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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session extraordinaire de 2011-2012

Compte rendu
intégral

Séance du mardi 31 juillet 2012

SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE

SOMMAIRE


Présidence de M. Claude Bartolone

1. Questions au Gouvernement

Application de la loi interdisant la dissimulation du visage

Mme Valérie Boyer

M. Manuel Valls, ministre de l’intérieur

Zone euro

Mme Seybah Dagoma

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé des affaires européennes

Délocalisation d’un centre d’appels du STIF

M. Yves Albarello

M. Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif

Accès aux soins hospitaliers

M. Joël Giraud

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé

Politique d’immigration

M. Guillaume Larrivé

M. Manuel Valls, ministre de l’intérieur

Sidérurgie

M. Gaby Charroux

M. Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif

Continuité numérique outre-mer

M. Daniel Gibbes

M. Victorin Lurel, ministre des outre-mer

Droits de plantation

M. Jean-Paul Dupré

M. Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt

Violences faites aux femmes

Mme Ségolène Neuville

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, porte-parole du Gouvernement

Criminels de la route

M. Étienne Blanc

M. Manuel Valls, ministre

Justice sociale

M. Pouria Amirshahi

M. Benoît Hamon, ministre délégué chargé de l’économie sociale et solidaire et de la consommation

Hausse du prix des carburants

M. Philippe Vigier

M. Pierre Moscovici, ministre de l’économie et des finances

Hausse des cours des matières premières agricoles

M. Dino Cinieri

M. Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt

Éducation

M. Alexis Bachelay

M. Vincent Peillon, ministre de l’éducation nationale

Gaz de schiste

M. Christophe Cavard

Mme Delphine Batho, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie

Suspension et reprise de la séance

Présidence de M. Christophe Sirugue

2. Suspension des travaux de l’Assemblée nationale

3. Projet de loi de finances rectificative pour 2012

Présentation

M. Christian Eckert, rapporteur de la commission mixte paritaire

M. Pierre Moscovici, ministre de l’économie et des finances

M. Gilles Carrez, président de la commission mixte paritaire

Rappel au règlement

M. Pierre-Alain Muet

Motion de rejet préalable

M. Philippe Vigier

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué chargé du budget, M. Pierre-Alain Muet, M. Charles de Courson, M. Hervé Mariton

Discussion générale

Mme Marie-Christine Dalloz

M. Charles de Courson

Mme Eva Sas

M. Roger-Gérard Schwartzenberg

M. Nicolas Sansu

M. Dominique Baert

M. Hervé Mariton

M. Éric Alauzet

M. Denys Robiliard

Mme Karine Berger

M. Benoît Hamon, ministre délégué chargé de l’économie sociale et solidaire et de la consommation

Texte de la commission mixte paritaire

Amendements nos 4, 2

Rappel au règlement

M. Hervé Mariton

Texte de la commission mixte paritaire (suite)

Amendements nos 3, 1

Explications de vote

M. Charles de Courson, M. Hervé Mariton, M. Bruno Le Roux

Vote sur l’ensemble

4. Harcèlement sexuel

Mme Pascale Crozon, rapporteure de la commission mixte paritaire

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, porte-parole du Gouvernement

Discussion générale

M. Guy Geoffroy

M. Sergio Coronado

M. Jacques Moignard

M. Marc Dolez

M. Gérard Sebaoun

M. Gilles Bourdouleix

Mme Marie-George Buffet

Mme Ségolène Neuville

M. Jean-Yves Le Bouillonnec

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux

Texte de la commission mixte paritaire

Amendement no 1

Vote sur l’ensemble

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux

5. Clôture de la session extraordinaire

Présidence de M. Claude Bartolone

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Questions au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Nous commençons par une question du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

Application de la loi
interdisant la dissimulation du visage

M. le président. La parole est à Mme Valérie Boyer.

Mme Valérie Boyer. Ma question s’adresse à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Dans la nuit de mardi à mercredi, à Marseille, les forces de l’ordre ont été violemment prises à partie par une cinquantaine de personnes, alors qu’elles souhaitaient effectuer le contrôle d’identité d’une jeune femme portant le voile intégral.

Agissant dans la plus stricte application de la loi interdisant la dissimulation du visage dans l’espace public, votée dans cet hémicycle même, les policiers ont voulu contrôler l’identité de la jeune femme, qui s’est débattue violemment. Ils ont été rapidement encerclés par une foule hostile, alertée par ses cris : insultes, coups, morsures, ils ont été l’objet d’une violence telle que l’on peut parler d’émeute.

Conduits au commissariat, la jeune femme et son mari seront pourtant relâchés quelques heures plus tard sans que la moindre poursuite ait été engagée à leur encontre (Murmures sur divers bancs), ni pour les violences commises envers les forces de l’ordre, ni pour le non-respect de la loi interdisant le port de la burqa, une double impunité pour la jeune femme, qui a déclaré ne pas reconnaître la loi française.

M. Guy Geoffroy. Et voilà !

Mme Valérie Boyer. La décision du parquet de ne pas engager de poursuites immédiates revient, en quelque sorte, à lui donner raison. Cela est totalement inacceptable dans un État de droit ! Est-ce là le signe que vous choisissez d’adresser aux femmes ? Est-ce là le signe que vous choisissez d’adresser en particulier à notre ville de Marseille, où l’insécurité est plus que jamais alarmante (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP), où les règlements de compte et les braquages se succèdent ? Laxisme et irresponsabilité seront-ils le leitmotiv des cinq années à venir ? (« Hou ! » sur de nombreux bancs du groupe SRC. – Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Nicolas Bays. Que fait Gaudin ?

Mme Valérie Boyer. Dans sa campagne électorale, François Hollande avait affirmé qu’il appliquerait strictement la loi.

Madame la ministre, comment justifiez-vous l’absence de poursuites immédiates ? Quelle sera la suite donnée à l’enquête ? Que répondez-vous aux policiers qui, très choqués, voient là un permis de s’attaquer aux forces de l’ordre ? Que répondez-vous aux Marseillais traumatisés par cette affaire ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.

M. Manuel Valls, ministre de l’intérieur. Madame la députée, je vous prie d’abord d’excuser l’absence de la garde des sceaux,…

M. Alain Marsaud. Elle est en vacances !

M. Manuel Valls, ministre. …retenue au Sénat.

Respecter l’état de droit, c’est respecter la séparation des pouvoirs et l’indépendance de la justice. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

Je veux, à l’occasion de cette affaire, saluer le travail délicat que les fonctionnaires de police accomplissent sur le terrain et leur apporter tout mon soutien. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Guy Teissier. Cela ne coûte pas cher !

M. Manuel Valls, ministre. Face à ces violences incontestables, le parquet a réagi et a décidé de procéder à de nouvelles auditions. Elles sont menées avec discernement, j’en suis convaincu.

Plusieurs députés du groupe UMP. Heureusement !

M. Manuel Valls, ministre. La position du Président de la République et du Gouvernement est claire : la loi interdisant la dissimulation du visage dans l’espace public sera maintenue et appliquée de la meilleure des façons.

Plusieurs députés du groupe UMP. Alors ?

M. Manuel Valls, ministre. Une loi de la République a été votée, elle doit être appliquée sur le terrain, avec discernement, avec la volonté de protéger les femmes et de faire vivre les valeurs de la République, notamment la laïcité.

Sur ce sujet comme sur d’autres, j’ai un seul conseil à vous donner. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Claude Goasguen. Nous n’avons pas de conseil à recevoir !

M. Manuel Valls, ministre. La stigmatisation de l’immigré, de l’étranger, du musulman à des fins politiques, pour diviser, opposer en permanence les Français les uns aux autres, les immigrés aux Français, est insupportable. (Applaudissements prolongés sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

M. Guy Teissier. C’est une honte, ces propos !

M. Manuel Valls, ministre. La position du Gouvernement est claire sur ce sujet : toute la loi, rien que la loi, sera appliquée. (Applaudissant de plus en plus vivement, Mmes et MM. Les députés des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP se lèvent.)

Zone euro

M. le président. La parole est à Mme Seybah Dagoma, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

Mme Seybah Dagoma. Ma question s’adresse à M. le ministre chargé des affaires européennes.

L’incohérence et la frénésie des marchés financiers semblent ne connaître aucune limite. Après avoir, dans un premier temps, exigé des réductions drastiques de dépenses publiques puis s’être, dans un second temps, inquiétés de leurs conséquences sur la croissance, les marchés financiers continuent, dans un jeu funeste, à spéculer aveuglément en sous-estimant la valeur des fondamentaux économiques des États membres de la zone euro.

M. Guy Geoffroy. Il faut leur envoyer Montebourg !

Mme Seybah Dagoma. Pourtant, l’Espagne ou Italie, pour ne citer que ces deux pays, se sont engagés à la fois dans des stratégies de consolidation budgétaire nationales, mais aussi dans la mise en œuvre d’un pacte européen de croissance et d’emploi mobilisant plus de 120 milliards d’euros. Ce pacte a été rendu possible par la volonté du Président de la République de mettre fin à la politique d’austérité généralisée prônée par la droite.

Ce pacte est un élément important du rééquilibrage auquel est parvenu le Conseil européen des 28 et 29 juin dernier. D’aucuns se sont empressés de le critiquer en affirmant qu’il était dérisoire, qu’il déséquilibrait les finances publiques ou encore qu’il était déjà dans les tuyaux.

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous dire ce qu’il en est et comment ce pacte va être mis en œuvre ?

M. François Cornut-Gentille. Allô !

Mme Seybah Dagoma. Plus généralement, l’agenda de la rentrée est encore lourd d’interrogations. Des incertitudes perdurent, notamment sur les besoins de financement de la Grèce ou de l’Espagne.

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous donner les grandes orientations de la politique que suivra la France dès la rentrée pour continuer à stabiliser l’Europe ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé des affaires européennes.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé des affaires européennes. Madame la députée, vous m’interrogez sur la situation de la zone euro et sur la crise qu’elle traverse ainsi que sur l’austérité qui mine les économies de l’Union européenne.

Le Président de la République, à l’occasion du sommet du 29 juin dernier, a fixé trois grandes orientations pour faire face à cette crise.

Premier élément que nous nous employons à mettre en œuvre dans l’urgence : des mesures concrètes en faveur de la croissance qui se traduisent par le plan de 120 milliards d’euros que vous avez évoqué. Ce plan permettra, grâce à la mobilisation des fonds structurels à hauteur de 55 milliards d’euros, à la recapitalisation de la Banque européenne d’investissement et à la mise en place d’une première génération de project bonds, de financer des projets d’investissement d’avenir qui contribueront à la croissance de demain.

Deuxième élément de cette stratégie : la stabilisation du système bancaire, par l’instauration de la supervision bancaire qui doit permettre, dans un second temps, la résolution des crises bancaires et la mise en place de la garantie des dépôts. Cela donnera à l’Union européenne un système bancaire intégré, sûr et stabilisé qui lui permettra d’éviter les crises bancaires qui ont obligé les États à financer sur leurs propres ressources la recapitalisation des banques, entretenant ainsi la montée des taux d’intérêt sur les marchés.

Enfin, troisième élément : la volonté du Président de la République de renforcer l’union économique et monétaire. La mise en place de la supervision bancaire permettra au Mécanisme européen de stabilité d’intervenir directement pour recapitaliser les banques afin de casser le lien entre la crise des dettes souveraines et la crise bancaire. Le Fonds européen de stabilité financière pourra également racheter de la dette souveraine sur le marché secondaire. Dans le cadre des travaux conduits par M. Van Rompuy d’ici à la fin de l’année, nous ferons des propositions afin de consolider l’unité économique et monétaire de l’Union européenne et faire vivre ce que le Président de la République a appelé l’intégration solidaire. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP.)

Délocalisation d’un centre d’appels du STIF

M. le président. La parole est à M. Yves Albarello, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Yves Albarello. Monsieur le ministre du redressement productif, mois après mois, les statistiques du chômage en France se ressemblent (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) et vont franchir probablement dans quelques mois le seuil des 10 % en France métropolitaine.

M. Jean-Pierre Barbier. Que fait Hollande ?

M. Yves Albarello. Pour résumer votre pensée, nous devons tout faire pour conserver nos emplois en France et lutter de toutes nos forces pour éviter les délocalisations. Alors pourquoi laissez-vous la première région de France, présidée par Jean-Paul Huchon, socialiste, délocaliser un centre d’appels téléphoniques au Maroc ?

Un député du groupe UMP. C’est scandaleux !

M. Yves Albarello. Des emplois sont en jeu puisque la perte de ce marché se traduira pour la Société Webhelp par une suppression nette de 80 emplois sur les plateformes de Saint-Avold en Moselle et de Fontenay-le-Comte en Vendée.

Monsieur le ministre, demandez à votre collègue Jean-Paul Huchon, président du Syndicat des transports d’Île-de-France (STIF) et président de la première région de France, de faire application de l’article 59 du code des marchés publics en vertu duquel, à tout moment, la procédure peut être déclarée sans suite pour des motifs d’intérêt général. Il en va, monsieur le ministre, de l’intérêt général !

M. Guy Geoffroy. Eh oui !

M. Yves Albarello. En appliquant cet article, le STIF peut encore revenir sur sa décision et relancer une procédure sur de nouvelles bases, purgée de tous ses vices.

Même si le Président de la République considère qu’il n’y a rien à faire, nous devons prendre des initiatives. C’est en ce sens que vous devez interpeller le président du STIF afin de faire triompher l’intérêt général. Le ferez-vous ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif.

M. Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif. Monsieur le député, je partage, comme vous tous ici, votre état d’esprit : la mobilisation de l’ensemble du pays, de ses responsables où qu’ils se trouvent, et de tous les citoyens en faveur de l’emploi ne doit souffrir aucune exception car le pays traverse une passe difficile.

Quant à l’appel d’offres que vous évoquez, géré par le syndicat des transports d’Île-de-France,…

M. Bruno Le Maire. C’est symbolique !

M. Marc Le Fur. Qui en est le président ?

M. Arnaud Montebourg, ministre. …deux centres d’appels, l’un situé en Vendée à Fontenay-le-Comte, l’autre en Moselle à Saint-Avold, sont en effet menacés en raison de cette lutte permanente pour la baisse des prix, ce que l’on appelle le low cost, qui recherche le toujours moins cher sans jamais tenir compte des dégâts sur l’emploi, les outils industriels, les savoir-faire, la localisation sur le territoire national et européen.

Notre choix est en effet d’appeler chacun des responsables publics,…

M. Christian Jacob. Il n’y en a qu’un : c’est Jean-Paul Huchon !

M. Arnaud Montebourg, ministre. …mais aussi les responsables de la commande publique ainsi que les grands groupes qui font appel à des sous-traitants privés, à faire en sorte de favoriser l’emploi national et l’industrie nationale. C’est un choix de patriotisme économique.

J’ai donc, comme le Président de la République lui-même, exprimé le désir que ce marché public soit revu conformément aux règles, notamment à celle que vous citez d’ailleurs. Le Président de la République s’est exprimé publiquement en ce sens et m’a demandé instamment d’appeler le président du STIF (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) pour que celui-ci révise ce marché. Je crois pouvoir vous dire que ce dernier, qui s’est exprimé de façon très claire, reprendra ce marché. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Je veux indiquer qu’il est de la responsabilité de chacun – les mots du Président de la République en appellent à cette responsabilité –, en particulier des décideurs publics, d’instaurer, dans la commande publique, des règles favorisant l’emploi sur le territoire national.

M. Christian Jacob. Quel recadrage !

M. Arnaud Montebourg, ministre. Si nous nous y attelons tous, nous avons des chances de réussir. Tel est le sens de nos interventions respectives. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Accès aux soins hospitaliers

M. le président. La parole est à M. Joël Giraud, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

M. Joël Giraud. Madame la ministre des affaires sociales et de la santé, pendant les cinq dernières années, assurer une offre de soins hospitaliers de qualité sur l’ensemble du territoire était loin d’être la priorité. Le précédent gouvernement a laissé se propager les déserts médicaux, avec un seul et unique objectif : réduire le poids de l’hôpital public de proximité – qui, paraît-il, coûtait trop cher –, au détriment de la qualité de l’offre de soins.

Cette politique de réduction de l’offre s’est traduite partout de la même manière, par la fermeture de services dans les petites structures, transformant inexorablement les petits hôpitaux en centres de long séjour. La santé de la population a été sacrifiée sur l’autel de la rigueur budgétaire. Aussi, les nouvelles orientations du président François Hollande, du Premier ministre Jean-Marc Ayrault et de vous-même, madame la ministre, qui avez annoncé vouloir réinscrire dans la loi la notion de service public hospitalier, sont porteuses d’espoir pour nos territoires, car la France est une mosaïque de territoires.

Il y a, dans ce pays, des territoires spécifiques, dont certains cumulent isolement, caractère frontalier, saisonnalité des activités. En décembre 2011, nous apprenions, stupéfaits, en séance de questions d’actualité, que le gouvernement Fillon avait décidé de fermer le service de réanimation de l’hôpital de Briançon, situé à quatre-vingt-dix kilomètres de route de montagne du plus proche centre hospitalier, et ce avant même toute concertation dans le cadre de l’élaboration du plan régional de santé, malgré l’isolement, malgré un accord transfrontalier avec l’agence de santé du Piémont, condamnant à mort environ quinze à vingt patients par an, tandis que quatre-vingts autres subiraient des dégâts irréversibles.

Mes questions seront simples. Êtes-vous prête à étudier, pour les zones isolées, un coefficient correcteur à la tarification, comme il en existe en banlieue parisienne, en Corse et en outre-mer, et à prendre en compte la forte saisonnalité de ces sites ?

Êtes-vous prête à mobiliser vos services pour que, au sein de la mission opérationnelle transfrontalière, la question des territoires de santé transfrontaliers devienne une priorité ?

Enfin, s’agissant du cas du centre hospitalier de Briançon, afin d’éviter le départ massif de médecins, êtes-vous prête à prononcer un moratoire sur la fermeture du service de réanimation, dans l’attente des résultats de l’enquête de l’IGAS que vous souhaitez diligenter ? (Applaudissements sur les bancs des groupes RRDP, SRC, écologiste et GDR.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé. Monsieur le député, nous connaissons tous votre attachement au centre hospitalier de Briançon. Vous avez bien raison,…

M. Alain Marsaud. Allô !

Mme Marisol Touraine, ministre. …car la position de cet établissement, éloigné des autres centres hospitaliers du département, en fait un élément incontournable de l’offre de soins dans la région. C’est pourquoi, afin que l’ensemble de la population puisse compter sur des soins de qualité et de proximité, il est nécessaire que cet hôpital revienne à l’équilibre financier et reprenne le chemin d’une activité lui permettant de répondre à l’ensemble des besoins.

Aussi, pour faire face à cette exigence de qualité, d’équilibre financier, de proximité, j’ai demandé à l’IGAS de faire des propositions d’ici à la fin de l’année. Dans l’attente, j’ai décidé un moratoire sur la fermeture du service de réanimation, afin que la population ne soit pas pénalisée.

J’entends, plus globalement, votre préoccupation en matière de tarification.

M. Gérald Darmanin. Ça va aller mieux !

Mme Marisol Touraine, ministre. La droite, au cours des cinq dernières années, a sacrifié le service public hospitalier. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.) Elle a sacrifié les soins de proximité. La santé des Français a été le dernier de ses soucis, et ce ne sont pas les promesses inconsidérées, semées à tous vents au cours de la période électorale, qui y changeront quoi que ce soit ! (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

Vous le savez bien, mesdames et messieurs les députés de l’opposition, puisque vous venez au ministère pour demander que les promesses qui vous ont été faites par le gouvernement précédent soient honorées.

M. Étienne Blanc. Ben voyons !

Mme Marisol Touraine, ministre. En vérité, si ces promesses ont été semées, pas un centime n’est au rendez-vous. Le Gouvernement, lui, s’engagera pour le service public hospitalier ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP. – Exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

Politique d’immigration

M. le président. La parole est à M. Guillaume Larrivé, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Guillaume Larrivé. Monsieur le ministre de l’intérieur, la France est une nation ouverte sur le monde. Mais comme tout pays au monde, elle a le droit de choisir qui elle accueille sur son territoire.

Plusieurs députés du groupe UMP. Très bien !

M. Guillaume Larrivé. C’est pourquoi nous devons continuer à mettre en œuvre une politique d’immigration humaine, mais ferme.

Oui, nous devons lutter avec détermination contre les filières qui exploitent la misère des clandestins. Oui, nous devons assumer de reconduire dans leurs pays les personnes qui sont venues en France illégalement. Oui, nous devons, avec lucidité, travailler avec nos partenaires européens pour mieux protéger, au Sud et à l’Est, les frontières de notre continent. Car pour réussir l’intégration, il faut d’abord réduire l’immigration.

Ce n’est, malheureusement, pas la politique que vous conduisez dans les faits. Vous avez décidé d’abandonner les objectifs de reconduite à la frontière jusqu’alors fixés à chacun des préfets. Vous avez décidé de préparer, par circulaire, une vaste opération de régularisation des clandestins. Et vous avez décidé d’augmenter le nombre des naturalisations, en supprimant les contrôles, pourtant légitimes et parfaitement respectueux des droits de l’homme, qui avaient été institués, sous l’autorité du président Sarkozy, par le gouvernement de François Fillon.

M. Patrick Lemasle. C’est un peu laborieux !

M. Guillaume Larrivé. Vous prenez ainsi le risque d’accorder la nationalité française à des personnes qui ne connaissent pas suffisamment notre langue ou, pire, qui ne respectent pas les valeurs de la République, comme la laïcité ou l’égalité entre les femmes et les hommes.

Monsieur le ministre, les choix d’immigration que vous faites aujourd’hui engagent l’avenir de notre pays. Nous souhaitons pouvoir en débattre, très calmement, sans polémique, devant les Français, en toute transparence. (Rires et exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.) C’est pourquoi nous vous demandons d’organiser un tel débat, dès septembre, à l’Assemblée nationale. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Henri Emmanuelli. Avec Buisson !

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.

M. Manuel Valls, ministre de l’intérieur. Monsieur le député, vous parlez de nationalité bradée ; mais la nationalité n’est pas un objet que l’on peut solder. Vous parlez de baisse des reconduites à la frontière ; mais vous ne faites que pointer les errements de la précédente majorité. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Vous parlez, de même, d’une politique menée sans débat, alors que c’est vous, la majorité précédente, qui avez agi selon cette méthode. Au contraire, l’action du Gouvernement, sous la conduite du Premier ministre, est simple, juste et transparente.

Je ne souhaite pas toucher aux fondements de la nationalité ; il n’y a donc nul besoin d’un grand débat sur la nationalité ou l’identité, tel que vous l’avez pratiqué sous la précédente législature ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.) L’importance de maîtriser la langue française, de partager nos valeurs et notre culture, d’avoir une stabilité en France, ce sont des critères auxquels je tiens tout particulièrement.

J’ai l’honneur d’avoir siégé dans cette assemblée, j’ai l’honneur de servir le gouvernement de mon pays, et pourtant je suis né à l’étranger, j’ai été naturalisé, j’ai appris à devenir Français. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.) Et je souhaite que tous ceux qui viennent en France, parce que la France a un grand message à faire passer, puissent suivre ce même chemin.

M. Franck Gilard. Vous cherchez des électeurs !

M. Manuel Valls, ministre. Mais avec des critères qui soient reconnus, stables,…

M. Claude Goasguen. Lesquels ?

M. Manuel Valls, ministre. …et non à travers une politique masquée, comme le précédent gouvernement et le ministre de l’intérieur Claude Guéant ont souhaité le faire, sans circulaire, uniquement par un message oral aux préfets. Ce n’est pas ça, la transparence ! Ce n’est pas ça, l’État de droit ! Et ce n’est pas non plus cela, une politique claire en matière d’immigration et de naturalisation ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

M. Henri Emmanuelli. Allez chercher Buisson ! Il est au chômage !

Sidérurgie

M. le président. La parole est à M. Gaby Charroux, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. Gaby Charroux. Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s’adresse à M. le ministre du redressement productif.

Plusieurs députés du groupe UMP. Ah !

M. Gaby Charroux. Monsieur le ministre, la situation de la sidérurgie en France et en Europe ne cesse de s’aggraver. C’est le résultat de choix industriels de renoncement qui délaissent les investissements productifs au profit de la rentabilité immédiate.

Arcelor-Mittal vient de demander une réduction des coûts fixes de 50 euros par tonne d’acier alors que les salaires ne représentent que 10 % du coût, et le risque de la fermeture d’un haut fourneau à Fos-sur-Mer est patent, ce qui entraînerait une sous-production, préjudiciable à terme, à la viabilité du site. Ascometal a annoncé le 24 juillet la suppression de 307 emplois, dont 166 sur le site du Cheylas, en Isère, et 54 à Fos-sur-Mer.

La sidérurgie, passée peu à peu sous la coupe de grands groupes financiers, souffre de manque de projets industriels ambitieux. Elle est aujourd’hui pénalisée par le manque d’investissement dans l’homme, dans la recherche et dans les processus de fabrication alors que, par exemple, à Ascometal-Fos, la mise en place d’une coulée continue permettrait de réduire les coûts, de gagner de nouveaux marchés et de pérenniser le site. À Arcelor, toujours à Fos-sur-Mer, 1 000 emplois ont été détruits en dix ans, dégradant ainsi les conditions de travail, mais également la qualité des produits. Dans ma seule circonscription, plus de 3 000 emplois directs sont menacés.

Monsieur le ministre, quelles dispositions pouvez-vous prendre pour que soit mise en œuvre une véritable politique industrielle orientée vers l’emploi et vers le développement qualitatif de la production ? Envisagez-vous à cet effet une entrée de l’État dans le capital de ces sociétés…

M. Alain Marty. Il envisage, mais c’est tout !

M. Gaby Charroux. …à la hauteur minimale de la minorité de blocage afin de peser sur les choix industriels et sociaux ? (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre du redressement productif.

M. Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif. Monsieur Charroux, alors que la gauche avait constitué, à l’époque du gouvernement de Lionel Jospin, les deux derniers grands groupes sous contrôle national et européen que sont EADS et AREVA, vous posez cette question après dix années (Exclamations sur de nombreux bancs du groupe UMP)

M. Guy Geoffroy. Vous êtes incorrigible !

M. Arnaud Montebourg, ministre. …pendant lesquelles les groupes Pechiney et Arcelor, dans l’acier et dans l’aluminium, ont été…

M. Patrick Lemasle. Bradés !

M. Jean-Paul Bacquet. Flingués !

M. Arnaud Montebourg, ministre. …remis entre des mains qui ne sont plus les nôtres et qui échappent à toute forme de contrôle. Nous sommes donc aujourd’hui dans une situation où des groupes financiers, d’ailleurs pour l’essentiel des groupes miniers, recherchent davantage de marges et de rentabilité en sortant des activités de transformation.

Vous citez le site de Fos-sur-Mer, mais il y a aussi ceux de Dunkerque et de Florange à propos duquel l’ancien Président de la République déclarait, le 1er mars 2012 : « Le deuxième haut fourneau repartira au deuxième semestre. » Nous savons aujourd’hui que cette affirmation est péremptoire (Protestations sur plusieurs bancs du groupe UMP),

M. Jean-Pierre Barbier. Comme les vôtres !

M. Arnaud Montebourg, ministre. car de haut fourneau qui repart, il n’en est point, et qu’au contraire, Arcelor-Mittal ferme, de même qu’il se désengage de Liège, considérant qu’il y a des surcapacités dans toute l’Europe.

Notre choix est fait après le rapport rendu par M. Faure, qui a montré que les sites sont viables, qu’ils ont un avenir, pour peu que l’aciériste Arcelor-Mittal décide d’y investir et de faire son travail de propriétaire d’usines : nous allons engager un dialogue au plus haut niveau pour infléchir les décisions qui sont prises aujourd’hui en défaveur de l’Europe. Si nous n’y parvenons pas, nous en reparlerons, monsieur le député. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs du groupe écologiste.)

M. André Chassaigne. Il faut aussi déposer des lois !

Continuité numérique outre-mer

M. le président. La parole est à M. Daniel Gibbes, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Daniel Gibbes. Madame la ministre déléguée en charge de l’économie numérique, en matière de téléphonie mobile, même s’il reste absurde d’avoir dû attendre une décision européenne pour voir enfin baisser les tarifs d’itinérance entre la métropole et l’outremer, permettez-moi, en préambule, de me féliciter de l’application immédiate, pour nos territoires ultramarins, de l’eurotarif.

Je tiens à saluer également la toute récente annonce de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, qui va soumettre en septembre prochain, en consultation publique, son projet d’encadrement tarifaire pour la téléphonie mobile. Celui-ci prévoit un plafond de tarif de terminaison d’appel vocal mobile d’un centime d’euro par minute au 1er janvier 2013 pour les principaux opérateurs ultramarins. Certes, ce projet de décision va lui aussi maintenant devoir passer son grand oral européen, mais en tant qu’élu ultramarin, je ne peux que me réjouir de cette nouvelle étape qui devrait favoriser des pratiques moins discriminatoires envers nos territoires d’outre-mer.

J’en reviens plus précisément à mon sujet sur l’itinérance parce qu’en la matière – en dépit du travail remarquable réalisé par l’ARCEP –, les ultramarins demeurent lésés. Se contenter de l’eurotarif, c’est en effet accepter de continuer à considérer les territoires d’outre-mer comme des territoires étrangers. Il faut donc aller beaucoup plus loin et obtenir enfin – cela fait consensus au moins chez les parlementaires ultramarins – des tarifs raisonnables afin d’améliorer la cohésion culturelle et sociale entre nos territoires ultramarins et la métropole. Il n’est plus acceptable que la communication entre Français, d’ici ou d’ailleurs, soit sanctionnée par des tarifs internationaux.

Madame la ministre, allez-vous aborder prochainement le sujet de la continuité numérique outre-mer, et si tel est le cas, pouvez-vous d’ores et déjà nous fournir les premiers éléments d’un calendrier ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des outre-mer.

M. Victorin Lurel, ministre des outre-mer. Monsieur Daniel Gibbes, oui, les outre-mer sont encore victimes de la fracture numérique, Mais vous savez que, pendant dix ans, pas grand-chose n’a été fait (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). S’il y a aujourd’hui un semblant de lutte contre la facture numérique, c’est parce que les régions de Guyane, de Martinique de Guadeloupe et de La Réunion y ont travaillé.

Dans la feuille de route qui est la nôtre, la lutte contre la vie chère, des discussions ont été engagées avec les opérateurs, mais aussi avec l’Europe, et vous savez que la décision qui a été prise n’est pas encore transposable en droit français. Il y a donc aujourd’hui un vide juridique. En conséquence, par accord amiable avec la Fédération française des télécoms, il a été décidé d’une diminution de 35 % du prix de l’itinérance téléphonique, de 42 centimes à 35 centimes la minute. Ce n’est pas suffisant, j’en conviens, mais c’est une démarche graduée pour que, d’ici à 2014, l’écart disparaisse.

Par ailleurs, vous l’avez évoqué, l’ARCEP vient de publier un appel d’offres visant à réduire de 150 % l’écart sur les terminaisons d’appel vocal, le ramenant à un centime d’euro. Il n’y aurait désormais plus que 0,2 centime d’écart entre l’hexagone et l’outre-mer.

J’ajoute que l’opérateur historique vient de faire une proposition historique faisant passer le hors forfait – vous savez que c’est hors forfait quand on appelle les outre-mer – de 48 centimes à 3,33 centimes la minute.

Vous le voyez : nous travaillons. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

Droits de plantation

M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Dupré, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Jean-Paul Dupré. Monsieur le président, nous nous retrouvons dans le cadre d’une séance de questions au Gouvernement supplémentaire demandée par nos collègues de l’UMP, mais il semblerait que beaucoup d’entre eux soient déjà partis en vacances (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Ma question s’adresse à M. le ministre de l’agriculture et j’y associe M. Mesquida, Mme Quéré et M. Thévenoud. Nous vous demandons, monsieur le ministre de l’agriculture, de dire non à la libéralisation des droits de plantation, afin que notre viticulture ne subisse pas le triste sort de notre secteur industriel, soumis à la seule loi du marché.

Le 12 juin, la Cour des comptes européenne a rendu un avis sur les principaux postes de dépenses de l’Union européenne dans le secteur viticole. Elle reproche à la Commission de ne pas avoir pris le temps d’évaluer les conséquences de la libéralisation des droits de plantation au 1er janvier 2016, entraînant surproduction et effondrement des cours. Ce risque, nous l’avions dénoncé dès 2008, lorsque la France, par la voix de son ministre de l’agriculture, Michel Barnier, apporta son soutien à ce projet.

Les conséquences de cette libéralisation seraient dramatiques : sur l’emploi, tout d’abord, sur le tourisme, ensuite, et en matière d’aménagement du territoire et de lutte contre les incendies en région méditerranéenne, enfin.

En France, la viticulture représente 250 000 emplois et 7 milliards d’euros d’excédent commercial.

Réunir les 255 voix nécessaires à un retour de la Commission sur cette décision paraît totalement improbable. C’est la raison pour laquelle, sachant que, à l’exception de la réforme de la PAC, aucun texte européen sur la viticulture n’est inscrit à l’ordre du jour avant 2016, la profession demande, à juste titre, que cette question soit incluse dans la réforme de cette même PAC.

Plusieurs députés du groupe UMP. Trop long !

M. Jean-Paul Dupré. Monsieur le ministre, le monde viticole tout entier est à votre écoute. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt.

M. Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt. Monsieur le député, vous m’avez posé une question sur la viticulture. En 2008, une décision a été prise, dans le cadre du bilan de santé de la politique agricole commune, consistant à supprimer les droits de plantations dans la viticulture.

M. Patrick Lemasle. Eh oui !

M. Stéphane Le Foll, ministre. Devant la représentation nationale, j’indique que le ministre de l’agriculture et le Gouvernement veulent revenir sur cette suppression et réintroduire les droits de plantation dans la viticulture (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.) Comme vous l’avez dit, le vin n’est pas un produit banal.

M. Christian Jacob. Vous le découvrez aujourd’hui !

M. Stéphane Le Foll, ministre. Il faut pouvoir maîtriser sa production et revenir sur les droits de plantation.

Cette position claire a été défendue dans les différentes instances au niveau européen, et je continue à la défendre en veillant à répondre à la question essentielle : préserver à la fois la qualité et la spécificité de la viticulture, cette production noble que l’on doit garantir. C’est l’image de la France, mais aussi de l’Europe, qui est en jeu. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

Violences faites aux femmes

M. le président. La parole est à Mme Ségolène Neuville, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

Mme Ségolène Neuville. Ma question s’adresse à Mme la ministre des droits des femmes, porte-parole du Gouvernement.

Madame la ministre, le 16 mai puis le 21 juin, pour la première fois dans l’histoire de notre république, un gouvernement strictement paritaire a été nommé : dix-neuf femmes pour dix-neuf hommes. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Faire un gouvernement paritaire était un engagement de campagne du Président de la République ; cet engagement a été tenu.

M. Guy Teissier. C’est bien le seul !

Mme Ségolène Neuville. Deuxième engagement tenu, la création, enfin, d’un nouveau ministère des droits des femmes de plein exercice. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Ce ministère est rendu indispensable par le recul de l’égalité entre les femmes et les hommes dans bien des domaines. Au cours des dernières années, ce sont bien souvent les associations ou les collectivités locales qui ont dû pallier, tant bien que mal, un manque d’engagement du précédent gouvernement sur cette question de l’égalité.

Troisième engagement tenu : le rétablissement du délit de harcèlement sexuel. Ce sera chose faite ce soir, je l’espère.

Ces promesses tenues en matière d’égalité entre les femmes et les hommes représentent déjà beaucoup, mais nous avons besoin du volontarisme du Gouvernement et de votre engagement, madame la ministre, car beaucoup reste à faire.

Je pense à l’égalité professionnelle : six lois pour faire l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et le compte n’y est toujours pas. Je pense à la parité en politique : si nous sommes, chers collègues, l’Assemblée nationale la plus féminisée de l’histoire de France, 27 % de femmes députées, c’est encore bien peu. Je pense aux violences faites aux femmes : une femme meurt toujours tous les trois jours sous les coups de son compagnon.

Il y a encore tant à faire.

Madame la ministre, si nous ne pouvons que nous réjouir de ces promesses tenues, et tout simplement de votre présence sur le banc des ministres, quelle sera la suite ? Quelle politique guidera votre action ? Quelles mesures concrètes comptez-vous prendre pour mettre en œuvre, enfin, ce que nous attendons toutes et tous : l’égalité entre les femmes et les hommes ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre des droits des femmes, porte-parole du Gouvernement.

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, porte-parole du Gouvernement. Madame la députée Neuville, l’égalité entre les femmes et les hommes devrait être une évidence pour tout le monde ; ce n’est pas le cas.

M. Guy Teissier. Il y a la burqa !

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Les faits sont têtus, comme l’illustre la composition même de votre assemblée. Des progrès ont été accomplis, beaucoup plus à ma gauche qu’à ma droite (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP. – Exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI), mais ils restent insuffisants.

Tout cela, mesdames et messieurs les députés, nous ramène à l’image d’une société dans laquelle la domination masculine continue à poser son empreinte à tous les échelons. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Cette société, celle du XXe siècle, nous voulons la laisser derrière nous. Vous nous accompagnerez si vous le souhaitez. Nous, nous sommes bien décidés à agir, ce que vous n’avez pas fait au cours des dix dernières années. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP. – Exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

Il ne s’agit pas d’adopter des lois pour les laisser ensuite inappliquées. Il s’agit d’ancrer réellement l’égalité au sein de nos entreprises, ce qui était un enjeu majeur de la conférence sociale. L’État prendra ses responsabilités : nous rendrons, enfin, opérationnel le dispositif de sanctions qui s’applique aux entreprises qui ne jouent pas le jeu en la matière.

Avec les partenaires sociaux, nous travaillerons sur les sources des inégalités : le temps partiel subi ; les branches dans lesquelles les femmes sont surreprésentées ; les horaires atypiques ; la difficile articulation entre les temps de vie personnelle et professionnelle. Les partenaires sociaux entameront une négociation sur ces sujets de fond dès le mois de septembre prochain. Je vous assure que les choses commenceront enfin à évoluer.

