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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session extraordinaire de 2012-2013

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du mardi 2 juillet 2013

SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE

SOMMAIRE


Présidence de Mme Sandrine Mazetier

1. Règlement du budget et approbation des comptes de l’année 2012

Suite de la discussion d'un projet de loi

Discussion générale (suite)

M. Alain Chrétien

M. Christophe Caresche

M. Jean-Claude Mathis

M. Alain Fauré

Discussion des articles

Article liminaire

Article 1er

M. Guillaume Chevrollier

Présidence de M. Marc Le Fur

Article 2 et 3

Article 4

Amendement no 1 rectifié

M. Christian Eckert, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

M. Pierre Moscovici, ministre de l’économie et des finances

Article 5 à 7

Article 8

Amendements nos 2, 5, 4, 3, 6

Article 9

Amendement no 9 rectifié

Après l’article 9

Amendement no 8

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé du budget

Vote sur l’ensemble

2. Débat d’orientation des finances publiques

M. Pierre Moscovici, ministre de l’économie et des finances

M. Charles de Courson

Mme Eva Sas

Mme Annick Girardin

M. Patrice Carvalho

M. Pierre-Alain Muet

M. François Baroin

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales

M. Christian Eckert, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

M. Gérard Bapt, rapporteur de la commission des affaires sociales

M. Éric Alauzet

M. Thomas Thévenoud

M. Éric Woerth

M. Jacques Bompard

M. Julien Aubert

M. Jean-François Lamour

M. Jean-Pierre Door

M. Jean-François Mancel

M. Pierre Moscovici, ministre

3. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de Mme Sandrine Mazetier
vice-présidente

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

1

Règlement du budget et approbation des comptes de l’année 2012

Suite de la discussion d’un projet de loi

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2012 (nos 1083, 1210).

Discussion générale (suite)

Cet après-midi, l’Assemblée a commencé d’entendre les orateurs inscrits dans la discussion générale.

La parole est à M. Alain Chrétien.

M. Alain Chrétien. Madame la présidente, monsieur le ministre délégué chargé du budget, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, Adam Smith notait déjà en 1776 : « L’impôt entrave l’industrie et tandis qu’il oblige l’individu à payer […], de l’autre, il anéantit quelques-unes des sources de travail qui pourraient le mettre plus facilement dans le cas de le faire. »

En arrivant au pouvoir, François Hollande a commis deux erreurs majeures : il a stoppé net la dynamique de réformes lancée par Nicolas Sarkozy, et il a fait le choix de l’augmentation des prélèvements plutôt que de la réduction des dépenses. La majorité considère que l’augmentation des impôts est le moyen par excellence de revenir à l’équilibre des finances publiques, comme en attestent les dernières déclarations de M. le rapporteur général.

M. Christian Eckert, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Ce n’est pas vrai !

M. Alain Chrétien. Cet acharnement fiscal est dangereux et contreproductif, au point que nous en arrivons à une overdose fiscale.

M. Guillaume Chevrollier. Absolument !

M. Alain Chrétien. En effet, il y a un manque à gagner pour l’État de 10 milliards à 15 milliards d’euros malgré un choc fiscal sans précédent – plus 20 milliards d’impôts rien qu’en 2013. Le matraquage des classes moyennes continue.

La loi de finances et la loi de financement de la sécurité sociale votées en décembre dernier enregistrent ainsi, en comptabilité budgétaire, un déficit de 61 milliards d’euros pour le budget de l’État et de 11,7 milliards d’euros pour celui de la sécurité sociale. Au regard de l’exécution budgétaire du premier semestre 2013, et alors que tous les clignotants sont au rouge, n’importe quel gouvernement aurait déjà procédé aux ajustements nécessaires. Le rapport de la Cour des comptes sur la situation et les perspectives des finances publiques confirme l’emballement du déficit, qui se situerait entre 3,8 % et 4,1 % fin 2013 au lieu des 3 % prévus dans la loi de finances initiale.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Grâce à ce que vous nous avez laissé !

M. Alain Chrétien. Toutes les conditions sont réunies pour que le budget dérape.

Ainsi, votre loi de finances, adoptée en décembre, monsieur le ministre, est insincère. Elle prévoit un déficit de 61 milliards d’euros alors que nous atteindrons, si cela n’empire pas, au minimum 80 milliards.

Votre prévision de croissance est obsolète. Dès novembre 2012, nous vous avions fait part, et même Gilles Carrez le disait, de notre opposition à un budget bâti sur une prévision de croissance de 0,8 % alors qu’elle sera nulle cette année.

Quant aux recettes fiscales, sur lesquelles vous avez tout misé, elles ont été inférieures aux prévisions de 8 milliards d’euros en 2012 et le seront probablement de 6 milliards en 2013.

Vous avez supprimé 13 000 postes mais vous en créez 10 000 dans l’enseignement, dans la justice et dans la sécurité. Vous avez mis fin à la RGPP qui avait pourtant permis d’économiser plus de 5 milliards d’euros sur la période 2009-2012. Vous avez accru les dépenses de fonctionnement de 2,5 % en un an.

Par ailleurs, vous avez décidé de revaloriser l’ONDAM à 2,7 % en 2013 et à 2,6 % en 2014, alors que le précédent gouvernement l’avait contenu pendant trois ans à 2,4 %.

M. Christian Eckert, rapporteur général. En prévision !

M. Alain Chrétien. Vous avez créé des dépenses nouvelles – jour de carence des fonctionnaires, CICE – et aggravé des dépenses récurrentes – retraite à soixante ans, prime de rentrée accrue de 25 %, aide médicale d’État.

Enfin, un certain nombre de dispositions fiscales votées en décembre dernier se trouvent aujourd’hui contredites par des annonces gouvernementales. C’est le cas notamment de la fiscalité sur les plus-values de cession de valeurs mobilières et sur les plus-values immobilières.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Ça, c’est juste.

M. Alain Chrétien. À peine entrée en vigueur, vous en avez annoncé la modification en avril dernier.

Monsieur le ministre, la France était, en 2012, le premier emprunteur de la zone euro,…

M. Christian Eckert, rapporteur général. Grâce à qui ?

M. Alain Chrétien. …à hauteur de 180 milliards d’euros, et malgré cet état de fait vous ne respectez pas les engagements pris ! Le résultat, c’est une perte totale de crédibilité. La confiance des prêteurs repose sur la sincérité de nos comptes publics. Je vous rappelle que les exercices budgétaires 2010, 2011 et 2012 ont été exécutés selon les engagements de la France, ce qui a entraîné des conditions de financement excellentes en 2012. Or c’est cette confiance des prêteurs qu’aujourd’hui vous dilapidez ! Allez-vous encore accroître le poids des prélèvements, monsieur le ministre ?

Monsieur Eckert, vous suggérez de nouvelles hausses fiscales pour 2014…

M. Christian Eckert, rapporteur général. Non ! Vous n’avez pas lu le rapport ! Vous pourriez le faire tout à l’heure, mais vous irez vous égayer dans la nature…

M. Alain Chrétien. …notamment sur les contrats d’assurance-vie, sur le gasoil et sur les taux de TVA.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Lisez le rapport ! Page 22 !

M. Alain Chrétien. Écoutez la Cour des comptes, qui note dans son rapport sur les résultats de la gestion budgétaire en 2012 que « en période de ralentissement économique, l’effort fiscal seul ne peut pas suffire pour réduire le déficit budgétaire ». Il faut faire des économies structurelles, ce que le Gouvernement se refuse toujours à faire.

Monsieur le ministre, écoutez aussi l’opposition : nous proposons d’élargir la MAP, la modernisation de l’action publique, à l’ensemble des dépenses de l’État, de ne pas remplacer un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, aussi bien pour l’État que pour les collectivités territoriales, de désindexer les prestations sociales et de simplifier le millefeuille normatif.

Telles sont les quelques pistes que nous vous proposons pour retrouver raison. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Christophe Caresche.

M. Christophe Caresche. Je voudrais revenir sur ce qui fait en partie le cœur de cette discussion du point de vue de l’opposition et du président de la commission des finances, à savoir la demande d’un collectif budgétaire.

Monsieur le président de la commission des finances, cette proposition me laisse perplexe.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Ah ? Pourquoi ?

M. Christophe Caresche. Parce que vous demandez un collectif tout en expliquant que vous n’avez ni augmentation de recettes ni diminution de dépenses à proposer.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. C’est vrai.

M. Christophe Caresche. Autant dire que vous demandez une nouvelle loi de finances pour acter l’orientation actuelle du Gouvernement. Je ne vois pas l’intérêt d’un tel exercice.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Si ! Ajuster les comptes pour garder la confiance des prêteurs !

M. Alain Chrétien. Votre budget était insincère ! Il faut corriger vos erreurs !

M. Christophe Caresche. Nous ne sommes pas ici pour faire de la morale, il ne faut pas mélanger les choses, monsieur le député.

La sincérité des comptes, elle se trouve d’abord dans le programme de stabilité. Je vous rappelle que le Conseil européen vient d’acter les recommandations par pays, et que les préconisations de la Commission élaborées avec le gouvernement français figurent dans les orientations budgétaires. Le projet de loi de règlement et ses annexes sont extrêmement clairs à cet égard, de même que le rapport de la Cour des comptes. Il y aura à l’évidence un ajustement à faire, mais ce sera dans la loi de programmation pluriannuelle des finances publiques qui viendra en septembre.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Mais elle ne portera pas sur l’année 2013 !

M. Alain Chrétien. M. Carrez a raison. Comme toujours ! (Sourires.)

M. Christophe Caresche. Mais non, il a tort ! La loi de programmation des finances publiques aura notamment pour objectif d’inscrire les mesures prévues dans le programme de stabilité.

Je ne vois donc pas l’intérêt, je le répète, d’un collectif budgétaire qui n’apporterait aucun changement fondamental. Au passage, j’étais présent lorsque Didier Migaud s’est exprimé devant la commission des finances et il a dit tout à fait clairement que la Cour des comptes ne demandait pas de mesures nouvelles. Son rapport indique que la dépense peut être maîtrisée.

M. Alain Chrétien. Il faut faire plus !

M. Christophe Caresche. Lisez ce rapport ! Manifestement vous ne l’avez pas lu, monsieur Chrétien. Le rapport est extrêmement clair là-dessus. Il indique qu’il faut que le Gouvernement veille à ce que la dépense soit maîtrisée, mais ne fait pas état d’inquiétudes particulières sur ce point. La question des recettes se pose évidemment, mais elle a déjà été abordée, s’agissant notamment des recettes de TVA.

L’exercice que nous pratiquons aujourd’hui est par conséquent parfaitement légitime et se déroule dans un cadre tout à fait acceptable.

Pour la suite, je remercie le Gouvernement de tenir le cap. Son document sur les orientations budgétaires est extrêmement précis, notamment s’agissant de la réduction des dépenses. Lisez-le, car c’est la priorité qui sera mise en place pour le budget 2014. Nous disposons donc d’ores et déjà d’éléments tout à fait consistants de la part du Gouvernement.

Il faut donc tenir le cap et poursuivre les importants efforts budgétaires accomplis qui, j’en suis convaincu, seront payants pour nos finances publiques et pour l’économie française.

M. Christian Eckert, rapporteur général et M. Alain Fauré. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Mathis.

M. Jean-Claude Mathis. À la fin de chaque exercice, la loi de règlement arrête le montant définitif des dépenses et des recettes de l’État, et le résultat budgétaire qui en découle.

Quel est le constat pour les comptes de l’exercice 2012 ?

Nous savons bien, monsieur le ministre, que la vérité des chiffres est relative et qu’elle dépend de la manière dont on les présente. Dans son rapport, exposé en commission des finances, la Cour des comptes a en partie donné raison aux commissaires aux finances de l’opposition, qui ont dénoncé le dérapage des comptes. Certes, la gestion de 2012 s’inscrit dans le mouvement de réduction du déficit, mais ce mouvement s’est ralenti : moins 3,5 milliards par rapport à 2011, contre moins 14 milliards en 2011 par rapport à 2010, et cela malgré trois lois de finances rectificatives. Le rapport de la Cour des comptes sur la situation et les perspectives des finances publiques confirme ainsi le dérapage du déficit, qui se situerait entre 3,8 % et 4 % en 2013. Le déficit budgétaire représente plus de trois mois de dépenses de l’État et s’élève à 87 milliards d’euros.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Avec vous, c’était six mois !

M. Jean-Claude Mathis. Cette situation est d’autant plus préoccupante que le déficit de 2012 est plus lourd de 8,4 milliards que ce qui était prévu par la loi de finances initiale.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Rappelez-nous l’écart entre la loi de finances initiale et la loi de règlement en 2010 ou en 2011 ?

M. Alain Chrétien. À cause de la faible croissance, monsieur le rapporteur général !

M. Jean-Claude Mathis. Pourquoi et comment en est-on arrivé à une telle situation ?

Cet écart s’explique presque exclusivement par des recettes fiscales qui s’avèrent nettement inférieures aux prévisions. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Les recettes nettes sont ainsi inférieures de plus de 8 milliards d’euros aux prévisions du budget initial. Celles-ci étaient en effet fondées sur une hypothèse de croissance de 1 %. Or la croissance a été nulle au cours de l’année 2012.

M. Alain Chrétien. Normal : ils ont tué la croissance !

M. Jean-Claude Mathis. La Cour des comptes ne peut que constater que « en période de ralentissement économique, l’effort fiscal seul ne peut suffire pour réduire le déficit budgétaire ». Cet écart entre dépenses prévues et constatées met en effet en évidence la non-fiabilité de ce mode de réduction de la dette. Je partage le point de vue de la Cour qui propose de faire reposer davantage la réduction du déficit sur des économies structurelles, par une maîtrise des dépenses, ce que le Gouvernement a quelque difficulté à prendre en compte.

Parallèlement, et pour ne rien arranger, les dépenses ont augmenté de 55,9 % à 56,6 % du PIB entre 2011 et 2012, soit de quelque 5,5 milliards d’euros. Par ailleurs, l’exécution budgétaire est marquée par des sous-budgétisations récurrentes et d’importantes annulations de crédits.

Quelles sont alors les perspectives ? Le constat de la Cour des comptes est simple : moindre croissance et moindres recettes vont inévitablement peser sur les prévisions du Gouvernement dès 2013. Et le jeudi 27 juin dernier, le Premier ministre a reconnu que, pour 2013, ce que dit la Cour des comptes sur le déficit et la baisse des recettes est vrai.

La Cour table sur un déficit d’au moins 4 % du PIB en 2013, contre le taux de 3,7 % prévu dans la loi de finances.

M. Alain Chrétien. Ça dérape !

M. Jean-Claude Mathis. Ce niveau de déficit reste très éloigné de celui qui aurait permis de stabiliser la dette publique.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Quelle honte de dire cela !

M. Jean-Claude Mathis. Quant aux recettes, la Cour anticipe une moins-value de l’ordre de 6 milliards d’euros, confirmant ainsi les propos du président de la commission des finances. Elle rappelle qu’un point de recette de TVA en moins par rapport aux prévisions 2013 correspond à une perte de 1,5 milliard d’euros pour l’État.

La croissance des dépenses, ajoute la Cour des comptes, a été plus forte que prévu : 1 % contre 0,4 % en volume. Elle a donc été trop forte pour contribuer à l’effort structurel de réduction du déficit.

Que pouvons-nous faire pour améliorer ces perspectives ?

M. Alain Chrétien. Réduire les dépenses !

M. Jean-Claude Mathis. Les efforts d’économies à réaliser en 2014 et 2015 pour assainir nos comptes publics s’élèveraient à quelque 28 milliards d’euros.

Dans la mesure où le taux des prélèvements obligatoires passerait de 44,9 % en 2012 à 46,3 % en 2013 puis à 46,5 % en 2014, l’augmenter davantage aurait un effet dévastateur sur notre économie et sur la capacité de consommer des ménages français.

Pourtant, M. le rapporteur général suggère quelques hausses fiscales pour 2014.

M. Christian Eckert, rapporteur général. J’en parlerai tout à l’heure !

M. Jean-Claude Mathis. Ce week-end, M. le Président de la République a réagi à ces propositions…

Mme la présidente. Il faut conclure, monsieur Mathis.

M. Jean-Claude Mathis. …en réaffirmant qu’il ne voulait pas alourdir la pression fiscale des Français en 2014 car ce serait contradictoire avec la volonté d’accélérer la reprise.

M. Christian Eckert, rapporteur général. C’est à la page 22 du rapport. Vous ne l’avez pas lu ! Je vais vous en faire cadeau…

M. Jean-Claude Mathis. On peut volontiers souscrire à cette analyse, en observant malgré tout qu’il aurait pu avoir cette révélation dès le début du quinquennat…

Mme la présidente. Veuillez conclure, monsieur Mathis.

M. Jean-Claude Mathis. …ce qui aurait évité de perdre une année.

Comme toutes les institutions françaises et internationales, la Cour des comptes rabâche une évidence : pour sortir de ce piège la seule voie possible consiste à arrêter au plus vite le matraquage fiscal…

M. Jean-Claude Buisine. Ils n’ont que cela à dire !

M. Jean-Claude Mathis. …et à faire maigrir non pas seulement le mammouth mais l’État dans son ensemble, les administrations, les collectivités et tous les satellites de la puissance publique. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. Merci. La parole est à M. Alain Fauré.

M. Alain Fauré. En juillet 2012, nous avons dû faire face à un dilemme : lancer notre projet politique, qui répondait aux attentes de la majorité des Françaises et des Français, tout en tenant compte de la dégradation régulière des comptes depuis dix ans. La dette atteignait plus de 1 800 milliards d’euros et la dégradation des comptes pour l’année 2012 était plus forte qu’initialement prévue dans le cadre du budget par le gouvernement Fillon.

Nous n’avions d’autre choix que d’augmenter les recettes et poursuivre la diminution de certaines dépenses en veillant à l’orientation de notre politique. Le déficit a été ramené à 4,8 % en 2012 contre 6,7 % en moyenne lors des trois dernières années de gouvernement UMP.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Voilà la vérité !

M. Alain Fauré. Nous devions corriger cette dérive car la dette publique atteint aujourd’hui plus de 90 % du PIB.

M. Alain Chrétien. C’est votre vérité ! À chacun la sienne !

M. Alain Fauré. À chacun sa vérité, à chacun ses oreilles !

Le remboursement des intérêts de la dette est devenu le premier budget de l’État, hélas. Les augmentations de recette décidées ont été animées par un sentiment de justice devant l’effort qui avait été oublié pendant plus de dix ans.

Nous avons notamment mis en place une tranche à 45 % pour l’impôt sur le revenu. Nous avons aussi supprimé l’allégement de l’ISF décidé par le gouvernement Fillon en 2011.

M. Alain Chrétien. Et les heures supplémentaires !

M. Alain Fauré. Nous aurons tout entendu sur nos mesures pour jeter le trouble sur notre action.

M. Charles de La Verpillière. Et vous n’avez pas fini d’en entendre !

M. Alain Fauré. Les fameux et trop célèbres pigeons sont venus se plaindre car nous les empêcherions d’agir à leur guise.

M. Alain Chrétien. Ils sont sur les toits, les pigeons !

M. Alain Fauré. Parmi tous les Français, ils étaient ceux qui auraient dû se taire ! Ils sont les moins à plaindre. En effet, l’écart entre les plus fortunés et les moins fortunés ne cesse de grandir depuis dix ans.

Mais la maîtrise des réseaux d’information a fait son œuvre, favorisée par les prises de positions contreproductives de quelques députés de notre bord, hélas, en mal de notoriété (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe SRC – Exclamations sur les bancs du groupe UMP), par les boulets rouges du Front de gauche, par les prises de parole à contresens de certains ministres…

M. Alain Chrétien. Des noms !

M. Alain Fauré. …et bien sûr par le peu de scrupules d’une opposition préférant l’attaque pour cacher ses disputes internes à la méditation sur sa défaite électorale, qui aurait invité à plus de discrétion.

Dans le brouillard médiatiquement orchestré par les derniers cités, nous avons pourtant poursuivi nos objectifs : les revenus du travail et les revenus financiers sont enfin soumis à la même fiscalité en matière d’impôt sur le revenu…

M. Alain Chrétien. Une erreur !

M. Alain Fauré. …et les stocks-options sont soumises au barème de l’impôt sur le revenu.

Nous avons aussi courageusement baissé l’abattement sur les successions, ramené à 100 000 euros dès l’été 2012 – car hériter n’est pas mériter.

M. Alain Chrétien. C’est très socialiste, ça !

M. Alain Fauré. À ceux qui y ont vu une atteinte à la propriété et au travail d’une génération pour la suivante, je rétorque que chaque génération doit se remettre en cause, se bousculer et créer. C’est aussi à méditer.

M. Alain Chrétien. Remettez-vous en cause vous-mêmes !

M. Alain Fauré. Le gain annuel des niches fiscales ne pourra plus désormais excéder 10 000 euros par an, d’autant que leur efficacité reste pour beaucoup une énigme économique, et est à coup sûr assez faible.

M. Alain Chrétien. Parlez-en aux Français !

M. Alain Fauré. Le Gouvernement a mis en place des surtaxes sur les sociétés pétrolières et les banques pour intensifier leur participation à l’effort de redressement et répartir plus justement l’impôt sur les sociétés. En France, les PME sont plus taxées que les grandes entreprises. Nous avons commencé à inverser cette tendance.

L’augmentation des recettes dans la justice a été accompagnée de mesures pour favoriser le développement économique et le soutien aux plus démunis.

Pour les PME, le Gouvernement a mis en place un accès privilégié aux contrats de génération, au préfinancement du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, aux financements de la BPI et au crédit d’impôt recherche.

M. Alain Chrétien. Le CICE ne marche pas : 3 000 entreprises sur 3 millions l’ont demandé !

M. Alain Fauré. Mais si, monsieur, cela fonctionne ! Il n’y a pas plus aveugle que celui qui ne veut pas voir.

Nous avons la volonté de soutenir l’émergence de nouvelles forces productives en aidant les PME, qui sont les plus créatrices d’emploi. Quelque 42 milliards d’euros sont alloués à la Banque publique d’investissement afin qu’elle accompagne le développement des entreprises que les banques classiques ne suivent pas suffisamment.

Parallèlement, nous avons augmenté l’allocation de rentrée scolaire de 25 %, soit en moyenne une aide supplémentaire de 75 euros pour 5 millions d’enfants. Dans le cadre du plan national de lutte contre la pauvreté, une hausse de 10 % du RSA, étalée sur la durée du quinquennat, a été décidée pour lutter contre l’exclusion des plus démunis. Nous avons aussi renforcé le service public de l’emploi. Il avait été trop affaibli par les réformes Sarkozy et manquait cruellement de moyens humains pour accompagner les demandeurs d’emploi.

Ensuite, pour répondre à l’attente des jeunes sans emploi et en situation précaire, 500 000 contrats de génération liant leur destin professionnel à celui d’un senior vont être signés dans les cinq prochaines années.

Mme la présidente. Veuillez conclure, cher collègue.

M. Alain Fauré. J’en termine, madame la présidente.

150 000 emplois d’avenir seront aussi proposés au cours des trois prochaines années pour faciliter l’intégration professionnelle des jeunes, une catégorie d’âge qui subit de plein fouet les conséquences de la crise.

M. Alain Chrétien. Pas de la crise, de votre politique !

M. Alain Fauré. En juillet 2012, la gauche a remis l’école au cœur des priorités publiques et elle fournit un effort exceptionnel d’embauche de 60 000 enseignants pour les cinq prochaines années.

La loi rectificative budgétaire, adoptée en juillet 2012, a pris en compte cette volonté politique. Malgré un ralentissement économique, des rentrées fiscales moins importantes que prévu et des dépenses non prévues, indépendantes de notre volonté mais dont la précédente majorité est responsable, le déficit a été contenu à 4,8 % du PIB. C’est un tour de force qui mérite d’être souligné pour un gouvernement trop souvent taxé de laxisme, à tort, sur les bancs de la droite. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La discussion générale est close.

Discussion des articles

Mme la présidente. J’appelle maintenant les articles du projet de loi.

Article liminaire

(L’article liminaire est adopté.)

Article 1er

Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Chevrollier, inscrit sur l’article.

M. Guillaume Chevrollier. Cet article montre bien la piètre situation dans laquelle se trouve le budget de notre pays, qu’a très justement dénoncée Gilles Carrez.

La situation de la France est en effet plus dégradée que celle des autres pays européens. En 2012, le déficit structurel de la France atteint 4 % du PIB alors qu’il n’est que de 2,1 % pour la zone euro et de 2,8 % pour l’Union européenne.

Nous en connaissons les raisons. Le Gouvernement nous explique que ces résultats sont dus à la crise, d’une part, et à la gestion du gouvernement précédent d’autre part, mais ces arguments sont insuffisants. Nous savons tous que ce gouvernement a axé sa politique économique sur le matraquage fiscal au lieu de poursuivre les réformes du précédent gouvernement, qui menait une politique courageuse.

M. Alain Chrétien. Eh oui, grande erreur !

M. Guillaume Chevrollier. Cette politique malheureuse nous permet de vérifier la véracité de l’axiome « trop d’impôt tue l’impôt » puisque le rendement fiscal se révèle moindre qu’espéré.

Il y a aussi un problème de consentement à l’impôt : les Français ne veulent plus payer l’impôt à ce gouvernement qui mène une politique désastreuse et beaucoup d’entre eux quittent le pays.

M. Alain Chrétien. Écoutez-les !

M. Guillaume Chevrollier. En multipliant les impôts, vous brisez la confiance et la croissance, vous freinez les investissements et vous découragez l’initiative – preuve en est l’atonie de notre économie.

Nous allons vous faire des propositions. Il fallait conserver la politique du non-remplacement d’un fonctionnaire partant à la retraite sur deux. Au lieu de cela, vous prévoyez de créer 60 000 emplois de fonctionnaires au sein de l’éducation nationale, alors même que la Cour des comptes considère que cette mesure est inadaptée.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Ce n’est pas encore la Cour des comptes qui fait la politique !

M. Guillaume Chevrollier. Messieurs les ministres, écoutez les inquiétudes des Français ! Redressez l’état des finances publiques de notre pays en engageant des réformes structurelles, des réformes de progrès qui entraînent la France dans la voie du redressement. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Alain Chrétien. Les forces de progrès, c’est nous !

(L’article 1er est adopté.)

(M. Marc Le Fur remplace Mme Sandrine Mazetier au fauteuil de la présidence.)

Présidence de M. Marc Le Fur
vice-président

Article 2 et 3

(Les articles 2 et 3 sont successivement adoptés.)

Article 4

M. le président. Sur l’article 4, je suis saisi d’un amendement n° 1 rectifié. Il tend à la rectification d’une erreur matérielle, n’est-ce pas, monsieur le rapporteur général ?

M. Christian Eckert, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Tout à fait, monsieur le président.

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie et des finances pour donner l’avis du Gouvernement.

M. Pierre Moscovici, ministre de l’économie et des finances. Avis favorable.

(L’amendement n° 1 rectifié est adopté.)

(L’article 4, amendé, est adopté.)

Article 5 à 7

(Les articles 5, 6 et 7 sont successivement adoptés.)

Article 8

M. le président. À l’article 8, je suis saisi par la commission de plusieurs amendements de précision ou rédactionnels, nos 2, 5, 4, 3 et 6.

(Les amendements nos 2, 5, 4, 3 et 6, acceptés par le Gouvernement, sont successivement adoptés.)

(L’article 8, amendé, est adopté.)

Article 9

M. le président. Je suis saisi par la commission d’un amendement de coordination n° 9 rectifié.

(L’amendement n° 9 rectifié, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

(L’article 9, amendé, est adopté.)

Après l’article 9

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l’amendement n° 8, portant article additionnel après l’article 9.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Cet amendement vise à fournir au Parlement les renseignements nécessaires pour légiférer correctement sur la question du quotient familial – ce qui ne veut pas dire que nous allons le supprimer.

Comme l’a montré ce qui s’est passé lors du débat qui a eu lieu il y a quelques semaines, nous devons disposer de toutes les données pour pouvoir estimer le montant du quotient familial et travailler sur cette notion. Comme certains de nos collègues, je me suis aperçu qu’il était assez difficile d’obtenir les seuils de revenu à partir desquels les contribuables étaient touchés par le plafond du quotient familial, un dispositif que nos concitoyens ont parfois un peu de mal à appréhender.

Cet amendement demande au Gouvernement de remettre un rapport sur la possibilité de classer le quotient familial en tant que dépense fiscale. Nous ne vous demandons pas là quelque chose d’extrêmement difficile. Simplement, le Parlement doit être correctement informé s’il veut pouvoir travailler et faire des propositions sur ces questions.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Il faut faire attention à ce type d’amendement. Si les mots ont un sens, rapprocher l’expression « quotient familial » de l’expression « dépense fiscale » est d’une extrême gravité.

M. Alain Chrétien. Le quotient familial n’a rien à voir avec une dépense fiscale !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. J’appelle votre attention, messieurs les ministres des finances et du budget, sur le fait que cela risque d’être perçu, à juste titre, comme une véritable provocation par l’ensemble des associations, par tous ceux qui, dans notre pays, défendent la politique familiale.

