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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Deuxième session extraordinaire de 2011-2012

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du mardi 11 septembre 2012

SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE

SOMMAIRE


Présidence de Mme Laurence Dumont

1. Création des emplois d’avenir

Discussion générale (suite)

M. Gérard Cherpion

M. Yves Jégo

M. Joël Giraud

Mme Huguette Bello

M. Denys Robiliard

Mme Bérengère Poletti

M. Christian Paul

M. Bernard Perrut

Mme Fanélie Carrey-Conte

M. Patrick Hetzel

Mme Hélène Geoffroy

M. Denis Jacquat

M. Jérôme Guedj

Mme Monique Iborra

M. Arnaud Robinet

Mme Barbara Romagnan

M. Serge Letchimy

M. Lionel Tardy

M. Christophe Castaner

M. Yves Durand

M. Lionnel Luca

Mme Martine Carrillon-Couvreur

Mme Dolores Roqué

Mme Annie Genevard

M. François Pupponi

M. Gérard Sebaoun

M. Gilles Lurton

M. Thierry Repentin, ministre délégué chargé de la formation professionnelle et de l’apprentissage

M. Michel Sapin, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Discussion des articles

Avant l’article 1er

Amendements nos 33, 83

M. Jean-Marc Germain, rapporteur de la commission des affaires sociales

Amendement no 36

Article 1er

M. Jean Jacques Vlody

M. Arnaud Robinet

M. Laurent Marcangeli

M. Jean-Louis Christ

M. Bernard Gérard

M. Jean-Patrick Gille

M. Razzy Hammadi

Mme Marie-Françoise Clergeau

M. Marc Goua

Mme Catherine Quéré

M. Christophe Borgel

M. William Dumas

M. Philippe Baumel

M. Serge Bardy

Mme Michèle Bonneton

M. Édouard Fritch

M. Jean-Paul Tuaiva

Mme Véronique Louwagie

M. Francis Vercamer

M. André Chassaigne

M. Laurent Grandguillaume

M. Christophe Léonard

Mme Catherine Lemorton

M. Michel Sapin, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

2. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de Mme Laurence Dumont,
vice-présidente

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente .)

1

Création des emplois d’avenir

Suite de la discussion d’un projet de loi

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi portant création des emplois d’avenir (nos 146, 148,147).

Discussion générale (suite)

Mme la présidente. Cet après-midi, l’Assemblée a commencé à entendre les orateurs inscrits dans la discussion générale. La parole est à M. Gérard Cherpion.

M. Gérard Cherpion. Madame la présidente, monsieur le ministre délégué chargé de la formation professionnelle et de l’apprentissage, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à approuver la volonté du Gouvernement de s’attaquer au problème de l’emploi des jeunes. Actuellement, 120 000 jeunes sortent chaque année du système scolaire sans diplôme, et 60 000 autres, en post-bac, n’ont pas de qualification. Ils se trouvent dans une situation dramatique et ont de grandes difficultés à trouver un emploi pérenne et ainsi de s’intégrer pleinement dans la société.

Je partage également la volonté du Gouvernement d’instaurer un dispositif qui leur mette le pied à l’étrier mais leur permette de s’en affranchir par la suite. Un taux de chômage élevé dans ces catégories n’est pas une fatalité, nos voisins allemands et néerlandais ont su le prouver. Pourtant, les solutions qu’ils ont adoptées divergent de ce que nous propose le Gouvernement avec ce projet de loi.

En propos liminaire, je m’étonne de l’urgence avec laquelle le Gouvernement souhaite faire adopter ce texte. Les premiers emplois d’avenir sont prévus pour la fin de l’année et nous allons devoir attendre la prochaine loi de finances pour budgéter cette mesure. L’urgence ici relève plus de la communication que de la nécessité législative. Le texte aurait pu être discuté dans les délais prévus, faire l’objet d’un travail parlementaire plus approfondi et plus complet et s’appliquer quand même au moment prévu.

De l’aveu du Gouvernement, près de 500 000 jeunes sont actuellement sans qualification et sans travail. Pourtant, le projet de loi ne concerne que 150 000 emplois, ciblés sur des territoires et des publics particuliers, alors que le flux annuel est de 160 000 jeunes qui sortent du système scolaire ou post-bac. Par ailleurs, les jeunes qui bénéficieront en priorité de ces créations doivent habiter dans des zones urbaines sensibles ou des zones de revitalisation rurale. Bien que la commission ait étendu ce principe à des publics qui ne se trouvent pas sur ces territoires, du fait que ces zones représentent une priorité et du fait du faible nombre d’emplois proposés pour un public trois fois plus nombreux, toute l’enveloppe sera absorbée très rapidement et très probablement au détriment d’autres contrats aidés, en particulier les Contrats d’insertion dans la vie sociale ou CIVIS.

Le projet de loi n’a rien prévu pour les jeunes qui habitent dans des du territoire non prioritaires, notamment en zone rurale et périurbaine, alors qu’ils ont tout autant besoin de notre aide. Le texte ne prévoit rien non plus pour les jeunes ayant obtenu le bac sans qualification supplémentaire ou ayant échoué à l’université. Le texte s’adresse à des jeunes qui n’ont aucune qualification et la plupart du temps aucune expérience professionnelle. Nous allons donc demander au secteur non-marchand de former ces jeunes. Je considère que ce n’est pas son rôle de se substituer aux établissements de formation.

C’est pour cela qu’une des solutions se trouve dans l’apprentissage. Grâce aux efforts de l’État et des régions lors de la signature des contrats d’objectifs et de moyen pour l’apprentissage pour la période 2011-2015, l’alternance a été grandement développée. Grâce à cet effort partagé, de nombreuses places en centre de formation des apprentis ont été créées et des jeunes trouvent une place en formation ; ils ont parfois des difficultés, d’ailleurs, pour trouver un employeur.

Les collectivités locales représentent un vivier de cinq millions d’emplois. En ouvrant l’apprentissage au secteur public, vous permettriez à ces collectivités territoriales d’avoir une gestion prévisionnelle des emplois, afin de remplacer les départs en retraite, et à un grand nombre de jeunes de retrouver le chemin vers une formation qualifiante et un emploi pérenne. Grâce à l’apprentissage, je vous le rappelle, huit jeunes sur dix trouvent un emploi à l’issue de leur formation. J’aurai l’occasion de revenir sur le développement de l’apprentissage dans mon rapport pour avis sur le projet de loi de finances pour 2013, mais je suis d’ores et déjà prêt à travailler avec le Gouvernement sur ce sujet.

Au lieu de mettre en place un système coûteux et, me semble-t-il, déséquilibrant pour l’apprentissage, je vous propose par le biais d’un amendement de donner une vraie chance aux jeunes. Je m’étonne d’ailleurs du coût de ce dispositif qui, en rythme de croisière, représentera un effort budgétaire de 2,5 milliards d’euros pour 150 000 emplois. Pour la même somme, on pouvait former 600 000 apprentis sur quatre ans. Je ne peux que redire mon attachement à l’apprentissage, qui n’est certes pas un dispositif unique, mais que le Gouvernement, me semble-t-il, ne met pas suffisamment en avant. L’alternance est moins coûteuse pour les finances publiques, plus efficace en matière de formation et de qualification des jeunes et elle permet une insertion professionnelle réussie.

Il en est de même du contrat d’avenir professeur. Le Gouvernement aurait pu privilégier les contrats de professionnalisation. Ce dispositif déjà existant a fait ses preuves et pourrait être adapté aux besoins de l’Éducation nationale. Les contrats créés sont dédiés en priorité aux étudiants boursiers. C’est, à mes yeux, une discrimination envers l’étudiant qui est à la limite du seuil nécessaire pour obtenir une bourse et peut se trouver aussi en difficulté. Il aura le sentiment de subir subit la double peine.

En ce qui concerne le financement, le salaire sera pris en charge à 75 % par l’État. Qu’en est-il de la formation, maintenant obligatoire, ce dont je me réjouis ? Sera-t-elle prise en charge par la collectivité territoriale ? Le coût sera alors plus important que prévu.

Par ailleurs, monsieur le ministre, le texte que vous proposez aggrave la situation de Pôle emploi sur deux points. En premier lieu, Pôle emploi devra assurer un suivi individualisé des bénéficiaires de ces emplois d’avenir. Alors que le nombre de demandeurs d’emploi vient de dépasser les trois millions, les moyens humains de Pôle Emploi doivent être consacrés au suivi de ces demandeurs d’emploi. En second lieu, nous avions décidé, dans la loi du 28 juillet 2011, de transférer à l’ACOSS, l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale, à compter du 1er janvier 2013, le recouvrement des contributions dues par les entreprises au titre du contrat de sécurisation professionnelle. À travers l’article 5 du projet de loi, vous revenez sur ce transfert. C’est dommage, car il aurait permis de redéployer des moyens humains au suivi individuel des demandeurs d’emploi.

Comprenez, monsieur le ministre, que mon opposition n’est pas idéologique. J’ai proposé un certain nombre d’amendements avec mes collègues du groupe UMP, notamment MM. Bernard Perrut et Jean-Pierre Door, afin d’améliorer le texte en ouvrant l’apprentissage aux collectivités territoriales et d’offrir ainsi une solution pérenne pour ces jeunes. En l’absence d’une avancée sur les points abordés par ces amendements et en raison du fait que les dispositifs déjà existants peuvent moduler une politique d’insertion ciblée sur les jeunes, je serai amené à voter contre ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Yves Jégo. Je lui demande, comme à tous les autres orateurs, de respecter son temps de parole.

M. Yves Jégo. Madame la présidente, monsieur le ministre, mesdames et messieurs les députés, le projet de loi portant création des emplois d’avenir qui nous est présenté par le Gouvernement utilise en fait, pourquoi se le cacher, une vieille recette pour répondre à une urgence conjoncturelle. En nous proposant, M. le ministre, une formule à peine revisitée des emplois jeunes de la fin des années 1990, vous êtes fidèle à la fois aux promesses du Président de la République et à une pratique que nous avons tous expérimentée, droite comme gauche, avec plus ou moins de succès, celle des emplois aidés.

Certes, alors que la barre des trois millions de chômeurs est franchie, comment ne pas s’interroger sur ce qu’il nous est possible de faire pour répondre à l’urgence sociale de ce fléau majeur qu’est le chômage ? Mais comment ne pas constater aussi le caractère extrêmement limité de votre texte ? Vous nous proposez, en fait, d’ajouter aux quelque 400 000 emplois aidés déjà inscrits dans le budget de la nation par la majorité précédente 150 000 emplois d’avenir. Je ne vois dans cet engagement ni audace ni sujet d’opprobre majeur. Aussi voterai-je ce dispositif.

M. Thierry Braillard. Très bien !

M. Yves Jégo. Je le voterai, d’abord, pour répondre à la demande criante de ceux que je reçois dans mes permanences. Je le voterai en pensant à ces jeunes sans qualification pour lesquels les portes de l’activité semblent fermées à jamais. Je le voterai aussi pour les 300 jeunes de l’école de la deuxième chance de Seine-et-Marne que j’ai créée et qui œuvre justement pour l’insertion par l’emploi des jeunes sans qualification, ces jeunes motivés qui cherchent par tous les moyens avec énergie et détermination à trouver une place dans notre société.

Je le voterai avec conviction, mais à ce jour sans enthousiasme, tant il est vrai que le choix que vous faites est particulièrement coûteux au moment où la question du déficit de nos comptes publics est vitale. Pour ne pas légiférer à crédit, monsieur le ministre, votre devoir sera de nous proposer dans la loi de finances les économies – je dis bien les économies – sur le budget de l’État qui permettront de garantir le financement de cette mesure.

Il est vrai aussi que votre choix soulève bien des interrogations quant à la pérennisation de ces contrats que vous semblez, et je le regrette, vouloir limiter au secteur non marchand. Certes, on peut penser qu’avoir une première expérience, c’est déjà ça pour enrichir son CV. Mais il faut, je l’ai entendu sur de nombreux bancs de cette Assemblée, améliorer ce texte.

Je le voterai donc en vous demandant avec insistance, monsieur le ministre, d’entendre nos propositions. Je vous le dis solennellement et avec toute ma conviction : il faut d’abord inscrire dans le marbre de cette loi l’obligation d’une formation pour chaque bénéficiaire - mais je crois que vous êtes convaincu de cette réalité, faute de quoi l’emploi d’avenir ne serait qu’une voie de garage sans perspective qui enfermerait celui qui en bénéficie dans un avenir pour le moins incertain.

Pour atteindre votre objectif, il est aussi impératif, monsieur le ministre, d’ouvrir le bénéfice de ces emplois jeunes au secteur marchand de proximité. Nous vous proposerons dans la discussion un amendement destiné à permettre aux très petites entreprises de moins de deux salariés de pouvoir bénéficier de la mesure pour accueillir les emplois d’avenir. Il faut avoir conscience qu’un jeune d’une zone urbaine sensible, par exemple, ne pourra accéder à l’emploi aidé si le dispositif se limite aux acteurs publics et parapublics de son environnement. Ces jeunes ne sont pas mobiles ! C’est là, d’ailleurs, une différence majeure avec le dispositif des emplois jeunes d’il y a quelques années, qui s’adressait aussi aux jeunes diplômés, par nature plus mobiles. Je vous le dis, fort de mon expérience de 17 ans de maire d’une zone urbaine sensible, si nous refusons l’ouverture des emplois d’avenir aux TPE et que nous les limitons au secteur non marchand, de nombreux jeunes n’y auront pas accès.

Le livreur, le marchand de fruits et légumes, la coiffeuse à domicile, le restaurant du coin, l’artisan du quartier peuvent facilement créer un emploi, pour peu qu’effectivement le coût en soit limité dans les premières années. Ces TPE auront à cœur de former le jeune pour le conserver et permettre la pérennisation du service qu’il leur rendra. Il n’y aura pas d’effet d’aubaine, puisque les TPE, sans aide de l’État, n’auraient pas les moyens de créer un emploi. Quant au futur dispositif du contrat de génération, vous savez parfaitement, monsieur le ministre, qu’il ne concernera pas les TPE.

Alors, monsieur le ministre, saisissez la main qui vous est tendue ! La question du chômage est tellement cruciale, tellement douloureuse dans notre société qu’il me semble que notre devoir est de transcender les clivages politiques. De nombreux parlementaires de l’opposition se disent prêts à voter ce texte. La majorité est-elle prête à tendre la main pour faire en sorte que les propositions de l’opposition soient reprises ? Sommes-nous capables, en ce début de quinquennat, sur un sujet aussi majeur que celui du chômage, d’apporter une réponse de cohérence et d’unité du Parlement ? C’est l’enjeu, me semble-t-il, de nos débats ce soir.

Mme la présidente. La parole est à M. Joël Giraud.

M. Joël Giraud. Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, chers collègues, dans son propos introductif, le ministre du travail et de l’emploi a affirmé qu’avec ce texte, le Gouvernement voulait agir avec pragmatisme, afin de faire régresser rapidement le chômage des jeunes, qui a atteint des seuils inacceptables. Pour cela, il présente une mesure qui n’est qu’un élément d’un édifice plus large de retour à l’emploi mais qui est de nature à mettre fin à une désespérance qui ne touche pas que les milieux urbains. C’est la raison pour laquelle l’amendement sur l’extension du dispositif aux zones de revitalisation rurale est important, tout comme celui que le groupe radical républicain démocrate et progressiste a déposé concernant les zones d’éducation prioritaires et les réseaux de réussite scolaire, qui sont des zones à difficultés particulières, souvent hors des périmètres classiques des ZUS et des ZRR.

Au-delà de cet amendement, il est vrai que des instructions claires aux services de l’État pour que les populations de ces zones ne soient pas oubliées - puisque ce texte en tout état de cause ne les exclut pas permettrait, dans ces bourgs centres et ces villes moyennes où le chômage des jeunes sévit lourdement, où l’industrie a disparu et qui ne sont ni des zones rurales ni des zones urbaines, de retrouver un espoir. Et je veux avant tout centrer mon intervention sur le cas particulier des territoires dont l’économie est totalement dépendante de la saisonnalité.

M. Thierry Repentin, ministre délégué chargé de la formation professionnelle et de l’apprentissage. Ah ! Les Hautes-Alpes !

M. Joël Giraud. Cela n’étonnera personne, et surtout pas Thierry Repentin ! Le dispositif des emplois d’avenir, dans sa formulation initiale, ne résout pas le problème de ces territoires. Je suis l’élu d’un département où 80 % des emplois relèvent de la saisonnalité et de la pluriactivité. C’est aussi le département où l’économie sociale et solidaire représente le plus grand pourcentage de l’emploi dans l’ensemble de la France. Ces emplois sont majoritairement dans le secteur touristique, notamment dans celui du tourisme social. Le cas des Hautes-Alpes, même s’il est extrême, n’est pas unique. Les saisonniers et les pluriactifs jouent un rôle essentiel dans certains secteurs de l’économie, des territoires de montagne notamment, comme le tourisme, l’agriculture ou le bâtiment.

La situation des saisonniers est un enjeu social important tant au niveau local qu’au niveau national. La France compte deux millions de salariés travaillant en contrat à durée déterminé « saisonnier ». Ce chiffre est extrêmement élevé et les emplois d’avenir constituent une occasion de moraliser ce secteur. Le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste propose l’extension des emplois d’avenir aux CDD saisonniers, mais celle-ci ne peut se concevoir sans garanties sociales. Certes les syndicats de salariés demandent un statut pour les saisonniers et les pluriactifs mais on pourrait d’ores et déjà imaginer que le CDD saisonnier reconductible trois années de suite devienne la règle. Il permettrait en effet de mettre en œuvre des dispositifs de formation et de proposer une progression de carrière aux saisonniers. Cette règle permettrait également de promouvoir les groupements d’employeurs qui constituent une réponse à la précarité sociale dans la saisonnalité.

Certains syndicats patronaux ne s’y sont pas trompés. Le syndicat national des employeurs de remontées mécanique, Domaines Skiables de France, a été le premier à signer une convention collective en ce sens.

La commission des affaires sociales a adopté l’amendement à ce sujet du groupe RRDP, je l’en remercie. Le sujet de la saisonnalité et de la pluriactivité est certes beaucoup plus large que le cadre des emplois d’avenir mais je suggère que nous donnions un signe à la population dont la précarité est souvent cachée,…

M. Thierry Repentin, ministre délégué chargé de la formation professionnelle et de l’apprentissage. C’est vrai !

M. Joël Giraud. …à l’image de ces camions stationnant durablement sur des parkings et qui, en réalité, font trop souvent office de logement accueillant des familles, on l’ignore – volontairement ou pas.

Le secteur des sports et des loisirs est directement touché par la crise économique qui contraint les ménages à réduire leurs dépenses de consommation. Cependant, selon l’UCPA, si le dispositif était étendu en particulier aux CDD saisonniers « vertueux », on pourrait potentiellement compter dans ce secteur 20 000 nouvelles embauches de jeunes non qualifiés, dont les deux tiers pour l’économie sociale et solidaire, répondant ainsi à des besoins sociaux dans des territoires économiquement fragiles.

J’insiste sur l’importance qu’il y a à établir un bilan de cette mesure si vous en acceptez l’extension car la contrepartie doit bien être de former les jeunes afin de les intégrer.

L’accès à l’emploi des jeunes les moins qualifiés est une liberté bien contrainte. Transformons cette contrainte en une chance pour notre jeunesse sans oublier ceux qui font vivre des territoires où la saisonnalité et la pluriactivité sont la règle et constituent une contrainte qu’il nous faut organiser pour la « déprécariser » ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Huguette Bello.

Mme Huguette Bello. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, les emplois d’avenir sont le premier rendez-vous du Gouvernement avec la jeunesse.

Que cette rencontre se fasse précisément avec ceux-là mêmes des jeunes qui sont confrontés aux plus rudes obstacles pour accéder à un emploi et à une qualification professionnelle est d’une grande signification. Il s’agit pour nous du premier coup d’archet de la politique qui sera conduite durant ce quinquennat pour lutter contre le chômage des jeunes. Les emplois d’avenir sont, en ce sens, le signe du changement que nous attendions en matière d’emploi.

Ce rendez-vous est très attendu puisque la jeunesse était au cœur des préoccupations du candidat François Hollande et qu’elle se trouve désormais au centre des priorités du Président de la République.

La crise et ses conséquences désastreuses sur l’emploi donnent au texte que nous examinons une importance et une urgence exceptionnelles. Dans les territoires qui subissent des situations de chômage dramatiques, la jeunesse attend avec anxiété les solutions qui lui ouvriront enfin la voie de l’insertion et de la qualification professionnelles.

Il en est ainsi des jeunes actifs des départements d’outre-mer qui connaissent des taux de chômage sans équivalent dans l’Union européenne, y compris en Grèce. Dans nos territoires, 60 % des jeunes actifs de 16 à 25 ans sont sans travail, soit près de trois fois plus que la moyenne nationale. Sans une action assez forte pour endiguer et inverser cette tendance, le chômage deviendra rapidement la norme, et l’emploi l’exception.

À la Réunion, dans certaines rues ou, pour reprendre le vocabulaire de l’INSEE, dans certains îlots d’habitation, le taux de chômage peut même atteindre près de 80 %. Ce ne sont plus les jeunes chômeurs que l’on y remarque ; ce sont ceux qui ont trouvé du travail, ceux qui ont gagné à la loterie du travail. Quand l’avenir d’une jeunesse se joue entre désespoir et révolte, c’est la société tout entière qui est menacée dans sa cohésion.

Dans notre île, les diplômés sont de moins en moins épargnés. Il faut attendre près de quatorze mois avant de trouver un emploi. Il n’est donc pas rare qu’un jeune d’à peine vingt ans soit déjà un chômeur de longue durée. Le risque est encore plus grand s’il est sorti du système scolaire sans diplôme : ceux qui sont dans ce cas sont, chez nous, en moyenne deux fois plus nombreux qu’au niveau national.

Affronter cette catastrophe, ce n’est plus seulement une urgence ; c’est une nécessité absolue, une exigence absolue. Je salue, à cet égard, la proposition de la commission des affaires sociales qui a inscrit les départements et collectivités d’outre-mer parmi les territoires où ce nouveau dispositif s’appliquera de manière prioritaire. De même avons-nous bien noté que la prise en charge de l’État pourrait aller jusqu’à 80 % de la rémunération pour les jeunes bénéficiaires d’outre-mer.

Permettez-moi toutefois une remarque quant aux chiffres retenus, notamment par l’étude d’impact jointe au projet de loi. Il est systématiquement fait mention des 470 000 jeunes qui ne sont ni dans un emploi ni en formation. Or ce chiffre ne prend en compte que la situation de la France hexagonale, il ne comptabilise pas les jeunes chômeurs des outre-mer. Quand il s’agit d’une réalité aussi massive, d’un fait d’une telle importance, cette marginalisation est regrettable – sans doute est-elle également dommageable pour l’analyse. Précisons donc que, pour la Réunion, le nombre de jeunes de moins de vingt-cinq ans non qualifiés et sans emploi, donc directement concernés par ces nouveaux contrats, s’élève à 19 341.

Ces jeunes veulent travailler. Si nous nous référons à l’accueil réservé à tous les dispositifs précédents, nous pouvons prédire que les postulants aux emplois d’avenir seront nombreux.

Comme son nom l’indique, l’emploi d’avenir n’est pas une fin en soi. C’est une étape. C’est pourquoi le volet de la formation est capital.

M. Thierry Repentin, ministre délégué. C’est vrai !

Mme Huguette Bello. Le précédent des emplois jeunes le montre clairement. Il en est de même si l’on se réfère au taux d’insertion professionnelle très élevé, de l’ordre de 75 %, des volontaires du service militaire adapté, le doyen des dispositifs d’insertion qui, depuis un demi-siècle, propose une formation professionnelle aux jeunes ultramarins de moins de vingt-cinq ans non diplômés.

C’est pourquoi nous plaidons pour que chaque futur bénéficiaire d’un emploi d’avenir puisse recevoir, durant les trois années, une formation soutenue et adaptée. C’est la garantie la plus sûre de voir ces nouveaux emplois remplir leur objectif. Ainsi ils ne rejoindront pas la cohorte des dispositifs sans lendemain, toujours porteurs de désillusions.

La déclinaison des emplois d’avenir dans l’éducation nationale, au profit des étudiants boursiers, est une mesure novatrice qui vise, à la fois, à diversifier l’origine sociale du corps enseignant, et à enrayer la désaffection à l’égard des concours de recrutement, notamment dans certaines disciplines. Il serait intéressant, d’ici à l’adoption de ce texte, de connaître les académies rendues prioritaires par le croisement de ces critères.

Examiner ce projet de loi en ouverture de la session parlementaire a une portée symbolique, qu’on a soulignée, avec raison, à maintes reprises. À nous de réussir ce rendez-vous avec la jeunesse !

Je vous remercie de prendre en considération les remarques que nous faisons pour l’outre-mer. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, SRC et RRDP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Denys Robiliard.

M. Denys Robiliard. Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, au mois de juillet dernier nous abrogions les exonérations sociales et fiscales des heures supplémentaires. Sans revenir sur le sujet, le moins que l’on puisse dire, c’est que ce dispositif n’avait pas vocation à lutter contre le chômage. À vrai dire, il tendait même à le renforcer. Il était ahurissant de constater que l’État consacrait bon an mal an 4,5 milliards d’euros pour subventionner des heures supplémentaires alors même que notre pays comptait trois millions de chômeurs.

Aujourd’hui, il s’agit de s’attaquer vraiment au chômage en mettant en place un dispositif s’inspirant des emplois jeunes. Ils avaient permis à 63 % de ceux qui en bénéficiaient de conserver leur emploi au terme de leur contrat. Dix-huit mois après la fin des emplois jeunes, 90 % des bénéficiaires travaillaient. Autant de chiffres qui sont la marque d’un dispositif efficace.

Le dispositif proposé aujourd’hui va plus loin en s’attaquant à la part du chômage la plus difficile à réduire : celle des jeunes non diplômés et celle de ceux résidant en ZUS, les zones urbaines sensibles, et, après l’intervention de la commission, en zone de revitalisation rurale.

