre de comparaison, le PIB de l’Allemagne serait, fin 2021, inférieur d’un point à celui qu’elle avait fin 2019. Elle serait ainsi trois fois moins touchée que nous.
    Ces chiffres ne sont bien sûr que des prévisions, qu’il convient de prendre avec précaution, mais ils devraient tout de même vous alerter et vous inciter à vous mettre en mode « urgence ». Attendre le 24 août pour présenter votre plan de relance qui ne sera pas appliqué avant fin 2020 n’est pas raisonnable. L’Espagne a mis moins d’un mois à créer un revenu de base pour les Espagnols, en particulier les jeunes ! Et l’Allemagne a présenté son plan d’urgence le 3 juin, il y a près de deux mois, qui comprend un volet pour relancer la demande, ce qui était inimaginable outre Rhin au regard de la doctrine qui a prévalu durant cinquante ans.
    Monsieur le ministre, parmi toutes ces urgences, la jeunesse devrait être votre priorité. Les 700 000 jeunes qui arriveront sur le marché du travail en septembre ne doivent pas commencer leur vie professionnelle par une période de chômage. C’est vrai, vous annoncez des mesures pour inciter les entreprises à recruter des jeunes, mais les documents que vous nous avez remis ne font pas apparaître la moindre ligne budgétaire à cet effet.
    En revanche, pour les jeunes que les entreprises n’auraient pas recrutés malgré la perspective de voir leurs cotisations réduites, vous n’instaurez aucun filet de solidarité.

    M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général

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    Et le PLFR3 ? Regardez les ouvertures de crédit !

    Mme Valérie Rabault

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    Ne vous inquiétez pas, monsieur le rapporteur général, je les ai bien étudiées. Répondez plutôt à ma question : les jeunes pourront-ils percevoir le RSA – revenu de solidarité active ? Non.

    M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général

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    Ce n’est pas le choix que nous avons retenu.

    Mme Valérie Rabault

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    Auront-ils droit aux allocations chômage ? Non plus, car ils n’ont pas travaillé.

    M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général

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    Nous préférons valoriser le travail.

    Mme Valérie Rabault

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    Les jeunes pourront-ils à nouveau bénéficier de l’aide à la recherche du premier emploi, que vous avez supprimée en 2019 alors qu’elle leur permettait de percevoir jusqu’à 550 euros par mois ? Monsieur le rapporteur général, vous n’avez prévu aucune mesure pour soutenir financièrement les jeunes qui sortent de l’université et se retrouvent sur le marché de l’emploi, en dehors du repas au CROUS – centre régional des œuvres universitaires et scolaires – à 1 euro. Vous ne leur accordez aucune aide, en euros sonnants et trébuchants.

    M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général

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    Ce n’est pas vrai ! 400 millions pour l’apprentissage !

    Mme Christine Pires Beaune

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    Vous oubliez les jeunes pauvres !

    Mme Valérie Rabault

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    Si vous voulez réellement aider les jeunes, restaurez l’aide à la recherche du premier emploi pour six mois ! Cela leur assurera jusqu’à 550 euros par mois et leur permettra de ne pas se retrouver sans le sou en septembre. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et quelques bancs du groupe GDR.)
    Pour ce qui concerne l’université, vous nous avez remis un document ce matin, deux minutes avant le début de la séance ! C’est vrai, vous avez débloqué quelques crédits mais ils seront bien insuffisants pour prendre en charge les 35 000 bacheliers supplémentaires de cette année, pour lesquels vous n’avez pas ouvert suffisamment de places pour septembre et qui entreront en concurrence avec les étudiants qui, faute d’avoir pu trouver un emploi, décideront d’étudier une année de plus à l’université. Ni ce débat d’orientation budgétaire ni le PLFR3 n’apportent de réponses à ces questions, à moins d’un mois de la rentrée.
    Dans le domaine économique et social, vous avez vanté les plans que vous avez établis. Je ne conteste pas l’existence de plans de soutien aux entreprises mais qu’avez-vous décidé pour relancer la demande par les ménages ? Notre modèle économique est ainsi fait que 60 % de notre richesse provient de la consommation intérieure, 20 % des exportations et 20 % des investissements. Si vous n’alimentez pas le moteur de la consommation intérieure, notre économie ne redémarrera pas, quelle que soit la qualité des plans de soutien à l’aéronautique et à l’automobile.
    Au groupe Socialistes et apparentés, nous vous avions proposé d’accorder aux familles, en particulier allocataires des minima sociaux, une aide directe de 300 euros par mois, majorée de 100 euros par enfant. Vous avez refusé, même si vous leur avez accordé une aide exceptionnelle. Rappelons tout de même que l’Allemagne, qui n’a pas pour habitude de soutenir la demande, a immédiatement accordé une aide de 300 euros par enfant, en raison de l’urgence. J’aurais aimé que la France s’inspire de cet exemple.

    M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général

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    PLFR2 !

    Mme Valérie Rabault

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    Par ailleurs, nous observons depuis trois mois une forme d’épargne forcée car les ménages dont les ressources sont les plus élevées n’ont pu dépenser autant que d’habitude en période de confinement. Or, vous ne proposez aucun mécanisme innovant pour mobiliser cette épargne au service de la reprise économique.
    Concernant l’assurance chômage, tous les députés à gauche de cet hémicycle vous ont demandé de renoncer à la réforme du chômage. Le Premier ministre s’est finalement engagé auprès des partenaires sociaux à la reporter, mais quelle ne fut pas notre déception de constater que le décret ne correspondait pas aux engagements qu’il avait pris ! Ainsi, votre projet de décret prévoit de ramener à quatre mois la durée d’affiliation minimale au régime d’assurance chômage pour bénéficier du rechargement des droits, contre six mois auparavant. Mais, avant la réforme, la durée minimale était d’un mois ! Vous n’êtes pas revenus au régime antérieur, contrairement aux engagements que le Premier ministre a pris devant les partenaires sociaux.
    Enfin, nous avons de grandes craintes pour les petites et moyennes entreprises. Il est aujourd’hui prévu que la date de paiement des cotisations des entreprises pourra être reportée jusqu’à trois mois. Mais comment pourront-elles s’en acquitter alors que l’activité économique n’a pas repris son cours normal ? Sur ce point, nous avons besoin d’une réponse du Gouvernement, qui ne saurait se contenter de s’adresser aux chefs de file, aussi important cela soit-il.
    Un vrai plan de relance nécessite de franchir un cap et de proposer un ensemble cohérent.
    Nous vous avons proposé de lancer la prime pour le climat, qui permet de réduire les factures d’énergie de 500 euros par an, de faire travailler les entreprises locales du bâtiment et de diminuer les émissions de CO2. Vous avez refusé.
    Nous vous avons proposé un plan stratégique bâti autour de quatre secteurs clé : l’agriculture, la santé, les transports et l’énergie. Vous avez refusé.
    Nous vous avons proposé de soutenir la proposition de loi que nous avons déposée pour protéger nos PME des investisseurs hors Union européenne. Vous avez refusé.
    Nous vous avons proposé une conférence de financement de la crise. Vous avez refusé.
    Nous vous avons proposé de conditionner les aides accordées par l’État dans le cadre de la crise. Vous avez refusé.
    Nous vous avons proposé de distribuer gratuitement des masques, éventuellement avec un quota par habitant. Vous avez refusé.
    Tous ces refus empiètent sur le pouvoir d’achat des ménages. Cet empiétement social glissera vers un empiétement économique car la reprise sera beaucoup plus lente. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et plusieurs bancs du groupe GDR.)

    M. le président

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    La parole est à M. Christophe Naegelen.

    M. Christophe Naegelen

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    Le débat d’orientation des finances publiques prend une dimension toute particulière cette année, notamment pour tracer un chemin de crête en réponse à la crise que nous vivons.
    Avant de nous projeter dans les futurs textes budgétaires, jetons un œil dans le rétroviseur : 2019, qui fut la dernière année pleine avant le déclenchement de la crise sanitaire, témoigne des efforts, de l’amélioration ou en l’occurrence de l’absence d’amélioration des finances publiques au cours des trois premières années de ce quinquennat.
    Nous l’évoquerons cet après-midi lors de la lecture définitive du projet de loi de règlement du budget : en résumé, la situation des finances publiques avant la crise actuelle n’était pas suffisamment saine pour nous permettre d’affronter le choc, ce que le groupe UDI et indépendants n’a cessé de dire depuis trois ans. Le redressement est inachevé, malgré une conjoncture favorable pendant les trois premières années du mandat.
    Ainsi, en dépit d’un contexte conjoncturel assez favorable depuis 2017, nos finances publiques ne se sont pas significativement redressées, ce que confirme la Cour des comptes dans son rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques de 2019, dans lequel elle évoque un redressement inachevé. Les efforts réalisés ont été absorbés dans la baisse des prélèvements obligatoires que vous avez initiée et que nous avons soutenue. Puis la situation s’est accentuée suite aux mouvements sociaux de l’automne 2018 et la baisse des recettes n’a pas été accompagnée d’une maîtrise suffisante des dépenses publiques pour permettre à la France de garder le contrôle de ses choix budgétaires.
    Le bilan de la stratégie de redressement des finances publiques du Gouvernement depuis 2017 atteste qu’elle a consisté, pour l’essentiel, à repousser l’effort de redressement sur les deux dernières années du quinquennat. Les objectifs d’économie étaient bien évoqués mais sans que les pistes ou les mesures permettant de les atteindre ne soient précisées.
    Nous avons donc abordé cette crise dans une situation financière peu favorable, où la dette et le déficit atteignaient des niveaux élevés, ce qui nous a empêchés de disposer des marges de manœuvre financières suffisantes pour l’affronter.
    Hélas, la crise est survenue, provoquée par la pandémie. Elle a touché l’ensemble des pays de la planète et singulièrement la France, en 2020. Les conséquences pour notre pays sont terribles tant pour l’économie que pour les finances publiques et nos concitoyens.
    Selon la dernière prévision du Gouvernement, le niveau du déficit public devrait atteindre 11,4 points de PIB contre 2,2 prévus dans la loi de finances initiale pour 2020. La dette publique rapportée au PIB croîtrait à plus de 121 % du PIB, ce qui représente une augmentation de près de 270 milliards d’euros. Ces niveaux historiques n’avaient jamais été atteints.
    Cette dégradation est liée à la baisse des recettes qui a suivi le choc économique mais aussi à la hausse de la dépense publique qui résulte des mesures adoptées pour soutenir l’économie.
    Il faut rendre à César ce qui lui appartient : le Gouvernement a réagi rapidement et a su adapter les mesures en faveur de la préservation du tissu économique et de l’emploi aux remontées du terrain. Ainsi, le dispositif du chômage partiel a été salué par l’ensemble des acteurs du monde économique. Cependant, la stratégie et le plan de relance se font toujours attendre. Le Premier ministre a annoncé la mobilisation de 100 milliards d’euros sur deux ans pour redresser l’économie française. Très bien ! Toutefois, le contenu précis de ce plan de relance n’est toujours pas connu alors que le temps presse car nous venons d’entrer dans une nouvelle phase : il ne s’agit plus de mettre en sommeil l’économie du pays mais bien de la stimuler de manière ciblée et massive.
    Ce plan devrait être présenté le 24 août, ce qui signifie qu’il ne pourra entrer en vigueur qu’à compter du 1er janvier. C’est bien tard. Nous avons besoin d’un plan de relance dès maintenant, non dans six mois. C’est aujourd’hui qu’il faut investir et proposer des solutions concrètes aux acteurs économiques de notre pays.

    Mme Valérie Rabault

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    Oui !

    M. Christophe Naegelen

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    Si vous aviez anticipé la présentation de ce plan, les acteurs économiques auraient pu s’y préparer pour que les effets se fassent sentir le plus tôt possible, sans chute de l’activité en France. Notre potentiel de reprise économique est en jeu. Certains pays du monde ont connu une reprise économique assez forte malgré la menace d’une seconde vague. Il serait souhaitable que nous fassions partie de ces pays proactifs. Or, la stratégie envisagée pour 2021 laisse présager un redressement incertain.
    Le Gouvernement semble tabler sur une perspective de rebond économique et une croissance supérieure à 8 %. Ce scénario semble optimiste quand on sait que beaucoup de facteurs demeurent incertains pour réaliser des prévisions au-delà de 2020.
    C’est pourquoi la litanie de prévisions pour 2021, qu’il s’agisse du déficit ou de la dette, nous semble stérile en raison du manque de visibilité. La future loi de finances ne doit pas être un flot de dépenses, même s’il était nécessaire d’ouvrir les vannes pendant la crise. Le  débat autour de la réduction du déficit public et de la dette est suspendu pendant cette période exceptionnelle mais il faudra rester vigilant et sérieux quant à l’utilisation de l’argent des plans de relance, sinon nous continuerions d’alimenter un cercle vicieux vieux de plus de trente ans, la dette d’aujourd’hui étant l’impôt que paieront les générations futures.
    Désormais, notre dette ne nous permet plus de satisfaire toutes les demandes. C’est l’inconvénient d’avoir repoussé les efforts de réduction des dépenses publiques : il faudra faire des choix et cibler les secteurs qui auront le plus besoin d’argent public. Réfléchir à de nouvelles ressources fiscales pourrait être une piste pour soutenir nos finances publiques dans cette période, notamment la taxe sur les transactions financières, qui avait fait l’objet d’un amendement et qui est devenue un sujet de réflexion au plan européen. Elle devrait être plus large que celle qui existe en France, en intégrant les transactions intrajournalières et les dérivés d’actions.
    Le plan négocié ce week-end par l’Europe peut être considéré comme une avancée pour la construction européenne, avec notamment la création d’une dette mutualisée. La France touchera quelque 40 milliards d’euros de subventions. Nous constatons cependant, au-delà des effets d’annonce, quelques points négatifs. Ainsi, les nombreux rabais qui ont été accordés à certains États sur leur participation au budget 2021-2027 de l’Union augmenteront par là-même notre propre contribution.
    De plus, tous les outils imaginés par la Commission européenne pour réorienter la politique économique et commerciale de l’Union ont été sabrés, notamment l’instrument de solvabilité et le programme de santé. Hors inflation, le budget de la politique agricole commune – PAC – baisse, ce qui porte dommage à l’agriculture française. Et il reste une grosse interrogation car, si les ressources propres à l’Union européenne, comme la taxe carbone aux frontières, n’étaient pas disponibles à temps, les subventions seraient remboursées par les États au prorata de leur richesse nationale brute.

