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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session extraordinaire de 2012-2013

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du jeudi 4 juillet 2013

SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE

SOMMAIRE


Présidence de M. Christophe Sirugue

1. Rappels au règlement

M. Christian Jacob

M. Francis Vercamer

M. Yves Nicolin

Mme Laurence Dumont

M. Jean-Luc Reitzer

M. Jean-Frédéric Poisson

M. Christian Jacob

M. Bruno Le Roux

Mme Sandrine Mazetier

M. Christian Jacob

M. Jean-Christophe Lagarde

M. le président

M. Jean-Frédéric Poisson

Suspension et reprise de la séance

2. Interdiction du cumul de fonctions exécutives locales avec le mandat de député ou de sénateur

Suite de la discussion d'un projet de loi organique

Discussion des articles (suite)

Article 1er (suite)

Amendements nos 228, 164

Rappels au règlement

M. Jean-Christophe Lagarde

M. Roger-Gérard Schwartzenberg

Article 1er (suite)

Amendements nos 219, 68, 108, 154

M. Christophe Borgel, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

M. Manuel Valls, ministre

Rappel au règlement

M. Nicolas Dhuicq

Article 1er (suite)

Amendements nos 187, 172

Rappel au règlement

M. Daniel Fasquelle

Article 1er (suite)

Amendements nos 325, 326, 161, 324, 144, 294, 208, 109, 155, 89, 110, 156, 321, 322, 330, 332, 333, 335, 337, 338, 339, 340, 341, 342, 343, 344, 90, 111, 157, 91, 92

M. Christian Jacob

Suspension et reprise de la séance

Amendements nos 126, 1, 102, 216, 221, 218, 217, 170, 171, 181, 179, 174, 180

Rappel au règlement

M. Jean-Christophe Lagarde

M. Manuel Valls, ministre

Article 1er (suite)

Amendement no 145

Rappel au règlement

M. Daniel Fasquelle

Article 1er (suite)

Amendements nos 112, 158, 113, 159, 93, 94, 114, 160, 95, 96

3. Modification de l’ordre du jour

4. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Christophe Sirugue
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Rappels au règlement

M. le président. La parole est à M. Christian Jacob, pour un rappel au règlement.

M. Christian Jacob. Monsieur le président, nous avons vécu, à la fin de la séance de ce matin, un incident grave.

M. Jean-Luc Reitzer et plusieurs députés du groupe UMP. Un incident majeur !

M. Christian Jacob. Nous votions sur un amendement de suppression de l’article 1er, dont l’adoption aurait complètement remis en cause le texte. Lorsque la présidente a mis aux voix cet amendement de suppression, il y avait une majorité pour le voter.

M. Daniel Fasquelle. Absolument !

M. Christian Jacob. La présidente a refusé de procéder à un vote de vérification par assis et levé, comme je l’ai demandé en tant que président de groupe.

M. Guy Geoffroy. C’est très grave !

M. Christian Jacob. Nous avons le sentiment, et nous en sommes même persuadés, que nous étions majoritaires. Le vote par assis et levé nous a été refusé, notre demande de suspension de séance a été rejetée, et la présidente a fui le perchoir en levant la séance de manière précipitée.

M. Daniel Fasquelle. C’est cela, la revalorisation de l’Assemblée ?

M. Yves Nicolin. C’est du vol !

M. Christian Jacob. On ne peut pas continuer de cette manière en considérant que, la majorité étant majoritaire, il n’y a pas de débat ! Il y avait un débat, et d’ailleurs plusieurs collègues, sur les bancs de gauche, ont voté notre amendement. Le vote n’a duré que quelques secondes, si bien qu’il était absolument impossible à la présidence de faire un compte précis. Nous, nous étions sûrs de notre groupe et nous avons vu des collègues de gauche voter avec nous : il y a vraiment une contestation majeure de ce vote, et on ne peut pas laisser passer cet incident.

La présidence doit être équitable et, lorsqu’un président de groupe demande une vérification et un vote par assis et levé sur un vote de cette nature, elle doit les lui accorder. Ce vote, je le répète, remettait en cause la totalité du texte ! La majorité, on le voit bien, a beaucoup de mal à se mobiliser et elle ne suit pas le Gouvernement, qui est aujourd’hui en difficulté.

Monsieur le président, je souhaite que la présidence fasse preuve d’impartialité. J’ai vraiment été choqué de ce qui s’est passé : refus de me donner la parole, refus de procéder à un vote par assis et levé, et départ précipité de la présidente, sans autre forme d’explication.

M. Jean-Luc Reitzer. Rien !

M. Christian Jacob. Ce n’est pas normal et c’est contraire à notre fonctionnement ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Daniel Fasquelle. La revalorisation des députés ? Des députés godillots, oui !

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer, pour un rappel au règlement.

M. Francis Vercamer. Nous aussi, au groupe UDI, nous sommes très choqués de la manière dont s’est passé le comptage du vote. Je dois dire que cet incident est tout à fait dans l’esprit de ce que je conteste depuis le début de l’examen de ce texte : le respect du Parlement est déjà mis à mal, qu’il s’agisse de la fixation de l’ordre du jour ou d’un certain nombre de dispositions, sur lesquelles le Gouvernement ne tient pas compte de son avis.

Et cette fois-ci, c’est la présidence qui ne tient pas compte du vote ! On a bien vu qu’il y avait une majorité, faible certes, d’une ou deux voix, en faveur de l’amendement de suppression qui a été mis aux voix, mais la présidence a considéré que la majorité était majoritaire, ce qui est faux. Je demande que l’article 64, alinéa 2, soit appliqué : il dispose qu’en cas de doute, il est procédé à un vote par assis et levé. Je propose donc que nous revotions sur l’amendement, en application de cet article.

Mme Claudine Schmid. C’est trop tard…

M. Guy Geoffroy. Il n’est jamais trop tard pour bien faire !

M. le président. La parole est à M. Yves Nicolin, pour un rappel au règlement.

M. Yves Nicolin. Monsieur le président, je voudrais faire observer qu’après vérification de la vidéo, il apparaît clairement qu’il y avait une majorité favorable à l’adoption de cet amendement. Par conséquent, nous assistons aujourd’hui, j’ose le dire, à un véritable vol en bande organisée. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Guy Geoffroy. Avec violence !

M. Thierry Solère. Avec ministre !

M. Yves Nicolin. Un coup de force (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) a eu lieu dans cet hémicycle, et la précipitation avec laquelle la présidente a levé la séance montre bien qu’elle était dans une situation impossible, car elle avait pris conscience qu’une majorité était favorable à l’adoption de cet amendement. Nous demandons, par conséquent, que cet amendement soit voté une nouvelle fois.

M. le président. La parole est à Mme Laurence Dumont, pour un rappel au règlement.

Mme Laurence Dumont. Monsieur le président, mes chers collègues de l’opposition, je crois qu’il faut contrôler ses nerfs (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Daniel Fasquelle. C’est vous qui ne les contrôlez plus !

Mme Laurence Dumont. Parler dans l’hémicycle de vol en bande organisée n’est pas tout à fait admissible.

Plusieurs députés du groupe UMP. Si !

Mme Laurence Dumont. Il se trouve, vous le savez, que je suis responsable de ce texte. M. Poisson vous confirmera que j’ai fait le travail qui incombe au responsable d’un texte et que j’ai notamment vérifié l’état de la majorité dans l’hémicycle. D’ailleurs, c’est bien parce que nous étions majoritaires que, jusqu’au dernier moment, nous n’avons pas demandé de suspension de séance, comme nous aurions pu le faire si nous avions été inquiets. Nous étions, je le répète, majoritaires dans l’hémicycle. (« Non ! » sur les bancs du groupe UMP.) Si, et je vous assure que nous avons compté jusqu’au dernier moment.

Deuxièmement, si la présidente a levé rapidement la séance, c’est parce que le vote avait eu lieu…

M. Yves Nicolin. Mais des mains ne s’étaient pas levées de votre côté !

Mme Laurence Dumont. …et parce que nous savions par ailleurs qu’il fallait lever la séance à douze heures quarante-cinq, parce que le ministre avait un engagement.

Plusieurs députés du groupe UMP. Mais bien sûr…

M. Manuel Valls, ministre de l’intérieur. M. Myard est témoin !

M. Jacques Myard. C’est vrai.

Mme Laurence Dumont. Je vous demande de respecter la présidence, ce qui est un minimum, et d’éviter les formules du genre « vol en bande organisée », qui sont franchement déplacées. (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Reitzer, pour un rappel au règlement.

M. Jean-Luc Reitzer. J’ai rappelé ce matin que je siégeais dans cette maison depuis quelques années. Je n’ai jamais prétendu être présent constamment dans cet hémicycle, mais j’ai assisté aux débats les plus importants. Eh bien, en vingt-cinq ans de mandat, je n’ai jamais vu ce qui s’est passé ce matin. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Manuel Valls, ministre. Alors vous n’étiez jamais là ! (Sourires)

M. Christian Jacob. M. Reitzer a raison ! C’est vrai !

M. Jean-Luc Reitzer. C’est la vérité, monsieur le ministre ! (Mêmes mouvements.) Ce n’est pas la peine de sourire : c’est la vérité ! Je n’ai jamais vu une présidente fuir le perchoir, comme elle l’a fait ce matin. Sans mot dire, sans prévenir, sans avertir quiconque, elle s’est levée, elle est partie, elle a disparu. À tel point que nous avons eu du mal à nous en rendre compte nous-même ! Je veux donc, moi aussi, dénoncer ce coup de force, car c’est un véritable coup de force !

M. Sébastien Denaja. Rendez-vous place Tahrir ! (Sourires sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean-Luc Reitzer. C’est un déni de démocratie, et c’est un manque de respect vis-à-vis de l’Assemblée nationale !

Nous étions majoritaires ce matin (« Mais non ! » sur les bancs du groupe SRC.). Cela se voit effectivement sur la vidéo et ce que vous avez fait ce matin n’est tout simplement pas correct. Je sais qu’un certain nombre d’entre vous ont eu l’honnêteté de le reconnaître dans les couloirs. Parce qu’ils sont honnêtes avec eux-mêmes, ils ont reconnu qu’un tel incident était inacceptable et inadmissible dans une discussion aussi importante, qui met en cause l’équilibre et le fonctionnement de nos institutions. (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour un rappel au règlement.

M. Jean-Frédéric Poisson. Monsieur le président, je voudrais faire écho aux propos de notre collègue Laurence Dumont. Étant responsable du texte pour notre groupe, j’ai moi aussi procédé au recensement et au comptage, minute par minute, auxquels se livrent généralement les responsables des groupes dans ce genre de circonstances. Et je conteste l’appréciation et le compte qui ont été annoncés tout à l’heure par Mme Dumont, qui considère que le groupe socialiste était majoritaire, ce que je ne crois pas…

M. Jérôme Guedj. Il fallait demander un scrutin public, alors !

M. Jean-Frédéric Poisson. Monsieur Guedj, on discutera ensemble, si vous le voulez, de la stratégie qui consiste à demander un scrutin public en séance…

Mme Laurence Dumont. Mais il a raison !

M. Jean-Frédéric Poisson. …mais permettez-moi de m’exprimer, sous l’autorité de mon président.

Premièrement, c’est la quatrième fois depuis le début de la législature, que ce genre d’incident se produit, parce que le groupe socialiste peine à mobiliser ses troupes, ce que l’on peut comprendre, sur un texte de cette importance.

Je constate, deuxièmement, que sur un texte historique, flamboyant, lumineux, et porteur d’un progrès à nul autre pareil, vous peinez à trouver une réelle majorité sur vos propres bancs, et que cela nous renseigne aussi sur le fait, cher monsieur le rapporteur, que c’est plutôt chez vous que chez nous qu’il manquera des voix au bout du compte, sur ce texte.

M. Guy Geoffroy. C’est clair !

M. Jean-Frédéric Poisson. Enfin, monsieur le président, on ne peut pas continuer cette discussion dans un climat de suspicion. Je veux dire par là qu’il était très simple de faire droit à la demande de notre groupe de recompter par assis et levé. Nous sommes des démocrates, comme vous : s’il avait été vérifié arithmétiquement que nous étions minoritaires, nous aurions respecté le règlement et nous n’aurions pas entamé la discussion que nous avons maintenant.

M. Yves Nicolin. Exactement !

M. Jean-Frédéric Poisson. Il est fort dommage que sur un texte de cette importance, qui porte précisément sur une prétendue revalorisation du Parlement, on démarre la discussion de cette manière.

M. Daniel Fasquelle. Ça, c’est sûr ! Il y a sur ces bancs des têtes qu’on ne voit pas souvent ! Le téléphone a chauffé !

M. Jean-Frédéric Poisson. Monsieur le président, si jamais cette situation devait se reproduire – et elle ne manquera certainement pas de se reproduire dans les heures qui viennent – j’espère que le compte des voix se fera d’une manière plus exacte.

M. Jean-Luc Reitzer. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Christian Jacob, pour un rappel au règlement.

M. Christian Jacob. Monsieur le président, nous venons d’être interpellés par un collègue de la majorité, qui nous demande pourquoi nous n’avons pas demandé un scrutin public.

Pourquoi n’avons-nous pas demandé de scrutin public ? La réponse est très claire : parce que, en s’asseyant d’ailleurs sur notre règlement, on considère désormais qu’une suspension de séance peut avoir lieu lorsqu’un scrutin public est demandé. Nous savions pertinemment que nous étions majoritaires et que si nous demandions un scrutin public, il y aurait une suspension de séance !

M. Jean-Frédéric Poisson. Absolument !

M. Christian Jacob. Car c’est ainsi que vous procédez à chaque fois !

M. Guy Geoffroy. C’est le cumul des magouilles !

M. Christian Jacob. À chaque fois ! C’est la raison pour laquelle nous voulions procéder à un vote par assis et levé. C’est cela que nous avons demandé à la présidence, et je ne vois pas pourquoi on nous l’a refusé. Je souhaiterais d’ailleurs, monsieur le président, que vous-même, ou le président de l’Assemblée nationale, nous fassiez une réponse précise et que vous nous expliquiez pourquoi on a refusé à un président de groupe de procéder à un vote par assis et levé après un vote qui a été contesté et qui est très contestable. L’annonce du rejet de notre amendement est faussée et je demande que l’on revienne sur ce vote.

M. Jean-Luc Reitzer. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Bruno Le Roux, pour un rappel au règlement.

M. Bruno Le Roux. Monsieur le président Jacob, ce n’est pas en criant qu’on est majoritaire, qu’on le devient. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Vous criez une nouvelle fois…

Mme Valérie Boyer. Regardez la vidéo !

M. Bruno Le Roux. On procède toujours à trois comptages, et je trouve que ce que vous faites en ce moment est particulièrement grave. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Pas pour le débat qui nous occupe, car nous sommes habitués à votre mauvaise foi, monsieur le président Jacob… Mais vous savez que l’on procède dans cet hémicycle, à chaque fois qu’il y a des votes, à un triple comptage.

M. Guy Geoffroy. Justement !

M. Christian Jacob. On ne vous voit pas beaucoup dans l’hémicycle, monsieur Le Roux !

M. le président. S’il vous plaît, monsieur Jacob !

M. Bruno Le Roux. Monsieur Jacob…

M. Christian Jacob. Il faut être là !

M. le président. Monsieur le président Jacob, s’il vous plaît. Seul M. Le Roux a la parole !

M. Bruno Le Roux. Monsieur Jacob, baissez un peu le ton ! Ce n’est pas en criant que vous allez devenir majoritaires !

M. Christian Jacob. Respectez l’institution !

M. Bruno Le Roux. Je vous demande de baisser le doigt et d’être un peu moins arrogant, monsieur Jacob !

M. Christian Jacob. Vous avez pris la présidence à témoin tout à l’heure ! Ne faites pas votre numéro de clown ! (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Bruno Le Roux. En matière de numéro, vous vous y connaissez : celui que vous nous avez fait ce matin, quand vous nous avez tiré des larmes et nous parlant de votre venue du syndicalisme, qui vous permet d’arriver là, tout en faisant un procès d’intention, était minable, monsieur Jacob. (Protestations sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

Plusieurs députés du groupe UMP. Fait personnel !

M. Bruno Le Roux. Alors arrêtez un peu ! Arrêtez votre numéro permanent ! Il y a toujours un triple comptage dans cet hémicycle…

M. Jean-Frédéric Poisson. Bien sûr…

M. Bruno Le Roux. …celui qui est fait par nos collaborateurs, de chaque côté, et celui que font les personnes placées auprès du président.

M. Christian Jacob. C’est aux députés d’être là !

M. Bruno Le Roux. Et vos propos sont particulièrement graves, parce que ce matin, il n’y avait absolument aucune ambiguïté quant à la majorité. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Yves Nicolin. Vous mentez !

M. Bruno Le Roux. Et ce ne sont pas vos cris qui peuvent changer la réalité de ce qu’était la mobilisation ! Alors, monsieur Jacob, si vous aviez été présent à ce moment-là, et si vous aviez utilisé le peu d’autorité que vous avez comme président de groupe, vous auriez demandé un scrutin public, afin de disposer d’un compte précis. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. - (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Claude Goasguen. C’est à la NSA qu’il faut demander ! Ils sont très forts !

M. le président. Mes chers collègues, j’ai encore quelques demandes d’intervention, après quoi je répondrai, car il me revient encore de répondre. Je vous propose donc de donner la parole aux quelques personnes qui me l’ont demandée, puis je répondrai, au nom de la présidence de l’Assemblée nationale, pour que nous puissions poursuivre nos travaux.

La parole est à Mme Sandrine Mazetier, pour un rappel au règlement.

Mme Sandrine Mazetier. Je voudrais inviter l’ensemble de nos collègues, tous bancs confondus, à un peu de calme et d’apaisement.

M. Jean-Luc Reitzer. Ben voyons !

Mme Sandrine Mazetier. Je leur demande aussi, puisque nous débattons d’un texte où il est beaucoup question de la revalorisation du Parlement…

M. Jean-Luc Reitzer. Justement !

Mme Sandrine Mazetier. …de respecter le rôle du Parlement et de lui faire confiance. Si la présidence est exercée par la majorité et par l’opposition, et s’il y a chaque semaine une Conférence des présidents, qui gère et organise les travaux de notre assemblée, ce n’est pas pour rien. Quand la présidence, quelle que soit la personne qui l’exerce, est contestée, c’est toute notre assemblée qui est affaiblie. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

M. Yves Nicolin. Si vous êtes si sûre de vous, faites revoter !

Mme Sandrine Mazetier. Monsieur le président Jacob, je ne vous renverrai pas au règlement. Vous le connaissez aussi bien que tout président de séance.

M. Bruno Le Roux. Ce sont des voyous ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean-Luc Reitzer et M. Daniel Fasquelle. C’est honteux !

Mme Sandrine Mazetier. Si vous-même aviez eu la certitude… (Mêmes mouvements)

M. le président. S’il vous plaît ! Laissez les orateurs s’exprimer !

M. Thierry Solère. Les insultes, c’est scandaleux !

M. le président. Madame Mazetier, vous avez la parole.

Mme Sandrine Mazetier. Si vous-même aviez eu la certitude d’être majoritaires, vous auriez demandé ce qui est possible à tout moment, à savoir un scrutin public.

M. Christian Jacob. J’ai expliqué pourquoi je ne l’ai pas fait !

Mme Sandrine Mazetier. D’ailleurs, j’ai regardé jusqu’au dernier moment. Vous étiez avec vos collaborateurs, ce qui est parfaitement normal, pour déterminer s’il fallait faire une demande de scrutin public.

Or il faut, comme chacun sait, que cinq minutes s’écoulent entre le moment où le scrutin public est annoncé et le moment où le scrutin se déroule. J’avais informé le responsable du groupe UMP sur ce texte, M. Poisson, que je devais lever la séance à douze heures quarante-cinq. La séance a été levée plus tard, pour laisser le temps au Gouvernement et à la commission de répondre, et même pour que l’opposition réponde au Gouvernement. J’ai ensuite procédé au vote. Si le groupe UMP, le groupe UDI, ou tout autre groupe, avait demandé un scrutin public, il aurait eu lieu.

M. Guy Geoffroy et M. Thierry Solère. Nous voulions un vote par assis et levé !

Mme Sandrine Mazetier. Il me semble que notre règlement prévoit la possibilité de vérifier des majorités ou des minorités. Vous ne l’avez pas fait : c’est donc que vous n’aviez pas beaucoup de certitudes sur la question.

M. Jean-Luc Reitzer. Une mauvaise foi pareille, c’est rare !

M. le président. La parole est à M. Christian Jacob, pour un rappel au règlement.

M. Christian Jacob. Monsieur le président, j’ai eu l’occasion d’exposer, lors de ma précédente intervention, la raison pour laquelle nous n’avons pas demandé de scrutin public. Nous n’en avons pas demandé, parce qu’il y a régulièrement un détournement du règlement. Lorsqu’on demande un scrutin public et que la majorité constate qu’elle est minoritaire, il y a systématiquement des suspensions de séance, qui peuvent parfois durer trois quarts d’heure ou une heure.

M. Bruno Le Roux. Ce sont des arguties !

M. Christian Jacob. Telle est la réalité : le règlement est régulièrement détourné.

M. Daniel Fasquelle. C’est la réalité !

M. Christian Jacob. C’est la raison pour laquelle nous n’avons pas demandé de scrutin public…

Mme Sandrine Mazetier. C’est dommage !

M. Christian Jacob. …et nous avons souhaité qu’il soit procédé à un vote de vérification par assis et levé. Il figure dans notre règlement et vous aviez tout à fait la possibilité d’y procéder, plutôt que de lever la séance et de quitter le perchoir.

Je ne veux pas relever les attaques de M. Le Roux, mais quand même ! Avoir pour seul argument de me traiter de minable ou de voyou ! Essayez de vous mettre un peu au niveau de vos responsabilités, monsieur Le Roux ! Vous êtes, de tous les présidents de groupe de cette assemblée, le plus absent de l’hémicycle ! Et pourtant, vous avez un mandat unique.


Vous n’êtes jamais là ! Vous ne venez qu’une fois de temps en temps, pendant cinq minutes, faire un numéro de cirque ou de clown.

Au-delà, vous avez un vrai problème de leadership dans votre groupe. Et cela s’est vu ! C’est la raison pour laquelle plusieurs de vos collègues ont voté notre amendement. Vous étiez minoritaires !

M. Thomas Thévenoud. C’est faux !

M. Christian Jacob. Monsieur Le Roux, vous ne mettez pas les pieds dans l’hémicycle ! Vous venez uniquement faire vos petits numéros de cirque. Vous êtes le président de groupe le plus absent. Qu’il s’agisse des groupes écologiste, des radicaux, de l’UDI, de l’UMP ou des communistes, leurs présidents de groupe sont là. Vous n’êtes jamais là ! Vous venez à chaque fois pour provoquer un incident puis vous repartez !

Je prends les paris : dans un quart d’heure, vous serez reparti.

M. Bruno Le Roux. Cinq minutes !

M. Christian Jacob. Et l’on vous reverra peut-être demain, s’il y a un incident de groupe. Sinon, on ne vous verra pas de l’après-midi, et on ne vous verra pas non plus de la nuit, parce que les séances, ce n’est pas votre fort ! Vous êtes un président absent !

N’ayez pas pour seul argument de traiter les autres de voyous et de minables. Les autres, eux, sont dans l’hémicycle et font le travail que vous êtes incapable de faire ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour un rappel au règlement.

M. Jean-Christophe Lagarde. Monsieur le président, j’ai eu l’honneur à deux reprises en quelques années d’exercer les fonctions qui vous échoient aujourd’hui.

J’ai assisté deux fois à des situations identiques. Il n’est pas vrai de dire que cela ne s’est jamais produit, cela est arrivé deux fois. Une fois, lorsque Jean-Louis Debré présidait une séance consacrée au vote sur le génocide arménien, il a fait exactement la même chose que Mme Sandrine Mazetier. Il a constaté un vote, ce vote ne lui semblait pas certain – je le formule ainsi pour respecter l’institution – puis il a immédiatement levé et quitté la séance.

J’entends l’argument, qui me paraît tout à fait spécieux, selon lequel le ministre de l’intérieur avait autre chose à faire et qu’il fallait donc lever la séance. J’avais cru comprendre que dans nos institutions, le Gouvernement se tenait à la disposition de l’Assemblée nationale. Je comprends que sous la présidence de Mme Mazetier, c’est l’Assemblée nationale qui est à la disposition du ministre de l’intérieur, selon son agenda.

M. Manuel Valls, ministre. Mais non !

M. Jean-Christophe Lagarde. Mais je ne pense pas que cela empêchait en quoi que ce soit de recompter. Un scrutin par assis et levé prend quelques secondes, mais vous ne l’avez pas fait. Non pas que le scrutin ou le vote ait été certain, mais vous avez constaté qu’au sein de la majorité, qui était numériquement plus nombreuse que l’opposition, c’est certain, des députés votaient l’amendement présenté par l’opposition. Et ils l’ont fait pour une raison simple : un certain nombre de membres de la majorité avaient déposé eux-mêmes un amendement de suppression identique.

Alors que nous parlons de revaloriser cette institution, nous sommes en difficulté dès le début de ce texte. Je formule donc une demande auprès de la présidence : tous nos débats sont enregistrés et filmés, et il est très facile, grâce aux images qui ont été enregistrées, de compter et de vérifier. Nous ne reviendrons pas sur le vote, mais au moins cela permettrait de ramener de la sérénité.

M. Bruno Le Roux. Chiche !

M. Jean-Christophe Lagarde. Et bien chiche, comme vous le dites ! Demandez donc à votre tour que l’on puisse faire le décompte sur les images vidéo. On ne reviendra pas sur le vote, mais on saura effectivement si la présidence de cette Assemblée a été impartiale. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)

M. le président. Mes chers collègues, il me revient, en ma qualité de président de cette séance, de prendre acte des rappels au règlement qui viennent d’être effectués, mais comme cela est de règle, je me dois de rappeler à tous les groupes que ceux-ci ne peuvent conduire à une remise en cause de l’impartialité de la présidence de séance.

M. Yves Nicolin. C’est pourtant une réalité !

M. le président. En l’occurrence, Mme Sandrine Mazetier a mis aux voix à main levée les amendements de suppression de l’article 1er

M. Yves Nicolin. Elle a triché !

M. le président. …sachant, comme elle vient de le confirmer, qu’aucune demande de scrutin public n’a été formulée en dépit de la présence de présidents de groupe ou de leurs délégués. À l’issue de l’épreuve, elle a normalement annoncé le résultat du vote. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean-Luc Reitzer. Elle s’est levée et elle est partie !

M. Yves Nicolin. Elle a triché !

M. le président. Je rappelle que seuls les présidents de séance ont une vue d’ensemble de l’hémicycle, c’est une constante, et je vous prie de croire que c’est une réalité.

C’est à eux seuls qu’il revient de proclamer les résultats d’un vote ; en aucun cas ils n’ont à communiquer le décompte des voix qui est de leur seule responsabilité, c’est une pratique constante de cette Assemblée.

M. Jean-Luc Reitzer. C’est la Biélorussie ici !

M. le président. Par ailleurs, les demandes de scrutin par assis et levé ont été faites après la clôture de séance.

M. Jean-Christophe Lagarde. Elle s’est sauvée !

M. le président. En l’occurrence, le dispositif a été parfaitement respecté. (Protestations sur les bancs des groupes UMP et UDI.) Je vous propose donc que nous reprenions nos travaux. (Mêmes mouvements.)

M. Yves Nicolin. Vous êtes en train de reconnaître la magouille !

M. le président. Je pense qu’il ne sert à rien de s’invectiver. J’assumerai la présidence, comme le font mes collègues, avec la même impartialité.

Mme Valérie Boyer. Cela n’augure rien de bon !

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson.

M. Jean-Frédéric Poisson. Monsieur le président, compte tenu des circonstances, je demande une suspension de séance d’une dizaine de minutes au nom de mon groupe.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue, pour cinq minutes.

(La séance, suspendue à quinze heures vingt, est reprise à quinze heures vingt-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

2

Interdiction du cumul de fonctions exécutives locales avec le mandat de député ou de sénateur

Suite de la discussion
d’un projet de loi organique

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi organique interdisant le cumul de fonctions exécutives locales avec le mandat de député ou de sénateur (nos 885, 1173).

