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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session extraordinaire de 2012-2013

Compte rendu
intégral

Première séance du mardi 2 juillet 2013

SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE

SOMMAIRE


Présidence de M. Christophe Sirugue

1. Ouverture de la session extraordinaire

2. Adaptation au droit de l’Union européenne dans le domaine du développement durable

Commission mixte paritaire

Présentation

M. Philippe Plisson, rapporteur de la commission mixte paritaire

Mme Delphine Batho, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie

M. Jean-Paul Chanteguet, vice-président de la commission mixte paritaire

Mme Delphine Batho, ministre

Suspension et reprise de la séance

Discussion générale

M. Bertrand Pancher

M. Denis Baupin

M. Jacques Krabal

M. Patrice Carvalho

M. Yves Blein

M. Jean-Pierre Vigier

M. Serge Bardy

M. Frédéric Barbier

Texte de la commission paritaire

Amendement no 1

Vote sur l’ensemble

Suspension et reprise de la séance

3. Règlement du budget et approbation des comptes de l’année 2012

Discussion, après engagement de la procédure accélérée, d'un projet de loi

Présentation

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé du budget

M. Christian Eckert, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Motion de rejet préalable

M. Hervé Mariton

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué, Mme Sandrine Mazetier, Mme Marie-Christine Dalloz, M. Éric Alauzet, M. Thierry Braillard

Motion de renvoi en commission

M. François Cornut-Gentille

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué, M. Pierre-Alain Muet

Discussion générale

M. Philippe Vigier

M. Gaby Charroux

M. Dominique Lefebvre

Mme Arlette Grosskost

Mme Annick Girardin

M. Éric Alauzet

M. Yves Censi

Mme Eva Sas

M. Jacques Bompard

M. Gérard Bapt

4. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Christophe Sirugue
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Ouverture de la session extraordinaire

M. le président. En application des articles 29 et 30 de la Constitution, je déclare ouverte la session extraordinaire convoquée par décret du Président de la République du 14 juin 2013.

2

Adaptation au droit de l’Union européenne
dans le domaine du développement durable

Commission mixte paritaire

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, sur le rapport de la commission mixte paritaire, du projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans le domaine du développement durable (n° 1135).

Présentation

M. le président. La parole est à M. Philippe Plisson, rapporteur de la commission mixte paritaire.

M. Philippe Plisson, rapporteur de la commission mixte paritaire. Monsieur le président, madame la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, monsieur le vice-président de la commission mixte paritaire, mes chers collègues, le projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans le domaine du développement durable arrive, aujourd’hui, au terme de son parcours législatif. J’espère qu’après le Sénat, lequel a examiné et voté ce texte le 27 juin dernier, l’Assemblée nationale acceptera de faire de même dans quelques minutes.

À l’issue d’une seule lecture devant chaque chambre et conformément à la procédure d’examen accéléré, les dispositions restant en discussion ont été soumises à une commission mixte paritaire qui s’est réunie le 12 juin dernier au Sénat. La CMP s’est achevée sur un succès, puisqu’elle est parvenue à adopter un texte commun après qu’un travail de réécriture très substantiel a été accompli en première lecture à l’Assemblée nationale et que nos collègues sénateurs ont également amélioré le texte sur de nombreux points.

Les efforts conjoints des deux assemblées ont ainsi permis de sécuriser l’article 10 du projet de loi portant sur la refonte des polices administrative et judiciaire de l’environnement. Un article 10 bis sur les agents commissionnés des réserves naturelles a été adopté à l’initiative du Sénat et l’article 20 relatif à l’outre-mer a été largement réécrit.

Le Sénat avait voté en séance publique, et la CMP l’a suivi en cela, un article 6 bis assurant la coordination entre l’article 6 et la loi du 1er août 2008 relative à la responsabilité environnementale ainsi qu’un article 10 bis sanctionnant le trafic d’animaux appartenant à des espèces protégées.

En définitive, une petite moitié des articles se trouvait encore en débat lorsque la CMP s’est réunie, dix-huit articles ayant été adoptés conformes. Avec la rapporteure du Sénat, notre collègue Odette Herviaux – que je tiens, d’ailleurs, à saluer ici –, nous avons pu présenter en commun une vingtaine d’amendements rédactionnels et de coordination qui ont été adoptés d’emblée. Chacun comprendra qu’à titre personnel, je regrette le sort réservé par la commission mixte paritaire à l’article 27 A tendant à substituer au terme impropre de « biocarburants » celui d’« agrocarburants », disposition que notre assemblée avait adoptée à l’unanimité. Je ne referai pas, ici, le débat ; je m’efforcerai même d’être positif – cela m’arrive ! Je me félicite ainsi que tous les députés socialistes – au premier rang desquels le président de la commission du développement durable, que je salue – aient su rester fidèles, par-delà les années, les mandatures et la pression des lobbies, à nos engagements en faveur du développement durable. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) D’autres n’éprouveront sans doute pas la même satisfaction !

L’examen de ce texte laissera aux membres de l’Assemblée une impression contrastée. Nous serons certainement nombreux à nous féliciter que ce projet de loi consacre le développement durable comme axe majeur des politiques publiques et qu’il permette à la France d’être en mesure de respecter une série d’obligations sur le plan communautaire. Son adoption consensuelle, tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat, montre un esprit de responsabilité sur tous les bancs dont on ne peut que se féliciter, mes chers collègues !

M. Jean-Marie Sermier. C’est vrai !

M. Philippe Plisson, rapporteur. D’autres regretteront, en revanche, que les conditions d’examen précipitées n’aient pas permis de renforcer la qualité du travail accompli. Je pense notamment aux questions judicieuses posées par notre collègue Bertrand Pancher en matière de police de l’environnement, qui doivent trouver rapidement des réponses satisfaisantes.

Je vous remercie, madame la ministre, de nous avoir permis d’effectuer, dans ces conditions difficiles, un excellent travail grâce à votre qualité d’écoute et à votre engagement fort en faveur de l’écologie. Je profite d’ailleurs de cette tribune pour vous apporter tout mon soutien pour la défense du budget de votre ministère, qui doit être conforme à l’engagement du Président de la République de faire de la France le pays de l’excellence environnementale !

M. Francis Vercamer. Ce n’est pas gagné d’avance !

M. Philippe Plisson, rapporteur. Pour revenir à nos débats, et sous le bénéfice de l’adoption d’un amendement de coordination présenté au Sénat par le Gouvernement, je vous recommande, mes chers collègues, d’adopter un texte, certes peu enthousiasmant, mais relevant pleinement de l’obligation qui nous incombe de mettre en conformité l’ordre juridique national avec la législation d’origine communautaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie.

M. Patrick Hetzel. Vous allez nous parler du budget !

Mme Delphine Batho, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie. Monsieur le président, monsieur le vice-président de la commission mixte paritaire, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les députés, nous sommes réunis ici pour achever l’examen du projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans le domaine du développement durable.

Vous allez discuter du texte issu de la commission mixte paritaire. Je tiens, tout d’abord, à remercier tous les députés qui ont contribué à l’élaboration de ce projet de loi, en particulier M. le rapporteur et M. le président de la commission de la commission du développement durable. Je leur suis très reconnaissante pour le sérieux et la rigueur avec lesquels ils ont conduit le travail parlementaire tout au long des discussions. Je veux également remercier la majorité – les groupes socialiste et écologiste – et l’opposition, dont un certain nombre des observations ont été constructives.

Ce texte est essentiellement technique, mais il est nécessaire. En effet, l’adoption du projet de loi permettra de transposer six directives et de ratifier douze ordonnances. Le délai de transposition de certaines directives expire à l’automne prochain. Je veux parler notamment de la directive du 25 octobre 2011 facilitant l’échange transfrontalier d’informations concernant les infractions en matière de sécurité routière et celles relatives à la taxation des poids lourds pour l’utilisation de certaines infrastructures. Les modifications apportées donnent au texte une meilleure lisibilité nécessaire à sa bonne application.

Sur le fond, grâce aux amendements adoptés en commission du développement durable, un titre est consacré à la lutte contre le réchauffement climatique. Il prévoit la ratification de l’ordonnance relative au système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre. C’est pour moi l’occasion de rappeler l’importance du vote qui interviendra, demain, au Parlement européen sur ce que l’on appelle le backloading, c’est-à-dire la capacité de réformer et d’adapter le système européen de quotas d’émission de gaz à effet de serre pour soutenir le prix du CO2, dont le niveau actuellement extrêmement faible n’encourage pas les investissements bas carbone.

La transposition de la directive Seveso III et des directives relatives à la sécurité des équipements dangereux et aux produits biocides vont dans le sens d’une meilleure protection des biens et des personnes. De la même façon, ont été adoptés, à l’initiative du député Yves Blein, que je salue, des amendements extrêmement importants concernant les plans de prévention des risques technologiques qui ont permis de réintroduire dans ce texte des dispositions qui avaient déjà été votées par le Parlement en loi de finances, mais qui avaient censurées par le Conseil constitutionnel. Ces mesures sont attendues par les riverains d’un certain nombre de sites industriels. Les travaux pourront ainsi être mieux financés.

L’article 9 relatif aux modalités d’exercice de la profession vétérinaire a fait l’objet d’échanges particulièrement nourris en commission et en séance publique. L’interdiction de prise de participation des animaleries a été ajoutée à celle prévue pour les acteurs présentant des conflits d’intérêts potentiels avec l’exercice de la profession de vétérinaire. Un amendement proposé par le rapporteur a également été opportunément adopté en séance publique, afin de garantir que la prise de participation des vétérinaires dans plusieurs sociétés ne nuira pas au suivi sanitaire des élevages. Cette disposition répond aux préoccupations relatives à la présence nécessaire des vétérinaires dans les élevages.

Concernant la ratification de l’ordonnance du 11 janvier 2012 portant simplification, réforme et harmonisation des dispositions de police administrative et de police judiciaire du code de l’environnement, je m’étais engagée, en séance publique, ici même, le 15 mai dernier, à ouvrir une réflexion sur ce sujet. C’est chose faite. Le sujet a ainsi été largement abordé lors des états généraux de la modernisation du droit de l’environnement qui se sont tenus le 25 juin dernier. Un consensus s’est dégagé sur les réformes à engager en matière d’application des mesures de police et de sanctions administratives pour faire respecter le code de l’environnement. Cela donnera d’ailleurs lieu à un travail approfondi dans le cadre de la modernisation de l’action publique.

S’agissant des transports, je veux saluer l’avancée que représente pour les gens de mer la transposition de la directive du 16 février 2009 relative à la convention du travail maritime de l’Organisation internationale du travail. Le travail parlementaire a également permis la clarification et la mise en cohérence nécessaires de plusieurs dispositions applicables au Registre international français.

Enfin, au cours de l’examen de la partie du projet de loi consacrée à l’énergie, nous avons pu aborder la question des enjeux de la politique d’efficacité énergétique. J’ai annoncé devant vous, à cette occasion, la mise en place d’une période transitoire des certificats d’économie d’énergie et, à l’initiative de Denis Baupin, un amendement a été adopté qui permettra que les certificats d’économies d’énergie abondent les sociétés d’économie mixte créées par un certain nombre de régions pour financer les travaux d’efficacité énergétique. Cette mesure est attendue par plusieurs collectivités territoriales.

En ce qui concerne les certificats d’économies d’énergie, un décret est en cours d’élaboration pour prolonger d’un an la période actuelle, ce qui permettra de maintenir une obligation équivalente à dix térawattheures cumac par mois. Par ailleurs, je vous confirme que la troisième période encore en discussion dans le cadre du débat national sur la transition énergétique débutera, quant à elle, le 1er janvier 2015, avec un objectif supérieur à 200 térawattheures cumac par an.

L’ajout d’un article additionnel permet aux installations de cogénération en exploitation au 1er janvier 2013 et d’une puissance supérieure à douze mégawatts électriques ayant signé un contrat d’obligation d’achat de bénéficier d’un contrat qui les rémunère pour la disponibilité annuelle de leur capacité de production.

Enfin, la création, à l’article 28 bis, d’un statut pour les entreprises gazo-intensives représente une avancée importante. Il permet aux entreprises qui utilisent le gaz naturel comme matière première ou source d’énergie de bénéficier de conditions particulières d’approvisionnement et d’accès aux réseaux de transport et de distribution du gaz naturel. Ce sont là deux dispositions essentielles pour la compétitivité économique d’un certain nombre d’activités industrielles.

Mesdames, messieurs les députés, je tiens, une nouvelle fois, à remercier tous les parlementaires qui ont pris part aux travaux sur ce texte très technique, dont la portée n’en est pas moins importante. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le vice-président de la commission mixte paritaire.

M. Jean-Paul Chanteguet, vice-président de la commission mixte paritaire. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la commission mixte paritaire chargée de trouver un accord sur les dispositions restant en discussion s’est réunie au Sénat le mercredi 12 juin et a voté un texte qui nous est aujourd’hui soumis pour une adoption définitive.

Je ne reviendrai pas sur la nature des projets de loi portant diverses dispositions d’adaptation de notre législation au droit de l’Union européenne – dont celui-ci –, qui nous laissent à chaque fois surpris par la diversité et le caractère transversal des sujets abordés et quelque peu désappointés face à la marge étroite qui nous est laissée dans notre mission de législateur.

Le travail effectué par la commission du développement durable a essentiellement consisté à remettre en forme un texte disparate qui a nécessité de nombreuses corrections, texte que le Sénat a, bien sûr, complété à son tour.

Sous toutes les législatures, les parlementaires doivent examiner des textes semblables. Nous regrettons tous le retard pris par notre pays à transposer des normes européennes, même si les choses semblent s’améliorer, et la difficulté à appréhender ces transpositions.

Comme je l’ai signalé, certaines dispositions techniques que nous avons approuvées sont emblématiques et leur enjeu mérite d’être de nouveau souligné au moment où s’achève le parcours législatif de ce texte. Lors des débats en commission mixte paritaire nous avons abordé, comme l’a rappelé Philippe Plisson, la question de la substitution du terme « agrocarburants » au terme « biocarburants ». Notre rapporteur a eu l’occasion de vous faire part de ses regrets.

L’objectif de la CMP était d’arriver à un texte commun. Aussi y a-t-il eu, comme c’est souvent le cas, un compromis ; nous avons accepté de renoncer à un changement de nom dans la législation française. Je ne reviendrai pas sur les arguments qui ont été échangés, mais la question demeure et nous devrons l’aborder lors du prochain examen du texte portant transition énergétique.

À ce propos, je veux rappeler notre engagement de prolonger nos réflexions en organisant plusieurs débats, dont vous avez approuvé la nécessité, madame la ministre. L’un concernerait la situation du marché européen de carbone, l’autre les sites industriels à risque et la prise en charge des travaux de mise en conformité.

Enfin, le Gouvernement a engagé la procédure accélérée sur ce texte afin que les mesures essentielles puissent être mises en œuvre dans les meilleurs délais.

Pour toutes raisons, à la suite du Sénat, j’invite l’Assemblée nationale à voter le texte adopté par la commission mixte paritaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Delphine Batho, ministre. Je vous demande une suspension de séance de quelques minutes, monsieur le président.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à quinze heures quinze, est reprise à quinze heures vingt.)

M. le président. La séance est reprise.

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Bertrand Pancher.

M. Bertrand Pancher. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous voici réunis pour la dernière étape parlementaire de ce projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans le domaine du développement durable. Il s’agit du troisième texte sur l’environnement que nous examinons depuis l’élection de François Hollande.

Le premier, relatif à l’article 7 de la Charte de l’environnement, nous était imposé par une jurisprudence du Conseil constitutionnel. Le deuxième, relatif à la prorogation du mécanisme d’éco-participation, nous était imposé par l’urgence, puisque le dispositif devait s’éteindre le 13 février 2013. Le troisième, celui qui nous réunit aujourd’hui, nous est imposé par l’Union européenne et la nécessité de transposer un certain nombre de directives.

Après la grande conférence environnementale de septembre 2012, au cours de laquelle le Président Hollande nous avait annoncé une série de grands projets de loi pour le printemps de cette année, nous sommes toujours dans l’attente d’une matérialisation de la politique environnementale du Gouvernement. Un an après l’élection présidentielle, le temps se fait très long ; le ciel tourne même à l’orage. Les séries de déclarations au plus haut niveau de l’État apportent la démonstration d’une incapacité totale à comprendre les enjeux des crises que nous connaissons actuellement. (Murmures sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Paralysés par les modèles anciens résumant l’efficacité des politiques publiques au calcul des points de croissance ou des gains de pouvoir d’achat, nous en oublions notre bien-être, qui dépend de la préservation de nos conditions de vie, du renforcement du lien social et de notre épanouissement. Alors que nos concitoyens souhaitent s’engager vers un nouvel avenir partagé et sont en quête de sens, nous émiettons les politiques publiques et allons transmettre en lambeaux des pans entiers de l’économie de demain, plus verte et plus responsable.

Quelle société allons-nous transmettre à nos enfants ? « Papa, maman, mamie, papy,…

Plusieurs députés du groupe SRC. Papa, papa !

M. Bertrand Pancher. …tu savais ce qui allait nous arriver, pourquoi donc n’as-tu rien fait ? Mais, mon enfant, à cette époque, nous souhaitions soutenir le pouvoir d’achat ».

Cette interrogation n’est pas l’apanage de l’opposition, madame la ministre, puisque votre propre majorité, rose et verte, a voulu vous mettre au pied du mur en votant, le 4 juin dernier, une proposition de résolution vous imposant d’inscrire dans le budget pour 2014 des mesures de fiscalité écologique. Quand on entrevoit ce que pourrait être le prochain budget du ministère de l’écologie, on ne peut que vous encourager, mes chers collègues de la majorité, à voter un grand nombre d’autres résolutions.

Depuis un an, il n’y a pas eu d’autres textes législatifs, sauf la proposition de loi de François Brottes, qui devait répondre à l’engagement n° 42 du Président, en mettant en place une tarification progressive de l’énergie, dont je n’aurais pas la cruauté de rappeler ici la funeste trajectoire.

Le développement durable et les questions environnementales ne sont pas de simples variables d’ajustement. Je ne vous en ferai pas ici grief, madame la ministre, mais force est de constater que l’environnement n’est évidemment pas traité à égalité, loin de là, avec les questions économiques et sociales, en dépit de belles déclarations. On en vient à rêver d’un traitement équivalent à celui de la culture dans nos politiques publiques. C’est dire !

Non seulement il n’y a pas de colonne vertébrale, mais nous n’avons même pas d’os environnemental à ronger, et le présent projet de loi aura bien du mal à dissiper l’impatience qui gagne de semaine en semaine associations, citoyens, responsables des grandes organisations environnementales, journalistes – qui nous font remarquer qu’il ne se passe plus rien sur ces questions au Parlement – et députés de la commission du développement durable, dont un certain nombre sont présents, qui sont tenaces, je le reconnais, mais qui sont tous excédés par cette absence de politique.

« Complexe », « fourni », « technique », « incohérent » : les qualificatifs n’ont jamais manqué pour caractériser ce texte, que nous avons commencé à examiner en urgence le 15 mai dernier. « Adaptation au droit de l’Union européenne dans le domaine du développement durable » : voilà un intitulé qui pouvait difficilement être plus vaste, imprécis et inégal pour un projet de loi qui traite de sujets dont les enjeux sont aussi primordiaux et structurants pour notre avenir.

En dépit des nombreuses améliorations intervenues au Sénat comme à l’Assemblée, ce projet de loi manque de sens et d’ambition. Sans parler de la quasi incapacité du Parlement, faute de temps et de moyens, de travailler sérieusement – malgré les efforts réels et louables de notre rapporteur et du président de la commission, que je tiens à souligner – sur un texte de loi aussi complexe, celui-ci a au moins le mérite d’être relativement consensuel, à l’image de nos travaux en commission mixte paritaire.

Seule la question des biocarburants, abordée à l’article 27 A, a nécessité quelques discussions et mises au point entre les deux chambres du Parlement, certains préférant à ce terme celui d’agrocarburants. Au final, la CMP a tenu à maintenir la suppression de l’article concerné et à conserver la terminologie actuelle. Il est vrai que cette substitution risquait d’impliquer une instabilité juridique pour certains de ces carburants, par exemple ceux qui sont produits à partir de lignite de bois. Nous ne relancerons pas le débat ici, la question a été tranchée.

Concernant le métier de vétérinaire et les règles de déontologie qui s’y appliquent, les assemblées ont grandement enrichi le texte. Elles ont apporté les précisions nécessaires à une bonne compréhension de la compétence des professionnels vétérinaires. Les mesures prévues garantiront le respect des règles professionnelles et l’indépendance attachée à cette profession.

J’en viens maintenant à l’article 12 de ce projet de loi, et tout particulièrement à la directive « Eurovignette ». Dès le départ, l’UDI avait souhaité un plus grand volontarisme sur le sujet. Si nous n’avons pas réellement été entendus, le Gouvernement s’est tout de même vu dans la nécessité de corriger ses erreurs, et d’assurer une transposition complète de la directive du 25 septembre 2011.

Ainsi, pour les nouveaux contrats de concession, la modulation des péages en fonction de la classe d’émission Euro du véhicule de transport de marchandises sera désormais obligatoire. De plus, lorsque la cohérence des systèmes de péage sera gravement compromise ou que les effets techniques ou environnementaux seront contre-productifs, des dérogations seront possibles.

Le champ du social n’a pas été oublié. Sur ce point, nos travaux ont conduit à établir un cadre professionnel et social favorable aux gens de mer, ce dont nous nous félicitons ; ces derniers seront mieux considérés et mieux protégés.

Dans le domaine de l’énergie, et notamment de l’activité de transport du gaz, je me félicite de l’adoption d’un de mes amendements, ouvrant explicitement la possibilité pour les entreprises de transport de gaz d’exercer des activités en dehors de l’espace communautaire.

Permettez-moi à présent d’insister sur l’article 30 bis A, qui me paraît primordial et qui n’a pas été discuté en CMP. Cet article vise à préserver la filière de la cogénération à haut rendement, en ouvrant une période transitoire pour les contrats d’obligation d’achat arrivant à échéance pour toutes les installations de plus de 12 mégawatts, afin de permettre à celles-ci d’assurer des investissements utiles dans l’attente de l’entrée en vigueur de la rémunération du marché de capacité de la loi NOME, à partir de l’hiver 2016-2017. Nous sommes satisfaits de cette mesure qui bénéficie à l’environnement mais aussi et surtout aux locataires modestes des parcs HLM situés dans les grandes villes.

J’attire néanmoins votre attention sur le financement de ce dispositif, car la modération du coût pour l’usager dépendra des mesures réglementaires très importantes qui seront prises par le Gouvernement. Le coût de cette disposition est estimé à 70 millions d’euros par an, jusqu’en 2016 inclus : 50 millions pour les industriels et 20 millions pour les réseaux de chaleur. Il est financé par la contribution au service public de l’électricité, et est donc sans incidence pour le budget de l’État. C’est à cette condition seulement que les consommateurs ne verront pas le prix de l’énergie augmenter et que les réseaux de chaleur pourront continuer à se développer. C’est bien là l’esprit de la loi ; je pense que personne sur ces bancs, ni dans la majorité ni dans l’opposition, ne me contredira. Je souhaiterais, madame la ministre, que vous nous souteniez sur ce point.

Enfin, les ratifications d’ordonnance à l’origine de ce projet de loi sont assurément indispensables. Vous connaissez notre attachement aux questions européennes et au strict respect de l’application de la législation communautaire en droit interne. Au-delà de la transposition technique proprement dite, qui demeure, à chaque fois, un véritable casse-tête juridique, rappelons l’engagement de la France à l’égard des pays membres de fixer comme horizon le chiffre de 1 % de directives non transposées. Notre crédibilité est en jeu.

En conclusion, malgré les réserves qui sont les nôtres depuis le mois de mai, les députés du groupe UDI voteront en faveur de ce projet de loi de transposition…

M. Philippe Plisson, rapporteur de la CMP. Très bien !

M. Bertrand Pancher. …qui enrichit opportunément notre législation dans le domaine du droit de l’environnement, eu égard au travail de l’Union européenne et à celui de notre administration.

Nous appelons néanmoins le Gouvernement à fixer enfin le cap de sa stratégie environnementale, dès cet été, si possible – le rendez-vous de la prochaine conférence environnementale sera chaud, mes chers collègues, s’il n’y a pas d’engagements forts. Bien trop de temps a déjà été perdu dans ce domaine qui tient particulièrement à cœur aux parlementaires de l’UDI et, je l’espère, de beaucoup d’autres. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI et sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Denis Baupin.

M. Denis Baupin. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission, nous voilà une fois de plus réunis pour discuter de ce texte, dont les députés écologistes ont dès le départ dit qu’il était en partie frustrant, dans la mesure où il regroupe de nombreux textes différents à transposer, que nous avons peu de temps pour analyser.

M. Jean-Marie Sermier. C’est vrai !

M. Denis Baupin. Ce point recueille d’ailleurs, je crois, l’assentiment des différents groupes.

Je salue l’intervention de Bertrand Pancher, qui considère que l’environnement n’est pas une variable d’ajustement : nous partageons ce point de vue. Je note cette évolution avec plaisir, après les déclarations selon lesquelles l’environnement, « ça commence à bien faire », qui nous ont fait perdre tant de temps.

M. Thierry Benoit. Il n’a jamais dit cela !

M. Denis Baupin. Le précédent Président de la République l’avait dit, et, sauf erreur de ma part, Bertrand Pancher le soutenait.

Pour notre part, nous voterons ce texte sans état d’âme. Nous saluons le travail de notre rapporteur et nous réjouissons que la CMP ait permis d’aboutir à un accord. Pour autant, comme dans tout document de ce type, le bilan est forcément contrasté. Je commencerai par exposer nos sujets de regret, sur lesquels nous continuerons de nous battre pour faire progresser le droit de l’environnement.

En ce qui concerne, tout d’abord, la transposition de la directive Seveso III, nous déplorons, bien que ce soit une avancée, qu’elle n’ait pas été l’occasion de renforcer l’information du public – nous estimons que le public a le droit à la plus parfaite information concernant la proximité de ces installations – ainsi que la prévention à la source, relativement aux risques que ces installations comportent.

S’agissant de la transposition de la directive « Efficacité énergétique », au-delà des certificats d’économies d’énergie, sur lesquels je reviendrai, nous regrettons que la transposition ait été a minima : des audits seront réalisés mais ne donneront lieu à aucune prescription obligatoire de travaux. Nous proposions, quant à nous, qu’une partie au moins des travaux soit obligatoire. En effet, l’objectif poursuivi, avec la politique d’efficacité énergétique, n’est pas de réaliser des audits, mais bien de réduire la consommation énergétique. Or, sans incitation réelle à agir, nous risquons de nous retrouver avec beaucoup de documents – que peu de personnes analyseront – et finalement très peu de travaux.

En ce qui concerne la directive « Eurovignette », nous regrettons qu’ait été privilégiée une transposition au mot à mot, en quelque sorte, et que nous n’ayons pas pris toutes les options possibles. Il ne se serait pas agi d’une « sur-transposition », comme on l’a parfois entendu : il n’y a pas de sur-transposition quand on utilise les marges de manœuvre prévues par les textes. Si ces marges de manœuvre existent, c’est pour nous laisser une certaine latitude. On parle souvent des relations entre les institutions européennes et les Parlements nationaux : ceux-ci ont la capacité de rendre une transposition plus ou moins effective. En l’occurrence, en matière de signal prix adressé au pollueur-payeur, nous pouvions aller plus loin, et nous espérons que nous n’y manquerons pas, à l’avenir.

Mon dernier regret, un regret déjà exprimé par le rapporteur de la CMP et le président de la commission, concerne le terme d’« agrocarburant ». Notre assemblée avait souhaité à l’unanimité que ces agrocarburants soient enfin appelés par leur nom, et qu’on ne laisse plus entendre qu’il s’agirait, avec l’appellation de « biocarburants », de produits biologiques. Après ce vote unanime, nous avons malheureusement échoué en CMP, à une voix, à envoyer ce message clair aux consommateurs. Il ne s’agit pas d’ostraciser ces carburants, mais seulement de dire que ce sont des productions agricoles, végétales au sens large, qui n’ont rien à voir avec l’agriculture biologique.

Vous ne voulez pas, monsieur Pancher, que l’on y revienne, mais le vote des uns et des autres a pesé dans cette CMP, et il est cause que nous avons échoué à obtenir le résultat souhaité.

J’ai parlé de bilan contrasté : à côté des déceptions, il existe aussi des satisfactions. Plusieurs amendements que nous portions, aussi bien au Sénat qu’à l’Assemblée nationale, sont passés. L’amendement concernant la confirmation du champ de compétence des agents commissionnés et assermentés des réserves naturelles est important pour la protection de la biodiversité, de même que celui déposé par nos homologues sénateurs en vue de créer des chefs d’inculpation de criminalité organisée pour le trafic d’espèces protégées. En outre, vous l’avez rappelé, madame la ministre, l’adoption de l’amendement que nous avions défendu, permettant aux sociétés d’économie mixte travaillant dans les domaines de l’efficacité énergétique et du tiers investissement d’être éligibles aux certificats d’économie d’énergie, est également une satisfaction.

Je conclurai sur ces certificats. Vous avez, madame la ministre, indiqué lors du débat que le Gouvernement ouvrirait une période provisoire, le quota prévu dans la deuxième période étant atteint. C’était une bonne nouvelle, et nous avons eu l’occasion de vous féliciter de cette décision. Vous venez de nous préciser aujourd’hui que l’objectif pour la prochaine période serait « supérieur » – c’est votre terme – aux 200 térawattheures cumac proposés par vos services ; c’est une autre bonne nouvelle. Nous avions déposé des amendements, non pas pour que l’Assemblée en décide, car nous savions que c’était du domaine réglementaire, mais pour que le débat ait lieu, par exemple sur la proposition de l’ADEME de 300 térawattheures cumac par an.

