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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session extraordinaire de 2011-2012

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du lundi 16 juillet 2012

SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE

SOMMAIRE


Présidence de M. Denis Baupin

. Projet de loi de finances rectificative pour 2012 (suite)

Motion de renvoi en commission

M. Yves Censi

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué chargé du budget, M. Christian Eckert, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, M. Étienne Blanc, M. Yves Jégo, M. Éric Alauzet, M. Jean Launay

Discussion générale

M. Hervé Mariton

M. Charles de Courson

M. Éric Alauzet

Mme Annick Girardin

M. Nicolas Sansu

M. Pierre-Alain Muet

M. Jean-Pierre Gorges

M. Jean-Christophe Lagarde

Mme Eva Sas

M. Bruno Nestor Azerot

M. Christian Paul

M. Jean Lassalle

Mme Marie-Christine Dalloz

M. Philippe Vigier

M. Marc Goua

M. Xavier Bertrand

M. Jean-Marc Germain

M. Jean-François Lamour

Mme Christine Pires Beaune

M. Étienne Blanc

M. Olivier Faure

M. Jacques Lamblin

M. Dominique Lefebvre

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet

M. Pascal Cherki

M. Michel Zumkeller

M. Laurent Grandguillaume

2. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Denis Baupin,
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

Projet de loi de finances rectificative pour 2012 (suite)

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2012 (nos 71, 79, 78, 77).

Motion de renvoi en commission

M. le président. J’ai reçu de M. Christian Jacob et des membres du groupe de l’Union pour un mouvement populaire une motion de renvoi en commission déposée en application de l’article 91, alinéa 6, du règlement.

La parole est à M. Yves Censi.

M. Yves Censi. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué chargé du budget, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, madame et monsieur les rapporteurs pour avis, mes chers collègues, cette majorité s’est fait élire sur le thème du changement.

M. Jean-Luc Laurent. Je confirme !

M. Yves Censi. Nous nous attendions donc à un collectif haut en couleurs, à des mesures pittoresques – que vous appelez « symboliques ». Or rien de tout cela, sinon une succession de mesures de bric et de broc. Cela a été largement évoqué cet après-midi. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Michel Vergnier. Êtes-vous Censi ou censeur ?

M. Yves Censi. Ce projet est sans envergure, constitué de recettes éculées, qui ont malheureusement toujours échoué. Il manque sa cible, et de loin, j’en suis hélas convaincu. Il ne prépare pas la France aux défis de demain.

M. Michel Vergnier. Censeur mais pas sensé !

M. Yves Censi. Malgré votre rhétorique scintillante, monsieur le ministre, c’est un retour vers le passé auquel vous nous conviez. Ce projet de loi sent la naphtaline !

Il témoigne, certes, d’une persévérance à toute épreuve, de convictions bien ancrées qui constituent, au fond, votre marque de fabrique indélébile. Je veux parler de l’augmentation des impôts et, dans le même temps, de la dépense publique.

M. Michel Vergnier. Ça oui, vous pouvez en parler !

M. Yves Censi. Malgré les preuves accablantes de son inefficacité pour relancer la croissance, malgré les fiascos économiques qu’il a engendrés partout dans le monde depuis des décennies, à l’encontre de toutes les analyses économiques dont nous disposons, le keynésianisme que vous nous resservez aujourd’hui confère à votre politique une empreinte dogmatique illusoire face aux réalités économiques de notre monde.

Comme le dit l’adage, errare humanum est, perseverare diabolicum. (Sourires sur les bancs du groupe SRC.)

M. Régis Juanico. Ça s’enrichit !

M. Yves Censi. Instruisez-vous, chers collègues ! Oui, monsieur le ministre, la persévérance socialiste dans l’augmentation des impôts dépasse le stade de l’erreur. Trente ans après 1981, c’est une faute intentionnelle.

En bons keynésiens récalcitrants – à en croire vos cris d’orfraie, je ne crois pas me tromper –,…

M. Bernard Roman. Nous n’avons rien dit !

M. Yves Censi. …vous décidez, puisqu’il faut éliminer le déficit, d’augmenter les impôts. Mais vous choisissez de ne pas toucher aux dépenses, afin, soi-disant, de ne pas nuire à la croissance économique. Pourtant, votre foi dans la dépense publique et dans l’augmentation des impôts pour réduire les déficits n’a jamais été confortée par les faits, bien au contraire.

Une étude récente de l’université de Harvard,…

Plusieurs députés du groupe SRC. Ah !

M. Yves Censi. …couvrant les 107 plans d’austérité mis en œuvre dans les pays de l’OCDE au cours des trente dernières années, montre que les plus efficaces sont ceux qui comportaient des coupes dans les dépenses publiques, sans augmentations d’impôts. Le Fonds monétaire international arrive à une conclusion semblable.

Les coupes dans les dépenses publiques et les réformes structurelles – je pense à la baisse des charges sociales ou encore à la libéralisation du marché du travail – sont les seuls moyens de réduire durablement la dette souveraine d’un pays. Or vous nous présentez un collectif budgétaire truffé d’augmentations d’impôts, sans la moindre économie sur la dépense publique.

Avec votre texte, monsieur le ministre, ce sont 7,2 milliards d’euros d’augmentations d’impôts qui frapperont essentiellement les classes moyennes et les salariés.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Mais non !

M. Yves Censi. Votre projet de loi est marqué par trois erreurs majeures : augmenter les impôts plutôt que de baisser les dépenses, ce que Martine Aubry avait annoncé en évoquant d’« énormes marges fiscales » ; matraquer les classes moyennes ; accentuer notre déficit de compétitivité, comme l’a rappelé avec talent Christian Estrosi.

M. Pierre-Alain Muet. Soyez sérieux ! C’est vous qui étiez au pouvoir !

M. Yves Censi. Ces trois erreurs casseront ce qu’il reste de croissance, ponctionneront le pouvoir d’achat des Français, dévaloriseront une nouvelle fois le travail, et aggraveront dangereusement la situation sur le front du chômage.

Ce choix de l’impôt est incompréhensible alors que nous avons l’un des taux de prélèvements obligatoires les plus forts de l’OCDE – 44 % du PIB contre 39,5 % en Allemagne –,…

M. Régis Juanico. Grâce à vous !

M. Yves Censi. …et que notre niveau de dépenses publiques est le plus élevé de la zone euro, avec 56 % du PIB contre 48 % en moyenne dans les autres pays.

M. Pierre-Alain Muet. Quel culot !

M. Yves Censi. Ce choix de l’impôt est d’autant plus incompréhensible que l’audit de la Cour des comptes, rendu public le 2 juillet, affirmait que « les ajustements budgétaires devront en priorité porter sur les dépenses », et que « le poids des dépenses publiques peut être réduit sans remettre en cause la qualité des services publics, grâce à des gains d’efficience collective. »

Au courage politique qu’il vous manque pour couper dans les dépenses, vous préférez la solution de facilité : l’augmentation des impôts. Pire, pour gagner les élections législatives, vous n’avez pas hésité à créer de nouvelles dépenses : augmentation de 25 % de l’allocation de rentrée scolaire, coup de pouce, quoique misérable, au SMIC, retour partiel à la retraite à soixante ans.

M. Michel Vergnier. Excellent !

M. Yves Censi. Aujourd’hui, vous présentez la facture aux Français.

À travers ce collectif, vous avez fait un choix facile, de court terme, qui consiste à revenir sur certains allégements fiscaux, quitte à léser les contribuables des classes moyennes. Contrairement à ce que vous affirmez, ce ne sont pas les plus riches qui vont payer la note, mais bien les classes moyennes et les salariés.

M. Christian Eckert, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Ce n’est pas vrai !

M. Yves Censi. Avec la taxation des heures supplémentaires, que nous avions défiscalisées, ce sont plus de 8 millions de salariés qui perdront en moyenne 500 euros par an. Certaines professions, comme les chauffeurs routiers, se verront supprimer jusqu’à 3 000 euros.

Ce ne sont pas les cadres qui bénéficient des heures supplémentaires, mais bien les ouvriers, les employés, y compris ceux des très petites entreprises, les enseignants aussi, qui auront une très mauvaise surprise en découvrant leur feuille d’impôt comme leur feuille de paye.

M. Christian Jacob. Les socialistes n’aiment pas les ouvriers !

M. Yves Censi. Avec le retour à la retraite à soixante ans pour certains, les cotisations retraite, qui pèsent sur les salaires, augmenteront pour tous.

La taxe sur les produits pétroliers, estimée à 550 millions d’euros, sera répercutée immédiatement à la pompe et donc payée par tous les Français.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. N’importe quoi !

M. Yves Censi. Vous aviez promis à nos concitoyens le blocage des prix ; ils les verront augmenter.

Cet après-midi, Pierre Moscovici a usé d’une formule plutôt étonnante, parlant d’une taxe « effaçable ». Monsieur le ministre, il vous reviendra de nous expliquer ce que dissimule ce vocable, sous prétexte que cette taxe porte sur les stocks.

Avec l’augmentation du forfait social sur l’intéressement et la participation, c’est l’épargne salariale qui se trouve dans votre ligne de mire. Ainsi, dès le mois d’août, le forfait social payé sur l’intéressement, la participation, les plans d’épargne entreprise ou encore les plans d’épargne pour la retraite collectifs, passera de 8 à 20 %.

Cette mesure aura un effet direct : les sommes versées aux salariés seront diminuées du montant de l’augmentation du forfait social. Non seulement cette hausse sera bien répercutée sur les ménages, mais, en outre, ce doublement d’une brutalité inouïe découragera immanquablement les entreprises de développer ces outils au service de leurs employés.

Concrètement, près de 9 millions de salariés se verront priver de plus de 2,4 milliards d’euros chaque année. À un mécanisme vertueux de récompense et de partage, vous avez préféré le matraquage fiscal.

Alors que nous avions supprimé les droits de succession pour les classes moyennes et supérieures, estimant que des personnes qui ont travaillé toute leur vie doivent pouvoir transmettre librement leur patrimoine à leurs enfants, vous faites le choix de les augmenter.

En taxant les heures supplémentaires, l’épargne salariale, les successions, vous dévalorisez le travail, vous découragez le mérite et l’effort. C’est un signal dévastateur envoyé à tous ceux qui pensent que c’est par le travail que la France sortira de la crise.

Face à la dégradation de la croissance et à la création de nouvelles dépenses publiques, c’est bien plus de 7 milliards qu’il vous faudra trouver pour respecter notre objectif de 4,5 % de déficit en 2012.

Or l’objectif d’un déficit à 4,5 % ne pourra être atteint que si l’on a le courage de maîtriser les dépenses. C’est une nécessité absolue, un préalable indispensable sur lequel s’accordent toutes les études économiques et la Cour des comptes.

Justement, parlons de la Cour des comptes.

M. Régis Juanico. Oui, parlons-en !

M. Yves Censi. Vous n’avez, malheureusement, pas pu vous retrancher derrière son audit, que vous aviez sollicité, pour vous affranchir à bon compte de la politique rigoureuse et courageuse menée pendant dix ans par l’ancienne majorité. Les chiffres nous donnent raison et l’héritage que nous laissons est, simplement, celui d’un bon père de famille (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Anne-Yvonne Le Dain. Voyons !

M. Bernard Roman. Honteux !

M. Yves Censi. Non seulement la Cour des comptes donne quitus à vos prédécesseurs, mais le projet de loi de règlement que nous avons examiné la semaine dernière atteste de la qualité de notre gestion.

Le déficit d’exécution en 2011 a été inférieur à celui prévu dans la loi de finances initiale, et même inférieur au déficit constaté en 2010. Alors que nous nous étions engagés à ramener le déficit à 5,7 %, il atteint 5,2 % du PIB.

M. Michel Vergnier. Parlez-nous des anticipations !

M. Yves Censi. En 2011, il est passé de 148 milliards à 90 milliards d’euros. Monsieur le ministre, nous avons été étonnés de vous entendre dire que nous n’étions pour rien dans cette baisse, due, selon vous, à la fin du plan de relance.

Mais, monsieur le ministre, c’est précisément ainsi qu’a été imaginé et construit le plan de relance, pour relancer les investissements à un moment crucial marqué par les difficultés économiques. La différence entre vous et nous, c’est que vous relancez la dépense pérenne. Et c’est bien ce qui pose problème dans ce PLFR.

Le budget 2011, avec l’application de la norme zéro valeur, a sonné le glas de la dépense publique supplémentaire justifiée par l’inflation et pourtant la croissance n’était pas au rendez-vous du fait de la crise des dettes souveraines de juillet 2011.

Notre gestion, celle dont notre pays a besoin, se fondait sur le gel des dépenses, la baisse du nombre des fonctionnaires et la stabilisation de la masse salariale de l’État – une première depuis la Seconde Guerre mondiale –, ainsi que sur la baisse sans précédent des déficits. Les taux d’intérêt historiquement bas dont bénéficie actuellement notre pays ne sont-ils pas, d’ailleurs, la preuve ultime de la politique vertueuse que nous avons conduite pendant cinq ans ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. Ça va durer longtemps ?

M. Michel Vergnier. Un million de chômeurs en plus et 600 milliards de dette : quelle vertu !

M. Yves Censi. Or force est de constater que votre projet de loi dévie dangereusement de la trajectoire d’assainissement des finances publiques engagée lors du quinquennat précédent.

Au-delà de ce texte, les perspectives que vous tracez en termes de dépenses publiques ne produiront que du gaspillage. En bons avocats de la dépense joyeuse, vous proclamez : la hausse des impôts c’est maintenant ; pour la diminution de la dépense publique, on verra plus tard ! Vous vous apprêtez à sacrifier quatre ans d’efforts sur l’autel des promesses électorales. Vous rendez-vous compte des signaux que vous adressez aux investisseurs mondiaux, à l’heure où ils paient la France pour placer leur argent dans ses bons du Trésor à court terme ?

Telle la cigale ayant chanté tout l’été, vous vous trouverez fort dépourvus à l’automne quand vous devrez assumer dans la douleur des décisions économiques et sociales d’une violence sans précédent. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Les vieux réflexes ont la vie dure, monsieur le ministre. Force est de reconnaître que, trente ans après, votre laxisme budgétaire est intact et vos contradictions finalement toujours aussi caricaturales.

Parce qu’elle ne correspond pas aux dogmes socialistes, la TVA anti-délocalisations est supprimée et remplacée par la hausse de la CSG. Vous n’avez pas encore eu le courage de l’annoncer, mais c’est un secret de Polichinelle, et les contorsions du Président de la République, dimanche dernier, ne nous ont pas rassurés à ce sujet.

M. Christian Eckert, rapporteur général. N’ayez pas peur !

M. Yves Censi. Certes, ces deux impôts touchent tous les Français, quel que soit leur niveau de revenus, mais, comme l’ont excellemment souligné le président Carrez et Christian Estrosi, la TVA est nettement plus avantageuse, dans la mesure où elle taxe les produits importés et donc nous redonne de la compétitivité, et où elle frappe la consommation non seulement des résidents français mais également des touristes. Je rappelle que l’industrie touristique est la première industrie française. À cela, il faut ajouter que notre hausse de la TVA était compensée par la baisse des charges sur le travail. Chacun s’accordait, d’ailleurs, à dire que la répercussion de cette hausse sur les prix n’aurait été que de 0,35 %, ce qui signifie, pour un produit manufacturé de 100 euros, une augmentation de 35 centimes !

M. Christian Eckert, rapporteur général. Parlez pour vous, pas pour nous !

M. Yves Censi. Je rappelle, par ailleurs, que les produits manufacturés n’étaient pas touchés. Ce n’est donc pas en supprimant cette TVA que vous allez sauver le pouvoir d’achat des Français. Bien au contraire, vous allez détruire 200 000 emplois potentiels dans les industries soumises à la concurrence internationale.

M. Christian Eckert, rapporteur général. En la matière, vous vous y connaissez !

M. Yves Censi. Inversement, une hausse de la CSG aura des effets massifs sur le pouvoir d’achat, et en particulier sur celui des retraités.

Dans la fonction publique, vous avez annoncé pêle-mêle la suppression du 1 sur 2 et la création de 65 000 postes d’agents publics, tout en affirmant que vous resterez à effectif constant. Soit vous mentez – et le nombre de fonctionnaires augmentera ; soit, pour rester à effectif constant, vous serez obligés de ne pas remplacer deux fonctionnaires sur trois dans tous les autres ministères. Donc, au 1 sur 2 que vous pourfendiez hier, vous substituerez demain le 2 sur 3. Voilà la logique socialiste !

Et cette logique se poursuit en consacrant des dizaines de millions d’euros au recrutement d’enseignants supplémentaires dans le secondaire. Je voudrais rappeler ici à Martine Faure, qui avait l’air de l’ignorer, que le taux d’encadrement, c’est-à-dire le nombre d’élèves par enseignant, est resté parfaitement stable entre 2007 et 2012. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Martine Faure, rapporteure pour avis de la commission des affaires culturelles. C’est faux !

M. Yves Censi. Vous avez eu, madame, une lecture très partielle du rapport que vous évoquiez tout à l’heure. Ce rapport figure au Journal officiel, et chacun pourra le consulter. J’ai, pour ma part, pu le vérifier sur pièces lorsque j’étais rapporteur spécial du budget de l’enseignement scolaire.

Le choix que nous avions fait à l’époque d’avoir moins de fonctionnaires mais des fonctionnaires mieux payés était évidemment tout à fait fondé.

M. Régis Juanico. Vous êtes le roi des poncifs !

M. Yves Censi. Non, cher collègue, ce sont des réalités. À Marylise Lebranchu, qui s’indignait de la façon dont avaient été traités les agents publics pendant cinq ans, je laisse le soin de leur annoncer que leur pouvoir d’achat va baisser dans les cinq années qui viennent.

M. Bernard Roman. Ça fait deux ans que vous avez bloqué le point d’indice !

M. Yves Censi. Quant au relèvement de 2 % du SMIC depuis le 1er juillet, il coûtera à l’État et aux administrations publiques 500 millions d’euros en 2012 et 1,2 milliard au total sur la mandature. Sachant que cette hausse du SMIC est annihilée par une hausse des cotisations, on peut légitimement se demander, monsieur le rapporteur général, pourquoi votre gouvernement s’inflige ces dépenses supplémentaires.

Au final, c’est une facture de 20 milliards d’euros que vous présenterez aux Français : on est bien au-dessus des 7 milliards que rapportera votre collectif. Pour 2013, ce sont 33 milliards d’euros qu’il faudra trouver pour que la France tienne ses engagements internationaux en termes de déficit budgétaire.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Grâce à qui ?

M. Yves Censi. Dans un pays qui possède déjà un taux de prélèvements obligatoires supérieur de près de huit points à la moyenne des pays de l’OCDE, vous n’aurez d’autre choix que de réduire drastiquement les dépenses de fonctionnement de toute la fonction publique.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Pompier pyromane !

M. Yves Censi. Vous vouliez que la Cour des comptes vous fournisse un alibi ? Elle vous a mis au pied du mur. Pour la première fois, vous allez devoir choisir entre vos dogmes historiques et l’avenir des Français.

Soit vous vous accrochez à la dépense publique, à l’impôt et à la taxation du travail, déjà si élevés qu’ils menacent notre compétitivité, tout en pratiquant la relance par la consommation et en pénalisant l’épargne et le capital : alors, vous mènerez notre pays à la ruine. Soit vous vous engagez dans la voie d’une baisse importante de la dépense publique, tant des administrations centrales que des collectivités territoriales, comme la Cour des comptes le préconise : c’est à ce prix que vous relancerez la croissance et l’emploi, dont les premiers bénéficiaires seront nos concitoyens et les agents publics de l’État.

Il ne s’agit pas de moins d’État, mais surtout de « mieux d’État ». Je me réfère à la formule de Didier Migaud, alors rapporteur général du budget : « Dépenser moins pour dépenser mieux ». Ce slogan, lancé à l’époque à grand renfort de communication, vous l’avez manifestement oublié.

Avec un niveau de 56 %, notre ratio dépenses publiques/PIB est déjà l’un des plus élevés du monde, et ce pour des performances économiques et sociales relatives, notamment en termes de croissance et d’emploi.

Votre politique, c’est du pilotage à vue sans aucune destination. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.) Vous n’hésitez pas à défendre aujourd’hui ce que vous pourfendiez hier. Vous changez d’avis au gré des circonstances et des factures de replâtrage que vous présentez aux Français. Vous temporisez, vous reportez à plus tard des décisions que, de toute manière, vous serez obligés de prendre. Oui, monsieur le ministre, vous serez obligé de trahir vos promesses et celles du Président de la République !

M. Michel Vergnier. On est dans la mesure avec vous, monsieur Censi !

M. Yves Censi. Bientôt, en ratifiant le Pacte européen, c’est la règle d’or pour revenir à l’équilibre budgétaire que vous allez défendre, une règle que vous avez combattue pendant des mois et dont l’évidence et la nécessité vous sautent aux yeux aujourd’hui.

Là où le gouvernement précédent a toujours fait preuve de la plus grande réactivité et de transparence pour maintenir la situation économique et budgétaire de notre pays, vous faites le choix de la procrastination.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Il a potassé le dictionnaire !

M. Yves Censi. Parce que le Président de la République est indécis, vous reportez à demain ce que vous devriez faire dès aujourd’hui.

Quand la situation économique et financière s’est dégradée en Europe au mois de février dernier, le Président de la République et le Premier ministre n’ont pas hésité à rectifier notre budget, en prenant des mesures courageuses touchant à parts égales les recettes et les dépenses, et cela à trois mois d’une élection décisive.

Quand on entend M. Sapin annoncer d’importantes créations de postes de fonctionnaires le jour où la Cour des comptes tire la sonnette d’alarme, on peut s’interroger sur la volonté réelle de votre gouvernement de réduire les dépenses publiques.

Quand la Cour des comptes vous exhorte à allier la baisse de la dépense publique à l’augmentation des recettes, vous nous présentez un collectif budgétaire reposant pour 90 % sur l’augmentation des impôts, et pour 10 % à peine non sur des économies mais sur une reventilation de la dépense publique.

M. Michel Vergnier. Quel supplice !

M. Yves Censi. Ce qui est préoccupant, c’est que le rythme de la progression des impôts ne risque pas de ralentir dans les cinq ans qui viennent. Sur un tableau rendu public mercredi 4 juillet par le Gouvernement, figure la trajectoire des hausses d’impôts jusqu’à la fin du quinquennat. On y lit que, en 2017, le taux des prélèvements obligatoires sera égal à 46,5 % de la richesse nationale, niveau inédit dans l’histoire de France – en temps de paix, du moins – contre 45 % cette année et environ 37 % avant 1981 et l’arrivée de la gauche au pouvoir.

M. Michel Vergnier. Parlez-nous aussi de 1936 et du Front populaire !

M. Yves Censi. Ce qui est préoccupant, c’est que, quand vous prévoyez que la dépense publique ne progressera que de 0,8 % par an sur le quinquennat, les projections économiques affirment que la pente naturelle des dépenses conduira à une augmentation de la dépense publique d’au moins 2 % par an en volume, compte tenu entre autres du vieillissement de la population et des dépenses maladie, que vous ne prenez pas en compte.

Ce qui est préoccupant encore, c’est que la Cour des comptes prévoit 90 % de dette publique par rapport au PIB en 2012. Nous arriverons à l’automne dans ce que les économistes reconnaissent comme la « zone rouge » en termes d’endettement public.

Mme Anne-Yvonne Le Dain. Héritage !

M. Yves Censi. C’est grave, car c’est ce que l’on appelle le point de non-retour, à moins de connaître le destin dramatique des pays de l’Europe du Sud. L’avenir de la France est en jeu aujourd’hui, monsieur le ministre. Il faut mettre de côté les hausses d’impôt, car nous sommes déjà au maximum de la pression fiscale possible, l’une des plus élevées au monde. Si vous l’augmentez encore, vous allez casser le peu de croissance qu’il reste et réduire davantage la compétitivité de nos entreprises. En conséquence, le chômage va encore augmenter et les revenus baisser, dans le privé comme dans le public.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Vous êtes un spécialiste !

M. Yves Censi. C’est le Premier ministre lui-même qui a reconnu pour la première fois, lors de son discours de politique générale, que nous traversions une crise sans précédent, qui touchait la planète entière et n’impliquait pas seulement Nicolas Sarkozy. Toutes ces évolutions, quoi qu’il en soit, réduiront l’assiette fiscale donc les recettes publiques à venir. En augmentant les impôts, vous finirez paradoxalement par aggraver les déficits publics.

Une fiscalité efficace, chacun le sait, c’est une fiscalité qui ne handicape ni notre économie ni l’initiative privée ; ce sont des bases fiscales larges et des taux très bas. Mais, pour en arriver là, il vous faudra privilégier l’intérêt général sur l’électoralisme primaire. Il vous faudra faire preuve de bon sens et de responsabilité à l’égard de nos enfants pour admettre que le premier levier est celui de la baisse des dépenses.

De toute manière, de marges de manœuvres, vous n’en avez pas, notre pays n’en a pas. Votre chasse aux riches aussi symbolique que stérile doit, à présent, laisser la place à une modération fiscale générale et à une réforme profonde de l’État accompagnant la baisse structurelle de la dépense publique.

Cette rigueur-là s’inscrit dans le sillage des politiques mises en œuvre par nos voisins européens, de gauche comme de droite. Toute autre stratégie se révélerait rapidement dévastatrice pour le pays et pour l’Europe. La France a besoin de refonder son modèle économique et social. Le véritable enjeu pour le Gouvernement n’est pas de faire passer la rigueur, mais de mettre en œuvre les réformes qui permettront au pays d’éviter la faillite et de renouer avec une croissance forte et durable.

Par rapport à l’Allemagne, notre dépense publique représente dix points de PIB supplémentaires, dont six points imputables à la seule rémunération des fonctionnaires, qui a plus progressé ces dix dernières années que celle des salariés du privé.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Ce n’est pas possible d’entendre des choses pareilles !

M. Yves Censi. Elle est, d’ailleurs, en moyenne, supérieure de 21 % à celle de leurs homologues allemands, monsieur le rapporteur général.

En fait, si les dépenses publiques permettaient vraiment de relancer l’économie, pourquoi, alors, le Japon, la Grèce et l’Italie, pays qui depuis longtemps en font un usage démesuré, se trouvent-ils dans la situation que l’on sait ? Plus personne ne croit que la croissance résulte du volume de la dépense publique. Plus personne dans le monde, à part vous.

C’est ce que confirme également la politique de relance du Président Obama et son fameux stimulus package : 800 milliards de dollars injectés depuis 2009 dans l’économie américaine par le biais de dépenses publiques de tous ordres, et ce dans le but de faire descendre le chômage au-dessous de la barre de 8 % et de remettre l’économie sur le chemin d’une croissance soutenue. Or, trois années plus tard, le chômage aux États-Unis demeure au-dessus de la barre des 8 % et, pour ce qui est de la croissance, parmi les onze reprises économiques enregistrées aux États-Unis au cours des soixante dernières années, celle d’Obama se révèle la plus faible et la plus lente de toutes.

Pour tenir notre objectif de 3 % en 2013, la Cour des comptes, contrairement à vous, met particulièrement l’accent sur les dépenses et insiste sur le fait que l’effort devra être porté par la fonction publique d’État mais aussi par la sécurité sociale et les collectivités locales.

Sur la fonction publique, la Cour est claire : il faut contenir la masse salariale, ce qui veut dire baisse des effectifs et gel du point d’indice. La Cour propose différents mélanges de ces mesures mais la réduction des effectifs lui semble inévitable. Elle recommande que toutes les dépenses d’intervention, de transfert et d’investissement qui n’ont pas fait la preuve de leur efficacité soient réduites ou supprimées.

Partout en Europe, l’administration se transforme. La France doit s’engager dans cette voie. Il y a dix ans, outre-Rhin, Gerhard Schröder a réussi à moderniser son pays et à réduire les dépenses publiques tout en étant de gauche. Vous le pourriez également, avec un peu de pragmatisme et beaucoup moins de dogmatisme.

M. Jérôme Lambert. C’est ce que nous ferons aussi, en mieux !

M. Yves Censi. Puisque vous aimez le retour dans le passé, monsieur le ministre, vous vous souvenez sans doute de ces personnages qu’étaient les Shadoks, dont la devise était un peu la vôtre : « Quand on ne sait pas où on va, il faut y aller, et le plus vite possible ».

Le PS est un peu devenu la planète des Shadoks, qui avaient une solution à tous les problèmes : ils pompaient.

M. Philippe Vitel. Ils pompent les Français !

M. Régis Juanico. Comme c’est original !

M. Yves Censi. Comme eux, vous mettez en route la pompe fiscale et personne ne sait où vous allez !

Mes chers collègues socialistes, je pense que vous n’avez pas envie de devenir des Shadoks. Monsieur le ministre, nous vous proposons d’arrêter de pomper et de revenir devant la commission des finances de notre assemblée pour rediscuter de ce texte. C’est pourquoi, mes chers collègues, je vous demande de voter le renvoi en commission de ce projet de loi de finances rectificative. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé du budget.

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué chargé du budget. Mesdames, messieurs les députés, naturellement, la conclusion du Gouvernement sera l’exact opposé de celle d’Yves Censi, car il n’estime pas nécessaire le retour en commission.