Discussion des articles (suite)

M. le président. Ce matin, l’Assemblée a commencé l’examen des articles, s’arrêtant à l’amendement n° 228 à l’article 1er. Cet amendement fait partie d’une série d’amendements pouvant être soumis à une discussion commune.

Article 1er (suite)

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer, pour soutenir l’amendement n° 228.

M. Francis Vercamer. On s’appuie souvent sur l’opinion publique pour justifier un certain nombre de projets de loi, répétant : « Les Français pensent que… »

Et bien les Français pensent qu’il ne faut pas cumuler les indemnités d’élu, mais le cumul des mandats en lui-même leur importe peu. Je voudrais dire à ce propos que le cumul des mandats fait plutôt réaliser des économies à la République, d’ailleurs l’étude d’impact ne détaille pas le coût de cette loi.

C’est un aparté par rapport à mon amendement qui tend à empêcher le cumul des indemnités d’élu local et d’élu national. Cela permettrait à chacun de cumuler s’il le souhaite, de manière bénévole, s’il a des convictions et qu’il a envie de se battre pour sa région, pour sa commune ou pour son département. Il pourrait continuer à le faire sans toucher un seul euro d’indemnité supplémentaire, puisqu’il ne garderait que l’indemnité parlementaire.

Cet élément permettrait de satisfaire les Français. On ne dépenserait pas d’argent public pour cumuler des mandats, et cela permettrait à ceux qui veulent cumuler les mandats et œuvrer à la fois pour leur territoire et au niveau national de le faire.

M. le président. La parole est à Mme Barbara Romagnan, pour soutenir l’amendement n° 164.

M. Jean-Luc Reitzer. On ne peut pas intervenir sur l’amendement de M. Vercamer ?

M. le président. Attendez monsieur Reitzer, ce sont des amendements en discussion commune.

M. Manuel Valls, ministre. Un peu de calme, monsieur Reitzer ! Vous êtes excité comme une puce ! Vous n’êtes pas aux jeunesses RPR !

Mme Barbara Romagnan. Cet amendement tend à défendre l’instauration du mandat unique. À mon sens, cela s’inscrit dans la logique du texte, même si tout le monde n’en est pas encore convaincu. Il me semble que l’adoption de cet amendement contribuerait à la lutte contre les conflits d’intérêts, même si cela ne suffit pas.

Les conflits d’intérêts ne posent pas seulement problème lorsqu’ils sont avérés, mais aussi du simple fait que le doute puisse exister. Je ne dis pas que c’est ce qui se passe systématiquement, mais un député-maire peut parfois venir défendre les intérêts de sa ville à l’Assemblée nationale et en oublier l’intérêt général. L’existence de ce doute fragilise les institutions.

Nombre d’entre nous avons avancé l’argument de l’expérience. Exercer un mandat de façon exclusive n’empêche pas d’avoir exercé préalablement un mandat local ou autre. À la démission de ce mandat, l’expérience ne disparaît pas. De même, d’autres types d’expérience peuvent être mis en valeur. Même si l’on n’a pas été parlementaire ou que l’on n’a pas exercé un mandat d’élu auparavant, on peut néanmoins avoir été militant syndical, avoir élevé ses enfants, avoir une expérience de chef d’entreprise. Toutes ces expériences peuvent avoir du sens.

Et quand bien même ce type d’expériences ferait défaut, un peu de fraîcheur dans nos différentes assemblées ne pourrait pas nuire. D’autant que si certains cumulent dans le temps ou sur un territoire pendant trop longtemps, cela empêche les autres d’acquérir une expérience utile.

Enfin, je pense que l’on est plus intelligent à plusieurs que tout seul.

M. Jacques Myard. Ça n’est pas sûr à gauche !

Mme Barbara Romagnan. Il est vrai qu’un parlementaire qui cumule des mandats ne travaille pas forcément moins bien qu’un autre qui aurait un mandat unique. Mais il me semble que lorsque le cumul est la règle, on prend davantage de risques et l’on obère nos chances de renouveler la classe politique et de profiter de l’expérience d’autres élus.

Outre qu’on est plus intelligents à plusieurs que tout seul, deux mandats valent mieux s’ils sont exercés en bonne intelligence par deux personnes que s’ils le sont par là même. Chez vous comme chez nous, un mandat de maire d’une grande ville et un mandat de sénateur seraient sans doute mieux exercés s’ils l’étaient par deux personnes différentes – à moins que vous ne manquiez de compétences, et nous aussi.

Rappels au règlement

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour un rappel au règlement.

M. Jean-Christophe Lagarde. Monsieur le président, je suis très étonné que les amendements nos 164 à 193, qui se ressemblent – j’en conviens –, fassent l’objet d’une discussion commune avec l’amendement n° 228. Ce dernier a un objet totalement différent.

M. Claude Goasguen. C’est vrai !

M. Jean-Christophe Lagarde. Dans l’amendement n° 164, il est proposé qu’on ne puisse exercer d’autre mandat que celui de parlementaire. D’autres amendements visent à permettre l’exercice d’un mandat local et d’un mandat national.

M. Manuel Valls, ministre. Dans tous les cas, on réécrit l’article 1er !

M. Jean-Christophe Lagarde. L’amendement n° 228 défendu par le groupe UDI n’a strictement rien à voir : il n’a pas pour objet de limiter les mandats.

M. Claude Goasguen. Je suis d’accord !

M. Jean-Christophe Lagarde. Je ne comprends donc pas pourquoi ces amendements font l’objet d’une discussion commune : cela signifie d’ailleurs que l’adoption de l’un d’entre eux ferait tomber les autres, alors que les sujets sont différents. Monsieur le président, je souhaite obtenir des explications.

Je reviens à l’échange précédent – la séance a été reprise après cinq minutes de suspension et je n’ai pas pu entrer à temps dans l’hémicycle. Alors qu’il n’y a jamais de comptage a priori lors d’un vote par assis et levé, le président de l’Assemblée nationale – je ne parle pas du président de séance, que je respecte également – peut-il nous expliquer pourquoi nous ne pouvons pas avoir accès à la vidéo en question ? Cela rassérénerait pourtant nos débats ! Il s’agit d’une demande simple, posée calmement, sans invectives et sans les insultes que j’ai entendues tout à l’heure. Monsieur le président, je souhaite que vous saisissiez le président Bartolone pour qu’il puisse nous rassurer sur l’effectivité du vote auquel il a été procédé à la fin de la séance de ce matin.

M. Guy Geoffroy. M. Le Roux est parti : il est sans doute en train de visionner la vidéo !

M. le président. Monsieur Lagarde, je transmettrai votre demande au président Bartolone qui évoquera cette question, s’il le souhaite, en conférence des présidents.

Quant à votre première question, l’ensemble de ces amendements visent à réécrire l’article 1er : c’est pourquoi ils font l’objet d’une discussion commune, comme cela a toujours été l’habitude dans cette assemblée.

La parole est à M. Roger-Gérard Schwartzenberg, pour un rappel au règlement.

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Monsieur le président, je comprends votre argument : il est vrai que ces différents amendements visent à réécrire l’article 1er. Cependant, ils portent sur des aspects assez différents : l’amendement relatif au non-cumul des indemnités est très éloigné, par son objet, de celui présenté par Mme Romagnan. Il serait donc légitime que ces deux amendements fassent l’objet de votes séparés, d’autant que le groupe RRDP a déposé lui aussi un amendement préconisant le non-cumul des indemnités au cas où serait maintenue la possibilité de cumuler un mandat parlementaire avec une fonction exécutive locale.

M. le président. Qu’il n’y ait pas de confusion, monsieur le président Schwartzenberg : ces amendements feront forcément l’objet de votes séparés. Nous sommes dans une discussion commune : il ne s’agit pas d’amendements identiques.

M. Christophe Caresche. Évidemment !

Article 1er (suite)

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer, pour soutenir l’amendement n° 219.

M. Francis Vercamer. Monsieur le président, je prends acte de vos explications concernant la discussion commune. Mais le fait que l’on mette sur le même pied un amendement sur les indemnités et un amendement sur le cumul des mandats me laisse, moi aussi, assez perplexe.

L’amendement n° 219 vise à permettre l’exercice simultané d’un mandat national et d’un seul mandat local. On ne pourrait plus être à la fois président d’une intercommunalité, maire et député ; en revanche, on pourrait très bien être parlementaire et maire. C’est d’ailleurs notre position depuis longtemps, et nous la rappelons depuis le début de cette discussion : l’ancrage local est non seulement important, mais il est aussi nécessaire de sorte à avoir une véritable connaissance du terrain et à pouvoir faire remonter les problèmes à l’échelle nationale.

Je serais même partisan de rendre le cumul obligatoire : nous éviterions ainsi des discussions comme celles que nous avons eues tout à l’heure, qui sont assez particulières et ne font pas de bien à la démocratie. Je le dis comme je le pense : les invectives en séance publique, comme celles qu’a prononcées le président du groupe SRC, ne devraient pas se produire, surtout de la part d’un président de groupe.

Quoi qu’il en soit, cet amendement vise à permettre le cumul d’un mandat local et d’un mandat national.

M. le président. Dans la discussion commune, je suis saisi de trois amendements identiques, nos 68, 108 et 154.

La parole est à M. Nicolas Dhuicq, pour soutenir l’amendement n° 68.

M. Nicolas Dhuicq. Monsieur le ministre, vous affirmez depuis hier soir que votre projet de loi est clair. C’est tout le contraire : comme nous l’avons déjà dit, il s’agit d’un système cohérent de destruction de la Ve République.

Vous renforcez l’ambiguïté, à force de céder aux tricoteuses (Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC) qui demanderont toujours plus aux parlementaires et de taper sur les élites. La République nécessite des élites, des personnes cultivées capables de comprendre et de défendre l’intérêt du peuple. (Exclamations persistantes sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Marie-Françoise Clergeau. Monsieur Dhuicq, vos propos comportent des mots suspects ! Vous avez parlé de tricoteuses !

M. Nicolas Dhuicq. Ces mêmes personnes sont représentées sur le bronze fixé au mur d’un salon derrière l’hémicycle et érigé à l’occasion du centenaire de la Révolution française : elles furent toutes décapitées à partir de 1793. Vous cédez aux tricoteuses (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), mais dans le même temps, puisque les habitudes de la SFIO sont tenaces, vous constituez un parti de notables. Vous le savez pertinemment ! (Mêmes mouvements.)

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Vous déraisonnez sérieusement, monsieur Dhuicq !

M. Nicolas Dhuicq. Vous laissez prospérer les féodalités sur les territoires, les présidents de régions et de départements socialistes qui dominent jusqu’à la presse. (Mêmes mouvements.) Vous dominez ; vous pourrez jouer avec ces pions que sont les députés et que vous pourrez faire bouger ou interchanger.

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Vous êtes totalement déraisonnable ! Vous n’allez pas bien du tout !

M. Nicolas Dhuicq. Vous abaissez définitivement la fonction parlementaire, tout en expliquant au peuple que vous faites le contraire. C’est une œuvre délétère !

Mme Marie-Anne Chapdelaine. N’importe quoi !

M. Nicolas Dhuicq. Vous détruisez la nation !

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Est-ce que vous vous écoutez parler, monsieur Dhuicq ?

M. Nicolas Dhuicq. Vous détruisez la Ve République ! Vous ne voulez pas choisir entre une organisation que la France a toujours connue et une décentralisation. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Vous n’allez pas bien du tout !

M. Nicolas Dhuicq. Continuez à vous énerver ! Allez-y, chers collègues : les caméras vous filment ! (Mêmes mouvements.)

Vous détruisez la nation ! (Mêmes mouvements.) Vous le savez pertinemment.

M. Christophe Caresche. Vous êtes insupportable !

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Vos propos sont inacceptables !

M. Guy Geoffroy. Monsieur Urvoas, arrêtez de vociférer !

M. le président. Mes chers collègues, calmez-vous, s’il vous plaît. Nous avons plusieurs heures à passer ensemble : il serait de bon ton que chacun s’exprime en respectant chacun des membres de notre assemblée.

La parole est à Mme Annie Genevard, pour soutenir l’amendement n° 108.

Mme Annie Genevard. Mes chers collègues, je n’aime pas le ton de nos débats.

M. Manuel Valls, ministre. Moi non plus !

Mme Annie Genevard. Je n’aime pas le ton de vos interventions : elles sont moqueuses et même méprisantes. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Marietta Karamanli. Vous vous adressez à M. Dhuicq, j’espère !

M. Jean-Michel Villaumé. Dites ça à M. Dhuicq !

Mme Annie Genevard. Nous vous parlons de passion pour le mandat local et de sa complémentarité avec le mandat national : vous persiflez, vous vous moquez, vous ironisez sur une réalité que beaucoup d’entre vous ne connaissez pas, avec une arrogance insupportable.

Monsieur Denaja, vous rendez-vous compte de ce que vous dites parfois ? Ce matin, vous nous avez conseillé d’être conseillers municipaux pour avoir « les pieds dans la glèbe, la tête dans les étoiles ». Cette formule sonnait bien !

M. Sébastien Denaja. Relisez Confucius, madame Genevard !

M. Guy Geoffroy. C’est davantage la confusion que Confucius ! (Sourires sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Annie Genevard. Monsieur Denaja, lorsque vous avez été maire, jugez-vous probable de redevenir conseiller municipal ?

Plusieurs députés du groupe SRC. Oui !

M. Jean-Michel Clément. Pourquoi pas ?

M. Philippe Baumel. J’en suis la preuve !

Mme Annie Genevard. Ce cas de figure arrivera peu souvent, croyez-moi ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Oui, nous sommes particulièrement attachés au mandat de député-maire. Nous le revendiquons : cette combinaison est heureuse et utile. (Mêmes mouvements.)

M. Sébastien Denaja. Il faut éviter les métaphores : c’est trop compliqué pour Mme Genevard !

M. Guy Geoffroy. Ça, c’est sympa, monsieur Denaja !

M. le président. S’il vous plaît, monsieur Denaja !

Mes chers collègues, il est totalement inutile de lancer des invectives entre les deux côtés de cet hémicycle. Écoutons les différents intervenants !

Vous pouvez poursuivre, madame Genevard.

Mme Annie Genevard. Avec cette réforme, vous allez créer deux classes politiques : une classe politique locale et une classe politique nationale sans le lien qu’établissait le mandat de maire. Et vous prônez l’unité de la nation !

Notre collègue Jean-Luc Reitzer a admirablement évoqué le mandat municipal. Personne n’aurait pu le faire mieux que lui, et je veux lui rendre hommage. C’est de cet humanisme-là que vous allez priver le Parlement.

M. Manuel Valls, ministre. Ce n’est pas de l’humanisme ! Ou alors, c’est de l’humanisme de droite !

Mme Annie Genevard. Monsieur le ministre, vous avez affirmé ce matin à la radio qu’il s’agissait d’une révolution démocratique. Oui, c’est une révolution, mais elle n’a rien de démocratique ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Daniel Fasquelle, pour soutenir l’amendement n° 154.

M. Daniel Fasquelle. Monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, je déplore une fois de plus que nous n’ayons pas d’informations sur ce que vous souhaitez faire de cette assemblée. Allez-vous diminuer ou non le nombre de députés ? Allez-vous introduire une dose de proportionnelle, et laquelle ? Nous n’avons jamais de réponse.

M. Manuel Valls, ministre. Je vais répondre.

M. Daniel Fasquelle. On parle de plan caché. Monsieur Borgel affirme qu’il n’y a pas de plan du tout : c’est encore pire ! Vous ne savez vraiment pas où vous allez : tout cela me semble extrêmement confus et dangereux.

M. Guy Geoffroy. Vous êtes des capitaines de pédalo sans boussole !

M. Daniel Fasquelle. Sans vouloir forcément critiquer votre projet, j’essaie de le comprendre et de rentrer dans votre démarche.

M. Jean-Christophe Lagarde. Impossible !

M. Daniel Fasquelle. Il faut être cohérent. Vous admettez le cumul entre le mandat de député et une activité privée, parce que vous avez reconnu vous-même qu’il n’était pas sain que les députés qui le souhaitaient soient privés de cette possibilité. Vous permettez le cumul entre un mandat de député et une fonction de conseiller général ou régional. Dès lors, il faut aller au bout de la démarche ! Vous nous demandez de tenir compte de la décentralisation et d’un certain nombre de strates nouvelles, notamment des EPCI, qui n’existaient pas et montent en puissance. Chiche ! Allons dans le même sens et essayons de nous retrouver sur ce sujet : limitons le cumul à un mandat national et un mandat local.

Certains d’entre nous sont à la fois députés, maires et présidents d’intercommunalité. On nous demande de choisir, parmi ces trois mandats, un mandat national et un mandat local, c’est-à-dire de choisir entre l’EPCI et la mairie. C’est une décision que nous pourrions éventuellement comprendre et sur laquelle nous pourrions nous retrouver. Nous pensons – et, au fond, vous êtes aussi nombreux à en être absolument convaincus – qu’il est tout à fait possible de mener de front les fonctions de député et de maire, de même qu’il est possible de mener de front un mandat de député et une activité professionnelle. Retrouvons-nous autour de cette proposition simple, claire et nette : permettons le cumul d’un mandat national et d’un mandat local. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour donner l’avis de la commission sur l’ensemble de ces amendements soumis à une discussion commune.

M. Christophe Borgel, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Sur l’amendement n° 228 défendu par M. Vercamer, la commission a émis un avis défavorable. La création d’une incompatibilité entre les mandats est le moyen le plus simple d’avoir une incompatibilité entre les indemnités.

M. Francis Vercamer. Et pour le conseiller général et le conseiller régional ?

M. Christophe Borgel, rapporteur. J’aurais préféré un autre amendement – pour d’autres raisons, j’aurais également émis un avis défavorable – qui aurait visé à instaurer l’incompatibilité avec les mandats de conseiller général et de conseiller régional.

Nous n’avons pas souhaité entrer dans la logique des indemnités, afin de ne pas donner le sentiment assez désagréable que certains de nos collègues qui défendent l’idée qu’exercer à la fois un mandat de parlementaire et une fonction exécutive locale est nécessaire pour avoir un ancrage local – c’est leur droit – le faisaient avec un souci d’abord indemnitaire. Je n’ai jamais suivi cette logique : c’est pourquoi j’émets un avis défavorable à ce type d’amendements. Je ne veux pas donner à ceux qui nous écoutent ou nous regardent l’impression que la défense du cumul obéit à une logique financière.

Soit nous créons une incompatibilité de fait, et la possibilité de cumuler les indemnités tombe de fait, soit nous ne la créons pas, et les élus exerçant en même temps différents mandats peuvent alors recevoir, dans la limite de l’écrêtement, les indemnités correspondantes.

J’en viens à la question du mandat unique défendu par Mme Romagnan dans son amendement n° 164. L’équilibre du projet de loi est le non-cumul entre un mandat de parlementaire et un exécutif local. Un certain nombre de nos collègues souhaitent aller plus loin en instaurant le mandat unique : c’est ce que propose Mme Romagnan et c’est ce qu’avait préconisé notre collègue Marc Dolez en commission. D’autres préfèrent ne pas aller jusque-là. Ce projet de loi a trouvé un bon équilibre, qu’il faut préserver : c’est pourquoi je vous demande de retirer votre amendement, madame Romagnan, faute de quoi j’appellerai notre assemblée à le rejeter.

M. Jean-Frédéric Poisson. Ça sent le retrait !

M. Christophe Borgel, rapporteur. J’en viens aux amendements identiques nos 68, 108 et 154. Avant de répondre au fond, je veux dire à notre collègue Dhuicq que je ne sais pas à quelles tricoteuses il faisait référence : celles qui attendaient devant l’échafaud que les têtes tombent…

M. Nicolas Dhuicq. C’est cela !

M. Christophe Borgel, rapporteur. …ou celles que l’on appelait aussi les avorteuses ?

M. Nicolas Dhuicq. Non !

M. Christophe Borgel, rapporteur. Cher collègue, ni dans un cas ni dans l’autre vos propos ne sont extrêmement élégants…

M. Nicolas Dhuicq. C’est pourtant la réalité !

M. Christophe Borgel, rapporteur. …et ne vous aident à convaincre l’assistance.

Aucune de ces références n’apporte quoi que ce soit au débat. En outre, vous nous accusez de vouloir détruire la République, et que cela serait même notre objectif central.

M. Nicolas Dhuicq. Oui.

M. Christophe Borgel, rapporteur. Soyons sérieux. Si vous voulez gagner en crédibilité, évitez l’outrance !

M. Christian Jacob. Vous détruisez la Ve République.

M. Christophe Borgel, rapporteur. Discutez-en avec Jean-Christophe Lagarde, qui a fait un réquisitoire vibrant contre la Ve République en défendant une motion de renvoi en commission.

M. Christophe Caresche. Et Bruno Le Maire !

Mme Valérie Boyer. Il n’est pas là.

M. Christophe Borgel, rapporteur. Monsieur Fasquelle, ce n’est pas parce que vous croyez avoir entendu des choses, que cela correspond à la réalité.

M. Christian Jacob. Vous faites alliance avec le Front national. Marion Maréchal-Le Pen l’a expliqué. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Laissez répondre le rapporteur.

M. Christian Jacob. Elle vous l’a dit !

M. le président. Vous avez la parole, monsieur le rapporteur.

M. Christophe Borgel, rapporteur. Monsieur Fasquelle, j’ai dit qu’il n’y avait pas de plan caché et je le répète. Le seul qui a dit qu’il fallait diminuer le nombre de parlementaires, c’est notre collègue Bruno Le Maire à la tribune de cette Assemblée.

M. Christophe Caresche. Exactement !

M. Christophe Borgel, rapporteur. Or il ne me semble pas qu’il appartienne à la majorité…

Pour ce qui nous concerne, il n’y a pas de plan, mais un projet de loi dont nous discutons.

M. Daniel Fasquelle. Alors répondez.

M. Christophe Borgel, rapporteur. Essayons d’apporter des arguments de fond.

M. Daniel Fasquelle. Répondez. Allez-vous diminuer le nombre de députés ? Vous n’avez pas répondu.

M. Christophe Borgel, rapporteur. Votre proposition veut donner le sentiment que vous n’êtes pas totalement hostile à l’aspiration des Français à une réduction du cumul et que votre amendement va très loin.

M. Daniel Fasquelle. C’est une voie moyenne.

M. Christophe Borgel, rapporteur. En fait, pour vous, l’essentiel est la législation actuelle qui prévoit déjà que l’on ne peut pas être parlementaire, maire et président de département ou président de région.

M. Daniel Fasquelle. Président d’intercommunalité.

M. Christophe Borgel, rapporteur. Pour plus de clarté, vous auriez dû limiter votre amendement.

M. Daniel Fasquelle. Merci, cher professeur.

M. Christophe Borgel, rapporteur. M. Poisson s’était soumis à cet exercice en commission. Mieux vaut rédiger des amendements qui correspondent à vos propositions. Vous proposez de limiter le débat sur le cumul entre un mandat de parlementaire, de maire ou président d’intercommunalité. De notre point de vue, cela ne va pas assez loin et c’est en outre contradictoire avec les propos qui ont été tenus depuis le début du débat.

M. Daniel Fasquelle. Vous n’avez pas à m’expliquer comment je dois rédiger mes amendements !

M. Christophe Borgel, rapporteur. Vous avez en effet évoqué les problèmes de non-cumul à l’échelle locale en précisant qu’il serait aujourd’hui totalement incohérent d’interdire à un maire d’être en même temps président de l’intercommunalité. Compte tenu de l’état d’avancement des intercommunalités, je n’y suis pas favorable. Cela dit, votre amendement est un tout petit pas et j’espère que d’ici à la fin du débat, vous en ferez de plus grands…

M. Daniel Fasquelle. Et vous aussi ! Sans faux pas !

M. Christophe Borgel, rapporteur. …dans le sens du non-cumul, attendu par nos concitoyens. Avis défavorable, donc.

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur, pour donner l’avis du Gouvernement sur ces amendements ?

M. Daniel Fasquelle. Allez-vous diminuer le nombre de députés et introduire la proportionnelle ?

M. Manuel Valls, ministre. Cela tombe bien ! Je vais essayer de répondre, même si ces sujets n’étaient pas au cœur des amendements qui ont été présentés.

Rappelons les engagements qui ont été pris dans plusieurs domaines touchant l’organisation des pouvoirs publics et des collectivités territoriales. Il y a d’abord eu l’abrogation du conseiller territorial. Nous avons, sur proposition de la délégation des droits des femmes du Sénat, instauré le scrutin binominal, donc la parité sur tout le territoire. Le débat a eu lieu et le texte a été voté et validé par le Conseil constitutionnel.

M. Jean-Christophe Lagarde. On verra dans le temps !

M. Manuel Valls, ministre. Nous avons poursuivi, et nous étions d’accord, la démocratisation et l’approfondissement de l’intercommunalité, permettant au citoyen d’y voir plus clair, vu les compétences de ces instances. Nous avons abaissé le seuil où s’impose désormais la proportionnelle à mille habitants, avec un accord très large.

Nous vous proposons aujourd’hui le non-cumul des mandats. Ce n’est pas une surprise, puisque cela correspond à un engagement du Président de la République. J’ai bien compris que vous en demandiez davantage. Deux responsables politiques se sont exprimés de manière très claire sur la diminution du nombre de députés : François Bayrou, qui ne siège plus sur ces bancs, et Bruno Le Maire tout à l’heure.

M. Jean-Luc Reitzer. Il n’est pas présent.

M. Manuel Valls, ministre. Si vous avez des explications à demander, adressez-vous à votre collègue Bruno Le Maire, qui appartient à votre formation politique. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Daniel Fasquelle. C’est vous qui êtes ministre ! Répondez !

M. Manuel Valls, ministre. Que les choses soient claires : personne ne s’est exprimé dans ce sens.

M. Christian Jacob. Vous pouvez avoir un avis, monsieur le ministre ! Cela vous arrive !

M. Manuel Valls, ministre. Vous en avez sans doute un, monsieur Jacob ! Mais je vous invite à suivre les conseils du président de séance et à écouter les intervenants.

M. Christian Jacob. C’est pour cela qu’il faut répondre à nos questions.

M. le président. S’il vous plaît, chers collègues.

M. Manuel Valls, ministre. Ce n’est pas à l’ordre du jour. Je défends un texte de loi qui instaure le non-cumul des mandats et non la diminution du nombre des députés.

M. Daniel Fasquelle. Bref, vous ne dévoilerez pas votre plan.

M. Manuel Valls, ministre. Quant à l’introduction d’une dose de proportionnelle, c’est un engagement du Président de la République pris devant les Français.

M. Guy Geoffroy. Ah !

M. Manuel Valls, ministre. Je vous rappelle que Nicolas Sarkozy lui-même l’avait proposé pendant la campagne électorale. En tout état de cause, le débat viendra en temps utile.

S’il y avait – je l’ai indiqué ce matin dans une émission de radio – introduction d’une dose de proportionnelle, il faudrait envisager un redécoupage avant la mi-2016 afin de respecter le calendrier électoral.

M. Claude Goasguen. La logique, à l’œuvre, c’est la proportionnelle intégrale.

M. Manuel Valls, ministre. Ce n’est pas à l’ordre du jour, car ces textes n’ont pas été présentés en conseil des ministres. La réponse du Gouvernement est claire à cet égard.

S’agissant de vos attaques nous accusant de vouloir remettre en cause de la République, elles n’ont pas de sens et ne méritent pas d’être commentées.

À l’occasion de la révision constitutionnelle de 2008, le Président de la République avait demandé au Premier ministre François Fillon de consulter les groupes parlementaires sur l’introduction d’une dose de proportionnelle au Sénat et à l’Assemblée nationale, ainsi que sur le non-cumul des mandats. Ce débat, tout à fait légitime, vous l’avez eu au sein de votre formation politique en 2010 !

M. Daniel Fasquelle. Tout à fait.

M. Manuel Valls, ministre. Dans ces conditions, ne venez pas nous dire que nous remettons en cause la République, la Nation, la Patrie, les institutions de la Ve République.

M. Claude Goasguen. C’est pourtant le cas.

M. Manuel Valls, ministre. Pour ceux qui se réclament encore du gaullisme, il est tout de même assez étrange d’avoir aussi peur d’une remise en cause permanente des institutions de la VRépublique ! Pour ma part, je les crois suffisamment solides pour résister à des réformes en profondeur comme celles que nous vous proposons. Et en aucun cas, elles ne remettent en cause les institutions de la VRépublique. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Claude Goasguen. Ce n’est pas le sujet !