    M. Jean-Luc Mélenchon

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    Exactement !

    M. Christophe Naegelen

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    La solidarité européenne est, certes, un principe à défendre. Toutefois, il faut garder à l’esprit que les intérêts nationaux sont une réalité. Ce plan est donc plus un plaidoyer pour un nouveau mode de gouvernance en Europe qu’autre chose.
    Bref, il ne suffit pas de déverser des milliards d’euros : encore faut-il que ces injections de liquidités développent nos entreprises et augmentent l’investissement dans notre pays. N’oublions pas que l’innovation est une des clés de la relance économique. Nous devons donc réfléchir aux moyens d’accroître l’investissement privé et public dans notre pays.
    Il vous reste, monsieur le ministre, jusqu’à la fin du quinquennat pour trouver les moyens de relancer la croissance et de sortir notre pays de son déficit chronique et mortifère. Nous serons toujours là pour prendre ce chemin de crête difficile.

    M. le président

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    La parole est à M. Michel Castellani.

    M. Michel Castellani

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    Nous mesurons tous la difficulté que nous avons à débattre de l’orientation des finances publiques pour l’année 2021, dans un contexte si incertain. Il y aura, cela ne fait plus de doute, un avant et un après covid-19. La crise due à la pandémie a conduit les gouvernements de nombreux pays à faire le choix de mesures sanitaires draconiennes. Pour nécessaires qu’elles soient, elles ont eu un impact sur l’activité économique. C’est notamment le cas en France, pays qui a connu inévitablement un fort ralentissement et où certains secteurs d’activité demeurent fortement perturbés.
    D’un strict point de vue budgétaire, cette situation s’est traduite par une dégradation inédite des comptes publics, due au double effet de la perte massive des recettes publiques et du coût des mesures adoptées pour tenter de circonscrire la crise. Cet épisode et la reprise économique, dont nous ignorons la forme qu’elle prendra, auront évidemment un effet durable sur les finances publiques. Nous savons en particulier que les choix politiques qui ont été faits depuis mars, ainsi que ceux des mois prochains, auront un impact, par leur ampleur et leur volume, sur la forme de cette reprise et conditionneront en partie le profil conjoncturel futur.
    Avant de tenter de nous projeter en 2021, regardons en arrière. Contrairement à ce que nous entendons parfois, la France n’a pas abordé cette crise avec des finances publiques restaurées, alors même que la conjoncture était, en ce temps, relativement favorable.
    En 2019, le déficit public s’est établi à 3 %, contre 2,3 % en 2018 : il est donc difficile d’y voir une amélioration, même en intégrant la transformation du CICE et la baisse des charges qui représentent 0,9 point de PIB. Surtout, rappelons que, sans le contexte macroéconomique relativement favorable d’alors, le déficit aurait été nettement plus élevé.
    Les dépenses ont, dans le même temps, continué de progresser, à un rythme plus soutenu que l’année précédente – 1,8 %, soit trois fois plus que l’objectif de 0,6 %. Il en résulte qu’en 2019, le déficit structurel n’a pas été réduit à 2,2 points de PIB. Nous sommes loin de l’objectif de moyen terme fixé à -0,4 point de PIB par la loi de programmation des finances publiques 2018-2022.
    Que disent ces chiffres ? Simplement que notre pays a abordé la crise sanitaire avec des marges d’action insuffisamment restaurées : il n’a pas profité de la période de conjoncture assez favorable des années précédentes.
    Je tenais à faire ce rappel, car ces éléments ont tendance à être occultés par l’ampleur du choc occasionné par la crise actuelle. Disant cela, je ne mésestime pas les difficultés qu’il y avait à mener une telle politique à l’époque ni la volonté que cela aurait supposé.
    Pour mesurer les effets de ces facteurs, il suffit de mettre en regard les prévisions et les dispositions de la loi de finances initiale avec les trois collectifs budgétaires adoptés depuis. Ainsi, le déficit public pour 2020 était prévu initialement à un peu plus de 50 milliards d’euros et le troisième projet de loi de finances rectificative prévoit qu’il s’établira à 250 milliards d’euros. De l’arrêt d’une grande partie de l’activité économique découlera, bien évidemment, une chute des rentrées fiscales, donc des ressources de l’État. Les estimations du Gouvernement le confirment  bien, avec une perte de recettes publiques de près de 135 milliards, laquelle explique les deux tiers environ du relèvement du déficit à 11,5 % du PIB.
    Ce relèvement résulte également des dispositifs de soutien que le Gouvernement a présentés dans ses trois lois de finances rectificatives. Leur impact direct sur le déficit public est estimé à plus de 57 milliards. Au total, face à l’urgence, l’État a joué le rôle d’assureur en dernier ressort de l’économie et des revenus, ce que le groupe Libertés et territoires salue. D’autres pays ont fait de même, les règles ordinaires de conduite des finances publiques au sein de la zone euro ayant été nécessairement suspendues.
    Tous ces facteurs auront, sur les finances publiques, des effets sur le long terme. Les perspectives d’évolution pour le second semestre 2020, et a fortiori pour 2021, restent marquées d’une très grande incertitude. Les analyses des économistes divergent. Trois scenarii se dessinent : celui d’un rattrapage, celui d’une perte limitée et enfin celui d’une faiblesse persistante. Chacun se différencie par l’ampleur du rebond de l’activité après 2020 et le degré de récupération de l’économie à moyen et long terme.
    Aujourd’hui, le Gouvernement table sur un rebond de 8 % du PIB en 2021, hors effet du plan de relance à venir. Le PIB en 2021 demeurerait donc inférieur de quelque 4 % à son niveau de 2019. Vous pariez sur une hypothèse de rebond total à terme. Espérons-le. Notons cependant que le retour de la croissance ne permettra pas, à lui seul, le rétablissement de nos finances.
    La Cour des comptes estime, pour sa part, qu’une telle hypothèse est optimiste, tout en rappelant que la convalescence des finances publiques sera, dans le meilleur des cas, progressive. Le déficit pourrait certes diminuer assez rapidement en cas de rebond vigoureux, mais la dette resterait encore supérieure, au bout de dix ans, à son niveau d’avant la crise. Or la France ne peut laisser filer son endettement sans s’exposer à des difficultés majeures à moyen et long terme. Ainsi le risque d’une hausse des taux d’intérêt dans l’ensemble de la zone euro ou dans les pays les plus endettés pèse sur notre avenir.
    C’est dans ce contexte que nous appelons à la vigilance. Nous nous devons d’initier une relance tout en assurant le sérieux budgétaire, même si cela peut paraître contradictoire. Nous avons pris connaissance de la volonté du Gouvernement de cantonner, dans une structure spécifique, la dette issue de la crise. Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous indiquer ses constituants et leur montant ? Nous les ignorons.
    Si cette mesure a le mérite de distinguer la part de dette qui relève du covid-19, il n’en reste pas moins que le montant total de la dette n’en sera pas modifié. Si votre projet est de rembourser cette part de la dette par un nouveau prolongement de la CRDS, ne pourrait-on pas considérer qu’il s’agit d’une augmentation d’imposition qui ne dit pas son nom ? C’est dans cette perspective que nous devons, dans le prochain budget de relance, assurer les moyens de nos ambitions et limiter le recours à l’endettement. En creux, nous devons donc nous poser la question de la participation exceptionnelle de certains à l’effort de solidarité nationale.
    L’équation se complique encore si l’on considère que nous devons impérieusement amorcer sans attendre la relance. Les prévisionnistes situent le début de la vague de défaillances d’entreprises au quatrième trimestre 2020. Les mêmes évoquent une augmentation du nombre de demandeurs d’emplois à hauteur de 1 million d’ici à 2021, ainsi que la fragilisation durable de pans entiers de notre économie, même les plus performants. C’est pourquoi l’urgence doit être de préserver à tout prix les emplois à haute valeur ajoutée dans nos territoires, car ils sont indispensables au maintien de leur attractivité comme à la solidité générale de l’économie et de la vie sociale.
    Nous voyons là une opportunité pour la transition de notre économie. Le groupe Libertés et territoires considère que la relance que nous appelons de nos vœux doit concilier l’ambition économique et l’impératif écologique. Il s’agit d’une occasion historique, par les montants financiers mobilisés, pour prévenir de nouvelles crises en accélérant la transition écologique grâce à un plan de relance vert.
    Dans sa déclaration de politique générale, le Premier ministre a esquissé un plan de relance de 100 milliards d’euros, sans doute étalé sur deux ans. Nous avons appris, depuis, que 40 milliards proviendraient du plan de relance européen, dont nous nous félicitons de l’adoption. Vingt milliards seraient consacrés à la transition écologique, sans que nous sachions précisément, à ce stade, combien financeront la rénovation thermique des bâtiments, combien les technologies vertes, combien  une alimentation de qualité. Nous saluons cette démarche mais constatons qu’elle se limite pour l’heure à 20 % de l’enveloppe globale, alors que le plan européen prévoit une part de 30 %.
    En d’autres termes, ces montants, bien que significatifs, suffiront-ils à prendre le virage écologique tant annoncé et à faire de la France l’économie la plus décarbonée d’Europe ? La question est posée. Ces mesures ne peuvent s’inscrire uniquement dans le cadre du plan de relance. Ainsi, selon l’Institut de l’économie pour le climat, dans le cadre d’une stratégie bas carbone efficace, 9 milliards d’euros par an sont nécessaires pour le bâtiment, les transports et l’énergie. Êtes-vous prêts à vous engager sur une telle enveloppe ? La question est également posée.
    L’endettement pour la transition écologique est, nous en sommes persuadés, un endettement sain, rationnel et efficace. Un plan de relance vert pourrait soutenir des centaines de milliers d’emplois. Aujourd’hui, les conditions sont réunies pour réussir une relance différente de celle qui a suivi la crise de 2008. Les Français le souhaitent, nous y sommes prêts. Nous vous attendons. (Applaudissements sur les bancs du groupe LT.)

    M. le président

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    La parole est à M. Jean-Luc Mélenchon.

    M. Jean-Luc Mélenchon

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    L’exercice auquel nous nous livrons est destiné à nous permettre d’y voir plus clair, pour les mois qui viennent, dans la situation d’extrême détresse dans laquelle sont plongées toutes les économies et toutes les sociétés du monde. Je doute que nous parvenions à un regard de qualité en commençant par affirmer, comme l’a fait le ministre, qu’il est possible de rétablir d’ici à 2022 le niveau d’activité de 2020. Lors de la dernière crise mondiale, en 2008, nous avons perdu trois points de richesse nationale et mis quatre ans à revenir au niveau précédent. Par conséquent – et sans faire aucune remarque qualitative sur ce que pourrait être le redémarrage de l’économie – il est peu probable que nous récupérions, en l’espace de deux ans, les onze points perdus.
    De même, je n’ai rien entendu sur les conséquences des différents chocs à venir. Le premier, c’est celui des 700 000 jeunes gens qui arrivent sur le marché du travail sans qu’aucune garantie ne leur soit donnée quant à l’emploi qu’ils pourront trouver. C’est pourtant la consommation populaire, particulièrement celle des jeunes gens qui commencent leur vie, qui entraîne les conséquences les plus importantes sur le développement de la richesse du pays.
    Deuxièmement, aucune observation n’a été faite sur le risque que représente la dette privée. Or, chers collègues, et surtout estimé collègue Gilles Carrez, le principal problème de l’économie mondiale ne réside pas dans les dettes publiques : on retrouve toujours celui auquel on a prêté, c’est l’État ! Il réside dans les dettes privées, parce que s’il s’en va, s’il fait faillite, vous ne retrouvez jamais le propriétaire privé qui vous doit de l’argent. Or dans tous les pays, et notamment dans la zone euro, le montant de la dette privée est un multiple de la dette publique.
    Pourtant, à vos yeux, il n’existe aucun risque qu’une telle déflagration se produise et, de fait, personne n’imagine donc les moyens dont il faudrait alors disposer.
    Je vous rappelle que la dernière fois, le président Sarkozy et quelques autres avaient dû prendre en urgence de telles mesures – qui s’étaient d’ailleurs révélées assez efficaces du point de vue de l’économie capitaliste, puisqu’il s’agit de celle dans laquelle nous vivons. Mais là, pour le futur, rien du tout : le choc ne se produira pas, nous pouvons dormir tranquilles !
    Nous avons tort. Au choc interne s’ajoutera le choc externe de la catastrophe économique qui menace les États-Unis d’Amérique. En effet, alors qu’ils ont fait tourner la planche à billets comme jamais dans toute leur histoire, la contraction du marché mondial qui résultera de la crise aux États-Unis d’Amérique ne saurait nous épargner.
    Enfin, il n’est rien dit de l’annulation de la dette. Cher collègue Gilles Carrez, nous verrons bien qui, de vous ou moi, a raison, mais pour moi, la question de savoir si la dette sera annulée ne se pose même pas : elle le sera. La seule question est de savoir comment l’annulation aura lieu : se fera-t-elle de manière civilisée – autrement dit, les décisions prises permettront-elles que la dette, qui est aujourd’hui dans les coffres de la Banque centrale européenne, soit annulée sans que cela coûte le moindre euro à qui que ce soit, ce qui redonnerait une capacité de respiration aux États pour intervenir dans la suite de la crise – ou alors de manière sauvage ? C’est ce qui se passerait en cas d’effondrement des créanciers privés, s’ils ne pouvaient pas rembourser la dette.