Cela étant, avant de s’adresser au monde du privé, l’État doit être exemplaire, lui aussi. Nous le serons : nous étendrons la parité à l’ensemble des autorités administratives indépendantes, des instances consultatives, des entreprises publiques (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

M. le président. Merci, madame la ministre.

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Nous ferons en sorte d’utiliser tous les leviers de l’action publique, ministère par ministère. Nous ne laisserons plus passer de loi, comme la réforme des retraites par exemple, sans avoir étudié son impact sur les femmes.

M. le président. Il faut conclure, madame la ministre.

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Voilà ce que nous ferons, faisant ainsi progresser les droits des femmes. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

Criminels de la route

M. le président. La parole est à M. Étienne Blanc, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Étienne Blanc. Je voudrais d’abord indiquer à notre collègue socialiste que cette séance de questions d’actualité n’a rien d’exceptionnel. Il ne s’agit que d’une séance habituelle, dans le respect de la Constitution (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Ma question s’adresse à M. le ministre de l’intérieur.

Depuis quelques mois, des accidents particulièrement graves se déroulent pratiquement chaque fin de semaine dans nos villes, qui ont des conséquences dramatiques sur les familles. Ce fut un enfant à La Ciotat samedi dernier, une femme enceinte il y a quelques semaines à Marseille. Ces accidents sont causés par des gens qui conduisent rapidement, souvent sous l’emprise de l’alcool ou de stupéfiants. Ce sont aussi souvent des récidivistes. Ils ont été condamnés, leur permis a été annulé ou suspendu, mais ces décisions ne sont pas respectées.

Face à ces faits particulièrement dramatiques, je voudrais, monsieur le ministre, vous poser deux questions. D’abord, vous avez indiqué cette fin de semaine que vous entendiez renforcer les mesures de prévention. Que peut faire le Gouvernement pour s’assurer que les mesures de suspension et d’annulation du permis de conduire sont mieux respectées ? Ensuite, vous avez annoncé un renforcement des sanctions. De quel type ? Croyez-vous que la suppression, par exemple, des peines planchers (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) qui s’adressent aux récidivistes les plus sévères est un bon signe envoyé à l’opinion publique ?

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.

M. Manuel Valls, ministre de l’intérieur. C’est effectivement une question grave. Ces dernières semaines, à La Ciotat, Marseille, Boulogne, dans le XIXe arrondissement de Paris, à Saint-Denis, des accidents dramatiques ont eu lieu. Ils sont le fait de chauffards, de véritables criminels de la route, souvent des récidivistes, qui doivent être sévèrement punis. La loi pénale réprime d’ailleurs très sévèrement ces faits, jusqu’à sept ans d’emprisonnement et 100 000 euros d’amende.

Vous posez cette question le jour du trentième anniversaire du terrible accident de Beaune, qui fit 53 morts. C’est le signe que nous ne devons pas relâcher les actions de prévention menées par l’État, les collectivités locales et les associations. On sait que, notamment dans les secteurs urbains, les piétons sont extrêmement vulnérables.

J’ai demandé à Frédéric Péchenard, le délégué interministériel en charge de ces dossiers, de faire des propositions. Il faut poursuivre le travail entamé il y a dix ans, notamment à l’initiative du président Chirac. J’adresse un message de la plus grande fermeté à ces chauffards : ces comportements méritent la sanction, la punition de la société. Des femmes et des enfants en ont été victimes.

M. Guy Geoffroy. Et les peines-plancher ?

M. Manuel Valls, ministre. Mais, face à des faits aussi graves, je vous invite aussi à ne pas polémiquer (Exclamations sur les bancs du groupe UMP),…

M. Alain Marty. Qui polémique ici ?

M. Manuel Valls, ministre. …mélanger les sujets, parler des lois et peines planchers qui sont encore en vigueur.Sur ce sujet, la dignité et le respect de la loi s’imposent plus que jamais (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Justice sociale

M. le président. La parole est à M. Pouria Amirshahi, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Pouria Amirshahi. Ma question s’adresse au ministre de l’économie sociale et solidaire et de la consommation.

À l’heure des Jeux olympiques, si nos compatriotes défendent tous le même drapeau, il semble que tout le monde ne vive pas dans la même société : d’un côté, le cercle de ceux qui sont surrémunérés grâce à un système actionnarial de plus en plus choquant, de l’autre, le plus grand nombre, ceux qui tentent de vivre de leur travail. Selon l’Observatoire des inégalités, entre 1999 et 2009, le revenu annuel moyen des 10 % les plus modestes ne s’est élevé que de 610 euros, tandis que celui des 10 % les plus riches bondissait de 8 190 euros.

C’est aussi sur le dos des consommateurs que se font les marges de plusieurs grands groupes, alors que nos compatriotes sont de moins en moins capables de subvenir à leurs besoins élémentaires : loyers insupportables, tarifs de téléphonie, prix de l’énergie qui battent tous les records, denrées alimentaires devenues trop chères, particulièrement outre-mer…

M. Alain Marty. Vous êtes au pouvoir : agissez !

M. Pouria Amirshahi. Dois-je rappeler à la représentation nationale que plus de huit millions de nos compatriotes vivent dans la pauvreté, situation largement aggravée ces cinq dernières années ?

Bref, il y a urgence. Cependant, nous devons aussi fixer un horizon commun au pays. Loin de plaider pour une société hyperconsumériste et hyperproductiviste, les socialistes s’engagent pour un nouveau modèle de développement.

Le changement, c’est de concilier à la fois le progrès économique et la conquête de droits nouveaux pour les salariés et les consommateurs.

Le changement, c’est aussi de fixer par une loi les bornes acceptables entre les salaires les plus bas et ceux les plus élevés (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Le changement, c’est d’amener à l’emploi des millions de gens aujourd’hui exclus du marché du travail, grâce à des industries nouvelles, modernes, écologiques et stratégiques autant que grâce à des PME qui créent des richesses et s’inscrivent dans l’économie réelle (Mêmes mouvements sur les bancs du groupe UMP.)

Le changement, enfin, c’est une réforme de la fiscalité qui s’adresse à chacun, particulier ou entreprise, en fonction de sa capacité contributive, conformément à l’esprit de notre belle nuit du 4 août 1789.

À l’heure où l’on parle beaucoup d’une société de responsabilités, il est temps que les grandes entreprises et les hauts revenus assument les leurs.

Quant à la responsabilité de l’État, monsieur le ministre, pouvez-vous me dire quels sont vos engagements, après les premières mesures que vous avez prises, en particulier en matière de niveau de vie et de salaire et de droit des consommateurs ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé de l’économie sociale et solidaire et de la consommation.

M. Benoît Hamon, ministre délégué chargé de l’économie sociale et solidaire et de la consommation. En France, les trois moteurs de la croissance sont enrayés.

Le premier à s’être éteint est celui des exportations. Depuis 2002, la compétitivité de notre économie s’est dégradée, au point que notre balance commerciale atteigne en 2011 un déficit record de 70 milliards.

Le deuxième à s’être éteint est celui de l’investissement des entreprises, notamment en raison d’une politique fiscale qui préfère favoriser la distribution des dividendes.

Le troisième moteur, celui de la consommation, s’est grippé en 2007. La croissance du pouvoir d’achat a été quasi-nulle jusqu’en 2011. Pire, le pouvoir d’achat recule depuis le dernier trimestre de cette année 2011.

Le Président de la République et le Gouvernement ont décidé de casser cette spirale négative, pour commencer en revenant sur l’augmentation de 1,6 point de la TVA voulue par le précédent gouvernement (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC), qui se serait traduite par une augmentation des prix de détail.

Ensuite, par des mesures de soutien au revenu.

Plusieurs députés du groupe UMP. Comme la suppression des heures supplémentaires ?

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Ces mesures, ce sont le coup de pouce au SMIC, l’engagement dans la conférence sociale de négociation de branche sur les minima conventionnels, l’augmentation de 25 % de l’allocation de rentrée scolaire, qui représente une hausse de 70 à 80 euros par enfant.

Plusieurs députés du groupe UMP. Et les heures supplémentaires ?

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Nous prendrons aussi des mesures de limitation des dépenses des ménages : le décret sur l’encadrement des loyers, le décret sur les dépassements d’honoraires des médecins, la limitation de la hausse des prix du gaz et de l’électricité, ou encore les engagements pris par Victorin Lurel pour la lutte contre la vie chère outre-mer…

Enfin, nous mettrons aussi en œuvre des réformes pour la protection des droits des consommateurs. Il s’agit de créer, conformément au vœu du Président de la République, une action de groupe à la française, de protéger les consommateurs dans le cadre de la vente à distance, de lutter contre les clauses abusives (Interruptions sur les bancs du groupe UMP), bref, de régler les problèmes que vous avez créés ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Hausse du prix des carburants

M. le président. La parole est à M. Philippe Vigier, pour le groupe Union des démocrates et indépendants.

M. Philippe Vigier. Ma question s’adresse au ministre de l’économie et des finances.

Monsieur le ministre, pendant la campagne présidentielle, le candidat François Hollande avait pris un engagement fort sur un sujet qui est au cœur de la question du pouvoir d’achat et de la compétitivité, celui de bloquer le prix des carburants pour trois mois. Cette mesure devait être appliquée entre le 6 mai et le 29 juin 2012 ; c’était dans l’agenda du changement de François Hollande. Vous avez discrètement enterré cette promesse (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), aidés par la baisse des prix du pétrole qui est venue masquer votre totale inaction.

Nous sommes le 31 juillet, terme d’une session extraordinaire au cours de laquelle vous avez fait les poches des plus modestes (Mêmes mouvements) en supprimant la défiscalisation des heures supplémentaires et privé nos entreprises d’un gain de compétitivité en supprimant la TVA emploi. Les prix des carburants ont aujourd’hui retrouvé les niveaux du mois de mai, et rien n’a été encore été fait.

Cette hausse, ce sont pourtant des dizaines d’euros de pouvoir d’achat en moins pour les Françaises et les Français qui ont besoin de leur voiture pour aller travailler ou qui partent, en ce moment, en vacances. Cette hausse, c’est aussi un fardeau supplémentaire pour nos entreprises, notamment les transporteurs, très impactés par la hausse du coût du carburant et qui viennent, en un mois, de perdre deux points de rentabilité.

M. Lucien Degauchy. Que fait Hollande ?

M. Philippe Vigier. Monsieur le ministre, ma question sera simple : avez-vous définitivement abandonné la promesse du candidat François Hollande ? Que comptez-vous faire pour faire baisser les tarifs des carburants, et selon quel calendrier ? Allez-vous demander aux conseils régionaux, qui, vous le savez, lèvent une TIPP complémentaire, de la diminuer pour faire en sorte d’enrayer cette hausse du coût des carburants ? (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie et des finances.

M. Pierre Moscovici, ministre de l’économie et des finances. Monsieur le député, je vous félicite pour votre bonne connaissance de l’agenda du changement et vous remercie de vous faire le comptable de son respect. Je peux vous assurer que les engagements pris par le Président de la République pendant la campagne électorale seront tenus.

S’agissant de celui que vous venez d’évoquer, vous avez-vous-même donné une partie de la réponse en indiquant que nous avons connu, ces derniers mois, une baisse du prix à la pompe.

Un député du groupe UMP. Il remonte !

M. Pierre Moscovici, ministre. Nous sommes, cependant, extrêmement vigilants et attentifs à la remontée du cours du brut de ces dernières semaines.

La baisse intervenue ne portait pas atteinte au pouvoir d’achat. Dans ces conditions, vous en conviendrez, il eût été particulièrement contreproductif d’anticiper en bloquant les prix du carburant à la pompe. Le Gouvernement a préféré que la baisse des cours se répercute sur le prix payé par les consommateurs. J’espère que vous vous en félicitez.

M. Claude Goasguen. Et aujourd’hui ?

M. Pierre Moscovici, ministre. Il n’empêche que l’engagement pris est tout à fait d’actualité. Il n’est pas oublié. (« Ah ! » sur les bancs des groupes UDI et UMP.)

Nous surveillons, évidemment, les fluctuations du cours du pétrole et nous n’excluons en rien, en fonction de l’évolution de la situation, de mettre en œuvre ce blocage.

Par ailleurs, nous devons aussi surveiller les comportements de marge des entreprises. Des mesures salutaires, que vous connaissez, ont été prises dans le cadre du projet de loi de finances rectificative.

Enfin, à plus long terme, il faut veiller à mettre en place une nouvelle donne énergétique. Un débat aura lieu à l’automne sur ce thème.

M. Franck Gilard. C’est une réponse foireuse !

M. Pierre Moscovici, ministre. Il s’agira, vous le savez, d’évoluer vers un mix énergétique plus équilibré. Tel est aussi le sens du plan automobile, qui permet d’envisager de nouveaux véhicules.

Bref, je veux vous rassurer.

M. Claude Goasguen. Ce n’est pas gagné !

M. Pierre Moscovici, ministre. Le souci du pouvoir d’achat, la défense de la consommation, la justice sont au cœur de notre politique ! Je vous remercie de votre sollicitude, mais nous serons surtout très attentifs aux intérêts des consommateurs et à l’évolution du prix du pétrole. Sachez que nous agirons ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

Hausse des cours des matières premières agricoles

M. le président. La parole est à M. Dino Cinieri, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Dino Cinieri. Ma question, à laquelle j’associe Pierre Morel-A-L’Huissier et Paul Salen, s’adresse à M. Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture.

Monsieur le ministre, une sécheresse durable, s’est abattue sur le centre des États-Unis ainsi que dans la région de la mer Noire, qui sont parmi les plus importantes réserves de céréales de la planète. Cette sécheresse, ajoutée au fait que la consommation de certains produits agricoles de base a dépassé leur production à l’échelle mondiale, a causé une flambée des prix sur les marchés de matières premières agricoles comme le blé, le maïs, ou le soja.

M. André Chassaigne. Ce n’est pas la première fois !

M. Dino Cinieri. Cette envolée des cours est réellement dévastatrice pour les populations des pays en développement, qui subissent une forte hausse des prix de leurs denrées alimentaires de base.

Elle est aussi préoccupante pour nos agriculteurs européens, qui ne peuvent plus maîtriser leurs coûts de production. Or ils doivent déjà composer avec la hausse des prix de l’énergie et avec un manque de compétitivité qui ne risque pas de se réduire alors que votre majorité vient de supprimer la baisse des cotisations patronales que nous avions votée en février. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

La lutte contre la volatilité des cours des matières premières agricoles doit être l’une des priorités de votre ministère. Elle était une priorité pour votre prédécesseur, qui avait réuni pour la première fois les ministres du G 20 en charge de l’agriculture.

Des solutions concrètes avaient été avancées :…

M. André Chassaigne. On voit le résultat !

M. Dino Cinieri. …augmentation de la production agricole mondiale et des moyens de stockage des matières premières ; concertation accrue entre le G 20 et ses partenaires pour ne pas laisser les marchés fixer seuls les cours ;…

M. André Chassaigne. La preuve !

M. Dino Cinieri. …réforme des marchés à terme pour limiter les effets d’amplification de la spéculation purement monétaire.

Ces dispositifs de crise existent depuis 2011. Ils ne demandent qu’à être utilisés.

Allez-vous, monsieur le ministre, en prendre l’initiative ? Allez-vous, dans le cadre des négociations actuelles, utiliser la politique agricole commune comme un élément de régulation mondiale afin que l’Europe demeure une grande puissance agricole compétitive au niveau international ? En matière agricole, il ne peut y avoir de compétition équitable sans un minimum de régulation.

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt.

M. Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt. Monsieur le député, il est au moins une chose que vous ne pourrez m’imputer, c’est la sécheresse aux États-Unis.

M. Claude Goasguen. Encore que… (Sourires.)

M. Stéphane Le Foll, ministre. Si vous en doutez, il faudra aller voir les météorologues pour leur expliquer.

La sécheresse a des conséquences à l’échelle mondiale. Une régulation à l’échelle mondiale est, effectivement, nécessaire. Des décisions ont été prises dans le cadre du G 20 ; mon prédécesseur, M. Le Maire, ici présent, avait participé à la mise en place d’un certain nombre d’outils que nous avons sollicités dès que nous avons su que ces problèmes allaient survenir.

M. Christian Jacob. C’était le temps où nous avions un ministre de l’agriculture !

M. Stéphane Le Foll, ministre. Sachez cependant que, si cette sécheresse, qui aura des conséquences sur le prix des céréales et donc sur le coût de l’alimentation, en particulier pour l’élevage, nécessite des réformes dans le cadre de la politique agricole commune, elle nécessite aussi que l’on réfléchisse ici, en France, aux relations que doivent entretenir la production céréalière, ou production de protéines végétales, et la production animale, voire que l’on réfléchisse au niveau de l’interprofession, en envisageant notamment les conséquences de tout cela dans la grande distribution. Tous ces éléments sont aujourd’hui pris en compte par le ministère pour trouver une solution qui limite l’impact négatif que pourra avoir l’augmentation du prix des céréales sur la production animale.

M. Yves Censi. Quelle solution ?

M. Stéphane Le Foll, ministre. Les décisions sont en cours d’élaboration. Elles seront prêtes pour la rentrée des mois de septembre et octobre.

M. Yves Censi. Il n’y a donc plus qu’à attendre !

M. Stéphane Le Foll, ministre. La réforme de la politique agricole sera également un paramètre sur lequel jouer pour protéger l’élevage.

M. Claude Goasguen. Et aujourd’hui, alors ?

M. Stéphane Le Foll, ministre. J’ai évoqué la mise en place antérieure d’un certain nombre d’outils. À l’échelle de l’Europe, sur la question de la spéculation financière, ce qui a été déposé est aujourd’hui en discussion au Parlement européen, et le Gouvernement français soutiendra la limitation de la spéculation sur les marchés alimentaires et agro-alimentaires pour éviter que se renouvelle la situation que l’on connaît aujourd’hui. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

Éducation

M. le président. La parole est à M. Alexis Bachelay, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Alexis Bachelay. Ma question s’adresse à M. Vincent Peillon, ministre de l’éducation nationale.

Monsieur le ministre, l’éducation et la jeunesse sont au cœur des priorités et des engagements que François Hollande a pris devant les Français. Vous avez la lourde charge d’enrayer la casse méthodique de l’éducation nationale mise en œuvre ces cinq dernières années avec la suppression de la carte scolaire, la baisse des effectifs enseignants et d’encadrement, la disparition de la formation professionnelle des enseignants, et le démantèlement des RASED. Les Français ne veulent plus de cette politique. Ils sont conscients qu’elle pénalise directement l’avenir de leurs enfants et donc de la nation.

Le contraste est frappant entre notre volontarisme, l’importance des mesures que nous annonçons, et ce qui a été fait il y a cinq ans. Pour la rentrée 2007 le gouvernement Fillon ajoutait une heure de sport supplémentaire pour les élèves de primaire, et mettait en place, pour solde de tout compte, un « accompagnement éducatif » dans les collèges en ZEP.

Nos concitoyens peuvent mesurer la différence avec les mesures que vous avez annoncées : débat sur les rythmes scolaires, engagement d’une large concertation pour renforcer et refonder notre système éducatif, et augmentation de 25 % de l’allocation de rentrée scolaire.

Vous avez également présenté en conseil des ministres, le 30 mai dernier, des mesures de changement qui prendront effet dès la rentrée scolaire 2012, à savoir, notamment, le recrutement de mille postes de professeurs des écoles.

Pouvez-vous, monsieur le ministre, faire connaître à la représentation nationale la répartition de ces postes sur le territoire ainsi que les modalités d’accompagnement de ces nouveaux professeurs ? Pouvez-vous également nous préciser quelles seront les mesures mises en place pour renforcer la présence des adultes dans les établissements du second degré qui en ont le plus besoin ?

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale.

M. Vincent Peillon, ministre de l’éducation nationale. Monsieur le député Bachelay, le gouvernement précédent, il est vrai, ne nous a pas seulement laissé une dette financière publique de 600 milliards d’euros,…

M. Franck Gilard. Un argument qui va valoir une année, pas plus !

M. Vincent Peillon, ministre. …mais encore une dette éducative sans précédent, du fait de la suppression de 77 000 postes en cinq ans (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Toutes les familles de France ont pu mesurer à quel point cela a été coûteux pour notre jeunesse et a hypothéqué l’avenir de notre pays.

C’est pourquoi le Président de la République et le Premier ministre ont fait de la jeunesse et de l’éducation la politique publique prioritaire. Il s’agit de redresser notre pays et de s’engager dans l’avenir avec confiance.

Des mesures d’urgence ont été prises pour la rentrée 2012. Je tiens à dire à toute la représentation nationale que le travail engagé sera nécessairement de longue haleine. La France s’est construite autour de son école et par son école. Le ministre de l’intérieur l’a rappelé tout à l’heure : pour parler de l’identité nationale de la France, il faut parler de son école, et pas de l’étranger ou de l’immigré, comme certains ont toujours cherché à le faire ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

Une France qui retrouve confiance dans le monde, c’est une France qui s’attache à nouveau à faire de l’école sa priorité. C’est pourquoi nous avons lancé une grande concertation, associant vingt ministres autour du Premier ministre, qui doit refonder non seulement l’école de la République, mais la République par son école.

Les mesures prises pour la rentrée 2012 concernent tout particulièrement, comme vous l’avez dit, le primaire. Tout commence par le primaire. Elles concernent également le secondaire, avec des adultes supplémentaires dans les établissements : des conseillers principaux d’éducation, des assistants d’éducation, des personnels chargés de la sécurité, et des personnels chargés d’accompagner les enfants en situation de handicap.

Plusieurs députés du groupe UMP. C’est flou !

M. Vincent Peillon, ministre de l’éducation nationale. La droite n’avait rien prévu pour l’ensemble de ces publics. Il est temps de redresser la France et de refaire de l’école une priorité. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

Gaz de schiste

M. le président. La parole est à M. Christophe Cavard, pour le groupe écologiste.

M. Christophe Cavard. Monsieur le président, j’associe à ma question mon collègue François-Michel Lambert, député des Bouches-du-Rhône.

Ma question s’adresse à M. le Premier ministre, et porte sur l’exploitation des gaz et huiles de schiste dans notre pays.

Monsieur le Premier ministre, l’an dernier, à la même époque, les députés écologistes et socialistes cosignaient une proposition de loi commune visant à interdire l’exploitation et l’exploration des gaz de schiste. Ce texte inscrivait nos deux formations politiques dans une démarche de responsabilité vis-à-vis des engagements européens et internationaux de lutte contre le réchauffement climatique.

La loi Jacob a, dans son esprit, limité le problème des gaz de schiste à celui de la technique de la fracturation hydraulique. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.) Or nous savons depuis trente ans que le réchauffement climatique est avant tout lié au développement d’une économie fondée sur l’exploitation d’énergies fossiles carbonées. Comme le démontre une étude américaine, l’impact de l’exploitation des gaz de schiste sur le climat pourrait être encore pire que celui de l’exploitation du charbon, à cause des importantes fuites de méthane des puits de gaz de schiste. Alors que notre modèle de production doit entamer sa transition pour diminuer les rejets de gaz à effet de serre, cette étude prévoit que l’exploitation des gaz de schiste engendrerait, sur une période de vingt ans, un niveau d’émission de gaz à effet de serre 20 % supérieur à celui du charbon. Notre modèle de développement doit engager sa transition, et promouvoir avant tout les énergies renouvelables et locales, ainsi que les mesures de réduction de consommation d’énergie. C’était là l’esprit de notre proposition de loi.

Notre gouvernement, solidaire des populations mobilisées sur nos territoires, doit montrer l’exemple de la transition énergétique, en interdisant purement et simplement cette industrie. Monsieur le Premier ministre, pouvez-vous nous confirmer que l’exploitation des gaz de schiste ne sera développée ni en France ni en Europe ? (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et sur quelques bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie.

Mme Delphine Batho, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie. Monsieur le député, vous faites référence à la proposition de loi visant à interdire l’exploitation et l’exploration d’hydrocarbures non conventionnels, déposée en mars 2011 par un certain nombre de parlementaires qui étaient alors dans l’opposition et sont maintenant dans la majorité.

Le dépôt de cette proposition de loi, signée notamment par M. Jean-Paul Chanteguet et M. François Brottes, avait conduit la majorité de l’époque à présenter, le lendemain, un autre texte : la proposition de loi de Christian Jacob (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP), afin d’interdire la fracturation hydraulique et d’abroger certains permis délivrés par le précédent gouvernement.

Je vous confirme que ce que nous pensions alors dans l’opposition, nous le pensons toujours dans la majorité (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et quelques bancs du groupe SRC.). Nous restons opposés à l’exploitation et à l’exploration des gaz de schistes par fracturation hydraulique. Cette technique comporte des risques avérés pour la santé et l’environnement.

La lutte contre le réchauffement climatique est un impératif absolu, et une responsabilité planétaire qui nous oblige vis-à-vis des générations futures.

M. Jean-Pierre Barbier. Grâce au nucléaire !

Mme Delphine Batho, ministre. Cet impératif nous mobilise : la France a pris l’engagement de réduire de 20 % ses émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2020. Cet objectif nécessite un développement massif des énergies renouvelables.

Le Président de la République a pris l’engagement, non pas de sortir du nucléaire, mais de réduire la part du nucléaire dans la production d’électricité, et de développer massivement celle du photovoltaïque, de l’éolien, des énergies marines, de la biomasse et de la géothermie. Ces objectifs ambitieux nécessitent aussi que l’ensemble de notre industrie s’engage dans la transition énergétique. C’est le sens de la décision que vient de prendre le gouvernement sous la responsabilité de Jean-Marc Ayrault, et sous l’impulsion du ministre du redressement productif Arnaud Montebourg (Exclamations sur quelques bancs du groupe UMP). Cette décision consiste à augmenter le bonus écologique pour tous les achats de véhicules écologiques. Le décret a été publié aujourd’hui au journal officiel. Permettez-moi donc de souligner que tous les achats de véhicules écologiques réalisés à partir de demain, le 1er août, bénéficieront d’un bonus porté à 7 000 euros pour les véhicules électriques et à 4 000 euros pour les véhicules hybrides. C’est cela, la transition énergétique ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures vingt, sous la présidence de M. Christophe Sirugue.)

Présidence de M. Christophe Sirugue
vice-président

M. le président. La séance est reprise.

2

Suspension des travaux de l’Assemblée nationale

M. le président. La conférence des présidents propose à l’Assemblée de suspendre ses travaux du 24 décembre 2012 au 13 janvier 2013, du 4 au 10 mars et du 29 avril au 12 mai 2013.

Il n’y a pas d’opposition ?

Il en est ainsi décidé.

Par ailleurs, la conférence a arrêté le calendrier prévisionnel de l’ensemble de la session ordinaire 2012-2013.

Ce calendrier sera affiché et mis en ligne.

3

Projet de loi de finances rectificative pour 2012

Commission mixte paritaire

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, sur le rapport de la commission mixte paritaire, du projet de loi de finances rectificative pour 2012.

Présentation

M. le président. La parole est à M. Christian Eckert, rapporteur de la commission mixte paritaire.

M. Christian Eckert, rapporteur de la commission mixte paritaire. Monsieur le président, monsieur le ministre de l’économie et des finances, monsieur le ministre délégué chargé du budget, monsieur le président de la commission mixte paritaire, mes chers collègues, nous voici parvenus, après la première lecture à l’Assemblée nationale, au terme de la procédure d’examen du premier projet de loi de finances du nouveau gouvernement, projet déposé le 4 juillet, voici un peu plus de trois semaines.

Après cette première lecture, le projet de loi de finances rectificative comptait trente-cinq articles. Le Sénat a adopté dix-sept articles dans les mêmes termes que notre assemblée, soit quasiment la moitié. Il en a modifié dix-huit et ajouté onze. La CMP a, en conséquence, été saisie de vingt-neuf articles encore en discussion, et, je dois vous le dire d’entrée de jeu, elle est parvenue à élaborer un texte commun.

Quelles ont été les principales décisions de la CMP ? Elle est arrivée à un compromis sur cinq points importants. Elle a, premièrement, adapté la nouvelle taxe sur les dividendes distribués au cas particulier de certains réseaux bancaires mutualistes, des sociétés d’investissement immobilier cotées et des OPCVM composés de ce type de produit.

Deuxièmement, la CMP a assuré la mise en œuvre de l’élargissement, au 1er décembre, de la taxe sur les transactions financières aux certificats représentatifs d’actions émis à l’étranger.

Troisièmement, la CMP a décidé d’adapter le régime de non-déductibilité des abandons de créances financières au cas des entreprises en difficulté faisant l’objet de certaines procédures collectives, de façon à éviter de créer, à cette occasion, un régime plus favorable que celui en vigueur.

Quatrièmement, la CMP est parvenue à un compromis sur la limitation du doublement des prélèvements sociaux pesant sur les retraites supplémentaires, dites « retraites chapeaux », aux retraites nouvelles, c’est-à-dire liquidées à compter du 1er janvier 2013. À cet égard, monsieur le ministre, il conviendra, me semble-t-il, de disposer d’un petit plus de temps pour ficeler définitivement les choses et de revenir à l’automne sur le cas des retraites supplémentaires les plus modestes, lesquelles concernent, dans plusieurs secteurs industriels, un grand nombre de nos concitoyens.

La CMP a, cinquièmement, trouvé un accord sur une rédaction améliorée du dispositif de prise en compte du taux départemental de la taxe d’habitation pour la détermination de la compensation d’exonération d’un EPCI à fiscalité propre issu d’une fusion.

La CMP a, par ailleurs, maintenu plusieurs dispositions introduites par le Sénat. Elle a ainsi confirmé deux mesures envisagées à l’Assemblée, mais initialement non retenues, dont la première est l’élargissement de l’application du taux réduit de TVA à 5,5 % à l’ensemble des travaux portant sur les logements sociaux ayant fait l’objet d’un agrément de l’État avant 2012. L’Assemblée avait envisagé cette possibilité, mais le Gouvernement avait préféré expertiser le coût correspondant avant de donner un avis favorable, ce qu’il a pu faire au Sénat.

La seconde mesure concerne le rétablissement de la possibilité pour les centres communaux d’action sociale, les services sanitaires et sociaux des départements et les associations agréées d’être dépositaires des demandes d’AME ; cette proposition répondait à un souhait de la commission des affaires sociales de notre assemblée qui n’avait pu être discutée en séance publique. Il semblerait que l’application de l’article 40 ne soit pas la même au Sénat qu’à l’Assemblée nationale.

M. Dominique Baert. En effet !

M. Christian Eckert, rapporteur de la commission mixte paritaire. La CMP a également confirmé plusieurs nouveaux dispositifs adoptés au Sénat, notamment : le relèvement, limité, des taux de la taxe sur les logements vacants ; l’exonération de la contribution exceptionnelle sur les stocks de produits pétroliers pour des entreprises qui ont cessé leur activité pendant plus de trois mois au premier semestre 2012, de façon à sécuriser des plans de sauvegarde de l’emploi actuellement en cours ; l’institution d’un prélèvement sur les cessions de titres aboutissant au transfert du contrôle d’une société titulaire d’une autorisation gratuite d’utilisation de fréquences – article 8 bis.

Enfin, un rapport a été demandé au Gouvernement sur l’élargissement de l’assiette de la taxe sur les transactions financières. Le seuil d’assujettissement aux cotisations et contributions sociales au premier euro de ce qu’il est convenu d’appeler les « parachutes dorés » a été également abaissé substantiellement. A été prévue l’exonération du relèvement du forfait social de la participation attribuée au sein des sociétés coopératives ouvrières de production – SCOP –, disposition, elle aussi, souhaitée par l’Assemblée nationale.

Diverses mesures de fiscalité locale ont été adoptées, dont deux relatives à des problèmes très spécifiques liés à la réforme de la taxe professionnelle concernant certaines structures intercommunales. La CMP a également retenu la proposition du Sénat consistant à opérer un ajustement important des opérations de révision des valeurs locatives immobilières, notamment pour la taxe foncière des locaux commerciaux. A également été retenue la modification au profit des communes de la répartition du produit de la redevance sur les concessions hydroélectriques les plus importantes.

Le relèvement du seuil de contribution des indépendants au financement de la formation professionnelle a été également adopté, ainsi qu’un aménagement d’une réduction d’impôt au titre du capital-risque outre-mer.

En revanche, une disposition nouvelle introduite par le Sénat n’a pas été retenue par la CMP. Il s’agit de la réduction de 13 millions d’euros des crédits du ministère des affaires étrangères, visant la rémunération et les coûts de fonctionnement des ambassadeurs thématiques. Une réflexion est certes nécessaire sur ce point, mais le dispositif adopté au Sénat était prématuré par rapport aux travaux de contrôle en cours au sein même de la commission des finances du Sénat, et, en tout état de cause, disproportionné à la réalité des économies susceptibles d’être retirées d’une telle mesure.

Enfin, deux dispositions votées par l’Assemblée nationale ont été rétablies : l’avancement à la date du 11 juillet 2012, date de la réunion de la commission des finances qui a examiné le collectif, de l’entrée en vigueur du relèvement des prélèvements sur les stocks options et attributions d’actions gratuites et la rédaction adoptée à l’Assemblée s’agissant du dispositif réduisant le taux de TVA sur le spectacle vivant, adopté à l’initiative du groupe SRC. Mais peut-être, je le crois, cette disposition sera-t-elle revue ou retravaillée.

Je tiens, en tout cas, à saluer à nouveau la qualité du travail accompli en commun avec le Gouvernement, dès la préparation de ce projet de loi de finances rectificative. Je vous remercie, messieurs les ministres, ainsi que tous vos collaborateurs, pour le sens du dialogue et la constante disponibilité dont vous avez fait preuve. Je remercie tous ceux de nos collègues qui ont pris part à cette discussion, en commission et dans l’hémicycle, ainsi que les présidents de séance qui ont successivement dirigé nos travaux. Je remercie, également, la presse qui a rendu compte de nos travaux et, bien entendu, l’ensemble des personnels, particulièrement ceux travaillant aux côtés des rapporteurs de nos deux assemblées. Je voudrais, comme d’habitude, regretter que nous ayons été contraints de travailler, parfois, avec des délais très courts. Faute de temps suffisant, certaines dispositions n’ont, donc, pas pu être améliorées.

Indépendamment de ces éléments parfois techniques, je n’oublie pas les objectifs de notre collectif, premier de cette législature et, à ce titre, d’une importance politique particulière.

Il s’agissait, en premier lieu, d’assurer, dans la justice, la réduction des déficits publics, afin qu’ils ne dépassent pas 4,5 % du PIB fin 2012, le taux de croissance ayant par ailleurs été révisé à la baisse afin d’intégrer les dernières prévisions connues. C’était courageux, lucide et raisonnable.

Le second objectif consistait à mettre en œuvre les engagements du Président de la République, qui ont fondé son élection et celle de la majorité parlementaire. Ainsi, le pouvoir d’achat de l’ensemble des Français sera épargné d’une ponction de plus de 10 milliards d’euros, imposée par l’ancienne majorité par le biais d’une TVA supplémentaire dont on ne savait plus très bien le nom mais dont on connaissait déjà les payeurs.

M. Dominique Baert. Eh oui !

M. Guy Geoffroy. Et la taxation des heures supplémentaires ?

M. Christian Eckert, rapporteur de la commission mixte paritaire. Ainsi, les plus aisés des Français, comme les plus profitables des entreprises, seront, en contrepartie, mis à contribution. C’est notre choix, légitimé par une majorité des Français, un choix attendu et assumé. N’oublions jamais en effet que la bonne fortune des uns est souvent due au travail des autres, et que la répartition des richesses existantes est aussi importante que le partage des fruits d’une croissance moins garantie aujourd’hui que par le passé.

Ainsi, l’argent public – je veux parler des presque 5 milliards que coûtaient les exonérations de contributions sociales et d’impôt sur les heures supplémentaires – sera remis au service de tous les Français, et pas seulement de ceux qui ont un emploi. En période d’explosion du chômage, c’est un devoir de solidarité nationale, pour faire travailler plus de Français et non pour que certains travaillent plus.

Voilà, mes chers collègues, quelques raisons – mais il y en aurait bien d’autres – d’adopter le texte de la CMP. Enfin, je n’oublie pas que ce collectif prépare une loi de finances initiale, qui sera profonde et structurante pour l’objectif de justice sociale qui reste à construire et que les dix dernières années ont mis à mal, surtout depuis 2007. La première pierre est posée ; elle est solide, bien taillée, mais l’édifice commencera à prendre forme à l’automne, après quelques semaines pour les uns, quelques jours pour d’autres, d’un repos que je souhaite salutaire à tous. (Applaudissements sur les bancs des groupe SRC, écologiste et RRDP.)

M. Gaby Charroux. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie et des finances.

M. Pierre Moscovici, ministre de l’économie et des finances. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, le projet de loi de finances rectificative a fait l’objet d’une procédure de conciliation entre l’Assemblée nationale et le Sénat, dans le cadre d’une commission mixte paritaire. Le chemin jusqu’à cette ultime étape du travail parlementaire a été riche, les débats intenses, se prolongeant souvent jusqu’à des heures avancées de la nuit.

De ces échanges entre parlementaires, mais aussi entre les parlementaires et le Gouvernement, est ressorti, je le crois, un texte enrichi, complété par des amendements constructifs – j’aurai l’occasion de revenir sur ce point. À ce titre, je veux remercier chaleureusement, avec mes collègues Jérôme Cahuzac et Benoît Hamon, chacune et chacun d’entre vous sur tous les bancs, pour le travail qui a été accompli, en commission d’abord, puis en séance, à l’Assemblée nationale et au Sénat, enfin dans le cadre de cette commission mixte paritaire.

Je sais que les plus expérimentés d’entre vous ont fait bénéficier les nouveaux arrivants de leur connaissance du travail parlementaire, et je veux avoir un mot particulier pour les députés nouvellement élus, qui ont su s’engager très vite dans l’étude de ce texte et ont contribué au perfectionnement de ce PLFR, tout ceci augurant d’une session parlementaire tout à fait fructueuse à l’automne.