M. Manuel Valls, ministre. Si, monsieur Goasguen ! Il s’agit tout simplement de tirer les leçons de la décentralisation et de la demande forte d’un changement dans les pratiques politiques.

M. Claude Goasguen. Vous tuez les institutions !

M. Manuel Valls, ministre. Certains vont beaucoup plus loin en expliquant qu’il faudrait en venir au mandat unique. Non ! Nous voulons garder le lien avec un mandat local, mais avec une rupture claire par rapport au mandat exécutif.

Pour toutes ces raisons, le Gouvernement s’associe à l’avis du rapporteur et vous propose de repousser ces amendements. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Guy Geoffroy.

M. Guy Geoffroy. M. Le Roux n’étant pas présent dans l’hémicycle, j’en profite pour m’exprimer, ce qui m’évitera d’être traité de « voyou » et de « minable ». (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Marie-Françoise Clergeau. C’est l’inverse !

M. Guy Geoffroy. Permettez-moi de vous donner mon sentiment sur le déroulement de nos débats et sur l’ambiance qui règne dans l’hémicycle. Si le climat est ce point tendu, c’est en raison d’un incident sérieux qui a eu lieu ce matin en fin de séance.

M. Jean-Luc Reitzer. Un incident gravissime.

M. Guy Geoffroy. Cet incident n’aurait pas eu lieu si l’on avait procédé au vote par assis et debout, je n’y reviens pas. Il ne se serait pas produit si votre texte n’était pas ce qu’il est.

Pour vous, il s’agit d’un texte d’équilibre. Non, monsieur le ministre, c’est un point d’arrivée élaboré à partir de positions de départ extrêmement différentes au sein de votre majorité, voire au sein du groupe majoritaire. Le texte que vous présentez, amendé par la commission, peut-être amendé en séance, puis au Sénat, sera totalement illisible et indigeste pour nos concitoyens. Ils douteront encore davantage de la représentation nationale, de la petite cuisine que nous faisons pour notre intérêt personnel. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Monsieur le ministre, dans votre majorité, une majorité de parlementaires souhaitent conserver la possibilité d’être député et maire. Dans l’opposition, c’est encore plus clair. Ayez un sursaut de sagesse et de responsabilité : n’abîmez pas nos institutions. Restons-en à la possibilité de l’exercice simultané d’une fonction nationale et d’un seul mandat local, fût-il exécutif.

M. Thomas Thévenoud et M. Serge Bardy. Non.

M. Guy Geoffroy. Nous aurons alors bien servi les intérêts de notre République. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Sur l’amendement n° 228, je suis saisi par le groupe Union des démocrates et indépendants d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à Mme Marie-Anne Chapdelaine.

Mme Marie-Anne Chapdelaine. Élue en juin 2012, je me suis dit en arrivant à l’Assemblée nationale que j’entrais dans un temple du savoir, du savoir législatif. Je m’attendais aussi à une conduite irréprochable de la part de mes collègues. Aussi, lorsque j’entends des membres de notre Assemblée utiliser les mots de manière tendancieuse,…

M. Jean-Christophe Lagarde. Un président de groupe a tout de même été traité de voyou !

Mme Marie-Anne Chapdelaine. …à mauvais escient, et exprimer de mauvaises intentions, cela me choque. Cela m’a d’autant plus choquée que ces mots ont été prononcés en présence d’enfants qui assistaient à notre séance. M. Dhuicq aurait en effet mieux fait de ne pas parler de « tricoteuses ».

M. Nicolas Dhuicq. Non !

M. Claude Goasguen. Cela fait référence à un fait historique !

Mme Marie-Anne Chapdelaine. Je trouve inadmissible qu’on en arrive à utiliser de tels mots pour parler d’un sujet qui nous concerne tous. Faisons preuve d’un peu de bon sens, monsieur Dhuicq. Sachons garder la tête froide et rappelons-nous que le verbe peut être utilisé à bon ou mauvais escient.

Alors, oublions les « tricoteuses ». Au passage, je souligne que le mot a été employé au féminin. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. Claude Goasguen. C’est une référence historique !

Mme Marie-Anne Chapdelaine. Retrouvons un peu de sérénité et respectons-nous ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Nicolas Dhuicq, pour un rappel au règlement.

M. Nicolas Dhuicq. Je ne savais pas qu’il y avait une police de la pensée. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Marietta Karamanli. C’est insupportable !

M. Nicolas Dhuicq. Je ne savais pas qu’il était interdit de parler d’histoire dans notre enceinte. Je ne savais pas que l’on n’avait pas le droit de défendre la République.

M. Philippe Baumel. Pas de cette façon !

M. Nicolas Dhuicq. Je ne savais pas qu’on n’avait pas le droit de dire que vous détruisez la Ve République.

Je ne savais pas qu’on n’avait pas le droit de dire que nous étions Français et que c’était une exception noble au sein de l’Union européenne.

Plusieurs députés du groupe SRC. Lamentable !

M. le président. S’il vous plaît.

M. Nicolas Dhuicq. Je ne savais pas qu’il y avait des mots interdits en France.

M. Thomas Thévenoud. Ridicule !

M. Nicolas Dhuicq. Ce n’est pas ridicule. C’est la dictature que vous voulez ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

C’est une dictature que vous mettez en place. Et ce que les régimes totalitaires n’ont pas su faire, la démocratie le fait aujourd’hui ! (Mêmes mouvements.) Prenez garde à ce que vous êtes en train de voter.

M. Bernard Lesterlin. Coupez-lui la parole, monsieur le président !

M. Nicolas Dhuicq. Il est totalement incohérent d’entendre un ministre de l’intérieur qui dit d’un côté qu’il ne faut pas de lien avec le territoire et de l’autre, qu’il en faut un. C’est absurde.

M. Thomas Thévenoud et M. Christophe Caresche. C’est insupportable.

M. le président. Il ne s’agit pas d’un rappel au règlement.

Article 1er (suite)

M. le président. La parole est à M. Christian Jacob.

M. Christian Jacob. Je souhaite répondre à M. le ministre. Ce n’est pas un rappel au règlement.

M. le président. Tout à fait. Vous êtes encore un certain nombre à être inscrits pour répondre au ministre.

M. Christian Jacob. Monsieur le ministre, on vous fait le reproche de détricoter la Ve République.

M. Claude Goasguen. Ils cassent la décentralisation.

M. Christian Jacob. C’est ce que vous faites avec l’interdiction du cumul des mandats. Et c’est de la pure démagogie que d’autoriser le mandat de conseiller municipal, mais pas celui de maire, c’est-à-dire de ne pas pouvoir exercer un mandat exécutif. Petit à petit, on va arriver au mandat unique. Vous dénaturez ainsi la représentation nationale.

C’est pour cela que je vous disais tout à l’heure qu’en cela vous étiez les alliés du Front national qui, lui, assume le fait de remettre en cause la Ve République comme les Verts assument le fait de remettre en cause la Ve République. Ce que nous souhaiterions, c’est que vous ayez le courage d’assumer le fait que vous remettez en cause nos institutions. Mme Batho a déclaré tout à l’heure qu’elle reprochait au Gouvernement de « préparer la marche au pouvoir de l’extrême-droite ». Elle ne dit pas autre chose : vous dénaturez la Ve République.

C’est pour cela que je n’arrive pas à comprendre en quoi priver les parlementaires d’exercer un mandat exécutif va faire avancer la démocratie ? Est-ce que cela apportera quelque chose ? Non, cela va seulement entraîner un changement complet de la représentation.

Je vous invite, mes chers collègues, à regarder les chiffres de la participation. Vous verrez que parmi les parlementaires les plus actifs et les plus présents, on retrouve bien souvent des députés et des sénateurs qui cumulent plusieurs mandats – et j’en fais partie. Bruno Le Roux, président du groupe socialiste, qui a un mandat unique, est quant à lui l’un des moins présents à l’Assemblée (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) C’est un constat et non pas une attaque. J’ai d’ailleurs souligné cette réalité tout à l’heure : il est venu pour faire son intervention, maintenant, on ne le reverra plus de la journée ou de la nuit ; peut-être reviendra-t-il demain, peut-être la semaine prochaine.

Non seulement vous faites un faux pas mais vous vous en prenez aux institutions. Ayez le courage comme vos alliés du Front national ou vos alliés Verts de l’assumer.

M. le président. La parole est à Mme Annie Genevard.

Mme Annie Genevard. Quatre personnes se sont exprimées pour défendre leur amendement : trois personnes de l’opposition, une personne de la majorité ; deux femmes, deux hommes.

Monsieur le rapporteur, vous avez répondu aux deux messieurs de l’opposition et à votre collègue féminine de la majorité. Mais sur mes arguments, qui sont je crois des arguments de fond, portant sur la création de deux classes politiques, vous n’avez pas dit un mot. Vous avez sans cesse le mot « parité » à la bouche et à l’esprit. Eh bien, vous n’êtes pas paritaires, vous êtes des machos ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.

M. Jean-Christophe Lagarde. Monsieur le président, j’ai demandé à répondre à la commission à la fois sur l’amendement n° 228 et sur l’amendement n° 219. Je m’exprimerai sur l’amendement n° 228 et reviendrai ensuite sur le reste.

L’amendement n° 228, sur lequel nous avons demandé un scrutin public, dit une chose simple, qui me semble aller dans le sens de votre projet de loi, monsieur le ministre. Vous nous dites qu’être parlementaire est une fonction essentielle – c’est vrai –, que l’on doit pouvoir exercer à plein-temps – c’est vrai. D’une certaine façon, en dehors des fonctions gouvernementales et de la fonction présidentielle, c’est la plus haute fonction que la République offre à ses concitoyens dans le cursus honorum.

Si c’est la plus haute fonction, on peut concevoir que ce soit celle qui est la mieux indemnisée. Si c’est la plus haute fonction et que c’est la mieux indemnisée, on peut concevoir qu’elle corresponde à un plafond. Aujourd’hui, le cumul des indemnités et rémunérations est rendu possible dans la limite d’une fois et demi l’indemnité parlementaire de base. Pourquoi ne pas accepter notre amendement, qui permet de faire faire des économies à l’État et de signifier à nos concitoyens que ce n’est pas par intérêt indemnitaire qu’un parlementaire cumulerait ? Nous proposons que demain – puisque ce sera évidemment pour 2017 –, celui qui sera parlementaire et conseiller régional ne touche que son indemnité parlementaire.

Si vous acceptez cet amendement, vous montrerez que vous voulez éviter ce type de cumul ; si vous le refusez, vous montrerez que vous avez voulu empêcher les parlementaires d’être également maire. Notre amendement autorise le cumul de deux fonctions mais pas de deux indemnités, même dans la limite du plafond d’une fois et demi déjà prévu. Ce plafond ne se justifie pas. Pourquoi un conseiller régional d’Île-de-France toucherait-il 2 000 ou 2 300 euros de plus que n’importe quel parlementaire détenteur d’un mandat unique une fois votre réforme adoptée ?

Refuser cet amendement démontrerait une fois de plus l’hypocrisie de votre démarche.

M. Francis Vercamer. Très juste !

M. le président. La parole est à M. Daniel Fasquelle.

M. Daniel Fasquelle. Notre rapporteur a souligné que j’avais fait un pas dans sa direction, j’aimerais bien qu’il en fasse autant. C’est un sujet qui transcende les partis politiques, comme M. le ministre l’a dit avec raison, un sujet autour duquel nous pourrions nous rassembler.

M. Sébastien Denaja. Appel à cotisation à l’UMP !

M. Daniel Fasquelle. Vous avez vous-même dit, monsieur le ministre, qu’il fallait conserver un lien avec les territoires et que vous n’étiez pas favorable au mandat unique. Allons au bout de cette logique : oui à un cumul entre le mandat parlementaire et un mandat de maire. Je ne vois pas pourquoi on pourrait être conseiller régional, ce qui oblige à faire des heures de voiture loin de sa circonscription, alors qu’on ne pourrait pas être maire d’une commune, notamment de taille moyenne, dans sa propre circonscription.

Vous dites encore que la question du nombre de députés et la question de l’introduction d’une dose de proportionnelle ne font pas partie du débat alors que ces questions sont au contraire au cœur de notre débat. On ne peut pas les déconnecter la question du non-cumul.

Je vous reposerai sans cesse cette question jusqu’à ce qu’on me réponde au lieu de me renvoyer vers Bruno Le Maire : monsieur le ministre, qu’est-ce que vous pensez, vous, au nom du Gouvernement, de la nécessité de diminuer le nombre de députés ? Allez-vous le maintenir à 577 ? Quelle dose de proportionnelle allez-vous introduire ?

Voilà des réponses que nous attendons et qui permettront d’éclairer utilement nos débats.

M. le président. La parole est à M. Roger-Gérard Schwartzenberg.

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. J’aimerais expliquer le vote du groupe RRDP sur l’amendement n° 228. Alain Tourret et moi-même avons déposé un amendement avant l’article 4 dont l’objet est identique, à savoir l’interdiction du cumul des indemnités. L’enjeu est important. Ce qui peut heurter nos concitoyens, ce n’est pas tant le cumul des mandats et fonctions que le cumul des indemnités qui leur sont liées. L’indemnité parlementaire a été revalorisée de manière importante. Elle est suffisante pour assurer l’indépendance des parlementaires, les mettre à l’abri des pressions extérieures et il serait, je crois, positif de décider que nulle autre indemnité liée à un mandat électif ou une fonction exécutive locale ne doit être perçue.

Dans une période où notre pays comme d’autres connaît une crise importante, il serait bon que les parlementaires que nous sommes décident de cette mesure qui concernerait non seulement ceux qui dirigent un exécutif local mais également les membres d’un conseil général ou les membres d’un conseil régional.

Une seule indemnité, celle de parlementaire, voilà ce qui s’impose.

M. Alain Tourret. Très bien !

M. le président. Avant de passer à la mise aux voix de l’amendement n° 228, je vais donner la parole à Mme Barbara Romagnan puis à M. Sergio Coronado.

M. Jean-Luc Reitzer. J’avais aussi demandé la parole !

M. le président. Monsieur Reitzer, six membres du groupe UMP se sont déjà exprimés, je considère que les demandes de parole émanant de votre groupe ont largement été satisfaites. Je vous rappelle que le règlement prévoit un orateur pour et un orateur contre. Le nombre d’amendements a justifié que je puisse donner la parole un peu plus largement.

Vous avez la parole, madame Romagnan.

Mme Barbara Romagnan. Je ne partage pas votre argument selon lequel l’ancrage local est conditionné à l’exercice d’un mandat local. Néanmoins, j’entends l’argument politique de l’équilibre. À regret et après consultation des autres rédacteurs de l’amendement n° 164, je le retire. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean-Frédéric Poisson. Oh non !

Mme Barbara Romagnan. Oui, je sais, vous êtes déçu vous aussi.

(L’amendement n° 164 est retiré.)

M. le président. La parole est à M. Sergio Coronado.

M. Sergio Coronado. Le groupe écologiste avait défendu, dans le cadre du débat sur la transparence de la vie politique, la nécessité d’encadrer de manière très stricte le cumul des rémunérations et des indemnités. Nous avions même été plus loin en disant qu’il était souhaitable que l’exercice du mandat de parlementaire se fasse à l’exclusion de toute autre activité afin d’empêcher les conflits d’intérêts et d’éviter que les uns et les autres n’aillent courir après les honoraires des cabinets d’avocats et les cachets dans différentes entreprises de conseil.

J’aimerais aussi dire que ce qui nous caractérise dans ce débat, contrairement à d’autres, c’est une forme de cohérence. Cette cohérence, nous l’appliquons jusqu’au bout et dans l’ensemble des débats. C’est pourquoi nous avons décidé, au nom du groupe écologiste, de voter cet amendement parce qu’il est dans la droite ligne de ce que nous allons proposer.

Ensuite, contrairement à Mme Romagnan, nous maintiendrons notre amendement sur le mandat unique de parlementaire. Nous ne souhaitons pas qu’il puisse y avoir cumul des indemnités.

M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix l’amendement n° 228.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 128

Nombre de suffrages exprimés 127

Majorité absolue 64

(L’amendement n° 228 n’est pas adopté.)

(L’amendement n° 219 n’est pas adopté.)

(Les amendements identiques nos 68, 108 et 154 ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n° 187.

M. Jean-Frédéric Poisson. Je remercie notre collègue Coronado pour son appel à la cohérence. J’essaierai de suivre sa recommandation tout au long de ces débats.

Le présent amendement vise à permettre aux parlementaires d’exercer en même temps une fonction exécutive locale et une seule.

Jusqu’à présent, il est possible d’en exercer deux dans des communes de plus de 3 500 habitants puisque les fonctions exécutives au sein des établissements publics de coopération intercommunale n’entrent pas dans la liste des mandats et fonctions prises en compte pour déterminer le cumul des mandats. On peut ainsi être aujourd’hui parlementaire, maire d’une ville de plus de 3 500 habitants, et président ou vice-président d’un établissement public intercommunal.

Dans la continuité de la position défendue par le groupe UMP, nous souhaitons préciser que les fonctions exécutives des établissements publics de coopération intercommunale sont désormais prises en compte dans les mandats pouvant être cumulés. Les parlementaires pourraient ainsi avoir le choix entre exécutif régional, départemental, intercommunal ou communal : un seul de ces quatre et pas un de plus.

J’ajoute – je serai plus bref sur les autres amendements – que la cohérence de votre texte, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, est mise à mal par le fait qu’il n’y a pas d’interdiction d’exercer des fonctions de conseiller municipal délégué ou de conseiller général ou régional délégué, qui existent dans les assemblées territoriales. Ce sont des fonctions exécutives au même titre que les autres même si n’y sont pas attachés les mêmes pouvoirs que pour les vice-présidents ou les adjoints. C’est donc en cohérence avec votre propre texte que nous proposons cet amendement puisqu’il vise à compléter utilement la liste des fonctions exécutives déjà cumulables dans votre texte avec un mandat de parlementaire.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe Borgel, rapporteur. Avis défavorable.

D’abord, je précise à l’intention de M. Poisson mais aussi de M. Lagarde, qui m’a interpellé à ce sujet, qu’il n’y a pas d’amendement spécifique en séance sur les délégations puisqu’un amendement du rapporteur adopté par la commission, devenu l’article 3 bis, est venu interdire les délégations de fonctions relatives aux communes, aux intercommunalités, aux départements ou aux régions pour les parlementaires.

Votre argumentation était tout à fait juste, mon cher collègue, mais il se trouve que cette question a été prise en compte dans le texte même. Je ne vous fais pas reproche de ne pas l’avoir su, mais c’est ainsi.

Quant à votre amendement, il est similaire à l’amendement sur lequel j’ai répondu tout à l’heure, même s’il est, lui, parfaitement bien rédigé et en cohérence avec la législation existante.

M. Daniel Fasquelle. Mais qu’est-ce que c’est que cette manière de distribuer des bons points !

M. Christophe Borgel, rapporteur. L’avis de la commission reste défavorable pour les mêmes raisons que tout à l’heure.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Manuel Valls, ministre. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.

M. Jean-Christophe Lagarde. Je souhaite tout d’abord vous répondre, monsieur le rapporteur. Vous avez au moins raison sur un point : un amendement a bien été adopté en commission.

Mais je vous ai posé une deuxième question : comment pourra-t-on être demain député et président de commission d’un conseil régional ?

M. Manuel Valls, ministre. Le président de commission d’un conseil régional n’est pas un exécutif !

M. Jean-Christophe Lagarde. Je trouve regrettable que vous n’ayez pas traité cette question : cette situation n’est en effet pas prévue dans l’amendement dont vous parlez.

Ayant lu l’amendement adopté en commission, je reconnais que cela marche pour les conseillers municipaux délégués et même pour les conseillers généraux délégués. Mais ce n’est pas le cas pour les présidents de commission au conseil régional, alors que cette fonction représente un travail considérable – sauf à considérer que ce ne sont que des distinctions que l’on distribue comme des hochets.

Deuxième observation sur l’amendement lui-même : le groupe UDI votera naturellement en faveur de cet amendement. En réalité, vous voulez faire croire que la suppression de la capacité à exercer deux fonctions – parce que c’est cela, le cumul : une fonction représentative qui est celle du parlementaire, et une fonction exécutive – apportera quelque chose à la démocratie.

Nous avons expliqué à quel point cela allait bouleverser nos institutions : ce sera une révolution, monsieur le ministre ! Si elle ne détruira pas la Ve République, elle renforcera et aggravera ses principaux travers que sont l’excessive concentration de pouvoirs entre les mains de l’exécutif et un Parlement la plupart du temps couché – les majorités, quelles qu’elles soient, votant contre leur volonté dès lors que le Gouvernement le leur demande.

Or, pour nous, le bon équilibre serait, quel que soit le niveau électif – local ou national –, de permettre l’exercice simultané de deux fonctions : une fonction exécutive et une fonction représentative. Cela vaut pour un maire qui serait conseiller général mais ne peut pas être vice-président ; cela vaut pour un conseiller général qui ne pourrait pas dans le même temps occuper une fonction représentative au Parlement.

L’objectif est de permettre aux élus de la République qui font la loi de pouvoir d’une part agir, décider, gérer, parce que cela transforme leur vision de la vie politique et de l’exercice des responsabilités publiques, et d’autre part représenter, parce que cela leur permet au niveau départemental, régional ou national, d’apporter leur expérience et d’enrichir la législation française.

Loin des caricatures que vous nous présentez, voilà un équilibre qui permettrait de faire un pas en avant démocratique.

(L’amendement n° 187 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Guy Geoffroy, pour soutenir l’amendement n° 172.

M. Guy Geoffroy. Défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe Borgel, rapporteur. Avis défavorable.

Je ferai juste une remarque : je ne comprends pas la mention « parlementaire français ». Nous n’entendions pas légiférer pour des parlementaires espagnols ou allemands ! (Sourires sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jacques Myard. Pas encore !

M. Christophe Borgel, rapporteur. Si le seul effet de cet amendement est de préciser que les incompatibilités s’appliquent tant aux députés qu’aux sénateurs, je pense honnêtement qu’il est déjà satisfait par le projet de loi organique, qui prévoit cela. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Manuel Valls, ministre. Même avis.

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Daniel Fasquelle, pour un rappel au règlement.

M. Daniel Fasquelle. Je veux revenir sur les remarques du rapporteur, qui sont parfaitement désagréables. Il distribue les bons et les mauvais points : tel amendement est bien rédigé, tel autre ne l’est pas, par exemple parce que nous y avons écrit « parlementaires français »…

Je vous signale qu’il y a également un texte visant les parlementaires européens ; alors cessez de nous donner des leçons de rédaction de nos amendements et répondez aux questions de fond, c’est préférable !

Article 1er (suite)

(L’amendement n° 172 n’est pas adopté.)

M. Jean-Frédéric Poisson. Cela se recompte, monsieur le président !

M. le président. La parole est à M. Sergio Coronado, pour soutenir l’amendement n° 325.

M. Sergio Coronado. Nous avons eu droit, lors d’un débat précédent, à l’annonce de la faillite de la civilisation et de la famille. Depuis le début du présent débat, l’on nous annonce la faillite de la Ve République, de nos institutions, de la démocratie…

Je voudrais donc rassurer l’opposition : la volonté de réforme du Gouvernement ne va pas aussi loin que vous le prétendez ! Je le regrette d’ailleurs, car nous aurions souhaité qu’il soit mis fin à toutes les situations de cumul, et pas simplement à celle concernant le cumul d’un mandat parlementaire avec un mandat à la tête d’un exécutif local.

Le groupe écologiste regrette justement que cette volonté n’aille pas suffisamment loin ; c’est pourquoi nous avons déposé cet amendement. Nous pensons en effet qu’il y a nécessité à ce que le mandat de parlementaire soit exercé à temps plein.

Néanmoins, je ne trouve pas illégitimes les interrogations qui se sont fait jour dans les interventions de certains membres de l’opposition. Il serait en effet utile, sinon de connaître le cap suivi par le Gouvernement concernant les réformes institutionnelles dans leur ensemble, du moins d’en avoir une vision un peu plus claire.

Nous ne devons pas avoir l’impression de travailler au coup par coup. S’il n’est pas mis fin à court terme à toutes les situations de cumul, notamment à celles des élus locaux qui pourront continuer à cumuler, l’on pourrait légitimement avoir l’impression, sur les bancs de l’opposition comme sur certains bancs de la majorité, que les parlementaires payent pour tout le monde : ce serait une situation un peu injuste. J’invite donc le Gouvernement et M. le rapporteur à nous donner plus d’éléments sur les futures réformes prévues à l’ordre du jour.

Quoi qu’il en soit, au nom de la cohérence, nous pensons que le mandat de parlementaire doit s’exercer à temps plein ; tel est le sens de cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe Borgel, rapporteur. L’avis de la commission est défavorable ; j’ai déjà eu l’occasion de dire pourquoi en répondant un peu plus tôt à notre collègue Romagnan.

Je ne souhaite pas toutefois que l’on donne le sentiment que cette loi ne constitue qu’une demi-mesure. Cette loi obéit à une logique : interdire le cumul avec des fonctions exécutives locales. Le travail de notre commission a permis d’aller jusqu’au bout de la définition d’une « fonction exécutive locale », en intégrant notamment les responsabilités dans divers organismes, auxquelles on accède par délégation de la collectivité dans laquelle on siège.

Il ne s’agit donc vraiment pas d’une demi-mesure. Tout comme je l’ai proposé tout à l’heure à Mme Romagnan, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement, faute de quoi je maintiens l’avis défavorable de la commission.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Manuel Valls, ministre. Les propos du rapporteur sont pleins de sagesse. Nous avons besoin d’avancer en intégrant les transitions nécessaires, en tenant compte de la réalité politique de notre pays.

Nous accomplissons une grande réforme, d’ailleurs légitimement contestée par certains – au sens où ils ont parfaitement le droit de la contester, avec des arguments qui sont le fruit de leur expérience et de leurs convictions – dès lors que l’on ne met en cause ni la démocratie, ni la République, ni la Constitution de la Ve République. Celle-ci du reste, en ses débuts, laissait peu de place aux collectivités territoriales dans son article 72.

Résumer la Ve République, même enrichie par plusieurs réformes constitutionnelles, aux collectivités locales ne présente donc pas beaucoup de sens. Nous traitons ici de l’organisation des pouvoirs et du rôle des parlementaires, notamment dans leur capacité à faire la loi, à évaluer les politiques publiques et à contrôler l’exécutif.

Cette réforme apporte donc un changement majeur, et j’invite vraiment tous les parlementaires, tous les députés de la majorité, à accompagner ce mouvement. Il ne s’agit pas de vouloir aller plus loin ; ce texte constitue un point d’équilibre, concernant tant le cumul des mandats que sa mise en application.

M. le président. La parole est à M. Guy Geoffroy.

M. Guy Geoffroy. Je voudrais demander à notre rapporteur s’il peut nous préciser le sens de sa réponse. Vous avez en effet répondu à notre collègue Coronado que vous vouliez, en substance, éviter le cumul entre la fonction parlementaire et la fonction exécutive locale. Cela vous conduit donc à accepter le cumul avec un autre mandat local – peu importe le temps que l’on y consacre –, par exemple un mandat de conseiller régional ou de conseiller départemental.

N’ayant pas encore saisi l’objectif poursuivi par ce projet, je souhaiterais pouvoir comprendre, même si votre explication ne me convainc pas obligatoirement : qu’est-ce qui, selon vous, est fondamentalement incompatible entre la fonction parlementaire, dont vous voulez qu’elle soit exercée de manière plus assidue, et la fonction exécutive locale ? Nous sommes pourtant ici nombreux à faire la démonstration que, bien que cumulards, nous savons occuper cette fonction parlementaire de manière assidue.

Selon la réponse que vous nous donnerez, je vous renvoie à la deuxième question à laquelle vous n’avez pas répondu : pourquoi ne modifiez-vous pas le texte pour y inscrire que la fonction de conseiller municipal bénéficiaire d’une délégation de la part du maire est également incompatible ? Cela n’est en effet pas prévu aujourd’hui dans le texte.

M. le président. La parole est à M. Sergio Coronado.

M. Sergio Coronado. Il ne faut pas, monsieur le rapporteur, vous montrer si chatouilleux ! J’ai dit hier, dans la discussion générale, que nous serions les meilleurs soutiens de ce texte, du Président de la République, du Gouvernement ainsi que du ministre de l’intérieur, qui les représente ici. N’ayez donc crainte, nous voterons ce projet de loi !