Vous faites, je crois, partie de la commission des finances, monsieur Censi. Vous connaissez la qualité du travail qui s’y fait, et je ne voudrais pas laisser croire qu’elle aurait mal travaillé. Vous aurez d’ailleurs remarqué, les uns et les autres, au moins ceux qui ont connu la mandature précédente, que, contrairement à un usage qui semblait se répandre à une vitesse excessive, on lui a laissé le temps d’examiner le texte. J’ai le souvenir, et je fais appel, si besoin, aux témoignages des membres de la commission des finances dans la précédente mandature, de textes présentés un mercredi et examinés en séance le lundi de la semaine suivante. J’ai même le souvenir d’une loi de finances rectificative dont les ministres responsables à l’époque étaient venus présenter l’économie en commission des finances sans que le texte ait, à aucun moment, été transmis aux commissaires aux finances.

M. Christian Jacob. Oui, mais c’étaient de bonnes lois !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Il me semble donc que la pratique a changé. L’opposition pourrait peut-être en tirer argument pour estimer qu’il y a effectivement un changement, que je crois souhaitable. Le temps ayant été laissé à la commission des finances pour examiner le texte, lui demander de se réunir à nouveau voudrait donc dire qu’elle a mal travaillé. Je n’ose imaginer que c’est ce que vous vouliez dire.

Dans votre motion de renvoi en commission, vous avez fait le procès du keynésianisme. Le débat est très intéressant. J’ignore si nous l’aurons dans cet hémicycle et à l’occasion du projet de loi de finances rectificative. Il ne me fait pas peur par principe, encore que j’en vois mal la justification. Pouvez-vous, en effet, me citer une mesure relevant du keynésianisme traditionnel, c’est-à-dire une mesure relançant la consommation par une dépense financée par le seul emprunt ? Je vous mets au défi de m’en citer une seule dans ce projet. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Si vous y parveniez, je vous donnerais alors acte que ce procès en keynésianisme avait peut-être un début de commencement de justification. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

J’ajoute qu’en voulant intenter au Gouvernement ce procès en keynésianisme erroné au début de cette mandature, vous courez le risque que vous soit rappelé ce que vous avez fait, vous, car, en juillet 2007, s’agissait-il d’autre chose que de keynésianisme mal compris quand vous avez fait voter par la majorité de l’époque la loi TEPA,…

Plusieurs députés du groupe SRC. Absolument !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. …c’est-à-dire une dépense de 10 milliards d’euros financée exclusivement par l’emprunt, du premier au dernier euro ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Il y a donc clairement un changement, celui annoncé par le candidat François Hollande devenu Président de la République, la première loi de finances rectificative présentée au Parlement ne relève pas du keynésianisme le plus académique, et toutes les mesures qui vous sont présentées sont financées par des recettes identifiées, évaluées, et certainement pas par la dette, contrairement à une pratique qui fut largement répandue dans la mandature précédente. J’ai cité l’exemple du paquet TEPA et ses 10 milliards par an financés par l’emprunt, j’aurais pu citer la réforme de la taxe professionnelle, avec 8 milliards d’euros chaque année financés, du premier au dernier euro, par l’emprunt, ou la baisse de la TVA sur la restauration, financée, là encore et au moins en partie, par l’emprunt à hauteur d’un peu plus de 2 milliards d’euros. Bref, sur la mandature, ce sont près de 75 milliards d’euros que l’on peut assimiler à une relance par la dépense non financée, donc un keynésianisme mal compris. En tant que député de la majorité, vous l’avez approuvé. Je vous juge donc plutôt malvenu de faire le procès au Gouvernement de sacrifier au même exercice. D’autant que, je le répète, vous ne pourrez citer une seule mesure dans ce projet de loi de finances rectificative qui relève de la même technique.

La deuxième accusation consiste à dire que le Gouvernement utiliserait des recettes éculées.

Parliez-vous de la taxe sur les transactions financières ? C’est vous qui l’avez créée.

M. Yves Censi. Je ne parlais pas de ça !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Nous en gardons l’assiette et nous en doublons le taux afin que son rendement soit celui que vous aviez prévu dans la loi de finances de 2012. Bref, nous faisons ce que vous vous étiez engagé à faire.

M. Yves Censi. Est-ce que vous l’aviez votée ?

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. S’il s’agit d’une recette éculée, c’est que vous portez un jugement bien sévère sur une mesure que vous avez votée sans estimer à aucun moment qu’elle relevait des recettes éculées.

M. Jean-Christophe Lagarde. Pourquoi avoir voté contre ?

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Parliez-vous de la taxe sur les banques ? J’ai le souvenir de vous avoir entendu défendre puis vu voter une taxe exceptionnelle sur les banques quand la nécessité s’est fait sentir. Quand vous la proposiez, je suppose qu’elle était moderne. On peut vous suspecter, à l’occasion, de faire preuve de la mauvaise foi inhérente à l’exercice auquel vous venez de vous livrer. Quoi qu’il en soit, si vous considérez que c’est une recette éculée, c’est que vous portez a posteriori un jugement bien sévère ou douloureux sur ce que vous avez pu faire.

Parliez-vous de l’augmentation du forfait social de 8 à 20 % ? J’imagine que oui. Puis-je vous rappeler qu’en 2007, la taxation était de 0 % et que c’est vous qui l’avez portée à 2 % en 2009, à 4 % en 2010, à 6 % en 2011 et à 8 % en 2012 ? Nous la portons à 20 %. D’une certaine manière, et certains pourraient d’ailleurs nous en faire le reproche, nous nous inscrivons dans la continuité de votre action.

M. Jean-Christophe Lagarde. Où est le changement ?

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Plutôt que de vous en féliciter, vous considérez que c’est une recette éculée.

M. Daniel Fasquelle. Vous l’avez critiquée !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Là encore, je vous trouve bien cruel avec l’action que vous avez menée et vaillamment défendue pendant pratiquement cinq ans.

Enfin, est-ce une recette éculée que la surtaxe au titre de l’impôt sur les sociétés ? C’est une assiette que vous avez inventée, un taux dont vous avez délibéré et que vous avez voté. Le reproche que vous pouvez nous faire, et il serait légitime car ce n’est pas ce que vous aviez prévu, c’est que nous en percevons le produit en 2012 quand vous aviez prévu de le percevoir en 2013. Le fait d’avancer la perception de six mois transforme-t-il une recette que vous approuviez en une recette éculée que vous condamneriez ? Je laisse à chacun le soin de juger la pertinence de cette argumentation. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Vous nous accusez aussi de matraquage fiscal. Je sens que cette expression délicate va revenir un certain nombre de fois, notamment dans la discussion générale. Sinon pour vous encourager à ne pas l’employer, en tout cas pour vous inciter à une certaine prudence, je voudrais, là encore, rappeler quelques éléments factuels et aisément vérifiables.

En 2002, le taux de prélèvements obligatoires dans notre pays était de 43,3 % du PIB. En 2007, il était de 43,4 %. Une augmentation de 0,1 point de PIB en une mandature, cela ne correspond certes pas à la promesse qui avait été faite de baisser les impôts, mais il n’y a pas matière à fouetter un chat.

En 2007, vous avez été élus, le Président de la République aussi d’ailleurs, sur la promesse de baisser les prélèvements obligatoires de 80 milliards d’euros, quatre points de PIB. La promesse était écrite en toutes lettres dans le programme présidentiel du candidat Sarkozy et dans les professions de foi que les candidats UMP, c’est bien normal, avaient adressées à leurs électeurs.

Les prélèvements obligatoires ont-ils baissé de 80 milliards, c’est-à-dire de quatre points de PIB, entre 2007 et 2012 ? Hélas non.

M. Philippe Vitel. Il ne s’est rien passé ! Il n’y a pas eu de crise !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Les prélèvements obligatoires ont augmenté de 1,5 point de PIB, c’est-à-dire 30 milliards d’euros. Entre la baisse de 80 milliards d’euros promise et la hausse de 30 milliards qu’il y a eue, il y a juste un écart de 110 milliards d’euros. Je n’oserais croire que vous êtes à ce point mauvais en arithmétique pour ne pas voir qu’il y a des accusations qu’on ne peut asséner ainsi avec vigueur sans prendre quelques précautions.

Vous avez augmenté les impôts, beaucoup, alors que vous aviez promis de les baisser. Pire, ces impôts ont été probablement acquittés par ceux de nos concitoyens qui n’auraient pas dû être imposés, car ils avaient besoin de ce que vous leur avez soutiré pour consommer. La baisse de la consommation est en partie liée à ces hausses d’impôt infligées notamment, hélas ! aux classes moyennes. Si vous voulez que je vous parle de la non-indexation du barème de l’impôt sur le revenu – 1,7 milliard d’euros –, je le peux, comme je le peux de la taxation sur les mutuelles pour 2 milliards d’euros, de la franchise médicale pour 1 milliard d’euros, ou de la hausse du taux réduit de TVA pour 2 milliards d’euros.

Plusieurs députés du groupe UMP. Et la CSG ?

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Ce n’est pas en psalmodiant « CSG », dont vous ne trouverez nulle trace ni en loi de finances rectificative ni en loi de finances initiale,…

M. Daniel Fasquelle. Vous vous engagez à ne pas augmenter la CSG ?

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. …et en accusant le Gouvernement de vouloir faire ce qu’il n’a pas l’intention de faire que vous ferez oublier ce que vous n’aviez pas l’intention de faire mais que, malheureusement pour les Français, vous avez fait. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Enfin, il paraît que nous aurions la religion de la dépense publique. Là encore, au-delà des réputations, peut-être flatteuses pour certains, que vous tentez de faire, regardons les faits. Après tout, si nous pouvons être en désaccord sur les politiques à mener, soyons au moins d’accord sur ce qui s’est passé les années précédentes. Les documents émanant soit du ministère de l’économie et des finances soit de la Cour des comptes nous permettent d’éviter tout débat inutile.

La dépense publique représentait 52,9 % du PIB en 2002. C’était déjà beaucoup et c’était probablement déjà un record européen. En 2012, quand les Français ont estimé nécessaire d’opérer une correction démocratique, le taux était de 56,2 %. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Vous n’avez pas baissé la dépense publique par rapport au PIB, vous l’avez massivement augmentée, et pour quel résultat ? Au prix de cette augmentation des impôts quand vous aviez promis de les baisser, au prix de l’augmentation de la dépense publique quand vous aviez promis de la baisser, au prix de ces différents reniements – je me permets de reprendre ce terme puisque vous l’avez utilisé du haut de cette tribune –, la situation du pays s’est-elle améliorée ? Non. En tout cas pas au regard de la situation de nos finances publiques puisque le déficit structurel du pays, c’est-à-dire celui que notre pays aurait connu s’il n’y avait pas eu la crise, a augmenté. Ce déficit peut être calculé avec des hypothèses et des méthodes différentes ; il est d’ailleurs calculé différemment par la direction du Trésor et par la Cour des comptes, mais les deux aboutissent à la même conclusion. Pour la Cour des comptes, le déficit structurel de notre pays était de 3,5 % du PIB en 2007, il est de 3,9 % en 2011. Vous avez donc structurellement endetté le pays de 0,4 point de PIB. Si les niveaux sont différents pour la direction du Trésor, l’augmentation est exactement la même. Vous pouvez contester, monsieur Censi, probablement avec des études dont j’aimerais connaître la nature, l’estimation de la Cour des comptes et celle de la direction du Trésor, mais les deux concordent pour dire que, ces cinq dernières années, notre pays ne s’est pas désendetté, qu’il s’est endetté, et de surcroît structurellement, de 0,4 point de PIB.

C’est beaucoup, pour des gens qui prétendent donner des leçons de finances publiques à un gouvernement qui n’a que deux mois d’existence et que l’on ne peut guère taxer de tous les péchés du monde, notamment des péchés de ceux qui l’ont précédé ! (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

Enfin, vous expliquez que nous nous retirons toute marge de manœuvre. Heureusement que non ! Nous gardons des marges de manœuvre, notamment par la maîtrise de la dépense publique, car je voudrais vous rappeler, monsieur Censi, qu’outre le gel des dépenses que nous avons maintenu au niveau que vous aviez prévu, nous opérons un « sur-gel » de 1,5 milliard d’euros. Cette économie est nécessaire pour répondre à des dépenses qui n’étaient pas prévues : elles ne l’étaient pas par le candidat François Hollande, nécessairement, ni par les candidats de la majorité présidentielle aux élections législatives, ni par vous, ni même par la plupart des membres du précédent gouvernement puisque le ministre du budget du dernier gouvernement Fillon n’avait pas jugé bon d’informer ne serait-ce que son collègue des finances qu’il existait un contentieux que la France allait perdre et qui nous coûterait cette année 1,5 milliard d’euros non budgétés.

M. Yves Censi. C’est faux !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Ne dites pas que c’est faux, monsieur Censi ! Je vous renvoie à la page 41 et son encadré du rapport de la Cour des comptes. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.) La lecture de ces cinq paragraphes vous sera certainement très profitable et sans doute, après cela, ne m’interpellerez-vous plus en vous écriant : « C’est faux ! ». Ou bien c’est ce que dit la Cour des comptes qui est faux !

La lecture de ces paragraphes vous apprendra que cela nous coûtera 1,5 milliard d’euros cette année. Et la Cour des comptes indique que le ministre de l’économie et des finances n’était même pas informé de cette éventualité. Au total, cela coûtera, d’ici à 2014, un peu plus de 5 milliards d’euros, dont 1 milliard au titre des intérêts moratoires que nous aurions pu éviter si le gouvernement de l’époque avait eu le courage d’assumer cet échec judiciaire, au lieu d’en reculer l’échéance pour que d’autres s’en occupent ! (Applaudissements sur les mêmes bancs.)

Pour terminer, puisque vous avez cru bon de faire montre de vos talents de latiniste, je ne sais pas si la devise errare humanum est s’applique à cette majorité parlementaire et au gouvernement qu’elle soutient, mais, en vous entendant, il m’est revenu une autre maxime latine, dont c’est avec plaisir que je vous donnerai la traduction si cela vous est nécessaire (Sourires sur les bancs du groupe SRC) : quis tulerit Gracchos de seditione querentes ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

M. Michel Ménard. C’est une victoire par KO !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.

M. Christian Eckert, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Je serai très bref, après cette longue explication du ministre délégué. Je m’interroge, monsieur Censi, sur la nature de votre propos. Je ne savais plus si nous étions dans le débat d’orientation des finances publiques ou dans la prochaine loi de finances initiale. Je voudrais donc vous redire ce qu’est ce collectif budgétaire : il a pour but de ramener le déficit public à 4,5 % d’ici à la fin de l’année 2012.

M. Yves Censi. Nous verrons bien !

M. Christian Eckert, rapporteur général. C’est la correction à la fois des omissions, des sous-budgétisations de certaines dépenses, des surestimations de certaines recettes, ainsi que des injustices les plus flagrantes de votre fiscalité. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mon cher collègue, les ministres sont venus, documents et chiffres à l’appui, à la sortie du conseil des ministres, il y a une petite quinzaine de jours, présenter à notre commission les dispositifs du présent texte. La commission s’est réunie, mercredi dernier, de seize heures à presque vingt-trois heures, sans interruption. Chacun a eu l’occasion de s’exprimer et de travailler. Le président de la commission et moi-même avons répondu à toutes les interrogations. Il serait donc anormal que ce texte soit renvoyé en commission et j’invite l’Assemblée, après avoir rejeté cette motion, à passer à la discussion générale. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Dans les explications de vote, la parole est à M. Étienne Blanc, pour le groupe UMP.

M. Jean-Jacques Urvoas. Faites court, cher collègue !

M. Étienne Blanc. Cette motion de renvoi en commission doit être votée, ce serait de bonne procédure.

Tout d’abord, monsieur le ministre délégué, j’admire votre art de recourir à une argumentation totalement contraire à celle que vous développiez en tant que président de la commission. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.) Je ne souhaite pas vous mettre en difficulté et ne le dirai pas en latin mais en français : j’ai trouvé très curieux que vous repreniez aujourd’hui le bénéfice de la taxe sur les opérations financières que vous vilipendiez hier.

M. Philippe Vigier. Eh oui !

M. Étienne Blanc. Vous nous proposez même de doubler cette taxe ; sans doute aurez-vous quelques explications à fournir !

M. Christian Estrosi. C’est le changement !

M. Étienne Blanc. La motion de renvoi en commission doit être admise pour quatre raisons.

La première – cela a été excellemment dit par notre collègue Yves Censi –, c’est l’ampleur du prélèvement fiscal que vous allez faire subir aux Français. Cela aura des conséquences sur l’investissement, l’épargne,…

M. Daniel Fasquelle. Très graves !

M. Étienne Blanc. …la consommation. Elles doivent être mesurées, et cela justifie un renvoi en commission.

M. Daniel Fasquelle. C’est un coup de matraque sur les classes moyennes !

M. Étienne Blanc. La deuxième raison, c’est que ce renvoi inciterait le Gouvernement à une attention plus poussée sur les diminutions de dépenses : 90 % de votre projet de loi, ce sont des dépenses supplémentaires, et seulement 10 % des économies. C’est nettement insuffisant, déséquilibré et, à notre avis, contre-productif. En commission, vous pourriez entendre quelques suggestions tirées des pratiques du gouvernement précédent,…

M. Michel Vergnier. Alors là, mauvais exemple !

M. Étienne Blanc. …notamment sur le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux, qui vous seraient utiles.

M. le président. Vous avez deux minutes de temps de parole, cher collègue !

M. Étienne Blanc. La troisième raison est pédagogique.

M. Patrick Lemasle. Démagogique !

M. Étienne Blanc. J’ai écouté M. Moscovici avec beaucoup d’attention. Il a évoqué un concept nouveau, exprimant tout le génie créatif du Gouvernement en matière fiscale,…

M. le président. Il faut conclure !

M. Étienne Blanc. …celui de la « taxe effaçable ». Nous ne savons pas ce que c’est !

M. le président. Nous n’allons pas y passer la nuit, cher collègue ! (Protestations sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

M. Étienne Blanc. Nous n’abusons pas de la parole, monsieur le président, au regard du temps pris par le Gouvernement !

M. le président. C’est le règlement !

M. Étienne Blanc. La dernière raison, c’est qu’il convient de mesurer précisément les conséquences de ce véritable coup de massue fiscal sur les classes moyennes. Tout cela justifie amplement un renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

M. le président. La parole est à M. Yves Jégo, pour le groupe UDI.

M. Yves Jégo. C’est toujours avec gourmandise que nous entendons M. Cahuzac. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Oui, vous pouvez l’applaudir : il a une dialectique constante, même si ses arguments sont à géométrie variable en fonction de l’endroit où il se situe dans cet hémicycle.

M. Patrick Lemasle. C’est faux !

M. Razzy Hammadi. Toujours à gauche !

M. Yves Jégo. Nous avons entendu vos explications, monsieur le ministre délégué. Nous attendions que vous ayez le courage de mettre fin à tout ce que vous avez dénoncé, avec talent, pendant cinq ans, mais nous ne voyons rien, dans ce texte, qui aille dans ce sens. Vous avez parlé de la taxe professionnelle : pourquoi ne la rétablissez-vous pas ? Vous avez parlé des classes moyennes et de la fameuse taxe sur les mutuelles : pourquoi ne supprimez-vous pas cette dernière ?

M. Philippe Vigier. Exactement !

M. Yves Jégo. Nous aussi, nous voulons parler des classes moyennes, et nous sommes très inquiets quant à votre volonté de revenir sur le dispositif des heures supplémentaires,…

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Que vous avez l’air inquiet !

M. Yves Jégo. …dont vous savez parfaitement que l’essentiel des bénéfices revient justement aux classes moyennes.

Nous voterons cette motion de renvoi en commission pour la bonne raison que nous avons besoin de précisions sur le calendrier d’application des mesures fiscales destinées à traduire votre volonté de mettre fin aux avantages sur les heures supplémentaires.

M. Jean-Christophe lagarde. Très bien !

M. Michel Vergnier. C’est extraordinaire !

M. Yves Jégo. J’ai lu les dépêches de l’AFP aujourd’hui : 1er juillet, 1er août, rétroactif, pas rétroactif… Vous avouerez que nous ne pouvons rester sur quelque chose d’aussi imprécis.

Mme Marie-Christine Dalloz. C’est vrai !

M. Yves Jégo. Ne serait-ce que pour reprendre le débat sur le calendrier, qu’attendent des millions de Français, cette motion doit être approuvée, et nous devons revenir devant la commission. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)

M. le président. La parole est à M. Éric Alauzet, pour le groupe écologiste.

M. Éric Alauzet. Nous ne voyons pas bien l’intérêt d’un renvoi en commission, si ce n’est qu’il prolongerait l’échauffement, dont je m’aperçois, en tant que nouveau député, que c’est un exercice très apprécié dans cette assemblée.

Les choses sont très claires. On nous expliquait depuis si longtemps que la droite était tellement plus compétente que la gauche en matière de gestion et d’économie ! Nous l’avons tous constaté, aussi bien du point de vue de la dette que du chômage, cette vérité est éculée, elle est fausse.

Du coup, vous êtes, chers collègues de l’opposition, assez peu crédibles lorsque vous nous expliquez que vous prenez la défense des classes moyennes (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI) au titre du maintien de l’exonération des heures supplémentaires, ou encore la défense des entreprises, quand on voit les dégâts de votre politique sur l’emploi et sur notre commerce extérieur !

Au bout du compte, vous êtes en situation de défaite. Je ne parle pas de défaite électorale, ce qui a, au fond, relativement peu d’importance, mais de défaite politique, non seulement sur votre bilan de cinq ans ou sur votre bilan de dix ans (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI), mais aussi et surtout sur l’idéologie qui inspire votre politique depuis trente ans : le néolibéralisme ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes écologiste, SRC, GDR et RRDP.) C’est là-dessus que vous devez vous interroger – permettez-moi de vous donner ce conseil, même si je suis un peu jeune pour le faire. Il me semble que, dans cette période, un peu de recul, de sérénité vous siérait bien. Je vous invite donc à un peu de réserve, de modestie, je ne dirai pas de purgatoire, mais tout de même de pudeur ! (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste, SRC, GDR et RRDP.)

M. le président. La parole est à M. Jean Launay, pour le groupe SRC.

M. Jean Launay. Monsieur Censi, que vous le vouliez ou non, cette loi de finances rectificative marque la volonté politique de mettre en œuvre la première étape du redressement budgétaire, ainsi que le départ de la réorientation de nos politiques vers l’emploi et l’investissement. Et il n’y a pas lieu d’envisager un renvoi en commission, car tout ce qui est présenté dans ce collectif est assumé politiquement et financé.

M. Yves Censi. Il n’y a pas de direction !

M. Jean Launay. Le ministre délégué Jérôme Cahuzac a démontré, dans sa présentation initiale, que la parole de la France devait être et serait respectée.

Comme, monsieur Censi, la majorité à laquelle vous apparteniez a financé par un emprunt de 50 milliards d’euros, entre 2007 et 2012, les mesures de votre péché originel, le texte TEPA, il est permis de dire que la dette, c’est vous !

M. Daniel Fasquelle. C’est la crise !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Ce n’est pas ce qu’affirme la Cour des comptes !

M. Jean Launay. Dans ce collectif, oui, nous rééquilibrons les efforts entre les ménages et les entreprises. Oui, nous revenons sur la défiscalisation des heures supplémentaires, et je vous demande d’arrêter de faire croire que les salariés décident des heures supplémentaires qu’ils font. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. Christian Jacob. Vous devriez les rencontrer, les salariés !

M. Jean Launay. Oui, nous revenons sur l’augmentation de la TVA anti-sociale, qui aurait amputé de 12 milliards d’euros le pouvoir d’achat des Français. Oui, ce collectif est conforme au premier engagement pris par le Président de la République : le changement. Il repose, en outre, sur une prévision de croissance ajustée, et l’envergure se mesurera encore davantage demain, dans la loi de finances initiale pour 2013 que le Gouvernement prépare. Je demande donc à nos collègues de rejeter la demande de renvoi en commission présentée par M. « Censeur » ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

(La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n’est pas adoptée.)

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Hervé Mariton.

M. Hervé Mariton. Monsieur le ministre délégué, vous nous avez dit que la parole de la France était importante et devait être respectée. Vous avez raison et, d’ailleurs, cela a été constaté lors du vote de la loi de règlement. Notre majorité, hier, la loi de règlement pour 2011 l’atteste, a respecté la parole de la France, elle a respecté les engagements pris en termes de trajectoire des finances publiques.

M. Philippe Vitel. Très bien !

M. Hervé Mariton. Vous avez raison de dire que la parole de la France, c’est important, mais puis-je vous interroger, monsieur le ministre, chers collègues de la majorité, sur votre parole ? Vous avez plaidé pour un changement juste. Pourquoi pas ? Les Français en ont décidé ainsi. Mais quand on étudie ce collectif budgétaire, l’on n’y voit guère de changement juste : on y voit surtout de l’injustice et de l’imprévoyance.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Ça vous va bien de dire cela !

M. Hervé Mariton. L’adjectif « juste », monsieur le ministre, vous l’employez dans vos propos à tout instant, vous, vos collègues du Gouvernement et le Président de la République. C’est un adjectif que l’on ne peut condamner, mais votre projet est-il à la hauteur ? Je ne le crois pas et, au groupe UMP, nous pensons que sa première caractéristique n’est pas la justice, c’est l’injustice.

L’injustice, cela a été dit mais il faut le rappeler sans cesse pour que nos concitoyens soient bien éclairés, c’est la suppression des mesures que nous avions adoptées en matière d’exonération de charges sociales et fiscales des heures supplémentaires, c’est la dégradation du pouvoir d’achat des classes moyennes. À dire vrai, toutes les catégories de Français souffrent dans votre projet, mais ce sont d’abord les classes moyennes qui vont souffrir de la suppression de l’exonération des charges sociales.

Injustice, disais-je, parce que votre engagement, ce que vous avez fait comprendre aux Français au moment de l’élection présidentielle et des législatives, c’était bien que les salariés des petites entreprises de moins de vingt collaborateurs ne seraient pas affectés par la réforme. Ils le sont !

M. Daniel Fasquelle. Bien sûr !

M. Hervé Mariton. Pensez-vous qu’ils l’avaient compris ainsi ? Eux pensaient que le gouvernement socialiste ferait une différence, acceptable ou pas, entre entreprises de plus de vingt salariés et entreprises de moins de vingt salariés. Or il n’y en a aucune. Vous ne tenez pas votre engagement à l’égard des salariés des petites entreprises.

Injustice aussi, monsieur le ministre, et cela a fait l’objet de nos débats tout au long de la journée, quant à la date d’effet de la suppression de la défiscalisation. Injustice doublée d’absurdité : en début d’après-midi, à la commission des finances, j’ai fait observer au rapporteur général que l’amendement socialiste fixant la date d’effet au 1er juillet n’avait aucun sens, car cette date ne correspondait à rien.

M. Christian Eckert, rapporteur général. C’est la moitié de l’année !

M. Hervé Mariton. Certes, mais la moitié a changé, monsieur le rapporteur général, puisqu’il n’est plus question du 1er juillet : ce serait le 1er août. On est passé du 1er septembre au 1er janvier, du 1er janvier au 1er juillet, puis du 1er juillet au 1er août. Est-ce bien sérieux ?

La majorité sait-elle ce qu’elle veut ? Nous, nous savons qu’elle en veut au pouvoir d’achat des Français et qu’elle souhaite remettre l’impôt sur les heures supplémentaires,…

M. Henri Emmanuelli. C’est pour cela qu’on supprime près de 13 milliards de prélèvements !

M. Hervé Mariton. …mais nous n’avons toujours pas très bien compris comment elle justifiait la date d’effet de sa funeste proposition.

M. Philippe Vitel. Pourquoi pas au 1er avril, puisque c’est un poisson ?

M. Hervé Mariton. Votre projet est injuste, hélas ! à l’égard des classes moyennes. Mais il l’est aussi, c’est une curiosité de votre proposition et de vos calculs, envers ceux qui ont les patrimoines les moins importants parmi les Français les plus favorisés. En effet, vous avez décidé d’instituer une contribution exceptionnelle qui va compléter l’ISF.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Vous l’aviez déjà fait !

M. Henri Emmanuelli. Il a oublié les 13 milliards !

M. Hervé Mariton. Mais vous mettez en cause le lissage que nous avions décidé et vous proposez, que chacun le sache, pour les patrimoines de 1,3 million un impôt supplémentaire de 1 250 euros, alors que, si on a la chance d’avoir un patrimoine de 1,4 million, on ne payera pas plus qu’avant et l’on recevra 20 euros. J’ajoute que si on a la chance d’avoir un patrimoine de 1,5 million, l’on paiera 480 euros.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Où sont les pauvres dans tout ça ?

M. Hervé Mariton. Vous faites une proposition totalement régressive…

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Que font vos services, monsieur le ministre ? (Sourires.)

M. Hervé Mariton. …puisque plus le patrimoine est élevé dans la fourchette entre 1,3 million et 1,6 million, moins on paye en termes de contribution exceptionnelle. Il va falloir que vous nous expliquiez pourquoi ou que vous corrigiez vos calculs. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Christian Eckert, rapporteur général. N’ayez pas peur, on vous expliquera !