    M. André Chassaigne

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    C’est très juste !

    M. Jean-Luc Mélenchon

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    Ce que je dis ne concerne pas de lointains horizons du commerce international : dès le mois de décembre prochain, les entreprises qui ont contracté des prêts garantis par l’État vont devoir les rembourser. Or j’imagine que je n’apprendrai rien à personne dans cette assemblée en annonçant qu’un certain nombre de ces entreprises ont déjà prévu de mettre leurs actifs de côté et de ne pas payer la dette – qui, au bout du compte, sera remboursée par l’État. Et ne comptez pas sur les banques pour être vigilantes quant aux remboursements ! Elles veilleront surtout à maintenir les capacités financières de ceux qui, jusqu’à présent, sont leurs clients. J’irai jusqu’à avancer qu’elles recommandent peut-être même parfois des procédés visant à faire rembourser leur dette par l’État et que personne ici ne saurait approuver.
    Les prévisions ne font pas non plus mention des conséquences de la crise climatique. Elle n’existe pas ! Rien n’est dit, par exemple, de ses conséquences matérielles. Pourtant nous savons tous ce qu’entraîne un dérèglement climatique, il suffit d’aller voir dans le sud du pays les suites des pluies diluviennes. Bref, il n’y aura pas de casse, d’une part, rien à réparer et donc pas de dépenses supplémentaires pour les infrastructures publiques, et d’autre part rien à rembourser pour les banques et les compagnies d’assurance privées, aucune incidence sur leurs finances. Il n’y aura pas non plus de problèmes sanitaires liés au changement climatique – c’est à peine si l’on sait que le chikungunya est arrivé dans le sud de la France. Et tout à l’avenant…
    Il n’y a pas non plus d’évaluation de la charge supplémentaire qui pèsera sur le budget de la France en raison du grandiose accord historique conclu au terme de quatre jours de négociations. Les Français, bons dindons de la farce, vont finalement payer à tous les articles ! Ils auront à payer pour le rabais supplémentaire qui a été consenti aux autres,…

    M. Gilles Carrez

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    C’est juste !

    M. Jean-Luc Mélenchon

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    …dont le plus scandaleux est celui accordé aux Pays-Bas, qui volent chaque année aux autres pays d’Europe près de 10 milliards d’impôts que les sociétés payent là-bas plutôt que dans leur pays d’origine. Bien qu’ils aient le deuxième excédent budgétaire de toute l’Europe, ils vont bénéficier d’un rabais de près de 2 milliards sur leur contribution au budget européen !

    M. Alain Ramadier

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    C’est vrai !

    M. Fabien Roussel

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    Scandaleux !

    M. Jean-Luc Mélenchon

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    C’est une honte ! Au final, c’est sur notre dos que tout cela va peser. En toute hypothèse, comme cela a été dit, le résultat de cette négociation est que nous rembourserons soit par le biais de notre contribution en tant qu’État-nation – qui représente 17 % du montant du budget de l’Europe – et donc de charges supplémentaires qui ne figurent pas dans vos prévisions, soit par le biais de ressources propres, dont seuls les naïfs peuvent penser qu’elles ne seront pas, au bout du compte, payées par quelqu’un !
    Je suis naturellement partisan de l’augmentation des ressources propres, et je ne peux oublier qu’elles représentaient initialement 60 % des revenus du budget européen, seuls 40 % provenant alors des contributions des États. Nous sommes aujourd’hui dans la situation inverse.
    Et s’il faut entrer dans le détail de ces ressources propres, regardons par exemple les taxes qui pèseront, à juste titre, sur le plastique. Elles coûteront aux Français 1 milliard d’euros, mais qui les payera ? Est-ce l’État, les producteurs, les collectivités ? Il y a beaucoup de trous dans les explications qui nous ont été fournies et dans les présentations qui sont faites, ce n’est pas raisonnable.  
    Qui investit en France ? Vous ne vous posez jamais la question ! Le premier investisseur du pays, ce sont les collectivités locales. Par conséquent, s’il y avait demain un plan de relance – plan dont il n’est pas question dans vos prévisions budgétaires – sa structure de base reposerait forcément sur les communes, qui sont seules capables de repérer les besoins et de suggérer les moyens d’y pourvoir. Dans ces conditions, les communes devraient donc être les premières à bénéficier d’un surcroît, d’une abondance de financement, leur permettant de distiller au bon endroit, au goutte à goutte, les finances dont nous avons besoin pour faire redémarrer l’économie. Mais cela n’apparaît pas dans vos prévisions.
    Une fois de plus, on ne parlera que de l’investissement public. Pourtant, c’est l’investissement privé qui est un problème dans ce pays ! Comment se fait-il que, depuis 2009, les dividendes aient augmenté de 70 % tandis que l’investissement privé a baissé de 5 % ? Qu’est-ce que ce capitalisme de bons à rien, pas même patriotes, qui n’investissent pas ? Lorsque STX France a été mis en vente, il a fallu compter sur le capital italien : n’y a-t-il pas d’argent, dans ce pays ? Aujourd’hui, alors même que l’on parle de développer l’investissement ferroviaire, on confie la société France Rail Industry, qui produit des rails, à une compagnie anglaise. Parmi toutes celles qui se proposaient de racheter l’entreprise, pas une seule société française, pas un seul euro de capital français ! Qu’est-ce que cette classe capitaliste parasitaire, incapable de venir à la rescousse de la patrie lorsque celle-ci a besoin des efforts de tous pour remettre en route la machine ?
    Oui, je clame mon indignation. Il n’est pas normal que, avec 5 300 milliards d’épargne, on ne trouve pas de quoi pourvoir aux besoins du pays. Il n’est pas normal, alors que 1 700 milliards sont placés dans l’assurance vie, dont 50 % sont investis à l’étranger, qu’on ne trouve pas de quoi pourvoir aux besoins du pays sans venir sans cesse pleurer dans le giron de l’État, pour exiger de lui toutes sortes de remises – dont on nous dit d’ailleurs qu’elles finiront par revenir dans l’investissement privé. Où trouve-t-on les revenus du CAC 40 dans l’investissement privé dans notre pays ? Nulle part !
    Mes derniers mots seront pour cet accord prétendument historique qui a, paraît-il, mutualisé les dettes. C’est faux ! Ce qui a été mutualisé, c’est la garantie pour rembourser les dettes, qui seront, elles, payées par chacun des États qui auront à emprunter. Et nous, Français, paierons plus que ce que nous aurons reçu, parce que notre contribution au budget européen sera supérieure aux résultats et à la demande actuelle. Par ailleurs, nous n’avons aucunement besoin de l’emprunt européen pour emprunter à taux négatif : raconter que les eurobonds seront une facilité pour la France est pure illusion !
    Enfin, et j’achèverai là-dessus, vous n’avez pas présenté le lien entre les réductions du budget européen et les subventions que vous toucherez : si la PAC diminue, de combien augmentera le budget de l’agriculture ? Où cela figure-t-il dans le projet de loi de finances ?
    Voilà pourquoi les députés du groupe La France insoumise ressortent de tout cela fort marris, et fort inquiets. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SOC.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Jennifer De Temmerman.

    Mme Jennifer De Temmerman

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    Nous abordons ce débat en dressant un constat : celui de la forte dégradation de nos finances publiques. Le niveau de déficit, qui est estimé à 11,4 % dans le PLFR 3, a augmenté de plus 9 % par rapport à la loi de finances initiale. Quant à la dette publique, elle a augmenté de plus de 20 % : estimée à  98,7 % du PIB en loi de finances initiale, elle était évaluée à 120,9 % dans le PLFR 3.
    Et alors que la loi de programmation des finances publiques pour la période 2018-2022 prévoyait que le déficit et l’endettement publics s’établiraient respectivement à 1,2 % et 94,2 % du PIB en 2021, nous nous éloignons de la trajectoire vertueuse des finances publiques que nous suivions encore il y a peu. Aussi pouvons-nous déplorer qu’un plan de relance complet n’ait pas été présenté avant ce débat, afin d’assurer une meilleure visibilité du coût des mesures de relance de l’exécutif et de leurs conséquences sur les finances publiques.
    Pendant les huit semaines où la France a été confinée, le numérique a été l’outil privilégié pour le travail, les échanges et la continuité pédagogique. Ceci nous amène à un constat : alors que nos concitoyens et nos entreprises ont recours aux services de ce secteur qui s’est révélé peu affecté par la crise, les géants du numérique éludent encore brillamment l’impôt en France. Malgré une politique fiscale de l’offre, l’exécutif peine à faire rentrer dans les caisses de l’État des deniers si importants en période de fragilité économique.
    L’autre sujet important auquel nous devons courageusement nous attaquer est celui de l’évitement fiscal sous toutes ses formes. Déjà, en 2019, les efforts du Gouvernement avaient permis de récupérer 10 milliards d’euros, notamment grâce à l’amélioration des outils de détection de fraude, comme le datamining – la fouille de données –, l’aménagement du « verrou de Bercy », ou la collecte des informations publiées sur les réseaux sociaux et les plateformes de commerce entre particuliers.
    Si nous saluons ces efforts, nous rappelons que les pertes fiscales dues aux pratiques illégales sont estimées entre 60 à 80 milliards d’euros par an en France. C’est dire l’ampleur du phénomène et ses conséquences sur nos finances publiques. Aujourd’hui, il devient nécessaire de se battre davantage au niveau européen, notamment avec l’adoption de directives fiscales et l’instauration d’outils rénovés – l’actualité l’a encore rappelé récemment.
    Parallèlement à la lutte contre les transferts de patrimoine vers d’autres pays aux régimes fiscaux plus avantageux, nous devons également assainir notre système fiscal de plusieurs niches en matière d’impôt sur les sociétés. Je pense en particulier aux travaux de ma collègue Émilie Cariou sur la « niche Copé » et le régime mère-fille. La politique fiscale de l’offre, lancée par le Gouvernement dès le début du quinquennat et tendant à une réduction du taux d’impôt sur les sociétés à 25 %, doit s’accompagner d’une parfaite maîtrise des différents boucliers fiscaux qui existent dans notre droit.
    S’agissant de la reprise économique, après le rebond enregistré au mois de mai, nous assistons au mois de juin à une nouvelle progression de l’activité, même si certains secteurs, comme l’hébergement et la restauration, ont encore du mal à se redresser. Si la stabilité des prélèvements obligatoires, impôts et cotisations sociales peut s’entendre dans un contexte de reprise – en particulier pour nos PME, TPE et artisans – le soutien accordé par le Gouvernement à travers les plans de relance doit s’accompagner d’exigences environnementales et sociales fortes. La puissance publique ne saurait s’appuyer uniquement sur le bon vouloir des entreprises, alors que la transition écologique de notre économie est nécessaire pour redonner confiance aux ménages, moteur essentiel de la reprise économique, mais aussi pour orienter les investissements des entreprises et entamer un redressement durable de nos finances publiques.
    Comme en témoignent les résultats des dernières élections municipales ainsi que les conclusions de la convention citoyenne pour le climat, c’est avant tout la demande de nos concitoyens. C’est pourquoi le groupe EDS a déjà formulé plusieurs propositions, notamment s’agissant de l’impôt de solidarité, qui fonde notre pacte républicain. À situation exceptionnelle, contribution exceptionnelle : celle de certains acteurs doit être étudiée,  comme cela avait été fait suite à la crise de 2008. Sous la présidence de Nicolas Sarkozy, dont l’ombre ne cesse décidément de planer sur cet hémicycle et ailleurs, le gouvernement de François Fillon avait ainsi créé une taxe exceptionnelle sur la réserve de capitalisation des entreprises d’assurance.
    Cette demande citoyenne de transition durable doit être prise en considération dès maintenant dans le plan de relance et dans le projet de loi de finances pour 2021. C’est pourquoi le groupe EDS réitère ici la nécessité de soutenir massivement les investissements des collectivités locales dans la transition écologique et solidaire à travers au moins 5 milliards d’euros par an sur trois ans pour la mobilité, les transports, l’aménagement urbain et rural, la rénovation des bâtiments, le changement de modèle agricole et la sortie des pesticides ainsi que pour la protection de la biodiversité des ressources et des sols.
    La proximité permet des projets innovants, agiles et adaptés aux territoires. La commande publique constitue à cet égard un levier formidable. Les élus sont prêts à agir, notamment dans les Hauts-de-France. J’ai pu le constater dans ma circonscription, à l’occasion d’une réunion organisée avec Xavier Bertrand à Steenvorde. Donnons aux collectivités les moyens de l’action immédiate.
    Il nous apparaît également nécessaire de refonder la fiscalité du patrimoine et du capital et de renforcer leur progressivité pour s’assurer que les fruits de la prospérité et les richesses accumulées contribuent plus équitablement à l’effort collectif de solidarité nationale. La réintégration des liquidités dans un impôt sur le patrimoine, l’imposition des dividendes provenant des paradis fiscaux, le rehaussement du prélèvement forfaitaire unique, la remise en cause des niches fiscales favorables aux plus fortunés comme de celles encourageant la dépendance aux énergies fossiles, la transformation des droits de succession ainsi que de la fiscalité foncière et immobilière sont aujourd’hui des mesures urgentes et de justice sociale.
    Alors qu’une branche autonomie s’apprête à voir le jour et qu’un plan de relance ambitieux est attendu, ne faisons pas l’impasse sur les recettes nécessaires pour repenser notre croissance et notre société. Si la crise sanitaire a entraîné une augmentation de la dette publique de plus de 20 %, notre niveau d’endettement avant cette crise était déjà beaucoup trop important. Les différentes politiques publiques mises en œuvre successivement ont en effet dégradé l’état de nos finances publiques. « Faites-moi de bonnes politiques, je vous ferai de bonnes finances », disait le baron Louis en son temps. Si l’homme appartient certes à une autre époque, la citation reste d’actualité. Le lien entre les politiques publiques, leur application et la situation de nos finances publiques est clairement établi.
    Les dix-sept objectifs de développement durable – ODD – fixés par l’Agenda 2030 constituent les outils adéquats pour repenser nos politiques publiques, leur efficacité et donc la résilience de notre modèle de développement face aux crises. Je reste convaincue que cet agenda est en phase avec les priorités du moment qui sont d’ordre économique, social et écologique, comme en témoignent les résultats du récent sondage commandé par l’association 4D sur la perception des ODD par le grand public. Le nombre de Français déclarant savoir précisément de quoi il s’agit a doublé depuis 2019, 57 % d’entre eux se disant désormais prêts à adapter leur mode de vie. Au sein de la population,  les plus demandeurs sont nos jeunes, nos enfants – eux qui semblent un  peu oubliés dans vos plans.
    Chers collègues, vous connaissez mon engagement sur ce sujet. Aujourd’hui plus que jamais, ces objectifs requièrent une volonté politique de haut niveau afin de donner un signal fort à nos concitoyens et de jeter les bases d’une société résiliente. Puisque je m’exprime dans le cadre du débat d’orientation des finances publiques, j’appelle de tous mes vœux à la prise en considération des objectifs de développement durable dans la construction de nos politiques publiques et à leur intégration dans le processus budgétaire afin que le budget pour 2021 constitue une réponse appropriée au besoin de transition écologique de notre économie, aux préoccupations sociales et à l’urgence environnementale ainsi qu’aux attentes de notre jeunesse. Ne laissons personne sur le côté. (Applaudissements sur les bancs du groupe EDS.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Patricia Lemoine.