Je veux enfin remercier particulièrement la commission des finances, son président Gilles Carrez et son rapporteur général Christian Eckert, qui, comme c’est la tradition, n’auront pas ménagé leur peine et leurs horaires en cette période estivale et après des campagnes présidentielle et législatives que nous savons tous harassantes.

Les débats ont été riches, et les parlementaires ont su faire vivre ce projet de loi important, qui marquera le début du mandat du Président de la République François Hollande et celui du gouvernement de Jean-Marc Ayrault. Je tiens à souligner ici que Jérôme Cahuzac et moi-même sommes très satisfaits du texte élaboré par la commission mixte paritaire, sur lequel nous n’aurons que des amendements rédactionnels à proposer.

Ce texte est donc une première étape importante dans la volonté de changement portée par le Président de la République, par Jean-Marc Ayrault et par son gouvernement : changement de politique, changement de méthode, changement de style, aussi. Les Français nous attendaient sur ces engagements, espérant leur mise en œuvre rapide. Sur ce point, nous les avons entendus et avons voulu répondre à leurs attentes.

Cette loi de finances rectificative constitue donc la première étape de notre politique économique, guidée par l’objectif de redressement des comptes dans la justice et voulue par le Président de la République. Il était indispensable – je n’ai cessé de le répéter ici – de tenir l’engagement de la France d’un déficit à 4,5 % du PIB pour l’année en cours. Or, sans ce projet de loi de finances rectificative, nous dérivions allègrement vers les 5 %. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Le respect de cette trajectoire était pour notre pays un impératif de crédibilité, qui doit se poursuivre par la cible des 3 % l’an prochain et de l’équilibre d’ici 2017. Cette politique doit nous permettre de retrouver une vraie liberté d’action, des marges de souveraineté ; elle nous permettra également de mettre pleinement en œuvre le changement. Je suis convaincu en effet que la maîtrise de la dette et la réduction des déficits sont la condition d’une réforme en profondeur de notre pays.

Il ne s’agit là bien sûr que d’une étape, mais d’une étape qui a un sens : ce texte replace en effet la justice au cœur de notre système fiscal. Il permet un ajustement des comptes publics, dans un objectif de crédibilité budgétaire et de changement. Il amorce aussi la réorientation des outils fiscaux en faveur de l’emploi, de l’investissement et, contrairement à ce que j’ai pu entendre ici ou là, du pouvoir d’achat pour le plus grand nombre.

En témoignent notamment l’abrogation de la TVA dite sociale, à propos de laquelle le rapporteur général a eu raison de rappeler qu’elle représentait une ponction de plus de 11 milliards d’euros sur le pouvoir d’achat des couches moyennes et populaires, ou la suppression des avantages consentis pour les heures supplémentaires.

Cela étant dit, j’entrerai dans le détail du processus législatif qui a permis de conforter ces objectifs globaux et de renforcer notre volonté de redressement dans la justice. À ce titre, je veux à nouveau saluer le travail tout à fait constructif qu’ont mené le Gouvernement et le Parlement. Tout, bien sûr, n’a pas été parfait dans ce PLFR…

M. Claude Goasguen. C’est bien de le reconnaître !

M. Pierre Moscovici, ministre. En effet, les impératifs du calendrier, nous ont, comme c’est trop souvent le cas, conduits à travailler dans l’urgence, mais de nombreux amendements sont venus enrichir ce projet de loi de finances rectificative.

Je pense notamment et en premier lieu à la suppression de la défiscalisation des heures supplémentaires, complément logique et nécessaire de la suppression des exonérations sociales, renforçant la cohérence du collectif.

Je pense également à l’adoption de mesures favorables aux sociétés coopératives et participatives, les SCOP, qui contribuera à soutenir ces structures, dont le Gouvernement souhaite le développement.

Mme Marie-Christine Dalloz. C’est de l’idéologie !

M. Pierre Moscovici, ministre. Ce n’est pas de l’idéologie, c’est de la bonne économie !

La discussion a par ailleurs permis des améliorations substantielles du texte sur la taxe de 3 % sur les distributions de dividendes.

La hausse de la fiscalité sur les retraites chapeaux a très utilement complété la réforme du forfait social proposée par le Gouvernement.

L’extension de l’assiette de la taxe sur les transactions financières permettra d’éviter les contournements. C’est une première étape, en attendant la mise en place d’une coopération communautaire renforcée, à laquelle nous travaillerons d’ici la fin de l’année.

Enfin, le doublement du taux de la taxe de risque systémique, dans le prolongement de la taxe exceptionnelle que le Gouvernement avait prévu d’appliquer en 2012, contribuera à la stabilisation de notre système financier en décourageant la prise de risque excessive des établissements bancaires.

Ces exemples d’amendements, parmi tant d’autres, témoignent de notre volonté d’avancer ensemble vers plus de justice sociale, fiscale, et économique.

Ce PLFR est une première étape, un premier élan, vers un projet global de redressement de notre économie, qui se déploiera sur l’ensemble de notre mandat. Avec Jérôme Cahuzac, je reviendrai devant vous à la rentrée pour vous présenter notre feuille de route fiscale pour les semaines, les mois et les années à venir. Elle s’inscrit dans une politique résolument réformiste.

Le mouvement amorcé par ce collectif budgétaire sera en effet poursuivi par la mise en place d’un nouveau cadre des finances publiques. Sous réserve de la décision du Conseil constitutionnel à venir en août, celui-ci se composera du projet de loi de ratification du traité européen sur la stabilité, la coordination et la gouvernance, des conclusions du Conseil européen et d’un projet de loi organique mettant en œuvre ce traité. Viendront ensuite le projet de loi de programmation des finances publiques et le projet de loi de finances pour 2013, le tout dessinant un ensemble cohérent.

Ce PLF sera notamment l’occasion de proposer aux Français d’aller plus loin et plus vite encore dans la réforme de notre fiscalité, vers plus de justice, plus d’équité, mais également dans un sens favorisant l’emploi et l’investissement, car, je le répète, l’économique et le social se rejoignent et se recoupent.

La défense du pouvoir d’achat, une fiscalité juste, la compétitivité des entreprises, l’emploi seront quelques-uns des thèmes que j’aurai l’occasion – et le plaisir – de défendre avec le ministre du budget devant vous et devant tous les Français, dès la rentrée.

Voilà, mesdames et messieurs les députés, les messages simples que je souhaitais vous délivrer aujourd’hui. Un message de remerciement pour le travail accompli, qui est un travail lourd et rude, pour le Gouvernement comme pour les parlementaires et pour tous nos collaborateurs, que je salue ici ainsi que leurs familles. Le projet de loi de finances rectificative est une première étape importante pour l’assainissement des comptes et la reconstruction d’une société plus juste, et mon second message est un message de mobilisation pour les réformes qu’il nous reste à mettre en œuvre. Le chemin est encore long, c’est celui d’une mandature, mais je le crois à la fois juste, cohérent, sérieux et ambitieux. Je vous invite donc à approuver ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Patrick Lemasle. Nous le ferons !

M. le président. La parole est à M. le président de la commission mixte paritaire.

M. Gilles Carrez, président de la commission mixte paritaire. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, alors que la discussion de ce collectif s’achève, le sentiment qui s’impose à nous est un sentiment de frustration.

Mme Marie-Christine Dalloz. Bravo !

M. Patrick Lemasle. C’est dur à vivre !

M. Gilles Carrez, président de la commission mixte paritaire. Frustration, car ce collectif détruit en réalité beaucoup plus qu’il ne construit. L’annulation d’un certain nombre de réformes pourtant importantes, n’est accompagnée d’aucune proposition. Alors qu’en ce début de législature nous devrions connaître la stratégie du Gouvernement et de sa majorité, ainsi que les objectifs qu’ils entendent poursuivre, vous venez à l’instant, monsieur le ministre, de nous apporter la démonstration qu’il fallait attendre la rentrée pour que soient formulés les choix essentiels.

Mme Marie-Christine Dalloz. La concertation !

M. Gilles Carrez, président de la commission mixte paritaire. Autrement dit, en ce 31 juillet, alors que nous allons nous séparer dans quelques heures, on peut se demander à quoi aura servi cette session extraordinaire.

Plusieurs députés du groupe UMP. À rien ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Gilles Carrez, président de la commission mixte paritaire. Ma déception principale, monsieur le ministre, porte sur l’article 1er. En effet, nous avions, à la fin de la précédente législature, engagé courageusement même si trop tardivement la réforme du financement de la protection sociale. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.) Car on ne peut plus continuer à faire peser sur les seules entreprises françaises et sur le travail fait en France l’intégralité du financement de la sécurité sociale.

M. Patrick Lemasle. L’élection présidentielle a tranché !

M. Gilles Carrez, président de la commission mixte paritaire. Et croyez-moi, monsieur le ministre, cela avait beaucoup de sens de supprimer les 5,4 points de cotisations patronales finançant les allocations familiales. Pourquoi demander au travail des Français et à nos entreprises de financer une politique de solidarité nationale qui est une politique universelle ?

Certes, à l’époque, j’avais été le premier à dire que nous aurions pu mieux cibler la suppression de ces 5,4 points. Nous aurions pu, c’est vrai, le cibler davantage sur nos industries, qui sont en grande difficulté dans la compétition mondiale. Mais l’essentiel, c’est que nous avons eu le courage d’engager cette réforme.

Or, vous la mettez à bas parce que vous n’êtes pas d’accord – ce que l’on peut comprendre – avec le mode de financement alternatif. Nous avions choisi la TVA antidélocalisations, la CSG sur le patrimoine. Vous exprimez votre désaccord, certes, mais vous ne proposez rien,...

Plusieurs députés du groupe UMP. Rien !

M. Gilles Carrez, président de la commission mixte paritaire. …alors que chaque mois l’on compte 30 000 chômeurs supplémentaires ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

Vous ne proposez pas d’améliorer les marges de nos entreprises et vous ne proposez rien pour essayer de redresser l’emploi.

Mme Marie-Christine Dalloz. Non, rien de rien !

M. Gilles Carrez, président de la commission mixte paritaire. Vous vous contentez de renvoyer à plus tard.

Pis, vous amusez nos concitoyens. Vous leur dites : « Dormez tranquilles ! Partez en vacances tranquilles, car il n’y aura pas de TVA, même pas de CSG ! » Ce n’est pas sérieux, ce n’est pas raisonnable de masquer à ce point la vérité.

Je vous le répète à nouveau, monsieur le ministre, n’oubliez jamais que, parmi les choix que vous serez inévitablement conduit à faire cet automne, celui de la TVA a un mérite : elle frappe les produits importés (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP) tandis que la CSG pèse sur le pouvoir d’achat des plus modestes.

M. Philippe Vigier. C’est vrai !

M. Gilles Carrez, président de la commission mixte paritaire. Le deuxième désaccord porte sur la suppression de l’exonération des heures supplémentaires.

J’ai écouté avec beaucoup d’attention les développements de notre collègue Pierre-Alain Muet…

M. Dominique Baert. Et ce n’est pas fini ! Nous allons continuer !

M. Gilles Carrez, président de la commission mixte paritaire. Je sais qu’il est sincère et, d’une certaine manière, je partage son point de vue, car nos discussions sur l’exonération et l’encouragement des heures supplémentaires ou sur la mise en place d’une meilleure indemnisation du chômage partiel en période de chômage ou de détérioration de l’emploi sont légitimes.

Ce que nous vous reprochons, c’est la brutalité et l’esprit de revanche avec lesquels vous supprimez d’un seul coup 500 euros de pouvoir d’achat aux salariés les plus modestes de notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Charles de Courson. Eh oui !

M. Patrick Lemasle. C’est faux !

M. Gilles Carrez, président de la commission mixte paritaire. Pour montrer à quel point vous avez été mal à l’aise d’un bout à l’autre de la discussion, vous l’avez abordée en masquant les choses et ce n’est que petit à petit, grâce au travail de l’opposition, que vous avez été obligés de dévoiler la vérité aux Français : ce ne sont pas les avantages aux entreprises qui sont repris, ce sont les avantages aux salariés…

M. Guy Geoffroy. Eh oui !

M. Gilles Carrez, président de la commission mixte paritaire. Des avantages en cotisations sociales, mais aussi en termes d’impôt sur le revenu, que vous avez essayé de masquer jusqu’au dernier moment.

Vous prenez un risque économique, car, comme vous l’affirmez tous à juste titre, la consommation est probablement le moteur le plus efficace de notre économie. Mais qui consomme, sinon tout particulièrement les salariés modestes ? Comment feront-ils avec 500 euros de pouvoir d’achat en moins ? (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Claude Goasguen. Quelle injustice !

M. Gilles Carrez, président de la commission mixte paritaire. Par ailleurs, mes chers collègues, vous commettez, mais c’est votre problème, une profonde erreur politique.

M. Patrick Lemasle. C’est vous qui l’avez commise, l’erreur !

M. Gilles Carrez, président de la commission mixte paritaire. Cette décision va vous être reprochée pendant des mois et des mois. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

C’est une réforme à effet progressif et politiquement néfaste, car, peu à peu, nos concitoyens vont se rendre compte de la réalité et vous reprocheront de ne pas leur avoir dit les choses en face. C’est, je le répète, une erreur politique de votre part.

Je conclurai sur une incompréhension budgétaire. Vous avez maintenu, avec raison, les règles de bonne gouvernance que nous nous étions fixées sous la précédente législature, ce que l’on appelle dans le jargon budgétaire le « zéro valeur » et le « zéro volume ». Je porte à votre crédit le fait que vous annulez les 700 millions d’euros d’économies sur la dette au bénéfice de la réduction du déficit. C’est très bien.

De même, vous financez par redéploiement les 90 millions d’euros de dépenses supplémentaires au titre des recrutements dans l’enseignement. Très bien, là aussi, puisque vous respectez les règles. Mais pourquoi n’allez-vous pas jusqu’au bout ? Pourquoi créez-vous 400 millions d’euros de dépenses supplémentaires sèches avec la majoration de l’allocation de rentrée scolaire ? Là encore, vous agissez, selon votre méthode, de façon dissimulée car, comme cela ne relève pas du budget de l’État mais des caisses d’allocations familiales, vous vous flattez de tenir la dépense d’un côté, alors que, de l’autre, vous créez 400 millions d’euros de charges nouvelles. Vous ne respectez pas la règle dont vous prétendez être les dépositaires.

M. Patrick Lemasle. Et la TVA sur la restauration, comment était-elle gagée ?

M. Gilles Carrez, président de la commission mixte paritaire. Vous allez en outre décourager la valeur travail avec la suppression des heures supplémentaires défiscalisées (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) et,avec la réforme profonde de l’aide médicale d’État, vous allez ouvrir les vannes d’un système d’assistance qui me paraît particulièrement injuste.

M. Marc Le Fur. Et qui sera un gigantesque appel d’air pour l’immigration irrégulière !

M. Gilles Carrez, président de la commission mixte paritaire. Dans l’opposition, notre position a toujours été la suivante : il faut soigner les étrangers en situation irrégulière, notamment les enfants. Nous l’avons toujours affirmé et, ces dix dernières années, nous avons vu constamment se développer l’aide médicale d’État.

Nous avons essayé, en même temps, d’introduire quelques éléments de régulation, certes modestes. Nous l’avons fait d’abord dans un souci de justice. Trouvez-vous juste, monsieur le ministre, alors que nos concitoyens dépendant de la CMU et les étrangers en situation régulière doivent payer une franchise de 50 euros…

M. Marc Le Fur. Et les retraités !

M. Gilles Carrez, président de la commission mixte paritaire. …et, pour certains soins, bénéficier d’une entente préalable. Pour les étrangers en situation irrégulière, en revanche, il n’y aura ni franchise ni forfait ni agrément préalable.

M. Guy Geoffroy. C’est insupportable !

M. Gilles Carrez, président de la commission mixte paritaire. De surcroît, et vous ne l’avez pas souligné tout à l’heure, un amendement a été adopté en commission mixte paritaire offrant à toutes les associations et à tous les CCAS la possibilité d’ouvrir des dossiers.

M. Claude Goasguen. Incroyable !

M. Gilles Carrez, président de la commission mixte paritaire. Je voudrais que vous méditiez ces chiffres : dans le budget 2002, soit le dernier budget du gouvernement Jospin, apparaît pour la première fois la ligne « Aide médicale d’État ». Elle est dotée, dans cette loi de finances initiale de 2002, de 62 millions d’euros. Or le montant de son exécution en 2002 s’élève à plus de 400 millions d’euros.

Je le dis du haut de cette tribune, je vous donne rendez-vous au début de l’année prochaine. Il y aura une dérive et nous passerons probablement de 600 millions à 1 milliard d’euros !

Bref, vous faites preuve d’une véritable irresponsabilité budgétaire doublée d’une grande injustice. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Charles de Courson. C’est vrai !

M. Gilles Carrez, président de la commission mixte paritaire. Messieurs les ministres, ce collectif est sans souffle, sans projet. Il est avant tout animé par l’esprit de revanche. Il est injuste pour les salariés modestes et il ôte tout espoir à l’ensemble de nos entreprises, notamment aux petites et moyennes entreprises en difficulté.

Messieurs les ministres, chers collègues de la majorité, vous allez regretter ce collectif. Vous vous demanderez pendant longtemps pourquoi vous avez perdu tant de temps en ce début de législature alors que l’économie et la société française appelaient l’urgence ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Pour terminer sur une note plus positive, je m’associe à tous les remerciements. Je vous remercie particulièrement, mes chers collègues de la majorité et de l’opposition d’avoir été si présents dans ces débats. Je remercie également l’ensemble du personnel de l’Assemblée nationale. Je remercie M. le rapporteur général de la qualité du travail que nous avons mené en commun, ainsi que MM. les ministres et leurs collaborateurs. A tous, je souhaite un bon repos ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Pierre-Alain Muet, pour un rappel au règlement.

M. Pierre-Alain Muet. Monsieur le président, je suis surpris des propos du président de la commission des finances.

Nous avons eu, hier, une longue discussion en commission mixte paritaire. On s’attendrait donc à ce que M. Carrez, qui présidait cette commission, nous en explique la teneur.

M. Marc Le Fur. Ce n’est pas son rôle ! C’est au rapporteur général de le faire !

M. Pierre-Alain Muet. M. Carrez ne l’a pas fait. Et puisqu’il commençait son propos par la question : « À quoi sert ce collectif budgétaire ? », je lui répondrai en quelques mots. Ce collectif efface une mesure, absurde dans la conjoncture actuelle, qui visait à augmenter de 10,5 milliards les prélèvements sur les ménages avec la TVA sociale.

M. le président. Monsieur Muet, il ne s’agit pas d’un rappel au règlement.

M. Pierre-Alain Muet. Il efface un processus de destruction massive de l’emploi.

M. le président. Monsieur Muet, vous intervenez sur le fond.

M. Pierre-Alain Muet. Il efface une injustice que vous avez créée il y a un an en divisant par deux l’impôt sur les sociétés. Voilà à quoi a servi ce collectif ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Ce n’était pas un rappel au règlement.

Motion de rejet préalable

M. le président. J’ai reçu de M. Jean-Louis Borloo et des membres du groupe Union des démocrates et indépendants une motion de rejet préalable déposée en application de l’article 91, alinéa 5, du règlement.

La parole est à M. Philippe Vigier, pour une durée ne pouvant excéder quinze minutes.

M. Philippe Vigier. Monsieur le président, messieurs les ministres, chers collègues, je voudrais d’abord dire à Pierre-Alain Muet, que j’écoute toujours avec beaucoup d’attention, que ce n’est pas le travail du président de la commission des finances d’expliquer ce qui s’est passé en commission mixte paritaire. C’est le rôle du rapporteur général. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Messieurs les ministres, le projet de loi de finances rectificative pour 2012 dont nous achevons aujourd’hui l’examen est entaché de trois fautes qui marqueront d’une empreinte indélébile le quinquennat de François Hollande.

Vous commettez d’abord une faute sociale en vous attaquant au pouvoir d’achat des Françaises et des Français, avec la suppression des heures supplémentaires défiscalisées.

M. Christian Eckert, rapporteur de la commission mixte paritaire. Et la TVA sociale ?

M. Philippe Vigier. Je me souviens de vos propos de 2007, monsieur Eckert. Laissez-nous libres de notre sentiment et de notre analyse de votre politique !

Vous avez décidé de revenir sur l’intégralité des allégements de charges sur les heures supplémentaires dont bénéficiaient les salariés depuis 2007. C’est votre choix, et nous le respectons.

Vous avez également supprimé les allégements de cotisations patronales, sauf pour les entreprises de moins de vingt salariés.

Aveuglés par l’idéologie partisane dont vous avez fait votre cheval de bataille, vous entrez en guerre contre l’héritage de la majorité précédente. Je tiens à vous dire solennellement que vous vous trompez de combat et que vous êtes en réalité entrés en guerre contre le pouvoir d’achat des 9,2 millions de salariés qui bénéficiaient de ce dispositif, pour un gain moyen de 500 euros net par an !

De toute façon, monsieur Muet, les Français verront leur feuille de paie dans quelques semaines. Il y aura moins d’heures supplémentaires, plus d’impôts à payer et, au final, moins de pouvoir d’achat.

M. Marc Goua. Mais non !

M. Philippe Vigier. Rassurez-vous, dans quelques semaines, les Français comprendront ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Les premiers touchés seront les plus modestes, puisque quatre personnes sur dix qui font régulièrement des heures supplémentaires sont des ouvriers.

Vous trahissez la fonction publique que vous prétendez défendre ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) Car les fonctionnaires des fonctions publiques d’État, territoriale et hospitalière sont aussi concernés par la suppression de ce dispositif. Je peux apporter le témoignage d’infirmières de blocs opératoires qui m’ont expliqué que, pendant l’été, on leur avait demandé de travailler plus. Elles l’ont fait volontairement, mais je ne suis pas certain qu’elles le refassent si, demain, leur feuille de paie est amputée de plusieurs centaines d’euros…

M. Patrick Lemasle. Les heures supplémentaires sont tout de même payées !

M. Philippe Vigier. Nous verrons l’année prochaine !

M. Dominique Baert. Manipulateur !

M. Philippe Vigier. Absolument pas. C’est la vérité !

Vous trahissez vos propres engagements. Tout à l’heure, Pierre Moscovici me rappelait, lorsque j’ai posé la question sur le blocage du prix de l’essence, que je connaissais bien le programme de François Hollande. Il est vrai que je l’ai beaucoup lu. C’est un peu notre feuille de route… Et ce n’est pas moi qui ai rédigé la proposition 34, où il est écrit noir sur blanc que les salariés des petites entreprises bénéficieront toujours de l’exonération fiscale des heures supplémentaires. Oui ou non, cette promesse a-t-elle été tenue ? Non, elle n’a pas été tenue, elle a été abandonnée.

En outre, vous alourdissez la facture avec l’augmentation des prélèvements sociaux qui pèsera sur les classes moyennes, et le relèvement du taux du forfait social qui va durement pénaliser les salariés touchant un intéressement sur les résultats de leur entreprise.

La deuxième faute majeure que vous commettez avec ce projet de loi de finances rectificative est le coup de canif que vous vous apprêtez à porter à notre compétitivité en supprimant l’abaissement des charges pesant sur les coûts du travail, décidé par la précédente majorité.

Plus personne ne peut nier que le coût du travail, élevé, handicape nos entreprises dans la compétition mondiale.

Ni le Président de la République, qui déclarait, lors de la conférence sociale des 9 et 10 juillet derniers, qu’il considérait « nécessaire une réforme du mode de financement de la protection sociale pour qu’il ne pèse pas seulement sur le travail pour les entreprises les plus exposées à la mondialisation »,…

M. Patrick Lemasle. Pas avec la TVA sociale !

M. Philippe Vigier. …ni Pierre Moscovici, qui déclarait le 8 juillet qu’il ne fallait « pas davantage alourdir le coût du travail ».

M. Patrick Lemasle. Pas avec la TVA sociale !

M. Philippe Vigier. Comme vous le voyez, je prends mes références chez les vôtres, vous ne pouvez pas me le reprocher.

Nous avons eu le courage, même si ce n’était pas votre voie, d’engager un changement structurel avec la mise en place de la TVA emploi, qu’avec Charles de Courson nous avons réclamée pendant quatre ans au gouvernement précédent et sur laquelle vous venez de revenir.

Vous privez nos entreprises d’un avantage décisif, puisque les produits fabriqués en France auraient pu voir leur prix baisser sur le marché national et à l’exportation, tandis que les produits importés, eux, seraient devenus plus chers.

Cela signifie que, malheureusement, notre pays ne bénéficiera pas de l’avantage de cette TVA emploi.

En outre, vous avez menti lorsque vous avez dit aux Français que les produits de première nécessité seraient concernés par cette mesure. Vous avez menti, car vous avez dit que cette TVA minerait le pouvoir d’achat et qu’1,6 % d’augmentation de TVA, c’était 1,6 % de pouvoir d’achat en moins, ce qui est faux. Par idéologie, et par idéologie seulement, vous tournez le dos à la compétitivité en supprimant cette TVA emploi.

Pourtant, l’un des vôtres, Manuel Valls, ne nous parlait en 2011 que de la TVA emploi. Je vous donnerai les références. C’était la meilleure solution, disait-il, pour « sauvegarder notre système de protection sociale, servir au réarmement industriel du pays et créer 60 000 emplois par an. »

M. Patrick Lemasle. Tout le monde peut se tromper !

M. Philippe Vigier. Dès lors, quel choix allez-vous faire ? Comme l’a très bien dit le président de la commission des finances, ce qui nous navre, c’est qu’il n’y a pas de choix et que nous sommes dans l’attente.

M. Patrick Lemasle. Faites du camping ! (Sourires.)

M. Philippe Vigier. Malheureusement, dans la compétition mondiale, l’attente est très mauvaise conseillère, car l’immobilisme d’aujourd’hui sera le déclin de demain.

La dernière faute que vous avez commise réside dans votre refus persistant d’envisager des réformes structurelles de réduction des dépenses publiques.

Après avoir écouté Pierre Moscovici, je m’interroge : refusez-vous encore d’inscrire une règle d’équilibre budgétaire dans la Constitution, afin que les gouvernements, quelles que soient les alternances politiques, soient engagés par l’objectif intangible de mettre fin à la spirale de l’endettement ?

Je m’étonne, d’ailleurs, de voir la majorité socialiste faire preuve d’une imagination à toute épreuve lorsqu’il s’agit de faire évoluer notre Constitution par l’inscription du principe de laïcité – pourquoi pas ? –, par la suppression du mot « race », par le droit de vote accordé aux étrangers ou encore par la consécration du dialogue social, mais ne dire mot dès qu’il s’agit de bonne gestion des finances publiques. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Patrick Lemasle. Vous ne savez pas lire !

M. Philippe Vigier. Cette règle d’or, dans la Constitution, répondrait pourtant à une exigence simple, selon laquelle nous n’avons pas le droit de faire peser le poids de la dette sur nos enfants.

Cette exigence doit dépasser les clivages traditionnels. Les socialistes allemands et espagnols ainsi que la droite portugaise ont déjà su mettre de côté leurs divergences pour faire front commun face à la crise et permettre, dans leurs pays respectifs, l’adoption de cette règle d’or.

Au nom du groupe Union des démocrates et indépendants, je réaffirme solennellement qu’il est impératif que la France se dote d’une règle d’or. Vous vous seriez grandis en souscrivant à cette exigence absolue.

Je le dis sans détour : ne pas assumer un discours de vérité et ne pas avoir le courage de prendre des décisions difficiles nous contraindra à abandonner notre souveraineté budgétaire dans la douleur et à assumer des choix économiques et sociaux d’une violence inouïe.

M. Patrick Lemasle. Ça n’a rien à voir !

M. Philippe Vigier. Enfin, ce projet de loi de finances rectificative pour 2012 ne prévoit aucun effort en matière de réduction des dépenses publiques. En effet, les 7,2 milliards d’euros d’impôts supplémentaires de cette année et les 6,1 milliards d’impôts annoncés pour 2013 pèseront à 53 % sur les ménages et à 47 % sur les entreprises.

M. Patrick Lemasle. Moitié moitié !

M. Philippe Vigier. Nous attendons toujours les réformes structurelles visant à réduire les dépenses publiques, qui sont pourtant essentielles pour honorer les engagements pris par le Président de la République de ramener le déficit public à 4,5 % du PIB en 2012 et 3 % en 2013.

Le groupe Union des démocrates et indépendants considère en effet que seules des réformes structurelles permettront d’engager une dynamique vertueuse et de construire une France socialement plus juste, fiscalement plus équitable et économiquement plus forte, prête à relever les défis de demain.

La révision générale des politiques publiques doit impérativement être amplifiée et accompagnée d’une révision générale des politiques locales. L’intervention d’ensemble de la sphère publique doit être repensée, avec l’exigence d’une efficacité totale, afin que chaque euro dépensé soit un euro utile.

Il n’y aura pas, non plus, de désendettement sans croissance. C’est pourquoi il est urgent que la France mette en œuvre les réformes nécessaires pour retrouver une compétitivité économique, préserver nos emplois, muscler notre outil de production et protéger les intérêts de nos entreprises comme de nos salariés dans la mondialisation.

C’est dans ce sens que le groupe Union des démocrates et indépendants œuvrera lors des prochains budgets et, naturellement, pour le budget 2013.

Vous vous étiez engagés à redresser la France dans la justice. Le groupe Union des démocrates et indépendants craint que ce présent projet de loi de finances rectificative marque, en réalité, le déclin dans l’injustice.

C’est la raison pour laquelle nous voterons résolument contre et c’est pourquoi je vous demande, au nom du groupe que je représente, d’adopter cette motion de rejet préalable... (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)

M. Patrick Lemasle. Nous ne le ferons pas !

M. Philippe Vigier. …et je me permets de souhaiter un très bon été à chacune et chacun d’entre vous.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé du budget.

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué chargé du budget. Le Gouvernement, naturellement, ne souhaite pas que l’Assemblée nationale suive l’orateur dans les demandes qu’il vient d’effectuer, même si je comprends qu’elles émanent, sous cette forme, du député Philippe Vigier.

Au fond, au terme de ces débats, aussi bien à l’Assemblée qu’au Sénat, l’opposition reproche à la majorité et au Gouvernement de ne pas avoir fait en huit semaines ce que le précédent Gouvernement a peu, pas ou mal fait en cinq ans.

M. Patrick Lemasle. Voire dix ans !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Vous nous reprochez, à l’occasion de la première loi de finances, de ne pas prendre de mesures en faveur de la compétitivité. Vous êtes dans votre rôle d’opposants, mais je pourrais vous rappeler qu’il vous a fallu, pour imaginer qu’il en fallait, presque cinq ans et un déficit du commerce extérieur de près de 70 milliards d’euros, quand celui-ci était excédentaire en 2001.

Je comprends votre impatience au regard de ce que certains pourraient juger être des insuffisances de la majorité précédente, mais ce n’est pas en reprochant à ce gouvernement, bien inutilement et de manière bien peu objective, à l’occasion de ce projet de loi de finances, de ne pas faire ce que vous-mêmes n’avez pas entrepris que vous convaincrez que votre bilan, que vous êtes en droit de défendre, est bon, ni que l’éventuel projet alternatif que vous finirez par élaborer, sera convaincant.

Quant à refuser de voter en renvoyant, d’une manière ou d’une autre, ce qui ressort des travaux de la commission mixte paritaire, là encore, il est peu surprenant que vous appeliez à cette conclusion ; il ne l’est pas davantage que j’appelle à la conclusion inverse.

Il me semble qu’en deux semaines le Parlement a bien travaillé et que le Gouvernement a respecté le Parlement, en lui laissant le temps d’étudier et d’amender, le cas échéant, cette loi de finances rectificative.

M. Rémi Delatte. Ce n’est pas ce qu’a dit le rapporteur !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Vous êtes membre de la commission des finances depuis longtemps, monsieur Vigier. Je n’ai nul besoin de vous rappeler ce qu’ont pu être les temps d’étude, de travail et de réflexion pour les parlementaires à l’occasion des lois de finances, initiales ou rectificatives, sous la précédente législature.

Le Gouvernement a fait ce qu’il devait, en respectant le Parlement, et le Parlement a fait ce qu’il souhaitait, en amendant. La majorité, ici et là, s’est exprimée. La commission mixte paritaire a conclu positivement.

Le Gouvernement souhaite donc, évidemment, que cette motion soit rejetée et que l’Assemblée nationale, pour sa part, approuve le projet tel qu’il ressort des travaux conjoints de cette commission mixte paritaire pour, ensuite, aller le défendre, dans les mêmes termes, devant la deuxième chambre de notre Parlement qu’est le Sénat (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

M. le président. La parole est à M. Pierre-Alain Muet, pour une explication de vote au nom du groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Pierre-Alain Muet. M. Vigier vient de défendre une motion de rejet préalable. Mais à quoi ressemblerait la rentrée si ce collectif budgétaire n’existait pas ?

Ce serait d’abord un prélèvement sans précédent sur les ménages par la hausse de 10,5 milliards de la TVA. Je vous le demande, mes chers collègues, notamment à droite : croyez-vous que ce soit le moment, dans la situation actuelle de notre économie, de faire un prélèvement de 10 milliards sur les ménages, prélèvement qui va casser un peu plus le seul moteur qui existe : la consommation ? (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Guy Geoffroy. Et la fiscalisation des heures supplémentaires ? Quelle incohérence !

M. Pierre-Alain Muet. Je vais y venir. Croyez-vous que ce soit le moment de faire un tel prélèvement, au demeurant injuste car il représentera, pour chacun des 28 millions de ménages français, 400 euros ?

Si ce collectif n’existait pas, nous assisterions en outre au maintien de cette arme de destruction massive de l’emploi, que la France est le seul pays à avoir mis en œuvre, et qui est la subvention des heures supplémentaires !

M. Alain Chrétien. Dites plutôt : le seul pays à avoir mis en œuvre les 35 heures !

M. Pierre-Alain Muet. Cette subvention n’a aucun effet sur le revenu global, car ce qui est gagné sur ceux qui ont un emploi est perdu par ceux qui se retrouvent au chômage.

M. Guy Geoffroy. Mais non !

M. Guy Teissier. C’est Alice au pays des merveilles !

M. Pierre-Alain Muet. Troisièmement, il y aurait une rentrée scolaire qui ressemblerait aux autres, c’est-à-dire avec une école privée des moyens de faire réussir tous les élèves. Dans ce domaine aussi, ce collectif budgétaire change les choses.

Quatrièmement, je citerai le maintien de ce cadeau indécent, que vous avez fait il y a un an en divisant par deux l’ISF, soit deux milliards d’euros.

M. Guy Teissier. Ça doit en toucher quelques-uns d’entre vous !

M. Pierre-Alain Muet. Ce collectif budgétaire corrige ces quatre injustices, ces quatre erreurs. Il rétablit la justice fiscale, redonne priorité à l’école et redonne priorité à l’emploi. C’est la première marche vers un changement radical de politique économique. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson, au nom du groupe Union des démocrates et indépendants.

M. Charles de Courson. Je suis très étonné de certains propos tenus par l’actuelle majorité car, au fond, notre collègue Philippe Vigier n’a fait que rappeler un certain nombre de vérités.

Je voudrais répondre à notre collègue du parti socialiste. Il oublie que la mesure sur les heures supplémentaires avait deux objectifs, un objectif économique et un objectif social.

L’objectif économique n’a pas été atteint. Pourquoi ? Parce qu’un an plus tard, la crise se déclenchait. Et que voit-on ? Que, grosso modo, les heures supplémentaires ont légèrement baissé, puis sont un peu remontées après, bref qu’elles sont à peu près stagnantes.

M. Patrick Lemasle. Effet d’aubaine !

M. Charles de Courson. Mais, monsieur Muet, il y avait un autre objectif, qui était un objectif de pouvoir d’achat à l’égard des salariés modestes et moyens. Et celui-là a été atteint.

Ce que vous oubliez de rappeler, c’est que l’addition de l’avantage fiscal et de l’avantage social représente 1,2 point de pouvoir d’achat supplémentaire pour neuf millions de salariés. Et, d’un trait de plume, vous supprimez ces avantages à neuf millions de personnes ! Et vous défendez le pouvoir d’achat, monsieur Muet ? Mais vous n’êtes pas raisonnable ! Neuf millions !

M. Pierre-Alain Muet. Il y a 28 millions de ménages !

M. Charles de Courson. Vous dites que vous évitez le financement de la TVA anti-délocalisation, mais je me permets de vous rappeler qu’elle n’était pas entrée en vigueur. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Votre raisonnement ne tient donc pas.

D’autre part, vous qui avez été professeur d’économie, vous pourriez tout de même rappeler que cette mesure, que vous y soyez favorable ou non, a pour objet d’augmenter le nombre d’emplois en France. Vous ne raisonnez qu’à court terme, alors qu’il faut raisonner à long terme. Or tous les modèles économiques, y compris keynésiens, montrent qu’il y a un effet sur l’emploi, même si on peut en discuter l’ampleur.

M. le président. Monsieur de Courson, il faut conclure.

M. Charles de Courson. Et vous ne tenez absolument pas compte de la distribution de pouvoir d’achat liée à cette mesure. Il faut donc soutenir la motion Vigier. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Hervé Mariton. Je soutiendrai brièvement la motion, pour des raisons exactement inverses de celles évoquées par notre collègue Pierre-Alain Muet.

Ce collectif est une erreur économique, cela a été dit et sera redit encore dans les minutes qui viennent.

M. Jean-Louis Gagnaire. Vous parlez en expert !

M. Hervé Mariton. C’est aussi une erreur sociale. C’est surtout – ce n’est pas de dont on a le plus parlé, mais c’est le plus grave – une erreur stratégique, vis-à-vis de nos partenaires européens comme de tous ceux qui nous observent dans le monde.

Ce texte, d’apparence modeste, est en réalité une erreur grave, qui coûtera aux Français, à notre pays et à notre crédit, aujourd’hui et dans la durée.

Dès lors, le plus simple, c’est de voter la motion de rejet. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

(La motion de rejet préalable, mise aux voix, n’est pas adoptée.)

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à Mme Marie-Christine Dalloz.

Mme Marie-Christine Dalloz. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué chargé du budget, monsieur le président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, ce projet de loi de finances rectificative n’est pas une bonne nouvelle pour l’ensemble de nos concitoyens, et plus particulièrement pour les classes moyennes comme pour les entreprises françaises. Je dirais même que ce texte est marqué du sceau de trois erreurs.