M. Hervé Mariton. Vous nous expliquerez pourquoi vous avez supprimé le lissage que nous avions introduit au moment de la réforme de l’ISF et qui permettait d’avoir un impôt plus élevé à 1,4 million qu’à 1,3 million, ce qui est compréhensible. Votre contribution exceptionnelle va tout à rebours. Les socialistes nous donnent à longueur d’années des leçons de progressivité de l’impôt, et ils ont inventé la contribution régressive !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Ça, c’était la TVA sociale !

M. Hervé Mariton. Si c’est ainsi que s’engage votre réforme fiscale, on est particulièrement mal parti. Vous nous dites que le collectif, c’est la première étape de la réforme fiscale. Ce doit être, pour nous, la première occasion de dire à nos concitoyens qu’il y a manifestement alerte, fort à craindre quant à la manière dont vous allez concevoir cette réforme et dont les Français de toutes catégories – n’opposons pas les uns aux autres – seront traités.

Injustice encore, pour le coup à l’égard de tous les Français, lorsque vous supprimez la TVA sociale et que vous vous engagez dans une réflexion sur l’augmentation de la CSG : chacun l’a compris, la CSG est bien davantage que la TVA une atteinte au pouvoir d’achat des Français, vérité que d’autres collègues du groupe ont évoquée. Votre choix fiscal a ici le mérite d’être extrêmement clair : oui à la CSG pour tous les Français, non à la TVA sociale qui pouvait améliorer les conditions de compétitivité de notre économie, mais oui à la diminution de la TVA sur le spectacle vivant. Voilà qui est tout à fait emblématique de votre préoccupation principale et du souci que vous portez au pouvoir d’achat de millions de nos concitoyens.

M. Christian Jacob. Eh oui !

M. Hervé Mariton. Non seulement votre collectif est injuste, mais il est, de surcroît, imprévoyant. D’abord, parce qu’il ne comporte pas de réformes structurelles. Les recettes de poche que vous nous proposez, assises sur les banques ou sur les stocks pétroliers, sont-elles annonciatrices de réformes structurelles ? Nous avons regardé votre projet, nous vous avons écouté, nous avons eu un débat, précédé et éclairé par ceux sur la loi de règlement et sur l’orientation des finances publiques, et nous n’avons rien vu qui ressemble, à ce stade, à une ambition de réformes structurelles dont notre pays a besoin pour améliorer la compétitivité de notre économie, la situation de l’emploi et le pouvoir d’achat des Français.

Imprévoyant, ensuite, quand vous faites le choix de tout mettre sur l’augmentation des impôts et rien sur la maîtrise des dépenses. Vous nous dites que c’est impossible en cours d’année, mais d’autres pays y arrivent quand la nécessité l’impose. Pourquoi le gouvernement français d’aujourd’hui en serait-il incapable ?

Imprévoyant, encore, parce que nous ne savons toujours pas concrètement, sur le plan opérationnel et dans le respect de la parole donnée à nos partenaires, ce que vous allez faire s’agissant de la règle d’or. Nous avons compris que le Président de la République saisissait le Conseil constitutionnel pour examiner la conformité des traités. C’est une démarche louable et intelligente que nous pouvons approuver. Mais nous avons aussi compris qu’il refusait l’intégration de la règle d’or dans la Constitution.

M. Henri Emmanuelli. Il a raison !

M. Hervé Mariton. Vous dites, monsieur le ministre, que les dispositions que nous avions prises en la matière n’étaient pas assez fortes. Pour le coup, et peut-être cela surprendra-t-il certains de mes collègues, je pense que vous avez raison : oui, nous aurions dû être plus fermes et plus engagés pour la règle d’or. C’est d’ailleurs ce que notre majorité avait proposé ces derniers mois. Vous, que proposez-vous ? Un dispositif dont vous dites vous-même qu’il n’aurait pas de valeur contraignante. Dès lors, comment voulez-vous que les Français et nos partenaires en Europe et dans le monde croient en vos engagements ? Oui, la parole de la France, c’est important ; oui, votre parole peut être importante, car vous représentez le gouvernement de notre pays ; mais vos tergiversations sur la règle d’or, votre refus de vous engager et de porter témoignage de la parole de la France, ne vous honore pas.

M. le président. Je vous remercie de conclure. Vous avez dépassé votre temps de parole.

M. Hervé Mariton. S’agissant toujours de votre imprévoyance, nous regrettons que la représentation nationale ne soit pas saisie d’un projet de loi de financement de la sécurité sociale rectificative alors même que le Gouvernement fait actuellement des choix extrêmement importants en termes de finances sociales.

M. le président. Il faut conclure.

M. Hervé Mariton. Votre collectif, monsieur le ministre, mes chers collègues de la majorité, n’est pas à la hauteur, car il n’incarne ni le mouvement ni la justice. Il démontre clairement que votre parole n’est pas à la hauteur des attentes et des besoins de la France. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi de finances dont nous commençons l’examen aujourd’hui se situe plus dans la réaction contre tout ce qui a été accompli précédemment que dans une stratégie positive. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.) Or la politique budgétaire menée par la précédente majorité a tenté de répondre aux trois handicaps qui touchent la France depuis des années : la non-réduction du déficit structurel et l’emballement de la dette, la dégradation de la compétitivité de notre pays et la baisse du pouvoir d’achat d’une partie des Français.

Non seulement le Gouvernement ne remédie pas à ces handicaps, mais il s’obstine à ne pas demander la ratification au plus vite du traité relatif à la bonne gouvernance, qui comporte la règle d’or. D’après le Président de la République, dans son interview donnée à l’occasion du 14 juillet, la ratification ne nécessiterait pas de modification constitutionnelle car une loi organique suffirait. Pourquoi alors a-t-il saisi pour avis le Conseil constitutionnel de cette question ?

M. Francis Vercamer. Eh oui !

M. Charles de Courson. Connaîtrait-il déjà la réponse ou craindrait-il de ne pas avoir de majorité qualifiée en cas de réunion du Congrès ?

Le groupe Union des démocrates et des indépendants vous donne, monsieur le ministre, l’occasion de vous racheter en acceptant notre amendement autorisant la ratification du traité budgétaire dès la loi de finances rectificative.

M. Francis Vercamer. Un peu de courage, monsieur le ministre !

M. Charles de Courson. Le groupe UDI souhaite soulever deux autres points. Si, depuis des années, nous sommes favorables à l’objectif de réduction des déficits publics, nous sommes en profond désaccord avec les modalités que vous proposez pour y parvenir. Où sont les économies nécessaires pour remédier à la situation de nos finances publiques, présentée avec justesse dans le rapport de la Cour des comptes ? Pourquoi attendre la présentation du budget pour 2013 alors que l’urgence de la réduction de notre déficit public n’est plus à démontrer ?

D’après vos documents, le poids des dépenses publiques, en 2013, sera en légère hausse, à 56,1 % du produit intérieur brut, soit un chiffre un peu supérieur à celui de 2011, qui était de 56 %. Vous ne faites donc pas d’effort dans la réduction du niveau de ces dépenses. Je rappelle que l’année dernière, nous les avions réduites de 0,6 point de PIB par rapport à 2010.

Vous commencez, dans le collectif 2012, par augmenter les recettes, avec une hausse de nos prélèvements obligatoires de plus de 13 milliards en année pleine sur le seul budget de l’État, sans compter la hausse des cotisations retraite, de l’ordre d’un milliard supplémentaire chaque année pendant cinq ans. De plus, vous récupérez les 2,6 milliards d’euros de hausse de la CSG sur les revenus du patrimoine prévus dans le dernier collectif budgétaire, sauf que celle-ci s’insérait dans le dispositif de la TVA compétitivité, que vous abrogez, supprimant ainsi le fondement de cette hausse.

Un tel projet est déraisonnable et il conviendrait, les centristes l’ont toujours dit, de faire porter les deux tiers de l’effort sur la dépense et un tiers sur la recette. Au contraire, vous respectez les engagements de la France pour 2012-2013 par un seul moyen : la hausse des prélèvements obligatoires. Les chiffres sont terribles :…

M. Francis Vercamer. En effet !

M. Charles de Courson. …les prélèvements obligatoires vont augmenter de 1,1 point en 2012 et de 1,2 point en 2013, alors que la réduction attendue des déficits publics est de 2,2 points. C’est donc plus de 100 % de la réduction pour 2012 et 2013 que vous obtiendrez grâce des augmentations massives des prélèvements obligatoires.

Un mot aussi sur la divergence fiscale européenne. Les mesures que vous proposez, monsieur le ministre, que ce soit sur la fiscalité du patrimoine ou en matière de fiscalité sur le revenu, avec cette tranche aberrante à 75 % que l’on va voir apparaître dès la loi de finances pour 2013 – une aberration, vous le savez vous-même puisque vous vous êtes quasiment évanoui quand le candidat François Hollande l’a annoncée –, vont créer une divergence en Europe.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Il a repris des couleurs ! (Sourires.)

M. Charles de Courson. Je dirais à M. le ministre de l’économie, s’il nous honorait de sa présence, que taxer à 75 % est antipatriotique et punitif, car il est bien évident qu’à un tel niveau, les 3 000 familles concernées quitteront la France.

M. Henri Emmanuelli. À Coblence !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Et vous cautionnez cela ! Bravo !

M. Charles de Courson. Le Gouvernement n’aura donc pas un sou de recettes supplémentaires et aura manié l’idéologie sans aucun résultat.

M. Charles de Courson. Je conclus en rappelant que vous privez, en outre, les entreprises d’un avantage de compétitivité de 11, voire 13 milliards d’euros, en supprimant la TVA pro-emploi, que les centristes ont défendue pendant des années, sans prendre aucune mesure favorisant leur compétitivité en contrepartie, alors même que la Cour des comptes préconisait une hausse modérée de la TVA ou/et de la CSG. Or sans redonner de la compétitivité à nos entreprises, nous ne pourrons redresser le pays.

M. Jean-Christophe Lagarde. Il a raison !

M. Charles de Courson. Vous n’avez même pas évoqué ce point alors que la conférence sociale en cours en débat elle-même. La substitution d’un point de CSG à 1,25 point de baisse des cotisations sociales est beaucoup plus dure socialement que la substitution d’un point de TVA à des cotisations sociales.

Enfin, vous parlez de justice mais où est-t-elle si l’on considère qu’un de ses premiers fondements serait de donner de l’emploi à tous ? Et vous en rajoutez en supprimant les exonérations de charges sociales au titre des heures supplémentaires qui bénéficient aux ménages les plus modestes et aux couches moyennes. En rendant cette mesure rétroactive au 1er janvier 2012 par un amendement du groupe socialiste, vous amplifiez le caractère injuste et antisocial de votre projet de loi, que nous avons un peu corrigé tout à l’heure en commission.

Aussi, nous ne pourrons voter pour ces deux principales raisons que je viens de rappeler : trop de hausse de la pression fiscale et pas assez de réduction des dépenses ; trop d’injustice dans vos mesures et pas assez de dispositions en faveur de la compétitivité des entreprises. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI et de plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Éric Alauzet.

M. Éric Alauzet. Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, personne ici ne méconnaît la situation : nous sommes dans une impasse budgétaire à 7,2 milliards d’euros que nous avons l’obligation de solutionner.

Le moment est celui de l’urgence plus que des grandes interrogations, qui devront venir au moment de la préparation du projet de loi de finances pour 2013. Pour autant, l’on ne peut pas faire totalement abstraction de l’origine de cette situation, pour la simple raison que l’on ne prescrit un bon remède que lorsque le diagnostic est juste ; évitons de prescrire aujourd’hui des remèdes qui seraient les antidotes des traitements de demain ; veillons à ce que nos décisions actuelles ne se trouvent pas en contradiction avec celles de la loi de finances pour 2013.

Autrement dit, le sens donné à ce projet de loi de finances rectificative est capital non seulement au regard de la crise financière de 2008, mais aussi au regard de la crise économique engendrée par le néolibéralisme auquel je faisais allusion il y a quelques instants, mesdames et messieurs de la droite, qui a conduit à la concentration des richesses au détriment de la justice sociale et des ressources naturelles, et au regard de la mondialisation initiée il y a bien longtemps par un occident prédateur qui a perdu à la fois son avantage et le contrôle politique de la situation.

M. Hervé Mariton. Il faut traduire, on ne comprend pas !

M. Éric Alauzet. Concentrez-vous, cela va aller mieux.

Ce qui n’empêche pas, bien au contraire, de montrer la naïveté dont a fait preuve la précédente majorité lors de l’élaboration de la loi de finances pour 2012, avec des prévisions bien trop optimistes au regard des tendances lourdes évoquées à l’instant.

Nous devons donc combler le trou financier en donnant du sens à la décision politique dès maintenant.

Pour nous, écologistes et de gauche, de gauche et écologistes, le sens doit être triple : préserver l’avenir et les générations futures en maîtrisant la dette, ce qui semble faire l’objet d’un accord général ; assurer une contribution juste de chacun en fonction de sa situation ; garantir une activité économique qui donne à chacun sa place, un emploi, un revenu et qui préserve l’environnement et les ressources naturelles.

C’est pourquoi, monsieur le ministre, chers collègues, le groupe écologiste soutient avec force l’ensemble des mesures présentées dans cette loi de finances rectificative, qu’il s’agisse des dispositions en direction des ménages ou de celles qui s’adressent aux entreprises. Ma collègue Éva Sas reviendra sur ce point dans un instant.

C’est dans ce contexte que s’inscrit la suppression des exonérations sur les heures supplémentaires. Quel étrange système que celui des heures supplémentaires exonérées mis en place par la majorité précédente ! Ce système allait à l’encontre d’enjeux lourds comme celui de l’emploi, de nos repères et de nos principes républicains.

Est-ce l’idéologie des conservateurs contre les 35 heures qui a les a conduits à de tels excès ? C’est possible. Est-ce la même idéologie qui les amène aujourd’hui à considérer que nous supprimons ce dispositif parce qu’il a été instauré par la droite ? C’est probable. Pourtant, nos motivations sont tout autres.

Nous supprimons ce dispositif parce qu’il est totalement anachronique de favoriser les heures supplémentaires en période de pénurie de travail. C’est le cas aujourd’hui et c’était déjà le cas il y a dix ans. Pourquoi ne l’avez-vous pas fait il y a dix ans ? s’est-on interrogé en commission. Il y a dix ans, il y avait certes un peu moins de chômage qu’actuellement mais il y en avait déjà beaucoup.

Nous supprimons ce dispositif parce qu’il était coûteux – je ne vais pas revenir sur les chiffres énoncés plusieurs fois à cette tribune – et que ce coût contribue fortement à l’endettement et à l’affaiblissement des comptes sociaux.

Nous le supprimons aussi parce qu’il était particulièrement injuste : certains n’avaient pas accès aux heures supplémentaires ; ses bénéficiaires en tiraient des avantages radicalement différents selon leur tranche d’imposition, selon qu’ils se situaient dans la tranche à 5 % ou à 40 %.

M. Hervé Mariton. Les contribuables imposés à 40 % ne font pas beaucoup d’heures supplémentaires !

M. Éric Alauzet. Quelque 1 000 personnes disposant d’un revenu de 100 000 euros font un bénéfice de 8 000 euros par an avec cette affaire-là ! Peut-être est-ce normal pour vous mais, moi, je ne trouve pas cela équitable.

M. Jean-Christophe Lagarde. Plus de 9,6 millions de personnes sont concernées par les heures supplémentaires !

M. Éric Alauzet. Enfin, nous supprimons ce dispositif parce qu’il remet en cause la progressivité de l’impôt, ce principe républicain fort, fondamental, qui veut que l’on contribue plus quand on gagne plus, alors que vous, après le « travailler plus pour gagner plus », vous avez inventé le « gagner plus pour payer moins ».

Il est vrai que les libéraux n’ont eu de cesse, depuis trente ans, que de démanteler le système de l’impôt progressif, non seulement en transférant l’impôt sur les collectivités locales mais aussi en prônant la diminution excessive de l’intervention publique.

M. Henri Emmanuelli. C’est bien ce qu’il dit !

M. Éric Alauzet. Prenons un peu de recul, chers collègues, pour observer ce système de manière globale.

Comment expliquez-vous que la dixième heure travaillée, comme la vingtième ou la trentième heure et toutes celles qui se situent en dessous des 35 heures hebdomadaires, soit plus contributrice à la solidarité nationale que la trente-sixième heure et les suivantes ? C’est tout simplement incohérent et insensé, contraire à nos principes. Encore une fois, on vient d’inventer le « gagner plus pour payer moins ».

Peut-être faut-il également rappeler – j’ai eu parfois l’impression que certains l’oubliaient ou jouaient volontairement sur l’ambiguïté – que les heures supplémentaires existent bien et que rien dans les modifications proposées ne les remet en cause. On voit bien se dessiner la stratégie de communication de l’UMP qui vise à faire croire que la gauche ne serait pas fidèle à ses engagements de protection des classes moyennes et de leur pouvoir d’achat.

M. Jean-Christophe Lagarde, M. Philippe Vigier et M. Hervé Mariton. Ça, c’est vrai !

M. Éric Alauzet. La question de la réintégration des heures supplémentaire dans le droit commun – oui, tout simplement dans le droit commun – va servir de fer de lance de cette stratégie.

Avec l’exonération des heures supplémentaires, on a touché à ce qui constitue la stratégie habituelle des libéraux, voire des conservateurs dans le cas précis : consentir quelques menus avantages aux personnes modestes pour ne rien changer à la globalité d’un système profondément injuste.

Si le pouvoir d’achat des familles est en berne, si tant de familles sont en difficulté, c’est d’abord parce que, dans chacune d’entre elles, un jeune ou une personne moins jeune, voire plusieurs personnes restent désespérément sans emploi et requièrent une aide financière dont le montant va bien au-delà de l’avantage dont les familles bénéficient au titre des exonérations sur les heures supplémentaires. Là encore, chers collègues, il faut prendre un peu de recul. Quel est donc ce système où les uns s’épuisent en laissant les autres sur le bas-côté ?

Autre combat auquel l’UMP est opposée : la suppression de l’amendement sur la TVA sociale.

M. Henri Emmanuelli. En effet !

M. Éric Alauzet. L’opposition a non seulement l’objectif de faire croire qu’elle est aux côtés des familles modestes mais également aux côtés des entreprises, même si les résultats économiques nous autorisent à penser le contraire. C’est la raison pour laquelle l’opposition fustige l’amendement de suppression de la TVA sociale.

Soulignons que cette TVA n’a pas vu le jour pendant dix années. Si vraiment ce dispositif était si essentiel à notre économie, pourquoi donc ne l’avez-vous pas instauré plus tôt ?

M. Hervé Mariton. Et si vous nous parliez un peu de vous ? Quel est votre avis ?

M. Éric Alauzet. Cette idée, émise depuis longtemps, vous avait même valu un petit revers électoral aux élections législatives de 2007. Vous vous êtes réveillés quelques mois avant les élections présidentielles et législatives.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Cela ne vous a pas réussi non plus !

M. Éric Alauzet. On observe, d’ailleurs, que les hésitations existent y compris dans votre propre camp, preuve que ce système n’est pas la panacée.

Quant à la CSG, votre nouveau cheval de bataille, je ne vois pas en quoi elle serait plus nuisible que la TVA sociale (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI), d’autant que nous avons le souci des classes moyennes : en raison de l’élargissement de son assiette, elle portera bien plus sur les entreprises que sur les ménages. Mieux encore : l’élargissement de l’assiette de la CSG pourrait permettre d’alléger les cotisations des entreprises et d’améliorer leur compétitivité, ce qui est l’une de vos priorités, si j’ai bien compris. Dire que la gauche ne voit la relance que sous le prisme d’une amélioration de la consommation est donc inexact.

Au fond, l’enjeu est assez simple : il s’agit de ramener vers le travail des fonds captés de manière excessive par le capital, de réduire les cotisations sur les salaires grâce à une augmentation des cotisations sur le capital. Il est temps d’inverser le mouvement auquel nous assistons depuis trente ans et de ramener des fonds vers le travail. Au-delà du discours, il s’agit de retrouver le sens du travail que la dérégulation n’a fait que détruire.

Il existe une autre source de revenu…

M. Charles de Courson. Taxons !

M. Éric Alauzet. …pour financer le travail, pour préparer nos entreprises à la mutation écologique qui s’impose et, en même temps, pour préserver notre environnement : les contributions écologiques.

M. Jean-Christophe lagarde. Il n’y a rien sur l’écologie dans le texte !

M. Éric Alauzet. C’est la raison pour laquelle notre groupe attend de cette assemblée qu’elle donne maintenant un signe tangible de cette profonde évolution dont nous avons besoin. Comme les pays du nord de l’Europe le font avec succès, orientons-nous vers une économie qui donnera la priorité absolue aux besoins premiers : se loger, se déplacer pour aller au travail, accéder à une nourriture et une eau saines, à l’énergie, s’émanciper et s’épanouir, bref, être autonome et responsable.

Le rapport de la Cour des comptes concernant la situation et les perspectives des finances publiques devrait nous orienter dans ce sens. La Cour recommande, en effet, de mieux choisir les investissements publics et d’évaluer leur rentabilité financière et socioéconomique, notamment en ce qui concerne les transports et l’énergie, qui doivent être pensés de manière décentralisée, à l’échelle des territoires vécus. Cette approche à l’échelle des territoires constituera, d’ailleurs, n’en doutons pas, un enjeu crucial de la conférence environnementale prévue cet automne.

C’est le sens des amendements que nous avons déposés et qui préfigurent un chantier d’ampleur, celui de l’économie du XXIe siècle. (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste et SRC.)

M. le président. La parole est à Mme Annick Girardin.

Mme Annick Girardin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, même si la situation de crise que connaît notre pays nous oblige à de la retenue et de la prudence dans nos propos, je ne résiste pas à dire ici le plaisir que j’ai, après cinq années passées dans l’opposition, d’avoir à examiner un projet de loi de finances qui ne heurte pas mes convictions politiques et celles des radicaux de gauche. Quelle joie de pouvoir débattre de mesures de justice fiscale qui traduisent la ligne politique que nous défendons depuis plusieurs années…

M. Étienne Blanc. La joie ne va pas durer !

Mme Annick Girardin. ...et que, me concernant, j’ai défendue au cours de la précédente législature !

Ce projet de loi de finances rectificative est une première étape qui ouvre la voie, la première pierre d’un ensemble de mesures qui permettront de rendre notre système fiscal plus juste socialement et plus performant économiquement, tout en atteignant l’indispensable équilibre des comptes publics.

M. Hervé Mariton. C’est mal parti !

Mme Annick Girardin. C’est le premier acte du redressement dans la justice.

La deuxième étape que sera le projet de loi de finances pour 2013 est attendue avec impatience et devra aller plus loin dans le changement. Pour y arriver, nous avons un devoir de vérité et de transparence envers nos concitoyens. Nous devrons tous participer à l’effort de redressement, il faudra se serrer la ceinture mais n’oublions pas que certains sont déjà au dernier cran, particuliers comme entreprises.

Il ne faudra pas s’arrêter en chemin. Ce premier projet de loi de finances de la législature répond surtout à des mesures d’urgence ; il permet de faire progresser l’idée de justice au sein de notre système fiscal mais pas encore de la faire triompher. Pour construire un système plus juste, il convient, au préalable, de défaire les mesures les plus injustes et les plus inefficaces prises par la majorité précédente. C’est la tâche à laquelle s’attelle ce collectif.

Il s’agit, en effet, avant tout, d’un collectif de rendement qui répond à un besoin urgent : trouver plus de 7 milliards d’euros afin de respecter notre objectif de réduction du déficit et ne pas dépasser la limite de 4,5 % de déficit en 2012. Les mesures contenues dans ce collectif apporteront 7,2 milliards d’euros, principalement par une hausse des prélèvements obligatoires, à proportion presque égale entre les entreprises et les particuliers.

Pour certains, il peut y avoir un goût de trop peu, de pas assez. Nous voudrions tous que cette réforme fiscale tant attendue aille plus vite. Mais nous sommes conscients que tout ne peut être fait en cent jours. Si ces trente et quelques mesures ne sont pas encore suffisantes pour rendre notre système plus juste, elles le sont pour respecter notre objectif de réduction du déficit, le premier objectif à court terme.

Le groupe RRDP approuve entièrement la réalisation de deux promesses de campagne de François Hollande. La première est la revalorisation de l’allocation de rentrée scolaire, qui favorisera le pouvoir d’achat des ménages et permettra de soutenir notre économie. La consommation des ménages étant le moteur de la croissance française, il faut tout faire pour qu’elle ne s’enraye pas.

La création de 60 000 postes dans l’éducation, amorcée dès la rentrée 2012 est la seconde de ces promesses de campagne, mais c’est surtout une nécessité pour améliorer notre système scolaire et donc notre compétitivité économique à long terme.

Les radicaux de gauche se sont exprimés longuement, lors de la précédente législature, sur les mesures qu’il nous est proposé d’adopter ou de supprimer dans ce collectif. La suppression de la TVA sociale était très attendue par nos concitoyens. La majorité précédente a tenté d’accomplir, dans l’urgence, une transformation profonde de notre système de financement de la protection sociale afin de renforcer la compétitivité de nos entreprises, avec notamment la création de cette TVA sociale dont les effets économiques n’auraient pas été à la hauteur de l’enjeu.

Un renforcement de la compétitivité de nos entreprises passe avant tout par des mesures sur la compétitivité hors coût. Beaucoup a été dit sur le coût comparé de la main-d’œuvre en France et en Allemagne, pour prouver que notre perte de compétitivité est moins affaire de salaires et de cotisations trop élevées que de mécanismes de compétitivité hors coût à rénover. Nous le savons tous, une réflexion sur le financement de notre protection sociale doit être menée, mais pas dans l’urgence. Dire que la compétitivité-coût n’est pas la principale raison de notre perte de parts de marché ne signifie pas qu’aucune réflexion ne doit être menée sur ce sujet.

L’argument des défenseurs de cette TVA sociale était de faire supporter aux produits importés une part du financement de notre protection sociale.

Plusieurs députés du groupe UMP. Eh oui !

Mme Annick Girardin. C’est un point de vue intéressant mais, dans ce cas, poursuivons la réflexion jusqu’au bout et agissons sur la cause principale de notre perte de compétitivité, à savoir le dumping fiscal, social et écologique pratiqué par certains pays.

M. Jean-Christophe lagarde. Ça va être un peu plus long !

Mme Annick Girardin. Agissons pour ne plus subir les politiques commerciales non coopératives menées par certains de nos partenaires. Taxons davantage les produits importés de pays ne respectant pas les règles internationales que nos propres entreprises doivent respecter, au lieu de taxer insidieusement tous les produits, importés ou non.

M. Hervé Mariton. Et la CSG, qu’en pensez-vous ?

Mme Annick Girardin. Les radicaux de gauche considèrent que la bonne politique à mener est une politique européenne de soutien de la demande et non de l’offre, et que cette TVA sociale n’était donc pas le bon remède à nos maux. D’autant que la baisse des cotisations patronales financée par la hausse de TVA aurait pu, peut-être, améliorer notre compétitivité-coût vis-à-vis de nos partenaires européens directs, mais elle ne nous aurait pas fait gagner de parts de marché sur nos concurrents à main-d’œuvre bon marché comme les pays de l’Est ou d’Asie. Cette stratégie non coopérative vis-à-vis de nos partenaires européens ne peut pas nous mener sur un chemin de croissance en Europe.

Pour rester sur le sujet de la TVA, notre groupe approuve, évidemment, le retour au taux de 5,5 % sur le livre. La pérennité de nos libraires et bouquinistes en dépendait.

Quant à la suppression de l’exonération sur les heures supplémentaires, tout a déjà été dit s’agissant d’une mesure qui a coûté très cher pour des effets limités, voire contreproductifs en termes de création d’emplois au niveau national. C’est une règle de base, mais souvent oubliée : toute politique économique doit tenir compte de la conjoncture. Elle peut être pertinente, par exemple, en période de croissance et de plein-emploi et devenir contreproductive dans d’autres phases. C’est le cas de cette mesure de subventionnement des heures supplémentaires, qui aurait pu être pertinente économiquement dans un autre contexte mais qui est inefficace à un moment de chômage massif.

L’argument principal en faveur de cette mesure est la hausse du pouvoir d’achat des salariés qui en bénéficient. Mais la portée de cet argument est fortement réduite dès lors qu’on tient compte de l’effet de substitution : le pouvoir d’achat supplémentaire de ces salariés est annulé par la perte de pouvoir d’achat des chômeurs qui ne retrouveront pas d’emploi à cause de cette mesure.

M. Jean-Christophe lagarde. C’est faux !

Mme Annick Girardin. L’effet d’aubaine de cet allègement de charges est également très fort. Pourtant, à en écouter certains, le supprimer reviendrait à supprimer la possibilité pour les entreprises de recourir aux heures supplémentaires et donc de lisser leur activité sur le temps. Mais les heures supplémentaires seront toujours possibles pour faire face aux pics d’activité !

M. Yves Jégo. À quel prix ?

Mme Annick Girardin. Simplement, elles ne seront plus subventionnées.

Plusieurs députés du groupe UMP. Justement !