Le taux de chômage des jeunes qui s’élève à 19,1 % est deux fois supérieur au taux moyen pour l’ensemble de la population. Il est d’autant plus élevé que les jeunes sont peu diplômés : le taux de chômage des détenteurs d’un BEP ou d’un CAP est en moyenne de 27,1 % ; celui des non diplômés de 45 %. Dans les ZUS, le taux de chômage moyen des jeunes atteint 41,7 % soit le double du taux national.

Ces chiffres permettent de bien camper la situation. Les problèmes sont ainsi identifiés et le dispositif choisi est parfaitement adapté aux difficultés particulières rencontrées par les jeunes non diplômés et par ceux qui habitent en ZUS ou en zone de revitalisation rurale.

Plusieurs orateurs ont déjà évoqué les liens essentiels qu’il est indispensable de tisser entre les emplois d’avenir, la formation et la qualification. Pour ma part, je veux revenir sur la nature juridique du contrat qui me semble être de nature à satisfaire cet objectif.

J’ai été étonné par les propos de Mme Isabelle Le Callennec qui, s’exprimant au nom du groupe UMP, considérait que le dispositif se situait hors du cadre du CUI, le contrat unique d’insertion. Cette affirmation me semble être tout à fait inexacte puisque le dispositif des emplois d’avenir s’inscrit précisément dans ce cadre. Selon qu’il s’agira du secteur marchand ou non, sera signé un CUI-CIE, un contrat initiative emploi, ou un CUI-CAE, un contrat d’accompagnement dans l’emploi.

La pérennité étant visé, c’est bien le contrat à durée indéterminée qui doit être la règle. Il est toutefois possible de recourir au contrat à durée déterminée pour une durée allant jusqu’à trente-six mois voire un peu au-delà dans le cadre d’une formation qui oblige à dépasser ce délai. Dans sa conception, l’emploi d’avenir vise la pérennité et la longue durée. Il se donne les moyens et prévoit les délais qui permettent d’insérer véritablement les jeunes concernés.

Ce contrat a vocation à concerner un emploi à un temps plein. La commission a adopté un amendement visant à établir une liste limitative des cas dans lesquels il sera possible d’avoir recours au temps partiel.

Ce dispositif simple s’inscrit donc dans un cadre législatif connu, celui du contrat unique d’insertion, CUI-CIE et CUI-CAE. Nous n’aurons donc pas trop de difficulté à le mettre en œuvre. Par ailleurs, en raison de la nature du public visé et des verrous existant pour le CUI-CIE, ce dispositif permet de limiter les effets d’aubaine.

Pour conclure, je me réjouis que le recours à la procédure accélérée permette d’avancer de deux mois l’entrée en vigueur des emplois d’avenir. Cinq mois après les élections présidentielles et trois mois après les élections législatives, nous aurons montré combien nous prenions la mesure des urgences,…

M. Christian Paul. Très bien !

M. Denys Robiliard. …contrairement à ce que certains veulent laisser croire. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, GDR et RRDP.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Bérengère Poletti.

Mme Bérengère Poletti. Madame la présidente, monsieur le ministre, chers collègues, depuis les TUC de 1984, en passant par les CES, les CEC, les CAE, les CIE, les CUI, les CIVIS, les contrats d’avenir et aujourd’hui les emplois d’avenir, les emplois aidés ont toujours constitué pour les gouvernements, quels qu’ils soient, un outil utile pour répondre au problème du chômage.

La création de 150 000 emplois d’avenir aura certes mécaniquement un petit effet sur les chiffres du chômage à court terme, mais il ne s’agit là que de solutions d’attente. Même si elles sont préférables au chômage, c’est sûr, nous savons tous ici qu’elles ne sont pas la panacée, loin de là.

Quelques questions doivent se poser concernant ce nouveau dispositif des emplois d’avenir.

Premièrement, il va mobiliser près de 2 milliards d’euros en rythme de croisière, dans un contexte budgétaire très préoccupant.

Deuxièmement, il s’adresse à un public jeune, sans qualification, sans que figurent dans le texte des obligations de formation clairement définies. À ce propos, on ne peut que regretter que les entreprises d’insertion soient absentes du texte. Il faudra effectivement veiller à leur redonner une place car elles connaissent bien ce sujet.

Le Gouvernement aurait aussi pu choisir comme solution de développer l’apprentissage. C’est ce qu’a fait le gouvernement précédent mais nous pouvons aller plus loin encore. Deux tiers des jeunes apprentis décrochent un emploi à l’issue de leur contrat d’apprentissage, et 86 % au bout de trois ans. La recette de l’emploi aidé n’est pas forcément la bonne solution pour les jeunes sans formation.

Troisièmement, il ne s’adresse pratiquement pas au secteur privé. S’agissant des « emplois d’avenir professeur », il est étonnant et regrettable que l’enseignement privé et agricole soit exclu du projet de loi.

M. Bernard Perrut. Tout à fait !

Mme Bérengère Poletti. Quatrièmement, est-il réellement judicieux de cibler les 16-25 ans sans diplôme – je rappelle qu’en France, l’âge moyen d’accès à un CDI est de 28 ans – issus principalement des zones urbaines sensibles ? Ne s’adresser qu’aux jeunes issus de ces territoires et, à la marge, de quelques zones rurales très défavorisées crée en effet une rupture d’égalité dans l’accès au dispositif. Même si l’on comprend que ce choix politique repose sur l’évaluation du taux de chômage, on peut considérer qu’il s’agit d’une discrimination et même d’une incohérence de la part de l’État, qui, dans ses nombreuses politiques urbaines, a encouragé la mixité sociale. Celle-ci est, certes, loin d’être atteinte, mais les acteurs de terrain qui ont travaillé en ce sens verront leur public sanctionné par ce texte.

On peut comprendre que, pour atteindre la cible des jeunes en difficulté, des moyens soient déployés dans les zones sensibles, comme cela a été fait par l’ANRU, que des moyens soient donnés aux écoles et que des dispositifs attractifs soient proposés aux entreprises. Mais privilégier individuellement l’accès à l’emploi pour les habitants de ces quartiers peut être injuste pour les autres, ceux qui se trouvent dans des situations sociales très défavorables et habitent ailleurs. La définition des situations sociales serait donc certainement un meilleur critère.

En outre, on peut s’interroger sur la constitutionnalité du texte, en raison non seulement de cette rupture d’égalité, mais aussi de la présence de deux dispositifs qui n’ont rien à voir avec les emplois d’avenir : l’un sur l’égalité salariale femmes-hommes, l’autre sur les retraites des salariés de Pôle emploi.

Pour terminer, il peut s’avérer judicieux de cibler l’aide à domicile, dans la mesure où l’on peine à y recruter, mais à condition de prévoir une formation préalable obligatoire. Il est en effet inimaginable de placer des jeunes auprès de personnes dépendantes sans avoir pris soin auparavant de faire naître chez eux un intérêt réel pour ces métiers particulièrement exigeants et difficiles. On sait, du reste, les efforts de formation qui ont été entrepris depuis des années dans ce secteur comme dans celui du handicap.

Au cours de la discussion des articles, nous proposerons des amendements afin d’améliorer le texte. Il est clair que sa discussion a été précipitée par l’actualité, pour ne pas dire par les sondages. La preuve en est que nous avons dû examiner et amender le texte en commission sans avoir pu prendre connaissance du rapport. Nos amendements viseront donc à réparer les imperfections de ce texte et à répondre aux nombreuses questions que suscitent aujourd’hui les emplois d’avenir, afin d’éviter que ce dispositif ne se transforme en voie sans issue pour les jeunes. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Christian Paul.

M. Christian Paul. Monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, en commençant cette discussion, nous savons pour qui nous agissons et pourquoi nous sommes ici.

Nous sommes ici parce qu’une part importante de la jeunesse de France considère que la politique ne fait rien pour elle et que son sort est écrit pour longtemps avec des mots implacables : la galère, le déclassement, la précarité et la pauvreté. Cette génération, cette part grandissante des jeunes Français, partage une expérience dramatique : elle devient fataliste. Or, le fatalisme est pire que la colère. Rien n’est facile à cette génération, surtout pas l’accès à l’emploi. Rien ne lui paraît possible, surtout pas la main tendue du monde des adultes.

Comment se sentir citoyen d’une société dont on est exclu ? Avec cette loi, nous voulons apporter une partie de la réponse. C’est un engagement du Président de la République et de notre majorité ; nous le mettons en œuvre, sans retard ni recul.

Nous sommes ici parce que les politiques économiques libérales et brutales ont échoué, parce que les politiques éducatives sont restées sans effet et qu’elles ont laissé sur le bord du chemin 500 000 jeunes sans qualification et sans emploi et parce que les politiques de l’emploi de l’ancienne majorité, fondées essentiellement sur l’allégement des cotisations sociales, ont échoué.

M. Guy Teissier. On en reparlera !

M. Christian Paul. Nous sommes donc ici pour agir, pour que cette part nombreuse de la jeunesse de France retrouve un espoir et un chemin. Le retour de la puissance publique tel que nous le voulons doit aussi se traduire par la création d’emplois stables pour les jeunes Français.

Nous sommes ici pour, à l’occasion de l’examen de l’une des premières lois de cette législature, agir tous en militants de l’égalité des territoires. Les villes et les campagnes sont également dures pour la jeunesse. Les zones urbaines sensibles et le monde rural fragile sont souvent pour les jeunes les deux terrains extrêmes de l’exclusion. À cet égard, la discussion en commission a amélioré le texte pour mieux combattre les fractures géographiques et sociales.

Par ailleurs, nous entendons les questions qui sont posées dans le pays, et parfois même les inquiétudes. Nous savons tirer les leçons des programmes passés. Emplois jeunes et emplois tremplins des régions ont été des succès incontestables, faciles à évaluer.

La formation est essentielle ; les régions sont prêtes à y prendre toute leur place.

La préparation de la sortie du programme doit être anticipée et assumée, par les employeurs comme par les jeunes.

Nous saurons également adapter ce programme aux besoins des territoires et aux emplois d’aujourd’hui et de demain.

Mais nous sommes lucides et nous savons que ces mesures, à elles seules, ne suffisent pas. L’effort ainsi entrepris ne nous exonère en rien de l’immense offensive de réformes aujourd’hui nécessaire pour refonder l’école et inscrire la formation comme un droit tout au long de la vie au travail.

Les emplois d’avenir vont réparer en urgence beaucoup d’inégalités. Je pense surtout au poids de l’origine sociale dans la réussite scolaire, quand l’absence de diplôme signifie souvent l’impasse, tant l’emprise de celui-ci est forte en France. Mais, pendant les cinq années qui viennent, notre ambition ne sera pas seulement de réparer ces inégalités, elle sera avant tout de les prévenir.

Enfin – et je m’adresse là peut-être davantage à l’opposition –, nous récusons fermement les faux reproches.

Combien de fois les avons-nous entendus par le passé, quand nous avons créé les emplois jeunes, que vous avez supprimés, quand nous avons créé les emplois tremplin dans les régions ! Et nous les entendons encore aujourd’hui. Oui, les emplois d’avenir sont de vrais emplois avec, le rapporteur l’a dit, un vrai contrat, un vrai salaire et un temps plein. Au reste, au nom de quelle philosophie un emploi d’utilité sociale serait-il moins un vrai emploi qu’un emploi industriel ? Le travail de l’infirmière n’est pas moins noble que celui de l’ingénieur. Cela vaut également pour les jeunes qui vont entrer dans les emplois d’utilité sociale que nous proposons.

Nous récusons également l’idée qu’il suffirait – vous avez essayé et vous avez échoué – de s’en remettre au seul potentiel de création d’emploi des entreprises. L’économie d’un pays à croissance tiède – puisque vous avez laissé à la France une croissance nulle – ne fournit pas du travail à l’ensemble de la génération qui arrive.

Le redressement durable n’exclut pas qu’en urgence, nous sachions apporter des solutions concrètes et solidaires. La leçon de cette crise sans fin, au moins jusqu’ici, c’est que le marché ne peut pas tout et qu’il faut du courage politique pour bâtir des interventions efficaces. C’est pourquoi, d’ores et déjà, je souhaite avec vous à 150 000 jeunes Français, à 100 000 d’entre eux dès 2013, de trouver très vite toute leur place dans la société française et dans la vie au travail. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Perrut.

M. Bernard Perrut. Madame la présidente, monsieur le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, le projet de loi que nous examinons concerne, c’est vrai, un sujet essentiel, le chômage des jeunes ; nous devons faire preuve, dans ce domaine, d’humilité et de volonté.

Toutefois, je ne crois pas, monsieur le ministre, que la jeunesse ait été trop longtemps laissée à l’abandon, comme vous l’avez affirmé cet après-midi. D’ailleurs, vous reconnaissez vous-même, dans l’étude d’impact, que « les emplois d’avenir complètent l’ensemble des outils disponibles pour faciliter l’insertion professionnelle des jeunes » et vous les inscrivez dans les contrats uniques d’insertion – CUI – que nous avons mis en place par le passé. Les CAE et les CIE existants, qui ont fait leurs preuves, auraient pu être adaptés, améliorés. Mais vous avez fait un autre choix, plus médiatique sans doute, puisque vous estimiez qu’il y avait une urgence – surtout en termes de communication.

N’oublions pas tout ce qui a été fait jusqu’ici. Vous avez vous-même cité les missions locales, dont les moyens ont été accrus ces dernières années et qui ont accompagné 1 300 000 jeunes en 2011. Contrats d’insertion dans la vie sociale, contrats d’autonomie, dispositif deuxième chance, investissements d’avenir, plan pour l’emploi des jeunes, mesures incitatives d’allégement des charges pour les entreprises : des choses ont été faites. Sachons au moins le reconnaître de manière objective !

Parmi ces dispositifs, l’apprentissage constitue, à notre sens, un levier essentiel. En fixant un objectif de 800 000 alternants en 2015, nous avons pris des mesures et les moyens afférents pour guider les jeunes dans cette voie efficace.

Incontestablement, nous n’avons pas la même approche du problème, à gauche et à droite. Vous semblez en effet préférer les emplois subventionnés, dans la lignée des TUC, des CES ou des emplois jeunes, aux emplois impulsés dans les entreprises grâce aux allégements de charges, dont le coût est pourtant moindre.

Quelle que soit votre bonne volonté, messieurs les ministres, on peut, à l’instar des syndicats eux-mêmes, s’interroger sur l’efficacité de ces nouveaux contrats. Ainsi, j’ai lu dans la presse la déclaration d’un syndicaliste selon lequel « on ne règle pas le problème du chômage avec des emplois aidés ». Un autre responsable syndical estime, quant à lui, que « les contrats aidés ont démontré leurs limites concernant l’accès durable à l’emploi ». Enfin, un troisième affirme qu’il « faut aller au-delà des mesures d’urgence ». J’ajoute que, selon une étude du CEREQ publiée il y a quelque temps, les jeunes ayant participé au programme d’emploi entre 1997 et 2002 n’ont pas eu, par la suite, un avenir meilleur que ceux qui n’ont pu en bénéficier. Ce constat peut nous interpeller.

Certes, votre texte a le mérite d’exister, mais on peut regretter un certain manque d’imagination.

Je ressens également un peu d’amertume face à la marginalisation ou à la stigmatisation qu’entraînera votre dispositif, car, s’il cible les jeunes défavorisés, il ne s’adresse pas à tous les jeunes sans qualification ni diplôme. Où est en effet l’égalité dans l’approche territoriale qui est la vôtre ? Ne pensez-vous pas que, dans toutes les communes, quelles qu’elles soient, il y a des jeunes qui méritent le même soutien ?

Il ne faudrait pas, messieurs les ministres, que les emplois d’avenir deviennent, comme le titrait récemment un journal, « des échecs à venir » ; je ne le souhaite pas.

M. Jean-Marc Germain, rapporteur de la commission des affaires sociales. C’est Le Figaro, au moins !

M. Bernard Perrut. Mais, pour que le dispositif réussisse, il faut incontestablement que les jeunes sans qualification, sans expérience et parfois – il faut bien le reconnaître – sans motivation soient préparés à l’emploi qu’ils vont rejoindre. Dès lors, n’aurait-il pas été plus efficace de développer l’apprentissage dans les collectivités locales et d’ouvrir les emplois d’avenir au secteur marchand ? Comment se feront la sélection et la préparation des jeunes ? Quels moyens humains et financiers donnerez-vous aux missions locales ? Quels moyens seront mobilisés pour la formation, que vous n’aviez même pas mise en valeur dans votre texte initial ?

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. Vous êtes de mauvaise foi !

M. Bernard Perrut. Comment se fera la validation d’expérience ? Beaucoup de questions restent en suspens.

La mise en place des emplois d’avenir ne conduira-t-elle pas à réduire les moyens accordés à d’autres contrats d’insertion et à l’apprentissage ? Nous devons en avoir l’assurance. Ces emplois ne vont-ils pas se substituer à d’autres, qui auraient pu être créés par les collectivités, laissant ainsi de côté les jeunes qui se préparent à rejoindre la fonction publique territoriale ? Il faut combattre cet éventuel effet d’aubaine.

Mme la présidente. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Bernard Perrut. Messieurs les ministres, vous confiez de nouvelles responsabilités aux élus locaux, aux présidents d’association, faisant ainsi supporter un certain nombre d’efforts par un secteur dont le potentiel de croissance est faible et, bien évidemment, par les contribuables.

Je souhaite que ce texte puisse être amélioré…

Mme la présidente. Merci, mon cher collègue.

M. Bernard Perrut. …et j’espère que nos débats le permettront. J’aimerais notamment que vous vous apportiez une réponse sur ces deux points auxquels j’attache de l’importance : tous les jeunes sans qualification ni formation (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) seront-ils concernés de manière identique par le dispositif et les établissements d’enseignement pourront-ils sans distinction accueillir les « emplois d’avenir professeur » ?

Je conclurai par une citation (Mêmes mouvements) de Saint-Exupéry : « Pour ce qui est de l’avenir, il ne s’agit pas de le prévoir, mais de le rendre possible ». Je souhaite que nous trouvions la solution afin de le rendre possible pour nos jeunes. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. Mes chers collègues, je me permets d’insister sur la nécessité pour chacun de respecter le temps de parole qui lui est accordé.

La parole est à Mme Fanélie Carrey-Conte.

Mme Fanélie Carrey-Conte. Madame la présidente, messieurs les ministres, madame la présidente de la commission des affaires sociales, mes chers collègues, je suis particulièrement fière de voir cette session extraordinaire s’ouvrir par l’examen d’un projet de loi aussi emblématique du changement de cap initié par la nouvelle majorité et des priorités qu’elle s’est fixées. Je tiens ainsi à saluer le retour d’une politique active et volontariste de l’emploi, qui contraste avec la politique au mieux inefficace, au pire contre-productive, menée par le précédent gouvernement.

Pierre Mendès France disait : « À partir du moment où, dans un pays, s’établit un divorce entre l’orientation d’un régime et les aspirations de la jeunesse, alors oui, la catastrophe est proche ». Le taux de chômage de 22,7 % des 15-24 ans en France métropolitaine, ce qui représente près d’un jeune sur quatre, crée une situation que l’on doit aujourd’hui qualifier de critique – le mot est faible. Nous ne pouvons plus tolérer de vivre dans un pays où les perspectives offertes à notre jeunesse, cet âge qui devrait être celui des apprentissages, de la découverte, de l’émancipation, soient un tunnel d’instabilité et de précarité. Il y a donc urgence, et les jeunes qui vivent ces situations le savent mieux que personne, à ce que les politiques publiques s’emparent de la question en activant tous les leviers à leur disposition, à commencer par celui de la création d’emplois.

Ce projet de loi a deux objectifs. D’abord, il va permettre à 150 000 jeunes de réussir leur première expérience professionnelle, de pérenniser leur emploi ou d’acquérir les compétences et qualifications leur permettant d’évoluer vers un autre emploi. Par ailleurs, il doit favoriser la création d’emplois dans des secteurs d’avenir, facteurs de croissance et de développement soutenable et durable.

À ce titre, nous avons, lors des riches débats qui se sont tenus au sein de la commission des affaires sociales, débattu notamment des secteurs, organisations et entreprises qui devaient être éligibles aux emplois d’avenir. A ainsi été discuté en commission le choix de réserver en priorité les emplois d’avenir au secteur non marchand et, de fait, à nombre de structures de l’économie sociale et solidaire.

Je voudrais dire ici pourquoi, à mon sens, le choix de donner la priorité à ce secteur n’est pas anodin, mais relève bien d’un choix politique clair, justifié par plusieurs raisons. D’abord, et cela a déjà été dit, ce projet de loi est à replacer dans le cadre de la politique globale du Gouvernement en faveur de l’emploi. Si les entreprises à but lucratif du secteur marchand ne sont que marginalement concernées par ce texte, elles seront, en revanche, concernées par d’autres dispositifs, notamment les contrats de génération qui vont être présentés au Parlement dans quelques mois.

Avec le choix de privilégier le non-marchand et l’économie sociale et solidaire – donc des emplois qui ne relèvent pas exclusivement du secteur public, contrairement à ce qui a pu être dit –, il s’agit de soutenir et de développer des secteurs que l’on sait aujourd’hui porteurs d’innovations, de potentialités pour le développement de filières d’avenir. Il s’agit également de faire le choix de l’utilité sociale car, comme l’a rappelé tout à l’heure M. le ministre, la quête de sens dans son activité professionnelle est une aspiration de plus en plus forte dans notre société, en particulier chez les jeunes générations.

Enfin, pour ce qui concerne les structures de l’économie sociale et solidaire, qui constitueront une grande part des employeurs, il s’agit de promouvoir un secteur dont les caractéristiques – la non-lucrativité ou la lucrativité limitée, la gouvernance collective et démocratique – incarnent une autre manière de concevoir et de faire de l’économie, plaçant l’homme et la femme, plutôt que le profit, au cœur de ses objectifs.

Je tenais à remercier les partenaires sociaux ainsi que les organisations employeurs, notamment les associations, mutuelles, coopératives, structures de l’insertion par l’activité économique – qui ont été intégrées au texte, contrairement à ce qui a été dit tout à l’heure –, qui ont démontré, par leurs contributions aux débats et leurs différentes prises de position, une grande volonté de participer à cet effort de la Nation pour l’emploi des jeunes, en particulier des jeunes non qualifiés. Je me félicite de cette démarche de dialogue et d’échange dans l’élaboration des politiques publiques. Elle marque une rupture avec la décennie précédente, pendant laquelle les associations, par exemple, ont trop souvent été considérées comme des prestataires et non comme des partenaires de la puissance publique.

Enfin, si le dispositif des emplois d’avenir n’est pas une démarche d’aide aux structures employeurs, mais bien d’accompagnement des jeunes sur le marché de l’emploi, nous sommes néanmoins convaincus que ces deux éléments sont convergents et indissociables. En effet, les emplois d’avenir s’adressant prioritairement à un public jeune peu ou non qualifié, les structures employeurs auront une responsabilité déterminante pour la réussite du dispositif, celle de l’accompagnement et de la formation. Cette responsabilité a d’ailleurs été nettement renforcée par le travail en commission, et nous pouvons, me semble-t-il, nous féliciter des enrichissements du texte en ce sens. Mais nous savons que certaines structures employeur, en particulier les associations, qui ont été nettement mises à mal ces dernières années, rencontrent des difficultés financières de nature à les fragiliser très fortement : il s’avérera donc essentiel, dans la mise en œuvre des emplois d’avenir, d’être particulièrement vigilants quant à l’accompagnement, tant au plan administratif qu’au plan des ressources humaines, des structures qui emploieront des jeunes en emplois d’avenir.

Pour conclure, eu égard à la qualité des échanges en commission, je suis convaincue que la discussion en séance sera l’occasion d’enrichir encore ce texte par des débats constructifs. Au vu de la gravité de notre sujet, celui de l’emploi des jeunes et donc de notre avenir collectif, il ne saurait en être autrement. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, GDR et RRDP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Hetzel.

M. Patrick Hetzel. Madame la présidente, messieurs les ministres, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, le projet de loi que vous nous présentez aujourd’hui n’a rien de novateur, puisqu’il s’inspire des emplois jeunes du gouvernement Jospin.

Ce qui est nouveau, en revanche, c’est que vous fondiez votre dispositif sur une approche de discrimination positive du public-cible établie sur le seul critère géographique et sans référence à des critères de mérite universitaire, de motivation ou de projet professionnel. C’est dommage, car cette vision est en décalage avec nos principes républicains qui se doivent de reposer sur le mérite !

Précisément, vous proposez à l’article 2 un contrat de droit privé sous forme de contrat d’accompagnement dans l’emploi. Ce dispositif ne nécessitait nullement le recours à un texte législatif, puisque le statut existe depuis plusieurs années, mais aussi parce que, du point de vue de la formation des étudiants, une circulaire du 14 septembre 2011 sur la « professionnalisation des formations pour les étudiants se destinant aux métiers de l’enseignement » offrait d’ores et déjà la possibilité d’acquérir, en alternant périodes en établissement d’enseignement et formation universitaire durant les deux années de master, une expérience pré-professionnelle. Du reste, de nombreuses expérimentations ont été mises en place dans trente universités de huit académies – celles d’Aix-Marseille, Bordeaux, Créteil, Lyon, Montpellier, Lille, Versailles et Strasbourg.

Bien sûr, le chômage des jeunes est un problème endémique et mondial. Tous les dispositifs permettant d’accompagner et de favoriser l’insertion professionnelle des étudiants et l’emploi des jeunes doivent être étudiés – et bien entendu, c’est dans cette perspective que je me place. Il est toutefois nécessaire que ces dispositifs garantissent l’égalité des chances de réussite de tous les étudiants dans leurs projets de formation ou d’emploi. Les critères de recrutement des emplois d’avenir doivent donc veiller à récompenser également les mérites universitaires des candidats, et non reposer uniquement sur la condition de résidence dans une zone géographique administrativement déterminée. Il s’agit d’éviter le caractère ségrégationniste de la mesure pour ces jeunes.

Les étudiants issus des zones rurales sont également méritants et très souvent boursiers. Au nom de quels critères peut-on refuser ce type d’emploi à un jeune étudiant issu de la ruralité alsacienne ou corrézienne ? C’est une vision bien curieuse de notre unité nationale et de notre République !