Cela dit, je crois savoir que ce texte vise à revaloriser le rôle du Parlement. Il est donc encore permis de déposer des amendements, surtout quand ils s’inscrivent dans la cohérence des propositions des écologistes depuis un certain nombre d’années : celle du mandat unique pour les parlementaires en fait partie.

Votre texte est un très grand texte ; j’ai même dit à la tribune que les réformes limitant le cumul des mandats avaient été menées par des gouvernements de gauche en 1985 et en 2000, et aujourd’hui par le gouvernement de Jean-Marc Ayrault.

Il met fin au cumul d’une fonction de parlementaire et d’un mandat exécutif local. Mais quand on s’intéresse à la limitation du cumul des mandats, il est permis de s’intéresser au cumul des mandats locaux, comme vient de le faire mon collègue Geoffroy !

J’ai donc une simple interrogation : si l’on juge qu’il n’est pas possible de mener à bien un mandat de parlementaire et un mandat à la tête d’un exécutif local en raison des agendas chargés, de la nécessité de disposer d’un temps disponible, ou parce que l’on considère que l’un ou l’autre de ces mandats nécessite un temps plein, alors cette question peut se poser également pour un maire qui serait vice-président de région ou de conseil général. Ces points demandent à être éclaircis, monsieur le rapporteur.

Cela dit, pour répondre à la question que vous m’avez posée, nous ne retirons évidemment pas notre amendement !

(L’amendement n° 325 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Sergio Coronado, pour soutenir l’amendement n° 326.

M. Sergio Coronado. Nous avons bien entendu que le cumul des mandats entre parlementaires et les fonctions locales est une question sensible.

Nous présentons donc un amendement de repli qui vise à se rapprocher du mandat unique pour les parlementaires ; il s’agit simplement de permettre qu’un parlementaire ne puisse cumuler qu’avec un mandat de conseiller municipal.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe Borgel, rapporteur. Défavorable, pour des raisons à peu près similaires. J’entends bien, cher collègue, qu’il s’agit d’un amendement de repli ; mais j’ai plaidé tout à l’heure pour l’équilibre du texte, et je reste sur cette position. Avis défavorable de la commission.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Manuel Valls, ministre. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Martial Saddier.

M. Martial Saddier. Une fois n’est pas coutume, j’aimerais remercier le groupe des députés écologistes pour ces deux amendements qui font éclater au grand jour l’incohérence de ce texte.

Monsieur le ministre, vous nous avez présenté il y a peu un texte sur la réforme des modes de scrutin. Je dois vous remercier, à ce propos, parce que vous faisiez toutes les cinq minutes des interventions sur les zones de montagne ; je vous en suis très reconnaissant !

Pour les comptes rendus qui paraîtront au Journal officiel et sur internet, et pour celles et ceux qui nous regardent, j’aimerais citer un exemple : mesdames et messieurs les députés de la majorité, monsieur le ministre, vous considérez, pour des raisons de disponibilité, qu’un député en zone de montagne ne pourra plus être maire d’une commune au cœur de sa circonscription, mais qu’il pourra en revanche être disponible pour siéger à trois cents kilomètres, c’est-à-dire à trois heures de route, au siège du conseil régional ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean-Frédéric Poisson. Absolument !

M. Martial Saddier. Permettez-moi de vous rappeler que, lorsque nous faisons des débats européens, certains affirment que nos régions françaises, telles qu’elles sont constituées, sont trop petites au regard du modèle européen !

C’est bien cela que vous êtes en train de nous proposer, et je tenais, à l’occasion de l’examen de ces deux amendements écologistes, à le dénoncer.

(L’amendement n° 326 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 161 et 324, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Daniel Fasquelle, pour soutenir l’amendement n° 161.

M. Daniel Fasquelle. Il s’agit d’un amendement plus que de repli. Je suis dans la même situation que Martial Saddier puisque la capitale régionale est à deux heures de route de ma circonscription.

M. Thomas Thévenoud. C’est vrai que vous êtes élu d’une circonscription de montagne ! Vous parlez peut-être des dunes ? (Sourires.)

M. Daniel Fasquelle. On va m’empêcher d’être maire de ma commune alors qu’on va me permettre d’être conseiller départemental à Arras ou conseiller régional à Lille, Arras et Lille étant respectivement à une heure et quart et plus de deux heures de route de ma circonscription. Tout cela n’a aucun sens ! Je vous demande de mettre un peu de cohérence dans votre texte.

Si vous acceptez, et c’est une bonne chose, que le député soit aussi conseiller territorial ou conseiller régional, il faut accepter également qu’il soit maire d’une commune de taille raisonnable. C’est l’objet d’un certain nombre d’amendements.

L’amendement que je vous propose est bien modeste puisqu’il prévoit qu’un député pourra être adjoint au maire ou vice-président d’un EPCI, afin qu’il puisse garder cet ancrage territorial et être au cœur des dossiers de sa circonscription, en particulier dans les territoires ruraux.

J’espère que vous entendrez mon appel très modeste qui est cohérent avec votre texte.

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer, pour soutenir l’amendement n° 324.

M. Francis Vercamer. Cet amendement de repli vise à permettre à un député d’être également président d’une importante collectivité territoriale, c’est-à-dire président d’un conseil régional, d’un conseil général ou d’un établissement public de coopération à fiscalité propre. Mon amendement mentionne également les différentes assemblées diverses et variées de notre République, comme celle de Corse, etc.

Il nous paraît important de conserver un ancrage local. La fonction de maire est essentielle puisqu’elle permet à un parlementaire d’avoir un ancrage local et souvent de résoudre un certain nombre de problèmes locaux. Comme je l’ai indiqué tout à l’heure, je suis plutôt favorable à une obligation de cumul avec un mandat local.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe Borgel, rapporteur. M. Geoffroy demandait tout à l’heure ce que l’on entend par « fonctions exécutives ». Il s’agit de la fonction de maire, d’adjoint au maire, de président ou de vice-président d’une intercommunalité, d’un département ou d’une région.

Nous ne sommes pas favorables à ces deux amendements de repli. Celui de M. Fasquelle va un peu plus loin puisqu’il intègre la fonction de maire tandis que celui de M. Vercamer inclut uniquement les fonctions de président d’un exécutif en excluant la fonction de maire.

M. Daniel Fasquelle. Vous pourriez au moins accepter cela !

M. Christophe Borgel, rapporteur. J’en profite pour dire que nous avons essayé de prendre en compte une remarque faite à plusieurs reprises et en amont du débat s’agissant des présidents de syndicats et qu’un amendement a été adopté par la commission des lois.

Un certain nombre de nos collègues considèrent qu’ils ne voient pas comment ils pourront exercer leur mandat de député s’ils n’ont pas par ailleurs un ancrage territorial, c’est-à-dire s’ils ne sont pas membres d’une assemblée territoriale. Voilà pourquoi nous avons tenu compte de cette exigence et qu’il sera possible de cumuler la fonction de député avec un mandat simple, c’est-à-dire que l’on pourra être conseiller municipal, conseiller intercommunal, conseiller général ou conseiller régional. Voilà l’équilibre du texte. C’est la raison pour laquelle la commission a donné un avis défavorable à ces deux amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Manuel Valls, ministre. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Martial Saddier.

M. Martial Saddier. Le Gouvernement a annoncé qu’il souhaitait que le texte ne soit pas retouché étant donné qu’il était issu d’un long processus, et qu’il était équilibré. Or la commission des lois a élargi le périmètre des incompatibilités à la présidence et la vice-présidence des syndicats intercommunaux.

Monsieur le ministre, ma question est simple : quel est l’avis du Gouvernement et quel est votre avis personnel sur cet ajout de la commission des lois qui n’est pas conforme à la proposition du Gouvernement ?

M. le président. La parole est à M. Daniel Fasquelle.

M. Daniel Fasquelle. Laissez un peu de liberté ! Il y a sans doute des territoires où les députés peuvent ne pas ressentir le besoin de faire partie d’un exécutif local, mais dans certains territoires, notamment les territoires ruraux, il est indispensable d’être au contact des réalités et d’avoir un minimum d’attaches dans les collectivités territoriales.

Mon amendement vise à permettre à un député d’être également adjoint au maire ou vice-président d’un EPCI. Si, pour refuser mon amendement, vous utilisez comme argument celui de la disponibilité, je vous répondrai qu’on peut parfaitement assurer à la fois la fonction d’adjoint au maire ou de vice-président d’un EPCI et le mandat de député. Vous permettez d’être à la fois député et conseiller général, conseiller régional et demain conseiller départemental, alors que vous ne permettriez pas être d’être adjoint au maire ou vice-président d’un EPCI. Où est la cohérence ?

M. Christian Jacob. C’est vraiment n’importe quoi !

M. Daniel Fasquelle. Monsieur Borgel, comment pouvez-vous mettre sur le même plan un mandat de conseiller régional, de conseiller départemental et de conseiller municipal ? Cela n’a absolument rien à voir. Le conseiller départemental et le conseiller régional touchent des indemnités et ont un poids et un rôle bien supérieur à celui d’un simple conseiller municipal. Vous comparez des choses qui ne sont pas comparables, vous mettez sur le même plan des choses qui n’ont pas à y être.

Jean-Marc Ayrault souhaite qu’aucun amendement ne soit adopté, ce qui est le signe d’un manque de respect de notre Assemblée. D’un côté, vous souhaitez revaloriser le rôle du Parlement, tandis que, de l’autre, le Premier ministre ne veut pas que le texte soit amendé. Voilà une drôle de façon de revaloriser le rôle du Parlement !

Je vous propose, mes chers collègues, que nous soyons de droite ou de gauche, de prendre nos propres libertés et d’assumer pleinement nos responsabilités en faisant évoluer ce texte et en introduisant une dose de bon sens et de cohérence. Si vous admettez qu’on peut être à la fois député et conseiller régional et conseiller départemental, acceptez au moins que l’on puisse être aussi soit adjoint au maire, soit vice-président d’un EPCI.

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. Monsieur le rapporteur, vous estimez qu’il y a un ancrage sur le terrain puisque l’on peut être à la fois député et conseiller municipal, conseiller général et conseiller régional. Mais un maire connaît les rouages du fonctionnement d’une collectivité car il est interpellé et il règle en permanence les problèmes de ses administrés, ce qui n’est pas forcément vrai du conseiller municipal. Cette expérience locale peut être intéressante pour cet hémicycle. Bien sûr, vous pourriez utiliser le même argument s’agissant du conseiller général ou du conseiller régional. Mais la taille de la collectivité n’est pas la même. Prenons par exemple le cas de la présidente de la communauté urbaine de Lille qui est bien connue dans vos rangs et qui est aussi maire de Lille. D’ailleurs, ce qui est assez amusant c’est qu’elle a été battue aux élections législatives de 2002 parce Lille n’était pas dans sa circonscription. Elle en a tiré les conséquences qu’il ne fallait pas cumuler – peut-être n’avait-elle pas cumulé au bon endroit…

On parle beaucoup du choc de simplification. Il est indispensable de pouvoir cumuler le mandat de maire avec celui de député, car cela permet de connaître le terrain. Il est plus facile à un maire qu’à un simple conseiller de faire remonter une information ici.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Manuel Valls, ministre. Monsieur Saddier, je ne sais pas si vous étiez présent lorsque j’ai présenté le texte, hier. J’ai dit mon accord, au nom du Gouvernement, avec les propositions qui avaient été adoptées par la commission des lois, qui visent à renforcer le non-cumul avec toute une série de fonctions qui ont été rappelées par le rapporteur.

Il s’agit bien de faire la différence entre les mandats exécutifs – maire, président, vice-président, adjoint au maire – et ceux qui ne le sont pas – conseiller municipal, conseiller régional, conseiller général, y compris président de groupe ou président d’une commission.

M. Martial Saddier. Même s’ils sont à deux cents kilomètres ?

M. Manuel Valls, ministre. Mais les kilomètres, vous les ferez quoi qu’il arrive, et c’est vrai pour l’ensemble des parlementaires.

M. Martial Saddier. Non !

M. Manuel Valls, ministre. Je ne pense pas que vous représentiez des kilomètres, même si la question des territoires est évidemment très importante.

La loi s’appliquera partout de la même manière.

M. Martial Saddier. Adjoint au maire et conseiller régional, ce n’est pas la même chose !

(Les amendements nos 161 et 324, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 144 et 294.

La parole est à M. Jean-Luc Laurent, pour soutenir l’amendement n° 144.

M. Jean-Luc Laurent. Cet amendement aurait dû être défendu par Marie-Françoise Bechtel qui ne cumule aucune fonction avec celle de députée – comme je le disais ce matin, c’est une députée « sèche ». Mais elle a dû rejoindre sa circonscription pour traiter des dossiers importants.

Mme Bechtel souhaite souligner l’importance de la responsabilité de député et de maire…

M. Francis Vercamer. Très bien !

M. Jean-Luc Laurent. …et rappeler la défense éloquente qu’en avait faite Pierre Mauroy qui, comme vous le savez, était un grand républicain. Il avait mis en exergue et montré, dans un rapport sur la décentralisation et le statut de l’élu, que la capacité à être député et maire était une école de formation d’élites venues d’en bas, du terrain, (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) capables, dans l’expérience acquise du mandat local, de contrebalancer efficacement une pensée plus uniforme venue des élites formées par l’État.

M. Jean-Luc Reitzer. C’est ce que l’on essaie de faire comprendre depuis le début !

M. Jean-Luc Laurent. Au-delà, cet amendement qui défend le maintien du maire et, par cohérence, du bloc communal, est une occasion de réfléchir aux conséquences, pour la démocratie, de ce projet de loi.

Enfin, j’aurais souhaité, comme elle, que les interventions ferventes de mes collègues du groupe majoritaire en faveur de la démocratie mettent la même ardeur à défendre la souveraineté du peuple français (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) devant le grignotage par étapes qui est venu d’un droit européen sans contrôle. Voilà qui mériterait, à l’évidence, une réforme de notre Constitution et qui permettrait de rapprocher vraiment les élus de nos concitoyens. Telle est, en tout cas, notre idée de la démocratie et de la République. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

M. le président. Sur l’amendement n° 144, je suis saisi par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à Mme Annie Genevard, pour soutenir l’amendement n° 294.

Mme Annie Genevard. Il est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe Borgel, rapporteur. Défavorable, pour des raisons déjà évoquées à plusieurs reprises.

Ces amendements rejoignent différents amendements déjà présentés visant à exclure du champ des incompatibilités les fonctions de maire et de président d’intercommunalité.

Pour des raisons déjà évoquées, la commission a souhaité que les incompatibilités s’étendent à l’ensemble des fonctions exécutives locales.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Manuel Valls, ministre. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Guy Geoffroy.

M. Guy Geoffroy. Je veux insister auprès du rapporteur et du ministre sur l’importance de ces amendements. Il est nécessaire qu’il y ait une diversité de parlementaires, ceux qui ont fait le choix de n’être que parlementaires et ceux qui font le choix, et que leurs concitoyens encouragent à faire, d’être parlementaires mais aussi d’exercer au quotidien des responsabilités locales, ce qui leur permet d’être en permanence au courant de la réalité telle qu’elle évolue.

Vous nous dites que quand on a été élu local cette expérience nous est utile dans l’exercice de la fonction parlementaire. Certes, mais vous devez avoir conscience du fait que cela n’arrête pas de changer, de bouger. Dans une circonscription, le député n’est pas que l’interlocuteur des populations, il est également l’interlocuteur de ses collègues élus, notamment des maires qui veulent lui faire partager en permanence leurs préoccupations, leurs interrogations et leurs conseils. Comment voulez-vous qu’un parlementaire puisse mesurer en temps réel le message qui lui est adressé par ses collègues maires si lui-même n’exerce pas cette responsabilité ?

C’est un service rendu à la diversité des modes de représentation au sein du Parlement que représente cette possibilité de cumuler un exécutif local avec un mandat parlementaire.

Ne commettez pas cette erreur, je ne dis pas plus, je dis : « erreur » pour ne froisser personne. Vous priveriez le Parlement d’une richesse qui lui appartient depuis très longtemps et dont il a plus que jamais besoin. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean-Luc Reitzer. Excellent !

M. le président. La parole est à M. Jacques Myard.

M. Jacques Myard. C’est un chevènementiste de droite qui salue les chevènementistes de gauche ! Je veux insister sur cet amendement frappé au coin du bon sens et sur les explications institutionnelles très fortes que vous donnez, monsieur Laurent, dans l’exposé sommaires.

Monsieur le ministre, je ne sais pas si vous connaissez le murus gallicus, ce mur qu’ont inventé nos ancêtres les Gaulois et qui permettait, avec des poutres en bois, de tenir les murailles. Les béliers romains s’y sont cassé les dents.

M. Jean-Luc Reitzer. Après, malheureusement, il y a eu Alésia…

M. Jacques Myard. Eh bien, le député-maire est semblable au murus gallicus : du fond du terroir national, il remonte vers la représentation nationale pour garantir la cohésion nationale ! C’est cela que vous êtes en train de détruire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Chantal Guittet.

Mme Chantal Guittet. Pour répondre à M. Geoffroy, dire qu’un député qui n’est pas maire ne peut pas comprendre les maires est aussi intelligent qu’affirmer qu’un médecin qui n’est pas malade ne peut pas comprendre les malades.

Vous n’êtes pas sans savoir qu’il y a 36 000 communes et 36 000 maires : est-ce à dire que s’ils ne deviennent pas députés, ils ne sont pas crédibles ?

M. Yves Nicolin. Nous n’avons pas parlé de ça ! Hors sujet !

Mme Chantal Guittet. Un député qui n’est pas maire ne serait pas crédible ? Un maire qui n’est pas député ne le serait pas non plus ?

Rien ne vous empêche d’être maire avant d’être député. Arrêtez de faire du cumul des mandats de député et de maire quelque chose d’indispensable ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix les amendements identiques nos 144 et 294.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 112

Nombre de suffrages exprimés 112

Majorité absolue 57

(Les amendements identiques nos°144 et 294 ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d’une série d’amendements pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à Mme Sophie Dessus, pour soutenir l’amendement n° 208.

Mme Sophie Dessus. Débat passionnant et passionné que celui qui porte sur le cumul des mandats et sa limitation ! Bien des arguments ont été entendus depuis hier, je ne veux pas y revenir. Reste une question sous-jacente : peut-on être socialiste et penser que si une limitation importante du cumul des mandats est indispensable au bon fonctionnement de la République, un non-cumul strict risque de la desservir ?

M. Jean-Luc Reitzer. Très bien !

Mme Sophie Dessus. J’entends l’argument de la modernité, mais faut-il toujours sacrifier à son culte sous peine d’être considéré comme ringard ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

La modernité, est-ce suivre des modes qui passent aussi vite que les feuilles d’automne ? Être moderne, est-ce se faire le champion de la culture du zapping, de la religion du tweet et de la société des normes qui, elles, s’accumulent sans vergogne ?

La modernité, n’est-ce pas être en avance sur son temps, tellement en avance qu’on risque d’en paraître ringard ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Martial Saddier. Très bien !

Mme Sophie Dessus. Être moderne, dans cette période de perte de valeurs, n’est-ce pas de rester fidèle à celles-ci, ainsi qu’à ses convictions ? « Ne pas monter bien haut, peut-être, mais tout seul », comme disait Cyrano.

Être moderne, est-ce passer du tout cumul au tout non-cumul, au risque de reproduire la même erreur en sens inverse ?

C’est pourquoi je me permets de vous présenter cet amendement, en espérant que la raison l’emporte – amendement lié à celui qui vous sera présenté tout à l’heure sur la possibilité de cumuler un mandat parlementaire et un mandat de maire d’une commune de moins de 20 000 habitants.

Je vous propose dans cet amendement qu’un siège d’adjoint dans une commune de moins de 20 000 habitants soit cumulable avec un mandat parlementaire. Cette proposition pourrait être étudiée aussi pour les maires d’arrondissement, avec des critères semblables.

Tout cela dans le souci d’une représentation toujours plus fine des territoires ruraux, avec des parlementaires de tous horizons et de toutes formations, afin que le Parlement ne devienne pas une assemblée de femmes et d’hommes tous issus du même moule : celui des grandes écoles et des partis,…

M. le président. Merci…

Mme Sophie Dessus. Encore un instant, monsieur le bourreau !

…ce qui ne permettrait pas la diversité nécessaire à une juste représentation des citoyens, et ce qui supprimerait le croisement des expériences et des savoir-faire.

Cet amendement ne remet en question ni la volonté du Président de la République, ni celle du Gouvernement, puisque respecter le non-cumul…

M. le président. Merci.

Sur l’amendement n° 208, je suis saisi par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Nous en venons aux amendements identiques, nos 109 et 155.

La parole est à Mme Annie Genevard, pour soutenir l’amendement n° 109.

Mme Annie Genevard. Il paraît juste de moduler l’incompatibilité entre un mandat national et un exécutif local en fonction de l’importance démographique de la collectivité. En effet, on peut admettre que la charge de travail ne soit pas la même dans une petite collectivité. Autoriser le cumul d’un mandat national avec l’exercice d’un mandat de maire dans une commune de moins de 100 000 habitants nous semble une limite acceptable. Nous proposerons deux autres seuils : dans l’amendement n° 110, à 50 000 habitants ; et dans l’amendement n° 111, à 30 000 habitants.

Je me fonde sur l’ouvrage de Laurent Bach, Faut-il abolir le cumul des mandats ? Laurent Bach établit un lien entre l’importance de la collectivité locale et la présence au Parlement. En moyenne, les députés qui n’ont pas de mandat local sont présents dix-huit semaines. Mais dès lors qu’ils détiennent un gros mandat local – dans une collectivité locale de plus de 30 000 habitants –, on observe, effectivement, une présence un peu moindre. La question du seuil se pose donc et nous aimerions ouvrir ce débat, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Daniel Fasquelle, pour soutenir l’amendement n° 155.

M. Daniel Fasquelle. C’est un sujet essentiel. Nous pourrions nous retrouver autour d’une solution qui consisterait à fixer un seuil.

Si nous entrons dans votre logique, un député ne peut pas cumuler certaines fonctions parce qu’il ne serait plus suffisamment disponible pour son travail de parlementaire.

La remarque peut être vraie pour certaines fonctions. Admettons-le – encore que je sois sceptique – pour les fonctions de président de conseil départemental, de président de conseil régional, de maire d’une très grande ville. On voit bien, d’ailleurs, que beaucoup de maires de grande ville ont renoncé à leur mandat parlementaire, eu égard aux charges qui sont les leurs. M. le ministre, hier soir, nous a donné une liste de villes dont les maires ne sont pas parlementaires, parce que leurs fonctions de maire les occupent à plein temps et qu’ils ont d’eux-mêmes considéré qu’il était difficile de cumuler le mandat de député et celui de maire. C’est bien la preuve que le système se régule de lui-même et qu’on pourrait laisser faire les choses, tout simplement.

Mais puisque vous voulez à tout prix intervenir, dans ce cas intervenons et trouvons sur ce sujet un accord entre nous. Nous pourrions nous retrouver autour d’un seuil : j’ai proposé celui de 100 000 habitants qui me paraît le bon, d’autres ont proposé ceux de 30 000 et 20 000. C’est autour de cette solution qu’il faut travailler. Évitons de nous affronter sur ce sujet : retrouvons-nous, trouvons un point d’accord. Nous faisons un pas vers vous : faites un pas vers nous. Autour de l’une de ces propositions, dont on voit bien, d’ailleurs, qu’elles transcendent le clivage droite-gauche, nous pourrions nous retrouver. Ayons un débat serein, apaisé, soyons à l’écoute des uns et des autres. Et surtout, soyons cohérents dans l’élaboration de cette loi, qui doit atteindre ses objectifs, mais sans tomber dans l’excès, comme cela a été dit très justement.

M. le président. Nous en venons aux trois amendements identiques, nos 89, 110 et 156.

La parole est à M. Guy Geoffroy, pour soutenir l’amendement n° 89.

M. Guy Geoffroy. Sans vouloir allonger la discussion, cet amendement qui vise également à fixer un seuil mérite un débat plutôt qu’un refus de principe.

Je redis ce que j’ai dit tout à l’heure et qui visiblement n’a pas été compris. Je n’ai pas dit et je ne dirai jamais qu’il faut impérativement être maire pour être un bon député. En revanche, je dis et je redis que prétendre que si on a été maire, on garde intact en soi l’expérience d’une responsabilité locale et qu’à ce titre on est toujours pertinent dans l’exercice de sa fonction parlementaire, c’est une erreur. Il faut donner la possibilité aux élus locaux, dans des proportions acceptables, d’exercer en parallèle un mandat parlementaire, au profit de la collectivité nationale.

M. le président. La parole est à Mme Annie Genevard, pour soutenir l’amendement n° 110.

Mme Annie Genevard. Il est défendu.

M. le président. La parole est à M. Daniel Fasquelle, pour soutenir l’amendement n° 156.

M. Daniel Fasquelle. Il est défendu.

M. le président. Nous poursuivons cette série d’amendements pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Daniel Fasquelle, pour soutenir l’amendement n° 321.

M. Daniel Fasquelle. Avec cet amendement, je propose un seuil de 49 000 habitants.

Mais je voudrais en profiter pour tordre le coup à la fausse idée du renouvellement. Il y a 36 000 communes en France. Si votre loi est votée – conformément à la Constitution, elle doit l’être dans les mêmes termes dans les deux assemblées, ce qui est loin d’être acquis –, dans un premier temps, il y aura un renouvellement dans 300 à 350 communes sur 36 000, mais ensuite le système va complètement se bloquer. Les maires ne seront pas candidats aux législatives, de peur de perdre leur mairie, et les députés ne tenteront pas non plus l’aventure des municipales. En réalité, chacun va rester dans sa sphère : qui est député ou sénateur demeurera député ou sénateur, qui est maire restera maire. Du coup, le renouvellement qui existe aujourd’hui parce que des députés prennent des mairies ou certains maires partent à l’assaut de circonscriptions, vous allez le bloquer complètement. Par conséquent, s’il y aura un petit renouvellement dans un premier temps, tout sera figé par la suite.

Vous citez souvent l’exemple anglais : renseignez-vous sur la situation aujourd’hui très inconfortable du maire de Londres qui, dans l’impossibilité de cumuler, ne s’est pas lancé dans l’aventure aux dernières législatives.

En réalité, vous allez bloquer et figer le système. C’est pourquoi nous déposons ces différents amendements, qui permettent de préserver une certaine respiration démocratique, que vous allez empêcher.

M. le président. Monsieur Fasquelle, vous avez encore la parole pour soutenir l’amendement n° 322.

M. Daniel Fasquelle. Il est défendu.

M. le président. L’amendement n° 330 est également défendu ?

M. Daniel Fasquelle. Oui, monsieur le président.

M. le président. La parole est à M. Daniel Fasquelle, pour soutenir l’amendement n° 332.

M. Daniel Fasquelle. Il est défendu, monsieur le président.

J’ajouterai quelques mots au sujet de la conformité du texte à la Constitution. Notre collègue Jean-Frédéric Poisson a été très clair hier, mais il y a un point qui n’a pas été abordé : la question de savoir si on peut traiter différemment les sénateurs et les députés. Je suis convaincu que non.

Il faudrait aussi savoir si on peut donner le dernier mot à l’Assemblée nationale pour imposer son point de vue aux sénateurs. Je ne le crois pas non plus et j’aimerais bien avoir l’avis de M. le ministre qui pourrait très utilement éclairer nos débats. On connaît la réticence légitime des sénateurs à l’égard de ce projet de loi. Des amendements proposant un seuil ont été défendus aussi bien par la majorité que par l’opposition. Je pense que vous avez tout intérêt, si vous voulez que votre texte aboutisse, à ce que nous trouvions un point d’accord autour d’un seuil.

M. le président. L’amendement n° 333 est-il défendu, monsieur Fasquelle ?

M. Daniel Fasquelle. Oui, monsieur le président, tout comme le sont les amendements nos 335, 337, 338, 339, 340, 341, 342, 343 et 344.

M. le président. Nous en venons à trois amendements identiques, nos 90, 111 et 157.

La parole est à M. Guy Geoffroy, pour soutenir l’amendement n° 90.

M. Guy Geoffroy. Il est défendu.

M. le président. L’amendement n° 111 est-il défendu, madame Genevard ?

Mme Annie Genevard. Oui, monsieur le président.