Mme Annick Girardin. Néanmoins, conserver ce mécanisme d’allègement pour les entreprises de moins de vingt salariés est nécessaire et pertinent économiquement. Les très petites entreprises doivent bénéficier d’un traitement différencié, nous sommes presque tous d’accord sur ce point. Je pense notamment aux collectivités d’outre-mer, dont le tissu économique est constitué principalement d’entreprises de petite taille dont l’activité est fortement cyclique et souvent saisonnière. Modifier cet allègement risquerait de mettre en danger leur équilibre économique. Nous serons vigilants sur ce point.

Avec la contribution exceptionnelle sur la fortune, nous entrons dans le cœur de la politique de justice fiscale. Les radicaux de gauche ont vivement dénoncé l’allègement de l’ISF voté en juillet 2011 et se félicitent de voir en partie supprimer cette mesure injuste. En cette période d’explosion des inégalités de patrimoine et de nécessité d’un effort de tous pour le redressement des comptes publics, instaurer une contribution sur le patrimoine progressive est incontournable. Il ne s’agit pas de punir ceux qui ont le plus, mais de les faire contribuer à même hauteur que les années précédentes. Ce n’est pas une mesure punitive, un impôt confiscatoire : c’est une mesure d’équité fiscale et de redressement des comptes publics – une mesure de bon sens fiscal qui permettra de mettre fin à la dégressivité de notre système d’imposition, notamment au sein du dernier centile.

Nous souhaitons évidemment que cette contribution exceptionnelle devienne pérenne et, comme nous l’avons proposé lors de la discussion de la loi de finances pour 2012, que l’on revienne au barème de l’ISF qui s’appliquait avant le collectif de juillet 2011. Nous serons vigilants sur ce point lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2013.

Pour les mêmes raisons de justice fiscale, nous sommes favorables à la réforme des droits de mutation proposée à l’article 4. Dans une perspective de liberté d’entreprendre, il faut tout mettre en œuvre pour ne pas créer une société de rentiers. La politique fiscale doit y concourir en restreignant les héritages excessifs qui rongent le désir de chaque génération de créer ses propres richesses. Dès lors qu’un individu attend une rente, il n’est plus déterminé à entreprendre, à innover, à créer de la richesse. Taxer les successions au-delà d’un certain seuil s’avère donc juste socialement, efficace économiquement et… agréable budgétairement !

Le doublement de la taxe sur les transactions financières est nécessaire, mais cette taxe votée sous la précédente législature ne nous satisfait pas pleinement. Les radicaux de gauche demandent depuis longtemps une taxation forte sur les transactions financières, et notamment sur les produits de spéculation concernant les dettes souveraines. L’assiette de cette taxe est encore trop restreinte. Nous savons que, pour être vraiment efficace, elle doit être mise en place au niveau européen et nous ne pouvons que nous féliciter qu’un accord ait été obtenu lors du dernier sommet européen.

Au cours de la précédente législature, le groupe SRC, parallèlement au SPD, a proposé un projet de taxe sur les transactions financières qui rapporterait 12 milliards par an. Nous souhaitons que la future taxe sur les transactions financières s’inspire davantage de cette proposition conjointe des deux groupes que du mécanisme actuellement en vigueur en France, et qu’elle soit étendue le plus largement possible aux autres pays de l’Union européenne.

Les deux contributions exceptionnelles qui pèseront sur les banques et les compagnies pétrolières vont dans le bon sens en permettant de tenir nos engagements de réduction du déficit public en cette période de croissance atone. Pourtant, nos finances publiques souffrent davantage de maux structurels que conjoncturels. Il sera nécessaire de prendre des mesures pérennes dans le cadre du projet de loi de finances pour 2013. Les contributions débattues dans ce collectif ne pourront pas demeurer exceptionnelles. Je fais confiance au Gouvernement pour assurer davantage de stabilité et de visibilité à long terme dans le redressement de nos comptes publics.

Plusieurs articles de ce collectif relèvent de la finance d’entreprise. Sur ces sujets techniques, les débats sont moins houleux que sur les premiers articles du collectif mais les différentes mesures proposées, visant à freiner les stratégies d’optimisation fiscale, vont dans le bon sens. Ces sujets sont pointus. Certaines modalités concrètes d’application pouvant échapper à la représentation nationale, et les débats en commission ayant, en outre, été assez évasifs, j’espère que le Gouvernement, lors de l’examen par articles, saura faire preuve de pédagogie et nous éclairer sur les conséquences, les avantages et le coût de ces mesures.

De même, la hausse du prélèvement social sur les stock-options, le relèvement de 8 % à 20 % du forfait social ainsi que l’acquittement par les non-résidents des prélèvements sociaux sur les revenus fonciers perçus en France sont des mesures de bon sens, qui renforcent la convergence entre les différentes formes de rémunération et qui assurent une meilleure égalité face à l’impôt.

Le groupe RRDP souscrit à l’idée d’un rapport retraçant les engagements de la France à l’égard de la Grèce. Les interventions européennes sont, en effet, menées au coup par coup, en fonction de l’urgence, avec un abondement du Mécanisme européen de stabilité et du Fonds européen de stabilité financière, d’un côté, un abandon de créance, de l’autre, sans réelle vision globale. Une information complète du Parlement est donc nécessaire.

Quant aux dernières mesures de ce collectif, nous les soutenons. La baisse de 30 % du traitement du Président de la République et du Premier ministre est un magnifique symbole de transparence envoyé à nos concitoyens. Évidemment, la suppression du droit de timbre pour bénéficier de l’aide médicale d’État est une mesure de justice sociale, mais aussi de santé publique. Une réflexion plus large sur l’accès aux soins et sur l’utilité des systèmes de ticket modérateur devra également être menée.

Nous approuvons la suppression de la prise en charge des frais de scolarité dans les établissements scolaires français de l’étranger.

La position du groupe RRDP et des radicaux de gauche sur l’ensemble des sujets contenus dans ce collectif est donc claire : nous soutenons entièrement le Gouvernement dans sa politique de réforme fiscale et de gestion des comptes publics.

Beaucoup de sujets ne peuvent être évoqués dans ce collectif et le seront plus tard, notamment lors du projet de loi de finances pour 2013. Il sera nécessaire de se pencher sur le financement des collectivités territoriales, sur la lutte contre l’évasion fiscale, sur les stratégies d’optimisation des entreprises, sur les niches fiscales et sociales, sur le financement de notre protection sociale, de nos retraites et de notre assurance chômage, sur le financement des services publics, notamment de proximité, sur la lutte contre la vie chère, notamment dans les outre-mer, sur le financement des grands projets structurants des collectivités et territoires ultramarins, sur le barème de l’impôt sur le revenu, de l’impôt de solidarité sur la fortune et de l’impôt sur les sociétés, ou sur la transparence et l’utilisation des fonds publics. Encore tant de sujets !

Le système fiscal à bâtir devra reposer sur la justice et sur la progressivité de l’imposition. Les règles devront être pérennes, dans une stratégie de redressement de long terme. Il ne faudra pas se contenter de mesures exceptionnelles.

Les membres du groupe RRDP voteront ce collectif et attendent avec impatience les prochaines lois de finances. (Applaudissements sur les bancs des groupes RRDP, SRC, écologiste et GDR.)

M. le président. La parole est à M. Nicolas Sansu.

M. Nicolas Sansu. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi de finances rectificative met un coup d’arrêt à dix années d’une politique économique et fiscale qui se fixait pour unique objectif d’alléger toujours plus l’imposition des plus fortunés et des grandes entreprises.

Cette politique s’est avérée ruineuse pour nos finances publiques ainsi que pour notre économie, l’actualité est là pour nous le rappeler. Je ne sais s’il faut faire le procès du keynésianisme, mais une chose est sûre : c’est le procès du libéralisme que les Français ont intenté en mai et juin derniers, personne ne devra l’oublier, ni à droite ni à gauche. Au terme de cette décennie, jamais l’imposition des entreprises n’a été aussi inégalitaire. Les entreprises du CAC 40 n’acquittent aujourd’hui que 8 % d’impôts et les entreprises de plus de 2 000 salariés 13 %, tandis que les entreprises de moins de vingt salariés sont imposées au taux de 30 %.

Monsieur le ministre délégué, j’ai bien noté que vous vouliez que Total paie son dû en matière d’impôt sur les sociétés. Nous vous suivrons sur ce sujet.

Jamais non plus l’imposition de nos concitoyens n’a été aussi injuste. Toutes les réformes intervenues depuis 2002 ont contribué à réduire le rendement et la progressivité de l’impôt sur le revenu. L’impôt de solidarité sur la fortune a été réduit à la portion congrue.

Tout au long de ces dix dernières années, réforme après réforme, la majorité de droite, devenue fort heureusement opposition, nous a expliqué que la baisse de l’imposition des ménages les plus aisés et des grandes entreprises renforcerait l’attractivité de notre pays, serait créatrice d’emplois ou permettrait d’éviter que nos entreprises industrielles ne se délocalisent. Les résultats sont malheureusement sous nos yeux : PSA annonce la fermeture du site d’Aulnay et la suppression de 8 000 emplois.

M. Gérald Darmanin. Ce n’est pas comme ça que vous allez les sauver !

M. Nicolas Sansu. Sanofi, qui a réalisé 5 milliards d’euros de profits l’année passée et déjà 2,5 cette année, annonce un plan de restructuration. Les sommes colossales qui ont été consenties en baisses d’impôts ne sont allées ni à l’emploi, ni à l’investissement et à la recherche, ni aux salaires qui stagnent depuis des années.

Comme le soulignait l’International Herald Tribune en novembre dernier, jamais, dans les grands pays industrialisés, les actionnaires n’ont accaparé une part aussi importante de la richesse produite. Parallèlement, rappelle l’OCDE, la part des salaires dans cette même richesse a chuté de 10 % en trente ans. En fait, l’actionnaire s’est installé solidement au centre du partage de la valeur ajoutée.

Ces pratiques sont à l’origine de l’affaissement de la demande intérieure dans les pays avancés et du marasme économique que nous connaissons depuis des années. Le règne de la finance exprime une véritable mutation culturelle par rapport aux Trente glorieuses : c’est le triomphe de la préférence pour le présent et la dévalorisation de l’avenir, avec l’exigence d’une rentabilité à court terme très élevée, l’abandon de projets d’investissement ou de recherche à horizon long ou encore la déformation du partage du revenu, qui ne peuvent que déboucher sur une croissance faible.

L’accumulation des richesses dans les mains d’une poignée de privilégiés, voilà le cancer qui ronge nos économies ! Ce n’est pas le niveau de la dépense publique.

Permettez-moi, d’ailleurs, monsieur le ministre, de le dire : je ne suis pas sûr que la gauche gagnera beaucoup à se poser en championne de la diminution de la dépense publique et sociale. Ce n’est pas son rôle.

Il importe, en effet, de distinguer entre deux types de dépenses publiques : d’un côté, les dépenses publiques qui soutiennent de façon cumulative la croissance, engendrent de l’activité et permettent d’escompter, au final, un surcroît de recettes et la réduction des déficits initiaux ; de l’autre, les dépenses et déficits récessifs engendrés par les politiques libérales…

M. Gérald Darmanin. Ultra-libérales ! (Sourires.)

M. Nicolas Sansu. …ou ultra-libérales, vous avez raison, mon cher collègue, ou les politiques d’austérité budgétaire, qui creusent les déficits et la dette par défaut de recettes.

S’il y a des économies à réaliser, c’est d’abord dans les niches fiscales et sociales qu’il faut les chercher. Le rapport publié en 2010 par l’actuel président de la commission des finances était, à cet égard, édifiant. Il montrait qu’en annulant l’ensemble des baisses d’impôts votées depuis l’an 2000, l’État percevrait chaque année 100 milliards d’euros de plus de recettes. Et je ne parle pas de l’évasion et de la fraude fiscale, contre lesquelles les mesures annoncées en 2008 et en 2009, qui font perdre 30 à 50 milliards d’euros de recettes aux finances de l’État,…

M. Gérald Darmanin. Voyez Yannick Noah !

M. Nicolas Sansu. …se sont rapidement évanouies.

Le présent projet de loi de finances rectificative a le mérite, nous l’avons dit, de mettre un terme à ces graves errements et de réintroduire un peu de justice fiscale.

Nous soutenons avec force la première mesure de ce collectif, à savoir la suppression de la TVA dite « sociale » – joli mot qui recouvrait un drôle de dispositif ponctionnant plus de 12 milliards d’euros dans les poches de nos concitoyens.

M. Hervé Mariton. Et la CSG, vous en pensez quoi ?

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. M. Mariton ne va pas recommencer !

M. Nicolas Sansu. Je vais y venir, monsieur Mariton.

M. Hervé Mariton. Qu’en pensez-vous ?

M. Nicolas Sansu. Je m’en suis expliqué en commission des finances.

Ce dispositif, donc, n’avait d’autre but que de permettre aux entreprises de se défausser de leur part de la solidarité nationale et aurait pénalisé ce moteur de l’économie qu’est la consommation des ménages, car ce sont les ménages qui, au bout du compte, paient la TVA.

Votre texte, monsieur le ministre délégué, revient ensuite, à juste titre, sur les mesures d’allégement de la fiscalité du patrimoine, votées dans le cadre de la loi TEPA en 2007, mais aussi, et surtout, sur la scandaleuse baisse de l’ISF votée l’an passé, que nous évoquions à l’instant. Nous espérons que la loi de finances initiale pour 2013 permettra de revenir sur les niches fiscales de l’ISF.

Nous approuvons, par ailleurs, le principe de la suppression du dispositif d’exonération fiscale et sociale dont bénéficiaient les heures supplémentaires. Cette mesure au coût exorbitant – 4,9 milliards d’euros, dont 3,4 pour la sécurité sociale – a fait obstacle à la création de près de 90 000 emplois. La droite l’a maintenue, malgré la crise et l’explosion du chômage, par pure posture idéologique.

M. Gérald Darmanin. C’est un communiste qui dit cela !

M. Nicolas Sansu. Chacun sait que ce dispositif a surtout conduit à justifier la modération, voire la stagnation, salariale.

En finir avec le leurre des heures non cotisées et défiscalisées implique, selon nous, que nous débattions dans le même temps de la revalorisation des salaires. Mes chers collègues de la majorité, il est urgent, en même temps que nous approuvons la suppression de cette double exonération, de redonner confiance aux salariés des classes modestes et moyennes, il est urgent de leur redonner du pouvoir d’achat.

M. Hervé Mariton. C’est mal parti !

M. Nicolas Sansu. La suppression de ce dispositif inique d’exonération et de défiscalisation des heures supplémentaires doit être accompagnée d’un vrai coup de pouce au SMIC, d’un dégel du point d’indice des fonctionnaires,…

M. Hervé Mariton. Ce n’est pas ce que vous allez faire, n’est-ce pas, monsieur le ministre délégué ?

M. Nicolas Sansu. …de garanties contre les licenciements boursiers, contre les pratiques qui, de PSA à Sanofi, continuent de privilégier les revenus du capital au détriment de l’emploi et des salaires. Le chômage de masse, l’emploi précaire, la faible progression en volume des salaires ont littéralement plombé le financement de notre protection sociale. Voilà la réalité !

Nous accueillons, bien sûr, favorablement les mesures de hausse du forfait social et des prélèvements sociaux sur les revenus immobiliers comme sur les stocks-options que vous proposez. Elles représentent, comme la mesure précédente, un premier pas sur la voie du rééquilibrage entre revenus du capital et revenus du travail, premier pas d’autant plus utile que la perte de recettes qui résulte des niches sociales se chiffre à plus de 9 milliards d’euros, pour ne rien dire du dispositif de réduction générale des cotisations patronales jusqu’à 1,6 SMIC, dont le coût excède, quant à lui, 22 milliards d’euros.

Le débat sur l’élargissement de l’assiette du financement de la protection sociale ne doit donc pas occulter celui sur les salaires et leur revalorisation.

Cet élargissement ne doit pas se traduire par une hausse de la CSG, qui est un prélèvement proportionnel et de ce fait injuste. J’ai bien entendu Mme la ministre des affaires sociales, qui nous a assuré qu’il n’y aurait pas d’augmentation de la CSG. (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes UMP et UDI.)

M. Jean-Christophe Lagarde. Vous l’avez crue !

M. Nicolas Sansu. J’ai envie de la croire, mon cher collègue !

Nous formulerons, lors de l’examen du prochain PLFSS, une série de propositions de financement de la protection sociale. Nous pensons que celui-ci doit prendre appui sur la modulation des prélèvements sur les entreprises en fonction de leurs stratégies d’investissement et d’emploi.

La création d’emplois, la réduction du sous-emploi et la revalorisation des salaires sont la clef du financement de notre système de protection sociale en général, de nos régimes de retraite en particulier, mais aussi la mise à contribution supplémentaire des actifs financiers, car la richesse, comme l’a rappelé un de nos collègues, est aujourd’hui financière.

Vous proposez, ensuite, monsieur le ministre délégué, toute une série de dispositions sur les optimisations abusives. Une fois encore, nous ne pouvons qu’y souscrire. Je pense en particulier à l’encadrement des transferts de déficits, lesquels sont l’un des leviers de l’évasion fiscale. De même, accueillons-nous favorablement le doublement du taux de la taxe sur les transactions financières, prôné de longue date sur les bancs de notre groupe, même si l’assiette de cette taxe donnera matière à débats. Il s’agit effectivement d’une taxe édulcorée, un simple rétablissement de l’impôt de bourse.

Nous reviendrons, au cours du débat, sur les mesures d’aide à la Grèce, de même que sur la façon dont le Gouvernement entend mettre en œuvre les engagements pris en matière d’éducation. Vous avez judicieusement décidé de financer par l’impôt sur le capital le relèvement de l’allocation de rentrée scolaire. Il aurait pu en être de même pour les 1 000 postes ouverts à la rentrée prochaine dans l’éducation nationale.

Ce texte, présenté dans l’urgence, comporte nombre de mesures attendues.

Nous, députés du Front de gauche du groupe GDR, le prenons comme un encouragement à poursuivre sur le chemin du rééquilibrage du partage de la richesse. Nous afficherons cette volonté lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2013, qui sera le juge de paix en matière d’architecture fiscale et de niveau de la dépense publique, tout comme le sera l’asservissement, ou non, à un traité européen qui instaurerait l’austérité perpétuelle.

M. Gérald Darmanin. Le voterez-vous, ce traité européen ?

M. Nicolas Sansu. Oui, monsieur le ministre délégué, si nous saluons ce collectif, il nous reste encore bien des débats à avoir. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

M. Hervé Mariton. Voterez-vous le traité européen ?

M. Nicolas Sansu. Bien sûr que non, monsieur Mariton !

M. le président. La parole est à M. Pierre-Alain Muet.

M. Pierre-Alain Muet. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, mesdames les présidentes de commission, la situation de notre pays est connue : une dette qui a explosé et qui continue de dériver, un chômage massif, un déficit extérieur abyssal et une explosion des inégalités. Certes, les inégalités explosent dans de nombreux pays, constituant, d’ailleurs, l’une des causes de la crise mondiale, mais, ce qui caractérise notre pays, c’est que toute la politique fiscale de ces dernières années a consisté à les accentuer. En dix ans, la dette publique de notre pays a doublé. En d’autres termes, la droite aura accumulé, en seulement en dix ans, une dette égale au total de la dette accumulée par tous les gouvernements qui l’ont précédée dans l’histoire.

La crise n’entre que pour une part modeste dans cette situation puisque, depuis cinq ans, c’est, pour l’essentiel, l’ampleur du déficit structurel, c’est-à-dire le déficit que notre pays aurait connu si la crise n’avait pas eu lieu, qui explique cette explosion de la dette. Depuis 2007, le déficit structurel, je le rappelle, n’a jamais été ramené au-dessous du seuil de 3 % ; il s’est toujours situé entre 3,3 % et 4,8 %.

J’entends le président de la commission des finances répéter « La règle d’or ! La règle d’or ! La règle d’or ! », qui ramènerait à zéro le déficit structurel. Mais qu’avez-vous fait en cinq ans ? Le précédent gouvernement est le seul à avoir laissé exister, pendant cinq ans, un déficit structurel excessif. Parler de ce qu’il faudrait faire, c’est bien, mais, les déficits, ça se réduit par la volonté politique, et c’est ce qui caractérise ce gouvernement.

M. Jean-François Lamour. Ben voyons !

M. Pierre-Alain Muet. Il y a donc urgence à redresser notre pays.

La première étape du redressement, c’est ce projet de loi de finances rectificative qui, pour l’année 2012, remet le déficit des finances publiques en ligne avec les prévisions du projet de loi de finances initial et avec nos engagements européens. Il compense une dérive de 7 milliards du déficit, qui résulte en grande partie d’une surestimation des recettes dans le projet de loi de finances initiale, à la fois parce qu’elles étaient d’emblée franchement surestimées et parce que la croissance est aujourd’hui plus faible que l’hypothèse de croissance retenue.

Les mesures concernent pour l’essentiel la rente – prélèvement sur les banques et le secteur pétrolier – et les plus gros patrimoines, en supprimant l’une des plus injustes mesures prises par l’ancienne majorité. C’était il y a exactement un an : elle réduisait de moitié l’impôt de solidarité sur la fortune.

J’entends parler d’idéologie. Aucune mesure de politique économique n’est bonne ou mauvaise dans l’absolu, je l’ai toujours dit ; tout dépend de la situation économique dans laquelle on se trouve. Je le montrerai à propos des deux premiers articles de ce projet, mais toutes les mesures de ce collectif sont à la fois pertinentes dans la situation conjoncturelle de notre pays et justes.

Le premier article supprime cette mesure, injuste et absurde dans la conjoncture actuelle, de TVA dite « sociale » qui ampute de 12 milliards d’euros le pouvoir d’achat des ménages. Cette suppression est juste, car la TVA, en pesant le plus sur les ménages modestes, est l’un des impôts les plus injustes. C’est aussi une mesure d’efficacité économique car, dans une période où c’est précisément la faiblesse du pouvoir d’achat des ménages qui limite la croissance, transférer une charge d’imposition de 12 milliards d’euros des entreprises sur les ménages, c’est tout simplement une absurdité économique, la plus sûre façon d’affaiblir non seulement la croissance de la consommation mais aussi, par voie de conséquence, la croissance de l’investissement.

Les propos tenus autrefois par un ministre des finances que la commission des finances du Sénat interrogeait sur cette mesure illustrent parfaitement ce qui se passerait si nous ne la supprimions pas. S’appuyant sur ses services, il estimait qu’un point supplémentaire de TVA réduirait la croissance de 0,9 point tandis que l’allégement, en contrepartie, des cotisations n’augmenterait le taux de croissance du PIB que de 0,4 point. Au total, chaque point de TVA sociale, disait ce ministre, c’était un demi-point de croissance en moins. Ce ministre, vous l’avez reconnu, c’était Nicolas Sarkozy, auditionné par la commission des finances du Sénat en 2004.

M. Jean-Christophe Lagarde. En Allemagne, ça n’a pas fait cela du tout !

M. Pierre-Alain Muet. En Allemagne, c’était beaucoup plus subtil qu’un transfert, même si, pour l’essentiel, il y a eu réduction du déficit.

En résumé, en supprimant 12 milliards de hausse de la TVA dite « sociale », on redonne tout simplement 12 milliards de pouvoir d’achat à tous nos concitoyens, et on contribue ainsi au retour de la croissance.

Le second article du projet supprime cette arme de destruction massive de l’emploi que constituent, dans une période de chômage, les subventions aux heures supplémentaires. Comme mon collègue Eckert, je souhaite que l’on traite l’ensemble de ces mesures en supprimant la défiscalisation des heures supplémentaires en même temps que l’exonération des cotisations dont elles bénéficiaient, car celle-ci ne se justifie pas davantage.

Dans la conjoncture actuelle, cette défiscalisation est absurde. En période de plein-emploi, par exemple dans les années cinquante, on pouvait, en cas de pénurie de travailleurs, subventionner les heures supplémentaires. Il n’y avait d’ailleurs pas besoin de les subventionner ; l’économie faisait des heures supplémentaires parce que cela correspondait à la situation de l’époque.

En revanche, dans une situation comme la nôtre, une situation de chômage massif et d’excédent des capacités de production par rapport à la demande, le seul effet d’une telle mesure, les économistes le savent, est un effet de substitution. Le nombre des heures supplémentaires augmente peut-être un peu, encore que mon collègue Gorges pense qu’il s’agit pour l’essentiel d’un effet d’aubaine, mais, surtout, cette mesure réduit l’embauche. Au total, le gain de pouvoir d’achat enregistré par ceux qui ont un emploi est exactement compensé par une perte de pouvoir d’achat pour ceux qui se retrouvent au chômage.

Je vous invite, mes chers collègues, à consulter les travaux, tout à fait remarquables, de l’OFCE. Ils montrent que cette mesure peut avoir des effets tout à fait différents selon que l’on se trouve en situation de plein-emploi ou dans la situation que nous connaissons actuellement de sous-emploi. En période de sous-emploi, l’exonération des heures supplémentaires est une mesure évidemment absurde d’un point de vue économique.

Au total, ces allègements détruisent l’emploi sans entraîner aucune augmentation du revenu des familles. C’est d’ailleurs ce qui s’est passé pendant cinq ans : pour la première fois dans l’histoire, au moins depuis la Seconde Guerre mondiale, le pouvoir d’achat des ménages n’a pas augmenté du tout. Comme la moyenne cache des disparités énormes, une bonne partie de nos concitoyens a donc perdu en pouvoir d’achat.

Je me demande d’ailleurs où a pu germer cette idée d’allègements sociaux et fiscaux sur les heures supplémentaires. Comme le rappelle le rapport de nos collègues Jean-Pierre Gorges et Jean Mallot, aucun pays n’a mis en œuvre une mesure aussi massive. Certains ont supprimé les cotisations sur le supplément de salaire de l’heure supplémentaire, au motif de l’égalité en termes de droits sociaux entre une heure normale de travail et une heure supplémentaire. Mais vous, vous avez créé, au contraire, une profonde inégalité entre l’heure de travail normale et l’heure supplémentaire. Or, les rares pays qui l’ont fait, pour une toute petite fraction de la rémunération des heures supplémentaires, ont supprimé ce dispositif du fait de la période de chômage actuelle, c’est le cas de l’Italie.

Ce projet de loi de finances rectificative corrige des pertes conjoncturelles de recettes par des mesures structurelles, qui ont de ce fait un impact durable : 7 milliards de réduction du déficit cette année mais 13 milliards l’an prochain. C’est très exactement le contraire de ce que vous avez fait en 2011 : je ne reviens pas sur la discussion que nous avons eue à l’occasion de la loi de règlement.

Le présent projet maintient et finance toutes les dépenses nouvelles par des redéploiements. S’agissant de l’éducation, je salue la création de 1 000 postes de professeurs des écoles, de 100 postes de conseillers principaux d’éducation et de 1 500 postes d’auxiliaires de vie scolaire individualisés. L’ensemble de ces recrutements est financé à hauteur de 48 millions d’euros par des redéploiements de crédits.

Bref, ce projet de loi de finances rectificative est juste, efficace et nécessaire. À l’inverse, d’une certaine façon, de ce que vous avez fait en 2007 avec la loi TEPA et avec le paquet fiscal, il réduit le déficit, il réintroduit de la justice fiscale, il favorise l’emploi et le revenu. C’est pourquoi le groupe socialiste le votera avec conviction. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, RRDP et sur plusieurs bancs du groupe GDR.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Gorges.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Va-t-il être cohérent ?

M. Jean-Pierre Gorges. Monsieur le ministre, je viens d’abord vous féliciter, car la signature du pacte budgétaire européen est de nouveau d’actualité. La campagne électorale est donc terminée et le principe de réalité revient sur la table.

Votre discours aussi change : très timidement encore, vous découvrez la crise. Surtout, l’affaire PSA vous oblige à identifier publiquement le problème numéro un de l’économie française, celui de la compétitivité des entreprises, donc celui du coût du travail dans notre pays.

Or vous nous proposez aujourd’hui de supprimer ce que nous avions appelé la TVA sociale, ou TVA anti-délocalisation. Je pense que vous avez tort, mais je comprends pourquoi vous agissez ainsi : cette idée est estampillée Nicolas Sarkozy et vous auriez l’impression de vous renier en la conservant. Alors, à la place, vous nous proposerez l’augmentation de la CSG. À quel taux, nous verrons bien. Vous nous expliquerez, le moment venu, pourquoi et comment cette mesure est moins injuste et plus efficace que la TVA sociale.

Mais quand notre ancienne majorité a voté la TVA sociale, c’était aussi pour compenser la suppression annoncée des cotisations sociales familiales payées par les entreprises. Il s’agissait de baisser le coût du travail, donc de renforcer la compétitivité des entreprises produisant en France. Mais il y allait aussi de cette justice sociale qui vous sert d’étendard en permanence. En effet, nous avions décidé cette suppression parce qu’il nous paraissait juste de confier le financement de la politique familiale à la solidarité nationale. Ce diagnostic reste légitime aujourd’hui : la famille et sa protection, c’est l’affaire de la Nation, tout le monde est concerné, pas seulement les chefs d’entreprise.