Votre première erreur stratégique consiste à augmenter les impôts plutôt que baisser les dépenses.

Chers collègues du groupe SRC, je regrette que vous quittiez l’hémicycle en nombre : vous êtes pourtant concernés au premier chef par mes propos !

Personne ne nie, notamment du fait de la dégradation de la croissance et de la création de nouvelles dépenses publiques, que nous soyons dans l’obligation de trouver plus de 7 milliards d’euros pour respecter notre objectif de 4,5 % de déficit en 2012.

M. Christian Eckert, rapporteur de la commission mixte paritaire. La faute à qui ?

Mme Marie-Christine Dalloz. La conjoncture y est peut-être aussi pour quelque chose !

Mais ce qui est inexcusable, monsieur le rapporteur général, c’est de faire porter cet effort pour près de 90 % sur l’augmentation des impôts, et pour seulement 10 % sur la baisse des dépenses publiques.

Ce choix de l’impôt est incompréhensible alors que nous avons l’un des taux de prélèvements obligatoires les plus forts de l’OCDE – 44 % du PIB contre 39,5 % en Allemagne –…

M. Yann Galut. Et la TVA sociale, ce n’était pas un impôt, peut-être ?

Mme Marie-Christine Dalloz. …et que notre niveau de dépenses publiques est le plus élevé de la zone euro – 56 % du PIB contre 48 % en moyenne dans les autres pays. L’audit de la Cour des comptes, rendu public lundi 2 juillet, affirmait d’ailleurs, je cite, que « les ajustements budgétaires devront en priorité porter sur les dépenses » et que « le poids des dépenses publiques peut être réduit sans remettre en cause la qualité des services publics, grâce à des gains d’efficience collective. »

M. Christian Eckert, rapporteur de la commission mixte paritaire. C’est vite dit !

Mme Marie-Christine Dalloz. Par la Cour des comptes, tout de même !

Augmenter encore les impôts dans un pays où la pression fiscale est déjà trop forte,…

M. Christian Eckert, rapporteur de la commission mixte paritaire, et M. Yann Galut. Ce dont vous êtes responsables !

Mme Marie-Christine Dalloz. …c’est prendre le risque de casser l’activité économique. Telle est pourtant la décision de François Hollande.

Augmenter les impôts, c’est une solution de facilité, c’est une marque d’absence de courage politique. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean-Louis Gagnaire. On a vu ce que vous avez fait pendant cinq ans !

Mme Marie-Christine Dalloz. Il est tellement plus difficile de couper dans les dépenses ! Mais il est vrai que le gouvernement socialiste a préféré créer de nouvelles dépenses avant les élections législatives : augmentation de 25 % de l’allocation de rentrée scolaire, coup de pouce au SMIC, retour partiel à la retraite à soixante ans, et j’en passe…

M. Yann Galut. Autant de réformes pour lesquelles les Français ont élu le Président de la République !

Mme Marie-Christine Dalloz. Aujourd’hui, les élections sont passées et vous présentez la facture aux Français. (Approbation sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Alain Chrétien. Sept milliards d’euros !

Mme Marie-Christine Dalloz. Ce qui inquiétant, c’est que le rythme de la progression des impôts ne risque pas de ralentir dans les cinq prochaines années. Sur un tableau rendu public mercredi 4 juillet par le Gouvernement figure la trajectoire de hausse des impôts jusqu’à la fin du quinquennat. On y lit qu’en 2017 le taux des prélèvements obligatoires sera égal à 46,5 % de la richesse nationale, niveau inédit dans l’histoire de la France. Vous en porterez la responsabilité.

M. Yann Galut. Pour rembourser vos dettes !

Mme Marie-Christine Dalloz. Vous faites une deuxième erreur stratégique dans le cadre de ce collectif : vous matraquez les classes moyennes et vous dévalorisez le travail.

Vous affirmez que seuls les plus riches vont payer la note. C’est un écran de fumée car la vérité, c’est que les classes moyennes et les salariés vont largement contribuer.

Avec la taxation des heures supplémentaires, que nous avions défiscalisées, neuf millions de salariés perdront en moyenne 500 euros par an. (« C’est faux ! » sur plusieurs bancs du groupe SRC.) Ce ne sont pas les cadres qui bénéficient des heures supplémentaires mais bien les ouvriers que vous avez trahis. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Yann Galut. Vous allez nous faire pleurer !

Mme Marie-Christine Dalloz. Ces heures supplémentaires concernent aussi les employés, y compris ceux des très petites entreprises, ou encore les enseignants. Tous auront une très mauvaise surprise sur leur feuille d’impôt comme sur leur feuille de paye. (Approbation sur les bancs du groupe UMP. - Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Alain Chrétien. Et ils ne seront pas contents du tout !

Mme Marie-Christine Dalloz. De plus, le principe d’égalité des citoyens devant l’impôt se trouve remis en cause par votre différence de traitement entre les salariés et agents publics dont le temps de travail n’est pas annualisé et ceux dont le temps de travail est annualisé.

Il y a aussi la taxe sur les produits pétroliers de 550 millions d’euros qui sera répercutée immédiatement à la pompe et donc payée par tous les Français. Alors qu’on avait promis aux Français le blocage des prix, ils auront leur augmentation !

M. Guy Geoffroy. Parole, parole !

Mme Marie-Christine Dalloz. Il y a encore l’augmentation du forfait social sur l’intéressement et la participation. En clair, la CSG et la CRDS passeront de 8 à 20 % sur l’épargne versée aux salariés, soit plus de 100 % d’augmentation. L’idée gaullienne de l’intéressement est ainsi mise à mal alors qu’elle est au cœur même de notre pacte social, et qu’elle constitue un mécanisme vertueux de récompense pour les salariés des bons résultats d’une entreprise.

Vous inventez aujourd’hui le concept de forfait anti-social. En taxant les heures supplémentaires, l’épargne salariale, et les successions, votre gouvernement dévalorise le travail. Il décourage le mérite et l’effort. C’est un signal dévastateur envoyé à tous ceux qui croient que c’est par le travail que la France sortira de la crise.

M. Yann Galut. Vous avez protégé la rente !

Mme Marie-Christine Dalloz. Troisième erreur stratégique : vous fragilisez notre compétitivité au moment où il est particulièrement périlleux de le faire.

Tous les économistes s’accordent aujourd’hui pour dire que le coût du travail est trop élevé en France, ce qui entraîne des délocalisations. C’est pour cela que nous avions voté une fiscalité anti-délocalisation pour protéger nos emplois.

Ce dispositif a été salué par la Commission européenne selon laquelle il s’agit d’« une mesure appropriée pour introduire un système de taxation plus équilibré, qui diminue le poids des charges sur le coût du travail ». Quant à la Cour des comptes – je ne résiste pas au plaisir de citer à nouveau son rapport –, elle estime que « les hausses temporaires de prélèvements obligatoires pourront être réalisées dans le cadre d’une stratégie fiscale permettant d’améliorer la compétitivité de notre pays » et se prononce donc pour une fiscalité qui allège le coût du travail.

Malgré le consensus des experts de droite comme de gauche sur la nécessité d’une baisse du coût du travail, vous avez choisi de supprimer la fiscalité anti-délocalisation qui allégeait les charges patronales et protégeait l’emploi de quatorze millions de salariés, dont 80 % d’emplois industriels. C’est d’autant plus irresponsable que, non content de supprimer les allégements de charges sur les salaires, le Gouvernement augmente le coût du travail avec la hausse des cotisations sociales pour financer le retour à la retraite à soixante ans, avec le coup de pouce au SMIC, et avec la taxation des heures supplémentaires. Cette fragilisation de notre compétitivité sera lourde de conséquences à très brève échéance et notamment dès la rentrée. Elle se traduira inévitablement par une hausse du chômage.

Concernant l’article 29, relatif à l’aide médicale d’État, je voudrais, sans remettre en cause le principe de l’accès aux soins, rappeler que l’instauration d’un droit annuel forfaitaire de 30 euros représentait la garantie des principes d’égalité, d’équité et de justice. Supprimer ce droit de timbre pour les personnes en situation irrégulière et maintenir parallèlement un forfait de 50 euros pour les Français ou les étrangers en situation régulière qui relèvent du régime de l’assurance maladie constitue une injustice caractérisée. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

L’ouverture apportée par le Sénat visant à recueillir les demande d’AME non seulement auprès d’un organisme d’assurance maladie mais auprès des CCAS ou CIAS, auprès des associations ou organismes à but non lucratif ainsi qu’auprès des services sanitaires et sociaux des départements est dangereuse. En effet, on peut attendre inévitablement une hausse importante du nombre de dossiers et par conséquent des coûts financiers liés à cette politique.

M. Rémi Delatte. C’est évident !

Mme Marie-Christine Dalloz. De plus, cette mesure suppose de transférer une charge de travail nouvelle à ces structures sans compensation, ce qui pose un problème constitutionnel.

Je terminerai en évoquant l’article 30. Ma collègue, élue par les Français établis en Suisse (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC), m’a alerté sur ce qui constitue une véritable rupture d’égalité devant la loi. Vous devriez écouter attentivement mes chers collègues !

M. Yann Galut. On voit qui vous défendez !

Mme Marie-Christine Dalloz. Un lycéen scolarisé en France et un lycéen français scolarisé à l’étranger ne sont pas traités de la même façon. Il y a là une rupture du principe de gratuité de l’enseignement public.

M. Yann Galut. Et les revenus des parents ?

Mme Marie-Christine Dalloz. Vous serez comptables de cette rupture d’égalité de traitement.

M. Alain Chrétien. Très bien !

Mme Marie-Christine Dalloz. Pour toutes ces raisons, le groupe UMP a décidé de voter contre le projet de loi de finances rectificative et de saisir le Conseil constitutionnel conformément au deuxième alinéa de l’article 61 de la Constitution. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de loi de finances rectificative pour 2012 contribue-t-il à résoudre les trois problèmes majeurs conditionnant l’avenir de notre pays, que sont la compétitivité de nos entreprises, la défense du pouvoir d’achat et le redressement des finances publiques ?

Hélas ! la réponse est toute simple. Non seulement il ne contribue pas à résoudre, même partiellement, ces trois problèmes, mais il tend à aggraver la situation.

En annulant des dispositions essentielles votées par la précédente majorité, il aggrave le problème de compétitivité des entreprises françaises.

En supprimant l’exonération des charges sociales patronales sur les heures supplémentaires dans les entreprises de plus de vingt salariés – soit 720 millions d’euros –, et en abrogeant la TVA anti-délocalisation, c’est-à-dire la baisse de 13,2 milliards d’euros des charges sociales patronales, vous dégradez la compétitivité française de 14 milliards d’euros. Par idéologie, vous vous appliquez à défaire ce que la précédente majorité avait mis en place. Ce comportement réactionnaire (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC), au sens étymologique du terme, qui consiste à détruire plutôt qu’à construire, ne pourra que nuire à la compétitivité de notre pays.

Preuve en est l’abrogation de la TVA sociale. Cette mesure aurait eu un effet positif immédiat sur la compétitivité de nos entreprises. Elle aurait, par exemple, été d’un grand secours au secteur de l’automobile, alors que la perte de compétitivité oblige PSA, au moment où nous parlons, à mettre en place un plan social d’une ampleur considérable. Sur les 13 milliards d’euros d’aide à la compétitivité que vous supprimez, 25 % auraient bénéficié à l’industrie, c’est-à-dire 3,3 milliards d’euros, dont 300 millions pour le seul secteur automobile. Voilà une mesure significative qui aurait contribué au sauvetage de ce secteur ! La TVA anti-délocalisation que vous avez tenu à supprimer aurait sans nul doute été bien plus bénéfique que les mesurettes proposées dans le plan automobile du Gouvernement, qui ne touchent que 2 à 3 % du marché, et qui sont loin d’avoir l’envergure nécessaire pour remédier à la situation de manière efficace et responsable.

Il en va de même dans les autres secteurs. Ainsi 1,2 milliard allait aux entreprises produisant des biens intermédiaires et 0,7 milliard à celles fabriquant des biens d’équipement, touchées elles aussi par des plans sociaux et contraintes à réduire leurs effectifs parce que les charges pesant sur le travail sont devenues excessives – ce que vous reconnaissez enfin. Vous privez ainsi ces entreprises d’un avantage de compétitivité sans proposer une seule mesure alternative.

Les 13,2 milliards d’euros de réduction de charges sociales patronales auraient bénéficié aux petites entreprises de moins de dix salariés pour 2 milliards et aux entreprises employant entre 10 et 250 salariés pour 4,2 milliards d’euros.

Mais vous ne vous arrêtez pas là : vous supprimez également les exonérations de cotisations sociales attachées aux heures supplémentaires. Belle idée, qui consiste à décourager l’incitation au travail ! Belle idée, qui consiste à aggraver, à nouveau, les charges pesant sur le travail, alors que nos entreprises auraient au contraire besoin qu’elles soient allégées ! J’allais dire en guise de boutade : au secours, Martine revient ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Alain Chrétien. Elle n’est jamais partie !

M. Charles de Courson. Belle idée, celle qui consiste à retirer aux entreprises la flexibilité dont elles ont besoin afin de faire face à leur cycle d’activité !

Mais vos mesures n’auront pas seulement un impact négatif sur la compétitivité des entreprises françaises : elles vont dégrader le pouvoir d’achat des Français, surtout des plus modestes.

Le dispositif d’exonération des heures supplémentaires bénéficiait depuis 2007 à plus de neuf millions de salariés par an. Votre entêtement amputera le pouvoir d’achat de ces salariés, surtout des plus modestes, de près de 432 euros par an. Le rapport de notre rapporteur général le montre bien, puisque ces avantages fiscaux et sociaux représentent entre 1 et 1,3 % du revenu disponible brut, du deuxième au quatrième décile quel que soit le décile. Cette mesure entraînera donc la baisse de 1,2 % du pouvoir d’achat de 40 % des salariés, ceux qui seront frappés par cette mesure étant, en outre, extrêmement concentrés dans les petites et moyennes entreprises. Allez donc rencontrer des chauffeurs routiers ou des personnels de l’hôtellerie et de la restauration ! Il semble que vous ne les connaissiez pas. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Yann Galut. On ne vous a pas attendue pour les rencontrer !

M. Alain Chrétien. Et il y a tous les autres !

M. Charles de Courson. Ils vous expliqueront que, dans votre allégresse de néophytes, vous amputez non pas de 1 % mais de 2, de 3, de 4 % leur revenu annuel.

En outre, votre double langage sur la suppression de la TVA sociale ne peut masquer le fait que vous augmentez la CSG sans le dire. En effet, le maintien de la hausse de la CSG sur les revenus du patrimoine pour 2,3 milliards d’euros constitue une augmentation sèche des prélèvements sociaux sans aucune contrepartie. Quant à l’idée de votre collègue ministre du travail de substituer un point de CSG à 1,25 point de cotisations sociales – patronales, semble-t-il –, elle est beaucoup plus dure socialement que la substitution d’un point de TVA à des cotisations sociales.

Monsieur le ministre du budget, vous avez beau jurer vos grands dieux, comme Mme la ministre des affaires sociales, qu’il n’y aura pas de hausse de la CSG en 2013, personne ne vous croit.

Et je ne parle pas de la hausse du forfait social : faire passer si brusquement l’impôt sur la participation et l’intéressement de 8 % à 20 %, alors que nous, nous l’avons augmenté lentement, par hausses de deux points, est une nouvelle atteinte au pouvoir d’achat des Français. Les chiffres sont éloquents : les 8,8 millions de salariés du secteur privé, soit 40 % du total des salariés du privé, qui bénéficient chaque année d’une prime salariale verront cette prime diminuer car les entreprises réduiront la participation et l’intéressement.

M. Pierre-Alain Muet. Mais cette prime se substitue au salaire !

M. Charles de Courson. Or, ceux-ci s’élèvent aux alentours de 1 400 euros par an en moyenne, et l’abondement avoisinerait 600 euros. Tous dispositifs confondus, l’épargne salariale permet aux salariés qui en bénéficient de percevoir en moyenne 2 100 euros par an.

Bien loin des engagements pris par le candidat Hollande pendant sa campagne, vous proposez donc une amputation pure et simple du pouvoir d’achat.

Troisième grande critique : ces éléments ne font qu’illustrer une stratégie budgétaire inadaptée, qui consiste à augmenter démesurément les recettes, sans faire l’effort constant de diminuer les dépenses. Cette stratégie erronée ne permettra pas le redressement des finances publiques, objectif que vous avez pourtant appelé de vos vœux. Le rapport de la Cour des comptes le disait très justement : des économies sont nécessaires, sans attendre la présentation du budget pour 2013. L’urgence de la réduction de notre déficit public n’est en effet plus à démontrer.

Il est vrai que vous avez annoncé la couleur dès le début du collectif, en augmentant les recettes : la hausse de nos prélèvements obligatoires est de plus de 13 milliards en année pleine sur le seul budget de l’État, sans compter – puisque c’est une mesure réglementaire – la hausse des cotisations retraite, de l’ordre d’un milliard supplémentaire – ou de 600 millions : on ne sait pas très bien, l’impact de cette mesure étant quelque peu aléatoire – chaque année pendant cinq ans. L’augmentation des prélèvements obligatoires sera ainsi de 1,1 point de PIB en 2012 et de 1,2 point supplémentaire en 2013, soit 2,3 points en deux ans, tandis que la réduction attendue des déficits publics pour la même période est de 2,2 points. Ainsi, plus de 100 % de la réduction des déficits que vous obtiendrez pour 2012 et 2013 se fera grâce à des augmentations massives des prélèvements obligatoires, et non à une réduction des dépenses.

Il est vrai que vous avez un lourd passé en matière de prélèvements obligatoires et de déficit public.

M. Christian Eckert, rapporteur de la commission mixte paritaire. Et vous donc !

M. Charles de Courson. Puis-je vous rappeler qu’entre 1980 et 1986 vous avez aggravé les prélèvements obligatoires de 2,4 points de PIB et dégradé les déficits publics de 2,9 points – je rappelle qu’en 1980, nous étions quasiment à l’équilibre ?

M. Dominique Baert. Ils n’ont jamais été aussi hauts que l’année dernière !

M. Marc Goua. Et entre 2007 et 2012 ?

M. Charles de Courson. J’y viens. De 1988 à 1993, vous avez également augmenté les prélèvements obligatoires de 0,5 point et dégradé les déficits publics de 3,5 points.

M. Dominique Le Mèner. C’est chronique !

M. Charles de Courson. Non, ce n’est pas chronique.

M. Alain Chrétien. C’est congénital !

M. Charles de Courson. Vous n’avez été plus raisonnables qu’entre 1997 et 2002 – n’est-ce pas, monsieur Muet, vous qui vous enorgueillissez d’avoir donné de bons conseils à M. Jospin ? –, puisque vous avez, certes, dégradé les déficits de 0,2 point,…

M. Pierre-Alain Muet. C’est faux. Nous les avons réduits !

M. Charles de Courson. …mais vous avez soulagé d’un point les prélèvements obligatoires.

M. Alain Chrétien. Ils ont bouffé la croissance !

M. Charles de Courson. Si j’étais cruel, je dirais que c’était quasiment une politique de droite, reaganienne. Monsieur Muet, vous évoquez toujours la période 1997-2002, en oubliant les autres périodes, mais l’honnêteté intellectuelle commande de rappeler les chiffres.

Actuellement, vous suivez donc les modèles 1981-1986 et 1988-1993, et non le modèle 1997-2002. Du reste, le bon modèle n’est pas celui-là : il consiste à faire porter les deux tiers de l’effort sur la réduction de la dépense et le tiers restant sur l’augmentation des prélèvements.

En outre, vos prévisions de croissance sont encore trop optimistes pour 2012 et 2013. Hélas, nous ne sommes même pas certains de faire en 2012 les 0,3 % de réajustement. Quant à une croissance de 1,2 % en 2013, personne n’y croit plus :…

M. Dominique Baert. Ce n’est pas ce que vous disiez l’an dernier !

M. Charles de Courson. …la prévision de l’OFCE se situe autour de 0,7 %. De surcroît, la prévision de 2 % sur laquelle vous vous basez à partir de 2014 est irréaliste.

M. le président. Il vous faut conclure, monsieur de Courson.

M. Charles de Courson. En conclusion, votre projet de budget est déraisonnable. Il conviendrait, ainsi que les centristes l’ont toujours dit, de faire porter les deux tiers de l’effort sur les dépenses publiques et le tiers restant sur les recettes publiques.

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Charles de Courson. J’ajoute que nous attendons toujours d’être saisis de la ratification du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance, signé le 2 mars 2012 par 25 des 27 États-membres de l’Union européenne ; nous aimerions en savoir un peu plus sur ce point.

Enfin, votre texte présente de nombreuses dispositions dont la constitutionnalité est plus que douteuse. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Concluez, s’il vous plaît, monsieur de Courson !

M. Charles de Courson. Le groupe UDI votera contre ce collectif pour quatre raisons principales : trop de hausse de la pression fiscale et sociale et pas assez de réduction des dépenses ; trop d’injustices sociales et pas assez de dispositions en faveur de la compétitivité des entreprises et de l’emploi ; trop de mesures dont la constitutionnalité est douteuse. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)

M. le président. Il serait souhaitable que les orateurs respectent leur temps de parole.

La parole est à Mme Eva Sas.

Mme Eva Sas. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué chargé de l’économie sociale et solidaire et de la consommation, mes chers collègues, c’est avec fierté que les écologistes voteront ce projet de loi de finances rectificative, qui est le premier acte de notre mandature, la première pierre du changement que les Français ont souhaité.

Avec fierté, tout d’abord, parce que nous mettons en œuvre sans délai deux engagements majeurs pris devant les Français : celui de rendre notre système fiscal plus juste – en faisant porter prioritairement l’effort sur les plus fortunés, grâce à la contribution exceptionnelle sur la fortune et à l’aménagement des droits de mutation des successions – et celui de donner la priorité à l’emploi en abrogeant les exonérations dont bénéficiaient les heures supplémentaires. Je rappelle que le récent rapport de l’OFCE a montré que ces exonérations avaient coûté, en 2011, 4,5 milliards d’euros à la France et détruit dans le même temps 30 000 emplois par effet de substitution, cette évaluation tenant compte des effets positifs sur l’emploi du pouvoir d’achat supplémentaire généré par les exonérations. Les écologistes le disent depuis longtemps : en plus d’être un contresens historique majeur, allonger la durée du travail est une aberration économique et sociale en temps de crise.

Avec fierté, ensuite, parce qu’avec ce texte la France prend la meilleure option, celle qui consiste à réduire ses déficits en faisant contribuer davantage les plus aisés. Cette option est la meilleure non seulement parce qu’elle est juste, mais aussi parce qu’elle est la plus efficace économiquement. En effet, le principal enjeu auxquels nous sommes confrontés est de réduire nos déficits sans entraîner notre pays dans la récession. Il nous faut donc minimiser l’impact économique des mesures budgétaires et, pour cela, faire porter l’effort sur les plus fortunés et protéger le pouvoir d’achat de la majorité des Français.

Ce projet de loi de finances rectificative est donc socialement juste et économiquement efficace.

Nous regrettons néanmoins, en tant qu’écologistes, que pas un signe ne soit donné en faveur d’une réduction des niches fiscales anti-écologiques. Nous avons tous, de ce côté-ci de l’hémicycle, dénoncé l’aberration antisociale des exonérations des heures supplémentaires, qui encourageaient fiscalement des destructions d’emploi. Nous, écologistes, dénonçons également l’aberration anti-écologique qui consiste à encourager fiscalement la consommation de kérosène, de pesticides et de diesel, qui concourt au réchauffement climatique et à la destruction de l’environnement.

Les Français sont des gens responsables, monsieur le ministre ; ils consentent à l’impôt lorsque celui-ci est juste et que son produit est bien employé. C’est pourquoi les écologistes entendent contribuer à la réduction de toutes les dépenses budgétaires et fiscales qui sont inutiles ou nuisibles à l’emploi et à l’environnement. Nous ne pourrons pas demander aux Français des efforts supplémentaires si nous ne sommes pas exemplaires, et attentifs à la pertinence de chaque euro dépensé. Les dépenses anti-écologiques font partie de ce droit d’inventaire, et nous ne doutons pas que, dès la loi de finances, nous pourrons étudier ensemble la réduction progressive de l’ensemble des dépenses fiscales nuisibles à l’environnement.

Pour finir, je voudrais rappeler que nous avons devant nous trois défis : celui de la dette, qui atteindra au début de l’année prochaine 90 % du PIB ; celui de l’emploi, puisque le chômage touche 10 % de nos concitoyens et le sous-emploi 4,5 millions de personnes ; celui de l’énergie et du réchauffement climatique, avec un baril tendanciellement au-dessus des 90 dollars et des émissions mondiales de gaz à effet de serre qui ont battu un nouveau record en 2011, avec 34 milliards de tonnes de C02.

Nous savons qu’il sera difficile de relever ces trois défis en même temps, mais nous savons aussi que cela est nécessaire et possible.

Nécessaire, parce que nous ne résorberons pas les déficits publics, en particulier grâce au redressement des recettes fiscales, si l’on ne crée pas massivement des emplois et parce que l’on ne pourra pas relancer l’activité et l’emploi sans traiter la question du coût de l’énergie.

Possible, parce que les politiques de maîtrise de l’énergie se traduisent par des économies budgétaires. Ainsi que nous vous l’avons dit, près de 33 milliards d’euros d’économies sont possibles si nous supprimons progressivement les subventions aux activités polluantes. Possible également parce que les politiques de maîtrise de l’énergie représentent entre 400 000 et 600 000 créations d’emplois à terme, dans les secteurs de l’isolation thermique, des transports en commun et des énergies renouvelables.

En résumé, je dirai que nous partageons votre objectif de réduire les déficits publics et de le faire par le rétablissement de la justice fiscale, mais que la réduction des déficits ne peut pas et ne doit pas faire oublier les priorités que sont pour nous l’emploi et l’environnement. Ce sont les engagements que nous avons pris ensemble devant les Français. (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste, SRC et RRDP.)

M. le président. Merci beaucoup d’avoir respecté votre temps de parole, ma chère collègue.

La parole est à M. Roger-Gérard Schwartzenberg.

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, notre groupe votera ce projet de loi de finances rectificative, qui contribue au nécessaire redressement des comptes publics dans la justice pour mettre fin aux dérives constatées pendant le quinquennat précédent

Toutefois, nous souhaitons vous faire part de certaines observations, sinon de certaines réserves.

Pierre Mendès France, président du Conseil radical, l’a souvent répété : « Gouverner, c’est choisir ». Pour réduire le déficit public, quelle voie faut-il choisir ou, en tout cas, préférer ? Certes, il est nécessaire d’agir à la fois sur la fiscalité et sur la dépense publique. Mais l’on pouvait souhaiter que la réduction de la dépense fût prioritaire par rapport à l’effort fiscal – 7,2 milliards d’euros de recettes nouvelles – et que l’on privilégiât les économies par rapport à la fiscalité.

M. Yves Censi. Très bien !

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Et cela au moins pour deux raisons : d’une part, après le Danemark, la France est actuellement, avec un taux de 56 %, le deuxième pays de l’OCDE pour ce qui concerne le rapport des dépenses publiques au PIB ; d’autre part, le taux de prélèvements obligatoires atteint déjà 43,9 % du PIB, ce qui est évidemment considérable. Comme le recommande la Cour des comptes dans son récent rapport, nous pensons donc qu’il faut « agir en priorité sur les dépenses publiques. »

Une stricte vigilance doit s’exercer sur ces dépenses, tant au niveau national qu’au plan local.

Au niveau national, depuis plusieurs années, l’appareil d’État a vu s’accumuler par dizaines les conseils, les comités et les délégations de toutes sortes, dont l’utilité est parfois douteuse mais dont le coût de fonctionnement est toujours certain. Je pense notamment aux autorités administratives indépendantes, qui ont proliféré et sont désormais près de quarante. Certaines de ces structures, qui sont en fait des démembrements de l’État, pourraient sans doute être supprimées sans grand dommage.

Au plan local, il faut agir pour éviter les doublons, les doubles emplois, dans le mille-feuille administratif qui caractérise désormais notre pays. La France est aujourd’hui le seul État non fédéral d’Europe à posséder cinq niveaux d’administration : 36 500 communes, 18 000 groupements intercommunaux, 101 départements, 26 régions et l’État. Cette architecture à cinq étages engendre souvent l’enchevêtrement ou la duplication des compétences et d’importantes dépenses qui pourraient être limitées.

Ainsi, selon la Cour des comptes, en dix ans, entre 1999 et 2009, 350 000 emplois nouveaux ont été créés par les collectivités territoriales, hors transferts de l’État, la plupart dans les communes et les intercommunalités.

Il faut sortir de ce dédale de l’action publique, où l’on ne sait plus vraiment qui fait quoi, qui finance quoi.

M. Yves Censi. Voilà un bon discours d’opposition !

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. L’acte III de la décentralisation devra impérativement préciser et clarifier les compétences de chacune des structures territoriales pour mettre fin à cette confusion, à ce bric-à-brac administratif souvent générateur de gaspillages de l’argent public.

M. Thierry Braillard. Très bien !

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Par ailleurs, des mesures fiscales sont, bien sûr, elles aussi nécessaires pour compenser les moindres recettes dues à la gestion passée. Depuis dix ans et spécialement depuis 2007, les équipes précédentes ont multiplié les faveurs fiscales pour les contribuables les plus fortunés.

M. Dominique Baert. C’est incontestable !

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Même si elles concernent largement les ménages, les mesures fiscales nouvelles de la loi de finances rectificative portent donc surtout sur l’ISF, les successions les plus importantes et le plafonnement des niches fiscales.

Il est légitime de demander un effort accru aux contribuables les plus aisés, qui ont bénéficié de nombreux avantages fiscaux dans la période antérieure, ainsi qu’aux grandes entreprises. En revanche, si l’on porte le regard un peu au-delà du collectif budgétaire, il importe que les mesures fiscales envisagées pour le budget 2013 ne touchent ni les classes populaires, bien sûr, ni la classe moyenne, devenue une « classe anxieuse », qui connaît une situation de plus en plus difficile et a vu son pouvoir d’achat se dégrader. Taxer davantage ces catégories sociales serait à la fois une injustice et une erreur économique, car le redémarrage de l’activité dépend, pour une bonne part, de la relance de la consommation.

À cet égard, supprimer la TVA dite « sociale », qui devait entrer en vigueur au 1er octobre prochain, est une très bonne décision – surtout si elle n’est pas remplacée dans le budget 2013 par une augmentation de la CSG,…

M. Yves Censi. Et la baisse des charges ?

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. …un prélèvement également dépourvu de caractère progressif, qui frappe chacun sans tenir compte de son niveau de revenu.

M. Thierry Braillard. Eh oui !

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Vous me pardonnerez de citer encore un dirigeant radical, à savoir Joseph Caillaux, qui estimait à juste titre qu’il n’y a pas de vraie justice fiscale sans progressivité de l’impôt.

S’il est indispensable de redresser les comptes publics, il faut évidemment le faire en repoussant les dogmes, les credo et les tabous du libéralisme doctrinal, qui inspirent plusieurs dirigeants conservateurs européens. Le redressement des finances publiques ne peut se confondre avec l’austérité prônée par certains d’entre eux, une austérité qui conduit souvent à la stagnation et parfois à la récession, alors que la situation de notre pays est déjà préoccupante. La croissance s’atrophie : elle devrait atteindre seulement 0,4 % en 2012, pour se situer dans une fourchette de 1 % à 1,3 % en 2013. Le chômage a massivement progressé : il touche désormais près de 10 % de la population active. Pour relancer la croissance et créer réellement de l’emploi, la politique de redressement ne peut se transformer en une politique d’austérité qui risquerait de déprimer l’activité économique.

Paul Krugman, prix Nobel d’économie, est sans doute excessif quand il assure que l’austérité risque de plonger l’Europe dans une « spirale de la mort ». Mais un observateur plus modéré et très qualifié, à savoir Romano Prodi, avait, alors qu’il était président de la Commission européenne, qualifié d’« absurdes » les critères de Maastricht, dans la mesure où leur application automatique empêcherait les gouvernements nationaux de mener des politiques contracycliques pour combattre la crise économique et le chômage.

M. Yves Censi. Et pourtant !

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Certes, la France s’est engagée auprès de l’Union européenne à ramener son déficit public à 3 % en 2013 et à rétablir l’équilibre budgétaire à l’horizon 2016 ou 2017. Certes, elle doit honorer ses engagements pour asseoir sa crédibilité auprès de ses partenaires européens comme de ses créanciers. Toutefois, il ne faudrait pas qu’une politique à marche forcée vers l’équilibre en 2017 et la « règle d’or » inscrite dans le traité budgétaire européen fassent verser d’un excès à l’autre, au risque de freiner l’activité et d’amplifier le chômage.

Là comme ailleurs, la mesure s’impose. La nécessaire rigueur ne doit pas tourner au rigorisme, qui serait excessif. Le chemin, difficile à tracer, est bien celui-ci : ni laxisme ni rigorisme. La nécessité aujourd’hui, ce n’est pas un nouveau modèle libéral, c’est une nouvelle donne, un New Deal qui concilie redressement, croissance et emploi. Bref, une société de justice qui conjugue efficacité et équité pour préparer l’avenir, un autre avenir fait de confiance et de progrès. (Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Nicolas Sansu.

M. Nicolas Sansu. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, nous arrivons au terme de l’examen de ce projet de loi de finances rectificative avec le sentiment qu’un premier pas a été fait en direction du rétablissement de la justice fiscale et du respect du principe, posé par l’article 13 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, qui veut que l’impôt soit également réparti entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés.

Avec ce collectif sont supprimées des mesures parmi les plus nocives du gouvernement précédent. Ainsi, nous approuvons la suppression de la TVA improprement qualifiée de « sociale », instaurée à la fin du précédent quinquennat. Son entrée en vigueur aurait frappé douloureusement les familles populaires, car la TVA ne frappe pas les produits, comme l’a dit le président Carrez : elle frappe les consommateurs. Rappelons que les 10 % de ménages les plus modestes consacrent 8 % de leurs revenus au paiement de la TVA, alors que les 10 % les plus riches y consacrent, eux, moins de 4 %. La TVA est un impôt régressif, donc foncièrement injuste.

Nous approuvons aussi la fin de la défiscalisation des heures supplémentaires, que nous avions condamnée dès sa création. Cette mesure aura coûté très cher, notamment à la sécurité sociale, en exemptant les employeurs de leur juste contribution à la part socialisée du salaire. Alors que plus de 10 % de nos concitoyens sont aujourd’hui privés d’emploi, cette mesure a, en outre, fait obstacle à la création de 40 000 à 80 000 emplois selon les différentes études. Cependant, monsieur le ministre, cela ne doit pas exonérer les pouvoirs publics de consentir les efforts nécessaires pour que les classes moyennes et modestes ne perdent pas de pouvoir d’achat – ce sera d’ailleurs une condition nécessaire à la compréhension de cette mesure.

Nous saluons également votre décision de maintenir la hausse de la CSG sur les revenus du capital à hauteur de 2,6 milliards d’euros, ainsi que celle de revenir sur la très injuste réforme de l’ISF de l’année passée qui prévoyait, pour la fraction de 1 % des contribuables les plus aisés, de réaliser 1,7 milliard d’euros d’économies.

À ces mesures élémentaires de justice s’ajoutent la taxation des banques et des groupes pétroliers, la réduction des niches fiscales et sociales et la hausse de la fiscalité sur les grandes entreprises et des stock-options. L’ensemble de ces mesures représente, en année pleine, un surcroît de recettes attendu de 13,4 milliards d’euros. Ce sont là des recettes indispensables au redressement de nos comptes publics – des comptes que la droite avait laissé dériver, avec la diminution des prélèvements sur les plus aisés.

Ce premier pas encourageant en appelle d’autres. Nous devons poursuivre dans la logique de réduction des niches fiscales. Les marges de manœuvre restent importantes. Dans la note publiée la semaine dernière par l’OFCE, l’économiste Henri Sterdyniak estime à 28 milliards d’euros les marges de manœuvre en termes de réduction des niches fiscales et sociales.

Votre texte a prévu de premières mesures de lutte contre les optimisations abusives. Le constat largement partagé est qu’il faut aujourd’hui aller plus loin, mais nous devons également nous atteler à l’épineux dossier de l’évasion fiscale. La commission d’enquête du Sénat sur l’évasion des capitaux, qui a rendu ses conclusions la semaine dernière, a évalué la perte pour les finances publiques à au moins 35 milliards d’euros. Entre les niches fiscales et sociales, inefficaces et injustes, estimées à 28 milliards d’euros, et les conséquences de l’évasion fiscale, on arrive à un total de plus de 60 milliards d’euros, soit presque deux fois le montant jugé nécessaire par la Cour des comptes pour le redressement de nos comptes publics et sociaux ! Si nous faisions ce chemin, la gauche n’aurait pas à se perdre dans une course à la suppression de la dépense publique et sociale. Il y a donc bien urgence à refonder notre architecture fiscale.

Cette situation n’est en effet pas tenable à long terme. J’ai eu l’occasion de rappeler lors de nos débats que lorsqu’un grand nombre d’entreprises du CAC 40 ne paient pas d’impôt sur les sociétés en France, cela pose problème ! Je rappelle qu’entre 2000 et 2010, les entreprises du CAC 40 ont fait 600 milliards d’euros de bénéfice, dont plus de 400 milliards affectés à des dividendes ou au rachat d’actions. Le gaspillage, mon cher collègue Schwarzenberg en conviendra, est donc bien davantage du côté de l’argent privé que de l’argent public – même si cet argent n’a pas été perdu pour tout le monde.

L’état de notre économie, le niveau du chômage, la montée de la précarité, de la pauvreté et du surendettement appellent des réponses inédites dans trois directions. En premier lieu, il est indispensable de favoriser le soutien au pouvoir d’achat des ménages et l’amélioration de la rémunération des salariés, notamment par une augmentation significative du SMIC – bien au-delà des 0,6 % accordés – et le dégel du point d’indice de la fonction publique, ainsi qu’une augmentation des minima sociaux.