Dans cette période de discussions budgétaires compliquées pour l’écologie – dans laquelle, madame la ministre, nous vous soutenons, pour que les moyens de l’écologie soient renforcés dans ce pays, car le besoin est réel si nous voulons tenir les engagements pris par notre majorité –, il est d’autant plus important de conforter les mécanismes permettant de financer la transition écologique sans passer par le budget. Or, quels que soient les défauts qui peuvent leur être attribués d’un point de vue administratif, par exemple leur complexité, les certificats d’économies d’énergie font partie de ces outils qui ont démontré leur pertinence et dont nous avons besoin pour la transition énergétique.

Vous avez indiqué à l’instant que ce serait au 1er janvier 2015 que démarrerait la troisième période. Nous tenons à ce que, dans cette nouvelle période, plusieurs objectifs, sur lesquels nous avions déposé des amendements, soient confortés.

Ces objectifs concernent tout d’abord les politiques de mobilité. Il est aujourd’hui absolument indispensable d’agir en la matière. Dans le débat sur la transition énergétique, tout le monde reconnaît que la mobilité est un domaine dans lequel on ne fait pas assez, et même quasiment rien ; l’évolution serait même plutôt contraire à ce qui est souhaitable. Il faut encourager le développement de véhicules plus sobres, de systèmes d’intermodalité… Dans tous ces domaines, il serait normal que les pétroliers, notamment, qui comptent parmi les « obligés » des certificats d’économies d’énergie, fassent des propositions.

Le deuxième objectif concerne la précarité énergétique. Même si je salue les efforts déjà déployés par cette majorité en la matière, avec les tarifs sociaux,…

M. Jean-Marie Sermier. Une usine à gaz !

M. Laurent Furst. Sans gaz ! (Sourires.)

M. Denis Baupin. …et la réflexion engagée sur un bouclier énergétique, il convient que les certificats d’économies d’énergie soient utilisés de façon plus ciblée, en prévoyant une proportion, de par exemple 30 %, directement destinée aux « précaires énergétiques ».

Enfin, le troisième domaine que nous avions ciblé est celui du bâti. Vous aviez précisé en séance publique, madame la ministre, que beaucoup de certificats concernaient aujourd’hui les logements. C’est vrai, mais ils portent pour une bonne part sur des systèmes d’efficacité active. Si nous y sommes évidemment favorables, il faut aussi qu’un travail soit conduit sur l’enveloppe des bâtiments et le bâti. Nous souhaitons donc qu’une partie des certificats soit directement fléchée sur le bâti.

En conclusion, nous serons à vos côtés, madame la ministre, pour que la transition écologique soit une des plus importantes priorités de cette législature, pour que des moyens y soient affectés et que des outils essentiels tels que l’ADEME voient leurs moyens sanctuarisés. C’est dans cet état d’esprit que nous voterons ce projet de loi, en prévision des textes qui viendront devant notre assemblée par la suite, et sur lesquels nous redéposerons des amendements. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.)

M. Jean-Paul Chanteguet, vice-président de la commission mixte paritaire et M. Philippe Plisson, rapporteur de la commission mixte paritaire. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Jacques Krabal.

M. Jacques Krabal. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous arrivons aujourd’hui à la fin du parcours législatif du projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans le domaine du développement durable.

Ce projet de loi va, comme cela a déjà été dit et répété, nous permettre de transposer six directives ainsi que d’autres textes issus du droit de l’Union européenne pour lesquels la France est en retard.

Je pense que nous devons nous réjouir de l’accord de la commission mixte paritaire et des conditions dans lesquelles cet accord est intervenu. C’est en effet à la suite de débats nourris qu’un large consensus a pu être trouvé. C’est à l’honneur de notre Parlement de savoir inventer un chemin politique républicain lorsque des problématiques dépassent les clivages partisans, comme c’est le cas pour les transpositions de directives relatives au développement durable – et je souhaiterais pour ma part que cela soit plus fréquent.

Je tiens à saluer le travail du Gouvernement, de Mme la ministre et de l’ensemble des ministères qui ont permis une élaboration en commun, malgré des habitudes de travail dites « en silo » – souvent bien ancrées dans les grandes directions –, et en concertation également avec le Parlement.

Ce projet de loi va donc intégrer dans notre droit national des textes importants pour la préservation de notre environnement. Si la France a l’obligation de les transposer, en tant qu’État membre de l’Union européenne, c’est avec enthousiasme que les députés du groupe RRDP voteront ce projet de loi. Il participe à la construction d’un droit européen plus protecteur de l’environnement. Et, au-delà de cette obligation, les députés RRDP sont très attachés à cet édifice juridique commun à l’ensemble des pays membres des pays de l’Union.

Nous savons bien que l’Europe est la bonne échelle pour ces sujets, comme elle devrait l’être également pour d’autres –…

M. Jean-Marie Sermier. La dette !

M. Jacques Krabal. ...nous pensons particulièrement aux aspects sociaux ou fiscaux.

Certains peuvent légitimement considérer que cette activité législative est en grande partie formelle. Mais le cheminement législatif du texte a bien montré que les parlementaires nationaux peuvent enrichir un projet de loi de transposition, même s’il s’agit de mesures techniques.

De plus, l’examen a permis de prendre date avant les prochains débats sur les projets de loi sur la biodiversité et de programmation pour la transition énergétique. Ce projet de loi est en effet un véhicule législatif pour transposer en urgence des textes qui auront une portée normative pour une grande partie de nos concitoyens – je pense en particulier aux agriculteurs, aux gens de mer ou encore aux transporteurs routiers.

Dans le titre Ier, il est question de dispositions relatives à l’environnement, mais aussi à la santé au travail. Il transpose la directive du 4 juillet 2012, plus couramment appelée Seveso III, qui traite de la prévention des risques liés aux substances dangereuses. Cette directive doit entrer en vigueur dès le 1er juin 2015. Elle marque des progrès significatifs par rapport à la directive Seveso II qu’elle a vocation à remplacer.

La surveillance des substances dangereuses est renforcée, notamment pour la mise sur le marché de ces substances. Le volet prévention des trafics est utile et indispensable, mais l’augmentation des contrôles et des sanctions lourdes pour les trafiquants doit compléter l’arsenal.

Personnellement, je suis particulièrement sensible aux dispositions qui renforcent l’information du public et son association pour la prise de décision. S’il est une chose que les députés peuvent faire remonter du terrain, ce sont bien les plaintes et les remarques de nos concitoyens qui regrettent de ne pas être suffisamment associés aux débats publics et aux décisions qui concernent directement leur territoire, leur cadre de vie quotidien, que ce soit pour les dangers liés aux risques industriels ou aux risques environnementaux pour les infrastructures.

L’article 6 procède à des adaptations du droit français pour les produits biocides. Il tend à transférer à l’Agence européenne des produits chimiques la fonction de coordination et aussi l’évaluation de ces substances. Cela va dans le bon sens.

Le groupe RRDP se félicite également des dispositions concernant la convention du travail maritime et portant modernisation du droit social des gens de mer – ce n’est pas Olivier Falorni qui me contredira.

M. Olivier Falorni. C’est très bien !

M. Jacques Krabal. L’article 15 établit la responsabilité générale de l’armateur vis-à-vis de tous les gens de mer à bord, notamment sa responsabilité financière. Il affirme le droit des marins de formuler des plaintes et les protège contre toute mesure de représailles.

M. Olivier Falorni. Absolument !

M. Jacques Krabal. In fine, même si les nouvelles règles créées par ce texte ne facilitent pas la tâche de nos concitoyens et de nos entreprises, elles sont nécessaires pour nos sociétés de plus en plus complexes. Compte tenu de tous ces éléments, le groupe RRDP, à l’unanimité, votera donc ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP.)

M. Olivier Falorni. Excellent !

M. le président. La parole est à M. Patrice Carvalho.

M. Patrice Carvalho. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je veux tout d’abord dire une nouvelle fois combien nous désapprouvons ce type de texte : on y trouve juxtaposées plusieurs directives européennes sans cohérence entre elles, totalement disparates, et ne relevant même pas, pour quelques-unes d’entre elles, du développement durable censé justifier leur rapprochement.

Non seulement nous devons nous prononcer sur cette espèce d’auberge espagnole, mais on exige que nous le fassions dans l’urgence, puisque telle est la procédure retenue pour nos débats. Il est vrai que nous avons de plus en plus de directives européennes à transposer dans notre droit et qu’il n’est pas aisé de suivre le rythme, ce qui n’est pas sans poser la question de l’exercice de notre souveraineté nationale. Mais je n’irai pas plus loin sur ce thème, à propos duquel il y aurait tant à dire.

Le flot de directives est tel qu’il est devenu courant de nous les soumettre en un bloc compact, en justifiant cette méthode par le fait qu’il ne s’agirait, au fond, que de mesures techniques. Toutefois, après avoir un peu débroussaillé le jargon technocratique bruxellois qui leur donne corps, on s’aperçoit vite que ce que l’on nous propose de transposer n’est pas aussi technique qu’il y paraît : j’en veux pour preuve le contenu même de ce texte.

Le présent projet de loi prévoit la transposition de la directive Seveso III, qui se substituera à Seveso II en juin 2015. Il s’agit de prévenir plus efficacement les risques industriels : qui trouvera quelque chose à y redire ? Cependant, figure dans le même temps parmi les nouveautés importantes l’instauration d’un système de dérogation délivrée par la seule Commission européenne. Sans en avoir l’air, c’est un coin qui est enfoncé dans la souveraineté des États en matière de classement Seveso.

Le même constat s’impose à propos des substances actives biocides, puisque, s’il revient aux États d’en autoriser la mise sur le marché, il est prévu que certains produits puissent être autorisés à l’échelle européenne.

Le schéma est similaire dans l’article 9, relatif à l’exercice de la profession de vétérinaire, puisqu’il en fait une activité commerciale sur la base de la fameuse « concurrence libre et non faussée », quand nous la considérons comme un élément essentiel de la santé publique.

L’article 28, quant à lui, transpose deux directives européennes, communément appelées « troisième paquet de libéralisation du marché de l’énergie ». Il s’agit de démembrer ces entreprises « verticalement intégrées » selon le langage bruxellois – c’est-à-dire de séparer production, transport, distribution et commercialisation de l’énergie – afin que prédomine la logique du marché sur toute la chaîne. C’est déjà ce qui a conduit à la privatisation de GDF, à la transformation d’EDF en société anonyme cotée en bourse et à la séparation entre EDF et RTE que nous sommes invités à renforcer.

En outre, le rôle du régulateur se trouve conforté puisqu’il lui appartient de fixer les tarifs du réseau. Si le Gouvernement désapprouve les hausses envisagées, il ne pourra au mieux que demander une seconde délibération. Or, très récemment, ce régulateur envisageait d’augmenter de 10 % le prix de l’électricité, ce à quoi le Gouvernement s’est opposé : cela signifie qu’il faut s’attendre demain à une flambée des tarifs, puisque l’État aura totalement perdu la main.

Mme Claude Greff. Eh bien !

M. Patrice Carvalho. Le projet de loi comporte également la transposition de la convention du travail maritime. En l’espèce, l’Europe tente de contenir la jungle qu’elle a organisée en libéralisant le transport et le cabotage maritimes en 1986 et en 1992. C’est ainsi, je le rappelle, que Corsica Ferries a raflé à la SNCM les deux tiers du trafic vers la Corse grâce à des prix cassés obtenus en sous-payant des équipages aux conditions de travail extrêmement précaires.

Il s’agit donc de mettre un peu d’ordre social dans cette anarchie libérale. Mais il n’échappera à personne que ce qui est proposé relève du minimum social et que nous demeurons loin du niveau de garantie en matière de sécurisation et de droit des salariés offert par le pavillon de premier registre français.

Nous nous apercevons, in fine, que sous les aspects d’un texte touffu, disparate et sans cohérence apparente se dissimulent des mesures d’inspiration libérale rognant un peu plus encore la souveraineté des États.

M. Jean-Marie Sermier. Quelle attaque !

M. Patrice Carvalho. Compte tenu de ces remarques et de la difficulté à exprimer une position univoque sur des mesures aussi diverses, nous nous abstiendrons.

Mme Claude Greff. Vous devriez vous y opposer !

M. le président. La parole est à M. Yves Blein.

M. Yves Blein. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je m’intéresserai principalement, comme je l’ai déjà fait précédemment, à un aspect important du projet de loi DDADUE, la transposition en droit français de la directive Seveso III.

Ce texte aura en effet permis d’inscrire définitivement dans le droit français – enfin ! – de bonnes conditions d’information et de protection des populations riveraines des installations classées Seveso seuil haut. Vous me permettrez d’avoir en cet instant une pensée pour les victimes de la catastrophe de Feyzin, la commune dont je suis maire et qui, en 1966, a eu à connaître l’horreur de ce qui fut le premier accident industriel grave de l’ère moderne. Bien sûr, d’autres lui ont succédé, notamment celui de Seveso, en Italie, qui a donné son nom à la directive que nous avons transposée.

Pensons aussi à cet accident qui a eu lieu plus près de nous, en France, le 21 septembre 2011, celui de l’usine AZF, et aux nombreux morts et blessés qu’il fit dans l’agglomération toulousaine. La loi qui l’a suivi a oublié une chose, pourtant essentielle : donner aux populations les moyens de se protéger. L’expropriation ou le délaissement, qui est choisi, permettent aux entreprises de recouvrer l’aire territoriale nécessaire à leurs activités. Mais il était absolument nécessaire qu’au-delà de ces espaces, les populations résidentes puissent vivre sereinement, en se sachant protégées des risques qui, quoi qu’il arrive et quoi que fassent les industriels pour les prévenir, existeront toujours.

S’il est un enseignement que l’on peut tirer des multiples retours d’expériences connues, c’est que le risque zéro n’existe pas et que l’accident trouve souvent son origine dans des causes non identifiées, soit non anticipées. Malgré tous les scénarios construits et imaginés, tant par les services de l’État que par les industriels eux-mêmes, une catastrophe peut toujours advenir. Cette loi donnera donc définitivement la possibilité de mettre en œuvre la directive Seveso II et la directive Seveso III, qui n’en est que la suite logique.

En assurant pour les riverains – après que toutes les mesures ont été prises en amont sur les installations industrielles elles-mêmes – les moyens nécessaires au renforcement de leurs habitations, cette loi clôt un chapitre ouvert il y a plus de dix ans, après l’accident d’AZF. Désormais, les diagnostics, mais également les travaux, à concurrence d’un montant de crédit d’impôt fixé par l’État, seront pris en charge à 90 % de leur montant – pour 40 % par l’État, pour 25 % par les industriels et 25 % les collectivités concernées –, et cela dès le 1er janvier 2014, grâce à un amendement déposé par le Gouvernement. Il restera 10 % des travaux de protection à la charge des ménages. Je veux bien croire qu’ils trouveront des solutions : d’ailleurs, vous en avez évoqué quelques-unes, madame la ministre, pour les plus modestes d’entre eux.

Il est enfin mis un terme à une situation que plusieurs dizaines de milliers de foyers directement concernés, souvent modestes, jugeaient inacceptable et injuste. Grâce à ce texte, à votre détermination, madame la ministre, et à celle des communes membres de l’association Amaris, ces personnes vont enfin voir cesser ce que beaucoup appelaient la double peine : vivre à côté d’une activité à risque et devoir, seuls ou presque, payer pour se protéger. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Vigier.

M. Jean-Pierre Vigier. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, monsieur le vice-président de la CMP, mes chers collègues, à plusieurs reprises, nous avons regretté le caractère touffu de ce texte. Cette situation n’a pas permis aux parlementaires d’évaluer attentivement ses conséquences sur les nombreux secteurs professionnels concernés.

M. Jean-Marie Sermier. Vous avez raison !

Mme Claude Greff. Ni d’en évaluer le budget !

M. Jean-Pierre Vigier. Malgré cette difficulté, tout au long de son examen en commission du développement durable et en séance publique, nous avons déposé plusieurs amendements afin d’améliorer ce projet de loi sur plusieurs points.

Premièrement, s’agissant de la profession de vétérinaire, les amendements que j’ai déposés à l’article 9 visaient à reconnaître les missions très spécifiques de santé publique exercées par les vétérinaires libéraux pour le compte de l’État, parfois non rémunérées quoique prises sur leur temps de travail. Prévoir une dérogation pour ces missions d’intérêt général ne s’opposait pas à la libre prestation prônée au niveau européen.

M. Jean-Marie Sermier. Tout à fait !

M. Jean-Pierre Vigier. La majorité a malheureusement rejeté ces amendements.

Mme Claude Greff. C’est le changement !

M. Jean-Pierre Vigier. J’avais souligné en commission que les règles d’indépendance de cette profession doivent être respectées tout comme ses règles déontologiques : il s’agit là de deux conditions nécessaires au bon exercice du métier de vétérinaire. Tel était l’objet de mon amendement interdisant la détention de parts ou d’actions du capital social des sociétés vétérinaires par des personnes physiques ou morales exerçant à titre professionnel des activités d’élevage, de production d’animaux ou liées aux animaleries, et je me réjouis que cet amendement ait été adopté.

M. Gérard Terrier. C’est le changement, madame Greff !

M. Jean-Pierre Vigier. Il était aussi indispensable de maintenir la qualité du service rendu à l’animal et à son détenteur, et d’éviter les dérives financières ou la construction de sociétés à des fins purement capitalistiques. C’est pourquoi j’avais déposé un amendement garantissant que derrière une société, il y ait bien une réalité physique, donc des personnes réellement présentes et qui exercent effectivement le métier de vétérinaire.

M. Jean-Marie Sermier et M. Guillaume Chevrollier. Excellente proposition !

M. Jean-Pierre Vigier. Malheureusement, la majorité a rejeté cet amendement.

Mme Claude Greff. Une fois de plus !

M. Jean-Pierre Vigier. Enfin, pour ce qui est du contrôle que l’Ordre peut exercer sur la prise de participation financière par des personnes exerçant la profession de vétérinaire, je pense que ce contrôle doit exister, mais le rendre systématique nécessiterait d’y consacrer les moyens adéquats, ce qui signifierait immédiatement une augmentation considérable des cotisations pour les vétérinaires libéraux.

Deuxièmement, en ce qui concerne les armateurs, il est nécessaire de réduire le déficit de compétitivité entre armateurs français et étrangers à l’intérieur des eaux françaises. Mais cela ne doit pas se traduire par un renchérissement trop important des coûts de stationnement des navires chargés de la maintenance et de la réparation des câbles sous-marins, aujourd’hui effectuées uniquement en France par des opérateurs français. Nous n’avons, hélas, pas été suivis par la majorité. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Troisièmement, j’évoquerai l’article 27 A, qui remplaçait le mot : « biocarburants », par le mot : « agrocarburants ».

M. Philippe Plisson, rapporteur de la CMP. Sur ce point, nous n’avons, hélas, pas été suivis par l’opposition !

M. Jean-Pierre Vigier. Le groupe UMP s’est battu pour la suppression de cet article et pour que le mot « biocarburant » reste dans la loi française. Je me réjouis que la CMP ait suivi notre position. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Plusieurs députés du groupe SRC. Quelle erreur !

M. Jean-Pierre Vigier. Le terme de biocarburant est tout à fait justifié d’un point de vue juridique et scientifique. En effet, l’article 2 de la directive 2009/28 du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2009 relative aux énergies renouvelables et aux biocarburants, transposée par l’ordonnance n° 2011-1105 du 14 septembre 2011, retient dans sa version française officielle le terme de biocarburant. Les États membres sont tenus à une obligation de transposition exacte de la directive, qui revêt une importance particulière du fait de la technicité et de la complexité des règles applicables. En outre, l’usage exclusif du terme « biocarburant » est confirmé par la proposition de directive modifiant la directive 98/70 concernant la qualité de l’essence et des carburants diesels et modifiant la directive 2009/28 relative à la promotion de l’utilisation de l’énergie produite à partir de sources renouvelables. J’ajoute que le terme « agrocarburant » n’est tout simplement pas utilisé en droit européen. En supprimant l’article 27 A, nous évitons donc une incertitude juridique et une incohérence entre la législation française et la législation européenne.

Par ailleurs, cet article revenait également à nier le terme retenu par la Commission générale de terminologie et de néologie dans son avis publié au Bulletin officiel du 27 septembre 2007.

De plus, l’article 2 de la directive précédemment citée précise que le terme de biocarburants a pour origine le terme de biomasse à partir de laquelle ils sont produits, tout comme le biogaz par exemple. Cette origine est donc un élément non détachable de la définition communautaire, qu’il convient de respecter et de ne pas brouiller sans raison.

Enfin, cet article aurait modifié la législation s’appliquant à certaines catégories de biocarburants qui ne sont pas directement issus de produits agricoles.

M. Jean-Marie Sermier. Belle démonstration !

M. Jean-Pierre Vigier. Quatrièmement et en conclusion, je voudrais également évoquer l’article 11 du projet de loi, qui comprend les dispositions résultant du changement de statut de Saint-Barthélemy au sein de l’Union européenne le 1er janvier 2012.

Le conseil exécutif de la collectivité de Saint-Barthélemy a rendu un avis sur ce projet de loi et sur ses effets sur son territoire. Le groupe UMP partage pleinement les remarques du conseil exécutif. Le trafic aérien de Saint-Barthélemy s’inscrit en effet dans un contexte régional, environnemental et concurrentiel très particulier, sans aucune similitude avec le trafic existant dans l’Union européenne.

Nous soutenons également la position de la collectivité de Saint-Barthélemy lorsqu’elle souhaite conserver la possibilité de proposer, dans le cadre des débats parlementaires, une adaptation des textes législatifs de nature à la priver de ses compétences. Il est nécessaire de veiller à ce que les normes européennes susceptibles d’outrepasser les réglementations nationales obligatoires ne fragilisent pas les entreprises du territoire de Saint-Barthélemy face à la forte concurrence régionale. Il faut respecter la spécificité de ce territoire dans les textes législatifs.

Pour toutes ces raisons, le groupe UMP s’abstiendra sur ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Arnaud Leroy. Tout ça pour ça !

M. le président. La parole est à M. Serge Bardy.

M. Serge Bardy. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le vice-président de la commission mixte paritaire, monsieur le rapporteur de la commission mixte paritaire, chers collègues, le 15 mai dernier, il y a deux mois déjà, nous examinions dans cet hémicycle le projet de loi DDADUE. Suite à la CMP du 13 juin, nous sommes à nouveau invités à nous exprimer sur ses dispositions et les avancées qu’il consacre. Le 27 juin dernier, les sénateurs se sont exprimés favorablement sur le texte issu de la CMP.

Inutile de rappeler ici une énième fois les enjeux relatifs à ce projet disparate, au regard notamment de l’engagement européen qui est le nôtre et de l’obligation de transposer les directives à laquelle nous souhaitons nous conformer ; inutile aussi de rappeler l’intense travail interministériel coordonné par les services du ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie afin de proposer un texte qui regroupe un nombre élevé de dispositions relevant de directives et d’ordonnances techniques et variées.

Vous l’aurez compris, mes chers collègues : il serait difficile de restituer en cinq minutes l’ensemble du catalogue des mesures contenues dans ce texte. Les intervenants qui m’ont précédé ont d’ailleurs parfaitement évoqué certaines dispositions importantes, relatives notamment aux sites PPRT – plans de prévention des risques technologiques – auxquels s’est particulièrement intéressé mon collègue du Rhône Yves Blein.

Outre les trente-cinq amendements adoptés en séance publique lors de l’examen à l’Assemblée nationale, en avril dernier, ce texte avait déjà connu en commission une série d’améliorations non négligeables. Majorité et opposition ont pu s’exprimer ouvertement sur le contenu et la cohérence de certaines dispositions au regard de la politique nationale menée dans ce domaine. Je me référerai, par exemple, au travail de notre collègue Philippe Noguès, qui a permis d’avancer dans le domaine de l’efficacité énergétique et qui s’est attaché à inscrire dans la loi l’indépendance des auditeurs qui, au titre de l’article 29, réaliseront désormais un audit énergétique obligatoire dans les grandes entreprises. Cette disposition pousse plus loin la logique du texte initial et affiche une volonté de cohérence entre l’audit et le reporting « responsabilité sociétale des entreprises », donnant alors tout son sens à la mesure.

Concernant les groupes d’opposition, chacun a pu reconnaître le respect que la majorité et le Gouvernement portent à leurs arguments lorsqu’ils sont justifiés, ce qui a abouti à l’adoption d’amendements relatifs à l’exercice de la profession de vétérinaire – cela a été rappelé –, par exemple au renforcement de la garantie d’indépendance des praticiens.

L’article 25 intéressera l’ensemble de nos concitoyens en ce qu’il transpose la directive européenne du 25 octobre 2011 qui vise à faciliter l’échange transfrontalier d’informations s’agissant des infractions en matière de sécurité routière : les infractions routières commises à l’étranger seront désormais susceptibles d’être poursuivies en France. Certaines constituent le socle des infractions constatées couramment, telles que l’excès de vitesse, le non-respect du port de la ceinture de sécurité, la conduite en état d’ivresse, le non-port du casque ou encore l’usage illicite du téléphone portable. Il convient de relever cependant, sans vouloir pour autant inciter qui que ce soit au délit, que ce réseau d’échange d’informations couvrira l’ensemble de l’Union européenne, à l’exception de l’Irlande, du Royaume-Uni et du Danemark, qui ne sont pas liés par cette directive. En ces temps de crispation des visions de l’Europe, je regrette que certains pays se soient soustraits à leurs obligations… mais pour des raisons, je n’en doute pas, solidement motivées.

Enfin, la CMP du 13 juin dernier a permis de mettre en lumière certains désaccords quant à l’utilisation du terme « biocarburant »,…

M. Jean-Pierre Vigier. Eh oui !

M. Serge Bardy. …et le décalage qu’il consacre entre la provenance supposée verte des combustibles et les intrants et produits phytosanitaires que ce carburant nécessite pour sa production. Les rapports de l’ADEME et des institutions européennes n’auront malheureusement pas réussi à emporter l’adhésion de la Chambre haute sur la nécessité de rebaptiser les biocarburants « agrocarburants » de façon à être davantage respectueux de leur contenu et des valeurs qu’il porte.

Mme Claude Greff. Pourquoi ? C’était pourtant une bonne idée !

M. Serge Bardy. Je crois, madame la ministre, et dans la continuité de ce qu’indiquait le rapporteur Philippe Plisson, qu’il sera peut-être nécessaire de travailler sur ce point à une prochaine occasion.

Je conclurai en indiquant qu’il s’agit d’un texte important qui regroupe des dispositions sur lesquelles la France s’est engagée auprès de ses partenaires européens, et pour lesquelles nous avons réussi à trouver, à l’Assemblée nationale et au Sénat, un terrain d’entente. Cela nous a permis à la fois de respecter nos engagements et de proposer des avancées pour la législation française sur certains aspects du développement durable qui nous tiennent particulièrement à cœur. Je vous invite donc, mes chers collègues, à adopter massivement ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Frédéric Barbier.

M. Frédéric Barbier. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur de la commission mixte paritaire, monsieur le président Chanteguet, mes chers collègues, en tant que rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, saisie sur le fondement de ses compétences dans les domaines de l’agriculture et de l’énergie, j’ai été chargé d’examiner cinq articles de ce projet de loi en première lecture.

Les thèmes sont divers : dans le domaine agricole, il y a l’exercice de la profession vétérinaire ; dans le domaine des énergies, il s’agit de la production de biocarburants, de l’électricité d’origine renouvelable, de l’organisation du marché de l’électricité et du gaz, de l’efficacité énergétique et des stocks pétroliers stratégiques.

S’agissant de la profession vétérinaire, le texte transpose la directive européenne « Services » qui a pour objectif de faciliter la liberté d’établissement des prestataires de service dans les pays membres de l’Union européenne. La profession vétérinaire est vue dans d’autres pays comme une simple activité commerciale quand, chez nous, elle est considérée comme un maillon essentiel de la santé publique. Nous avons dû nous conformer à la directive tout en essayant de conserver cette particularité.

Le texte prend des précautions afin de prévenir les conflits d’intérêts et la résurgence d’intérêts commerciaux et il renforce les pouvoirs de contrôle de l’ordre des vétérinaires. Une disposition adoptée en commission mixte paritaire précise que ce contrôle veille, outre à l’indépendance et au respect des règles de la profession, à ce que les participations financières des vétérinaires dans des sociétés ne mettent pas en péril la surveillance sanitaire des élevages.

Concernant l’énergie, je n’évoquerai que les grandes lignes de chaque sujet dont nous sommes saisis et, de manière plus précise, les nouvelles dispositions introduites au Sénat et par la commission mixte paritaire.

L’article 27, relatif à la production de biocarburants, est une déclinaison de la directive dite « triple vingt » qui incite chaque pays membre à atteindre 23 % d’énergies renouvelables dans sa consommation finale d’énergie d’ici à 2020. L’encadrement du marché des certificats verts et l’attention portée à la durabilité des biocarburants qui incite au développement des carburants de deuxième génération, en constituent les points essentiels. L’amendement visant à remplacer « biocarburants » par « agrocarburants » n’a finalement pas été retenu en CMP.

La partie consacrée à l’organisation du marché de l’électricité et du gaz conforte notre modèle, avec l’introduction de sanctions en cas de non-respect pour un fournisseur d’énergie de ses obligations de capacité.

Un article 28 bis a été introduit par le Gouvernement, qui crée un statut de consommateurs gazo-intensif sur le modèle de l’électro-intensif. Le texte prévoit que désormais certaines industries pourront bénéficier de conditions particulières d’accès aux réseaux gaziers et de mesures fiscales particulières, compte tenu de l’impact de leur consommation de gaz sur leur compétitivité.