    Mme Patricia Lemoine

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    Le débat d’orientation des finances publiques est chaque année une étape obligée de la discussion budgétaire et un exercice intéressant à plusieurs égards, notamment parce qu’il permet de prendre de la hauteur de vue et de resituer l’état de nos finances publiques dans le temps long. Dans le contexte de crise sanitaire et économique que nous connaissons aujourd’hui, cet exercice prend un sens tout particulier.
    Pour savoir où l’on va, il faut savoir d’où l’on vient. Avant même que nous discutions de l’orientation à donner à nos finances publiques, cette maxime populaire maintes fois employée doit nous faire réfléchir sur les marges de manœuvre de l’État au moment d’aborder cette crise. La Cour des comptes, dans son rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques, estime que la France n’a pas abordé la crise avec des finances publiques restaurées. En 2019, le taux d’endettement était stabilisé à un peu plus de 98 % du PIB, le déficit structurel s’établissait à 2,2 points de PIB et le niveau de dépense publique à plus de 55 points de PIB.
    Nous ne pouvons que partager le constat : la France aurait pu et aurait dû, depuis de nombreuses années – car ce problème ne date pas d’hier – entreprendre des réformes structurelles pour baisser le poids de la dépense et de la dette publiques.
    Toutefois, ce constat doit être relativisé au regard du contexte social et des réformes entreprises par le Gouvernement depuis trois ans pour baisser les prélèvements obligatoires et redonner de l’oxygène à l’économie française et du pouvoir d’achat aux Français. Alors que la crise frappe de plein fouet notre économie, le Gouvernement a pris très rapidement les mesures d’urgence nécessaires pour protéger les ménages et préserver les entreprises et l’emploi. Nous l’en félicitons.
    Désormais, l’heure est à la relance à coup de milliards d’euros et certains pensent que l’argent est devenu gratuit, ou que les dettes accumulées seront annulées ou transformées en dette perpétuelle. Cette dépense publique est évidemment nécessaire, mais il faut garder à l’esprit deux réflexions : la maîtrise de la soutenabilité de l’endettement public doit demeurer une priorité, et les milliards d’euros annoncés doivent être utilisés avec le souci de l’efficience.
    À cet égard, les orientations fixées par le Gouvernement pour le budget pour 2021 sont bonnes : priorité absolue donnée à l’emploi et à la relance, en investissant notamment dans l’accélération de la transition écologique, renforcement des budgets des ministères régaliens, soutien à nos concitoyens les plus fragiles et enfin relance depuis les territoires, qui sont le maillon incontournable pour rétablir le lien de confiance tant attendu afin que les ménages consomment l’épargne constituée pendant le confinement et que les entreprises engagent sans tarder leur plan d’investissement.
    Ces indications vont dans le bon sens et nous les saluons – ma collègue Lise Magnier aura l’occasion d’y revenir – mais le plan de relance n’est pas encore connu. Il sera présenté au conseil des ministres le 24 août prochain avant d’être intégré dans le projet de loi de finances pour 2021. Le groupe Agir ensemble sera force de proposition et transmettra au Premier ministre, dès la semaine prochaine, ses axes de réflexion pour affiner la construction de ce plan.
    Mais permettez-moi à cette occasion, monsieur le ministre délégué, de vous exprimer nos réserves s’agissant du véhicule législatif utilisé pour ce plan de relance. Lors de l’examen des projets de loi de finances rectificative successifs, nous étions déjà nombreux sur ces bancs à demander des mesures de relance immédiates. Le temps est compté pour les acteurs économiques dans nos territoires, qui ne peuvent attendre 2021 pour bénéficier des premières mesures. Sur ce point, certaines d’entre elles, contenues dans le PLF pour 2021, pourront-elles avoir un effet rétroactif ?
    Nous souhaiterions enfin que le Gouvernement nous donne quelques précisions concernant les prévisions macroéconomiques sur lesquelles il compte fonder son budget. Le rapport que vous nous avez remis table sur une reprise rapide de la croissance. Toutefois, la Cour des comptes, fidèle au lexique qui lui est propre, juge une telle hypothèse « optimiste ». Pour mémoire, vous souhaitez construire le budget pour 2021 sur l’hypothèse d’un rebond du PIB de 8 % en 2021. Si celle-ci se vérifiait, le PIB demeurerait toutefois inférieur d’environ 4 % à son niveau de 2019. Mais le Fonds monétaire international se montre sensiblement plus pessimiste.
    De la même façon, d’après vos prévisions, le redressement de la consommation des ménages en 2021 serait de 8 % et celui de l’investissement des entreprises de 20 %. Nous voulons évidemment y croire mais nous nous questionnons. Pourriez-vous, monsieur le ministre délégué, nous en dire un peu plus sur ces prévisions macroéconomiques ? Leur optimisme n’est-il pas de nature à mettre en danger la bonne exécution du budget pour 2021 tel qu’il aura été construit ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Agir ens. et quelques bancs du groupe LaREM.)

    M. le président

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    La parole est à M. Fabien Roussel.

    M. Fabien Roussel

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    Nous voici donc à l’heure d’ouvrir le débat sur les budgets de l’État et de la sécurité sociale pour 2021. Nous partons d’une situation inédite, liée à la pandémie mais aussi, il faut le dire, à la financiarisation totale de notre économie qui rendait inévitable une autre crise, à tel point que de nombreux plans sociaux étaient déjà dans les cartons de plusieurs multinationales avant même que ne frappe le virus. Il est important de le rappeler pour en tenir compte à l’avenir.
    Plus rien ne doit être comme avant. Tout le monde le dit. Nous avons besoin d’un État fort, capable de reprendre la main sur son économie et de répondre aux besoins du pays et aux urgences sociales et écologiques. Mais comment y parvenir ? Avec quels moyens et quels leviers pour agir sur l’économie ? Le débat est ouvert.
    À cet égard, le plan de l’Union européenne nous inquiète très fortement car il fragilisera encore plus l’État et notre modèle social. Vous allez chanter partout que cet accord est historique car la France recevra 40 milliards d’euros d’aides de l’Union européenne. Mais quelles « réformes structurelles » – je traduis : quelle politique d’austérité – la France devra-t-elle mettre en œuvre en échange ?
    De même, comment allons-nous rembourser cet argent que l’Union européenne emprunte auprès des marchés financiers et non d’une Banque centrale européenne qui est aux abonnés absents ? Rappelons que, chaque année, la France rembourse 40 milliards d’euros d’intérêts sur la dette.
    Vous devez aussi expliquer aux Français, monsieur le ministre délégué, que notre pays va perdre des aides de l’Union européenne puisque le budget européen diminuera de 30 milliards. Les 1 074 milliards maintenant annoncés sont très loin des 1 300 milliards prévus. Ce sont la PAC, les politiques de santé ou la recherche qui sont dans la ligne de mire du Conseil européen.
    Enfin, pour obtenir cet accord prétendument historique, la France a dû accepter d’augmenter sa contribution annuelle au budget de l’Union européenne afin de compenser la baisse de celle d’autres pays. Sachant que cette contribution est aujourd’hui de 21 milliards d’euros, combien devrons-nous payer l’année prochaine ?
    Vous pouvez donc, ici, vous satisfaire de ce plan historique : lorsque vous présenterez la facture aux Français, aux agriculteurs, aux salariés, vous constaterez qu’une colère justifiée s’exprimera. C’est pourquoi nous attendons surtout pour notre pays et pour la sécurité sociale un budget pour 2021 qui rompe avec ces logiques et réponde enfin aux besoins de nos concitoyens, un budget qui permette de vivre mieux, qui sécurise les emplois et le pouvoir d’achat, qui protège de la maladie, un budget, enfin, qui prendra le virage nécessaire pour que nous puissions tenir nos engagements climatiques.
    Deux logiques totalement différentes s’affrontent dans notre pays. La vôtre, s’appuyant sur une politique de l’offre, continue à alléger les impôts du capital, ceux des plus riches. C’est une logique de la concurrence libre et non faussée, quoi qu’il en coûte aux êtres humains et à la nature.
    « Plus rien ne doit être comme avant », entend-on, mais le ministre Bruno Le Maire vient de promettre ici-même que nous retrouverions le niveau de richesse que nous avions en 2019, avant la pandémie. De quelle richesse parlait-il ? De celle qui a augmenté chez les actionnaires en 2019 et qui provient justement de l’exploitation des hommes et de la nature ?
    Rappelez-vous qu’en 2019, nous avons assisté à une distribution record de dividendes : 60 milliards de liquidités ont été versées aux actionnaires du CAC 40.

    M. Jean-Paul Dufrègne

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    Eh oui ! Ce n’est pas sur le livret A, ça !

    M. Fabien Roussel

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    Et, suite à la suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune, le pouvoir d’achat des 500 plus grandes fortunes de France a augmenté de 6 %. Est-ce cela que vous nous promettez pour 2022, revenir à ces grandes inégalités qui ont frappé notre pays ?
    Rappelez-vous que l’année 2019 a également été marquée par la colère des retraités face à l’augmentation de la CSG, par celle des gilets jaunes, ces Français qui se sentaient invisibles et n’avaient pas les moyens de boucler leurs fins de mois, par celle des blouses blanches qui voyaient encore une fois le budget des hôpitaux baisser, les services de maternité et d’urgence fermer. (M. Jean-Paul Dufrègne applaudit.)
    Vous nous promettez donc, pour 2022, de revenir à cette situation-là. Il est clair que nous, députés communistes, ne le voulons pas.

    M. André Chassaigne

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    Très bien !