L’impôt sur le revenu a été inventé par Joseph Caillaux, juste avant la Première Guerre mondiale. Son taux était alors forfaitaire. C’est le Conseil national de la Résistance qui lui-même a défini les bases de la politique familiale, notamment en prévoyant la structuration de l’impôt sur le revenu à partir de la famille. De tout temps donc le quotient familial a fait partie intégrante du calcul de l’impôt sur le revenu, et c’est notre héritage le plus précieux. Essayer, au prétexte de faire un rapport d’évaluation, de transformer, car tel est bien le but, le quotient familial en dépense fiscale marquerait, sous l’angle de la fiscalité, une régression d’une extrême importance de la politique familiale.

C’est vrai, nous sommes l’un des rares pays qui ont ce type de calcul de l’impôt sur le revenu, mais je crois qu’il faut nous en féliciter.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Habituellement, vous avancez l’argument contraire : si nous sommes l’un des rares pays à faire quelque chose, c’est mauvais !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Mais c’est parce que la politique familiale, elle, a réussi, monsieur le rapporteur général ! Tout le monde, sur ces bancs, reconnaît que la politique familiale donne des résultats dans notre pays.

Et je ne souscris pas à l’argument technique selon lequel ce rapport est nécessaire parce qu’on ne peut pas faire les évaluations. Le quotient familial a été plafonné pour la première fois en 1982, vous avez introduit un nouveau plafond dans le cadre de la loi de finances pour 2013, vous en proposez maintenant un nouveau et à chaque fois, on a pu disposer de simulations extrêmement précises de l’effet de la mesure pour les différents ménages.

Je ne vois donc pas, pour ma part, l’intérêt de ce rapport. Surtout, je m’inquiète parce qu’avec un amendement de ce type, monsieur le rapporteur général, vous n’allez pas aider le Gouvernement.

Mme Sandrine Mazetier. Quel argument !

M. Dominique Baert. Parce que vous voulez aider le Gouvernement, vous ?

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. En incitant à la prudence, je pense donner un bon conseil, un conseil d’ancien, en quelque sorte, au Gouvernement.

M. Alain Fauré. Je me demande si vous ne voulez pas l’envoyer dans une impasse !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Il y a suffisamment de problèmes en ce moment pour ne pas en créer un autre de façon artificielle. Le quotient familial fait partie de l’architecture même de l’impôt sur le revenu dans notre pays. Il ne faut en aucun cas le considérer comme une dépense fiscale. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

M. Alain Chrétien. Belle démonstration !

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé du budget pour donner l’avis du Gouvernement.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé du budget. Si l’argument du président Carrez est qu’il faut rejeter cet amendement pour aider le Gouvernement, j’aurai volontiers tendance à donner raison à Christian Eckert. Je lui fais en effet plus confiance qu’à vous, monsieur le président de la commission des finances, pour aider le Gouvernement. (Sourires.)

M. Charles de Courson. Mauvais argument !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Par conséquent, je ne retiendrai pas cette partie de votre argumentation pour appréhender votre raisonnement.

En revanche, je comprends la demande du rapporteur général. Cet amendement vise à obtenir la transparence du coût du quotient familial pour les finances publiques.

Je propose que nous essayions de trouver une synthèse entre les différentes préoccupations. Je vous propose, monsieur le rapporteur général, que le Gouvernement apporte chaque année toute explication concernant le coût du quotient familial, de manière à satisfaire votre aspiration à la transparence. Dès lors, la disposition que tend à insérer l’amendement n° 8 ne serait pas nécessaire. Si vous en étiez d’accord, l’amendement pourrait être retiré en contrepartie de l’engagement que nous prenons de satisfaire votre demande.

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Cet amendement est d’une portée tout à fait considérable !

M. Julien Aubert. Exactement !

M. Charles de Courson. C’est la destruction du système français d’impôt sur le revenu ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Christian Eckert, rapporteur général. Vous êtes tous tombés sur la tête ! On demande juste un rapport !

M. Charles de Courson. Qu’est-ce qu’une dépense fiscale ? C’est une mesure dérogatoire à une règle de droit commun. Si vous estimez que le quotient familial est une dépense fiscale, cela veut dire que vous vous référez à une règle de droit commun – ce que vous n’écrivez pas dans l’exposé sommaire de l’amendement – qui est la déclaration séparée. Celle-ci est pratiquée par beaucoup de démocraties : madame fait sa déclaration, monsieur fait la sienne. Certes, s’il y a une politique familiale, c’est un peu compliqué, parce qu’il faut rattacher les enfants à l’un ou à l’autre, en fonction du revenu…

Bref, en proposant cela, monsieur le rapporteur général, vous signifiez que votre concept d’impôt sur le revenu est un concept anglo-saxon, celui de la déclaration séparée.

M. Julien Aubert. C’est ultralibéral !

M. Charles de Courson. Oh, c’est plus que cela. C’est une conception atomistique de la société. (Sourires.)

M. Alain Chrétien. Ça, je n’aurais pas aimé qu’on m’accuse de ça !

M. Charles de Courson. Qu’un homme de gauche propose d’assimiler à une dépense fiscale le quotient familial, c’est une mutation culturelle considérable, mon cher collègue !

M. Jean-Claude Buisine. Mais non !

M. Charles de Courson. Or, comme je connais vos convictions profondes, je sais que vous ne partagez ces conceptions.

J’en viens à l’argument que vous utilisez dans l’exposé sommaire. Vous êtes, mon cher collègue, rapporteur général. Si vous voulez connaître le coût de quotient familial, vous n’avez qu’à envoyer une lettre à M. le ministre, qui se fera un plaisir de procéder à la énième évaluation du coût du quotient familial !

Cet amendement est donc, premièrement, inutile. Il est, deuxièmement, dangereux parce qu’il assimile, dans la loi, le quotient à une dépense fiscale. Il faut donc absolument le repousser.

M. le président. La parole est à M. Éric Woerth.

M. Éric Woerth. Je veux abonder dans le sens de Gilles Carrez. Je trouve cet amendement assez bizarre. L’idée est qu’en faisant appel à un peu de technocratie, si un rapport qualifiait le quotient familial de dépense fiscale, alors chaque année on pourrait publier des données… C’est une drôle de manière, assez tortueuse, de parvenir à l’idée d’une évaluation du quotient familial. Commandez un rapport sur le quotient familial à travers les âges et vous aurez les réponses aux questions que vous vous posez !

Le quotient familial n’est pas une dépense fiscale, c’est une modalité de calcul de l’impôt. Il égalise les choses entre les couples qui ont des enfants et les couples qui n’en ont pas, il égalise le pouvoir d’achat. C’est une manière de solidarité – en fait, il réduit simplement l’écart, il n’égalise pas totalement.

Ce n’est donc pas du tout une logique de prélèvement, d’incitation fiscale, mais une logique d’égalisation, une logique de justice entre ceux qui ont des enfants et ceux qui n’en ont pas. Un enfant n’est pas un coût pour la société, pour le ménage ; c’est au contraire, et le législateur le dit depuis très longtemps, une chance. On peut, bien sûr, faire varier les taux de temps en temps, on peut jouer à cela, même si nous le combattons. Mais en l’occurrence, cela va beaucoup plus loin. Si le quotient familial devient une dépense fiscale, il devient aussi une niche fiscale. À ce titre, il peut être totalement supprimé, considéré, au fond, comme un avantage indu, pris dans une polémique dont il ne doit pas être l’objet.

Je suis donc moi aussi extrêmement défavorable à cet amendement.

M. Julien Aubert. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Je veux simplement rappeler à nos collègues que le quotient familial a été classé en dépense fiscale en 1981 et déclassé en 1998. Puisque vous faites de l’archéologie fiscale, monsieur le président de la commission des finances, constatez qu’il n’est pas exceptionnel de classer le quotient familial en dépense fiscale ! Actuellement, ce n’est pas le cas, et il n’est pas même classé en modalité de calcul de l’impôt. Nous n’avons donc effectivement aucun chiffre concernant son incidence budgétaire. Peut-être pourrions-nous au moins nous accorder sur le fait qu’il s’agit d’une modalité de calcul de l’impôt !

En revanche, j’appelle votre attention sur le fait que la demi-part supplémentaire par enfant à charge à compter du troisième est, elle, classée en modalité de calcul de l’impôt. Nous disposons donc de son évaluation. Il en va de même pour la demi-part supplémentaire pour les orphelins majeurs.

Pourquoi ai-je proposé cet amendement ? Parce que je ne peux pas faire autrement. C’est le Gouvernement qui arrête la liste des modalités de calcul de l’impôt qu’il doit inclure dans le tome II de l’évaluation des voies et moyens, ce n’est pas le Parlement.

Et, je le répète, ces dernières semaines, obtenir les seuils et les valeurs au-delà desquelles on est touché par le quotient familial, dans le cadre du travail que quelques-uns d’entre nous ont voulu mener, nous a été extrêmement difficile. Tellement, d’ailleurs, que dans le prétendu rapport du président Carrez, dans son PowerPoint de mardi dernier, il était écrit que le plafonnement du quotient familial coûterait 800 euros d’impôt par mois !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Mais non ! C’est moins que cela !

M. Christian Eckert, rapporteur général. Bien sûr, mais vous avez écrit 800 euros, monsieur le président, et c’est ce que vous avez distribué aux journalistes !

On voit donc bien qu’il y a un problème. D’ailleurs, ce qui a été dit dans l’émission de M6 Capital à propos de la dénommée Chloé était également faux. Nous avons eu quelques polémiques avec M6 et Libération, je n’entrerai pas dans le détail.

Cela étant dit, j’ai bien entendu votre proposition, monsieur le ministre délégué. Ce que je souhaite, c’est disposer des chiffres complets pour pouvoir se pencher sur la question du quotient familial, et vous vous êtes engagé à les fournir. Je retire donc cet amendement.

M. Charles de Courson et M. Julien Aubert. Très bien !

(L’amendement n° 8 est retiré.)

M. le président. Il n’est peut-être pas nécessaire de procéder à des explications de vote. La discussion générale en a fait office.

Vote sur l’ensemble

M. le président. Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2012.

(Le projet de loi est adopté.)

2

Débat d’orientation des finances publiques

M. le président. L’ordre du jour appelle le débat d’orientation des finances publiques.

La parole est à M. le ministre de l’économie et des finances.

M. Pierre Moscovici, ministre de l’économie et des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mesdames et messieurs les députés, je suis très heureux de vous retrouver ce soir pour ce débat d’orientation des finances publiques. C’est, pour nous tous, un moment important. Nous avons eu dans cette enceinte, il y a un peu plus de deux mois, une discussion suivie d’un vote sur le programme de stabilité et le programme national de réformes de la France. Ces échanges sont, je n’en doute pas, encore frais dans vos mémoires. Je ne doute pas non plus de ce que, évoquant le projet de loi de règlement, vous avez aussi parlé des orientations pour le futur.

Revenons au débat sur le programme de stabilité. Nous avons, à cette occasion, pris acte collectivement d’une réalité qui nous marque, qui marque l’ensemble des économies européennes, qui marque la France : la dégradation rapide et généralisée – j’insiste sur ce mot – du contexte économique dans la zone euro. Celle-ci connaîtra en effet, en 2013, une nouvelle année de récession, dont la France subit bien sûr les conséquences. Nous ne sommes pas un isolat, à l’abri de la mondialisation. Nous sommes dans cette zone euro – deuxième économie de cette zone.

Cela m’avait alors conduit– il ne faut pas l’oublier ! Je le rappelle à ceux qui pourraient être un peu amnésiques, qui pourraient penser que nous nous en étions tenus à l’époque aux prévisions du projet de loi de finances initiale pour 2013 – à réviser à la baisse la prévision de croissance, à 0,1 %, et à fixer celle de déficit public à 3,7 % du PIB pour l’année 2013. J’aurai l’occasion d’y revenir et de préciser les aléas qui entourent ces prévisions, en toute transparence.

Nous avons eu, au cours de cette séance sur le programme de stabilité, une discussion franche, animée même, au-delà des questions de chiffres et de décimales, sur les conséquences à tirer de ces évolutions conjoncturelles pour la conduite de la politique budgétaire.

Je rappelle qu’au cours de ce débat, l’opposition avait pris position en faveur de l’adoption de mesures de redressement supplémentaires pour tenir coûte que coûte – c’est ce qu’elle prétendait à l’époque – l’objectif de déficit, fixé à 3 % du PIB en 2013. Cela aurait supposé d’adopter dès cette année des mesures soit de hausse des impôts, soit de coupes dans les dépenses, d’un montant de près de 15 milliards d’euros. Le Gouvernement, soutenu par la majorité, a jugé que dans le contexte économique actuel de récession, suivre cet avis conduirait à enfoncer notre économie dans la récession, aggraverait le chômage et ne réduirait in fine que marginalement le déficit. Car ce que nous aurions gagné grâce à ce plan de rigueur ou d’austérité supplémentaire, nous l’aurions perdu en grande partie par l’effet induit sur les rentrées fiscales ! Cela aurait été profondément récessif, dans une situation où l’économie française et les Français souffrent déjà assez.

Le Gouvernement a donc fait le choix de sortir de cette logique vouée à l’échec, que j’appellerai « nominalisme », et de privilégier à la place un pilotage structurel des comptes publics – j’y reviendrai. Nous avons choisi le sérieux, qui suppose d’accomplir des ajustements structurels et de réaliser les réformes nécessaires, mais nous refusons l’austérité, qui aggraverait encore la situation économique et précipiterait notre économie dans la récession. C’est pourquoi je dis à l’opposition, aujourd’hui encore, qu’elle se trompe en réclamant un collectif budgétaire au nom de la vérité. Nous disons la vérité sur les comptes publics. Nous la disons au fur et à mesure qu’elle se dévoile, compte tenu de la situation dans la zone euro.

Permettez-moi donc de vous dire, mes chers collègues, que ce qui nous sépare n’est pas cette prétendue différence de rapport à la vérité. Non, nous sommes en réalité en désaccord profond sur la politique économique qu’il convient de mener dans cette circonstance. Vous privilégiez – de façon fallacieuse, je pense – les cibles nominales à la croissance. Nous voulons, pour notre part, que l’économie française se redresse et crée des emplois. C’est pourquoi nous acceptons de laisser jouer, dans la conjoncture dégradée que nous connaissons, les stabilisateurs automatiques. Nous l’assumons. Et les finances publiques font partie de ces stabilisateurs automatiques.

Une des leçons que nous pourrions tirer des années écoulées, dans un débat apaisé, est que la multiplication des collectifs budgétaires ne garantit en rien le redressement des comptes publics. Vous restez sourds à cette leçon, peut-être pour avoir abusé de cette mauvaise méthode. Nous écoutons au contraire cette leçon tirée du passé.

Plutôt que de recourir à ce procédé, Bernard Cazeneuve et moi défendons une gouvernance rénovée qui s’appuie, comme la loi organique que vous avez votée y invite, sur deux principes. Le premier consiste en une gestion sérieuse et scrupuleuse des dépenses publiques : tenir la dépense publique, voilà notre responsabilité. Le second réside dans notre volonté de laisser les recettes fiscales s’ajuster en fonction de l’évolution de la conjoncture : il ne faut pas prendre de mesures d’austérité – vous avez eu raison de prononcer ce mot, monsieur Mandon – quand l’économie est en difficulté.

J’en termine sur ce point. Accéder à la demande de ceux qui réclament un collectif budgétaire, ou souhaitent à tout prix revenir à un objectif de déficit de 3 % cette année, serait, j’en suis convaincu, une erreur majeure de politique économique. Nous ne la commettrons pas. Nous avons déjà parlé de tout cela lors du débat sur le programme de stabilité, nous en reparlerons aujourd’hui au cours de ce débat sur les orientations des finances publiques. J’ai fait ce rappel car je le crois important.

Je profite de ce propos liminaire pour prendre un peu de recul et vous rappeler d’où nous venons. Il est important de se le remémorer. Lorsque nous sommes arrivés aux responsabilités, en mai 2012, l’enjeu était de parer à l’urgence, c’est-à-dire de répondre aux risques les plus pressants. Ces risques étaient, pour l’essentiel, d’ordre financier, à la fois au niveau européen et au niveau national.

Au niveau européen, le premier objectif, ou plutôt la priorité absolue, s’est immédiatement imposé à nous : il s’agissait d’assurer la survie de l’euro. Je me souviens des premières réunions européennes auxquelles j’ai participé, ainsi que du sommet du G20 à Los Cabos : à l’époque, la question que beaucoup de nos partenaires nous posaient avec anxiété, avec angoisse, était de savoir si, six mois ou un an plus tard, l’euro existerait encore. Cette question était sinon pertinente, du moins pas infondée. Il y avait des raisons de douter, il était légitime de s’interroger.

Pour assurer la survie de l’euro, il fallait contrer trois forces centrifuges. La première, c’était l’instabilité des pays en difficulté financière. La seconde, c’était la propagation de la crise économique dans la zone euro. La troisième, c’était le décrochage d’une partie des membres de la zone euro. C’est pour lutter contre ces forces centrifuges, qui écartelaient en quelque sorte la zone euro de l’intérieur, que nous avons cherché – et trouvé – des solutions pour la Grèce, pour Chypre et pour le système bancaire espagnol. C’est aussi la raison pour laquelle, sous la houlette du Président de la République, la France a obtenu un pacte pour la croissance et l’emploi de 120 milliards d’euros. C’est enfin la raison pour laquelle nous nous battons pour une véritable Union bancaire européenne, qui permette de lutter contre la fragmentation financière.

Vous savez que je consacre beaucoup de mon temps, et aussi beaucoup de mon énergie, à la solution de crise européenne. Laissez-moi vous dire que cette préoccupation n’est pas éloignée des problèmes français. Chacun comprend bien qu’il n’y aura pas de sortie de crise pour la France si l’Europe, et d’abord la zone euro, ne trouve pas une issue convaincante.

Au niveau national, les risques les plus immédiats étaient aussi financiers. Il fallait desserrer l’étau qui nous menaçait. Il fallait éviter une hausse des taux d’intérêt à long terme. Là aussi, on nous promettait le pire, on nous disait que cela allait être la catastrophe, que les spreads allaient augmenter… Bref, il fallait éviter un scénario à l’italienne ou à l’espagnole. Ce scénario, qui aurait été catastrophique pour notre économie, n’était pas une vue de l’esprit. Nous sommes arrivés aux responsabilités après des années de dégradation des comptes publics et d’aggravation des doutes sur la crédibilité budgétaire du pays. Vous connaissez, mesdames et messieurs les députés, notre réponse à ce risque immédiat : ce fut la définition d’une trajectoire exigeante de réduction des déficits publics, avec un effort sans précédent en 2012 et en 2013. La Commission européenne a d’ailleurs reconnu cet effort. En rassemblant les données des années 2010 à 2013, elle a bien montré le sens de notre action.

Nous avons dû faire face à cette crise et conduire cet effort de grande ampleur dans un contexte de dégradation des perspectives de croissance. Ne nous livrons pas à d’inutiles polémiques : nous savons tous, sur tous les bancs de cette assemblée, que tous les analystes se sont laissé surprendre par cette dégradation, qui concerne l’Europe dans son ensemble. Qu’on en juge : pour l’année 2012, le consensus sur la croissance de la zone euro était de 1 % en janvier 2012, et la zone euro a finalement connu une récession de 0,6 % ! La France connaissait, la même année, une croissance nulle. Il y a encore un an, en juin 2012, les conjoncturistes prévoyaient que la croissance de la zone euro serait de 0,7 % pour l’année 2013. Aujourd’hui, ces mêmes conjoncturistes – en l’occurrence, les analystes de l’OCDE – anticipent une récession de 0,6 % ! Pour la France, l’évolution attendue est comprise entre une récession de 0,1 % et une croissance de 0,1 %.

Le caractère défavorable du contexte est l’un des facteurs qui a pesé sur les perspectives de la France. Mais ce n’est pas le seul : notre économie souffre aussi d’une évolution défavorable du pouvoir d’achat et de fragilités plus structurelles, que révèlent les pertes de compétitivité enregistrées au cours des dix dernières années. Nous devons absolument traiter ce problème, dont le rapport Gallois a montré l’importance.

Évidemment, les hausses d’impôts votées depuis 2011 pèsent sur l’activité et le pouvoir d’achat des ménages. Je dis bien depuis 2011, et j’insiste sur ce point. Je ne demande pas à l’opposition d’adhérer à nos choix, mais n’oublions pas que, lorsqu’elle était aux responsabilités, elle n’a pas hésité à recourir à des hausses d’impôts massives. Les parlementaires de l’opposition ne devraient pas l’oublier ! Au cours des deux dernières années de la précédente législature, en 2011 et 2012, la précédente majorité a ainsi voté 35 milliards d’euros de hausses de prélèvements obligatoires. Vous savez très bien que ces hausses ont un effet très différent sur la consommation selon qu’elles touchent les classes populaires ou les classes les plus aisées. Voilà ce qui nous différencie !

Mais il est vrai que la baisse du pouvoir d’achat est d’abord la conséquence de la poussée du chômage. Dans ce domaine, le Gouvernement mobilise tous les moyens pour renverser la vapeur : emplois d’avenir, contrats aidés, objectifs de formation professionnelle, crédit d’impôt compétitivité emploi – mesure structurelle en faveur de la compétitivité – contrats de génération, loi sur la sécurisation de l’emploi, renforcement des moyens de Pôle emploi... Nous voulons absolument redonner confiance dans la capacité du politique à changer le cours des choses.

Dégradation de la situation européenne, déficit de compétitivité, poussée du chômage : telle est la situation que nous avons trouvée. Mais au-delà de la dégradation des finances publiques, notre économie reste une grande économie ! Je répète toujours cela, car je ne supporte pas le french bashing, ou l’auto-flagellation, cette tendance à considérer que nous sommes dans une situation si dégradée que le déclassement nous menace. Je ne l’accepte pas.

M. Dominique Baert. Vous avez raison !

M. Pierre Moscovici, ministre. Il est vrai, cependant, que notre économie s’est affaiblie : elle a perdu en compétitivité et s’est endettée. Là est tout le défi, ou plutôt le double défi que nous affrontons : redresser le pays, c’est-à-dire redresser ses comptes publics et son tissu productif. Notre réponse est à la hauteur de ces défis.

J’en viens à présent aux orientations que nous avons retenues. Une réponse à la hauteur des défis, c’est d’abord s’engager avec détermination pour réorienter profondément les politiques européennes en faveur de la croissance. Là encore, prenons un peu de recul : par rapport aux autres grands pôles économiques de la planète comme les États-Unis, le Japon et la Chine, l’Europe prise dans son ensemble a tout à la fois la croissance la plus faible, le chômage le plus élevé, les déficits les plus bas, et même un excédent commercial. Cette réalité doit nous frapper ! Tous ces signaux mis bout à bout pointent dans la même direction, leur message est le même : le policy-mix, c’est-à-dire la combinaison des politiques monétaires et budgétaires de la zone euro, est trop restrictif. C’est pourquoi la France n’a cessé, depuis mai 2012, de demander une réorientation des politiques macroéconomiques, comme le font également le FMI et les États-Unis.

Le débat académique a connu ces derniers temps une sorte de bouillonnement, qui nous a aidés. Je citerai, à cet égard, les travaux d’Olivier Blanchard, qui rend hommage à la politique que nous menons. Tous ces travaux montrent qu’il faut maintenant se tourner vers la croissance : la croissance doit être la priorité, l’objectif central des politiques économiques.

Les lignes ont aussi bougé au sein de la Commission européenne, sous l’impulsion du Président de la République, notamment grâce au dialogue nourri que j’ai conduit avec le commissaire Olli Rehn. Ce mouvement a conduit la Commission européenne à donner plus de temps à plusieurs pays européens, dont la France, pour atteindre leurs objectifs de déficit nominaux. Elle a mis l’accent – c’était utile, et même indispensable – sur la réduction des déficits structurels et sur les réformes structurelles, qui doivent prendre le pas sur le « nominalisme ». C’est dans ce sens qu’il faut comprendre le délai de deux ans obtenu par la France pour ramener son déficit à 3 %. Il faut d’ailleurs se souvenir que si nous n’avions rien fait à notre arrivée, les déficits auraient dérivé autour de 5,5 % du PIB en 2012, peut-être même au-delà en 2013 !

Il faut à présent conforter cette avancée auprès de la Commission européenne. La Commission est dans son rôle lorsqu’elle examine notre stratégie budgétaire et économique, et lorsqu’elle adresse des recommandations visant à mieux coordonner les politiques économiques. Elle est dans son rôle lorsqu’elle nous appelle à faire des réformes.

En revanche – je dis cela dans l’enceinte de l’Assemblée nationale – il revient au Gouvernement d’une part et à la représentation nationale d’autre part de définir les modalités de ce rééquilibrage et les détails des réformes.

M. Jean-Paul Bacquet. C’est vrai !

M. Pierre Moscovici, ministre. Ce sont les vues que j’ai fait valoir à Bruxelles lorsque nous avons discuté, au conseil Ecofin, des recommandations adressées à la France, concernant notamment la réforme des retraites. Ces recommandations me paraissaient en effet exagérément et inutilement précises et prescriptives, parfois même intrusives. Comme vous le savez, nous avons été entendus sur ce point.

J’ajoute que la coordination, ce n’est pas la synchronisation. Il ne s’agit pas d’avoir une approche « taille unique ». Au contraire, la coordination suppose que les différents pays s’ajustent de manière différente en fonction de leurs situations particulières.

Pour apporter une réponse à la hauteur des défis, il faut aussi prendre à bras-le-corps notre problème de compétitivité. Combien de gouvernements peuvent en vérité prétendre avoir fait autant sur ce sujet que le nôtre en seulement un an ? Je rappellerai à cet égard quelques mesures fondamentales que nous avons prises. Tout d’abord, nous réalisons un effort considérable de 20 milliards d’euros pour la compétitivité. Cette somme est consacrée au crédit d’impôt compétitivité emploi, pour baisser le coût du travail. D’ailleurs, l’écart entre le coût du travail en France et en Allemagne est en train de se réduire. C’est là une première source de compétitivité.

M. Hervé Mariton. Et ça marche ?

M. Jean-Paul Bacquet. Mais oui, ça marche !

M. Thierry Mandon. Inévitablement : c’est automatique !

M. Pierre Moscovici, ministre. Oui, monsieur Mariton, cela marche !

Je citerai quelques chiffres qui illustrent notre action en faveur de la compétitivité. Le préfinancement du CICE est en train de monter en régime : il atteint près de 800 millions d’euros. L’objectif de 2 milliards d’euros sera tenu. J’en profite pour dire aux élus de la majorité qui, parfois, s’interrogent, qu’il ne faut pas confondre le CICE lui-même – qui sera tellement simple qu’il suffira de cocher une case dans la déclaration d’impôt de 2014 ! – et le préfinancement qui, lui, s’adresse aux entreprises qui ont des besoins de trésorerie.

M. Charles de Courson. Tout cela est en effet très simple !

M. Pierre Moscovici, ministre. Il existe des solutions pour ces entreprises : la Banque publique d’investissement, ou encore les conventions que nous avons passées avec le secteur bancaire. Je comprends qu’il y ait des interrogations, mais mobilisons-nous tous pour que les entreprises recourent à cet outil !

Nous avons pris par ailleurs de nombreuses décisions pour améliorer le financement de l’économie, avec la création de la Banque publique d’investissement, le plan pour le renforcement de la trésorerie des entreprises, la réforme bancaire, le soutien au financement à long terme et à très long terme des collectivités locales, qui réalisent 70 % de l’investissement public, ou encore la mobilisation des assureurs. Tout cela commence à porter ses fruits.

Je viens de parler du CICE, en réponse à l’interpellation de M. Mariton, mais je pourrais aussi évoquer l’enveloppe de 20 milliards d’euros sur fonds d’épargne pour l’investissement local. Les élus se sont rapidement saisis de ce dispositif, puisque la Caisse des dépôts a déjà validé des dossiers représentant 1,1 milliard d’euros d’investissement, dont 500 millions financés sur fonds d’épargne. Nous avons également pris des dispositions exceptionnelles pour stimuler la construction de logements.

Soutenir l’investissement, c’est aussi donner à l’économie des conditions de financement favorables. C’est pour cela que les acquis du sérieux budgétaire doivent être préservés.

Permettez-moi d’ouvrir ici une parenthèse : la hausse récente des taux d’intérêt à long terme – qui ne vise pas spécifiquement la France, le spread ne s’étant pas accru, mais qui découle des déclarations du président de la FED américaine, M. Bernanke, sur l’avenir de la politique de quantitative easing – appelle évidemment notre vigilance. Pour autant, elle ne doit pas être dramatisée. Il s’agit d’un mouvement général, qui concerne toute l’économie mondiale et qui reflète d’abord l’évolution positive de la situation économique américaine. Je relève que l’écart de taux avec l’Allemagne reste inférieur à celui que nous avons connu en arrivant aux responsabilités, parce que nous avons pris les mesures indispensables au rétablissement de notre crédibilité. Cette crédibilité, que nous avons regagnée depuis un an, doit rester la boussole des orientations de nos finances publiques.

J’en viens à ces orientations justement. Nous devons conforter les premiers signaux positifs sur nos politiques économiques – car il y en a : la production industrielle repart, le moral des ménages et des entrepreneurs s’améliore, les suppressions d’emplois reculent, les prévisions de croissance sont à la hausse. Nous avons connu, c’est vrai, une récession, avec deux trimestres consécutifs de croissance négative, mais le deuxième trimestre 2013 devrait être marqué par un taux de croissance de 0,2 % d’après les anticipations de la Banque de France ou de la direction du Trésor. Je ne me contente pas de ces signaux. Nous devons les conforter, et pour cela suivre un chemin équilibré pour nos finances publiques.