M. Bernard Perrut. Tout à fait !

M. Patrick Hetzel. Peut-on imaginer que l’on renforcera l’attractivité des carrières de l’enseignement en excluant tous les étudiants qui ne vivent pas en ZEP ? Que dire également sur le fait que ces étudiants issus des quartiers dits sensibles auront vocation à combler exclusivement les déficits de recrutement dans certaines disciplines et le déficit de recrutement dans certaines académies ? Ces conditions cumulatives rendent bien aléatoire la capacité à remplir les objectifs que veut poursuivre votre texte. Tout ceci est contradictoire et manque singulièrement de cohérence.

En outre, il y a un risque d’atteinte au principe constitutionnel d’égal accès à la fonction publique, en l’occurrence d’égal accès au concours. Avez-vous mesuré le risque de contentieux à cet égard ? Je n’en suis pas sûr du tout !

Par ailleurs, votre dispositif a été présenté comme un pré-recrutement, notamment au Conseil supérieur de l’éducation et au Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche – Mme le rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires culturelles et de l’éducation est d’ailleurs allée dans le même sens tout à l’heure. Tout doit donc inciter à préparer l’insertion professionnelle des étudiants, y compris en cas de changement de choix d’orientation, d’abandon de ce cursus ou d’échec au concours au bout des trois ans de contrat. Il faut les ouvrir à plusieurs modalités de formation, et intégrer dans leur formation la connaissance de l’entreprise. Cela prend tout son sens, d’une part dans le cadre de la mobilité des compétences des enseignants en cours de carrière, d’autre part pour assurer leurs futures missions auprès des élèves. Vous l’aurez compris, ce texte reste, hélas, largement perfectible, c’est la raison pour laquelle nous proposons un certain nombre d’amendements indispensables à nos yeux.

Pour conclure, dans la mesure où vous introduisez, avec l’article 2, une discrimination majeure et une inconstitutionnalité potentielle, vous comprendrez aisément, messieurs les ministres, que l’UMP ne puisse accepter de voter ce projet de loi en l’état. J’espère vivement que, dans l’intérêt général, nos amendements, qui s’inscrivent dans une démarche très constructive, puissent être pris en considération. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Christophe Sirugue. Qu’est-ce que serait si ce n’était pas constructif !

Mme la présidente. La parole est à Mme Hélène Geoffroy.

Mme Hélène Geoffroy. Madame la présidente, messieurs les ministres, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le projet de loi portant création des emplois d’avenir s’inscrit dans un dispositif plus vaste visant à redonner des perspectives aux demandeurs d’emploi de notre pays. Dans nos quartiers les plus populaires comme dans les zones rurales ou en outre-mer, la difficulté de rentrer dans l’emploi pour les plus jeunes, comme celle d’y rester pour les plus âgés, a durablement marqué les dix dernières années. Ainsi s’est installé un sentiment de profonde injustice et nous, élus et acteurs publics, nous n’avons cessé d’entendre, tel un leitmotiv, la phrase : « Mais ces annonces à la télévision, ce n’est jamais pour moi ! » Ma première satisfaction vient du fait que le projet de loi vise en priorité les jeunes les plus en difficulté, ceux des zones urbaines sensibles, mais aussi ceux des zones de revitalisation rurale et de l’outre-mer : c’est un enjeu de notre cohésion nationale.

Depuis dix ans, le nombre de jeunes les moins qualifiés a considérablement crû : ils sont aujourd’hui 500 000 pour lesquels une solution doit être trouvée. Le taux de chômage des jeunes est très élevé dans les zones urbaines sensibles – près de 40 %. Le fonctionnement en réseaux qui existe dans notre pays – le réseau familial, le réseau amical, les réseaux d’anciens élèves, qui constituent autant de véritables vecteurs de l’accès à l’emploi – introduit une différenciation supplémentaire pour les jeunes de quartiers populaires qui ont une qualification moindre, disposent de peu de réseaux et sont confrontés à des discriminations en raison de leur nom ou de leur adresse. Améliorer l’accès à l’emploi et remodeler l’école, tels sont les deux piliers qui donneront des perspectives aux classes modestes et moyennes.

Pendant plusieurs années, j’ai été présidente de mission locale à Vaulx-en-Velin. Au cours des huit dernières années, j’ai également reçu, en tant que conseillère générale, les bénéficiaires du RSA en rupture de suivi par les structures de l’emploi. Rien n’est plus terrible que d’observer des jeunes qui passent de la situation de « décrocheur scolaire » à 16 ans au statut de bénéficiaire du RSA à 25 ans – le phénomène étant plus criant encore pour les jeunes garçons. Entre 16 et 25 ans, il y a souvent eu très peu de mises en situation d’emploi, les jeunes les moins qualifiés ne sont d’ailleurs pas inscrits au Pôle emploi. Quant à l’apprentissage et au contrat de professionnalisation, ils n’ont pas suffi à remplir cet intervalle de temps.

Pourtant, les solutions existent. Lorsque les contrats sont établis dans la durée, lorsque l’accompagnement se fait dans la proximité, nous avons près de 50 % de remise à l’emploi. Les expériences menées dans nos villes au travers des clauses d’insertion, les associations d’insertion par l’activité économique ont montré l’efficacité d’un tutorat fort pour un retour durable à l’emploi. Je me félicite que le projet précise la nécessité d’« un suivi personnalisé professionnel et social du bénéficiaire d’un emploi d’avenir ».

Cet accompagnement global et régulier des jeunes par le service public et par les employeurs, qui permet de traiter les problématiques de santé et d’hébergement, et de mettre en place de la formation, est déterminant pour la réussite de nos projets. Nous savons aussi que les six premiers mois dans un emploi sont déterminants. Nos anciens nous rappellent comment, à leur arrivée à 16 ou 18 ans comme ouvrier dans l’entreprise, ils avaient été entourés par les plus âgés. Les règles de productivité au sein des groupes ont eu raison de ce compagnonnage, et il en a été de même dans le public, avec les syndicats.

Les contrats de génération et les emplois d’avenir sont la réponse moderne à la question de la réussite de l’entrée dans le monde du travail pour notre jeunesse.

Je me félicite encore que la République rétablisse un accès plus juste à l’un des plus beaux métiers, celui de professeur. Il est important que la société permette à de jeunes étudiants issus de milieux modestes de ne plus être freinés par le coût des études. Par-dessus tout, le fait que se mêlent de nouveau l’ensemble des hussards noirs de la République, venus de toutes les histoires de France et de tous les horizons de France est le gage d’une meilleure compréhension entre les uns et les autres. Nous sommes dans la même urgence en matière d’éducation qu’au début du siècle dernier et il y a la même urgence à faire partager l’ambition d’un avenir commun.

Je me félicite enfin de pouvoir dire – lorsque je serai, comme vous, de retour à la fin de la semaine dans ma circonscription, située au cœur des quartiers populaires – à Carmen, Yasmine, Éliane et Noureddine que, certes, nous ne sommes qu’au début du processus, et que, certes, il nous faudra le quinquennat entier pour redresser le pays, mais que cette semaine, quand nous avons voté le projet de loi portant sur la création des emplois d’avenir et lorsque nous avons précisé que, dans les zones les plus éloignées de l’emploi, des niveaux de qualification supérieurs au baccalauréat peuvent être pris en compte à titre exceptionnel, c’est aux Carmen, Yasmine, Éliane et Noureddine de France que nous avons pensé, afin de redonner des perspectives à leurs enfants. Nous pourrons leur dire combien ils avaient raison, lorsqu’ils ont réveillé avec opiniâtreté chaque matin leurs enfants, veillé sur leurs devoirs chaque soir, quand ils leur ont transmis le goût de l’effort à l’école, alors qu’eux-mêmes n’avaient pas fait d’études,…

M. Arnaud Robinet. Vous allez nous faire pleurer !

Mme Hélène Geoffroy. …quand ils ont affirmé, en dépit des propos du gouvernement précédent, que notre pays ferait sa place à tous ses enfants.

Nous savons que le processus sera long, mais ce projet de loi, auquel viendra bientôt s’adjoindre celui sur les contrats de génération, contribuera à réconcilier nos quartiers avec la belle et grande idée selon laquelle la France est porteuse d’égalité et d’espérance. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Denis Jacquat.

M. Denis Jacquat. Madame la présidente, messieurs les ministres, monsieur le rapporteur, madame la rapporteure pour avis, mes chers collègues, redonner un espoir à la jeunesse par l’intermédiaire de l’emploi est une piste noble qui a toujours été notre principale préoccupation – et en disant cela, je reprends d’ailleurs, monsieur le rapporteur, certains de vos propres termes. Aussi adopterai-je, comme il se doit, une attitude d’opposition constructive.

Pour être efficace, ce texte doit être lisible, mais surtout éviter les imperfections de la loi sur les emplois jeunes. Ce projet de loi ne doit pas être la copie Canada Dry de cette loi, envers laquelle, en son temps, nous avions déjà eu une attitude constructive. Cependant, nos craintes de l’époque se sont révélées exactes et il ne faudrait surtout pas récidiver.

Je pense notamment aux moins de vingt-cinq ans éloignés de l’emploi et résidant en zones sensibles ; ils doivent être la priorité des priorités. Il ne faut pas que, comme par le passé, nous assistions à une vague de dérogations. À ce propos, monsieur le ministre, le Gouvernement envisage une diminution du nombre de ZUS. Cela ne risque-t-il pas d’exclure rapidement une grande partie des personnes concernées ?

Je pense également à la formation. Elle doit être obligatoire, longue et surtout ne pas être « cosmétique ». Si la personne est à temps partiel, cette formation doit être effectuée en dehors du temps de travail.

La durée proposée est de un à trois ans. Elle était de cinq ans pour les emplois jeunes. Les personnes concernées par les emplois d’avenir ne doivent pas être victimes d’un traitement statistique du chômage des jeunes. La durée doit être au minimum de trois ans ; un à deux ans, c’est trop court pour arriver à un résultat positif.

Par ailleurs, la sortie du dispositif est essentielle. Le mot « pérenne » doit être présent à l’esprit de celui qui va engager un jeune en emploi d’avenir. Lors des discussions concernant les emplois jeunes, on nous avait rassurés à ce sujet car nous étions très sceptiques. Or souvenons-nous de la faillite de la sortie du système.

Je ne suis pas défavorable à ce type de contrats car ils sont le marchepied pour un vrai emploi. Ils sont la première ligne sur un CV, ce qui est très important. Mais je dirai aussi, comme je l’ai déjà fait en commission, que la priorité doit être accordée à ceux qui se sont inscrits au chômage.

Avant de conclure, je voudrais vous faire part, monsieur le ministre, de mon grand étonnement au sujet d’une réponse qui m’a été faite en commission des affaires sociales. J’ai demandé pourquoi les établissements scolaires du privé ne pouvaient pas bénéficier des emplois d’avenir professeur. On m’a répondu : « Au nom de la morale laïque. » J’avoue être surpris et même choqué par cette explication qui est en fait, selon moi, une discrimination. En tant qu’élu de Moselle – je sais que vous connaissez bien, monsieur le ministre, la ville de Metz –, je vous demande si cette réponse est aussi valable pour les trois départements concordataires d’Alsace-Moselle.

Enfin, je conclurai en indiquant que, dans le cadre du chômage des jeunes, il faudra aborder dans un autre texte le chômage des jeunes diplômés, car ils ont la nette impression d’être laissés pour compte. Messieurs les ministres, à l’occasion de la discussion des amendements, la balle sera dans votre camp. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jérôme Guedj.

M. Jérôme Guedj. Madame la présidente, messieurs les ministres, monsieur le rapporteur, madame la rapporteure pour avis, mesdames, messieurs les députés, chers collègues, pour mes premiers mots dans cet hémicycle, haut lieu de la démocratie, permettez-moi de citer une figure de l’émancipation et de la justice sociale, un modèle pour moi, mort il y a tout juste trente-neuf ans aujourd’hui, le 11 septembre 1973 : Salvador Allende.

Le président du Chili considérait qu’un ouvrier sans travail est un homme qui a le droit au travail et que c’est à la société de lui permettre d’accéder à ce droit. Ce beau droit au travail, cette exigence sont encore plus forts s’agissant de la jeunesse car les questions de l’emploi et de la jeunesse sont aujourd’hui au cœur des préoccupations de nos concitoyens. C’est bien légitime dans le contexte que nous connaissons, avec l’aggravation de la crise économique et un chômage qui dépasse désormais les 3 millions.

Telle est en effet la situation dont nous avons hérité à notre arrivée et qui doit mobiliser toute notre énergie, dont témoigne l’inscription de ce projet de loi au début de la session extraordinaire.

Le chef de l’État a fixé le cap : le redressement de la France et l’inversion de la courbe du chômage, tout en donnant la priorité de son quinquennat à la jeunesse. Il l’avait promis pendant la campagne électorale et le Gouvernement n’a pas tardé à se lancer dans la bataille de l’emploi.

Il nous faut tenir compte de cette situation d’urgence sociale ; cette accélération est une réponse pertinente. En effet, 23 % des moins de vingt-cinq ans en France métropolitaine sont sans activité, soit plus du double de la moyenne nationale. Le dispositif des emplois d’avenir constitue assurément une réponse concrète, pragmatique et lucide au chômage des jeunes les moins qualifiés, pour qui l’accès à l’emploi est souvent synonyme de parcours du combattant. Il offre les conditions d’une première expérience durable et valorisante à des jeunes peu ou pas qualifiés, tout en contribuant – ne l’oublions jamais – à renforcer la mission d’utilité sociale des associations et le service public, notamment au niveau local. Je n’oublie pas non plus le volet spécifique de l’éducation nationale.

Je voudrais souligner deux points dans ce texte qui m’apparaissent positifs à plus d’un titre.

D’abord, le rôle central dévolu aux missions locales. Celles-ci ont développé un savoir-faire unique dans l’accompagnement des jeunes sur l’ensemble du territoire. Je trouve tout à fait prometteur qu’elles aient été placées au cœur du dispositif, dans un rôle pivot de partenariat avec tous les acteurs. Nées il y a trente ans du rapport Schwartz, elles ont en effet l’expérience et le savoir-faire et disposent d’un maillage territorial important, puisqu’il y a plus de 460 missions locales sur le territoire national.

Ensuite, ces emplois sont également d’avenir parce qu’ils ont pour objectif d’être pérennes. Ils ont pour cibles des secteurs à fort potentiel de création d’emploi, tels que l’aide à la personne, la transition énergétique ou les nouveaux métiers. Dès maintenant, les collectivités et les associations sont prêtes à répondre présent et à s’engager pour la réussite de ce dispositif.

Je voudrais terminer en évoquant une avancée dont on ne parle pas suffisamment. Ce texte de loi permet de mettre en œuvre non seulement les engagements du Président de la République envers la jeunesse et contre le chômage, mais aussi l’engagement d’intégrer dans tous les textes de loi un volet concernant la prise en charge des personnes en situation de handicap.

C’était l’engagement 32 du Président de la République. Il se traduit ici par des dispositions sur lesquelles je reviendrai dans un instant. Je veux souligner que, concomitamment à la présentation de ce texte, le Gouvernement, à travers une circulaire du Premier ministre du 4 septembre dernier, a donné le vade-mecum de cette révolution copernicienne dans le travail du législateur que constitue l’intégration d’un volet concernant le handicap dans chacun des textes de loi, ou la justification de son absence. La coordination est assurée, sur sujet, par la ministre déléguée chargée des personnes handicapées, Mme Marie-Arlette Carlotti.

Cette avancée absolument indispensable trouve une traduction concrète dans le texte. Je me félicite ainsi, par exemple, que les emplois d’avenir puissent bénéficier par extension, jusqu’à l’âge de trente ans, aux jeunes reconnus travailleurs handicapés. J’avais proposé cette disposition avec d’autres députés, notamment Martine Carillon-Couvreur.

Je pense aussi à la préparation obligatoire – j’espère du moins qu’elle le sera au terme de l’adoption de la loi – d’un bilan d’évaluation de la mise en œuvre des emplois d’avenir, qui tiendra compte notamment de la situation particulière des jeunes reconnus travailleurs handicapés. En effet, avec un taux de chômage deux fois supérieur à la moyenne, les personnes en situation de handicap ont besoin d’une prise en compte spécifique, que garantit ce texte. Voilà pourquoi, mes chers collègues, ce texte, proposé par le Gouvernement et attendu par nos concitoyens, avec toutes les avancées qu’il représente, mérite le soutien plein, entier et résolu de la représentation nationale. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Monique Iborra.

Mme Monique Iborra. Madame la présidente, messieurs les ministres, monsieur le rapporteur, madame la rapporteure pour avis, mes chers collègues, avec ce projet de loi qui nous est présenté aujourd’hui, nous sommes autant dans la réparation de ce qui a été négligé ou, pire, quelquefois défait par la majorité précédente, que dans la mise en place d’une des priorités de notre gouvernement et de sa majorité : celle de l’emploi, en particulier l’emploi des jeunes.

Je disais négligé ou ignoré ; je veux parler particulièrement des zones urbaines sensibles ou des zones rurales, où la pauvreté s’installe souvent sans éclat notoire, mais où, hélas ! le vote extrémiste progresse, ce qui doit attirer notre attention.

Je disais défait ; je veux parler particulièrement du service public de l’éducation nationale, qui connaît une crise sans précédent. Tout le corps enseignant a été malmené ces dernières années, brutalement, idéologiquement, avec constance, je dirais presque avec acharnement. Cette politique injuste et inefficace nécessite aujourd’hui, dans ce domaine comme dans tant d’autres, à la fois des mesures d’urgence et des réformes de fond, qui ont d’ailleurs été annoncées – je pense à la loi d’orientation sur l’école, mais également à la réforme du droit du travail et, nous l’espérons, à la modernisation du dialogue social.

Il s’agit donc bien d’une cohérence d’ensemble : réparer et construire, tout en répondant à l’urgence. L’enjeu est évidemment majeur.

Répondre à l’urgence et dans l’urgence, vous vous y êtes engagé très tôt, monsieur le ministre, en débloquant dès votre arrivée 80 000 emplois aidés, tous ceux prévus pour l’année ayant été, si j’ose dire, consommés par le gouvernement précédent dans les trois premiers mois de la période préélectorale.

Répondre à l’urgence et dans l’urgence, c’est une nécessité à laquelle vous avez fait face en recrutant 2 000 personnes à Pôle Emploi, car nous étions très loin des promesses du ministre qui avait annoncé, au moment de la fusion entre l’ANPE et les Assedic, un agent pour soixante demandeurs d’emploi suivis.

Répondre à l’urgence, le ministre de l’éducation l’a fait en recrutant 1 000 professeurs supplémentaires pour l’éducation de nos enfants, en assurant la reconduction des contrats aidés et en favorisant un accroissement du pouvoir d’achat des familles avec la revalorisation de 25 % de l’allocation de rentrée scolaire. Nous avons obtenu, de ce fait, un climat serein et nous avons rétabli la confiance dans les établissements.

Encore n’ai-je cité à l’instant que quelques-unes des décisions prises depuis quatre mois. Avec les emplois d’avenir – 150 000 dans le secteur non marchand –, nous sommes non seulement dans la lutte en urgence contre le chômage, mais également dans le traitement du noyau dur du chômage, composé de jeunes sans aucune qualification. Pour la première fois dans l’histoire des contrats aidés, la formation est un objectif central, ce qui montre bien, si besoin en était, que c’est non pas l’employeur qui est au centre du dispositif, mais le jeune, à qui le contrat de travail doit permettre d’acquérir une qualification.

Par cette disposition, il s’agit bien de favoriser la pérennisation de l’emploi, qui dépend de l’obtention de ce véritable passeport pour l’avenir que représente une formation qualifiante pour les jeunes.

La réussite de ce dispositif, dont l’objectif est ambitieux, dépendra en grande partie de la gouvernance et des acteurs locaux, de la nécessité d’un suivi individuel, tel que le pratiquent déjà les écoles de la deuxième chance, qui, de mon point de vue, devraient être associées au dispositif de la gouvernance. En effet, nul ne devrait être écarté car le savoir-faire, dans ce domaine, sera prépondérant. L’efficacité, le sur-mesure, le suivi individuel, l’accompagnement nécessaire ne pourront se satisfaire d’une démarche trop technocratique.

Nous savons, monsieur le ministre, que c’est autant par nécessité que par conviction que vous portez ce projet. Nous serons à vos côtés pour participer à sa réalisation. Il consiste à donner d’abord un avenir à ces jeunes, qui attendent des élus que nous sommes des réponses à leur désespoir – toujours – et à leur révolte – souvent. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Arnaud Robinet.

M. Arnaud Robinet. Monsieur le ministre, madame, monsieur les rapporteurs, mes chers collègues, en étudiant ce texte, marqueur de la politique économique que vous souhaitez mettre en place, on se pose une double question. Quelle direction voulez-vous impulser à notre pays en termes de politique d’emplois ? Cela correspond-il à ce que les Français sont en droit d’attendre d’un Gouvernement qui prétend diriger notre pays pendant cinq ans ? Pour ne pas laisser plus de suspense, je vais vous répondre sincèrement : non !

Je ne fais preuve ici d’aucun esprit partisan… (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Michel Sapin, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.. Qui aurait pu le croire ?

M. Christian Paul. Ce n’est pas l’esprit de la maison !

M. Arnaud Robinet.… mais j’ai, avec la majorité de mes collègues, une vision bien différente de la vôtre en termes de politique pour l’emploi.

M. François Pupponi. On l’a vu pendantr dix ans !

M. Arnaud Robinet. Finalement, à la lecture de votre projet, de l’idéologie qui s’en dégage, on voit bien ce qui nous sépare.

De votre côté, plus de dépenses publiques – d’ailleurs, les Verts proposaient il y a peu de temps, avant de vous être redevables de leurs places dans cet hémicycle (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.), une allocation d’autonomie de 600 euros par mois pour les 15-25 ans en difficulté d’insertion, pour un coût estimé à 4 milliards d’euros – pour des emplois précaires sans aucune perspective d’avenir, ce qui permettra de baisser artificiellement le taux de chômage.

De notre côté, la volonté de proposer un autre avenir à notre jeunesse par une socialisation et une intégration sur le long terme, et non sur un, deux ou trois ans.

Lorsque vous proposez de mettre un sparadrap sur le mal qui ronge notre jeunesse, nous, nous proposons de soigner complètement et durablement la blessure (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.).

M. Michel Sapin, ministre. Cela se serait su !

M. Arnaud Robinet. N’allez pas imaginer que je ne me réjouisse pas que 150 000 jeunes puissent trouver un emploi pour quelques mois. Mais je ne puis m’en contenter. La réponse que vous apportez est totalement à côté de la politique que nous devons mettre en place, de façon urgente.

La France n’a pas besoin de nouveaux contrats précaires mais d’une croissance soutenue, en produisant davantage de richesses. Par ce projet de loi, qui concerne essentiellement les emplois non marchands, vous prenez le chemin inverse.

En augmentant les dépenses publiques – 1,5 milliard par an –, non seulement vous ne créez aucune richesse, mais vous freinez les créations d’emplois et l’augmentation du pouvoir d’achat.

M. Christian Paul. Donneur de leçons !

M. Arnaud Robinet. Chaque emploi d’avenir nécessite en effet un transfert de fonds du secteur marchand vers le secteur public, privant un peu plus nos entreprises et nos industries de ressources susceptibles de créer des emplois.

Pourtant, toutes les études le montrent, la production de biens et services par le secteur marchand est la pierre angulaire de la création de richesse, laquelle sera seule à même de relancer efficacement et durablement l’emploi des jeunes.

L’insuffisance de la base productive française, qui est, selon l’OCDE, de 20 millions – elle est de 25 millions au Royaume-Uni et de 27 millions en Allemagne – est un fardeau pour notre économie. Il faudrait créer entre 7 et 8 millions d’emplois marchands pour revenir à un ratio de dépendance comparable et concurrentiel. Voilà ce vers quoi nous devons tendre.

Malheureusement, vous ne semblez pas en prendre le chemin : ce texte démontre votre obsession des dépenses publiques et des remèdes conjoncturels.

Plusieurs études internationales, dont celle de John Martin et David Grubb de l’OCDE, en 2001, se sont intéressées à ces remèdes à la petite semaine, tel celui que vous aviez proposé en 1997 avec les emplois jeunes. Toutes démontrent que ces contrats subventionnés dans le secteur public mènent très rarement à un emploi stable. La formation et les qualifications qu’on y acquiert, sont en effet insuffisantes et trop éloignées des besoins du monde du travail, et nombre de jeunes se retrouvent sur le carreau une fois leur contrat terminé. De plus, ils traînent un handicap salarial : ainsi, le passage par un emploi jeune se serait traduit, en 2008, par une perte de 230 euros mensuels sur une moyenne de 1 690 euros.

Ce que vous devez offrir pour lutter contre le chômage des jeunes, c’est une meilleure formation, sujet pratiquement absent de votre projet de loi, et un cadre fiscal qui encourage les créations et les développements d’entreprises.

Un exemple, un seul. Le groupe Würth, en Allemagne, accueille chaque année une centaine de nouveaux apprentis. Répartis dans presque tous les services et métiers de la société, ces jeunes passent trois ans chez le fabricant allemand de vis et boulons pour être formés. À la fin de leur apprentissage, près de 90 % d’entre eux se voient proposer un CDI. « Cela fait six décennies que Würth fonctionne ainsi » explique le responsable du service formation, « nous recrutons presque exclusivement notre personnel parmi nos apprentis, car ils sont exactement formés au métier qu’ils doivent exercer chez nous, et nous savons ce qu’ils valent ».

Voilà un exemple de réussite, possible en Allemagne car on a préféré aider les entreprises à recruter et à former les jeunes plutôt que d’alourdir le déficit public par des emplois publics aidés. Là-bas, pas de contrats aidés dans le secteur public, mais une aide au secteur marchand et à l’expansion économique et sociale du pays.

Vous nous ressortez les emplois jeunes, mais il n’y a pas d’avenir dans le passé. Au nom de notre jeunesse, tournez-vous vers l’avenir, voyez plus grand et arrêtez de regarder par le petit bout de la lorgnette de vos échecs passés ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Quelle finesse…

Mme la présidente. La parole est à Mme Barbara Romagnan.

Mme Barbara Romagnan. Madame la présidente, messieurs les ministres, madame, monsieur les rapporteurs, chers collègues, je voudrais dire mon admiration pour l’assurance de mon prédécesseur. Je regrette que ces solutions, si efficaces, n’aient pas été mises en œuvre plus tôt. Les jeunes en auraient été heureux. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Je ferai preuve de plus d’humilité.