C’était juste et c’était efficace puisque cela abaissait le coût du travail. Aussi, comme vous avez fini par approuver le pacte budgétaire européen, je veux croire que vous finirez par faire vôtre cette suppression des cotisations sociales familiales payées par les entreprises et par accepter leur financement par la solidarité nationale.

Le deuxième exemple est encore plus parlant. J’aurais aimé y passer un peu plus de temps. Un rapport très important a été fait sur cette question. Je vous remercie, monsieur le ministre, parce que vous avez appris à cette assemblée qu’il y a aujourd’hui 9 400 000 riches privilégiés en France. Je veux parler des Français bénéficiaires de l’exonération sociale et fiscale des heures supplémentaires.

M. Hervé Mariton. Eh oui !

M. Jean-Pierre Gorges. Si j’ai bien compris la priorité de votre gouvernement, vous voudriez restaurer la justice fiscale en faisant contribuer davantage les plus aisés.

Ces 9 400 000 Français vont perdre en moyenne 450 euros par an. Mais comme vous avez bien lu le rapport que j’ai cosigné avec Jean Mallot, vous savez que les 9 400 000 Français concernés sont d’abord les oubliés des 35 heures.

M. Gérald Darmanin. Quelle politique sociale !

M. Jean-Pierre Gorges. Mon prédécesseur, Pierre-Alain Muet, a parlé d’effet d’aubaine. Eh bien, je pense qu’il y a une confusion terrible sur ce rapport que je conseille de lire. M. Eckert nous dit qu’il n’y a pas eu d’heures supplémentaires supplémentaires. Mais si cela a coûté 4,5 milliards d’euros, c’est bien que certains en ont profité !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales et M. Christian Eckert, rapporteur général. C’est cela, l’effet d’aubaine !

M. Jean-Pierre Gorges. Laissez-moi terminer !

Quand nous avons analysé cela dans notre rapport – il est dommage que Jean Mallot ne soit pas là, car il aurait pu en témoigner – nous avons été très surpris de comprendre qu’il n’y avait pas eu d’heures supplémentaires supplémentaires, mais qu’en revanche le pays avait dépensé 4,5 milliards d’euros. En réalité, quand la France est passée aux 35 heures, 15 millions de Français sont passés aux 35 heures, et 9 400 000 personnes ont continué à travailler 39 heures en bénéficiant de quatre heures supplémentaires. Le phénomène d’aubaine est là : au moment où le dispositif de l’article 1 de la loi TEPA a été mis en place, on a posé sur la table, sans créer une heure supplémentaire supplémentaire, 4,5 milliards d’euros.

Ces gens sont des oubliés des 35 heures, puisque leurs collègues ont travaillé 35 heures payées 39, alors qu’eux ont continué à travailler 39 heures.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. C’est vrai !

M. Jean-Pierre Gorges. C’est à eux que vous allez prélever 450 euros par an. Vous parlez de justice, mais voilà, pour moi, une première injustice !

M. Jean-François Lamour. Eh oui !

M. Jean-Pierre Gorges. Deuxième injustice importante : en réalité, l’article 1 de la loi TEPA a surtout profité – lisez notre rapport ! – à la fonction publique, et en premier lieu à la fonction publique hospitalière, désorganisée depuis les années 2000 par le passage aux 35 heures. C’est dans le rapport, il n’y a pas de contestation sur ce point.

Une deuxième chose importante concerne la fonction publique d’État où la décision de ne pas remplacer le départ d’un fonctionnaire sur deux à la retraite a entraîné une désorganisation. Les heures supplémentaires ont alors été un outil d’accompagnement de cette décision. Si j’ai bien compris, vous allez appliquer la même mesure, le même type de dispositif – j’ai même entendu parler du non-remplacement de deux fonctionnaires sur trois partant à la retraite dans la fonction publique d’État… – vous aurez donc besoin de ce type de dispositif d’accompagnement. À ce titre vous êtes injustes aussi vis-à-vis de la fonction publique : comme nous l’avons fait, vous allez réduire le nombre de fonctionnaires. Ceux qui resteront devront faire plus et devront nécessairement être mieux payés.

Notre rapport signale que cet outil qui était, à l’origine, plus particulièrement destiné au secteur privé, a d’abord servi…

M. Christian Eckert, rapporteur général. C’est ce que je dis !

M. Jean-Pierre Gorges. …à la fonction publique hospitalière, à la fonction publique d’État, et aussi beaucoup à l’éducation nationale. Je vous mets donc en garde !

J’ai bien aimé ce qu’a dit M. Muet : ce dispositif a été institué en 2007 lors d’une période de croissance…

M. Pierre-Alain Muet. Je n’ai pas dit cela !

M. Jean-Pierre Gorges. …et il a alors fonctionné, mais ensuite, à cause de la récession, il n’y a pas eu d’heures supplémentaires supplémentaires.

M. le président. Votre temps de parole est écoulé depuis plus d’une minute.

M. Jean-Pierre Gorges. Mais ce dispositif a apporté beaucoup à des gens qui ont été laissés sur la route par les 35 heures. C’est pour cela qu’il aurait été bon d’attendre, ou, au moins, de traiter ces personnes de façon différenciée par rapport au reste de la population et d’adapter ce dispositif à l’évolution du contexte économique. Vous nous parlez de croissance : comme le disait M. Muet tout à l’heure, je pense que ce dispositif retrouvera tout à fait sa place dans un contexte de croissance retrouvée.

M. Pierre-Alain Muet. …et de plein-emploi !

M. Jean-Pierre Gorges. J’espère que sur ce point…

M. le président. Votre temps de parole est vraiment écoulé !

M. Jean-Pierre Gorges. …vous reviendrez sur votre position, car 9,5 millions de personnes vont perdre en moyenne 450 euros par an ! Quand on parle comme vous, monsieur le ministre, du pouvoir d’achat des ménages, je pense que c’est une erreur très grave ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

M. Alain Chrétien. Voilà un discours objectif !

M. Christian Eckert, rapporteur général. Il n’a pas dit la même chose que vous tout à l’heure !

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.

M. Jean-Christophe Lagarde. Monsieur le président, monsieur le ministre, mesdames et messieurs les présidents de commission, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, mon collègue Charles de Courson a brossé un panorama général de la position de notre groupe parlementaire sur ce projet de loi de finances rectificative. Je me concentrerai donc sur les mesures du gouvernement qui porteront atteinte au pouvoir d’achat des Français, et particulièrement à celui des classes populaires et des classes moyennes, via la suppression des allégements sur les heures supplémentaires.

L’article 2 du projet de loi de finances rectificative pour 2012 a pour objet la suppression de ce dispositif pour les entreprises de plus de 20 salariés. Vous proposez, monsieur le rapporteur général, de réduire cette mesure en abrogeant les exonérations de cotisations sociales salariales et en limitant aux seules entreprises de moins de 20 salariés l’avantage d’un dispositif relatif aux déductions de cotisations patronales. Cette limitation – je le note au passage, mais nous y reviendrons au cours du débat – est totalement arbitraire. En effet, pourquoi pas 50, 100, ou 200 salariés ? On se plaint constamment de ce que les PME sont trop petites et trop peu nombreuses en France : cela conduira notre groupe à vous proposer des modifications sur cette question.

Les secteurs bénéficiaires sont notamment l’industrie, la métallurgie, la construction, l’hébergement, la restauration, ainsi que les transports : bref, des secteurs actuellement en difficulté. Le Gouvernement veut-il par cette mesure soumettre à une pression supplémentaire ces secteurs qui ont besoin de compétitivité et qui devraient, au contraire, être soutenus ?

Cette mesure, par ailleurs, devait prendre effet à compter du 1er septembre 2012. Toutefois, le projet de loi de finances rectificative se limitait à l’origine à l’aspect des charges sociales. Mais votre majorité, avec l’assentiment du Gouvernement, veut aller encore plus loin et accentuer davantage la pression sur les ménages en ce début de quinquennat.

En effet, quelle ne fut pas notre surprise vendredi dernier lorsque les médias ont annoncé le dépôt d’un nouvel amendement du rapporteur général et du groupe socialiste, qui inclut dans l’article 2 la suppression de l’exonération fiscale sur la rémunération des heures supplémentaires. Or, le volet fiscal n’avait aucunement été évoqué par le Gouvernement.

Fondamentalement injuste et antisociale, cette mesure constitue une amputation pure et simple du pouvoir d’achat des salariés qui effectuent des heures supplémentaires.

M. Christian Eckert, rapporteur général. C’est sûrement moins injuste que les cotisations !

M. Jean-Christophe Lagarde. Vous pourrez le tourner comme vous voudrez, c’est en réalité aux plus modestes – je le montrerai ensuite – que cela s’adresse.

Mais loin de se limiter à ce nouveau coup de massue sur le pouvoir d’achat des ménages, la majorité prévoyait initialement dans son amendement que cette nouvelle mesure entrerait en vigueur rétroactivement à compter du 1er janvier 2012.

C’est une bien curieuse conception de la démocratie et de la justice, lorsque l’on sait que cette rétroactivité n’a jamais été présentée aux Français par le président de la République lors de sa campagne électorale.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Voulez-vous que l’on compare ces mesures à vos textes de juillet 2008 ?

M. Jean-Christophe Lagarde. Personne n’a jamais dit que cette mesure prendrait effet début 2012. Mais, visiblement, les engagements électoraux sont passés et l’on peut maintenant faire ce que l’on veut dans votre majorité…

Cette manœuvre du Gouvernement relève de la tromperie car, pour ne pas assumer son choix d’alourdir les impôts de 9,6 millions de ménages modestes, il délègue la sale besogne au groupe socialiste de l’Assemblée nationale. Pour nous, non seulement cette mesure est nuisible pour les salariés, mais il est de plus inacceptable qu’elle porte sur les heures supplémentaires effectuées à compter du 1er janvier 2012. Cela constituerait un nouveau coup dur pour les salariés, car c’est de près d’un milliard d’euros que leur pouvoir d’achat pourrait être amputé.

Cette mesure serait doublement déloyale : d’abord du point de vue de la déontologie fiscale, mais aussi envers les Français qui ont effectué des heures supplémentaires en début d’année et qui ne pouvaient légitimement pas penser qu’elles seraient fiscalisées à nouveau à compter du 1er janvier 2012. Les parlementaires socialistes se sont d’ailleurs bien gardés d’annoncer une telle mesure lors de la campagne des législatives…

En frappant ainsi durement les classes populaires et les classes moyennes, vous montrez, monsieur le ministre et mesdames et messieurs les députés du groupe socialiste, une drôle de conception de « l’effort juste » dont parlait le Président de la République samedi dernier encore.

Il semble toutefois que votre majorité ait dû reculer face à la contestation que nous avons exprimée depuis vendredi, puisque le rapporteur général vient de présenter lui-même, en commission des finances, cet après-midi, une rétroactivité un peu moindre : non plus au 1er janvier mais au 1er juillet. Et le Premier ministre parle maintenant du 1er août : cette improvisation est étonnante.

M. Alain Chrétien. C’est du cafouillage !

M. Jean-Christophe Lagarde. J’imagine que vous nous rassurerez sur ce point !

Il serait à nos yeux plus équitable, plus juste et plus compréhensible que vous harmonisiez l’entrée en vigueur de cette matraque fiscale avec celle prévue pour le volet social, c’est-à-dire au 1er septembre.

Il est ici, chers collègues, nécessaire de rappeler quelques chiffres qui illustrent de façon manifeste la perte de pouvoir d’achat qui affectera 9,5 millions de ménages, soit près de 40 % des salariés, qui perdront entre 450 et 500 euros par an. Dans les discours démagogiques de la campagne électorale, on prétendait faire payer aux riches la facture du déficit. Ces 9,6 millions de salariés sont-ils donc les riches à vos yeux ? Si la France avait autant de riches que cela, cela se saurait ! Vous avez décidé de frapper au porte-monnaie les classes populaires et les classes moyennes. Au moins, assumez-le.

Quatre salariés sur dix qui font régulièrement des heures supplémentaires sont des ouvriers. Les fonctionnaires sont aussi concernés, en particulier les enseignants du secondaire. Au cours de l’année scolaire 2010-2011, dans l’enseignement public, 511 637 heures supplémentaires ont été effectuées par 232 000 enseignants du secondaire, c’est-à-dire, dans ce secteur, par plus d’un enseignant sur deux.

En fait d’« effort juste », c’est la rigueur pour tous, la rigueur injuste et la rigueur honteuse, celle qui n’ose pas dire son nom, que vous imposez aux Français qui ont cru pouvoir vous faire confiance lorsque vous leur promettiez la relance.

Injuste, votre décision est en plus antiéconomique. Je tiens à appeler votre attention sur ce point, monsieur le ministre. En effet, le Gouvernement pêche ici, à nos yeux, par idéologie. Vous partez de l’hypothèse, sur laquelle M. Muet a embrayé, selon laquelle les salariés sont substituables entre eux. Or l’inanité de cette idée a déjà été prouvée. Le Gouvernement considère de façon tout à fait dogmatique que les heures supplémentaires entravent le recrutement de salariés. C’est faux. Mais même si vous croyez à ce raisonnement, monsieur le ministre, il ne peut pas être valable pour le secteur public puisque le Gouvernement a annoncé que les effectifs de la fonction publique n’augmenteraient pas durant la législature. Ainsi, pourquoi revenir sur cette disposition pour ce qui concerne la fonction publique d’État, la fonction publique hospitalière et la fonction publique territoriale, puisque vous n’en attendez aucun recrutement, aucune embauche, simplement des impôts supplémentaires pour les fonctionnaires !

M. le président. Je vous remercie de conclure.

M. Jean-Christophe Lagarde. Je termine, monsieur le président.

Après les différentes annonces faites par le Gouvernement, notamment en matière de réduction des effectifs et de gel des salaires, c’est donc une véritable saignée que vous imposez aux fonctionnaires, qui devraient au contraire être protégés de votre mesure.

Pour conclure, je dirai que la majorité précédente avait débuté sa législature par une faute qui s’appelait bouclier fiscal, qu’elle ne corrigea que sur le tard. Votre majorité inaugure cette législature par une faute similaire : ce n’est pas le bouclier fiscal, c’est le grand coup de sabre antisalarial de la rigueur injuste qui pénalise d’emblée les classes populaires et les classes moyennes.

M. Christian Paul. Ce n’est pas sérieux !

M. Jean-Christophe Lagarde. Nous nous en souviendrons et nous saurons vous le rappeler. Je pense que ces 9,6 millions de Français se souviendront que vous les avez considérés comme suffisamment riches pour payer la facture d’une rigueur que vous voulez nier et que vous ne pourrez plus prétendre juste à partir d’aujourd’hui ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Eva Sas.

Mme Eva Sas. Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, Éric Alauzet vous l’a dit, nous soutenons clairement et sans ambiguïté les options que vous présentez dans ce projet de loi de finances rectificative. Notre pays a grand besoin de justice fiscale et de lutte contre l’évasion fiscale, et nous adhérons sans réserve à ces priorités. Néanmoins, je voudrais souligner deux points dans mon intervention. D’une part, nous pensons qu’il manque un volet écologique dans ce projet de loi de finances, d’autre part, nous voulons d’ores et déjà souligner que nous serons vigilants sur les restrictions budgétaires à venir.

Tout d’abord, donc, nous ne pouvons pas ne pas noter qu’il manque dans ce projet de loi le volet écologique. Car si l’on en revient à l’analyse des causes de la crise, nous serons d’accord, je pense, pour dire qu’elle n’est pas seulement le fruit de la dérégulation financière, elle est aussi due à la montée sans précédent des inégalités et aux tensions sur les prix dues à la rareté des matières premières et à l’épuisement des ressources. Autant le Gouvernement amorce la réponse sur les deux premiers points, autant nous ne voyons rien venir sur le traitement de la crise écologique,…

M. Gérald Darmanin. Ça commence ! Cela fait un mois et demi que vous êtes dans la majorité !

Mme Eva Sas. …alors même que le Président de la République a rappelé, dans son entretien du 14 juillet, qu’il avait été élu pour mener la transition écologique et énergétique de la France. C’est pourquoi nous soutiendrons des premiers amendements pour en finir avec les niches fiscales qui encouragent la surconsommation d’énergie et des ressources, amendements qui comme les mesures fiscales que vous proposez, mettent d’abord à contribution les Français les plus aisés. Nous n’oublions, en effet, pas que ce sont les plus favorisés qui sont les plus gros consommateurs d’énergie et de ressources et qu’ils doivent donc être les premiers à réduire leur empreinte écologique.

M. Alain Chrétien. Caricature !

Mme Eva Sas. Ce sont des premières propositions, mais nous serons à vos côtés pour appliquer ce principe pollueur-payeur de façon beaucoup plus large dans la loi de finances pour 2013, dans un souci d’économies, dans un souci de responsabilisation des comportements et dans un souci de mise en cohérence de notre système fiscal avec les objectifs de maîtrise de l’énergie et de protection de l’environnement que nous partageons.

J’en viens à mon second point. Nous soutenons ces premières orientations, mais nous demeurons vigilants sur les orientations budgétaires à venir. Notre ligne est simple : les économies, oui, l’austérité, non. (Exclamations sur quelques bancs du groupe UMP.) Nous savons qu’il n’y a qu’un pas des unes à l’autre et nous savons aussi qu’un objectif rigide de 3 % de déficit public en 2013 pourrait nous faire franchir ce pas.

Vous le savez, monsieur le ministre, nous sommes des Européens convaincus et nous sommes très attentifs au maintien de la cohésion européenne. En ce sens, nous comprenons parfaitement que nous devions prendre des engagements budgétaires vis-à-vis de nos partenaires européens. L’adoption d’une monnaie commune va pour nous de pair avec une coordination beaucoup plus approfondie des politiques budgétaires et économiques en Europe. Mais s’il nous paraît nécessaire de nous engager sur des mesures budgétaires, il nous paraît beaucoup moins légitime que nos partenaires européens nous demandent d’atteindre, coûte que coûte, des objectifs de réduction de déficits, quelle que soit la conjoncture et quelles que soient les conséquences sociales liées à l’atteinte de ces objectifs.

M. François de Rugy. Excellent !

M. Gérald Darmanin. Vous votez ou vous ne votez pas ?

Mme Eva Sas. La Cour des Comptes a, en effet, chiffré l’effort budgétaire que nous avions à fournir pour atteindre les 3 % en 2013 à 33 milliards d’euros. Avec un effet multiplicateur de 1, c’est 33 milliards d’impact sur l’économie, ce sont donc 400 000 emplois qui sont en jeu. Je l’ai dit, la semaine dernière, monsieur le ministre, notre économie est très fragile et il nous paraît primordial d’éviter l’effet récessif de mesures trop brutales.

Pour finir, je voudrais rappeler que le Président de la République, lors de son intervention du 14 juillet, nous a demandé de garder trois chiffres en tête : la dette publique, qui atteint 90 % du PIB ; le chômage, qui touche 10 % de nos concitoyens et le déficit commercial, qui atteint 70 milliards d’euros. Nous vous proposons de faire jusqu’à 33 milliards d’économies sur les niches fiscales anti-écologiques, de créer 500 000 emplois par la transition écologique dans l’isolation, les transports collectifs, les énergies renouvelables, de réduire la facture énergétique qui représente presque 90 % de notre déficit commercial.

Nous serons donc à vos côtés pour relever ces trois défis. Mais nous avons un message simple et clair : la réduction des déficits ne peut se faire au prix du chômage et de l’épuisement des ressources. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et SRC et sur plusieurs bancs du groupe GDR.)

M. le président. La parole est à M. Bruno Nestor Azerot.

M. Bruno Nestor Azerot. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je constate avec satisfaction que le projet de loi de finances rectificative pour 2012, qui nous est présenté aujourd’hui, confirme les principales promesses qu’avait faites le Président de la République. Il donne notamment au Gouvernement des marges de manœuvre permettant de répondre aux effets de la crise économique et sociale dans laquelle nous nous trouvons. C’est ainsi que sont dégagés 7,2 milliards d’euros de recettes nouvelles qui s’ajoutent à la mise en réserve en début d’année de 7 milliards de crédits, dont 1,2 milliard qui avait été annulé en février par le gouvernement Fillon.

Ce projet de loi marque également une étape décisive sur la voie d’une fiscalité plus juste.

J’ai noté par ailleurs, monsieur le ministre, la création, par l’article 17, d’un compte d’affectation spéciale « Participation de la France au désendettement de la Grèce ». J’y souscris évidemment, compte tenu de la situation catastrophique dans laquelle se trouve le peuple grec. Cette situation appelle notre solidarité.

Cette solidarité doit s’exercer également en faveur des outremers, notamment, des départements d’outre mer. Celui dont je suis élu, la Martinique, connaît actuellement un taux de chômage qui dépasse les 25 % ! Au cours des cinq dernières années, ce taux a augmenté de 37 % et même de 49 % chez les quinze à vingt-cinq ans. Actuellement, c’est plus de 62 % des jeunes Martiniquais qui sont à la recherche d’un emploi. Comment dans ces conditions, ne pas être tenté de comparer notre situation à celle de la Grèce ?

L’on observe une situation analogue dans toutes les collectivités ultramarines qui ont été, de ce fait, plusieurs à connaître des crises sociales graves. Cela a été le cas en 2008 en Guyane, en 2009 en Martinique, en 2011 à Mayotte et en début d’année à la Réunion. Mais d’autres encore sont à craindre si une politique volontariste de solidarité envers les outremers n’est pas mise en œuvre rapidement.

Le Président de la République a pris à l’égard de ceux-ci trente engagements importants dont nous attendons, bien sûr, la mise en œuvre effective. Il y a, notamment, les mesures évoquées par notre ministre de l’outre-mer visant à s’attaquer, je cite : « aux causes structurelles de la vie chère dans les outremers ». Nous en connaissons les conséquences dans des domaines comme la grande distribution, l’énergie, les transports, les communications, ou encore le logement…

Ces engagements concernent aussi les inégalités sociales beaucoup plus importantes que dans l’Hexagone ; le traitement de l’échec scolaire, également beaucoup plus important ; l’accès au logement social – en Martinique, plus de 15 000 demandes sont en attente tandis que la production de logements sociaux a été en réduction ces dernières années.

Mais, vous l’aurez compris, le problème majeur est celui de l’emploi. Et là, il y a une véritable situation d’urgence, qui nécessite la mise en œuvre d’une politique volontariste tenant compte des handicaps structurels des départements d’outre-mer, notamment de la Martinique, mais également de leurs atouts jusqu’ici insuffisamment mis en avant. Il faut sortir des incantations sur le concept de « développement endogène » pour aller vers de véritables contrats de développement passés avec chacune des collectivités ultramarines. Ces contrats doivent être conçus à partir d’une nouvelle approche de la question du développement outre-mer. Ils doivent être l’objet d’une concertation approfondie avec l’ensemble des forces vives de ces collectivités. C’est ainsi que l’on pourra décider des investissements à privilégier, des secteurs économiques à stimuler et des instruments à mettre en place pour cela. Parmi ceux-ci, je citerai la défiscalisation, bien sûr, mais qui doit toujours être orientée vers l’investissement productif créateur d’emplois.

Il reste que, dans l’immédiat, il y a une situation d’extrême urgence à traiter. Il faut à tout prix qu’un volet suffisamment significatif d’emplois d’avenir vienne redonner espoir à une large fraction de notre jeunesse martiniquaise en proie aujourd’hui à la désespérance. Je considère également qu’il est indispensable de remettre financièrement à flot nombre de collectivités territoriales, les communes notamment. En effet, dans nos territoires ultramarins, les collectivités, doivent faire face, beaucoup plus que dans l’Hexagone, à une demande sociale de plus en plus importante. Elles jouent donc un rôle fondamental d’amortisseur social. Mais elles jouent également un rôle très important en matière d’investissement, en permettant de combler des retards importants dans le domaine des équipements, donc en matière de création d’emplois. Ne l’oublions pas, outre-mer, les collectivités territoriales sont à l’origine de plus de 80 % de l’investissement public civil.

Monsieur le ministre, vous l’aurez compris, les outremers attendent de recevoir leur juste part de l’effort budgétaire consenti par le Gouvernement. Pour la Martinique, c’est une part qui doit tenir compte de son niveau de mal développement et de la situation d’urgence sociale dans laquelle elle se trouve. Mes compatriotes, là-bas, attendent avec impatience le changement pour lequel ils se sont massivement prononcés lors des dernières élections.

C’est avec la conviction que le Gouvernement a bien pris la mesure de leurs attentes et qu’il est résolu à tenir ses engagements que je voterai ce projet de loi de finances rectificative. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Christian Paul.

M. Christian Paul. Monsieur le président, monsieur le ministre, mesdames, messieurs les députés, à l’opposition, je voudrais d’abord dire qu’elle semble avoir d’immenses difficultés à choisir le bon angle d’attaque. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.) D’un côté vous dites au Gouvernement qu’il va prendre des décisions qui causeront de très grandes catastrophes ; de l’autre côté, vous dites – les mêmes parfois, d’ailleurs – que cette session est sans contenu ; M. Accoyer, précédent président de l’Assemblée nationale, nous a même dit que l’on aurait pu en faire l’économie… Il faut choisir, mes chers collègues : quand les reproches se contredisent, ils s’annulent, et c’est, je le crois, ce qui se passe depuis le début de cette discussion.

M. Hervé Mariton. Au fait !

M. Christian Paul. Mes chers collègues, cette session n’est pas légère, ce projet de loi de finances rectificative n’est pas sans conséquence.

M. Hervé Mariton. Hélas !

M. Christian Paul. Bien au contraire, monsieur Mariton, c’est le coup d’envoi d’un nouveau cycle politique que nous voulons réussir. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Le contenu du projet de loi de finances rectificative traduit en actes des engagements. L’élection présidentielle n’est certes pas un référendum. Nous ne reprendrons pas cette thèse que vous avez abondamment défendue voici cinq ans ! Le débat parlementaire aura, bien sûr, toute sa place. Mais la parole donnée doit être respectée. C’est ainsi que nous réhabiliterons l’action politique, mes chers collègues !

Dans ce projet, vous trouverez quelques-uns de ces préalables de justice qui doivent inaugurer ce mandat – celui du Président de la République, comme le nôtre, ici, à l’Assemblée nationale. L’idée de justice doit être notre boussole pour faire des choix, pour décider, pour partager les fruits des efforts et les efforts eux-mêmes.

En cela, l’abrogation de la hausse de la taxe sur la valeur ajoutée est un préalable de justice. Cette décision redonne du pouvoir d’achat à des millions de Français. C’est le premier acte de cette législature. C’est le premier vote de cette majorité.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Eh oui !

M. Christian Paul. Notre rapporteur général, Christian Eckert, l’a dit tout à l’heure avec force.

Pour ma part, j’étais dans cet hémicycle quand le premier acte, le premier vote de la législature précédente, en 2007, se nommait le bouclier fiscal, et ce fut votre péché originel.

Les principes qui guident ce soir nos propositions sont ceux-là mêmes qui fondaient notre opposition. Nous ne ferons pas, bien sûr, le choix de l’injustice fiscale et vous devrez vous habituer à cette idée. L’augmentation d’un impôt moins juste ne sera jamais préférée par nous à la recherche de nouvelles fiscalités, plus larges et plus progressives.

Pour autant, nous ne sommes pas acculés à une solution unique, qui serait la CSG. Le projet de loi de finances rectificative a commencé à démontrer qu’il y avait une réelle diversité de solutions. Marisol Touraine l’a confirmé cet après-midi sans ambiguïté, tout comme le ministre du budget.

M. Hervé Mariton. La diversité de l’impôt fait beaucoup d’impôts !

M. Christian Paul. Oui, le choix de la justice, mes chers collègues de l’UMP, est le fil conducteur.

La contribution sur la fortune, les droits de mutation pour les plus fortunés, les réductions de niches fiscales, la lutte contre les optimisations abusives : quelle bouffée d’oxygène pour tous ceux qui, dans la société française, n’en peuvent plus des injustices que vous avez installées !

La justice élémentaire prend également en compte, dans ce texte, un dispositif humanitaire, celui de l’aide médicale d’État, désormais accessible sans les obstacles que vous aviez voulu mettre au droit à la santé. Nous vous laissons avec vos consciences. Mais franchement, de quel cynisme et de quel aveuglement faites-vous preuve pour refuser avec désinvolture et mépris cette décision !

M. Gérald Darmanin. N’importe quoi !

M. Christian Paul. C’est vrai, mes chers collègues, nous avons des désaccords sur ce qu’exigent les réformes nécessaires. Mais le suffrage universel les a tranchés. Pour nous, les réformes nécessaires ne sont pas nécessairement des régressions. Les réformes structurelles ne sont pas l’autre nom des sacrifices que supporteraient, toujours plus, les seuls salariés et les plus modestes.

M. Hervé Mariton. Où sont ces réformes structurelles ?

M. Christian Paul. La réforme des prélèvements est indispensable pour consolider nos protections collectives. Cette réforme ne fera l’impasse sur aucune ressource, sur aucune source de revenu, sur aucune richesse. À revenu égal, prélèvement égal : c’est un bon point de départ. Mais vous savez, comme moi, que la France, aujourd’hui, en est très loin.