À cet égard, je voudrais revenir sur les aléas qui entourent la trajectoire que nous traçons pour 2013 et 2014, et que la Cour des comptes a soulignés dans son rapport annuel sur la situation et les perspectives des finances publiques, publié la semaine passée. Nous ne les ignorons pas. Mais si l’on peut discuter de l’appréciation à porter sur eux, et vous ne manquerez pas de le faire ce soir et dans les prochaines semaines, certaines critiques sont profondément injustes.

Que l’on affirme que notre politique est responsable de la dégradation du contexte économique, je ne peux l’accepter. Si la France se distingue, c’est plutôt en ce qu’elle a mieux résisté que ses partenaires directs. La contraction de l’activité au cours des deux derniers trimestres y a été moins prononcée que dans les autres grands pays de la zone euro. Notre croissance a été de - 0,2 % puis de - 0,2 %, tandis qu’elle était de - 0,7 % et de + 0,1 % en Allemagne, de - 0,9 % et de - 0,8 % en Italie et de - 0,6 % et de - 0,4 % aux Pays-Bas !

Je ne peux accepter davantage que l’on dise que nous nous accrochons à une prévision de 3 % de déficit public pour 2013, alors que nous avons débattu il y a deux mois d’un programme de stabilité reposant sur une prévision de déficit de 3,7 %. L’exécutif a parfaitement rempli ses obligations d’information du Parlement.

Dire que les dépenses de l’État dérapent et continueront à le faire est tout autant inacceptable, et je m’exprime là sous le contrôle du ministre délégué au budget, Bernard Cazeneuve. Nous avons tenu la dépense en 2012. Pour l’année 2013, des mesures permettant de sécuriser nos objectifs ont déjà été prises. En ajoutant la réserve de précaution 2 milliards de crédits – le « surgel » – nous pourrons faire face à des dépenses imprévues.

Nous savons tous qu’il existe des risques sur la croissance et sur les recettes fiscales en 2013, et donc sur le déficit public, mais la dépense est tenue et c’est là l’essentiel. Nous avons choisi par ailleurs de laisser jouer les stabilisateurs automatiques. L’important est de tenir le cap de l’effort structurel de rétablissement de nos comptes publics.

J’ai la conviction que nos choix sont les bons. En faire moins aurait eu pour conséquence de mettre en doute notre résolution à redresser nos comptes publics ; en faire plus aurait été prendre un risque inutile sur la croissance et l’emploi, alors que nous connaissons déjà un niveau de chômage intolérable, contre lequel nous luttons de toutes nos forces.

M. Dominique Baert. En effet.

M. Pierre Moscovici, ministre. Voilà pour l’année 2013.

Pour l’année 2014, nous nous en tiendrons à l’effort structurel prévu dans le programme de stabilité. Si la croissance n’est pas au rendez-vous, nous ne sur-ajusterons pas afin de tenir coûte que coûte l’objectif de 3 %. Le délai que nous avons obtenu au niveau européen nous donne cette souplesse et nous permet d’aller au maximum du potentiel de croissance exploitable.

L’année 2014 sera ainsi une année de tournant, de basculement, dans la répartition de nos efforts entre recettes et dépenses. L’effort structurel reposera principalement sur des économies de dépenses publiques, notre objectif étant de limiter autant que possible la hausse du taux de prélèvements obligatoires, qui devrait être de l’ordre de 0,2 ou 0,3 point de PIB en 2014. Il s’agira bien entendu de compenser l’effet des mesures fiscales adoptées en loi de finances initiale. Au-delà, nous concentrerons nos efforts sur les réductions de niches fiscales et la lutte contre la fraude et l’évasion fiscale. Le Gouvernement précisera ces mesures à l’automne, au moment du projet de loi de finances,

En matière de maîtrise de la dépense, nous construisons avec Bernard Cazeneuve un budget de l’État particulièrement ambitieux pour 2014, puisqu’il présente 9 milliards d’euros d’économies par rapport à l’évolution tendancielle des dépenses de l’État, grâce à une baisse des dépenses, hors dette et pensions, de 1,5 milliard d’euros. C’est d’ailleurs la première fois qu’un budget est construit sur une base aussi ambitieuse. Je rappelle que ces dépenses ont progressé de 2 milliards par an en moyenne durant le précédent quinquennat !

Les administrations de sécurité sociale et les collectivités territoriales participeront également à l’effort de redressement. Les concours financiers aux collectivités locales seront réduits de 1,5 milliard d’euros en 2014, dans le cadre plus global d’une rénovation des relations entre l’État et les collectivités, pour clarifier leurs compétences respectives, mieux coordonner les politiques publiques et préciser le cadre financier dans lequel s’inscrira cette nouvelle organisation territoriale.

Concernant les administrations de sécurité sociale, outre les efforts programmés sur l’assurance maladie, les partenaires sociaux ont conclu un accord sur les régimes complémentaires de retraites qui contribuera au redressement des comptes publics. Des décisions ont été annoncées pour rétablir l’équilibre à moyen terme de la branche famille. Une concertation est en cours sur le chantier de nos régimes de retraites.

Au total, ce sont 14 milliards d’euros d’économies que nous dégagerons en 2014.

La modernisation de l’action publique, qui monte en puissance, jouera également à l’avenir un rôle clé pour dégager des économies pérennes. La MAP permettra d’évaluer d’ici 2017 l’intégralité des politiques publiques menées par les administrations, en associant étroitement les usagers, les agents et les acteurs de la politique concernée au diagnostic porté sur son efficacité. À ce stade, 20 % de la dépense publique est couverte par ces évaluations. Ce n’est pas un exercice punitif : réduire le poids des dépenses publiques n’est pas une fin en soi, mais une condition de notre croissance et de notre compétitivité futures. Ce doit être un exercice efficace, pertinent économiquement et rentable budgétairement. C’est la condition pour ramener les comptes publics à l’équilibre structurel d’ici la fin de la législature, comme nous nous y sommes engagés.

Tel est le contexte macroéconomique dans lequel s’ouvre ce débat d’orientation sur les finances publiques. Celui-ci se déroule dans un contexte de transparence accrue cette année, et nous voulons travailler dans cet esprit. Ce sera le cas avec le Haut conseil des finances publiques, une innovation institutionnelle que nous avons voulue et qui vient éclairer le débat parlementaire. Mais nous devons avant tout informer et rendre compte, devant le Parlement, de notre situation économique et de la stratégie mise en œuvre pour y répondre.

Nous voulons aussi montrer la cohérence de notre approche, sa robustesse, sa crédibilité, la volonté qui est la nôtre de conduire les réformes structurelles nécessaires pour redresser à la fois nos comptes publics et l’économie réelle. C’était le sens de mes propos, mesdames et messieurs les députés, en introduction à ce débat dont j’attends beaucoup. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

M. le président. Nous en venons aux orateurs des groupes. La parole est à M. Charles de Courson pour le groupe UDI.

M. Charles de Courson. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, que peuvent espérer les Français pour l’année 2014 ?

Les hypothèses de croissance du Gouvernement sont tout à fait irréalistes. Pour l’année 2012, la croissance a été nulle, alors que vous prévoyiez qu’elle serait de 0,3 %. Pour 2013, vous avez imaginé une croissance de 1,2 %, puis de 0,8 %, puis de 0,1 %. Malgré ces ajustements, vous persistez en surestimant volontairement les prévisions de croissance, puisque le consensus s’établit entre - 0,1 et - 0,2 %. Pour 2014, cela continue : vous aviez tablé sur 2 %, avant de revenir à 1,2 %, alors que tous s’accordent sur 0,7 %. Vous n’êtes pas en phase avec la réalité.

Le Haut conseil des finances publiques le souligne d’ailleurs dans son avis : « un léger recul du PIB en 2013 et une croissance sensiblement inférieure à 1,2 % en 2014 ne peuvent pas être exclus ». Que cela est joliment dit ! Vous commettez la même erreur que vos prédécesseurs qui, depuis plus de quinze ans, ont presque toujours surestimé les taux de croissance, parfois même d’un point !

En outre, vous prévoyez 2 % de croissance chaque année à partir de 2015, alors que selon le HCFP, la prévision d’une croissance effective de 2 % dès l’année 2015 paraît incertaine. En effet, la Commission européenne, comme beaucoup d’économistes, évalue la croissance potentielle de la France autour de 1 %. Comment l’économie française pourrait-elle brutalement passer de 1 % à 2 % de croissance potentielle, en l’absence de tout facteur structurel explicatif ? Je n’aurai pas la cruauté de rappeler ce que disaient certains augures du parti socialiste sur le taux de croissance.

La France est dans une situation économique très difficile car votre politique a affaibli les mécanismes mêmes de la croissance – c’est, je pense, la principale critique que l’on peut lui adresser.

En taxant à outrance les ménages et les entreprises, à hauteur de 28 milliards d’euros en 2013, vous avez découragé le travail, le risque et l’investissement, et pénalisé le rendement du capital.

Vous expliquez que la majorité précédente a augmenté de 35 milliards en cinq ans les prélèvements obligatoires. C’est exact, monsieur le ministre, mais vous les avez augmentés de 28 milliards en une année et demie ! Ne vous étonnez donc pas des conséquences dramatiques d’une telle hausse sur l’activité économique. D’ailleurs, le rendement réel des obligations net de prélèvements est à présent proche de zéro, et on est mieux traité lorsque l’on dépose son argent à vue. Mais ce n’est pas le Livret A qui relancera l’économie française !

Vous avez aggravé la perte de rentabilité de nos entreprises, dont le taux de marges était déjà l’un des plus faibles d’Europe. Comment penser qu’elles investiront plus en France ?

De surcroît, le taux de prélèvements obligatoires s’est élevé à 45 % en 2012, battant le record de 1999. Toujours en hausse, il atteindra 46,3 %, voire 46,4 % en 2013. Dans le programme de stabilité, le Gouvernement indique qu’il continuera d’augmenter en 2014 pour atteindre 46,5 %, alors même que Didier Migaud a estimé qu’il serait contreproductif d’augmenter encore sensiblement ce niveau.

La France est devenue médaille d’argent des prélèvements obligatoires en 2012, dépassant la Suède. Elle talonne désormais le Danemark. Au rythme actuel, nous devrions remporter la médaille d’or en 2014, au plus tard en 2015. Elle vous sera décernée, messieurs les ministres.

Tout cela n’est pas sérieux, et constitue un nouveau reniement du Gouvernement qui avait pourtant promis que les impôts n’augmenteraient pas après 2013. Le Président de la République a d’ailleurs maintenu cet engagement hier matin, en promettant de ne pas « alourdir la pression fiscale des Français ». Comment croire une telle promesse alors même que la Cour des comptes et le rapporteur général du budget chiffrent les nouveaux impôts entre 12 et 14 milliards pour l’année 2014 ?

Bien loin de la stabilité fiscale, les hausses d’impôts seront légion en 2014. Nous avons été prévenus de la hausse de TVA de 6 milliards au 1er janvier 2014, et des 6,6 milliards qui seront nécessaires pour arriver au niveau des mesures one shot prises en 2013, que je vous rappelle : disparition de la « petite rétroactivité » prévue par plusieurs mesures comme la niche Copé, la déductibilité des charges financières et la limitation de l’imputation des déficits antérieurs ; disparition de mesures de trésorerie temporaires – prélèvement sur les entreprises d’assurance et élargissement du cinquième acompte ; acompte sur l’impôt sur le revenu pour l’imposition des intérêts et dividendes. Tout cela n’était valable que pour 2013, et il faudra retrouver ces presque 7 milliards sous la forme d’autres impôts pour 2014. Nous vous avions prévenus !

Le Gouvernement a également annoncé de nouvelles recettes fiscales, parmi lesquelles 2 à 3 milliards provenant de la lutte contre la fraude fiscale – cela ne mange pas de pain, mais encore faut-il les réaliser – 2 milliards provenant de la réduction des niches fiscales, une taxe européenne sur les transactions financières – mais qui produit beaucoup moins qu’annoncé – ainsi que la nouvelle taxe de 75 % sur les hauts revenus qui, par parenthèse, fait que certaines grandes entreprises françaises envisagent de délocaliser leur siège et leurs cadres supérieurs : ce serait une performance ! Encore faut-il que cette taxe soit déclarée constitutionnelle, et vous aurez du mal à expliquer pourquoi l’on taxe certains hauts revenus sans taxer les revenus du capital à due concurrence. Quoi qu’il en soit, j’espère qu’une nouvelle fois le Conseil constitutionnel invalidera votre mesure.

N’oublions pas non plus le nouvel abaissement du quotient familial, cher à notre rapporteur général, ainsi que la série de mesures qui affectera la politique familiale, à hauteur de 1,2 milliard d’euros.

Enfin, le rapporteur général lui-même a suggéré dans son rapport des pistes supplémentaires d’imposition, telles que la taxation de l’assurance-vie, l’augmentation des taux de TVA votés l’an dernier ou la fiscalité écologique. Il serait d’ailleurs intéressant, messieurs les ministres, que vous nous précisiez vos intentions en la matière, ainsi que vos positions par rapport aux suggestions du rapporteur général.

Dans le même temps, le Gouvernement ne fait pas preuve de suffisamment de rigueur en ce qui concerne les réductions de dépenses. Sur les 10 milliards promis l’an dernier, 7 milliards à peine ont été réalisés selon la Cour des comptes, et cela en partie grâce à des mesures prises par la précédente majorité.

En effet, la Cour des comptes constate qu’une partie des économies en 2013 « repose sur l’effet des mesures prises sous la législature précédente dans le cadre de la RGPP, en particulier des réductions d’effectifs opérées en 2012. Les mesures nouvelles, identifiables dans la loi de finances pour 2013, n’expliquent que partiellement les autres économies de dépenses. » En d’autres termes, en 2013, petit braquet en matière de dépenses !

Pour 2014, vous parlez d’une révolution historique et d’une réduction de 100 millions de la dépense brute de l’État. Mais dois-je vous rappeler que les dépenses brutes de l’État s’élèvent à 385 milliards ? 100 millions, ce n’est rien ! D’autant que, selon la Cour des comptes, le dérapage budgétaire devrait se situer dans une fourchette de 2 à 6 milliards selon que l’on est optimiste ou pessimiste.

Aux dires du rapporteur général, la dépense publique continue d’augmenter en volume plus rapidement que la croissance. En 2012, l’ensemble des dépenses publiques – État, sécurité sociale et collectivités territoriales – ont progressé en volume de 0,9 %, tandis que la croissance était nulle ; en 2013, elles progressent dans les mêmes proportions – entre 0,9 et 1 % – avec une croissance légèrement négative – - 0,1 ou - 0,2 % selon les dernières prévisions. Je rappelle qu’entre 2002 et 2006, le différentiel entre la croissance de la dépense en volume et la croissance de la richesse nationale était de l’ordre de 0,6 point, ce qui veut dire que vous êtes 60 % au-dessus de ce qui se faisait juste avant la crise…

Nous voyons bien que le différentiel entre l’augmentation en volume des dépenses publiques et l’augmentation en volume de la richesse nationale ne se réduit pas. On constate une augmentation continue du poids de la dépense publique dans la richesse nationale : 56,6 % en 2012, 57 % en 2013, pour une croissance nulle ou négative. Pour 2014, le rapporteur général prévoit une augmentation de la dépense en volume de 0,4 % pour une croissance en volume de 0,7 % de la richesse nationale, soit en fait une baisse extrêmement faible.

En outre, nous vous avions indiqué, lors du débat sur le projet de loi de finances initiale pour 2013, que vous ne pourriez pas tenir la masse salariale sans baisser les effectifs, et ce même en gelant le point d’indice – ce que vous avez fait après avoir dénoncé la manière d’agir de la précédente majorité… Nous vous félicitons donc de ne pas avoir tenu la promesse faite à vos électeurs sur la stabilisation des effectifs.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Tournée générale ! De Courson nous félicite !

M. Charles de Courson. Vous avez supprimé 2 317 postes sur le budget de l’État : c’est peu par rapport aux trente mille postes que nous avions supprimés, mais c’est un petit signe que vous revenez dans le droit chemin. Pour l’an prochain, c’est une nouvelle baisse de 3 209 postes qui est prévue. Encore un effort ! Il faudrait, grosso modo multiplier ces chiffres par dix pour retrouver les voies vertueuses de la précédente majorité…

M. Dominique Baert. Qui fermait les écoles !

M. Charles de Courson. Enfin, le Gouvernement sera loin de respecter l’équilibre entre la hausse des prélèvements et la réduction de la dépense publique. Le Président de la République avait annoncé que le budget pour 2013 contiendrait un effort de 30 milliards d’euros, dont 20 milliards de recettes supplémentaires et 10 milliards de dépenses en moins, soit deux tiers de hausses d’impôt et un tiers de réduction de la dépense.

Ce n’est pas le cas, puisque nous avons 28 milliards d’augmentation des prélèvements obligatoires, tandis que la dépense publique est restée stable par rapport à la richesse nationale. L’effort a donc consisté en des hausses massives d’impôt.

Vous annoncez à présent que l’effort portera pour 30 % sur une augmentation des prélèvements obligatoires et pour 70 % sur une réduction de la dépense publique. Mais non ! Les nouveaux impôts vont représenter, selon le rapporteur général, une hausse de 12 à 14 milliards, ce qui signifie que, pour respecter vos ratios, il faudrait que vous réalisiez 32 milliards d’économies : on en est bien loin, puisque les économies réalisées se chiffrent à 7 milliards !

Nous avons bien vu que la promesse de réduction des dépenses publiques pour 2013, bien que beaucoup plus modeste, n’avait pas été tenue. Nous ne pouvons donc que nous interroger sur la capacité du Gouvernement à honorer ces nouveaux engagements, alors que seuls 9 milliards sont documentés, sur les 14 milliards prévus.

Vous êtes, messieurs les ministres, dans le triangle des Bermudes budgétaire : une baisse insuffisante des dépenses, une hausse excessive des prélèvements obligatoires et un déficit public qui ne se résorbe pas suffisamment rapidement !

M. Dominique Baert. Allô, Papa Tango Charlie !

M. Charles de Courson. Mes chers collègues, je dirai pour conclure que nous voyons parfaitement à quel point la politique budgétaire du Gouvernement est inadaptée à la situation économique et sociale de notre pays et dangereuse pour son avenir. Elle ne répond pas aux priorités que sont, d’une part, la compétitivité et l’emploi et d’autre part le pouvoir d’achat des familles.

La politique du Gouvernement est inadaptée en 2013 et le restera malheureusement en 2014. C’est pourquoi les députés du groupe UDI demandent solennellement au Gouvernement de prendre, enfin, dans les budgets de l’État et de la sécurité sociale pour 2014 des mesures courageuses et d’amorcer des réformes structurelles afin de sortir notre pays de la crise. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Eva Sas, pour le groupe écologiste.

Mme Eva Sas. Comme nous l’avons dit lors de l’examen de la loi de règlement, un effort historique a été fait en matière de réduction des déficits en 2012. Malgré l’ampleur de cet effort, les perspectives tracées par les documents préparatoires font encore état d’un objectif de réduction des déficits structurels de 1 point de PIB en 2014, puis 0,5 en 2015.

Le rapporteur général souligne à juste titre l’ampleur de l’effort qu’il faudra encore faire en 2014 – 14 milliards d’euros de réduction de dépenses – pour atteindre les objectifs fixés par le Gouvernement. Sur ce point, nous tenons à rappeler notre crainte face au maintien d’objectifs de réduction trop rigoureux. Le Gouvernement semble poursuivre une trajectoire dont les résultats négatifs sur l’activité, le chômage, mais aussi le pouvoir d’achat des Français et le niveau d’investissement des entreprises sont malheureusement désormais avérés.

Pour toutes ces raisons, nous appuyons le rapporteur général lorsqu’il s’interroge sur « l’intensité des efforts à accomplir en 2014 pour atteindre les nouvelles cibles fixées par la Commission européenne, alors même que la conjoncture économique pourrait s’avérer encore plus dégradée que prévu ».

Plus spécifiquement, nous voulons exprimer nos plus vives inquiétudes face à la baisse du budget de la mission « Écologie » et de son principal opérateur, l’ADEME. Nous croyions avoir compris, au travers de nombreuses déclarations, que la transition écologique était une priorité du Président de la République et du Gouvernement. Nous croyions aussi avoir compris que le budget 2014 verrait le lancement de ce grand chantier. Nous découvrons aujourd’hui, au travers des premières orientations présentées par le Gouvernement, que celui-ci ne passe pas de la parole aux actes. On nous dit que les crédits de la mission « Écologie » ne baissent pas de 7 % mais de 3,4 %. Dont acte, mais ce budget traduit malheureusement un message clair : l’écologie ne fait pas partie des priorités de votre gouvernement. Même si la baisse se limite à 3,4 %, c’est le quatrième budget le plus affecté par les coupes budgétaires parmi tous les ministères !

Nous espérons une évolution de cette tendance dans les semaines qui viennent, et nous souhaitons que le Gouvernement nous confirme par des actes qu’il entend faire de la France la nation de l’excellence environnementale et que, pour lui, l’écologie n’est pas juste une variable d’ajustement.

Delphine Batho l’a dit ce matin, le budget de l’écologie est mauvais.

M. Jean-Pierre Door. Elle n’est plus là, elle a coulé !

Mme Eva Sas. La réaction du Gouvernement face à ses déclarations ne peut que nous estomaquer, et nous espérons vivement que, dans les semaines qui viennent, vous pourrez apporter une autre réponse à ceux qui, comme nous, se demandent aujourd’hui quelle est la place de l’écologie dans ce budget.

M. Charles de Courson. Il n’y en a pas !

M. Thierry Benoit. Il n’y en a plus !

Mme Eva Sas. Pour ce qui concerne les recettes, nous saluons l’importance donnée par le rapporteur général à la mise en place d’une fiscalité favorable à l’environnement et, en premier lieu, à la volonté réaffirmée par la majorité de mettre fin à l’avantage fiscal dont bénéficie le diesel.

L’alignement progressif de la fiscalité du diesel sur celle de l’essence est à nos yeux incontournable, pour des raisons de santé publique. Comme vous le savez en effet, l’OMS estime à 42 000 par an les décès dus aux particules fines. Cela a été dit à plusieurs reprises : rien ne peut plus justifier l’écart de fiscalité entre le diesel et l’essence.

Plus globalement, nous souhaitons que la France rattrape au plus vite son retard en matière de taxe sur les pollutions, car elle ne peut rester plus longtemps à l’avant-dernière place des pays de l’Union européenne pour ce qui concerne la fiscalité environnementale. Je pense ici à la nécessaire mise en place d’une contribution climat énergie, à la fin de l’exonération sur le kérosène, notamment sur les vols intérieurs, et à l’augmentation de la redevance sur les pollutions diffuses.

Cependant, cette augmentation des pollu-taxes ne doit pas se traduire par une augmentation des prélèvements obligatoires. Il doit s’agir, pour nous, d’un changement d’assiette qui permette de taxer les comportements polluants sans alourdir la fiscalité. Nous demandons donc, parallèlement à l’augmentation de la fiscalité sur les comportements polluants, une baisse de certains taux de TVA. Il nous semble en effet nécessaire de revenir sur les augmentations de TVA dans les domaines de la rénovation thermique des bâtiments, des transports collectifs non aériens ou du recyclage des déchets.

Dans cette perspective, nous souhaitons souligner les conclusions du rapporteur général sur la nécessité de revenir sur l’augmentation de TVA applicable aux transports collectifs non aériens.

Pour conclure, je voudrais me résumer en quelques mots. Personne ici ne vous dira que la réduction des déficits n’est pas nécessaire. C’est un objectif auquel nous avons souscrit depuis le début de cette législature. Nous ne pouvons cependant pas approuver la trajectoire et le rythme que vous proposez ici, et ce d’autant moins que votre volonté de réduire rapidement les déficits a deux conséquences majeures pour l’écologie. D’une part, elle vous conduit à faire de la fiscalité écologique une mesure de rendement, destinée à alimenter le budget général et à augmenter les prélèvements obligatoires. D’autre part, elle sacrifie le budget de la mission « Écologie » et de ses opérateurs.

Vous comprendrez donc, messieurs les ministres, que nous souhaitions poursuivre avec vous le dialogue sur les enjeux de ce budget 2014 et, plus particulièrement, sur la place qu’y tiendra l’écologie. Au vu du traitement infligé à Delphine Batho, nous sommes plus qu’inquiets et nous espérons qu’une évolution favorable nous permettra de trouver un accord sur ce budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à Mme Annick Girardin pour le groupe RRDP.

Mme Annick Girardin. Le débat d’orientation des finances publiques revêt cette année une importance particulière. Comme je l’indiquais déjà lors de l’examen du projet de loi de règlement, le paradigme économique qui dominait il y a moins d’un an s’est assoupli.

Les effets récessifs de la crise, dus en grande partie à une réduction brutale des déficits, ont montré combien il était important de consolider les budgets nationaux à un rythme soutenu certes, mais pas à marche forcée. Dans le cas contraire, nous risquons d’aggraver le déficit tout en augmentant les prélèvements obligatoires. Il est à ce titre heureux, et je tiens à vous en féliciter, messieurs les ministres, que la France ait obtenu un délai supplémentaire de deux ans pour assainir ses comptes publics.

Nous sommes arrivés aujourd’hui à la limite de ce qui peut être réalisé en termes d’impôts. D’une part, le rendement de l’impôt étant directement corrélé à la conjoncture, nous courons après un impôt dont nous tarissons l’assiette, ce qui revient à assécher une source et s’étonner que la rivière ne coule plus. D’autre part, nous ne pouvons continuellement demander à nos concitoyens de se serrer la ceinture, car nombreux sont ceux, particuliers ou entreprises, qui en sont déjà au dernier cran.

Dans ces conditions, que faire ? Poursuivre dans la philosophie du dernier projet de loi de finances pour 2013 ? Ce serait une erreur, mais notre marge de manœuvre est étroite. Selon la Cour des comptes, il serait possible d’atteindre l’objectif de stabilisation de la dépense en 2013. Nous en félicitons le Gouvernement mais il semble désormais quasiment impossible, pour 2013, de diminuer encore davantage les dépenses, sauf à créer des économies artificielles ou à procéder à des coupes franches sans aucune rationalité économique. Quant aux recettes, nous venons de le dire, il faut éviter de recourir à l’impôt. Il ne reste alors plus que le déficit.

C’est la voix qu’emprunte le Gouvernement. Elle est compréhensible mais dangereuse. Il ne faudrait pas se réveiller le 1er janvier 2014 avec des étourdissements : plus le déficit sera élevé, plus l’effet base pèsera en 2014, et plus il nous sera difficile de contenir le déficit l’année prochaine.

Cette stratégie s’explique par l’atonie de la conjoncture. Nous pouvons l’accepter en 2013 mais cette approche ne saurait être admise en 2014. Ce serait une fuite en avant dangereuse pour notre pays. Le délai supplémentaire accordé par l’Union européenne ne doit pas nous servir d’excuse pour relâcher nos efforts de consolidation budgétaire. Fort heureusement, telle n’est pas l’intention du Gouvernement.

S’agissant tout d’abord de l’effort en recettes, rappelons que celui-ci n’est pas encore entièrement documenté. Des doutes subsistent quant à l’engagement de ne pas augmenter les impôts en 2014 pour financer le budget de l’État mais quelques premières pistes se dégagent, comme la lutte contre la fraude fiscale ou le rabot sur certaines niches fiscales.

Permettez-moi d’insister ici sur la défiscalisation outremer. Lors de sa visite en Martinique, le Premier ministre a annoncé le maintien de la défiscalisation pour les petites et moyennes entreprises. Nous nous en félicitons. Il démontre ainsi le refus de la gauche de sacrifier les outremers en se pliant aux injonctions de ceux qui, depuis des années, tentent de jeter le discrédit sur ce dispositif en faveur de ces territoires. Mais le Gouvernement, il le fallait, répond à la légitime exigence de transparence et d’encadrement.

Nous restons néanmoins vigilants quant à la définition qui sera retenue des moyennes entreprises. On ne sait pas non plus si le crédit d’impôt de substitution sera obligatoire ou optionnel en matière de logement social. Surtout, on ignore l’adaptation du crédit d’impôt dans les collectivités à autonomie fiscale comme la mienne. En l’état, nous comprenons donc, messieurs les ministres, que la défiscalisation dans les pays et territoires d’outre mer sera maintenue aux conditions actuelles. Peut-être pourriez-vous nous le confirmer tout à l’heure ?

Enfin, il est indispensable que le plafond des avantages fiscaux spécifiques à l’outremer soit détaché du plafond global. Ainsi, nombre de questions devront être réglées sur ce sujet avant le projet de loi de finances pour 2014. Toute nouvelle mesure devra avoir pour principal objectif de ne pas déstabiliser les économies ultramarines.

Voici donc pour les recettes.

Du côté des dépenses, le Gouvernement semble engager pour 2014 un effort sans précédent de réduction de la dépense publique. Une baisse de 1,5 milliard d’euros des dépenses de l’État, hors charge de la dette et pensions, impliquera, au vu de l’augmentation tendancielle, une diminution des dépenses de 14 milliards d’euros.