    M. Fabien Roussel

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    Plus rien ne doit être comme avant : 2022 ne doit surtout pas faire revivre aux Français ce qu’ils ont vécu en 2019.
    Nous vous proposons donc une tout autre logique que la vôtre : celle qui protège une richesse, la seule qui compte, la richesse humaine, celle de la biodiversité, celle donnée par la nature. Nous vous proposons de soutenir la demande plutôt que l’offre, d’investir dans les services publics et dans une industrie solidaire et citoyenne, de sécuriser les parcours professionnels en garantissant à chaque citoyen un emploi, une formation et un salaire digne et décent lui permettant de vivre tout au long de sa vie, plutôt que de promettre à chacun une vie de chômage.
    Ce choix de société historique, nous devons le faire maintenant, en préparant le budget pour 2021. Nous devons investir massivement dans nos services publics, dans notre industrie et dans la transition écologique, mais aussi créer des emplois et former des salariés. Beaucoup d’associations, de syndicats et de partis politiques, comme celui auquel nous adhérons, le disent : 1 million d’emplois sont à créer d’ici à 2024 si nous investissons pour prendre le tournant écologique. C’est une perspective tout autre que votre promesse de voir la suppression d’1 million d’emploi d’ici à la fin de l’année.

    M. André Chassaigne

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    Très juste !

    M. Fabien Roussel

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    Il faut donc faire pour notre pays tout l’inverse des choix qui sont les vôtres. Cela passe aussi par le fait de donner beaucoup plus de pouvoir aux salariés, dans le public comme dans le privé. Voyez comment ces hommes et ces femmes ont été courageux, valeureux pendant la crise, osant affronter le virus et se mettant en danger pour se mettre au service de tous ! Infirmières, éboueurs, travailleurs et travailleuses de la propreté, transporteurs, agriculteurs, enseignants, policiers et gendarmes, fonctionnaires : eux ont montré durant la crise leur sens des responsabilités et du devoir pour le pays. C’est donc à eux qu’il faut faire confiance pour redresser le pays, et pas aux fonds de pensions et autres fonds financiers qui ne se battront ni pour réindustrialiser la France ni pour sauver le climat.
    C’est pourquoi nous vous exhortons à enfin vous attaquer au coût du capital et à la finance. Arrêtez d’alléger les impôts du capital pour les reporter sur les Français ! C’est ce que vous voulez faire en supprimant les impôts de production payés par les entreprises et versés aux collectivités, soit près de 8 milliards d’euros…

    M. Jean-Paul Dufrègne

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    Eh allez !

    M. Fabien Roussel

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     …que les entreprises ne paieront plus mais que le budget de l’État devra compenser aux collectivités – sachant que « budget de l’État » veut dire « budget des ménages », parce qu’il faudra que l’État fasse des économies.
    Il faut donc changer complètement de logiciel et aller chercher des recettes nouvelles. L’impôt de solidarité sur la fortune – ISF –, la flat tax et tous les cadeaux que vous avez faits aux plus riches, c’est nous qui les payons. C’est cette logique qu’il faut changer. Vous nous dites que vous n’augmenterez pas les impôts, mais vous avez d’ores et déjà prévu d’augmenter l’un d’entre eux en prolongeant jusqu’en 2031 l’existence de la CRDS qui n’était prévue que jusqu’en 2024. Voilà, concrètement, un impôt qui augmentera.
    Pour notre part, nous vous proposons d’aller chercher des recettes dès 2021 en vous attaquant aux multinationales qui continuent de faire de l’optimisation fiscale, en demandant une contribution supplémentaire aux assurances qui ne répondent pas présent dans la crise, en augmentant la taxe sur les transactions financières dont on parle beaucoup mais qu’on ne voit pas arriver, en taxant les GAFA – Google Amazon Facebook Apple –, projet qui, de la même manière, donne lieu à de nombreuses discussions sans aucune concrétisation. Nous voulons un vrai plan de relance, qui ne relance pas un vieux système mais soit en rupture avec les politiques libérales d’avant.

    M. Jean-Paul Dufrègne

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    Eh oui !

    M. Fabien Roussel

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    C’est dans cet esprit que nous vous proposons de conditionner les aides aux entreprises pour que ces dernières s’engagent en matière d’emploi et d’environnement. Cela veut dire qu’il faut remettre à plat les 50 milliards d’euros d’allégements généraux de cotisations ainsi que les dizaines de milliards de niches fiscales, comme la niche Copé, pour mener enfin une politique au service de la création d’emplois et de la maîtrise de nos moyens de production.
    Bref, il faut être enfin révolutionnaire, comme ce fut le cas en 1946 quand nous avons créé la sécurité sociale et sécurisé la vie de tous les Français.

    M. André Chassaigne

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    Très bonne référence !

    M. Fabien Roussel

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    Il nous faut imaginer la sécurité sociale du XXIe siècle, monsieur de Saint-Martin. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)

    Mme Olivia Gregoire

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    C’est M. Saint-Martin ! Il n’y a pas de particule !

    M. Fabien Roussel

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    Celle qui protégera tous les instants de la vie de nos concitoyens, pas seulement la santé et la retraite mais aussi les parcours professionnels et les niveaux de vie. Nous voulons une sécurité sociale qui prenne enfin en charge les tests, les vaccins et les masques pour tous.
    Telles seront les priorités des députés communistes lors de l’examen du prochain projet de loi de finances et du prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SOC.)

    M. Jean-Paul Dufrègne

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    Bravo !

    M. André Chassaigne

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    Voilà le programme d’un candidat révolutionnaire à la présidence de la République !

    M. le président

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    La parole est à M. Philippe Chassaing.

    M. Philippe Chassaing

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    Le débat d’orientation des finances publiques est le premier rendez-vous du Parlement dans l’élaboration du budget annuel. Il est amené à s’exprimer sur les politiques publiques et sur l’orientation stratégique à donner à l’action de l’État. Après s’être déroulé dans un contexte inédit l’an dernier, alors que se tenait le grand débat national, il se tient cette année dans des circonstances tout aussi inouïes.
    Au terme des mois éprouvants traversés par notre nation, il me semble en effet que ce débat d’orientation budgétaire a une double tonalité. Il traduit certes la dégradation généralisée de l’économie et les nombreuses incertitudes pour l’avenir, mais, en rappelant la robustesse de la puissance publique dans sa réponse à la crise, il véhicule aussi un message d’espérance et de mobilisation collective pour dessiner un nouveau chemin esquissé par le Président de la République et le Premier ministre.
    Face à la crise et à l’affaiblissement des économies, la mobilisation massive et rapide des finances publiques a permis à notre pays de tenir bon « quoi qu’il en coûte ». Près de 500 milliards d’euros ont déjà été budgétés depuis le début de la crise sanitaire, sans compter le plan de relance : rares furent les moments dans l’histoire durant lesquels les pouvoirs publics se sont mobilisés avec une telle intensité pour soutenir l’économie, l’emploi, les collectivités territoriales, le système de santé, mais aussi les publics les plus vulnérables. Il n’y avait certes pas d’autre option, eu égard à la récession dont nous prenons chaque jour un peu plus la mesure grâce aux indicateurs macroéconomiques : un PIB en recul de 11 %, un taux de chômage qui sera peut-être supérieur à 10 %, sans oublier l’endettement, qui pourrait dépasser les 120 % du PIB.
    N’oublions pas que cette capacité d’intervention inédite de l’État a été rendue possible par la gestion budgétaire sérieuse et sincère dont nous avons fait preuve ces dernières années. C’est le fruit d’une stratégie ambitieuse de réduction des prélèvements obligatoires et de maîtrise de la dépense publique à tous les niveaux. Cet effort sans précédent nous a permis de sortir de la procédure de déficit excessif, de stabiliser la dette publique, de réduire le chômage et de rendre du pouvoir d’achat à nos concitoyens. Cet effort nous a aussi permis de redonner de la marge aux collectivités territoriales et de financer les mesures d’urgence faisant suite au grand débat. Ces années de discipline collective nous donnent aujourd’hui la légitimité pour faire face à la crise sans entrer dans l’austérité budgétaire ni revenir sur nos engagements.
    Ce cap est le bouclier qui nous a permis de préserver au maximum la vie économique et sociale de la nation ; il est la boussole qui doit encore nous guider pour bâtir la France de la confiance de demain. Par-delà la construction d’une économie post-covid-19, le plan de relance de 100 milliards doit être une réponse vigoureuse aux nouveaux défis. Le retour à la normale de l’activité pourrait advenir plus vite que prévu. On peut en effet estimer qu’il y aura un rebond du PIB à partir de 2021 ou 2022, avec un sursaut de la demande intérieure et un redressement de l’investissement productif.
    Cette reprise sera aussi confortée par le plan de relance et par la transformation de notre modèle économique dont nous aurons à débattre dans le cadre de l’examen du prochain projet de loi de finances. Si, comme l’a rappelé le Premier ministre lors de sa déclaration de politique générale, « les crises ont ceci de singulier qu’elles jouent le rôle de révélateur » de nos forces et de nos faiblesses, la réponse à la crise doit être à la hauteur des enjeux. C’est pourquoi je tiens à saluer l’investissement en faveur des jeunes que constituent la réduction du coût du travail, la création de 300 000 parcours et contrats d’insertion, ou encore le doublement des places en service civique.
    En plus de la jeunesse, une autre priorité d’avenir sera inscrite au cœur de la relance : la transition écologique et solidaire, qui est comme le disait le Premier ministre « notre affaire à tous ». Plus de 20 milliards d’euros seront investis et fléchés vers la rénovation thermique des bâtiments, l’alimentation locale, les énergies renouvelables ou encore les mobilités durables.
    Pour suivre le déploiement de cette relance, nous disposerons de nouveaux outils de pilotage et d’évaluation, comme le budget vert qui servira à mesurer l’adéquation entre nos choix budgétaires et nos objectifs environnementaux. À l’évidence, ces innovations ne doivent pas nous exonérer de faire preuve de vigilance, en particulier à l’égard des plus fragiles. C’est pourquoi, au cours des prochains mois, je serai particulièrement attentif à la question du surendettement.
    Pour conclure, j’ai le sentiment que ce débat nous offre l’opportunité de confronter utilement nos projets politiques et les voies pour y parvenir. Des finances saines et une trajectoire cohérente sont deux conditions nécessaires. Mais il faut en ajouter une troisième : la confiance. L’économiste Éloi Laurent dit qu’elle est une « institution invisible », nécessaire à notre vie en société. Au nom du groupe La République en marche, j’ai le sentiment que la trajectoire économique présentée aujourd’hui est de nature à ce que la confiance revienne très rapidement. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Véronique Louwagie.