Il n’y a pas de chemin unique. Nous sommes donc dans le temps des choix. Et il y aura d’autant moins de chemin unique que la justice ne s’oppose pas à l’efficacité. Il n’y a pas de solutions particulières qui justifieraient qu’on lui sacrifie l’intérêt général et j’en viens aux heures supplémentaires. En période de croissance tiède, voire de récession, cette décision contestable était particulièrement antiéconomique. C’était un signal paradoxal et même un mauvais signal. Le bilan est incontestable : il est mauvais. Tous les rapports le disent, la plupart des économistes le confirment : la décision que vous aviez prise était, à l’échelle du pays, une machine à détruire les emplois.

Mais je crois que, derrière les quelques vertus de façade que vous lui aviez trouvées, la logique des heures supplémentaires révélait, telle que vous l’avez appliquée, une étrange philosophie de la société qui se résume à « travailler plus pour quelques-uns au détriment de l’emploi pour un très grand nombre ».

Quand le pays va mal, il faut se serrer les coudes et non pas semer l’illusion que des solutions individuelles peuvent faire l’impasse sur le combat principal. Or le combat principal, aujourd’hui, c’est la lutte contre le chômage.

Ce faisant, nous ne tournons pas le dos aux heures supplémentaires. Elles sont, dans certaines situations, des solutions de souplesse utiles. Mais les entreprises ne sont pas égales devant la demande économique. Elles continueront à faire appel à des heures supplémentaires, simplement, ces dernières doivent être mieux rémunérées, elles ne doivent plus être systématiquement subventionnées.

M. Hervé Mariton. Mieux rémunérées ! Vous avez vu ça où ?

M. Christian Paul. Nous y viendrons, monsieur Mariton ! Nous avons cinq ans pour faire évoluer tout cela !

Nous mettons donc fin à ce dispositif, conformément aux déclarations constantes et loyales du Président de la République durant ces derniers mois. Le dispositif pratique retenu par la commission des finances, y compris dans sa date d’application,…

M. Gérald Darmanin. Au 1er janvier ?

M. Christian Paul. …va dans le bon sens.

Vous ne trouverez pas de prise pour votre procès en rétroactivité qui ne tient pas, le rapporteur général l’a clairement confirmé tout à l’heure.

Nous savons l’urgence d’agir qu’exige la situation qui nous est laissée. Nous savons aussi qu’il faudra une réforme profonde des prélèvements publics. Le Gouvernement n’a pas tort de vouloir faire du dialogue social sa « marque de fabrique ». L’ampleur des défis et des choix nécessaires sont probablement à l’échelle de ceux qu’ont connus nos prédécesseurs de 1945. La conférence sociale et son calendrier sont un puissant levier pour mettre au monde ces réformes essentielles.

Ce soir, le projet de loi de finances rectificative propose certes des décisions en urgence, mais il doit aussi donner à voir les directions que la France doit prendre. Ces directions sont celles qu’indique aujourd’hui le Gouvernement, nous les soutenons, nous les soutiendrons avec la ferme volonté de faire réussir la France. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et sur plusieurs bancs du groupe GDR.)

M. le président. La parole est à M. Jean Lassalle.

M. Jean Lassalle. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, vous me pardonnerez si je dépasse mon temps de parole : il m’a fallu tant parler au cours des trois derniers mois pour me faire réélire que j’ai quelque peu perdu la notion de ce que sont cinq minutes ! Ce n’est pas méchant et le peuple vous le rendra ! (Sourires.)

Je constate depuis qu’il a débuté que le débat qui nous réunit ce soir a le mérite de permettre de confronter trois ou quatre idées qui s’opposent depuis le dernier quinquennat : le désir de restaurer les finances publiques, l’idée que les entreprises doivent participer à cet effort, la question de la TVA sociale et celle de l’augmentation de la CSG. Tous ces sujets sont un peu difficiles à cerner.

Le projet de loi de finances rectificative suscite un débat utile. Il concerne, pour l’essentiel, un retour sur les mesures de la loi TEPA – travail, emploi et pouvoir d’achat – de 2007, contre lesquelles la majorité d’aujourd’hui s’était élevée durant le quinquennat précédent.

Je souscris à la logique du retour à l’équilibre des finances publiques, mais on peut regretter que, dans les grands équilibres de ce texte, les efforts portent beaucoup sur les recettes et peu sur la réduction de la dépense publique.

Dans ce contexte et dans cette perspective, je m’interroge sur la cohérence de l’article 2. En effet, vous supprimez l’exonération de charges sociales et patronales sur les heures supplémentaires et complémentaires, mais vous la maintenez pour les très petites entreprises – les TPE. Votre raisonnement s’appuie sur l’inefficacité de cette mesure, et, paradoxalement sur son coût pour les finances publiques. Or dans l’article 2 du projet de loi qui nous est soumis, vous maintenez ce dispositif pour les entreprises de moins de vingt salariés – les TPE. Or, la flexibilité du travail est un actif au service des entreprises – qui doit être valorisé en tant que tel – et prélevé sur le capital travail de la société.

Je sais que le Gouvernement croit bien faire en exonérant les TPE de charges sociales et patronales. En réalité, il s’agit d’une erreur dans la compréhension de leur fonctionnement, de leurs besoins et de leurs attentes dans la conjoncture qui est la leur. Malgré la défiance exprimée à l’endroit de la nouvelle majorité gouvernementale ces derniers mois, les chefs d’entreprise sont des acteurs pragmatiques. Avec une perspective d’augmentation des chiffres d’affaires de 1,4 % au deuxième trimestre 2012, le besoin premier de la moitié des petites entreprises, c’est de faciliter les recrutements.

J’ai donc déposé à l’article 2 du projet un amendement d’appel qui vise à supprimer le dispositif d’exonération de charges sociales et patronales sur les heures supplémentaires et complémentaires. Je propose, en contrepartie, de permettre, pour chaque TPE, la création d’un emploi franc de toutes charges pendant deux années pour le recrutement d’une personne. Je souhaite que ce dispositif puisse être étudié, puis adopté dès le prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Les petites et les très petites entreprises doivent être, dans la crise que nous traversons, regardées comme une priorité nationale. Elles sont un levier essentiel de notre stratégie de croissance, particulièrement dans les territoires oubliés de la République. La mesure d’un emploi franc par TPE est un dispositif dynamique et puissant, attendu par ces chefs d’entreprise ; il sera à leur endroit un signe de confiance.

La restauration des finances publiques et la relance de la croissance sont impératives. Mais cet impératif ne passe pas forcément par une mesure unique. Celle que je propose serait perçue comme un signal très favorable à l’ensemble de nos territoires, en particulier ceux qui se sentent les plus éloignés, ainsi qu’à nos très petites entreprises. Comme les petits ruisseaux font les grandes rivières, monsieur le ministre, je suis persuadé que vous auriez beaucoup à en espérer.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz.

Mme Marie-Christine Dalloz. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame et monsieur les présidents de commission, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, j’ai écouté attentivement les interventions des trois ministres qui se sont succédé sur ce projet de loi de finances rectificative. De façon très scrupuleuse, j’ai noté onze fois le mot « justice » – c’est Mme Touraine qui l’a le plus utilisé. J’ai noté neuf fois le mot « juste » – surtout employé par M. Moscovici. Il a été également question d’« équité » et d’« efforts équitables ».

Pensez-vous, monsieur le ministre, que cela suffira pour que cette loi de finances rectificative soit marquée du sceau de la justice ? Eh bien non, car votre projet se caractérise par de multiples injustices.

D’abord, abroger la TVA emploi ou anti-délocalisations est une faute économique dans le contexte national et international qui est le nôtre. En effet, faire supporter une partie de notre protection sociale, soit par les entreprises qui délocalisent leur production à l’étranger et vendent au final leurs produits sur le marché français, soit par les entreprises étrangères, était une mesure de bon sens. Cette TVA anti-délocalisations allait inévitablement permettre à notre industrie d’améliorer sa compétitivité.

Pour l’emploi, cette abrogation est donc une mesure injuste. De plus, l’affectation d’une partie des 2,6 milliards d’euros de CSG à la Caisse nationale d’assurance vieillesse pose la question de l’égalité des citoyens devant l’impôt et les prestations sociales.

S’agissant de l’article 2, en juillet 2008, soit un an après l’adoption du texte en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, le rapporteur général du budget de l’époque, Gilles Carrez, aujourd’hui président de la commission des finances, écrivait dans son rapport d’information : « Mesure phare de la loi 2007-1223, l’exonération fiscale et sociale des heures supplémentaires a permis, conformément à l’objectif imparti, d’accroître fortement le revenu des salariés au titre des heures supplémentaires qu’ils réalisent ».

Quel est le constat du dispositif des heures supplémentaires ? Pour tous les salariés, une augmentation de 27,4 % du revenu issu d’une heure supplémentaire, du fait de la réduction des charges sociales salariales au taux de 21,5 %. Qui plus est, ce revenu complémentaire n’a eu aucune incidence fiscale pour les salariés bénéficiaires – plus de 9 millions de nos concitoyens.

Supprimer cette disposition est donc fortement injuste pour ces 9 millions de salariés du privé ou du public qui en bénéficiaient. De quels salariés parlons-nous ? Le plus souvent, ce sont des agents de catégorie C de la fonction publique ou bien des salariés du secteur privé avec des revenus modestes ou, au mieux, des revenus moyens. Ce sont bien ces personnes-là que vous allez appauvrir, monsieur le ministre. Leur pouvoir d’achat se trouvera amputé d’autant et je vous assure que ces citoyens voient dans votre projet une réelle injustice.

En conclusion, monsieur le ministre, même si vous le souhaitez empreint de justice et si vous répétez ce mot en boucle, ce n’est pas avec ce texte que vous convaincrez les Français. Je crains que vous ne soyez atteint de mimétisme et que, à l’image du Président de la République, vous ne nous donniez toutes les déclinaisons possibles de l’adjectif « juste ».

Mais ce projet de loi de finances rectificative est une injustice pour les citoyens de France et je vous invite à méditer cette phrase de Montesquieu : « une injustice faite à un seul est une menace faite à tous. » (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDI.).

M. Sébastien Denaja. C’est un peu excessif !

M. Christian Paul. Que ne l’avez-vous méditée plus tôt ! C’est un cri de remords !

M. le président. La parole est à M. Philippe Vigier.

M. Philippe Vigier. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, madame la présidente, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, s’il est un diagnostic que nous partageons sur tous les bancs de cette Assemblée, c’est celui de la perte de compétitivité de nos entreprises et de ses conséquences en chaîne, lourdes à gérer, que nous déplorons chaque jour : toujours plus de pertes de parts de marchés, toujours plus de fermetures d’entreprises, toujours plus de délocalisations et de chômage.

Le constat est implacable, regardons-le en face un instant. Entre 2000 et 2009, le coût du travail par unité produite a augmenté de 20 % en France et de 7 % seulement en Allemagne. Les exportations françaises, qui représentaient 55 % des exportations allemandes en 1990, n’en représentent plus aujourd’hui que 45 %. Selon l’INSEE et EUROSTAT, le taux de marge des entreprises françaises, qui était inférieur de 3 points à celui des entreprises allemandes au début des années 1990, lui est aujourd’hui inférieur de 12 points !

Cette situation entraîne un taux d’épargne de la valeur ajoutée de 13 % en France contre 18 % pour la zone euro, ce qui veut dire que le taux d’autofinancement des investissements est à 64 % en France contre 90 %, en moyenne, dans la zone euro. Tout cela, monsieur le ministre, vous le savez.

Et pourtant, ces cinq dernières années, la réforme de la taxe professionnelle, la création de nouveaux pôles de compétitivité, le renforcement d’Oséo et du Fonds stratégique d’investissement, le développement de l’économie verte et le crédit impôt recherche ont été autant de soutiens massifs apportés aux entreprises, néanmoins insuffisants pour renforcer leur compétitivité. Le coût du travail constitue, vous le savez, une des raisons majeures, avec la fiscalité qui pèse sur nos entreprises, de notre déficit de compétitivité.

A-t-on tout essayé ? Certainement pas ! Depuis 2007, plusieurs voix centristes s’étaient élevées pour instaurer une TVA sociale. Elles n’ont pas été entendues. En 2011, l’un des vôtres, Manuel Valls, appelait à la création d’une TVA sociale, expliquant même que cela permettrait de « sauvegarder notre système de protection sociale, servir au réarmement industriel du pays et créer 60 000 emplois par an ».

M. François Rochebloine. Très bien !

M. Philippe Vigier. Lorsque, en 2012, le gouvernement de François Fillon a enfin proposé cette mesure, nous l’avons soutenu, convaincus que 13,2 milliards d’euros d’allègements du coût du travail pour nos entreprises renforceraient leur compétitivité, donc leurs investissements et leurs parts de marché, ce qui permettrait à l’État de disposer de nouvelles rentrées fiscales.

Aujourd’hui, vous décidez d’annuler la TVA sociale qui présente pourtant des avantages indiscutables. Vous le faites par idéologie, car c’est pour vous un marqueur de la droite et du centre. Et pourtant, les produits importés seront, avec cette TVA sociale, plus chers, donc moins compétitifs que ceux fabriqués en France. Et pourtant, les 77 millions de touristes qui viennent, chaque année, dépenser chez nous 35,4 milliards d’euros paieront une partie de cette TVA, qui participera à améliorer nos comptes sociaux. Et pourtant, les produits fabriqués en France seront moins chers, donc plus compétitifs, par rapport à leurs concurrents étrangers.

Vous tournez le dos à tout cela. Et vous nous dites qu’1,6 point de TVA en plus, c’est autant d’inflation, donc une baisse du pouvoir d’achat. C’est absolument faux et vous le savez bien, parce que, monsieur le ministre, 60 % de la consommation des Français se fait à taux de TVA nul ou à taux réduit.

M. Christian Eckert, rapporteur général. À taux réduit ? Vous l’avez augmenté !

M. Philippe Vigier. Cela veut dire, et chacun partage cette analyse, qu’1,6 point de TVA en plus, c’est tout au plus, monsieur le rapporteur général, 0,6 point d’inflation, avec une répercussion à 100 %.

Enfin, dans le cadre d’un dialogue social ressourcé, la baisse des charges dans les entreprises permettrait une légère hausse des salaires dans ces mêmes entreprises, donc une hausse du pouvoir d’achat avec les accords compétitivité-emploi chers à Xavier Bertrand.

Alors que faire maintenant ? Attendre ? Certainement pas. Vous nous dites, par la voix du rapporteur général : « on réfléchit, il y a des pistes. ». Mais nous sommes menacés par une récession à très court terme et une stagnation durable se profile à moyen terme, comme celle qu’a connue le Japon.

Cette TVA sociale, les Allemands l’ont mise en place en 2004 avec un indéniable succès, ce qui leur a permis de renouer avec la croissance et de diminuer leur déficit. Le Président de la République lui-même déclarait le 1er février dernier que « s’il n’y a pas de croissance, nous n’atteindrons pas les objectifs de réduction des déficits publics. »

Mes chers collègues socialistes, laissons de côté quelques instants les idéologies et choisissons l’efficacité. La hausse de la CSG se profile, même si vous le niez encore, et cette hausse n’est pas la bonne solution. Cette CSG ne sera qu’un transfert de charges des entreprises vers les contribuables, pénalisant plus le pouvoir d’achat des ménages et des retraités. Nous prenons date aujourd’hui, monsieur le rapporteur général, et vous le rappellerons sans cesse.

En septembre 2011, Pierre-Alain Muet déclarait craindre une hausse de CSG qui entraînerait une baisse du pouvoir d’achat.

La désindustrialisation de notre pays va s’aggraver plus encore si nous n’agissons pas rapidement. Le drame d’Aulnay-sous-Bois sera suivi par de nombreux autres que nous déplorerons tous. On n’a pas le droit de dire, monsieur le rapporteur général, « on a tout essayé », comme François Mitterrand le disait pour le chômage.

Plus de soutien à l’innovation, à l’exportation ou à l’accès au crédit, cela ne suffira pas pour retrouver compétitivité et croissance. L’immobilisme d’aujourd’hui, c’est le déclin assuré de demain et la destruction d’emplois en rafales dans les prochaines semaines, parce que les entreprises vont mal. Le groupe de l’UDI s’opposera avec détermination à l’annulation de la TVA sociale qui nous engage sur la pente de la désindustrialisation et tourne durablement le dos à la croissance. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)

M. François Rochebloine. Ces cinq minutes m’ont paru bien courtes !

M. le président. La parole est à M. Marc Goua.

M. Marc Goua. Monsieur le Président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, en entendant M. Vigier, j’ai eu l’impression qu’il faisait le procès du précédent gouvernement…

M. François Rochebloine. Vous avez vraiment mal entendu !

M. Philippe Vigier. Je vais lui donner mon discours !

M. Marc Goua. Nous examinons ce soir le premier projet de loi de finances rectificative de la mandature. En effet, nous sommes contraints de prendre des mesures dans l’urgence pour que notre pays respecte ses engagements, notamment celui d’un déficit public plafonné à 4,5 % du PIB en 2012.

Ce collectif est marqué par le changement. En effet, c’est une loi rectificative qui allie efficacité et équité, ce qui n’était pas le cas depuis 2002, moins encore depuis 2007. Dans le cadre du débat d’orientation, notre rapporteur général a fait une analyse sérieuse et argumentée de la situation calamiteuse de nos finances publiques : déficit, endettement, commerce extérieur. Le ministre du budget a brillamment conforté cette analyse et réfuté tous les arguments de l’opposition.

Un seul point d’accord entre nous, mesdames et messieurs de l’opposition, notre appréciation de l’ampleur de la crise : elle est exceptionnelle, personne ne remet en cause ce constat. Nous ne l’oublions pas et ses effets prévisibles auraient dû vous conduire à prendre des mesures indispensables au redressement et à répartir la charge de façon équitable. Or il n’en a rien été !

La prise de conscience fut pour le moins tardive et notre déficit structurel n’a cessé de se dégrader entre 2006 et 2010. Cette conversion à la nécessité de redresser les comptes publics s’est simplement traduite par des prélèvements sur les classes moyennes à travers la taxe sur les contrats responsables, la hausse prévisionnelle de la TVA et, plus généralement, l’augmentation de la fiscalité indirecte qui pénalise la consommation. Le précédent président s’était engagé à faire baisser les prélèvements obligatoires de cinq points ; las, fin 2011, ils étaient nettement supérieurs à ce qu’ils étaient en 2007.

La fameuse RGPP appliquée de façon aveugle n’a pas dégagé les économies prévues et a seulement réussi à désorganiser les services publics. La politique menée depuis 2007 s’est caractérisée par le transfert des charges fiscales des grandes entreprises et des ménages aisés vers l’ensemble des salariés, au détriment des plus démunis. Ce mouvement, amorcé dès 2002 avec, par exemple, la niche Copé qui a coûté 2,9 milliards entre 2006 et 2009, a connu une accélération à partir de 2007 avec l’adoption de la loi TEPA, avec le bouclier fiscal renforcé, avec la réforme des droits de mutation et avec, en 2011, en pleine tourmente, la baisse de l’ISF. Et j’en passe, la liste est tellement longue !

Ce transfert de charge représente une somme de l’ordre de 25 milliards d’euros pour la période 2002-2011. Et je n’oublie pas les innombrables niches fiscales créées ou confortées qui représentent depuis quelques années environ 70 milliards par an. La réforme de la taxe professionnelle, mal ficelée, ainsi que l’instauration en hâte d’un taux de TVA réduit dans la restauration sont des illustrations d’une gestion inconséquente.

Les Français vous ont sanctionnés pour votre politique injuste et inefficace. Ils nous ont fait confiance et nous sommes engagés dans le redressement de la France, et donc des comptes publics, dans la justice. Nous demanderons des efforts à chacun sans cacher la réalité. La situation est très préoccupante, mais chacun contribuera au redressement en fonction de ses moyens. C’est le sens de la justice fiscale, notion qui a cruellement manqué aux précédents responsables.

M. Christian Eckert, rapporteur général. C’est vrai !

M. Marc Goua. Le projet de loi de finances rectificatives qui nous est proposé vise à préserver l’exercice budgétaire 2012 et jette les bases de ce redressement dans la justice.

Un effort particulier sera demandé en 2012 aux entreprises : contribution exceptionnelle sur la détention de produits pétroliers, instauration d’un versement anticipé exceptionnel de contribution sur l’IS. Le texte met également en œuvre une première étape en matière de régulation financière par le doublement du taux de la taxe sur les transactions financières, ainsi que par une majoration de la taxe sur les risques systémiques due par certains établissements de crédit.

Les ménages aisés, qui ont été les principaux bénéficiaires de la politique de l’ancienne majorité, seront également sollicités par la voie d’une contribution exceptionnelle additionnelle à l’ISF 2012, par la modification du régime des droits de mutations à titre gratuit mais aussi par l’assujettissement aux prélèvements sociaux sur le capital des revenus immobiliers de source française perçus par les non-résidents.

Enfin, nous engageons l’harmonisation des régimes fiscaux et sociaux. La suppression des allègements de cotisations sociales liés aux heures supplémentaires pour les entreprises de plus de 20 salariés, l’augmentation du taux du forfait social et la hausse du prélèvement social sur les stock-options ainsi que sur les attributions gratuites d’action sont des mesures qui vont dans le bon sens.

Cette loi de finances rectificatives entame ce processus long et difficile, mais absolument nécessaire, pour le retour, dans la justice, à l’indispensable équilibre budgétaire. Le PLF 2013 sera l’occasion de confirmer ces choix budgétaires sérieux et de corriger les erreurs du passé, au profit du redressement des comptes publics à travers la croissance et, bien évidemment, au bénéfice de l’ensemble des Français (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC).

M. le président. La parole est à M. Xavier Bertrand.

M. Christian Paul. L’un des principaux responsables de la précédente gestion !

M. Xavier Bertrand. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, madame et monsieur les rapporteurs, chers collègues, il nous a été dit, à cette tribune, par le Premier ministre, que serait conduit le redressement dans la justice. Or, il ne saurait y avoir de redressement quand on s’en prend à la compétitivité des entreprises. La remise en cause de la TVA anti-délocalisation est un mauvais coup porté à la compétitivité des entreprises.

Il nous a été dit que ce redressement se ferait dans la justice. Il n’y a pas de justice dès lors que les classes moyennes, les ouvriers, les salariés et les fonctionnaires qui font des heures supplémentaires vont voir leur pouvoir d’achat amputé de plusieurs centaines d’euros par an, au minimum.

M. Sébastien Denaja. Mensonge !

M. Xavier Bertrand. Il ne saurait y avoir de justice quand est remis en cause également le droit de timbre pour l’accès aux soins des étrangers en situation irrégulière, alors même que les Français et les étrangers en situation régulière, eux, paient un forfait : c’est la marque de l’injustice.

Il ne saurait y avoir de justice non plus quand il a été décidé d’augmenter le forfait social sur l’intéressement et la participation qui va pénaliser encore une fois, non pas les millionnaires ou les milliardaires, mais nombre d’ouvriers et de salariés dans notre pays. Nous aurons l’occasion de revenir, au cours du débat, sur ces différents points.

Mais je voudrais insister sur la question des heures supplémentaires, en posant une question. Il nous a été dit, dans l’exposé des motifs de ce projet que les heures supplémentaires étaient mauvaises pour l’emploi. J’aimerais savoir précisément quelle étude d’impact est capable de nous dire combien d’emplois seront créés en remettant en cause la défiscalisation des heures supplémentaires (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI).

Mme Marie-Christine Dalloz. Ça, c’est la bonne question !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Mais il faut la poser à l’envers aussi !

M. Xavier Bertrand. Je suis certain qu’il ne saurait y avoir de réponse, pour une simple et bonne raison : sauf pour les éternels tenants du partage du travail, théorie qui n’a jamais tenu la route, il est évident que celles et ceux qui font des heures supplémentaires ne prennent ni ne volent le travail de personne.

À un exemple on pourrait opposer un contre-exemple, mais dans cette entreprise du Saint-Quentinois que je connais bien, où il y a vingt salariés, quinze agents en production et où la moyenne est de deux heures supplémentaires par semaine, cela voudrait dire qu’en les privant de leurs heures supplémentaires on va recruter une personne pour travailler trente heures par semaine tant que les carnets de commande sont gonflés. Mais, le jour où les carnets de commande ne seront plus gonflés, que se passera-t-il ? On la licenciera ?

Je tiens aussi à dire que le partage du travail ne tient pas la route ; il a été cruel pour les ouvriers et les salariés sous la forme des 35 heures. Leurs principales victimes ont été les ouvriers qui ont vu les salaires bloqués, par la faute de la gauche et de madame Aubry. Et vous recommencez quelques années après ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.).

M. Philippe Vigier. Il a raison !

M. Xavier Bertrand. Finalement, vous avez besoin d’argent. Les chefs de famille connaissent bien un grand principe : on ne dépense pas l’argent que l’on n’a pas. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Sébastien Denaja. 600 milliards de dette supplémentaire en cinq ans !

M. Christian Eckert, rapporteur général. Rendez-nous l’argent !

M. Xavier Bertrand. Si on le fait, on est obligé de le prendre dans la poche de celles et de ceux qui n’ont rien.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Comment avez-vous financé la loi TEPA ? C’est une honte !

M. Xavier Bertrand. Vous n’aviez pas l’argent nécessaire au financement de 60 000 emplois de fonctionnaire supplémentaires. Vous n’aviez pas l’argent pour revenir en partie sur la retraite à soixante ans – et vous vous êtes d’ailleurs contentés de faire de l’esbroufe. Cet argent, vous êtes finalement obligés de le prendre dans la poche des neuf millions de Français qui font des heures supplémentaires. Telle est la réalité du gouvernement socialiste, qui n’échappera à personne !

Je répète qu’il s’agit en quelque sorte d’administrer une punition aux salariés qui font des heures supplémentaires, comme s’ils en étaient fautifs alors qu’ils sont, au contraire, des défenseurs de la valeur travail que vous remettez en cause.

Vous le faites d’ailleurs avec de nombreuses incohérences. Je ne reviens pas sur la tragi-comédie de la rétroactivité.

M. Philippe Vigier. C’était minable !

M. Xavier Bertrand. Monsieur le rapporteur général, vous n’avez été qu’un bouc émissaire : vous avez agi sur commande, manipulé par le Gouvernement, et il a fallu que l’opposition se mobilise pour que vous reveniez sur cette mesure scandaleuse. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

M. Jean-François Lamour. Eh oui, vous avez reculé !

M. Xavier Bertrand. Nous avons pu faire gagner plusieurs mois aux salariés concernés mais le combat n’est pas terminé. Nous continuerons à nous mobiliser pour conserver la défiscalisation des heures supplémentaires.

Où est la cohérence quand l’application de la mesure, initialement prévue le 1er janvier, est fixée au 1er août ? Où est la cohérence quand les charges sociales sont maintenues pour les chefs d’entreprise alors qu’elles sont supprimées pour les salariés ? Notez bien que pour les salariés du privé cette suppression sera effective le 1er septembre alors que la mesure n’entrera en vigueur que le 1er janvier pour les agents publics ! Il y a toujours deux poids, deux mesures.

On trouve dans ce texte des incohérences et des imprécisions parce que sa vocation est purement idéologique. Vous n’êtes plus qualifiés pour parler de justice. Le paquet fiscal socialiste est marqué du sceau de l’injustice ; voilà pourquoi nous nous y opposons ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Germain.

M. Jean-Marc Germain. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, chers collègues, je souhaite en revenir à l’essentiel : le texte que nous examinons ce soir répare une faute et une injustice.

La faute a été commise contre les chômeurs. La faute, c’est d’avoir décidé de subventionner les heures supplémentaires.

M. Hervé Mariton. On vient de démontrer le contraire !

M. Jean-Marc Germain. J’ai cherché : cela n’existe nulle part ailleurs au monde. Aucun autre gouvernement, même de droite, n’avait osé, avant celui de M. Fillon, inventer une pareille absurdité – j’allais parler d’ânerie.

M. Gérald Darmanin. Et les trente-cinq heures !

M. Jean-Marc Germain. Le chômage frappe un actif sur dix, et vous, vous avez dit aux entreprises : « Si vos carnets de commandes se remplissent, n’embauchez pas et l’État vous donnera des subventions ! » Résultat : les études le montrent, 100 000 salariés sont allés au tapis à cause de votre loi. Aujourd’hui, nous sommes tous bouleversés par l’ampleur drame de PSA à Aulnay ; avec votre mesure, nous parlons de quinze fois plus de travailleurs mis au chômage. Cela donne une idée du gâchis que votre loi a provoqué. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. Jean-François Lamour. Et les trente-cinq heures !

M. Jean-Marc Germain. Cette mesure a-t-elle permis une augmentation du pouvoir d’achat ?

M. Gérald Darmanin. Oui !

M. Jean-Marc Germain. La réponse est non. Comme le ministre de l’économie et des finances l’a démontré, les salaires n’ont pas augmenté pendant cinq ans ; ils ont même baissé en 2011.

M. Hervé Mariton. Il n’a rien démontré !

M. Jean-François Lamour. Il n’est pas très objectif !

M. Jean-Marc Germain. Le nombre d’heures travaillées a-t-il augmenté en France ? La réponse est non : la France travaille moins en 2012 qu’en 2007 et même qu’en 2002, alors qu’entre 1997 et 2002 le nombre d’heures travaillées a augmenté de deux milliards. Vous le savez fort bien, monsieur Bertrand, vous qui avez été ministre du travail.