Nous vivons une crise économique grave, mais la crise écologique est tout aussi préoccupante. Y faire face impose de réfléchir à un nouveau modèle de développement et à des créations d’emplois en cohérence avec les besoins et les ressources de demain.

Il s’agit de faire en sorte que ces emplois d’avenir préparent le futur de ces jeunes en leur permettant d’accéder à un emploi et ouvrent la voie à un avenir commun, en matière d’aménagement du territoire, d’environnement et de développement social.

Pour cela, la formation est évidemment essentielle. Une formation de qualité est nécessaire pour répondre à l’exigence d’évolution de certains emplois et pour atteindre les objectifs que nous nous sommes fixés collectivement, en termes de transition énergétique et d’amélioration des conditions de vie. L’avenir est à la voiture électrique, au développement des énergies nouvelles, aux services à la personne, aux relations numériques. Cela impose des connaissances et des savoir-faire.

La formation est une condition, à défaut d’être une garantie, d’une insertion durable des jeunes dans la vie professionnelle. Les études en témoignent, l’entrée dans le monde du travail est facilitée par le diplôme, qui permet une insertion plus rapide et plus stable.

En 2008, alors que le taux de chômage des jeunes sortis de formation depuis un à quatre ans était en moyenne de 14,4 %, celui des diplômés de l’enseignement supérieur n’était que de 6,1 % mais il passait à 38 % pour les non diplômés. Au-delà, le risque de précarité est lui aussi lié au niveau de formation.

Néanmoins, la garantie tient surtout à la reconnaissance des compétences. Aujourd’hui, un apprenti s’insère plus facilement dans la vie professionnelle qu’un lycéen.

Les syndicats et les associations auditionnées ont tous insisté sur la nécessité de faire de ces emplois d’avenir un vecteur de formation.

Ce texte est empreint de cette volonté, qu’il s’agisse des emplois professeur ou des emplois d’avenir plus classiques, l’article premier prévoyant que « les compétences acquises dans le cadre d’un emploi d’avenir sont reconnues par une attestation de formation, une attestation d’expérience professionnelle ou une validation des acquis de l’expérience ». C’est très positif.

Au-delà, les associations ont insisté sur la nécessité d’une formation de qualité, à la hauteur des enjeux. Point essentiel puisque c’est en priorité aux jeunes sans qualification que s’adresse ce dispositif. Il constitue pour eux l’opportunité, après un ou plusieurs échecs scolaires, d’une première expérience durablement réussie, leur donnant accès à la reconnaissance de compétences, de connaissances, de savoir-faire. Nous ne devons pas minimiser cet aspect.

Il appartiendra au décret d’application de définir les conditions de cette exigence de formation, sur laquelle Thierry Repentin s’est fermement engagé.

Il sera important de réfléchir à un séquençage des phases de formation, alternant périodes d’acquisition et périodes d’évaluation pour aboutir à l’obtention d’une qualification. Il conviendra aussi de déterminer un temps significatif de formation – a minima trois ou quatre heures par semaine. Il sera aussi important d’instituer un système de tutorat, permettant un accompagnement et un contact facilité au sein de l’entreprise.

Enfin, il est primordial que le dispositif de formation soit encore renforcé pour les jeunes de moins de 18 ans. En effet, si cette opportunité peut être exceptionnellement bénéfique pour de très jeunes décrocheurs – pas assez âgés pour intégrer les écoles de la deuxième chance ou refusant catégoriquement de retourner sur les bancs de l’école dans un dispositif d’alternance –, il me semble indispensable de privilégier l’acquisition d’une qualification de base, essentielle pour l’insertion professionnelle et pour le développement de l’individu.

C’est pourquoi je tenais à vous interpeller sur la question des 16-18 ans. Pour eux, l’objectif de formation, même s’il intervient dans le cadre d’un emploi d’avenir, doit demeurer la priorité. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Serge Letchimy.

M. Serge Letchimy. Madame la présidente, messieurs les ministres, madame, monsieur les rapporteurs, à situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles.

Vous avez évoqué, monsieur le ministre, un double échec des politiques passées – à cet égard, M. Robinet aurait dû faire preuve de plus de mesure et d’indulgence. À l’échec économique, à l’échec éducatif, j’ajouterai l’échec moral et, au-delà, l’échec sociétal.

La stratégie que vous avez mise en œuvre au travers des emplois d’avenir n’est pas inerte, mais active. Elle n’est pas précipitée, mais réaliste. Elle est commandée par la gravité de la situation et par l’urgence des réponses à apporter. Elle est fondée, fait nouveau, sur des principes de justice, d’équité, de lucidité économique et sociale.

Les chiffres ont été donnés : 470 000 jeunes se trouvent sans emploi et sans formation. En outre-mer, c’est pire : 64 % des moins de 30 ans sont inactifs, 22 % sont chômeurs et 41 % des demandeurs d’emploi dans cette tranche d’âge n’ont aucune qualification.

On ne peut à la fois déplorer cette situation et renoncer à tout volontarisme, s’en remettre au fonctionnement des marchés sans en corriger les carences. Cela n’est pas une doctrine économique, c’est du dogmatisme !

Nous essayons, à ce niveau, de corriger les choses. Oui à la stabilité budgétaire, à la réduction de la dette et du déficit. Oui, aussi, à une croissance partagée et inclusive.

Je salue la stabilité du dispositif sur trois ans, la volonté de professionnaliser et de former, de donner aux jeunes une chance en les aidant à exprimer leur pleine humanité, de tenter d’éliminer la pauvreté et la précarité de la jeunesse, notamment outre-mer.

Je salue le fait que vous ayez traité la question de l’outre-mer de façon globale, sans la rejeter en annexe. Vous savez que la situation y est difficile.

L’initiative que vous avez prise en matière d’emplois d’avenir professeur permet de réduire les conséquences d’une ségrégation sociale, tout en apportant des réponses en matière de besoins d’enseignement.

Ce projet nécessite-t-il des modifications ? Bien entendu ! J’ai entendu des propositions très intéressantes. M. Jégo, qui a l’expérience de la gestion d’un ministère et de l’influence, a dit qu’il voterait ce texte, et j’invite ceux qui le souhaitent à l’amender. J’ai d’ailleurs entendu des propositions en ce sens.

Sans doute faut-il corriger les effets d’aubaine, faire attention à un excès de discrimination positive, notamment par rapport aux jeunes diplômés, et à la cohérence territoriale : quel doit être le rôle de la région ? Il faut aussi s’interroger sur les conséquences financières et budgétaires – car 75 %, ce n’est pas 100 % – et songer à un accompagnement technique, notamment en matière de gestion. Enfin, il faut réfléchir au statut des associations qui joueront un rôle d’employeur et, naturellement, à la pérennisation de ces contrats. Ce sont autant de points qui peuvent être améliorés, mais on ne refuse pas un projet aussi essentiel pour des détails techniques ou des questions de mise en place.

Ce texte réglera-t-il le problème du chômage des jeunes ? Bien sûr que non ! Constitue-t-il un investissement pour l’avenir ? Certainement ! Mais c’est surtout, mesdames et messieurs les députés, une chance donnée à l’homme, une parcelle de dignité restaurée, une invitation au progrès partagé : c’est bien le minimum que nous devons à ces enfants enfermés dans la spirale de la précarité. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, GDR et RRDP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Lionel Tardy.

M. Lionel Tardy. Madame la présidente, messieurs les ministres, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je ne peux m’empêcher de remarquer que, pour un Président qui disait vouloir respecter le Parlement, M. Hollande démarre très fort. Nous avons à examiner aujourd’hui un texte présenté il y a quinze jours en conseil des ministres et adopté la semaine dernière en commission.

M. Christian Paul. Et alors ?

M. Lionel Tardy. Le tout, bien entendu, selon la procédure accélérée, en étant informés le 28 août de l’ouverture de la session extraordinaire avec deux semaines d’avance.

M. Christian Paul. Vous avez eu un mois de vacances, comme les Français : c’est suffisant !

M. Lionel Tardy. Même notre ancien Président de la République, tant décrié, traitait mieux les parlementaires…

Sur le fond, ce texte est finalement assez vite lu : deux articles portent les mesures phares ; quant aux articles d’adaptation à l’outre-mer et aux quelques dispositions diverses discrètement glissées en fin de texte, ils ont plutôt un parfum de propositions de loi de simplification du droit.

La recette des emplois aidés et des postes de précaires dans la fonction publique est ancienne et éprouvée. Elle donne des résultats, c’est évident, mais à quel prix ? En ce moment, la France peut-elle se permettre de telles dépenses, finalement très peu rentables en termes de rapport coût/avantage ?

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. Et le prix du chômage, c’est quoi ?

M. Lionel Tardy. Je dois avouer ma perplexité devant le contrat d’avenir « simple », celui de l’article 1er : on ne crée pas un nouveau dispositif, mais on rajoute une couche à ceux qui existent déjà. Mise à part une aide financière plus importante, quelle est la valeur ajoutée de ce que vous proposez ? Je cherche encore, et je pense que j’aurai du mal à trouver. Il s’agit en fait de maquiller une vaste opération de recrutement d’auxiliaires d’éducation, en les baptisant du nom d’emplois d’avenir professeur. Voilà votre véritable cible !

Il est vrai que les besoins dans l’éducation nationale sont réels (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) et que c’est un secteur où l’on doit investir avec discernement. Mais on semble ici retomber dans la logique habituelle, celle des moyens matériels. À écouter les syndicats, en particulier dans l’éducation nationale, il faudrait toujours plus de postes et de moyens, sans jamais chercher à faire mieux mais différemment, à moyens constants.

Toutes les créations de postes auxquelles nous allons assister sont-elles vraiment nécessaires ? Cette question ne semble pas avoir effleuré le Gouvernement, trop pressé de faire des cadeaux à sa base électorale et soucieux de ne pas froisser son électorat. C’est dommage, car remettre de l’eau dans un tonneau percé ne donne jamais de résultats à long terme, et ce contrat d’avenir professeur ne résoudra pas la crise, profonde, de notre système éducatif.

J’y vois en revanche un point positif : le ciblage vers les métiers de l’enseignement dans les zones sensibles et la volonté de recruter les futurs enseignants dans ces zones. En effet, alors que la police a très bien réussi à recruter dans ce que l’on appelle la « diversité », ce n’est pas le cas de l’éducation nationale, bien que le vivier existe, constitué de jeunes bien formés venant de ces quartiers et zones difficiles. Si ce contrat d’avenir professeur peut faire sauter un verrou et conduire à une plus grande diversité du corps enseignant, ce sera une très bonne chose, même si c’est cher payé.

J’ai eu l’occasion de soulever en commission un certain nombre d’imperfections, sur lesquelles je reviendrai lors de la discussion des amendements. On voit bien qu’il s’agit d’un texte écrit de manière un peu précipitée, et qui aurait mérité d’être encore peaufiné.

Même s’il comporte quelques points positifs, le prix, à court terme, des dépenses immédiates, mais aussi, à long terme, de la pérennisation de ces postes de fonctionnaire, est beaucoup trop élevé pour nos finances publiques. Avec un coût en vitesse de croisière évalué à 1,5 milliard d’euros par an, vous annulez les éventuels effets positifs des mesures d’austérité, avant même d’ailleurs que ces économies soient réalisées.

Je ne peux pas voter un tel texte, mal écrit, et qui ne fait que donner de faux espoirs à notre jeunesse. On fait miroiter aux jeunes des postes, en nombre insuffisant d’ailleurs, qui ne les mèneront nulle part, sauf pour ceux qui sauront en tirer profit. Ces jeunes, de toute manière, s’en seraient sortis d’une façon ou d’une autre. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Les autres, ceux qui sont réellement en difficulté, retourneront à leur situation antérieure quand la perfusion d’argent public cessera.Visiblement, vous n’avez pas tiré les leçons du dispositif des emplois jeunes…

M. Christophe Sirugue. Justement si !

M. Lionel Tardy. C’est bien dommage et, au sortir de dix ans d’opposition, inscrire ce texte en début de session parlementaire est un très mauvais signe pour la suite.

Vous l’aurez compris, il est assez incongru, dans le contexte de crise actuel, d’être le seul pays développé qui pense résorber le chômage en subventionnant des emplois non marchands, alors que nous sommes avant tout en panne de croissance. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Lisez le rapport de l’OCDE !

Mme la présidente. La parole est à M. Christophe Castaner.

M. Christophe Castaner. Madame la présidente, messieurs les ministres, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, chômage élevé, compétitivité dégradée, déficits considérables, endettement historique, la France souffre, s’inquiète pour son avenir, et c’est justement d’avenir dont nous parlons aujourd’hui.

François Hollande, candidat, a érigé la jeunesse en priorité absolue ; aujourd’hui, Président de la République, il nous mobilise pour mener et gagner la bataille de l’emploi. Nous voici donc réunis ici afin de débattre de la première concrétisation législative illustrant cette priorité : le projet de loi portant création des emplois d’avenir.

Ce texte découle d’une constatation indéniable : le chômage des jeunes, et particulièrement des jeunes non diplômés, ne cesse de croître. Le constat est connu, il a été évoqué plusieurs fois aujourd’hui. À M. Robinet, qui s’interrogeait sur ce qui nous séparait, je répondrai que c’est notre attitude face à un million de chômeurs. Nous refusons que plus de 120 000 jeunes sortent chaque année du système scolaire sans diplôme, que le taux de chômage des jeunes sans qualification soit supérieur à 42 % en 2011 et qu’il dépasse les 70 % dans certains quartiers.

Nous refusons que les rares jeunes non qualifiés ayant réussi à poser un pied dans le marché du travail, peinent à y poser le second et à trouver leur équilibre. Stages non rémunérés, intérim de quelques semaines, longues périodes d’inactivité sont bien souvent le passage obligé vers un avenir professionnel toujours incertain.

On estime à environ un demi million le nombre de jeunes de moins de 25 ans aujourd’hui dans la galère et qui considèrent qu’ils n’ont plus d’avenir. Nous devons redonner espoir à la jeunesse, rétablir le pacte républicain qui nous lie à elle. Il nous faut trouver des solutions concrètes face à cette situation désastreuse. Le projet de loi sur les emplois d’avenir que nous étudions aujourd’hui répond au défi majeur de l’insertion professionnelle des jeunes non qualifiés.

La fameuse « première expérience professionnelle », devenue indispensable à tout recrutement mais inaccessible pour un jeune ne réussissant pas à mettre un pied dans le monde du travail, la fameuse « première expérience » devenue un sésame trop difficile à décrocher quand la crise tend à favoriser l’embauche de diplômés… eh bien, cette fameuse « première expérience », c’est à elle qu’accèderont les jeunes grâce à notre projet de loi. Si ces 150 000 contrats ne règlent pas à eux seuls le problème du chômage, ils représenteront néanmoins une chance pour autant de jeunes non qualifiés.

Le gouvernement de Jean-Marc Ayrault s’est engagé, dès son installation, dans un combat contre le chômage. Cette proposition est le premier maillon de la politique du travail et de l’emploi qu’il entend développer, grâce, entre autres, aux 80 000 contrats aidés supplémentaires, destinés à corriger la gestion électoraliste des crédits ouverts par la droite dans la loi de finances 2012 – parfois, la droite aime les contrats aidés –, grâce aux 2 000 postes supplémentaires créés à Pôle emploi, grâce enfin à la suppression des heures supplémentaires défiscalisées, entraves à la création d’emploi.

Mais le Gouvernement a aussi ouvert les chantiers de la compétitivité, de l’apprentissage, de la formation professionnelle, du chômage partiel, de la sécurisation des parcours, de la précarité, de l’insertion… autant de thèmes impulsés lors la grande conférence sociale. Enfin, et cela nous sépare encore, nous refusons le fatalisme d’une économie dérégulée qui a perdu ses repères.

La bataille pour l’emploi est engagée, ce sont les mots du Président de la République, dimanche soir. Le projet de loi dont nous débattons aujourd’hui est une première réponse d’avenir, d’espérance même…

Je ne reviendrais pas dans le détail sur les dispositions du présent texte, mes collègues l’ont fait avant moi dans le sillage du travail exemplaire du rapporteur.

On le sait, l’objectif des emplois d’avenir est de proposer des solutions d’emploi et d’ouvrir l’accès à une qualification aux jeunes peu ou pas qualifiés, qui ne parviennent pas à trouver le chemin de l’insertion professionnelle.

Je voudrais souligner à l’intention de Denis Jacquat que notre projet n’est en rien une version « Canada Dry » des emplois jeunes ; mieux vaudrait parler du double effet « Kiss Cool » !

En tant que rapporteur spécial des budgets du travail et de l’emploi, j’aimerais m’arrêter quelques instants sur l’aspect budgétaire de cette mesure. Le ministre est clair, mais l’opposition feint de ne pas comprendre. Je reprécise donc.

Dès 2013, l’État s’engage à hauteur de 2,3 milliards d’euros en autorisations d’engagement et 500 millions d’euros en crédits de paiement. Ces crédits seront ouverts en loi de finances initiale pour 2013. En année pleine et à leur rythme de croisière, les emplois d’avenir mobiliseront 1,5 milliard d’euros par an. Leur financement en 2013 sera logiquement moindre, en raison de la montée en charge progressive du dispositif.

Il est important de souligner que les crédits d’accompagnement n’ont pas été oubliés dans la budgétisation de cette mesure. Preuve du sérieux budgétaire du Gouvernement, 30 millions d’euros sont prévus afin de financer les missions locales, au cœur du mécanisme.

Aujourd’hui, les emplois d’avenir sont destinés aux jeunes les moins qualifiés, au chômage, principalement dans le secteur non marchand, au service de territoires fragiles ; demain, ce sera le contrat de génération – dont les partenaires sociaux sont déjà saisis – pour l’ensemble des jeunes et la plupart de nos entreprises.

Le Gouvernement a pris la mesure de la crise, il prend aujourd’hui toutes ses responsabilités. L’Assemblée nationale s’honore, messieurs les ministres, d’être à vos côtés. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Yves Durand.

M. Yves Durand. Madame la présidente, messieurs les ministres, madame et monsieur les rapporteurs, mes chers collègues, je voudrais dire à M. Tardy que j’ai du mal à saisir sa logique quand il nous reproche à la fois notre immobilisme et notre précipitation. Pour ce qui me concerne, je suis particulièrement heureux que nous commencions notre session par ce texte sur l’emploi des jeunes. En effet, sans nous contenter de discours sur le drame que constitue le chômage des jeunes, nous proposons ici des moyens concrets pour y répondre.

J’aborderai en particulier l’article 2, qui concerne les emplois d’avenir professeur. Il répond à deux exigences majeures pour notre jeunesse et son éducation.

La première est de créer un vivier de jeunes enseignants. En effet, nous avons remis en marche la machine à recruter dans l’éducation nationale. Après dix ans de suppressions de poste, nous avons renversé la vapeur et placé cette rentrée sous le signe des créations de poste. L’éducation nationale a besoin d’enseignants !

Encore faut-il que les jeunes puissent aller jusqu’aux concours de recrutement. Il nous faut veiller dès maintenant, si nous voulons préparer les rentrées de 2014, de 2015 ou de 2016, à attirer les jeunes vers les concours de l’enseignement et à rendre attractifs les métiers de l’éducation.

C’est l’un des objets de ce texte, qui permet notamment à des jeunes issus de milieu modeste de poursuivre leurs études pour s’orienter vers l’enseignement. L’un de nos amendements propose d’ailleurs d’élargir le champ du recrutement – nous y reviendrons.

La seconde exigence est plus forte encore, car elle possède une dimension sociale et démocratique. Il s’agit de mettre enfin un terme à l’exclusion dont sont victimes les jeunes de famille modeste face à l’enseignement supérieur. À cause notamment d’une mastérisation mal pensée et mal fichue, rares étaient ces jeunes qui allaient jusqu’au master et pouvaient ensuite intégrer l’éducation nationale. Les bourses que prévoit l’article 2 de ce texte leur donneront la possibilité d’acquérir la formation nécessaire pour accéder au métier d’enseignant, ce qui nous permettra de constituer un corps enseignant à l’image de la nation, plus proche des élèves qu’il forme et qu’il encadre. C’est plus qu’un problème technique, mes chers collègues, c’est une véritable exigence sociale et démocratique.

Au-delà de ces deux exigences, je voudrais relever un point très particulier dans ce texte, notamment à l’article 2 : il s’agit du contrat que nous voulons passer avec ces jeunes. Nous ne leur disons pas : « Nous allons vous aider à faire vos études, puis vous allez entrer dans l’enseignement. » Nous leur demandons pour contrepartie l’engagement, au bout de trois ans, de se présenter aux concours de l’éducation nationale, de faire l’effort de passer un concours. Au fond, c’est du donnant-donnant, un contrat moral que la nation passe avec sa jeunesse.

C’est peut-être ce qui est, moralement, le plus significatif de l’ambition de ce texte : le contrat avec la jeunesse, le message qui lui est adressé. Alors que, mois après mois, les chiffres du chômage tombent, que la désespérance touche en particulier les jeunes des milieux modestes, c’est ce message-là qui, pour nous, socialistes, et au-delà, pour la gauche, est véritablement porteur d’avenir, à la fois pour l’école, pour la jeunesse, mais aussi, n’en doutons pas, pour l’ensemble de la nation et de la République.

Voilà pourquoi c’est avec beaucoup d’enthousiasme et de responsabilité que le groupe socialiste défendra ce texte et le votera. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Lionnel Luca.

M. Lionnel Luca. Madame la présidente, messieurs les ministres, mesdames et messieurs les députés, depuis un quart de siècle, chaque gouvernement a imaginé des contrats permettant de faire face à l’urgence d’une situation où certains de nos concitoyens, plus que d’autres, subissent le chômage. On a appelé cela le traitement social du chômage et votre texte ne déroge pas à la règle. C’est particulièrement le cas des jeunes, faute d’un système de formation à la hauteur des défis économiques que doit relever notre pays.

Ce projet de loi, qui présente un certain intérêt, est aussi source d’incertitudes et d’inquiétudes.

D’abord, des incertitudes sur le financement. Le coût est estimé à 1,5 milliard d’euros, mais le texte n’indique pas qu’il sera limité à ce chiffre et le montant final s’élèvera peut-être à 2 ou 2,5 milliards. Les emplois jeunes, quant à eux, ont coûté entre 3,5 et 5 milliards d’euros.

De même, la formation paraît plus affichée que réellement financée.

Des incertitudes pèsent également sur les emplois d’avenir professeur qui brouillent le dispositif, car le métier de professeur nécessite d’être diplômé. À quel niveau de qualification compte-t-on les recruter et jusqu’où a-t-on l’intention de les mener ? En cas d’échec aux concours, qu’en fera-t-on ? Ne deviendront-ils pas des enseignants au rabais, destinés à faire face à la crise de recrutement par les concours, comme les maîtres auxiliaires ont permis en d’autres temps de faire face au baby-boom ? Qui plus est, pourquoi mettre à l’écart les établissements sous contrat avec l’État ?

Les inquiétudes générées par ce texte portent d’abord sur la pérennité d’emplois prétentieusement nommés « d’avenir ». Quel avenir ? Trois ans ? C’est bien court ! Les emplois jeunes, c’était cinq ans. Vous êtes donc en deçà.

Et quid des emplois occupés dans les collectivités et associations, lorsque prendra fin le dispositif ? Rappelez-vous justement la fin brutale des emplois jeunes lors du changement de majorité…

L’inquiétude porte surtout sur le risque d’un traitement discriminatoire, camouflé derrière le paravent d’une « logique de territoires » dont certains, en étant prioritaires, excluent ou risquent d’exclure les jeunes qui auront le tort de ne pas habiter au bon endroit alors qu’ils ont les mêmes difficultés d’insertion dans le monde du travail. Comment leur expliquer cette différence ? Votre logique de territoires peut devenir, dans son application stricte, une discrimination positive qui ne dit pas son nom et que pourtant vous condamnez. Monsieur le ministre, nous avons besoin d’être rassurés à ce sujet.

Les raisons sont donc nombreuses de ne pas voter votre texte. Toutefois, je souhaite que vous leviez les incertitudes et les inquiétudes que je viens d’évoquer.

Pour autant, il n’y a rien de pire à mes yeux que des jeunes non qualifiés avec comme seule perspective Pôle emploi.

Malgré ces incertitudes et ces inquiétudes, les 150 000 jeunes que vous promettez d’embaucher auront au moins une référence professionnelle. Ils auront ensuite une expérience professionnelle qui, aujourd’hui, leur manque pour pouvoir intégrer le monde du travail.

Même si, pour le Gouvernement, ce sera un effet d’aubaine, parce que cela va réduire un peu la montée inexorable du chômage, il n’en demeure pas moins que l’important est de considérer l’intérêt des jeunes, et aussi de ne pas vous en laisser le monopole. Voilà pourquoi je voterai ce texte. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. Votre dernière raison n’est pas la plus honorable !

Mme la présidente. La parole est à Mme Martine Carrillon-Couvreur.

Mme Martine Carrillon-Couvreur. Madame la présidente, messieurs les ministres, mesdames et messieurs les députés, le Président de la République a fait de la jeunesse sa priorité politique.

C’est un formidable chantier qui s’ouvre à nous en ce début de législature, car ici se joue un pan de l’avenir de notre pays.

Oui, la jeunesse est une phase de transition entre l’enfance et l’âge adulte, qui ne se déroule pas de manière identique pour tous.

Si notre système éducatif a fait un effort considérable depuis l’après-guerre en matière de formation initiale, permettant à l’ascenseur social d’être, dans un premier temps, à l’égale disposition de tous, la réalité présente aujourd’hui un tout autre visage. Les jeunes sont bien les premières victimes de la montée du chômage.

Or l’accroissement des inégalités entre les générations qui en résulte est le ferment d’une exclusion qui est aujourd’hui d’autant plus dure qu’elle dure et fait germer la graine d’un dangereux ressentiment chez tous ceux qui en sont les victimes.

Ce problème est crucial.

On ne peut plus laisser la jeunesse enfermée dans cette désespérance face à l’avenir. La seule solution qui permette à ces jeunes de se construire, d’accéder à une autonomie, de devenir citoyens à part entière, est de leur faciliter l’accès à l’emploi.