M. le président. Et l’amendement n° 157, monsieur Fasquelle ?

M. Daniel Fasquelle. Il est défendu.

M. le président. Nous en venons aux deux derniers amendements de cette série, nos 91 et 92. Les défendez-vous, monsieur Geoffroy ?

M. Guy Geoffroy. Ils sont défendus, monsieur le président.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur l’ensemble de ces amendements ?

M. Christophe Borgel, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable. J’entends bien, mes chers collègues, l’argument exposé à plusieurs reprises et que M. Geoffroy a développé, montrant l’apport que constituerait pour l’exercice d’un mandat parlementaire, l’expérience de fonctions exécutives locales.

M. Jean-Luc Reitzer. Eh oui !

M. Christophe Borgel, rapporteur. Je ne crois pas qu’un quelconque défenseur de ce texte ait mis en doute le fait que l’expérience d’élu local, a fortiori l’exercice d’un mandat exécutif local, soit utile.

M. Yves Censi. Alors pourquoi interdire le cumul ?

M. Christophe Borgel, rapporteur. Nous estimons que cette expérience ne peut pas être menée en même temps que la fonction de député.

M. Guy Geoffroy. Pourquoi ?

M. Jean-Luc Reitzer. C’est un postulat !

M. Christophe Borgel, rapporteur. Mais, j’en suis convaincu, cela restera, avec un mode de scrutin organisé très majoritairement sur la base de circonscriptions, même si, demain, nous introduisions une dose de proportionnelle (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Luc Reitzer. L’aveu est proche !

M. Christophe Borgel, rapporteur. Il n’y a pas d’aveu, le ministre l’a rappelé : l’introduction d’une dose de proportionnelle n’est pas à l’ordre du jour mais c’est un engagement de campagne électorale du candidat devenu Président de la République.

M. Jean-Luc Reitzer. Pour faire entrer le Front national au Parlement !

M. Christophe Borgel, rapporteur. Il est évident que la sélection des candidats via le vivier des élus locaux au sein des circonscriptions restera un élément clef de notre système. Cher collègue Laurent, cette filière que vous avez présentée tout à l’heure comme une filière de mérite républicain, restera vraisemblablement la principale avec un mode de scrutin par circonscriptions, et elle permettra à un certain nombre de citoyens ayant exercé des fonctions locales de devenir parlementaires et d’apporter leur expérience au sein de notre assemblée.

Mais nul n’est besoin, et c’est là que nous divergeons, cher collègue Geoffroy, de les exercer concomitamment. Vous soutenez qu’il faut les exercer de façon cumulative à cause de l’évolution permanente, seconde par seconde, minute par minute, des fonctions de maire. Soyons sérieux.

M. Yves Censi. C’est différent, nous ne plaidons pour aucune obligation !

M. Christophe Borgel, rapporteur. Vous dites que nous ne sommes pas seulement en contact avec les citoyens mais aussi avec les élus. Absolument. Je n’ai aucun mandat local et donc encore moins de fonction exécutive locale et cela ne m’empêche pas, chaque semaine, de rencontrer les maires de ma circonscription et leurs adjoints. Ce n’est selon vous pas suffisant. J’espère vous convaincre, d’ici à la fin de ce débat, que le non-cumul permet au contraire parfaitement de faire part, ici, de la réalité vécue par ces élus locaux. Du reste, il y aura toujours sur ces bancs de très nombreux députés qui auront vécu cette expérience locale.

Ensuite, concernant le seuil, j’ai déjà mentionné la logique de ce texte : il s’agit, d’une part, de tenir compte de l’évolution des compétences, des pouvoirs des collectivités territoriales et donc du temps que prennent les fonctions exécutives locales ; et il s’agit, d’autre part, de faire en sorte que les parlementaires, en particulier en raison des évolutions introduites dans la révision constitutionnelle de 2008, puissent exercer pleinement les compétences dévolues par la Constitution.

Vous pouvez ne pas être d’accord mais, à un moment donné, il faudrait arrêter de faire comme si l’objectif n’était pas clairement affiché. Le texte vise à permettre aux parlementaires d’exercer pleinement leur mission,…

M. Daniel Fasquelle. Avec quels moyens ?

M. Christophe Borgel, rapporteur. …en ne les autorisant pas à cumuler leurs fonctions nationales avec des fonctions exécutives locales. Aussi l’introduction d’un seuil ne me paraît-elle pas cohérente avec le périmètre défini à l’article 1er.

Loin de moi l’idée, madame Genevard, de ne pas avoir voulu, tout à l’heure, vous répondre en particulier. Vous avez présenté un amendement parmi un paquet d’amendements de vos collègues. Je vous réponds donc au sujet du seuil que vous voulez fixer : 100 000 habitants. On compte quarante et une communes de plus de 100 000 habitants en France. Imaginez-vous que nous pourrons atteindre l’objectif poursuivi par le Gouvernement et demain, je l’espère, par la majorité de l’Assemblée, à savoir une très forte avancée en matière de non-cumul des mandats des parlementaires, en limitant cette avancée à seulement quarante et un des quelque 36 700 maires de France ? Honnêtement, c’est impossible. Même si l’on abaissait le seuil à 50 000 habitants, ce ne seraient qu’un peu plus de 200 maires qui seraient concernés. Et si on descendait encore jusqu’à 20 000 habitants, seuls 500 maires seraient concernés. Vos propositions ne sont pas cohérentes avec le pas en avant que nous propose le Gouvernement, avec le soutien de la commission.

Je me tourne vers notre collègue Sophie Dessus pour lui dire que je comprends ses remarques. Je comprends, je l’ai dit hier, qu’avec l’avancée que nous proposons, un certain nombre de nos collègues, qui ont exercé des mandats locaux pendant longtemps, seront, une fois ce texte adopté, et quand il s’appliquera, en 2017, face à un choix : l’exercice de leur mandat local ou l’exercice d’un mandat de parlementaire. Je comprends qu’envisager l’abandon du mandat local est un choix difficile…

M. Yves Censi. Mais arrêtez donc !

M. Christophe Borgel, rapporteur. …car l’exercice d’un tel mandat crée un attachement à des citoyens, à des quartiers, à une réalité territoriale.

M. Yves Censi. Ridicule !

M. Christophe Borgel, rapporteur. Ce texte est cohérent et je vous demanderai, chers collègues de la majorité, de retirer votre amendement n° 208. Pour le reste, j’ai bien compris, mes chers collègues, qu’il y avait un désaccord, mais je tiens à la cohérence du texte.

M. Jacques Myard. Il n’en a aucune !

M. Christophe Borgel, rapporteur. Or je pense que les amendements que vous défendez ne sont pas compatibles avec cette cohérence.

Enfin, le seuil ne peut pas être le fruit de la seule volonté de donner un chiffre.

M. Jacques Myard. Ah bon ?

M. Christophe Borgel, rapporteur. La litanie des amendements fixant successivement ce seuil à 49 000 habitants, 48 000, 47 000…

M. Guy Geoffroy. Nous aurions pu décliner à l’unité !

M. Christophe Borgel, rapporteur. Nous aurions pu même prévoir, en effet, une déclinaison à l’unité.

M. Claude Goasguen. Absolument !

M. Christophe Borgel, rapporteur. Je vous rappelle que le Conseil constitutionnel avait refusé d’abaisser le seuil à 2 500 habitants pour le scrutin par liste, dès lors que le seuil de cumul n’était pas lui-même abaissé. Nous avons dû, à l’occasion de l’examen de la récente loi électorale, en abaissant le seuil pour le scrutin de liste à 1 000 habitants, retenir, par cohérence, le même chiffre pour le seuil de non-cumul.

Au-delà des arguments politiques qui amènent la commission à émettre un avis défavorable, vos propositions buteraient vraisemblablement sur un obstacle constitutionnel : vos seuils ne correspondent à aucune référence en matière électorale dans le droit en vigueur.

M. Christian Jacob. Mais si, il existe de tels seuils en matière électorale !

M. Christophe Borgel, rapporteur. Pas des seuils de 20 000 habitants !

M. Christian Jacob. Pas des seuils de 20 000 habitants, peut-être, mais des seuils figurent bel et bien dans le droit en vigueur !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’ensemble de ces amendements ?

M. Manuel Valls, ministre. Un certain nombre de points nous opposent depuis le début dans un débat légitime. Ainsi, nous considérons, nous, qu’un député, notamment dans une circonscription particulièrement importante, comprenant plusieurs dizaines de communes, sera le porte-parole de ses concitoyens et qu’il portera également les aspirations des maires.

En outre, le fait de ne pas être maire ou président d’une intercommunalité au cœur de sa circonscription lui donnera plus de temps et plus de légitimité pour porter ces questions.

M. Yves Censi. Mais comment avez-vous fait vous-même, quand vous cumuliez ?

M. Manuel Valls, ministre. Je n’ai pas à expier quoi que ce soit.

M. Claude Goasguen. Au contraire !

M. Manuel Valls, ministre. Nous ne sommes pas dans une réunion des alcooliques anonymes. J’ai tout simplement expliqué que j’avais été maire mais qu’aujourd’hui, étant donné mes responsabilités…

M. Yves Censi. Donc c’était ringard !

M. Manuel Valls, ministre. Monsieur Censi, parfois les électeurs se chargent de régler le problème du cumul.

M. Yves Censi. Alors laissez-les continuer de le faire !

M. Manuel Valls, ministre. Il ne s’agit pas ici de régler un problème personnel mais de faire la loi.

Deuxième remarque, et le rapporteur l’a excellemment dit, toutes vos propositions, et la vôtre également, madame Dessus, sont arbitraires.

M. Jean-Luc Reitzer. Et pourquoi ?

M. Manuel Valls, ministre. Le seul élément qui pourrait être accepté par le Conseil constitutionnel qui a déjà pris une décision sur le sujet, et Christophe Borgel l’a rappelé, c’est le seuil de 1 000 habitants.

M. Jean-Luc Reitzer. Et pourquoi ?

M. Manuel Valls, ministre. Il s’agit bien ici d’un débat sur le principe, y compris sur le seuil de 1 000 habitants. Il n’y a qu’une seule règle qui puisse s’appliquer : le député ne pourra plus, dorénavant, cumuler ses fonctions avec un exécutif local et, bien sûr, avec une responsabilité de maire.

Tous les autres amendements, encore une fois, je peux les comprendre et je vous crois sincères sur le fait que vous voulez conserver ce lien. Mais de toute façon, tous les maires ne seront pas parlementaires et tous les parlementaires ne cumuleront pas avec un exécutif local. Si nous voulons avancer, moderniser, changer, transformer notre démocratie, le rôle du Parlement, il faut aller dans ce sens.

M. Christian Jacob. Ce texte n’a rien de moderne !

M. Manuel Valls, ministre. Je suis même prêt, monsieur le président Jacob, dans un esprit de large consensus et pour vous convaincre de retirer tous vos amendements, à me limiter à parler de changement en laissant de côté la question de la modernité. (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP.)

M. Claude Goasguen et M. Guy Geoffroy. Enfin !

M. Manuel Valls, ministre. Car je suis sensible aux arguments des uns et des autres, même s’ils ne me font pas changer d’avis.

Je répondrai, enfin, sur la question du traitement différencié des sénateurs et des députés. Les sénateurs font déjà l’objet des mêmes dispositions d’inéligibilité et d’incompatibilité que les députés.

M. Jean-Frédéric Poisson. Nous sommes bien d’accord.

M. Manuel Valls, ministre. Les mêmes règles de cumul avec des mandats locaux sont applicables aux sénateurs et aux députés. L’article 24 de la Constitution, qui a trait au rôle plus spécifique du Sénat, ne justifie en rien un traitement différencié des sénateurs par rapport au droit en vigueur. Établir une différence de traitement entre députés et sénateurs semble, sur le plan constitutionnel, possible. (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP.) Mais nous aurons ce débat au Sénat. Cette possibilité existe. Je m’efforce de répondre à la question d’un point de vue constitutionnel.

M. Nicolas Dhuicq. Y aura-t-il donc des sénateurs-maires pour le mandat de 2014 à 2020 ?

M. Manuel Valls, ministre. Toutefois, je le précise à l’attention des futurs candidats aux élections sénatoriales, les objectifs du projet de loi organique ne justifient pas un traitement spécifique du Sénat, qui représente la nation, aux termes de la Constitution, au même titre que l’Assemblée nationale.

M. Claude Goasguen. Absolument, c’est la Constitution !

M. Manuel Valls, ministre. Le Sénat n’est pas le Bundesrat ni le Sénat espagnol. Le Sénat français, comme le prévoit la Constitution, représente la nation. Nous pourrions donc avoir également un débat sur la différenciation.

Le traitement spécifique du Sénat rendrait par ailleurs indispensable l’accord du Sénat sur le texte.

M. Marc Dolez. En effet !

M. Manuel Valls, ministre. Pour toutes ces excellentes raisons, le projet de loi ne prévoit pas – et cela restera vrai, je l’espère, au moment du vote final – de différence entre l’Assemblée nationale et le Sénat. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

M. Marc Dolez. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Martial Saddier.

M. Martial Saddier. Monsieur le rapporteur, je suis désolé mais le texte n’est pas cohérent. Nous en sommes à la troisième série d’amendements provenant de la majorité et qui proposent tout simplement de remettre complètement en cause ce que vous nous proposez. À cet égard, je salue Mme Dessus pour sa démonstration implacable sur l’incohérence du texte.

Monsieur le ministre, je vous remercie de m’avoir répondu tout à l’heure, mais vous n’avez pas tout à fait terminé votre intervention puisque vous étiez à dire que votre réforme n’était pas une question de kilomètres. Puisque nous sommes partis pour la nuit, je préfère vous prévenir : vous n’avez pas fini de m’entendre sur ce point.

Je ne suis pas commissaire aux lois mais commissaire au développement durable et à l’aménagement du territoire. Mes chers collègues, nous sommes dans cet hémicycle tous égaux et nous avons strictement les mêmes droits, et ce n’est pas moi qui remettrai ce principe en cause ; mais avouons que nous ne représentons pas tout à fait les mêmes territoires. Vous avez dit tout à l’heure, monsieur le ministre, que ce n’était pas une question de kilomètres. Eh bien si, justement.

Un député de Paris par ailleurs conseiller régional d’Île-de-France couvre-t-il le même territoire et a-t-il les mêmes conditions de travail qu’un député et conseiller régional de Rhône-Alpes ou de Languedoc-Roussillon ? L’ensemble des amendements qui viennent d’être présentés prouvent que, pour un député qui est simple maire adjoint d’une commune située au cœur de sa circonscription, il est plus facile d’être disponible que pour un député qui est conseiller régional, dans une région où certaines communes sont à 300 kilomètres de sa circonscription, c’est-à-dire à trois ou quatre heures de route,…

M. Manuel Valls, ministre. Mais personne ne l’oblige à cumuler !

M. Martial Saddier. …sans parler des conditions hivernales dans les zones de montagne.

M. Manuel Valls, ministre. Vous ne devez pas ignorer, pourtant, les conditions de circulation en Île-de-France !

M. Martial Saddier. Je n’ai toujours pas compris l’argument. Comme d’autres qui se sont exprimés hier soir dans la discussion générale, je pense que ceux qui cumulent ne sont pas moins présents dans cet hémicycle et les relevés de nos travaux en attestent incontestablement. Il est absurde, incohérent d’empêcher un parlementaire d’être maire adjoint au cœur de sa circonscription et de lui permettre d’être conseiller régional à 300 kilomètres de sa circonscription.

M. le président. Merci, cher collègue.

M. Martial Saddier. Monsieur le ministre, je voudrais avoir profondément votre avis sur cette question d’aménagement du territoire.

M. le président. La parole est à M. Yves Nicolin.

M. Yves Nicolin. Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, tout à l’heure vous avez donné deux arguments à l’appui de votre texte.

En ce qui concerne le premier – redonner du temps aux parlementaires pour être plus présents –, nous avons essayé de vous démontrer qu’il ne tenait pas dans la mesure où vous leur permettez de conserver des mandats tels que ceux de conseiller général ou de conseiller régional, et nous avons aussi réussi à vous démontrer que ce n’était pas le cumul qui empêchait les parlementaires d’être présents.

Vous avez aussi développé un deuxième argument sur « le mélange des genres » que constituerait le cumul d’un mandat national et d’un mandat local. Lorsque nous sommes ici pour débattre des sujets intéressant la nation – des problèmes de logement ou de sécurité, monsieur le ministre de l’intérieur, ou encore de mesures économiques, voire relatives au droit de l’urbanisme – ne pensez-vous pas que la valeur ajoutée qu’apporte un mandat local, notamment quand il s’agit d’un mandat exécutif comme celui d’adjoint à l’urbanisme, à la sécurité, au développement économique ou au logement, donne aux parlementaires que nous sommes une expertise qui nous permet d’éviter beaucoup de bêtises ?

Demain, si le mandat unique nous empêche d’être en même temps maire ou adjoint quelle que soit la taille de la commune, nous allons perdre certaines expertises et surtout arriver à une situation tout à fait détestable : des élus légiféreront sur des sujets qu’ils ne connaîtront pas ou mal.

M. Jacques Myard. Bravo !

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Reitzer.

M. Jean-Luc Reitzer. Monsieur le ministre, vous avez reproché tout à l’heure aux collègues qui proposaient des seuils d’avoir une position arbitraire.

M. Manuel Valls, ministre. C’est le seuil qui est arbitraire !

M. Jean-Luc Reitzer. Mais votre position qui consiste à refuser toute évolution ou tout rapprochement avec l’opposition est tout autant arbitraire. Où se situe la pierre d’achoppement ? Sur l’interdiction que vous souhaitez imposer de cumuler des fonctions de député et de maire, ou à tout le moins de maire adjoint ou de vice-président d’intercommunalité. C’est là le nœud du problème.

La richesse de ce débat, que vous avez soulignée, monsieur le ministre, elle vient précisément de la diversité des destins des uns et des autres, membres de cette assemblée. Nous pouvons témoigner de nos expériences respectives, des carrières que nous avons construites au fil des ans, de leur richesse et de leur diversité.

M. le rapporteur, que j’écoute avec beaucoup d’attention,…

M. Christophe Borgel, rapporteur. C’est gentil !

M. Jean-Luc Reitzer. …considérait tout à l’heure qu’il n’était pas nécessaire, pour enrichir le débat parlementaire, d’exercer concomitamment des responsabilités d’exécutif local.

Je vais prendre deux exemples qui ont trait à l’ancienne majorité – voyez que je sais être très objectif. Rappelez-vous le débat que nous avons eu sur la taxe professionnelle. S’il n’y avait pas eu à l’époque un certain nombre de députés-maires et de sénateurs-maires, le texte qui nous avait été proposé par Bercy serait actuellement en vigueur. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. Martial Saddier. Il a raison !

M. Jean-Luc Reitzer. Nous qui sommes maires, nous connaissons déjà les difficultés d’application de cette loi sur la taxe professionnelle. Qu’est-ce que cela aurait été si nous n’avions pas été là pour amender, modifier et améliorer le texte !

Il en va exactement de même pour la péréquation. On dit souvent que l’enfer est pavé de bonnes intentions. Ici, naturellement, la péréquation, ce sont les grands principes. Mais quand on est élu local et que l’on doit contribuer à une caisse nationale dont on ne sait d’ailleurs pas qui en bénéficiera,…

M. le président. Merci…

M. Jean-Luc Reitzer. …on a une autre vision et une autre analyse des choses.

L’exercice d’un mandat exécutif local enrichit donc l’exercice de la fonction nationale.

M. le président. Merci, monsieur Reitzer.

M. Jean-Luc Reitzer. Monsieur le ministre, je vous en supplie, faites une ouverture, autorisez effectivement cette fonction de député-maire, de sénateur-maire, ou le cumul d’un mandat de parlementaire avec la fonction de vice-président ou d’adjoint, car les Français y sont fondamentalement attachés. Ils ne nous disent même plus « monsieur le maire »…

M. le président. Merci.

La parole est à M. Daniel Fasquelle.

M. Daniel Fasquelle. Je voudrais donner une réponse à M. le rapporteur et poser une question à M. le ministre.

M. le rapporteur nous dit que le seul seuil possible serait celui de 1 000 habitants. Je ne suis pas d’accord avec cette remarque et d’ailleurs dans l’exposé sommaire de l’amendement n° 155, je cite la décision du Conseil constitutionnel du 30 mars 2000, qui permet de fixer un seuil pour ce type de loi, à condition qu’il ne soit pas arbitraire. Or les seuils qui vous ont été proposés ne sont pas arbitraires, y compris celui de 20 000 habitants, que vous avez vous-mêmes retenu dans un texte, adopté ici il y a quelques jours, sur les déclarations de patrimoine des maires. Si ce seuil était extravagant, pourquoi l’avoir vous-mêmes retenu dans une loi ?

En ce qui concerne l’accord des deux chambres, je vous ai trouvé un peu confus, monsieur le ministre. Je n’ai toujours pas compris où vous vouliez en venir. Votre conclusion est-elle que vous voulez le même texte pour l’Assemblée nationale et Sénat ? C’est ce que j’ai cru comprendre.

M. Christophe Caresche. C’est une obligation !

M. Daniel Fasquelle. Dans ce cas, quelle est votre position ? Considérez-vous, dès lors que le texte est le même pour les deux assemblées, qu’il faut avoir l’accord de l’Assemblée nationale et du Sénat ? Ou considérez-vous que l’Assemblée nationale peut avoir le dernier mot ?

M. Manuel Valls, ministre. Oui !

M. Daniel Fasquelle. Vous considérez que l’Assemblée nationale peut avoir le dernier mot. Eh bien, sur ce point nous ne sommes pas d’accord et le Conseil constitutionnel tranchera.

M. le président. La parole est à M. Alain Calmette.

M. Alain Calmette. Monsieur Fasquelle, vous avez dit tout à l’heure qu’il y avait une régulation naturelle, dans les très grandes villes de France, qui aboutissait à ce que les cumuls soient évités. Or je crois savoir que dans les trois plus grandes villes de France, la régulation naturelle n’a pas encore eu lieu et qu’il faut en passer par la loi pour qu’elle soit véritablement actée.

M. Jacques Myard. Laissez-les libres !

M. Alain Calmette. Monsieur Saddier, je suis moi aussi commissaire à l’aménagement du territoire et je pense que, pour agir dans ce domaine, il vaut mieux que le député ne soit pas maire d’une des communes de sa circonscription. D’abord, cela lui donne plus de temps. Ensuite, cela lui donne une sorte de recul, de hauteur de vue, en lui permettant une mise à égalité de l’ensemble des élus, auxquels il s’adresse, dès lors, de manière plus convaincante. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Et puis, on n’est pas coupé de la réalité avec un mode de scrutin qui est uninominal au suffrage universel dans une circonscription. Le lien au terrain, c’est l’élection. Comment peut-on être en dehors du terrain et être élu par la majorité absolue des électeurs ?

M. Jacques Myard. Pour être maire aussi !

M. Alain Calmette. Dernier élément, s’agissant du seuil : pour cette loi qui doit être lisible et simple, un périmètre a été défini – les fonctions exécutives locales – et une date a été fixée : 2017. Fixer un seuil, d’une part, serait arbitraire et d’autre part, aboutirait à une confusion peu lisible par nos concitoyens. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. Yves Censi. Que c’est théorique !

M. le président. Nous en venons aux votes sur cette série d’amendements en discussion commune.

Je vais d’abord mettre aux voix l’amendement n° 208, qui a fait l’objet d’une demande de scrutin public.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 131

Nombre de suffrages exprimés 131

Majorité absolue 66

(L’amendement n° 208 n’est pas adopté.)

M. le président. Je vais maintenant procéder aux votes à main levée.

(Les amendements identiques nos 109 et 155 ne sont pas adoptés.)

(Les amendements identiques nos 89, 110 et 156 ne sont pas adoptés.)

(Les amendements nos 321, 322, 330, 332, 333, 335, 337, 338, 339, 340, 341, 342, 343 et 344, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

(Les amendements identiques nos 90, 111 et 157 ne sont pas adoptés.)

(Les amendements nos 91 et 92, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à M. Christian Jacob.

M. Christian Jacob. Monsieur le président, je vous demande une suspension de séance de cinq minutes.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures vingt-cinq, est reprise à dix-sept heures trente-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Je suis saisi de trois amendements, nos 126, 1 et 102, pouvant être soumis à une discussion commune.

Les amendements nos 1 et 102 sont identiques.

La parole est à M. Christian Hutin, pour soutenir l’amendement n° 126.

M. Christian Hutin. Vous avez eu raison, monsieur le ministre, tout à l’heure, de dire qu’il fallait faire la part des choses entre les fonctions exécutives et celles qui ne sont pas exécutives. Le chevènementiste de gauche que je suis, pour reprendre l’expression de Jacques Myard, pense d’ailleurs que vous avez souvent raison.

Cependant, vous n’avez pu, sur le cas particulier qui nous occupe, qu’être abusé.

Je voudrais effectivement parler du problème des maires délégués, dont le statut découle de la loi Marcellin. Il me faudrait en être à mon neuvième ou mon dixième mandat, consécutif ou non, pour l’avoir votée. Cette loi permettait à des communes qui souhaitaient s’associer, et non pas fusionner, de continuer à exister, tout en homogénéisant leurs services, allant ainsi dans un sens que l’État souhaitait. Un maire délégué préside un conseil consultatif. Il n’a nullement une fonction exécutive. Une jurisprudence extrêmement importante l’a précisé de nombreuses fois.

Cela s’est fait à Lille, avec Martine Aubry, avec les communes de Lomme et d’Hellemmes. Nous l’avons fait à Dunkerque, avec Michel Delebarre, avec ma commune de Saint-Pol-sur-Mer et la commune de Fort-Mardyck. Au lendemain des élections municipales, il y a deux élections : on élit le maire de sa commune et le maire de la grande ville. Le maire délégué préside le conseil consultatif, qui prend un certain nombre de délibérations, qu’il passe ensuite au « grand » conseil, si je puis m’exprimer ainsi. Il n’est nullement dans des fonctions exécutives, sauf s’il le demande dans le cadre du conseil de la grande ville. Alors il peut exercer une fonction exécutive. Pour le moment, à Dunkerque, ce n’est pas mon cas.

Se pose donc un réel problème juridique. On ne retrouve pas, dans ce cas particulier, la cohérence du texte. Je dirais même qu’il y a un vrai risque. Tous les juristes le pensent. Encore une fois, toute la jurisprudence confirme que la fonction de maire délégué n’est en aucun cas une fonction exécutive.

M. Jean-Frédéric Poisson. Il a raison !

M. Christian Hutin. Je voulais vous mettre en garde, et je souhaiterais que cet amendement soit adopté pour supprimer le risque d’inconstitutionnalité qui pèse donc sur l’ensemble de l’alinéa 3, dont l’invalidation serait tout de même ennuyeuse.

M. le président. Sur les amendements identiques nos 1 et 102, je suis saisi par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à Mme Valérie Boyer, pour soutenir l’amendement n° 1

Mme Valérie Boyer. Cet amendement va, je crois, mettre en évidence une partie de l’incohérence de ce texte. On ne peut sacrifier des élus, des électeurs pour avoir un texte identique à l’Assemblée nationale et au Sénat, et on ne peut non plus être incohérent en ce qui concerne les fonctions de certains élus.

Je veux dire par là que, avec cet amendement que je défends et qui est également défendu par M. Geoffroy, M. Goasguen, M. Goujon et M. Fenech, nous soutenons l’idée, également évoquée par M. Hutin, que l’on doit prendre en considération la situation spécifique des villes comme Paris, Lyon et Marseille, qui sont divisées en arrondissements. En effet, les maires d’arrondissement ne disposent pas de prérogatives et de responsabilités aussi étendues que les maires de plein exercice. Ainsi, les mairies concernées ne disposent pas de la personnalité morale, et sont dépourvues de budget propre. En outre, l’avis des maires d’arrondissement est presque systématiquement consultatif et, de surcroît, ces maires ne disposent pas de pouvoir hiérarchique sur les personnels municipaux.