M. Jean-François Lamour. Il y avait 3 % de croissance !

M. Jean-Marc Germain. Pendant que vous subventionniez le chômage, l’Allemagne subventionnait l’emploi. Résultat, nous avons à nouveau un chômage à deux chiffres, alors qu’il a baissé en Allemagne.

M. Gérald Darmanin. En Allemagne, ils avaient Schröder ; nous, nous avions Aubry !

M. Jean-Marc Germain. Monsieur le ministre, parce que l’emploi est la priorité des priorités, je me réjouis que le premier texte proposé par votre gouvernement à la représentation nationale permette de réparer cette faute.

Il répare aussi une injustice car des cadeaux ont été distribués aux plus privilégiés. Le quinquennat précédent se résume finalement à un chèque et une facture.

Le chèque, ou plutôt les chèques, ce sont ceux qui ont été donnés aux grandes fortunes. Ce fut, dès 2007, le mal nommé bouclier fiscal, soit 300 000 euros en moyenne pour les mille plus grosses fortunes de notre pays. Ce fut la baisse des droits des plus grosses successions ; ce furent d’innombrables niches fiscales et sociales, loi de finances après loi de finances. Et le pompon, ce fut, en 2011, l’impôt sur la fortune divisé par trois pour les patrimoines de plus de 16 millions d’euros alors que le déficit et la dette filaient à vitesse grand V.

M. Hervé Mariton. N’est-ce pas un peu caricatural ?

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Pas plus que vos choix !

M. Jean-Marc Germain. Bercy, sous votre conduite, ce n’était plus le Trésor public dont la mission est de financer les grandes politiques de la nation, mais un Trésor privatisé au service des grandes fortunes. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. Christian Paul. M. Woerth a quitté l’hémicycle ?

M. Jean-Marc Germain. La facture était inévitable, elle est venue en toute fin de quinquennat avec la hausse de la TVA que nous voulons supprimer aujourd’hui. Vous utilisez toutes les subtilités de la langue française pour en parler : TVA sociale, TVA compétitivité, TVA anti-délocalisation… On s’y perd ! Mais derrière les mots, il n’y a qu’une seule réalité : vous vouliez que les classes moyennes et populaires paient les cadeaux que vous aviez faits à certains et bouchent les trous que vous aviez creusés vous-mêmes.

Nous ne voulons pas de votre hausse de la TVA…

M. Michel Zumkeller. Et la CSG ?

M. Jean-Marc Germain. …parce que c’est un impôt injuste qui pèse plus durement sur les plus modestes ; parce qu’en plombant le pouvoir d’achat, elle casserait définitivement une croissance déjà mal en point.

Nul besoin d’être Madame Soleil pour s’en convaincre puisqu’une telle politique a déjà été mise en œuvre dans notre pays par M. Alain Juppé, en 1995. On en connaît les résultats : le chômage avait progressé ainsi que les déficits, au point qu’il vous avait fallu dissoudre l’Assemblée nationale parce que vous ne parveniez pas à contenir ces déficits en dessous de 3 %.

Pour nous, la compétitivité se joue d’abord dans la politique industrielle et la Banque publique d’investissement verra le jour très prochainement. Elle se joue aussi dans une Europe qui investit – à ce titre, nous saluons l’obtention du paquet de croissance par le Président de la République – et qui protège ses emplois et ses savoir-faire avec ce grand chantier de ce que nous appelons le « juste échange ».

M. François Rochebloine. Et la CSG !

M. Jean-Marc Germain. Depuis quelques jours chers collègues de l’opposition, vous n’avez qu’un seul mot à la bouche : détricoter.

Mais nous n’avons rien à détricoter, parce que rien n’a été tricoté ces dernières années. Cela se saurait si vous aviez paré la France de la moindre protection pour la mettre à l’abri des mauvais vents de la mondialisation ! Nous n’avons rien à défaire, parce que rien n’a été fait pour le bien de la France, ou si peu.

M. Gérald Darmanin. C’est de plus en plus subtil !

M. Jean-Marc Germain. Mais nous avons beaucoup à réparer, parce que beaucoup a été abîmé.

Oui, monsieur le ministre, ce projet de loi de finances rectificative répare cette faute et ces injustices, et c’est pour cela que vous pourrez compter sur notre soutien pour le voter. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Jean-François Lamour.

M. Jean-François Lamour. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, quand je regarde ce collectif budgétaire, j’ai un peu l’impression de retourner à l’école. Malgré vos affirmations, monsieur Germain, ce texte détricote bien point par point les lois que nous avons votées. C’est du niveau de la cour de récréation…

Vous remettez en question tout ce qui a été fait pendant cinq ans sans vous poser les bonnes questions pour sortir le pays de la crise. Vous abrogez la TVA anti-délocalisation, vous réduisez l’abattement sur les successions, vous supprimez la défiscalisation des heures supplémentaires, mesure qui, je le rappelle, a bénéficié à neuf millions de salariés pour un gain moyen annuel de 450 euros.

Sur ce sujet, vous avez d’ailleurs dû manger votre chapeau. Le Premier ministre a d’abord envoyé le rapporteur spécial au charbon affronter la réaction des salariés.

M. Xavier Bertrand. En service commandé !

M. Jean-François Lamour. Vous en avez rajouté en proposant la date du 1er janvier, ce qui a permis au Premier ministre d’avoir le beau rôle et de trancher pour le 1er août.

M. Christian Paul. Vous avez vu un film !

M. Jean-François Lamour. Monsieur le rapporteur général, vous vous êtes fait avoir !

M. Christian Eckert, rapporteur général. Je n’ai pas de stigmates ; je n’ai pas l’air accablé !

M. Jean-François Lamour. Pour préserver l’emploi dans notre pays, nous avions augmenté d’1,6 % le taux normal de TVA, mesure qui n’aurait pas touché les produits de consommation courante. Allez maintenant expliquer aux Français que vous préférez augmenter la CSG, c’est-à-dire baisser les salaires, les pensions de retraite et les minima sociaux !

Nous nous opposerons à ce collectif parce que vos options budgétaires ne sont pas les bonnes. À peine arrivés, vous engagez un florilège de dépenses nouvelles. Mais dans quel but et pour quel résultat ? Quel sera l’effet de la hausse du SMIC sur le pouvoir d’achat et sur l’emploi ? Je vous le demande, à vous qui avez réussi l’exploit de mécontenter et les employeurs et les salariés.

Quel sera l’effet des 60 000 postes affectés à l’éducation ? Nous avions choisi d’avoir moins de fonctionnaires, mais mieux rémunérés. Avec vous, ils seront plus nombreux, mais moins bien rémunérés.

M. Alexis Bachelay. C’est faux !

M. Jean-François Lamour. Pensez-vous sérieusement résoudre le problème de l’apprentissage scolaire avec en moyenne un enseignant supplémentaire par établissement ? Et pour quel coût ? Il y a encore quelques jours, le Président de la République parlait de 2,5 milliards d’euros. Il semble croire qu’on recrute des fonctionnaires pour seulement cinq ans, qu’on leur interdit toute progression salariale, et que, au terme de leur carrière, on ne leur verse pas de pension ? La vérité, c’est qu’avec cette mesure, vous liez la France pour les quarante prochaines années.

Monsieur le ministre, votre texte n’est pas une loi de finances, c’est un tract politique. Or on ne redresse pas la France avec des slogans ; on la redresse avec du courage. Nous avions pris la décision courageuse de réduire la dépense publique. L’objectif de 2 % de déficit en 2014 et d’un retour à l’équilibre en 2016 était ambitieux, mais nous pouvions l’atteindre.

Vous auriez pu respecter cette trajectoire. Au lieu de cela, vous repoussez l’équilibre aux calendes grecques et vous ruinez l’effort des Français, ce fameux « effort » demandé par François Hollande, qui s’est encore payé de mots samedi dernier.

Il y a un an, vous faisiez échouer l’adoption de la règle d’or, au moment où nous en avions le plus besoin. Nous en avions besoin pour prévenir les comportements irresponsables de gouvernements comme le vôtre. Nous en avons toujours besoin, car il est encore temps de limiter la casse. Tandis que vous discutez du sexe des anges pour savoir s’il faut modifier la Constitution ou la loi organique, vos dépenses nous entraînent dans la spirale de l’endettement. Notre assemblée doit se prononcer pour l’adoption de règle d’or en affirmant solennellement son attachement à ce mécanisme. J’ai déposé une proposition de résolution en ce sens.

Dans sa crainte absurde de devoir faire ratifier le pacte budgétaire adopté par son prédécesseur grâce aux voix de l’opposition, le Président de la République vient de gagner un mois de répit en saisissant le Conseil constitutionnel. Belle preuve de courage politique !

Monsieur le ministre, vous pouvez multiplier les manœuvres dilatoires, vous n’échapperez pas à la règle d’or, pas plus que vous n’échapperez à la sanction des Français quand ils se rendront compte que vous les avez plumés, sans rien concrétiser de vos promesses. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Sébastien Denaja. C’est tout de même vous qui venez d’être sanctionnés !

M. le président. La parole est à Mme Christine Pires Beaune.

Mme Christine Pires Beaune. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, ce premier projet de loi de finances de la quatorzième législature a une valeur emblématique à bien des égards.

Il est primordial car il vise d’une part à garantir le respect par notre pays, de ses objectifs en matière de réduction du déficit. Il pose, d’autre part, les premiers jalons de la politique économique de « redressement dans la justice » voulue par le Président de la République.

La situation économique, dont nous héritons de la droite, est marquée par une croissance atone qui sera de 0,3 % en 2012, et par un taux de chômage malheureusement élevé, touchant 10 % de la population active, principalement les jeunes. Depuis 2002, la dette publique a augmenté de 800 milliards d’euros et le surendettement du pays atteint aujourd’hui le niveau record de 90 % du PIB, soit plus de cent milliards d’euros pour la seule année 2011.

Tel est le bilan, le passif devrais-je même dire, des dix années de gestion de l’ancienne majorité de droite. Il ne peut être imputé à la seule crise, comme se plaisent pourtant à le dire nos collègues de l’opposition, puisque nous observons que, pendant la même période, victime de la même crise et possédant la même monnaie, l’Allemagne fait beaucoup mieux et connaît une excellente santé économique.

Le premier objectif de ce projet de loi est donc de redresser les comptes publics et de combler, pour 2012, les insuffisances de recettes, chiffrées à 7,1 milliards d’euros et dues à une surestimation des recettes issues pour l’essentiel de l’impôt sur les sociétés et de la TVA.

Un effort va donc être demandé à ceux qui ont les moyens, afin de protéger les plus modestes de toute nouvelle hausse d’impôts. Ainsi, l’augmentation des prélèvements est ciblée sur les grandes entreprises et les ménages aisés. Une taxe de 3 % sur les dividendes distribués par les entreprises dont le chiffre d’affaires est supérieur à 250 millions d’euros sera instaurée. De même, les versements réalisés par les entreprises au titre de l’épargne salariale se verront appliquer un forfait social de 20 %, contre 8 % actuellement. Les mesures fiscales portant sur les ménages pèseront essentiellement sur les plus aisés, à l’instar de la contribution exceptionnelle sur la fortune au titre de 2012.

Grâce à l’ensemble de ces mesures, l’objectif de limitation du déficit public à 4,5 % de la richesse nationale en 2012 sera respecté. Ces mesures nouvelles permettront également de mettre en œuvre une première partie du programme présenté aux électeurs par le candidat François Hollande lors de la campagne présidentielle.

Par ailleurs, l’adoption de ce projet de loi entraînera une diminution de 30 % de l’indemnité perçue par le Président de la République ; nous honorerons ainsi un engagement emblématique de la dernière campagne électorale.

Le texte qui nous est soumis permettra également d’annuler la hausse de la TVA dite « sociale ». La mise en œuvre de cette mesure, qui avait été très courageusement programmée pour l’automne, après les élections nationales, aurait eu un coût de 12 milliards d’euros par an, supporté en grande partie par les classes populaires et moyennes, et aurait épargné, dans la pure tradition instaurée par l’ancien Président de la République, les foyers fiscaux les plus favorisés.

M. Jacques Lamblin. Quelle caricature !

Mme Christine Pires Beaune. Première priorité de la majorité, l’enseignement va bénéficier d’ouvertures de crédits à hauteur de 89,5 millions d’euros. Cette décision permettra la création de nombreux nouveaux postes dans l’éducation dès la rentrée de septembre. Elle constitue la première étape d’un plan qui nous permettra de créer 60 000 postes supplémentaires dans l’éducation durant cette législature. Enfin, une mesure complémentaire est prise en faveur des familles, avec la majoration de 25 % de l’allocation de rentrée scolaire promise par le Président de la République, majoration qui interviendra dès la rentrée 2012.

Nous le voyons bien, ce projet de loi de finances rectificative permet non seulement à la France de respecter sa parole vis-à-vis de ses partenaires européens…

Mme Marie-Christine Dalloz. Nous verrons !

Mme Christine Pires Beaune. …et de ne pas dépasser 4,5 % de déficit cette année, mais également d’honorer plusieurs engagements pris pendant la campagne électorale.

Monsieur le ministre, vous mettez en œuvre une politique de redressement des comptes, mission difficile et ambitieuse. Vous nous proposez également d’honorer plusieurs engagements de la campagne, travail que nous poursuivrons ensemble à l’automne prochain lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2013. Pour toutes ces raisons et parce que nous sommes convaincus que votre action, notre action, est essentielle, les membres du groupe Socialistes, républicains et citoyens se prononceront en faveur de ce projet. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Étienne Blanc.

M. Étienne Blanc. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de loi de finances, le premier qui nous est soumis par le nouveau gouvernement, m’inspire quatre observations.

Première observation : ce texte se traduira, ainsi que l’ont remarqué tous les observateurs, par une augmentation considérable des prélèvements fiscaux, d’un peu plus de 7 milliards d’euros. Je rappelle que la France est actuellement l’un des pays du monde qui a le plus fort taux de prélèvements obligatoires.

M. Marc Goua. Grâce à vous !

M. Étienne Blanc. Avec ce projet de loi de finances rectificative, non seulement nous nous maintenons dans le peloton de tête, mais nous pourrons bientôt prétendre au record du monde. Voilà au moins un domaine dans lequel le parti socialiste figurera parmi les premiers…

Deuxième observation : ce texte se traduit par une absence de diminution des dépenses. Encore que ce n’est pas tout à fait la réalité. Avec l’article 28, vous avez en effet réussi à laisser entendre avec beaucoup d’habileté que la diminution des dépenses était réelle. Mais vous réduisez le traitement du Premier ministre et celui du Président de la République pour un montant annuel de 150 000 euros, soit 0,00 euro par Français. Au demeurant, je suppose que, ce week-end, entre Brest et Avignon, ces 150 000 euros ont été largement consommés…

Mme Marie-Christine Dalloz. Et l’hôtel de la marine !

M. Étienne Blanc. Vous avez tenté de lancer un leurre. Mirabeau disait : « L’homme est comme le lapin, il s’attrape par les oreilles », mais, en l’espèce, je crois que votre leurre n’a pas fonctionné.

Ma troisième observation concerne les heures supplémentaires, dont on a déjà beaucoup parlé. Le gouvernement précédent avait voulu donner du pouvoir d’achat aux Français en prenant des mesures concrètes. J’ai lu avec beaucoup d’attention le tableau figurant à la page 89 du rapport, qui retrace la répartition par décile des gains des ménages liés aux heures supplémentaires. Il en ressort qu’un certain nombre de nos compatriotes ont gagné plus de 1 000 euros par an, le gain moyen étant de 500 euros annuels. Ce n’est pas neutre, dans un pays où le pouvoir d’achat est à la peine. La suppression de cette mesure n’est pas une erreur, c’est une faute très grave.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Vous caricaturez. Lisez l’ensemble du tableau !

M. Étienne Blanc. Enfin, ma quatrième observation porte sur la suppression de la TVA compétitivité. Il y a deux ans et demi, le Premier ministre, François Fillon, m’avait confié, ainsi qu’à Mme Keller, sénatrice, et à Mme Sanchez-Schmid, députée européenne, une mission sur les zones frontières,…

M. Christian Eckert, rapporteur général. Excellent rapport !

M. Étienne Blanc. …mission qui m’avait d’ailleurs valu, monsieur Eckert, de vous rencontrer à la frontière franco-luxembourgeoise. Qu’avons-nous pu constater ? Actuellement, chaque matin, 400 000 Français quittent le territoire national pour aller travailler dans un pays frontalier, alors que seulement 10 000 ressortissants d’un pays voisin viennent travailler chez nous. Les flux se sont inversés en moins de trente ans, pour une raison très simple.

Mme Marie-Christine Dalloz. Les 35 heures !

M. Étienne Blanc. C’est en effet aux frontières de la République que se traduit le mieux le décrochage de la compétitivité française. Or, ce décrochage est dû essentiellement au fait que, dans le secteur de l’horlogerie, par exemple, pour 100 euros nets versés à un salarié, un employeur français doit débourser 185 euros, un employeur luxembourgeois 135 euros et un employeur suisse 120 euros.

M. Jean-François Lamour. Et voilà !

M. Christian Eckert, rapporteur général. Il faut dire pourquoi !

M. Étienne Blanc. C’est notre compétitivité qui est en jeu et, si nous voulons la restaurer, il n’y a pas deux solutions : il faut mettre en œuvre la TVA anti-délocalisation. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP.) La suppression de la TVA sociale est, là encore, non pas une erreur, mais une faute majeure que vous supporterez durant les cinq années qui viennent, en dépit de tous les leurres que vous lancerez pour tenter de la masquer. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Olivier Faure.

M. Olivier Faure. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au cours des cinq dernières années, j’ai été secrétaire général du principal groupe d’opposition à l’Assemblée nationale. Pendant cinq ans, au bas de ces marches, j’ai donc eu le loisir et, surtout, le temps d’observer la politique conduite par la majorité précédente.

Il y a cinq ans, justement, la droite de cet hémicycle votait le fameux « paquet fiscal », qui est devenu son boulet électoral. Cinq ans plus tard, l’UMP ne masque pas son désir de charger symboliquement ce projet de loi de finances rectificative pour essayer d’en faire le « paquet fiscal » de la nouvelle majorité.

M. Jacques Lamblin. Votre boulet !

M. Christian Paul. C’est raté !

M. Jacques Lamblin. Nous verrons !

M. Olivier Faure. Depuis une semaine, nous entendons l’opposition se déployer sur toutes les antennes pour imposer une réévaluation positive de la loi du 21 août 2007, dite « loi TEPA ». La ficelle est aussi grosse que l’échec auquel le paquet fiscal de 2007 nous a conduits. Cette loi était présentée comme un outil en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat ; je n’aurai pas la cruauté d’insister sur l’augmentation du nombre de chômeurs depuis 2007.

M. Gérald Darmanin. N’oubliez pas la crise !

M. Olivier Faure. Pourquoi la gauche a-t-elle gagné la bataille de l’opinion en 2007 sur le paquet fiscal ? Tout simplement parce que nous avions, dès l’origine, détecté les vices de cette loi.

Mme Marie-Christine Dalloz. Comme nous détectons les vices de la vôtre !

M. Olivier Faure. Nous n’avons pas eu besoin d’inventer des cadeaux fiscaux aux plus riches à travers le bouclier fiscal, non plus que la non-imposition des grosses successions ou l’allégement de l’ISF. Nous nous sommes contentés de décrire avec une précision chirurgicale – pour faire plaisir à Jérôme Cahuzac (Sourires) – les effets que l’on pouvait attendre de ces mesures, là où la droite se replie aujourd’hui sur la défense un peu pavlovienne d’un bilan sanctionné par les Français.

Que nous reprochez-vous aujourd’hui ? Des balivernes !

D’abord, un matraquage fiscal qui viserait les classes moyennes. Le reproche est savoureux, venant de parlementaires qui ont accompagné une hausse continue des prélèvements qui a frappé précisément les classes moyennes, puisque les plus fortunés étaient protégés par un bouclier spécialement conçu à cet effet.

M. Gérald Darmanin. Ne vous inquiétez pas, il n’y aura bientôt plus de riches !

M. Olivier Faure. « Sauvons les riches ! »

Que vous reste-t-il pour tenter de donner du crédit à votre propos ? Votre imagination !

Vous n’avez cessé d’évoquer, en commission comme ici même, une hausse de la CSG dont on ne trouve trace ni dans ce collectif budgétaire ni dans les engagements pris par le Gouvernement pour la loi de finances 2013.

Mme Marie-Christine Dalloz. Lisez le compte rendu des réunions de la commission des finances !

M. Olivier Faure. Je le lis, et j’écoute le président de la commission des finances, qui a donné le sentiment qu’il souhaitait lui-même une hausse de la CSG.

Alors faute de grives, vous mangez des merles. Et vous voilà dénonçant la fin du « travailler plus pour gagner plus » avec la fin des allégements sociaux et de la défiscalisation des heures supplémentaires. Qu’en est-il ?

Nous sommes tous, dans cet hémicycle, attachés au travail parlementaire, donc au contrôle et à l’évaluation de la loi. À ce propos, je voudrais vous rappeler l’excellent rapport que Jean-Pierre Gorges, député UMP, a cosigné en 2011 avec notre ex-collègue Jean Mallot, dont nous regrettons la pertinence et l’impertinence. Que disait ce rapport ? Que le nombre d’heures supplémentaires est demeuré globalement stable, qu’il n’y a pas eu d’heures supplémentaires supplémentaires, que le dispositif n’a bénéficié ni aux non-salariés ni aux salariés n’effectuant pas d’heures supplémentaires, qu’il a peu bénéficié aux salariés à temps partiel et que seuls les foyers imposables ont pu, par définition, bénéficier de la défiscalisation.

Le gain a été évalué en moyenne à 42 euros par mois et par salarié pour ceux qui avaient la possibilité d’effectuer des heures supplémentaires. Mais ce que chacun sait aussi, ici, c’est que ces 42 euros versés ont surtout contribué à bloquer les salaires, car la perversité de ce système tenait à un principe simple : les heures supplémentaires coûtaient moins cher que les heures normales. Au total, cette mesure a coûté plus de 4,5 milliards d’euros par an, financés par un surcroît de dette dont la conséquence est d’alourdir à terme les prélèvements obligatoires.

Ce constat sévère n’est pas le mien, je le répète, mais celui de la commission d’évaluation et de contrôle, qui relève avec un certain goût pour l’euphémisme un « effet ambigu sur l’emploi ». Permettez-moi de vous lire un extrait de son rapport : « Le dispositif aurait des effets variables suivant le cycle économique. En phase haute de cycle, il faciliterait la réalisation d’heures de travail, mais en réduisant encore davantage l’appétence des employeurs pour des embauches supplémentaires. En cas de récession, il pourrait conduire à une réduction plus forte du nombre d’emplois par un recours accru ou maintenu aux heures supplémentaires subventionnées. » On ne saurait mieux dire !

Je vous renvoie encore aux propos de monsieur Gorges lors de la réunion du comité du 30 juin 2011 : « À aucun moment, il n’est proposé de supprimer les heures supplémentaires elles-mêmes, outil efficace pour l’économie et qui doit être amélioré. Le rapport s’interroge simplement sur la pertinence, en l’absence de croissance économique, d’un dispositif qui n’a fait que bonifier un stock d’heures supplémentaires déjà existant. »

Qu’ajouter à cela ? (« Rien ! » sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean-François Lamour. Ne changez rien, c’est parfait !

M. Olivier Faure. Il n’y a effectivement rien à rajouter à un rapport qui se suffit à lui-même.

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Olivier Faure. Au fond, chers collègues de l’opposition, vous devriez réfléchir à deux fois avant de voter contre cette loi de finances rectificative qui aura pour effet d’effacer votre péché originel. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Vous avez déjà abrogé le dispositif d’exonération des intérêts d’emprunts pour l’achat d’une résidence principale. Quant au bouclier fiscal, vous y avez renoncé pour 2013. Aujourd’hui, nous vous permettons simplement d’aller au bout de votre démarche en revenant sur l’exonération de droits pour les grosses successions et sur l’allégement de l’ISF. Nous vous donnons également la possibilité d’en finir avec cette faute contre l’emploi que constituait l’incitation à privilégier les heures supplémentaires au détriment de l’embauche de nouveaux salariés.

Nous vous évitons, surtout, d’avoir à porter la responsabilité de 12 nouveaux milliards de prélèvements sur les classes moyennes à travers une nouvelle hausse de la TVA que le précédent gouvernement avait courageusement renvoyée au lendemain des élections présidentielles.

M. le président. Merci de conclure, monsieur Faure.

M. Olivier Faure. Mes chers collègues, cette loi n’est pas le paquet fiscal de la gauche, mais simplement la correction des erreurs du paquet fiscal de la droite en 2007. Elle signe une volonté, celle du redressement dans la justice. En tant que nouveau parlementaire, je suis très fier de participer à cette œuvre législative en votant la loi de finances rectificative qui nous est soumise. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Gérald Darmanin. Que ne faut-il pas entendre !

M. le président. La parole est à M. Jacques Lamblin.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Ça va être beaucoup moins bien, à mon avis !

M. Jacques Lamblin. Monsieur le président, monsieur le ministre, j’ai promis à mes électeurs d’être un opposant constructif. Je ne voudrais pas trahir ma parole, surtout pas dès la première occasion qui m’est offerte de m’exprimer.

Je me propose simplement, monsieur le ministre, de vous aider à bien évaluer, dans le contexte où nous débattons, le pour et le contre de la suppression de la hausse de TVA anti-délocalisation de 1,6 point, décidée en mars dernier. Cette hausse, complétée par la hausse de deux points du prélèvement social sur les revenus du capital, avait pour objet de supprimer les cotisations sociales familiales patronales, donc de diminuer le coût du travail en France.

Nul ne conteste l’impérieuse nécessité d’améliorer la compétitivité de nos entreprises – ni vous, ni nous. Vous devrez donc le faire, et le faire vite. La TVA ne semble pas vous convenir, en dépit de ses vertus soulignées par Gilles Carrez et de nombreux autres orateurs, mais il existe une autre piste. Un murmure enfle et devient rumeur : votre outil sera la CSG. Mais que vaut-il mieux : la CSG ou la TVA ? Telle est la question. Comme tout ministre, vous êtes placé entre les experts – assis derrière vous – et les gens de terrain – qui se succèdent devant vous – et vous devez trancher.

Je suis désolé d’attaquer votre seul argument, mais à mon avis, pour les revenus modestes, il vaut mieux la TVA. (« Bien sûr ! » sur les bancs du groupe UMP.) La macro-économie, c’est bien, mais la micro-économie, ce n’est pas mal non plus – en tout cas, c’est concret ! Un foyer dont le seul revenu est constitué d’un SMIC, soit à peine 1 120 € nets par mois, ne subira l’augmentation de TVA que sur une partie de son revenu. Je rappelle en effet que ses postes de dépenses principaux sont le loyer, non soumis à TVA, et l’alimentation, non concernée, pour l’essentiel, par l’augmentation.

M. Gérald Darmanin. Tout à fait !

M. Jean-François Lamour. Et voilà !

M. Jacques Lamblin. Alors qu’une augmentation de CSG coûterait chaque mois à ce foyer, selon le taux retenu – 1 % à 2 %, on ne sait pas encore –, 11 à 22 euros, une augmentation de TVA lui coûterait au maximum 6 à 8 euros.

M. Jean-François Lamour. Bravo ! Très belle démonstration !

M. Jacques Lamblin. Il faut vous rendre à l’évidence : la CSG pénalisera dans leur quotidien deux fois plus les petits retraités et les salariés très modestes que la TVA anti-délocalisation ne l’aurait fait.

M. Jean-François Lamour. Très bien !

M. Jacques Lamblin. Vous devez aller au bout de votre démarche, monsieur le ministre, et reprendre vos calculs si, comme vous l’affirmez, vous souhaitez réellement protéger les ménages les plus modestes, et ne pas leur soutirer ce dont ils ont besoin. Cela pourrait se faire sous la forme d’un travail collectif, comme le suggérait tout à l’heure Gilles Carrez.

J’ai également promis à mes électeurs de ne jamais pratiquer d’attaque ad hominem en direction du Président de la République. J’ai, en effet, trop souffert des abus de vos collègues et de vous-même pendant cinq ans pour avoir envie de les imiter. Je vous demande donc de transmettre au Président de la République les félicitations d’un député discret.

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Très bien !

M. Jacques Lamblin. Grâce soit rendue à François Hollande pour avoir inventé un nouveau concept, qui va être entériné à l’article 28 : la « non-dépense à caractère électoral » – je veux parler de la diminution du salaire du Président de la République.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. C’est toujours mieux que ce qui a été fait en 2007 !

M. Jacques Lamblin. Cette mesure, financièrement anodine, comme Étienne Blanc l’a souligné tout à l’heure, lui a sans doute rapporté gros sur le plan électoral.

Profitez de l’occasion pour lui dire qu’en revanche, un peu de cohérence ne nuirait pas. En effet, le conseiller territorial, dont la création aurait permis de diminuer d’un tiers le nombre des élus régionaux et départementaux, ne semble guère avoir d’avenir. C’est dommage, car le retour à l’état antérieur coûtera à la Nation mille fois plus que ce que lui rapportera la générosité intéressée et médiatisée du Président de la République !