M. le ministre du budget a rappelé en première lecture que la consommation des ménages étant faible, elle ne joue plus aujourd’hui son rôle de moteur historique de la croissance. C’est en faisant de l’augmentation du pouvoir d’achat le levier de l’activité que nous redresserons notre économie, et non en comprimant la demande au nom d’une conception proprement libérale, c’est-à-dire exclusivement orientée vers l’offre.

Mes chers collègues, les critères de compétitivité sont loin de se réduire à la question du coût du travail qui n’est, le plus souvent, que le prétexte à réserver une part toujours plus grande de la richesse créée à la rémunération du capital. Faut-il rappeler qu’en vingt ans, dix points de PIB sont passés du travail vers le capital ? C’est donc bien le coût du capital qu’il faut diminuer pour soutenir la croissance.

Le deuxième axe consiste en un profond changement du mode de financement de notre économie et des économies européennes. Cela passe par une banque publique d’investissement qui puisse sortir de la doxa libérale en se finançant directement auprès de la Banque centrale européenne, sans être obligée d’emprunter sur les marchés financiers. Faute d’un tel outil, les PME, les collectivités locales, les établissements publics tels que les hôpitaux continueront d’être victimes de la rente de situation que les libéraux ont octroyée au système bancaire, au détriment de l’économie productive, de l’investissement et des services publics. Cela vaut également pour les dettes souveraines des États, qui doivent être financées directement par la BCE. Cela ferait cesser cette véritable spoliation que constitue l’application de taux d’intérêts à 7 %, voire plus, chez certains de nos voisins.

Cette action résolue ne peut se concevoir dans le cadre de l’austérité et du dogme de l’équilibre budgétaire, c’est ce qui doit constituer notre troisième axe de réflexion. Nous ne pourrons tenir l’objectif d’un équilibre budgétaire en 2017 sans courir le risque d’enfoncer notre pays dans une crise plus grave encore, qui frappera d’abord les Français les plus modestes et les classes moyennes. Il suffit de lire l’étude récente de l’OFCE sur l’évaluation du projet économique du quinquennat, dont les auteurs estiment que la stratégie de sortie de crise retenue par le Gouvernement, fondée sur « la réduction ex ante du déficit par la hausse des impôts et la réduction des dépenses publiques » est « pour le moins risquée » et menace de peser lourdement sur l’activité.

Nous sommes, pour notre part, convaincus qu’il nous faut aujourd’hui doter l’État et les collectivités des moyens de soutenir l’investissement et l’activité, mobiliser l’épargne par la voie d’instruments de financement public. Nous estimons – et je suis très heureux que M. Hamon soit au banc du Gouvernement pour me l’entendre dire – que le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique, s’il devait entrer en application, ne ferait qu’alimenter la logique « austéritaire », c’est-à-dire la conjugaison de l’austérité et de la gouvernance autoritaire des politiques économiques et budgétaires.

M. Yves Censi. C’est ça ! Vive le laxisme !

M. Nicolas Sansu. Dans l’attente du prochain projet de loi de finances et du débat sur le traité européen, au cours desquels nous approfondirons l’ensemble de ces questions, nous voterons le présent collectif budgétaire, dont nous partageons les orientations, mais tenons à rappeler que les débats sont loin d’être terminés. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Dominique Baert.

M. Dominique Baert. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, à ce stade de l’examen du texte, il existe une règle d’or en matière budgétaire : ne pas répéter tout ce qui a déjà été dit antérieurement. Aussi me contenterai-je de centrer mon propos sur l’économie et le contenu politique de cette loi de finances rectificative – fort bien nommée, puisque, en effet, elle rectifie.

Elle rectifie les insuffisances de l’exécution de la loi de finances initiale pour 2012.

M. Christian Eckert, rapporteur de la commission mixte paritaire. Très bien !

M. Dominique Baert. Que s’est-il passé, en effet, depuis le début de l’année par rapport à ce qui a été voté en fin d’année dernière ? Le constat est clair : dérapage des dépenses, imprévision en ce qui concerne d’autres dépenses, surévaluation de certaines recettes et affaissement d’autres recettes, puisque la croissance est moindre que prévu.

M. Denys Robiliard. Eh oui !

M. Dominique Baert. Pour boucher ces trous, il faut tenir les dépenses, mais surtout prévoir de nouvelles recettes – 7,2 milliards exactement. C’est la principale raison d’être de cette loi de finances rectificative.

Mais rectificative, elle l’est aussi car elle est rectificatrice ; elle corrige l’iniquité, l’injustice de la politique fiscale des gouvernements précédents. C’est une évidence, que les Français connaissent si bien qu’ils l’ont condamnée lors des dernières consultations électorales : depuis dix ans et surtout au cours des cinq dernières années, les hausses d’impôt ont principalement frappé les plus modestes et privilégié les entreprises et les plus fortunés de nos concitoyens.

Cette loi de finances rectificative est, à l’inverse, puissamment correctrice. Quel est son contenu ? Il se résume en un triptyque vertueux, en trois grandes mesures.

D’abord, en annulant la hausse de 1,6 point de la TVA que le gouvernement précédent avait prévu d’appliquer au 1er octobre, cette loi de finances supprime une injustice sociale et rend 10,6 milliards d’euros de pouvoir d’achat aux Français en donnant proportionnellement – c’est une évidence – davantage aux plus modestes.

M. Yves Censi. Et les charges ?

M. Dominique Baert. Ensuite, autre côté du triangle, la suppression de la défiscalisation des heures supplémentaires.

Du point de vue de l’emploi, ce dispositif est une aberration économique dès lors que la croissance économique est basse, en ralentissement ou, pis, en récession. L’instrument a été utilisé à contre-courant du cycle économique.

Comme d’autres ici, je l’avais dénoncé en 2007 lors du vote de la loi TEPA. Les années passées nous ont donné raison, mais, pendant ce temps, c’est l’État – et non les donneurs d’ordres – qui aura payé ces heures supplémentaires.

M. Christian Eckert, rapporteur de la commission mixte paritaire. Eh oui !

M. Yves Censi. Et les 12 milliards par an qu’apportait la TVA sociale, qui va les fournir ?

M. Dominique Baert. N’en déplaise à Gilles Carrez, ce ne fut rien d’autre pour les bénéficiaires qu’un effet d’aubaine financier, coûteux pour le budget de la nation et d’un effet économique nul pour l’emploi.

Dans l’étude qu’il vient de publier, l’OFCE ne dit d’ailleurs pas autre chose lorsqu’il estime que la mesure, que nous allons voter, tendant à supprimer la défiscalisation des heures supplémentaires ne « dégradera pas le marché du travail » – au contraire, elle créerait ou sauvegarderait 17 900 emplois –, tout en permettant de réduire le déficit de 5,2 milliards d’euros en 2014.

Enfin, troisième spécificité de cette loi de finances, elle corrige des injustices fiscales, puisque, s’il faut décider des hausses d’impôts – t plusieurs articles en génèrent –, l’argent est prélevé là où il est le plus concentré, c’est-à-dire auprès des plus aisés, là où se trouvent des stocks de richesses : dans les banques ou les entreprises pétrolières, dans les entreprises qui versent des dividendes, mais aussi chez nos concitoyens les plus fortunés, avec les modifications des droits de succession – c’est l’article 4 – et surtout l’emblématique contribution exceptionnelle de l’impôt sur la fortune, pour 2,3 milliards d’euros, qu’établit l’article 3.

Tout cela n’est que justice – une justice au service de l’efficacité économique et du redressement nécessaire de nos finances publiques. C’est aussi le respect de la parole donnée, en l’occurrence des engagements de campagne, ce qui, en politique, n’est pas la moindre des vertus à mettre à l’actif de notre majorité et de notre Gouvernement.

M. Yves Censi. Et les entreprises de moins de vingt salariés ?

M. Dominique Baert. Au demeurant, s’agissant du texte sur lequel nous allons nous prononcer dans un instant, permettez-moi, monsieur le ministre, d’appeler votre attention sur deux modifications introduites par nos collègues sénateurs, validées en CMP, et qui appellent, me semble-t-il, des débats ultérieurs.

La première concerne l’article 6 et l’introduction des certificats représentatifs d’actions au sein des transactions assujetties à la taxe sur les transactions financières. Nous approuvons bien sûr cette extension.

M. Benoît Hamon, ministre délégué chargé de l’économie sociale et solidaire et de la consommation. Très bien !

M. Dominique Baert. Pour autant, le périmètre de cette taxe est encore imparfait,…

M. Christian Eckert, rapporteur de la commission mixte paritaire. C’est vrai !

M. Dominique Baert. …car, l’imagination financière étant sans limites, la taxation de certains produits induira immanquablement le développement, en substitution, d’autres produits, parfois plus spéculatifs encore que ceux qui sont taxés.

Pour éviter ces phénomènes déformants et afin que la mesure ait une réelle portée sur la spéculation financière, mieux vaut une taxation dont l’assiette soit large, fût-ce à un taux plus contenu ou différencié. Voilà qui serait en effet plus efficace si l’on veut utiliser ce mécanisme, non seulement pour des raisons budgétaires, mais aussi pour réguler le système financier.

La seconde modification a été introduite aux articles 27 bis A à E, à la demande d’associations d’élus. Elle concerne les abattements de taxe d’habitation en cas de fusion de communautés. Le dossier est complexe et fait écho à ce que notre commission avait souhaité lors de la réforme de la taxe professionnelle.

M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue !

M. Dominique Baert. Pour autant, les montages d’opportunité, réalisés tant à l’époque qu’aujourd’hui à travers ces articles, aboutissent à une fiscalité locale encore moins simple à comprendre, encore moins lisible qu’auparavant pour le contribuable, voire parfois pour l’élu local. Il serait souhaitable, en la matière, de procéder à des simplifications dans les années qui viennent.

Mes chers collègues, nul doute que vous profiterez d’autant mieux de l’été qui s’annonce que vous aurez voté avec enthousiasme cette loi de finances rectificative ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

M. Yves Censi. « La cigale, ayant chanté tout l’été »…

M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton.

M. Hervé Mariton. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, ce collectif budgétaire est une occasion manquée.

D’abord pour vous, monsieur le ministre et chers collègues de la majorité, car c’était une occasion d’assumer votre politique – une politique de dépense et de rigueur.

Comme je le rappelais il y a quelques mois, au sein de la majorité de l’époque, mal nommer les choses, c’est ajouter aux malheurs du monde. Au fond, quand la France a besoin d’une politique de rigueur, il vaut mieux l’assumer. Or, qu’avons-nous entendu ? Un déni de la réalité. Plus exactement, lorsqu’il s’est agi de faire appel à la contribution de certains de nos concitoyens – ceux que l’on ne plaindra pas en raison de l’aisance dans laquelle ils vivent –, le ministre du budget a utilisé une expression assez curieuse, parlant de l’« effort rude » qui leur est demandé.

Au fond, la majorité conteste le principe de rigueur, mais elle propose le principe de rudesse.

M. Alain Chrétien. Et même de brutalité !

M. Hervé Mariton. Je ne crois pas que ce soit de cette manière que l’on puisse le mieux entraîner nos concitoyens.

C’est aussi une occasion manquée parce que vous auriez pu – certes, à votre manière – proposer une ambition à notre pays. Tel n’est pas le cas.

Demander à nos concitoyens, en particulier les plus aisés, un effort supplémentaire, ce n’est pas illégitime, ce n’est pas scandaleux ; je préférerais, certes, que l’on parlât de « rigueur » plutôt que de « rudesse », mais, puisque vous avez choisi ce terme, qu’il en soit ainsi. Encore faudrait-il qu’il y ait un objectif. Il faudrait dire à quoi cela sert ; il faudrait indiquer le chemin du redressement de la France ; il faudrait dire quelle partie de ce chemin cet effort supplémentaire demandé permettrait de parcourir et dans quelle mesure il consoliderait la situation de notre pays sur le plan national, européen et international.

Au fond, un effort supplémentaire, cela peut être compris par tous les Français – cela doit l’être en particulier par les plus aisés et les plus favorisés. Encore faut-il que cela ait du sens. Or le Gouvernement et la majorité n’ont proposé aucune vision, aucune perspective à l’effort supplémentaire – 7 milliards d’impôts – imposé par ce collectif budgétaire.

L’effort, oui, monsieur le ministre ; la rigueur, oui ; la rudesse, peut-être pas, car ce n’est pas nécessairement de bonne méthode politique ; mais encore faut-il que cela serve réellement les intérêts de notre pays, que cela aide à construire une véritable ambition pour la France. Or, nous n’avons rien entendu de cela.

Ce qui nous a été proposé, comme l’ont dit tout à l’heure le président de la commission des finances et ma collègue Marie-Christine Dalloz, c’est une potion amère, une potion rude, non seulement pour les Français les plus aisés – passe encore –, mais aussi pour les classes moyennes et pour les Français les plus modestes. Si c’est là votre seule ambition, il y a beaucoup à craindre pour l’avenir de notre pays.

C’est encore une occasion manquée, monsieur le ministre, parce que ce collectif ne consolide en rien notre position en Europe. Vous avez décidé d’ouvrir des dépenses supplémentaires, dont certaines auraient d’ailleurs justifié une loi de financement rectificative de la sécurité sociale, ce que vous n’avez pas fait. Nous reparlerons de ces dépenses au cours de l’automne.

Vous avez imposé un effort contributif supplémentaire, mais il ne porte pas de perspective ; il n’y a pas de réforme structurelle à la clé. Des Français les plus modestes jusqu’aux marchés internationaux, on pourrait comprendre qu’un certain nombre de règles budgétaires changent en France, à supposer toutefois qu’une trajectoire cohérente soit proposée. Or, on n’a pas entendu ce message. Du coup, cela n’apporte aucune crédibilité, ni dans notre pays, ni en Europe, ni dans le monde.

Oui, monsieur le ministre et chers collègues de la majorité, les Français, en mai et juin derniers, ont tourné la page. Oui, nous devons l’assumer, dans l’opposition, nous avons perdu les élections. (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Dominique Baert. Cela vous honore, mais encore faudrait-il que vous compreniez pourquoi !

M. Hervé Mariton. Mais, de votre côté, il faut aussi que vous assumiez pleinement votre responsabilité. Il convient que vous écriviez une nouvelle page.

Or, quel texte écrivez-vous ? Celui d’une contre-réforme. Plutôt que d’écrire des pages nouvelles pour le pays, que nous pourrions d’ailleurs contester et sur lesquelles nous pourrions nous disputer, vous cherchez simplement à tourner quelques pages en arrière.

M. Pascal Popelin. Nous réparons ce que vous avez fait !

M. Hervé Mariton. Ce faisant, vous ne tracez pas d’avenir pour notre pays.

Sans doute, quand on est dans l’opposition, on ne peut pas trop espérer de la majorité ; mais on peut au moins espérer pour son pays. On peut espérer que, plutôt que de tourner les pages en arrière, vous les tourniez en avant ; on peut espérer que, après ce collectif, vous n’ajoutiez pas trop d’occasions manquées pour l’avenir de notre pays, car cet avenir, nous aussi, dans l’opposition, nous voulons le construire. Nous souhaiterions simplement que la majorité et le Gouvernement soient à la hauteur de cette responsabilité.

M. Alain Chrétien. On peut toujours rêver !

M. Hervé Mariton. Hélas, ce n’est pas encore le cas. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Éric Alauzet.

M. Éric Alauzet. Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, au dernier jour de cette courte session d’été, nous touchons à la fin du préambule de cette nouvelle législature. Le ton est donné.

Nous allons revenir très vite, à l’automne, pour écrire, après le préambule, le premier chapitre – notre premier budget. Les Français sont impatients. Il y a tant d’attentes, tant de besoins, tant de souffrance, tant de défis à relever, tant de lien à retisser, tant de choses à inventer. C’est de ce premier chapitre que je veux parler en quelques minutes, pour poser quelques jalons, plutôt que d’épiloguer sur le préambule.

Oui, bien sûr, il fallait abroger l’exonération sociale et fiscale des heures supplémentaires, qui avait consacré le « gagner plus pour payer moins », en totale contradiction avec le principe républicain de progressivité de l’impôt.

Quant au coût prétendument exorbitant de cette mesure, je vous invite, chers collègues, à le mettre en parallèle avec celui des emplois d’avenir, tant attendus sur nos territoires urbains ou ruraux : 100 000 emplois d’avenir coûteront 500 millions au budget de l’État. Le coût total des exonérations sur les heures supplémentaires équivaut à près de 1 million d’emplois d’avenir. Le jeu n’en vaut-il pas la chandelle ? Le pouvoir d’achat des personnes qui sont au chômage m’intéresse tout autant que le pouvoir d’achat de celles qui ont un travail.

Le nouveau gouvernement et la nouvelle majorité ont changé de cap. Ils ont donné un signal clair et fort ; ils ont affiché une volonté – la volonté de justice sociale. Nous allons amplifier le mouvement lors de la loi de finances pour 2013. Nous parlerons alors, naturellement, de fiscalité. Aussi serait-il utile de ne pas se contenter de raisonner en termes de tranches d’imposition : il faut aussi parler de reste à vivre. Si, après paiement de l’impôt, il vous reste 5 000 ou 7 000 euros par mois, ce n’est pas mal, non ? Cela relativise le niveau de la tranche marginale d’imposition.

Parallèlement, nous devrons donner un second signal, celui de la révolution économique, celui de la conversion écologique de l’économie.

Ne nous y trompons pas, chers collègues : la dette financière, qui affole toutes les économies, n’a d’égale que la dette envers la nature, la dette environnementale, que beaucoup sous-estiment ou méconnaissent.

Dette financière, dette écologique, l’une et l’autre ont la même origine : le profit, l’individualisme, le court terme, l’accumulation, la cupidité, que le libéralisme n’a cessé d’encourager.

La première peut détruire l’économie ; la seconde a commencé de l’assécher depuis longtemps. Nous puisons dans les ressources naturelles avec une avidité rare, au risque d’épuiser notre terre, sans nous soucier de la dette que nous contractons envers elle. La Terre est généreuse, mais elle a, elle aussi, ses limites.

Alors il faudra passer à la caisse. Quand l’argent est rare, il coûte cher et les taux d’intérêt grimpent. Quand les ressources naturelles sont rares, elles coûtent cher également, en capital et en intérêts.

Mais notre système économique, simpliste et encore mal dégrossi, n’a pas encore appris à internaliser le coût de la dette écologique. Bien qu’on ne recapitalise pas la nature à l’échelle humaine comme on recapitalise les banques, la dette environnementale, en capital, se traduira par un renchérissement croissant du coût des matières premières.

Celui-ci est en marche. Les intérêts de la dette naturelle se paieront, si c’est encore possible, en actions coûteuses. Face aux effets néfastes du changement climatique, d’abord ; il suffit de suivre l’évolution des primes d’assurances pour catastrophes naturelles et surtout les primes de réassurance pour le comprendre. Face à la perte de la biodiversité et aux innombrables services gratuits rendus par la nature, ensuite. À titre d’exemple, la contribution au PIB de l’activité des insectes pollinisateurs en 2005 était de 153 milliards, soit 10 % de la valeur de la production alimentaire mondiale. Si je vous donne cet exemple, c’est qu’il semble que la question de l’épuisement de la biodiversité ne puisse être comprise que si celui-ci est évalué en euros ou en dollars.

La dette écologique est assise sur un emprunt véritablement toxique. Toxique, parce que les pollutions, en pénétrant notre environnement et l’ensemble des organismes vivants entraîneront des coûts colossaux. Toxique, car plus le temps passe, plus les effets dévastateurs de l’épuisement et des pollutions seront coûteux.

Nous sommes entrés dans l’ère de l’insolvabilité généralisée. L’ensemble des acteurs économique est insolvable. Si les États, les entreprises, les ménages peinent à boucler leur budget, la solvabilité de la terre est maintenant hypothétique. La dette abyssale que nous contractons envers elle exige autant de nous que la dette financière, autant de prise de conscience, autant de rigueur.

Je suis certain que personne dans cette assemblée, quel que soit le banc où il se situe, ne souhaite léguer une telle situation aux générations futures.

Chers collègues, la loi de finances pour 2013 va nous mettre à l’épreuve. La simplicité, la proximité, la modération doivent désormais guider nos choix. Mais je vous rassure, cela n’annonce pas un monde triste et n’empêchera en rien la créativité et la fantaisie de s’exprimer, bien au contraire. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et sur quelques bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Denys Robiliard.

M. Denys Robiliard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, M. Carrez se demandait à quoi aura servi cette session extraordinaire.

En ce qui concerne le projet que nous allons adopter, elle aura servi à empêcher l’erreur de la TVA sociale de produire ses effets et la faute du régime fiscal et social des heures supplémentaires de se perpétuer. Elle aura servi à respecter, dans notre intérêt commun, le droit à la santé, grâce aux dispositions relatives à l’aide médicale d’État. Elle aura aussi permis, avec l’ensemble des autres mesures, de commencer à réduire les niches fiscales et à rétablir la justice fiscale.

La TVA dite sociale aurait été inefficace. Il est faux de prétendre que les fournisseurs étrangers auraient participé au financement de notre protection sociale. Ce sont quand même les consommateurs français qui auraient payé la TVA majorée.

Sans doute nos industriels auraient-ils pu diminuer le prix de leurs produits en répercutant la baisse des charges patronales, mais rien ne les y aurait obligés. Pour toutes les entreprises qui ne subissent pas la concurrence internationale, la tentation d’augmenter leurs marges aurait existé ; la réduction des charges patronales aurait été pure aubaine.

Il n’y aurait pas eu de gain de compétitivité sur nombre de segments du marché, faute d’entreprises françaises en concurrence avec les entreprises étrangères. Croyez-vous qu’il soit encore possible d’acheter une télévision ou une chaîne hi-fi produites en France ? Quant aux entreprises en concurrence avec les entreprises de Chine ou d’autres pays émergents, peut-on sérieusement croire à l’efficacité de la mesure, au regard des salaires pratiqués de part et d’autre ?

Outre une politique du juste échange à l’égard des produits issus du dumping social ou écologique, ce sont les stratégies industrielles et la réindustrialisation qui seront déterminantes.

À l’inefficacité de la TVA sociale s’ajoutait l’atteinte à ce qui reste de croissance et l’injustice d’une mesure qui frappe d’abord le pouvoir d’achat des revenus faibles, en raison du caractère régressif de cet impôt.

La défiscalisation des heures supplémentaires représente une économie de plusieurs milliards d’euros, contrairement à ce que j’ai entendu depuis le début de la discussion. Alors qu’elle reproche à la gauche de ne savoir qu’augmenter les prélèvements, la droite refuse cette économie.

À l’inverse de tout ce qui a pu être dit sur les bancs de la droite, ce projet ne supprime nullement les heures supplémentaires. Si leur régime, au regard du droit du travail et de la fonction publique, mérite d’être discuté, il n’est en rien modifié par ce texte. Les employeurs pourront continuer à recourir aux heures supplémentaires dans les mêmes conditions que précédemment.

Dans l’exposé des motifs de la loi TEPA, la modification du régime fiscal et social des heures supplémentaires était ainsi justifiée : « l’augmentation de la durée moyenne de travail est une condition essentielle à la baisse durable du chômage et à l’augmentation de notre rythme de croissance. »

Vous n’êtes pas parvenu à augmenter la durée moyenne de travail ; vous n’en tirez aucune conséquence. Le chômage a augmenté ; vous n’en tirez aucune conséquence. Quant à l’augmentation du rythme de croissance, c’est l’inverse qui s’est produit et vous n’en tirez aucune conséquence. Qui sont les idéologues ?

Cette mesure a permis de distribuer plus à ceux qui gagnaient plus et moins à ceux qui gagnaient moins. Si le gain moyen annuel de la défiscalisation s’élevait à 500 euros, le gain médian était de 350 euros. Et il n’est pas anecdotique de relever que 1 000 de nos concitoyens ont pu ainsi réaliser une économie d’impôts de 8 000 euros.

Enfin, je me réjouis que le Sénat ait rétabli la possibilité de déposer des dossiers de demande d’AME auprès des centres intercommunaux et communaux d’action sociale et d’associations agréées. C’était là une préoccupation de santé publique : il ne faut pas retarder les soins et il faut les rendre accessibles. Je suis fier de l’ensemble de ce projet et je le voterai. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

M. le président. La parole est à Mme Karine Berger, dernière oratrice inscrite dans la discussion générale.

Mme Karine Berger. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en écoutant les diverses interventions de l’opposition ce soir, je me demande si nous avons assisté aux mêmes débats ces deux dernières semaines.

Nos collègues de droite s’opposent comme hier ils gouvernaient : en excitant les peurs et avec outrance. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Je suis déçue, mais je comprends l’amertume de ceux qui ont vu leur politique sanctionnée par la majorité des Français.

M. Alain Chrétien. Des arguments !

Mme Karine Berger. Les propos du président de la commission des finances m’ont étonnée. M. Carrez a prononcé exactement le même discours que lors de la première séance d’examen du PLFR,…

M. Alain Chrétien. Il faut voir le niveau !

M. Jean-Marie Sermier. Il a des convictions !

Mme Karine Berger. …faisant fi des débats que nous avons eus depuis. À quoi donc a servi cette longue période d’échanges, puisque vous ne souhaitez entendre aucun argument et que vous refusez de construire, avec nous, les solutions pour ce pays ?

M. Alain Chrétien. Vous n’avez retenu aucun de nos amendements !

Mme Karine Berger. M. Carrez a évoqué ce soir, comme au premier jour, l’article 1er du projet de loi. Il s’acharne à croire qu’une baisse des cotisations patronales, renforcée par la hausse de la TVA, pourrait avoir un effet positif sur le pouvoir d’achat des ménages.

Mais la hausse de la TVA n’aura pas lieu : cela contribuera à sauvegarder 400 euros dans le pouvoir d’achat des ménages modestes et populaires, 400 euros qui ne seront pas versés sous forme de dividendes à quelques grands groupes internationaux, les mêmes qui avaient mis de côté leurs plans sociaux le temps de la campagne électorale.

Si M. Carrez n’a pas su entendre nos arguments, nous avons su lire ce qu’il écrivait encore le 8 février 2012, à savoir que le bénéfice, en termes de baisse du coût du travail, de cette hausse programmée de la TVA ne serait que de 3,3 milliards pour l’industrie et de 8,3 milliards pour les services, sans impact sur notre compétitivité-coût à l’exportation.

M. Vigier nous a parlé, comme au premier jour, de la subvention des heures supplémentaires, alors que, depuis quinze jours, nous avons tous convenu que la question du chômage était tout aussi cruciale et que les heures supplémentaires subventionnées avaient contribué à accroître le chômage.

M. Jean-Marie Sermier. C’est faux !

M. Jean-Marc Germain. C’est vrai !

Mme Karine Berger. Il semblerait que M. Vigier considère l’emploi comme secondaire.

Mme Dalloz, quant à elle, a évoqué, comme au premier jour, le taux de prélèvements obligatoires et, surtout, le taux de dépenses de notre pays. Je lui rappelle que c’est sous le quinquennat précédent que les dépenses publiques ont augmenté de trois points de PIB.

Enfin, que dire de l’intervention de M. de Courson, qui s’est permis de qualifier ce PLFR de réactionnaire – ce qui pourrait prêter à sourire – et qui a manqué d’élégance à l’égard de certains membres de la majorité ?

Chers collègues de droite,…

M. Charles de Courson. Et du centre !

Mme Karine Berger. …cessez de prendre vos rêves pour la réalité. L’été 2012 n’a rien à voir avec l’été 2007. Il est vrai qu’alors, entre une escapade sur un yacht de milliardaire au large de Malte et des vacances dans un club de riches aux États-Unis, le président de l’époque brûlait ce qu’il restait des marges de manœuvre budgétaire. (Protestations sur les bancs du groupe UMP).

M. Alain Chrétien. Tout ça pour en arriver là ? Quelle tristesse !

Mme Karine Berger. L’été 2012 demeurera, dans l’esprit de nos concitoyens, un été normal, marquant les débuts d’une politique de reconstruction progressive de la croissance et de redressement des finances publiques.

Notre majorité a commencé d’en finir avec une anormalité économique et sociale, qui consista, pendant cinq ans, à faire des choix fiscaux défavorables à l’emploi, à l’économie, ainsi qu’au pouvoir d’achat de la majorité des Français.

Ce PLFR 2012 sera le symbole de cet été normal, consacrant le retour à la justice, faisant de la revalorisation du pouvoir d’achat des ménages modestes et populaires le premier objectif du Gouvernement, replaçant les PME, plutôt que les grands groupes du CAC 40, au centre de l’attention.

Pour toutes ces raisons, monsieur le ministre, nous serons très fiers de voter ce texte ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

M. le président. La discussion générale est close.

La parole est à M. le ministre délégué chargé de l’économie sociale et solidaire et de la consommation.

M. Benoît Hamon, ministre délégué chargé de l’économie sociale et solidaire et de la consommation. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, Mme Berger ayant remarquablement résumé la discussion générale, je me contenterai de faire deux brèves remarques, que l’intervention de M. Mariton m’a inspirées.

M. Mariton reprochait au Gouvernement l’absence de perspectives justifiant ou motivant le PLFR. Nous aurons l’occasion d’en discuter, à l’automne, avec le projet de loi de finances initiale et la loi de programmation pluriannuelle des finances publiques. Qu’il sache que, sans ce PLFR, l’engagement du gouvernement précédent, qu’il soutenait, de porter les déficits publics à hauteur de 4,5 % du PIB, afin de construire la crédibilité de la France vis-à-vis de l’Union européenne, de la Commission et des marchés, n’aurait pas été tenu.

Un autre objectif est la volonté du Gouvernement d’être crédible non pas seulement vis-à-vis de la Commission de l’Union européenne et des marchés, mais aussi vis-à-vis des Français, en demandant à qui peut le plus de donner plus. C’est cela qui commence à changer.

La réforme fiscale que nous préparons et les choix opérés dans ce projet de loi de finances rectificative l’illustrent bien, la différence entre vous et nous, contrairement à ce que vous avez dit, n’est pas dans la manière de nommer une même politique : rigueur et austérité pour vous, rudesse pour nous. Nous proposons une autre politique, une autre politique économique, une autre politique fiscale, ce qui se traduira, je l’espère, sur le front de l’emploi et des déficits publics dans les mois et les années à venir. En tout cas, c’est ainsi que nous la construisons. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

M. Thomas Thévenoud. C’est ça la justice !

Texte de la commission mixte paritaire

M. le président. Nous en venons au texte de la commission mixte paritaire.

Conformément à l’article 113, alinéa 3, du règlement, je vais appeler l’Assemblée à statuer d’abord sur les amendements dont je suis saisi.

La parole est à M. le ministre délégué, pour soutenir l’amendement n° 4.

M. Benoît Hamon, ministre délégué. C’est un amendement de précision rédactionnelle qui vise à substituer un point-virgule à une virgule et à supprimer une seconde virgule.

Nous proposons que, comme c’est le cas actuellement, seuls les spectacles de variétés se déroulant dans les établissements où il est d’usage de consommer pendant les séances soient soumis au taux normal de TVA. Le taux réduit est maintenu pour tous les autres spectacles, théâtres, théâtres de chansonniers, cirques et concerts, y compris lorsqu’ils ont lieu dans un établissement où l’on consomme.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Eckert, rapporteur. La commission mixte paritaire a longuement discuté de cette virgule.

M. Paul Giacobbi. Plus exactement de son point !

M. Christian Eckert, rapporteur. Comme quoi, parfois, chaque détail a son importance.

Je me rallie entièrement à l’amendement du Gouvernement, qui traduit parfaitement, je crois, l’intention de l’Assemblée et du Sénat et reproduit l’état actuel du droit. Tel qu’il était rédigé, l’article 24, aurait eu l’inconvénient de faire repasser à 19,6 % tous les spectacles visés dans l’alinéa, ce qui était encore moins l’intention de l’Assemblée. Avis tout à fait favorable, donc.

M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton.

M. Hervé Mariton. Nos collègues du Sénat, hier en CMP, et M. Moscovici tout à l’heure ont parlé d’amendement rédactionnel. Il n’est pas uniquement rédactionnel et le rapporteur a la correction de le reconnaître. Au fond, le dispositif proposé par le Sénat était différent.

Monsieur le ministre, je ne veux pas faire preuve de pointillisme rédactionnel mais, normalement, après un point-virgule, il y a un verbe. Je veux bien que le Gouvernement essaie de s’en sortir en nous expliquant ce qu’il veut faire dans un texte auquel pas grand monde ne comprend grand-chose – d’où la difficulté hier en CMP –, mais pouvez-vous m’indiquer où est le verbe ? Vos explications étaient à peu près claires mais le texte, même avec un point-virgule, ne l’est pas.

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Nous sommes face à un problème sérieux. L’amendement propose de remplacer la première virgule, devant « spectacles de variétés », par un point-virgule et de supprimer la seconde. Que signifie cette étrange modification de la ponctuation ? Quelque chose de très simple : pour un spectacle de variétés, assez curieusement, le taux de TVA sera de 7 % si vous vous restaurez et de 5,5 % si vous ne vous restaurez pas. C’est une idée géniale, inspirée de tous ces amateurs de culture pour qui la culture ne peut être que triste et l’on ne peut pas se cultiver tout en mangeant. Je trouve cela très étrange comme conception de la culture, d’autant plus que certains prétendent que se nourrir est en soi un acte culturel.

J’appelle votre attention sur le fait que l’amendement n° 4 du Gouvernement est anticonstitutionnel. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Si vous l’adoptez, on fera une différence entre les spectacles pendant lesquels on se restaure et les autres, uniquement pour les spectacles de variétés. Il y aura donc rupture d’égalité entre les formes d’expression culturelle et il ne faut donc surtout pas voter l’amendement du Gouvernement. Je suis même étonné de votre position, monsieur le rapporteur général. Nous avons eu un débat torride en commission, vous l’avez rappelé, et nous avons décidé de maintenir la virgule après « spectacles de variétés », la fin de la phrase, qui n’est pas précisée dans l’amendement, ce qui est dommage, étant : « à l’exception de ceux qui sont donnés dans les établissements où il est d’usage de consommer pendant les séances ».

Franchement, monsieur le ministre, notre groupe votera contre cet amendement parce que vous allez au clash constitutionnel. La commission avait pris une décision à la quasi-unanimité, Hervé Mariton a oublié de le préciser. Seuls un ou deux anti-cultureux n’ont pas voté avec nous. Restons-en à cette sage position.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Christian Eckert, rapporteur. Monsieur Mariton, le point-virgule sépare, en fait, les différents alinéas, que le Sénat avait d’ailleurs choisi de faire précéder par des a) b) c) d) et e). À vrai dire, à partir du moment où nous avons un alinéa séparé pour les spectacles de variétés, à l’exception de ceux qui sont donnés dans les établissements où il est d’usage de consommer pendant les séances, qu’on mette ou non une virgule ne change rien.

Monsieur de Courson, vous avez voté, en décembre dernier, la loi qui faisait passer de 5,5 à 7 % le taux de TVA pour les cantines d’entreprise et cela ne vous a pas gêné de conserver en même temps un taux de 5,5 % pour les cantines scolaires. C’est le même genre de situation.

S’agissant d’inconstitutionnalité ou d’égalité de traitement, nous avons eu, ici, certains s’en souviennent, une séance épique au cours de laquelle nous avons discuté du taux d’imposition de la salade à emporter suivant qu’il y avait ou non des couverts en plastique. (Sourires.) Les jus de fruit, selon qu’ils étaient vendus avec une paille ou non, bénéficiaient aussi d’un traitement différent.

Vous pouvez toujours faire un recours sur ce point. Cela dit, c’est le droit actuel que nous reproduisons. Il y a des alinéas successifs dans l’article 279 du code général des impôts, et ce n’est que dans le dernier alinéa, sur les spectacles de variétés, qu’il y a une distinction entre les établissements où il est d’usage de consommer et les autres. La seule différence, c’est que nous faisons passer le taux de 7 à 5,5 %, ce qui était clairement l’intention du législateur et ce qui est, je crois, l’intention du Gouvernement.

Je vous recommande donc de voter cet amendement. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Je n’ai pas grand-chose à ajouter à l’intervention du rapporteur, sauf pour vous préciser, monsieur de Courson, que la différence est non entre 5,5 et 7 %, mais entre 5,5 et 19,6 %. Pour les spectacles de variétés où il est d’usage de consommer, ce sera le taux normal de 19,6 %. Pour ceux où l’on ne consomme pas et où vous apportez votre tupperware, ce sera 5,5 %. La conformité avec la Constitution paraît probable puisque c’était l’état du droit jusqu’à présent.

Monsieur Mariton, j’espère que la réponse du rapporteur sur le point-virgule vous a satisfait. Le taux réduit s’appliquerait donc aux spectacles suivants : « théâtres, théâtres de chansonniers, cirques, concerts ; spectacles de variétés à l’exception de ceux qui sont donnés dans les établissements où il est d’usage de consommer pendant les séances ». Cela montre bien que le taux normal concerne spécifiquement ces spectacles-là.

(L’amendement n° 4 est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Pour votre information personnelle et celle de nos collègues qui n’étaient pas encore là, monsieur le rapporteur, je voudrais corriger une grave erreur de votre part me concernant. Si vous aviez suivi de plus près le débat sur la majoration du taux de TVA de 5,5 à 7 %, vous auriez vu que j’avais présenté un amendement pour maintenir le taux à 5,5 % pour les cantines.

Monsieur le ministre, vous n’avez pas répondu à la question : pourquoi cette différence entre les spectacles de variétés et les autres formes de spectacle ? Vous avez un argument de conservateur qui consiste à dire que c’était comme ça avant. Je vous rappelle qu’il peut y avoir des QPC, que des personnes pourront attaquer et qu’il y aura alors une décision constitutionnelle. Il y a rupture d’égalité, monsieur le ministre, c’est clair.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué, pour soutenir l’amendement n° 2.

M. Benoît Hamon, ministre délégué. C’est la suppression du gage, et il en sera de même pour les amendements suivants.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Eckert, rapporteur. Favorable.