L’ensemble des acteurs seront mis à contribution, en particulier ceux qui ont le moins participé à l’effort de redressement ces dernières années. C’est le cas des collectivités territoriales, dont les dépenses ont fortement augmenté dans le passé. Certaines collectivités n’ont pas eu d’autres choix en raison des conséquences sociales de la crise. Je pense bien sûr aux départements ultramarins.

Il est en revanche indispensable que d’autres collectivités participent aux efforts d’assainissement des dépenses publiques. Dans le cas contraire, les efforts appliqués par l’État pour réduire le déficit de l’ensemble des administrations risqueraient d’être vains. Les réductions de dotations aux collectivités ne doivent pas être uniformes mais adaptées aux contraintes de chaque échelon de compétence.

Remarquons par ailleurs que les principales mesures d’économies sur les crédits des missions du budget général ne sont pas issues de la modernisation de l’action publique. Or, on ne peut pas attendre que celle-ci produise ses effets en 2015 : c’est dès 2014 qu’elle doit se traduire par de premières économies. Les radicaux de gauche et l’ensemble du groupe RRDP nourrissent quelques inquiétudes quant au rythme pris par la mise en œuvre de la MAP.

On en parle beaucoup, on en espère énormément mais concrètement, on en voit assez peu les effets. Les rapports d’évaluation sont publiés au compte-gouttes alors que l’on se doute bien qu’elles ont lieu en parallèle – tout du moins l’espère-t-on. Quant aux programmes ministériels de modernisation et de simplification, il ne semble pas que les administrations centrales mettent beaucoup d’ardeur à engager de véritables réformes organisationnelles.

Or, cette réorganisation est indispensable à plusieurs égards. Elle doit permettre de compenser les créations de poste dans les domaines prioritaires. Elle doit contribuer à réduire la dépense de l’État et anticiper l’évolution de sa masse salariale. Plutôt que de réformer de façon abrupte lorsque la situation devient insoutenable, autant réformer graduellement la gestion des ressources humaines. Enfin et surtout, cette réorganisation des structures de l’État est cruciale pour offrir de meilleurs services à nos concitoyens. On nous promet que la MAP sera mise en œuvre avec les besoins des utilisateurs comme boussole. Nous l’espérons, mais encore faut-il que cette annonce soit suivie d’effets. Au moment où d’importants efforts financiers sont demandés aux Français, assurons-nous que l’administration publique fonctionne au mieux, qu’elle soit tournée vers leurs besoins et leurs préoccupations.

Certes, la réorganisation des services de l’État n’est pas aisée dans un tel contexte de contraintes budgétaires. Toutes les réformes d’envergure se réalisent d’autant mieux qu’elles s’accompagnent de nouvelles marges de manœuvre financières. C’est pourquoi elles doivent se faire aussi, et peut-être surtout, là où l’on injecte de nouveaux moyens financiers, c’est-à-dire dans les domaines où les effectifs et les budgets sont en hausse. Je pense notamment à l’éducation, où l’augmentation du nombre des enseignants doit être accompagnée d’une réforme structurelle. Sinon, ces augmentations, que nous soutenons, seront suivies de bien peu d’effets.

Il en est de même pour Pôle emploi. Les effectifs seront augmentés de 2 000 personnes. Il est certes crucial qu’au moment où le chômage augmente, les personnes en recherche d’emploi puissent être accompagnées efficacement, mais en l’état actuel des choses, l’organisation de Pôle emploi laisse peu entrevoir d’effets positifs sur l’accompagnement des chômeurs quelles que soient les augmentations de personnel. Bref, vous l’aurez compris, nous appelons le Gouvernement à accélérer les réformes organisationnelles au sein de l’administration.

Alors que les priorités de la majorité étaient, en 2012 et 2013, principalement orientées vers l’éducation, la sécurité et la justice, le Gouvernement prévoit de les élargir aux missions liées à l’emploi, à la solidarité et au logement. Il le fallait !

S’agissant de l’emploi, j’en ai déjà dit quelques mots à propos de Pôle Emploi. Un meilleur accompagnement au sein de l’organisme est indispensable, et il faut intensifier la promotion des emplois d’avenir et des contrats de génération. La politique gouvernementale peine à être déployée, ce qui n’est peut-être pas sans lien avec la question organisationnelle que je viens de soulever.

Le logement doit évidemment être traité en toute priorité, car l’enjeu dépasse bien largement celui de la seule qualité de vie. Il est prouvé que l’augmentation du coût du logement, dû à une pénurie du côté de l’offre, fut un réel facteur d’augmentation du coût du travail en France. Plus le coût du logement est élevé, plus les salariés poussent à une hausse de leurs salaires. Investir dans le logement, c’est agir pour la compétitivité de notre pays.

Il est toutefois étonnant que parmi ces six priorités ne soit pas posée la question du développement économique. Je ne parle pas des aides aux entreprises, que nous souhaitons d’ailleurs réformer, mais plutôt des grands chantiers qui auraient des effets sur l’ensemble de l’économie française. Nous avons besoin d’un grand défi français. La France, qu’on le regrette ou non, s’est bâtie ainsi. Elle doit être portée par un projet commun, une ambition partagée. Et ce n’est pas la réduction du déficit, aussi impressionnante soit-elle, qui pourra porter cette aspiration.

Nous sommes actuellement beaucoup trop tournés vers les moyens et trop peu vers les objectifs. Notre regard est fixé sur des chiffres qui sont révisés tous les mois. Nous baignons dans les détails technocratiques qui ne sont pas sans incidence sur la vie démocratique de notre pays. Nous devons relever le nez.

Une politique d’investissement sur l’avenir devrait y contribuer. À ce propos, si l’argent du programme des investissements d’avenir doit être réalloué, ce n’est certainement pas pour alimenter le budget général de l’État. Cet argent doit servir à réaliser des investissements exceptionnels, en particulier à l’échelle nationale. Pas moins de 70 % des investissements publics en France sont réalisés par les collectivités territoriales. Ces investissements, qui ne peuvent avoir qu’une vision régionale, doivent compléter des projets structurants portés par une ambition nationale, des projets dont l’utilité économique est pleinement prouvée. Si le traitement social de la crise est indispensable, il ne saurait être exclusif. L’investissement doit être une priorité, une priorité au service de l’emploi.

Les domaines susceptibles d’être concernés ne manquent pas, par exemple le domaine maritime. Si peu est fait, alors que notre pays bénéficie d’atouts incroyables ! Le potentiel maritime est immense, que ce soit en termes d’agroalimentaire, de production d’énergie, de transport ou de biotechnologies mais il n’est pas suffisamment exploité. Voilà un des grands chantiers, un des grands défis auquel la France pourrait s’atteler.

Le manque d’espoir alimente dramatiquement le populisme. Nous devons y répondre mais un projet de loi de finances ne le peut que s’il dresse des priorités et s’attache à bâtir l’avenir. Ce sera bien là l’objectif principal du prochain budget. Il est heureux que le Gouvernement semble partager cet objectif. Les députés du groupe RRDP y seront attentifs. (Applaudissements sur les bancs des groupes RRDP et écologiste et sur quelques bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Patrice Carvalho, au nom du groupe GDR.

M. Patrice Carvalho. L’on se souvient que, parallèlement aux discussions concernant le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance, ou TSCG, entré en vigueur au 1er janvier dernier, la Commission avait présenté à l’automne dernier deux règlements supplémentaires désignés par le terme Two-Pack.

Ces deux règlements sont entrés en vigueur le 30 mai dernier. Le second nous intéresse particulièrement en ce qu’il établit des règles communes pour évaluer et suivre des projets de plans budgétaires et corriger des déficits excessifs dans les États membres de la zone euro.

C’est ainsi que chaque année, le Gouvernement devra désormais soumettre à la Commission un projet de plan budgétaire pour l’exercice suivant, lequel devra se conformer aux obligations de politique budgétaire prévues au TSCG. Il devra également, tant que notre pays fera l’objet d’une procédure pour déficit excessif, comprendre un « programme de partenariat économique » décrivant les mesures et les réformes structurelles permettant d’assurer un retour durable du déficit sous la valeur de référence de 3 %.

Nous avions dénoncé ces textes comme portant une grave atteinte à la souveraineté budgétaire des États, des parlements et des peuples. Nous avions pointé du doigt la mise en place d’un dangereux carcan « austéritaire ». Nous y sommes.

Il n’est en effet question dans le rapport préparatoire à nos débats que d’ajustement structurel, de solde public, d’effort d’amélioration structurelle des comptes publics, de renforcement de la gouvernance et de pilotage des soldes, de mécanismes de correction, de déficits nominaux et d’objectifs d’équilibre.

Nulle part ne se trouve évoquée la situation concrète vécue par des millions de nos concitoyens, la progression du chômage et de la pauvreté, l’aggravation des inégalités, les difficultés des petites entreprises et des artisans, la paralysie des salaires, la baisse historique du pouvoir d’achat des ménages.

Nous sommes dans un pur exercice comptable, élaboré hors sol, sans lien avec les réponses à apporter à ces situations concrètes. Nous ne débattons pas, comme par le passé, d’orientations budgétaires mais de la seule orientation des finances publiques.

Nous trouvons bien au début du document un tableau de la situation économique actuelle. On nous y rappelle que la production industrielle a reculé dans notre pays de 2,2 % l’an passé et de près de 8 % depuis 2007, que les investissements des entreprises sont en baisse, contribuant à un recul de plus de 20 milliards d’euros de notre PIB, que le pouvoir d’achat des ménages a reculé de 1 %, que notre pays a perdu près de 100 000 emplois en un an.

Mais rien ne vient cependant ébranler la conviction qu’il faut poursuivre sur la voie de l’austérité. On nous explique au contraire, comme chaque année, que tout ira mieux demain ou après-demain.

L’an dernier, à la même époque, ce même rapport d’orientation indiquait que la France renouerait progressivement avec la croissance en fin d’année 2012 puis tout au long de l’année 2013 et que la croissance atteindrait 1,2 % en moyenne annuelle en 2013. On nous assurait qu’il s’agissait d’une « hypothèse prudente reposant sur un scénario de dissipation progressive des tensions financières ».

On sait aujourd’hui que la croissance sera nulle cette année. Mais qu’à cela ne tienne ! L’embellie est désormais annoncée pour 2015, avec un taux de croissance de 2 % par an !

M. Alain Chrétien. C’est Mme Soleil !

M. Patrice Carvalho. Quel crédit accorder à ces hypothèses ?

Le carcan imposé par Bruxelles nous enferme dans une approche dogmatique où le retour à l’équilibre est présenté comme une condition de la croissance alors qu’en réalité, c’est le retour de la croissance seule qui permettra de retourner à l’équilibre.

Vous dites et vous écrivez que le Gouvernement a fait du retour à l’équilibre structurel des comptes publics d’ici à la fin de la législature une priorité. Nous ne pouvons vous suivre dans cette voie. La croissance doit au contraire, selon nous, avoir l’absolue priorité sur la recherche effrénée de réduction des déficits. Les orientations restrictives des politiques budgétaires sont en effet un frein majeur à la reprise de l’activité. Nous venons d’en faire le constat en 2013, mais vous n’en tirez aucune conclusion pratique sinon celle de persévérer dans l’austérité.

C’est ainsi que vous nous annoncez pour 2014 un effort structurel d’un point de PIB, soit 20 milliards d’euros, portant à 70 % sur des économies sur les dépenses, soit 14 milliards d’euros, et à 30 %, soit 6 milliards, sur des prélèvements obligatoires supplémentaires.

Vous proposez ainsi de réformer en profondeur les prestations familiales, les aides fiscales et les services aux familles afin de réaliser une économie de 1,2 milliard d’euros dès 2014, de baisser de 1,5 milliard d’euros les concours financiers de l’État aux collectivités territoriales l’an prochain et enfin de procéder à un ajustement brutal de notre régime de retraite en septembre.

L’an prochain, ce sont aussi près de 3 200 postes de fonctionnaires qui seront supprimés, après 2 300 cette année. Seuls quatre ministères verront leur budget augmenter : l’emploi, le logement, les affaires sociales et, dans une moindre mesure, l’éducation. Mais cela se fera au détriment d’autres ministères, avec des crédits en baisse de 5,4 % pour l’agriculture, 2,8 % pour la culture et 7 % pour l’écologie.

Nous sommes dans une logique de rigueur et d’assèchement dangereuse, qui va peser sur le pouvoir d’achat des ménages, le fonctionnement des services publics et les capacités d’investissement des collectivités territoriales, qui réalisent les deux tiers de l’investissement public dans notre pays.

D’autres mesures sont bienvenues, comme celles visant la fraude fiscale ou la suppression à terme des aides aux entreprises ou des dispositifs d’exonération qui n’ont pas fait la preuve de leur efficacité ou génèrent des effets d’aubaine. Cela tranche avec la politique de multiplication et d’empilement des dispositifs dérogatoires qui a caractérisé le précédent quinquennat.

Nous avons, à l’évidence, besoin de simplification et de dispositifs mieux ciblés. C’est l’une des raisons pour lesquelles nous contestons le bien-fondé du crédit d’impôt compétitivité emploi, accordé aux entreprises sans distinction, pour un coût de 20 milliards d’euros, et qui sera supporté par nos concitoyens à travers la hausse de la TVA.

Nous aurons de nouveau à débattre de ces questions en octobre lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2014.

Un constat s’impose cependant : la générosité dont il est fait preuve à l’égard des grandes entreprises, y compris les multinationales et les entreprises du secteur financier, tranche singulièrement avec la situation faite à la majorité de nos concitoyens au travers du gel de l’indice des fonctionnaires et de l’absence de tout coup de pouce au SMIC et aux salaires, et au travers des atteintes à notre système de sécurité sociale, à la qualité des services publics et aux finances des collectivités locales, qui sont pourtant un puissant levier de réduction des inégalités.

Si vous vous attachez à demander un effort également réparti, le fait est pourtant que l’austérité n’est pas pour tous. Rien n’est entrepris, par exemple, pour réduire significativement le coût du capital, qui ronge nos économies bien plus sûrement que le coût du travail, que l’on présente, aux côtés de la dépense publique, comme étant à l’origine de tous les maux et qui justifierait de mettre l’accent sur la compétitivité et elle seule.

Une étude réalisée par les économistes du Centre lillois d’études et de recherches sociologiques et économiques à la demande de la CGT et de l’Institut de recherches économiques et sociales a récemment montré que le surcoût du capital était considérable. Une grande part des intérêts et dividendes versés par les entreprises aux prêteurs et aux actionnaires ne correspond à aucun service économique rendu, soit aux entreprises, soit à la société tout entière. Les économistes du Clersé estiment que le montant de cette rente indue, c’est-à-dire la part que représente le surcoût du capital une fois retranchés les revenus financiers qui pourraient se justifier, représentait 95 milliards d’euros en 2011. C’est beaucoup d’argent…

La part de la rente indue est ainsi passée de 13,8 % du total des intérêts et dividendes dans les années quatre-vingts à 70 % aujourd’hui ! Autrement dit, en imposant des retours sur fonds propres de l’ordre de 15 %, les actionnaires et investisseurs institutionnels imposent un surcoût de 70 % aux projets d’investissement sans que cela soit justifié par un quelconque motif autre que la cupidité.

C’est à ce gigantesque gaspillage de richesses, de richesses jamais produites, d’emplois jamais créés, source de dégâts sociaux et environnementaux, que nous devons mettre un terme.

Comme le soulignait récemment l’économiste Laurent Cordonnier, quand le fardeau qui pèse sur toute entreprise en vient à majorer son coût réel de 50 à 70 %, faut-il s’étonner du faible dynamisme de nos économies soumises au joug de la finance ? Il ajoutait que seul un âne pouvait supporter une charge équivalente à 70 % de son propre poids !

Libérer les entreprises, les salariés, la société, les collectivités publiques du joug de la rente, liquider la rente plutôt que nous laisser asphyxier par elle, tel est aujourd’hui l’objectif fondamental que doit se donner la gauche.

C’est à cette ambition collective que nous vous appelons. Austérité et compétitivité sont en effet la conséquence et le ressort d’une logique de mise en concurrence des économies et des peuples qui ne sert au final que des intérêts privés qui n’ont d’autre ambition que d’éviter de se soumettre à l’intérêt général.

M. le président. La parole est à M. Pierre-Alain Muet pour le groupe SRC.

M. Pierre-Alain Muet. Je vais revenir sur ce qu’a dit le ministre de l’économie et des finances à propos du contexte.

La zone euro est en récession. Depuis le quatrième trimestre 2011, la croissance est négative tous les trimestres et si la France se porte un peu mieux, notre croissance, depuis cette même date, oscille entre + 0,1 % et - 0,1 % et nous avons vu se succéder deux trimestres négatifs.

L’ensemble de l’Europe est donc frappé par une récession paradoxale. Après la crise financière, les États-Unis ont recommencé à croître, ainsi que les pays européens. Puis, la crise de la dette dans la zone euro a engendré un ensemble de politiques d’austérité qui expliquent la récession actuelle.

Cette crise de la dette est paradoxale car l’Europe est le continent le moins endetté de tous les grands pays industrialisés. La dette de la zone euro représente 67 % du PIB. Aux États-Unis, la dette frise les 100 % et, au Japon, elle atteint 200 %. C’est pourtant dans la zone euro que s’est développée la crise de la dette. Pourquoi ? Pour une raison malheureusement inhérente à l’Europe : son incapacité à mettre en place des politiques de solidarité.

La Grèce, qui représente 3 % du PIB européen, a été frappée par une crise de confiance. Si les Européens s’étaient portés immédiatement à son secours, s’ils avaient été capables de réaliser plus vite ce qu’ils ont mis trois ans à faire, c’est-à-dire un mécanisme de solidarité permettant à la Grèce d’éviter d’avoir des taux d’intérêts excessifs, la crise se serait probablement arrêtée là.

Elle s’est étendue à d’autres pays car quand les marchés ont constaté que la Grèce était fragile, ils ont continué en attaquant l’Espagne, l’Italie et d’autres. C’est ainsi que les doutes sur la solidarité européenne ont transformé le sauvetage de la Grèce en une crise généralisée. C’est d’autant plus paradoxal que les pays les plus touchés sont ceux qui, avant 2007, réduisaient leur dette. Les fameux pays du GIPSI – Grèce, Italie, Portugal, Spain, Irlande – ont, de 2000 à 2007, tous réduit leur dette. C’est l’une des faiblesses majeures de l’Europe, que l’on a déjà observée dans le passé, qui explique cette deuxième récession.

La conséquence de cette deuxième récession est que la croissance est pratiquement nulle depuis cinq ans et demi, chez nous comme dans la plupart des pays européens, à l’exception de l’Allemagne, et que le chômage a augmenté massivement depuis quatre ans. S’y rajoute en France un déficit de compétitivité massif qui est né il y a huit ans, puis une explosion de la dette qui trouve en partie – une petite partie – son origine dans la crise mais surtout dans le fait que, pendant cinq ans, notre pays est resté dans un déficit excessif.

M. Alain Chrétien. C’est faux !

M. Julien Aubert. À force de répéter le même mensonge, vous finirez par y croire !

M. Pierre-Alain Muet. Quand vous avez une base de déficit structurel comprise entre 3,4 et 4,5 points de PIB et qu’une crise se surajoute, vous obtenez une véritable explosion.

Face à cette situation, le Gouvernement a appliqué une politique subtile, complète, une politique qui certes ne se prête pas à de grands discours comme ceux qui prétendent qu’il suffirait de régler le problème de la compétitivité pour sortir de toutes les difficultés. Cette politique s’attaque aux quatre déficits : le déficit d’emploi, le déficit des finances publiques, le déficit extérieur ou de compétitivité et le chômage.

Dans votre intervention, monsieur le ministre, vous êtes revenu sur 2013. Cette année, en effet, la politique a consisté à donner la priorité à la réduction de la dette et à l’action sur l’emploi. C’était une politique forte de réduction du déficit structurel, mais surtout une politique cohérente. Car, comme vous l’avez rappelé, l’objectif fondamental, c’est l’objectif de déficit structurel, qui est la meilleure façon de laisser jouer les stabilisateurs automatiques. En n’accordant pas à la droite ce qu’elle nous réclame depuis bientôt une semaine, c’est-à-dire un collectif budgétaire qui ajouterait de l’austérité à la récession, vous faites en sorte que les choix faits par le Parlement, qui se traduisent par la réduction du déficit structurel, soient respectés.

Pour l’année prochaine, il faut un double rééquilibrage.

Le premier doit se faire du côté des dépenses. Il faut des mesures structurelles qui portent essentiellement sur les dépenses. Il y a là une vraie cohérence, car le choix fait en 2013 de deux tiers de prélèvements et un tiers de réduction de dépenses était pertinent.

M. Alain Chrétien. Il fallait faire l’inverse !

M. Pierre-Alain Muet. Non, c’est tout à fait pertinent car à court terme, les prélèvements sont moins récessifs que les réductions de dépenses. À long terme, c’est l’inverse. Par conséquent, le schéma du Gouvernement d’agir à partir de 2014 sur la réduction des dépenses est pertinent.

L’autre orientation pertinente est de rééquilibrer la politique économique vers la demande et vers l’emploi. La récession a créé un écart entre la croissance potentielle et la production effective bien supérieur à ce qu’il était il y a seulement un an et demi. Aujourd’hui, il faut remettre l’accent sur la demande et il y a une façon simple de le faire : il faut créer massivement des emplois aidés ou des emplois d’avenir.

M. Alain Chrétien. Non, ça, c’est de l’impôt !

M. Pierre-Alain Muet. Pas du tout ! Quand vous créez des emplois, vous créez du revenu.

M. Alain Chrétien. Le revenu de qui ?

M. Pierre-Alain Muet. Quand vous créez des emplois d’avenir, vous créez du revenu. En créant du revenu, vous créez de la demande. En créant de la demande, vous créez de l’augmentation de la production…

M. Charles de Courson. C’est du keynésianisme ! C’est déplacé !

M. le président. Mes chers collègues, laissez parler l’orateur !

M. Pierre-Alain Muet. Et quand il y a un déficit de demande, il faut appliquer les bonnes politiques.

Pour conclure, monsieur le président, je dirai qu’il faut une action massive et sans complexe sur l’emploi dans l’année 2013. Le pari d’inverser rapidement la courbe du chômage est la meilleure façon de retrouver la croissance. C’est la meilleure politique pour tirer parti des réformes courageuses prises depuis un an. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

M. Alain Chrétien. Si Hollande était Roosevelt, ça se saurait !

M. le président. La parole est à M. François Baroin, pour le groupe UMP.

M. François Baroin. Monsieur le président, messieurs les ministres, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, j’avais prévu d’intervenir dans la discussion générale du débat d’orientation des finances publiques au sujet de l’équilibre budgétaire et des choix présentés à la représentation nationale dans le cadre de la loi de finances 2013. Mais en écoutant le ministre Moscovici et, une fois de plus, M. Muet, qui était mon partenaire de jeu lorsque nous débattions à fronts renversés à la commission des finances, je ne peux m’empêcher de raconter une autre histoire que celle qu’ils ont contée. M. le ministre des finances nous appelle à lutter contre l’amnésie : je le prends au mot afin qu’une telle lutte soit totalement partagée et que nous soyons à l’unisson sur le sujet.

Vous avez raconté, monsieur le ministre, une histoire sur la situation que vous avez trouvée lorsque François Hollande et le gouvernement Ayrault sont arrivés au pouvoir, qui était en réalité une histoire sur la responsabilité de Nicolas Sarkozy dans l’endettement du pays, sur la responsabilité de Nicolas Sarkozy dans l’aggravation des déficits, sur la responsabilité de Nicolas Sarkozy dans l’aggravation des déficits, sur la responsabilité quasi personnelle de Nicolas Sarkozy dans l’augmentation du chômage, une histoire du déclin, du désastre européen, du problème de la Grèce et de l’enchaînement cruel qui a menacé notre monnaie unique.

M. Dominique Baert. Et de la perte de compétitivité !

M. Alain Fauré. Et du déficit du commerce extérieur !

M. Gérard Bapt, rapporteur de la commission des affaires sociales. Dont les Français vous ont présenté l’addition au mois de juin !

M. François Baroin. L’histoire que je vais vous raconter est celle qui s’est écrite. Elle est donc beaucoup plus simple que celle que vous êtes en train de raconter aux Français, sous forme de balivernes, pour les années à venir.

La crise vient des États-Unis. Elle est de nature financière et prend racine dans les subprimes, un modèle spéculatif visant à faire accéder à la propriété une partie de la classe moyenne au moyen de crédits hypothécaires qui ont explosé. Crise américaine, modèle américain, banque américaine : la crise est d’abord financière. Elle a entraîné un ralentissement économique, il a donc fallu soutenir l’activité dès la première secousse.

Une deuxième a suivi, plus sérieuse et plus grave, que vous connaissez, monsieur le ministre, comme toutes ces matières auxquelles je sais que vous êtes attentif depuis de nombreuses années. Il s’agit de l’évènement que fut la faillite de Lehman Brothers. Au nom d’un aléa moral, l’administration américaine de l’époque, pour faire un exemple, a puni une banque et demandé à la banque centrale américaine de suspendre l’accès aux liquidités de Lehman Brothers. Lehman Brothers est une banque d’affaires, Lehman Brothers tombe : la récession économique est mondiale. Nous faisons jouer à l’époque les amortisseurs sociaux. La récession en France est de 2,7 %, elle est en Allemagne de 4,5 %. Elle est mondiale. Cette deuxième réplique vient des États-Unis, elle est de nature financière et résulte d’une décision de l’administration américaine ayant entraîné une interrogation globale de la part des investisseurs sur le sujet. Elle n’a rien à voir avec Nicolas Sarkozy ni son gouvernement, et pas davantage avec les choix européens de l’époque.

La crise traverse l’Atlantique et impacte très directement l’ensemble des pays partageant la même monnaie, l’euro. Pourquoi les impacte-t-elle ? Parce qu’à l’époque de la faillite de Lehman Brothers, toutes les économies avancées ont pratiqué une politique budgétaire faite de relance et de dépense publique, d’ailleurs prisée des sociaux-démocrates. Mais la relance et la dépense publique nous ont fait passer sous la ligne de flottaison, car nous étions déjà très endettés et très en déficit. Il a fallu passer à la caisse et les investisseurs ont ciblé le pays le plus fragile, la Grèce, puis testé les autres pays. Nous avons mis en place une politique qui en effet a augmenté de 20 % la dette du pays en fin de mandat. Mais il serait plus honnête de dire, cher Pierre Moscovici, que celle des États-Unis a augmenté de 29 % et il serait tout aussi honnête de rappeler par exemple que la dette globale en Grande-Bretagne a augmenté de 40 %.

Il serait honnête, en somme, de dire que sur l’ensemble de la période toutes les économies avancées ont pratiqué une politique de relance économique, c’est-à-dire de relance budgétaire visant à soutenir l’activité économique, politique qui devrait avoir toute votre attention et dont l’augmentation de la dette fut la conséquence. Je vous renvoie aux statistiques de l’OFCE et aux études de l’OCDE dans lesquelles vous trouverez la démonstration implacable que l’histoire selon laquelle Nicolas Sarkozy était à la fois à la tête de la France, de la Grèce, de la Grande-Bretagne et des États-Unis est une histoire qui ne tient pas la route du point de vue économique.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Il était pourtant partout !

M. François Baroin. Vous nous expliquez, monsieur le ministre, que depuis que François Hollande est arrivé il fait beau (Sourires). Il faut beaucoup de courage et de ténacité pour faire une telle démonstration depuis 365 jours !

M. Alain Chrétien. En effet, il pleut tout le temps !

M. Gérard Bapt, rapporteur de la commission des affaires sociales. Ça fait remonter les nappes phréatiques ! (Sourires.)

M. François Baroin. Vous nous expliquez les raisons pour lesquelles tout va mieux depuis lors, mais une omission me frappe dans votre propos. Vous nous expliquez que François Hollande, par le pacte de relance de la confiance à l’échelle européenne, a relancé un dispositif qui aurait apaisé les marchés. Mais les cent milliards d’euros de relance de l’activité économique, chacun le sait, n’ont été qu’un nouveau fléchage des fonds structurels européens qui étaient déjà dans les tuyaux. Le deuxième élément, c’est la recapitalisation de la banque européenne d’investissement, qui n’a pas encore produit ses effets. Inutile, donc, d’argumenter à ce sujet ; attendons de voir ce que cela donnera et tant mieux s’il en résulte des investissements européens.

Vous évoquez alors, monsieur le ministre, une deuxième idée de François Hollande : engager le fer, en quelque sorte, et respecter les signatures de la France, en particulier celle du traité budgétaire, c’est-à-dire de l’accord avec l’Allemagne. Au fond, le traité Merkel-Sarkozy, dénoncé avec tant de force pendant la campagne électorale, fut in fine ratifié par la France sous la signature de François Hollande. On ne peut que s’en féliciter, mais reconnaissons que si quelqu’un doit toucher les droits d’auteur de l’initiative, ce n’est certainement pas lui. Et vous nous expliquez enfin, monsieur le ministre, que l’addition de toutes les mesures a permis en quelque sorte de créer les conditions d’une stabilisation de notre économie. En fait, toutes les statistiques sont préoccupantes et tous les clignotants sont dans le rouge.