M. Sébastien Denaja. C’est complètement faux !

M. Jacques Lamblin. Mes chers collègues, je livre cette ultime considération à votre méditation. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Dominique Lefebvre.

M. Dominique Lefebvre. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, le projet de loi de finances rectificative qui nous est soumis est marqué du triple sceau de la vérité et de la responsabilité, de la justice et de l’efficacité. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean-François Lamour. Notre collègue est le Jonathan Edwards de l’Assemblée nationale !

M. Dominique Lefebvre. Les choix courageux qu’il propose et qui engagent l’avenir, je veux simplement vous dire, monsieur le ministre, que le groupe socialiste les soutient pleinement. C’est là l’acte premier du redressement dans la justice des comptes publics sur lequel s’est engagé le Président de la République, dans l’attente de l’acte deux, c’est-à-dire du projet de loi de finances pour 2013, qui engagera – je vous fais confiance pour le faire, monsieur le ministre – la nécessaire réorientation en profondeur des dépenses publiques, corollaire de leur maîtrise dans la durée, ainsi que la réforme fiscale qui, avec une croissance retrouvée grâce au pacte de croissance en Europe, seront les piliers du retour à l’équilibre des finances publiques en 2017 – une première depuis 35 ans !

J’entends certains de nos collègues de l’ancienne majorité nous inviter à poursuivre des politiques qui ont échoué et ont été sanctionnées par les Français – voire, pour certains d’entre eux, nous intimer de faire en deux mois ce qu’ils n’ont pas su faire en dix ans ! Je leur suggère de faire preuve, devant la situation où ils ont laissé nos finances publiques, de davantage d’humilité et de modestie, à défaut d’avoir su faire preuve, depuis dix ans, de lucidité et de responsabilité !

Cette situation des finances publiques, nous la connaissions dès avant l’élection présidentielle, il suffisait pour cela de lire avec attention – et non avec une trop grande sélectivité, comme vous le faites trop souvent, monsieur le président de la commission des finances – les rapports de la Cour des comptes, en particulier le Rapport public 2011 qui, dès janvier dernier, dénonçait les impasses en recettes et dépenses sciemment inscrites dans la loi de finances pour 2012.

Deux chiffres résument à eux seuls cette situation et les échecs successifs rencontrés depuis dix ans par l’ancienne majorité. Le premier est celui de la dette, qui a augmenté de 800 milliards d’euros depuis 2002 et de 22 points de PIB depuis 2007, pour s’approcher, à la fin de cette année, des 90 points de PIB, dangereux seuil d’emballement de la dette qui pourrait nous priver de toute marge de manœuvre budgétaire. Le second chiffre, qui explique l’essentiel du premier, est celui du déficit structurel – pour faciliter les comparaisons internationales, je ferai référence aux chiffres de la Commission européenne, selon laquelle le déficit de la France est passé de 3,6 points de PIB en 2002 à 4,1 points en 2011. Cela signifie qu’en dix ans, non seulement la majorité sortante n’a pas engagé le redressement des finances publiques…

M. Gérald Darmanin. Il y a dix ans, je n’étais pas là !

M. Christian Eckert, rapporteur général. Si ce n’est toi, c’est donc ton frère !

M. Dominique Lefebvre. …mais que les politiques qu’elle a conduites, à savoir des baisses d’impôt en faveur des plus privilégiés, financées exclusivement par la dette, un contournement systématique, notamment au moyen de dépenses fiscales, des normes d’évolution des dépenses publiques qu’elle s’était elle-même imposées,…

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. C’est vrai !

M. Dominique Lefebvre. …enfin, l’échec de la RGPP, ont désorganisé l’État sans aucune efficacité sur le plan budgétaire, et aggravé le déficit public.

M. Hervé Mariton. Je me demande si tout cela ne manque pas un peu de nuances et n’est pas quelque peu excessif…

M. Dominique Lefebvre. Dois-je rappeler, mes chers collègues qu’au cours de la même période, l’Allemagne, partie du même niveau de déficit structurel, a ramené celui-ci à moins de 0,8 % ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Avec ce projet de loi de finances rectificative, nous allons commencer à faire ce que vous n’avez jamais réussi à faire depuis 2002, mesdames et messieurs les députés de la majorité sortante, vous qui avez été incapables de tenir les engagements que vous aviez pris dans les onze lois de programmation des finances publiques que vous avez votées et dont aucune, je dis bien aucune, n’a été respectée depuis dix ans.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Eh oui, ils en ont été incapables !

M. Dominique Lefebvre. Nous faisons, nous, le choix de la vérité et de la responsabilité…

Mme Marie-Christine Dalloz. Tout un programme !

M. Dominique Lefebvre. …un choix qui constitue la marque de ce projet de loi de finances rectificative. Avec une croissance bien inférieure aux prévisions, ce sont sept milliards d’euros de recettes qui ne seront pas perçues, auxquels s’ajoutent deux à trois milliards d’euros de dépenses non financées – il fallait dire cette vérité aux Français et je vous remercie de l’avoir fait, monsieur le ministre.

M. Christian Eckert. Tout à fait, c’est la vérité !

M. Dominique Lefebvre. Il fallait également dire à nos concitoyens que les engagements de la France, un déficit de 4,5 points de PIB en 2012, de 3 points en 2013 et l’équilibre des finances publiques en 2017, devront être impérativement tenus. Il en va en effet de l’indépendance et de la crédibilité de la France comme il en va de la confiance des Françaises et des Français dans leurs institutions et dans leurs responsables politiques.

Nous faisons, nous, le choix de la justice dans la répartition des efforts pour le redressement, un choix qui constitue la deuxième marque de ce projet de loi. Les Français en sont conscients, le pays ne se redressera pas sans efforts. Ils savent aujourd’hui que les efforts seront justement répartis, que ceux qui ont beaucoup plus que les autres, ceux qui vivent non de leur travail, mais de la rente de leur capital, les grandes entreprises qui s’arrangent pour payer bien moins d’impôts, à force d’optimisation fiscale, que les petites et moyennes entreprises, tous ceux-là participeront désormais, à la juste mesure de leurs moyens, à l’effort collectif.

M. Hervé Mariton. C’est assez mal parti !

M. Dominique Lefebvre. Avec ce projet de loi, nous renouons avec l’idéal de solidarité nationale et cette idée évidente pour tous, sauf pour la droite de cet hémicycle, qui veut que chacun contribue à hauteur de ses moyens et que les efforts soient justement et équitablement répartis !

M. Hervé Mariton. Encore faut-il qu’ils le soient !

M. Dominique Lefebvre. Enfin, et c’est la troisième marque de ce projet de loi, nous faisons le choix de l’efficacité économique et sociale, à rebours des à-coups et des errements du quinquennat précédent.

M. Hervé Mariton. Fichtre !

M. Dominique Lefebvre. Par temps de crise, vous aviez choisi de pénaliser la consommation en augmentant la TVA ; en supprimant cette augmentation, nous faisons, nous, le choix de préserver la croissance en soutenant la consommation des ménages.

M. Gérald Darmanin. Vous augmentez la CSG !

M. Dominique Lefebvre. Par temps de chômage, vous avez voulu rétrécir encore davantage le marché de l’emploi, avec cette mesure très coûteuse et contreproductive de défiscalisation des heures supplémentaires ; nous faisons, nous, le choix de l’emploi pour tous, comme nous faisons le choix de mesures fiscales favorables à l’emploi et à l’investissement plutôt qu’à la rente et à la finance.

Responsabilité, justice, efficacité : tel est l’esprit de ce projet de loi, rien que cela mais tout cela, ce qui correspond à une rupture salutaire et nécessaire avec les errements antérieurs dans l’attente du véritable rendez-vous de l’avenir, cet automne, avec le projet de loi de finances pour 2013. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Kosciusko-Morizet.

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, chers collègues, votre loi de finances rectificative a un mérite : elle est à l’image de ce début de quinquennat, c’est-à-dire habillée dans des mots qui ressemblent déjà à des gimmicks. On a le « redressement productif » et, depuis samedi dernier, l’« effort juste ».

Bien qu’habillée dans ces oripeaux, voilà votre loi de finances rectificative, qui associe taxation des entreprises et allergie à la baisse des dépenses.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Vous êtes bien défaitiste !

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. On a d’abord eu les cadeaux, mais il faut dire qu’il y avait la campagne électorale : retour en arrière sur la réforme des retraites, augmentation de l’allocation de rentrée scolaire et création de postes de fonctionnaires. Au total, plus de 20 milliards d’euros, selon le chiffrage du président de la commission des finances, Gilles Carrez, encore présent au banc ce soir et dont chacun salue la compétence et l’impartialité.

M. Sébastien Denaja. Il y avait aussi vos ardoises !

M. Christian Paul. Nous avons payé vos factures !

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Mais voilà, un jour il faut payer les cadeaux. Nous y sommes – enfin, au début…

On commence donc, avec 7 milliards de hausses d’impôts, supportées à 53 % par les ménages et, contrairement aux esquives du Président de la République samedi, d’abord par les classes moyennes et par les plus modestes. Qui sont, en effet, mes chers collègues, ces 9 millions de salariés qui ont profité, à hauteur de 450 euros en moyenne, des heures supplémentaires défiscalisées ?

Selon une étude de la DARES, ils sont pour 39 % des ouvriers et pour 27 % des employés, et pour 14 % seulement, au final, des cadres.

M. Pascal Cherki. Mensonges !

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Pourquoi, alors, s’acharner, le groupe socialiste allant jusqu’à imaginer la rétroactivité de la taxation des heures supplémentaires ?

L’antisarkozysme a fait la campagne de François Hollande et l’on voit ici qu’il est aussi votre projet de gouvernement. Comment comprendre, sinon, cet acharnement à remettre en cause jusqu’à l’absurde une mesure qui était, disons-le, assez largement plébiscitée ? Sauf à imaginer qu’il s’agit d’une autre démarche, plus idéologique, celle qui voudrait que le travail aliène, celle qui s’inscrit à l’encontre de nos efforts pour rehausser la valeur travail.

M. Sébastien Denaja. Ce n’est pas du tout caricatural !

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Cela expliquerait aussi votre hausse de 12 points du forfait social, ce mauvais coup porté à ce grand projet gaulliste que sont l’intéressement et la participation. Quel peut être, sinon, le sens de cette mesure ?

Partager avec le salarié le fruit de la richesse produite par l’entreprise, est-ce mal ? Marier le capital avec le travail fait-il de celui-ci un social-traître, au point qu’il faille le taxer ?

Un mot, pour finir, sur la fiscalisation des charges familiales. Vous étiez contre collectivement ; finalement, vous êtes pour. Mais comme il faut bien marquer sa différence – l’antisarkozysme a ses exigences –, vous proposez de le faire, non pas sur la TVA, mais sur la CSG. C’est faire payer cher aux Français le prix de votre caprice.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Eh oui !

M. Jean-François Lamour. Voilà !

M. Olivier Faure. De quelle CSG parlez-vous ?

M. Gérald Darmanin. De celle qui va augmenter !

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. D’abord, parce que la TVA touchait les importations, ce qui n’est pas le cas de la CSG. Était-il si extravagant de vouloir diminuer aussi l’écart de prix entre un produit fabriqué en France et son équivalent dans un pays où la main-d’œuvre est moins chère ?

Ensuite, parce que, appliquée au seul taux normal de TVA, la TVA anti-délocalisations ne concernait ni les produits de première nécessité, ni les services culturels, ni l’énergie, ni les médicaments,…

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Ah si ! Comment osez-vous dire cela ?

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. …ni les loyers.

Enfin, la TVA anti-délocalisations n’avait pas d’impact automatique sur le pouvoir d’achat – cela a été dit tout à l’heure –, comme le montre l’expérience allemande. La concurrence en aurait absorbé une grande partie, en particulier en période de crise.

Elle présentait donc trois avantages par rapport à la CSG. Mais le triple sceau qu’évoquait tout à l’heure M. Lefebvre est plutôt un triple saut que vous faites en sautant allègrement les haies de ces bénéfices d’une TVA anti-délocalisations pour revenir à la CSG. Les arguments étaient probablement insuffisants face à votre impératif politique : tout à votre politique de l’essuie-glace, vous ne pouviez pas les entendre.

Un regret enfin : rien sur la transition écologique, rien sur la transition énergétique.

M. Sébastien Denaja. Il y a tant de larmes à essuyer !

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Je sais bien que les mesures de réduction des subventions nuisibles à l’environnement sont difficiles et je ne vous ferai jamais, en la matière, le grief de ne pas tout faire d’un coup. D’ailleurs, nous ne croyons pas, quant à nous, au grand soir. Mais de là à ne rien faire !

Je n’ai pas le souvenir d’un seul projet de loi de finances initiale ou rectificative de la précédente législature qui n’ait pas comporté de mesures en faveur de l’environnement – des mesures souvent majeures dans la suite de la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. C’est juste !

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Mais là, rien ! Nada ! Nitchevo ! Bref, mes chers collègues, le changement, c’est maintenant ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Pascal Cherki.

M. Pascal Cherki. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, le Gouvernement présente à la discussion de notre assemblée un projet de loi de finances rectificative qui poursuit un triple objectif.

Un objectif de sincérité, d’abord. Le précédent gouvernement, de droite, avait surestimé les prévisions de recettes de plus de 7 milliards d’euros, à quoi s’ajoute une prévision de croissance qui doit elle aussi être revue à la baisse pour être ramenée dans le meilleur des cas à 0,3 %. Le Gouvernement doit donc logiquement dégager de nouvelles recettes.

Ensuite, un objectif visant à construire une première étape de la réforme fiscale. Nous accroîtrons les prélèvements obligatoires d’un peu plus de 7 milliards d’euros dans le cadre de ce PLFR, avec une répartition équilibrée entre les ménages et les entreprises.

L’effort demandé aux ménages portera principalement sur les hauts revenus, dans le cadre de l’établissement d’une contribution exceptionnelle sur la fortune qui représentera plus des deux tiers de l’effort fiscal supplémentaire supporté par les ménages.

Un quart de l’effort proviendra de la remise en cause de l’exonération des heures supplémentaires. Au grand dam de nos collègues de droite – et c’est tant mieux –, oui, à gauche nous préférons les embauches aux heures supplémentaires, surtout en période de chômage de masse.

M. Olivier Faure. Bravo !

M. Pascal Cherki. L’effort demandé aux entreprises portera principalement sur le capital, les ponctions sur le capital représentant près de 70 % de cet effort.

La taxation sur les transactions financières sera doublée ; la mise à contribution du secteur bancaire s’élèvera à 500 millions d’euros. La contribution exceptionnelle exigée du secteur pétrolier, qui réalise des bénéfices faramineux profitant beaucoup plus aux actionnaires qu’à la collectivité, alors qu’il y a quelques années encore la principale société pétrolière française était publique, de même que la taxation accrue des stocks-options sont des mesures opportunes pour nos finances publiques et elles sont justes.

Enfin, la limitation des niches fiscales sur l’épargne salariale par l’augmentation du taux du forfait à la charge de l’employeur de 8 % à 20 % constitue une vraie mesure de justice sociale qui permettra de rétablir une plus grande égalité entre les salariés, car les avantages liés à l’épargne salariale demeurent fortement concentrés dans les grandes entreprises.

Nos collègues de droite se sont offusqués de cette mesure lors du débat en commission des finances. C’est leur droit, comme c’est le nôtre de mettre en œuvre nos orientations et de rappeler que nous préférons la hausse des salaires à l’épargne salariale.

Un troisième et dernier objectif est de mettre en œuvre dès le PLFR les premiers engagements de François Hollande. Afin de ne pas surcharger inutilement mon propos, je voudrais en citer symboliquement deux.

Le premier concerne la suppression du droit d’entrée de 30 euros pour pouvoir bénéficier de l’aide médicale d’État. L’instauration de ce droit d’entrée avait conduit à accroître les difficultés d’accès aux soins des populations les plus fragiles qui, en outre, maîtrisent peu les démarches administratives.

M. Jean-François Lamour. Mais non ! C’est faux !

M. Pascal Cherki. Elle présentait aussi un caractère discriminatoire, contraire à nos valeurs républicaines, et il n’est pas anodin que les deux députés du Front national aient déposé un amendement visant au contraire à en porter le montant à 100 euros et un autre tendant à la suppression pure et simple de l’aide médicale d’État.

Le second concerne le rétablissement du taux réduit de la TVA à 5,5 % dans le secteur du livre. Le passage à 7 % avait fragilisé la filière du livre et plus particulièrement les libraires. En tenant aussi rapidement cet engagement, le Gouvernement envoie un signe positif de son attachement à ce secteur indispensable de notre politique culturelle.

Enfin, je me réjouis qu’un amendement présenté par le groupe socialiste vise à rétablir dès ce PLFR le taux réduit à 5,5 % de la TVA pour le spectacle vivant.

Ce texte est un bon projet de loi de finances rectificative, dans un contexte – je l’ai dit en introduction – marqué par un tassement de la croissance.

Nous essayons de tenir les deux bouts de la chaîne en conduisant de front une politique de rétablissement de nos comptes publics et d’effort partagé, sans attenter au rôle indispensable de l’État à travers ses dépenses d’intervention et d’investissement.

Ce PLFR prépare le projet de loi de finances dont nous aurons à débattre à l’automne. Je souhaite que nous puissions continuer à tenir tous nos objectifs.

Cependant, dans un contexte de chute de la croissance, nous devrons être attentifs à ne pas mener une politique procyclique et à ne pas transformer nos moyens en fins.

Nos fins sont le retour de la croissance, la baisse du chômage et la réduction des inégalités. Nos moyens sont la relance de l’investissement, le soutien à la consommation populaire et la réduction des déficits. Prenons garde que l’un de ces moyens – la réduction rapide des déficits – ne vienne pas, s’il est poursuivi nonobstant des prévisions de croissance revues à la baisse, contredire nos objectifs finaux.

Vous l’avez compris, le débat concernera aussi la question de l’opportunité de la ratification du futur traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Michel Zumkeller.

M. Michel Zumkeller. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, monsieur le rapporteur général, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, ce projet de loi de finances rectificative s’inscrit dans une logique, que vous décrivez comme le rétablissement d’une justice visant à faire contribuer au redressement ceux qui peuvent le plus, tout en préservant les plus modestes, mais aussi comme une amorce de réorientation des prélèvements obligatoires vers le soutien à l’investissement et à l’emploi.

Dans ce cadre, parmi un ensemble de mesures, vous proposez d’abroger la TVA dite anti-délocalisations et de remettre en cause les dispositifs d’exonérations sociales des heures supplémentaires.

Ces deux mesures, pour ne parler que d’elles, me semblent aller totalement à l’encontre de votre objectif. En effet, les exonérations sur les heures supplémentaires ont permis à 9 millions de nos compatriotes de voir leurs revenus augmenter et surtout de compenser les effets néfastes des différentes politiques de réduction du temps de travail, qui, depuis quinze ans, n’ont fait qu’appauvrir les salariés et détruire la compétitivité de nos entreprises.

C’est le fruit d’une idéologie qui veut croire que le travail se partage. En fait, toutes les tentatives de partage de travail ont échoué. C’est l’augmentation de l’activité et le dynamisme des entreprises qui crée de la richesse et donc, potentiellement, des emplois nouveaux.

L’enjeu actuel est donc de faire en sorte que le développement nouveau profite effectivement à ceux qui travaillent dans l’entreprise. À ce titre, l’augmentation du forfait social est un mauvais geste. Les différentes formes d’épargne salariale seront découragées ; nos chefs d’entreprise cesseront d’associer les salariés aux résultats de leur entreprise.

Vous vous placez donc dans une logique purement comptable, alors que la situation de crise que nous traversons devrait être l’occasion de remettre à plat l’ensemble de nos politiques fiscales et sociales et les modalités de perception de l’impôt.

Notre système de cotisations sociales, axé sur les salaires et sur l’entreprise, était cohérent il y a cinquante ans, dans un monde très refermé sur lui-même. Le xxisiècle, axé sur la technologie, dans un monde très ouvert, où les transactions s’effectuent parfois en quelques microsecondes, doit nous amener à construire un nouveau modèle.

La TVA anti-délocalisations s’inscrit dans ce schéma.

Tout d’abord, elle ne concerne pas les produits de première nécessité.

Ensuite, la création de cette taxe n’entraîne pas une hausse mathématique. Ainsi, en Allemagne, la hausse de trois points de la TVA n’a entraîné qu’une augmentation de 0,6 % de l’inflation. Par exemple, une entreprise qui produit en France fait travailler 5 000 personnes et doit payer 5 000 cotisations, tandis qu’un importateur qui travaille lui aussi en France mais n’emploie que cent personnes ne paie, pour sa part, que cent cotisations. Il est donc impossible, dans un marché mondialisé, de refuser un mode de financement qui nous permette de soutenir nos entreprises et de favoriser notre développement.

De plus, en matière de commerce extérieur, la TVA anti-délocalisations favorise le développement de nos entreprises, dans la mesure où les exportations ne sont pas concernées par la TVA.

L’objectif de cette taxe est, non pas de nous aligner sur les pays à faibles coûts de production, mais de nous remettre à niveau par rapport à nos principaux partenaires européens. Il suffit d’ailleurs de regarder les effets de la hausse de la TVA sur les économies allemande et danoise pour constater son caractère très positif.

En ce qui concerne les transferts de charges, le Président de la République a déclaré le 9 juillet dernier, dans son discours d’ouverture de la conférence sociale : « Faire peser sur le seul travail le coût de la dépense sociale n’est pas un bon moyen de pérenniser le financement. »

Dans la mesure où vous refusez de maintenir la TVA sociale, cette déclaration sonne comme l’annonce d’une augmentation de la CSG, qui, rappelons-le, se traduira pas une diminution du pouvoir d’achat et s’appliquera sans aucune progressivité et sans taxer les productions étrangères.

Nous sommes donc bien loin de votre prétendue volonté de rétablir une justice. Il est très étonnant de constater que vous présentez la TVA anti-délocalisations comme une atteinte au pouvoir d’achat, alors qu’elle ne représente qu’un coût moyen de 30 euros par mois et par famille. Or, dans le même temps, vous supprimez des exonérations de charges sur les heures supplémentaires qui ont augmenté de plus de 400 euros le revenu des familles.

Fort de ce constat, qui, j’en suis sûr, ne vous fera pas changer d’avis, je pense qu’il serait utile que nous puissions, au-delà de nos postures politiques, mettre en place une fiscalité en phase avec le monde dans lequel nous vivons.

Il ne suffit pas de décréter la réindustrialisation ; il ne suffit pas de parler de la compétitivité de notre pays. Il faut se doter des outils nécessaires pour y arriver.

Le démantèlement des mesures que nous avons mises en place ne produira pas les effets escomptés. J’ai entendu certains de nos collègues prétendre que, en supprimant la TVA sociale, on redonnait 12 milliards à la croissance, ou en tout cas à la consommation dans notre pays. Certes, nous allons rendre 12 milliards, mais ce sera à la croissance de l’Allemagne et de la Chine si nous ne parvenons pas, dans le même temps, à favoriser de nouveau la compétitivité de notre pays. C’est l’enjeu qui doit tous nous guider. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Laurent Grandguillaume.

M. Laurent Grandguillaume. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, avec un déficit commercial qui bat tous les records, un chômage massif, une dette sociale et une dette publique abyssales, face à l’urgence que nous impose la plus grave crise depuis 1930, le projet de loi de finances rectificatives s’inscrit pleinement dans l’objectif de redressement économique, social et financier.

Avec vous, au pouvoir depuis 2002, nous avons connu les « dix sinistrées », leur lot d’injustice et leur passif. Place maintenant au changement !

D’abord sur le plan de la dette. Celle-ci a doublé en dix ans pour atteindre près de 1 800 milliards d’euros. Il nous appartient par nos décisions, avec courage, sincérité, vérité…

Mme Marie-Christine Dalloz. Que des mots !

M. Laurent Grandguillaume. …de colmater aujourd’hui les brèches financières laissées béantes par nos prédécesseurs, lesquels ont failli nous mener à un naufrage financier.

M. Hervé Mariton. Un peu excessif, non ?

Mme Marie-Christine Dalloz. Péché de jeunesse !

M. Laurent Grandguillaume. C’est par des efforts collectifs continus, soutenus et justes que nous respecterons les engagements financiers de la France, notamment celui de ramener le déficit public à 4,5 % du PIB en 2012, puis à 3 % en 2013.

Du fait de vos mauvaises prévisions budgétaires, c’est plus de 7 milliards d’euros qui manquent dans les caisses de l’État pour remplir nos objectifs ; 83 % de cette charge étant dus à des erreurs de prévisions et 17 % à la baisse de la croissance.

Aussi, face à ces erreurs manifestes, nous prenons nos responsabilités devant les Français et nous assumons les mesures de redressement dans la justice.

Changement sur le plan fiscal ensuite. Face à la panne sèche des finances publiques – causée notamment par les multiples cadeaux fiscaux indécents accordés aux plus fortunés –, vous avez asséché le pouvoir d’achat des classes moyennes et des classes populaires par la taxe sur les mutuelles, les franchises médicales, l’augmentation du forfait hospitalier, l’imposition sur les indemnités d’accident du travail.

Mme Marie-Christine Dalloz. Revenez donc là-dessus !

M. Laurent Grandguillaume. Vous vouliez même siphonner le pouvoir d’achat des classes moyennes et des classes populaires avec la TVA dite « sociale ».

Vous avez été durs avec les plus faibles d’entre nous et doux avec les plus grandes fortunes.

D’ailleurs, la TVA n’a jamais été sociale. Elle pèse d’abord sur les plus démunis car elle taxe leurs revenus au premier centime d’euro dépensé. Il faut rappeler que les 10 % les plus riches ne consacrent que 3 % de leurs revenus à la TVA, contre 8 % pour les 10 % les plus pauvres. La TVA est un impôt dégressif et injuste. Elle est même contraire aux principes affichés dans l’article 13 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789…

M. Hervé Mariton. C’est faux !

M. Laurent Grandguillaume. …qui appelle chaque citoyen, selon ses moyens, à participer à la solidarité nationale.

Eh bien, nous avons décidé d’annuler la hausse de la TVA et de mettre ainsi fin à une injustice évidente.

M. Hervé Mariton. Allez-vous supprimer la TVA ?

M. Laurent Grandguillaume. Nous avons choisi de rétablir la justice fiscale, notamment au travers d’une contribution exceptionnelle sur la fortune en 2012, la taxation sur les opérations financières, la contribution du secteur bancaire et du secteur pétrolier, les mesures anti-abus en matière de fiscalité des entreprises, la taxation accrue sur les stock-options, la limitation des niches sociales.

Plusieurs députés du groupe UMP. Et la CSG ?

Mme Catherine Lemorton. Cessez donc de comparer la TVA et la CSG, cela n’a rien à voir !

M. Laurent Grandguillaume. Concernant la question de la défiscalisation des heures supplémentaires, beaucoup de choses ont été dites, je n’y reviendrai pas.

Sur le sujet de l’emploi, vous êtes anachroniques. Vous êtes restés figés dans le passé, dans l’ère de la glaciation. Aussi, je vous invite à passer de l’inventaire à l’invention. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Comme le disait si bien Jean Jaurès, le courage c’est dire la vérité, c’est de lutter contre la loi du mensonge triomphant qui passe !

M. Hervé Mariton. Et la nuance ?

M. Laurent Grandguillaume. Vos recettes n’ont pas fonctionné, le chômage n’a cessé d’augmenter, tout comme les déficits publics. Nous n’avons pas de leçon d’économie à recevoir de ceux qui nous ont menés à l’échec social, économique et financier.

Changement, enfin, sur le pouvoir d’achat. Vous tentez depuis plusieurs jours de nous détourner du vrai débat par des artifices de communication.

Mme Marie-Christine Dalloz. Nous respectons le règlement de l’Assemblée nationale !

M. Laurent Grandguillaume. Mais je voudrais rappeler les premières mesures du changement : l’augmentation de 25 % de l’allocation de rentrée scolaire, la hausse du SMIC, les mesures d’âge sur la retraite, la baisse de la TVA, les mesures pour les contrats aidés, les mesures d’urgence pour la rentrée scolaire.

N’en déplaise aux plus sceptiques, ce sont des mesures concrètes qui participent à l’amélioration du quotidien des Français.

Nous continuerons d’agir avec courage, avec volonté…

M. Hervé Mariton. Et subtilité !

M. Laurent Grandguillaume. …et dans l’unité, pour redresser notre pays dans la justice. Ce que nous défendons, vous l’aurez bien compris, ce n’est pas la TVA sociale – la paupérisation des classes moyennes et populaires – mais la République sociale, celle qui assure la liberté aux femmes et aux hommes parce qu’elle leur garantit l’existence, c’est-à-dire un emploi, un logement et un savoir. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Très bien !

M. le président. La discussion générale est close.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

2

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :

Questions au Gouvernement ;

Suite de la discussion du projet de loi de finances rectificatives pour 2012.

La séance est levée.

(La séance est levée le mardi 17 juillet 2012 à une heure trente-cinq.)