Cette mesure est apparue nécessaire au vu des écarts importants entre le nord et le sud de la France sur les prix de gros du marché gazier. Le fait de créer ce statut permettra de travailler à des solutions pragmatiques pour réduire ces écarts. Sans compter évidemment les problèmes de nos industries dues au différentiel de compétitivité grandissant au profit des concurrents installés en Amérique du Nord qui bénéficient, eux, de prix du gaz très compétitifs.

L’article 29 impose à toutes les grandes entreprises de réaliser un audit énergétique avant le 5 décembre 2015, puis tous les quatre ans. Il prévoit également des sanctions en cas de non-respect de cette obligation. J’ai tenu pour ma part à signaler les difficultés que rencontrent les entreprises pour respecter ces délais, étant donné les différentes étapes à franchir avant la date butoir : l’élaboration et la parution des textes d’application ; la formation des auditeurs avec la nécessité pour les filières locales de se structurer ; et enfin la réalisation des audits à proprement parler. Le temps imparti est très court.

Le dernier article dont la commission des affaires économiques a été saisie a trait aux stocks pétroliers stratégiques. Il oblige les États membres à maintenir un niveau minimal de stocks de pétrole brut et change le statut et la nature du lien entre divers opérateurs, sans conséquence économique.

Enfin, un article 30 bis A, soutenu par le Gouvernement, élargit le périmètre du régime transitoire prévu pour la cogénération industrielle aux cogénérations de plus de douze mégawatts installées sur des sites non industriels, autrement dit aux cinq réseaux de chaleur des grandes villes qui représentent 360 mégawatts et alimentent 600 000 logements.

Sans cet article, nous courions un risque de démantèlement réel. Ces installations peuvent désormais bénéficier d’un contrat signé avec EDF, qui les rémunère pour la disponibilité annuelle de leur capacité de production, aussi bien en hiver qu’en été. La rémunération tiendra compte des investissements nécessaires au cours de la période allant jusqu’au 31 décembre 2016 et de la rentabilité propre des installations incluant toutes les recettes prévisionnelles futures.

En d’autres mots, ces installations peuvent maintenant bénéficier d’un système de contrats d’obligation d’achats qui se veut transitoire. La rémunération susmentionnée tiendra aussi compte de leur impact positif sur l’environnement et elle est plafonnée à un montant maximal annuel. La dernière rémunération ne peut intervenir après le 31 décembre 2016.

Voilà, mesdames messieurs, l’essentiel des dispositions proposées par ce texte qui me semble tout à fait satisfaisant et conforme aux directives qui en étaient l’objet initial. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La discussion générale est close.

Texte de la commission paritaire

M. le président. Nous en venons au texte de la commission mixte paritaire.

Conformément à l’article 113, alinéa 3, du règlement, je vais appeler l’Assemblée à statuer d’abord sur l’amendement dont je suis saisi.

La parole est à Mme la ministre, pour soutenir l’amendement n° 1.

Mme Delphine Batho, ministre. Avant de présenter l’amendement, je voulais remercier tous les députés qui sont intervenus dans la discussion générale. Chacun a pu réaffirmer ses préoccupations, sa sensibilité et son attention à certains sujets.

Permettez-moi d’évoquer deux choses. D’abord, que ce texte soit touffu, complexe et technique, j’en conviens. Cependant, l’élaboration de textes portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne permet à la France d’atteindre un « score » de non-transposition de directives de 0,3 %, alors que la moyenne européenne est à 0,6 %. C’est le treizième texte de ce genre à venir devant le Parlement.

Ensuite, qu’en est-il de la sur-transposition ? Ce sujet récurrent, brossé à grands traits par quelques-uns d’entre vous, a été beaucoup discuté lors des états généraux de la modernisation du droit de l’environnement. Au cours du travail parlementaire effectué, nous avons évité cet écueil en élaborant les dispositions les plus simples et les plus compréhensibles possibles.

Je voulais aussi remercier tous ceux qui ont salué des avancées importantes, que ce soit dans le domaine des transports ou de la sécurité routière, et m’associer aux propos qui ont été tenus sur les victimes d’AZF et de Feyzin au sujet des dispositions relatives aux PPRT. Je ne reviens pas sur toutes les mesures utiles et les avancés que comporte ce projet de loi.

L’amendement n° 1 tend à rectifier une erreur matérielle qui aboutissait à faire entrer en vigueur les fameux amendements sur les PPRT, qui ont été adoptés à l’Assemblée nationale, seulement en 2015 alors qu’ils sont d’application immédiate.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Plisson, rapporteur de la commission mixte paritaire. La commission émet évidemment un avis favorable.

(L’amendement n° 1 est adopté.)

Vote sur l’ensemble

M. le président. Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi, compte tenu du texte de la commission mixte paritaire modifié par l’amendement qui vient d’être adopté.

(L’ensemble du projet de loi est adopté.)

M. le président. La séance est suspendue.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures vingt, est reprise à seize heures trente.)

M. le président. La séance est reprise.

3

Règlement du budget et approbation des comptes de l’année 2012

Discussion, après engagement de la procédure accélérée, d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2012 (nos 1083, 1210).

Présentation

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé du budget.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé du budget. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mesdames et messieurs les députés, nous nous retrouvons, à l’occasion du débat sur la loi de finances de règlement pour l’année 2012 et sur les orientations des finances publiques pour l’année à venir, dans un cadre différent de celui qui prévalait lors de nos débats précédents. D’abord, c’est la première année de mise en œuvre complète des nouvelles dispositions européennes et nationales relatives au six-pack, au two-pack et au TSCG récemment adopté, dont une partie des règles ont été transcrites dans la loi organique relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques.

Ce débat porte sur deux sujets. D’une part, la loi de règlement pour l’année 2012 nous permettra de porter un regard rétrospectif sur les comptes de l’année passée. D’autre part, nous aurons également à nous intéresser aux orientations budgétaires pour l’année à venir. C’est donc sur une période de temps relativement longue que nous allons aujourd’hui porter le regard. C’est bien, car cela nous permettra, après l’adoption de la loi pluriannuelle de finances publiques, d’évaluer les conditions dans lesquelles nous avons atteint nos objectifs en termes d’évolution de la dépense et des déficits. Cela nous permettra aussi de nous livrer à l’exercice de transparence que les membres du Gouvernement doivent sur ces matières à la représentation nationale, et, au-delà de cet hémicycle, à l’opinion publique. Ce sera aussi l’occasion de rétablir un certain nombre de vérités concernant les chiffres. Ce sera, enfin, l’occasion d’un débat contradictoire entre nous. Il est sain qu’il ait lieu, pour faire en sorte que, dans la pluralité de nos sensibilités, de nos convictions, nous puissions formuler toutes les interrogations qui permettent au Parlement d’aller au bout du débat.

Je parlais à l’instant de transparence. Je commencerai en insistant sur le fait qu’il ne peut y avoir de sérieux budgétaire si nous ne consentons pas ensemble à cet effort de transparence, si nous ne nous livrons pas ensemble à cet exercice de transparence. D’abord, la transparence résulte du rôle particulier que joue l’organisme de contrôle, la Cour des comptes, lorsqu’elle examine les conditions dans lesquelles nous avons exécuté nos budgets. Je veux la remercier, ainsi que son Premier président et l’ensemble de ceux qui travaillent à ses côtés, pour les avis qu’elle et le Haut conseil des finances publiques ont pu émettre et pour le travail de certification des comptes qui a été mené, qui nous place dans une situation très singulière en Europe. Nous sommes en effet le seul pays de l’Union européenne pour lequel cette certification intervient. Celle-ci est la garantie de la transparence des comptes que nous publions année après année, la garantie de l’adéquation des objectifs que nous nous assignons et des résultats que nous obtenons. Elle est aussi le résultat d’une relation extrêmement exigeante entre la Cour des comptes et le Gouvernement. C’est aussi la garantie, pour vous, que nous pouvons engager un débat sur la base des chiffres inscrits dans le rapport de la Cour des comptes au moment de la certification, car ces chiffres-là, comme, d’ailleurs, la présentation qui en est faite par le Premier président de la Cour des comptes, sont des éléments incontestables.

Je veux souligner les progrès que nous avons faits à la faveur de cette certification. Comme vous le savez, nous sommes passés entre 2012 et 2013 de sept réserves substantielles à cinq, ce qui témoigne des efforts qui ont été faits par nos administrations pour améliorer la fiabilité des comptes présentés à la représentation nationale.

Cet effort de transparence, qui se traduit par une diminution du nombre de réserves substantielles, concerne les comptes de l’État, mais pas seulement. En effet, comme vous avez pu le constater, les comptes des administrations de sécurité sociale ont également fait l’objet d’une certification, qu’il s’agisse des comptes de la branche famille, des comptes de la branche recouvrement ou des comptes de la branche retraites. Les comptes de la branche famille n’avaient pas été certifiés l’an dernier. Ils le sont cette année. Là aussi, nous le voyons, le nombre de réserves substantielles diminue significativement. Nous sommes passés de cinq réserves substantielles à quatre pour cette branche, et de huit à six réserves pour les comptes de la branche recouvrement.

Cela témoigne du fait que, par-delà les comptes de l’État, l’ensemble des comptes publics ont vocation, aujourd’hui, à être certifiés. Nous sommes, du fait de cette certification, dans une situation particulière en Europe. Cela nous conduit à faire prévaloir notre expérience au moment où, au sein de l’Union européenne, nous réfléchissons collectivement à l’adoption de nouvelles normes comptables qui permettront de rapprocher les budgets des États au moment où les traités que nous avons conclus ensemble nous conduisent à la convergence de nos politiques budgétaires et économiques.

Puisqu’il s’agit d’évoquer la transparence, je veux également profiter de l’occasion qui m’est donnée de m’exprimer devant vous pour répondre à un certain nombre d’interrogations formulées par des parlementaires au cours des dernières semaines, notamment des parlementaires de l’opposition, qui portaient sur la capacité du Gouvernement à se conformer à cette exigence au moment où nous examinons ces documents et ces comptes. Je veux notamment, très aimablement – je ne dirai pas « en toute amitié », pour ne pas le compromettre –, répondre au président de la commission des finances.

Je vous ai entendu, monsieur le président Carrez, formuler quelques interrogations sur notre disponibilité pour faire montre de transparence à chaque instant devant la représentation nationale. Je vous sais trop honnête et trop rigoureux pour ne pas être convaincu que vous finirez par vous rallier à ce que je vais vous dire à l’instant. (Sourires.)

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Écoutons d’abord !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. D’abord, vous ne pouvez pas nier une minute que, chaque fois que vous nous avez sollicités pour que nous venions rendre compte devant la commission des finances, que vous présidez, des conditions dans lesquelles nous exécutons les budgets, nous l’avons fait bien volontiers. Mon prédécesseur et moi-même sommes venus quatre fois depuis le début de l’année nous exprimer sur la question des comptes publics. Et lorsque vous nous avez sollicités, y compris en urgence, pour que nous vous transmettions l’ensemble des éléments dont vous souhaitiez disposer, nous l’avons fait bien volontiers, même à l’occasion de la dernière audition, lorsque vous nous avez demandé de vous fournir, dans un laps de temps très court, l’ensemble des éléments qui concernent l’exécution, à la fin du mois de mai, du budget de l’année 2013. Pourquoi l’avons-nous fait bien volontiers ? Parce qu’il est normal que nous le fassions, parce que nous vous devons cette transparence, et qu’il est de notre devoir de la mettre en œuvre aussi souvent que vous la demandez, parce que c’est de cette transparence que résulte aussi la qualité des échanges que nous pouvons avoir. Cette transparence donne de la force à la manière dont nous abordons les questions de finances publiques, mais aussi beaucoup de pertinence.

Je veux également souligner que nous nous sommes livrés au même exercice devant le Sénat, et rappeler, notamment en ce qui concerne les conditions d’exécution du budget de l’année 2013, que j’ai eu l’occasion de venir devant la commission des finances il y a de cela quelques semaines, je dirai même quelques jours – avant même que le Premier président de la Cour des comptes ne fasse connaître son appréciation sur lesdites conditions d’exécution – pour rendre publics un certain nombre de chiffres que je veux rappeler.

C’est le Gouvernement, et personne d’autre, et sans qu’aucune pression ne s’exerce sur lui, qui est venu devant la commission des finances pour indiquer que la conjoncture économique internationale et européenne l’incitait à réviser un certain nombre d’hypothèses qui avaient présidé à l’élaboration de la loi de finances initiale pour 2013, notamment à réévaluer le niveau de recettes. Parce que nous sommes attachés à la transparence, et que nous la devons à la représentation nationale, nous sommes venus devant la commission des finances pour indiquer que l’évolution du taux de croissance pour 2013, au regard de ce qui avait été retenu en loi de finances initiale, devait nous conduire à réviser le niveau des recettes fiscales attendues – notamment TVA, impôt sur les sociétés et impôt sur le revenu des personnes physiques – à hauteur de huit milliards d’euros. Nous avons également indiqué que l’évolution du chômage, par conséquent celle des effectifs dans les grandes entreprises et les administrations, devait nous conduire à revoir le niveau de recettes des comptes sociaux à hauteur de trois milliards d’euros.

C’est le Gouvernement et personne d’autre qui est venu devant la commission des finances de l’Assemblée nationale pour dire que l’évolution du marché immobilier le conduisait à revoir l’évolution du produit des droits de mutation à titre onéreux à hauteur de deux milliards d’euros.

C’est le Gouvernement qui est venu devant la commission des finances, sans y être contraint, pour dire qu’il y avait un décalage de quatorze milliards d’euros entre le niveau des recettes attendues pour 2013, aux termes de la loi de finances initiales que nous avions élaborée et telle qu’elle avait été adoptée, et ce que nous pouvions escompter compte tenu de l’évolution de la conjoncture internationale.

C’est la raison pour laquelle j’ai éprouvé quelque tristesse…

M. Dominique Baert. Le mot est faible !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. …en constatant, quelques heures seulement après que je m’étais livré à cet exercice sincère devant vous – à votre entière satisfaction, m’imaginais-je –, qu’un certain nombre de parlementaires de l’opposition se livraient à un procès, dont je n’ai pu que considérer qu’il relevait de la posture,…

Plusieurs députés du groupe SRC. Bien sûr !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. …qui mettait en cause notre volonté de transparence et notre propension à nous y tenir rigoureusement devant la représentation nationale.

M. Gérard Terrier. Ils n’ont jamais rien compris !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Je veux d’ailleurs rappeler que, si l’on considère l’évolution de la situation en 2012 et en 2013 et que nous nous projetons sur 2014, nous avons également fait en sorte que l’ensemble des éléments pour 2012 et 2013 soient communiqués à la représentation nationale, en ce qui concerne non seulement l’évolution des recettes mais aussi la maîtrise de la dépense et, par conséquent, l’évolution des déficits.

Je veux rappeler qu’en ce qui concerne l’évolution de la dépense en 2012, nous avons parfaitement tenu les objectifs que nous nous étions assignés et que la Cour des comptes, dans le rapport qu’elle a rendu à la commission des finances de l’Assemblée nationale, a souligné les risques qui pesaient sur l’exercice 2012 avant que nous ne prenions des mesures de redressement dans le cadre de la loi de finances rectificative.

Je rappelle également qu’elle a indiqué que si nous n’avions pas pris des mesures de redressement à hauteur de 2 milliards d’euros, en gelant des crédits qui n’ont par la suite pas été dégelés, et en prenant des mesures fiscales destinées à assurer un niveau de recettes suffisant – ce qui n’était pas garanti –, le déficit nominal constaté au terme de l’année 2012 aurait vraisemblablement été supérieur à 5,3 du PIB % ! Il s’est élevé finalement à 4,8 %.

La Cour des comptes constate de même que l’exécution des dépenses d’assurance maladie a été inférieure de 900 millions d’euros à l’ONDAM fixé par la précédente majorité. Elle a reconnu également que nous avons réussi, pour ce qui concerne les autres comptes, à obtenir des résultats adéquats aux objectifs que nous nous étions assignés.

M. Christian Assaf. Ça va mieux !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Pour ce qui concerne les dépenses de l’année 2013, le premier président de la Cour des comptes a indiqué à la commission des finances qu’il y a, certes, des aléas…

Mme Marie-Christine Dalloz. Il a osé ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Oui, et il a bien fait, car c’est la vérité. Cela contraste d’ailleurs singulièrement avec les outrances que vous proférez habituellement ! Les propos du premier président de la Cour des comptes sont beaucoup plus mesurés que les vôtres. Il a dit des choses assez précises.

M. le président de la commission des finances lui-même se laisse parfois aller à de telles outrances ; c’est heureusement rare, parce qu’il a une grande expérience de ces choses.

M. Patrick Lemasle. Au contraire, il le fait souvent !

M. Nicolas Dhuicq. Quelle suffisance !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Puisqu’il ne le fait que rarement, nous ne pouvons pas lui en vouloir vraiment. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Je constate malgré tout que le premier président de la Cour des comptes a indiqué qu’en dépit de l’évolution économique, le risque qui pèse sur les dépenses est contrôlé grâce aux précautions que nous avons prises : le gel de crédits et la constitution d’une réserve de précaution. Cela nous évite de devoir prendre des mesures complémentaires : la situation actuelle n’est donc pas anormale.

Avant de passer à un deuxième sujet, je voudrais revenir brièvement sur quelques propos que j’ai entendus, qui mentionnaient des risques de dérapage.

M. Dominique Dord. Pas des risques, une certitude !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. D’abord, il y aurait un risque important de dérapage des déficits ; ce risque justifierait que l’on tire la sonnette d’alarme, que l’on s’emballe. À cet égard, je rappellerai certains chiffres concernant l’évolution de nos déficits structurels et de nos déficits nominaux.

D’abord, en ce qui concerne les déficits structurels, nous avons parfaitement rempli les objectifs en 2012, notamment au regard de nos engagements européens. Le déficit structurel a diminué en 2012 de 1,2 points de PIB.

M. Philippe Vigier. C’est vrai.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Ce déficit est tout à fait conforme aux engagements que nous avons pris devant la Commission européenne. En 2011, le déficit structurel était de l’ordre de 5 %. Au moment où nous avons recommencé d’assumer la responsabilité de diriger ce pays, nous avons réalisé un effort de l’ordre de 1,2 % du PIB, pour ramener le déficit structurel à 3 %. Nous avons ramené le déficit, grâce aux efforts sur les dépenses que j’ai indiqués tout à l’heure, à son niveau de 2007.

Dois-je rappeler, en outre, que le déficit structurel a augmenté de 2 points de PIB entre 2007 et 2012, passant de 30 à 100 milliards d’euros ? Il s’agit d’une progression très significative. Dois-je également rappeler que le niveau du déficit nominal était de 7,2 % en 2011, contre 5,3 % en 2012 ?

M. François André. Oui, c’est bien de le rappeler !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Je me suis laissé dire qu’un certain nombre de parlementaires se sont subitement réunis devant la presse, s’inquiétant du fait que le déficit nominal pourrait être de l’ordre de 4 % en 2013 : dois-je rappeler, monsieur le président de la commission des finances, qu’en 2009, 2010, 2011 et 2012 il a systématiquement été supérieur à 4,5 % ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Et la crise, monsieur le ministre ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. À ce moment-là, aucune conférence de presse n’a été organisée pour dénoncer ce déficit !

Lorsque je rappelle que le niveau de déficit nominal de notre pays pendant les années 2009, 2010, 2011 et 2012 a été systématiquement supérieur à 4,5 %, M. le président de la commission des finances a l’amabilité de me répondre : « c’est la crise » ! Mais, monsieur le président, le premier président de la Cour des comptes vous a lui-même répondu devant la commission des finances, en disant qu’en 2010, les deux tiers du déficit de l’État étaient structurels, et qu’un tiers seulement était imputable à la crise ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Patrick Lemasle. M. Carrez le sait bien lui-même !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Voilà la vérité sur la situation qui nous a été laissée : c’est la vérité des chiffres présentés par la Cour des comptes ! Cela dément les assertions d’un certain nombre de députés de l’opposition qui, emportés par leur volonté de nous mettre en difficulté, se sont laissés aller – je le regrette – à des déclarations hasardeuses. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Thomas Thévenoud. Démonstration implacable !

M. Philippe Vigier. On va être obligés de répondre !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Mesdames et messieurs les députés, comme je vous le disais à l’instant, il n’y a pas de sérieux budgétaire sans transparence.

Plusieurs députés du groupe UMP. C’est vous qui n’êtes pas sérieux !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Il n’y a pas non plus de sérieux budgétaire sans volonté de procéder, avec détermination, à la réduction des déficits.

Permettez-moi, là encore, de rappeler quelques chiffres, pour bien montrer la manière dont les déficits ont évolué depuis le moment où nous sommes arrivés aux responsabilités. J’ai indiqué à l’instant les montants respectifs des déficits nominaux et structurels. Le déficit nominal était en 2010 de 7,2 % ; il était en 2011 un peu supérieur à 5 % – de l’ordre de 5,3 % – ; il était en 2012 de 4,8 %. Entre 2010 et 2012, il n’a cessé de diminuer. Si les prévisions de la Cour des comptes se révélaient exactes – y compris dans le scénario le plus alarmiste, c’est-à-dire si le déficit dépasse notre objectif de 3,7 % pour s’établir autour de 4 % –, il continuera de diminuer d’au moins 0,5 %. Le déficit nominal n’aura donc cessé de baisser depuis que nous sommes aux responsabilités, alors qu’au cours des deux quinquennats précédents, il avait régulièrement augmenté jusqu’à des niveaux historiques, jamais atteints jusqu’alors. J’ai mentionné le niveau de déficit nominal atteint en 2010 : 7,2 %. C’est quasiment le double de ce qu’il sera pour 2013 si nous atteignons nos objectifs.

Les chiffres du déficit structurel sont tout aussi incontestables. Il a diminué de 1,2 %, en 2012 ; sa diminution sera comprise dans une fourchette allant de 1,6 % à 1,9 % en 2013. L’objectif d’ajustement structurel est de 1 % pour 2014. Alors que la Cour des comptes et la Commission européenne reconnaissent que nous avons atteint nos objectifs, si nous poursuivons cette tendance, nous aurons, à la fin du quinquennat, ramené le déficit structurel à l’étiage. Voilà l’objectif que nous voulons atteindre. Nous nous proposons de l’atteindre en faisant un effort considérable…

M. Thierry Solère. …de matraquage fiscal !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. …de maîtrise de la dépense publique.

Transparence ; maîtrise des déficits ; maîtrise de la dépense publique : je voudrais sur ce point donner des éléments assez précis concernant les années 2013 et 2014, avant de conclure.

D’abord, les efforts de maîtrise de la dépense réalisés en 2012 et 2013 ne peuvent être appréciés qu’en regard des dix dernières années. Au cours des dix dernières années, la dépense publique a augmenté en moyenne d’un peu plus de 2 %. Elle a augmenté de 2,3 % entre 2002 et 2007, et de 1,7 % entre 2007 et 2011. Elle a augmenté en volume de 0,9 % en 2012. Notre objectif pour 2013 est de maintenir ce rythme d’évolution dans un rapport de un à quatre par rapport à la progression de la dépense au cours des deux précédents quinquennats. Nous voulons que l’évolution de la dépense publique atteigne 0,5 % pendant les années suivantes du quinquennat. Cela veut dire, tout simplement, que nous aurons, en deux ans et demi, divisé par quatre le rythme d’évolution de la dépense publique.

Je dirai également quelques mots de l’évolution, en valeur absolue, de la dépense publique au cours du précédent quinquennat. Elle a augmenté, au cours de cette période, de 170 milliards d’euros. J’ai indiqué à l’instant le rythme d’augmentation de la dépense publique pendant cette même période. Si nous avons réussi à maîtriser la dépense, c’est pour des raisons que je veux préciser. D’abord, nous maîtrisons l’évolution des dépenses d’assurance maladie.

M. Gérard Bapt. Grâce à la médecine de ville !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Celles-ci ont progressé en moyenne de 2,6 % en 2012 et 2013, contre 4,3 % en moyenne au cours du précédent quinquennat. La Cour des comptes reconnaît en outre qu’en 2012, nous avons réussi à économiser 900 millions d’euros supplémentaires par rapport à l’objectif national des dépenses d’assurance maladie fixé par la précédente majorité.

Pour ce qui concerne 2013, la Commission des comptes de la Sécurité sociale, que Marisol Touraine et moi-même avons récemment présidée, témoigne du fait qu’au mois de mai, nous sommes 200 millions d’euros en-dessous de l’objectif que nous nous sommes fixés. J’insiste sur ce premier point, concernant la dépense publique : nous maîtrisons parfaitement les dépenses d’assurance maladie.

Deuxièmement, toujours concernant l’année 2013, je voudrais revenir à la fois sur l’évolution des recettes et des dépenses pour répondre à l’opposition, qui demande au Gouvernement de présenter un collectif budgétaire pour en débattre au Parlement. Vous dites qu’il y aura un dérapage de 20 milliards d’euros : J’espère que vous êtes en mesure de détailler ce montant ! Autant je vois d’où viennent les 14 milliards d’euros qui nous séparent de la loi de finances initiale et du programme de stabilité, autant je suis conscient de l’aléa baissier qui pèse sur un certain nombre de recettes fiscales, autant je peine à trouver l’origine de ces 20 milliards d’euros ! Cette somme a été exhibée subitement pour faire peur. Selon vous, elle justifierait à elle seule l’organisation d’un débat sur une loi de finance rectificative. Pourquoi cela ? J’écarte l’idée que ce débat serait justifié par un souci de transparence : nous avons démontré toute notre volonté de transparence devant votre assemblée. Ce débat devrait donc nous conduire, mesdames et messieurs les parlementaires de l’opposition, à adopter des mesures d’économie d’un montant de 20 milliards d’euros, si les chiffres que vous avancez sont justes.

Permettez-moi de rappeler quelques chiffres, que vous devez avoir encore à l’esprit car ils sont le résultat de votre action. Vous avez, à la faveur de la révision générale des politiques publiques, réussi à économiser, en cinq ans, 12 milliards d’euros. Lorsque l’on défalque de cette somme les montants redistribués par des mesures catégorielles, il reste 10 milliards d’euros. Divisons dix par cinq – c’est un calcul simple, nous devrions tomber d’accord sur le résultat – : l’effet annuel de la révision générale des politiques publiques a été de 2 milliards d’euros par an.

Mme Sandrine Mazetier. Très bien !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Et voilà qu’il faudrait, six mois après l’adoption de la loi de finances initiale, adopter une loi de finances rectificative corrigeant un écart de 20 milliards d’euros, c’est-à-dire dix fois plus que vous n’avez fait en cinq ans avec la révision générale des politiques publiques. Pouvez-vous, mesdames et messieurs les parlementaires de l’opposition, m’expliquer quel est le sens de ce chiffre, et, a fortiori, le sens de la mesure absurde que vous proposez ?

Nous ne pouvons pas faire ce que vous proposez, c’est-à-dire réaliser au moyen d’une loi de finances rectificative des économies dix fois supérieures à celles que vous avez réussi à faire pendant le dernier quinquennat, alors que vous étiez aux responsabilités. Vous imaginez bien que les décisions en question seraient compliquées à prendre, qu’elles consistent en des économies ou en une hausse de la fiscalité, et surtout qu’elles auraient un effet terriblement récessif sur l’économie ! Cela aurait principalement pour effet d’augmenter massivement le chômage, c’est-à-dire d’aggraver la souffrance des Français, et par ailleurs d’accroître de façon spectaculaire et considérable les déficits sociaux qui minent notre économie et rendent urgent le redressement. Par conséquent, on aboutirait à l’exact contraire de ce que vous souhaitez !

En répondant à nombre de vos questions, j’ai compris que vous êtes obsédés par ce que vous appelez le matraquage fiscal. En prenant des mesures fiscales pour un montant de 20 milliards d’euros, je vous donnerais l’occasion de poser vingt mille questions d’ici la fin du quinquennat pour condamner un matraquage fiscal dont nous aurions été les auteurs, après que vous l’auriez suscité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Claude Goasguen. La vérité se paye !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Sachez que nous n’avons aucunement l’intention de nous engager dans cette voie ! Cela serait absurde en termes économiques, contradictoire s’agissant du chômage, contre-productif pour la réduction des déficits !

Non seulement je ne sais pas d’où viennent vos 20 milliards d’euros…

M. François André. Eux non plus ne le savent pas !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. …mais je trouve fort incongru de proposer, lorsque l’on a dégagé 12 milliards d’économies avec la révision générale des politiques publiques après avoir augmenté la dépense publique de 170 milliards pendant cinq ans, une loi de finances rectificatives qui conduirait à apporter 20 milliards de corrections !

M. Claude Goasguen. Éloge du mensonge…

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Allez comprendre où est la cohérence de ce positionnement politique…

M. Thomas Thévenoud. Il n’y en a pas !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. …et, pour peu que la politique n’ait rien à voir avec tout cela, où est la logique arithmétique de ce raisonnement.

Nous avons maîtrisé la dépense en 2012. Le décalage entre le niveau de déficit constaté et le niveau de déficit sur lequel nous nous étions engagés résulte de l’obligation de recapitaliser Dexia et de la nécessité de prendre en compte dans le budget les subventions allouées à l’Union européenne, les crédits de paiement nécessaires au financement des politiques de l’Union ayant été sévèrement diminués les années précédentes.

Je ne peux donc pas ne pas imputer à la précédente majorité une partie du décalage entre les objectifs que nous nous étions assignés et les résultats que nous avons obtenus…

Mme Marie-Christine Dalloz. Extraordinaire !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. …même si je reconnais qu’il y a eu un décalage entre le niveau de croissance que nous escomptions et celui qui a été constaté. (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Marie-Christine Dalloz. Un petit bout de chemin de fait !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Lorsque l’on est membre d’un gouvernement et que l’on veut faire la transparence devant la représentation nationale, il est important de prendre la part de responsabilité qui incombe au Gouvernement, une fois que l’on s’est employé à montrer ce qui relevait de la responsabilité de la majorité précédente.