Une seule mesure a stabilisé les marchés et vous n’y êtes pour rien du tout, François Hollande pas davantage. Elle est due au président de la Banque centrale européenne. Je regrette votre omission sur ce point, monsieur le ministre des finances, car c’était un moyen pour vous de lui rendre hommage alors que votre collègue à Bercy ne cesse de lui taper dessus. La seule décision, la seule mesure utile prise depuis que nous avons quitté le pouvoir, ce fut l’initiative de M. Draghi, en juillet dernier, qui a mis en minorité le président de la Bundesbank au conseil des gouverneurs pour sauver l’Italie. Il a ainsi offert un pare-feu bazooka beaucoup plus puissant que n’importe quel mécanisme européen de stabilité, qui a rassuré les marchés sur l’intégrité de la zone euro.

À présent, trois menaces sont devant nous. La première est de nature financière et vous n’y pouvez pas grand-chose, c’est une menace obligataire. Il y a trop de liquidités en Europe et aux États-Unis, c’est une première menace. La deuxième menace est politique. Je n’ai que cinq minutes, j’irai à l’essentiel : il s’agit de l’addition des populismes due justement à des politiques qui n’apportent pas de réponses concrètes et dont la traduction est l’effet de ciseaux que l’on constate entre une base fiscale qui se réduit et des impôts qui augmentent. La troisième menace tient au fait que vous n’atteindrez pas votre cible, monsieur le ministre. Le président Carrez a expliqué à juste titre la semaine dernière qu’il manque déjà une quinzaine de milliards d’euros et qu’il y aura un trou de trente milliards d’euros.

M. Christian Eckert, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Qui étaient vingt il y a une semaine !

M. François Baroin. Oui, il fallait un collectif budgétaire ! Oui, le débat devait porter sur un correctif après six mois d’existence de la loi de finances 2013 et non sur des projections qui n’atteindront pas leur but ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Vous avez évoqué tout à l’heure, monsieur le ministre de l’économie et des finances, l’inutilité à vos yeux de discuter dans les prochains jours d’un collectif.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Ça recommence !

M. Thomas Thévenoud. C’est une obsession !

M. le président. Un peu d’attention, s’il vous plaît, mes chers collègues.

M. Christian Jacob. Et que cela vous inspire !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Je souhaite préciser un point. Le déficit s’aggrave de vingt milliards d’euros. L’opposition ne propose pas un collectif budgétaire afin de mettre en place des impôts supplémentaires, on a suffisamment donné de ce point de vue, ni des coupes dans les dépenses. Il s’agit tout simplement, monsieur le ministre, d’établir la vérité des comptes.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Les questions comptables, c’était avant, nous en sommes maintenant aux questions budgétaires !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Pourquoi établir la vérité des comptes ? Vous devriez le comprendre immédiatement, vous qui avez sous votre responsabilité l’agence France Trésor. Vous savez que nous devons couvrir un besoin de financement de 200 milliards d’euros. Quand on doit couvrir un besoin de 200 milliards d’euros en faisant appel pour les deux tiers à des non résidents, il faut que la confiance trouve sa source dans la sincérité et la vérité des comptes publics. Vous allez faire courir un risque très important à notre pays pendant tout l’été, monsieur le ministre. Faute du collectif que vous refusez pour des raisons purement politiques, notre pays ne pourra pas faire état d’une sincérité de ses comptes publics alors même que les marchés financiers sont de plus en plus nerveux et que les taux d’intérêt commencent à monter.

Il existe une autre raison qui justifie à elle seule un collectif. À propos d’un certain nombre de dispositions fiscales votées dans la loi de finances pour 2013, nous ne savons plus où est la vérité. Est-ce la loi votée par le Parlement ou la parole présidentielle ? Mettons-nous à la place d’un chef d’entreprise qui aujourd’hui veut vendre son entreprise. Doit-il croire ce qui figure dans la loi de finances, ou ce qui a été annoncé par le Président de la République lors des assises de l’entreprenariat ?

M. Jean-Claude Mathis. Exactement !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Un ménage qui veut vendre un bien immobilier doit-il croire le droit actuel, ou faire confiance à une émission de télévision sur M6 au cours de laquelle le Président de la République a annoncé une modification de la fiscalité des plus-values immobilières ?

M. Jean-Pierre Door. Eh oui !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. La situation, chers collègues, est gravissime ! L’incertitude et l’instabilité bloquent toute l’économie et les agents économiques n’agissent plus ! Nous devons donc absolument y mettre un terme. Le choix que vous avez fait depuis un an, monsieur le ministre, c’est celui du tout fiscal et du tout prélèvement.

M. Thomas Thévenoud. C’est incohérent !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Vous avez eu raison de souligner tout à l’heure que le choix du tout fiscal s’ajoutait à d’importantes augmentations d’impôts décidées par la précédente majorité. Celle-ci, c’est vrai, a eu besoin en fin de législature d’alourdir sensiblement la fiscalité, François Baroin vient de le rappeler avec son brio habituel. Il a fallu accroître les prélèvements d’environ 25 milliards d’euros. Mais vous, à peine arrivés au pouvoir, vous y avez ajouté 35 milliards d’euros supplémentaires ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Thomas Thévenoud. C’est faux !

M. Dominique Baert. Allons-y gaiement !

M. Christian Eckert, rapporteur général. Soixante, qui dit mieux ?

M. Stéphane Travert. Plus c’est gros, plus ça passe !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Nous sommes arrivés aujourd’hui à une situation que notre pays n’a en réalité jamais connue : nous avons dépassé le point à partir duquel le rendement de l’impôt est décroissant. Et s’il est une préoccupation bien mise en évidence dans le remarquable rapport de la Cour des comptes sur les perspectives financières, c’est précisément ce phénomène de décroissance et de minoration de l’ensemble des recettes, en particulier celles liées aux mesures nouvellement votées. C’est vrai de tous les impôts : l’impôt sur les sociétés, la TVA mais également l’impôt sur le revenu. Dès lors, la situation est parfaitement claire et vous l’avez souligné avec raison, monsieur le ministre : il n’y a plus de marge de manœuvre en matière d’augmentation des prélèvements obligatoires.

M. Alain Fauré. C’est faux !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. La seule marge de manœuvre dont nous disposons en matière de prélèvements obligatoires, ce sont des redéploiements entre types de fiscalité. À ce sujet, je nourris un regret. J’ai honnêtement cru que le CICE fonctionnerait. Malheureusement, sa complexité excessive dissuade la moitié de nos petites et moyennes entreprises d’y faire appel.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Ce n’est pas compliqué !

M. Alain Fauré. Ça va marcher, monsieur Carrez !

M. Christian Eckert, rapporteur général. Continuez à dire des âneries, ça va s’arranger !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Comment en est-on venu au CICE ? Par dogmatisme. Animée d’un esprit de destruction totale de ce qu’avait fait la précédente majorité, l’actuelle a annulé la réforme « compétitivité ». Mais celle-ci avait une lisibilité parfaite, elle était simple pour les entreprises ! On baissait de 3,4 % les cotisations patronales sur le coût du travail et on augmentait en compensation la CSG et le taux normal de TVA. En lieu et place de quoi vous avez monté une sorte d’usine à gaz dans laquelle les petites et moyennes entreprises ne se reconnaissent pas !

Aujourd’hui, en effet, l’heure de vérité a sonné et il faut s’attaquer aux dépenses.

M. Pierre-Alain Muet. Ce que vous n’avez pas su faire !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Voilà qui est très difficile pour la majorité, et nous en avons eu encore un exemple en fin d’après-midi. Une grande partie de la majorité et même du Gouvernement pense, comme Pierre-Alain Muet vient de le dire,…

M. Pierre-Alain Muet. On en fait plus que vous dans la réduction des dépenses !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Vous venez de dire à l’instant, monsieur Muet, qu’une augmentation d’impôt est moins récessive qu’une diminution de dépenses.

M. Pierre-Alain Muet. Oui, à court terme ! Et c’est l’inverse à long terme ! Voilà ce que j’ai dit.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. C’est peut-être vrai dans la théorie des livres économiques, monsieur Muet, mais en France c’est une contre-vérité ! Plus nous augmentons la dépense publique, plus nous handicapons la croissance !

Mme Émilienne Poumirol. C’est pourquoi vous l’avez augmentée ! (Sourires sur les bancs du groupe SRC.)

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Une chose doit être déplorée. Vous avez selon moi commis une erreur qui vous place un an plus tard en grave difficulté. Vous auriez dû vous rendre compte à votre arrivée, si du moins vous n’aviez pas été submergés par l’antisarkozysme que François Baroin décrivait il y a un instant, à quel point la mise en place d’un certain nombre de verrous, visant à maîtriser en douceur l’évolution et la dynamique de la dépense publique sans que cela n’altère la croissance économique, avait été difficile, voire trop tardive.

M. Christian Eckert, rapporteur général. C’est un aveu !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Oui, monsieur le rapporteur général, j’avoue, mais vous, vous persévérez dans l’erreur, car vous avez totalement abandonné l’idée selon laquelle on pourrait ne pas remplacer une partie des fonctionnaires qui partent en retraite.

Comment voulez-vous dès lors que les collectivités locales, qui devraient engager une politique de non remplacement d’une partie des départs à la retraite, ne prennent pas pour exemple un État qui, lui, stabilise ses effectifs ? Vous avez remis en cause la réforme des retraites. Vous avez remis en cause la convergence tarifaire entre le privé et le public, qui nous permettait de tenir remarquablement l’ONDAM. Vous avez remis en cause le jour de carence. Vous avez annulé la RGPP. Vous avez supprimé l’importante réforme du conseiller territorial. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Comment voulez-vous stabiliser la dépense publique locale sans prendre des mesures structurelles consistant à fusionner conseils généraux et conseils régionaux ? De surcroît, dans le texte sur la décentralisation qui va nous être soumis dans quelques jours, vous multipliez, à chaque article – je vous mets en garde sur ce point, monsieur le ministre du budget –, les nouveaux nids de dépenses.

M. Alain Chrétien. C’est incompréhensible !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. À partir du moment où vous allez rétablir la clause générale de compétence pour les départements et les régions, vous allez inéluctablement déclencher et alimenter une multitude de foyers de dépenses nouvelles.

M. Julien Aubert. Des foyers d’incendie !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Tout cela est symptomatique. Au mois de juillet dernier, lorsque vous avez remis en cause les désincitations à utiliser à l’excès l’aide médicale d’État – je pense notamment à la suppression de la franchise et de la demande d’agrément (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; protestations sur les bancs du groupe SRC.) –, nous vous avons mis en garde sur les incidences financières d’une telle mesure qui, selon nous, va se traduire par quelques dizaines ou centaines de millions d’euros.

M. Thomas Thévenoud. Allons, ce n’est pas digne de vous, monsieur Carrez !

M. Julien Aubert. Laissez parler le président, même si cela vous dérange d’entendre la vérité !

M. le président. Allons, mes chers collègues, nous écoutons tous l’orateur !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Eh bien, nous y sommes ! Chaque verrou que nous avions mis en œuvre, vous l’avez fait sauter. Dès lors, il ne faut pas vous étonner de voir la dépense publique augmenter.

Le rapporteur général montre d’ailleurs bien, dans son rapport, que l’évolution tendancielle sur la masse salariale – je ne parle ici que du budget de l’État –, et l’évolution tendancielle sur les différentes interventions sociales s’élèvent chacune à plus de deux milliards d’euros. Or, même sans toucher au point d’indice, il est évident que vous ne pouvez pas contenir l’évolution de la masse salariale en deçà d’un montant de 500 ou 600 millions d’euros – alors que vous n’avez prévu que 200 ou 300 millions d’euros. Pour ce qui est des interventions sociales, alors que nous avions amorcé un début de désindexation partielle, tout a été réindexé en 2013.

Dans ces conditions, il n’est guère étonnant que la Cour des comptes s’inquiète. Puisque le temps qui m’est imparti touche à sa fin, je vais conclure…

M. Julien Aubert. Ne vous pressez pas, vos paroles sont une oasis, monsieur Carrez !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. …en citant deux motifs d’inquiétude de la Cour des comptes.

Le premier consiste à souligner qu’à la fin de l’année 2013, la France sera le premier pays de l’OCDE pour la part des dépenses publiques dans sa richesse nationale : elle aura dépassé le Danemark.

M. Charles de Courson. Eh oui ! Nous avons la médaille d’or !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Le deuxième motif d’inquiétude figure page 122 du rapport de la Cour des comptes, où il est indiqué que « les économies annoncées pour 2014 et 2015 » – celles que vous avez évoquées il y a un instant, monsieur le ministre – « sont au total encore peu documentées, alors que les dépenses nouvelles paraissent parfois plus sûres. »

M. Julien Aubert. Très bien !

M. le président. Il faut conclure, monsieur Carrez.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Alors, messieurs les ministres, nous voulons savoir quelles sont les réformes de structures qui vont vous permettre de gager les 14 milliards d’euros d’économies que vous avez annoncés à cette tribune il y a quelques instants. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires sociales.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, messieurs les ministres, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, la situation des finances publiques et sociales de notre pays est difficile, il ne s’agit pas ici de le nier.

Les raisons de cette situation sont bien connues. Le poids du passé d’abord, et notamment l’ampleur de la crise de 2008, dont les effets ne sont pas encore effacés. Cependant, la crise n’explique pas tout puisque, depuis de nombreuses années, la Cour des comptes souligne l’importance de la part structurelle de nos déficits publics, à la fois sous la présidence de Philippe Séguin – Nicolas Sarkozy était alors Président de la République – et sous celle de Didier Migaud.

Dans l’une de ses dernières auditions devant la commission des affaires sociales, monsieur Séguin avait dit, en se tournant vers la majorité d’alors, devenue l’opposition d’aujourd’hui…

M. Julien Aubert. Hélas !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. …que vous ne pourriez pas sans cesse dire que c’est la faute des autres.

M. Alain Chrétien. C’est toujours vrai aujourd’hui !

M. Christian Jacob. Le doigt vengeur doit maintenant être tourné de l’autre côté !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Vous avez fait des choix fiscaux qui ont conduit notre pays à de grandes difficultés structurelles. Ce sont donc bien en partie vos choix d’hier que nous sommes aujourd’hui obligés de rattraper.

Mais permettez-moi de répondre à certains arguments avancés par l’opposition d’aujourd’hui, qui n’a pourtant guère de leçons à nous donner en matière de maîtrise des déficits publics. Non, le Gouvernement n’est pas resté inactif depuis un an !

M. Christian Jacob. Hélas !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. D’une part, le rapport préparatoire présenté par le Gouvernement le montre : l’année 2012 a vu un ajustement significatif du déficit structurel, qui a diminué de 0,5 point de PIB entre 2011 et 2012, devenant inférieur à 4 % du PIB pour la première fois depuis 2007.

M. Charles de Courson. 28 milliards d’euros !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. D’autre part, si les dépenses publiques ont continué à croître l’année dernière, elles l’ont fait à un rythme sensiblement inférieur – + 0,2 % en volume – à celui constaté au cours des cinq dernières années, quand la droite était au pouvoir, qui s’élevait à plus 1,7 % en moyenne. Pour ce qui est des seules dépenses de l’État, elles ont connu une baisse très significative l’année dernière – alors que la précédente majorité nous avait presque fait oublier que c’était possible.

Le Gouvernement a fait du retour à l’équilibre structurel des comptes publics d’ici la fin de la législature sa ligne de conduite. Les décisions prises porteront l’effort structurel en 2013 à un niveau inédit – 1,9 point de PIB –, permettant de ramener le déficit structurel aux environs de 2 %. Si, pour 2014, l’effort programmé est plus mesuré – 1 % de PIB –, il convient d’insister sur le fait que l’essentiel de l’effort s’appuiera sur des économies en dépenses.

Pour ce qui est de l’État, l’objectif de dépenses hors dettes et pensions est abaissé de 1,5 milliard d’euros par rapport à l’objectif initial d’une stabilité en valeur. Je rappelle à ceux qui jugent cet effort insuffisant qu’il s’agit au contraire d’un effort sans précédent au regard des circonstances très défavorables. Durant le précédent quinquennat, le vôtre…

M. Julien Aubert. L’âge d’or !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. …les dépenses comparables avaient augmenté en moyenne de deux milliards d’euros. L’effort de maîtrise de la dépense publique qu’entend mettre en œuvre le Gouvernement témoigne d’un changement de philosophie.

M. Yves Censi. C’est incroyable d’entendre de telles choses !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Remplacer la Révision générale des politiques publiques par la modernisation de l’action publique n’est pas un simple changement cosmétique de vocabulaire.

M. Julien Aubert. Qu’est-ce que c’est, alors ?

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Il s’agit, en effet, de rompre avec une démarche aveugle et imposée d’en haut, qui était incomprise des agents publics et de nos concitoyens, et même de parlementaires appartenant à l’actuelle opposition qui s’en étaient émus, allant jusqu’à manifester sur leurs territoires.

M. Julien Aubert. C’est vrai.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Aujourd’hui, au contraire, il s’agit d’une démarche ambitieuse qui s’appuie d’abord sur une évaluation sérieuse des politiques publiques. Ainsi, 49 évaluations sont dès à présent programmées, portant sur 20 % de la dépense publique totale, soit près de 200 milliards d’euros de dépenses et 50 milliards de dépenses fiscales. À la différence majeure d’avec la RGPP, ces évaluations associeront étroitement les partenaires concernés par ces politiques publiques ciblées.

M. Éric Woerth. Ce n’est pas ce que dit la Cour des comptes !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Plus encore que pour les finances de l’État, il est indispensable de réduire le déficit des régimes de sécurité sociale et, par conséquent, de stopper l’accroissement continu de la dette sociale. Il ne saurait être question d’alourdir encore la charge de nos enfants et de nos petits-enfants, pour lesquels la vie risque de ne pas être un long fleuve tranquille.

La commission des affaires sociales est, dans sa grande majorité, prête à assumer les contraintes, notamment en ce qui concerne le taux de progression de l’ONDAM, qui sera ramené à 2,6 % en 2014 et à 2,5 % de 2015 à 2017. Sur ce point, je m’étonne que M. Carrez ait pu énoncer des contrevérités au sujet de la convergence tarifaire sur la TAA entre le public et le privé : vous savez très bien, mon cher collègue, que les missions de l’hôpital public ne sont pas tout à fait les mêmes que celles des établissements privés.

Je laisserai Gérard Bapt, notre rapporteur sur les recettes et l’équilibre général du PLFSS…

M. Thomas Thévenoud. Un grand rapporteur ! Et pas seulement par la taille ! (Sourires.)

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. …présenter en détail la situation financière de la sécurité sociale.

Nous attendons beaucoup de la stratégie nationale de santé en cours d’élaboration par le comité des sages, sous l’égide du professeur Cordier. À ce titre, la ministre de la santé, Marisol Touraine, sera auditionnée par la commission dès la publication de ce rapport.

Je ne voudrais pas que mes propos, en insistant sur la nécessité des efforts à fournir au cours des prochaines années, vous conduisent, mes chers collègues, à conclure que rien n’est possible jusqu’à la fin de cette législature. Il convient de mesurer le chemin que nous avons parcouru, et dont nous pouvons légitimement être fiers.

M. Julien Aubert. Ben voyons ! Ensemble, tout devient possible !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. En effet, ce qui a été fait depuis un an prouve que cette majorité a su concilier sérieux budgétaire et renforcement de la justice sociale – qui, je vous le rappelle, mes chers collègues de l’opposition, n’est pas un gros mot.

M. Julien Aubert. Décidément, vous n’êtes que nuance et subtilité, ce soir !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Je ne prendrai que quelques exemples.

La première mesure prise par le Gouvernement a été l’augmentation de 25 % de l’allocation de rentrée scolaire…

M. Alain Chrétien. Une mesure financée par la dette !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. …ce qui a permis d’accroître le budget de trois millions de familles modestes – qui apprécieront vos propos à leur juste valeur, chers collègues de l’opposition – et de contribuer ainsi à donner les moyens aux parents de bien éduquer leurs enfants.

M. Julien Aubert. C’est le tribunal des flagrants délires !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Le décret du 2 juillet 2012 est venu corriger la principale iniquité provoquée par la réforme des retraites de 2010, en permettant à nouveau à tous ceux qui ont commencé à travailler avant 20 ans et qui ont cotisé pendant la durée requise pour obtenir une retraite à taux plein, de partir en retraite à partir de 60 ans. Je rappelle que cette mesure est entièrement financée.

M. Thomas Thévenoud. Très bien !

M. Alain Chrétien. Financée par la dette !

M. Éric Woerth. Vos propos sont honteux et injustes, madame !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Dès le collectif budgétaire de juillet, nous avons supprimé le droit d’entrée de 30 euros institué par la majorité précédente…

M. Julien Aubert. C’est scandaleux !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. …afin de permettre aux étrangers de bénéficier de l’aide médicale de l’État, car au-delà de l’aspect budgétaire c’est bien une mesure de santé publique. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) La santé publique pour les étrangers se trouvant sur notre territoire, ce n’est pas non plus un gros mot !

Depuis le 1er juillet, le plafond de la CMU-C et de l’aide à l’acquisition d’une complémentaire santé a été revalorisé.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Des dépenses, toujours des dépenses !

M. Éric Woerth. C’est tellement facile !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Ce sont, ainsi, environ 400 000 personnes supplémentaires qui vont bénéficier de la CMU-C, être dispensées des franchises et des forfaits, donc pouvoir être soignées aux tarifs opposables. Ce sont également 350 000 personnes supplémentaires qui bénéficieront de l’aide à la complémentaire santé.

Les récentes annonces du Premier ministre en matière de réforme de la politique familiale témoignent, là encore, de la volonté du Gouvernement de concilier réduction des déficits et recentrage des dépenses au profit de ceux qui en ont le plus besoin. Ainsi, tout en permettant une amélioration significative du solde de la branche famille de 1,7 milliard d’euros à l’horizon 2016, les mesures d’économies annoncées et ciblées sur les ménages les plus aisés contribueront à revaloriser l’aide aux familles monoparentales et aux familles nombreuses vivant sous le seuil de pauvreté…

M. Yves Censi. Tout ça, c’est de la propagande !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. …tout en permettant la mise en place de 275 000 nouvelles solutions d’accueil pour la petite enfance à l’horizon 2017. À cet égard, je ne peux que me féliciter du fait que ce nombre inclue 75 000 nouvelles places en école maternelle pour les enfants à partir de deux ans.

Enfin, s’agissant de la réforme de notre système de retraite – eh oui, nous y revenons : bien obligés, puisque la vôtre n’a pas été efficace ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

M. Éric Woerth. Vous n’avez jamais eu le moindre courage dans ce domaine, alors vous n’avez pas de leçons à nous donner !

M. Julien Aubert. Quelle mauvaise foi !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. …je rappelle que la concertation est en cours avec les partenaires sociaux, dans le prolongement de la conférence sociale qui s’est tenue il y a une dizaine de jours.

Comme vous le savez, cette concertation est menée notamment sur la base du rapport de la commission qu’a présidée Mme Yannick Moreau. Ce n’est pas le moment de reprendre le détail de ses propositions, aussi mentionnerai-je simplement celles qui concernent la prise en compte de la pénibilité, ainsi que les inégalités criantes entre les femmes et les hommes, deux sujets fort importants ignorés par votre réforme de 2010.

Il nous faudra revoir le dispositif adopté dans le cadre de la réforme de 2010, dont on peut dire qu’il constitue un échec, comme le montrent les chiffres que vient de publier la CNAV. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Alors que, lors du débat de 2010, le précédent gouvernement avait évoqué le chiffre de 30 000 bénéficiaires par an de ce dispositif, ce ne sont qu’à peine plus de 5 000 personnes qui en ont bénéficié depuis sa mise en œuvre en juillet 2011. On est bien loin du compte !

M. Julien Aubert. C’est comme le mariage pour tous !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. La situation de nos finances publiques nous impose le sérieux budgétaire, mais celui-ci ne saurait nous empêcher de mettre en œuvre les mesures de justice que les Français attendent de nous, et pour lesquelles ils nous ont élus – en tout cas du côté gauche de l’hémicycle – car il nous importe de réparer les dégâts sociaux de la crise que nous traversons, et que votre politique, menée pendant cinq ans, n’a fait qu’aggraver.

M. Julien Aubert. Bonjour les partielles !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.

M. Christian Eckert, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Monsieur le président, messieurs les ministres, monsieur le président de la commission des finances, mes chers collègues, je veux remercier en premier lieu le ministre du budget pour la qualité des relations que nous avons nouées ces dernières semaines ; elles nous ont permis, me semble-t-il, de parvenir à un rapport préalable au débat d’orientation des finances publiques qui est entré dans un niveau de détail que l’on a rarement trouvé dans ce type de documents, compte tenu des délais qui s’imposent à nous. Je veux également remercier l’ensemble des administrateurs qui ont contribué à sa rédaction.

Je tiens également à vous remercier, monsieur le ministre de l’économie et des finances, pour la qualité de vos interventions à Bruxelles.

M. Dominique Baert. On a un bon ministre !

M. Christian Eckert, rapporteur général. La caractéristique majeure de ce débat d’orientation des finances publiques est qu’il s’inscrit dans un contexte différent de celui des années précédentes, puisque nous disposons, à l’instar d’autres pays, de deux ans supplémentaires pour revenir en dessous des 3 % de déficit nominal. Si nous maintenons l’objectif, nous diminuons la pente, pour des raisons évidentes d’acceptabilité sociale, dans notre pays, des efforts demandés.

Je veux revenir un instant sur les batailles de chiffres relatifs aux déficits, sur ce que nous ferions prétendument moins bien que d’autres et sur ce que, vous, mesdames et messieurs de l’opposition, ainsi que, sur vos conseils, certains journalistes, qualifiez de « dérapage prévisible des finances publiques ».

Monsieur le président de la commission des finances, le déficit du budget de l’État s’élevait à 138 milliards en 2009, 148,8 milliards en 2010, encore 90 milliards en 2011, et nos prévisions sont de 68,3 milliards pour 2013. Et vous osez nous dire que nous explosons les déficits ! Ce dernier chiffre est égal à la moitié de ce que vous avez connu, en moyenne, sur les années 2009, 2010 et 2011 : la moitié, monsieur le président ! Il me paraissait important d’insister sur ce point.

Vous nous avez dit pendant des semaines et, ce soir encore, vous avez eu le culot de nous dire que la Cour des comptes jugeait les économies prévisibles sur les dépenses insuffisamment documentées. Mais son rapport remonte au mois de mai ! Et nous sommes en juillet. Une quinzaine de pages de mon rapport sont consacrées à documenter les économies de dépenses que comptent faire cette majorité et ce gouvernement en 2014 –je dis bien : une quinzaine de pages…

M. Dominique Baert. C’est du jamais vu !

M. Christian Eckert, rapporteur général. …comportant les tableaux y afférents, les cadres d’emploi, ministère par ministère, …

M. Dominique Baert. Ils n’ont jamais été capables d’en faire autant !

M. Christian Eckert, rapporteur général. …l’évolution des effectifs de tous les opérateurs publics et des commentaires précis sur tel ou tel opérateur ou agence de l’État, comme jamais je ne l’ai trouvé dans un rapport préalable au débat d’orientation des finances publiques. Vous disposez des chiffres et des emplois ; et vous affirmez que le rapport du rapporteur général prévoit que la masse salariale augmentera de 2,2 milliards… Que nenni ! Que nenni, monsieur le président ! Uniquement en tendance !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Oui, en tendance !

M. Thomas Thévenoud. Ça barde !

M. Christian Eckert, rapporteur général. Que dit-il, ce rapport du modeste rapporteur général de la commission des finances ? Que, si nous n’avions rien fait, les dépenses au titre de la masse salariale auraient augmenté de 2,2 milliards. Mais que dit-il à la page suivante ? Que la masse salariale augmentera en deux ans de 0,3 %. Puisque vous savez calculer, vous devez savoir diviser par deux : cela fait 0,15 point par an, soit 200 millions.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Je n’y crois pas. À effectif constant, c’est mission impossible.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Vous dites à cette tribune que l’augmentation atteindra 2,2 milliards. C’est un chiffre tendanciel, qui serait atteint uniquement si nous n’avions rien fait. Mais ce que nous accomplissons en termes d’économies, de réductions et d’aménagements d’emplois conduit à une dépense supplémentaire de 200 petits millions d’euros pour tenir les objectifs que nous nous sommes impartis.

M. Jean-François Lamour. On n’y croit pas.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Le nombre d’emplois supplémentaires est parfaitement documenté et a été fixé dans le respect des priorités de ce gouvernement : 8 800 enseignants, 1 000 emplois dans les domaines de la sécurité et de la justice – vous ne cessez d’en parler, comme si ces emplois n’étaient pas nécessaires – mais vous omettez de dire que les autres ministères vont connaître environ 13 000 suppressions d’emplois. Cela signifie que les effectifs de l’État vont légèrement diminuer. Et si j’inclus les opérateurs, 2 000 emplois supplémentaires à Pôle emploi, serait-ce superflu, monsieur le président ? Pour les universités, 1 000 emplois supplémentaires ne constitueraient-ils pas un investissement d’avenir ? Les autres opérateurs, pour leur part, vont connaître une diminution de 1 242,5 emplois. Au total, monsieur le président, un gros millier d’emplois – 1 451 précisément – seront supprimés.