Cet engagement, notre engagement en ce domaine est incontournable, car à l’heure d’une mondialisation aussi féroce que vorace, la jeunesse est le bras armé de l’avenir de notre pays. Il faut donc non seulement les écouter, mais aussi les soutenir, surtout si nous voulons qu’en retour ils nous écoutent. Soutenons-les dans ce difficile parcours qu’on les oblige aujourd’hui à emprunter, en leur ouvrant grandes les portes de l’engagement professionnel pour leur permettre de devenir des acteurs à part entière du changement. C’est l’objectif du texte qui nous est présenté, et nous avons le devoir moral d’y souscrire, car l’urgence est déjà derrière nous.

Les jeunesses sont multiples, hétérogènes. C’est sur ce point que je veux attirer votre attention en évoquant la situation des jeunes handicapés.

Ils sont des milliers de futurs citoyens confrontés à des montagnes de difficultés qui justifient une prise en compte spécifique de leur situation différente.

Malgré tous les dispositifs d’accompagnement déjà en place, l’accès à la formation et à l’enseignement supérieur, et donc, in fine, à l’emploi, demeure un obstacle majeur pour les jeunes en situation de handicap.

Aujourd’hui, 80 % des demandeurs d’emploi titulaires d’une reconnaissance de travailleur handicapé ont un niveau inférieur au BEP/CAP.

Le taux de chômage des personnes handicapées est le double du taux national.

Si les étudiants handicapés sont, chaque année, plus nombreux à s’inscrire à l’université, une majorité d’entre eux n’aura pas accès aux filières classiques des formations supérieures.

Pourtant, leurs parcours, ponctués de soins, d’hospitalisations, de traitements parfois longs, ne les empêchent pas d’aspirer à une vie normale. Il faut seulement mettre en œuvre des mesures adaptées permettant d’aplanir la route de leur avenir professionnel et social.

Pour un jeune handicapé, l’espace-temps dans lequel il se construit n’est pas le même que pour nous tous. Il a nécessairement besoin d’une durée plus longue pour se former, et donc, pour entrer dans la vie active. Ce besoin de temps doit avoir sa traduction concrète dans la rédaction de la loi qui nous est présentée. Je me félicite que cela ait pu être pris en considération.

En repoussant l’âge limite du dispositif « emplois d’avenir » à trente ans pour tous ces jeunes, ce projet de loi est le premier marqueur de ce qui sera désormais notre feuille de route : inclure dans chaque loi un volet consacré au handicap, comme vient de le rappeler le Premier ministre qui s’est adressé à l’ensemble du Gouvernement.

Ce que nous construisons ici est un cercle vertueux, car en encourageant l’accès à l’emploi, nous favorisons l’accès à une vie autonome, aux droits fondamentaux de la personne, et nous développons ainsi la prise de responsabilité de ces jeunes dans notre société.

Lorsque les personnes en situation de handicap accèderont en grand nombre à la responsabilité civique, sociale et politique, nous serons alors véritablement dans une étape de modernisation, de reconnaissance de la personne, au-delà de son handicap. N’oublions jamais que, derrière un handicap, il y a d’abord une personne.

C’est une évolution majeure que je veux souligner ici, et ce texte constitue une étape incontournable dans ce processus. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Dolores Roqué.

Mme Dolores Roqué. Madame la présidente, messieurs les ministres, chers collègues, je tâcherai d’être brève, comme on me l’a enjoint.

Quand on est parlementaire en France aujourd’hui, on mesure l’impérieuse nécessité de répondre avec volontarisme et célérité à l’urgence. En effet, 3 millions de chômeurs et des chiffres alarmants pour la cible visée, les jeunes entre seize et vingt-cinq ans, me semblent largement justifier l’accélération d’une des priorités du président Hollande.

Quand on est parlementaire de la sixième circonscription de l’Hérault, dont la ville phare de Béziers a le triste privilège des deuxièmes indicateurs les plus catastrophiques de France en termes de chômage des jeunes et concomitamment de décrochage scolaire, on mesure l’extraordinaire pertinence d’un dispositif qui permettra à nos concitoyens dont les enfants dérivent de renouer avec l’espoir en un avenir meilleur.

Qui sont ces jeunes qui dérivent ? Les laissés-pour-compte de l’école de la République, qu’il faudra refonder pour refonder la République, comme l’a dit notre ministre de l’éducation nationale.

Et ces laissés-pour-compte, mes chers collègues, sont les victimes de dix années de casse du service public d’éducation, de la RGPP versus éducation nationale, avec son cortège de classes pléthoriques et hétérogènes qui, d’abord, ont fragilisé, voire exclu les plus faibles. Ce n’est pas la seule raison du décrochage scolaire, mais elle y a considérablement participé.

Parce que, mes chers collègues, tel est l’enjeu majeur de ce dont nous débattons ce soir : proposer, certes dans l’urgence, mais pour répondre à l’urgence sociale et économique, un texte abouti qui réponde même quantitativement au fléau et du chômage et du décrochage scolaire, à la sortie sans qualification du système scolaire, aux 120 000 jeunes qui, annuellement, quittent l’école sans aucun diplôme, et aux près de 500 000 jeunes rayés de la carte de l’insertion et du travail, et donc, dépossédés de tout espoir en l’avenir.

Vous savez ce que devient un jeune qui décroche ? Au mieux quelqu’un de socialement déstructuré, au pire un délinquant, parce qu’il faut bien vivre. Et pour ceux pour qui la logique comptable prévaudrait sur toute autre considération, in fine, il coûte bien plus cher à la collectivité.

Dans ma circonscription, dont un quartier sensible aurait vocation à bénéficier du label ZUS, tellement la situation sociale est dégradée et le volet sécuritaire une préoccupation récurrente, un dispositif de mise en selle à l’emploi est sans aucun doute l’une des attentes majeures des 16-25 ans et de leurs familles, contraintes aujourd’hui aux solidarités générationnelles. Eh bien, c’est pour leur avenir que nous proposons 150 000 emplois et pour l’avenir de futurs enseignants plus proches, plus en phase et, de ce fait, plus efficaces, dissuadés jusqu’alors par les moyens financiers qu’imposent des niveaux de qualification exigeants.

Voilà donc les moyens idoines de réinsérer, de réintégrer durablement, efficacement, pendant trois ans, de qualifier, de valider une formation professionnalisante, socle de tout avenir social, de toute intégration citoyenne ; voilà donc les moyens de promouvoir des générations de nouveaux « hussards noirs » de la République.

Convenez que la réponse est à la hauteur de la gravité de la situation et qu’elle est autrement plus adaptée que le constat d’une baisse tendancielle de la hausse du chômage.

M. Michel Sapin, ministre. Très juste !

Mme Dolores Roqué. Membre de la commission des affaires culturelles, j’ai été particulièrement attentive aux dispositions de l’article 2 qui ont pour objet la promotion de la vocation d’enseignant chez les jeunes post-bacheliers, « plombés » par des déterminismes sociaux, économiques, voire culturels.

J’ai été particulièrement sensible, pour l’avoir expérimenté et validé, au fait qu’on privilégie progressivement, dans la mise en œuvre du suivi, des formes de co-enseignement, de co-intervention avec l’enseignant titulaire. C’est un point essentiel qui répond à l’exigence de formation professionnelle sous la forme de ce qu’on appelait, avant la fin des IUFM, le tutorat pédagogique. Y revenir pour les emplois d’avenir professeur me semble garantir le volet pédagogique de la formation.

En effet, si l’université pourvoit aux contenus disciplinaires, si le savoir est une acquisition individuelle, les savoir-être et les savoir-faire – qui recouvrent la dimension pédagogique –, eux, peuvent grandement bénéficier de la transmission, du relais de l’expérience, surtout en matière de gestion de l’hétérogénéité.

On nous dira que le suivi, la formation renchériraient d’autant le coût du projet ; mais peut-on s’exonérer d’exigences pour fonder notre avenir ? Qui sacrifie l’école, la formation, l’éducation sacrifierait de fait l’avenir de la nation. Je me permettrai de rappeler que c’est un de nos pères les plus illustres qui prit la juste mesure des arbitrages nécessaires – comme nous dirions aujourd’hui – quand il déclara : « Si vous trouvez que l’éducation coûte cher, essayez l’ignorance. »

J’évoquais la transmission. Il s’agit d’une transition toute indiquée vers le deuxième étage de la fusée de la politique de l’emploi qu’est le contrat de génération, le troisième étant la saisine sur la sécurisation de l’emploi, fruit de nos négociations avec les partenaires sociaux. Autrement dit, mes chers collègues, sur le fond comme sur la forme, c’est bien d’une politique de l’emploi qu’il s’agit, d’une politique d’avenir volontariste, conforme aux valeurs de solidarité sociale qui nous portent, mais aussi conforme à l’ambition affichée, revendiquée, de proposer des solutions pragmatiques à la crise et au chômage. François Hollande l’a voulu en mai, il le fait en septembre. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

M. Michel Sapin, ministre. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à Mme Annie Genevard. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Annie Genevard. Madame la présidente, messieurs les ministres, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le Gouvernement s’apprête à créer en deux ans 150 000 emplois d’avenir pour répondre au douloureux problème du chômage qui touche particulièrement les 120 000 jeunes sortant du système scolaire sans diplôme ni qualification.

Je note au passage que ce chiffre de 120 000 qui sous-tend le dispositif, contesté hier, est aujourd’hui admis par un gouvernement rattrapé par la réalité implacable des statistiques : oui, notre système éducatif échoue à fournir une qualification à 120 000 jeunes chaque année.

J’ai la conviction, comme beaucoup, que cet échec ne peut être surmonté uniquement par l’accroissement des moyens. S’il en était ainsi, nous pourrions tous nous réjouir d’avoir trouvé la solution à tous les maux de l’école, dont la perte de l’autorité des enseignants et l’affaiblissement des apprentissages ne sont que les signes les plus manifestes.

Mais plutôt que de vous attaquer aux causes du mal, vous avez fait le choix du pansement social par la création d’emplois d’avenir subventionnés à 75 % par une solidarité nationale bientôt exsangue. Pari coûteux, sans doute sous-évalué selon l’OFCE, à un moment où la situation budgétaire de la France est dramatique, à un moment où la faiblesse de notre compétitivité, plombée par la dépense publique, nous relègue après des pays comme la Corée du Nord. Et pourtant, c’est ce choix de la dépense publique, et qui plus est pour la sphère publique ou parapublique, que vous avez fait.

Le pari est hasardeux aussi : ces emplois seront-ils utiles à l’avenir des jeunes auxquels ils sont destinés ? Là est finalement le fond de la question. Les jeunes aspirent à un vrai statut professionnel et souffrent plus que vous ne pensez d’être réduits à exercer des emplois qui bien souvent les dénomment : hier on appelait ces jeunes « les emplois jeunes », demain on les appellera « les emplois d’avenir ».

M. Yves Durand. Alors comment les appelleriez-vous ?

Mme Marie-Françoise Clergeau. Qu’a donc fait l’ancienne majorité pour les jeunes ?

Mme Annie Genevard. Ensuite, que se passera-t-il lorsque la durée légale du contrat aura expiré ? Les associations se tourneront vers les collectivités, piégées, auxquelles on demandera de prendre le relais de l’État.

Enfin, l’emploi public ou associatif ne saurait être la réponse au chômage dans un pays où tant d’emplois du secteur marchand restent à pourvoir.

Vous le savez bien, mes chers collègues, qui avez dans vos circonscriptions l’occasion d’échanger avec votre boucher, votre boulanger ou votre garagiste (Sourires sur les bancs du groupe SRC) : la liste des métiers en panne de candidats à l’embauche est longue. Plutôt que de proposer des emplois précaires, sans lendemain, pourquoi ne pas appliquer les leçons mises en œuvre dans des pays où elles ont fait leur preuve ?

M. Jacques Valax. Que ne l’avez-vous fait ?

M. Michel Sapin, ministre. Vous avez eu dix ans pour le faire !

Mme Annie Genevard. Ils ont fait le choix d’une meilleure orientation et d’une véritable professionnalisation des jeunes.

Mme Marie-Françoise Clergeau. Qu’avez-vous donc fait pendant dix ans ?

Mme Annie Genevard. L’institut Montaigne a produit en juillet 2012 une note passionnante, intitulée « Les bons leviers pour insérer les jeunes non qualifiés », qui, en substance, démontre qu’il est indispensable d’orienter vers les métiers dont notre économie a un impérieux besoin.

L’éducation nationale a longtemps résisté à cette idée et lui résiste encore : « pas d’assujettissement de l’école au monde du travail ! » Ce débat est un débat de nantis, un débat d’autrefois qui ne trouve aucune justification dans la période de chômage de masse dans laquelle nous sommes à nouveau entrés. Combien de jeunes, instruits et motivés, sont renvoyés à l’impasse de formations sans débouchés ? Ne croyez-vous pas que c’est largement aussi dramatique que la situation des jeunes sans qualification ? C’est même pire. Et cela devient ubuesque lorsque l’on sait que le secteur marchand ne sait comment recruter.

Mme Marie-Françoise Clergeau. C’est grotesque !

Mme Annie Genevard. Pour ce qui concerne les emplois d’avenir professeur, curieusement mêlés aux emplois d’avenir pour jeunes non qualifiés, ce qui nuit à la lisibilité du dispositif, plusieurs remarques s’imposent. D’abord, pourquoi privilégier les quartiers urbains sensibles ? Nous avons d’ailleurs demandé en commission que l’on ajoute les zones rurales prioritaires ;…

M. Yves Durand. C’est fait !

Mme Annie Genevard. …cela a été fait et c’est une bonne chose. Pourquoi limiter ce dispositif aux établissements publics ? C’est inéquitable pour les établissements privés sous contrat, agricoles ou non. Nous avons été nombreux à déposer des amendements en ce sens. Les IPES auxquels vous faites référence fonctionnaient tout autrement, sur la base d’un concours.

M. Jacques Valax. Il s’agit d’une autre étape !

Mme Annie Genevard. Les meilleurs étaient recrutés. Là est le sens de l’excellence républicaine.

Enfin et surtout, le principe qui consiste à mettre, en face de jeunes défavorisés, des enseignants de milieux défavorisés, n’est-ce pas finalement maintenir cette clôture sociale que vous entendez combattre ? (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI. – Murmures sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. François Pupponi.

M. François Pupponi. Madame la présidente, messieurs les ministres, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je me réjouis de l’examen par l’Assemblée de ce projet de loi qui vient matérialiser un engagement fort du Président de la République et du Gouvernement en faveur de l’emploi et de l’emploi des jeunes en particulier.

Dans nos quartiers populaires, près d’un jeune de seize à vingt-cinq ans sur deux est au chômage. Les conséquences de cette terrible statistique sont, bien entendu, une situation économique et sociale très difficile pour les habitants, mais aussi le développement d’une économie parallèle multisectorielle et profondément ancrée. Le trafic de stupéfiants et les violences qu’il peut entraîner ne sont que la partie visible de l’iceberg.

Face aux nombreuses barrières que ces jeunes des zones urbaines sensibles doivent franchir : discrimination à l’adresse, au faciès, absence de réseau... il était essentiel que ce projet de loi se focalise sur les territoires urbains défavorisés et je me réjouis de ce choix opéré par le Gouvernement.

Il faudra néanmoins rester particulièrement vigilant afin de s’assurer que les destinataires de ces emplois disposent de l’information suffisante et afin d’éviter que des personnes éligibles n’échappent à cette opportunité. À de trop nombreuses reprises, dans le passé, des dispositifs importants et ambitieux ont souffert d’une insuffisance de soutien sur le terrain et d’information auprès des populations concernées.

La destruction du lien social dans ces territoires, conséquence d’une crise économique dont les répercussions y sont démultipliées, ne pourra être enrayée que si nous faisons résolument des zones urbaines sensibles le cœur de cible de notre politique de l’emploi. Ce texte y contribue et augure des mesures à venir. Ainsi, je me réjouis de la signature ce matin au Sénat du renouvellement de la convention « Talents des cités » entre le ministère de la ville et la chambre haute.

Dans cet esprit, j’attends beaucoup des futures propositions du Gouvernement relatives aux emplois francs, qui permettraient de stimuler l’emploi, toutes composantes confondues, et l’activité économique dans les quartiers défavorisés, par des incitations sociales et fiscales à embaucher des habitants de ces territoires.

Aussi, mes chers collègues, ce texte ne constitue-t-il pas simplement une réponse à une courbe du chômage dont la croissance paraît immuable, mais une véritable ligne de vie pour les territoires défavorisés, ces territoires trop souvent oubliés de la République ces dernières années et dont les habitants ont pu se sentir relégués, exclus de notre société. Comme l’avait justement exposé Lionel Jospin en 1997 dans sa déclaration de politique générale : « Trouver sa place dans la société, c’est d’abord trouver un emploi. »

Enfin, la formation doit être au cœur de nos propositions pour l’emploi. Nous qui avons à proximité, dans mon territoire, le grand pôle aéroportuaire de Roissy, nous devons être en mesure de développer des offres de formation en lien avec les métiers des services de l’aérien ou les filières aéronautiques. Nous connaissons les métiers et emplois qui seront créés dans ce bassin : il s’agit clairement d’emplois d’avenir, mais l’offre de formation est aujourd’hui inadaptée et insuffisante.

Dans son texte, le Gouvernement prend des mesures en la matière. Je souhaite qu’il continue de soutenir par ailleurs les projets locaux visant à développer des pôles de formation adaptés à la spécificité de ces bassins d’emploi.

Mes chers collègues, je soutiens pleinement ce projet de loi qui donnera à notre jeunesse, à notre jeunesse défavorisée en particulier, un emploi et donc une place dans notre société. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Sebaoun.

M. Gérard Sebaoun. Madame la présidente, messieurs les ministres, monsieur le rapporteur, comme François Pupponi, je me félicite, contrairement à de nombreux collègues de droite, que le Gouvernement ait fait des jeunes sans qualification issus des zones urbaines sensibles une priorité.

Je souhaite concentrer mon intervention sur des éléments chiffrés. ZUS n’est pas seulement un acronyme : 4,5 millions de nos concitoyens y vivent, 12 à 13 % de l’ensemble des demandeurs d’emplois en France métropolitaine en sont issus. Bien des tentatives récentes ont été faites pour améliorer cette situation ; je ne reviendrai pas sur l’échec du volet emploi du plan « Espoir banlieue », lancé à grand fracas en 2008, avec des emplois marchands qui pour la plupart n’ont jamais été créés et dont on a dû confier la réalisation à des entreprises de coaching.

Il faut sortir de la vision erronée – encore défendue peut-être par certains ici – de territoires fermés et homogènes largement caricaturés par les médias. Il est impératif de mieux territorialiser nos actions et le dispositif proposé par le Gouvernement y contribuera en privilégiant le niveau régional avec une stratégie déclinée au plus près des acteurs locaux. Il faut faire du sur mesure pour répondre à la spécificité territoriale.

On pourrait résumer d’une phrase la spécificité des zones urbaines sensibles : la population y est plus pauvre, plus jeune, moins qualifiée, particulièrement exposée au chômage. Elle est plus pauvre, évidemment, avec des revenus fiscaux qui sont essentiellement des revenus du travail ou des revenus de remplacement. Et si vous m’autorisez une digression lourde de sens, il n’y a pas trace ici de revenus du capital ou de salaires mirobolants supérieurs à un million d’euros par an. En 2009, un tiers de cette population vivait en dessous du seuil de pauvreté et c’était le cas de 40 % des jeunes de moins de vingt-quatre ans en 2008-2009.

À l’intérieur même des zones urbaines sensibles, on observe des disparités importantes de revenus qui peuvent aller du simple au double entre les cinquante ZUS aux revenus moyens les plus élevés et les cinquante les plus pauvres – le Limousin, le Languedoc, le Centre, Midi-Pyrénées. La plus riche est Paris mais ceux qui vivent en ZUS à Paris sont très éloignés de la moyenne de leur agglomération.

Il convient de mettre l’accent sur un triste constat : les territoires les plus pauvres en 2002 le restent en 2008, cela malgré les grands chantiers de la rénovation urbaine qui ont clairement amélioré le bâti, mais lui seulement.

La population des zones urbaine sensibles est également plus jeune : près d’un habitant sur trois a moins de vingt ans contre près d’un sur quatre dans leurs agglomérations respectives. Là encore, cette proportion des moins de vingt ans varie d’une ZUS à l’autre. Ainsi, le nombre de départements d’Île-de-France affichant de forts pourcentages de jeunes de moins de vingt ans est particulièrement élevé ; c’est le cas en Seine-Saint-Denis et dans le Val d’Oise – département où, comme François Pupponi, je suis élu.

Leurs habitants enfin sont moins formés et moins qualifiés. Plus de la moitié ne disposent pas d’un diplôme supérieur au brevet des collèges. La part des diplômés universitaires y est deux fois plus faible qu’ailleurs, et malgré une progression du taux de formation ces dernières années, les taux de réussite, au bac comme au brevet, restent inférieurs à la moyenne nationale.

Cela se retrouve naturellement sur le marché de l’emploi avec un niveau de qualification moins élevé, avec plus de contrats précaires en CDD et en intérim.

Enfin, cette population est plus exposée au chômage : en 2010, le taux de chômage des 15-24 ans y était de 41 %, près du double de celui de la population du même âge sur l’ensemble du territoire. La part des jeunes de 15 à 24 ans sans emploi ni formation y était de 25 %, soit un taux supérieur de dix points à celui des zones urbaines environnantes.

Dans son diagnostic sur l’emploi des jeunes publié en février 2011, le Conseil d’orientation pour l’emploi a souligné ce que nous connaissons tous, à savoir les difficultés rencontrées par ces jeunes pour accéder au marché du travail. Je le cite : « un parcours d’insertion long et heurté » ; « une sensibilité plus marquée à la conjoncture économique » ; « une problématique de logement » ; « une multiplicité de dispositifs, de structures, d’acteurs pas toujours lisibles ni coordonnés ».

Pour en discuter avec eux dans ma circonscription – comme vous le faites sûrement dans les vôtres –, je sais que ces jeunes n’ont pas renoncé, même s’ils ont du mal à se projeter dans l’avenir. Ils veulent d’abord travailler et rêvent d’une autonomie qu’ils savent inaccessible sans emploi durable. Un contrat de trois ans, c’est un emploi, et c’est une perspective d’avenir.

Seule une politique ambitieuse de l’emploi et de la formation nous permettra de faire reculer durablement le chômage. En votant ce texte, nous créons les conditions pour qu’à court terme, 150 000 d’entre eux se sentent enfin considérés et se remettent à espérer. Et nous envoyons en même temps un signal fort, concret et lisible à leurs familles. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Gilles Lurton, dernier orateur inscrit.

M. Gilles Lurton. Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, dans la période de crise économique que nous connaissons actuellement, période dans laquelle un très grand nombre de jeunes de seize à vingt-cinq ans, qualifiés ou non qualifiés, se trouvent dans une situation de chômage de longue durée, souvent désorientés face à un avenir professionnel devenu incertain, je suis favorable à ce que toute solution susceptible de leur redonner espoir et de leur permettre d’acquérir une première expérience professionnelle puisse être examinée. Le pire serait de ne rien faire et, à mon point de vue, tout vaut mieux que le maintien dans l’inactivité.

Le projet de loi sur les emplois d’avenir que vous nous soumettez en ce début de session extraordinaire présente cependant, à mon avis, des risques importants, pour les jeunes qui bénéficieront de ces contrats mais également pour les collectivités ou les associations qui les emploieront.

Il existe tout d’abord, je le maintiens, des risques en matière de formation. Il ne servirait à rien de conclure de tels contrats s’ils n’étaient pas assortis d’une formation qualifiante, d’autant plus que le projet vise les jeunes sans qualification. Monsieur le ministre chargé de la formation professionnelle et de l’apprentissage, vous nous avez rassurés sur ce point en commission des affaires sociales, la semaine dernière. Des amendements ont été acceptés, complétant utilement le texte qui nous est soumis. Je proposerai, pour ma part, un amendement supplémentaire visant à assortir la signature du contrat d’avenir d’une convention avec un organisme de formation et d’une obligation pour le bénéficiaire du contrat de suivre cette formation. Nous avons trop connu, dans le cadre des emplois jeunes, des bénéficiaires de ces contrats qui, une fois entrés dans la collectivité, ont très vite abandonné la formation qu’ils auraient dû suivre.

Toujours en commission la semaine dernière, j’ai fait le parallèle avec les contrats d’apprentissage, qui me paraissent encore aujourd’hui le meilleur moyen d’assurer une formation qualifiante à leurs bénéficiaires. Vous m’avez répondu, monsieur le ministre, que les emplois d’avenir ne remettaient aucunement en cause ces contrats d’apprentissage, ce que j’avais tout à fait compris. Je demandais simplement que ce type de contrat soit privilégié financièrement par le Gouvernement avant d’aller vers d’autres formes de contrats précaires. Et je peux vous assurer, monsieur le ministre, qu’aujourd’hui un grand nombre de contrats d’apprentissage sont remis en cause faute de moyens financiers suffisants. Dans ma circonscription, sur le littoral du Mont-Saint-Michel à Saint-Malo, les professionnels de la pêche, de l’ostréiculture et de la mytiliculture doivent renoncer à des contrats faute de moyens, alors que les demandes des jeunes existent et que ces contrats débouchent sur de véritables emplois.

Cet aspect relatif à la formation me paraît essentiel, mais je comprends bien toute la difficulté que pose l’organisation d’un cursus de formation. Car nous savons que les premiers contrats débuteront au mois de janvier 2013. C’est tout le risque d’un projet trop précipité.

Du côté employeur, je remarque que, une fois encore, la charge de ces contrats pèsera essentiellement sur les collectivités ou les associations, générant pour elles des frais de personnel importants dans une période où nous savons les difficultés qu’elles rencontrent pour parvenir à faire face aux charges qui sont les leurs. Bon nombre d’entre nous, ici, savent combien nous devons gérer avec rigueur nos budgets de fonctionnement pour pouvoir continuer à investir et ainsi donner du travail aux entreprises qui, grâce à l’action des collectivités publiques en matière d’infrastructures et de construction, peuvent elles-mêmes créer les emplois dont nous avons besoin.