Nous voulons que le budget pour 2014 nous permette de tenir nos objectifs de dépenses et de répondre à nos priorités. Nous ne pourrons financer les priorités que si nous sommes rigoureux et que nous consentons des efforts. Nous ne pourrons redresser l’économie que si nous redressons les comptes. Le sérieux budgétaire, c’est se préoccuper d’abord de l’équilibre des comptes, condition de la mise en œuvre des politiques que nous jugeons prioritaires.

M. Gérard Bapt. Voilà la vérité !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Qu’allons-nous faire en 2014 ? D’abord, un effort exceptionnel d’économies sur l’État, de 9 milliards d’euros environ. Cet effort conduira l’État, après que ses dépenses – dette et pensions comprises – ont baissé de 300 millions d’euros en 2012, à voir ses dépenses diminuer encore de 1,5 milliards en 2014.

Pour élaborer ce budget, nous avons employé une nouvelle méthode. Le Premier ministre a envoyé aux membres du Gouvernement sa lettre de cadrage deux mois avant la date habituelle, afin que nous puissions prendre le temps de l’expertise, de la discussion…

Mme Marie-Christine Dalloz. Demandez à Mme Batho !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. …et que je sois en mesure d’examiner, avec l’ensemble des ministres, la situation de chaque politique publique. Nous avons pu ainsi atteindre, de la façon la plus consensuelle possible, le niveau d’économies attendu. C’est au terme de cet exercice, la semaine dernière, que le Premier ministre a envoyé les lettres-plafond. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Christian Eckert, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. L’opposition devrait faire preuve de plus d’humilité vu les comptes qu’elle nous a laissés !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Aux 9 milliards d’économies sur l’État s’ajoute 1,5 milliard d’économies sur les collectivités territoriales. Vous avez pu constater, à l’occasion de la dernière réunion du conseil des finances locales, que nous avons réussi à trouver un compromis avec elles sur la participation de chaque niveau à cet effort.

Par ailleurs, le pacte de confiance signé avec les collectivités locales permettra d’assurer des recettes pérennes à chaque catégorie de collectivités, de manière à ce qu’elles puissent développer des politiques, notamment les investissements dont l’économie française a besoin pour retrouver la croissance.

Les opérateurs de l’État doivent aussi contribuer à l’effort. Au cours des sept dernières années, leurs effectifs ont augmenté de 6 %, pour atteindre le chiffre de 430 000 emplois, tandis que leurs dépenses étaient en hausse de 15 %. Le budget pour 2014 prévoit une diminution de 14 % des crédits qui leur seront alloués. Pour tenir nos objectifs de dépenses et redresser nos comptes, nous ne pouvons les exempter, comme par le passé, de l’effort d’assainissement des finances publiques.

En outre, nous nous efforçons de diminuer les dépenses de fonctionnement de 2 %. Pour un certain nombre d’institutions et d’établissements financiers, les dépenses diminueront de 52 millions d’euros, et celles de l’administration en charge de la gestion de l’immobilier de l’État baisseront de 34 millions.

Nous continuons aussi à gérer de façon extrêmement rigoureuse l’évolution des effectifs de la fonction publique. Nous avons supprimé 14 401 emplois en 2013 ; en 2013 et 2014, le nombre d’emplois supprimés dans l’administration dépassera les 28 000, sans compter les 2 545 emplois supprimés au sein des opérateurs de l’État.

Ces suppressions ne sont pas un objectif. Il ne s’agit pas de détruire de la compétence et de la richesse, comme ce fut le cas par le passé avec l’application systématique de la règle du « un sur deux » (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), sans aucune vision de ce qu’étaient les priorités. Non, si nous gérons avec une telle rigueur les effectifs de l’État, c’est pour pouvoir financer les grandes priorités du quinquennat. (Mêmes mouvements.)

L’école, d’abord. En 2014, nous créerons près de 9 800 emplois supplémentaires, afin de compenser les 80 000 suppressions d’emplois survenues dans l’éducation nationale, et qui ont affaibli considérablement l’école de la République.

M. Claude Goasguen. Lisez donc le rapport de la Cour des comptes !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. La justice ensuite. 590 emplois supplémentaires lui permettront d’assurer ses missions. La police et la gendarmerie enfin. 405 emplois seront créés afin que la sécurité puisse être assurée dans de bonnes conditions dans l’ensemble des territoires de la République.

Bien entendu, l’effort de gestion des ressources humaines est important, mais il permet de financer la création d’emplois là où nous avons décidé de mettre l’accent, sur les priorités du quinquennat.

M. Thomas Thévenoud. Très bien !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Enfin, nous ferons en sorte que chaque chômeur ait une chance d’accéder à l’emploi. Face à l’augmentation du chômage, alors que ce fléau mine des familles entières, semant la désespérance, nous ne pouvons pas nous permettre de ne pas prendre des mesures pour offrir une possibilité d’insertion à toutes les populations, notamment aux plus jeunes des Français, qui ont besoin de cette première chance pour entrer dans la vie active.

C’est la raison pour laquelle le budget alloué à la formation professionnelle et à l’emploi augmentera de 1,2 milliard. Cela permettra d’augmenter de 100 000 le nombre de contrats aidés prévu par le plan triennal, de 100 000 le nombre de contrats de génération et de 100 000 le nombre de contrats d’avenir.

L’emploi est une priorité que nous avons faite nôtre et que nous voulons soutenir, afin que la courbe du chômage puisse s’inverser le plus rapidement possible et que l’espoir du redressement se traduise concrètement, pour ceux qui souffrent de la crise économique, par une chance de vivre normalement demain.

Telles sont les grandes orientations pour 2012, la réalité de la situation pour 2013 et la volonté qui nous anime pour 2014. Je forme le vœu que le débat d’aujourd’hui nous donne l’occasion d’aller au fond des interrogations, des oppositions, s’il en existe, et de faire en sorte que, par delà les sensibilités, nous puissions témoigner tous ensemble de notre attachement à la plus grande transparence lorsqu’il s’agit des finances publiques et du redressement du pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.

M. Christian Eckert, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, mes chers collègues, ce premier débat porte sur la loi de règlement 2012 et j’ai bien compris, monsieur le ministre, que vous anticipiez sur le débat d’orientation des finances publiques que nous ouvrirons ce soir.

Pour ma part, je me concentrerai sur la loi de règlement 2012 et serai plus prolixe sur l’orientation des finances publiques. Avant de détailler à nouveau le projet de loi, je voudrais m’arrêter sur un point de forme. Je le ferai brièvement et sans esprit polémique.

Mes chers collègues, les difficultés du pays, qu’elles soient financières ou sociales, justifient parfois, si ce n’est l’unité nationale, parfois artificielle, du moins la recherche d’un accord sur un certain nombre de points… (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

M. Christophe Caresche. Il a raison !

M. Philippe Vigier. Mais lorsque nous le disons, nous ne sommes pas entendus !

M. Christian Eckert, rapporteur général. …ne serait-ce que sur les constats chiffrés d’une exécution budgétaire ou sur les rapports d’étape au milieu d’une année budgétaire. Lors des séances de commission, nous aimerions, je le dis avec simplicité, voir participer davantage nos collègues, souvent plus nombreux dans les conférences de presse. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.- « Très bien ! » sur les bancs du groupe SRC.)

Dans l’intérêt bien pensé de la commission des finances et dans celui de l’Assemblée nationale, et si nous voulons que le Parlement joue pleinement son rôle, ce qui n’est pas toujours facile sous cette Ve République telle qu’elle fonctionne, nous devrions jouer la transparence.

M. le ministre vient de rappeler les quatre interventions qui ont été faites durant les premiers mois de cette année sur l’exercice 2012. Pour travailler, restons classiques : faisons des rapports – le rapporteur général et certains commissaires en produisent, le président de la commission peut en rédiger – débattons-en au sein de la commission ; ils feront ensuite l’objet du débat public, lequel peut être sérieux, sévère, passionné, la plupart du temps contradictoire. Mais mettons-nous d’accord, au moins sur la méthode.

Jusqu’alors, je n’avais jamais vu un président de la commission des finances tenir une conférence de presse avec les commissaires de son bord sur un sujet, sans en avoir au préalable débattu en commission. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Jamais ! C’est bien dans l’intérêt de l’Assemblée que je tiens ces propos, avec calme, pondération et sans esquiver les difficultés. Je vous invite à lire le grand journal du soir.

Je voudrais revenir sur des éléments déjà longuement décrits, aussi bien en commission que par le ministre, et d’abord sur deux originalités de cette loi de règlement. Premièrement, elle porte sur une exécution budgétaire partagée grosso modo en deux moitiés égales. Deuxièmement, c’est la première fois qu’une loi de règlement fait l’objet d’un éclairage du Haut Conseil des finances publiques, créé par la loi organique.

S’agissant des constats que nous pourrions partager, il y a d’abord une diminution de 1,2 % du PIB du déficit structurel. Cette diminution importante a été obtenue malgré une croissance nulle en 2012.

Quant aux impôts supplémentaires, parlons-en, mes chers collègues : deux tiers des impôts encaissés proviennent de vos lois de finances, qu’il s’agisse de la loi de finances initiale pour 2012 ou des lois de finances rectificatives, que vous avez multipliées au cours des derniers mois de la législature !

M. Thomas Thévenoud. Exactement ! Ils ont la mémoire qui flanche !

M. Christian Eckert, rapporteur général. Deux tiers des recettes nouvelles constatées en 2012 proviennent de vos décisions, et vous devez l’assumer, même si cette référence aux deux tiers, un tiers vous dérange.

Vous nous aviez prédit une explosion des dépenses publiques. Mais, là encore, vous avez additionné des poules et des lapins, des carottes et des navets. Or vous devez convenir avec nous que, pour la première fois en 2012, les dépenses de l’État ont diminué de 300 millions d’euros, baisse dont nous pouvons nous partager le mérite – pour deux tiers, un tiers, par exemple… Ce n’est pas suffisant, mais c’est une première, mes chers collègues. Et, malgré ce que vous avez pu raconter sur le fait que « les socialistes dépensiers » qui arrivaient au pouvoir allaient faire exploser la dépense publique,...

M. Thierry Solère. Enfin un peu de lucidité !

M. Christian Eckert, rapporteur général. …malgré les quelques bombes à retardement que nous avons trouvées dans les comptes, malgré des contentieux avec Bruxelles qui pèsent pour plusieurs milliards dans cette loi de règlement, nous avons maîtrisé la dépense publique ! Vous aviez, en toute fin de législature, ouvert la voie ; nous l’avons confirmée et approfondie.

Le déficit nominal, certes, n’aura pas été tout à fait conforme aux prévisions. Il y a eu – le ministre vient de le rappeler – des dépenses exceptionnelles : Dexia par exemple, sur laquelle il y aurait peut-être beaucoup à dire bien que je sente soudain un grand silence peser sur cette assemblée… (Sourires sur les bancs du groupe SRC.) Outre Dexia, le dépassement de la dépense est imputable à la contribution de la France au budget de l’Europe, qui explique le déficit légèrement supérieur à ce qui était attendu.

Un peu d’humilité donc, et un peu d’esprit de responsabilité collective ! Nous devons maîtriser la dépense ; nous nous y employons, et je reviendrai tout à l’heure sur les pistes qu’a évoquées le ministre et qui sont assez bien décrites dans le rapport que nous allons examiner.

Toute la question est de savoir à quel rythme va décroître le déficit nominal. Nous aurions, il est vrai, aimé ramener ce déficit nominal en dessous de 3 % le plus rapidement possible, mais, en accord avec la Commission européenne, nous nous sommes donné deux années supplémentaires pour atteindre cet objectif, espérant pour l’an prochain le stabiliser autour de 3,5 %. S’agit-il d’un dérapage des finances publiques et du déficit ? Le ministre a rappelé que nous partions d’un déficit supérieur à 7 % et, comme l’a dit le Premier président de la Cour des comptes, nous avons fait la moitié du chemin. Nous n’avons pas l’intention de nous arrêter en route, et nous mettrons à profit les deux années supplémentaires accordées par Bruxelles pour revenir à 3,5 % en 2014 et à 2,9 % en 2015.

Un mot enfin sur un amendement que, de manière assez inhabituelle lorsqu’il ne s’agit pas d’amendements rédactionnels, notre commission a adopté pour demander au Gouvernement un rapport…

M. Hervé Mariton. C’est un amendement scélérat sur le quotient familial !

Mme Catherine Lemorton. Toujours dans la mesure, monsieur Mariton !

M. Christian Eckert, rapporteur général. C’est votre point de vue, monsieur Mariton, mais, au lieu de raconter n’importe quoi sur le quotient familial, nous souhaiterions disposer de données sur son impact réel sur le calcul de l’impôt.

M. Hervé Mariton. Votre amendement va bien au-delà !

M. Christian Eckert, rapporteur général. Or, depuis quelques années, nous n’avons plus les chiffres permettant de le faire. Je souhaite donc un rapport permettant de réfléchir à l’intégration du bénéfice du quotient familial dans la dépense fiscale – et mon amendement ne va pas plus loin que cela, mon cher collègue, malgré vos procès d’intentions !

M. Pierre-Alain Muet. C’est une vraie question !

M. Christian Eckert, rapporteur général. Il s’est raconté tout et n’importe quoi sur le quotient familial ces dernières semaines, et le président de la commission des finances, dans son fameux rapport, qui n’était en fait qu’un PowerPoint soutenant une opération de communication, a été jusqu’à écrire que la réduction du plafond allait engendrer une dépense supplémentaire de 800 euros par mois ! C’est évidemment faux !

Pour pouvoir travailler correctement, nous souhaitons connaître l’impact exact du quotient familial sur la dépense publique pour nous mettre d’accord sur les chiffres, à défaut de nous mettre d’accord sur les idées.

J’en termine et reviendrai tout à l’heure sur la question des orientations pour 2014. (Applaudissements soutenus sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Monsieur le ministre, vous avez eu parfaitement raison d’insister sur l’effort de fiabilité et de transparence des comptes publics, qui doit être le nôtre en permanence.

Je veux également vous remercier d’avoir centré votre intervention sur les analyses de l’opposition : cela démontre à quel point elles vous ont déstabilisé ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mardi dernier, nous avons en effet annoncé, avec mes collègues de la commission des finances, que le déficit public pour 2013 serait supérieur de 20 milliards aux prévisions votées dans le PLF et le PLFSS.

M. Thomas Thévenoud. C’est faux !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Mes chers collègues, lorsqu’il s’agit de révéler aux Français la vérité sur les comptes, l’opposition n’a pas à demander l’autorisation préalable ni du ministre ni du rapporteur général ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Le jour même, j’ai été taxé de mensonge par le ministre de l’économie et, le lendemain, le Premier ministre a indiqué que les comptes avancés par le président de la commission des finances étaient inexacts. Sauf que, le surlendemain, la Cour des comptes a totalement validé le fait que le déficit public allait très probablement déraper de 20 milliards d’euros en 2013 ! (Mêmes mouvements.)

M. Thomas Thévenoud. C’est faux !

M. Patrick Lemasle. Quel culot !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Je vous invite, monsieur le ministre, à regarder attentivement la page 66 du rapport de la Cour des comptes, qui donne le détail de ses analyses. En effet, la Cour s’inquiète d’un dérapage exclusivement imputable aux recettes, puisque vont se cumuler, d’une part, une erreur sur la base à partir de laquelle ont été réalisées les prévisions pour 2013 – la base 2012 étant trop ambitieuse par rapport à l’exécution réelle –, d’autre part, le choix d’un taux de croissance de 0,8 % pour 2013, alors qu’il se situera probablement autour de zéro, ou en dessous. Enfin, et c’est le plus inquiétant, nous constatons sur ces cinq derniers mois que nous sommes entrés, compte tenu du matraquage fiscal, dans la zone de rendement décroissant de l’impôt. Nous sommes entrés dans un monde où trop d’impôt tue l’impôt et où l’assiette finit par se casser…

M. Jean-Luc Laurent. Trop d’Europe tue l’Europe !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. La Cour des comptes est finalement plus pessimiste que nous, puisque nous imputons, pour les trois quarts ou les quatre cinquièmes, ce probable dérapage de 20 milliards aux 15 ou 16 milliards de recettes qui ne seront pas au rendez-vous, les 3 ou 4 milliards restants étant imputables aux risques de dépenses supplémentaires dont je vais parler dans un instant.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Et dont la Cour a très bien dit comment elles seraient couvertes !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. De cette convergence tout à fait exceptionnelle entre l’analyse de l’opposition et celle de la Cour des comptes, on ne peut tirer qu’une seule conclusion…

M. Jean-Luc Laurent. C’est la pensée unique !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Nous devons, au plus vite, élaborer un collectif budgétaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Pourquoi faut-il un collectif budgétaire ? Pour des raisons de sincérité des comptes, vous l’avez dit, monsieur le ministre.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Des raisons politiciennes !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Pour des raisons de transparence démocratique mais aussi, et j’y insiste, pour des raisons de sécurité nationale. Nous avons en effet un énorme besoin de financement – plus de 180 milliards d’euros – à couvrir par l’emprunt, dans les meilleures conditions possibles. Or, si nous ne sommes pas en état de présenter des comptes sincères, nous risquons un accident de financement au cours de l’été.

Face à cette évidence, vous nous opposez, monsieur le ministre, deux arguments censés justifier votre refus de procéder à une loi de finances rectificative. Un argument formel d’abord, que je trouve pour ma part irrecevable. À vous entendre, nous n’aurions pas besoin de collectif, car nous avons le programme de stabilité. Mais nous nous n’avons pas pu amender le programme de stabilité, puisqu’il a fait l’objet d’un vote général sur une déclaration du Gouvernement.

M. Claude Goasguen. Bien sûr, puisque c’est un programme européen !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. En vous fondant ainsi exclusivement sur le programme de stabilité, vous dessaisissez le Parlement français !

M. Philippe Vigier. Et voilà !

M. Jean-Luc Laurent. Pas vous ! Pas ça !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Vous remettez les clefs des finances de la France à la Commission européenne (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), avec ce paradoxe extraordinaire que, d’un côté, vous procédez à cet abandon de souveraineté tandis que, de l’autre, vous multipliez chaque jour les critiques et les accusations contre le président de la Commission, M. Barroso. Vous êtes vraiment en pleine contradiction !

M. Jean-Luc Laurent. C’est vous qui nous avez contraints à la perte de souveraineté budgétaire !

M. Thomas Thévenoud. Premier argument, rejeté !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Puis vous invoquez, monsieur le ministre, un second argument, de fond celui-ci : le solde structurel. Le solde structurel vient toujours à la rescousse des gouvernements en difficulté budgétaire (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), et vous arrivez à cette démonstration extraordinaire selon laquelle, au moment où le déficit nominal s’aggrave, le solde structurel s’améliore ; comprenne qui pourra !

Dans une analyse à moyen terme, pluriannuelle, il faut raisonner en solde structurel et tenir compte de la conjoncture pour apprécier les recettes, les dépenses, les déficits. Ce fameux solde structurel que vous ne cessez d’appeler à la rescousse présente un gros inconvénient : ce n’est pas le solde structurel qu’on emprunte, mais le solde effectif.

M. Philippe Vigier. Eh oui.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Le problème est que le solde effectif de 2013 s’aggrave de 20 milliards d’euros. Alors que notre besoin de financement s’élève à 180 milliards d’euros, que la fébrilité des marchés financiers est palpable depuis quelques jours, que les taux d’intérêt commencent à remonter, sachez que 1 % d’intérêt supplémentaire équivalent à une hausse des dépenses de 2 milliards dans le budget de l’État.

Quand on sait que les deux tiers de notre besoin de financement seront couverts par des non résidents, vous voyez à quel point nous avons besoin d’un collectif budgétaire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

En fait, monsieur le ministre, la sincérité budgétaire est le prix à payer pour la confiance, que nous appelons de nos vœux.

Vous nous avez dit qu’il ne fallait pas proposer de collectif budgétaire parce que la crise s’en trouverait aggravée mais, monsieur le ministre, vous ne nous avez pas écoutés, vous auriez dû assister à notre conférence de presse. Nous n’avons pas demandé d’impôt supplémentaire. Bien évidemment, après l’énorme ponction fiscale opérée ces derniers mois, créer, alourdir la pression fiscale serait une erreur. Nous n’avons pas davantage réclamé de coupe supplémentaire sur les dépenses.

M. Dominique Lefebvre. Alors, vous voulez quoi ?

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances Nous vous demandons juste de respecter les engagements. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Un État, c’est comme une entreprise ou un organisme.

Mme Sandrine Mazetier. Non !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Il a besoin d’avoir des comptes qui soient en permanence les plus proches possible de la réalité. L’opposition d’aujourd’hui, majorité d’hier, s’honore, pendant toutes ces années de crise, de n’avoir pas hésité à présenter à la représentation nationale trois à quatre projets de lois de finance rectificatives chaque année. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Patrick Lemasle. Mais ils n’étaient jamais sincères !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Pourquoi, dans l’héritage le plus précieux que nous vous avons transmis…

M. Patrick Lemasle. Quel culot !

M. Thomas Thévenoud. L’héritage était lourd !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. …se trouvent les conditions exceptionnelles de financement de la dette ? Parce que, toujours, nous avons été sincères, nous avons tenu à la vérité des comptes et nous avons su conserver la confiance de nos prêteurs. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Thomas Thévenoud. C’est Mme Bettencourt qui a certifié les comptes !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances Je dirai deux mots de l’exécution 2012.

Il est exact, et nous l’assumons, que la majoration de recettes de 2012 relève pour moitié de décisions précédentes…

M. Christian Eckert, rapporteur général. Deux tiers !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Pour une grosse moitié, soit, et pour une petite de la nouvelle majorité, mais elle n’a eu que six mois pour augmenter les impôts. En revanche, en loi de finances pour 2013, je peux vous garantir qu’elle s’est rattrapée, la majorité actuelle, en matière de hausse d’impôts ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Claude Goasguen. Très bien !

M. Patrick Lemasle. C’est pour payer vos dettes !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. S’agissant des dépenses, pourquoi ont-elles été tenues en 2012 ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. Parce que vous êtes partis !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Vous avez eu l’honnêteté de le reconnaître, monsieur le rapporteur général : parce que nous avons eu une gestion associée de l’année 2012, parce que les bons résultats de 2012 sont le fruit des décisions que nous avions prises et dont vous avez bénéficié, notamment le non remplacement d’un départ en retraite sur deux, l’indexation partielle d’un certain nombre de guichets sociaux, en particulier les allocations logement. Et l’ONDAM, que vous avez beaucoup évoqué, monsieur le ministre, pourquoi avez-vous réussi à le tenir en 2012 ? D’abord parce que vous avez fait des efforts réels, mais aussi parce que nous avions eu le courage d’opérer la convergence tarifaire entre les cliniques privées et l’hôpital public.

M. Dominique Baert. Il n’y a pas de quoi en être fier !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Comme tout cela vous l’avez mis à bas, comme vous avez méthodiquement fait sauter tous les verrous en juin et juillet 2012, mois funestes, nous pouvons aujourd’hui nourrir les plus grandes inquiétudes sur le dérapage de la dépense publique. Il ne me reste hélas pas de temps pour en parler. Je le ferai tout à l’heure à l’occasion du débat d’orientation budgétaire.

Je pense en tout cas, monsieur le ministre, que le gel et le surgel du budget de l’État, 7 plus 2 milliards d’euros,

M. Patrick Lemasle. On ne sait pas qui est givré…

Plusieurs députés UMP. C’est inadmissible !

M. Patrick Lemasle. Oh, ce n’est pas bien méchant.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. …ne suffiront pas pour faire face aux dérapages sur les missions emploi, solidarité, sur les OPEX, sans compter le surcroît de prélèvements au titre de l’Union européenne. Je vous donne rendez-vous pour la fin de l’année mais j’espère vous avoir convaincu, monsieur le ministre, de la nécessité de présenter un collectif. Si vous ne voulez pas prêter attention aux représentants de l’opposition, tournez-vous au moins vers votre propre majorité et écoutez la demande du groupe Radical, républicain, démocrate et progressiste. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Philippe Vigier. Très bien !

Motion de rejet préalable

M. le président. J’ai reçu de M. Christian Jacob et des membres du groupe de l’Union pour un mouvement populaire une motion de rejet préalable déposée en application de l’article 91, alinéa 5, du règlement.

La parole est à M. Hervé Mariton.

M. Hervé Mariton. Cette motion est justifiée, monsieur le ministre, par une raison assez simple, hélas douloureuse pour notre pays : en matière de stratégie budgétaire et au-delà, de stratégie économique, vous ne savez pas où vous allez.

M. Yves Censi. Personne ne sait où ils vont !

M. Hervé Mariton. Vous ne savez pas où vous allez tant les contradictions sont nombreuses dans votre politique.

Contradictions, tout d’abord, dans les relations entre la France et l’Europe. Vous présentez aux Français mais aussi à nos partenaires européens, au travers d’une loi de finances, d’une loi de programmation pluriannuelle, puis ensuite d’un programme de stabilité, des engagements, des objectifs, que vous ne tenez pas et que vous corrigez constamment quand vos déclarations ne précèdent pas la correction à venir.

Vous avez reporté les grands objectifs, en particulier celui, que vous avez renvoyé à 2015, d’un déficit qui ne soit pas supérieur à 3 % du PIB.

Qui ne se souvient ici des grandes déclarations, des grands engagements, nous promettant, voici seulement quelques mois, que naturellement, ces objectifs seraient atteints dans le respect du calendrier initialement fixé ?

Vous avez aussi, le rapporteur général et la majorité en sont hélas victimes, trouvé refuge dans cette distinction bien commode entre déficit structurel et déficit conjoncturel. Il est d’ailleurs assez plaisant de constater que, pour désigner ce qui n’est pas qualifié de structurel, les adjectifs varient et l’on nous parle tantôt de « nominal », tantôt de « réel ». En réalité, cette dette, qu’il faudra payer un jour…

M. Marc Goua. Grâce à vous, merci pour l’héritage !

M. Hervé Mariton. …correspond bel et bien à ce déficit que vous qualifiez de « nominal ». À dire vrai, vous n’êtes pas les premiers à recourir à quelques facilités de présentation budgétaire et il faudrait sans doute instaurer des règles de présentation stables et solides en la matière.

Puisqu’il faut parler d’amélioration – 1,1 % – notons qu’elle est inférieure à la moyenne d’amélioration de la zone euro. L’évocation du déficit structurel vous est commode pour masquer la réalité de l’évolution du déficit nominal de notre pays mais elle ne camoufle pas la détérioration de la situation de la France par rapport à celle de la plupart de ses partenaires – et je compare là le solde structurel de la France à la moyenne de la zone euro.

Contradictions encore, monsieur le ministre, quand on voit les nombreuses polémiques dans lesquelles, peut-être pas vous en première ligne car vous devez vous montrer prudent, mais nombre de membres de votre Gouvernement, se sont engagés avec tel ou tel responsable de la Commission européenne quand ce n’est avec la Commission dans son ensemble.

La Commission n’a pas forcément toujours raison. Mais quand on a à assumer, comme vous devrez le faire, une situation à ce point médiocre des finances publiques, il vaut mieux ne pas se montrer prétentieux et ne pas chercher à donner trop de leçons à ceux auxquels nous avons à demander souvent, dont nous avons à obtenir parfois, quelques facilités et quelques délais supplémentaires.

Contradictions aussi entre le Gouvernement et le rapporteur général du budget. Ce n’est pas rien, ce n’est pas sans gravité dans une relation entre la majorité parlementaire et le Gouvernement dans laquelle le rapporteur général joue un rôle éminent.

Le rapporteur général s’interroge explicitement dans son rapport sur le calibrage des efforts et bien que ceux que vous proposez pour 2014 nous semblent encore insuffisants, il considère que le Gouvernement va trop loin.

Ces contradictions sont le reflet d’autant de faiblesses. Oui, nous devons respecter nos engagements à l’égard de l’Union européenne. Oui, il y a faiblesse à constamment les mettre en cause. Je ne vous parle pas du respect bigot d’une contrainte mais simplement, comme le président de la commission vient de le rappeler, d’un enjeu de souveraineté et de dynamisme pour notre économie.

Contradiction, monsieur le ministre, à l’égard de l’Europe, au sein même de votre majorité. Souvenez-vous des engagements fermement pris il y a à peine quelques mois, avec au moins l’apparence de la bonne foi, par Pierre Moscovici – je pense qu’il est toujours ministre de l’économie et des finances et que vous êtes toujours ministre délégué auprès de lui. Au cours de la session qui vient de s’achever avant-hier, Pierre Moscovici ne nous jurait-il pas que, naturellement, les orientations et le cadre du projet de loi de finances pour 2013 seraient respectés, que les engagements pris par la France en Europe pour 2013 et 2014, devant les Français, seraient tenus ?

Manifestement, ce que ce ministre disait il y a quelques semaines, quelques mois, ne vaut plus aujourd’hui. Ce qu’un ministre délégué disait hier ne vaut plus dans la bouche d’un autre aujourd’hui. Ce sont ces contradictions, au sein même du Gouvernement, qui ont poussé, il y a quelques mois, le président Claude Bartolone à interroger le ministre Pierre Moscovici, lequel lui a répondu très clairement « Mais non non non, vous n’y pensez pas ! ».

Contradictions dans votre majorité quand on écoute, ce qui est toujours intéressant, ce que différentes expressions, au sein du parti socialiste, énoncent, quand on voit en réalité que l’effort modeste que vous faites sur la dépense et la main déjà trop lourde, à notre avis, que vous portez sur la fiscalité, sont contestés par certains, qui souhaiteraient en faire encore moins sur la dépense et bien davantage encore sur l’impôt.