M. le président. La parole est à M. Marc Le Fur.

M. Marc Le Fur. Je saisis l’occasion de la présentation de cet amendement rédactionnel pour faire une rapide synthèse de ces derniers jours. (« Non ! » sur les bancs du groupe SRC.)

Les victimes de votre texte, nous les connaissons. Ce seront essentiellement les ouvriers, dont 9 millions effectuent des heures supplémentaires. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.) Cela vous gêne, mais c’est ainsi ! Ils perdent plus de 1 % de pouvoir d’achat. Certains d’entre eux vont perdre entre 500 et 1 000 euros. Parmi les ouvriers de l’agroalimentaire, du transport, il y a des perdants, ils sauront vous le rappeler.

Autre élément, votre texte n’est que négatif. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Vous n’avez pas saisi cette occasion pour poser un acte positif. C’est une réalité. Vous ne voulez pas l’admettre, mais c’est ainsi. (Mêmes mouvements.)

Plusieurs députés du groupe SRC. Mauvais perdants !

M. Marc Le Fur. Nous achevons cette session extraordinaire le 31 juillet, nous en commencerons peut-être une autre le 24 septembre. J’en suis à ma quatrième rentrée, c’est la plus faible en termes d’actes positifs. En 2007, à la même époque, nous votions certes la loi TEPA, mais nous débattions également du service minimum dans les services publics, du Grenelle, et nous avons repris nos travaux non pas le 24 mais le 7 septembre, pour parler d’immigration.

Tout cela pour vous dire, mes chers collègues, et vous êtes obligés de l’admettre, que vous êtes en train de louper votre entrée dans ce mandat (Protestations sur les bancs du groupe SRC. – Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) parce que vos textes ne sont que des règlements de compte.

M. Arnaud Leroy. Vous avez raté votre sortie !

M. Marc Le Fur. Il s’agit d’en finir avec une période, alors que vous devriez saisir cette occasion pour poser des actes positifs. C’est une marche loupée. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Pierre-Alain Muet.

M. Pierre-Alain Muet. Puisque M. Le Fur relance le débat, je souhaiterais rappeler ce que fait ce collectif budgétaire. Il supprime, d’abord, une mesure injuste et totalement inefficace, la TVA dite sociale, qui représente un prélèvement de 10,5 milliards d’euros sur les ménages. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.) Monsieur le Fur, la France compte 28 millions de ménages : 10,5 milliards pour 28 millions de ménages, ce sont 400 euros qui sont redonnés à tous les ménages français ! (Mêmes mouvements.)

Le texte supprime aussi un dispositif qui n’existe qu’en France : une subvention aux heures supplémentaires ! Pourquoi aux heures supplémentaires et non pas à la première heure du salarié qui a la chance de retrouver un emploi ? Nous savons que cette mesure, pendant cinq ans, a détruit des emplois…

M. Hervé Mariton. C’est faux !

M. Pierre-Alain Muet. …quand l’Allemagne dépensait la même somme, 5 milliards d’euros, pour réduire le temps de travail et mettre en place du Kurzarbeit, c’est-à-dire du chômage partiel. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Enfin, ce collectif budgétaire répare l’injustice profonde que vous avez commise au mois de juillet, il y a un an exactement, quand vous avez supprimé la moitié des recettes de l’ISF, 2 milliards d’euros.

M. Marc Le Fur. Votre texte n’est que négatif.

M. Pierre-Alain Muet. En rétablissant l’ISF tel qu’il était, on réintroduit de la justice fiscale.

On restaure la justice fiscale, on privilégie l’emploi, on réduit les déficits – car vous ne l’aviez pas fait : il manque 7 milliards pour atteindre les objectifs du projet de loi de finances initiale –,…

M. Jean-Yves Caullet. On bouche les trous !

M. Pierre-Alain Muet. …et surtout on remet notre économie sur les rails. Oui, c’est un vrai changement ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour un rappel au règlement.

M. Hervé Mariton. Je sollicite un rappel au règlement sur le fondement de l’article 58-1 du règlement.

Nous sommes en pleine confusion. La majorité réussit ce tour de force de conclure ce débat dans un complet désordre. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Je veux, pour la clarté de nos débats, attirer l’attention sur deux points. Il me paraît important, chers collègues, que nous sachions ce que nous votons.

Le ministre a dit que, sans l’amendement relatif aux spectacles de variétés, le taux de TVA applicable à leur billetterie serait de 19,6 %. C’est faux ! Le débat portait sur un taux de TVA à 5,5 % ou un taux à 7 %.

M. Christian Eckert, rapporteur. Non !

M. Hervé Mariton. Deuxième point, le rapporteur, pour justifier la nécessité du point-virgule prévu par l’amendement, a pris argument du texte dans lequel figurait une succession de passages à la ligne. Cela correspond à la version du Sénat. La version du texte issu de la CMP ne comporte pas de passages à la ligne : votre point-virgule n’a donc ni queue ni tête.

M. Michel Vergnier. Pour vous, c’est un point final !

Texte de la commission mixte paritaire (suite)

(L’amendement n° 2 est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 3 du Gouvernement.

(L’amendement n° 3, accepté par la commission, est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 1 du Gouvernement.

(L’amendement n° 1, accepté par la commission, est adopté.)

Explications de vote

M. le président. Dans les explications de vote, la parole est à M. Charles de Courson, pour le groupe Union des démocrates et indépendants.

M. Charles de Courson. Dans l’introduction de M. Vigier et dans mon intervention au nom du groupe UDI, quatre problèmes ont été soulevés. Je ne les reprends pas mais je vous les résume.

Premièrement, vous avez pris des risques constitutionnels tout à fait déraisonnables. Vous n’avez pas voulu nous écouter, y compris sur le dernier point sur lequel nous essayions plutôt d’aider le Gouvernement.

Deuxièmement, vous ne répondez jamais à l’objection que nous opposons à votre inaction en matière de compétitivité des entreprises. Au lieu de l’améliorer, vous la dégradez constamment. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Dites-moi quelles sont vos mesures favorables à la compétitivité. (Mêmes mouvements). Au lieu de hurler, réfléchissez ! Vous avez un cerveau, vous n’avez pas qu’un organe ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Cela ne sert à rien de crier. Écoutez nos arguments ! Où sont les mesures en faveur de la compétitivité ? Il n’y en a aucune ! Au contraire, vous proposez des mesures nuisibles à la compétitivité. Vous allez passer votre temps, comme c’est arrivé par le passé à des gouvernements de gauche, à essayer de colmater les brèches dans des secteurs qui s’effondrent, sans vous rendre compte de la nécessité d’une politique structurelle pour accroître la compétitivité des entreprises.

À partir de septembre, vous ferez face, dans vos permanences, à de nombreux salariés, parmi les neuf millions concernés par la fin de la défiscalisation des heures supplémentaires, qui viendront vous demander des explications. Au lieu d’applaudir lorsque vous supprimez 5 milliards d’avantages qui profitent d’abord aux classes moyennes et modestes de la population, vous devriez nous écouter un peu ou vous le regretterez ! Ne battez pas trop des mains, car, d’ici à la fin de l’année, vous ne le ferez plus du tout.

Dernier élément, nous, les centristes, persistons à dire, à temps et à contretemps, que l’on soit dans la majorité ou dans l’opposition, que la priorité doit être la réduction de la dépense publique. Dans votre projet, on n’en trouve pas, il n’y a que des hausses de recettes. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Hervé Mariton. La gauche avait, dans notre pays, la réputation historique d’être idéologique pour assurer la conquête du pouvoir et plus pragmatique dans sa gestion. La démonstration à laquelle nous assistons depuis le début de l’examen du collectif budgétaire est à l’inverse de cela. Il n’y a que de l’idéologie.

Monsieur le ministre, je vous ai dit tout à l’heure que ce collectif était, à bien des égards, une occasion manquée. Quels arguments avez-vous, vous et votre majorité, fait valoir en réponse ? Vous avez tourné votre regard vers les mois et les années passés. Mais je vous l’ai dit, vous avez gagné (« Bravo ! » sur plusieurs bancs du groupe SRC), vous avez la responsabilité des affaires de la France, vous êtes la majorité ! S’il vous plaît, dites-nous ce que vous allez faire ! Essayez, si vous en êtes capable, de vous montrer à hauteur de la responsabilité qui vous a été confiée !

La démonstration a été faite, au fil de ces semaines de débats budgétaires – le débat d’orientation budgétaire, la loi de règlement, le collectif budgétaire –, que si vous avez été idéologues pendant la campagne électorale, vous l’êtes deux fois plus aujourd’hui dans l’exercice du pouvoir !

Si vous avez proposé quelques réformes aux Français avant les élections, ces promesses, vous ne les respectez même pas, cela a été dit dans le débat.

M. Thomas Thévenoud. Nous sommes justes !

M. Hervé Mariton. Le Président de la République s’était engagé à ce que les Français travaillant dans les entreprises de moins de vingt salariés ne soient pas touchés par la suppression de l’exonération de charges fiscales et sociales sur les heures supplémentaires. Or ils sont concernés à l’égal des autres ; la potion sera aussi amère que pour les autres.

Quand vous prenez des décisions dans ce collectif, vous ne tracez pas de perspectives pour l’avenir, vous ne définissez pas une stratégie qui pourrait mobiliser les Français et asseoir la crédibilité de notre pays, il s’agit seulement de contre-réformes, il s’agit de tourner les pages à l’envers.

M. Thomas Thévenoud. Nous remettons le pays à l’endroit !

M. Hervé Mariton. Ce n’est pas la vision que défend l’UMP de l’avenir de notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Bruno Le Roux, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Bruno Le Roux. Ce projet de loi de finances rectificative a permis au Gouvernement et à la majorité de tenir les engagements qui ont été pris devant les Français, et cela sans tarder, dès le début de la session extraordinaire, par un texte dont je comprends qu’il vous ait posé problème : sans que vous ayez eu le temps d’en faire l’analyse et d’y réfléchir, ce texte vous met face à tous les échecs de votre quinquennat, face à ce que tous les Français ont condamné ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Ce texte vous confronte à l’échec qui a été le vôtre pendant cinq ans en matière d’emploi. Dès le premier été, alors que le chômage était pourtant déjà beaucoup trop fort, vous n’avez pas écouté ceux qui, sur ces bancs – qui étaient alors l’opposition –, vous disaient qu’il n’était pas raisonnable de vouloir privilégier les heures supplémentaires quand beaucoup trop de Français cherchaient déjà du travail. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Quand la crise est arrivée, vous n’avez rien voulu changer, et c’est l’une des raisons majeures de votre échec lors des dernières élections.

Je ne reviens pas sur ce que j’ai dit, sur ce serment que vous avez fait – je ne cite même pas le lieu où il a été prêté – de ne jamais abandonner, durant cinq ans, les plus privilégiés. Jamais vous n’avez manqué à ce serment. Pas une seule fois ! Pour la première fois, dans cette loi de finances rectificative, nous sommes revenus sur cet accord que vous aviez passé avec les plus privilégiés, institutionnalisant leurs privilèges et n’y revenant à aucun moment, même quand les Français étaient le plus en difficulté.

Là encore, nous avons fait ce que nous avions dit pendant la campagne électorale. Je comprends que vous soyez, aujourd’hui, dans une position difficile à devoir assumer des décisions que vous pouvez, d’ailleurs, individuellement regretter. M. Mariton a bien montré, dans la première partie du débat, la difficulté d’assumer certaines décisions que, pourtant, vous n’avez jamais rechigné à voter pendant cinq ans, même si, aujourd’hui, vous souhaitez faire état de votre désaccord sur certains points. Vous avez été la majorité des injustices ; nous sommes, aujourd’hui, la majorité qui rétablit l’équilibre républicain, la contribution de chacun à l’effort nécessaire. Je souhaite assumer cela dès ce début de législature, car c’est l’engagement que nous avons pris devant les Français. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

Pour le reste, je me permets de vous dire qu’à session comparable, celle-ci a été exactement la même que celle de 2002, date de la précédente alternance que nous ayons connue dans cet hémicycle. À une demi-journée près, nous avons siégé pour la même durée, nous avons étudié autant de mesures que vous en aviez proposées. La différence par rapport à 2007 tient à une méthode nouvelle. Nous entendons, aujourd’hui, faire des lois qui aient été travaillées, discutées et partagées. Nous entendons faire en sorte que ce pays, qui a été divisé pendant les cinq dernières années, soit capable de se rassembler autour de la réforme et du progrès. C’est notamment l’enjeu de la conférence sociale mise en place par le Gouvernement. À la rentrée, vous trouverez bien d’autres occasions d’exprimer votre conservatisme, parfois même votre côté réactionnaire, dans les projets qui seront défendus par la majorité. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

Vote sur l’ensemble

M. le président. Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi, compte tenu du texte de la commission mixte paritaire, modifié par les amendements adoptés par l’Assemblée.

(L’ensemble du projet de loi est adopté.)

4

Harcèlement sexuel

Commission mixte paritaire

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion sur le rapport de la commission mixte paritaire du projet de loi relatif au harcèlement sexuel (n° 130).

La parole est à Mme Pascale Crozon, rapporteure de la commission mixte paritaire.

Mme Pascale Crozon, rapporteure de la commission mixte paritaire. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, ministre de la justice, madame la ministre des droits des femmes, porte-parole du Gouvernement, mes chers collègues, entre l’abrogation du délit de harcèlement sexuel, intervenue le 4 mai dernier, et son rétablissement par l’adoption définitive du projet de loi qui nous réunit aujourd’hui, il se sera finalement écoulé près de trois mois.

Je mesure combien ce délai a pu sembler interminable à de nombreuses victimes, et je pense tout particulièrement à celles et ceux qui ont dû faire face, ces dernières semaines, à des comportements bénéficiant d’une impunité totale.

Je rappelle néanmoins les circonstances exceptionnelles dans lesquelles la question du harcèlement sexuel a fait irruption, entre les deux tours de l’élection présidentielle et à six semaines du renouvellement de notre Assemblée. Je me félicite, compte tenu de ces circonstances, que nous ayons échappé aux deux écueils qui nous guettaient.

Le premier écueil aurait été de rétablir, dans la précipitation, le délit de harcèlement sexuel dans une définition proche de l’une de celles qui a existé entre 1992 et 2012, sans tirer toutes les conséquences de leurs défaillances. Nous avons, je le crois, répondu à l’extrême difficulté que rencontraient les victimes pour obtenir la condamnation de leurs harceleurs. Le second écueil aurait consisté, à l’inverse, à vouloir donner une réponse législative à toutes les questions connexes qu’ont soulevées nos débats et qui sont toutes légitimes. Cela nous aurait alors éloignés de l’engagement que nous avions pris de combler le vide juridique avant la fin de ce mois.

Je vous remercie une nouvelle fois, mesdames les ministres, de la célérité avec laquelle le Gouvernement s’est emparé de cette question.

Les instructions que vous avez données aux parquets, madame la garde des sceaux, ont permis, dans bien des situations, de poursuivre les procédures sous de nouvelles qualifications, tandis que les discussions que vous avez engagées avec les associations et les partenaires sociaux ont permis d’aboutir rapidement à un projet de loi. Le Parlement avait à cœur, lui aussi, de tenir les délais.

Chaque jour qui s’est écoulé depuis le 4 mai dernier a repoussé d’autant le moment où la justice sera rendue. Et je veux, en votre nom à tous, dire le souci constant qui a été le nôtre pour que chaque jour que nous y avons consacré soit, en définitive, utile aux victimes.

Comme bien souvent lorsqu’il s’agit de consolider l’égalité entre les hommes et les femmes, la représentation nationale a su, sur ce texte, dépasser ses divergences. Je salue la qualité des contributions en provenance de tous les groupes, tant de la majorité que de l’opposition. Au Sénat, notamment, les propositions de loi et les amendements déposés par des parlementaires de l’ensemble des sensibilités politiques auront utilement enrichi le texte du Gouvernement.

Je comprends le regret qu’a pu exprimer l’opposition, à la fin de nos débats en séance publique, qu’il n’en ait pas été de même dans notre assemblée. Toutefois, je l’invite à n’y voir, ni de ma part ni de celle du Gouvernement, aucune volonté d’ostracisme, mais plutôt la résultante de la procédure accélérée et de l’absence de navette. Chaque amendement, qu’il vienne de la majorité ou de l’opposition, a fait l’objet de la même attention, et nos choix, au-delà de l’intérêt des préoccupations que soulevaient ces amendements, ont été guidés par la sécurité juridique du texte.

Un grand nombre de questions légitimes, mais qui dépassaient parfois largement le cadre de cette loi, ont été posées sur l’ensemble des bancs. Si toutes n’ont pas été consacrées dans le texte, le Gouvernement a eu l’occasion de prendre devant nous des engagements. Je pense à la création de l’Observatoire des violences de genre, à la réflexion sur l’échelle des peines, à la protection des mineurs de quinze à dix-huit ans, au rôle des représentants du personnel, aux procédures disciplinaires à l’université et aux mesures spécifiques qui pourraient s’appliquer dans le monde sportif. Je pense, enfin, au débat que nous devrons poursuivre sur l’identité de genre.

Vous aurez l’occasion, monsieur Geoffroy, puisque nous partagerons la responsabilité et le plaisir d’évaluer ensemble l’application de cette loi, de vérifier que vos préoccupations ont bien été prises en compte.

C’est dans le même esprit de dialogue et de responsabilité que s’est tenue, jeudi dernier, sous la présidence de Jean-Jacques Urvoas, la commission mixte paritaire. Compte tenu de l’unanimité qui s’était exprimée tant au Sénat qu’à l’Assemblée nationale, nous ne disposions pas de deux textes concurrents, mais bel et bien de textes complémentaires.

La structure générale, telle qu’elle avait été initialement proposée par le Gouvernement, a été conservée. L’article 222-33 du code pénal rétablit le délit de harcèlement sexuel, défini par son I comme « le fait d’imposer à une personne, de façon répétée, des propos ou comportements à connotation sexuelle qui soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante ».

Le II de cet article crée, par ailleurs, un délit assimilé au harcèlement sexuel, défini comme « le fait, même non répété, d’user de toute forme de pression grave dans le but réel ou apparent d’obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l’auteur des faits ou au profit d’un tiers ».

Les peines sont, dans les deux cas, de deux ans de prison et 30 000 euros d’amende, pouvant être portées à trois ans et 45 000 euros en cas de circonstances aggravantes.

Le nouvel article 225-1-1 du code pénal institue, quant à lui, un délit de discrimination consécutive au harcèlement sexuel, constitué par « toute distinction opérée entre les personnes parce qu’elles ont subi ou refusé de subir des faits de harcèlement sexuel tels que définis à l’article 222-33 ou témoigné de tels faits, y compris, dans le cas mentionné au I du même article, si les propos ou comportements n’ont pas été répétés ».

Le texte de la CMP consolide, par ailleurs, les éléments introduits au cours des débats parlementaires. Il en va ainsi des apports du Sénat, qui visent notamment à mieux prendre en compte l’exposition particulière de certaines personnes au harcèlement sexuel. Je pense à la création d’une circonstance aggravante en cas de « vulnérabilité ou dépendance résultant de la précarité de la situation économique ou sociale » de la victime, mais aussi à l’inscription, à l’article 225-1 du code pénal, de « l’identité sexuelle » parmi les motifs de discrimination.

Il en va de même pour les éléments introduits par notre assemblée, tels que l’extension du délit de discrimination aux témoins des faits de harcèlement sexuel et les obligations d’affichage et de prévention que nous avons ajoutées au code du travail.

Je souhaiterais, enfin, insister sur trois débats qui ont animé cette CMP. Tout d’abord, s’agissant de la définition du délit de harcèlement sexuel, notre assemblée a souhaité revenir aux termes de « comportements à connotation sexuelle », qui avaient été introduits en commission au Sénat, en lieu et place des « agissements à connotation sexuelle » finalement retenus en séance. Le débat, ici, n’était pas que sémantique, même si le mot de « comportements » peut sembler plus large et peut-être moins intentionnel que celui d’« agissements ». Il s’agit, avant tout, de ne pas mettre en péril la jurisprudence en matière de harcèlement moral, qui considère que les propos font partie intégrante des agissements, en créant pour le harcèlement sexuel un a contrario qui aurait pu inciter le juge à considérer les termes « propos » et « agissements » comme exclusifs l’un de l’autre.

S’agissant de la prohibition du harcèlement sexuel par le code du travail, nous avons également tranché le débat légistique entre l’option d’un renvoi simple du code du travail vers le code pénal et la réécriture in extenso du délit dans le code du travail. Sous réserve d’une modification formelle visant à rétablir la distinction que le code pénal opère entre délit de harcèlement sexuel et délit assimilé au harcèlement sexuel, nous avons opté pour la version de l’Assemblée nationale, dans un souci de lisibilité et d’accessibilité du droit. L’obligation d’affichage des dispositions pénales que nous avions introduite dans le code du travail a, par ailleurs, été étendue, par coordination, dans les codes en vigueur à Mayotte et dans les territoires et collectivités d’outre-mer.

Enfin, nos collègues sénateurs ont accueilli favorablement l’initiative que nous avions prise d’autoriser les juridictions correctionnelles à accorder des dommages et intérêts en réparation des préjudices civils, lorsque l’action publique s’est éteinte du seul fait de la décision du Conseil constitutionnel. Comme l’avait suggéré en séance Mme la garde des sceaux, cet article 7 a toutefois été réécrit pour ne plus faire référence à l’article 470-1 du code de procédure pénale, dont il s’inspire mais qui n’est applicable qu’aux infractions non intentionnelles.

Depuis le début de nos travaux, tant au Sénat qu’à l’Assemblée nationale, aucune voix n’a jamais manqué pour soutenir ce projet de loi. C’est également à l’unanimité de ses membres que la CMP a adopté le texte qui vous est aujourd’hui soumis. Je sais, mes chers collègues, combien vous êtes attachés à signifier aux victimes notre prise de conscience du fléau que représente le harcèlement sexuel. Mais au moment d’adopter définitivement ce texte, je souhaite que chacune et chacun d’entre vous ait également à l’esprit le message que nous envoyons aux harceleurs : l’État de droit est de retour ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, madame la rapporteure, mesdames et messieurs les députés, ce sont des retrouvailles rapides, puisque nous étions ensemble la semaine dernière.

Je salue et remercie tous les députés qui se sont engagés sur ce texte. C’est cet engagement qui a rendu possibles, dans des délais extrêmement contraints, la grande qualité de nos débats et l’enrichissement du texte. Nous n’avons mesuré ni nos inquiétudes ni nos propositions, et c’est ainsi que le projet de loi a pu acquérir la densité qu’il a aujourd’hui.

Vous avez, madame la rapporteure, dit l’essentiel sur le contenu et le cheminement. Je me contenterai donc d’évoquer les points qui restent en débat, ceux qui n’ont pas été tranchés car, comme vous l’avez souligné, ils relèvent de sujets connexes. Ils nous engagent cependant quant aux valeurs fondamentales sur lesquelles repose le texte que nous avons voulu rétablir dans des conditions satisfaisantes.

Nous avons travaillé dans des délais extrêmement contraints. L’ancienne parlementaire que je suis a du goût pour les navettes parlementaires, pour le temps de maturation des textes. Dans la présente circonstance, nous avons été obligés d’apporter une réponse rapide au vide juridique créé par la décision du Conseil constitutionnel. L’Assemblée nationale, comme le Sénat, a accepté la procédure accélérée. Il est à la fois d’usage et de culture parlementaires de protester chaque fois que la procédure d’urgence, dans le passé, la procédure accélérée, aujourd’hui, est enclenchée, mais nous n’avions pas le choix.

Dans ces délais contraints, nous avons toutefois accompli un travail de grande qualité, car nous avions le souci des victimes qui ont vu s’effondrer brutalement des procédures parfois longues de plus de deux ans, de celles qui s’apprêtaient à demander secours à la justice, de celles qui ont été exposées à des faits de harcèlement sexuel sans disposer de fondement pénal pour agir.

C’est cette considération qui nous a inspirés et qui nous a permis de concilier vitesse et endurance. Aujourd’hui, ces victimes sont armées et mieux armées que par le passé, car l’infraction est mieux définie : elle est précisée, étendue, son champ d’action est élargi, les sanctions sont plus conformes à la gravité des faits, au regard tant de la nature des transgressions que des conséquences sur la victime. Voilà donc de nouveau les victimes de harcèlement sexuel en mesure de recourir à la justice.

Nous aussi, nous voilà armés, au nom de la société, parce que le harcèlement sexuel n’est pas la seule affaire des auteurs et des victimes ; c’est notre affaire à tous, car elle relève de la compréhension commune que nous avons des valeurs républicaines et de la traduction que nous leur donnons, par des interdits lorsqu’il y a lieu. C’est, en somme, la condition du contrat social. La justice met un terme au face-à-face néfaste entre la victime et l’auteur. Nous voilà donc armés socialement, pénalement.

Le texte que vous avez adopté la semaine dernière à l’unanimité et que la commission mixte paritaire a également adopté à l’unanimité, en le fluidifiant encore, en y apportant quelques améliorations rédactionnelles, remplit totalement son objet.

Il remplit son objet, car nous avons souhaité agir très vite pour combler ce vide juridique, malgré la circulaire de la Chancellerie qui invitait les parquets à requalifier les faits en violences volontaires, harcèlement moral ou tentatives d’agression sexuelle.

Il remplit également son objet, car l’incrimination est plus précise afin de répondre aux exigences constitutionnelles, tout en étant suffisamment diversifiée pour couvrir toutes les situations susceptibles d’advenir. Nous avons eu de longues discussions pour parvenir à cette définition et établir les différents niveaux d’incrimination. Je crois que le résultat auquel nous avons abouti est totalement satisfaisant.

Ce texte remplit également son objet parce que la sanction de l’incrimination est plus conforme à la gravité des faits.

Nos débats ont aussi porté sur l’échelle générale des peines dans le code pénal. Des amendements ont proposé l’augmentation du quantum de peines, d’autres son abaissement. Je crois que nous avons trouvé un niveau optimal en aggravant la sanction pour harcèlement sexuel tout en restant cohérents au regard des autres infractions pour atteintes sexuelles, à défaut de pouvoir l’être par rapport à l’échelle des peines dans l’ensemble du code pénal. On a vu, en effet, à quel point diverses perturbations dans ladite échelle rendent difficile une harmonisation permettant de comprendre notre échelle de valeurs entre les atteintes à la personne et les atteintes aux biens.

En outre, grâce à ce texte, les victimes pourront dorénavant agir vite. Mais il faut garder à l’esprit que, souvent, lorsqu’elles se décident à saisir la justice, elles sont encore en contact avec les auteurs des faits de harcèlement. Voilà pourquoi nous avons veillé, en modifiant le code pénal et le code du travail, à mieux punir les discriminations souvent induites par le harcèlement sexuel et, en modifiant également le code de procédure pénale, à permettre aux associations – dont on sait à quel point le travail qu’elles accomplissent est considérable – de s’impliquer davantage aux côtés des victimes. De même, nous avons permis aux témoins d’être mieux protégés de façon que, sans craindre de représailles, ils participent à la manifestation de la vérité.

S’agissant du souci de permettre aux victimes d’agir très vite, il y a eu un débat au Sénat et, à l’initiative du député Gilles Bourdouleix, ici même, sur la modification du délai de prescription, certains souhaitant qu’au lieu de partir du dernier fait, il parte de la cessation du contrat de travail. J’ai expliqué que cela soulèverait des écueils en matière de prescription pénale puisque les délits sont soumis à une prescription de trois ans, et, surtout, que la difficulté de rassembler les preuves des faits, en particulier lorsque la victime a exprimé un refus, s’aggravait avec le temps : les preuves s’estompent, la difficulté de mobiliser les témoins devient plus grande. Nous avons donc préféré en rester au choix initial de donner aux victimes et aux témoins les moyens d’agir vite plutôt que de faire croire qu’avec le temps il leur sera possible d’obtenir réparation.

Bien entendu, cela ne suffit pas. Il faut que l’intention du législateur soit accompagnée d’un message clair : le harcèlement ne peut faire l’objet de complaisance sociale. Tel est le sens du treizième alinéa de l’article 3 qui prévoit l’affichage sur les lieux de travail du texte de l’article 222-33-2 du code pénal. C’est aussi ce que visera la campagne gouvernementale de sensibilisation et d’information, campagne qui mobilisera la Chancellerie, le ministère des droits des femmes, le ministère du travail, le ministère de la santé et des affaires sociales, le ministère de la réforme de l’État et le service d’information du Gouvernement ; les travaux préparatoires ont commencé et elle pourra être lancée à la rentrée.

Nous avons aussi eu des débats concernant plusieurs termes, qui n’étaient pas que sémantiques puisqu’ils visaient à préciser le sens des mots « comportements », « agissements », « environnement », « situation » ou encore des verbes « placer » et « créer », le souci étant de trouver les termes les plus précis pour définir les éléments constitutifs de l’infraction. Il s’agissait d’échapper, et j’ai bien vu à quel point c’était une préoccupation, à un risque constitutionnel de non-respect de légalité des délits et des peines. Le texte adopté par la commission mixte paritaire constitue la combinaison la meilleure possible pour assurer une bonne interprétation de la loi et donc sa bonne application.

La commission mixte paritaire, vous l’avez dit, madame la rapporteure, a également retenu la notion d’acte unique, qui avait fait débat ici encore la semaine dernière, en tant qu’incrimination assimilée au harcèlement sexuel dès lors qu’il s’agit « de toute forme de pression grave dans le but réel ou apparent d’obtenir un acte de nature sexuelle ». Dès 1992, je l’ai rappelé, le législateur avait repéré la gravité et les conséquences d’un acte même unique, mais il n’avait pu l’inscrire dans la loi comme il l’aurait souhaité.

Quant au maintien, parmi les éléments constitutifs de l’incrimination, des mots « menaces » et « contraintes », le Gouvernement, suite au débat au Sénat, était tout à fait disposé à les supprimer parce qu’ils relèvent aussi de la définition de l’agression sexuelle et que les objections sur les risques de déqualification d’actes plus graves – tentative d’agression sexuelle ou de viol – en fait unique de harcèlement étaient réelles du fait d’une confusion possible à partir des éléments constitutifs. Votre commission des lois a clos ce débat, et la commission mixte paritaire a maintenu le texte en conséquence.

Parmi les autres sujets que nous avons eu à traiter, je m’attarderai sur ceux relatifs à la minorité de quinze ans ou encore à l’identité sexuelle.

S’agissant de la minorité, nos débats ont été intenses, ce qui était justifié. Je sais bien que l’insatisfaction demeure chez ceux qui souhaitaient que nous étendions jusqu’à dix-huit ans le dispositif prévu dans le texte pour les mineurs de quinze ans, insatisfaction qui règne peut-être sur tous les bancs, dans tous les cœurs et dans tous les esprits, par souci des mineurs. Mais je rappelle que le texte ne couvre pas que le milieu professionnel et que des amendements, portant notamment sur le milieu sportif, ont pris en compte le fait que des adolescents se retrouvent dans d’autres lieux où ils peuvent être également exposés à du harcèlement sexuel. C’est aussi le cas dans les colonies de vacances. Cela étant, dans les entreprises peuvent être présents des adolescents de quinze ans ou moins au titre de stages d’une semaine ou de plusieurs semaines, et ils sont protégés par la disposition prévoyant que l’abus d’autorité est une circonstance aggravante. Il est vrai que, dans les entreprises, il y a plus d’adolescents de seize à dix-huit ans que d’adolescents de quinze ans.

Tout en prenant en compte cette réalité, le Gouvernement a souhaité maintenir la circonstance aggravante pour minorité de quinze ans. Nous n’avons pas voulu en effet introduire un biais qui aurait eu des conséquences en cascade dans le code pénal sur ce qui relève de la minorité au titre de la protection et sur ce qui relève de la tranche d’âge entre seize et dix-huit ans au titre des exceptions pour les motifs d’engagement.

Néanmoins, je le répète, nous nous préoccupons de la présence, dans le milieu professionnel, de mineurs de seize à dix-huit ans, qui sont dans un univers qui leur est peu familier et auxquels il faudrait sans doute porter une attention particulière. Je me suis engagée à ce que, dans la circulaire d’application, les parquets soient alertés sur la nécessité de considérer leur cas et de regarder dans quelle mesure la circonstance aggravante d’abus d’autorité devrait être prise en considération. Mon ministère exercera une vigilance permanente sur cette question parce qu’elle me préoccupe et que le Président de la République a fait de la jeunesse la priorité de son quinquennat.

Les discussions portant sur l’identité sexuelle ont été, elles aussi, passionnantes, qu’il s’agisse de la différence entre le sexe et le genre ou, surtout, des conséquences de cette différence dans la prise en compte des droits. Nous avons veillé à être clairs au regard de la jurisprudence, mais aussi dans nos propos pour que, lorsque le juge examinera, sur la base des travaux et des débats parlementaires, l’intention du législateur, il entende bien que nous considérons que les personnes transsexuelles ou transgenres sont incluses dans les interdits sur les discriminations et que, concernées par la question de l’identité sexuelle, il est nécessaire de les protéger.

Ces débats sur le genre ont prouvé à quel point le Parlement est en capacité de s’emparer d’un sujet majeur pour la société et qui la traverse avec une certaine fébrilité. Le mot « genre » reviendra dans nos futurs débats, c’est un mot qui résiste, un mot qui conserve de l’opacité, un mot qui ne se laisse pas approprier ; nous aurions tort de considérer que les mots sont vierges, qu’ils voyagent d’un lieu à un autre sans bagage historique ni culturel. Je prédis donc que nous aurons de très beaux débats et que, probablement, nous ferons évoluer la réflexion générale dans la société sur la question du genre, non pas seulement en tant que concept, mais en tant qu’instrument opérationnel qui éventuellement, un jour, trouvera sa place dans le code pénal si nous réussissons à nous emparer de ce mot et à le domestiquer. Nous serons alors parvenus à ce que ce mot, arrivé parmi nous avec tout son poids, soit investi de notre propre vision historique et culturelle des relations dans notre société, de notre histoire, de nos codes, prenant par conséquent toute sa place dans nos débats et dans nos actions. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

Nous avons traité également de la protection des témoins afin qu’ils soient aussi protégés que les victimes parce que nous savons que pour la manifestation de la vérité, il est souvent indispensable et déterminant d’avoir des témoins qui puissent oser. Évidemment, la loi de 1983 sur le statut des fonctions publiques a été modifiée en conséquence.

En outre, la commission mixte paritaire a maintenu le relèvement du quantum des peines pour harcèlement moral à deux ans et 30 000 euros d’amende contre un an et 15 000 euros d’amende actuellement.

Sur tous les bancs s’est exprimée une préoccupation quant au sort des victimes qui ont vu s’éteindre l’action publique, parfois après de longues procédures. Elles n’ont plus la possibilité d’espérer un résultat pénal de leur action, mais elles peuvent entreprendre une action civile pour demander réparation devant une juridiction civile pour les dommages causés par la faute d’un tiers. Et si le tribunal en décide ainsi, elles obtiendront réparation personnelle ou matérielle. Dans l’état actuel du droit, elles sont donc obligées d’engager une nouvelle procédure.

À l’initiative de votre rapporteure Pascale Crozon, un article nouveau – l’article 7 qu’elle a évoqué – a été introduit dans le texte. Il vise à simplifier les démarches juridictionnelles des plaignants concernés. Aux termes de cette disposition, la juridiction correctionnelle saisie dans le cadre d’une procédure pénale pourra se constituer compétente pour l’action civile et statuer à ce titre. C’est donc une disposition qui facilite la procédure pour les plaignants.

J’ai déjà évoqué mon intention d’alerter les parquets sur la nécessité d’écrire à tous ceux qui ont vu s’éteindre l’action publique pour les informer qu’ils peuvent engager une action civile sur le fondement de l’article 1382 du code civil. Outre la circulaire d’application, une disposition législative va donc permettre concrètement de faciliter les choses pour ces victimes.

Nous étions tous d’accord pour considérer qu’il fallait apporter une réponse à cette difficulté, mais celle apportée par votre rapporteure a soulevé certaines interrogations.

M. le député Geoffroy, en particulier, a exprimé des inquiétudes sur la sécurité juridique et constitutionnelle de ce dispositif en posant de vraies questions : puisque le procès pénal est interrompu, que l’incrimination pénale a disparu et qu’en conséquence la partie civile n’a plus lieu d’être, sur quel fondement l’action civile peut-elle être engagée ?

Il est bon de rappeler d’abord que la rédaction retenue par la commission mixte paritaire n’est pas tout à fait celle qui avait été adoptée à l’Assemblée nationale la semaine dernière. Le rapport de la commission mixte paritaire témoigne de l’intensité de vos débats sur ce sujet.

La nouvelle rédaction tient aussi compte des observations formulées par le Gouvernement : le caractère non intentionnel des délits concernés par l’article 470-1 du code de procédure pénale ; la référence à la relaxe ; le caractère forcément transitoire de la disposition puisque le délai de prescription est de trois ans, ce qui m’avait fait souhaiter, la semaine dernière, qu’elle ne soit pas inscrite dans le code de procédure pénale.

La nouvelle rédaction retenue par la commission mixte paritaire élimine tous ces inconvénients. Il n’y a plus de référence à l’article 470-1 du code de procédure pénale. En revanche, la référence à la décision 2012-240 QPC du Conseil constitutionnel est explicite et même placée en début de dispositif, ce qui restreint le champ d’application et limite le recours à cette procédure.

La commission mixte paritaire a donc retenu le texte ainsi modifié.

Venons-en à la sécurité constitutionnelle et à la question de la rétroactivité. Les lois pénales ne sont rétroactives que si elles sont plus clémentes, ce qui n’est pas le cas ici : le présent texte étant plus sévère que le précédent et son champ d’application étant plus large, il ne peut être appliqué de façon rétroactive. La crainte d’inconstitutionnalité qui a été évoquée pendant tous nos débats n’est donc pas fondée.

Les personnes ne pourront plus être poursuivies pénalement, mais leur responsabilité pourra être engagée sur le fondement de l’article 1382 du code civil. Celui-ci prévoit que toute personne qui a causé un dommage peut être amenée à le réparer, y compris lorsque la juridiction pénale statuant sur l’intentionnalité – ce qui est déterminant pour le délit – ne retient pas la culpabilité.