Par conséquent, l’amendement que je défends, qui a aussi été signé par mon collègue Guy Teissier, vise à prendre en considération la situation de forte dépendance dans laquelle les élus se trouvent à l’égard de la mairie centrale. Un maire d’arrondissement n’est pas à la tête d’un exécutif. C’est la raison pour laquelle il est tout à fait possible, et même souhaitable, qu’un mandat de député ou de sénateur puisse être cumulé avec la fonction de maire d’arrondissement. Parce que sinon, l’argument selon lequel on ne pourrait cumuler un mandat parlementaire avec des fonctions à la tête d’un exécutif s’effondre.

Je dirai même que ranger les fonctions des maires d’arrondissement au nombre des fonctions exécutives alors même qu’on vient de leur refuser, hier ou avant-hier, certaines spécificités ne serait pas cohérent. Je pense même que c’est inconstitutionnel. C’est la raison pour laquelle je vous demande, monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, de revoir votre jugement et de réviser votre point de vue sur la particularité des villes de Paris, Lyon et Marseille et sur la possibilité de cumuler un mandat parlementaire et les fonctions de maire d’arrondissement.

M. le président. La parole est à M. Philippe Goujon, pour soutenir l’amendement n° 102.

M. Philippe Goujon. Après une Marseillaise, et avant un Lyonnais, un Parisien, parce que nous sommes liés par la même loi Paris-Lyon-Marseille.

M. Claude Goasguen. Hélas !

M. Philippe Goujon. Notre amendement, qui est d’ailleurs cosigné par des députés de toute la France, vise à reconnaître les maires d’arrondissement comme exerçant un mandat exécutif local simple, au sens de la commission Jospin, ce qui justifie leur exclusion du champ de l’interdiction du cumul. Ma collègue Valérie Boyer l’a dit : dépourvus de personnalité juridique, de toute autonomie administrative et financière, les arrondissements ne constituent finalement que des échelons inframunicipaux, et non des collectivités territoriales. Leur absence complète d’autonomie et, corrélativement, l’absence d’autonomie de leur exécutif sont d’ailleurs, en réalité, la condition sine qua non de leur existence ; c’est ce qu’a reconnu le Conseil constitutionnel dans sa décision du 28 décembre 1982.

Dépourvus de budget propre et de la capacité de lever l’impôt ou de dispenser la moindre subvention, autorisés à n’exprimer le plus souvent qu’un simple avis consultatif – et encore, sous la menace d’une seconde délibération du maire de la commune –, sans aucun pouvoir hiérarchique sur les personnels municipaux, qu’ils ne peuvent d’ailleurs pas recruter, sans aucun pouvoir de police, ils ne sont évidemment pas des maires de plein exercice, ce qui a d’ailleurs conduit le professeur Michel Verpeaux à les qualifier de « nains administratifs ». On pourrait aller jusqu’à dire qu’ils n’ont de maire que le nom. Vous avez vous-même reconnu en commission, monsieur le ministre, que je n’avais pas totalement juridiquement tort. Et d’ailleurs, M. Jospin lui-même, auteur du rapport sur le cumul, avait lui-même autorisé M. Vaillant à cumuler ses fonctions de maire du XVIIIarrondissement de Paris et celles de ministre chargé des relations avec le Parlement.

Donc, dans un souci de pure justice, les exécutifs d’arrondissement ne sauraient être frappés d’une double peine, subissant à la fois les inconvénients qu’il y a à ne pas être maire de plein exercice et l’interdiction du cumul. Cerise sur le gâteau, leur statut et leur mode de rémunération sont également inférieurs.

Mes chers collègues, vous ne pouvez pas être les auteurs d’une telle injustice.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe Borgel, rapporteur. La commission émet un avis défavorable.

Je le rappelle, le projet de loi vise les fonctions exécutives au sens large, c’est-à-dire l’ensemble des fonctions exécutives locales. Nous avons étendu son champ à un certain nombre de fonctions, telles les présidences et vice-présidences de syndicats intercommunaux, etc.

Aujourd’hui, les mairies d’arrondissement sont soumises, aux termes de la loi de 2000, au même régime de prohibition du cumul entre exécutifs locaux que les maires.

Mme Valérie Boyer. Ce n’est pas constitutionnel !

M. Christophe Borgel, rapporteur. Vous ne pouvez pas être maire d’arrondissement à Marseille et présidente de la région Provence-Alpes-Côte-d’Azur, ma chère collègue Boyer. Vous ne pouvez pas être maire d’arrondissement à Paris et président de la région Île-de-France, mon cher collègue Goujon. C’est donc bien la preuve que le droit actuel considère déjà les maires d’arrondissements comme des présidents d’un exécutif local.

Mme Valérie Boyer. Donnez-leur les moyens correspondants, dans ce cas !

M. Christophe Borgel, rapporteur. J’ajoute que le code général des collectivités territoriales dispose que les délibérations des conseils d’arrondissement sont préparées et exécutées par le maire d’arrondissement.

M. Claude Goasguen. Cela ne veut rien dire !

M. Christophe Borgel, rapporteur. Un débat a eu lieu au cours des travaux de la commission : nous nous sommes interrogés sur la validité de ces arguments. Je crois néanmoins que ces motifs justifient que l’on maintienne dans le champ des incompatibilités prévues par l’article 1er les maires d’arrondissements et les maires délégués.

Monsieur Hutin, vous évoquez les maires délégués : leur sort est d’une certaine manière lié à celui des maires d’arrondissement, dans la mesure où leurs compétences et leurs pouvoirs sont sensiblement les mêmes. Vous les liez d’ailleurs dans votre amendement, dont la rédaction même montre que vous admettez, en quelque sorte, mon raisonnement. Je tiens le même raisonnement à propos des maires délégués qu’à propos des maires d’arrondissements. Voilà pourquoi la commission a émis un avis défavorable à cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Manuel Valls, ministre. Ce débat est un peu complexe. M. Hutin et Mme Boyer proposent, tout comme M. le député-maire du XVe arrondissement de Paris, d’exclure du champ des incompatibilités les fonctions de maire d’arrondissement de Paris, de Marseille et de Lyon. M. Hutin propose d’en exclure également les maires délégués. Vous indiquez à l’appui de vos propositions que les fonctions exécutives des maires d’arrondissement et des maires délégués sont limitées, comparativement aux fonctions exercées par les maires de plein exercice. C’est assez juste.

Nous savons que le statut du maire d’arrondissement est spécifique. Il remplit un certain nombre de fonctions dans l’arrondissement. Ces fonctions correspondent à des attributions qui relèvent du maire de la commune, en matière d’état civil, d’affaires scolaires, etc. Le maire de la commune peut exercer directement ces attributions dans ces mêmes arrondissements. Cela fait donc, évidemment, du maire d’arrondissement ou du maire délégué, un élu dont les compétences sont différentes de celles d’un maire de plein exercice. On ne peut donc pas totalement les assimiler à un président d’exécutif local.

D’un autre côté, comme M. le rapporteur l’a dit, d’autres lois relatives au non-cumul des mandats – en l’occurrence, des mandats exécutifs locaux – incluent pourtant les maires d’arrondissement et les maires délégués dans leur champ d’application.

À partir de là, il y a des risques, qui ont déjà été évoqués en commission – j’avais d’ailleurs eu l’occasion de répondre à M. Goujon sur ce point. Ces risques, il faut les prendre en compte. C’est en tout cas la position du Gouvernement.

Honnêtement, et malgré ce que je viens de dire, il est difficile de justifier devant l’opinion – qu’il s’agisse de l’ensemble de nos concitoyens ou des autres élus – que soient exclus du non-cumul des élus qui portent le titre de « maire », qu’ils soient maire délégué ou maire d’arrondissement. D’où le choix que nous avons fait dans le présent projet de loi. Mais d’un autre côté, il y a les risques dont je viens de parler. C’est pourquoi le Gouvernement, tout en écoutant ceux qui vont s’exprimer dans quelques instants, s’en remettra à la sagesse de l’Assemblée.

M. Jean-Frédéric Poisson. Très bien ! Cela devient très intéressant.

M. le président. La parole est à M. Claude Goasguen.

M. Claude Goasguen. Merci, monsieur le ministre, je partage votre sentiment. Je vais essayer d’abonder dans votre sens.

Monsieur le rapporteur, vous avez parlé de la loi de 2000 relative à la limitation du cumul des mandats électoraux et des fonctions électives et à leurs conditions d’exercice. Le seul problème, c’est que cette loi n’a jamais été soumise à l’examen du Conseil constitutionnel, et qu’une question prioritaire de constitutionnalité pourrait tout à fait la remettre en cause. Par ailleurs, une éventuelle remise en cause du projet de loi dont nous discutons pourrait également concerner la loi de 2000.

En toute hypothèse, à propos du maire d’arrondissement, le Conseil constitutionnel ne pourra pas faire autrement que de statuer dans notre sens. Pourquoi cela ? D’une part, parce que l’arrondissement n’est pas une collectivité territoriale – la loi est claire sur ce point. D’autre part, parce que le maire d’arrondissement n’exerce pas de pouvoir exécutif, même pas par délégation. Et c’est bien là l’essentiel, dans cette affaire qui tourne à l’absurde : le maire d’arrondissement n’existe pas, il n’a pas de personnalité juridique, contrairement à l’arrondissement, qui, lui, en a une. Vous croyez qu’il y a deux Claude Goasguen : l’un député, l’autre maire d’arrondissement ; en réalité il n’y en a qu’un seul, car celui qui est maire d’arrondissement n’existe pas juridiquement. N’existant pas juridiquement en tant que maire, je ne vois pas pourquoi on devrait me soumettre aux règles limitant le cumul des mandats ! On ne peut pas soumettre à la loi une absence !

Nous sommes complètement dans l’absurde. C’est la raison pour laquelle, mes chers collègues, après tous les arguments qui ont été développés, je souhaite que nous puissions nous entendre sur cette question. Ce n’est pas une question gravissime, mais laissez-moi vous dire tout net que, si d’aventure l’Assemblée, ne suivant pas la recommandation de M. le ministre d’agir avec sagesse, se prononçait dans un sens différent de ce que nous recommandons, alors, bien entendu, nous irions devant le Conseil constitutionnel. Nous attaquerions aussi bien le présent texte que la loi de 2000, cette dernière au moyen d’une QPC.

L’arrondissement existe, le maire d’arrondissement n’existe pas. L’absence juridique vous salue !

M. le président. La parole est à M. Guy Geoffroy.

M. Guy Geoffroy. Je salue les propos du ministre. J’invite notre rapporteur à être sage, comme le Gouvernement invite l’Assemblée à l’être. Ce qui a été dit par M. Valls montre bien que, pour l’instant, nous sommes à l’envers de ce que nous aurions dû faire. Nous avons là l’occasion de remettre les choses à l’endroit.

Je crois, comme vient de le dire Claude Goasguen, qu’un risque permanent de QPC, et donc d’inconstitutionnalité, pèse sur la loi de 2000. Ce risque est d’ailleurs amplifié par nos échanges. L’argument selon lequel nous serions liés par les dispositions figurant dans la loi de 2000 est d’une très grande fragilité. J’invite donc notre rapporteur à saisir cette occasion, et à approuver ces amendements. Il permettrait ainsi la poursuite du travail législatif avec le Gouvernement, pourquoi pas lors de l’examen de ce projet de loi au Sénat, afin non seulement de donner droit à la demande légitime de nos collègues – dont j’ai cosigné les amendements – concernant le texte dont nous discutons aujourd’hui, mais aussi de poursuivre dans cette voie et de rétablir les dispositions de la loi de 2000 telles que nous aurions dû les voter à l’époque.

M. Philippe Goujon et Mme Valérie Boyer. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Bernard Debré.

M. Bernard Debré. Je ne ferai que reprendre les arguments développés par Claude Goasguen et d’autres intervenants. Il y a là un problème de constitutionnalité.

Plusieurs députés du groupe UMP. C’est clair !

M. Bernard Debré. C’est évident aussi bien pour la loi de 2000 que pour cette loi-ci.

Je ne suis pas aussi au fait des questions de constitutionnalité que Claude Goasguen. Cependant l’inconstitutionnalité de ces dispositions me semble évidente ! Le maire d’arrondissement n’a pas de pouvoirs.

M. Claude Goasguen. Sauf en matière d’état civil.

M. Bernard Debré. Il n’existe pour ainsi dire pas. Je ne peux pas soutenir que Claude Goasguen n’existe pas, ce qui serait quand même une gageure – ou alors, imaginez-vous ce que ce serait s’il existait vraiment ! (Sourires.)

Le maire d’arrondissement n’a pas de pouvoir de police, pas de pouvoir financier, pas de pouvoir pour lever l’impôt. Rien ! Je ne dis pas que son existence relève du mythe, mais enfin, il y a là un vrai problème. C’est pour cela que je disais qu’il aurait fallu peut-être revoir la loi PLM. Mais nous serons peut-être obligés de le faire si des recours sont déposés auprès du Conseil constitutionnel.

Je ne puis donc qu’appuyer l’amendement n° 102, que j’ai cosigné.

M. le président. La parole est à M. Georges Fenech.

M. Georges Fenech. Je souscris, d’un point de vue lyonnais, à ce qui a été parfaitement expliqué par mes collègues qui se sont exprimés précédemment à propos de la loi PLM. Je suggère au Gouvernement de modifier cette loi pour donner de vrais pouvoirs aux maires d’arrondissement : c’est là mon opinion personnelle. Je crois que, dans un souci de proximité, les mairies d’arrondissement devraient effectivement avoir plus d’attributions, plus de pouvoirs. Cela serait alors l’occasion de leur donner une véritable personnalité juridique, et de permettre aux maires d’arrondissement d’être plus proches de leurs administrés.

M. le président. Nous en venons aux votes sur ces amendements en discussion commune.

Je vais d’abord mettre aux voix, à main levée, l’amendement n° 126.

(L’amendement n° 126 n’est pas adopté.)

M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix les amendements identiques nos 1 et 102.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 105

Nombre de suffrages exprimés 99

Majorité absolue 50

(Les amendements identiques n°s 1 et 102 ne sont pas adoptés.)

M. le président. Nous en venons à l’amendement n° 216, sur lequel je suis saisi par le groupe Union des démocrates et indépendants d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. Pardonnez-moi de proposer encore une fois un seuil – en l’occurrence, de 20 000 habitants – pour l’application des règles limitant le cumul des mandats. Comme je l’ai déjà dit à plusieurs reprises, les maires sont un élément important de notre démocratie. Ils connaissent un certain nombre des rouages de notre République. Il est donc important qu’ils puissent aussi être députés ou sénateurs. C’est pourquoi je propose d’autoriser le cumul du mandat de maire d’une commune de moins de 20 000 habitants avec le mandat de parlementaire.

Pourquoi 20 000 habitants ? M. le ministre nous a dit qu’un seuil ne devait pas être arbitraire. Eh bien, le chiffre de 20 000 habitants est le seuil qui a été retenu pour distinguer les petites villes des villes moyennes. Ce même chiffre a été retenu dans le texte relatif à la transparence et au patrimoine des élus. Il constitue également un seuil pour ce qui est de la fixation du montant des indemnités. C’est donc un seuil communément répandu : c’est pourquoi je propose de l’inclure dans ce projet de loi.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe Borgel, rapporteur. L’avis de la commission est défavorable.

Nous avons déjà débattu de cette question tout à l’heure À cet égard, je remercie notre collègue Vercamer d’apporter des éléments supplémentaires à l’appui de sa thèse, sans répéter les mêmes arguments, permettant ainsi à un vrai débat d’avoir lieu.

J’ai eu l’occasion d’indiquer, au-delà du débat sur le type de seuil qui serait acceptable, un autre argument, qui touche à la cohérence du texte. En définissant une nouvelle incompatibilité, d’une portée générale, entre les fonctions de parlementaire et l’exercice d’un mandat exécutif local, nous avons voulu réaliser une avancée majeure en matière de non-cumul des mandats. Nous voulons que les parlementaires puissent exercer pleinement leurs fonctions.

Sur les 36 700 communes que compte la France, il n’y en a qu’un peu plus de 500 dont la population dépasse 20 000 habitants. Vous voyez aisément les conséquences de votre amendement : les nouvelles règles d’incompatibilité ne s’appliqueraient qu’à 500 des 36 700 maires de France ! Vous voyez bien qu’il ne s’agit pas seulement de fixer un seuil. Votre amendement aurait pour conséquence – je ne sais pas si, au fond, c’est ce que vous voulez – de réduire considérablement la portée de ce texte. Vous comprenez bien que la commission ne peut pas l’accepter.

On répète souvent un autre argument, tiré de l’expérience de l’élu local. Notre collègue Reitzer nous rappelait tout à l’heure l’exemple de la taxe professionnelle. Je rappelle d’abord que les parlementaires pourront toujours siéger au sein d’une assemblée territoriale : ils pourront ainsi participer aux débats sans être occupés par la réalité des fonctions exécutives locales.

Ensuite, il nous arrive à tous, même sans être élus au sein d’une assemblée territoire et sans exercer de responsabilités, de réunir les élus locaux de notre circonscription, en particulier les maires, pour échanger avec eux sur les problèmes que pose tel ou tel texte en préparation ou en discussion. Nous en avons donc tout le loisir et c’est même recommandé lorsque l’on est parlementaire, car cela nous permet de débattre à l’Assemblée en étant parfaitement informés des réalités que rencontrent les maires de notre pays.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Manuel Valls, ministre. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.

M. Jean-Christophe Lagarde. Le rapporteur vient de souligner l’intérêt de l’amendement de M. Vercamer. Il a, à mes yeux, le principal avantage de ne pas être jusqu’au-boutiste, contrairement à ce texte de loi.

Vous prétendez que les parlementaires ne doivent exercer qu’une seule activité : celle de légiférer et de contrôler l’action du Gouvernement. Or, il y a quinze jours, vous avez accepté que les parlementaires continuent d’exercer d’autres activités, quand bien même elles peuvent d’ailleurs confiner aux conflits d’intérêts, dont vous avez décidé qu’il n’y avait pas lieu de les faire cesser.

Mais surtout, si vous refusez cet amendement, vous allez vous trouver dans une situation paradoxale. En effet, la plupart des maires de villes de moins de 20 000 habitants et des maires adjoints de villes de plus de 20 000 habitants exercent, par ailleurs, une activité professionnelle. Ils sont donc capables d’être maires adjoints d’une ville de plus de 20 000 habitants ou maires d’une ville de moins de 20 000 habitants tout en exerçant une profession. D’ailleurs, le niveau de leur indemnisation les y contraint. Ce n’est, en effet, pas la maigre indemnité qui leur est allouée qui leur permet de vivre. Puisque vous acceptez l’idée selon laquelle exercer une activité est compatible avec un mandat d’élu local, en quoi pouvez-vous argumenter qu’il serait impossible pour un parlementaire d’exercer ces responsabilités comme il le ferait pour une autre activité professionnelle, et ce d’autant que vous avez accepté que les parlementaires exercent parallèlement une activité professionnelle ? Il n’y a donc dans votre texte ni équilibre, ni cohérence. Il y a une incohérence, dans un projet de loi déséquilibré, que nous vous proposons de rééquilibrer en permettant à un élu local qui a les pieds bien ancrés sur le terrain, et qui exerce son mandat à temps partiel, de cumuler un mandat parlementaire. Vous comprendrez que je ne suis pas en train de plaider ma propre cause. Votre texte est globalement déséquilibré, mais vous persistez.

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson.

M. Jean-Frédéric Poisson. L’argument du rapporteur me paraît incongru. En effet, l’idée selon laquelle le contact, fût-il proche, avec les élus d’un territoire, le fait de participer en tant que conseiller sans délégation à une assemblée territoire pourrait équivaloir à l’exercice réel d’une responsabilité exécutive me paraît quelque peu rapide.

M. Christophe Borgel, rapporteur. Ai-je dit cela ?

M. Jean-Frédéric Poisson. Si ce n’est pas ce que vous avez dit, sans doute vous ai-je mal entendu. Je vous en donne acte. Vous allez pouvoir m’expliquer de nouveau le fond de votre pensée.

En tout état de cause, j’ai déjà eu l’occasion de le souligner hier, il n’y a pas d’équivalent réel à l’exercice direct d’une responsabilité exécutive. Cela ne signifie pas que les autres parcours n’ont pas de valeur, qu’ils n’ont pas leur vertu et que l’on n’acquiert pas une expérience dans d’autres circonstances, cela veut simplement dire que le fait d’être directement responsable d’un certain nombre d’activités, de dossiers ou de projets d’une collectivité, le fait de siéger avec délégation pleine et entière dans un conseil territorial n’a pas d’équivalent et ne peut pas être remplacé par la consultation d’élus, ce qui est différent. Nous défendons effectivement cette diversité sans établir de hiérarchie ou comparer les activités. Il convient simplement de reconnaître que ce n’est pas pareil.

M. le ministre disait tout à l’heure qu’il fallait veiller à ne pas fixer un seuil arbitraire. Il me semble qu’avant l’inscription des seuils dans la loi, le Parlement a dû faire, par définition, des choix. Si le Parlement décide que le seuil de 20 000 habitants peut être inclus dans la loi, il n’y a pas d’arbitraire en la matière. C’est une décision du législateur qui ne peut pas, de ce fait, être ainsi qualifiée.

M. le président. La parole est à M. Hugues Fourage.

M. Hugues Fourage. Nous avons déposé un amendement du même style qui sera appelé ultérieurement. Il nous semble donc préférable de nous exprimer maintenant. Les signataires de l’amendement n° 207, que nous défendrons tout à l’heure, sont pour la limitation du cumul des mandats, mais pour une limitation équilibrée, ce qui impose de prendre également en compte un certain nombre de communes.

L’étude d’impact laisse apparaître que la question du seuil n’est pas arbitraire. Il s’agit simplement de savoir où placer le curseur, lequel a été fixé à 20 000 habitants dans le texte de loi sur la transparence de la vie publique. On peut donc considérer qu’il est tout à fait logique et acceptable de retenir le même seuil pour le cumul de la fonction de maire avec celle de parlementaire.

M. Daniel Fasquelle. C’est constitutionnel !

M. Hugues Fourage. S’agissant toujours de la notion d’équilibre, le rapporteur a refusé un amendement portant sur les maires adjoints au motif qu’il fallait être parlementaire à part entière. J’ai été, pour ma part, conseiller régional et membre de la commission emploi, formation professionnelle et métiers de demain. Cela me prenait autant de temps que ma fonction de maire d’une ville de 15 000 habitants. Cet argument n’est donc pas tout à fait acceptable.

M. Jacques Myard. Très bien !

M. Hugues Fourage. Quand on accepte le cumul de la fonction de parlementaire avec certaines activités professionnelles, on peut logiquement s’interroger sur la possibilité, après avoir pris en compte un certain nombre d’éléments, de déterminer un seuil.

Le rapporteur a dit que cet amendement limiterait l’application du non-cumul à 500 maires, parmi les 36 500 que compte la France. Mais en visant 500 communes, on ne remet pas non plus complètement en cause l’équilibre général de la loi.

Enfin, cet amendement, qui vise les fonctions de maire, de maire adjoint et de maire d’arrondissement, a l’intérêt d’envisager le problème dans sa globalité et de réserver un sort spécifique pour ces trois fonctions.

M. Francis Vercamer. Merci, monsieur Fourage !

M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix l’amendement n° 216.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 100

Nombre de suffrages exprimés 100

Majorité absolue 51

(L’amendement n° 216 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour soutenir l’amendement n° 221.

M. Jean-Christophe Lagarde. L’objet de cet amendement est similaire au précédent. Il tend, après le mot : « arrondissement », à supprimer la fin de l’alinéa 3. Cela permettrait, en l’occurrence, à un certain nombre d’élus de conserver une activité exécutive locale qui n’est en aucun cas un exercice à plein-temps, mais à temps partiel. C’est le cas de nombre de salariés dans notre pays. Ces élus pourraient ainsi participer aux réunions de l’exécutif local.

Prenons le cas d’un conseiller municipal, il ne participe pas aux bureaux municipaux et n’a donc pas l’opportunité de découvrir un certain nombre de problèmes qui se posent à la collectivité dont il est l’élu. Chacun sait que, dans une municipalité, les élus de l’opposition n’ont, en général, pas beaucoup d’informations et les élus de la majorité n’en obtiennent que très partiellement, contrairement aux élus qui appartiennent au bureau municipal. Ceux-ci font partie de la majorité municipale et ont évidemment des délégations. Ils pourraient avoir un apport réel aux débats de notre assemblée.

J’entends l’argument selon lequel on peut parfaitement se renseigner de temps à autre auprès des élus d’une circonscription. Mais, très franchement, monsieur le rapporteur, quand on a, comme je l’ai entendu, 100, 150 voire 250 communes dans sa circonscription, on ne peut pas les rencontrer suffisamment régulièrement pour avoir connaissance de l’ensemble des difficultés qui se posent à elles, ce que l’on est naturellement amené à faire lorsque l’on participe à un exécutif. Il ne s’agit même plus là, même si je pense que c’est une profonde erreur de votre part, de permettre d’exercer des fonctions exécutives importantes et à plein-temps. Non, il s’agit d’un mandat exécutif à temps partiel dont les délégations peuvent être d’ailleurs très inégales, certaines étant symboliques, d’autres beaucoup plus lourdes.

Nous vous proposons donc simplement, en supprimant la fin de l’alinéa 3, d’équilibrer votre texte. Mais de l’équilibre, vous ne voulez pas. Vous voulez un effet d’affichage, une annonce politique. C’est, en réalité, le seul but de ce projet de loi, qui mettra à mal les institutions de la Ve République en concentrant les pouvoirs et en éloignant les parlementaires du territoire.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe Borgel, rapporteur. Avis défavorable.

Je me suis déjà longuement exprimé sur la cohérence du texte –…

M. Daniel Fasquelle. Il n’y en a pas ! C’est un texte idéologique !

M. Christophe Borgel, rapporteur. …et j’y reviendrai – et sur la raison pour laquelle la commission n’a pas émis d’avis favorable sur les amendements qui proposent un seuil ou qui tendent à limiter le sens de la notion de « fonctions exécutives » en ne l’appliquant qu’aux seuls élus qui sont à la tête des exécutifs – les maires, les présidents d’intercommunalité, les présidents de département et les présidents de région.

Vous défendez, et d’autres, comme notre collègue Nicolin, l’ont fait avant vous, l’idée selon laquelle celui qui n’a pas été, à un moment donné de son parcours politique, responsable d’un exécutif local légiférerait mal. Notre collègue Poisson considérait que la diversité était nécessaire. Mais, là, vous allez plus loin : vous introduisez l’idée que, faute de cette expérience, le législateur ne pourrait pas être un bon législateur.

M. Jean-Christophe Lagarde. Il serait un moins bon législateur !

M. Christophe Borgel, rapporteur. Par conséquent, d’une certaine façon, vous introduisez l’idée selon laquelle il devrait être obligatoire, pour être un bon législateur, d’avoir une expérience d’élu local.

M. Jean-Christophe Lagarde. Non, j’ai dit que c’était un atout !

M. Christophe Borgel, rapporteur. Dans la vie de ce pays, il y a bien d’autres atouts qui permettent d’être un bon législateur.

Vous proposez, plutôt que de réunir les élus locaux d’une circonscription pour avoir leur avis sur tel ou tel texte de loi – arguant même que, dans certains cas, le nombre de communes rend impossible ce type de réunions –, de permettre l’exercice simultané de fonctions exécutives locales et de la fonction parlementaire. Ce faisant, vous proposez de limiter le regard du parlementaire à une commune : celle dans laquelle il exerce des fonctions exécutives locales. Nous suggérons, vous et moi, deux manières différentes de faire du terrain en tant que parlementaire. Je persiste à penser que le parlementaire, qu’il soit ou non élu dans une collectivité, s’il veut véritablement obtenir l’avis de son territoire, doit davantage compter sur des réunions avec le maximum d’élus de son territoire que sur l’expérience tirée de la seule assemblée au sein de laquelle il siège.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Manuel Valls, ministre. Même avis !

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.

M. Jean-Christophe Lagarde. Je n’ai pas dit, monsieur le rapporteur, que c’était la seule expérience valable, mais que c’était la seule dont vous voulez priver l’Assemblée nationale et le Sénat. Il n’y a aucune raison de vouloir les priver de cette expérience.

Nous ne sommes pas en train de parler d’un symbole, celui que vous voulez absolument mettre au bout d’une pique médiatique pour contenter le peuple. Nous sommes en train de parler de maires de toutes petites villes, ou de maires adjoints qui n’exercent pas leurs fonctions à plein-temps, mais qui, participant à un exécutif, ayant des décisions à prendre, peuvent plus facilement que d’autres, non pas relayer la parole des autres, mais faire valoir ici leur expérience.