Enfin, contradiction aujourd’hui même au sein du Gouvernement, à entendre les propos tenus ce matin par Mme la ministre de l’écologie, Delphine Batho…

Un député du groupe UMP. Elle est toujours ministre ?

M. Hervé Mariton. Je le crois…

Quand une ministre du Gouvernement dit publiquement qu’elle a un mauvais budget, je ne pense pas faire preuve d’intrépidité dans mon raisonnement en disant que notre groupe est fondé à vous demander, monsieur le ministre, s’il n’y a pas quelques contradictions au sein de votre majorité !

M. Gérald Darmanin. Ça tangue !

M. Hervé Mariton. Contradiction à l’égard de l’Europe, contradiction dans votre majorité, contradiction par rapport à vos engagements. Il y a quelques mois, nous vous avons entendu dire qu’après la potion amère du collectif de 2012 et celle, tout aussi amère, de la loi de finances pour 2013, les impôts n’augmenteraient plus. Bienheureux ceux qui vous ont cru ! Sans doute ce propos a-t-il été tenu par Jérôme Cahuzac. J’ai entendu aujourd’hui certains responsables socialistes dire dans les médias : « C’est Jérôme Cahuzac qui l’a dit. » Il a bon dos !

Puis-je vous rappeler respectueusement, monsieur le ministre, que le Président de la République lui-même, François Hollande, cet hiver, s’était rallié à ce propos ? Cela veut-il dire que le propos d’un hiver ne tient plus, l’été venu ? Et qu’il suffit, avec le même Premier ministre, avec le même ministre de l’économie et des finances, de changer de ministre chargé du budget pour qu’un engagement, qui paraissait raisonnable après le matraquage fiscal de la fin de l’année 2012, soit déchiré et ne vaille plus rien ?

S’agissant de vos engagements sur l’assainissement de la situation financière, le projet de loi de finances ne vaut plus et la loi de programmation pluriannuelle pas davantage. Quant au programme de stabilité, dont vous avez dit, lors de son extravagante présentation devant la commission des finances, qu’il pouvait se substituer à un collectif budgétaire, il ne correspond pas à ce que vous annoncez et à ce que vous finissez par assumer aujourd’hui en termes de stratégie budgétaire. Monsieur le ministre, quelle est votre stratégie budgétaire ?

Vous parlez souvent – et pas toujours à tort –, de l’importance de la transparence. Eh bien, la transparence exigerait que nous débattions d’un collectif pour 2013. Ce n’est pas par bigoterie ou par goût de la procédure, c’est plus modestement par souci de transparence.

Monsieur le ministre, vous ne savez pas où vous allez tant vous portez de contradictions et, je le crains, votre politique budgétaire n’est pas à la hauteur. Elle n’est pas à la hauteur des enjeux de la France ni des contraintes auxquelles notre pays doit faire face ni de notre avenir.

Vous pouvez dire à l’ancienne majorité ce que nous pouvons nous dire nous-mêmes : nous n’avons pas été parfaits. En effet, monsieur le ministre, nous n’avons pas été parfaits ! J’ai fait partie de ceux qui ont estimé, à certaines occasions, que le curseur entre le recours à des impôts nouveaux et les économies en matière de dépenses de l’État n’était pas toujours bien placé. Mais si nous n’avons pas été parfaits, faut-il que vous aggraviez les choses à ce point, inconscients que vous êtes ? (« Oh ! » sur les bancs du groupe SRC.)

Sans doute, monsieur le ministre, n’avons-nous pas fait preuve de suffisamment de rigueur. Nous avions quelques raisons pour cela et notre stratégie pour répondre à la crise n’était pas mauvaise, il vous est arrivé de le reconnaître ! Mais dans la situation que connaît aujourd’hui notre pays, êtes-vous obligé de laisser filer ou d’être si peu ambitieux dans l’assainissement des finances publiques ?

M. Pierre-Alain Muet. Ce n’est pas triste d’entendre cela !

M. Hervé Mariton. Cher collègue, si vous ne voulez pas m’entendre, souffrez au moins d’entendre la Cour des comptes qui indique pour 2012 : « L’amélioration du déficit est modeste, 3,57 milliards, en comparaison de l’exercice précédent, 14,08 milliards ».

La Cour des comptes souligne également que la France est le seul grand État de l’Union européenne à avoir aussi souvent financé par de nouveaux emprunts la totalité des charges d’intérêts de la dette. C’est un travers que vous aggravez, même si d’autres l’ont aussi pratiqué à certains moments. Pour que la dette se stabilise, en 2012, il eût fallu, avec une croissance à 1,5 %, un déficit inférieur à 1,3 %. Vous en êtes très loin avec, aujourd’hui, une dette supérieure à 90 % du produit intérieur brut.

Dans son rapport, le rapporteur général reconnaît les faits et avoue la banalisation de la sous-budgétisation. Ce faisant, lui-même la banalise. Pour quel résultat, monsieur le ministre ? Dois-je vous le rappeler ? 2012 est la première année depuis 1984 pendant laquelle le pouvoir d’achat des Français aura baissé. 2012, c’est une baisse du pouvoir d’achat de 0,9 %. C’est la première fois depuis trente ans !

S’agissant de l’exécution 2013, vous ne respectez ni la loi de finances initiale ni le programme de stabilité. Au fond, à quel cap vous fiez-vous en 2013 ? Quel engagement pris devant les Français allez-vous respecter ? Quelle est la base démocratique, non seulement de votre politique budgétaire, mais plus largement, de la politique de l’ensemble du Gouvernement ? Tout cela pour nous mener où ? La Cour des comptes nous le dit : à un déficit probablement supérieur à 4 % du produit intérieur brut, à des moins-values en recettes – plus de 6 milliards d’euros.

La conjoncture a bon dos, car il y a aussi l’impôt, qui rentre moins bien. Et s’il rentre moins bien, c’est que vous avez trop alourdi la barque ! D’ailleurs, vous en avez la démonstration. Vous pourriez nous dire que c’est de la théorie, sauf qu’en 2013, c’est la réalité des faits qui s’exprime. S’agissant de l’impôt sur les sociétés et de la TVA, trop d’impôt tue l’impôt. Vous nourrissez de grands espoirs quant à l’augmentation du produit de l’impôt sur le revenu, mais je ne suis pas sûr que vos espérances se réalisent.

Face à ces moins-values en recettes et aux dépenses qui dérapent – il faut appeler les choses par leur nom ! –, vous aviez prévu 0,4 % d’augmentation en volume. Ce sera en réalité plus de 1 %. La Cour des comptes – encore elle – souligne les risques de dérapage des dépenses des ministères. Il faudra bien, d’ici à la fin de l’année, que vous assumiez l’impossibilité de résoudre l’équation que vous avez posée dans le budget des rémunérations de la fonction publique. Comment allez-vous concilier les chiffres que vous avez affichés, l’évolution des effectifs que vous portez par ailleurs, la mise en œuvre de quelques mesures catégorielles et la garantie individuelle du pouvoir d’achat ?

Le président de la commission a fait quelques observations aimables sur la forme, et j’en ferai une tout à l’heure. Cela étant, j’ai été très choqué de lire, dans le rapport de la Cour des comptes, que celle-ci se plaignait, dans l’évaluation de l’exécution en 2013, de n’avoir pas pu travailler dans les mêmes conditions qu’en 2012.

La Cour des comptes précise qu’elle n’a pu obtenir communication ni des prévisions internes de la Direction générale du Trésor ni des prévisions de la Direction du budget sur l’exécution du budget de l’État ni même de l’information des contrôleurs budgétaires et comptables ministériels.

M. Gérald Darmanin. C’est le changement !

M. Hervé Mariton. Il n’est pas acceptable, monsieur le ministre, quand il s’agit d’évaluer l’exécution budgétaire en cours d’année, que la Cour des comptes ne puisse disposer de ces informations et qu’elle soit amenée à dire, dans son rapport au Parlement, qu’elle se plaint de la non-communication de ces éléments essentiels.

M. Claude Goasguen. C’est vrai !

M. Hervé Mariton. S’agissant de 2014, monsieur le ministre, je veux vous faire part de ma satisfaction sur un point. Le document que vous nous avez transmis, bien que tardivement, sur l’évolution des dépenses en 2014 et la description de cette évolution ministère par ministère, est plus détaillé et plus informatif que ceux que nous avons eus ordinairement à cette étape de nos discussions budgétaires et du débat d’orientation budgétaire. Soyez remercié de ce progrès de forme !

Il n’en reste pas moins que, le rapporteur général le rappelle et vous l’assumez, la prévision du Gouvernement d’un déficit inférieur à 3 % – 2,9 % avait été évoqué en son temps – ne sera pas respectée et que nous serons au moins à 3,5 %. De nouveau, la faible croissance a bon dos pour expliquer ce dérapage ! La réalité est plus largement dans le niveau de prélèvements que nous avons atteint. Le rapport de la Cour des comptes – on ne le lit jamais assez ! – indique qu’en 2014, la France sera sans doute, hélas, au premier rang de l’OCDE pour son taux de prélèvements obligatoires. Voilà un podium que nous éviterions volontiers ! À vrai dire, quand on est au premier rang, on ne peut pas faire mieux…Mais le rapport de la Cour des comptes ne tient évidemment pas compte des dérapages fiscaux qui peuvent encore se produire dans les mois et l’année à venir.

Le rapport du rapporteur général est cependant assez curieux à lire. On y trouve la distinction entre solde structurel et solde nominal ou effectif, l’adjectif « nominal » étant en général préféré à celui d’« effectif », allez savoir pourquoi ! Mais, c’est un vrai problème pour notre commission, monsieur le président, que le rapport soit presque exclusivement orienté vers l’analyse du solde structurel au point que les analyses, ou tout simplement le chiffrage du solde effectif, soient tout à fait à la marge. Voilà qui n’est pas très heureux ni très informatif pour notre assemblée et, à l’évidence, pour notre groupe !

Le rapport du rapporteur général est intéressant. Il nous dit d’escompter une augmentation des impôts d’au moins 6 milliards. Il est à craindre bien davantage encore ! Voilà des propositions qui, assurément, inquiéteront, s’agissant de l’aggravation du cadre fiscal et de l’imposition des contrats d’assurance-vie, de l’augmentation de la fiscalité écologique – le rapporteur général s’est exprimé en particulier sur la fiscalité du gazole. Il y a peut-être une logique industrielle à rapprocher la fiscalité du gazole de celle de l’essence. Pour ce qui est de la logique écologique, franchement, je ne l’ai pas encore perçue ! Je me permets de vous rappeler, monsieur le ministre, que la cause principale de pollution aux particules, en tout cas en Île-de-France, n’est pas le gazole, mais le chauffage au bois. Donc, s’il y a une logique de fiscalité écologique, elle consiste à fiscaliser le bois, pas le gazole ! Ce n’est peut-être pas ce qui vient intuitivement ni le politiquement correct, mais c’est la réalité. Ne vous cachez pas derrière l’écologie pour mettre en œuvre ce qui ne sera, aux yeux d’un grand nombre de Français, qu’une augmentation d’impôt !

M. Gérald Darmanin. Il a raison !

M. Hervé Mariton. Évidemment, le rapporteur général nous fait part de mauvaises nouvelles à venir, s’agissant de la TVA. Il reste, à ce stade, assez pudique, mais nous savons que, comme les siennes, vos intentions, monsieur le ministre, ne sont pas très heureuses concernant les niches fiscales.

Quant à l’amendement qu’il a fait voter l’autre jour, s’il s’agit d’avoir des chiffres, pour le quotient familial, nous sommes tous preneurs d’éléments d’information ! Mais cet amendement est tout, sauf neutre. Il prescrit au Gouvernement de ne plus considérer le quotient familial comme une modalité de calcul de l’impôt – ce qu’il est depuis fort longtemps et que Didier Migaud, président en son temps de la commission des finances, avait reconnu et assumé –, et ce, grâce à un tour de passe-passe purement terminologique. On voit à quel point votre stratégie fiscale, faute d’être claire dans ses objectifs, repose sur des astuces de vocabulaire !

Et le rapporteur général de dire : « Oh, ça m’embête que ce soit une modalité de calcul de l’impôt. J’ai envie de charger la barque des niches fiscales et des dépenses fiscales. Ce sera d’ailleurs plus commode de le raboter si on le met dans la catégorie des dépenses fiscales. Raboter une dépense fiscale, c’est vertueux. Avec un peu de talent, on peut même expliquer que ce n’est pas une augmentation d’impôt, mais simplement une baisse des dépenses. »

Évidemment, pour cela, il faut changer le vocabulaire et quand la matière vous échappe, vous changez le dictionnaire et les mots. Voilà une stratégie assez pitoyable !

Concernant les dépenses, monsieur le ministre, même si j’ai pris acte que vous nous aviez livré davantage de documents que nous n’en avons d’habitude à ce stade – je renouvelle mes remerciements –, il est très difficile d’évaluer l’étendue des économies que vous proposez de réaliser.

On en reste hélas à l’exercice de l’an dernier. Au fond, vous commencez, monsieur le ministre, par mettre en avant la moindre augmentation de dépenses qui auraient pu augmenter davantage. Ce sont peut-être des économies pour vous, mais pas pour la plupart de nos concitoyens !

M. Claude Goasguen. Eh oui !

M. Hervé Mariton. Quelqu’un qui gagne cent et dont la dépense de cinquante aurait pu, compte tenu de son comportement passé, évoluer à cinquante-cinq mais n’atteindra que cinquante-deux, vous aurez du mal à lui vendre que c’est une économie de trois. En général, cela s’appelle toujours une augmentation de dépenses. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Claude Goasguen et M. Bernard Perrut. Très bien !

Mme Marie-Christine Dalloz. Très belle démonstration !

M. Hervé Mariton. S’il vous plaît, monsieur le ministre, un peu de modestie, d’objectivité et de réalité dans vos présentations !

M. Christophe Caresche. Voilà qui vous va bien ! Paroles d’expert !

M. Hervé Mariton. Quelle est, monsieur le ministre, la réalité de vos chiffres ? Quelles économies allez-vous réellement entreprendre ?

M. Claude Goasguen. C’est bien tout le problème !

M. Hervé Mariton. Nous sommes capables de procéder à un décryptage, mais nos concitoyens ? Vous pouvez faire parfois illusion, car vous avez du talent.

M. Dominique Baert. C’est vrai qu’il n’en manque pas !

M. Hervé Mariton. Ayez donc la gentillesse, monsieur le ministre, de distinguer une moindre augmentation de dépenses d’une économie !

M. Bernard Perrut. De fait, ce n’est pas pareil !

M. Hervé Mariton. À propos de moindres augmentations de dépenses, nous voici retombés dans le débat de l’an dernier. Il est tellement tentant, pour le Gouvernement, de qualifier de « spontanées » le plus d’augmentations de dépense possible ! Cette année comme l’an dernier, on constate un décalage avec les chiffres de la Cour des comptes dont nous n’avons toujours pas l’explication complète. Quand celle-ci parle d’une augmentation spontanée de six milliards d’euros, le Gouvernement y ajoute un ou deux milliards d’euros, qui sont autant d’économies à afficher ! Je ne sais, monsieur le ministre, si c’est de la vertu, mais c’est assurément de la petite vertu ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Thierry Braillard. C’est petit ! (Sourires.)

M. Hervé Mariton. Vous nous donnez, monsieur le ministre, quelques précisions, dont les dépenses nettes de l’État. Elles s’élèveront à 371,4 milliards d’euros, soit une économie de 100 millions d’euros par rapport à l’année précédente. Voilà un gouvernement héroïque, assurément ! Vendre aux Français une économie de 100 millions d’euros sur 371,4 milliards, reconnaissez que c’est très en deçà de la marge d’incertitude et que ça ne répond en rien à la situation d’urgence de notre pays !

M. Bernard Perrut. En effet, ce n’est rien !

M. Hervé Mariton. Vous savez par ailleurs, monsieur le ministre, que la charge de la dette s’élève à 600 millions d’euros. Vous savez aussi que nous sommes plutôt en situation de reprise des taux d’intérêt. Il y a dès lors fort à craindre que vos 100 millions d’euros seront très vite mangés par l’augmentation des taux d’intérêt.

Quant à la réduction des dépenses, monsieur le ministre, quel arbitrage ferez-vous entre fonctionnement et investissement ? Dans le budget de l’écologie, en baisse de 7 %, il y a fort à parier que vous ferez porter l’effort bien davantage sur l’investissement que sur le fonctionnement. Il y a fort à parier aussi que vous serez très indulgent et très aimable en matière de subventions à des réseaux et associations amis et que c’est en réalité l’action de l’État qui pâtira de vos choix et de vos arbitrages budgétaires ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Bernard Perrut. C’est du clientélisme !

M. François André. Parole d’expert !

M. Thomas Thévenoud. Procès d’intention !

M. Hervé Mariton. Du moins ne niez-vous pas, chers collègues de l’opposition !

M. Razzy Hammadi. Un ancien Premier ministre a déclaré que la France est en faillite !

M. Dominique Baert. Il s’appelait Fillon !

M. Hervé Mariton. Delphine Batho a qualifié aujourd’hui son budget de « mauvais » mais espère se rattraper sur la fiscalité, en clair sur le dos des contribuables ! Sans compter les dix milliards d’euros de compensation économique et financière minimale de la fermeture de la centrale de Fessenheim, si hélas vous y parvenez ! Le président du groupe écologiste, tout en déplorant la baisse de 7 % évoquée, se rassurait tout à l’heure de la préservation de l’aide aux réseaux et associations.

Même quand vous essayez de réaliser des économies, monsieur le ministre, décision après décision, vous ne résistez pas à l’engagement de dépenses supplémentaires. Les projets que vous avez présentés il y a quelques semaines à propos de la famille le montrent : la baisse du quotient familial s’accompagne de l’augmentation d’un certain nombre de dépenses. À chaque fois, vous rendez l’exercice plus difficile ! Où est la réforme de l’État ? Des mauvaises nouvelles, encore et toujours ! Ceux qui dans votre camp plaident pour la progressivité de la CSG, des impôts nouveaux et la grande réforme fiscale se voient opposer la sagesse du ministre, qui déclare qu’un grand soir fiscal n’est pas opportun ! Vous avez raison, monsieur le ministre, pour le moins, tant cela comporte de risques d’erreurs de calcul et d’alourdissement supplémentaire de la fiscalité ! François Hollande a déclaré : « Nous n’alourdirons pas la pression fiscale en cours d’année. » Nous voilà rassurés pour 2013, mais le pire est à craindre pour 2014 !

M. Alain Fauré. Qu’avez-vous fait auparavant ? Donner des leçons, c’est un peu facile !

M. Hervé Mariton. Vous persistez, monsieur le ministre, dans la mauvaise habitude de la rétroactivité de l’instabilité, comme le montre l’échec du crédit d’impôt compétitivité emploi. Comment améliorerez-vous les résultats en ce qui concerne l’ONDAM, monsieur le ministre ? En reprenant aux cliniques ce que vous leur aviez proposé par le CICE ! Eh bien ! Que tous les secteurs d’activité du pays le sachent, ce que vous proposez par le CICE, vous pouvez le reprendre quelques mois après ! Dans ces conditions, comment voulez-vous que cela fonctionne ?

M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue.

M. Pascal Deguilhem. Oui, on a compris !

M. Hervé Mariton. Ce que nous constatons simplement, monsieur le ministre, c’est que votre politique budgétaire est menée contre l’opposition, ce qui sans doute est dans l’ordre des choses, mais aussi contre votre majorité et contre les Français ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Plusieurs députés du groupe UMP. Bravo !

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé du budget.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Je vous remercie, mesdames et messieurs les députés, pour votre première contribution à nos débats budgétaires. J’ai écouté avec beaucoup d’intérêt les propos du rapporteur général, M. Christian Eckert, ceux du président de la commission des finances, M. Gilles Carrez et à l’instant la présentation de M. Mariton. Le débat sur les orientations budgétaires se poursuivra tout à l’heure, je répondrai donc à la fois au président de la commission des finances et à M. Mariton, non par des polémiques ou des philippiques mais par des chiffres, car telle est la meilleure manière d’aborder un débat budgétaire.

Vous vous inquiétez, monsieur Mariton, de la dégradation de la situation de notre pays au cours des douze derniers mois. Je voudrais vous donner quelques chiffres simples, ceux de 2002, lorsque nous avons quitté la responsabilité du pouvoir, et ceux de 2011. En 2002, le déficit budgétaire de la France était de 3,3 % et celui de l’Allemagne de 3,8 %, c’est-à-dire que la situation budgétaire de l’Allemagne, lorsque nous avons quitté le pouvoir en 2002, était moins bonne que celle de la France.

M. Yannick Moreau. Va-t-on remonter jusqu’en 1981 ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. En 2011, le déficit budgétaire de la France était de 5,3 % et celui de l’Allemagne de 0,8 %, c’est-à-dire que l’écart en notre faveur en 2002, après cinq ans d’exercice du pouvoir du gouvernement de Lionel Jospin, était de -5 en défaveur de l’Allemagne. Il était de 4,5 en défaveur de la France lorsque vous nous l’avez laissé.

M. Yannick Moreau. Le contexte n’était pas le même !

M. Nicolas Dhuicq. Nous sommes en 2013 !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Quand on a de tels résultats en matière de déficit budgétaire, monsieur Mariton, on ne peut se permettre de donner des leçons avec tant d’arrogance à une majorité qui depuis un an s’emploie à redresser les comptes du pays ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC, exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Thomas Thévenoud. 1-0 !

M. Dominique Baert. Faites donc preuve d’humilité !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Je voudrais vous donner un deuxième chiffre, très intéressant. En 2006, l’Allemagne avait une dette de 68 milliards d’euros et la France de 64 milliards d’euros. En 2011, celle de l’Allemagne s’élève à 82 milliards d’euros et celle de la France à 90 milliards d’euros. Entre 2006 et 2011, la dette allemande a augmenté de 14 %, celle de la France de 26 %. En 2006, la dette française était inférieure à la dette allemande. Entre 2006 et 2011, la première a augmenté deux fois plus vite que la seconde !

M. Claude Goasguen. Il faut donc faire comme l’Allemagne !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Voilà qui vous donne une légitimité absolue pour l’exercice de donneur de leçons, auquel vous venez de vous livrer à l’instant avec une absence totale de vergogne ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Thomas Thévenoud. 2-0 !

M. Yannick Moreau. De tels chiffres ne méritent pas d’applaudissements !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. J’ajouterai à ces considérations quelques éléments complémentaires en réponse aux propos de Gilles Carrez et vous-même, monsieur Mariton. Vous déplorez l’augmentation de la dépense publique et vous le faites de façon outrancière, ce qui donne à penser à ceux qui vous écoutent que la dépense publique a diminué lorsque vous étiez aux responsabilités au cours des dix dernières années. Voici donc quelques chiffres.

M. Hervé Mariton. Vous étiez parfait jusqu’ici, monsieur le ministre !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Je souhaite simplement, monsieur Mariton, donner quelques chiffres afin que nous soyons bien d’accord de ce dont nous parlons. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Je vous ai écoutés, mesdames et messieurs les députés de l’opposition. Je ne considère pas la vie publique comme un pugilat. À propos de sujets aussi sérieux que ceux qui nous occupent, on peut s’écouter les uns les autres. J’ai moi-même écouté avec beaucoup d’intérêt et de respect M. Mariton, car il est toujours intéressant d’écouter ce que suggère l’opposition lorsqu’elle avance des chiffres et des idées. Je demande simplement, mais peut-être est-ce trop demander, une écoute réciproque. La dépense publique a augmenté de 2,3 % en moyenne entre 2002 et 2007 et de 1,7 % en moyenne entre 2007 et 2012.

M. Hervé Mariton. Hélas ! (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC.)

Un député du groupe SRC. Il fallait le dire avant !

Un député du groupe UMP. Il l’a dit !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Je peux donner un autre chiffre si vous le voulez. Entre 2007 et 2012, la dépense publique a augmenté de 170 milliards d’euros. Et en voici un troisième : entre 2007 et 2012, le déficit structurel est passé de 30 à 100 milliards d’euros, soit deux points d’augmentation. Je comprendrais parfaitement, monsieur Mariton, qu’en dépit des résultats et des chiffres que je viens de vous donner et dont vous savez parfaitement qu’ils sont incontestables, vous montiez à la tribune pour dire à quel point nous sommes mauvais si et seulement si nous avions creusé les déficits structurels et nominaux depuis 2012. Mais quelle est l’évolution du déficit structurel en 2012 ? Il diminue, monsieur Mariton, de 1,2 %.

M. Éric Woerth. Par les impôts !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Notre objectif en 2013 est 1,3 %. Vous affirmez que les déficits augmentent, expliquant qu’il faut s’en tenir aux déficits nominaux car le déficit structurel serait une manière de s’absoudre de l’incapacité à tenir nos objectifs nominaux. Mais le déficit nominal, qui était de 5,3 % en 2011, est de 4,8 % en 2012 et d’environ 4 % en 2013, même en prenant les pires hypothèses que vous évoquez vous-même. Autrement dit, là où vous avez augmenté continûment et les déficits structurels et les déficits nominaux, nous les diminuons. Et vous vous autorisez à expliquer que votre époque était l’alpha et l’oméga de la rigueur budgétaire et la nôtre le laisser aller absolu en matière de gestion des finances publiques ! Vous conviendrez quand même, monsieur Mariton, vous qui parlez de transparence et de sincérité, qu’il doit y avoir d’autres manières d’aborder ces questions que celle que vous venez d’employer, car la simple évocation des chiffres que je viens de rappeler à la représentation nationale montre qu’il y a derrière votre propos une dose de mauvaise foi et un toupet incommensurables et sans limites ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Hervé Mariton. Non !

M. Thomas Thévenoud. 3-0 ! Il n’y aura pas de prolongations !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Je ne voudrais pas allonger trop le débat, car la manière dont vous avez abordé les choses, monsieur Mariton, est extraordinairement politicienne. Je conclurai, et cela s’adresse également au président de la commission des finances, par un propos tenu devant celle-ci par le Premier Président de la Cour des comptes, que vous avez souvent évoqué. Très bref, il dit tout à lui seul. Qu’a dit Didier Migaud il y a quelques jours devant la commission des finances ? Il a dit la chose suivante : « Notre pays a commencé à redresser sa crédibilité en matière de finances publiques après dix ans de non-respect de ses engagements. » La messe est dite ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Dans les explications de vote sur la motion de rejet préalable, la parole est à Mme Sandrine Mazetier, pour le groupe SRC.

Mme Sandrine Mazetier. Je ne sais pas si c’est la période des examens qui veut ça, mais j’ai relevé, à l’écoute des interventions d’Hervé Mariton et de Gilles Carrez, d’énormes impasses et de nombreux hors-sujet. Par ailleurs, je m’étonne que vous réclamiez un collectif budgétaire, puisque vous en avez vous-mêmes fait quinze durant les cinq dernières années, avec pour résultat une aggravation de la dette de 600 milliards d’euros : si cela vous avait permis d’échapper à votre bilan désastreux, cela se saurait !

Je comprends que vous fassiez l’impasse sur la loi de règlement de 2012, tant les chiffres que vient de rappeler M. le ministre à l’instant, au sujet de la situation dont nous avons hérité, sont accablants. Je comprends que vous n’ayez pas envie de rappeler les priorités qui ont été les vôtres : le bouclier fiscal et la protection des grands groupes. Les nôtres, très différentes, se sont exprimées dès le collectif budgétaire que nous avons voté en juillet 2012 : je veux parler de la justice fiscale, du rétablissement de l’ISF, d’un équilibre entre la fiscalité des grands groupes et celle des PME et, enfin, d’une attention particulière portée aux classes moyennes et aux catégories modestes, que vous avez sacrifiées pendant cinq ans.

Dans ces conditions, je comprends que vous n’ayez pas envie de parler de la loi de règlement de 2012 et que vous préfériez nous entraîner sur d’autres sujets. Quant aux priorités qui s’annoncent pour le débat d’orientation budgétaire, le groupe socialiste y souscrit pleinement, car nous assumons nos priorités, à savoir l’emploi, la justice, la police, l’éducation et le logement – toutes choses que nous avons décidé de régler, alors que vous y aviez renoncé. Merci, monsieur le ministre, d’avoir rappelé ces priorités. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour le groupe UMP.

Mme Marie-Christine Dalloz. Lorsqu’on parle de budget, on est aujourd’hui confronté à une réalité étonnante. Ainsi, votre budget pour 2014 n’est pas encore connu qu’il a déjà fait une victime collatérale en la personne de Mme Batho, qui s’est fait remercier dès cet après-midi à la suite de son intervention de ce matin. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Razzy Hammadi et Mme Catherine Lemorton. Bravo ! Quelle classe, madame Dalloz !

Mme Marie-Christine Dalloz. Tout à l’heure, M. le ministre et M. le rapporteur général se sont émus de nos déclarations de la semaine dernière. Mais très sincèrement, quand on écoute aujourd’hui les Françaises et les Français, on perçoit très bien leur inquiétude. Pour ma part, je tiens à rappeler en ce lieu que la liberté d’expression de l’opposition existe et qu’elle doit être respectée.

M. Claude Goasguen. Ça, ils ont un peu de mal à le comprendre !

Mme Marie-Christine Dalloz. Sur le fond, l’analyse du solde structurel est une nouveauté que vous avez inventée pour mieux dissimuler la réalité du solde effectif. Je trouve dommage de procéder ainsi : on peut toujours se faire plaisir avec des chiffres, il n’empêche que le solde réel déficitaire, c’est bien le solde effectif, sur lequel vous ne vous appesantissez guère.

Vos recettes sont en baisse. Sans doute devriez-vous vous inspirer de l’adage selon lequel trop d’impôt tue l’impôt – un vieil adage, mais plein de bon sens, et qu’il est dommage que vous refusiez d’entendre.