Enfin, je maintiens qu’il est injuste de limiter le bénéfice de ces contrats d’avenir, notamment aux jeunes issus des zones urbaines sensibles. Je ne vois pas ce qui justifie qu’un jeune sans qualification domicilié en dehors de la zone urbaine sensible, parfois à la frontière de cette zone, de l’autre côté de la rue, ne puisse prétendre à un tel contrat alors qu’il connaît souvent les mêmes difficultés. L’exemple de l’ANRU, dossier sur lequel j’ai beaucoup travaillé dans ma commune de Saint-Malo, m’a montré combien il était difficile de limiter une clause d’insertion au périmètre d’une zone urbaine sensible. Très vite, contrairement à ce que prévoyait le texte, il a fallu élargir ce périmètre à l’ensemble du bassin d’emploi concerné.

Voilà les principales observations que je souhaitais faire en complément de celles de mes collègues. Si nous avons le devoir de permettre à notre jeunesse de retrouver le chemin de l’emploi, nous devons aussi lui assurer les meilleures conditions d’insertion dans un milieu ordinaire de travail. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La discussion générale est close.

La parole est à M. le ministre délégué chargé de la formation professionnelle et de l’apprentissage.

M. Thierry Repentin, ministre délégué chargé de la formation professionnelle et de l’apprentissage. Mesdames, messieurs les députés, je ne répondrai bien évidemment qu’à celles et ceux d’entre vous qui ont insisté, dans leurs interventions, sur le volet formation. Je remercie d’ores et déjà les parlementaires qui ont bien voulu insister sur la mobilisation des régions en ce qui concerne le volet formation à mettre en place pour appuyer les emplois d’avenir. Je pense en particulier à Thierry Braillard, Christian Paul et Christophe Sirugue. Ils ont bien compris que le volet formation est ambitieux dans le projet de loi qui vous est soumis. Certains disent que « la formation est essentielle ». Mme Bello indique que le volet formation est « capital ». Mme Geoffroy dit que « miser sur le plan de formation est déterminant ».

Les uns et les autres ont raison, et ils rejoignent la volonté du Gouvernement, qui propose, avec l’emploi d’avenir, je n’ai pas peur de le dire, le premier contrat de travail aidé – hors l’alternance – qui soit lié à la mise en place d’actions de formation. C’est une première, personne ne peut le contester. Car si le contrat unique d’insertion, qui a été cité par plusieurs d’entre vous, ouvre effectivement à son bénéficiaire le droit au dispositif de formation, il ne garantit absolument pas que ce droit sera connu du salarié, et encore moins qu’il sera mis en œuvre. Je le dis très clairement, et personne ne peut le contester, avec l’emploi d’avenir, il y a à la fois ouverture du droit et mise en place des actions qui sont contenues dans ce droit, ce qu’ont d’ailleurs bien voulu relever Mmes Barbara Romagnan et Monique Iborra.

Je souhaite donc, sur cet aspect très ciblé du projet de loi, répondre aux interrogations, que je qualifie de légitimes et que je perçois comme très sincères, de MM. Jacquat et Jégo. Je pense que nous offrons là une solution qu’aucun autre gouvernement avant celui de M. Ayrault ne vous a proposée.

Plusieurs autres intervenants souhaitent obtenir des précisions sur le volet formation, confirmant bien, par là même, son aspect incontournable dans le projet de loi. C’est le cas de M. Christophe Cavard, ou de M. André Chassaigne. Je souhaite leur dire que la mobilisation des acteurs pour la bonne réussite du plan de formation nécessite que nous mobilisions les régions et que nous organisions la concertation au sein d’instances régionales qui réunissent d’ores et déjà l’État et les régions à travers ces dispositifs, que vous connaissez bien, que sont les CCREFP et les CPRDFP. Et nous mobiliserons aussi, monsieur Chassaigne, les OPCA pour qu’ils incluent dans leur financement les formations des emplois d’avenir. D’ores et déjà, des démarches nécessaires ont été faites auprès des régions et des OPCA.

Plusieurs d’entre vous, enfin, ont dit leur conviction que l’alternance et l’apprentissage étaient des voies majeures pour une bonne insertion professionnelle. Je pense, même s’ils ne sont plus là, à Mme Le Callenec ou à M. Cherpion.

Mme Isabelle Le Callennec. Mais je suis encore là, monsieur le ministre !

M. Gérard Cherpion. Et moi aussi !

M. Thierry Repentin, ministre délégué. J’en suis ravi.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. M. Jacquat n’est plus là, lui. Je tenais à le dire !

M. Thierry Repentin, ministre délégué. Je souhaite leur dire, les yeux dans les yeux, puisque je peux le faire, que nous sommes d’accord sur la nécessité d’une mobilisation autour de l’apprentissage et de l’alternance. Mais force est de constater que, malgré les efforts des gouvernements successifs depuis de très nombreuses années, il y a hélas plusieurs centaines de milliers de jeunes qui sont aujourd’hui en dehors du système de l’apprentissage. L’emploi d’avenir ne sera pas une solution de substitution, mais une solution complémentaire pour tous ces jeunes qui ont échoué au bac, au CAP, au BEP. Je pense pouvoir le dire, et celles et ceux qui travaillent sur ces questions le savent, cette solution sera très utile aux missions locales – n’est-ce pas, monsieur Perrut ? – pour leur permettre d’offrir aux jeunes qui frappent à leur porte autre chose que des stages en entreprise. Car là, il y aura une offre de travail et une formation qualifiante à l’issue de ces trois années.

Je peux vous assurer, y compris pour en avoir discuté ce matin dans une école de la deuxième chance à Marseille, que les professionnels, sur le terrain, attendent ce dispositif, non pas en remplacement de l’apprentissage, mais en complément des efforts que fait la nation pour l’insertion professionnelle et la qualification des jeunes de France.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

M. Michel Sapin, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Mesdames, messieurs les députés, les précisions qui viennent de vous être apportées par mon collègue Repentin sont extrêmement utiles. Elles seront encore développées dans la discussion des articles. Le volet formation, c’est décisif. Sur tous les bancs, vous avez exprimé votre volonté que le jeune soit accompagné de bout en bout afin qu’il acquière ce qu’il y a de plus précieux, une formation, c’est-à-dire, au fond, ce qui permet de rester dans l’emploi, éventuellement de changer d’emploi, d’avoir une vraie carrière, une vraie confiance en soi sur un marché de l’emploi qui est par ailleurs inquiétant – il l’est toujours, mais en particulier quand on est jeune.

Au-delà de toutes ces questions qui ont été posées par les uns et par les autres, nous aurons à approfondir ce sujet. Je voudrais que vous ayez vraiment en tête cette conviction profonde qui est la nôtre, et qui différencie peut-être l’emploi d’avenir de bon nombre des dispositifs qui ont pu être mis en place jusqu’à présent.

Je voudrais vous remercier, parce que vous avez été très nombreux à vous exprimer dans cette discussion générale. Vous allez encore avoir l’occasion de le faire sur l’article 1er ou sur l’article 2. Je voudrais bien sûr remercier tous ceux qui, nombreux, ont donné leur appui à ce texte. Mais donner son appui, ce n’est pas être aveugle, ce n’est pas s’interdire de poser et de se poser des questions pour faire en sorte qu’un dispositif comme celui-ci réussisse. Nous essaierons de répondre à ces questions au cours de la discussion, parce qu’un débat parlementaire, c’est fait pour enrichir un texte. Ce n’est pas fait pour affirmer des positions définitives, qui bloquent toute avancée. C’est fait aussi pour faire appel à l’intelligence des uns et des autres.

Cela a déjà été le cas en commission. Le texte dont vous discutez aujourd’hui en séance publique, qui est celui adopté par la commission, intègre déjà huit amendements émanant de votre groupe, monsieur Chassaigne, afin de tenir compte des préoccupations que vous avez encore réaffirmées ce soir à la tribune. Des amendements du groupe UDI ont également été pris en compte dès le stade de l’examen en commission, ce qui me paraît parfaitement légitime, comme l’est l’attention qui a été portée à des propositions qui ont pu être faites par le groupe UMP. Nous aurons à poursuivre cette discussion.

Mais je voudrais rappeler quelques éléments de base, pour éviter soit des erreurs soit des faux procès. D’abord, ne perdons jamais de vue l’objectif fondamental de ce texte : ces 500 000 jeunes sans emploi et sans formation. Et ne nous dites pas, mesdames et messieurs les députés de l’opposition, que cela a toujours été ainsi. Ne nous dites pas : « Eh bien, cette fois-ci, c’est vous qui avez à vous occuper de ces 500 000 jeunes. » Parce qu’il n’y en avait pas 500 000 il y a cinq ans. Il n’y en avait pas 500 000 il y a dix ans. Il n’y en avait pas 500 000 il y a quinze ans, lorsque le projet sur les emplois jeunes a été porté sur les fonts baptismaux de cette assemblée. Il y en avait vraiment beaucoup moins. Une des caractéristiques de l’évolution de ces dernières années, c’est l’augmentation du nombre de jeunes sans formation et sans capacité de trouver un emploi.

Nous sommes tous sensibles à ce drame, mais ne faisons pas de polémique sur le thème : « Oui, vous vous en occupez à votre tour, mais cela n’a pas bien marché avec nous, donc cela ne marchera pas bien avec vous. » Ce n’est pas ainsi que l’on s’attaque à une réalité sociale aussi prégnante et aussi dure pour une société comme la nôtre. Je n’ai pas la prétention d’affirmer qu’on va forcément tout réussir, et qui peut prétendre qu’il existe une solution répondant à toutes les questions qui se posent ? Personne ici. Nous n’agissons donc pas dans un esprit de certitude de nous-mêmes, mais nous pensons que dans ce projet, il y a une manière de faire, d’ailleurs très bien décrite par le rapporteur, qui s’inspire des meilleures mesures prises jusqu’à présent et qui évite un certain nombre des erreurs commises, pour essayer de répondre à une situation inédite en France. Je l’ai dit cet après-midi : malheureusement, trois millions de chômeurs, on a déjà connu – ce qui ne veut pas dire qu’il ne faut rien faire ! –, mais 500 000 jeunes sans formation et sans emploi, on n’a jamais connu cela, et donc on s’y attaque ! Il faut toujours avoir ce rappel en tête parce qu’à chaque fois que certains d’entre vous s’interrogent : « Oui, mais les autres, ceux qui ont une formation ? », je réponds qu’ils ont raison, qu’il faut aussi des solutions pour eux, et que, par exemple, le contrat de génération apportera des réponses aux questions qui ont été légitimement posées à ce sujet dans la discussion générale. Ne perdez jamais de vue qu’à chaque fois qu’on élargit un dispositif, sachant que nous devons financer 150 000 emplois, c’est autant en moins pour ceux qui n’ont ni formation ni emploi. Ayons toujours cela en tête.

Deuxième chose : évitons les erreurs d’interprétation, y compris sur l’article 1er que nous allons examiner. S’agit-il de réserver le dispositif des emplois d’avenir aux seuls jeunes sans formation et sans emploi des ZUS ?

Mme Annie Genevard. Oui !

M. Michel Sapin, ministre. Non, ce n’est pas le dispositif prévu et tel qu’il est écrit. Tous les jeunes de France qui sont dans une telle situation auront la possibilité d’être retenus. Je réponds ainsi aux préoccupations sincères de M. Luca. Il y aura une priorité pour ceux qui sont issus des zones où le taux de chômage de ces jeunes est encore plus élevé qu’ailleurs.

M. Lionel Tardy. Et pour les autres ?

M. Michel Sapin, ministre. Notre raisonnement est mathématique : 40 % des moins de vingt-cinq ans sans formation sont au chômage ; mais à Amiens, dans les quartiers qui se sont révoltés cet été, de manière d’ailleurs totalement injustifiée et condamnable, ce taux de chômage n’est pas de 40 %, il atteint près de 60 % !

M. Thierry Braillard. C’est vrai !

M. Michel Sapin, ministre. Quant aux DOM-TOM, le chiffre est également bien supérieur à 40 %. Il est donc normal de prévoir une priorité même s’il n’y aura pas de public réservé. Ayez vraiment bien cela en tête car c’est ainsi que nous avons élaboré le projet de loi. Encore une fois, je comprends les préoccupations exprimées à ce sujet, mais comprenez bien le texte. Il s’adresse à tous les jeunes qui sont dans cette situation, avec une priorité légitime là où ils sont les plus nombreux et où la concentration pose une série de problèmes. Il faut que nous ayons bien la même compréhension de la proposition du Gouvernement.

À l’intérieur du dispositif, la question de ceux qui ont une qualification supérieure aux autres est abordée, et on donne des éléments de réponse. En effet, dans les ZUS ou ailleurs, des jeunes ont fait l’effort d’aller jusqu’au CAP ou au BEP car on leur a dit que s’ils faisaient cet effort, ils trouveront une solution. Or ils n’en trouvent pas. C’est normal que nous leur tendions la main en ciblant fortement, en l’occurrence, sur les zones concernées, comme sur certaines ZRR ou éventuellement sur les DOM-TOM. Ayons une vision claire du dispositif. C’est une pyramide : il y a le socle, ce que j’ai appelé le noyau dur du chômage des jeunes, puis ceux qui ont une faible qualification mais qui ont fait un effort, et à la pointe de la pyramide, la proposition des emplois d’avenir professeur pour ceux qui ont fait l’effort de passer le bac et de s’inscrire en première année universitaire parce qu’ils veulent être profs, mais qui ne peuvent payer les quatre années à venir. Est-il normal qu’ils arrêtent ? Non, parce qu’il faut savoir récompenser leurs efforts, d’autant plus qu’ils vivent dans des quartiers ou dans des zones en difficulté.

Voilà la logique profonde du projet. On peut la critiquer, dire qu’il pourrait y avoir d’autres solutions, mais quand il y a 500 000 jeunes dans une telle situation, qu’on ne vienne pas me donner des leçons sur la manière de lutter contre le chômage des jeunes sans formation ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.) Je suis tout prêt à entendre d’autres propositions et à admettre que ce n’est pas plus facile aujourd’hui qu’hier, mais qu’on ne vienne pas donner des leçons au Gouvernement. Si vous saviez comment faire, il fallait le faire alors. Nous, nous cherchons à proposer un dispositif qui tienne la route, même si on ne va pas résoudre tous les cas.

Pourquoi n’ouvre-t-on pas plus le dispositif aux entreprises ? M. Jégo a beaucoup insisté sur cette question. Beaucoup d’entre vous ont demandé pourquoi on ne l’ouvre pas plus en particulier aux petites entreprises et aux très petites entreprises.

M. Christian Jacob. Vous ne l’ouvrez pas du tout aux entreprises !

M. Michel Sapin, ministre. Ayons conscience que plus l’entreprise est petite, plus la question de l’encadrement de ces jeunes, qui sont tout de même loin de l’emploi, est difficile. Il vaut donc mieux disposer déjà de structures adéquates. J’ai dit en commission qu’avec les emplois jeunes on embauchait des encadrants, parce que la plupart d’entre eux étaient à bac plus quelque chose. Aujourd’hui, nous voulons apporter une solution à ceux qu’il faut encadrer, ce qui demande une capacité d’encadrement, et ce n’est pas simple pour les associations, pour les collectivités locales ou pour l’économie sociale et solidaire. Il faudra un véritable effort. Mais, en contrepartie, je rappelle que 75 % du salaire sera pris en charge par l’État. Chacun voit donc bien qu’il y aura aussi du donnant-donnant en ce domaine.

Par ailleurs, M. Jégo et certains de ses collègues ont soulevé la question de la succession dans les très petites entreprises. Je souligne que ce sujet est pris en compte dans une des propositions que nous avons mises entre les mains des partenaires sociaux, dans le cadre du contrat de génération. Nous proposons qu’un chef d’une très petite entreprise commerciale ou artisanale, qui se prépare à partir à la retraite, puisse passer un contrat de génération avec un jeune salarié qu’il aura embauché pour préparer sa succession. Mais ne cherchons pas dans ce premier texte une réponse à tous les problèmes qui se posent à l’emploi des jeunes dans les entreprises françaises. C’est une première étape en réponse à une urgence sociale. Quant au contrat de génération, nous en discuterons bientôt puisque les partenaires sociaux se sont engagés à ce que le Gouvernement puisse déposer un projet de loi à la fin de cette année. Nous pourrons ainsi en débattre dans des conditions qui vous laisseront plus de temps qu’aujourd’hui, je l’admets, pour travailler sur le texte. Vous aurez alors un panel des outils mis à disposition de la lutte pour l’emploi des jeunes et, d’une manière générale, contre le chômage.

Mesdames, messieurs les députés, voilà ce que je voulais vous dire pour que nous partagions tous la conviction que, sur un tel sujet, on ne peut pas dire : « Tout cela ne vaut rien parce que vous êtes de ce côté-là de l’hémicycle. » (Exclamations sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

M. Arnaud Robinet. Personne n’a dit ça !

M. Michel Sapin, ministre. Si, monsieur le député, j’en ai entendu un ou deux, et c’est ceux qui râlent le plus fort qui doivent se reconnaître. Je n’entends pas M. Perrut ni M. Jacquat, parce qu’ils ont exprimé de vraies préoccupations et une vraie sensibilité sur le sujet, et je sais qu’elles peuvent être largement partagées par les uns et par les autres. Entrons maintenant dans le débat, voyons les choses concrètement, et vous verrez qu’au bout du compte, cela ne vaut pas le coup de considérer que le bien est d’un côté, et le mal de l’autre. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

Discussion des articles

Mme la présidente. J’appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles du projet de loi.

Je suis saisie de plusieurs amendements portant articles additionnels avant l’article 1er.

Avant l’article 1er

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 33 et 83.

La parole est à M. Lionel Tardy, pour défendre l’amendement n° 33.

M. Lionel Tardy. Cet amendement propose de supprimer le dispositif des emplois jeunes, qui se trouve toujours dans le code du travail. Alors que l’on va voter un dispositif similaire, les emplois d’avenir, il est évident que vu son coût pour les finances publiques, il ne sera pas réactivé avant plusieurs années, s’il l’est un jour. Il ne faut pas laisser dans nos codes, déjà trop complexes, de telles scories, mes chers collègues. Au contraire, quand on crée un nouveau dispositif, il faut supprimer ceux qui ne servent plus. En matière d’aide au retour à l’emploi, ce ne sont d’ailleurs pas les dispositifs qui manquent : un peu de ménage dans ce maquis ne ferait pas de mal. Appliquons donc cette mesure concrète de simplification du droit dès maintenant plutôt que d’avoir à y revenir plus tard.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour défendre l’amendement n° 83.

M. Jean-Frédéric Poisson. Il est défendu, madame la présidente. N’ayant rien à ajouter à ce qu’a dit M. Tardy, j’arrête ici mon intervention.

M. Gérald Darmanin. Bel esprit de synthèse ! (Sourires.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur, pour donner l’avis de la commission des affaires sociales sur ces deux amendements identiques.

M. Jean-Marc Germain, rapporteur de la commission des affaires sociales. Je rappelle que les emplois jeunes ont mis le pied à l’étrier à 470 000 jeunes, dont neuf sur dix d’entre eux avaient un emploi stable un an et demi après leur sortie du dispositif. Certains collègues ont dit que cela avait été un échec : la réponse est non. J’ajoute que 99 % de ces jeunes ont un emploi aujourd’hui.

M. Gérald Darmanin. C’est un chiffre à la soviétique !

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. Quand on a un outil qui a si bien fonctionné, chers collègues, on le conserve dans sa boîte à outils. C’est la raison pour laquelle la commission a repoussé ces amendements.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. Même avis.

(Les amendements identiques nos 33 et 83 ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. La parole est à M. Lionel Tardy, pour soutenir l’amendement n° 36.

M. Lionel Tardy. Avec cet amendement, monsieur le ministre, j’entends vous interroger sur un sujet très voisin des contrats d’avenir : les conditions dans lesquels les mineurs en contrat de professionnalisation peuvent utiliser des machines dites dangereuses. Alors que pour les jeunes en contrat d’apprentissage, un système de dérogations existe et semble fonctionner correctement, le problème se pose pour les contrats de professionnalisation. Le décret prévu à l’article L. 6325-6-1 du code du travail n’a pas été publié, ce qui bloque les demandes de dérogation. J’ai été confronté, pas plus tard que la semaine dernière, à un blocage de ce type dans ma circonscription. Monsieur le ministre, quand peut-on espérer voir paraître ce décret ?

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. L’amendement n’a pas été examiné en commission, mais je suis attaché à ce que l’autorisation de l’inspecteur du travail soit obligatoire lorsqu’il s’agit de faire travailler des mineurs sur des machines dangereuses. Or la conséquence de votre amendement, monsieur Tardy, conduirait à supprimer ce recours. L’avis est donc défavorable à titre personnel. (Exclamations sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. Je considère que c’est un amendement d’appel…

M. Lionel Tardy. Il est très important !

M. Michel Sapin, ministre.…pour avoir quelques explications. Si celles que je vais fournir à son auteur le conduisait à le retirer, ce serait une bonne chose.

Tout d’abord, j’ai noté que M. Poisson a fait de grands efforts de constitutionnaliste, dans sa motion de rejet préalable, pour nous expliquer qu’il y avait dans notre projet des risques de cavalier législatif… Et ici, nous sommes en plein dans le cavalier législatif ! Je ne voudrais pas créer de risque supplémentaire quant à la constitutionnalité de notre texte. (Sourires sur divers bancs.)

Deuxièmement, il s’agit ici, vous l’avez vous-même rappelé, monsieur Tardy, de dispositions d’ordre réglementaire. Il est vrai que mes prédécesseurs n’ont pas mis en œuvre, et c’est dommageable, le décret auquel vous faites allusion. Je me permettrai de poser rétrospectivement la question à Mme Morano ou à M. Bertrand pour savoir pourquoi ils ont tant tardé. Mais cela ne change rien à la réalité d’aujourd’hui, celle que nous devons traiter. Mes services travaillent à la rédaction et à la parution du décret en question.

M. Lionel Tardy. Très bien !

M. Michel Sapin, ministre. J’espère que ces précisions vous permettront de retirer votre amendement. À défaut, j’y serais défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Lionel Tardy.

M. Lionel Tardy. Même si M. le ministre estime qu’il s’agit d’un cavalier, je crois que c’est un sujet important. Nous parlons ce soir des emplois d’avenir qui sont subventionnés, mais il existe aussi des contrats d’apprentissage pour lesquels les inspecteurs du travail peuvent délivrer des dérogations afin d’autoriser l’utilisation de machines dangereuses par jeunes âgés de moins de dix-huit ans. Ce n’est pas le cas pour les contrats de professionnalisation.

Rappelons que le gros problème des seize à dix-huit ans, c’est-à-dire des jeunes les plus exposés au chômage, qui s’orientent principalement vers les métiers manuels, réside dans l’utilisation de machines dangereuses. Un jeune de cette tranche d’âge qui veut exercer la profession de charpentier – ce qui n’est déjà pas évident à trouver – n’a même pas le droit de monter sur un escabeau ou sur un toit et un peintre n’a pas le droit de monter sur la première marche d’une échelle, ce qui explique que les chefs d’entreprise rechignent à les accueillir.

C’est un vrai problème parce qu’il y a sûrement beaucoup plus de choses à faire et d’emplois pérennes à créer dans ce domaine qu’avec les emplois subventionnés que sont vos emplois d’avenir.

Mme la présidente. Dois-je en conclure que vous retirez votre amendement ou que vous le maintenez, monsieur le député ?

M. Lionel Tardy. Je le maintiens !

Mme la présidente. La parole est à M. Gérald Darmanin.

M. Gérald Darmanin. M. le rapporteur, pourriez-vous nous donner les sources de vos statistiques et notamment de ce taux 99 % que vous citez ?

M. Christian Jacob et M. Lionel Tardy. Bonne idée !

M. Gérald Darmanin. Rappelons qu’il y a trois sortes de mensonges : les petits mensonges, les moyens mensonges et les statistiques. (Exclamations et rires sur les bancs du groupe SRC.)

(L’amendement n° 36 n’est pas adopté.)

Article 1er

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Jacques Vlody, premier orateur inscrit sur l’article 1er.

M. Jean Jacques Vlody. Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, les emplois d’avenir sont incontestablement une mesure majeure et une réponse pertinente à la terrible problématique de l’emploi des jeunes dans notre pays.

Cet engagement de campagne du candidat François Hollande et cette détermination du Président de la République suscitent chez les jeunes Réunionnais et dans leurs familles une espérance, une lueur d’espoir, un début de réponse à l’angoisse de l’avenir.

La jeunesse de nos territoires a particulièrement souffert de la politique de ces cinq dernières années. En plus d’un contexte économique insulaire déjà extrêmement difficile, les jeunes ont été doublement pénalisés en étant longtemps non éligibles aux contrats aidés. Cette terrible angoisse de notre jeunesse a d’ailleurs provoqué la révolte de février dernier et de nombreux quartiers se sont enflammés comme ceux auxquels M. le ministre vient de faire référence.

L’effrayante réalité de nos chiffres le démontre : le taux de chômage à la Réunion atteint 29 % et c’est un chômage structurel ; le taux de chômage des jeunes âgés de seize à vingt-cinq ans se situe à 60 %, soit l’un de plus forts taux d’Europe. Une telle réalité exige des dispositifs novateurs.

Malgré les critiques surprenantes de la droite qui est seule responsable de la déshérence de nos jeunes, le Gouvernement a raison de se précipiter pour la mise en œuvre en urgence de ce dispositif tant espéré par toute une jeunesse dans le doute.

Oui, monsieur le ministre, ces emplois d’avenir doivent être mis en œuvre dès le 2 novembre.

Oui, monsieur le ministre, l’extension aux outre-mer des territoires prioritaires est une juste prise en compte de nos réalités.

Oui, monsieur le ministre, tous les jeunes d’outre-mer doivent avoir accès aux emplois d’avenir. C’est pourquoi il est nécessaire d’étendre la dérogation aux critères de qualification à l’ensemble de nos territoires. Il est aussi primordial que le nombre des emplois d’avenir affecté à la Réunion soit en cohérence avec la réalité des difficultés de notre jeunesse, au nom de l’égalité républicaine.

Mme la présidente. La parole est à M. Arnaud Robinet.

M. Arnaud Robinet. Monsieur le ministre, vous avez eu tendance à stigmatiser les positions de l’opposition. Sur tous les bancs de cette assemblée, nous avons un seul objectif : lutter contre ce fléau qu’est le chômage des jeunes car nous ne pouvons pas accepter que 500 000 jeunes se retrouvent sur le bord du chemin dans notre société.