De même, une action peut être engagée sur la base du code du travail dont les dispositions – comme celles de l’article 1382 du code civil – sont demeurées inchangées malgré la décision du Conseil constitutionnel. Elles peuvent donc être actionnées même si nous avons pris la précaution de conseiller aux parquets de ne pas poursuivre sur cette base. Néanmoins, le texte soumis à votre approbation a consolidé la rédaction de l’article L.1153-1 du code du travail.

Au vu des débats qui se sont tenus aussi bien au Sénat qu’à l’Assemblée nationale, il ressort que même si le délit est éteint du fait du vide juridique, vous ne considérez pas qu’il n’y a pas de faute civile. C’est ainsi que je l’ai compris. De sorte que le dispositif proposé par Mme la rapporteure de la commission des lois, réécrit par la commission mixte paritaire, est une règle de pure procédure à la fois pénale et civile. Il ne s’agit pas d’un dispositif de droit pénal de fond. Alors que l’action civile peut de toute façon avoir lieu, ce dispositif permet de meilleurs délais, une plus grande simplification en faveur des plaignants. En plus, il a l’avantage d’être conforme à un principe constitutionnel, celui de la bonne administration de la justice.

Reste la question que vous avez soulevée, monsieur le député, celle des parties civiles. En l’occurrence, dans cette disposition de Mme la rapporteure, la mention de la partie civile est sans incidence, purement technique. Lorsque l’action a été engagée au pénal, il y avait un délit et donc une partie civile. J’en conviens avec vous, dans le cas présent la partie civile devient un demandeur.

Cela étant, dans son article 372 sur l’acquittement et l’exemption de peine, le code de procédure pénale retient la partie civile en tant que telle, en précisant qu’elle est fondée à demander des dommages et intérêts pour le préjudice subi.

De même, les lois d’amnistie qui éteignent l’infraction reconnaissent à la partie civile, à nouveau, le droit de demander réparation sous forme de dommages et intérêts. Autrement dit, cette dénomination de la partie civile est maintenue dans le code même lorsque l’action pénale est éteinte.

Nous avons ainsi consolidé et sécurisé le dispositif de façon à ne pas courir de risque d’inconstitutionnalité.

Comme l’ensemble du texte, l’article 7 nouveau est soumis à votre approbation. Cependant, en raison de sa place dans le texte, il ne s’applique pas à Wallis-et-Futuna, à la Polynésie Française et à la Nouvelle-Calédonie, des collectivités d’outre-mer qui disposent d’un droit particulier. Le Gouvernement vous soumettra donc un amendement technique qui permet l’extension de cette disposition aux justiciables des trois territoires concernés.

M. Bernard Lesterlin. Très bien !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Sans préjuger les résultats du vote, j’espère me délecter d’une unanimité sur ce texte, ce qui serait un pur bonheur, je vous le dis sans ambages.

La semaine dernière, je m’étais engagée devant vous à publier la circulaire d’application, vingt-quatre heures après la promulgation du texte. Nous ferons mieux : nous publierons la circulaire le jour même de la promulgation. Les services de la Chancellerie ont travaillé sans répit et ils ont relevé, pendant toute la durée des débats au Sénat et à l’Assemblée nationale, à la fois le contenu des échanges et les engagements que j’ai pris, de sorte que la circulaire est pratiquement prête.

Les parquets recevront en même temps la loi et la circulaire d’application qui en précise le sens, la portée et qui les alerte sur certains points particuliers : la minorité de quinze ans et de seize à dix-huit ans ; les personnes transsexuelles et transgenres sont bien concernées par l’identité sexuelle ; le fait unique assimilé au harcèlement sexuel ne peut permettre de déqualifier des actes plus graves tels que la tentative d’agression sexuelle ou la tentative de viol, même si nous sommes persuadés que le risque de déqualification n’existe plus. Enfin, la circulaire comportera un point relatif à l’article 39 quinquies la loi de 1881 sur la presse et sur la protection des victimes par l’anonymat, sauf autorisation expresse de celles-ci

Au cours de ces dernières semaines, nous avons travaillé sur un sujet fortement chargé en émotions. Tout en étant extrêmement sensibles à cette émotion, nous avons décidé d’y répondre par le droit, tout le droit mais rien que le droit. Nous l’avons fait pour apporter protection et sécurité aux victimes, et surtout parce que nous légiférons pour vivre ensemble. Il s’agit ici d’un projet de loi et non d’une expédition punitive.

Nous avons choisi d’armer les victimes et d’infliger des sanctions aux auteurs. Nous visons à restaurer l’estime de soi des victimes, à leur donner la possibilité d’échapper à l’emprise et au joug d’autrui pour qu’elle puisse retrouver la maîtrise de leur vie. En ces circonstances, le droit nous montre à quel point il est une matière vivante au service des libertés individuelles.

Quant aux auteurs présumés de harcèlement sexuel, ils bénéficient évidemment de la présomption d’innocence. En cas d’accusations portées à tort et de mauvaise foi – dont la probabilité est statistiquement assez faible – le droit, grâce à ses règles, à ses procédures et à ses niveaux de juridiction offre les moyens de réparer, notamment par le bais de l’article 226-10 du code pénal relatif à la dénonciation calomnieuse.

Dans une certaine mesure, nous en sommes à un temps de fabrication. C’est seulement en 1980 que la France a ratifié le Pacte international sur les droits civils et politiques de 1966 dont l’article 2 stipule la non-discrimination sexuelle et l’article 3 l’égalité entre les hommes et les femmes. La Convention des Nations unies sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’encontre des femmes date de 1979 et elle a été ratifiée en 1983. Il demeure que le harcèlement sexuel en tant que tel n’apparaît dans notre droit pénal qu’en 1992.

Depuis, l’arsenal pénal s’est enrichi. Parfois, les lois suivent ; parfois, elles précèdent et transforment les mœurs. C’est tant mieux. Je crois que la présente loi remplira également cet office.

L’égalité n’est pas naturelle, mais elle est un principe, une valeur, une construction sociale qui permet que se forgent les destinées individuelles. C’est le fondement même du contrat social et c’est l’une des plus belles promesses républicaines.

Il revient dorénavant aux magistrats de traduire dans leurs décisions cette forte réprobation sociale que nous venons d’inscrire dans la loi commune. Mais il nous revient, à nous, au-delà des moyens de droit que nous avons accordés aux victimes, au-delà de l’injonction que nous avons adressée aux harceleurs, de nous impliquer, de participer et d’accompagner cette effervescence sociétale sur ce sujet extrêmement sensible de l’égalité, malgré le foisonnement des différences et quelle que soit la perplexité que ce dernier peut parfois nous inspirer.

C’est à cela aussi que contribuera la campagne gouvernementale de sensibilisation et d’information.

Pour le reste, soyons optimistes. La société va à son pas, mais nous avons toutes les raisons de rester optimistes si nous savons regarder ses évolutions et ses bouillonnements et si nous prenons sous un bon angle cette affirmation de René Char : « l’homme est capable de faire ce qu’il est incapable d’imaginer. » (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP et sur plusieurs bancs des groupes UMP et UDI.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre des droits des femmes, porte-parole du Gouvernement.

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, madame la présidente de la délégation aux droits des femmes, madame la rapporteure, mesdames et messieurs les députés, l’histoire retiendra que le tout premier texte adopté par ce Parlement, dans cette mandature, portait sur la protection des femmes qui fournissent l’essentiel des bataillons des victimes du harcèlement sexuel.

Nous ne pouvons pas rester indifférents au symbole et celui-ci nous oblige à faire aussi bien, aussi vite, au cours des mois et des années à venir, pour continuer à lutter contre toutes les formes de violence qui sont faites aux femmes.

À mon tour, je dois vous dire mon plaisir de vous retrouver en cette fin de session parlementaire pour examiner les conclusions de la commission mixte paritaire que Mme la rapporteure nous a présentées.

Le Sénat, un peu plus tôt dans l’après-midi, a adopté ces conclusions à l’unanimité.

Le travail que nous sommes en train de conclure est à bien des égards exemplaire.

Il l’est d’abord parce qu’il manifeste brillamment la capacité de nos institutions à répondre à l’urgence. En moins de trois mois, nous aurons réussi à rétablir le délit de harcèlement sexuel, à sécuriser cette incrimination et à réaliser des avancées importantes.

Cette urgence, nous ne l’avions pas choisie. Durant tous nos débats, plusieurs d’entre vous ont fait part de leurs interrogations sur les conditions de cette abrogation, sur sa soudaineté, sur les risques de la question prioritaire de constitutionnalité. J’en retire quant à moi la nécessité d’une exigence renforcée dans notre travail, celui du Gouvernement comme celui du Parlement, et je salue l’initiative de la garde des sceaux concernant l’examen systématique des crimes et délits pour mesurer leur exposition à une QPC.

Je m’associe bien volontiers à ce travail pour ce qui concerne les violences faites aux femmes. Nous devons éviter que cette situation ne se reproduise parce qu’elle engendre, à titre individuel, des souffrances supplémentaires pour les personnes concernées et qu’elle détruit, à titre collectif, la confiance des citoyens en la loi.

Cette réponse en urgence était nécessaire. Nous ne pouvions laisser trop longtemps un vide dans notre droit concernant une situation dont les débats ont montré combien elle était fréquente et à quel point ses conséquences étaient graves, pour les victimes évidemment, mais aussi pour la société tout entière. La publication de la loi mettra fin à cette parenthèse que nous avons voulue la plus courte possible. Mais surtout, c’était une exigence morale. Il n’était pas possible de laisser perdurer cette situation d’impunité.

La loi, nous dit l’article 5 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen, n’a le droit de défendre que les actions nuisibles à la société. C’est précisément ce que nous avons fait.

En votant ce texte chacune à l’unanimité, les deux assemblées ont voulu adresser à la société un message fort auquel le Gouvernement dans son ensemble adhère. Ce message, c’est que le harcèlement sexuel est un fléau, qui tire ses racines d’une culture de la domination masculine et dont les manifestations trop souvent passées sous silence n’en restent pas moins intolérables.

Quelle que soit votre appartenance politique, vous avez dit au cours des débats que le harcèlement sexuel ne pouvait plus rester un bastion de la loi du silence. Cet engagement, vous l’avez manifesté par un principe d’interdiction générale du harcèlement sexuel, désormais inscrit dans le code du travail comme dans celui de la fonction publique.

La tolérance que certains pouvaient encore escompter n’est plus de mise. La loi que vous voterez réprimera ces actes pour ce qu’ils sont : des nuisances individuelles, mais aussi à l’encontre de la société, une société que nous voulons fondée sur la justice, sur le respect et sur l’égalité entre les sexes.

Ce message est donc un acte politique fort pour la société et d’abord pour les victimes, celles du passé et, hélas, celles à venir. Des victimes auxquelles vous avez facilité les demandes de réparation au civil avec l’introduction de l’article 7.

Ce message est tout aussi important pour les juridictions, qui seront, au-delà du texte de la loi, éclairées par des débats politiques qui auront été extrêmement convergents, il faut le saluer.

Exemplaire, ce texte l’est aussi par son mode d’élaboration, par la collaboration à laquelle il a donné lieu entre le Gouvernement et le Parlement. Je tiens à mon tour à vous remercier pour la qualité des débats. Ce n’était pas acquis par avance. Les délais contraints ne nous y aidaient pas. Mais les auditions réalisées au Sénat et les travaux de votre rapporteure, des groupes, des délégations aux droits des femmes des deux assemblées ou encore des commissions, bref ce travail considérable a fourni une somme d’informations qui ont indéniablement enrichi et amélioré le texte.

Christiane Taubira et moi l’avions dit en le présentant au conseil des ministres : nous savions qu’il était susceptible d’évoluer. Nous ne nous étions pas trompées.

Il y a eu quelques débats. On sait par exemple combien importe la précision de la loi pénale. Nous avons eu aussi des échanges sur les principes, je pense en particulier aux champs respectifs de la discrimination et des circonstances aggravantes ou encore à la prise en compte des personnes en situation de vulnérabilité économique et sociale. Mais ce qui est essentiel, c’est que le texte auquel est parvenue la commission mixte paritaire soit exemplaire dans les équilibres qu’il met en place.

Le premier équilibre s’exerce entre la précision juridique, la clarté du texte que nous demandait le Conseil constitutionnel, d’une part, et, d’autre part, la capacité à appréhender le maximum de situations – toutes ces situations dont témoignent les associations : celles des femmes vulnérables en raison de leur précarité, celles des femmes harcelées au quotidien, celles des victimes de formes sournoises de chantage sexuel en un seul acte, celles des abus d’autorité dans le cadre des relations de travail, qui se verront à l’avenir plus durement sanctionnés…

Je pense aussi à ces jeunes femmes à l’université ou dans le cadre sportif ou associatif, dont il a beaucoup été question ici. Le code pénal leur sera bien sûr pleinement applicable, mais nous sommes en outre en train de travailler, avec Geneviève Fioraso et Valérie Fourneyron, à des procédures disciplinaires. Il faut un travail réglementaire qui permette d’appréhender ces champs-là aussi dans la lutte contre le harcèlement.

Ce texte durcit les sanctions donc, en restant cohérent avec l’échelle des peines. C’est un progrès. Il élargit la protection offerte aux stagiaires dans l’entreprise ou alors aux témoins, qui seront protégés autant que les victimes. Nous créons ainsi le cadre pour que les langues se délient, pour que personne n’ait peur de dénoncer les faits, qu’il soit victime ou témoin.

Au total, je pense que ce texte pourra mieux qu’avant répondre à la certitude de la sanction – ce à quoi aspirent les victimes, plus encore que l’ampleur de la peine. Aujourd’hui, elle ne fait plus défaut.

Le deuxième équilibre important, à mon sens, est celui trouvé entre la définition stricte des circonstances aggravantes et l’élargissement des cas dans lesquels les actes de discrimination pourront être réprimés.

C’est une évolution essentielle du texte que la reconnaissance désormais explicite des discriminations faites à raison de l’orientation ou de l’identité sexuelle. Je n’ignore pas les réserves qui ont été exprimées sur cette notion d’identité sexuelle, à laquelle certains préfèrent la notion d’identité de genre. Comme nous l’avons dit, la garde des sceaux et moi, l’identité de genre mérite un débat autrement important, qui embrasse le champ social, professionnel et juridique et auquel il faudra consacrer beaucoup de temps. Cette loi sur le harcèlement sexuel était une première étape dans la reconnaissance de la nécessité de lutter contre la transphobie, malheureusement encore monnaie courante dans notre société. Il faudra revenir sur ces sujets pour que tous les actes de discrimination à l’encontre de personnes transsexuelles ou transgenres soient sanctionnés comme il le faut.

Le troisième point d’équilibre se trouve entre les dispositions prises en matière de répression et tout l’arsenal mis en place en matière de prévention. Là encore, le travail parlementaire a apporté beaucoup d’améliorations. Comme cela a été dit, la loi pénale ne suffit pas : elle doit être accompagnée par des actions de sensibilisation, d’information, de prévention. Elle le sera.

Concernant la sensibilisation, comme je l’ai dit la semaine passée, nous mènerons à l’automne une campagne de sensibilisation qui traitera du harcèlement sexuel à proprement parler.

Je partage les remarques que j’ai entendues sur vos bancs : pour vaincre durablement le harcèlement sexuel, il faut agir beaucoup plus tôt, dès le stade de l’enfance, de l’éducation, de l’école – lutter contre les stéréotypes et représentations sexistes qui condamnent d’avance tous les efforts que nous pourrions faire par ailleurs et dont se nourrissent les violences envers les femmes. Nous avons, avec Vincent Peillon, commencé à travailler sur ce sujet. Je vous tiendrai informés des améliorations que nous apporterons.

Je sensibiliserai également les associations, qui jouent un rôle majeur, cela a été rappelé à de nombreuses reprises ici, pour qu’elles apportent toute l’information nécessaire aux femmes. Car toutes n’y ont pas accès si naturellement. Je pense au réseau des centres d’information sur les droits des femmes et des familles ou au dispositif d’accueil téléphonique du 3919 sur les violences.

Enfin, plusieurs mesures sont prévues dans le texte pour mieux prévenir le harcèlement dans le monde du travail : affichage des articles du code pénal sur les lieux de travail, rôle d’alerte des délégués du personnel, rôle de conseil des services de santé au travail, obligation de planification de la prévention en matière de harcèlement sexuel. Ce sont des avancées importantes.

La publication de la loi sera l’occasion de renforcer dans la fonction publique ces actions de prévention et d’actualiser les circulaires pour appeler l’attention sur ce délit particulier. Nous y travaillerons avec Marylise Lebranchu.

J’ai évoqué le cas de l’université. Là encore, le travail sur les procédures disciplinaires s’accompagnera d’un travail de prévention, d’information et de sensibilisation.

Toujours en matière de prévention, il y a aussi des bonnes pratiques qu’il faut faire connaître et partager. Ce sera une des missions de cet Observatoire national sur les violences faites aux femmes que vous avez unanimement appelé de vos vœux et que ce gouvernement mettra en œuvre très rapidement. Il nous permettra bien sûr de mieux appréhender, de mieux connaître les violences faites aux femmes, mais servira aussi de plateforme d’évaluation des politiques publiques.

Dernier point d’équilibre sur lequel je veux insister : le texte de la commission mixte paritaire retient toutes les avancées apportées par le Parlement concernant l’accompagnement des victimes.

Je pense à l’accompagnement par les associations, que le Sénat a élargi. Je pense aussi à cet article 7 introduit par votre assemblée et qui soulagera les victimes de harcèlement sexuel en permettant que la juridiction pénale demeure compétente pour statuer en matière civile lorsqu’elle aura été saisie avant l’extinction de l’action publique. C’est une disposition éminemment importante.

La garde des sceaux a prévu d’autres mesures qui témoignent de l’attention que les institutions de la République portent au sort des femmes dont les actions pénales ont été interrompues.

Au total, ce texte me paraît parfaitement équilibré. Il répond à une demande pressante, mais peut tenir dans la durée car il est réalisé en toute sécurité juridique, en ayant toujours pour objectif de protéger les victimes. Je vous remercie de votre contribution et j’espère vous retrouver dans le même état d’esprit pour les prochains textes relatifs aux droits des femmes (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP et sur divers bancs du groupe UMP.)

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Guy Geoffroy.

M. Guy Geoffroy. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, madame la ministre, mes chers collègues, le 4 mai dernier, en abrogeant la loi pénale sur le harcèlement sexuel, le Conseil constitutionnel a lancé involontairement mais indéniablement un défi à la représentation nationale. Il s’agissait de savoir si l’abrogation de cette loi créait un tel vide juridique que nous serions désarmés, au point de ne pas savoir quelle réponse apporter au plan législatif.

Ce défi, nous avons décidé, à partir du projet de loi, de le relever. Au moment de nous prononcer sur les conclusions de la commission mixte paritaire, nous pouvons tous, sereinement mais aussi, je crois, avec une certaine fierté, dire que nous l’aurons relevé avec efficacité et efficience.

S’agissant de la commission mixte paritaire, qui s’est réunie jeudi dernier, je tiens, au nom du groupe UMP, à saluer la qualité tant de l’animation de ses travaux par son président que du travail conjoint des deux rapporteurs de l’Assemblée nationale et du Sénat, et des échanges, plus que des débats, qui y ont eu lieu sur des sujets importants qui méritaient un approfondissement et, souvent, des clarifications, et qui justifiaient de bien montrer quelle était l’intention politique du législateur. En effet, si le défi de donner, le plus rapidement possible, une nouvelle définition au harcèlement sexuel est un défi législatif, c’est aussi un défi politique. Je crois que nous serons parvenus, dans quelques minutes, à le relever pour aboutir au résultat espéré.

Je ne reprends pas le détail des conclusions de la CMP. Finalement, les travaux de celle-ci ont conduit à ce que ce soit plutôt le texte adopté par l’Assemblée nationale qui soit finalement proposé au vote unanime des deux chambres du Parlement. J’évoquerai cependant certains points sur lesquels l’examen du texte par nos deux assemblées et les travaux cette CMP auront permis de progresser de manière importante.

Le premier point, c’est incontestablement la définition. Le Conseil constitutionnel avait – j’y reviendrai dans ma conclusion – le souci de donner plus de sécurité à la prise en charge des victimes. Il fallait que le délit fût plus précisément défini par la loi. Il ne l’était pas assez, le Conseil constitutionnel a pris ses responsabilités. Il devait l’être davantage. Pour qu’il le soit, le Parlement a pris ses responsabilités. Cette définition a été travaillée, réduite pour la rendre plus claire et plus efficace. Le texte de la commission mixte paritaire, qui est le nôtre, aura montré que le travail successif de l’Assemblée nationale et du Sénat était utile et aura donné les fruits que nous en attendions.

Le deuxième point, c’est la notion de fait unique. Elle a été l’objet de débats tant dans cet hémicycle qu’au Sénat. Ces débats nous ont permis de nous mettre d’accord sur un élément important, qu’il fallait connaître, dont il fallait prendre la mesure, pour mieux le dénoncer et pour mieux le combattre : plus que la volonté d’aller vers l’acte sexuel, c’est la volonté, par un comportement à connotation sexuelle, d’exercer une véritable domination de l’un sur l’autre – majoritairement d’un individu du sexe masculin sur un individu du sexe féminin – qui importe. Nous sommes en plein dans les débats que nous avons eus, et que nous poursuivrons, sur l’ensemble de la problématique des violences de genre. Grâce au travail accompli sur le fait unique, nous sommes parvenus à une plus grande efficacité, et nous avons donné – nous devions le faire – un élément de réponse supplémentaire à l’attente légitime de l’ensemble des victimes.

Nous avons eu des échanges, sous la forme de débats que je ne qualifierai pas de vifs mais qui témoignaient d’une très grande implication des uns et des autres. Vous avez repris une partie des questions soulevées, madame la garde des sceaux, mais celles-ci ne devaient probablement pas trouver leur traduction dans la loi au point que certains espéraient. C’est notamment le cas de la question du genre.

Je souscris totalement aux propos de Mme la ministre des droits des femmes : cette question du genre est importante, personne, sur les bancs de cette assemblée, ne le nie, mais, premièrement, la réflexion n’est pas mûre et, deuxièmement, son traitement dans le cadre d’une procédure trop rapide pour que nous puissions tirer des conclusions législatives définitives aurait probablement été une erreur. Nous aurons eu la sagesse de ne pas la commettre. Je tiens à cet égard à remercier notre rapporteure et à saluer sa persévérance tranquille et assurée ; sans négliger le fait qu’il faudrait s’y pencher à nouveau, elle a préféré nous conseiller la sagesse, conseil que nous avons suivi.

La question de la minorité n’est pas une question mineure. Nous l’avons tous évoquée en considérant ce qui nous semblait utile pour les mineurs. Nous avons bien compris – sans, pour autant, être totalement convaincus – qu’il ne fallait pas modifier le repère de l’âge de quinze ans. Nous voulons vous croire, madame la garde des sceaux, quand vous dites que vous veillerez à ce que les parquets soient particulièrement attentifs à tout ce qui pourrait constituer des circonstances aggravantes, notamment en s’appuyant sur la notion d’abus d’autorité dans le cas de mineurs âgés de quinze à dix-huit ans ; nous vérifierons que nous avons eu raison de vous croire.

Nous avons eu un beau débat sur le nouvel article 7, qui était nécessaire. Personne ne contestait qu’il fallait avancer sur ce sujet. Ayant assumé notre responsabilité de législateur, nous nous devions également d’assumer notre responsabilité de représentants de la nation, c’est-à-dire notre responsabilité politique. Il fallait adresser un message aux victimes privées de poursuites à cause de la disparition de l’incrimination à partir de laquelle elles avaient été engagées.

Nous y avons beaucoup travaillé. Les sénateurs – j’en ai eu quelques témoignages de nos collègues – ont été très intéressés par nos travaux et, nous l’avons vérifié en commission mixte paritaire, ils ont trouvé judicieux que nous nous soyons emparé de la question pour y répondre comme nous l’avons fait.

Je ne regrette pas d’avoir fait part des interrogations, teintées d’inquiétude, qui étaient celles du groupe UMP. Elles portaient non pas sur ce que nous allions inscrire dans la loi, mais sur la manière dont nous allions le faire. Je suis reconnaissant à notre rapporteure et au Gouvernement d’avoir veillé à ce que la nouvelle définition du harcèlement sexuel satisfasse davantage aux exigences de la sécurité juridique et constitutionnelle. Sommes-nous assurés d’être parvenus à une telle sécurité ? Nul ne peut l’affirmer.

Je terminerai en ouvrant la voie à une compréhension par le juge constitutionnel de ce que nous aurons voulu faire. Ce dernier a assumé ses responsabilités ; nous avions à assumer les nôtres. Dans ce dialogue qui s’est noué entre lui et nous, nous avions une responsabilité conjointe, la responsabilité d’apporter une réponse aux victimes.

Le Conseil constitutionnel a annulé la loi antérieure en estimant qu’elle ne protégeait pas assez les victimes, puisqu’elle n’était pas assez précise. Nous devions, pour notre part, faire en sorte, par un surcroît de précision, que les victimes soient protégées et que les auteurs de harcèlement sexuel puissent effectivement être poursuivis devant les juridictions pénales. Au terme de ce dialogue très informel entre le législateur que nous sommes et le juge constitutionnel, chacun, dans le cadre de ses responsabilités, a tranché. En offrant aux victimes, avec l’article 7, la possibilité d’obtenir au civil la réparation nécessaire, dans le continuum des poursuites qui avaient été engagées antérieurement à la décision du Conseil constitutionnel, nous aurons apporté la dernière pierre de l’édifice commun du Conseil constitutionnel et du Parlement : le harcèlement sexuel sera poursuivi, il sera puni, aucune victime ne sera privée de son droit absolu à la reconnaissance de son statut de victime et les auteurs de harcèlement seront condamnés comme ils doivent l’être.

Je le disais à l’issue de nos travaux de la semaine dernière : nous avons fait du bon travail que la commission mixte paritaire a poursuivi. C’est parce que nous avons fait du bon travail et que nous avons été à la hauteur de notre responsabilité politique et législative que le groupe UMP, tout naturellement, fier de ce travail accompli en commun, votera ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et plusieurs bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

M. le président. La parole est à M. Sergio Coronado.

M. Sergio Coronado. Mesdames les ministres, chers collègues, le projet de loi relatif au harcèlement sexuel que nous allons voter est attendu. Au cours de nos discussions, nombreuses ont été les interventions qui visaient à rappeler les chiffres de ce fléau social. Le harcèlement sexuel est une des variantes de la violence de genre, dont les femmes sont majoritairement victimes, une violence sourde, présente partout, qui bénéficie malheureusement d’une complaisance sociale parfois très large.

Il reste beaucoup à faire en termes de prévention et d’accompagnement des victimes. Il reste beaucoup à faire pour construire l’égalité entre les hommes et les femmes.

C’est dans ce contexte que, le 4 mai dernier, le Conseil constitutionnel, saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité par la Cour de cassation, a abrogé l’infraction de harcèlement sexuel. Il a en effet considéré que les éléments constitutifs de celle-ci étaient insuffisamment définis et a déclaré l’article 222-33 du code pénal contraire à la Constitution. Il a précisé que cette censure était d’effet immédiat et s’appliquait donc à toutes les affaires non définitivement jugées.

Cette décision a laissé un vide juridique et a créé un sentiment d’urgence.

Depuis le 4 mai dernier, aucune procédure pénale – cela a été dit – n’a pu être engagée. Pour les femmes qui ont eu le courage de parler et de porter plainte, il ne reste que la voie civile pour obtenir réparation.

À la suite de cette décision, vous avez, madame la garde des sceaux, invité les juges à requalifier, lorsque cela était possible, les faits qui avaient donné lieu à une procédure, et vous avez eu raison. Vous avez ainsi montré ainsi la mobilisation du Gouvernement sur un tel sujet et témoigné de votre souci des victimes.

Le Parlement, conscient de sa responsabilité, s’est prêté de bonne grâce à une procédure accélérée qu’il dénonce en temps normal, à juste titre ; ancienne parlementaire, vous l’avez rappelé. Vous savez que cette procédure ne permet pas toujours au travail législatif de s’accomplir pleinement.

Dans ce cas néanmoins, la procédure accélérée n’a pas étouffé nos débats. Ils ont été de qualité en commission et en séance. Nous avons débattu non seulement des questions de genre, mais aussi de la majorité, de la sécurité juridique du texte, de la transposition des dispositions pénales dans le code du travail et le code du sport.

Vous n’en avez pas moins rappelé que cette procédure ne devait pas être la règle, qu’elle était une exception, justifiée par la décision du Conseil constitutionnel. En effet, les textes que vous avez annoncés lors de votre audition par la commission des lois demanderont du temps et des débats contradictoires, et la navette ne sera pas de trop.

Le texte soumis ce soir à notre approbation fait donc l’objet d’un large consensus entre nous. C’est une bonne chose que, par-delà les clivages, les vues des parlementaires que nous sommes puissent, sur des sujets comme celui-ci, converger pour que s’impose l’intérêt général.

L’opposition a participé activement aux débats. Elle a présenté des amendements qui tentaient de clarifier des points du texte qu’elle jugeait obscurs. Aucun de ses amendements n’a été adopté ; pourtant, elle s’apprête à voter ce texte. Je veux saluer cette attitude.

Mme Annie Genevard. Merci !

M. Sergio Coronado. Nous nous caricaturons beaucoup. Il me semble donc nécessaire de saluer l’attitude constructive, coopérative, de l’opposition.

Nous, écologistes, avons dit notre soutien au texte dès la discussion générale. Vous pourrez compter sur nous dès qu’il s’agira d’élargir le champ des libertés, de faire triompher l’égalité des droits et la lutte contre les discriminations. C’est aujourd’hui le cas sur ce projet. J’espère que ce sera le cas sur les textes à venir.

Nous vous avons expliqué notre désaccord sur la question de l’identité de genre. Nous avons aussi entendu l’argument de l’opportunité.

Nous pensons toujours que l’expression choisie à la suite des débats au Sénat est inappropriée, et je pense, comme notre discussion de l’autre soir l’a montré, que notre désaccord n’est pas que lexical.

Une discussion sur le genre a été proposée. Soit. C’est un premier pas encourageant. Il faudra néanmoins que l’orientation de genre fasse enfin son entrée dans notre corpus législatif. On ne lutte efficacement contre les discriminations – vous l’avez rappelé à plusieurs reprises à cette tribune – qu’à condition qu’elles soient clairement nommées. C’est une question importante que nous souhaitons traiter.

Le texte issu de nos travaux a donné une double définition du harcèlement qui englobe toutes les situations et tous les champs. Il est précis, et permet ainsi de répondre aux griefs qui avaient conduit le Conseil constitutionnel à abroger les dispositions antérieurement en vigueur.

Le texte adapte également la répression à la gravité des faits. Il permettra de punir de façon cohérente et exhaustive les discriminations très souvent induites par le harcèlement sexuel. Le code pénal et le code du travail ont été modifiés en ce sens. Quant aux victimes, elles pourront agir vite et efficacement. Non seulement le texte protège, mais il met fin à l’impunité.

Sans revenir sur le fond, qui fait entre nous consensus, je dirai l’importance et l’urgence qu’il y a à mettre en place l’Observatoire des violences faites aux femmes. Cet engagement du Gouvernement est attendu. Il est selon moi nécessaire. Nous serons très heureux de le voir se mettre en place.

J’insiste également sur la nécessité d’accompagner ce texte, d’en faire la publicité et de mener à bien son évaluation.

Enfin, j’exprime notre accord avec l’idée, émise à cette même place par le président de la commission des lois, de créer un fonds dédié à l’aide aux victimes, qui serait abondé par les auteurs d’infractions définitivement condamnés.

Les travaux de la commission mixte paritaire ont été facilités par le large accord qui existait entre les deux assemblées. Je me permettrai simplement de souligner d’abord la précision de la double définition du harcèlement sexuel qui a été adoptée, ainsi que la sécurité apportée à toutes les victimes grâce à la nouvelle formulation de l’article 7 retenue par la commission mixte paritaire.

Chères mesdames les ministres, c’est donc sans surprise et avec une grande satisfaction que les parlementaires écologistes s’apprêtent à voter ce texte. Si nous participons ainsi à votre bonheur, c’est avec le plus grand plaisir. (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste et SRC.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Moignard.

M. Jacques Moignard. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, madame la ministre, mesdames et messieurs les députés, le délit de harcèlement sexuel, inscrit dans le code pénal en 1992, n’a donné lieu, ces dernières années, qu’à un nombre relativement faible de condamnations. Ce délit présente la particularité de susciter, par nature, un taux de plainte très bas, en raison des réticences des victimes à se faire connaître. De plus, les actes pouvant être définis comme harcèlement sexuel sont très proches d’autres qualifications pénales, comme l’agression sexuelle, et peuvent même en être le déclencheur.

C’est dans ce contexte spécifique que la décision du Conseil constitutionnel du 4 mai 2012 a abrogé l’article 222-23 du code pénal, créant un vide juridique insensé qui devait être comblé au plus vite. À cette fin, le Sénat a constitué, dès la fin du mois de mai, un groupe de travail de qualité. Plusieurs propositions de loi ont également été déposées. Pour sa part, le Gouvernement a déposé, le 13 juin dernier, sur le bureau du Sénat, le présent projet de loi relatif au harcèlement sexuel, qui permet des avancées très importantes.

Dès lors, un travail constructif s’est mis en place entre le Gouvernement et nos deux assemblées. Ces dernières ont voté ce projet de loi, avec quelques modifications, sur un sujet grave qui dépasse les clivages partisans.

Le Sénat a ainsi donné plus de cohérence à la rédaction de l’article 1er, en définissant successivement le harcèlement simple et le délit de chantage sexuel, puis en prévoyant la même sanction pour ces deux infractions. Si les deux formes de harcèlement entraînent des souffrances de nature différente, il ne saurait être établi de hiérarchie entre les deux. Le Sénat a également élargi la définition du harcèlement aggravé, en incluant, comme finalité à ce délit, la recherche de tout acte de nature sexuelle, au lieu des seules relations de nature sexuelle.

Par ailleurs, le Sénat a ajouté aux motifs de discrimination pénalement sanctionnés, celui de l’identité sexuelle, prenant ainsi en compte le cas des transsexuels. Il a de plus étendu aux associations de lutte contre le harcèlement sexuel le droit de se porter partie civile. Les dispositions réprimant les faits de harcèlement sexuel dans le cadre professionnel ont été étendues aux personnes en formation ou en stage.

Quand son tour est venu, l’Assemblée nationale n’a pas, en substance, modifié le texte voté par le Sénat, mais a voulu, pour en améliorer encore la qualité, y adjoindre quelques modifications.

Elle a d’abord rétabli, pour ce qui concerne le harcèlement simple, le terme de « comportement » en lieu et place de celui « d’agissement ». Elle a ensuite modifié, sur proposition de la commission, la définition de l’élément matériel du délit de chantage sexuel : le texte adopté par le Sénat visait le fait d’user « d’ordres, de menaces, de contraintes ou de toute autre forme de pression grave. » Cette modification permet de clairement distinguer ce nouveau délit des tentatives de viol et d’agression sexuelle, comme l’avaient souligné les sénateurs du Rassemblement démocratique et social européen durant la discussion au Sénat.

Elle a enfin modifié la formulation de la circonstance aggravante de vulnérabilité économique et sociale, en supprimant la condition selon laquelle l’auteur de l’infraction devait avoir profité de cette vulnérabilité.

S’agissant de la définition du harcèlement dans le cadre professionnel, notre assemblée a inséré in extenso dans le code du travail la définition du harcèlement sexuel. Surtout, elle a supprimé les termes « dans le cadre des relations de travail » afin de ne pas écarter la protection des salariés contre des faits de harcèlement sexuel commis en dehors du lieu et des heures de travail.

Enfin, le nouvel article 7 vise à faciliter l’exercice de poursuites par les victimes de faits de harcèlement sexuel commis avant l’abrogation de l’article 222-33 du code pénal, en permettant au tribunal correctionnel qui constate l’extinction de l’action publique de demeurer compétent pour statuer sur la demande d’indemnisation de la victime fondée sur la faute civile. Cela n’est pas une mince affaire : nombre de victimes pourront recourir à cette disposition, ainsi que vous l’avez évoqué tout à l’heure, madame la garde des sceaux.

Peu de points restaient en discussion. La commission mixte paritaire est donc facilement parvenue à un accord. Elle a ainsi maintenu le terme « comportements » à l’article 1er pour caractériser l’élément matériel du délit de harcèlement sexuel. Elle a également maintenu le relèvement du quantum des peines applicables au harcèlement moral à l’article 1er bis, tout comme la sanction des faits de discrimination contre une personne témoignant de faits de harcèlement sexuel à l’article 2, ou encore la coordination dans l’ensemble des codes de l’incrimination des discriminations commises à raison de l’identité sexuelle, ainsi que l’extension de la possibilité pour les associations de se porter partie civile.

De la même façon, la CMP a adopté le texte voté par notre assemblée, s’agissant de la reproduction dans le code du travail des dispositions sanctionnant le harcèlement sexuel. Enfin, elle a adopté une nouvelle rédaction de l’article 7 ne faisant plus référence directement à l’article 470-1 du code de procédure pénale. Ce dernier article concerne en effet les délits non intentionnels, ce dont ne peut être qualifié le délit de harcèlement.

Madame la garde des sceaux, madame la ministre, l’ensemble des membres du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste votera ce texte qui, par l’importance de son contenu et la portée de ses avancées, requiert, ce soir, l’unanimité. (Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP.)

M. le président. La parole est à M. Marc Dolez.

M. Marc Dolez. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, le texte élaboré par la CMP, que nous adopterons définitivement dans quelques minutes, est à la fois indispensable et urgent.

Il répond à une très forte attente des victimes de harcèlement sexuel, plongées dans un profond désarroi après la disparition de ce délit de notre arsenal juridique. Ce texte, il faut le souligner, porte aussi la marque d’un travail collectif rigoureux qui a permis son amélioration au fil des débats. La nouvelle définition du délit est désormais suffisamment précise pour respecter le principe de légalité des délits et des peines, tout en évitant de dresser une liste limitative de comportements répréhensibles, qui serait inadaptable aux situations de fait.