M. Alain Fauré. Les Français nous ont entendus en juin 2012 !

Mme Marie-Christine Dalloz. Quant aux dépenses, il n’est pas une semaine sans qu’on nous en annonce de nouvelles. Alors que les 60 000 postes de l’enseignement n’étaient pas financés, on en crée 10 000 supplémentaires et on accorde une prime aux enseignants !

Enfin, alors que votre projet de budget pour 2013 était basé sur une prévision de croissance de 0,8 %, la croissance devrait s’établir, au mieux, à 0,1 % – là encore, la réalité vous rattrape, pour ne pas dire qu’elle vous dépasse largement. Face à cette situation qui inquiète les Français, il nous semble qu’il serait naturel et sain d’envisager un collectif budgétaire. Nous vous demandons instamment plus de vérité et de transparence dans nos finances publiques : il en va de l’avenir et de la valeur de la signature de la France. Pour toutes ces raisons, le groupe UMP votera la motion de rejet préalable de M. Christian Jacob. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Éric Alauzet, pour le groupe écologiste.

M. Éric Alauzet. M. Mariton nous a infligé le discours de l’autruche : comme l’a parfaitement démontré M. le ministre, les déficits n’ont jamais autant augmenté que lorsque la droite était au pouvoir, de même que la dépense. Décidément, la mémoire semble vous faire franchement défaut !

Paradoxalement, c’est maintenant, alors que la gauche et les écologistes ont décidé de prendre à bras-le-corps le problème de la dette et de la dépense publique, que vous en demandez plus – sans doute dans l’espoir de vous déculpabiliser de ce que vous n’avez pas fait durant les cinq ou dix dernières années. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Marie-Christine Dalloz. C’est faux !

M. Éric Alauzet. Il faut bien le dire, vous nous avez laissé le sale boulot. Nous l’assumerons, n’en doutez pas, mais sans utiliser les remèdes infligés à la Grèce, à l’Espagne ou au Portugal – ces remèdes que vous voudriez appliquer, mais dont les Français ne veulent pas.

Je conclurai en évoquant le petit couplet de M. Mariton sur la taxation du bois par rapport au gasoil. Je ne sais pas si c’est de la provocation ou du négationnisme, mais comment peut-on ignorer à ce point la différence entre le bois et le fuel, entre une énergie renouvelable et une énergie fossile, entre l’impasse industrielle que représente le gasoil et l’avenir prometteur du bois, entre les impacts respectifs, en termes écologiques, de l’utilisation du bois et du gasoil – ce dernier étant, comme on le sait, calamiteux ? Ignorance ou pure provocation, je ne saurais le dire, toujours est-il que le groupe écologiste rejettera cette motion de rejet préalable.

M. le président. La parole est à M. Thierry Braillard, pour le groupe RRDP.

M. Thierry Braillard. Le groupe RRDP ne peut, évidemment, soutenir cette motion de rejet préalable. En écoutant M. Mariton – qui nous a fait l’honneur de quitter l’hémicycle sitôt sa motion défendue…

M. Dominique Baert. Sans doute cherche-t-il à rameuter ses troupes avant le vote !

M. Thierry Braillard. …j’ai repensé à M. Fillon qui, en septembre 2007, avait déclaré considérer être à la tête d’un État en faillite.

M. Thomas Thévenoud. Eh oui ! Mais Fillon n’est pas là, lui non plus !

M. Thierry Braillard. Quand on fait un tel constat, on prend les mesures adéquates pour éviter que la situation empire. Or, force est de constater que cela n’a pas été le cas puisque, cinq ans plus tard, cette situation avait considérablement empiré. Je trouve donc à la limite de l’indécence d’entendre certains nous donner des leçons…

M. Claude Goasguen. On ne donne pas de leçons, on joue notre rôle d’opposition !

M. Thierry Braillard. Ce n’est pas parce qu’on est dans l’opposition qu’on doit raconter n’importe quoi !

Le Gouvernement actuel a décidé de faire les efforts qu’aucun gouvernement n’a faits durant les dix dernières années. Nous ne pouvons donc nous associer à cette motion de rejet préalable qui nous apparaît quelque peu surréaliste, je vous le dis franchement, mes chers collègues de l’opposition, au regard des résultats qui ont été les vôtres à la fin de la mandature précédente. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

(La motion de rejet préalable, mise aux voix, n’est pas adoptée.)

Motion de renvoi en commission

M. le président. J’ai reçu de M. Christian Jacob et des membres du groupe de l’Union pour un mouvement populaire une motion de renvoi en commission déposée en application de l’article 91, alinéa 6, du règlement.

La parole est à M. François Cornut-Gentille.

M. François Cornut-Gentille. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, une fois encore, nous nous préparons à adopter à la sauvette la loi de règlement de l’année précédente. Je voudrais, mes chers collègues, vous convaincre que c’est là une mauvaise habitude avec laquelle il est grand temps de rompre.

Nous souhaitons tous un État plus efficace. J’ai la conviction qu’un travail approfondi à l’occasion de la loi de règlement est une condition essentielle pour progresser vers cet objectif. Aussi, dans cette motion de procédure, il ne sera question ni de critiquer ni de soutenir le Gouvernement, mais simplement de proposer des pistes pour améliorer collectivement la qualité et l’utilité de nos travaux.

Seule notre soumission à l’agitation permanente et à la routine nous empêche de percevoir une série d’évidences qui devraient nous amener à réfléchir. Chaque année, il nous faut entre trente et quarante jours pour adopter, à quelques détails près, le budget du Gouvernement. En effet, sous la Ve République, le rôle du débat budgétaire n’est pas d’élaborer le budget mais d’éclairer l’opinion sur les choix gouvernementaux.

La majorité soutient et explique. L’opposition s’oppose et critique. En outre, le débat ne porte pas sur la réalité mais sur un projet, c’est-à-dire sur des intentions que la majorité s’empresse de trouver excellentes, tandis que l’opposition en dénonce la naïveté ou la duplicité.

Il serait, bien sûr, inopportun de remettre en cause l’intérêt de ce moment de la vie parlementaire : les affrontements, certes un peu formels, qu’il occasionne permettent néanmoins une réelle pédagogie. Cela ne doit pas nous empêcher de constater que l’exercice comporte de longs tunnels qui ne paraissent pas vraiment indispensables. Je pense en particulier à la lourdeur des commissions élargies qui, de l’avis général, ne produisent pas grand-chose. Je crois même qu’un débat de loi de finances initiale légèrement raccourci ne signifierait pas une baisse de qualité, bien au contraire.

Ainsi, en dépit de ses imperfections, le débat budgétaire reste un acte privilégié de la vie parlementaire qui mobilise, pendant plus d’un mois, Gouvernement et Parlement avec une forte visibilité médiatique. Quel contraste saisissant avec la loi de règlement ! Cette loi, assez éloignée de la loi de finances initiale, est généralement adoptée en à peine deux heures, alors qu’elle reflète pourtant la réalité du budget exécuté. Et la discussion, qui reste limitée à quelques spécialistes de la commission des finances, ne suscite qu’un intérêt très modéré dans la presse. Au même moment, l’attention se porte en effet sur le débat d’orientation des finances publiques, prélude de la loi de finances.

Je vous propose d’examiner rapidement trois questions. Pourquoi est-il important de consacrer plus de temps à la loi de règlement ? Y a-t-il des motifs sérieux qui s’y opposent ? Enfin, de quelle manière devons-nous engager ce travail ?

La loi de finances initiale affiche des objectifs ; elle permet à la majorité d’expliquer et de soutenir son projet, tandis que l’opposition défend un contreprojet. Dans toutes les interventions, il s’agit toujours, au final, d’un acte politique de soutien ou d’opposition plus ou moins nuancé.

La loi de règlement se prête, elle, à un questionnement très différent. Il ne s’agit plus d’être pour ou contre, mais de constater – et, à partir de là, de comprendre – pourquoi, dans tel ou tel domaine, les dépenses ont été supérieures ou inférieures aux prévisions, ou bien d’évaluer la capacité à atteindre les objectifs fixés. Aussi les débats n’ont-ils pas vocation à aboutir à un jugement sur l’action du Gouvernement et des ministres. Ils doivent plutôt conduire à s’interroger sur le fonctionnement même de l’État et sur l’efficacité de la dépense publique.

Telle était, d’ailleurs, l’ambition des promoteurs de la LOLF : permettre aux parlementaires de mieux évaluer la dépense publique afin d’engager la réforme de l’État en s’appuyant sur des analyses étayées. Force est de constater que, dix ans plus tard, nous n’avons nullement progressé dans cette direction. Nous en sommes toujours au débat assez caricatural et stérile entre partisans de la dépense publique et partisans des coupes budgétaires. Nous attendons vainement un débat plus opérationnel, qui n’exclurait nullement les clivages politiques, mais reposerait au moins sur une analyse documentée de l’efficacité de la dépense.

Compte tenu de l’enjeu politique, l’exercice n’est pas réalisable en loi de finances initiale. Il est, au contraire, absolument logique en loi de règlement. Sans ce travail, la réforme de l’État peine à s’affirmer comme une priorité, handicapée par le manque de soutien au sein même de la majorité parlementaire. Ce fut indéniablement un des points faibles de la RGPP, que Christian Eckert et moi-même avions pointé du doigt dans un rapport rédigé dans le cadre du comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques – le CEC. Ce diagnostic fut confirmé quelques mois plus tard par les inspecteurs généraux missionnés par le nouveau gouvernement.

Aujourd’hui encore, l’absence d’implication réelle du Parlement explique, au moins partiellement, la difficulté à donner un contenu opérationnel à cette modernisation de l’action publique – la MAP – qui était censée corriger les défauts de la RGPP.

J’ajoute, que chaque année, ce travail nous est expressément demandé, avec de plus en plus d’insistance, par la Cour des Comptes et son premier président, M. Didier Migaud.

Mais il y a plus grave. Devant notre inaction, n’est-il pas humiliant pour notre assemblée de voir désormais régulièrement cette même Cour des comptes se saisir de sujets qui devraient être, d’abord, les nôtres ? Ainsi en est-il du récent rapport sur l’éducation nationale ou d’un autre, plus ancien, sur les prestations familiales.

Avec un peu de recul, n’est-il pas déconcertant de constater qu’en dépit d’un accord unanime, à gauche comme à droite, chez les nouveaux parlementaires comme chez les anciens, il ne se passe rien ?

Il nous faut alors examiner les raisons qui s’opposent à la montée en puissance d’un travail sérieux sur la loi de règlement.

On ne trouve bien évidemment aucune objection de fond : est-ce vraiment une surprise ? Ce sont plutôt des difficultés tenant au calendrier ou à un manque de moyens qui sont toujours invoquées.

Que valent ces raisons ? En fait, pas grand-chose. Le calendrier et les moyens ne sont que des prétextes qui reflètent simplement le choix, non assumé parce qu’inaffichable, de privilégier notre fonction législative au détriment de celle du contrôle, qui demeure extrêmement marginalisée.

Qui ne sent pourtant la nécessité d’un profond rééquilibrage ? Les digues semblent avoir craqué avec l’instauration de la session unique. Rappelons cependant que, dans l’esprit de Philippe Séguin, son objectif n’était nullement de multiplier les lois mais de mieux contrôler tout au long de l’année.

Depuis lors, la prolifération législative est une réalité qui entraîne la saturation du calendrier et la banalisation des sessions extraordinaires. Mais n’est-il pas temps de nous interroger sur l’efficacité de cette surchauffe ? Toujours plus de lois, est-ce nécessairement un mieux pour notre pays et nos concitoyens ? Au contraire, ne doit-on pas se demander si cette profusion n’entraîne pas une bureaucratisation désespérante ? Ne fait-elle pas le jeu des corporatismes et des lobbies ? Enfin, n’est-elle pas à mettre en rapport avec la montée des déficits improductifs ?

Pour ma part, je crois que les Français ont très bien compris ce lien paradoxal entre suractivité législative et impuissance publique. Nos lois deviennent trop souvent de simples « plans com » destinés à alimenter les chaînes d’information en continu. Ne pourrions-nous pas décider de passer à autre chose ?

On objectera aussi que le travail de contrôle est austère et ne suscite qu’un faible impact médiatique. C’est faux : les travaux de la Cour des comptes déjà évoqués sur la gestion des enseignants et des prestations familiales ont bénéficié dans les faits d’un écho beaucoup plus puissant que bien des rapports parlementaires. Et que dire du rapport sur la gestion de Sciences Po !

On objectera enfin que le travail de contrôle constitue une gêne pour l’action du Gouvernement. C’est exactement le contraire : la RGPP a été justement fragilisée par les craintes d’une partie de l’ancienne opposition.

De même, faute d’un engagement du Parlement, la MAP se dilue aujourd’hui dans des dosages et des compromis qui ne sont pas à la hauteur des enjeux.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Tu me déçois, François ! Jusque-là, ça allait…

M. François Cornut-Gentille. En travaillant davantage sur l’efficacité de la dépense publique, la majorité parlementaire serait bien plus à même d’accompagner et d’encourager le Gouvernement dans la mise en œuvre de la réforme de l’État. En réalité, un Parlement faible, comme il l’est aujourd’hui sur ces sujets, constitue une difficulté supplémentaire pour un Gouvernement qui souhaite avancer.

Il est une question, monsieur le ministre, sur laquelle je serai très intéressé de recueillir votre avis : percevez-vous l’utilité d’une Assemblée nationale plus exigeante et plus solide en matière de contrôle ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. À mon avis, il va répondre : « Oui » !

M. François Cornut-Gentille. Il y a quelques mois, le président Bartolone m’a chargé, avec Régis Juanico, de réfléchir aux moyens de valoriser les travaux que nous menons sur la loi de règlement et d’en faire un instrument essentiel de notre fonction de contrôle.

Mes chers collègues, je vous propose trois axes d’amélioration, dont chacun est affaire de volonté collective. Sommes-nous suffisamment déterminés pour rompre résolument avec une certaine routine ? Car c’est bien une véritable révolution culturelle qui est nécessaire pour permettre la montée en puissance de nos travaux de contrôle et faire de l’examen de la loi de règlement un temps parlementaire fort.

La réussite de cette ambition repose sur notre capacité à assumer trois ruptures.

La première d’entre elles consiste à sanctuariser l’examen de la loi de règlement, aujourd’hui bousculé par un ordre du jour surchargé et, tous les cinq ans, par l’élection présidentielle.

La question se pose alors de savoir si l’on maintient le débat au début de l’été, comme actuellement, ou si on le déplace à l’ouverture de la séquence budgétaire de la rentrée. Cette seconde option présenterait l’avantage de donner une visibilité immédiate et, à terme, influencerait immanquablement le contenu et la qualité des débats de la loi de finances initiale.

La deuxième rupture consiste à promouvoir ce travail de contrôle tout au long de l’année, dans le cadre d’une démarche qui concerne toute l’Assemblée. Cela suppose un engagement pour dégager du temps et des moyens humains au sein de toutes les commissions, et pas seulement au sein de la commission des finances qui, pour sa part, ne doit pas chercher à conserver un monopole sur une fonction aujourd’hui insuffisamment exercée. Il ne tient qu’à nous de nous engager dans cette voie.

Ces deux ruptures essentielles – sanctuarisation du calendrier et implication générale de l’Assemblée tout au long de l’année – ne peuvent s’accomplir que grâce à une modération parallèle de l’activité purement législative. Celle-ci doit être mieux encadrée, à la fois juridiquement et dans le temps. Au fond, s’agit-il d’un bouleversement ou d’un simple et utile retour aux sources des articles 34 et 37 de la Constitution ?

Qui peut croire qu’une loi de plus en plus bavarde et pléthorique valorise notre assemblée ?

La troisième rupture consiste à systématiser une démarche qui a déjà démontré son intérêt. Il s’agit de la constitution de binômes de députés de la majorité et de l’opposition pour tous les contrôles qui concernent l’efficacité de la dépense publique. Cela me parait possible, dans la mesure où il ne s’agit pas de se positionner par rapport à l’action du Gouvernement mais d’auditer l’action de l’État et de ses services.

Avec cette motion de renvoi en commission, mes chers collègues, je vous propose un objectif clair : entamer sans attendre un travail toujours repoussé sous de futiles prétextes pour que, l’année prochaine, l’examen de la loi de règlement ne soit plus une formalité vide de sens.

Un renvoi en commission ne constituerait pas un acte de défiance à l’égard du Gouvernement mais, au contraire, un acte parlementaire fort d’affirmation et de refondation de notre mission de contrôle.

Au fond, mes chers collègues, le choix est extrêmement simple.

Si vous estimez que nous exerçons de façon totalement satisfaisante notre mission de contrôle, votez au plus vite cette loi de règlement pour retourner dès que possible à nos joutes traditionnelles.

Si vous estimez au contraire que nous devons faire preuve de plus d’exigence et de constance dans notre rôle, profitez de cette motion pour faire part de votre détermination (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Monsieur le député François Cornut-Gentille, je retrouve à travers votre intervention la qualité de votre investissement sur les missions de contrôle qui incombent au Parlement. Vous en avez témoigné très régulièrement à l’occasion de la précédente législature, sur la révision générale des politiques publiques, et à l’occasion de la mission de contrôle – que nous avons d’ailleurs conduite ensemble – sur la réforme du ministère de la défense.

Vous proposez que nous profitions de l’examen de la loi de règlement pour approfondir les missions de contrôle exercées par le Parlement. Si tous les aspects que vous avez soulevés ne relèvent évidemment pas de la compétence du Gouvernement, sachez que, pour ce qui en dépend, nous y sommes bien entendu favorables. Nous serons toujours à la disposition du Parlement pour faire en sorte qu’il dispose de la totalité des éléments qui lui permettent d’avoir une photographie précise et juste de ce qu’est la situation des finances publiques.

Nous pouvons nourrir des désaccords sur le fait de faire prévaloir telle ou telle orientation des finances publiques, mais il n’y a pas de raison de mettre en cause la sincérité du Gouvernement dans la volonté qu’il exprime d’assurer la transparence de la situation des finances publiques et de communiquer au Parlement tout élément qui lui permette d’exercer ses prérogatives de contrôle. C’est la raison pour laquelle je suis venu souvent rendre compte à la commission des finances, que je réponds systématiquement aux demandes d’informations de son rapporteur et de son président et que je le ferais volontiers si le Parlement décidait d’aller plus loin dans l’exercice de ses prérogatives de contrôle concernant la loi de règlement (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Dans les explications de vote sur la motion de renvoi en commission, la parole est à M. Pierre-Alain Muet, pour le groupe SRC.

M. Pierre-Alain Muet. Nous venons d’écouter avec intérêt M. Cornut-Gentille. Nombre de ses propositions me semblent intéressantes mais auraient dû être mises en œuvre depuis longtemps. J’ai l’impression qu’il se trompe d’époque, car il est aujourd’hui dans l’opposition. Que n’a-t-il fait tout cela lorsqu’il était dans la majorité ? Cela aurait évité un grand nombre d’erreurs de politique économique commises au cours du précédent quinquennat.

J’ai l’impression, en entendant le président de la commission des finances jouer le rôle de porte-parole du groupe UMP puis M. Cornut-Gentille s’exprimer de façon très générale et très intéressante, qu’il y a une erreur dans le choix des rôles.

C’est pourquoi je souhaite répondre au président de la commission des finances par des arguments politiques et saluer ce que vient de dire M. Cornut-Gentille.

Vous auriez dû le faire plus tôt, parce que vous avez appartenu à une majorité qui, pendant cinq ans, a créé un déficit structurel compris entre 3,4 % et 5 % du PIB, ce que l’on n’avait jamais vu dans notre histoire.

C’est en raison de cela, parce que le déficit structurel hors crise était faramineux, que la dette a explosé – au point de doubler en dix ans et d’augmenter de vingt points de PIB en cinq ans – que nous avons hérité une situation qui impose de réduire fortement le déficit structurel.

La nouvelle majorité a apporté un changement fondamental, car elle considère que ce qui est décisif, c’est de respecter un niveau de déficit structurel.

Le président de la commission des finances a passé son temps, depuis une semaine, à réclamer un collectif budgétaire.

Mme Marie-Christine Dalloz. Heureusement !

M. Pierre-Alain Muet. Non, madame ! Ce qui compte, ce qui reflète les choix exercés par une majorité, c’est le déficit structurel. C’est intelligent, parce que cela laisse jouer les stabilisateurs automatiques et laisse au budget le soin d’amortir les chocs. C’est intelligent, parce que cela respecte le vote du Parlement : personne, au sein de cette assemblée, ne vote un taux de croissance, mais des mesures, que l’on retrouve, évidemment, dans le déficit structurel. Enfin, quand on retrouvera une situation normale, cela permettra de savoir exactement où l’on en est. Si vous aviez fait cela en 2007, la France ne serait pas dans la situation que l’on a trouvée (Exclamations sur les bancs du groupe UMP - Applaudissements sur les bancs du groupe SRC) car, comme on l’a très bien vu lors de la réunion de la commission des finances, le déficit structurel dont nous avons hérité est exactement celui que vous avez créé en 2007 et en 2008 par une politique irresponsable.

Vous nous demandez de renvoyer aujourd’hui en commission le texte soumis à notre examen. Eh bien, ce qui méritait d’être renvoyé – les électeurs l’ont fait ! –, c’est la politique que vous avez menée pendant cinq ans (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

(La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n’est pas adoptée.)

Mme Marie-Christine Dalloz. C’est dommage !

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Philippe Vigier.

M. Philippe Vigier. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, que dire de l’année 2012 sinon qu’elle fut celle de la désillusion pour des millions de Français et de Françaises ?

Mme Marie-Christine Dalloz. Ah cela, oui ! Ils sont désenchantés !

M. Philippe Vigier. Certains avaient cru au changement promis par le candidat François Hollande. Au terme d’une seule année, tous savent désormais que cette majorité est celle du renoncement.

Il y a renoncement sur les chiffres du déficit : alors que vous aviez annoncé qu’il serait réduit à 4,5 % du PIB, il a été de 4,8 %, ainsi que vous le rappeliez tout à l’heure, monsieur le ministre. Or il était de 5,3 % du PIB en 2011, ce qui signifie qu’en une année, vous l’avez réduit d’à peine 0,5 %. C’est un bilan que nous nous partageons vous et nous.

Mme Marie-Christine Dalloz. Eh oui !

M. Philippe Vigier. En revanche, monsieur le rapporteur général, sur la dette structurelle, je vous renvoie simplement à la page sept du document de la Cour des comptes : l’effort de réduction a été significatif – 1,1 point de PIB – « mais seulement du fait de l’importance des mesures de hausse des prélèvements obligatoires ». Je tiens à le rappeler : s’il n’y avait pas eu ce matraquage fiscal, nous n’en serions pas là.

Mme Marie-Christine Dalloz. Voilà le prix à payer !

M. Philippe Vigier. Il y a renoncement sur les prévisions de croissance : j’ai bien entendu ce que Pierre-Alain Muet a dit, mais alors que le programme de François Hollande prévoyait 0,5 % de croissance, celle-ci aura finalement été nulle.

Il y a renoncement aux économies sur la dépense publique : ce n’est pas à vous que l’on doit la majeure partie de la réduction des dépenses publiques mais bien à la majorité précédente. Permettez-moi de citer les propos de Didier Migaud : « La Cour constate en la matière qu’une part de ces économies repose sur l’effet en 2013 des mesures prises sous la législature précédente dans le cadre de la RGPP, en particulier des réductions d’effectifs opérées en 2012 ».

Il y a renoncement sur la compétitivité : vous avez préféré votre boîte à outils à l’arsenal proposé par Louis Gallois.

Il y a renoncement sur le pouvoir d’achat, puisque celui-ci a enregistré une baisse historique de 0,9 % en 2012.

M. Éric Alauzet. Cette remarque est facile !

M. Philippe Vigier. Vous avez rappelé fort justement, monsieur le ministre, que le chômage avait augmenté lors de la précédente législature – 1 million de chômeurs supplémentaires. Cela est d’ailleurs l’effet, faut-il le répéter, de non pas une mais au moins deux crises. Toutefois, ce n’est pas un droit d’inventaire que celles et ceux qui sont frappés par le drame du chômage attendent de vous. Ils attendent des actions, des solutions, un cap ! Monsieur le ministre, en une année, le nombre de chômeurs a augmenté de 400 000 ; avec vous, le chômage n’a pas baissé, il s’est envolé.

Le groupe UDI n’aura pourtant pas cessé de vous dire que votre boîte à outils – c’est la cinquième fois que je le répète – n’était pas à la hauteur de la crise et qu’il ne fallait pas vous y accrocher, que vous ne pouviez plus vous contenter de nous dire qu’il suffisait de donner du temps au temps. Vous n’avez toujours pas défini de cap. Comme dit le Premier ministre : « on verra à la fin de l’année ».

Le 9 septembre 2012, le Président de la République, François Hollande, se donnait un an pour inverser la courbe du chômage. Je vous donne donc rendez-vous le 9 septembre prochain : vous devrez répondre des résultats de votre politique.

Voilà donc un an que vous êtes au pouvoir. Quelle a été votre politique depuis le 6 mai 2012 ?

Monsieur le rapporteur général, vous faisiez allusion tout à l’heure à la nécessité de pouvoir s’appuyer sur l’unité nationale dans les moments difficiles, les moments de crise : ce sont vos propos, je les ai notés. Toutefois, lorsque vous étiez dans l’opposition et que des mesures structurelles, difficiles s’imposaient, jamais vous n’avez voulu suivre cette voie. Vous ne pourrez néanmoins pas reprocher à l’UDI d’avoir voté contre tous vos textes.

Monsieur le ministre, loin de suivre vous-mêmes une telle voie, vous vous êtes réfugié dans un certain dogmatisme. Ce dogmatisme vous a conduit à prendre la décision de priver nos entreprises d’un allégement de charges de 13,2 milliards d’euros en supprimant la fameuse TVA compétitivité. Alors que vous estimiez que le taux de TVA ne devait pas être augmenté à cause de l’inflation, vous avez finalement l’intention d’appliquer nos recettes et d’augmenter la TVA de 0,4 % – le rapporteur général serait quant à lui favorable à une hausse de 0,8 % ou un peu plus. Ce qui était critiquable auparavant est aujourd’hui devenu souhaitable…

Mme Marie-Christine Dalloz. Eh oui !

M. Philippe Vigier. Vous avez donc décidé de considérer le CICE comme la recette miracle. Mais vous savez très bien que, même s’il est important, cet outil n’est pas à la hauteur des enjeux. Combien d’entreprises en bénéficieront-elles en 2013 ? Comment sera-t-il financé ? Vous m’accorderez qu’il y a un certain flou artistique.

Certains le disent clairement – je pense au rapporteur général –, d’autres approuvent en silence.

M. Christian Eckert, rapporteur général. C’est gentil de penser à moi !

M. Philippe Vigier. Vous faites également preuve de dogmatisme lorsque vous infligez une sanction aux 9,5 millions de salariés qui faisaient des heures supplémentaires et qui voient leurs salaires se réduire et leurs impôts augmenter.

Mme Catherine Lemorton. Que faites-vous de ceux qui sont au chômage ?

M. Philippe Vigier. Nous avions malheureusement raison de ne pas croire le Premier ministre lorsqu’il affirmait ici-même voilà un an dans son discours de politique générale : « Les classes populaires et les classes moyennes seront épargnées. […] mon Gouvernement ne sacrifiera pas le pouvoir d’achat des Français, notamment des plus modestes […]. »

Le pouvoir d’achat des Français les plus modestes a malheureusement été sacrifié.

Combien y a-t-il de riches parmi les 9,5 millions de salariés qui effectuent des heures supplémentaires et qui perdront en moyenne 500 euros par an ? Combien y a-t-il de riches parmi les 16 millions de foyers qui seront frappés par le gel du barème de l’impôt sur le revenu ? Combien y a-t-il de riches parmi les familles qui paieront plus d’impôts à la suite de la remise en cause du quotient familial ?

Mme Catherine Lemorton. Avec 5 800 euros par mois, elles ne sont pas à plaindre !

M. Philippe Vigier. Le rapporteur général a d’ailleurs demandé tout à l’heure s’il y avait une étude d’impact pour que l’on soit certain que ces mesures auront l’effet escompté.

Combien y a-t-il de riches parmi les retraités qui, alors qu’ils devaient être épargnés, se sont vus appliquer la double peine – leur retraite est amputée par de nouvelles taxes qui représentent 0,3 % d’imposition supplémentaire et par le fait que la retraite complémentaire a augmenté sensiblement moins que l’inflation ?

Mme Catherine Lemorton. Mais combien cela représente-t-il en termes absolus ?

M. Philippe Vigier. Il est vrai que le Gouvernement a inventé un nouveau mot : la désindexation. Cela signifie que l’on baisse les retraites.

Combien y a-t-il de riches parmi les 10 millions de salariés qui subiront de plein fouet l’augmentation du forfait social ? Combien y a-t-il de riches, enfin, parmi les 2,5 millions de travailleurs indépendants dont les cotisations sociales seront augmentées de plus d’1 milliard d’euros ?

En juillet 2012, vous avez augmenté les impôts de 7,2 milliards d’euros. Était-ce le fait de l’urgence, de l’impréparation, d’une absence de crédits ? Il vous appartient de donner la réponse. Nous aurions pu concevoir que de telles causes soient à l’origine de cette hausse. Nous avons pu constater que le Gouvernement avait tout simplement préféré lever 28 milliards d’euros d’impôts supplémentaires. Le choc fiscal pour la seule année 2012 s’élève donc à 35 milliards d’euros.

M. Christian Eckert, rapporteur général. 35 milliards d’euros ? Et pourquoi pas 65 milliards ! Vous dites n’importe quoi ! Revoyez vos chiffres !

M. Philippe Vigier. Il est vrai, monsieur le ministre, qu’il est plus facile d’augmenter les impôts que de s’attaquer aux réformes de fond.