    Mme Véronique Louwagie

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    Nous ne pouvons pas débattre de l’orientation des finances publiques pour 2021 sans aborder la question du choc immense qu’a représenté la crise sanitaire pour les finances publiques de notre pays. Les indicateurs macroéconomiques sont au rouge et cette dégradation est, comme nous le savons tous, très inquiétante pour le futur de notre économie qui s’apprête à traverser une crise sans précédent. C’est avec trop de légèreté que nous l’avons abordée : les chiffres actuels en sont la preuve.
    Nous nous apprêtons en effet à subir une contraction de 11 % de notre PIB, contre une prévision, avant la crise, d’une croissance de 1,3 % pour 2020. Le déficit de l’État, lui, doit s’établir à 11,4 % du PIB. Les sommes en question sont considérables puisque nous parlons de 222 milliards d’euros de déficit pour l’État, de 52 milliards pour la sécurité sociale et de 30 milliards pour le régime des retraites, sur lequel nous reviendrons plus tard.
    La dette publique s’envole à plus de 121 % du PIB, et la dépense publique dépasse les 66 %. Les pertes de recettes fiscales sont évaluées à près de 70 milliards d’euros. On nous annonce une perte d’environ 800 000 emplois pour l’année 2020, ce qui fera bondir le taux de chômage jusqu’à 11,5 % au cours de l’année à venir.
    Ces chiffres exceptionnels sont à mettre, bien entendu, sur le compte de la crise sanitaire, du ralentissement de l’économie imposé par le confinement, et désormais d’une récession inédite. Mais ces mauvaises prévisions ne seraient pas aussi alarmantes si la situation d’avant-crise de la France n’avait été aussi fragile. Hélas, avant même la covid-19, le ver de la dette était déjà dans le fruit.
    En effet, alors que la France a connu une période favorable entre 2017 et 2019 et que notre économie aurait pu en profiter, nos dépenses n’ont cessé d’augmenter. Jamais vous n’avez su ou, plus exactement, jamais vous n’avez voulu contenir notre déficit et notre dette. C’est malheureusement dans cette situation très défavorable que nous avons abordé la crise. Vous avez une grande part de responsabilité dans cette situation de fragilité relative par rapport à nos voisins. Ainsi plutôt que de profiter d’une conjoncture favorable pour entreprendre des réformes structurelles et entamer des efforts pour contenir notre dette, nous avons laissé filer l’occasion d’assainir nos finances publiques.
    Cette mauvaise performance française explique aussi que la crise frappe bien plus durement notre pays que nombre de ses voisins. Rappelons que la contraction du PIB allemand ne devrait être que de 6,3 %, et seulement 4,6 % pour la Pologne.
    Jeter un regard sur la France d’avant le covid-19, c’est voir que nous étions déjà les champions d’Europe des dépenses publiques, qui représentaient 55,5 % du PIB contre une moyenne de 46 % en Europe. Nous occupions également la première place en matière de prélèvements obligatoires, frôlant les 44 % contre 41 % en moyenne européenne. Les chiffres du déficit et de la dette française n’étaient guère plus encourageants : nous avions l’un des pires déficits de la zone euro – 3 % du PIB contre 0,9 % pour l’ensemble de la zone – et notre dette s’élevait à près de 100 % du PIB quand l’Allemagne la maintenait à 60 % seulement, et l’Union européenne à 80,7 %. Enfin, comme l’a brillamment démontré Gilles Carrez, notre dette est détenue aux deux tiers par des intérêts étrangers, ce qui pose un problème indéniable de souveraineté.
    Ce panorama n’est pas brillant. Nous l’avons pourtant dressé, mois après mois, pour vous mettre en garde. Nos voisins allemands font, une fois encore, figure de bon élève et leur gestion des finances publiques avant et pendant la crise doit nous conduire à réfléchir. Parce que notre voisin outre-Rhin a su réduire ses dépenses publiques, il a pu injecter de l’argent dans son économie afin de la soutenir sans être menacé par le surendettement que la France risque de connaître dans les mois et années à venir. L’économie allemande a ainsi pu bénéficier d’un effort financier de 1 000 milliards d’euros, environ 30 % de son PIB, quand la France n’a injecté, en comparaison, que 460 ou 470 milliards, soit 19 % de son PIB.
    M. le ministre de l’économie a évoqué, il y a quelques instants, un risque de décalage avec l’Allemagne : oui, ce risque est réel. Nous sommes en queue de peloton au niveau européen au regard de la gestion économique de la crise : nous avons été touchés plus durement et nous nous en remettons – ou remettrons – plus lentement. Au premier trimestre, la récession française a été la pire de toute la zone euro, avec une chute de 5,8 % du PIB. L’Allemagne n’a perdu que 2 % de son PIB sur la même période, suivie de près par l’Autriche, à 2,5 %. L’Espagne et l’Italie, pourtant violemment touchées par la crise, ont subi une baisse de 5,2 % et 4,7 % de leur PIB respectivement.
    Cet état des lieux et ces comparaisons doivent nous mettre en garde, alors que nous nous apprêtons à voter, cet après-midi, en lecture définitive, un troisième projet de loi de finances rectificative. Les mesures de soutien déployées depuis le début de la crise étaient évidemment nécessaires et nous les avons toutes votées par esprit de responsabilité. Mais elles ne peuvent pas pour autant nous dispenser de concevoir au plus vite un plan de relance ambitieux et efficace. Le 24 août, il sera déjà trop tard !
    Par ailleurs, cette relance ne sera pas pérenne si nous continuons à nous reposer sur l’augmentation sans fin de la dette publique. Les perspectives des années à venir ont été bouleversées par la crise et les orientations à donner à nos finances publiques en subiront l’impact très directement.
    Tout d’abord, la dette ne peut pas durablement contribuer à financer des dépenses de fonctionnement, qu’il s’agisse du paiement des fonctionnaires ou des transferts sociaux. Le financement par la dette – l’argent magique ! – est extrêmement risqué à long terme, car si les taux d’intérêt jouent actuellement en notre faveur, rien ne garantit absolument qu’ils resteront aussi bas longtemps encore. La dette perpétuelle est une illusion ; elle serait en réalité un désastre en nous faisant perdre durablement la confiance de nos investisseurs. Et compter sur la reprise incertaine de la croissance pour la financer serait une erreur, comme l’a relevé la Cour des comptes.
    Sur notre situation de long terme, la Cour des comptes rappelle hélas que, hors charges d’intérêts, le déficit structurel n’a pas baissé depuis 2015. Cette crise doit donc à tout prix déclencher une prise de conscience : les dépenses publiques doivent baisser, comme nous ne cessons de le répéter, et des efforts plus conséquents doivent être faits pour assainir les finances publiques françaises. Chaque nouvelle dépense dans un secteur devrait et devra être équilibrée, et compensée par une baisse de dépense dans un autre domaine. Enfin, la baisse des dépenses publiques ne pourra certainement plus passer par des hausses de prélèvements obligatoires qui étouffent déjà tant les Français, comme je l’ai évoqué il y a quelques instants.

    M. Maxime Minot

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    Exactement !

    Mme Véronique Louwagie

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    Le sursaut doit avoir lieu dès maintenant, sans quoi notre économie risquerait de ne pas se relever. C’est la raison pour laquelle les députés du groupe Les Républicains ont proposé des dispositifs de relance dès le mois de juin, lesquels ont, pour la plupart, été écartés par le Gouvernement et la majorité. Un plan de relance et d’investissement pour amorcer une croissance pérenne et faire repartir notre pays : voilà ce qu’il nous faudrait.
    L’annonce d’un plan de relance intégré au projet de loi de finances pour 2021 a de quoi inquiéter. Elle signifie que notre économie devra encore attendre de longs mois avant que des mesures concrètes ne soient prises pour la sauver. Des milliers de Français pâtiront de cette décision. L’Allemagne et la Grande-Bretagne ont déjà amorcé leur relance, et nous devrons attendre le début de l’année 2021 !

    M. Maxime Minot

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    Tout va bien, madame la marquise !

    Mme Véronique Louwagie

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    Et qu’en sera-t-il des réformes annoncées ? La crise sanitaire a stoppé net l’examen du projet de loi instituant un régime de retraite universel. Le Gouvernement maintiendra-t-il une mesure d’âge, indispensable pour préserver les pensions de retraite des Français ? Pas un mot là-dessus dans le cadre de ce débat d’orientation des finances publiques. Vous promettez que, malgré la crise, il n’y aura pas de hausse des prélèvements obligatoires. Mais le prolongement jusqu’en 2024 de la contribution au remboursement de la dette sociale laisse craindre un impôt covid déguisé.
    Le Gouvernement doit impérativement nous assurer que la gestion de la crise sera temporaire, que les dépenses seront ciblées et que les mesures prises ne s’étendront pas dans le temps, pour ne pas peser durablement sur nos finances publiques. La crise vous a, je l’espère, ouvert les yeux sur les dangers que représentent des finances publiques mal gérées, une dette et un déficit que l’on laisse courir et des dépenses publiques que l’on se refuse à diminuer. L’effort devra être pensé dans la durée, sur le long terme, comme un travail en profondeur fondé sur un changement d’état d’esprit radical.
    Nous sommes actuellement engagés dans une course contre la montre pour accélérer la reprise et assurer la relance. Il ne nous reste qu’à compter sur une prise de conscience rapide, de la part du Gouvernement, de la tâche immense qui nous attend tous dans les mois à venir. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)

    M. Gilles Carrez

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    Très bien ! Bravo !

    M. Maxime Minot

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    Excellent !

    M. le président

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    La parole est à M. Philippe Naillet.

    M. Philippe Naillet

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    Ce débat d’orientation budgétaire est particulier. D’abord, il est basé sur un rapport préparatoire d’un gouvernement qui n’est plus. Ensuite, il porte sur le dernier budget que la majorité devra pleinement assumer. Enfin, le projet de loi de finances pour 2021 devra plus que jamais répondre aux exigences sociales, environnementales et économiques après le mouvement des gilets jaunes mais surtout après la crise sanitaire du covid-19, avec ses conséquences économiques et sociales qui frappent de plein fouet nos territoires ultramarins, structurellement plus fragiles que l’hexagone.
    Nous pourrions avoir un débat d’orientation budgétaire à la hauteur de la situation si vous arrêtiez enfin de considérer les outre-mer comme une variable budgétaire pour Bercy. Au-delà de leurs appartenances politiques, les Français de nos territoires sont très largement déçus par le traitement qui leur est réservé depuis trois ans. Ils sont déçus par une réforme globale des aides économiques aux entreprises précipitée et non concertée, et par les artifices comptables annonçant de fausses hausses de crédits et transformant une solidarité nationale en une solidarité ultramarine qui fait porter sur les moins riches la péréquation vers les plus pauvres.
    Que dire de la baisse importante des crédits de la ligne budgétaire unique dédiée au logement, la LBU, qui a plongé – précipité ! – le secteur du bâtiment et des travaux publics, grand pourvoyeur d’emplois, dans la pire situation depuis une décennie ? Au premier trimestre, à La Réunion, les consultations pour travaux étaient en recul de 41 % après avoir déjà diminué de 31 % en 2019. Pourtant, il y a un réel besoin de logements en nombre. Chacun le sait, un habitat digne est la condition minimale pour assurer l’épanouissement de nos familles et l’égalité des chances dès le plus jeune âge.
    Alors que, ces dernières années, nos territoires ultramarins ont connu les plus forts taux de croissance, en 2018 comme en 2019 la croissance et la création d’emplois salariés ont malheureusement régressé. Comment ne pas être interpellé quand la Cour des comptes souligne, à propos de l’exécution du budget outre-mer 2019, que si l’on compare les crédits consommés et les crédits ouverts, les écarts sont de 272 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 285 millions d’euros en crédits de paiement ? Pour relancer nos économies en souffrance, nous devons agir vite et fort, il y a urgence ! Le plan logement outre-mer présenté à l’automne dernier doit être mis en œuvre dans tous ses paramètres, le plus rapidement possible.
    Nous devons soutenir nos filières agricoles en maintenant et en honorant impérativement les budgets dédiés à leur diversification, conformément aux annonces du Président de la République faites à l’automne dernier, lors de son passage à La Réunion. Je fais référence au programme d’options spécifiques à l’éloignement et à l’insularité et au fonds du comité interministériel des outre-mer. Il est indispensable de pérenniser nos modèles. Malgré les alertes, les différents gouvernements restent sur des promesses de mouvements de crédits que personne ne voit venir. Les crises liées au mouvement des gilets jaunes puis au covid-19 ont pourtant prouvé qu’on pouvait compter sur nos producteurs locaux, en temps normal comme en cas de défaillance des importations alimentaires.
    Nous devons accélérer le déploiement des plans de convergence et de transformation signés l’année dernière. Je regrette, comme la plupart de mes collègues ultramarins, qu’ils ne soient pas à la hauteur des ambitions de la loi relative à l’égalité réelle outre-mer, ressemblant plus à une addition d’objectifs des différents ministères qu’à des projets permettant une réelle convergence.
    Il faut également prévoir l’accompagnement des seniors dans les outre-mer, qui connaîtront des transitions démographiques bien plus rapides et plus importantes que l’hexagone. En cela, nos territoires doivent être des exemples pour le pays tout entier et devront, bien sûr, bénéficier d’adaptations.
    Enfin, si le soutien à l’économie est essentiel, de nombreux autres combats doivent être menés pour affronter les difficultés chroniques qui, à des milliers de kilomètres d’ici, sont plus prégnantes encore que dans l’hexagone. La lutte contre les violences faites aux femmes comme celle contre la consommation abusive d’alcool demandent des moyens plus importants. Le remboursement sur succession de l’allocation de solidarité aux personnes âgées n’est plus acceptable. Les critères de calcul des pensions de réversion pratiqués aujourd’hui mettent en grande difficulté des conjoints déjà socialement vulnérables.
    Messieurs les ministres, une fois de plus, vos propos ne semblent pas répondre aux difficultés structurelles déjà connues ni aux crises qui ont aggravé la précarité des plus fragiles sur nos territoires – j’ai une pensée particulière pour nos compatriotes de Guyane et de Mayotte. Pour être à la hauteur de nos valeurs, le budget 2021 devra répondre aux enjeux du vingt et unième siècle : les enjeux sociaux, ceux de la transition écologique et de l’économie bleue. Les Français ultramarins, répartis aux quatre coins du monde, ne demandent qu’à en être des acteurs : à vous de nous prendre enfin en considération à l’automne prochain. Plus qu’un plan de relance, c’est un plan d’urgence que les députés du groupe Socialistes et apparentés attendent. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)

    M. Jean-Louis Bricout

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    Très bien !

    M. le président

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    La parole est à Mme Lise Magnier.

    Mme Lise Magnier

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    Ma collègue Patricia Lemoine a présenté avec une grande justesse les enjeux de l’orientation des finances publiques, les motifs de satisfaction mais aussi d’interrogation que suscite l’examen du rapport d’orientation sur les finances publiques. Je me permets également de saluer, au nom du groupe Agir ensemble, l’accord européen historique obtenu par le Président de la République au terme de négociations compliquées. Quoiqu’en disent les populistes de tout bord, cet accord est une vraie réussite pour l’Union européenne qui retrouve tout son sens. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)

    M. Maxime Minot

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    Était-il nécessaire d’évoquer les populistes ?