M. Charles de Courson. Ce n’est pas beaucoup !

M. Christian Eckert, rapporteur général. C’est grâce à cela que nous maîtrisons les dépenses et la masse salariale. Si vous étiez objectif, monsieur le président, vous n’oublieriez pas de dire que, pour la première fois depuis des lustres, je crois même depuis toujours, le budget de l’État, dans la norme zéro valeur – que vous connaissez bien –, va diminuer, j’insiste sur ces mots, de 1,5 milliard d’euros, et si j’y inclus le périmètre…

M. Charles de Courson. Élargi…

M. Christian Eckert, rapporteur général. …de l’ensemble des dépenses « zéro volume, dettes et pensions », il diminuera de 100 millions d’euros. Le fait que des prévisions anticipent une diminution des dépenses en euros courants constitue du jamais vu, j’insiste sur ces mots.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. C’est bien ce qui m’inquiète !

M. Dominique Baert. Ça dérange M. Carrez !

M. Christian Eckert, rapporteur général. Et vous venez nous donner des leçons de bonnes économies ! Vous augmentiez ces mêmes dépenses, en moyenne, de 6 milliards d’euros par an, mes chers collègues. Pour notre part, nous les diminuons…

M. Thomas Thévenoud. Absolument !

M. Christian Eckert, rapporteur général. …et vous osez nous donner des leçons !

M. Thomas Thévenoud. Ça barde !

M. Christian Eckert, rapporteur général. Concernant l’augmentation des recettes, mes chers collègues, je veux revenir, là encore, sur quelques mauvaises rumeurs que vous continuez à alimenter s’agissant de prétendues nouvelles mesures que j’aurais suggérées dans le prochain budget. Je dis : « Je » parce que l’on dit : « Le rapporteur général… »

M. Julien Aubert. On ne prête qu’aux riches !

M. Christian Eckert, rapporteur général. …« a annoncé que la fiscalité sur l’assurance-vie allait être modifiée », « Le rapporteur général a annoncé que la fiscalité environnementale allait s’additionner à la fiscalité déjà existante. » Quelle est la vérité ? Si vous lisiez les rapports plutôt que les dépêches de l’AFP (Murmures sur les bancs du groupe UMP), vous verriez, page 22, ce qu’écrit et signe le rapporteur général : s’il était besoin de faire appel à des recettes supplémentaires, s’il était, à nouveau, fait obligation de faire appel à des recettes supplémentaires – c’est tout de même clair, sous réserve que les mots aient un sens –…

M. Julien Aubert. Rendez-nous Karine Berger !

M. Christian Eckert, rapporteur général. …alors oui, mes chers collègues, je suggère de suivre la piste de l’assurance-vie, dont j’estime – en indiquant les raisons qui fondent ce point de vue – que les encours ne sont pas bien ou pas assez bien utilisés et bénéficient d’une fiscalité particulièrement avantageuse.

D’autre part, et ce qui s’est passé aujourd’hui – pourquoi se cacher derrière son petit doigt – justifie que l’on tienne ce débat, si toutefois l’on souhaite un débat sérieux et constructif : nous devons réfléchir rapidement à une fiscalité environnementale. C’est une obligation que nous nous sommes imposée dans le cadre de la prévision des financements du crédit d’impôt compétitivité emploi. Et puisque tout le monde affirme que cette fiscalité doit être progressive et comporter des compensations au profit de secteurs particulièrement fragiles, pourquoi retarder sempiternellement sa mise en œuvre ? Elle sera d’autant plus progressive que nous pourrons la construire tôt.

Je souhaite – je le précise pour ceux qui auraient des doutes – qu’une part de cette fiscalité environnementale vienne en substitution, notamment, d’une part de la fiscalité sur les carburants, qui me semble mal adaptée, étant calculée sur la base de taux fixes, alors qu’elle devrait être assise sur le prix de la tonne carbone.

Mes chers collègues, il nous faut raison garder. Nous devons collectivement – je l’ai dit tout à l’heure – adopter un certain nombre de mesures et éviter les faux procès. Vous posez la question suivante : « Le CICE, ça marche ou ça ne marche pas ? »

Plusieurs députés du groupe UMP. Ça ne marche pas !

M. Christian Eckert, rapporteur général. Comment le CICE est-il construit ? Comment est-il construit, monsieur Lamour ? Réfléchissez un peu avant de vociférer !

M. Jean-François Lamour. Vous devenez grotesque !

M. Christian Eckert, rapporteur général. Le CICE est construit pour étendre une réduction d’impôt au bénéfice de toutes les entreprises. Mais la réduction d’impôt est bien entendu connue à la fin de l’exercice et peut s’imputer sur les comptes de l’année. Nous avons dit que, pour que cela puisse se traduire en espèces sonnantes et trébuchantes…

M. Jean-François Lamour. Certains de vos collègues remettent en cause le CICE !

M. Christian Eckert, rapporteur général. J’ai toujours dit ce que je pensais du CICE, mais je n’ai certainement pas employé vos mauvais arguments ni eu recours aux mauvais procès que vous intentez. Je l’ai écrit, monsieur Lamour, cela m’a été parfois reproché. J’ai dit que le CICE était une bonne mesure dans sa conception, son étalement dans le temps, sa construction permettant aux entreprises d’en bénéficier…

Mme Marie-Christine Dalloz. Sans financement.

M. Christian Eckert, rapporteur général. …dès cette année, si elles sollicitent le préfinancement ; elles en bénéficieront de toute façon cette année dans leurs comptes, puisqu’il s’agit d’un crédit d’impôt. Cette mesure, bien construite, ne coûtera à l’État que l’année prochaine et ceci constitue un avantage formidable. Si j’ai pu lui faire des reproches, c’est pour des motifs contraires à ceux que vous avancez. Vous dites que c’est une usine à gaz : non, mes chers collègues, c’est une procédure d’une simplicité enfantine, calée sur les allègements Fillon – qui, eux, sont complexes, je vous l’accorde, mais le CICE ne l’est pas plus. Il n’est que de faire remplir un petit papier par son expert-comptable et l’on sait combien l’on va toucher. Là réside d’ailleurs l’origine des défauts du CICE. Certains soulignent parfois opportunément un manque de ciblage ou des distorsions de concurrence, sur lesquelles nous avons déjà longuement débattu.

Telles sont, mes chers collègues, les mises au point…

M. Dominique Baert. Très utiles !

M. Christian Eckert, rapporteur général. …que je souhaitais faire. Bien entendu, nous nous inscrivons dans la ligne de ce que nous a présenté le Gouvernement. Vous nous avez demandé, des semaines durant, d’indiquer quelles économies nous allions faire et où nous allions les trouver : nous faisons preuve de transparence, vous disposez du rapport, qui consacre une quinzaine de pages à ce sujet. Vous pouvez réfléchir à cette question jusqu’à la discussion du budget (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.))

M. Dominique Baert. Bravo !

M. le président. La parole est à M. Gérard Bapt.

M. Gérard Bapt, rapporteur de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, messieurs les ministres, monsieur le président de la commission des finances, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, après la présentation, en avril dernier, du programme de stabilité pour 2013-2017, la tenue, aujourd’hui, de ce débat d’orientation des finances publiques illustre l’approche de plus en plus globale de nos finances publiques, qui incluent les dépenses de l’État, mais aussi celles des collectivités territoriales et de la sécurité sociale.

Néanmoins, les finances sociales occupent une place à part dans la mesure où les dépenses résultent essentiellement de prestations légales et où les partenaires sociaux jouent un rôle important dans la gestion des régimes.

Le 6 juin dernier, la présentation de la Commission des comptes de la sécurité sociale a montré que les mesures votées en 2012 ont permis un redressement important des finances sociales au cours de cette même année, mais que l’augmentation du chômage en 2013 contrarie cette trajectoire en affectant les recettes de la sécurité sociale.

Le rapport préparatoire à notre débat, transmis par le Gouvernement, révise l’objectif de solde structurel pour fin 2013 à moins 2 % du PIB, compte tenu de la conjoncture économique, dans la ligne, néanmoins, du programme de stabilité. Malgré tout, il s’agit d’un niveau jamais atteint depuis l’année 2000. Rappelons que la Cour des comptes avait estimé le déficit structurel pour 2011 à 3,9 % : un effort de 1,9 point du PIB a donc été réalisé.

Pour 2014, le Gouvernement prévoit la poursuite de l’effort structurel, à un rythme moins rapide – un point de PIB –, mais porté à 70 % par des économies sur les dépenses. Les administrations de sécurité sociale doivent participer à cet effort structurel à hauteur de 5 milliards d’euros en 2014.

Grâce à d’importants efforts structurels en recettes et en dépenses, les comptes sociaux ont été sensiblement redressés en 2012.

Faut-il rappeler que notre majorité avait alors hérité d’une situation des comptes sociaux très dégradée ? C’est grâce aux mesures prises à l’été 2012, dans le cadre du projet de loi de finances rectificative, que l’exécution des comptes 2012 a finalement été conforme aux objectifs de la loi de financement qui avait été votée sur des hypothèses trop optimistes par la majorité précédente.

Les dépenses de santé ont été bien maîtrisées en 2012, avec une sous-exécution de l’objectif national des dépenses d’assurance maladie de 860 millions d’euros.

Mais en 2013 l’atonie de la masse salariale freine le redressement des comptes. Malgré cela, le déficit du régime général et du fonds de solidarité vieillesse à la fin de 2013 devrait tout de même se stabiliser quasiment au même niveau qu’en 2012, à 13,3 milliards d’euros ; rappelons qu’il aurait atteint 26 milliards d’euros si aucune mesure de redressement n’avait été prise en 2012.

Du fait de la révision des perspectives de croissance, les recettes seraient inférieures de 3,4 milliards d’euros aux prévisions initiales.

Mais la révision du taux d’inflation prévisionnel de 1,75 % à 1,2 % aurait, elle, un effet positif côté dépenses : la moindre revalorisation de certaines prestations indexées au niveau de l’inflation. En outre, les dépenses d’assurance maladie bénéficient par répercussion de la sous-consommation de 2012.

Au total, les dépenses pourraient être inférieures d’1 milliard d’euros en 2013, et peut-être même davantage d’après le rapport de la Cour des comptes publié le lendemain de la présentation de mon rapport en commission.

J’en viens aux perspectives pour l’année 2014. Même si la courbe devait s’inverser, ce que je souhaite, le niveau des recettes prévu dans la programmation pluriannuelle ne pourra pas être rattrapé tout de suite. C’est pourquoi les perspectives ont été revues dans le programme de stabilité présenté en avril dernier. Ainsi, l’objectif de déficit des administrations de sécurité sociale au sens européen du terme – il inclut les dépenses d’assurance chômage, la CADES et le fonds de réserve des retraites – est maintenant de 0,5 % du PIB.

Parallèlement, le report à 2015 de la date à laquelle la France devra présenter un déficit public effectif inférieur à 3 %, autorisé par la Commission européenne, nous permettra de ne pas prendre de mesures susceptibles d’empêcher la reprise économique. En revanche, il n’autorise aucun relâchement de l’effort structurel de réduction du déficit, effort qui doit être mené avec un souci constant de justice, afin de préserver notre modèle social, et qui doit concerner principalement les dépenses.

L’ensemble des prestations sociales devrait être ramené à un taux de croissance de 2,4 % entre 2014 et 2017, pour des mesures d’économies de l’ordre de 5 milliards d’euros. C’est un effort important, mais une partie des réformes est déjà engagée.

Pour la branche famille, la réforme du quotient familial, le gel et la modulation de l’allocation de base de la prestation d’accueil du jeune enfant et la suppression de la majoration du complément de libre choix d’activité doivent permettre de réaliser des économies de plus de 1,2 milliard d’euros en 2014, et ce en tenant compte du financement d’une partie du plan pluriannuel contre la pauvreté. On pourrait aller plus loin, monsieur le ministre du budget, en travaillant sur la modulation des barèmes dans le but de renforcer la dimension redistributive de la politique familiale ; je pense notamment au complément de libre choix du mode de garde. Enfin, la Caisse nationale des allocations familiales a encore des progrès à faire du côté de la gestion de ses systèmes d’information : le recours à des appels d’offre ouverts et impartiaux devrait permettre de dégager des économies substantielles.

En ce qui concerne les retraites, une économie d’environ 1 milliard d’euros est d’ores et déjà assurée pour 2014 par l’accord signé par les partenaires sociaux en mars 2013 sur les retraites complémentaires AGIRC et ARRCO, qui prévoit une sous-indexation des pensions pendant trois ans ainsi qu’une augmentation des taux de cotisations. Par ailleurs, la réforme en cours de discussion avec les partenaires sociaux doit permettre de ramener les régimes de retraite à l’équilibre en 2020, ce que la loi de 2010 n’a pas assuré. Un effort de 7 milliards d’euros sera nécessaire.

Concernant la branche maladie, la croissance de l’ONDAM devrait être ramenée à 2,6 % en 2014 – elle était de 2,7 % en 2013 – et même à 2,4 % compte tenu de l’effort de 300 millions d’euros mentionné par le Gouvernement dans son rapport préparatoire à notre débat pour tenir compte de l’impact favorable du crédit d’impôt compétitivité emploi sur le coût des soins, en demandant un effort sur leurs tarifs aux cliniques et aux établissements privés qui en bénéficieront. Un effort de 0,3 point d’ONDAM représente 500 millions d’euros par rapport à 2013, mais environ 3 milliards d’euros par rapport à la tendance naturelle de l’augmentation des dépenses de santé.

La sous-exécution de l’ONDAM en 2012 et, vraisemblablement, en 2013 montre que cette maîtrise des dépenses de santé est possible. Quelques pistes d’économies pourraient néanmoins être explorées.

Il y a encore des progrès à faire en matière de lutte contre les actes et prescriptions inutiles, contre les hospitalisations injustifiées, et en matière d’efficience hospitalière.

Même si les dépenses de soins de ville sont mieux maîtrisées que celles de l’hôpital, je ne crois pas qu’il faille faire peser les efforts uniquement sur le secteur hospitalier ; il faut plutôt réinvestir dans l’organisation de l’offre de soins, notamment dans les zones de faible densité.

En ce qui concerne l’hôpital, la « stratégie nationale de santé » vise à structurer le système de santé autour de la notion de parcours de soins, en donnant sa juste place à l’hôpital. Cela devrait permettre de réaliser des économies grâce à une meilleure gestion des lits entre hôpital, soins de suite, hospitalisation à domicile et établissements médico-sociaux. L’amélioration de la gestion des lits passe aussi par une rationalisation et une harmonisation des systèmes d’information hospitaliers, ainsi que par l’extension à l’ensemble des établissements des innovations dans le domaine de la e-santé telles que les logiciels « Trajectoire », qui concerne la gestion des transferts entre le secteur hospitalier et le secteur de soins de suite et de réadaptation, ou « PTAH », qui concerne la logistique hospitalière.

Une meilleure organisation des urgences, grâce à la mise en place des maisons de garde et à l’amélioration de la permanence des soins, permettrait de réaliser des économies substantielles sur des structures très coûteuses.

En matière de médicament, il faut travailler sur les règles de fixation du prix du princeps : lorsqu’il existe un générique, ce prix doit être proche de celui du générique ; pour les nouvelles molécules, il doit être fixé en fonction non pas du service médical rendu mais de l’amélioration de ce service par rapport à l’existant. Il faut appliquer le même principe de convergence des prix dans chacune des classes thérapeutiques, en commençant par les antihypertenseurs et les statines.

Côté recettes, je rappelle que la contribution de 0,3 % sur les pensions imposables créée dans la loi de financement pour 2013, et affectée exceptionnellement cette année au fonds de solidarité vieillesse, devra être affectée en 2014 à la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie.

En matière de niches sociales, je souhaite que soit revue la situation des travailleurs frontaliers à l’occasion de l’arrivée à échéance de la convention franco-suisse en 2013. J’attends avec attention le rapport de la mission conjointe de l’IGAS et de l’IGF sur ce sujet. J’attends également le rapport de l’IGAS concernant la complémentaire santé et les niches sociales qui sont consacrées aux seuls contrats collectifs.

En matière de taxes comportementales, l’action sur l’alcool et le tabac doit être poursuivie, dans l’esprit du rapport du Haut Conseil pour le financement de la protection sociale et des travaux du professeur Reynaud.

Enfin, un chantier d’une autre ampleur doit être ouvert : celui de la simplification des recettes de la sécurité sociale, préconisé par le même Haut Conseil. Si la clarification du financement n’est pas de nature à apporter de nouvelles recettes, elle permet néanmoins de rendre les prélèvements plus facilement acceptables par les assurés, car plus de lisibilité c’est aussi plus d’acceptabilité.

Je terminerai par la question de la dette. Comme cela avait été prévu par la réforme des retraites de 2010, les déficits de la branche vieillesse sont repris chaque année jusqu’en 2018 par la Caisse d’amortissement de la dette sociale. En revanche, rien n’est prévu pour les autres branches, dont les déficits dits « de trésorerie » s’accumulent. Faut-il que ceux-ci soient repris également par la CADES ? Dans ce cas, est-il préférable d’augmenter les recettes de la CADES ou d’allonger sa durée de vie ? Faut-il plutôt envisager que les déficits soient repris par l’État ? Voilà des questions auxquelles il nous faudra trouver une réponse.

Quoi qu’il en soit, la question du poids de la dette risque de se reposer plus rapidement que nous ne l’avions prévu en raison du changement de cap de la Réserve fédérale américaine et de son effet sur les taux d’intérêt.

Pour conclure, la maîtrise des déficits relève plus que jamais du salut public, tant pour notre système de protection sociale que pour notre souveraineté nationale. Si la commission des affaires sociales peut s’accorder unanimement sur cet objectif, les moyens pour le réaliser seront l’objet des débats à venir, notamment à l’occasion de la présentation du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014. Le groupe SRC sera pour sa part fidèle au rendez-vous, messieurs les ministres. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

M. le président. Nous en venons à la suite des orateurs inscrits.

La parole est à M. Éric Alauzet.

M. Éric Alauzet. Monsieur le président, messieurs les ministres, monsieur le rapporteur général, chers collègues, une fois n’est pas coutume, bien avant d’arriver dans notre hémicycle, le débat d’orientation des finances publiques a largement agité l’espace public. Pour cela, nous devons remercier l’opposition, notamment Gilles Carrez, qui a organisé ce cirque médiatique en annonçant que le déficit public pour 2013 serait supérieur de 20 milliards d’euros aux estimations de la loi de finances initiale.

M. Jean-François Lamour. Concernant le cirque médiatique, les Verts sont mal placés pour faire des commentaires, aujourd’hui ! Évitez de donner des leçons à ce sujet, monsieur le député !

M. Éric Alauzet. Ces chiffres rocambolesques, bien vite contredits par le rapport de la Cour des comptes, visent bien entendu à entretenir l’illusion d’une droite gestionnaire. La réalité est pourtant tout autre, puisque la dette a augmenté de 40 % lors de la précédente législature. De plus, la politique menée par l’UMP pendant dix ans a eu des conséquences terribles pour nos concitoyens qui, en grand nombre, doivent aujourd’hui se serrer la ceinture et ont perdu confiance dans la France.

M. Paul Molac. C’est vrai !

M. Éric Alauzet. Ce sont donc la gauche et les écologistes qui relèvent le défi de la résorption des déficits et de la dette.

M. Jean-François Lamour. C’est la transition écologique !

M. Éric Alauzet. Ce sont la gauche et les écologistes qui ont le courage de demander à nos concitoyens des efforts sans précédents que l’opposition voudrait maintenant multiplier alors qu’elle est restée inerte quand elle aurait pu agir. En réalité, elle nous a laissé le « sale boulot » en laissant filer des dépenses excessives qu’elle a reconduites.

Nous réaliserons donc le redressement des comptes de la nation dans la responsabilité et la justice car nous voulons épargner aux plus modestes et à nos entreprises les affres de la dette.

Encore faut-il que le remède ne soit pas pire que le mal... C’est pourquoi nous voulons éviter le remède prôné par l’opposition, à savoir une saignée telle qu’elle est pratiquée dans les pays du sud de l’Europe, avec les conséquences que l’on sait.

Nous savons aussi que la pression fiscale ne peut pas indéfiniment augmenter. Le taux de prélèvements obligatoires est aujourd’hui de 46,3 % ; il nous est difficile d’aller plus loin.

C’est la raison pour laquelle le renforcement de la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales, motivée par l’égalité devant l’impôt et la nécessité de rembourser la dette sans épuiser nos concitoyens et les PME, constitue désormais une cause nationale, européenne voire internationale. Si l’on ajoute à cela la résorption de niches fiscales peu utiles socialement ou nuisibles à l’environnement, deux pistes nouvelles sont ouvertes qui permettront de desserrer l’étau de la récession en 2014. Ainsi, la recette qui en découlerait, estimée à 6 milliards d’euros, permettra de limiter la baisse de la dépense publique à 14 milliards d’euros au lieu des 20 milliards prévus initialement.

Parallèlement à cela, il reste nécessaire de repenser l’assiette de nos prélèvements et de nous engager dès 2014 vers une fiscalité écologique dynamisante pour l’économie, car assise sur l’énergie fossile pour libérer l’énergie humaine et alléger le coût du travail. Cependant, l’instauration d’une taxe carbone serait contredite par une augmentation de la TVA sur les activités favorables à la transition écologique, concernées par l’augmentation de la TVA de 7 à 10 %, notamment quand celle-ci n’est pas compensée par les bénéfices du CICE ; c’est le cas de l’eau et des déchets, souvent traités en régie.

Par ailleurs, les écologistes mettent le Gouvernement en garde quant au fait de réduire le budget de l’écologie et de ses agences. Alors que la fiscalité environnementale, pour être populaire, doit être restituée aux ménages ou aux entreprises, le prélèvement par l’État sur la taxe générale sur les activités polluantes déchets, destinée à l’ADEME, l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, serait répercuté sur les ménages. C’est un signal contraire à ce que nous souhaitons, et qui comporte le risque de réduire le nombre de projets alternatifs à l’incinération ou à l’enfouissement. C’est d’autant plus regrettable que les actions menées au nom de l’écologie sont très riches en emploi, et que l’emploi concerné est souvent local. Selon une étude, la mise en œuvre du scénario négaWatt, désormais connu, peut créer 632 000 emplois d’ici à 2030 dans la transition écologique.

Pour effectuer les choix relatifs aux économies budgétaires, nous devons nous préoccuper sérieusement des emplois, de tous les emplois publics et privés favorisés par la dépense publique – il faut donc cesser de considérer que celle-ci s’oppose à l’emploi. Doit-on moins s’émouvoir des emplois perdus dans l’économie sociale et solidaire, qui continuait, malgré la crise, de créer environ 100 000 emplois par an, que de ceux qui sont perdus dans une filière industrielle soutenue par les niches fiscales anti-écologiques ?

N’y a-t-il pas des emplois publics fortement rentables à la DGFIP dans la lutte contre la fraude fiscale, à la DGCCRF, au ministère de l’agriculture ou encore à l’ANSES, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, dont l’action est si nécessaire pour cerner la fraude, assurer la sécurité sanitaire des aliments et prévenir les coûts de réparation ? Un euro dépensé est-il plus utile dans la sphère privée que dans la sphère publique ? Gardons-nous des dogmatismes de toute nature.

Bref, et pour conclure, c’est un travail de dentelle qui reste à réaliser sur la dépense publique en veillant tout particulièrement aux incohérences et aux contradictions, notamment dans le champ de l’écologie concernée par la TVA à 7 %, le budget de l’écologie et de l’ADEME, dans celui des niches fiscales ou encore de la fiscalité à venir sur les pollutions. C’est la question de l’efficacité de la transition écologique et de l’économie de demain qui est posée. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et sur quelques bancs du groupe SRC.)

M. Paul Molac et M. Jean Launay. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Thomas Thévenoud.

M. Thomas Thévenoud. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes réunis, ce soir, pour un débat d’orientation budgétaire et, le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il y a un véritable débat entre nous au sein de la commission des finances. Je regrette, d’ailleurs, que le président de la commission ne soit pas présent à cet instant – j’espère que vous lui transmettrez mes propos – et qu’il ait cédé à la facilité en abandonnant le sens de la nuance qui le caractérisait jusqu’alors dans un réquisitoire très approximatif contre la politique budgétaire de la France. C’est d’ailleurs ce qu’écrit un grand journal du soir, paru cet après-midi. Je le cite : « Lui qui avait à cœur d’asseoir solidement ses démonstrations prend maintenant des libertés avec les chiffres… » Son réquisitoire approximatif ne résiste pas à l’examen des faits. J’en expliquerai en quelques mots les raisons.

Le président de la commission des finances justifie de plusieurs manières sa demande de collectif budgétaire. Premier argument : la transparence ; un collectif budgétaire serait nécessaire en raison de l’absence de transparence du Gouvernement. C’est passer sous silence l’action de la commission des finances qui a auditionné à de nombreuses reprises le ministre du budget, lequel a même devancé les demandes de la commission en publiant toutes les informations nouvelles relevant de l’exécution de 2013.

Deuxième argument : le dérapage des dépenses. Le président UMP de la commission des finances fait valoir un risque de 5 milliards d’euros alors qu’au même moment la Cour des comptes indique que la réserve de précaution, complétée par le surgel, permet de faire face au risque de dépenses. Où est le dérapage ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. Très bien !

M. Thomas Thévenoud. Troisième argument : les prévisions des moindres recettes. Ici je ferai une remarque juridique. La LOLF ne prévoit pas que le risque sur les recettes justifie en soi un projet de loi de finances rectificative. La jurisprudence du Conseil constitutionnel a été constante sur ce point. Le président de la commission des finances nous met donc dans la position très inconfortable de devoir opposer la rigueur d’un texte de loi qu’il connaît bien, et dont il est censé être le garant, à la fragilité de ses allégations.

Ultime hypothèse : le président UMP de la commission des finances, ou plutôt le leader de l’opposition parlementaire dans ladite commission, appellerait de ses vœux un collectif pour expier les fautes qu’il a lui-même commises. Mais obtenir l’absolution nécessite de respecter un certain nombre de règles. L’absolution découle d’abord de la confession, ensuite de la contrition, jamais de la transmission des péchés ! (Sourires.) Que la droite cherche à faire oublier son héritage est compréhensible tant il est lourd à porter. Elle n’entend pas faire son devoir d’inventaire. Je veux donc l’aider quelque peu dans cet exercice difficile de mémoire, de dépassement de soi et d’autocritique.

Sous les gouvernements de droite, la dette publique a doublé : elle est ainsi passée de 900 milliards à 1 800 milliards d’euros en 10 ans. Sous les gouvernements de droite, le déficit structurel s’est creusé de 1,8 point de PIB en cinq ans et les dépenses publiques ont dérapé en moyenne de 2 % par an. Sous les gouvernements de droite, l’instabilité fiscale a été permanente avec pas moins de quinze collectifs budgétaires. Il est d’ailleurs contradictoire de plaider à la fois pour la stabilité financière et budgétaire et de réclamer à tout propos un collectif budgétaire. Sous les gouvernements de droite, la France a perdu plus de 7 milliards d’euros de contentieux fiscaux avec l’Europe. Pour mémoire, ces jugements, connus du gouvernement Fillon, n’ont fait l’objet que d’une provision de 900 millions d’euros dans le budget de 2012. Sous les gouvernements de droite, je veux rappeler qu’il a été voté une TVA sociale qui aurait eu pour conséquence un effet récessif sur la consommation de 11 milliards d’euros en 2013. Sous les gouvernements de droite, l’injustice fiscale a privé l’État de recettes au profit des contribuables les plus fortunés. Pour mémoire, le coût du bouclier fiscal entre 2007 et 2012 a été estimé par la Cour des comptes à 3,6 milliards d’euros. Voici la vérité des chiffres que réclame le président UMP de la commission des finances qui vient de nous rejoindre ! Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes que nous avons auditionné, la semaine dernière, a certifié que la dépense était tenue.

Je demande donc que toutes les conséquences soient tirées des propos de l’opposition et que les Français sachent la nature des propositions que vous retenez. La droite souhaite-t-elle une diminution supplémentaire des dépenses publiques ? Dans ce cas, il faut nous dire lesquelles : des moyens en moins pour l’école, pour l’emploi, pour la sécurité ? Souhaite-t-elle, au contraire, des recettes supplémentaires de 20 milliards ? Elle doit, par conséquent, préciser quels impôts doivent augmenter. Pour un groupe politique qui dénonce le matraquage fiscal, vous conviendrez, là encore, qu’il y a une certaine incohérence...

Nous ne souhaitons pas, pour notre part, une hausse d’impôts de 20 milliards d’euros qui pénaliserait le pouvoir d’achat des Français dans cette période difficile. Le Gouvernement n’y souscrit pas, la majorité parlementaire s’y oppose. C’est le sens de la politique que nous menons : ne pas ajouter, monsieur le président de la commission des finances, de l’austérité à la crise ; ne pas ajouter de l’instabilité à la récession ; ne pas ajouter de l’injustice au chômage ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Éric Woerth.