Pire, la promesse de stabilité fiscale pour 2014 – en d’autres termes, le fait de ne pas augmenter les impôts –, réitérée à plusieurs reprises par le Président de la République, ne sera pas tenue.

Quant aux engagements de baisse de la dépense publique, ils ont été vite oubliés par le Gouvernement. Non, monsieur le ministre, les dépenses publiques n’ont pas baissé de 10 milliards d’euros en 2012. Non, les dépenses publiques n’ont pas baissé de manière historique en 2012. Au contraire, elles sont passées de 1150 à 1180 milliards d’euros, soit une augmentation de 1 % en valeur – ce n’est pas moi qui le dis, ce sont les chiffres de l’INSEE, je tiens ce document à votre disposition.

Les résultats que vous revendiquez s’expliquent au demeurant par un artifice grossier : vous n’intégrez pas les dépenses exceptionnelles dans vos calculs, ainsi que le souligne le rapporteur général dans son rapport.

Vous n’avez donc pas fait le choix d’être courageux en matière de réduction des dépenses publiques ; vous ne pourrez pas soutenir le contraire.

La politique de non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite a été balayée d’un revers de main – c’est un choix politique – tandis que la MAP n’a pas encore trouvé sa traduction concrète. Vous avez d’ailleurs reconnu que la RGPP avait permis de faire 12 milliards d’euros d’économies en cinq ans.

Vous allez créer 60 000 postes dans l’éducation nationale, auxquels viendront s’ajouter 10 000 postes annoncés la semaine dernière par Vincent Peillon. Nous dénonçons cette mesure, parce qu’elle sera aussi désastreuse pour nos finances publiques qu’inutile pour l’éducation de nos enfants ; je vous renvoie au rapport de la Cour des comptes sur le sujet. Pire, elle nuira aux fonctionnaires que vous condamnez à la paupérisation : vous maintenez le gel du point d’indice dans la fonction publique pour financer ces créations de postes.

Vous avez évoqué la casse du service public, monsieur le ministre, mais cette casse est de votre fait : toujours plus de fonctionnaires, mais des fonctionnaires toujours plus pauvres.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Vous ne manquez pas d’air !

M. Philippe Vigier. Il en est de même pour ce qui concerne les niches fiscales : vous nous aviez promis monts et merveilles ! Dans le programme de François Hollande, il était question de récupérer 29 milliards d’euros grâce à la suppression des niches. J’ai vérifié : le résultat n’est vraiment pas au rendez-vous.

M. Laurent Grandguillaume. Attendez !

M. Philippe Vigier. Malgré la baisse des prévisions de croissance et le dérapage annoncé du déficit, le Gouvernement tente de dissimuler la réalité budgétaire de notre pays en refusant de présenter un collectif budgétaire. Le président de la commission des finances l’a d’ailleurs souligné tout à l’heure.

Pourtant, monsieur le rapporteur général, vous aviez justifié la deuxième loi de finances rectificative pour 2012 – j’ai retrouvé les débats de l’époque – en expliquant qu’elle avait pour objectif de prévoir les mesures nouvelles supplémentaires nécessaires pour compenser les manques à gagner en recettes découlant d’une croissance du PIB moins importante que prévu. Ce n’est ni plus ni moins que ce que nous disons aujourd’hui.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Je vous répondrai tout à l’heure !

M. Philippe Vigier. Vous le voyez, pour ma part, je vous écoute, je vous lis, je regarde et, à partir de ces éléments, j’essaie de comprendre.

M. Christian Eckert, rapporteur général. On peut au moins vous reconnaître cela !

M. Philippe Vigier. Mes chers collègues, vous l’aurez compris, cette majorité n’a pas de cap. Personne ne vous fait confiance, monsieur le ministre : en une année, votre majorité aura été sanctionnée huit fois de suite dans les urnes.

Notre volonté n’est pas de chercher la polémique stérile. Nous, députés de l’UDI, avons démontré à plusieurs reprises que nous incarnions une opposition constructive. Nous vous avons notamment soutenus sur des enjeux cruciaux, tels que l’emploi des jeunes ou la sécurisation de l’emploi. Ces réformes étaient loin d’être parfaites, mais nous avons jugé qu’elles étaient préférables à l’inaction.

C’est avec ce même état d’esprit constructif et soucieux de l’intérêt général que Jean-Louis Borloo a proposé au mois de mai dernier un programme de redressement national comportant dix décisions pour sortir la France de la crise.

Aujourd’hui, un an après le discours de politique générale du Premier ministre, alors que nous vous avons laissé le temps que vous réclamiez, les résultats ne sont pas au rendez-vous.

C’est la raison pour laquelle notre groupe votera contre ce projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes et demande solennellement au Gouvernement de présenter un collectif budgétaire. Nous avons bien compris que vous ne vouliez pas le faire pour ne pas augmenter les impôts ; il serait en effet difficile de contredire le Président de la République puisque, nous avons pu le constater cet après-midi, un ministre insatisfait a été remercié pour ces motifs.

Il est temps pour nous de fixer un nouveau cap pour relancer l’emploi, enrayer le déclin industriel, réduire véritablement les déficits et soutenir les Françaises et les Français qui nous regardent et qui sont très exposés à la crise et à la désespérance. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)

M. le président. La parole est à M. Gaby Charroux.

M. Gaby Charroux. M. le président de la commission des finances a fait valoir la semaine dernière que le Gouvernement ne tiendrait pas les objectifs de réduction du déficit public qu’il s’était fixés.

Cependant, le remède préconisé par l’UMP est d’appeler le Gouvernement à engager une politique d’austérité plus rude encore, de passer en quelque sorte – nous venons d’ailleurs de l’entendre – d’une logique de rigueur à une logique d’austérité drastique, qui serait pourtant à nos yeux désastreuse pour notre économie.

Nul ne peut croire en effet que l’aggravation des mesures d’austérité réclamée par l’opposition pourrait permettre un redressement économique.

De fait, la politique conduite ces dix dernières années s’est soldée par une aggravation sans précédent de la situation de nos comptes publics, et cela bien avant la crise de 2008.

D’ailleurs, ce fait a été parfaitement souligné par la Cour des comptes, qui faisait valoir que les deux tiers du déficit structurel constaté à l’issue du quinquennat précédent procédaient non pas de la crise mais de l’accumulation des cadeaux fiscaux aux grandes entreprises et aux ménages les plus riches.

Le rapport établi par notre collègue Gilles Carrez en 2010 lorsqu’il était rapporteur général du budget était alors sans ambiguïté. Il estimait le coût des cadeaux fiscaux consentis au cours de la décennie précédente à 100 milliards d’euros. Nous sommes d’autant plus à l’aise pour rappeler ces chiffres que nous ne soutenons pas la politique de réduction actuellement imposée par Bruxelles à marche forcée et qu’il faudrait appliquer avec un zèle redoublé.

Un constat s’impose pourtant : le déficit attendu cette année aurait été probablement identique avec une politique budgétaire moins restrictive et moins destructrice d’activités et donc d’emplois.

L’autre enseignement qu’il faut tirer d’urgence est que l’austérité budgétaire ne permet pas de réduire réellement le déficit public et l’endettement, car elle contribue à affaiblir l’activité économique et à dégrader le pouvoir d’achat des ménages, qui a connu cette année un recul historique.

Jusqu’à l’an dernier, la bonne tenue de la consommation des Français avait soutenu l’activité en zone euro et évité qu’elle ne s’écroule. C’est aujourd’hui la France qui plombe la zone euro.

Ce constat nous invite à vous répéter les motifs de notre désaccord avec la politique économique menée actuellement.

Nous ne nions pas la nécessité de redresser la barre, mais il faut mettre un coup d’arrêt à la stratégie d’assèchement des finances publiques qui a été suivie depuis dix ans au bénéfice des plus aisés et des grandes entreprises.

Vous avez entamé un redressement fiscal utile et proposé l’adoption d’une série de mesures – que nous approuvons totalement – visant à taxer le capital et à supprimer ou plafonner des dispositifs fiscaux adoptés par la précédente majorité, aussi dispendieux qu’inefficaces.

De la même façon, nous avons pleinement approuvé le projet de loi relatif à la fraude fiscale et nous porterons dans les prochains mois des propositions de lutte contre l’évasion fiscale internationale.

C’est un enjeu majeur : la fraude et l’évasion fiscale représentent un manque à gagner de près de 1 000 milliards d’euros en Europe et de 60 à 80 milliards d’euros en France.

Je rappelle que l’égalité devant l’impôt est un pilier de notre pacte républicain. À ce titre, nous soutiendrons toutes les mesures en faveur d’une plus grande justice fiscale.

En revanche, nous ne pouvons souscrire à la prorogation des mesures d’austérité dans le projet de loi de programmation des finances publiques au nom de la convergence des politiques budgétaires européennes et de la réduction des déficits. Le cap qui a été fixé conduit notre pays sur une voie dangereuse. Il repose selon nous sur une erreur de diagnostic sur laquelle nous tentons d’alerter l’opinion depuis des mois en nous appuyant sur les analyses de très nombreux économistes, sinon la majorité d’entre eux.

Pour le dire en une formule ramassée, la crise que nous connaissons est une crise non pas de la dépense publique, mais du capitalisme dérégulé et de l’assèchement des ressources publiques organisé depuis trente ans.

Comme le rappelait Cynthia Fleury dans une tribune il y a quelques mois : « En trente ans, ce sont des sommes considérables qui sont parties vers les marchés financiers, au lieu d’aller aux salariés, donc aussi à l’État via la TVA. L’Europe risque d’éclater […] précisément parce qu’elle s’épuise à trouver quelques centaines de milliards d’euros pour sauver la Grèce, alors que la fortune cumulée des 0,2 % les plus riches de la planète est estimée à 39 000 milliards d’euros. »

« Être gouverné par l’argent organisé est aussi dangereux que par le crime organisé », affirmait Roosevelt.

Comment à gauche, n’entendrions-nous pas ce message ?

M. le Président de la République a jugé à son arrivée à l’Élysée que la défense du crédit de la France ne lui laissait pas d’autres choix que la rigueur. Soit ! Mais si notre pays finance aujourd’hui sa dette à moindre coût, la relance européenne qui devait compenser l’effet récessif de cette politique de rigueur n’est pas au rendez-vous et la politique monétaire menée par la Banque centrale européenne n’a pas eu non plus de résultats tangibles sur le plan de l’activité. Nous assistons, bien au contraire, au gonflement d’une nouvelle bulle financière alimentée par une masse de liquidités qui ne trouve pas à s’investir dans l’économie réelle faute de perspectives, faute aussi de volonté du secteur financier.

On peut, du reste, s’interroger sur le rôle de la Banque centrale européenne qui peut prêter sans limites aux organismes publics de crédit et aux organisations internationales. Elle pourrait aujourd’hui prêter à 0,01 % à la Banque européenne d’investissement, à la Caisse des dépôts ou à telle ou telle banque publique nationale, qui, elles, peuvent prêter à 0,02 % aux États, qui s’endettent pour rembourser leurs vieilles dettes. Des instruments existent pour ne pas être aussi dépendants des marchés que nous le sommes aujourd’hui. La colère et la protestation qui enflent dans tous les peuples de l’Union européenne contre l’austérité et ses conséquences délétères sur l’emploi et le pouvoir d’achat, le rationnement du crédit pour les PME, le sabordage programmé des services publics appellent des réponses fortes si nous ne voulons pas lâcher la bride aux pires illusions.

Nous avons formulé et continuerons de formuler des propositions comme, entre autres, le remplacement du fameux crédit d’impôt compétitivité, qui bénéficie à toutes les entreprises sans distinction, par des mesures de modulation de l’impôt sur les sociétés plus favorables aux PME et à l’emploi ; l’augmentation des salaires et des pensions, qui sont des conditions sine qua non du soutien à l’activité ; la mise en œuvre d’une taxe sur la réimportation des productions délocalisées ; la création d’un pôle financier public ; la relance de l’investissement public et le financement de la transition écologique, par le jeu de financements de la BCE.

Nous ne retrouverons pas la croissance ni, par conséquent, ne réduirons le déficit public par la multiplication de mesures d’ajustements comptables, sous la surveillance étroite des contrôleurs de Bruxelles. Nous savons tous que l’économie n’est pas soluble dans la comptabilité. Elle a d’autres lois et d’autres enjeux. Nous ne pouvons demeurer dans une situation où le chômage augmente de manière effarante, où le nombre de personnes vivant sous le seuil de pauvreté s’accroît de 80 000 par mois.

Le fait que tous les indicateurs économiques soient dans le rouge et le seront probablement encore a l’issue de l’exercice budgétaire montre qu’il est urgent d’infléchir le cap. La France joue en Europe un rôle charnière et nous ne sommes pas condamnés à nous plier à des exigences absurdes qui plongent notre économie dans la récession et plombent nos finances publiques. Nous ne pouvons continuer dans la course au moins-disant salarial et fiscal dans le seul but de satisfaire la cupidité d’investisseurs privés sans scrupule.

Partant de ce constat, mais confiants, oui confiants, dans la capacité de la gauche à se réunir et se ressaisir, nous nous abstiendrons sur ce projet de loi de règlement du budget 2012.

M. le président. La parole est à M. Dominique Lefebvre.

M. Dominique Lefebvre. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, je veux tout simplement vous faire partager ici quatre convictions qui sont autant d’encouragements, monsieur le ministre, à poursuivre dans la voie choisie par le Président de la République et le Gouvernement au printemps 2012, il y a maintenant un an ; donc à confirmer des choix politiques que traduit en actes et résultats le projet de loi de règlement qui nous est soumis comme le rapport préparatoire à notre débat d’orientations des finances publiques qui en est le prolongement naturel.

Première conviction : le redressement des finances publiques est un choix politique fondamental sur lequel nous ne devons pas transiger. Ce n’est ni une contrainte qui nous serait imposée de l’extérieur ni même une absence de politique alternative, c’est un vrai choix politique pour notre pays et pour nos concitoyens que nous soutenons. D’autres politiques sont, bien évidemment, possibles : il y a, bien sûr, celle conduite pendant dix ans par vos prédécesseurs faite au mieux d’agitation stérile – je pense à la multiplication sans fin des lois de finances rectificatives dont le seul effet tangible aura été toujours plus d’augmentation d’impôts pour une majorité de Français – et, au pire, de mesures injustes socialement, ineptes économiquement et inefficaces sur le plan budgétaire – nous pensons tous bien évidemment à la loi TEPA. Il y aussi parfois la tentation, qui revient finalement au même, de la fuite en avant, une fuite en avant dans la dépense publique, dans l’impôt et dans la dette.

La politique que conduit le Gouvernement sous l’impulsion du Président de la République, celle du sérieux budgétaire que vous incarnez aujourd’hui, c’est le choix de créer les conditions du redémarrage de la croissance en France dans la justice ; celui de la sauvegarde de notre modèle social ; celui de notre engagement européen.

Deuxième conviction : cette rupture salutaire dans la gestion des finances publiques engagée en 2012 et saluée comme telle la semaine dernière par le président de la Cour des comptes, lors de son audition, repose d’abord sur la vérité et sur la transparence. Ainsi, je veux me féliciter des conditions dans lesquelles se déroule notre débat de ce jour. La vérité et la transparence sur la situation économique, sociale et financière du pays sont plus qu’une exigence démocratique, elles sont l’une des conditions premières de l’adhésion de nos concitoyens à l’effort de redressement du pays et à sa compréhension, l’autre condition essentielle étant, j’y reviendrai, la juste répartition des efforts. C’est le choix qui a été fait, dès le mois de juin 2012 lors de l’examen du projet de loi de finances rectificative ; qui a été poursuivi lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2013 ; celui qui s’est encore exprimé lors du débat préalable à l’envoi à la Commission européenne du programme de stabilité. Votre rapport, monsieur le ministre, celui du rapporteur général que je veux saluer – rapport qui est une contre-expertise rigoureuse aboutissant dans bien des cas aux mêmes conclusions que vous, monsieur le ministre, et que celles de la Cour des comptes – sont là pour nous aider. Les chiffres du passé, qui sont importants, ceux du présent et ceux de l’avenir ramènent les polémiques initiées par ceux que la vérité dérange à leur juste place : celle d’une irresponsabilité permanente. On constate d’ailleurs, à ce titre, la gêne de l’ancien rapporteur général du budget, actuel président de la commission des finances…

Troisième conviction : la politique mise en œuvre depuis douze mois a déjà donné des résultats, même si nous savons que le chemin sera encore long. Ces résultats figurent dans le projet de loi de règlement qui nous est soumis, dans les prévisions d’exécution de la loi de finances pour 2013 et dans les objectifs d’ores et déjà fixés pour le projet de loi de finances pour 2014. Il s’agit là du plus important effort jamais consenti pour assurer le redressement structurel des comptes publics, qui marque une vraie rupture avec les dix années précédentes.

J’entendais ce matin à la radio un ancien ministre du budget – notre collègue Éric Woerth – dire benoîtement que tout ce que fait aujourd’hui le Gouvernement, n’importe quel gouvernement l’aurait fait… Mais que ne l’ont-ils fait avant, eux qui ont maintenu notre déficit structurel au-dessus de la barre des 3 %, en moyenne à 4,5 % et même, vous l’avez précédemment rappelé monsieur le ministre, à 5,1 % en 2011, ce qui représente 95 % du déficit public. Il est aujourd’hui admis par tous – et je crois que c’est une vraie victoire politique – que le véritable guide du redressement des finances publiques, comme Pierre-Alain Muet et vous-même l’avez souligné ainsi que tout à l’heure, c’est le déficit structurel et l’effort structurel, et non le solde nominal qui varie au gré de la conjoncture. Il faut le redire clairement, c’est le seul moyen de ne pas conduire des politiques budgétaires pro-cycliques et, en cette période de croissance nulle en France et de récession en Europe, d’ajouter de l’austérité à la crise. Nous devons mettre cette victoire politique au crédit du Président de la République et du Gouvernement. Elle est, aujourd’hui, partagée par l’Union européenne, comme on le constatera dans quelques jours lors du sommet des chefs d’État.

Je veux enfin dire que cette politique de sérieux budgétaire ne s’inscrit pas dans une approche uniquement comptable de la situation de notre pays, mais dans une approche globale pour relever le triple défi que sont le déficit de compétitivité et de croissance de l’économie française, le déficit social – la croissance des inégalités sociales – et le déficit public. En réalité, tout se tient dans cette politique : le sérieux budgétaire et le redressement programmé de nos finances publiques, le pacte de compétitivité pour la croissance et l’emploi, le crédit impôt compétitivité emploi, le soutien à l’entreprenariat.

C’est pourquoi, monsieur le ministre, ma quatrième conviction m’amène tout simplement à vous dire que la réussite de cette politique sera assurée par la constance, sans céder aux pressions de celles et ceux qui voudraient qu’on aille plus vite ou de celles et ceux qui craignent que cette politique ne soit ni juste socialement ni efficace économiquement. Il nous faut tenir le cap, donc maintenir cette trajectoire d’effort structurel et procéder, dès 2014, à des efforts qui porteront principalement sur la dépense.

M. le président. La parole est à Mme Arlette Grosskost.

Mme Arlette Grosskost. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la France va bientôt dépasser le Danemark et prendre la première place sur le podium des dépenses publiques, qui atteignent 56,6 % du PIB ! Votre politique de surfiscalisation est contre-productive : les recettes sont très inférieures à vos attentes et nous nous retrouvons dans une impasse budgétaire. Cette imposition confiscatoire et punitive contracte l’économie. Le rendement de la TVA baisse, conséquence de la frilosité des Français, qui hésitent à consommer et préfèrent épargner d’avantage. Ils anticipent les hausses d’impôts annoncées, par exemple sur l’assurance-vie, nouvelle cible potentielle de fiscalisation.

Pour vous, de toute évidence, la justice sociale consiste à faire porter le poids de l’égalité sur les classes moyennes, celles qui se lèvent tôt pour aller travailler. En période de ralentissement économique, l’effort fiscal ne peut suffire pour réduire le déficit budgétaire, dixit la Cour des comptes. Ne vous cachez pas derrière la situation économique difficile. Vous étiez dans le déni de réalité jusqu’alors. La réalité vous a rattrapés ! Lors de vos campagnes, de nombreuses promesses ont été faites, telle l’inversion de la courbe du chômage avant la fin de l’année : quand bien même nous sommes sur une courbe ascendante de 1 300 demandeurs d’emplois supplémentaires par jour, selon les prévisions l’économie ne se portera pas mieux à l’automne.

Aucune politique n’étant possible sans des finances saines et transparentes, vous nous devez la vérité sur l’état réel des finances publiques. Pourquoi refuser de rectifier la loi de finances initiale ? La dérive des comptes publics est-elle encore plus élevée que ce que prédit la Cour des comptes ? Le risque de dérapage du déficit public est réel et le Premier ministre a été contraint de le reconnaître. La France emprunte, cette année, 180 milliards d’euros. Alors que les intérêts de la dette constituent le deuxième budget français, on peut craindre, comme le prévoient les économistes, une augmentation des taux de la BCE de 0,5 %. L’impact sur nos dettes nouvelles sera important. Cette hausse est une épée de Damoclès que nous ne pouvons négliger. A contrario, l’inflation est moitié moins importante que prévu, calamité pour l’État qui risque d’avoir à affronter une situation de déflation avec pour conséquences perverses la baisse des prix dans tous les secteurs et, à terme, l’érosion totale des marges des entreprises, donc de l’investissement, et un futur aléatoire. Vous êtes dans l’intuition et l’approximation et dans ces conditions, quand bien même vous annoncez 9 milliards d’économies, nous sommes loin des réformes structurelles nécessaires pour recréer la confiance et la croissance. Bien au contraire, vous faites encore et toujours des annonces dépensières, avec l’instauration de dispositifs coûteux tels que les contrats d’avenir et les contrats aidés – 1 milliard d’euros supplémentaire – sans que nous sachions quelles sont les lignes budgétaires réaffectées.

J’appelle également votre attention sur la croissance incontrôlée du hors bilan de l’État – 3 100 milliards d’euros fin 2012 – qui s’établit à plus de 150 % du PIB. Notre dette publique dépassant déjà les 90 %, il est dangereux de ne pas voir qu’elle fait peser un risque systémique pour la soutenabilité des finances publiques.

Pour retrouver la croissance et l’emploi, les leviers les plus percutants passeront par les PME qui, à l’instar de ce qui a été dit dans le rapport Fauré, doivent être une priorité. Or, une fois encore, les méthodes que vous proposez ne sont pas adaptées. Vous avez supprimé la TVA sociale, cela a été dit, et, pour y remédier, vous avez créé à la hâte le CICE qui, selon les dires de certains, est déjà un échec et même, pour Christian Eckert, un simple effet d’aubaine !

Au-delà de ces élucubrations fiscales, interrogeons-nous sur l’appel d’air de l’étranger sur tous nos jeunes talents qui fuient la France pour des pays où l’ambition créatrice et la volonté d’entreprendre ne sont pas écrasées par une fiscalité confiscatoire. À force de dédaigner les forces vives de ce pays, vous créer la frustration de la réussite et par-là même annihilez toute ambition économique patriote.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Vous en faites un peu beaucoup, chère collègue !

Mme Arlette Grosskost Expatriation pour les plus mobiles, désespérance pour les plus résignés... Voilà l’avenir qui leur est réservé !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Annick Girardin.

Mme Annick Girardin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous débattons aujourd’hui de deux textes. L’un porte sur le projet de loi de règlement de 2012, l’autre concerne l’orientation à donner aux finances publiques. L’un s’inscrit dans le passé, l’autre est résolument tourné vers l’avenir. L’un et l’autre sont bien évidemment liés, mais il ne faudrait pas les confondre.

Il ne faudrait pas tomber dans ce qui est tant redouté par les historiens, une analyse anachronique de la situation passée. On peut, et l’on doit, apprendre du passé, mais on ne saurait juger les décisions prises sans se remémorer le contexte dans lequel elles sont intervenues : une inquiétude sur les marchés financiers, une spéculation sur la fin de la zone euro, un doute quant à la capacité de la France à se réformer. Il fallait agir, et vite.

Le nouveau gouvernement et la nouvelle majorité ont décidé de maintenir coûte que coûte, quelles qu’en soient les conséquences, une réduction du déficit structurel supérieure à un point de PIB. Y sommes-nous parvenus ? Oui. L’effort structurel a été de 1,1 point du PIB, le déficit nominal est descendu en dessous de 5 %, alors qu’il avait explosé les années précédentes : 7,5 % en 2009, 7,1 % en 2010. La dépense de l’État a reculé de 300 millions d’euros si l’on exclut les mesures exceptionnelles.

Certains nous disent que l’on aurait pu faire mieux, mais ce n’est pas la maîtrise de la dépense qui a fait défaut, contrairement à ce que peuvent laisser entendre ces derniers. Ce sont les moindres rendements de l’impôt, dus notamment à une faible croissance, qui expliquent que le déficit soit supérieur à l’objectif de la loi de finances initiale poursuivi par l’ancienne majorité.

Les taux d’intérêt ont fortement baissé, et nous avons économisé 2,5 milliards sur la charge de la dette par rapport à ce qui était prévu en loi de finances initiale.

Les efforts budgétaires n’expliquent pas à eux seuls l’accalmie constatée pendant près d’un an sur les marchés financiers, mais ils y ont contribué, notamment en rendant la dette française plus attractive par rapport à d’autres dettes souveraines. La même logique a amené le Gouvernement à prévoir pour 2013 un effort structurel de 1,9 point de PIB, ce qui est considérable.

Il nous est aisé aujourd’hui de regretter cette politique, une politique qui a entraîné des effets récessifs supérieurs à toutes les prévisions, une politique qui a eu de graves conséquences sur la croissance, l’emploi, bref, sur nos vies. Le FMI le reconnaît et vient de faire son mea culpa. La Commission européenne, sans l’avouer explicitement, en convient également.

Nous le voyons depuis plusieurs semaines, un changement de paradigme économique plane sur l’Europe, et nous allons très certainement acter ce changement de cap aujourd’hui pour la France.

L’environnement change rapidement, les solutions préconisées pour dépasser la crise économique tout autant. L’action du Gouvernement et de la majorité doit pouvoir évoluer. Elle ne doit pas rester enfermée dans un dogme vers lequel certains continuent de nous pousser.

Que nous ont appris l’année 2012 et le premier semestre de 2013 ? Je crois d’ailleurs qu’on ne peut pas séparer le second semestre de 2012 et le premier semestre de 2013 car ils ont été réalisés dans une même logique, celle que je viens de rappeler. Nous avons appris qu’il nous fallait sortir du cercle vicieux entre, d’un côté, un rythme de restriction budgétaire excessif dans le but de diminuer le déficit et, de l’autre, le résultat, c’est-à-dire une dégradation des recettes du budget de l’État, donc une aggravation du déficit.

Quelles ont été, en effet, les conséquences de la politique menée non seulement par la majorité actuelle, mais aussi et surtout par ses prédécesseurs ? Une chute de la croissance et un risque de récession. La demande intérieure, qui était jusqu’alors dynamique, a chuté.

À court terme, les Français ont compensé la baisse de leur pouvoir d’achat en puisant dans leur épargne mais, à moyen terme, l’épargne de précaution augmente et vient handicaper la consommation, pourtant l’un des piliers de la croissance française. Alors que le CICE compense les hausses d’impôts pour les entreprises, les ménages, eux, n’ont pas bénéficié d’un tel dispositif.

On le sait très bien, cette baisse de la croissance entraîne un moindre rendement de l’impôt. Les moins-values de TVA, d’impôts sur le revenu ou d’impôts sur les sociétés se comptent en milliards et le déficit se creuse. Si rien n’est fait à moyen terme, nous nous retrouverons avec des prélèvements obligatoires élevés et un déficit public tout aussi élevé. Nous aurions alors totalement manqué notre cible.

Nous ne croyons pas qu’il faille attendre la fin de l’année 2013 pour sortir de cette spirale infernale. Il nous reste encore la seconde moitié de l’année. J’aurai l’occasion d’y revenir tout à l’heure lors du débat d’orientation des finances publiques.

Lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2013, les députés du groupe Radical, républicain, démocrate et progressiste avaient mis en garde le Gouvernement contre une maîtrise des déficits trop axée sur l’augmentation des impôts et trop peu sur la réduction des dépenses.

On peut comprendre qu’un nouveau gouvernement, issu d’une nouvelle majorité, ait dû avoir recours à l’impôt pour compenser rapidement le moindre rendement des recettes fiscales. Il aurait été illusoire de baisser drastiquement et de façon superficielle la dépense.

Au contraire, on ne peut que s’indigner que la précédente majorité, qui a gouverné le pays pendant dix ans, ait tant augmenté l’impôt ces dernières années. N’oublions pas qu’en loi de finances initiale pour 2012, l’effort structurel en dépenses était de 0,3 point de PIB tandis qu’il était de 1,1 point de PIB en recettes. Dès lors, comment accuser la nouvelle majorité de matraquage fiscal ?

M. Thierry Braillard. Exactement !

Mme Annick Girardin. L’ancienne majorité aurait dû mettre autant d’ardeur à diminuer la dépense…

M. Christian Eckert, rapporteur général. Eh oui !

Mme Annick Girardin. …qu’elle n’en met aujourd’hui à dénoncer la politique budgétaire du Gouvernement.

Quelles que soient les responsabilités, il nous faut absolument sortir de cette approche, tournée vers l’impôt plutôt que vers les économies. S’il y a un enseignement de 2012 pour le futur, c’est bien d’éviter de recourir une fois de plus au levier des recettes pour 2014. Le Gouvernement semble prendre cette nouvelle voie. J’y reviendrai également lors du débat d’orientation.

L’année 2012 nous a également montré l’absurdité de se référer à des chiffres uniques, prétendument scientifiques, qui n’ont d’égal dans leur apparente précision que le nombre d’hypothèses contestables qui les sous-tendent.