    Mme Lise Magnier

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    Comme cela a été dit, les députés du groupe Agir ensemble saluent les grands axes sur lesquels sera construit le budget 2021 et seront force de proposition pour l’élaboration du plan de relance qui doit nous être présenté à la rentrée. Permettez-moi de vous transmettre quelques idées simples mais fortes qui sont, à notre avis, indispensables à la bonne utilisation des 100 milliards d’euros annoncés.
    Notre première conviction est que le plan de relance devra se déployer selon une temporalité bien définie : des mesures simples et d’application immédiate, d’une part, pour soutenir nos concitoyens et les préserver de la grande précarité qui les menace à courte échéance ; des mesures plus structurelles, d’autre part, pour transformer notre modèle économique et créer de la richesse dans le temps long.
    Je précise que toutes les mesures de simplification doivent être d’application immédiate : il s’agit de lever les blocages administratifs, les irritants, ces petites normes et procédures qui empoisonnent notamment la vie des entreprises et que la loi PACTE n’a pas suffisamment ciblés.
    Cette approche fondée sur deux niveaux de temporalité différents permettra de recréer un lien de confiance avec nos concitoyens tout en réformant en profondeur notre appareil productif.
    Notre seconde conviction, partagée, nous le savons, par le Premier ministre et le Gouvernement, est que la relance passera par les territoires. La volonté de remettre le niveau local au cœur de notre politique économique et sociale ne doit pas se limiter aux déclarations d’intention. Pour la traduire en actes le plus rapidement possible, il faudra redonner des marges de manœuvre aux collectivités territoriales dans l’exercice de leurs compétences et améliorer les outils qui ont déjà fait leurs preuves.
    Je salue le « pack rebond » présenté lundi par la ministre déléguée chargée de l’industrie, Agnès Pannier-Runacher, pour permettre le développement de 148 territoires d’industrie dans l’ensemble du territoire national. Ce pack fait aussi la part belle à la préservation des compétences, ce qui m’amène à notre troisième conviction.
    Le plan de relance devra permettre la préservation des compétences et favoriser la formation, en particulier celle aux métiers d’avenir. En ce sens, le renforcement des budgets des ministères régaliens est un recentrage bienvenu de l’action étatique : un État fort et moderne est un prérequis indispensable à la reprise de l’activité économique. Par ailleurs, on ne peut favoriser l’innovation, la modernisation de notre appareil productif, l’accumulation du capital scientifique, technique, académique et culturel, qu’en renforçant certains piliers : les réseaux de transport, d’énergie et de communication, l’éducation, et les systèmes de santé et de sécurité. C’est au prix d’une réallocation des ressources publiques, afin de mieux les cibler, que nous parviendrons à monter dans le train de l’innovation et de la création de richesses.
    Notre quatrième conviction est que nous devons considérer cette crise comme une opportunité de moderniser l’appareil productif et d’investir dans l’économie de demain. Toutefois, cette modernisation doit se faire intelligemment : de la même façon que l’écologisme à marche forcée, qui ne prend pas en considération les réalités du terrain et du monde économique globalisé, est dangereux pour la survie de nos entreprises, la modernisation de l’appareil productif doit être pensée à partir du terrain. Nous devons réfléchir du point de vue de la chaîne de valeur pour que la décarbonation de notre économie ne se fasse pas au profit de la Chine ou de l’Inde, les deux plus gros pollueurs mondiaux.
    À ce titre, le groupe Agir ensemble salue l’annonce du Gouvernement de la baisse massive des impôts de production : elle donnera aux entreprises françaises de nouvelles capacités d’investissement.
    Telle est, chers collègues, notre feuille de route pour que le plan de relance présenté à la rentrée contienne en germe l’économie de demain tout en préservant l’économie d’aujourd’hui. (Applaudissements sur les bancs du groupe Agir ens. et plusieurs bancs du groupe LaREM.)

    M. le président

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    La parole est à M. Belkhir Belhaddad.

    M. Belkhir Belhaddad

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    La phrase que j’entends le plus souvent, en ce moment, dans ma circonscription, est : « On compte sur toi. » Les discussions dans la rue, les rendez-vous dans ma permanence, les mails que je reçois se terminent tous par cet espoir, cette exhortation, ce message : « On compte sur toi. »
    Aussi, intervenir ce matin dans ce débat d’orientation des finances publiques pour 2021 est porter la voix des milliers de personnes qui comptent sur moi, qui comptent sur nous.
    Le moment est inédit : une crise économique succède à une crise sanitaire,  laquelle semble malheureusement ne pas avoir dit son dernier mot ; une nouvelle équipe gouvernementale s’installe, dont je salue les premiers pas.
    Derrière la phrase « On compte sur toi », c’est un besoin de cap, de protection, de bouclier qui s’exprime en réponse à l’orientation tracée par le Premier ministre dans sa déclaration de politique générale : « Nous ne retrouverons pas l’unité sans une attention accrue aux plus vulnérables d’entre nous. » De toute évidence, l’enjeu numéro un du budget de l’État pour 2021 est de protéger les Françaises et les Français et de restaurer la confiance.
    L’épidémie de covid-19 s’est soldée par une lourde facture, peut-être pas définitive, mais déjà vertigineuse : -11 % de PIB, 10 % de chômeurs, 110 milliards de dépenses publiques supplémentaires. Le budget qu’il nous revient de préparer devra permettre à la fois d’accompagner la relance et d’anticiper toute résurgence d’une crise sanitaire aux contours bien incertains. Pour cela, plusieurs caps peuvent nous guider.
    Le premier est l’emploi des Françaises et des Français. Le recours au chômage partiel a été massif et salutaire pendant la crise sanitaire : 30 milliards d’euros y ont été consacrés. Sa prolongation dans les secteurs stratégiques, dont la reprise est lente, est indispensable. À ce stade, 8 milliards d’euros sont prévus, dans les documents budgétaires, pour ce dispositif de sécurité à la française : ils sont selon moi indispensables pour préserver l’emploi et la sécurité de chacun.
    La crise a cependant aggravé les constats que nous faisons depuis trois ans sur l’évolution du travail, la société de compétences et la mutation des métiers. Je salue donc la volonté du Gouvernement d’engager 1,5 milliard de crédits supplémentaires dans la formation afin de créer 200 000 places supplémentaires en 2021 et j’appelle son attention sur la capacité du service public de l’emploi à mettre en œuvre cette dynamique, qui ne saurait être ralentie faute d’un système inopérant ou trop lent – les moyens de Pôle emploi, en particulier, doivent être à la hauteur. Nous comptons sur vous.
    Le deuxième cap, ce sont les jeunes : ils sont la priorité absolue. À la rentrée, 700 000 d’entre eux arriveront sur le marché du travail. Nous devons nous mobiliser collectivement afin de leur ouvrir les portes de l’emploi et de lever les réticences à l’embauche dues au contexte économique incertain. L’effort consenti par le Gouvernement est massif : 4 000 euros par an pour l’embauche d’un jeune de moins de 25 ans, 5 000 euros pour les apprentis mineurs, 8 000 euros pour les apprentis majeurs. Ceux qui décrochent et qui restent éloignés du marché de l’emploi doivent être, plus que les autres, dans notre viseur – c’est bien le cas avec les 300 000 parcours d’insertion prévus pour 2021. Nous comptons sur vous.
    D’autres sujets nourrissent les débats au sein de la commission des affaires sociales, parmi lesquels le sport santé, sur lequel je veux dire quelques mots. Il n’est ni un gadget, ni une lubie. La crise du covid-19 a montré à quel point les pathologies périphériques pouvaient aggraver la propagation du virus. De même, le confinement a révélé combien les Français étaient attachés à la  pratique d’une activité physique.
    Je le répète donc ici : consacrer une partie de l’argent de l’assurance maladie et des mutuelles complémentaires à encourager une activité physique adaptée ne constitue pas une dépense supplémentaire mais, au contraire, du fait de la diminution de certaines pathologies et de leurs effets, une économie sur des dépenses futures. Le forfait de prise en charge post-cancer adopté dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2020 a marqué une première étape, mais il est indispensable d’aller beaucoup plus loin. Nous comptons sur vous.
    Un mot de méthode, pour conclure. Face aux turbulences que nous connaissons, la solidité du budget repose sur une coproduction entre l’exécutif et le Parlement. Le Premier ministre l’a appelée de ses vœux dans son discours de politique générale. Nous répondrons présents !
    Une majorité se mesure à l’aune de son action : les Français retiendront que c’est sous notre impulsion que les salaires des personnels hospitaliers ont été augmentés de 200 euros net par mois et que 15 000 postes ont été créés. Il s’agit d’un effort historique, que je salue.
    Monsieur le ministre délégué, au nom du groupe La République en marche, au nom de celles et ceux qui comptent sur moi, qui comptent sur nous, j’appelle le Gouvernement à préparer un budget pour 2021 à la hauteur des enjeux de cette période compliquée et des transformations profondes de la société française, qu’il nous revient d’accompagner et de protéger. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)

    M. le président

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    La parole est à M. Maxime Minot.

    M. Maxime Minot

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    À situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles. Pour faire face à une crise sanitaire sans précédent, le Gouvernement a dû mettre en œuvre des dispositifs inédits, y compris par leur ampleur, afin d’amortir le choc de la crise sanitaire pour l’économie française. Le décrochage des finances publiques donne le vertige : la dette passe à 121 % du PIB ; la dépense publique augmente de plus de 6 % pour atteindre 63,6 % du PIB ; le déficit public est désormais attendu à 11,4 % du PIB.
    Notre accord s’arrête cependant à ces constats, car les deux documents qui éclairent ce débat parlementaire, le rapport préparatoire au débat d’orientation des finances publiques, élaboré par le Gouvernement, et le rapport  de la Cour des comptes de juin 2020 relatif à la situation et aux perspectives des finances publiques, aboutissent à des conclusions bien différentes.
    Pour le Gouvernement, tout va bien, madame la marquise ! Tout a été parfaitement géré. Il s’accorde un satisfecit indécent sur la situation des finances publiques et sur la gestion de la crise, et se montre optimiste pour les mois à venir. ll est dans son rôle et je suis dans le mien en apportant quelques nuances à cette carte postale idyllique.
    Le Gouvernement estime que la France est entrée bien préparée dans la crise sanitaire – bien que celle-ci ait considérablement dégradé les comptes publics – grâce à la gestion rigoureuse et sincère qui a précédé et qui a permis, selon lui, une réaction immédiate.
    Il nous dit que la croissance française a été de 1,5 % en 2019, portée par la demande intérieure mais limitée par la balance commerciale, bien loin des prévisions initiales.
    Il précise que le pouvoir d’achat des ménages a lui aussi progressé, de 2,1 %, ce qui s’est traduit par une hausse de la consommation. Le ressenti de nos concitoyens est tout autre, croyez-moi !
    Il se satisfait de ses résultats en matière de déficit en soulignant que celui-ci est resté identique en 2018 et en 2019 – ce qui démontre pourtant qu’aucun effort structurel n’a été consenti : la dette est stabilisée, mais son remboursement n’a pas commencé.
    Il souligne que la dépense publique a atteint 53,7 % du PIB en 2019, mais il omet de dire que son rythme de progression a été de 1,8 % en 2019.
    Ce double discours est confirmé par la Cour des comptes, qui se montre bien évidemment plus objective et plus sévère sur la situation. Elle regrette, en effet, un redressement largement inachevé des comptes publics en 2019 et soutient, à la différence du Gouvernement, que « la France n’a pas abordé cette crise avec des finances publiques restaurées » :

    Mme Véronique Louwagie

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    Tout à fait !

    M. Maxime Minot

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    La dette a augmenté sans discontinuer depuis quarante ans ; les redressements entrepris depuis les années 2000 ont surtout consisté en des hausses d’impôts et la dépense publique n’a jamais vraiment baissé malgré l’environnement favorable de taux bas ; le déficit structurel n’a pas été réduit et reste éloigné de l’objectif à moyen terme, fixé à -0,4 point de PIB par la loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 ; la dépense publique a accéléré en parallèle d’une baisse de prélèvements de près de 10 milliards d’euros – ce qui est d’ailleurs contraire aux politiques budgétaires hétérodoxes de haut de cycle.
    Ainsi, selon la Cour des comptes, la France a abordé la crise avec des marges d’action insuffisamment restaurées. Elle insiste sur l’enjeu que constituera, pour les années à venir, la soutenabilité de la dette et souligne que le scénario de reprise du Gouvernement, basé sur un PIB potentiel préservé, est – comme d’habitude – « optimiste ». Du fait de la destruction du potentiel productif, le rééquilibrage spontané des comptes publics ne sera, en réalité, que très partiel.
    La Cour avertit, en outre, solennellement : « La France ne peut laisser filer son endettement sans s’exposer à des difficultés majeures à moyen et long terme » ;« Réduire la dette est […] nécessaire pour restaurer des marges d’action et pour atténuer les divergences de trajectoire entre pays de la zone euro ».
    Enfin, bâtir une véritable stratégie de finances publiques lui apparaît fondamental : il faut, en un mot, sortir de la réaction permanente et s’inscrire dans un cycle long. Un plan de relance est nécessaire, mais le discours doit être clair.
    Monsieur le ministre délégué, pendant trois ans, vous avez expliqué aux Français que les caisses étaient vides, mais vous n’avez engagé aucune des réformes structurelles qui étaient indispensables. En quelques semaines, vous avez prouvé à nos concitoyens que les caisses de l’État pouvaient se remplir miraculeusement, sans rappeler pour autant – ce qui est pourtant indispensable – que l’argent public n’est pas gratuit et qu’il nous engage sur plusieurs générations. C’est une erreur profonde, dont il vous faut prendre la mesure rapidement étant donné la probabilité d’une deuxième vague, car nos marges de manœuvre s’amenuisent drastiquement.
    L’État vit chaque jour davantage à crédit. Les illusionnistes qui proposent une dépense publique illimitée mentent aux Français en leur faisant perdre le sens des réalités. Le groupe Les Républicains estime que nous devons abandonner cette conception d’un État qui peut tout et doit tout, car elle pèse sur notre avenir : quel père de famille n’est pas, un jour ou l’autre, dans l’obligation de rembourser sa dette ? L’État français ne pourra pas y échapper. À vous, qui y êtes aux responsabilités, de le rappeler aux Français, sans faux-semblants, ni excuses. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Stéphanie Atger.