M. Éric Woerth. Monsieur le président, mesdames, messieurs, quand je vous entends, monsieur le rapporteur général et monsieur Thévenoud, je me dis que vous ne tolérez pas les critiques et que vous ne supportez pas l’opposition ! Peut-être me trompé-je, mais j’ai vraiment ce sentiment. Vous avez pourtant, pendant cinq longues années, caricaturé, vous avez attaqué, vous avez même, comme c’était votre droit, défilé dans la rue. Alors, oui, nous avons la liberté de penser ce que nous pensons et de nous opposer. Nous sommes libres de dire que votre politique dégrade, jour après jour, la situation économique et sociale de la France. Vous avez toujours un budget de retard. Vous auriez dû consentir l’année dernière les efforts que vous faites aujourd’hui ! Vous avez également toujours une réforme des retraites de retard .Vous acceptez la réforme précédente ; mais vous n’admettez jamais de considérer qu’au moment où on fait cet effort, c’est le bon effort ! « Trop de dépenses, trop de dettes, trop d’impôts, trop de déficit, pas assez de croissance et de réformes » : telles sont les conclusions de la Cour des comptes que nous a délivrées Didier Migaud, voici maintenant quelques jours.

Je dirai d’abord un mot sur l’héritage dont vous nous parlez sans cesse. Je ne sais pas, monsieur Thévenoud, si vous avez connu la crise qui a sévi ces dernières années. J’ai l’impression que vous avez joué à la marmotte et que vous avez hiberné ! Car vous n’avez pas remarqué que la crise de 2008 et 2009 était d’une autre importance que celle que vous combattez aujourd’hui, alors que vous êtes aux manettes de la France. Il était, à l’époque, nettement plus difficile d’en dresser le diagnostic et de mettre en place les outils pour la combattre. L’héritage a bon dos !

Le trou gigantesque et imprévisible, que vous avez alors constaté, et qui fondait le projet de loi de finances rectificative de 2012, ne justifierait donc plus rien du tout en 2013... Les écarts sont pourtant les mêmes, voire plus importants.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Plus importants, c’est vrai !

M. Éric Woerth. L’écart qui était de 4,5 à 4,8 en 2012 est de 3 à 4 en 2013 et représente 20 milliards d’euros. Ce n’est pas compliqué. Il n’y a aucune erreur. Le président de la commission des finances l’a parfaitement expliqué. Nous réclamons donc avec insistance que soit déposé un projet de loi de finances rectificative. Nous pensons aussi qu’une révision du programme de stabilité est nécessaire.

Et l’héritage de la croissance, qu’en avez-vous fait ? En 2008 et 2009, nous avons vécu une récession que nous n’avions jamais connue depuis trente ans. Mais en 2010 et 2011, la croissance française se situait entre 1,6 et 1,7 %. Ensuite vous êtes arrivés aux affaires en 2012, la croissance s’est effondrée et, en 2013, notre pays est en récession ! Je ne veux pas vous faire porter tous les chapeaux de la terre, mais reconnaissez au moins que ces deux années sous la présidence de Nicolas Sarkozy ont été des années de croissance pour la France. Vous avez bénéficié de taux d’intérêt dont nous n’avons jamais profité. Cela s’appelle l’héritage ! En 2007, lorsque Nicolas Sarkozy plaidait pour davantage de détente dans les contraintes européennes, vous considériez cela comme une erreur absolue. Or vous demandez deux ans de plus pour mener votre politique ! C’est assez curieux ! Vous dites que les prétendues coupes sombres de la RGPP dans les dépenses publiques…

M. Charles de Courson. Fort modestes !

M. Éric Woerth. …n’étaient pas de la transparence, alors que vous donnez, aujourd’hui, des coups de rabot totalement illisibles et obscurs dans les dépenses publiques, comme l’a évidemment rappelé la Cour des comptes. Il y a donc beaucoup d’imprécision et d’hypocrisie dans ces propos.

Il y a également un bluff dans votre budget : celui du taux nominal et du taux structurel de déficit. Vous ne vous occupez plus du taux réel. Seul le taux structurel vous intéresse ! C’est tout de même une démarche assez curieuse ! Votre effort structurel est, en réalité, une hausse massive des impôts. Il n’est, au fond, pas en soi très sorcier d’augmenter les impôts. Cela vous permet, ensuite, de vous féliciter d’avoir réduit le déficit structurel. Cette réflexion est d’autant plus limitée que les autres pays européens ont souvent consenti des efforts structurels supérieurs aux nôtres. Vous accordez, pour votre part, davantage d’importance au déficit virtuel qu’au déficit réel. Ce n’est plus un budget, mais une sorte de jeu vidéo des finances publiques ! (Sourires.)

M. Julien Aubert. Très bien !

M. Éric Woerth. Vos propositions d’aujourd’hui pour 2014 ont une faiblesse, une fragilité et une force. La faiblesse, c’est celle de la réduction du déficit. Nous avons, pour notre part, réduit les déficits de façon plus massive que vous.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Non.

Mme Marie-Christine Dalloz. Eh oui, c’est une réalité !

M. Éric Woerth. Je parle des rythmes de réduction des déficits après la crise de 2008-2009, bien sûr. Pendant la crise en revanche, monsieur Eckert, vous étiez le premier à estimer que les projets de relance par la dépense publique étaient insuffisants ! On ne dépensait pas suffisamment : tel était le leitmotiv du parti socialiste à l’époque ! Nous avons dépensé suffisamment pour relancer. Nous avons assumé les déficits pour, ensuite, les réduire de 1,7 % entre 2010 et 2011. Cette politique est assez claire ! Entre 2012 et 2013, vous les avez, quant à vous, réduits d’environ 0,8 % et entre 0,3 et 0,5 % entre 2013 et 2014 ! Très franchement : quelle performance !

Il y a également la fragilité des hypothèses en matière de dépenses. Vous utilisez à fond le rabot classique. Plutôt que d’être raboteurs, vous devriez devenir charpentiers et construire une vraie politique structurelle de réduction de la dépense publique. Vous ne le faites pas ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Christian Eckert, rapporteur général. Vous plaisantez ! Vous n’avez rien lu !

M. Éric Woerth. Ce sont d’ailleurs des choix assez surprenants : vous coulez l’écologie et la culture ! Je croyais qu’elles représentaient les grandes dépenses de la gauche ! Vous décidez de gels et de surgels que la Cour des comptes considère comme assez contestables. Comme nous l’avons déjà souligné, il existe donc des risques sérieux de sous-budgétisation.

Il y a, enfin, la force : celle de la pression fiscale. Il est vrai que vous allez battre des records ! Jamais la pression fiscale n’a été aussi importante depuis 1990.

Enfin, dernier point, je citerai la très laborieuse installation de la réforme de l’État. La modernisation de l’action publique est très lourde et fort lente ! La MAP, au fond, c’est la RGPP plus la lenteur… Ce n’est pas une bonne manière d’agir et je pense que la France en souffrira.

M. le président. Je vous remercie de conclure, mon cher collègue !

M. Éric Woerth. Ces deux ans supplémentaires sont la meilleure ou la pire des choses. C’est la meilleure, si c’est en faveur de la compétitivité, du marché du travail et de l’emploi et c’est la pire, si ce n’est qu’un éloge de plus à la lenteur ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Bompard.

M. Jacques Bompard. Monsieur le ministre, l’impression que me laisse la lecture de votre politique budgétaire tient en un mot : asphyxie.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Respirez !

M. Jacques Bompard. Depuis déjà un an, vous n’avez qu’une seule solution à l’impasse budgétaire dans laquelle est plongée la France : le matraquage fiscal. L’augmentation massive des recettes fiscales frappe tant les entreprises que les particuliers. L’impôt, voilà la seule source de salut que vous proposez pour sortir le pays d’une crise économique et budgétaire profonde. Votre entêtement dans la voie du matraquage fiscal est en train de virer à l’exploitation systématique de tous ceux qui travaillent. Or l’impôt n’est pas la solution. Le salut économique de notre pays réside dans des réformes de fond courageuses telles que, notamment, la restructuration des dépenses publiques. Que ne suivez-vous les recommandations de la Cour des comptes ? Que ne suivez-vous les conseils avisés donnés par le Premier président Migaud, qui est de votre camp ? Non, vous préférer vous cantonner à des réformes de société destructrices ou à des réformettes purement électoralistes. Le fameux « rêve français » du Président de la République est bien là mes chers collègues. Le socialisme trouve son carburant dans l’imaginaire et le rêve : rêve de l’inversion de la courbe du chômage, rêve des prévisions de croissance, rêve du retour à l’équilibre des comptes publics.

La situation budgétaire de notre pays est plus dégradée que celle de la plupart de nos voisins européens, avec un déficit structurel de 4 % de notre PIB alors que la moyenne de l’Union européenne est de 2,8 %. C’est dans ce contexte que vous devez retrouver la raison et prendre des décisions radicales.

Au lieu d’augmenter les recettes fiscales, qui affaiblissent la compétitivité de nos entreprises, diminuez donc les dépenses publiques, qui s’élèvent à 56,6 % du PIB, agissez sur la diminution de la masse salariale des fonctionnaires, maîtrisez les coûts de fonctionnement des administrations.

Les solutions vous sont soufflées par la Cour des comptes. Votre lutte contre la fraude et l’évasion fiscale, si elle est en soi un combat important, n’est qu’un pansement sur une jambe de bois. En effet, c’est votre fiscalité asphyxiante qui est la cause de cette évasion fiscale. Il faut traiter le mal à la racine. Quant à la question des retraites et à la suppression du jour de carence, le manque de courage de votre gouvernement afin de s’assurer des sympathies électoralistes partisanes ne se commente même pas, tellement il démontre un manque d’originalité de votre part.

Monsieur le rapporteur général, vous suggérez dans votre rapport d’information de lancer une nouvelle vague de hausses fiscales pour 2014, notamment une augmentation progressive de l’imposition de la consommation de gazole jusqu’au niveau de l’essence ou une évolution des taux de TVA. Ces propositions, qui ne sont pas surprenantes et s’inscrivent dans l’incohérence de votre politique, pénalisent les classes moyennes et les entreprises. Elles vont entraîner une nouvelle baisse de la consommation des ménages.

Je note avec surprise qu’une nouvelle fois, la majorité et l’exécutif ne parlent pas d’une seule voix. Alors que M. le rapporteur général prône une hausse fiscale dans son rapport d’orientation des finances publiques, le Président de la République a réaffirmé sa volonté de ne pas alourdir la pression fiscale sur les Français en 2014 car ce serait « contradictoire avec la volonté d’accélérer la reprise ». Encore faudrait-il d’ailleurs qu’il y ait reprise pour qu’elle puisse s’accélérer. Malheureusement, entre la volonté du Président de la République et la nécessité de trouver de nouvelles recettes fiscales, la fiscalité prend très souvent le dessus sur la volonté et les promesses politiques.

M. le Premier ministre a reconnu le 27 juin que, pour 2013, ce que disait la Cour des comptes était vrai, mais laissez-moi vous rappeler, au cas où vous l’auriez oublié en lisant le rapport, qu’après avoir constaté la situation économique de notre pays en 2013, la Cour des comptes préconise des mesures concrètes pour maîtriser les dépenses publiques. C’est une chose de reconnaître la véracité des observations de la Cour, c’en est une autre que de suivre, ne serait-ce qu’un tout petit peu, ses recommandations.

Une fois de plus, je crains que vous ne choisissiez la voie dangereuse de la facilité en continuant d’augmenter la fiscalité non seulement des plus hauts revenus, mais aussi et surtout de l’ensemble de tous ceux qui travaillent, de tous ceux qui portent la France à bout de bras aujourd’hui.

M. le président. La parole est à M. Julien Aubert.

M. Julien Aubert. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce débat d’orientation budgétaire est-il à la hauteur de l’enjeu ? Permettez-moi de vous donner mon intime conviction : quand je vois les rangs désertés de cet hémicycle à cette heure tardive et les conversations qui vont bon train, je me dis que non.

Pour l’instant, ce débat d’orientation budgétaire a consisté en un épais rapport préparé par la Cour des comptes, avec le sérieux qu’on lui connaît, qui a donné lieu à l’habituelle bataille de chiffres, alors que vous devriez savoir qu’il n’y a rien de plus faux qu’un, sinon deux chiffres du ministère des finances, et qu’on fait dire ce que l’on veut aux chiffres.

M. Charles de Courson. C’est du populisme !

M. Julien Aubert. Ce n’est pas du populisme, c’est la réalité. Le même chiffre, présenté différemment, vous pourrez lui faire dire tout et son contraire. Vous le tirerez de son environnement dans la page et personne ne sera capable de trancher.

Nous avons également une série de monologues, avec un débat dérivé sur les termes. Nous faisons une politique de « sérieux » budgétaire, une politique « rigoureuse » mais pas « de rigueur », ai-je entendu. Honnêtement, qui peut penser que ce type de subtilités sémantiques est à la hauteur du fond ? D’autant qu’elle se double d’une espèce de concours de responsabilités : ce n’est pas moi, c’est l’autre,…

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Nous n’avons pas dit cela !

M. Julien Aubert. …ma crise est plus importante que la tienne, ce n’est pas notre faute, c’est l’héritage du mandat précédent…

Mme Catherine Quéré. Pitoyable !

M. Julien Aubert. Je crains malheureusement que nos concitoyens ne se contrefichent de savoir quelle est la responsabilité des uns ou des autres. Ce qui leur importe, c’est ce qu’ils constatent.

Ce qu’ils ont vu passer tout d’abord, ce sont les hausses d’impôts, au point d’ailleurs qu’ils votent aujourd’hui avec leurs pieds puisqu’une grande partie des entrepreneurs, qui sont la force de ce pays, n’hésite pas à s’expatrier. Vous aviez beaucoup glosé sur le paquet fiscal, je crois que vous êtes en train de boire le bouillon fiscal, avec un effet de courbe de Laffer, c’est-à-dire que trop d’impôt tue l’impôt. Pour la première fois, vous avez augmenté les taux, mais l’élasticité fiscale est en train de diminuer par rapport aux années précédentes. En d’autres termes, vous avez tellement tiré sur l’élastique qu’il est en train de rompre, et c’est le vrai problème.

Je ne veux pas pointer un doigt vengeur sur le fait que vous ayez quelque peu embelli vos prévisions de recettes fiscales. Tous les gouvernements le font. La base est surestimée, parce qu’on veur faire une politique volontariste ; l’hypothèse de croissance l’est également, pour la même raison, et, à la fin, on s’aperçoit que l’on a menti sur les chiffres. Tout le monde le fait. Cela vous a d’ailleurs servi une fois par le passé puisque vous aviez découvert une « cagnotte ».

Le problème n’est pas que vous ayez présenté un budget biaisé, tous les gouvernements avant vous l’ont fait : c’est que vous vous rendez à présent compte que les recettes ne seront pas là, qu’il faut donc arrêter de parler pour ne rien dire, être pragmatique, et s’adapter parce que la France est au bord du gouffre. Les recettes ne rentrent plus et il va falloir s’attaquer aux vrais problèmes.

Vous voyez bien qu’il y a un problème de pouvoir d’achat. Les Français sentent qu’il y a eu des erreurs de politique économique : la fin de la défiscalisation des heures supplémentaires, parce que, quoi que vous en disiez, cela frappe les petits revenus ; la hausse des TVA dans le bâtiment, parce que, quoi que vous en disiez, le bâtiment est étranglé ; la suppression des allégements de charges pour les ouvriers agricoles parce que, quoi que vous en pensiez, l’agriculture est en train d’en périr ; le pouvoir d’achat des retraités, qui se font beaucoup de soucis pour leur avenir.

Il y a eu des tentatives peut-être audacieuses comme le CICE. Vous prétendez que ce n’est pas une usine à gaz, mais je n’ai pas rencontré un entrepreneur capable de comprendre le système.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Vous n’avez qu’à me poser la question, je vais vous expliquer.

M. Julien Aubert. Vous pouvez dire l’inverse. Reste que c’est extrêmement compliqué.

Nous avons mieux à faire que de nous battre sur les responsabilités des uns et des autres, sur l’ampleur de la crise, sur le fait de savoir si l’on fera 0,4 ou 0,3 %. Le vrai problème aujourd’hui, c’est de savoir quelles réformes structurelles vous voulez faire, quelles réformes structurelles nous voulons soutenir. La Cour des comptes vous en donne une liste. Je ne vous dis pas de les ouvrir toutes, mais faites-en au moins une ou deux !

Vous présentez comme une grande victoire le délai de deux ans que l’Europe vous a donné, mais c’est un peu « quelques minutes de plus, monsieur le bourreau ». Cet oxygène que l’on vous donne, utilisez-le au service de la France. En plus, certains ministères voient leurs dépenses augmenter. Je comprends bien qu’une politique puisse avoir des priorités. Reste que, si l’on est logique, puisque vous ne pourrez plus augmenter les impôts, il va bien falloir baisser les dépenses, et toutes les dépenses. Quand je vois qu’en plus vous touchez aux chambres de commerce et d’industrie, je me dis que ce n’est pas vraiment la meilleure manière de relancer la politique économique de ce pays.

Voilà pourquoi il est temps désormais d’avoir un véritable débat d’orientation budgétaire. Un véritable débat d’orientation budgétaire permet de donner des priorités, pas des priorités budgétaires mais des priorités dans les réformes structurelles. La Cour des comptes en a donné une liste. Faites votre choix. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean-François Lamour.

M. Jean-François Lamour. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, après un collectif et une loi de finances initiale qui ont obéré nos dernières marges de manœuvre, la majorité socialiste est désormais seule comptable de ses choix devant les Français. L’héritage, dont vous nous rebattez les oreilles, cela ne compte plus aujourd’hui. Vous êtes responsables des mesures que vous avez prises, et notre devoir d’opposants est de pointer les insuffisances de votre politique budgétaire.

Ce que nous mettons en cause, c’est votre stratégie, ce sont des promesses faites en vue d’une élection qu’il vous fallait gagner, quel qu’en soit le prix. Aujourd’hui, ce sont nos finances publiques qui dérapent et les Français qui trinquent.

La Cour des comptes vient de confirmer ce qu’avait annoncé le président Gilles Carrez dans une conférence de presse. J’ai bien compris, monsieur le ministre, qu’elle vous avait fait beaucoup de mal, mais c’était la vérité, et le Premier ministre l’a finalement reconnu quelques heures plus tard, alors que vous aviez traité M. Carrez de menteur.

Le rapporteur général lui-même, M. Eckert, qui semble avoir pris ses distances par rapport aux prévisions du Gouvernement, table sur un déficit à 3,5 % du PIB pour 2014 au lieu de 2,9 %, c’est-à-dire 12 milliards de plus, qu’il nous faudra effacer lors des prochains exercices.

Il y a un an, en arrivant au pouvoir, cette majorité a commis deux séries d’erreurs.

Avec pudeur, on pourrait qualifier les premières de méthodologiques, ce qui ne veut certainement pas dire anecdotiques. Je veux parler d’hypothèses de croissance systématiquement optimistes, d’estimations imprudentes sur les recettes ou encore d’incertitudes savamment entretenues sur le périmètre des dépenses de l’État.

La seconde série d’erreurs est plus fondamentale, puisqu’elles ont trait au cœur des politiques publiques : une répartition déséquilibrée de l’effort de réduction des déficits, qui privilégie les augmentations d’impôts par rapport aux économies, mais aussi l’arrêt de la politique de non remplacement d’un fonctionnaire sur deux et, surtout, des dépenses nouvelles à l’efficacité discutable.

Ces dépenses nouvelles, ce sont celles-là même dont la gauche candidate avait fait son slogan : les 150 000 emplois d’avenir et les 60 000 fonctionnaires dans l’éducation nationale, pour n’en citer que deux parmi beaucoup d’autres.

En loi de finances initiale pour 2014, le Gouvernement engagera ainsi 700 millions d’euros pour les 110 000 nouveaux contrats aidés censés régler le problème du chômage des jeunes, mais dont le Conseil d’analyse économique vient justement de recommander la réorientation vers le secteur marchand.

Le Gouvernement devra également budgéter près de 9 000 emplois supplémentaires dans l’éducation nationale. Je vous renvoie sur ce point aux travaux de la Cour des comptes, qui souligne dans un récent rapport que, contrairement à ce que disait notre rapporteur, le problème de l’éducation nationale n’est pas le nombre d’enseignants ou l’insuffisance de moyens. En d’autres termes, l’efficacité et l’opportunité de ces dépenses sont clairement sujettes à caution.

En fait, monsieur le ministre, l’action publique dont vous avez la responsabilité est victime d’une gestion totalement hasardeuse des priorités. J’en prendrai deux exemples, parmi les seize missions qui verront leurs crédits passer à la moulinette.

C’est notamment le cas de la mission « Culture », qui a vu son budget diminuer de plus de 2 % entre 2012 et 2013, qui a supporté un surgel de 67 millions d’euros et qui devra en 2014 subir un nouveau coup de rabot d’au moins 3 %. Le programme « Patrimoines », dont je suis le rapporteur pour la commission des finances, est clairement sacrifié, puisqu’il supporte à lui seul l’essentiel de l’effort. Or chaque fois, dans nos musées, ce sont des travaux reportés, des emplois en moins et, en fin de compte, des expositions supprimées ou des salles fermées. Chaque fois, c’est un coup porté au rayonnement culturel de la France, mais aussi et peut-être surtout à l’industrie du tourisme, élément essentiel de notre balance commerciale.

Plus inquiétante encore est l’évolution du budget de la défense. Par une ruse de Sioux, qui consistait à faire craindre une véritable apocalypse budgétaire – souvenez-vous du « Charles de Gaulle », mis sous cocon ou vendu au Brésil –, le Président de la République a cru faire accepter plus volontiers la diminution de nos capacités. Puis, le 28 mars dernier, il annonçait que l’effort de la nation pour ses armées serait le même en 2014 qu’en 2013, ce en totale contradiction avec le rapport préalable à notre débat, qui fait état d’une diminution de 1,76 % du budget de la défense, sans parler des ressources exceptionnelles mentionnées dans le rapport de M. Eckert, page 37, comme devant combler le delta. Mais nous n’avons aucune information sur ces ressources. S’agit-il de la vente de fréquences hertziennes, de la vente d’emprises immobilières, de la cession de participations dans de grands groupes ?

Sur ce point pourtant essentiel à l’équilibre budgétaire du ministère de la défense, nous n’avons pas le commencement d’une information, ce qui augure mal de l’efficacité de la mesure. On peut enfin s’étonner que l’idée de réserver à ce budget particulier un régime particulier au regard des critères de stabilité n’ait même pas été défendue par le gouvernement français lorsque la Commission européenne se penchait sur les délais accordés à la France pour revenir sous la barre des 3 %.

Ces différents constats m’amènent à la conclusion que vos priorités politiques, mesdames et messieurs de la majorité, ne sont pas les priorités de la France, et vous pouvez compter sur nous pour vous le rappeler lors de nos futurs débats. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Door.

M. Gérard Bapt, rapporteur. M. Door sort du bois !

M. Jean-Pierre Door. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, monsieur le rapporteur, monsieur le président de la commission des finances, chers collègues, le débat d’orientation des finances publiques se déroule dans un climat curieusement anachronique. Le plus grave, c’est que la transparence, si désirée pour les comptes personnels des élus, n’existe pas vraiment en matière de comptes publics. Au lieu d’admettre que la dépense va encore déraper et ruiner vos objectifs budgétaires, vous vous contentez de dire que tout va bien, qu’il n’y a pas de manque à gagner pour l’État – les fameux 20 milliards d’euros. Et pour le chômage, on s’en tient, le Président en tête, à la méthode Coué.

La semaine dernière, la Cour des comptes, puis l’INSEE, puis la Commission des comptes de la sécurité sociale ont successivement lancé un cri d’alarme. La première annonce que le déficit ne sera pas contenu à la fin de l’année à 3,7 %, chiffre qui a pourtant été négocié à Bruxelles, la seconde que le déficit de la sécurité sociale sera aggravé de plus de 2 milliards d’euros, et la troisième constate que les recettes ne seront pas rendez-vous.

Souvenez-vous des prévisions insincères de votre prédécesseur, au PLFSS 2013 : c’était une croissance à 0,8 %, une masse salariale à 2,5 % et un ONDAM à 2,7 %. Or ce n’est un mystère pour personne que la baisse d’activité provoquée par l’avalanche de taxes et d’impôts votée par votre majorité, et par conséquent la réduction de la consommation, diminuent les recettes fiscales de quelques milliards.

Oui, chers collègues, convaincus que vous redresseriez les comptes en vous appuyant davantage sur la fiscalité et les taxes que sur la baisse des dépenses, vous avez affaibli la consommation intérieure et donc les recettes diverses. Le régime général de la sécurité sociale devrait accuser un trou de 14,3 milliards d’euros, contre 13,3 milliards, avec un déficit, concentré sur l’assurance maladie, de 2 milliards supplémentaires par rapport à 2012. Quel contraste avec nos voisins allemands, dont l’assurance maladie présente 28 milliards d’excédents, 8 milliards d’euros de plus qu’en 2012 !

Rapporteur du PLFSS les années précédentes, je rappelle l’amélioration des comptes de la branche maladie les deux dernières années, avec une décroissance de moins 11,6 à moins 5,9 milliards et le respect de l’ONDAM, alors à 2,5 %. Le rapporteur actuel, M. Bapt, a beau enjoliver les observations dans son rapport,…

Mme Marie-Christine Dalloz. C’est de la communication !

M. Jean-Pierre Door. …en évoquant le redressement important des finances sociales en 2012, cela est purement et simplement à mettre sur le compte du précédent gouvernement et à la loi rectificative de juillet 2011. Vous l’avez oublié !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Très bien !

M. Jean-Pierre Door. Après la crise de 2009-2010, nous avions obtenu une croissance des recettes supérieure à celle des dépenses.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Je l’ai dit !

M. Jean-Pierre Door. C’est d’ailleurs le préalable indispensable au retour à l’équilibre, alors que vous faites l’inverse. Vous évitez, surtout, de réaliser des économies structurelles, qui pourraient résulter d’une véritable réforme hospitalière, sur fond de convergence public-privé et avec la tarification à l’activité, des éléments adoptés dans tous les pays européens et que vous vous empressez de supprimer, par idéologie, non par calcul, car les économistes déplorent cette suppression. Ces économies structurelles pourraient également passer par une fusion plus poussée des caisses, afin de comprimer les dépenses de fonctionnement.

Ne calez pas non plus sur la lutte contre les fraudes au système social, aussi bien sur les prestations que sur les arrêts de travail, les aides au logement et les allocations familiales, lutte qui pourrait permettre d’économiser, selon un rapport de la MECSS, un minimum de 5 à 8 milliards par an.

Or que faites-vous ? Vous détricotez nos mesures sur l’aide médicale d’État et vous supprimez le jour de carence de la fonction publique, au risque de dépenses supplémentaires qui pourraient avoisiner un milliard. Vous déclarez que les dépenses de l’État vont diminuer, vous nous parlez de diverses solutions, y compris dans le domaine des prestations sociales, famille et vieillesse. Mais tout cela est bien vague ; nous attendons des actes plutôt que des paroles.

Bien entendu, il y a lieu de poursuivre la maîtrise médicalisée, très positive, mais cessons de créer de nouvelles prestations. Identifions en urgence les sources de financement pour enfin distinguer celles qui individualiseront les cotisations patronales des impôts et de la TVA. Fixons un ONDAM entre 2,3 et 2,2 % sur plusieurs années, comme le propose la Cour des comptes, à la page 166 de son rapport, ainsi que l’IGAS et l’IGF ; ne restons pas à 2,6 ou 2,7 %. Écoutez la Cour des comptes, écoutez l’INSEE, écoutez l’IGAS !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Vous auriez dû, vous, écouter Philippe Séguin !

M. Jean-Pierre Door. Pour conclure, comme le fit en son temps, en 2011, le gouvernement de François Fillon, nous vous proposons – il faut avoir un peu de courage – de présenter une loi de finances rectificative. C’est notre demande. Écoutez-nous un peu, de temps en temps.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Comme vous nous avez écoutés pendant cinq ans !

M. Jean-Pierre Door. Nous avons la liberté de proposer. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Pour M. Door, il faut faire des économies sur les pauvres !

M. le président. La parole est à M. Jean-François Mancel, dernier orateur inscrit.

M. Jean-François Mancel. Monsieur le ministre, cela a été dit et redit, vous n’avez atteint depuis un an aucun des objectifs que vous vous étiez fixés. Le projet qui était le vôtre de réduire le déficit a échoué.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Vous plaisantez !

M. Jean-François Mancel. Vous avez, par une augmentation totalement démesurée des impôts et des charges, asséché le pouvoir d’achat et asphyxié les entreprises, d’où une accélération du chômage. En outre, vous avez supprimé purement et simplement toutes les réformes que nous avions engagées, vraisemblablement par esprit de revanche, et inutilement.

Nous courons un véritable risque, car nous sommes assis sur une dette considérable. Si jamais, un jour ou l’autre, et cela peut arriver très vite, un doute se répand sur les marchés financiers internationaux à l’égard du risque que peut représenter notre pays, nous allons droit au dépôt de bilan et à l’accident financier particulièrement grave.

M. Julien Aubert. Très bien !

M. Christian Eckert, rapporteur général. La faute à qui ?

M. Jean-François Mancel. C’est terminé, cela, monsieur le rapporteur général ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) C’était hier ; aujourd’hui, parlons un peu du présent et de l’avenir.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Quelle amnésie !

M. Julien Aubert. Huit à zéro !

M. Jean-François Mancel. Vous ne pouvez échapper à la conduite de réformes en profondeur. Or ces réformes, vous vous refusez totalement à les faire.