La rédaction retenue est plus large dans son champ d’application et plus précise que l’incrimination annulée par le Conseil constitutionnel. La définition du harcèlement par acte unique suscitait des inquiétudes, en raison du risque de sous-qualification de l’agression sexuelle en harcèlement sexuel. L’amélioration de la rédaction permet désormais de lever ce risque.

La définition en deux temps constitue indéniablement un progrès, qui devrait permettre de prendre en compte plus largement les différentes formes de harcèlement sexuel. À cet égard nous accueillons avec satisfaction la simplification de la charge de la preuve, puisqu’il n’est plus demandé de prouver l’intention sexuelle de l’auteur, mais l’atteinte à la dignité de la victime constituée par le caractère dégradant ou humiliant du comportement de celui-ci.

Nous soutenons également les autres dispositions du texte, qu’il s’agisse des circonstances aggravantes, de la possibilité de sanctionner les discriminations résultant de faits de harcèlement, de l’élargissement du droit d’ester en justice des associations, ou encore de la mise en cohérence du code du travail avec la loi de 1983 relative aux droits et obligations des fonctionnaires et avec les dispositions du code pénal.

Au bout du compte, ce projet de loi constitue une réelle avancée en matière de protection des victimes, même s’il est également absolument indispensable de renforcer les dispositifs de prévention. Nous souhaitons notamment qu’un travail minutieux de prévention soit mené pour informer, sensibiliser, et responsabiliser tous les acteurs sociaux. À cet égard nous avons pris acte avec satisfaction des engagements du Gouvernement.

C’est pour toutes ces raisons – vous l’aurez compris – que le groupe GDR votera résolument pour ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur quelques bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Sebaoun.

M. Gérard Sebaoun. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, madame la ministre, mes chers collègues, je rappellerai en quelques mots le sens de nos travaux, qui aboutiront – j’en suis sûr – à l’adoption à l’unanimité d’un projet de loi amendé, amélioré, et adopté par la commission mixte paritaire.

Notre rapporteure, Mme Pascale Crozon, a tenu à rappeler au cours de nos débats aux nouveaux élus dont je suis – nous sommes quelques-uns : 234 – que les textes de loi relatifs aux droits des femmes étaient presque toujours votés à l’unanimité, approuvée sur ce point par notre collègue Guy Geoffroy, s’exprimant au nom de l’UMP. C’est un moment suffisamment rare, me semble-t-il, dont j’apprécie le sens et la portée.

« Cette loi n’est pas un texte compassionnel », disait Mme la garde des sceaux le 24 juillet, « elle affirme un droit pour tous, celui de ne pas être soumis à la domination d’autrui », en clair : le droit de ne pas être harcelé en toutes circonstances. Au cours de la discussion générale du 24 juillet, tous les intervenants ont souligné la précision de l’incrimination, la plus grande clarté et la sécurité juridique apportées par ce texte, ainsi que l’apport des associations et des professionnels auditionnés. Quitte à être redondant, il est utile d’en souligner les avancées les plus significatives.

Le fait unique, d’abord. En clair, de quoi s’agit-il ? Être harcelé pour obtenir un acte de nature sexuelle lors d’un entretien d’embauche, de la demande d’une formation, ou de la demande d’un stage, par exemple. L’inscription de la vulnérabilité ou de la dépendance liée à la précarité, à la situation économique et sociale de la victime, comme circonstance aggravante, constitue une autre avancée.

J’insisterai sur la traduction de la nouvelle loi dans le code du travail. Le choix a été fait – plusieurs orateurs l’ont dit – d’y reproduire in extenso la définition du harcèlement sexuel, plutôt que de renvoyer simplement au code pénal, même si cette dernière position était parfaitement défendable. Convenons-en, néanmoins, le code du travail est l’outil principal dans le monde du travail, ce qui justifie probablement le choix entériné. La loi donne aux personnes en formation ou en stage ainsi qu’aux candidats à un recrutement les mêmes droits qu’aux salariés.

Pour ce qui est de l’obligation d’affichage – que nous avons votée – de l’article 222-3 du code pénal sur les lieux de travail, j’espère que ce document ne finira pas jauni derrière une vitre mal nettoyée. J’attends pour cela beaucoup de l’implication des différents partenaires dans l’entreprise. La loi renforce le pouvoir d’interpellation des délégués du personnel, celui de l’inspecteur du travail, et l’implication indispensable des services de santé. Je me souviens de nos auditions et des engagements sincères à ce sujet des organisations patronales et syndicales.

Des propositions concrètes ont émergé. Je les rappelle brièvement : l’organisation d’une grande campagne nationale de sensibilisation et d’information transversale aux ministères concernés, celle d’une enquête nationale sur les violences faites aux femmes, notamment dans le monde du travail, à l’initiative de la délégation aux droits des femmes, et la création d’un observatoire national sur les violences faites aux femmes, que nous a confirmée la ministre aux droits des femmes. Enfin, j’ajoute la proposition du président de la commission des lois – faisant suite, semble-t-il, à différents travaux de la précédente législature – qui contraindrait les auteurs d’infractions condamnés à participer financièrement à un fonds dédié à l’aide aux victimes.

J’ai retenu également, madame la garde des sceaux, que vous demanderez l’élaboration d’un module de sensibilisation des magistrats aux infractions à caractère sexuel pour les élèves de l’École nationale de la magistrature. J’ajoute que je suis particulièrement sensible à l’alerte de Mme Catherine Lemorton sur la situation du monde carcéral.

Les ministres, la rapporteure, les intervenants se sont fait l’écho des pistes de réflexions ouvertes, sur lesquelles je ne reviens pas.

Je veux m’arrêter un instant sur la proposition, à mon avis justifiée, de notre collègue Alain Tourret d’élargir le droit d’intervention aux délégués syndicaux, même si je comprends parfaitement que cela revienne aux organisations.

Avant de vous inviter à voter à l’unanimité le texte de loi sur le harcèlement sexuel, je veux citer Ariane Mnouchkine. Engagée de très longue date dans le combat pour les droits des femmes et signataire parmi les 343 du fameux manifeste du 5 avril 1971, acte essentiel dans la longue marche vers le droit à l’interruption volontaire de grossesse affirmé dans la loi Veil du 17 janvier 1975, Ariane Mnouchkine nous dit : « C’est parce que nous sommes en retard qu’il faut prendre le temps ». Je suis convaincu qu’elle nous pardonnera d’avoir choisi la procédure d’urgence, car les victimes, elles, ne pouvaient pas attendre ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, GDR et RRDP.)

M. le président. La parole est à M. Gilles Bourdouleix.

M. Gilles Bourdouleix. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, je tiens, d’abord, à saluer l’esprit constructif dans lequel nos assemblées ont travaillé, en particulier la semaine dernière, dans le cadre de la commission mixte paritaire, pour aboutir à un texte qui permettra de combler le vide juridique créé par le Conseil constitutionnel. Ce vide juridique est, il convient de le rappeler avant de revenir sur le texte lui-même, la conséquence extrême de la question prioritaire de constitutionnalité qui aboutit, à un moment donné, à faire disparaître une loi, à faire disparaître la protection juridique apportée aux victimes dans le cadre, ici, du délit de harcèlement sexuel. Je rejoindrai Mme la ministre des droits des femmes qui soulignait, tout à l’heure, que cela devait nous inciter, dans le cadre de nos travaux, que ce soit à l’Assemblée ou au Sénat, à être très exigeants pour que nos textes soient parfaitement bordés, afin d’éviter un tel vide juridique, particulièrement lorsqu’il s’agit du harcèlement sexuel, véritable fléau social et sociétal, qui engendre chez les victimes, principalement les femmes, comme cela a été rappelé à plusieurs reprises, une souffrance réelle trop souvent ignorée. C’est pour cette raison qu’il était particulièrement urgent de voter un texte donnant de nouveau dans notre code pénal une définition précise du délit de harcèlement sexuel.

Le groupe UDI sera, bien évidemment, favorable à ce projet de loi. Je rappellerai, toutefois, en quelques mots, les points, objets de nos amendements, que nous aurions aimé améliorer. J’ai entendu, tout à l’heure, les remarques et les réponses apportées à l’avance par Mme la garde des sceaux. Je me permettrai cependant de dire qu’elle ne m’a pas totalement convaincu.

Le premier point concerne celui de la minorité légale. On a dit et redit combien les souffrances des victimes de harcèlement sexuel étaient lourdes. Elles le sont particulièrement lorsque la victime est très jeune, qu’elle est mineure de moins de quinze ans, mais aussi, il convient de le préciser, de moins de dix-huit ans. Mme la garde des sceaux a indiqué tout à l’heure que la circulaire d’application rappellerait la nécessité de prendre en considération la situation des personnes mineures. Toutefois, nous restons hésitants quant à l’application à certains cas particuliers de la circonstance aggravante de l’abus d’autorité. S’agissant, par exemple, d’un mineur de seize ou dix-sept ans, émancipé par ses parents, qui serait victime de harcèlement sexuel alors qu’il recherche un logement, il n’est pas évident que la notion d’abus d’autorité permette de le protéger totalement.

Le deuxième point que nous aurions voulu modifier concerne le délai de prescription de l’action pour agression sexuelle ou fait de harcèlement sexuel. Nous aurions souhaité que ce délai de prescription commence à l’instant où s’achève, généralement par la volonté de la victime, le lien de hiérarchie entre la victime et le harceleur dans le cadre du travail. J’ai bien noté la volonté d’informer parfaitement les personnes grâce à la présentation du texte que nous allons voter ce soir et de sa mise en œuvre dans les entreprises ou l’administration. Néanmoins, on peut imaginer la difficulté que constitue un dépôt de plainte alors que le lien de travail se poursuit. Nous pensons que les victimes auraient pu se sentir rassurées de savoir que le délai de prescription ne commençait qu’à l’instant où elles mettaient un terme à leur lien de travail, et que cela leur aurait permis de rechercher un autre emploi tout en engageant une procédure avec davantage de sérénité morale.

Dernier regret, le relèvement de la peine que nous avions proposé n’a pas été accepté. Vous nous avez répondu, et cela est vrai, qu’il existe, aujourd’hui, dans notre code pénal, un certain désordre dans la hiérarchie des peines. Nous proposions de prévoir une peine punissant davantage le harcèlement sexuel qu’un vol, une peine à mi-chemin entre le vol et l’agression sexuelle sans viol. Nous imaginions que cette solution, plus juste pour les victimes, pouvait aussi répondre à la demande d’un certain nombre d’associations. J’ai bien noté que vous avez évoqué une sorte de grand soir de la refonte de la hiérarchie des peines dans le code pénal, mais le grand soir est parfois lent à arriver. Nous voulions, pour notre part, offrir un petit matin plus lumineux aux victimes en prévoyant une peine renforcée pour les personnes coupables de harcèlement.

En dépit de ces réserves, ce texte présente, à l’évidence, un double intérêt : celui de redéfinir de manière suffisamment précise le délit de harcèlement sexuel de façon à éviter une nouvelle censure du Conseil constitutionnel, et celui de présenter un dispositif complet permettant de prendre en compte le plus grand nombre possible de situations, y compris les discriminations résultant du harcèlement sexuel, avec pour principal objectif de garantir à la victime potentielle une protection effective.

Au-delà de la volonté partagée par l’ensemble des groupes de contribuer à votre pur bonheur, madame la garde des sceaux (Sourires), le groupe UDI aura beaucoup de joie et de plaisir à voter ce texte pour les raisons que je viens d’indiquer et, en particulier, parce que nous comblons le vide juridique et que nous améliorons le précédent texte relatif au délit de harcèlement sexuel. (Applaudissements.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-George Buffet.

Mme Marie-George Buffet. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, après un débat riche et constructif, le projet de loi visant à rétablir l’incrimination de harcèlement sexuel va être, ce soir, définitivement voté et, à entendre les interventions, à l’unanimité.

C’est un moment essentiel pour les victimes, un moment important pour les femmes.

Je tiens à vous remercier, madame la garde des sceaux, ainsi que votre collègue, d’avoir su apporter cette réponse dans l’urgence. Je veux saluer, une nouvelle fois, la contribution de tous les collègues de l’Assemblée à cette construction et saluer également l’action des féministes qui se sont mobilisés et ont participé à l’élaboration de cette loi.

Même si les débats, comme on l’a constaté, restent ouverts, cette loi permettra, par son contenu, à toutes les victimes de faire entendre leurs souffrances et d’obtenir réparation. Cette loi, c’est aussi un signe envoyé à ceux qui n’ont eu de cesse de banaliser toutes les formes de violences faites aux femmes, de la violence tout court au viol, de l’agression au harcèlement sexuel. C’est un signe aussi fort que celui que nous avons envoyé lorsque nous avons affirmé que le viol était un crime ou lorsque nous avons voté à l’unanimité la loi contre toutes les violences faites aux femmes.

Madame la garde des sceaux, cette loi, une fois votée, doit être pleinement mise en œuvre. Cela implique, vous l’avez souligné avec votre collègue ministre des droits des femmes, que les femmes s’emparent de cette loi. Pour cela, elles doivent la connaître. Aussi, une grande campagne d’information utilisant tous les vecteurs possibles doit-elle être lancée. Nous avons vu, en effet, que de nombreuses femmes ne connaissent pas la loi contre toutes les violences faites aux femmes. Elles ignorent encore qu’elles peuvent, par exemple, demander une ordonnance de protection, qui était pourtant un point fort de cette loi. Il convient, bien sûr, d’utiliser les supports médiatiques, mais aussi de solliciter toutes les actrices et tous les acteurs de terrain – membres d’associations, élus – pour mener cette campagne d’information. Nous avons également besoin de former toutes les actrices et tous les acteurs institutionnels. Je me suis, en effet, aperçue que, dans certains commissariats, on ignorait encore les dispositions de la nouvelle loi relatives aux violences faites aux femmes. Les professionnels ont donc aussi besoin d’être informés.

L’Observatoire national des violences faites aux femmes sera un élément d’information, tout comme l’Observatoire du département de la Seine-Saint-Denis, qui est aussi un lieu d’information sur les lois en vigueur, permet d’avoir une vision des violences faites aux femmes.

Je l’avais souligné en première lecture, cette loi peut être une nouvelle étape du travail législatif pour permettre au droit des femmes de progresser. Toutes les discriminations et violences dont sont victimes les femmes sont liées à la domination patriarcale. Nous savons que des actes concrets faisant régresser les inégalités font aussi avancer les mentalités et reculer le sexisme. J’espère que nous pourrons y travailler rapidement.

Trois questions me semblent fondamentales. Il y a, bien sûr, celle de l’égalité professionnelle. Nous savons que, depuis la notion de « salaire d’appoint », justifiée par le fait que les femmes relevaient de la sphère domestique et les hommes de la sphère publique, les inégalités salariales perdurent. Nous devons donc travailler à une loi plus contraignante sur l’égalité professionnelle.

Il y a également la question de démocratie de la représentation de la moitié de l’humanité à travers la parité. Cela demandera, je le pense, une généralisation de la proportionnelle, mais aussi l’instauration de mesures plus contraignantes pour l’application de la parité.

Troisième question : la lutte contre la marchandisation du corps. J’ai entendu Mme la ministre des droits des femmes dire sa volonté de travailler à l’abolition de la prostitution. Nous serons à ses côtés pour donner suite, par la loi, aux travaux menés par plusieurs de nos collègues dans cette enceinte.

Dernière question, je voudrais appeler l’attention de la ministre des droits des femmes, notamment, sur la nécessité de poursuivre une action internationale pour faire respecter le droit des femmes.

Puisque nous sommes en période de jeux Olympiques, je terminerai mon propos en évoquant la cérémonie d’ouverture à laquelle j’ai assisté. J’ai, certes, pu constater que les femmes étaient aujourd’hui présentes dans toutes les délégations, mais j’ai aussi vu la délégation d’Arabie saoudite reléguer les femmes athlètes en queue de cortège. Aujourd’hui encore, en Arabie saoudite, comme dans d’autres pays, les femmes sont interdites de sport. Je ne veux pas que l’on en reste à l’image de la cérémonie d’ouverture, je souhaite que nous travaillions ensemble à gagner ce droit pour toutes les femmes.

Bien évidemment, et vous l’aurez compris, c’est en plaçant beaucoup d’espoir dans sa mise en œuvre que le groupe GDR votera le projet de loi relatif au harcèlement sexuel. (Applaudissements.)

M. le président. La parole est à Mme Ségolène Neuville.

Mme Ségolène Neuville. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, je souhaite, avant tout, saluer ici le travail de la commission mixte paritaire et de sa rapporteure, Pascal Crozon, travail qui a su apporter au texte les derniers aménagements nécessaires, dans un climat de respect mutuel et de concertation.

Avant cette commission mixte paritaire, les travaux menés au Sénat puis à l’Assemblée avaient apporté quelques modifications au projet de loi. Nous devons aujourd’hui vous remercier, madame la garde des sceaux, ainsi que Mme la ministre des droits des femmes, pour le respect que vous avez accordé à notre travail.

Au nom du groupe SRC, je tiens à souligner la méthode qui a été employée pour permettre de trouver un équilibre en dépit de l’urgence et d’aboutir à ce texte très complet, même s’il est sûrement perfectible. Cette méthode, c’est l’écoute et la concertation de tous les acteurs.

Madame la garde des sceaux, vous n’avez ménagé ni vos efforts ni votre temps. Vous avez reçu à diverses reprises les associations en discutant, chaque fois, plus d’une heure trente avec vos interlocutrices. Elles ont été plusieurs à nous faire part de leur satisfaction, presque de leur étonnement, d’avoir eu accès à vous si simplement, de pouvoir argumenter, de pouvoir vous questionner, de pouvoir vous répondre. Je vous remercie, madame la garde des sceaux, et vous transmettrez ces remerciements à Mme la ministre des droits des femmes, d’avoir été, tout au long de ces travaux, accessible et à l’écoute. J’ai presque envie de dire, merci, madame la garde des sceaux, d’être une femme normale !

Au-delà de la méthode, je voudrais vous dire combien, au groupe SRC, mais aussi à la délégation aux droits des femmes, nous sommes satisfaits de ce texte. Il ne se contente pas de définir le harcèlement sexuel : il augmente les peines encourues, il ajoute des facteurs aggravants, il complète les critères de discrimination, il protège les salariés du privé comme du public à égalité sur l’ensemble du territoire français, enfin, il prend en compte les victimes pour lesquelles l’action publique s’est éteinte du fait de l’abrogation de la loi.

Mes chers collègues, à l’image de notre Président de la République François Hollande, je vous invite, avant de voter en votre âme et conscience, à ne vous poser qu’une seule question : est-ce juste ? La réponse est oui. Ce texte de loi permettra plus de justice et plus d’égalité. C’est pour cela que le groupe SRC le votera.

Néanmoins, nous avons conscience qu’un texte de loi ne suffira pas à faire disparaître un fléau social comme le harcèlement sexuel. Contrairement à ce que nous avons pu entendre sur les bancs de cette assemblée la semaine dernière, le harcèlement sexuel n’est pas une pathologie, et il n’y a donc pas de remède miracle.

Si nous voulons aller plus loin et diminuer efficacement et durablement le harcèlement sexuel, ainsi que toutes les violences faites aux femmes, il nous faut faire évoluer les mentalités et suivre les recommandations de la délégation aux droits des femmes. Il nous faut, dès l’école, déconstruire les stéréotypes sexués, pour que les petites filles puissent devenir championnes de rugby, chefs de chantier ou même députées ! Il nous faut déconstruire les stéréotypes sexués pour que les petits garçons puissent devenir sages-femmes ou hommes au foyer si tel est leur désir. Non, la théorie du genre n’est pas une théorie révisionniste, comme nous avons pu l’entendre ici, c’est simplement la reconnaissance de l’acquis et du culturel dans la construction de la personnalité de chacun et de chacune.

Si nous voulons diminuer efficacement et durablement le harcèlement sexuel, il nous faut former les professionnels – magistrats, policiers, professionnels de santé, travailleurs sociaux – à la réalité du harcèlement et des violences. Il nous faut lutter contre les ambiances sexistes au travail. Il nous faut informer le grand public, ce qui sera fait dès l’automne par le ministère, grâce à une campagne de sensibilisation. Il nous faut aussi créer un observatoire national des violences faites aux femmes, chargé de réaliser des études régulièrement, car les statistiques sont trop rares pour permettre de faire évoluer les politiques publiques dans ce domaine.

Mes chers collègues, je sais que certains d’entre vous diront que le harcèlement sexuel ne concerne pas que les femmes, et ils auront raison. Mais il faut reconnaître que les femmes représentent l’immense majorité des victimes. Au groupe SRC, nous avons bien conscience que défendre les droits de femmes, c’est défendre les droits de la moitié des êtres humains. C’est simplement être humaniste, et nous l’assumons pleinement. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et GDR.)

M. Jean Lassalle. Bravo !

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, à l’instant où il nous revient d’adopter définitivement ce texte de loi, il faut nous féliciter du travail effectué par les députés et leurs rapporteurs, au sein de la commission des lois, des commissions saisies pour avis, de la délégation aux droits des femmes, mais aussi par nos collègues sénateurs et par le Gouvernement.

La vocation de ce projet de loi n’était pas, nous le savons bien, d’élaborer un édifice législatif nouveau résultant d’un long et patient travail d’analyse, de concertation et de confrontation, que des rapports, des missions d’évaluation, de contrôle ou d’information auraient précédé et étayé. Non, la vocation de ce projet de loi était de combler le vide juridique provoqué par la décision du Conseil constitutionnel de censurer les dispositions du code pénal réprimant le harcèlement sexuel.

Nous avions l’impérieuse exigence de rétablir, le plus vite et le plus efficacement possible, la justice pénale au cœur de la lutte contre ce fléau insupportable que constitue le harcèlement sexuel, dont nos débats ont montré tous les dégâts humains, familiaux, professionnels, personnels et sociaux qu’il engendrait ; fléau insupportable parce qu’il traduit des archaïsmes sexistes, inégalitaires, discriminants parmi les plus odieux ; fléau insupportable qui, sous l’ancienne législation, demeurait souvent largement impuni parce que trop difficile à concevoir, à évoquer, à invoquer, à prouver. À faire juger donc !

Nous devions à toutes ces victimes qui attendaient la reconnaissance de ce qu’elles ont subi de rétablir l’offre de justice qui, soudainement, leur faisait défaut. Et nous l’avons fait. Mieux d’ailleurs, me semble-t-il, que les délais dont nous disposions pouvaient le faire craindre. Car nous sommes allés au-delà de l’interpellation constitutionnelle et des impératifs qu’elle nous fixait, vers une définition singulièrement améliorée du harcèlement sexuel, précisée et élargie aux situations et aux agissements répréhensibles qui n’entraient pas jusqu’alors dans l’incrimination, alors même qu’ils y avaient raisonnablement leur place.

Nos débats ont également permis d’éclairer les modalités selon lesquelles les juridictions, qu’elles soient pénales, civiles ou prud’homales, auront désormais à connaître de ces situations.

Oui, nous devions cette législation reconstituée à ces victimes. Mais nous devions aussi cette législation reconstituée aux victimes qui n’obtiendront jamais reconnaissance judiciaire des faits et agissements coupables qu’elles auront subis, à toutes celles qui n’ont pas voulu, pas pu, pas su aller au-delà de leur souffrance et de leur drame. Nous leur devions, comme une forme de déclaration pleinement et unanimement portée par la représentation nationale, affirmant que ce combat appartient au grand combat du progrès que la décennie doit nous apporter.

Nous la devions, enfin, à l’idéal de justice qui, au-delà de l’éducation, de la prévention, de la construction de nouveaux rapports entre les hommes et les femmes, nous impose d’établir la loi pénale pour permettre de poursuivre et de réprimer tous les manquements à la règle et aux valeurs communes, ce que notre rapporteure Pascale Crozon a exprimé en déclarant que l’État de droit était de retour.

J’ai eu l’occasion, au cours de la discussion générale précédant l’examen du texte, de rappeler que la QPC constituait un vrai progrès. Sans nul doute nous faudra-t-il, comme l’a suggéré le président de notre commission des lois, réfléchir aux modalités d’application de ce dispositif. On mesure bien que la censure constitutionnelle, abrupte et qui nous prive de tout délai pour modifier la loi, pose un grave problème, notamment dans le domaine pénal.

Nous avions l’obligation de relever ce défi, comme l’a rappelé notre collègue Guy Geoffroy, et nous l’avons bien relevé. Dans ces circonstances, nous avons bien légiféré, et nous devons nous féliciter d’avoir ainsi réagi devant l’obstacle du Conseil constitutionnel.

« Les lois inutiles affaiblissent les lois nécessaires », affirmait Montesquieu. Or cette loi est extrêmement utile. C’est une loi claire, simple, compréhensible, la plus précise possible au jour d’aujourd’hui. Je pense qu’elle rendra service à la société et à nos concitoyens. Au nom du groupe socialiste, je confirme que nous nous joindrons à l’unanimité et que nous voterons ce dispositif législatif, dont je vous remercie d’avoir rendu possible l’élaboration. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

M. le président. La discussion générale est close.

La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Nous livrons aujourd’hui un chantier en bon état, grâce à la contribution de tous, y compris de l’opposition, bien qu’elle conserve quelque amertume de la non-adoption de certains de ses amendements. Ces amendements soulèvent de vrais sujets et ont suscité de longs débats. Ma conviction profonde est donc que vous avez contribué à la qualité de ce texte, dans la mesure où vous avez activement collaboré aux travaux effectués en commission. Le texte finalement issu de la commission mixte paritaire est vraiment une construction commune, et nous avons toutes les raisons d’en être fiers.

Quelques sujets restent pendants, bien qu’il s’agisse surtout de problématiques autonomes, ayant évidemment un lien étroit avec la question du harcèlement sexuel, avec notre vision de l’égalité entre les hommes et les femmes et avec notre conception de l’intégrité et du nécessaire respect de la dignité de la personne humaine, lien qui explique que nous ayons abordé lors de nos débats ces sujets qui ne sont pas directement liés à la définition et à la sanction de l’incrimination mais s’en approchent au plan éthique.

Madame Buffet, j’ai notamment retenu votre interpellation au sujet de notre mobilisation internationale. Je rappelle régulièrement l’implication et l’influence de la France en la matière, souvent par le biais de ses ONG. Ces dernières pèsent fortement pour que nos délégations officielles se montrent à la hauteur de notre conception des libertés individuelles, des libertés publiques et de l’intégrité de la personne.

La lutte contre la marchandisation des corps est une obligation. Je rappelle que la France, qui a ratifié la convention de 1960, est abolitionniste, et que le débat sur la question est donc hors sujet !

En ce qui concerne la démocratie et l’égalité professionnelle, nous avons trois lois qui doivent nous permettre de la mettre en œuvre. C’est une exigence.

Nous avons vraiment fait du bon travail, au sens où nous avons traité le sujet dans toute la mesure où il devait l’être et en définissant le bon périmètre. Nous avons également toutes les raisons d’être rassurés sur la qualité de la définition introduite dans la loi.

Indépendamment de ce que disait M. Bourdouleix sur l’augmentation du quantum de peine, il me semble que nous avons été cohérents et justes dans la sanction de la récrimination. Ce qui doit, en revanche, être revu, ce sont les sanctions contre les atteintes aux biens, parfois trop sévères en comparaison des sanctions punissant les atteintes aux personnes. La solution ne passe pas forcément, en effet, par une enchère dans les sanctions.

Concernant les mineurs, je rappelle qu’il y a deux circonstances aggravantes : l’abus d’autorité et la vulnérabilité personnelle, liée à l’âge, par exemple. Monsieur Bourdouleix, votre culture juridique devrait vous amener à entendre l’argument sur le parallélisme des minorités – minorité de quinze ans et autre minorité. Il existe des infractions plus graves, comme le viol, dont Marie-George Buffet rappelait à raison que ce n’est pas un délit mais un crime, pour lequel la minorité est fixée à quinze ans.

Il nous reste sans doute des mises en cohérence à effectuer. Ce ne sera pas un grand soir mais un travail au long cours, probablement pas toujours gratifiant, voire fastidieux parfois, mais indispensable.

Dans l’intérêt des victimes, le Gouvernement s’est engagé, par ma voix, à mobiliser les bureaux de l’aide juridictionnelle, puisque l’article 10 de la loi de juillet 1991 prévoit des dispositions dérogatoires aux conditions de ressources, réservées aux situations exceptionnelles. Or nous sommes indiscutablement dans une situation exceptionnelle lorsqu’une victime a lancé une procédure depuis plus de deux ans – la durée moyenne des procédures étant de vingt-sept mois –, qu’elle a dépensé entre 13 000 et 15 000 euros et qu’elle se retrouve, aujourd’hui, face à une extinction de l’action publique. Cette situation exceptionnelle justifierait que la victime puisse émarger à l’aide juridictionnelle. Cette aide juridictionnelle serait la contribution de l’État à l’accès à la justice. Évidemment, si l’action civile prospère, la contribution de l’auteur serait sous forme de dommages et intérêts.

Voilà pour l’essentiel. Je n’ai peut-être pas repris tous les sujets abordés, mais vous avez un quinquennat pour le faire. Je vous fais confiance, je crois que certains de ces sujets viendront assez vite à l’ordre du jour.

Pour ma part, dans la limite de ce qui me concerne – et même au-delà, parce que ma curiosité, elle, est sans limites –, je participerai de façon très sérieuse et consciencieuse à l’élaboration des textes dont le Gouvernement prendra l’initiative.

Je veux, d’un dernier mot, excuser la ministre des droits des femmes qui, malgré l’intérêt soutenu, vous n’en doutez pas, qu’elle porte à vos travaux, a été obligée de se rendre à une autre réunion. Je reprendrai la parole après le vote. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Texte de la commission mixte paritaire

M. le président. Nous en venons maintenant au texte de la commission mixte paritaire.

Conformément à l’article 113, alinéa 3, du règlement, je vais d’abord appeler l’Assemblée à statuer sur l’amendement dont je suis saisi.

Il s’agit de l’amendement n° 1, présenté par le Gouvernement.

La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je vais le présenter très sommairement, dans la mesure où j’en ai expliqué la pertinence tout à l’heure à la tribune.

L’article 7 nouveau ouvre la possibilité pour les demandeurs de recourir plus facilement à l’action civile en demandant à la juridiction correctionnelle de statuer sur l’action civile, donc de rester dans la même procédure. La place de cet article ne permet pas son application aux collectivités d’outre-mer, pour lesquelles une mention d’application est nécessaire. Ce n’est pas le cas des départements d’outre-mer.

Cet amendement technique permet donc aux justiciables des collectivités et territoires de Wallis-et-Futuna, de Polynésie française et de Nouvelle-Calédonie de bénéficier d’une procédure plus facile pour engager l’action civile.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Pascale Crozon, rapporteure. Toute loi doit s’appliquer sur l’ensemble du territoire de la République. Cet amendement le permet. Je vous invite donc à l’adopter.

M. le président. La parole est à M. Bernard Lesterlin.

M. Bernard Lesterlin. Cet amendement, pour technique qu’il soit, n’en est pas pour autant anecdotique. J’en profite pour féliciter Mme la rapporteure pour la rédaction de l’article 7.

Je ne sais pas, madame la garde des sceaux, combien d’affaires sont pendantes devant le tribunal de Mata-Utu ou les cours de Papeete ou de Nouméa. Peu importe ! Il était important que, dans la diversité institutionnelle de nos outre-mer, aucun des territoires de la République n’échappe à l’applicabilité de cette loi, et donc à la rigueur de la loi.

Appartenir à la République, c’est d’abord choisir d’adhérer à ses valeurs. Ces valeurs, sont l’égalité entre les hommes et les femmes, mais aussi le respect de la personne humaine, quel que soit l’environnement culturel où l’on se trouve, ma’ohi, canaque ou autre.

Ce texte est symbolique en tant que premier texte sociétal de notre mandature. Il est aussi symbolique par le caractère universel des valeurs qu’il porte pour la France. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

(L’amendement n° 1 est adopté.)

Vote sur l’ensemble

M. le président. Je ne suis saisi d’aucune demande d’explication de vote.

Je mets donc aux voix l’ensemble du projet de loi, compte tenu du texte de la commission mixte paritaire, modifié par l’amendement n° 1 qui vient d’être adopté par l’Assemblée.

(L’ensemble du projet de loi est adopté.)

M. le président. Je constate que le vote est acquis à l’unanimité et je vous en remercie. (Applaudissements.)

La parole est à M. le président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, chers collègues, je voudrais dire quelques mots de remerciement, exprimer un regret, souligner une espérance et faire une ultime remarque.

Mes remerciements s’adressent d’abord à notre rapporteure, Pascale Crozon, qui a fait un travail absolument remarquable dans des conditions difficiles. Le résultat est exemplaire. (Applaudissements.)

J’associe à ces remerciements Ségolène Neuville, rapporteure pour la délégation aux droits des femmes, et Barbara Romagnan, rapporteure pour avis (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC), qui ont appris en même temps deux métiers, celui de député de la majorité et celui de rapporteure d’un texte. Toutes deux ont relevé ce défi avec beaucoup d’élégance et de travail. Je tenais à saluer ce qui n’était pas simple à réaliser, compte tenu du délai dans lequel elles ont travaillé.

Je remercie également mes collègues de la majorité, et ceux de tous les groupes qui ont été présents, pour leur solidarité et leur contribution à nos travaux. D’aucuns auraient aimé que notre texte soit parfois plus précis, mais on sait qu’il n’y a pas d’écriture parfaite. Aussi, nous nous satisfaisons du compromis auquel nous sommes arrivés.

Je salue nos collègues du groupe UMP et du groupe UDI qui, dans cette affaire, n’ont pas été l’opposition mais une minorité compréhensive et exigeante. Je les remercie du travail qu’ils ont fourni pour contribuer à l’effort général.

Je remercie, bien sûr, les ministres. Mme la ministre des droits des femmes est partie à l’Élysée où elle devait assister à une réunion. Ceux qui la connaissaient n’ont pas été surpris de sa détermination et de sa rigueur. Ceux qui l’ont découverte l’ont appris. En tout cas, il me semble que chacun sait ici que ce ministère sera de ceux qui marqueront la législature par les progrès qu’il permettra.

Je remercie Christiane Taubira, garde des sceaux. Madame la ministre, on vous disait femme de caractère, ce qui n’était pas en soi un défaut, mais nous avons surtout noté ici votre sens de la synthèse et votre respect du Parlement. Nous avons travaillé avec vous sur ce sujet, dans les conditions qui nous ont été imposées, avec l’irritation que cela a suscité. Vous avez permis que cette souffrance soit momentanée pour arriver à un résultat que nous apprécions. (Applaudissements.)

J’exprimerai toutefois un regret, celui de ne pas être plus nombreux pour voter un texte qui le mérite.

M. Jean Lassalle. Absolument !

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Ce texte va encourager les victimes à révéler leurs souffrances, à oser porter plainte et à être soutenues par leur hiérarchie. Il va permettre aux associations de disposer de points d’appui plus solides pour mener les combats dont nous avons tous souligné la pertinence. Il va, enfin, permettre aux magistrats de condamner avec plus de sévérité. Voilà pourquoi je regrette que nous ne soyons pas plus nombreux à le voter.

Néanmoins, j’ai une satisfaction : nous avons été utiles, comme vous l’avez fort bien dit, madame la garde des sceaux. On n’attend pas du Parlement qu’il vote sans barguigner les textes de l’exécutif. On n’en attend pas non plus qu’il s’oppose par esprit systématique aux propositions qu’il peut faire. Le Parlement est lui-même quand il travaille dans l’indépendance. Le texte que nous votons n’est pas celui du Gouvernement ni celui de l’Assemblée nationale ou du Sénat, pas plus que celui des associations. C’est le texte issu d’un travail collectif mené avec beaucoup de constance, dans un délai très court. Il est tout simplement le produit de l’équilibre des pouvoirs, et il est bon d’avoir commencé la mandature avec un exercice ayant abouti à un consensus.

Enfin, j’ai un vœu, qui va rejoindre ce que disait Marie-George Buffet. Je souhaite que la France puisse rapidement ratifier la convention d’Istanbul, élaborée sur l’initiative du Conseil de l’Europe. Nous avons signé cette convention le 11 mai 2011 et elle est en attente de ratification. Ce texte concerne la prévention de la lutte contre les violences faites aux femmes et son article 40 est consacré au harcèlement. Cette convention ne pourra entrer en vigueur que lorsqu’elle aura été ratifiée par dix pays. Le jour où cela aura lieu, quarante-sept pays du Conseil de l’Europe seront concernés et les femmes de ces quarante-sept pays pourront le revendiquer. Madame la garde des sceaux, je souhaite que la France puisse rapidement ratifier ce texte qu’elle a signé le 11 mai 2011.

Ce soir, nous avons fait un pas de plus pour l’égalité, Ségolène Neuville l’a très bien dit. Ce premier pas dans la législature en annonce d’autres et nous serons nombreux à voter ces textes à venir. (Applaudissements.)

M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je veux d’abord dire ma fierté d’avoir porté ce texte ; le plaisir que j’ai pris à ces travaux et à ces rencontres ; le plaisir intellectuel des défis qui nous ont été lancés par des observations, des contestations ou des propositions ; le bonheur de l’ambiance dans laquelle nous avons travaillé. Votre bonne volonté et ce vote à l’unanimité ont contribué à ce pur moment de bonheur.

Je veux dire également mon émotion. Je suis souvent plus à l’aise dans la bagarre, mais j’éprouve aujourd’hui une profonde émotion et j’emploierai un mot usagé, qui n’a toutefois rien perdu de son lustre : merci, merci ! (Mmes et MM. les députés du groupe SRC se lèvent et applaudissent. – Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

M. Jean Lassalle. Très bien !

5

Clôture de la session extraordinaire

M. le président. L’Assemblée a achevé l’examen des textes qui étaient inscrits à son ordre du jour.

Le président a reçu du Premier ministre communication du décret du Président de la République en date du 31 juillet 2012 portant clôture de la session extraordinaire.

En conséquence, il est pris acte de la clôture de la session extraordinaire.

Permettez-moi de vous souhaiter, à toutes et à tous, de bonnes vacances.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt et une heures dix.)