    Mme Stéphanie Atger

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    La crise sanitaire que nous avons vécue, ses conséquences économiques, sociales et sociétales ont et auront une incidence non négligeable sur nos finances sociales.
    Dès le début de la crise, le groupe La République en marche a salué les premières dispositions prises par le Gouvernement. Afin de répondre rapidement aux attentes des salariés et des entreprises touchés, celui-ci a choisi de recourir largement au financement d’un chômage partiel correspondant à 84 % du salaire net. Des réponses supplémentaires ont été apportées aux bénéficiaires du revenu de solidarité active et de l’allocation de solidarité spécifique, qui ont perçu une aide de 150 euros à laquelle s’ajoutent 100 euros par enfant à charge, également accessibles aux familles bénéficiaires de l’aide personnalisée au logement. Ces dispositifs ont permis de protéger notre économie et nos emplois, et d’éviter des ruptures de droits, notamment pour les publics les plus fragiles.
     
    La période nous a en outre fourni l’occasion de mesurer l’engagement de nos personnels soignants ; il nous oblige à nous donner les moyens de leur manifester la reconnaissance de la nation, notamment par une revalorisation de leur rémunération. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé, a donc souhaité ouvrir rapidement une concertation avec l’ensemble des organisations syndicales, mais aussi avec les acteurs concernés et les citoyens, afin d’identifier les avantages et les limites de notre système de soins.
    Les conclusions du Ségur de la santé ont été rendues. Elles ont entériné des progrès considérables : 1,8 million de professionnels vont bénéficier d’une augmentation de leur rémunération ; le salaire de tous les personnels paramédicaux – agents hospitaliers et salariés des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, les EHPAD – augmentera de 200 euros net par mois. Ces accords représentent une belle promesse : ils permettront de donner aux métiers de la santé une attractivité nouvelle et de transformer les établissements de santé au service des patients.
    Pour parfaire ces avancées, l’Assemblée devra être saisie de mesures supplémentaires en faveur du grand âge et de l’autonomie. Dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2020, une enveloppe budgétaire de 500 millions d’euros pour la période 2020-2021 avait déjà été allouée afin de soutenir les EHPAD, favorisant notamment 5 200 embauches. Le secteur de l’aide à domicile avait également bénéficié de 50 millions d’euros en plus. Il doit rester au cœur de nos priorités dans la perspective du vieillissement annoncé de notre population. Selon les projections pour 2030, 2,6 millions de personnes auront alors plus de 85 ans, dont 1,6 million seront en perte d’autonomie. En conséquence, une réforme de notre système et l’apport de nouveaux financements apparaissent indispensables.
    Il faudra également prévoir et anticiper la rénovation des établissements d’accueil. D’après les dernières enquêtes, un quart des EHPAD n’ont pas été rénovés depuis vingt-cinq ans. Il convient en outre de considérer les investissements dans les équipements numériques et technologiques comme de première nécessité.
    Afin de répondre aux premiers besoins identifiés et de sécuriser le financement afférent, l’Assemblée nationale votera cet après-midi la création de la cinquième branche de la sécurité sociale. Cette disposition historique sera, j’en suis certaine, à la hauteur des enjeux du bien vieillir en France. Elle permettra d’améliorer la formation des personnels soignants, le taux d’encadrement, la façon d’accueillir, mais aussi la présence médicale, ainsi que le lien avec le système de soins.
    Les investissements publics devront reposer sur une solidarité nationale repensée et sur la consécration du rôle des territoires. Ce changement de modèle doit permettre à nos EHPAD de devenir de vrais lieux de vie. Comme l’a rappelé la ministre déléguée chargée de l’autonomie lors des dernières questions au Gouvernement, il s’agira de promouvoir le développement des habitats partagés pour en faire des unités de vie à taille humaine dotées d’un accompagnement mutualisé.
    Notre réflexion en vue du prochain PLFSS devra également prendre en considération le travail à mener aux côtés des collectivités territoriales en faveur des secteurs de l’accompagnement et du soin à domicile.
    Ainsi, la santé publique de demain devra tenir compte des aspirations de l’ensemble des Français, dont nos aînés, citoyens à part entière de notre nation. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.  Mme la présidente et M. le rapporteur général de la commission des affaires sociales applaudissent également.)

    M. le président

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    La parole est à M. le ministre délégué.

    M. Olivier Dussopt, ministre délégué

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    Je remercie l’ensemble des intervenants pour la richesse de leurs propos. La divergence des points de vue fait la force du débat démocratique : chacune des positions exprimées nous sera utile pour la préparation du PLF pour 2021 et pour les derniers arbitrages que nous devons rendre à ce sujet.
    J’ai été interrogé sur le calendrier, plus précisément sur l’articulation entre les PLFR – ceux que vous avez adoptés, celui sur lequel vous voterez cet après-midi – et le plan de relance, qui sera présenté le 24 août et dont les dispositions financières et fiscales seront contenues dans le PLF pour 2021.
    Je souhaite rassurer ceux qui craignent que la date du 24 août soit trop tardive : la relance, c’est tout de suite ; la relance, ce sont aussi les PLFR. Cela a été rappelé à plusieurs reprises, notamment par Mme Louwagie, selon laquelle nous n’avons débloqué et livré « que » 470 milliards d’euros, dont 330 de garantie, 60 de crédits et 77 de reports de cotisations ou d’échéances, pour accompagner le secteur économique. En outre, le PLFR3, sur lequel vous aurez à vous prononcer une dernière fois cet après-midi, garantit le financement des plans sectoriels, pour 45 milliards, et des dispositifs d’aide aux plus fragiles comme d’aide à l’embauche des jeunes, à hauteur de 4 000 euros par embauche – le Premier ministre détaille actuellement ce dernier mécanisme dans le cadre de son déplacement à Besançon.
    Au total, l’ensemble des mesures de relance dont nous avons besoin et que nous mettrons formellement en œuvre le 24 août peuvent être financées sur l’exercice 2020. Plusieurs dispositifs l’autorisent déjà, notamment le fonds permettant la prise de participation dans des entreprises, ainsi que la possibilité de financer par appel à projet les filières industrielles du futur, ouverte par un amendement au PLFR3 adopté par le Sénat – nous avons inscrit plus de 500 millions d’euros de crédits à cette fin. La relance et ses outils sont bel et bien financés.
    Pour tenter de rassurer tout à fait ceux qui resteraient inquiets, le PLFR de fin de gestion pourrait également être utilisé si jamais un financement supplémentaire se révélait nécessaire en 2020.
    Une autre série de questions portait sur les collectivités locales, dont s’est notamment préoccupée la présidente Rabault. Par le PLFR3, nous avons instauré un système de garantie de recettes absolument inédit : à aucun moment de l’histoire récente l’État ne s’était ainsi porté garant des recettes fiscales et domaniales, outre le maintien déjà acté du niveau des dotations. À ce soutien aux recettes propres, nous avons adjoint 1 milliard supplémentaire d’appui à l’investissement local, ce qui est également tout à fait inédit. Par le plan de relance, nous conforterons les outils d’aide à l’investissement.
    Nous sommes très attachés à la diminution des prélèvements obligatoires. Celle-ci est déjà une réalité : nous avons honoré l’engagement présidentiel en ramenant le taux de prélèvements obligatoires de 45,1 à 43,8 %. Il faut absolument préserver cet acquis : la relance ne sera pas financée par l’impôt, mais par le retour de l’activité et par la création d’emplois et de richesse, afin de garantir à prélèvement constant – au plus – le retour à l’équilibre et une trajectoire acceptable pour les finances publiques.
    D’aucuns se sont également inquiétés de ne pas trouver dans les orientations que nous vous avons présentées la trace des mesures dites Ségur – les 8 milliards d’euros d’accompagnement salarial, mais aussi les mesures d’investissement. Les investissements les plus immédiats pourront trouver leur place dans le plan de relance ; surtout, la revalorisation salariale annoncée par le ministre des solidarités et de la santé figurera dans le PLFSS, alors que les orientations dont nous débattons touchent principalement le PLF.
    Je veux dire à M. Naillet, à qui je souhaite la bienvenue dans l’hémicycle, que les outre-mer ne sont pas oubliés dans le PLFR3 : la garantie de recettes que je viens d’évoquer a été adaptée aux territoires ultramarins pour couvrir le produit de la taxe spéciale de consommation, mais aussi du droit d’octroi de mer, pour 60 millions d’euros au total. Dans le tiré à part – qui a été diffusé très tardivement –, vous pourrez constater que les crédits du programme 123, « Conditions de vie outre-mer », augmentent de 64 millions, c’est-à-dire de 6 %, soit deux fois et demie le rythme d’accroissement des dépenses de l’État l’an prochain, ce qui témoigne de l’attention particulière que nous accordons à l’outre-mer. Cela ne nous dispense pas de remédier aux difficultés plus structurelles que vous avez rappelées.

    M. Jean-Louis Bricout

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    On peut faire mieux !

    M. Olivier Dussopt, ministre délégué

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    L’objectif du PLF pour 2021 est évidemment d’amorcer la reprise et la création de richesse, pour retrouver fin 2022 le niveau de PIB atteint fin 2019. Aux yeux de certains, ce n’est pas assez ambitieux. Bien sûr, nous souhaitons tous que la reprise soit plus rapide. J’espère rassurer en particulier Mme Lemoine en indiquant que notre hypothèse d’un recul de 11 % de la croissance en 2020 a été qualifiée de prudente par le Haut Conseil des finances publiques. Elle fait partie des plus sévères qui aient été émises : un seul prévisionniste est plus pessimiste que l’État français sur ce point, quand six autres anticipent une situation plus favorable, nonobstant – c’est important – le risque d’un ressaut de l’épidémie et d’une dégradation subséquente des conditions sanitaires. Telles sont les raisons qui nous permettent d’espérer retrouver en 2021 un niveau de déficit inférieur de moitié à celui de 2020, puis beaucoup plus acceptable, même s’il faudra quelques années de plus pour atteindre les 3 %, que nous visons à l’horizon 2026-2027, comme l’indiquent les documents que nous vous avons fournis.
    Par ailleurs, je l’ai indiqué dans mon propos liminaire, notre orientation s’agissant du budget classique, hors plan de relance, consiste à coller autant que possible au budget triennal, pour deux raisons.
    Premièrement, la crédibilité de la signature française sur les marchés financiers dépend du respect de notre programme économique, notamment le choix d’une politique de l’offre et de compétitivité.
    Deuxièmement, y coller autant que possible est la condition pour pouvoir s’en éloigner quelque peu afin de financer de nouvelles priorités, dont l’insertion et l’emploi. À cet égard, Mme Dupont trouvera dans le PLF pour 2021 des réponses à ses attentes touchant le financement et l’accompagnement de l’insertion par l’activité économique, une bonne piste de travail. Ces priorités concernent également l’éducation nationale, l’enseignement supérieur et la justice, dotée, je l’ai dit, d’une augmentation de crédits de 6 %, destinée à rattraper le léger ralentissement observé ces deux dernières années, par un défaut d’exécution imputable à des raisons que tous connaissent et comprennent, par rapport aux objectifs de la loi de programmation et de réforme pour la justice.
    Enfin, Bruno Le Maire et moi-même sommes particulièrement attentifs à la nature du plan de relance, qui doit être massif, rapide et efficace : il faut que ses mesures soient conjoncturelles. Lorsqu’il aura été mis en œuvre et que nous aurons retrouvé le niveau de richesse de la fin 2019, la part des dépenses publiques dans le PIB ne devra pas être supérieure à ce qu’elle était alors – au contraire, puisque nous devons maintenir la tendance à son allégement.
    Les dépenses du plan de relance doivent donc être réversibles : il convient qu’elles puissent être examinées et pilotées en cours de route, de sorte que des crédits dont il apparaîtrait qu’ils ne peuvent être engagés dans ce cadre soient le cas échéant redéployés, voire annulés. La perspective de l’annulation est parfois la meilleure des motivations pour engager des crédits et pour les allouer à des projets susceptibles d’être concrétisés. Nous serons vigilants sur ce point : le plan de relance ne doit pas déclencher un effet de cliquet qui nous placerait dans une situation plus défavorable qu’avant la crise. C’est aussi l’enjeu des prochaines semaines et des débats budgétaires que nous aurons à partir de septembre.
    Le nombre d’interventions et leur richesse ne me permettaient pas de répondre à tous – je n’ai notamment rien pu dire des questions de dette et de compétitivité soulevées par Jean-Noël Barrot – et m’ont obligé à employer un style quelque peu télégraphique dont je vous prie de m’excuser. Mais nous aurons des heures de séance à la rentrée pour creuser les points abordés, afin d’être efficaces ensemble. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, MODEM et Agir ens.)

    M. le président

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    Le débat d’orientation des finances publiques pour 2021 est clos.

    2. Ordre du jour de la prochaine séance

    M. le président

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    Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :
    Lecture définitive du projet de loi organique et du projet de loi relatifs à la dette sociale et à l’autonomie ;
    Lecture définitive du projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes 2019 ;
    Lecture des conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de finances rectificative pour 2020.
    La séance est levée.

    (La séance est levée à douze heures quarante-cinq.)

    Le Directeur du service du compte rendu de la séance
    de l’Assemblée nationale
    Serge Ezdra