Voici quelques années, dans cette assemblée, le gouvernement a été autorisé à légiférer par ordonnances en matière d’urbanisme. Cela a eu pour résultat que, lorsqu’une demande de permis de construire est déposée, le maire – ou le maire adjoint chargé de l’urbanisme – ne peut plus exiger que l’intérieur du bâtiment soit présenté. Il ne dispose plus que du seul plan… C’est absolument extraordinaire. En réalité, vous ne pouvez plus juger de la répartition et de l’équilibre de ce qui sera construit, ni savoir si l’on ne fera pas des boîtes à chaussures. Pour cela, un maire adjoint à l’urbanisme est plus utile qu’un député qui, occasionnellement, quand il en aura le temps, quand il ne sera pas en train de siéger ici – puisque c’est le but que vous voulez lui assigner –, peut rencontrer telle ou telle personne.

Non, l’expérience vécue d’élu local n’est pas la seule expérience valable, mais c’est la seule dont vous voulez priver l’Assemblée et le Sénat. Vous voulez des interprètes et non plus des praticiens. Les praticiens peuvent être également des interprètes, alimenter la loi, enrichir nos débats et diversifier cette assemblée, qui est déjà trop monolithique, quels que soient les bancs.

(L’amendement n° 221 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 218 et 217, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour défendre l’amendement n° 218.

M. Jean-Christophe Lagarde. Aujourd’hui, une circonscription représente en moyenne environ 125 000 habitants, un peu plus ou un peu moins selon les circonscriptions.

Lorsque l’on est élu de communes allant jusqu’à ce seuil, il ne nous paraît pas très compliqué de représenter la commune dans son exécutif mais également au sein du Parlement. On n’a pas besoin de courir dans 100, 200 ou 300 communes, on peut être en prise directe avec la population, à double titre : maire, maire adjoint ou délégué mais également parlementaire.

Même si, pour l’instant, vous ne souhaitez pas entendre, et le Gouvernement aura peut-être les oreilles plus grandes ouvertes au Sénat, c’est, je le répète, bis repetita placent, une richesse, et celles et ceux qui exercent des responsabilités, y compris gouvernementales, la connaissent.

En réalité, le seul objet du texte n’est pas de trouver « l’équilibre » dont vous nous avez abreuvés dans vos propos liminaires, c’est de respecter une promesse de campagne. Il y en a si peu qui sont respectées qu’après tout, c’est toujours un bon point que vous voulez engranger. Il n’en reste pas moins que son seul objet est de stigmatiser ceux qui sont des praticiens publics sur le terrain, au service de leur commune, et qui veulent porter leur expérience à l’Assemblée nationale.

Monsieur le ministre, je tire 70 % de mon activité parlementaire de la richesse du mandat de maire parce qu’il me fait découvrir chaque jour des choses que je ne pourrais pas connaître autrement, même en réunissant les élus locaux.

Dans vos permanences, combien de fois au cours des dix ans pendant lesquels vous avez exercé votre mandat de parlementaire, des gens sont-ils venus vous poser des questions sur la législation en cours ou proposer des modifications de la loi ? Pour ce qui me concerne, en tout cas, pratiquement jamais. Je pense que je pourrais les compter sur les doigts d’une main. On est venu me demander de l’aide face à une administration, un logement, un coup de main pour un emploi, on n’est pas venu me voir pour alimenter la législation.

En tant que maire, en revanche, j’ai découvert énormément de situations qui nécessitent des modifications législatives et j’ai essayé de les porter ici. Par exemple, pour citer un sujet que vous connaissez bien, nous n’avons toujours pas réglé le problème des halls d’immeubles et, franchement, cela peut être utile d’avancer sur de tels points, grâce, parfois, à la pression des élus locaux. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

M. le président. Vous avez la parole, monsieur Lagarde, pour défendre l’amendement n° 217.

M. Jean-Christophe Lagarde. Un seuil me paraît logique, disais-je à l’instant : la taille de la circonscription. Avec cet amendement-ci, nous en proposons un autre.

On peut concevoir une incompatibilité avec de très grands exécutifs, la mairie de Paris, celle de Lyon, sans doute celle de Bordeaux, quelques très grandes villes, où il me paraît assez compliqué d’exercer les deux mandats. De même, on pourrait fixer un seuil différent dans les communes d’une certaine taille pour le maire délégué, car il y a en réalité un regroupement de communes, ou pour l’adjoint au maire.

C’est une proposition différente de celle de l’amendement précédent. Il s’agit là encore d’essayer de trouver un équilibre dont le rapporteur, le Gouvernement et le Premier ministre ont dit que, de toute façon, il était interdit. C’est le pouvoir du prince et le Parlement n’a qu’à se coucher.

Très franchement, un grand nombre de parlementaires ici savent que l’on pourrait fixer un seuil raisonnable. Je suis persuadé que les Français pourraient comprendre que l’on peut exercer à la fois des fonctions qui ne sont pas à plein temps dans sa collectivité et une activité parlementaire enrichissant le débat national, mais vous ne voulez pas l’entendre.

Même si cela peut vous indisposer, permettez-nous de défendre cette thèse, parce que la réforme déséquilibrée que vous êtes en train de vouloir faire passer au forceps ne durera pas aussi longtemps que le ministre l’espère. On aura besoin de retrouver de la diversité et d’assurer un meilleur ancrage local dans cette assemblée.

Le Sénat demande une exception, elle ne me paraît pas acceptable. S’il y avait la même règle pour tout le monde, avec un couperet un peu moins lourd, un peu moins absurde ou idéologique, très franchement, nous y gagnerions tous, en stabilité législative également.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements ?

M. Christophe Borgel, rapporteur. Monsieur Lagarde, vous défendez un amendement proposant comme seuil la taille d’une circonscription puis un autre qui n’en tient plus compte.

J’ai déjà eu l’occasion de vous expliquer pourquoi nous refusions d’introduire un seuil. Lorsque je vous répondais tout à l’heure, vous avez dit qu’il y avait bien d’autres expériences qui pouvaient enrichir le travail parlementaire. Vous venez de faire un plaidoyer, comme M. Nicolin, montrant que, dans votre esprit, mais ce n’est pas le nôtre,…

M. Jean-Christophe Lagarde. Ça, c’est sûr !

M. Christophe Borgel, rapporteur. …le vrai modèle, c’est celui de député-maire.

M. Jean-Christophe Lagarde. Oui !

M. Christophe Borgel, rapporteur. C’est celui qui permet d’être un bon législateur.

M. Daniel Fasquelle. Cela n’empêche pas d’être un bon législateur, en tout cas !

M. Christophe Borgel, rapporteur. L’expérience que peut tirer un parlementaire du fait d’avoir été un élu local est une réalité de nos circonscriptions mais aussi une logique dans la République, et nous ne contestons pas l’intérêt d’un tel apport sur nos bancs. (« Eh bien alors ? » sur les bancs du groupe UMP.) Nous souhaitons juste que, vu l’extension des pouvoirs des collectivités territoriales et des responsabilités des maires, et notre volonté que les parlementaires exercent leurs fonctions à plein temps, il y ait une incompatibilité. Cela n’empêchera pas, je le répète, puisque vous voulez que l’on vous réponde,…

M. Christian Jacob. C’est un peu le but du débat !

M. Christophe Borgel, rapporteur. …d’être maire ou adjoint au maire avant d’être député et de faire bénéficier l’Assemblée nationale de cette expérience.

Mais ce n’est pas la seule expérience permettant aux parlementaires d’être de bons législateurs. Il en existe bien d’autres dont l’Assemblée nationale a tout autant besoin. On pourrait parler de responsables associatifs, de chefs d’entreprise, de responsables d’ONG qui sans avoir eu d’expérience d’élu local, enrichiraient notre travail de législateur.

M. Guy Geoffroy. Il ne faut se priver de personne !

M. Christophe Borgel, rapporteur. La commission est défavorable à ces amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Manuel Valls, ministre. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Christian Jacob.

M. Christian Jacob. Lorsque nous parlons de la nécessité de maintenir un ancrage territorial, monsieur le rapporteur, vous nous répondez que notre modèle est celui du député-maire. C’est vrai que nous y sommes attachés, mais ce n’est pas exclusif, c’est une possibilité.

Si certains souhaitent exercer leur mandat parlementaire en mandat unique, cela ne pose de problème à personne, mais pourquoi l’imposer par la loi ? Cela peut être un choix individuel, cela peut être aussi un choix de parti politique. Nous respectons le fait que le parti socialiste soit attaché à une telle solution. Ce qui nous pose problème, c’est que vous l’imposiez comme une règle de la République et que vous interdisiez d’exercer un mandat exécutif.

Autoriser le cumul pour les conseillers régionaux ou généraux, plusieurs de mes collègues l’ont souligné, cela va changer totalement la composition de l’Assemblée, notamment au détriment de la ruralité.

M. Nicolas Dhuicq. Tout à fait !

M. Christian Jacob. C’est souvent dans les circonscriptions rurales, en effet, que l’on a des députés-maires. Mais les conseillers régionaux, eux, sont très souvent élus des centres urbains, pour une raison évidente, c’est que le système à la proportionnelle favorise les élus urbains. On va chercher des candidats là où il y a une grosse concentration de population, donc en milieu urbain. Les parlementaires qui cumuleront seront des urbains et vous aurez de moins en moins de ruraux.

M. Nicolas Dhuicq. C’est ce qu’ils cherchent !

M. Christian Jacob. Au-delà de votre attaque contre tous les parlementaires venant du secteur privé, et nous avons compris qu’ils n’étaient pas les bienvenus et que vous vouliez faire en sorte qu’il n’y en ait plus, c’est-à-dire que les parlementaires soient essentiellement issus de la fonction publique ou soient des apparatchiks, c’est la chasse aux ruraux qui est maintenant organisée. Vous êtes encore une fois en train d’attaquer la Ve République et de dénaturer totalement la composition de notre assemblée. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.

M. Jean-Christophe Lagarde. J’ai beaucoup de respect pour notre rapporteur. Je voudrais lui demander ou de bien écouter ce que je dis ou d’aller vers la bonne foi.

Je ne dis pas que l’expérience d’un maire ou d’un maire adjoint est la seule expérience possible, je dis que c’est la seule que vous voulez interdire, ce qui fait que c’est sur elle que j’argumente. Vous voudriez en interdire d’autres, celles de fonctionnaire, de chef d’entreprise ou d’autres, je dirais la même chose. Mais vous n’en avez ciblé qu’une. Je trouve cela regrettable et nuisible à nos institutions. Ne faites pas semblant de ne pas le comprendre.

Vous nous expliquez, pour alimenter le débat, que, comme l’on confie de plus en plus de responsabilités aux exécutifs locaux, il est très important de faire en sorte qu’ils dégagent.

Je prends une réforme en cours, qui vient d’être adoptée par la commission des lois de l’Assemblée nationale cette semaine, celle qui concerne les maires d’Île-de-France, en tout cas ceux des trois départements de la petite couronne et de Paris. On parlait tout à l’heure des maires d’arrondissement. Le Gouvernement propose justement de retirer de nombreux pouvoirs aux maires de 124 communes de cette région rassemblant plusieurs millions d’habitants. Il va falloir non seulement les déshabiller quand ils sont maires mais, en plus, faire en sorte que les députés n’aient plus aucun lien avec la collectivité locale, et vous prétendez que c’est parce qu’il y aura plus de travail. C’est un argument qui ne tient pas la route, d’autant plus que l’amendement en question ne vise même pas les maires, il concerne les maires adjoints.

Vous avez été maire adjoint, mon cher collègue, et il me semble que ce n’était pas un travail à plein temps, que vous ne passiez pas tout votre temps dans votre délégation – et fort heureusement pour vous, d’ailleurs, car comment auriez-vous pu simplement subsister ?

Soyons donc sérieux, revenons au vrai débat. Non, ce n’est pas la seule expérience, mais pourquoi voulez-vous interdire seulement celle-là ? Non, ce n’est pas parce qu’il y a un surcroît de travail.

M. le président. Merci…

M. Jean-Christophe Lagarde. Sinon, M. Jean-Marc Ayrault, qui a été maire de Nantes, député et président de groupe, ne serait pas arrivé à remplir toutes ses tâches en donnant tellement satisfaction à son parti qu’il en est devenu Premier ministre.

M. le président. La parole est à M. Daniel Fasquelle.

M. Daniel Fasquelle. Ce qui est dommage, c’est qu’il y a beaucoup d’idéologie et qu’aucun des arguments que vous avancez ne tient.

D’ailleurs, tous ceux dont l’opinion a évolué, je pense notamment à des universitaires, étaient contre le cumul au départ et, après des discussions, ont adopté une position beaucoup plus souple.

Mme Laurence Dumont. Ce n’est pas vrai. L’inverse existe.

M. Daniel Fasquelle. L’inverse ? Je n’en connais pas beaucoup ! Alors que je peux vous en citer un grand nombre qui ont cheminé en ce sens.

Mme Laurence Dumont. Julie Benetti, par exemple.

M. Daniel Fasquelle. J’ai eu la chance d’avoir un jeune étudiant de master 2 qui faisait un mémoire sur le cumul. Au départ, il était pétri de certitudes comme vous l’êtes en considérant le cumul comme l’horreur absolue. Puis il a travaillé sur le sujet. Je ne l’ai absolument pas influencé, j’ai simplement eu l’occasion de le recevoir un jour. De lui-même, il a évolué et, à la fin, quand il a soutenu son mémoire, il défendait l’idée qu’il fallait autoriser un cumul de façon raisonnable dans notre République.

Ce qu’un étudiant de seconde année de master a su faire, pourriez-vous le faire aussi ? Cela nous ferait du bien, parce que votre raisonnement repose sur des postulats qui sont faux.

Le point de départ, c’est qu’un député qui est maire serait un mauvais député. Cela, je ne peux pas l’accepter, et nous sommes un certain nombre ici à ne pas l’accepter. Vous ciblez le mandat de député-maire, mais on peut parfaitement être maire et être un bon député, et ne pas être maire et être un mauvais député.

Cessez donc de prendre les maires pour cibles. Il faut permettre aux députés d’avoir une autre activité s’ils le souhaitent. Cela relève du choix de chacun ; ce peut être une activité professionnelle, une activité de conseiller régional ou général, de maire, etc. Mais il faut cesser de répéter que le député-maire est un mauvais député, parce que c’est faux.

M. Christophe Borgel, rapporteur. Personne ne prétend cela !

(Les amendements nos 218 et 217, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à M. Guy Geoffroy, pour soutenir l’amendement n° 170.

M. Guy Geoffroy. Cet amendement me donne l’occasion d’interroger une fois de plus notre rapporteur pour qu’il précise les bases de son argumentation : comme l’a indiqué Daniel Fasquelle à l’instant, on a vraiment l’impression qu’il part de postulats qu’il ne serait pas besoin de démontrer.

Permettez-moi de vous présenter une illustration de la situation à laquelle conduira cette loi. Je suis aujourd’hui député-maire. Demain, je ne pourrai même pas être député et maire adjoint dans ma commune, en charge, par exemple, d’un secteur que je connais un peu, celui de l’école. Cela m’est interdit par votre loi. En revanche, je pourrai, tout en restant député, devenir conseiller régional et, à ce titre, être appelé à siéger dans des conseils d’administration de lycée, autant qu’il me sera demandé de le faire, mais aussi à représenter la région dans une multitude de manifestations ; on pourra du reste y apprécier que le conseiller régional, par ailleurs député, soit présent et apporte ainsi, penseront certains, un peu de lustre à la représentation régionale. Je pourrais dire la même chose pour le futur conseil départemental.

M. Jean-Luc Reitzer. C’est pareil pour les hôpitaux !

M. Guy Geoffroy. Comment expliquez-vous que vous êtes prêts à permettre à un député de rester ou devenir conseiller régional ou départemental, sans que cela nuise à sa capacité à disposer du temps nécessaire pour être un bon parlementaire, assidu, actif et efficace, tout en lui interdisant d’être maire et même maire adjoint ?

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe Borgel, rapporteur. Défavorable. J’essaie, chers collègues, de trouver de nouveaux arguments pour tenter de vous convaincre…

M. Daniel Fasquelle. Cela va être dur !

M. Christophe Borgel, rapporteur. …mais j’ai le sentiment que nous restons toujours sur le même sujet depuis le début de la séance.

M. Jean-Luc Reitzer. Vous ne bougez pas, vous ne faites aucune avancée !

M. Christophe Borgel, rapporteur. Ce n’est pas parce que vos arguments ne sont pas repris qu’ils ne sont pas écoutés ni entendus, et que les nôtres, ceux de la majorité, n’ont pas de valeur.

Personne n’a prétendu, cher collègue Daniel Fasquelle, que le député-maire était un mauvais député. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Christian Jacob. Réécoutez ce qui s’est dit dans la discussion générale !

M. Christophe Borgel, rapporteur. Je n’ai jamais dit cela. D’emblée, j’ai souligné qu’une situation de cumul s’était imposée au plan national, dans tous les territoires. Le point de départ de notre réflexion n’est pas le temps de travail d’un adjoint ; c’est de savoir de quelle manière nous pouvions permettre aux parlementaires d’exercer pleinement, au nom du peuple français, les responsabilités qui sont les leurs au regard de l’article 24 de la Constitution. Et la réponse est qu’ils doivent pouvoir s’y consacrer pleinement.

M. Guy Geoffroy. Ah oui ? Et si je suis conseiller régional ?

M. Christophe Borgel, rapporteur. En commission des lois, vous avez expliqué – en prenant, cher collègue Guy Geoffroy, l’exemple des tomates hors sol – que, pour avoir un ancrage local, il fallait avoir un mandat local. Nous essayons, sans dénaturer la loi, de prendre ce point de vue en considération et de parvenir à un équilibre, non pas, certes, en revenant sur ce qui nous semble l’essentiel, en l’occurrence le non-cumul avec un mandat exécutif local, mais en laissant la possibilité d’exercer en même temps la fonction d’élu simple dans chaque assemblée territoriale : conseil municipal, intercommunal, général ou régional. Et maintenant, alors que nous avons le sentiment de prendre en considération une de vos remarques, vous ne cessez de nous le reprocher !

M. Martial Saddier. Nous vous disons la vérité !

M. Christophe Borgel, rapporteur. Vous souhaitez, pour certains d’entre vous, continuer à exercer un mandat local. Nous entendons que ce ne soit pas un mandat exécutif.

M. Guy Geoffroy. Mais pourquoi ?

M. Christophe Borgel, rapporteur. Parce que nous estimons que cela empêche le parlementaire d’assurer son travail à temps plein : je le dis depuis le début !

M. Guy Geoffroy. Nous vous avons démontré le contraire !

M. Daniel Fasquelle. C’est donc un mauvais parlementaire !

M. Christophe Borgel, rapporteur. L’avis de la commission est donc défavorable.

M. Jean-Luc Reitzer. On peut se rendre autant de fois qu’il le faut au conseil régional qui se trouve à 200 kilomètres de distance mais pas gérer sa ville ?

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Manuel Valls, ministre. Je n’en rajouterai pas. Une option possible, qui avait sa cohérence et sa logique, et qui a été défendue entre autres par Mme Romagnan et M. Coronado : le mandat unique,…

M. Nicolas Dhuicq. Cela a le mérite de la cohérence !

M. Manuel Valls, ministre. …fruit des réflexions, notamment, de la commission présidée par l’ancien Premier ministre Lionel Jospin. Le Gouvernement, qui écoute, qui cherche aussi à ce que le parlementaire conserve un lien direct avec les territoires, par le biais d’un mandat, a bâti dans ce texte de loi, cela vient d’être rappelé par le rapporteur, ce qui s’appelle un compromis.

M. Nicolas Dhuicq. Un compromis avec qui ?

M. Manuel Valls, ministre. Un compromis avec lui-même, dans un premier temps – c’est important –, ensuite avec sa majorité – c’est une deuxième étape –, enfin avec l’opposition que nous espérons convaincre. C’est généralement comme cela que ça se passe, et rarement de la façon contraire ; je ne suggère d’ailleurs pas de tenter l’expérience.

Nous avons – c’est notre discussion depuis tout à l’heure – écarté tout mandat exécutif.

M. Nicolas Dhuicq. Sans expliquer pourquoi !

M. Manuel Valls, ministre. Au nom du principe qu’un parlementaire ne peut cumuler son activité et un mandat exécutif.

M. Daniel Fasquelle. Mais pourquoi ?

M. Manuel Valls, ministre. C’est tout le débat que nous avons depuis tout à l’heure. Demandez à l’ancien Président de la République Nicolas Sarkozy pourquoi, dans sa lettre au Premier ministre au sujet des consultations sur la réforme constitutionnelle de 2008, il avait envisagé cette option ! Il vous apportera, j’imagine, la même réponse que moi.

Adjoint ou maire, ce sont des fonctions exécutives, comme président et vice-président ; la logique est la même.

M. Daniel Fasquelle. Mais en quoi est-ce un problème ?

M. Christian Jacob. C’est grave, docteur ?

M. Manuel Valls, ministre. Nous ne confondons d’ailleurs pas ces fonctions avec un mandat de conseiller municipal, général ou régional, ni même avec les représentations que M. Guy Geoffroy a évoquées à l’instant.

Tel est le choix que nous avons fait ; c’est la raison pour laquelle nous ne pouvons accepter cet amendement qui rompt l’équilibre et dénature la logique et la cohérence de notre texte.

M. Nicolas Dhuicq. Folie !

M. Manuel Valls, ministre. Je sais que vous êtes un spécialiste !

M. le président. La parole est à M. Christophe Caresche.

M. Christophe Caresche. La présentation de M. Geoffroy n’est pas exacte. Il n’y a pas d’interdiction, cher collègue : si vous voulez être maire adjoint en charge de l’éducation dans votre mairie, vous le pouvez.

M. Jean-Frédéric Poisson. Sans pouvoir être parlementaire !

M. Christophe Caresche. Simplement, il faut renoncer au fait d’être parlementaire. (Rires et applaudissements.)

M. Jean-Luc Reitzer. C’est intelligent ! Il débarque !

M. Christophe Caresche. Il s’agit d’une incompatibilité et non d’une interdiction.

M. Jean-Luc Reitzer. C’est le 6 juin 1944 : le grand débarquement !

M. Christophe Caresche. Vous avez ce choix, monsieur Geoffroy. Vous verrez d’ailleurs que le même argument m’amènera à contester l’interdiction de l’exercice des mandats dans le temps, car dans ce cas-là, il s’agit bien d’une interdiction.

Je suis assez d’accord avec les propos de Roger-Gérard Schwartzenberg : il est dommage que nous soyons obligés de légiférer sur cette question. En Allemagne, aucune loi n’interdit le cumul des mandats,…

M. Jean-Luc Reitzer. Laissez la liberté de choix !

M. Christophe Caresche. …mais, en vertu de la pratique admise par l’ensemble des élus, le cumul n’existe pas.

Compte tenu de la charge que représentent un mandat exécutif dans une mairie ou une autre collectivité territoriale et un mandat parlementaire, je regrette que les parlementaires n’aient pas spontanément le bon réflexe. Comme l’a dit Roger-Gérard Schwartzenberg, nombreux sont ceux qui continuent de cumuler. C’est pourquoi il faut passer par la loi.

M. Claude Goasguen. C’était la fin de la sieste, monsieur Caresche ?

M. le président. La parole est à M. Martial Saddier.

M. Martial Saddier. Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, vous ne convaincrez pas celles et ceux qui nous écoutent ou nous liront en vous réfugiant derrière l’argument de la fonction exécutive. Vous êtes en train d’expliquer que la charge de travail d’un maire adjoint d’une commune de cent habitants est plus importante que celle d’un conseiller régional ou général.

M. Guy Geoffroy. Voilà !

M. Martial Saddier. Ce n’est pas sérieux. Vous valez beaucoup mieux que cela, monsieur le ministre. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Marie-Anne Chapdelaine. C’est un excellent ministre !

M. Martial Saddier. Vous nous aviez habitués à bien mieux.

Au fur et à mesure qu’avancent nos travaux, nous voyons que ce texte cache un loup.

M. Christophe Borgel, rapporteur. Ah bon ? Où est la chèvre ?

M. Martial Saddier. Nous avons commencé à le découvrir et à vous le dévoiler. Vous étiez déjà à ce banc, monsieur le ministre, pour abaisser le seuil de la proportionnelle pour l’élection des sénateurs de quatre à trois. Vous étiez à ce banc pour éliminer la représentativité des territoires ruraux dans les conseils généraux. Vous étiez à ce banc pour abaisser le seuil du scrutin de liste aux communes de mille habitants. Et vous êtes à ce banc aujourd’hui pour que la représentation nationale soit vidée de représentants des territoires ruraux, des territoires de la mer et de la montagne. La manipulation, le loup, dans le texte qui a remis en cause le découpage électoral des conseils généraux comme dans celui-ci, c’est que vous visez à rendre la dominante urbaine encore plus forte, afin qu’elle soit majoritaire au Sénat et à l’Assemblée nationale. Vous portez là un coup dramatique aux trois quarts du territoire de la République française, c’est-à-dire aux territoires ruraux, aux territoires de la mer et à la montagne. Comprenez que nous ne soyons pas d’accord et que nous tirions la sonnette d’alarme.

Du reste, le fait que vous ayez prononcé un avis de sagesse au sujet des maires d’arrondissement de Paris, Lyon et Marseille, est la preuve que ce que j’affirme est vrai. Je lance un cri d’alarme, chers collègues ; j’appelle l’attention des élus de la mer, de la montagne et des territoires ruraux sur ce qui est en train de se passer. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson.

M. Sébastien Denaja. Un élu de la mer ! (Sourires.)

M. Jean-Frédéric Poisson. Oui, c’est un élu de la mer qui vous parle, monsieur le ministre, à la suite de M. Goujon, maire d’arrondissement. (Sourires.) On ne change pas une équipe qui gagne !

Je veux souligner un véritable problème de cohérence dans votre argumentation. Cette argumentation porte sur la disponibilité présumée des députés n’ayant pas de mandat exécutif, qui serait supérieure à celle des députés exerçant un tel mandat.

Tout d’abord, ce n’est pas parce que l’on exerce un mandat exécutif que l’on travaille plus que ceux qui n’en exercent pas. Malheureusement, cela reste une affaire de culture personnelle, d’engagement individuel ; s’il suffisait d’avoir une charge exécutive pour s’en occuper correctement, cela se saurait.

Ensuite, je reprendrai les propos de notre collègue Jean-Christophe Lagarde, que j’ai appuyés : pour celui ou celle qui est membre d’un conseil général ou régional et qui préside une commission, ce qui n’est pas interdit par votre texte, puisqu’il ne s’agit pas d’une délégation, la charge de travail, en particulier dans les régions que vous êtes en train de nous profiler dans le texte sur les métropoles, sera très largement supérieure à celle de beaucoup de nos collègues maires ou adjoints, voire présidents d’intercommunalité, dans les collectivités actuelles.

Cet argument de la disponibilité ne tient donc pas, pour ces raisons et pour d’autres encore, qui tiennent aux temps de déplacement, à la taille des collectivités, à l’engagement personnel, etc. Vous ne pouvez pas en faire une question de principe, nous contestons le fait que celui qui n’a pas de charge exécutive dans une collectivité serait forcément moins occupé. C’est sans doute vrai dans quelques cas, voire dans beaucoup de cas, mais cela ne peut servir d’argument principal.

M. le président. La parole est à M. Guy Geoffroy.

M. Guy Geoffroy. Je ne comprends pas le blocage dogmatique de notre rapporteur…

M. Christophe Borgel, rapporteur. Je m’en suis aperçu.

M. Guy Geoffroy. …et son refus du mandat exécutif, considéré comme incompatible avec l’exercice efficace d’un mandat parlementaire.

M. Jean-Luc Reitzer. On ne comprend pas du tout !

M. Guy Geoffroy. Plus nous vous demandons des explications, monsieur le rapporteur – vous vous efforcez d’en donner, et je vous en remercie –, moins vous en donnez. C’est très curieux. Ce blocage dogmatique…

M. Daniel Fasquelle. Idéologique !

M. Guy Geoffroy. …est extrêmement surprenant.

Monsieur le ministre, je vous remercie car vous avez évoqué la commission Jospin, ce qui me permet de rappeler certaine déclaration de ce dernier. Vous avez affirmé tout à l’heure que la Sénat concourait à la représentation nationale ; on est loin du Sénat « anomalie démocratique » dont parlait celui qui vous a longtemps protégé, il y a une quinzaine d’années.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Manuel Valls, ministre. Oui, je fus protégé…

Écartons tout d’abord le point du débat concernant les maires d’arrondissement. L’argument qui m’a conduit à m’en remettre à la sagesse de l’Assemblée portait sur les plans juridique et constitutionnel, non sur la réalité urbaine ou rurale ou la taille de la commune.