Pardonnez-nous d’avoir une réflexion quelque peu différente de la vôtre. Nous pensons que ce n’est pas uniquement avec ces contrats aidés, financés par la dette publique, que nous pouvons lutter ou résorber le chômage des jeunes. Nous pensons qu’il faut ouvrir certains contrats ou dispositifs au secteur marchand. En cette période où il faut créer de la croissance, de la richesse, ce n’est pas avec le secteur non marchand, les collectivités et les associations que nous pouvons y arriver.

M. Jean-Patrick Gille. Pourquoi ?

M. Arnaud Robinet. Deuxièmement, il y a la question de la formation. Ces 500 000 jeunes sont sans formation, comme vous l’avez très bien dit, et nous devons donc les amener à en obtenir une par le biais de l’apprentissage et de la formation en alternance.

Dans des pans entiers de notre économie tels que la restauration, le bâtiment et d’autres secteurs, des professionnels me disent : nous avons des postes à offrir à des jeunes venant de toute catégorie sociale, de tous les quartiers, de toutes les zones de notre territoire, mais nous ne recevons aucune proposition de la part des différentes institutions.

Il faut donc plutôt accompagner ces entreprises pour recruter ces jeunes qu’elles sont prêtes à former. L’expérience allemande nous prouve que certaines entreprises recrutent des jeunes sans formation qui, dans leur grande majorité – dans 90 % des cas –, y seront employés après avoir été formés à la vie et au métier de l’entreprise.

Nous voulons être constructifs en disant simplement que votre réponse d’emplois aidés n’est pas la seule. À un moment où nous recherchons la croissance et la création de richesse, nous sommes le seul pays au monde à vouloir uniquement créer des emplois aidés subventionnés et, en contrepartie, nous continuons à augmenter le coût du travail pour nos entreprises. Ceci est incohérent.

Mme la présidente. La parole est à M. Laurent Marcangeli.

M. Laurent Marcangeli. Depuis le début des débats, nous sommes tous d’accord sur un point : il faut trouver les outils pour répondre à ce drame que constitue le chômage des jeunes. En commission des affaires sociales notamment, les débats ont démontré qu’il pouvait y avoir une identité de point de vue sur le sujet.

À l’instar de mon collègue Robinet, je pense que le Gouvernement et votre majorité doivent accepter que nous ayons une vision, des propositions et des outils différents des vôtres pour régler ce problème.

Rappelons aussi que l’élaboration de ce texte a été très rapide, que nous avons manqué de temps en commission, que nous n’avons pas eu le rapport, que nous sommes arrivés très vite dans l’hémicycle pour débattre de ce que vous présentez comme l’un des projets phares de lutte contre le chômage des jeunes. Nous n’avons pas assez réfléchi, discuté, échangé pour pouvoir créer les conditions d’une lutte efficace contre le chômage des jeunes.

C’est ainsi que nous ne sommes pas allés suffisamment loin dans l’élargissement des contrats proposés. Le groupe UMP parle souvent du secteur marchand, un sujet important qui n’a pas été assez examiné par la majorité et le Gouvernement. C’est une raison suffisante non pas pour rejeter le projet en bloc mais pour avoir des doutes et éprouver une certaine forme de désenchantement.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Louis Christ.

M. Jean-Louis Christ. Madame la présidente, messieurs les ministres, chers collègues, le contrat d’avenir est un emploi public temporaire financé à 75 % par l’État qui s’adresse aux jeunes de seize à vingt-cinq ans. Il s’agit d’un contrat à durée déterminée et non d’avenir, qui n’apporte aucune garantie ni sur l’emploi, ni sur le savoir-faire, ni sur l’avenir.

J’ai souhaité intervenir sur l’article 1er du projet de loi et plus particulièrement sur les alinéas 7 et 9, sur lesquels j’ai d’ailleurs déposé des amendements. En effet, l’alinéa 7 attribue en priorité l’emploi d’avenir aux jeunes qui résident dans les zones urbaines sensibles ou dans les zones de revitalisation rurale.

Il s’agit d’une mesure discriminatoire, comme cela a été dit.

M. Michel Sapin, ministre. Pourquoi est-ce que vous n’écoutez pas ?

M. Jean-Louis Christ. La loi s’applique à tous et il ne peut y avoir un quadrillage législatif qui assurerait à certains jeunes le dispositif des contrats d’avenir et à d’autres non. C’est profondément injuste et contraire à l’esprit d’égalité républicaine et d’unité nationale.

M. Michel Sapin, ministre. J’ai déjà répondu et je vous ai dit le contraire !

M. Serge Letchimy. Son papier était déjà rédigé !

M. Michel Sapin, ministre. Quand bien même !

M. Jean-Louis Christ. Permettez-moi de m’exprimer, je crois que nous aurons d’autres échanges.

Au nom de quoi un jeune d’un quartier sensible sans qualification pourrait bénéficier d’un contrat d’avenir et un autre jeune avec le même profil mais résidant dans une commune classée hors zone sensible pourrait se voir refuser ce même emploi ? Cela n’a pas de sens et finalement se révèle très complexe dans l’application.

Enfin les alinéas 9 et suivants de l’article 1er disposent que l’aide relative à l’emploi est majoritairement réservée aux employeurs du secteur public et non à ceux du secteur marchand.

Rappelons qu’un rapport de la Cour des comptes intitulé La gestion de la dette publique locale avait estimé cette dette à 160 milliards d’euros dont 12 milliards d’euros de prêts toxiques. Or vous souhaitez faire supporter un quart du coût des emplois d’avenir aux collectivités publiques, ce qui provoquerait un alourdissement de la dette locale.

Par conséquent, je pense que le secteur marchand devrait avant tout bénéficier de ces aides aux emplois d’avenir et que le jeune embauché pourra davantage se motiver et faire carrière dans une entreprise où il y a un véritable enjeu économique et commercial.

Enfin, j’insiste sur le fait que ces contrats d’avenir doivent permettre une insertion durable dans la vie professionnelle du jeune bénéficiaire. Il ne peut y avoir de réussite que si le contrat proposé constitue une expérience intéressante, formatrice et qualifiante.

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Gérard.

M. Bernard Gérard. Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, tous ici sur ces bancs, nous partageons la même inquiétude face à la hausse du chômage et la même volonté d’y remédier. Tous ici, nous sommes déterminés à trouver des solutions pour notre jeunesse qui peine à trouver un emploi et qui perd confiance en l’avenir.

Néanmoins, nous divergeons sur les moyens d’y parvenir. Les contrats que nous propose la majorité aujourd’hui n’ont d’avenir que le nom. En effet, sans préjuger de leur mise en œuvre, on peut d’ores et déjà, à la lecture des caractéristiques du dispositif présentées à l’article 1er du texte, émettre des réserves sur la pérennité et sur l’efficacité d’un tel dispositif.

Bien sûr il faut tout mettre en œuvre pour aider les jeunes à nouer un lien solide avec le marché du travail, mais comment parler d’avenir quand il s’agit de contrats subventionnés à 75 % et quand ils sont destinés majoritairement au secteur public ?

Les collectivités territoriales vont être les premières concernées. Alors qu’elles doivent aujourd’hui faire des économies, car l’argent public manque, le coût de la mesure est estimé à 1,5 milliard d’euros.

Comment parler d’avenir aux jeunes quand seulement certains d’entre eux seront concernés ? Sur le principe le dispositif s’adresse aux jeunes de seize à vingt-cinq ans sans qualification avec des exceptions. Néanmoins, une approche territoriale est privilégiée, avec priorité donnée aux jeunes des zones urbaines sensibles, des zones de revitalisation rurale et de l’outre-mer.

Certes, les jeunes des quartiers sensibles qui ont décroché tôt du système scolaire doivent être accompagnés, mais que dire aux autres jeunes qui voudront entrer dans le dispositif et qui ne le pourront pas car les territoires prioritaires vont absorber la quasi-totalité des moyens ?

Combien de villes comprennent des quartiers où de nombreux jeunes sont sans emploi ? Accompagnés par les missions locales, ils ne sont pas en zone sensible ; ils ne seront donc pas prioritaires pour les emplois d’avenir. Cela est-il juste selon vous, qui prônez la justice sociale ?

Fort heureusement, demeurent pour ces jeunes les dispositifs mis en place au cours des dix dernières années, qui leur permettent de s’inscrire dans une véritable logique de formation et d’insertion professionnelle, au titre desquels les contrats d’apprentissage et de professionnalisation. Eh bien, monsieur le ministre, votre contrat d’avenir entre directement en concurrence avec le contrat d’apprentissage et en sonne la fin.

Mme la présidente. Merci, monsieur le député.

M. Bernard Gérard. Permettez-moi de répondre d’un mot à Mme Iborra qui disait tout à l’heure que nous ne nous étions pas intéressés aux zones urbaines sensibles. Au cours de mon précédent mandat, j’étais président de l’EPARECA, établissement public en charge de la revitalisation économique dans les quartiers de la politique de la ville. Cet outil encourage l’emploi des jeunes dans les quartiers dans une logique d’appropriation et d’accompagnement plutôt que d’assistanat.

M. Michel Sapin, ministre. Ça n’a pas marqué les mémoires !

M. Bernard Gérard. La production en a été triplée. Monsieur le ministre, mon mandat s’est achevé avec la fin de la mandature et je ne suis toujours pas remplacé à la tête de l’EPARECA. C’est dire à quel point vous vous souciez des quartiers en zone urbaine sensible ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Patrick Gille.

M. Jean-Patrick Gille. Enfin, un dispositif qui s’attaque au cœur du chômage des jeunes ! De ces 500 000 jeunes peu ou pas qualifiés qui alternent souvent chômage, petits boulots, CDD et intérim, lesquels se tarissent dès que la conjoncture se retourne comme en ce moment. Ils ont donc un rapport au travail, mais intermittent, avec des périodes trop restreintes pour se constituer une véritable expérience professionnelle. Avec ces emplois d’avenir, nous leur offrons une rampe de lancement professionnelle : trois ans, payés au minimum au SMIC et avec un engagement de formation.

Certes, ce dispositif a un coût : 1,5 milliard en année pleine. Soit, rappelons-le, un tiers seulement du coût du funeste dispositif de défiscalisation des heures supplémentaires, qui a certes amélioré modestement le revenu de certains salariés (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP), mais qui revenait finalement à faire subventionner par l’État les heures les plus rentables pour les entreprises. Bref, ce fut un dispositif de désincitation à l’embauche qui s’est substitué, ainsi qu’on a pu l’estimer, à 90 000 emplois.

M. Gérald Darmanin. Ce sont les entreprises qui créent la richesse ! Pas l’État, même socialiste !

M. Jean-Patrick Gille. Avec trois millions de chômeurs, vaut-il mieux subventionner un dispositif de désincitation à l’embauche ou, pour trois fois moins, créer dès maintenant 100 000 emplois ? Ces emplois vont contribuer au mieux-être social, au développement de l’économie sociale et solidaire et à la préparation de la transition énergétique. Les jeunes auxquels ils bénéficieront, dès leur embauche dans cet emploi pérenne, avec une perspective d’au moins trois ans, seront avides de prendre leur destin en mains, de consommer, de construire leur vie professionnelle et personnelle. Leur famille qui les avait à charge s’en trouvera d’autant libérée.

J’insiste sur le dispositif d’accompagnement des bénéficiaires et des employeurs. J’ai déposé des amendements afin de le restreindre à Pôle emploi et aux missions locales, parce qu’il doit y avoir une mobilisation de tous les acteurs sur le terrain et que ce sont les missions locales qui sont le mieux à même de la réaliser.

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Liebgott.

M. Michel Liebgott. Quel formidable contraste avec le précédent quinquennat, qui commençait par le paquet fiscal…

M. Gérald Darmanin. Il serait temps de changer de disque !

M. Michel Liebgott. …alors que notre premier geste est pour l’emploi, pour les populations les plus en difficulté des zones urbaines sensibles ! Nous n’avons effectivement pas du tout les mêmes priorités.

Vous avez eu raison, avant l’article premier, d’évoquer l’époque des emplois jeunes. Cela nous a rappelé quelques bons souvenirs, en particulier la période 1997-2002, lorsque nous avions créé deux millions d’emplois et diminué le chômage d’un million. Le résultat de ces dix dernières années n’est pas le même.

Des actions volontaristes sont aujourd’hui menées par l’ensemble des ministres. Nous discutons aujourd’hui des emplois d’avenir, mais il faut dire un mot de l’action menée par le ministre du redressement productif…

M. Gérald Darmanin. Qui ça ?

M. Michel Liebgott. …qui doit aujourd’hui se battre contre des plans sociaux qui avaient été reportés. Je le félicite et j’ai une pensée pour les salariés d’ArcelorMittal qui occupent ce soir leur usine dans ma région.

Nous avons à nous interroger sur les causes de la dégradation de la situation. Il est heureux que le ministre de l’éducation nationale rétablisse les emplois que vous aviez supprimés ces dernières années, car s’il est tant question aujourd’hui des emplois d’avenir, c’est que l’éducation nationale n’avait plus les moyens de faire son boulot ! Je veux aussi voir un symbole dans l’action du ministre de l’intérieur, Manuel Valls, qui vient d’inaugurer la première zone de sécurité prioritaire en zone police, démontrant ainsi qu’une véritable égalité des territoires est indispensable, qu’il n’y a pas des régions pour les pauvres et des régions pour les riches mais une France une et indivisible, qui doit être égale pour tous.

Mme la présidente. La parole est à M. Razzy Hammadi.

M. Razzy Hammadi. Depuis le début de cette discussion se manifeste une volonté commune, quasi unanime, de considérer que le sujet est une urgence. Le ministre Michel Sapin a appelé à ne pas prendre de position manichéenne et, comme l’a souhaité un de nos collègues de droite, nous acceptons parfaitement qu’il y ait des points de vue différents du nôtre. Mais en aucun cas nous ne pouvons accepter cette caricature selon laquelle il existerait des situations simples, financées uniquement par l’État, qui ne voudrait pas entendre parler du secteur marchand…

Ce ne sont pas seulement les idées pour l’avenir qui sont différentes, mais aussi les bilans, y compris du point de vue de certaines des critiques que vous avez formulées. Ainsi, quid du plan Espoir banlieues, qui lui, pour le coup, ne prenait pas en compte l’ensemble des territoires, ni donc l’ensemble des jeunes confrontés à des difficultés vis-à-vis du travail ? Quid des 45 000 emplois notamment marchands qu’il avait prévus ? Quid des millions d’euros dépensés en coaching, dont l’efficacité reste à démontrer ?

Je voudrais enfin rappeler quelque chose d’essentiel. J’ai entendu des élus, issus de territoires ruraux ou urbains, expliquer l’urgence de la situation lorsque le taux de chômage des moins de 25 ans explose, dépassant parfois les 70 %. J’en sais quelque chose, dans ma septième circonscription de Seine-Saint-Denis qui regroupe les villes de Montreuil et Bagnolet. Or, la volonté de ce gouvernement comme du Parlement est de répondre à cette urgence. Mais nous voulons le faire sérieusement, en considérant l’ensemble des aspects, en répondant à toutes les interrogations qui se posent à propos de l’insertion, de la formation, de la contractualisation, des effets d’aubaine, de la pérennisation, de la durée des contrats… Parce qu’il n’est pas ici question d’aumône et de bons sentiments. Si nous voulons répondre à l’urgence sociale, c’est qu’à la charité des bonnes âmes, nous préférons la justice des bonnes règles.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Françoise Clergeau.

Mme Marie-Françoise Clergeau. Les emplois d’avenir tels que définis dans cet article premier apportent une réponse adaptée et invitent à la mobilisation de tous. Cette réponse fait partie des engagements de campagne du président Hollande et intéresse de fait tout le pays, car il s’agit de permettre à toutes les jeunesses de trouver leur place dans la société.

Les emplois d’avenir sont un nouvel outil de la politique de l’emploi du gouvernement de Jean-Marc Ayrault, mais ne la résument pas puisque des concertations sont déjà engagées avec les partenaires sociaux sur d’autres sujets.

Près de 500 000 jeunes n’ont ni qualification, ni emploi. Ce sont eux qui sont les plus éloignés du marché du travail. Il faut insister sur ce fait : les contrats d’avenir s’adressent à des jeunes qui ne sont pas pris en compte par les dispositifs existants.

Mais la réussite des emplois d’avenir dépend de la mobilisation de tous. D’abord, des moyens que va leur consacrer l’État, financiers certes, mais aussi humains. Ensuite, de la mobilisation des jeunes qui doivent bien évidemment se saisir de ce nouveau dispositif.

Surtout, alors que l’un des objets des contrats d’avenir est l’accès à la qualification, ce qui ne peut se faire sans accompagnement, encadrement et formation, ce sont les futurs employeurs qui doivent se mobiliser, non seulement pour accueillir les jeunes mais encore pour leur transmettre les savoirs et leur permettre de se qualifier. Le présent projet de loi organise cet accompagnement. C’est désormais la responsabilité de chacun de le mettre en œuvre.

Je terminerai par une invite. Parmi ces 500 000 jeunes sans emploi ni qualification, 53 % sont des garçons. Sans doute parce que les filles, conscientes de ce que les études participent à leur émancipation, obtiennent de meilleurs résultats dès l’école primaire. Sans doute aussi parce que certaines, qui pourraient être concernées par les emplois d’avenir, se sont retirées du marché du travail, cédant aux stéréotypes sociaux qui donnent encore trop souvent la priorité aux garçons. C’est pourquoi, et ce sera l’objet de deux amendements, il me semble important de prendre en compte les jeunes hommes et les jeunes femmes distinctement et de mesurer leur place dans le dispositif.

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Goua.

M. Marc Goua. Tout d’abord, un mot à nos collègues de l’opposition : si l’économie traditionnelle, commerciale, résolvait le problème du chômage des jeunes, ça se saurait ! Dans ma ville, 60 % de la population appartient à des quartiers. Je peux vous assurer que la discrimination existe et que, sans qualification et avec une origine étrangère, le secteur marchand ne se précipite pas !

C’est pourquoi je voudrais souligner les bénéfices du présent dispositif pour les jeunes sans qualification, ou presque, qui vivent dans les quartiers populaires, les zones urbaines sensibles et les zones rurales, lesquelles connaissent aussi des difficultés économiques.

Chaque année, 120 000 jeunes sortent du système scolaire en situation d’échec. Moins d’un tiers d’entre eux trouvent un emploi durable. Pour les autres, ce sont plusieurs années de galère, de stages, de petits boulots qui se succèdent – autant de retard pris dans leur intégration dans le monde du travail et autant de souffrance personnelle.

Le dispositif vise à agir au moment opportun, c’est-à-dire à la sortie du système scolaire. Donner au plus tôt un horizon professionnel à ces jeunes ne peut être qu’efficace et juste. Par ailleurs, la durée du contrat, au minimum un an et au maximum trois, permettra au jeune comme à l’employeur de se projeter dans une perspective durable et d’entreprendre une véritable formation.

Il faut noter que dans les quartiers populaires, les jeunes qualifiés au niveau CAP-BEP ne trouvent pas davantage d’emploi durable. Même à bac + 5, ils ont des difficultés à trouver du travail ! Il est primordial qu’ils ne soient pas oubliés par ce dispositif, car la frustration n’est que plus grande lorsque l’on a obtenu une qualification.

Enfin, les critères qui ont été choisis me paraissent tout à fait pertinents, et notamment la priorité donnée aux quartiers en difficulté et aux zones rurales.

La situation financière de notre pays nous oblige, quelle que soit la politique menée, à un souci permanent d’efficience. J’estime que ce projet de loi répond parfaitement à cette obligation tout en luttant résolument contre le fléau du chômage des jeunes.

Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Quéré.

Mme Catherine Quéré. Comme cela a été dit et redit, certains jeunes sont aujourd’hui désespérés. Ils ne se voient aucune perspective et craignent de vivre encore moins bien que leurs parents. C’est inacceptable. Pour leur redonner espoir, nous avons le devoir de rétablir le mieux possible l’égalité des chances.

C’est donc pour eux que le Gouvernement a inscrit ce projet de loi, afin que ces jeunes en grande difficulté puissent retrouver l’espoir de réussir leur entrée dans la vie active. Leur attente est immense, pour eux mais aussi pour leur famille.

Les emplois d’avenir sont donc une réponse à l’urgence de la situation. Ils permettront à ces jeunes de trouver le chemin de l’insertion et de la qualification professionnelle, en particulier dans les zones les plus en difficulté, comme les zones rurales que je connais bien.

L’article 1er contient le cœur du dispositif. Il définit les structures qui pourront accueillir les emplois d’avenir, créés pour l’essentiel dans des activités d’intérêt général et d’utilité sociale par des employeurs appartenant notamment au secteur associatif ou à des collectivités territoriales. Ils devront se concentrer sur les activités susceptibles d’offrir des perspectives de croissance et de recrutement dans les années à venir.

Merci, monsieur le ministre, pour ce projet de loi auquel nous croyons avec conviction et qui sera certainement enrichi au cours de la discussion.

Mme la présidente. La parole est à M. Christophe Borgel.

M. Christophe Borgel. Près de 45 % : c’est la proportion de jeunes de moins de 25 ans sans qualification et au chômage que l’on trouve dans les quartiers d’Empalot et de Bagatelle, dans ma circonscription.

Si la priorité est donnée aux zones urbaines sensibles, c’est tout simplement parce que la situation y est plus grave, l’urgence plus aiguë. Mais la force de ce projet de loi est, tout en affirmant cette priorité, de ne rien fermer ailleurs. Il offre, selon le beau terme qu’il a choisi, un avenir à l’ensemble des jeunes de la nation qui sont frappés par l’absence de qualification, qui voient les portes du secteur marchand se fermer devant eux malgré les démarches à Pôle emploi, les envois de CV, les rendez-vous manqués.

S’il était aussi simple de donner l’argent consacré aux emplois d’avenir au secteur marchand pour régler le problème des jeunes de ces quartiers ou des zones rurales, des jeunes sans qualification de l’ensemble du pays, ça se saurait, mes chers collègues ! C’est parce qu’il faut un chemin pour les amener à l’emploi durable que nous avons besoin de dispositifs tels que les emplois d’avenir.

L’emploi d’avenir, c’est d’abord un message d’espoir à une population qui l’attend ardemment. L’emploi d’avenir porte bien son nom, il offre tout simplement un avenir à une population qui, aujourd’hui, en manque tant. Il permet aussi d’inscrire les choses dans la durée, avec un dispositif de formation et un accompagnement demandé aux employeurs en vue d’assurer, au terme des trois ans, une pérennité dans l’emploi.

Mes chers collègues de l’opposition, vous vous êtes abstenus en commission. J’espère, parce que nous sommes tous conscients qu’il y a urgence pour l’emploi des jeunes, que le débat posé et argumenté que nous avons dans cet hémicycle vous amènera, à la fin de la discussion, à ne pas rester sur la position annoncée, un vote contre, et, au moins, pour la jeunesse de ce pays, à vous abstenir. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. Gérald Darmanin. Alors faites un effort !

Mme la présidente. La parole est à M. William Dumas.

M. William Dumas. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, je me réjouis de voir présenté aujourd’hui ce texte particulièrement emblématique de nos engagements envers la jeunesse. Donner une première expérience professionnelle à des jeunes peu ou pas diplômés issus des quartiers, des jeunes ruraux qui rencontrent les pires difficultés, ne serait-ce que pour accéder au premier entretien d’embauche, voilà l’objectif affiché des emplois d’avenir.

La priorité est enfin donnée à la jeunesse, qui a trop longtemps souffert de ne pas trouver sa place au sein de notre société. Nous savons, grâce à une enquête sur l’emploi de l’INSEE, que 120 000 jeunes sortent chaque année du système scolaire sans diplôme. Nous avons, nous, fait le choix d’assumer cette jeunesse en difficulté qui porte l’avenir de notre nation. Le redressement productif, la relance de la croissance et de l’innovation, le développement des petites et moyennes entreprises, et, enfin, le retour de la justice sociale ne pourront s’inscrire durablement qu’à travers un nouveau contrat de confiance avec notre jeunesse. Ce projet de loi porte les ambitions de la confiance retrouvée, et nous ne pouvons que nous en féliciter.

L’article 1er de ce texte amorce la réussite de ce programme, mais il peut aussi être enrichi de quelques propositions. En effet, le repérage des jeunes, de ceux qui ne sont pas connus des services de l’emploi, doit nous inciter à mettre en place des partenariats actifs avec des réseaux associatifs et à renforcer la communication au niveau local. Il faudra veiller à ce que ce dispositif cible ceux pour qui les voies de l’alternance ou d’un retour en formation ne sont pas envisageables. Cette phase d’emploi d’avenir doit s’inscrire dans la construction d’un projet professionnel. Il en va de même pour la sortie du contrat, qui devra, en cas de non-pérennisation, mobiliser les prescripteurs pour appuyer les jeunes dans la recherche de leur futur projet professionnel.

De plus, je souhaite que la question des moyens humains supplémentaires pour assurer cet accompagnement exigeant, mais nécessaire dans le contexte d’augmentation du chômage que nous connaissons, puisse être rapidement abordée.

Si j’exprime ces attentes, qui relèvent plus de l’examen de la mise en place du contrat que du débat de fond, c’est dans la perspective du plein succès du projet qui nous est soumis. Nous avons un texte ambitieux, un texte qui s’ancre dans la réalité quotidienne de notre jeunesse. Il doit retenir toute notre attention, mobiliser toute notre énergie et stimuler notre réflexion. Ainsi assurerons-nous sa réussite. Tel est le travail qui nous attend, car il est impératif que notre jeunesse retrouve confiance en son avenir.

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Baumel.

M. Philippe Baumel. Madame la présidente, monsieur le ministre, j’appelle aussi, à ce moment du débat, nos collègues de l’opposition à faire montre d’une véritable volonté d’écoute.

M. Gérald Darmanin. On ne fait que ça !

M. Philippe Baumel. Depuis le début de cette soirée, ils nous proposent d’assister à un drôle de western qui verrait s’affronter ceux qui connaissent les règles du marché et veulent les imposer même lorsqu’il s’agit de questions sociales, et les égarés, tenants d’une vision étatiste des choses dans un XXIe siècle qui n’y correspondrait pas. Sincèrement, je pense que nos débats méritent mieux, d’autant que ce texte, qui sera incontestablement un texte emblématique de la politique du Gouvernement, devrait nous permettre de restaurer une confiance perdue.