Le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance n’aide en rien. Voici que nous passons notre temps à nous déchirer sur des chiffres, qui sont modifiés seulement quelques semaines plus tard.

Est-ce en raison d’une mauvaise anticipation du gouvernement ? Pas nécessairement. Il suffit que la croissance pour 2011 soit revue et tout est changé pour 2012 et 2013, plus d’un an après la fin de l’exécution des budgets, sans que l’actuel gouvernement y soit pour quelque chose. Ces précisions chiffrées ne sont pas sans faire écho à l’étude de Kenneth Rogoff et de Carmen Reinhart, censée prouver qu’avec une dette supérieure à 90 %, un pays entrait, en moyenne, en récession. Les conclusions étaient en réalité fondées sur des erreurs de calcul, notamment une erreur de causalité.

Au vu du budget de l’année 2012, il semble ainsi préférable que nous fondions nos discussions, lorsque cela est possible, non pas sur des chiffres précis, qui seront de toute façon révisés, mais sur des intervalles de données, comme le fait la Cour des comptes lorsqu’elle estime les risques pesant sur les recettes, comme l’on enseigne l’interprétation des sondages dans les écoles. Je ne suis pas certaine que notre Assemblée se grandisse à se chamailler sur la prévision de croissance, en hausse ou en baisse de 0,1 %, plusieurs mois avant la fin de l’année considérée.

L’autre caractéristique du budget de 2012, c’est la détermination de priorités. Certes, les données budgétaires ne le montrent qu’imparfaitement, mais le retour de la gauche aux responsabilités s’est accompagné d’une redéfinition de domaines prioritaires. C’est le retour de la politique face à la « technocratie austéritaire ». Il n’est pas seulement nécessaire de bien gérer les deniers publics, il faut aussi les orienter selon des objectifs définis par les citoyens. Les Français nous ont portés au pouvoir dans l’espoir de changer le cours des choses et non pas uniquement de s’en accommoder au jour le jour. Nous sommes des élus de la nation, pas de petits comptables.

Lors des campagnes des élections présidentielle et législatives, nous nous étions engagés à redresser les comptes publics dans la justice. Arrivés aux responsabilités, le gouvernement et la majorité ont fait le choix de dégager des marges de manœuvre budgétaires afin de pouvoir mettre en œuvre ce programme. Trois domaines ont semblé absolument prioritaires : l’éducation, la justice et la sécurité, c’est-à-dire le socle fondateur du pacte républicain. Dans un contexte budgétaire contraint, cela nous oblige à réaliser encore plus d’économies dans certains secteurs pour pouvoir financer ces priorités.

Certains nous le reprochent. Les députés du groupe RRDP, comme le Gouvernement, considèrent que c’est un impératif. Dans le cas contraire, nous ne pourrons juguler la montée des populismes car comment donner tort à un citoyen expliquant que les gouvernements sont les mêmes, quelle que soit la majorité, si l’ultime but des gouvernements en place est de gérer au mieux le budget ? Ce n’est absolument pas la direction qu’a prise l’actuel gouvernement. Tant mieux. De ce point de vue, l’approche retenue au second semestre de 2012 est la bonne. Elle doit être maintenue en 2013 et élargie pour 2014. Nous aurons l’occasion d’en discuter également tout à l’heure.

Pour conclure, le budget exécuté en 2012 est un budget particulier. La loi de finances initiale a été votée par une majorité gouvernementale et finalisée par une autre. On ne saurait donc prétendre que l’une ou l’autre des majorités est pleinement responsable pour ses bienfaits ou ses méfaits. Il nous faut dépasser les clivages formels, qui ne font pas honneur à notre Assemblée et lassent les Français. Toutefois, nous ne tirerons certainement pas les mêmes enseignements de l’exécution du budget de 2012. Or c’est à la lumière de ces enseignements que nous pourrons aborder les futures orientations budgétaires.

Les Radicaux de gauche et l’ensemble des députés du groupe RRDP ont voté les deux dernières lois de finances rectificatives en 2012. Nous approuvons ce projet de loi de règlement. (Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Éric Alauzet.

M. Éric Alauzet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en dépit de la crise, nous pouvons relever des éléments positifs dans les comptes de 2012 puisque, pour la première fois dans notre histoire récente, l’on observe une réduction des dépenses, modeste, à hauteur de 300 millions d’euros. C’est incontestablement le fait marquant de ce budget après dix années de hausses successives.

La maîtrise des dépenses a donc été engagée. Ainsi, en excluant les dépenses exceptionnelles, 2,6 milliards pour la recapitalisation de Dexia et 6,5 milliards de dotation au mécanisme de stabilité européen, les dépenses ont baissé de 0,3 milliard. Parallèlement, l’augmentation des recettes aura permis une réduction des déficits de 5,3 à 4,8 % du PIB.

Ces éléments positifs, nous les devons au travail réalisé par la majorité depuis la loi de finances rectificative d’août 2012.

Nous avons ainsi mis fin aux dépenses inconséquentes, car financées par l’emprunt, et socialement injustes, telles que les allégements sociaux et fiscaux attachés aux heures supplémentaires, pour un coût de près de 5 milliards d’euros, avec un impact dérisoire sur l’emploi.

Nous avons également amorcé un gros travail de lutte contre la fraude fiscale en adoptant, en loi de finances rectificative, des dispositions pour lutter contre la fraude à la TVA sur les véhicules d’occasion d’origine étrangère ou encore des dispositions afin de taxer d’avantage les avoirs placés sur un compte à l’étranger dont l’origine est inconnue. Par ces actions, nous avons fait le premier pas pour dire stop à l’évasion fiscale. Pourtant, ces évolutions étaient passées quelque peu inaperçues, le CICE ayant alors occupé tout l’espace médiatique.

Les circonstances et la volonté politique nous ont conduits à amplifier le mouvement en votant la semaine dernière une loi très importante contre la fraude et la grande délinquance économique et financière Nous ne pouvons que nous en réjouir.

Enfin, après cinq années de réductions d’impôt pour les plus fortunés, nous avons rétabli le principe de justice sociale comme fil directeur de l’action publique. Voilà trente ans que les conservateurs et les libéraux ont préféré croire au ruissellement des richesses. Voilà dix ans que l’on a fait de la réduction de l’impôt le dogme absolu. Voilà cinq ans que l’on veut faire porter aux ménages les plus pauvres, aux chômeurs et à l’action de l’État les difficultés financières de notre pays.

La gauche ne veut pas oublier le troisième pilier de notre République, la fraternité, une fraternité qui doit se traduire par une politique assurant la contribution de chacun à la hauteur de ses moyens et instaurant un filet de sécurité pour les plus fragiles grâce à l’action de l’État.

La justice sociale et fiscale a été au cœur du projet de loi de finances pour 2013 avec, par exemple, la création d’une tranche supplémentaire à 45 % au barème de l’impôt sur le revenu et l’alignement de la fiscalité des revenus du capital sur ceux du travail, l’abaissement du plafond du quotient familial afin d’atténuer l’avantage fiscal qu’il procure aux familles les plus favorisées.

Enfin, alors que les entreprises ont été largement soutenues lors du précédent quinquennat, à hauteur de 50 milliards, leur compétitivité reste néanmoins l’un des enjeux majeurs de la politique économique de notre pays.

Nous attendons toujours la mise en place d’une fiscalité moderne qui prenne en compte les pollutions pour dynamiser notre économie et préparer l’avenir, raison pour laquelle, monsieur le ministre, nous restons sceptiques sur le CICE,…

M. Hervé Mariton. Cela ne marche pas !

M. Éric Alauzet. …tant dans son versant dépenses, non ciblé, que sur le versant recettes, pour lesquelles nous préférons à une augmentation de la TVA de 7 à 10 % une augmentation à 19,6 %, pour préserver les biens et les services primaires contribuant à la transition écologique – les transports collectifs mais aussi l’eau, les déchets, en particulier quand ces services sont assurés en régie et ne bénéficieront donc pas du CICE. À défaut, nous risquerions de faire porter directement cette augmentation de la TVA par les habitants et de donner un signal contradictoire quant à nos ambitions écologiques. Un premier pas significatif a été fait par le Gouvernement quand il a annoncé une TVA à 5 % pour la construction et la rénovation des logements publics.

Je reviendrai bien entendu sur tous ces points dans le débat sur les orientations budgétaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à M. Yves Censi.

M. Yves Censi. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les lois de règlement sont essentielles. Elles sont essentielles en ce qu’elles devraient nous permettre de tirer les leçons de l’année écoulée en vue de la construction sincère du budget de l’année suivante. Elles sont essentielles parce qu’elles reflètent bien mieux la réalité budgétaire que les lois de finances initiales. Encore faut-il, monsieur le ministre, vous l’avez dit vous-même, faire preuve d’honnêteté et de transparence.

La transparence, c’est nous qui l’avions imposée, avec la certification des comptes de l’État. Vous l’avez rappelé, nous sommes les seuls en Europe. C’est un hommage que vous avez rendu à vos prédécesseurs et je vous en remercie, du moins au nom de l’UMP.

Quant à l’honnêteté, vous avez dix fois répété le mot, et j’ai trouvé que cela sonnait comme une incantation. D’abord, ce gouvernement, dites-vous, ferait mieux que les objectifs fixés par le précédent. Il me semble pourtant que, lors de son audition, M. Didier Migaud, premier président de la Cour des comptes, a été assez sévère, notamment lorsqu’il a signalé, chiffres et graphiques à l’appui, le ralentissement du rythme de réduction du déficit. Je m’étonne que vous disiez le contraire.

La réduction du déficit public est moins importante que l’année dernière, et les recettes fiscales sont inférieures aux prévisions. Vous avez surestimé le produit des recettes de TVA de 1,3 milliard, alors que les informations dont vous disposiez à l’époque auraient dû vous conduire à retenir des prévisions plus prudentes. Vous avez alourdi la pression fiscale au point d’assécher la ressource, et il n’est pas impossible que l’explication de l’affaiblissement des recettes se trouve dans le fait que les prélèvements obligatoires, atteignant un niveau historique, ralentissent le niveau d’activité.

Vous saviez pourtant qu’en période de conjoncture économique dégradée, l’effort fiscal doit être mesuré et qu’il ne peut à lui seul réduire le déficit budgétaire. Vous saviez que seul un effort marqué sur la dépense pouvait permettre d’ajuster le solde budgétaire, d’autant plus que, face à l’inévitable remontée à terme des taux d’intérêt et à la part trop importante de la masse salariale, nous n’avons pas d’autre marge de manœuvre.

Non seulement vous n’avez pris aucune réforme structurelle susceptible de maîtriser la dépense publique,…

M. Régis Juanico. Ah bon ?

M. Alain Chrétien. C’est la vérité !

M. Yves Censi. …mais vous avez au contraire fait sauter tous les verrous structurels de la dépense publique que nous avions instaurés avant 2012 et qui avaient permis des efforts substantiels de rééquilibrage des comptes publics. Cela aussi, c’est la Cour des comptes qui le rappelle.

La Cour des comptes et l’ensemble des économistes vous exhortent à un effort accru de maîtrise des dépenses. Tous nos voisins européens se sont engagés dans cette voie que vous refusez encore d’emprunter.

Au lieu de cela, nous assistons à un dérapage des dépenses. Le plafond autorisé par la loi de finances initiale pour 2012 est dépassé de près de 8,5 milliards et vous excluez encore de l’analyse plus de 9,5 milliards de dépenses, que vous avez qualifiées d’exceptionnelles. Le seul élément positif, vous le dites vous-mêmes, c’est la baisse des taux, qui a permis de diminuer le poids des intérêts de la dette, mais vous n’avez malheureusement pas su en tirer profit.

Alors, vous semblez proposer, mais sans le dire, d’augmenter les impôts. Il semble inévitable que la TVA soit relevée au 1er janvier 2014, ce qui frappera encore plus fortement le pouvoir d’achat des Français, fera baisser la consommation, grèvera un peu plus notre compétitivité et, finalement, aura un impact sur nos investissements. L’abaissement du quotient familial auquel vous venez de procéder témoigne, s’il en était besoin, de votre persévérance inébranlable dans la voie de l’impôt.

Votre projet de loi de règlement manque de sincérité et de transparence. C’est dramatique, car vous auriez pu tirer les leçons de vos échecs : c’est la vertu de la loi de règlement.

La responsabilité supposerait de définir clairement un cap et surtout pas de pratiquer un pilotage à vue au gré des tempêtes qui secouent notre économie. La transparence supposerait que vous admettiez que le projet de loi de finances pour 2013 ne correspond plus à la réalité budgétaire, qu’il est fondé sur des prévisions dépassées.

Vous continuez à afficher un taux de croissance pour 2013 de 0,8 %, alors que le FMI table sur moins 0,2 %, ce qui signifie « récession ». Vous envisagiez une progression des dépenses de 1,2 %, alors qu’au 30 avril 2013 elle s’élevait déjà à 5,6 %. La situation économique s’est en outre répercutée sur les rentrées fiscales attendues : moins 10 milliards de TVA, moins 5 milliards d’impôt sur le revenu et moins 8 milliards d’impôt sur les sociétés, par rapport aux prévisions.

Nous devrions d’ailleurs, au fond, partager la critique sur l’état d’insincérité budgétaire qui est le nôtre. Au lieu de cela, et j’ai du mal à le comprendre, au lieu d’affronter la réalité, vous vous réfugiez une fois de plus dans le déni.

Compte tenu de telles divergences entre prévisions et réalité, un projet de loi de finances rectificative aurait déjà dû s’imposer pour évaluer la situation des comptes publics et préserver la crédibilité de la France vis-à-vis de ses engagements. Or vous préférez dissimuler la réalité de la dérive budgétaire. De votre propre aveu, monsieur le ministre, un collectif budgétaire, si nous devions en débattre, ne pourrait conduire qu’à augmenter les impôts. C’est un double aveu extrêmement grave de votre part.

M. le président. Merci de conclure.

M. Yves Censi. Pour terminer, je veux rendre hommage au président de la commission des finances, Gilles Carrez, qui, face à cette propagande effrénée et insensée – oui, vous avez privilégié la solution de la propagande –,…

M. Régis Juanico. Tout en nuance !

M. Gérard Bapt. Tout ce qui est excessif est insignifiant !

M. Alain Chrétien. C’est la vérité !

M. Yves Censi. …a eu le courage de dire la vérité. C’est son rôle et ce devrait être la mission de toute la commission des finances. Monsieur le ministre, vous n’aviez de cesse de citer Gilles Carrez lorsqu’il disait des vérités à notre propre majorité ; vous ne devriez donc pas vous interroger sur la sincérité du président de la commission, qui n’a jamais été mise en doute, mais bien plutôt sur la vôtre, comme sur la sincérité du budget dont vous avez la responsabilité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Chers collègues, je vous demande de bien vouloir respecter votre temps de parole.

La parole est à Mme Eva Sas.

Mme Eva Sas. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, chers collègues, un effort budgétaire sans précédent a été fait en 2 012. L’exercice s’achève sur un déficit de 87,1 milliards, en amélioration de 3,6 milliards d’euros par rapport à l’exercice précédent. Le rétablissement de la justice fiscale entrepris dès le début de la nouvelle législature aura permis d’augmenter les recettes de 13,9 milliards d’euros, et nous saluons ce redressement. Les dépenses publiques n’ont quant à elles progressé que de 0,7 % en volume en 2012. L’effort de réduction du déficit est donc important, très important, peut-être trop important.

En effet, si l’activité s’est contractée en 2012 après la légère reprise de 2011, c’est bien à cause des politiques d’austérité adoptées dans tous les pays d’Europe. Avec cette conjonction des politiques d’austérité, les multiplicateurs budgétaires se sont avérés plus élevés que prévu, comme le reconnaît explicitement le Fonds monétaire international, que je cite : « Les multiplicateurs utilisés dans les prévisions de croissance ont été systématiquement trop bas depuis le début de la grande récession. » Habituellement fixés à 0,5, ils seraient plutôt de l’ordre de 0,9 à 1,7. L’impact restrictif des politiques d’austérité menées dans la zone euro est donc plus important qu’anticipé.

Cet impact récessif a des répercussions concrètes sur les ménages et pour les entreprises : la consommation des ménages a reculé de 0,4 % en raison d’un repli du pouvoir d’achat de 0,9 %, chiffre que l’on n’avait pas vu depuis trente ans. Cette baisse de la demande intérieure constitue un frein à l’investissement pour les entreprises, dont le niveau d’investissement a ainsi reculé de 2,7 points en 2012. Nous ne sommes pas éloignés d’un cercle vicieux qui éteint un à un tous les moteurs de l’activité.

Cette contraction de l’activité a eu des conséquences directes sur le budget et les recettes fiscales. Et cela est d’autant plus dommageable que cette moins-value sur les recettes fiscales n’a été que très partiellement anticipée.

Je voudrais appeler l’attention sur deux points. Dans son rapport, la Cour des comptes souligne l’écart de 3,5 milliards d’euros entre les prévisions de TVA de la loi de finances rectificative pour 2012, pourtant votée en décembre 2012, et les recettes constatées. La Cour relève que, déjà à ce moment-là, « les informations mensuelles sur les encaissements de TVA des dix premiers mois de l’année donnaient à penser que le rendement de la TVA ne pourrait atteindre la prévision ». Il est dès lors un peu étonnant, monsieur le ministre, que vos services n’aient pas corrigé leurs prévisions.

Selon les explications fournies par Bercy à la Cour des comptes, il y a bien sûr le fait que la loi de finances rectificative était basée sur une croissance de 0,3 %, alors que celle-ci s’est révélée nulle dans les faits, mais cette erreur de trajectoire n’explique que 900 millions d’euros d’écart. On avance aussi des explications liées à la structure de consommation des ménages, avec une augmentation de la part des biens soumis à un taux de TVA réduit, aboutissant à une baisse de 400 millions d’euros. Enfin, on constaterait un changement de comportement des entreprises qui aurait entraîné en 2012 plus de demande de restitution de crédit de TVA qu’habituellement, pour, là encore, 400 millions d’euros.

Cependant, comme le souligne la Cour des comptes, ces éléments, je cite, « n’expliquent qu’environ la moitié de la perte de recettes de TVA », et Bercy ne semble pas en mesure d’apporter des explications solides à l’autre moitié. Il serait donc intéressant, monsieur le ministre, que vous apportiez de plus amples explications sur ce point à la représentation nationale.

Un autre enseignement doit être tiré du rapport de la Cour ; il concerne la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques. Alors que les recettes fiscales progressent globalement, la loi de règlement constate une diminution des recettes de TICPE de 800 millions d’euros entre 2011 et 2012. Une partie de cette baisse de recettes est due à la baisse de consommation de supercarburant en 2012 par rapport à celle de l’année 2011. En effet, alors que la consommation de gazole a augmenté de 0,2 %, celle de supercarburant a baissé de 6,5 %, pour une baisse globale de la consommation de carburant en France de 1,2 %.

Mais surtout, selon la Cour des comptes, la moitié de ce manque à gagner, 400 millions d’euros en moins dans les caisses de l’État pour financer les services publics, est due à la baisse de trois centimes par litre de carburant décidée à l’été 2 012 et mise en œuvre du 29 août 2012 au 10 janvier 2013.

Face au coût extrêmement important de cette mesure pour les finances publiques, face également aux conclusions d’une étude de l’association nationale de défense des consommateurs et usagers, la CLCV, qui démontre qu’à l’occasion de cette mesure les raffineurs et les distributeurs en ont profité pour améliorer leurs marges sur le gazole de deux centimes, nous ne pouvons que nous interroger. Je finirai donc par cette question : le Gouvernement pourrait-il fournir à la représentation nationale une étude sur l’impact social, économique et environnemental de la baisse de trois centimes du carburant, en particulier sur son effet réel sur le budget des ménages français ?

Je ne peux pas ne pas dire un mot de la nouvelle que nous avons apprise cet après-midi, qui nous laisse encore sans voix. Le Gouvernement a remercié Delphine Batho, ministre de l’écologie, après son intervention de ce matin. Elle a osé défendre son budget, rechercher des arbitrages favorables pour avoir les moyens de sa politique environnementale et elle est remerciée en quelques heures.

M. Alain Chrétien. Ça, c’est l’esprit d’équipe !

Mme Eva Sas. C’est la deuxième ministre de l’écologie remerciée en un an.

M. Yves Censi. En pleine CMP !

Mme Eva Sas. Vous comprendrez que nous sommes plus que stupéfaits et plus qu’inquiets du message qu’envoie ainsi le Gouvernement. L’ambition en matière environnementale serait une faute, la conviction en matière écologique, presque un délit ! Les écologistes ne peuvent qu’interpeller le Gouvernement sur ses intentions en matière environnementale.

M. Éric Alauzet. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Jacques Bompard.

M. Jacques Bompard. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, chers collègues, le projet de loi de règlement que nous discutons aujourd’hui arrête le montant définitif des dépenses et des recettes de l’État pour l’année 2012 et nous donne le résultat budgétaire. Ce texte, très formaliste, est d’autant plus nécessaire qu’une nouvelle fois, le budget réalisé n’est pas vraiment celui qui avait été voté, tant en loi de finances initiale que dans les trois lois de finances rectificatives.

Les écarts par rapport à la loi de finances initiale sont très significatifs : les recettes nettes sont inférieures de 8,28 milliards d’euros ; les dépenses supérieures de 5,51 milliards d’euros.

Autre chiffre significatif : le rendement de l’impôt est inférieur de 6,5 milliards d’euros à la prévision de la loi de finances initiale. Pour la TVA, l’écart est très important : moins 5,7 milliards par rapport à la loi de finances initiale et encore moins 3,5 milliards par rapport à la dernière loi de finances rectificative de décembre 2012. Quant à l’impôt sur les sociétés, le rendement a été inférieur de 3,6 milliards à la prévision.

Ces chiffres, notamment ceux du rendement de la TVA et de l’impôt sur les sociétés, révèlent une situation économique très dégradée, voire dramatiquement dégradée. Ils révèlent également le déni de réalité dont le Gouvernement socialiste fait preuve, avec une belle équanimité, dans tous les domaines. Non contents de nier, notamment, la différence entre un homme et une femme, vous prétendez également vous affranchir de la réalité économique.

Nous sommes entrés en récession, mais qu’importe ! Vous restez adeptes de la méthode Coué et des incantations chamaniques. J’ai écouté toutes les interventions du Président de la République et j’ai bien compris son message : « Je n’ai pas de solution, mais ne vous inquiétez pas, la situation va s’améliorer toute seule ; demain tout ira bien. »

M. Christian Eckert, rapporteur général. Voyons !

M. Jacques Bompard. Le texte que nous étudions prouve exactement l’inverse. La situation économique ne s’améliore pas et, par suite, nos finances publiques sont toujours plus dégradées.

La Cour des comptes a certifié les comptes 2012, mais avec sept réserves non négligeables, dont voici quelques-unes : le système d’information financière de l’État reste encore insuffisamment adapté à la tenue de sa comptabilité générale et aux besoins de vérification de la Cour ; les dispositifs ministériels de contrôle et d’audit internes, en dehors de ceux relatifs au processus de la dette financière, sont insuffisants ; des incertitudes et des limitations perdurent quant à la comptabilisation des produits régaliens ; les incertitudes demeurent importantes concernant les actifs et les passifs du ministère de la défense ; l’évaluation des participations contrôlées par l’État de certaines de ses autres immobilisations financières est encore incertaine.

Bien évidemment, dans la comptabilité d’une entreprise, de tels aléas ne seraient pas tolérés. Dans son rapport annuel, la Cour des comptes, présidée par le socialiste Didier Migaud,…

M. Gérard Bapt. Il n’est plus au Parti socialiste !

M. Jacques Bompard. …dénonce le dérapage des comptes publics et l’insincérité du budget. Mieux encore, le Premier ministre a reconnu jeudi dernier que « pour 2013, ce que dit la Cour des comptes est vrai », tant sur le déficit que sur la baisse des recettes. Or c’est une chose de reconnaître que la Cour dit vrai, c’en est une autre de prendre les mesures qui permettraient d’améliorer la situation. Une fois de plus, il y a loin de la parole aux actes.

Je veux bien convenir que la situation dont vous avez hérité n’était pas brillante, bien au contraire. Vous m’accorderez de ne pas m’être privé de critiquer la gestion dépensière et hasardeuse des précédentes majorités. Je ne me sens donc nullement solidaire des milliards d’euros de dette et de déficit laissés par tous vos prédécesseurs, chacun apportant au pot commun son rêve destructeur.

Mais voilà plus d’un an que vous êtes aux affaires.

M. Gérard Bapt. Mais c’est de 2012 que nous parlons !

M. Jacques Bompard. Vous ne pouvez plus vous contenter de vous réfugier derrière le bilan de vos prédécesseurs pour masquer vos doux rêves. Même s’ils ne vous font plus confiance, les Français attendent de vous que vous gériez au plus urgent afin d’éviter la catastrophe. Pour cela, il faut arrêter de rêver et obéir enfin aux réalités : c’est ce que je souhaite ce soir.

M. le président. La parole est à M. Gérard Bapt.

M. Gérard Bapt. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, ma chère collègue, mes chers collègues, les finances sociales, dont je veux parler au nom de la commission des affaires sociales, occupent une place à part au sein de l’ensemble des finances publiques, dans la mesure où les dépenses sociales résultent essentiellement de prestations versées en application de dispositions légales et où les partenaires sociaux jouent un rôle important.

Toutefois, le nécessaire redressement de nos comptes publics et le respect de nos engagements européens supposent une approche globale des finances publiques consacrée par la loi organique du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques. En pratique, le débat d’orientation budgétaire a toujours été concomitant. Le débat d’orientation des finances publiques intervient en effet peu de temps après la réunion de printemps de la commission des comptes de la sécurité sociale, qui a eu lieu le 6 juin dernier et qui a montré que les mesures votées en 2012 ont permis un redressement important des finances sociales cette même année, mais également que, dès 2012, cette trajectoire a été contrariée par l’augmentation du chômage qui a affecté les recettes de la sécurité sociale.

Ce n’est que grâce à d’importants efforts structurels en recettes et en dépenses que les comptes sociaux ont été sensiblement redressés en 2012. Rappelons en effet que l’évolution spontanée du déficit du régime général est de 4 à 5 milliards d’euros si l’on laisse jouer l’effet de ciseaux dû à la stagnation économique – les dépenses sociales augmentent tandis que les recettes diminuent. Notre majorité avait hérité d’une situation très dégradée des comptes sociaux. Le déficit cumulé du régime général et du fonds de solidarité vieillesse atteignait presque 21 milliards d’euros en 2011. Cet effet est aussi à considérer en fonction de l’évolution du besoin de financement des administrations de sécurité sociale : celui-ci avait certes connu une réduction importante en 2011 par rapport à 2010, passant de 23 milliards d’euros à 13,8 milliards d’euros. Par contre, il ne baissait plus que d’un milliard d’euros en 2012, pour atteindre 12,8 milliards d’euros.

Malgré la diminution du déficit du régime général à 17,5 milliards d’euros en 2012, les déficits du fonds spécial vieillesse et des régimes complémentaires, ainsi que de l’UNEDIC, s’aggravaient presque à due concurrence. En outre, même si elle apportait de nouvelles recettes à la sécurité sociale, la loi de financement pour 2012 avait été votée en fonction d’hypothèses trop optimistes : un taux de croissance du PIB de 1 % contre 0 % en réalité et un taux de croissance de la masse salariale de 3 % contre 2,2 % en réalité. Cela conduit d’ailleurs à nuancer les critiques que j’ai entendues dans l’opposition concernant la sincérité des prévisions du Gouvernement, lorsque l’on considère ce qui s’était déjà passé en 2012.

Grâce aux mesures prises à l’été 2012, l’exécution des comptes a finalement été conforme aux objectifs de la loi de financement. La loi de finances rectificative du 16 août 2012 a en effet prévu la hausse du forfait social, l’augmentation des prélèvements sociaux sur le capital et la hausse des impositions sur les stock-options. Aussi les produits du régime général avaient-ils augmenté de 4,4 % en 2012, soit un taux de progression nettement supérieur à celui de la masse salariale.

Le supplément de recettes correspondant aux nouvelles mesures de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2012 et de la loi de finances rectificative précédemment citée a été estimé – et réalisé – à 7 milliards d’euros en 2012. Cela émarge pour 5,5 milliards d’euros à la loi de financement de la sécurité sociale et pour 1,5 milliard d’euros à la loi de finances rectificative, votée par la nouvelle majorité, qui a ainsi permis de respecter les prévisions de déficit du précédent gouvernement pour 2012.

À la fin de l’année 2012, le déficit du régime général s’établit donc à 13,3 milliards d’euros, mais à 17,5 milliards d’euros en incluant le fonds de solidarité vieillesse, soit une amélioration de 3,3 milliards d’euros par rapport à 2011. Cette amélioration n’a pas empêché que soient prises des mesures immédiates de justice, dès l’année 2012 : l’augmentation de 25 % de l’allocation de rentrée scolaire et la possibilité de liquider à taux plein sa retraite à soixante ans pour les personnes ayant commencé à travailler avant vingt ans et justifiant d’une carrière complète – des mesures qui ont été financées d’emblée.

Les dépenses de santé ont été bien maîtrisées en 2012 avec une sous-exécution de l’objectif national des dépenses d’Assurance maladie de 860 millions d’euros de moins que l’objectif fixé en loi de financement. Cela permet, monsieur le ministre, de justifier pleinement les revalorisations d’un certain nombre d’actes et de prises en charge de la médecine de ville, qui viennent d’être actées au 1er juillet de cette année : celle-ci a bien tenu ses engagements en matière de maîtrise des dépenses.

Il va sans dire que le groupe SRC votera cette loi de règlement.

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Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

Suite du projet de loi de règlement du budget d’approbation des comptes de l’année 2012 ;

Débat d’orientation des finances publiques.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures cinquante-cinq.)