C’est pourquoi je voudrais, en cette fin de débat d’orientation budgétaire, vous faire quelques propositions,…

M. Gérard Bapt, rapporteur. Ah ! Enfin, des propositions !

M. Jean-François Mancel. …et ne pas en rajouter dans la critique, qui de toute façon a déjà été entérinée par l’ensemble de nos concitoyens ; il n’y a qu’à voir à quel point ils apprécient la politique du Président de la République et du Gouvernement.

Tout d’abord, je pense, à titre personnel, qu’une réforme profonde de la fonction publique doit être menée.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. La supprimer !

M. Jean-François Mancel. Je suis convaincu que nous la mènerons un jour car tous les pays européens l’ont fait. Il faudra, à l’avenir, recruter les agents publics avec un contrat de droit commun et sortir du statut. C’est inéluctable.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. N’importe quoi !

M. Julien Aubert. C’est la diversité de l’UMP !

M. Thomas Thévenoud. Vous n’êtes pas suivi, monsieur Mancel !

M. Jean-François Mancel. Tous les pays européens l’ont fait, sauf la France. Nous devons aussi revenir à la pratique qui a été la nôtre pendant cinq ans, et même aller plus loin : deux départs à la retraite sur trois ne seraient pas remplacés,…

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Et celui que l’on garderait ne serait pas payé ! (Sourires.)

M. Jean-François Mancel. …en agissant tout particulièrement sur les administrations centrales, pour ne pas déshabiller le territoire, comme cela a été fait.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Par qui ?

M. Jean-François Mancel. La deuxième orientation porte sur les collectivités territoriales. Plusieurs réformes peuvent être menées. Vous avez supprimé le conseiller territorial ; c’est pourquoi il faut passer d’un coup à la suppression d’un niveau d’administration territoriale. On ne l’évitera plus désormais.

M. Julien Aubert. Très bien !

M. Jean-François Mancel. Cela signifie également qu’il faut revenir à l’idée de spécialisation des compétences,…

M. Julien Aubert. Très bien !

M. Jean-François Mancel. …et qui dit spécialisation des compétences dit fin des financements croisés. Cela implique enfin de contractualiser les dotations d’État avec l’ensemble des grandes collectivités, et d’arrêter de charger les collectivités de dépenses supplémentaires – je pense notamment à la réforme des rythmes scolaires, qui coûtera en année pleine 800 millions d’euros aux collectivités territoriales, au moment où vous leur supprimez 1,5 milliard de dotations d’État.

Troisième direction : la réforme des retraites.

M. Thomas Thévenoud. C’est un discours de politique générale !

M. Jean-François Mancel. Je le dis encore à titre personnel : je crois qu’il faut revenir sur la funeste réforme de 2002 et repasser à une retraite légale à soixante-cinq ans, avec unification de l’ensemble des régimes.

M. Thomas Thévenoud. Inscrivez-vous aux primaires de l’UMP : vous aurez du succès !

M. Jean-François Mancel. Je terminerai par une quatrième orientation : aller le plus loin possible dans la réforme de nos dépenses d’intervention, notamment sociales et économiques. Une politique, en particulier, concentre le mécontentement de tout le monde : la politique du logement, qui ne convient ni aux locataires, ni aux bailleurs, ni aux propriétaires, ni aux entrepreneurs du bâtiment, et qui coûte une fortune.

Dans tous ces domaines, il existe des possibilités de réforme profondes. Vous devez engager ces réformes, et c’est là-dessus que vous serez jugés !

Voilà les quelques réflexions que je voulais partager en cette fin de débat.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Nous allons y réfléchir !

M. Jean-François Mancel. Vous direz sans doute que cela porterait atteinte aux Français et les ferait souffrir. Eh bien, je ne le crois pas du tout : ils vivraient différemment, mais beaucoup mieux qu’avec vous ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Thomas Thévenoud. C’est lui qu’il faut en 2017 !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Pierre Moscovici, ministre. Mesdames et messieurs les députés, le débat a été long mais je l’ai trouvé intéressant. Il n’était d’ailleurs pas forcément surprenant : certaines interventions étaient attendues, un peu sur tous les bancs, et c’est assez logique, compte tenu de l’exercice.

M. de Courson a posé le débat en nous interpellant sur les prévisions de croissance. Je crois avoir démontré, chiffres à l’appui, au cours de mon propos liminaire, que la dégradation du contexte – nous devons tous en être conscients, dans une certaine modestie – avait surpris tous les économistes. Et ce mouvement était européen. J’ai entendu, dans la bouche d’orateurs de l’opposition : « Pourquoi n’avoir pas fait ci ou ça ? La situation était telle en 2010 et 2011… » Encore une fois, il faudrait une singulière arrogance pour considérer que la France est un isolat. Nous sommes dans la zone euro. Jusqu’à présent, nous avons fait mieux que la zone, ou plutôt, soyons modestes, notre dégradation a été moins grave, mais nous sommes complètement dans cette zone. Notre volontarisme européen est justifié, dès lors, justement, que nous avons mieux résisté que nos principaux partenaires. Sur l’examen de la situation, j’aimerais donc que l’on prenne un peu de hauteur.

M. de Courson m’a également invité à préciser nos intentions en matière de prélèvements obligatoires, ainsi que mon opinion sur les propositions, très solides et charpentées, du rapporteur général, auquel je répondrai un peu plus tard. Comme je l’ai expliqué au cours de mon propos introductif, notre objectif est bien de limiter autant que possible la hausse du taux de prélèvements obligatoires. Depuis 2011, c’est vrai, ces prélèvements obligatoires ont augmenté fortement : de 65 milliards d’euros environ en trois ans. Les hausses décidées par la précédente majorité représentent plus de la moitié de ce total.

M. Jean Launay. Il fallait le rappeler !

M. Pierre Moscovici, ministre. Mais M. de Courson aurait pu rappeler que notre politique fiscale, à l’inverse de celle de la précédente majorité, a visé des objectifs à la fois d’efficacité et de justice, avec un ciblage sur les ménages les plus favorisés et les grandes entreprises, le tout étant très contraint.

Je voudrais dès à présent dire à M. Lamour qu’assurément c’est nous qui sommes aux responsabilités : j’en éprouve le sentiment, et l’on se doit de l’éprouver, lorsque l’on a la chance et la lourde tâche d’être le ministre de l’économie et des finances de la France. Je sais qui sera jugé en 2017.

Mme Marie-Christine Dalloz. Encore faut-il tenir jusqu’en 2017 !

M. Pierre Moscovici, ministre. Je ne me défausse en aucun cas. Toutefois, ne faisons pas comme si l’héritage n’importait pas. Quand le déficit s’élève à 5,5 %, que le potentiel de croissance a été miné et usé, la compétitivité dégradée et que, dans le même temps, il faut réduire les déficits sans compromettre la croissance, notre politique, mise face à cette quadrature du cercle, doit réaliser un véritable tour de force. Vous ne pouvez pas, dans l’opposition, ni ne pourrez en aucun cas vous exonérer de ce bilan. Les Français ne l’ont pas oublié.

Aussi, lorsque j’entends les sempiternelles leçons que l’on donne du côté droit de l’hémicycle ou que donnent certains leaders de l’UMP, dois-je vous avouer qu’il m’arrive de trouver cela injuste, mais également d’un cynisme confondant. Les donneurs de leçons feraient parfois mieux de se taire.

Mme Marie-Christine Dalloz. L’opposition est muselée !

M. Pierre Moscovici, ministre. Nous sommes conscients que le taux de prélèvements obligatoires est déjà très élevé et qu’une pression fiscale trop forte peut nuire à l’attractivité et à la compétitivité. C’est pourquoi nous souhaitons faire porter principalement l’effort sur la dépense, sans abandonner pour autant les principes de justice fiscale. Quant aux mesures envisagées, sur lesquelles M. de Courson m’a demandé des précisions, je vous demande un peu de patience, puisque vous connaissez tous ici la mécanique budgétaire : c’est le 25 septembre que le projet de loi de finances sera présenté, et les arbitrages fiscaux, qui n’ont pas tous été fixés, nécessitent encore un délai.

S’agissant de la dépense, M. de Courson semblait ironiser sur le peu que représentait une baisse de 300 millions d’euros des dépenses de l’État en 2013, quand ces dépenses s’élèvent à 300 milliards d’euros. Faut-il lui rappeler, ainsi qu’à l’opposition d’aujourd’hui, que sous le précédent quinquennat, l’augmentation avait été de 5 à 6 milliards d’euros par an ? Faire baisser les dépenses publiques de 300 millions d’euros, comme nous l’avons fait, ou de 1,5 milliard d’euros, comme nous le ferons en 2014, est sans précédent historique. Les dépenses progressent plus rapidement que le PIB, affirme M. de Courson : c’est le cas en l’absence de croissance. Mais sur l’ensemble du quinquennat, les dépenses publiques baisseront de 3 %, comme nous en avons pris l’engagement dans le plan pluriannuel.

Mme Sas m’a interrogé, comme M. Alauzet, toujours présent, pour savoir si l’écologie était ou non une priorité budgétaire. Vous savez bien que le montant des crédits budgétaires ne constitue pas le seul moyen d’action et que, de manière générale, il n’existe dans les arbitrages budgétaires ni perdants ni gagnants. S’agissant de la fiscalité écologique, je vous confirme que des mesures seront prises dans le projet de loi de finances pour 2014. N’ayons aucun doute sur la détermination du Gouvernement à ce sujet. Nous aurons par ailleurs l’occasion de discuter de leur ampleur et de l’orientation à leur donner, ainsi que de la nature de cette ambition écologique.

Je puis d’ores et déjà vous dire que, pour nous, la fiscalité environnementale doit pleinement s’intégrer dans l’objectif de stabilité des prélèvements obligatoires. Elle n’est pas punitive – je sais que vous partagez cette conception : elle ne vient pas sanctionner les ménages et les entreprises de notre pays, mais réorienter les comportements. Une fiscalité environnementale écologique, c’est, dans notre acception commune, une fiscalité de progrès qui doit se conformer aux principes de justice.

Mme Marie-Christine Dalloz. La justice ! Cela faisait longtemps que l’on n’en avait pas entendu parler.

M. Julien Aubert. L’ordre écologique juste.

M. Pierre Moscovici, ministre. Nous sommes donc attachés à une fiscalité écologique dont la montée en charge sera progressive, afin d’offrir une visibilité de moyen et de long terme aux ménages dans leurs choix de consommation, mais aussi aux entreprises pour qu’elles adaptent leurs modèles de production. Telle est la perspective de la transition énergétique.

Mme Girardin, qui a apporté des précisions importantes relatives à la maîtrise des finances publiques, nous a fait remarquer que la MAP ne produisait pas encore ses effets. C’est normal, car ce processus de diagnostic concerté destiné à mettre en forme des réformes structurelles prend du temps – je pense également au domaine social. Mais deux premières réformes ont déjà été issues de la MAP et seront intégrées au budget 2014 : la MAP entreprises et les PMMS, les plans ministériels de modernisation et de simplification, qui permettront de documenter 13 158 suppressions de postes en 2014 dans les ministères qui ne travaillent pas sur les politiques prioritaires. Car nos choix relèvent bien de priorités : l’éducation nationale, la sécurité et l’emploi.

M. Carvalho a mené une critique en règle de notre politique, sous prétexte qu’elle serait austère. Mais nous ne conduisons pas une politique d’austérité.

M. Aubert, vous avez beaucoup ironisé, de manière un peu décousue et pas forcément légère, permettez-moi de le dire.

M. Jean Launay. C’était même un peu lourd.

M. Julien Aubert. Il n’y avait pas d’ironie.

M. Pierre Moscovici, ministre. Ce n’est pas de la « sémantique » que de distinguer l’austérité et le sérieux. Le rétablissement des comptes et le sérieux : oui ! C’est une nécessité pour notre souveraineté nationale et pour nous permettre de regagner une certaine marge de manœuvre. Une économie qui s’endette est une économie qui s’affaiblit : un euro de dette publique supplémentaire, et d’autant avec des taux d’intérêt en hausse, reviendrait à fragiliser notre pays, de manière improductive. Mais, s’il faut mener les réformes nécessaires et réduire le déficit structurel autant qu’il est nécessaire, il ne faut pas faire davantage. Je dis non au surajustement. Dans la situation de stagnation que nous traversons en France, et de récession en Europe, il ne faut pas ajouter l’austérité à la crise ou à la récession, comme l’a dit M. Thévenoud. Nous nous y refusons. Il existe bien une différence entre le sérieux et l’austérité. Le sérieux, je le revendique, l’austérité, je la refuse, voire je la combats.

Mme Marie-Christine Dalloz. Pur effet de communication !

M. Pierre Moscovici, ministre. Nous ne devons pas tomber dans ce type de confusions.

Je tiens à remercier Pierre-Alain Muet, comme toujours, pour ses encouragements, son analyse et son diagnostic limpide de la situation actuelle, dans lequel je me retrouve pleinement. Nous sommes en effet dans une situation où tout l’enjeu est de trouver le bon rythme d’ajustement budgétaire et le bon équilibre pour préserver ce qui est indispensable, l’acquis du seuil budgétaire, tout en permettant à la croissance de se développer.

J’aurais aimé que François Baroin soit présent pour pouvoir lui répondre,…

Mme Marie-Christine Dalloz. Vous avez bien répondu à d’autres députés qui n’étaient pas là.

M. Pierre Moscovici, ministre. …comme le veut la tradition entre ministres et anciens ministres de l’économie et des finances : vous lui transmettrez mes propos. Je lui aurais dit qu’il a cru voir chez moi une obsession pour Nicolas Sarkozy. Or non seulement je n’ai pas prononcé son nom, mais je n’ai même pas pensé à lui. Je ne suis pas dans cette manière de revanchisme ou d’obnubilation par rapport à un homme. Il reste aujourd’hui encore suffisamment de leaders à droite en activité pour pouvoir faire des reproches, aussi bien sur le passé que sur le présent.

M. Julien Aubert. De l’ironie !

M. Pierre Moscovici, ministre. Peut-être est-il lui-même fixé sur Nicolas Sarkozy, mais qu’il n’imagine pas que je le suis également.

M. Julien Aubert. Encore de l’ironie !

M. Pierre Moscovici, ministre. En revanche, je suis tout à fait préoccupé par l’histoire que je lui ai racontée, mais que je n’ai pas inventée, alors que l’histoire qu’il a voulu mettre en scène me paraît tout à fait inexacte.

M. Julien Aubert. Que doit-on lui transmettre ? Je n’ai rien compris.

M. Pierre Moscovici, ministre. Pour résumer, M. Baroin nous a expliqué que la dégradation des performances françaises entre 2002 et 2012 s’expliquerait essentiellement par une crise venue d’ailleurs – ces subprimes que d’ailleurs Nicolas Sarkozy voulait à l’époque, je le rappelle, importer en France. Si M. Baroin tient mes propos pour des « balivernes », ce qu’il racontait n’est rien qu’une fable, un mensonge, un immense baratin qui ne correspond à aucune forme de réalité.

Entre 1997 et 2002, j’étais membre du Gouvernement et je me souviens donc bien de l’état de la France à cette époque. En 2002, le déficit français était inférieur à celui de l’Allemagne : 3,2 % contre 3,8 %. En 2012, le déficit, privé des corrections que nous avons opérées, filait vers 5,5 %, alors que l’Allemagne a équilibré ses comptes publics avec un excédent de 0,2 %. Ce que je ne parviens pas à comprendre dans le raisonnement de M. Baroin, prouvant par là qu’il est faux…

M. Julien Aubert. Ils ont eu Schröder !

M. Pierre Moscovici, ministre. Mais vous avez eu Jacques Chirac, puis Nicolas Sarkozy !

M. Julien Aubert. Nous avons surtout eu François Mitterrand.

M. Jean-François Lamour. Et cinq ans de Lionel Jospin !

M. Pierre Moscovici, ministre. L’argument ne vaut rien, monsieur Aubert, ou plutôt, il vous condamne. Ce ne sont pas les subprimes. Nous avons subi la même crise internationale que l’Allemagne et nous avons la même monnaie.

M. Jean-François Lamour. Ils n’avaient pas les trente-cinq heures !

M. Gérard Bapt, rapporteur. Que ne les avez-vous supprimées, ces trente-cinq heures ?

M. Jean-François Lamour. Nous allons importer les socialistes allemands…

Mme Marie-Christine Dalloz. …et vous exporter en Allemagne.

M. Pierre Moscovici, ministre. Le différentiel de performance est pourtant criant. François Baroin a établi des comparaisons avec les États-Unis, la Grande-Bretagne et l’Allemagne. Mais les Etats-Unis, comme la Grande-Bretagne, ont un taux de chômage très inférieur au nôtre. Quant à l’Allemagne, en termes de déficit, de dette, de performance, de compétitivité et de commerce extérieur, ces dix années d’échec pour la France ont été dix années de croissance pour elle. Cela ne veut pas dire que je m’inspire en tout de ce qu’a fait M. Schröder ou de ce que Mme Merkel a poursuivi. Cela signifie tout simplement que ce ne sont pas les subprimes qui justifient la crise française de ces dix années, mais très largement l’échec de la politique que vous avez menée.

Mme Marie-Christine Dalloz. C’est faux !

M. Julien Aubert. C’est de l’amnésie passagère.

M. Pierre Moscovici, ministre. Et il est difficile de répondre à cela.

M. le président de la commission des finances, Gilles Carrez, appelait au dépôt d’un collectif pour établir la vérité des comptes. Deux remarques s’imposent : l’une formelle, l’autre plus politique car j’ai été gêné par l’un de ses arguments. Tout d’abord, un budget ou un collectif est un acte d’autorisation qui permet des dépenses, met en place des mesures nouvelles de recettes : il ne peut donc pas être créé dans le seul but de constater une situation. J’ai expliqué pourquoi il n’y aura pas de collectif budgétaire : nous voulons laisser jouer les stabilisateurs automatiques. Ce qui m’a gêné dans votre propos – j’espère que votre parole a dépassé votre pensée – c’est que vous avez pu laisser croire qu’en l’absence de collectif budgétaire, nous allions vivre un été difficile à cause du doute porté par les marchés à la France. Personne ne doit faire douter de la crédibilité de la France, et d’autant moins vous, eu égard à votre fonction.

Je crois les marchés assez sages, au sens où ils regardent la réalité, voient la crédibilité de la politique que nous conduisons de même que notre maîtrise de la dépense publique et les réformes réalisées. Tout cela, ils le constatent. Votre propos a déjà été tenu par des orateurs de l’opposition, il y a un an. Mais regardez les faits : notre spread

M. Julien Aubert. Parlez français !

M. Pierre Moscovici, ministre. …avec l’Allemagne ne s’est pas accru, au contraire ; l’image de la France ne s’est pas effondrée ; la crédibilité a été renforcée.

Mme Marie-Christine Dalloz. Qui peut croire cela ?

M. Pierre Moscovici, ministre. Ni vous ni moi ne devons craindre un tel scénario cet été. La crédibilité de la politique française est, grâce aux repères que je viens de rappeler, très forte. Il existe une sincérité des comptes qui sont vérifiés. Restons pondérés.

Vous nous dites que nous avons annulé le principe du « un sur deux », mais lors de l’audition du DOFP de 2011, vous-même disiez, compte rendu à l’appui, que le non remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite avait eu un produit budgétaire limité – je rappelle que la masse salariale ne progressera en 2014 que de 0,3 %. De plus, nos économies sont tout à fait documentées, contrairement à ce que vous dites.

Le rapport de la Cour que vous évoquez a été rédigé avant la répartition des budgets par missions, qui permet de documenter en effet la baisse de 1,5 milliard d’euros de dépenses hors dettes et pensions, soit 9 milliards d’euros d’économies. Les autres économies seront permises par une inflexion de la tendance de l’ONDAM et par l’accord sur les retraites complémentaires ; tout cela est solide.

Je remercie Mme Lemorton d’avoir souligné l’ambition de nos objectifs en matière de maîtrise de la dépense publique et d’avoir indiqué que votre commission souscrit à l’inflexion que nous proposons dans la progression de l’ONDAM. Merci également de souligner l’intérêt de la MAP qui rompt avec la logique de la RGPP. Merci enfin d’insister sur le fait que le rétablissement des comptes est compatible avec le renforcement de la solidarité et la mise en œuvre des politiques prioritaires voulues par le Gouvernement – logement ou lutte contre la pauvreté, notamment celle des enfants.

Je remercie également le rapporteur général, Christian Eckert, d’avoir souligné l’importance de nourrir un dialogue constant, franc et respectueux…

Mme Marie-Christine Dalloz. Nous n’avons pas de bons points, nous…

M. Julien Aubert. Et dire que l’on passe toutes nos nuits avec eux dans la même chambre…

M. Pierre Moscovici, ministre….avec la commission des finances, pour ce qui nous concerne, Bernard Cazeneuve et moi-même, avec le Parlement dans son ensemble, mais aussi avec la Commission européenne. Il est vrai que le dialogue que nous avons conduit avec la Commission a permis de nous donner une marge de manœuvre temporelle, qui ne doit pas nous servir à paresser, mais qui permet d’éviter de tuer les ressorts de la croissance : nous en avions besoin. Cela s’est fait en bonne intelligence. Et nous pouvons nous féliciter collectivement de l’avancée des positions françaises, du fait que les lignes aient bougé et que désormais, dans l’Union européenne, la croissance soit privilégiée par rapport à la seule consolidation budgétaire, et que la réduction des déficits structurels soit devenue l’objectif prioritaire par rapport à ce que j’ai appelé le nominalisme. Je le revendique. Je vous remercie aussi d’avoir remis les choses dans le bon ordre en rappelant que les aléas et les dépassements prévisibles du déficit reflètent l’état de la conjoncture, le libre jeu des stabilisateurs automatiques, et non pas un quelconque dérapage des dépenses.

C’est ce qui m’a conduit, monsieur Carrez, à critiquer assez vertement ce que vous aviez dit, non pas sur le fait que le déficit allait s’accroître – il est logique que quand la croissance décline, le niveau des recettes soit, lui aussi, compromis –, mais sur le fait que le Gouvernement n’aurait pas joué le jeu avec le Parlement et que nous ne tiendrions pas les dépenses. Nous avons parlé au Parlement, nous avons fait voter le programme de stabilité il y a deux mois alors que nous n’étions plus sur les 3 % ni sur notre prévision de croissance initiale, mais les dépenses sont tenues ! Je remercie le rapporteur général de l’avoir établi avec force et clarté,…

Mme Marie-Christine Dalloz. Quelle tenue des dépenses ?

M. Pierre Moscovici, ministre. …et d’avoir aussi rappelé la situation que nous avons trouvée à notre arrivée en dressant un tableau sévère, mais incontestable, de l’évolution des dépenses, du déficit et de la dette au cours des dix dernières années, évolution que la crise seule ne saurait justifier.

Je vous remercie également, monsieur le rapporteur général, d’avoir rétabli certaines vérités concernant le CICE. Je me retourne vers M. Aubert, amateur de caricatures : n’avez-vous pas rencontré un seul entrepreneur qui applique le dispositif ?

M. Julien Aubert. Pas un !

M. Pierre Moscovici, ministre. Je vais vous donner quelques chiffres.

M. Julien Aubert. Donnez-moi surtout des noms !

M. Pierre Moscovici, ministre. Il y a cent dossiers de préfinancement déposés par jour, nous devons en être à 6 000 entreprises – toutes les entreprises ne recourent d’ailleurs pas au préfinancement pour entrer dans le dispositif. Un deuxième chiffre : 750 millions d’euros de préfinancement déjà décidés. Et vous allez m’expliquer que cela n’existe pas, que c’est trop compliqué !... Je remercie Christian Eckert d’avoir insisté sur la simplicité et la pertinence de cette démarche.

Mme Marie-Christine Dalloz, M. Jean-François Lamour et M. Julien Aubert. Mais c’est une goutte d’eau !

M. Pierre Moscovici, ministre. Je vais citer un homme dont je n’ai pas l’impression qu’il vote à toutes les élections pour le parti auquel j’appartiens : M. Jean-François Roubaud. Il a dit qu’en quarante-cinq ans, il n’avait jamais vu une mesure aussi simple. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean-François Lamour. Il n’y a que lui qui le dit ! Trouvez une autre référence, monsieur le ministre !

Mme Marie-Christine Dalloz. Recrutez-le en interne !

M. Pierre Moscovici, ministre. Arrêtons les caricatures et soyons capables de temps en temps de parler en toute sincérité. Vous devriez vous réjouir de cette mesure, mesdames, messieurs les députés de l’opposition, parce que c’est une mesure de baisse du coût du travail et de rétablissement de la compétitivité, ce que vous n’aviez pas fait et qu’il était absolument nécessaire de réaliser. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Je vous remercie, Gérard Bapt, de votre intervention très précise qui démontre que l’objectif du Gouvernement de faire 5 milliards d’économies dans le champ des administrations sociales, notamment sur l’assurance maladie, après celles qui ont été faites sur la branche famille, est un objectif atteignable.

Monsieur Alauzet, je vous ai répondu en partie. Vous avez rappelé la nécessité de rétablir l’équilibre structurel des comptes publics et souligné la pertinence de notre approche équilibrée, ce dont je vous remercie. Je note bien ce que sont vos attentes, voire vos exigences ; nous aurons l’occasion d’en reparler, mais je vois aussi que fondamentalement, il y a une convergence entre nous sur la ligne économique, et c’est évidemment important.

Monsieur Thomas Thévenoud, vous avez démontré avec beaucoup de clarté qu’un collectif n’était juridiquement pas obligatoire : il fallait le rappeler, car on laisse circuler beaucoup de bruits fallacieux à ce sujet, et le rappeler d’autant plus qu’il n’y a aucun risque de dérapage de la dépense de l’État, ce qu’a confirmé la Cour des comptes dans son rapport, grâce au gel, au surgel et à la réserve de précaution. On fait beaucoup parler la Cour, mais souvent à tort, et il faut rappeler ce qui se trouve vraiment dans son rapport.

M. Woerth, lui aussi, a voulu faire parler la Cour des comptes… Didier Migaud a dit en commission des finances le 27 juin qu’en 2010, plus des deux tiers du déficit public étaient indépendants de la crise et présentaient un caractère structurel – je rappelle que le déficit structurel était alors de 6 % du PIB. Et c’est avec un tel bilan qu’on va nous donner aujourd’hui des leçons ! Je tiens à rappeler que fin 2012, le déficit structurel a été ramené sous les 4 %, qu’il sera proche des 2 % à la fin de cette année et que l’équilibre sera atteint pendant le quinquennat. Nous n’avons, là encore, aucune leçon à recevoir des orateurs de l’UMP.

J’ai répondu au passage à M. Bompard, et déjà largement à M. Aubert.

J’en viens à vous, Jean-François Lamour. Je vous ai répondu au fur et à mesure de mon intervention, mais il y a un point que je souhaite reprendre : vous avez semblé outré par un déficit qui, selon le rapporteur général, serait de 3,5 % du PIB en 2014. Je sais que vous n’allez pas apprécier ce que je vais vous dire,…

M. Jean-François Lamour. Ça va, on a l’habitude.

M. Pierre Moscovici, ministre. …mais faut-il vous rappeler que le déficit public a atteint le record de 7,5 % au cours du précédent quinquennat ?

M. Jean-François Lamour. Jamais !

M. Pierre Moscovici, ministre. Nous, c’est indéniable, nous réduisons le déficit, même sans croissance.

M. Jean-François Lamour. Ce n’est pas vrai : cette année, il est passé de 3 % à 4 % ! C’est bien pourquoi on ne vous croit plus !

M. Pierre Moscovici, ministre. Réduire le déficit dans ces conditions n’est pas facile et demande un certain nombre d’efforts. Si vous êtes objectif, vous devriez le reconnaître.

Monsieur Mancel, je vous laisserai soumettre vos propres idées à vos amis. Je n’ai pas eu l’impression que c’étaient celles du parti auquel vous appartenez, mais ce n’est pas mon problème.

M. Jean-François Mancel. C’est le droit de la liberté !

M. Pierre Moscovici, ministre. Je prends vos propositions pour ce qu’elles sont, et comprenez que je m’y reconnaisse peu. Vous avez dit par ailleurs qu’aucun objectif n’était atteint. Je vous réponds que si : le solde du déficit structurel est réduit, les dépenses sont maîtrisées.

Au final, il me semble que ce débat aura permis à chacun d’exprimer ses positions et à moi de rappeler ce que je disais déjà tout à l’heure : oui, nous avons une cohérence ; oui, la solidité est là ; oui, la dépense est tenue ; oui, la politique qui est la nôtre, consistant à réduire le déficit structurel tout en laissant jouer les stabilisateurs automatiques pour donner sa chance à la croissance en France et donc à la création d’emplois, je suis persuadé qu’elle est la bonne, et c’est celle que nous poursuivrons en 2014. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

M. le président. Le débat est clos.

3

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :

Questions au Gouvernement ;

Vote solennel sur le projet de loi relatif à la consommation ;

Projet de loi organique interdisant le cumul des fonctions exécutives locales avec le mandat de député ou de sénateur et projet de loi interdisant le cumul des fonctions exécutives locales avec le mandat de député, de sénateur ou de représentant au Parlement européen.

La séance est levée.

(La séance est levée, le mercredi 3 juillet 2013, à une heure trente-cinq.)