En effet, quel est le bilan des dix années écoulées ? Cela a été dit et répété, je le répète à mon tour car, malheureusement, c’est une réalité qui s’impose : 500 000 jeunes au bord de la route, sur tous les territoires de la République, 500 000 jeunes qui attendent de notre part un certain nombre de solutions.

Je crois sincèrement que le texte proposé par le Gouvernement répond concrètement à leur attente. Si la confiance peut être restaurée, c’est parce que, après dix années au cours desquelles on leur a répété qu’ils avaient de moins en moins de place dans notre société, ils voient enfin s’ouvrir une porte. Il faudra assurément financer cela ensemble, État et collectivités locales, et veiller à ce que le champ du dispositif couvre l’ensemble du territoire de la République ; je ne pense pas uniquement aux quartiers sensibles, je pense aussi aux zones rurales, car on sait aujourd’hui que les difficultés, notamment le paupérisme, se sont particulièrement développées dans nos campagnes.

Mme la présidente. La parole est à M. Serge Bardy.

M. Serge Bardy. Madame la présidente, monsieur le ministre, l’examen de ce texte aujourd’hui en session extraordinaire montre une nouvelle fois la capacité d’action et de réaction de notre gouvernement. Alors que, le 31 juillet dernier, les chiffres du chômage confirmaient le catastrophique état des lieux laissé par nos prédécesseurs, le Gouvernement réaffirme sa volonté d’agir pour redresser la France. Aussi, l’article 1er scelle l’engagement pris devant chacun de nos concitoyens de redonner l’espoir aux jeunes générations, les premières à subir les revers de la crise et des options libérales prises ces dix dernières années.

Au deuxième trimestre de cette année, l’INSEE recensait plus de 23 % de chômeurs chez les 15-24 ans. C’est à eux que s’adresse ce projet, plus particulièrement aux plus fragiles d’entre eux. C’est pour eux que l’État souhaite en premier lieu se mobiliser et conjuguer le possible au souhaitable. Les jeunes sont et resteront une priorité du Gouvernement. L’article 1er de ce beau projet de loi que vous nous présentez aujourd’hui le confirme.

Soyez assuré, monsieur le ministre, que si nous sommes si nombreux à vouloir nous exprimer aujourd’hui, c’est que nous sommes nombreux à vouloir accompagner ce projet de loi en faveur de l’emploi des jeunes et des précaires.

Mme la présidente. La parole est à Mme Michèle Bonneton.

Mme Michèle Bonneton. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je souhaite obtenir quelques éclaircissements à propos des bénéficiaires du dispositif aujourd’hui soumis à notre examen. Il permettra prioritairement de faire sortir de nombreux jeunes de situations difficiles et injustes dans lesquelles ils sont enfermés ; échec scolaire, difficultés sociales sont particulièrement le lot de ceux qui n’ont eu pour seul horizon depuis leur enfance que les murs de leur cité ou les territoires ruraux en grande difficulté. Redynamiser ces zones, en faisant un effort important de socialisation par l’insertion professionnelle, est indispensable, et nous allons le faire. (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP.) Cependant, c’est sur tout le territoire qu’il y a des jeunes en grande difficulté.

Mme Isabelle Le Callennec. C’est exact !

Mme Michèle Bonneton. Il me semble important, monsieur le ministre, de rappeler que le dispositif n’est pas uniquement dévolu aux secteurs géographiques les plus en difficulté. Députée d’une circonscription mi-urbaine mi-rurale, je puis vous assurer que des poches de pauvreté sociales sont présentes, de manière diffuse, sur l’ensemble du territoire, particulièrement en milieu rural, où des citadins sont parfois venus s’installer par manque de moyens, même si d’autres causes existent aussi.

Je souhaite donc, monsieur le ministre, que vous nous rappeliez, précisément, qui peut bénéficier des emplois d’avenir.

M. Gérald Darmanin. Très bien !

Mme Michèle Bonneton. Ces emplois seront-ils accessibles à tous les jeunes de seize à vingt-cinq ans, « peu qualifiés et rencontrant des difficultés particulières d’accès à l’emploi » – je cite l’alinéa 6 –, et ce – c’est moi qui l’ajoute – quel que soit le lieu où ils habitent ? Telle est ma question. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Ẻdouard Fritch.

M. Édouard Fritch. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, chers collègues, en vertu de son statut, la Polynésie française, compétente en matière de travail, crée et met directement en œuvre localement ses dispositifs d’aide à l’emploi, au bénéfice de ses ressortissants. Pour cela, elle peut évidemment bénéficier, au titre de la solidarité nationale, de crédits en provenance du budget de l’État, qu’elle consomme dans le cadre de ses services d’emploi.

Nous voyons bien, avec les emplois d’avenir, que ces principes ont été quelque peu aménagés par la commission pour prévoir l’adoption directe de ce dispositif par la loi et son extension outre-mer. Nous, parlementaires polynésiens, admettons cette entorse en raison de son caractère limité et parfaitement justifié par l’urgence de plus en plus critique de la situation sociale et de l’emploi, chez nous, ces dernières années. Sachez en effet qu’après les essais nucléaires et jusqu’en 2007 nous avons connu une croissance continue de l’emploi. Le nombre d’emplois salariés a doublé depuis 1998.

Malheureusement, depuis l’année 2007, ce mouvement ascendant de l’emploi salarié a cédé le pas à l’envolée du chômage, et l’on a constaté une forte et constante augmentation du nombre de demandeurs d’emploi : une augmentation de 25 % en 2007, de 23 % en 2008, soit un total de 7 150 demandeurs d’emplois en 2008, sur une population active de 60 000 cotisants. Les derniers chiffres officiels font état, en 2012, de 8 249 demandeurs d’emploi.

Cette forte dégradation de l’emploi n’est malheureusement enrayée par aucune action décisive de notre gouvernement, présidé par M. Temaru. Évidemment, cette accumulation de mauvais chiffres a un impact très néfaste sur l’équilibre de nos comptes sociaux et sur nos rentrées fiscales, de même qu’elle fait exploser le montant des aides sociales versées. Dans ces conditions, vous comprenez mieux, mes chers collègues, l’utilité, pour ne pas dire la nécessité, pour la Polynésie française, des emplois d’avenir.

Sachons donc remercier l’État et la France, cette France si honnie sur la scène internationale par M. Temaru. Merci à l’État et à la France de ce qu’ils font pour nous !

Je vous prie cependant, monsieur le ministre, de nous rassurer sur la mise en œuvre du dispositif en Polynésie française. Elle doit être confiée, sous couvert d’une convention à passer, aux services de l’emploi du pays, en partenariat avec les services du haut-commissariat de la République.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Paul Tuaiva.

M. Jean-Paul Tuaiva. Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je veux avant tout remercier mes collègues de l’UDI d’avoir demandé, lors des travaux en commission, que le dispositif soit étendu aux collectivités d’outre-mer. Je remercie aussi, bien évidemment, tous les membres de la commission des affaires sociales.

La Polynésie française traverse une crise sans précédent, avec un taux de chômage estimé à près de 15 % de la population active, soit environ 20 000 personnes sur un territoire qui compte à peu près 260 000 habitants. À l’heure où le secteur public, notamment l’administration, dégraisse les effectifs, en vertu d’un plan de redressement que nous nous sommes imposé en accord avec l’État, la seule issue pour relancer l’économie est le secteur privé. Les TPE de moins de cinq salariés représentent 90 % du tissu économique de la Polynésie française, soit environ 18 000 patentés. Il nous faut soutenir ce secteur et encourager nos jeunes à aller vers l’entreprenariat. L’artisanat, la perliculture, le tourisme, la petite hôtellerie, le secteur marchand pourrait être des tremplins pour ces milliers de jeunes. Ils pourraient découvrir ces métiers grâce aux emplois d’avenir, en acquérir une première expérience et créer leur entreprise. C’est pour cela, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues de la majorité, que j’ai l’honneur de demander que les TPE puissent bénéficier de ces emplois d’avenir, en particulier en Polynésie française, au titre de la solidarité nationale.

Mme la présidente. La parole est à Mme Véronique Louwagie.

Mme Véronique Louwagie. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’article 1er est le cœur du dispositif des emplois d’avenir. Son objet est défini ainsi : « faciliter l’insertion professionnelle […] des jeunes sans emploi âgés de seize à vingt-cinq ans ». Or l’apprentissage offre aujourd’hui cette perspective. Qu’est-ce que l’apprentissage ? Son nom l’indique : c’est apprendre. C’est donc une insertion professionnelle avec de la formation, c’est ainsi une immersion professionnelle, dans l’entreprise, ce qui est bien mieux que de l’insertion. Le projet de loi indique par ailleurs que l’objectif des emplois d’avenir est d’intervenir « dans des activités présentant un caractère d’utilité sociale ou ayant un fort potentiel de création d’emplois ».

Or, aujourd’hui, il existe un secteur créateur d’emplois, c’est l’artisanat. Il a recours à des apprentis, il les forme et, à l’issue des contrats, embauche les apprentis. Alors pourquoi ne pas favoriser l’apprentissage ? Pourquoi ne pas améliorer la promotion de l’alternance ? Quelle perte de valeur ajoutée ! Quel dommage de ne pas avoir l’ambition d’amener ces jeunes à un vrai métier ! Comme il est regrettable de ne pas proposer à ces jeunes une formation conduisant à un emploi quasi certain, plutôt qu’à une situation précaire !

Le projet de loi comporte par ailleurs une autre difficulté qui découle du ciblage, notamment territorial, des jeunes concernés. Pourquoi cette inéquité territoriale ? Pourquoi cette inégalité ? Pourquoi ne pas s’attacher uniquement au profil des candidats ? Comment allons-nous expliquer à un jeune qu’il ne peut prétendre à un emploi d’avenir sous prétexte qu’il n’est pas dans la bonne zone géographique administrative ? Les frontières administratives sont en règle générale des freins : elles constituent une nouvelle limite à ce dispositif.

Les moyens d’aider fortement l’emploi des jeunes se trouvent ailleurs : dans le coût du travail, dans la compétitivité des entreprises, et dans l’apprentissage. Ce projet de loi de création des emplois d’avenir conduit à dévaloriser l’apprentissage.

Mme. la présidente. La parole est à M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. Madame la présidente, monsieur le ministre, j’ai été moi aussi frappé par les interventions poignantes de quelques-uns de nos collègues, quelle que soit leur appartenance politique. C’est sans doute leur mandat local qui les pousse à prendre la parole. Je me demande ce qui adviendrait si, un jour, il n’y avait plus d’élus locaux dans cet hémicyle. C’est une question pour l’avenir…

J’interviendrai, monsieur le ministre, sur deux sujets qui intéressent tout particulièrement le groupe UDI. Concernant la formation, d’abord : je suis moi aussi maire d’une commune et je sais comment ce genre de dispositif fonctionne une fois qu’il est en place. Les jeunes sont d’abord intégrés dans des structures, puis l’on oublie, ou l’on n’a pas les moyens, de les mettre en formation. Le groupe UDI a déposé un amendement ajoutant au dispositif une obligation de formation de dix heures par semaine, ce qui nous paraît être le minimum pour que ces jeunes non qualifiés bénéficient d’un véritable parcours d’insertion.

Le deuxième sujet a déjà été évoqué par Yves Jégo. Il est possible d’être dogmatique et de séparer strictement le secteur marchand et le secteur non-marchand. Mais il faut être pragmatique : un certain nombre d’entreprises se sont implantées dans les quartiers concernés, et n’osent pas embaucher un salarié supplémentaire parce qu’elles ont peur de l’avenir. Ce projet de loi est l’occasion d’aider les petits commerces et les TPE de moins de deux salariés à franchir ce pas. C’est pour cela que nous avons déposé cet amendement. Je comprends bien que vous ne vouliez pas ouvrir les emplois d’avenir à tout le secteur marchand. Mais pourquoi ne pas l’ouvrir à ces commerçants et ces artisans qui ont investi dans les quartiers, en sont souvent originaires et seraient prêts à embaucher leurs voisins, mais n’osent pas faire le pas ? C’est pour cela que nous avons déposé cet amendement.

Je voulais simplement attirer votre attention sur ces deux amendements phares du groupe UDI.

Mme. la présidente. La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Merci, madame la présidente. Je ferai deux observations, et poserai deux questions.

Première observation : je suis persuadé que nous sommes tous, quelle que soit notre sensibilité politique, conscients de la difficulté de la tâche et attachés à sa réussite. La question de la jeunesse est une des plus importantes auxquelles nous soyons confrontés.

Deuxième observation : nous avons tous une expérience personnelle de la lutte contre le chômage des jeunes, que ce soit par l’exercice de responsabilités dans les collectivités territoriales, à titre personnel ou familial, ou par le biais d’activités associatives – certains ici sont impliqués dans des missions locales. Que constatons-nous ? Pour que ce dispositif réussisse, et ne soit pas seulement une machine à distribuer des confiseries, il faut du corps à corps, une prise en charge individuelle, un travail quotidien avec les jeunes concernés : de la dentelle, en somme.

Première question : quelles institutions seront chargées du suivi de ce dispositif ? J’ai encore en mémoire le dispositif efficace mis en place pour les emplois jeunes. J’ai le souvenir de m’être présenté en tant qu’élu local à la direction départementale du travail avec un projet que j’ai défendu, argumenté. J’étais venu avec un véritable plan de formation qui permettait une discussion sur le devenir du jeune. Il y avait là quelque chose de construit. Retrouvera-t-on cette dimension – qui pouvait être sous certains aspects insuffisante ? Quelles institutions en seront chargées ?

Deuxième question : à quel phénomène assistons-nous aujourd’hui, au sein de rangs très divers ? Au succès d’un postulat – pour ne pas dire une obsession –, celui de la réduction des dépenses publiques, y compris les dépenses publiques utiles. Or nous aurons ici besoin de dépenses publiques utiles et de personnel. Le fait de vouloir réduire les dépenses dans certaines administrations pour en développer d’autres, comme l’école, l’intérieur et la justice, est une bonne chose. Mais la réduction des dépenses publiques permettra-t-elle de mener à terme des actions telles que celle-ci, et d’utiliser ce levier pour qu’il réussisse ?

Mme. la présidente. La parole est à M. Laurent Grandguillaume.

M. Laurent Grandguillaume. Mes chers collègues, je souhaite rappeler un certain nombre d’éléments. Vous avez dans le passé – nous en avons de nombreux exemples – voté des lois qui ont produit de l’injustice, notamment pour ce qui concerne la géographie de la politique de la ville. Vous avez dû mettre en place des dispositifs dérogatoires, comme l’article 6 de la loi sur l’ANRU, afin de corriger les injustices générées par les différentes lois votées : des quartiers dans lesquels le taux de chômage des jeunes s’élevait à plus de 40 % n’étaient même pas considérés comme prioritaires au titre de la politique de la ville !

Or aujourd’hui, grâce au travail mené notamment par notre rapporteur et Christophe Sirugue, nous anticipons ces difficultés. La loi les anticipe puisqu’elle s’adresse à tous les territoires en difficulté. Elle est donc juste : elle répond au hasard par la raison, et aux privilèges, par la justice.

Nous avons vocation à assurer aux jeunes les conditions d’existence, c’est-à-dire d’abord un emploi, un logement et un savoir. La jeunesse attend beaucoup du Gouvernement et du Parlement. Cette loi va dans le bon sens : elle permettra de redonner espoir à la jeunesse, qui en a bien besoin. Je crois que nous serons tous d’accord sur ce point.

Mme. la présidente. La parole est à M. Christophe Léonard.

M. Christophe Léonard. Madame la présidente, messieurs les ministres, mesdames et messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, dans mon département, et particulièrement dans la deuxième circonscription des Ardennes, dont je représente ici la population, le chômage est une plaie ouverte dont chacun souffre pour lui-même ou pour l’un des siens. Pour preuve, ces quelques chiffres : au cours des dix dernières années, le département des Ardennes a enregistré une diminution de 5,7 % de ses effectifs salariés. Entre 2007 et 2009 ce département a particulièrement souffert de la conjoncture économique, avec la perte de 3610 emplois salariés. En dix ans, l’industrie ardennaise a perdu un cinquième de ses effectifs. Mais si le chômage dans les Ardennes a de lourdes et nombreuses conséquences, la plus grave d’entre elles est peut-être celle qui conduit sa jeunesse à partir, en quête d’un meilleur avenir ou, pire, la condamne à la pauvreté et à la relégation.

Pour inverser cette spirale du déclin, il était impératif de trouver un mécanisme susceptible d’apporter une réponse concrète aux attentes de ces jeunes en matière de formation et d’emploi. L’engagement n° 34 pris devant les Français par le Président de la République – je cite – de « créer 150 000 emplois d’avenir » répond à cette exigence.

Les emplois d’avenir sont la première étape d’un effort de longue haleine pour lutter contre le chômage, en attendant les contrats de génération. Ils offrent une solution durable à des jeunes dont le parcours a été jusqu’ici difficile et chaotique. Ils ouvrent la voie vers une seconde chance sur le chemin d’une qualification, d’une insertion professionnelle, parfois rendue illusoire par les accidents de la vie.

Parce qu’ils sont conçus dans la nécessité de correspondre à la fois à la réalité des jeunes et des employeurs, parce qu’ils permettront la réussite d’une première expérience dans l’emploi, parce qu’ils donneront accès à une qualification assurant l’insertion professionnelle via un parcours sécurisé, dans une trajectoire d’ascension sociale, ces emplois d’avenir sont une réponse exigeante aux attentes des jeunes les plus éloignés de l’emploi, qui aspirent à prendre la place qui leur revient de droit dans notre république. Ils sont, de fait, une réponse exigeante – je me tourne vers les bancs de l’opposition en disant cela – à ce que l’on appelle la fracture sociale. Ils donnent un sens concret au mot « nation ». C’est par conséquent avec enthousiasme que je voterai l’article premier mettant en place les emplois d’avenir.

Mme. la présidente. La parole est à Mme Catherine Lemorton.

Mme Catherine Lemorton. Merci, madame la présidente.

Je rappellerai quelques réalités, particulièrement à madame Le Callenec, ainsi qu’à monsieur Darmanin, qui a le ton péremptoire du nouveau qui arrive dans l’hémicycle, porteur d’un bilan avec lequel il faut bien faire. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Gérald Darmanin. Je suis aussi légitime que vous, madame Lemorton !

Mme Catherine Lemorton. Vous avez parlé de petits mensonges, de moyens mensonges et de statistiques. Je répondrai en même temps à madame Le Callennec, qui disait que l’on partait de rien.

Il m’a suffi de cinq minutes, tout à l’heure, pour trouver un document de dix-neuf pages concernant l’île de la Réunion, dans lequel tout est dit, secteur par secteur.

M. Jean-Frédéric Poisson. L’île de la Réunion ?

Mme Catherine Lemorton. Oui, l’île de la Réunion fait partie de la France, monsieur !

Ce projet de loi s’adresse à une partie de la population : les jeunes sans qualifications, qu’il faut intégrer dans le monde de l’emploi. Vos arguments, on ne les entend pas ! Vous parlez pour parler, tant mieux, mais vous faites perdre du temps ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Deuxième chose : vous persistez dans vos contradictions. Dans le projet de loi sont prévus 150 000 emplois d’avenir. Vous dites que ce n’est pas grand-chose en regard des 500 000 jeunes sans emploi et sans qualification. Or vous nous traitez d’inconséquents, et nous reprochez de dépenser de manière inconsidérée avec ces 150 000 emplois d’avenir !

Je vous renvoie donc à vos propres contradictions : faites un travail sur vous-mêmes et nous pourrons avancer plus vite. (Protestations sur les bancs du groupe UMP ; applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

M. Gérald Darmanin. Quelle prétention !

Mme. la présidente. La parole est à Mme Isabelle Le Callennec.

Mme Isabelle Le Callennec. J’aimerais que l’on réponde à cette question : qui seront les jeunes éligibles à ce dispositif ? Il y aura 150 000 emplois d’avenir, alors que la cible du dispositif comprend potentiellement 470 000 jeunes peu ou pas qualifiés. Si on estime que les ZUS et les territoires d’outre-mer sont prioritaires, alors tous les emplois d’avenirs seront consommés. Il est inutile alors de prétendre que d’autres zones d’emploi seront concernées.

Tout à l’heure, à la tribune, je vous ai posé une question, monsieur le ministre : avez-vous la liste des zones d’emploi qui seront effectivement concernées ?

Les électeurs de ma circonscription me posent des questions – la zone d’emploi de Rennes, celle de Vitré, seront-elles éligibles ? – et je suis incapable d’y répondre ! Je suppose qu’à cette heure, vous disposez de cette liste. Vous nous demandez de voter un texte, mais nous sommes incapables de dire aux habitants de nos circonscriptions si effectivement ils seront éligibles, tout en sachant qu’il y a un écart important entre les 150 000 emplois d’avenir et les 470 000 personnes potentiellement concernées.

Quelle est la carte des zones concernées, pour que nous puissions savoir quels sont les jeunes qui auront accès aux emplois d’avenir ? Vous ne pouvez pas leurrer les gens plus longtemps ! Si vous avez fait le choix des ZUS et des territoires d’outre-mer, alors assumez-le : ce n’est pas un problème ! Mais ne continuez pas à prétendre à la fois qu’il y aura des zones prioritaires, mais une ouverture possible vers d’autres zones, que seul le secteur non marchand est concerné, mais qu’il y aura une ouverture possible vers le secteur marchand…

Soyez plus directs : dites-nous vers qui ces emplois seront effectivement dirigés !

Mme. le présidente. Nous avons achevé d’entendre les orateurs inscrits sur l’article 1er. La parole est au Gouvernement.

M. Michel Sapin, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. J’apporterai quelques éléments complémentaires dans ce débat où j’ai le sentiment que, parfois, il n’est pire sourde que celle qui ne veut pas entendre.

Certains ici cherchent à opposer ce dispositif avec l’apprentissage. Certains même, dont le raisonnement ne manque pas de subtilité, prétendent qu’avec ce dispositif nous allons tuer l’apprentissage. Mais tout le problème est là : ces jeunes n’ont même pas pu trouver une solution avec l’apprentissage !

Beaucoup d’entre vous disaient qu’il n’est pas judicieux d’orienter directement les 16-18 ans vers les emplois d’avenir. Il faut effectivement envisager d’abord toutes les autres solutions. Mais certains jeunes se sont déjà tellement éloignés de l’école dans tous ses aspects – et l’apprentissage, c’est aussi l’école – qu’ils ne peuvent pas y recourir, et qu’aucun employeur du privé ne veut ou ne peut les prendre.

Il ne s’agit donc pas d’opposer les uns aux autres. Si, à la fin du contrat, donc à l’issue des trois années, certains, plutôt que de chercher un emploi, reprennent goût à la formation et choisissent, en particulier, de suivre une formation en alternance, nous aurons réussi. En effet, ces emplois d’avenir ont également pour objectif de permettre à des jeunes de retrouver le goût d’apprendre, le goût de se former. Je souhaite donc que beaucoup d’entre eux deviennent des apprentis, reçoivent une véritable formation et puissent, grâce à cet encadrement, retrouver le goût de vivre dans une société au travail. Tel est le but. Nous désirons, d’ailleurs, qu’ils bénéficient tous, d’une manière ou d’une autre, d’une formation. N’opposez donc pas un dispositif à un autre. Ce sont deux moments différents. De plus, ces 500 000 jeunes ne sont même pas intégrés dans ce dispositif, mais pourront éventuellement l’être. Vous me demandez qui est concerné ? Je ne me répéterai pas comme un disque rayé ! Les 500 000 jeunes sont concernés où qu’ils habitent. Mais, et je le dis à nouveau et peut-être pas pour la dernière fois, parce que j’ai le sentiment que certains ne cessent de se répéter, il existe des zones où ils sont beaucoup plus nombreux qu’ailleurs. Il est normal que les quartiers où l’on compte 60 % de jeunes dans cette situation soient prioritaires par rapport à ceux où ils ne sont que 10 %. Cela ne signifie pas, pour autant, que ces 10 % de jeunes ne pourront pas avoir accès à ces contrats ! Il n’est pas besoin d’être d’une intelligence exceptionnelle pour comprendre ce que je dis là ! Les choses sont dites ! Chacun le comprendra : nul n’est exclu. Mais, telles sont les politiques : nous ne sommes pas en mesure de créer 500 000 emplois d’avenir. Si vous pensez que si, faites une proposition et nous verrons alors comment faire !

Monsieur Chassaigne, vous avez posé la question du financement. Oui, monsieur Chassaigne, nous avons, et vous avez, vous aussi, proposé et voté une diminution des dépenses publiques. Nous utilisons cette diminution des dépenses publiques pour financer cette dépense publique qui nous paraît utile. Vous avez voté, et vous avez eu raison, car cette dépense était extrêmement coûteuse, la suppression des exonérations de charges sur les heures supplémentaires. Cela nous permet, en partie, de financer cette mesure. Nous parvenons, en agissant avec sérieux, en définissant les priorités et en distinguant les dépenses utiles de celles qui ne le sont pas, à financer sans dépense supplémentaire un programme aussi important que celui-ci.

Enfin, j’aimerais dire un mot aux parlementaires qui se sont exprimés au nom de la Polynésie française. Vous connaissez mieux que moi les caractéristiques constitutionnelles du territoire que vous avez l’honneur de représenter. Vous savez qu’il existe des compétences attribuées, lesquelles ne peuvent pas être reprises par l’État français. Ces compétences sont pleinement exercées par le territoire lui-même. Il n’est, en conséquence, juridiquement pas possible aujourd’hui d’y faire appliquer cette mesure. Il n’est, en revanche, pas interdit que le territoire s’inspire du dispositif que nous mettons en place pour mener une telle politique.

Je mesure, pour ma part, votre sensibilité en la matière et votre intérêt pour ce sujet et je suis tout à fait prêt à ce que nous continuions à discuter sur ce point pour tenter de trouver des solutions.

Mme la présidente. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

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Ordre du jour de la prochaine séance

Mme la présidente. Prochaine séance, mercredi 12 septembre 2012 à quinze heures :

Suite de la discussion du projet de loi portant création des emplois d’avenir.

La séance est levée.

(La séance est levée, le mercredi 12 septembre 2012, à une heure vingt.)