M. Martial Saddier. Avouez que ce serait le comble !

M. Manuel Valls, ministre. Mais c’est vous, monsieur Saddier, qui indiquiez cette possibilité ! Je vous réponds donc courtoisement.

Deuxièmement, je veux vous remercier…

M. Martial Saddier. Les ruraux ne vous remercient pas !

M. Manuel Valls, ministre. …de saluer mon œuvre législative à ce stade du débat. Comme j’ai eu l’occasion de le rappeler, elle fait preuve de cohérence, qu’il s’agisse des départements, de l’intercommunalité, du scrutin sénatorial, mais aussi du cumul des mandats. On peut être en désaccord, d’autant que ce sont des débats compliqués, notamment celui sur le non-cumul qui existe depuis de nombreuses années et qui a ses défenseurs, y compris dans les rangs de votre formation politique, et ses opposants, comme de ce côté-là. Cela fait partie de notre débat, et il est tout à fait digne.

Il y a de fait une cohérence : celle de la rénovation de la vie publique, mais aussi celle de sa représentation, de la manière dont on exerce le pouvoir et dont on représente le peuple. Nous avons donc voulu, à chaque fois, rendre les choses plus limpides : en supprimant le conseiller territorial, en faisant en sorte que la parité s’impose dans les départements, et là, en allant jusqu’au bout d’une logique qui est non plus celle de la limitation du cumul des mandats, mais de l’interdiction du cumul avec un mandat exécutif. Pour le reste, comme l’a dit avec humour Christophe Caresche il y a un instant, chacun demeure libre d’un certain nombre de choix.

M. Jean-Luc Reitzer. Mais bien sûr !

M. Manuel Valls, ministre. Quoi qu’il en soit, nous refusons pour notre part la vision du seul modèle que vous proposez : celui du député-maire, aujourd’hui à nos yeux dépassé – quand bien même nous avons pu exercer cette fonction avec passion.

M. Martial Saddier. Logique urbaine !

M. Manuel Valls, ministre. J’avais eu l’occasion de le dire : si l’on m’avait obligé à choisir, lorsque j’étais député-maire, j’aurais choisi de rester maire, parce que c’était cette mission et cette fonction qui m’importaient à ce moment-là et qui me passionnaient. Chacun peut donc faire un choix.

M. Jean-Luc Reitzer. Encore faut-il avoir les moyens de le faire !

M. Manuel Valls, ministre. Il y a suffisamment de talents autour de nous et dans nos équipes, au-delà du choix que les électeurs font, pour laisser la place à d’autres et renouveler la vie politique. Je voulais en tout cas vous remercier d’avoir rappelé une œuvre législative qui n’est pas la mienne, mais celle du Gouvernement, et d’abord celle de la majorité.

M. Martial Saddier. La soirée ne fait que commencer…

(L’amendement n° 170 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’une série d’amendements en discussion commune, dont plusieurs sont identiques.

Les amendements nos 171 et 181 sont identiques.

La parole est à Mme Annie Genevard, pour soutenir l’amendement n° 171.

Mme Annie Genevard. Toutes les interdictions de cumul ne se valent pas, et l’on comprend mal cette impossibilité concernant le mandat de maire adjoint.

Je voudrais revenir sur l’argument de la décentralisation. Celle-ci n’a pas eu le même effet sur tous les niveaux de collectivités. Ainsi, quoi que vous en ayez dit au moment de la discussion générale, monsieur le rapporteur, la décentralisation n’a pas modifié le périmètre communal de façon fondamentale. En revanche, pour les régions et les départements, c’est une autre affaire : moi qui ai été conseillère régionale, je peux témoigner que les fonctions sont autrement plus larges que celles d’un maire adjoint ou même du maire d’une petite commune.

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Nous le savons bien !

Mme Annie Genevard. C’est donc incompréhensible. La vraie raison, monsieur le ministre, vous l’avez donnée lorsque vous avez dit que ce que vous voulez in fine : c’est interdire tout cumul avec une fonction exécutive, qui procéderait, à vous entendre, d’une vision dépassée. Je ne comprends pas cette expression de « vision dépassée ». Je ne vois pas où est la modernité dans votre projet.

M. Manuel Valls, ministre. Je ne dis plus rien !

M. Daniel Fasquelle. Il n’y revient pas.

M. Guy Geoffroy. Les éléments de langage ont changé !

Mme Annie Genevard. Je ne comprends pas cette notion. La vraie raison, c’est qu’il y a là le fruit d’une imprudente promesse qui a été faite au moment des primaires socialistes par un candidat qui s’appelait François Hollande et qui a été sommé par Martine Aubry de s’engager sur cette question du non-cumul.

M. Jean-Frédéric Poisson. Il n’a pas été suivi par tous les candidats.

M. Jean-Christophe Lagarde. Il paie la primaire !

Mme Annie Genevard. On peut ensuite justifier tout cela par la décentralisation, par tout un tas de choses, mais la vraie raison est là. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean-Frédéric Poisson. Et ce n’est pas joli-joli !

M. Guy Geoffroy. Petites combinaisons entre amis !

M. le président. La parole est à M. Roger-Gérard Schwartzenberg, pour soutenir l’amendement n° 181.

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Naguère, à gauche, nous étions pour le droit à la différence, pour la diversité ; maintenant nous avons un peu tendance à pratiquer le culte de l’uniformité. C’est pour cela que l’amendement que j’ai déposé avec Alain Tourret vise à tenir compte de la réalité démographique et du fait qu’être maire d’une commune très importante ne donne pas la même charge de travail qu’être maire d’une commune de dimensions plus réduites.

Je tiens à évoquer cet amendement qui place la barre à 50 000 habitants, parce que je me fonde en cela sur une proposition de loi organique déposée par le groupe socialiste (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) le 29 novembre 1994, dont j’étais cosignataire – et j’étais très heureux d’être membre du groupe socialiste, la question n’est pas là.

M. Jean-Frédéric Poisson. C’était jadis, monsieur le président !

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Nous avions décidé à l’époque que le cumul ne pouvait pas concerner un parlementaire et un maire d’une commune de plus de 100 000 habitants. Comme nous tenons compte de l’évolution des mentalités, la proposition qui est faite aujourd’hui est de diminuer de moitié le seuil retenu collectivement à l’époque, en 1994, et de passer à 50 000 habitants.

M. Christian Jacob. En 1994, c’était la même constitution.

M. le président. La parole est à M. Roger-Gérard Schwartzenberg, pour soutenir l’amendement n° 179.

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Il est défendu.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 174 et 180.

La parole est à Mme Annie Genevard, pour soutenir l’amendement n° 174.

Mme Annie Genevard. Monsieur le ministre, vous avez dit tout à l’heure que vous étiez capable de faire des ouvertures : nous allons donc vous tester sur ce texte.

M. Manuel Valls, ministre. Je n’ai pas dit cela.

Mme Annie Genevard. Faites une ouverture ! Vous avez négocié sur le seuil de la loi de réforme du scrutin municipal, en acceptant de passer d’un seuil de 500 à un seuil de 1000 : acceptez d’ouvrir la discussion sur cette question.

Je propose que l’on puisse limiter l’incompatibilité aux maires des communes de plus de 20 000 habitants. Il y a en effet en France 36 685 communes. Parmi celles-ci, 36 244 ont moins de 20 000 habitants. C’est donc la majorité écrasante des communes, et partant de leurs habitants – près de 40 millions –, que vous allez priver de la possibilité d’élire leur maire au Parlement. Acceptez cet amendement ! Il est juste, il concerne un très grand nombre de communes, un très grand nombre d’habitants. Il est donc tout à fait justifié. (« Très bien » et applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Alain Tourret, pour soutenir l’amendement n° 180.

M. Alain Tourret. Cet amendement, qui est évidemment un amendement de repli, vise à retenir un seuil de 20 000 habitants. Je voudrais avancer deux arguments. Tout d’abord, je demande à la majorité socialiste d’écouter ses alliés.

M. Jean-Luc Reitzer. Eh oui !

M. Alain Tourret. Nous sommes des alliés fidèles, mais ne nous poussez pas petit à petit à devenir une tribu de Gaulois qui ne pensera qu’à étriper les légions romaines. Vous n’avez pas à avoir peur, mais je tiens à vous dire ce qui vient de se passer au Sénat : nous avons refusé de voter la loi sur le CSM et il n’y a plus de loi sur le CSM.

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Bravo !

M. Alain Tourret. Tout cela fait un tout. Il est bon de s’écouter et d’essayer de ne pas avoir la vérité contre tout le monde. Je le dis solennellement à mes amis socialistes.

Ensuite, pourquoi un seuil de 20 000 ? Nous avions fait une référence à ce que le doyen Vedel proposait – et Dieu sait s’il était un constitutionnaliste éminent – et nous venons de voter la référence au seuil de 20 000 dans le cadre de la loi sur la transparence de la vie publique, puisque c’est à partir de ce seuil qu’il y a une obligation de faire une déclaration d’intérêts. Incontestablement, nous avons estimé au sein de cette assemblée que le seuil de 20 000 habitants était un seuil important.

M. Martial Saddier. Bravo ! C’est tout à fait cohérent.

M. Alain Tourret. C’est pourquoi je vous propose de le retenir. Mes arguments sont donc doubles. Écoutez-nous, ne cherchez pas à avoir raison contre tout le monde, puisqu’à la fin vous n’aurez pas raison contre vous-mêmes. (Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP, UMP et UDI.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur l’ensemble de ces amendements soumis à discussion commune ?

M. Christophe Borgel, rapporteur. Avis défavorable. Je comprends la logique des amendements de repli, mais quand on regarde l’exposé des motifs, on a du mal à comprendre la logique de leurs auteurs.

M. Martial Saddier. Il faut aussi comprendre la logique du texte !

M. Christophe Borgel, rapporteur. À chaque exposé des motifs, on nous explique d’abord pour les villes de moins de 100 000 habitants, puis pour celles de moins de 50 000 habitants qu’on en est au seuil qui fait vraiment la différence entre un mandat qui prend du temps et un mandat qui n’en prend pas. Au fur et à mesure des amendements, le seuil change.

M. Jean-Christophe Lagarde. Bien sûr !

M. Claude Goasguen. C’est le principe des amendements de repli !

M. Daniel Fasquelle. C’est un jeune parlementaire !

M. Christophe Borgel, rapporteur. Soyons honnêtes : il y a une différence et il faut l’assumer. Annie Genevard faisait référence tout à l’heure, non pas à l’étude de Luc Rouban dont les conclusions sont difficiles à tirer, mais à celle de Laurent Bach que nous avons auditionné et qui est longuement cité dans mon rapport. Vous avez tiré de cette étude votre argument pour fixer un seuil à 100 000 habitants. Mais si vous lisez l’étude, vous verrez qu’elle conclut que c’est en descendant vraiment plus bas dans les seuils qu’une grande différence se fait.

Mme Annie Genevard. 30 000.

M. Christophe Borgel, rapporteur. Même plus bas : relisez la page 22 du rapport…

M. Claude Goasguen. Disons 20 000 et on n’en parle plus !

M. Christophe Borgel, rapporteur. C’est en descendant vraiment plus bas que l’on constate de très grandes différences de présence, d’interventions dans les commissions et dans l’hémicycle selon que l’on cumule avec un mandat exécutif ou non. Il suffit de lire cette étude, ou de les lire toutes et non pas la seule qui vous donne raison. Cela permet d’être mieux éclairé. L’avis de la commission est donc défavorable à ces amendements.

Enfin, monsieur Alain Tourret, il m’arrive régulièrement, dans le cadre d’autres fonctions, d’essayer d’être à l’écoute de nos partenaires ; mais en l’espèce, je ne crois pas que ce genre d’argument puisse servir à défendre cet amendement portant un seuil. Nous connaissons notre désaccord sur ce sujet-là, nous en débattons depuis longtemps et nous avons échangé maints arguments. Le fait d’invoquer la cohésion de notre majorité gouvernementale ne suffit pas à convaincre.

M. Jean-Christophe Lagarde. « Cohésion » est un grand mot.

M. Christophe Borgel, rapporteur. Votre amendement, avec son seuil à 20 000, remet en cause la cohérence du texte.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Manuel Valls, ministre de l’intérieur. Même avis. Monsieur Tourret, nous devons tous réfléchir. Nous avons des partenariats importants au sein de la majorité sur l’essentiel, mais les textes sur le non-cumul des mandats ou l’indépendance de la justice sont importants.

M. Martial Saddier. Sur l’écologie !

M. Manuel Valls, ministre. Quand on se réclame, comme vous, avec la sincérité que l’on vous connaît et la passion dont vous faites preuve, de la République et de son histoire, cela mérite réflexion. Dans les circonstances difficiles que connaît la France, sur le plan économique mais aussi dans un contexte marqué par la crise de confiance, l’exigence de transparence, le non-cumul des mandats et l’indépendance de la justice, de tels sujets méritent réflexion. Que chacun assume parfaitement ses responsabilités.

M. Christophe Caresche. Très bien !

Mme Annie Genevard. Ce sont des menaces ?

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.

M. Jean-Christophe Lagarde. J’ai bien entendu les discours successifs du ministre de l’intérieur, mais je voudrais lui dire que, malgré le talent dialectique dont il témoigne, il ne faudrait pas inverser la charge de la preuve pour le premier flic de France. La charge de la preuve, ce n’est pas qu’il n’y aurait en l’occurrence qu’un seul modèle ; c’est que vous avez décidé, vous, ministre de l’intérieur, que vous alliez interdire un modèle et un seul de parlementaire : celui qui est élu local responsable d’exécutif et parlementaire.

Nous, nous n’avons jamais prétendu qu’il fallait un seul modèle. Qui plus est, vous l’interdisez en allant jusqu’à l’extrême : le refus qu’un seuil puisse exister. Et puis le rapporteur nous dit qu’un seuil, c’est tellement compliqué à fixer – 1 000 ou 20 000 habitants ? Quelle horreur ! –, et nous reproche de changer de propositions de seuil dans nos amendements de repli… Mais c’est évidemment la nature même d’un amendement de repli que de changer un seuil, qu’il s’agisse du domaine financier ou, en droit pénal, du quantum des peines !

Pour ma part, j’ai été tout à fait convaincu par la démonstration du président du groupe radical ainsi que par celle de notre collègue Tourret que vous venez, monsieur le ministre, de renvoyer à ses chères études.

M. Claude Goasguen. Durement !

M. Jean-Christophe Lagarde. M. Schwartzenberg a rappelé l’existence d’une proposition de loi socialiste signée par Jean-Marc Ayrault – homme de grande qualité que vous devez respecter et dont vous pensez que les convictions ne sont pas aléatoires ou amovibles à chaque législature. Le seuil proposé était de 50 000 habitants. Et il ne serait plus valable aujourd’hui ? Ce serait à cause de la charge de travail de plus en plus importante des élus locaux, dites-vous. Mais, monsieur le ministre, pourriez-vous avoir l’amabilité de répondre à cette question : quelle réforme de la décentralisation surchargeant les maires des villes de plus de 50 000 habitants est intervenue depuis 1994, qui justifierait un tel changement de pied du député Ayrault devenu Premier ministre ?

M. Claude Goasguen. Voilà ! Très bien !

M. le président. La parole est à M. Daniel Fasquelle.

M. Daniel Fasquelle. Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, au risque d’être désagréable, je voudrais revenir sur les travaux de la commission Jospin. En effet, vous nous dites l’un comme l’autre que vous avez conçu ce texte et y avez beaucoup travaillé, alors qu’en réalité, vous avez fait du copier-coller, reprenant très exactement les travaux de la commission Jospin, instance extraordinaire puisqu’elle n’était composée que de personnalités opposées au cumul des mandats.

M. Christian Jacob. Il n’y avait aucun élu !

M. Daniel Fasquelle. En tout cas, aucun ancien député-maire.

On a confié la réflexion sur le sujet à des gens qui ne connaissaient absolument pas le dossier, mais convaincus de la nécessité de mettre fin au cumul, et leurs conclusions étaient écrites avant même la première réunion de cette commission. Je les ai relus, et je peux affirmer qu’à peu de choses près, vous n’avez fait que les reprendre.

Par ailleurs, monsieur Borgel, vous ne pouvez pas dire que les députés-maires peuvent être de bons députés et, l’instant d’après, déclarer qu’il faut les faire disparaître. Il faut savoir ce que l’on veut. Je répète, et je vous mets au défi de démontrer le contraire, qu’on peut être à la fois bon maire et bon député – il y en a ici même qui, malgré leurs fonctions municipales, sont parfois plus présents que certains députés qui ne sont pas maires.

M. Guy Geoffroy. Absolument !

M. Daniel Fasquelle. C’est tout le problème de votre raisonnement.

Ensuite, en ce qui concerne les communes, il y a aussi un vice dans votre raisonnement : on ne peut pas mettre sur le même plan toutes les communes. Monsieur le ministre, vous dites que vous auriez pu choisir de rester uniquement maire ; il est vrai qu’au-delà d’une certaine taille – au-dessus de 50 000 ou de 100 000 habitants –, on peut concevoir qu’il y ait un choix à faire. Mais en dessous d’un certain seuil, cette question ne se pose pas et je vous fais le reproche de ne pas le reconnaître.

M. le président. La parole est à M. Fernand Siré.

M. Fernand Siré. Je n’interviens pas souvent parce que je ne me sens pas bien dans cette assemblée. Je n’ai pas l’impression que mon rôle de député représente vraiment quelque chose. Je passe aujourd’hui une journée ici, et je me sens un peu inutile face à un ministre qui a des positions dogmatiques. Cela me rappelle le catéchisme, où on me disait : « Il faut croire. » Quand je demandais pourquoi, on me répondait : « C’est ainsi, c’est la foi. » De même, vous, monsieur le ministre, vous voulez nous inculquer vos croyances sans explication.

M. Daniel Fasquelle. Il n’y croit même pas lui-même ! Il est en service commandé !

M. Fernand Siré. J’ai été maire adjoint pendant plus de dix ans. Je termine mon deuxième mandat de maire tout en exerçant la médecine générale en campagne, un métier tout de même très prenant. Par conséquent, je ne comprends pas que vous vous lanciez contre les maires, en particulier ceux des petites communes, qui font un travail admirable.

M. Daniel Fasquelle. Absolument !

M. Fernand Siré. Les maires sont actuellement confrontés à un déni de pouvoir avec la création des communautés de communes, des communautés d’agglomération et bientôt des métropoles. Il y a eu énormément de transfert de compétences : j’ai moitié moins de travail en tant que maire que je n’en aurais eu il y a vingt ans. Pourtant vous dites qu’on en a de plus en plus, au point de rendre le mandat incompatible avec la fonction de député : je regrette que vous vous entêtiez à défendre une position inexplicable, que vous vous y enfermiez sans raison logique, et cela rejaillit sur votre comportement. Je vous croyais plus intelligent, monsieur le ministre. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Je sais que vous êtes d’origine catalane : moi aussi. Pour ma part, je suis catalan du Sud, et notre emblème, c’est l’âne parce que nous sommes têtus ; vous, vous êtes du Nord, un taureau, et je sais que vous êtes combatif, mais votre comportement actuel n’est pas très honorable. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean-Luc Reitzer. Voilà qui est parler avec son cœur !

Mme Brigitte Bourguignon. Vous êtes en train de nous dire que les maires n’ont pas de travail ?

M. le président. La parole est à M. Yves Albarello.

M. Yves Albarello. Au mois de mars prochain, je me présenterai pour un sixième mandat de maire. (Mouvements divers.)

M. Jean-Luc Reitzer. Ça, c’est la France !

M. Yves Albarello. Monsieur le ministre, je note au passage que vous êtes venu dans ma circonscription récemment. Pendant vingt ans, j’ai mené concomitamment une vie de chef d’entreprise de taille intermédiaire – 100 millions d’euros de chiffre d’affaires, 300 personnes – et de maire d’une commune de 15 000 habitants, et j’ai fait bénéficier ma commune de mon expérience professionnelle.

M. Jacques Valax. Quel homme !

M. Yves Albarello. Pour rebondir sur les propos de Jean-Christophe Lagarde, je pense qu’un élu local de terrain, un de ceux ancrés depuis des années, a toute une expérience à amener au Parlement pour enrichir les débats. J’en veux pour preuve les débats sur la réforme du code de l’urbanisme au cours desquels les élus locaux sont en première ligne. Demain, vous allez vous priver de cette expérience car il s’agira forcément d’élus désignés par les partis politiques. Il n’y aura plus de maires disponibles comme aujourd’hui.

Monsieur le rapporteur, vous avez été chef d’entreprise, me semble-t-il. Je l’ai lu dans Notices & Portraits.

M. Christian Jacob. En fait d’entreprise, c’était l’UNEF-ID !

M. Yves Albarello. Vous avez dû créer beaucoup d’emplois à l’UNEF-ID… Quoi qu’il en soit, vous avez forcément apporté votre expérience de chef d’entreprise au Parlement. Pourquoi dès lors être dogmatique à ce point ? Ce matin, j’ai été au pot de départ d’un proviseur de lycée qui m’a demandé : « Monsieur le député, est-ce que cette loi va passer ? » J’ai répondu : « Je le pense parce qu’ils sont tellement dogmatiques qu’ils ne reviendront pas sur leurs intentions initiales. » Même les personnes présentes à ce pot ne comprennent pas. Vous vous enfermez dans ces idées et c’est une erreur. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean-Luc Reitzer. Vous vous êtes buté sur ce sujet, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, c’est votre erreur !

M. le président. La parole est à Mme Barbara Romagnan.

Mme Barbara Romagnan. Personne n’a dit ici qu’il y avait des bons députés d’un côté et des mauvais de l’autre, mais la question de la charge de travail est un des éléments qui justifie cette loi. Certes, on peut avoir plusieurs mandats et bosser mieux et plus que d’autres qui en ont un seul, mais ce serait prendre beaucoup de risque que d’en faire une règle.

Le problème, c’est aussi la nature des responsabilités : ici, on fait la loi, et dans l’exécutif local, on la met en œuvre. Cela peut poser des difficultés par rapport à la séparation des pouvoirs. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean-Luc Reitzer. Mais cela permet de voir ce qui cloche !

Mme Barbara Romagnan. À ceux qui disent qu’on refuse la diversité des expériences, je réponds qu’on les autorise pour d’autres en leur ouvrant la possibilité d’être élus. Si les mêmes continuent à cumuler les mandats sur un même territoire et dans le temps, cela empêche beaucoup d’autres de pouvoir les exercer.

M. Jean-Luc Reitzer. C’est la loi de la démocratie : il faut être élu !

Mme Barbara Romagnan. Un homme âgé avec beaucoup d’expérience a beaucoup à apporter, mais il est bien aussi de changer un peu les types d’élus, et on a déjà fait quelques progrès à cet égard. Ceux qui sont en place sont sûrement très bons, mais ce n’est pas parce que les autres n’y sont pas qu’ils sont mauvais. Ce serait donc bien qu’eux aussi puissent exercer des responsabilités d’élu. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Quant à l’expérience, y compris d’élu local, une fois qu’on l’a acquise, l’on n’est pas obligé de la cumuler en même temps que celle d’élu national. Quand on démissionne, elle ne s’envole pas. Il est aussi possible d’avoir d’autres types d’expérience – militant syndical, militant associatif, vie dans une entreprise, éventuellement le temps passé à élever ses enfants, ce qui ne nous donnait pas la possibilité de se présenter à des élections. Il y a aussi des gens dont la vie professionnelle bien remplie ne leur permet pas de se présenter à des élections au terme d’une campagne suffisante ; enfin, il serait bon que certains élus fassent d’autres expériences pour que tous ces gens nous fassent bénéficier de la leur.

Un peu moins d’expérience et un peu plus de fraîcheur ne ferait pas de mal à nos assemblées. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean-Luc Reitzer. Laissez la place à quelqu’un d’autre ! Démissionnez !

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour un rappel au règlement.

M. Jean-Christophe Lagarde. Nous vous remercions pour le manque de fraîcheur, ma chère collègue, mais à la fin de votre mandat, ma chère collègue, vos adversaires sauront vous rappeler combien vous aurez été défraîchie par l’exercice de vos fonctions de parlementaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Brigitte Bourguignon. Quelle élégance !

M. Jean-Christophe Lagarde. Je demande à M. le ministre d’avoir l’amabilité de répondre à la question que j’ai posée. Je me souviens qu’il le demandait souvent quand il était député, et à juste raison. Il veut nous convaincre qu’une surcharge de travail liée à une décentralisation qui s’est considérablement amplifiée justifie ce texte visant à interdire l’exercice conjoint de fonctions exécutives locales et d’un mandat parlementaire.

Monsieur le ministre, je vous répète donc ma question et j’aimerais avoir une réponse : que s’est-il passé en termes de décentralisation en direction des communes, notamment de celles de moins de 50 000 habitants, depuis 2002 ou même depuis 1994 pour surcharger à ce point le travail de maire ? Je vous pose d’autant plus la question que votre gouvernement – vous évoquiez votre œuvre législative collective – est en train de préparer une intercommunalisation renforcée, obligatoire dans certains secteurs…

M. le président. Monsieur Lagarde, il ne s’agit pas d’un rappel au règlement.

M. Jean-Christophe Lagarde. Si, monsieur le président : demander la réponse à une question que j’ai posée touche au déroulement de la séance.

M. le président. Mais les développements que vous faites ne relèvent pas du rappel au règlement.

M. Jean-Christophe Lagarde. Puisque le ministre semblait avoir oublié la question, je la lui rappelais, monsieur le président. J’ajoute, monsieur le ministre, que vous avez en cours un projet de loi qui va imposer la métropolisation à des dizaines de communes, ce qui veut dire qu’il y aura moins de travail pour les maires qu’avant.

M. Daniel Fasquelle et M. Claude Goasguen. Absolument !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Manuel Valls, ministre. Monsieur Jean-Christophe Lagarde, je vous ai connu plus élégant. La courtoisie…

M. Jean-Christophe Lagarde. Elle aussi ! La courtoisie vaut dans les deux sens !

M. Claude Goasguen. L’attaque venait de là-bas !

M. Manuel Valls, ministre. Il y a la courtoisie, mais j’ai bien compris que vous en faisiez un cas personnel.

Tout d’abord, il y a eu des évolutions, avec le bloc communal et intercommunal, et ce n’est pas fini – vous avez fait référence à une loi sur la métropolisation. En plus des lois de décentralisation de 1982, l’intercommunalité est l’autre élément de ce changement en profondeur ; c’est l’une des raisons pour lesquelles nous l’avons intégré dans le dispositif après le vote, exprimé sur tous les bancs, en faveur de l’élection au suffrage direct de ses représentants.

Deuxièmement, vous avez par deux fois fait référence à Jean-Marc Ayrault.

M. Christian Jacob. Et pourtant, ce n’est pas une référence !

M. Manuel Valls, ministre. Monsieur Jacob, je sais qu’il est dix-neuf heures quinze, mais ce n’est pas une raison pour se lâcher ainsi !

Il y a eu des évolutions dans la réflexion, monsieur Lagarde, j’y ai participé comme d’autres. Nous avons tous pu évoluer sur cette question, et en quoi serait-ce un problème ? N’avez-vous pas évolué vous aussi, changé de leader, de parti, de ligne politique, de soutiens ? Cela ne vous est-il jamais arrivé ? Bien sûr que si ! Enfin, je vous rappelle que M. Ayrault n’était pas le candidat à la Présidence de la République et que c’est François Hollande qui a pris devant le pays l’engagement d’en finir avec le cumul des mandats. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

Article 1er (suite)

(Les amendements identiques nos 171 et 181 ne sont pas adoptés.)

(L’amendement n° 179 n’est pas adopté.)

(Les amendements identiques nos 174 et 180 ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Laurent, pour soutenir l’amendement n° 145.

Plusieurs députés du groupe UMP. Cela va être intéressant !

M. Jean-Luc Laurent. Je persiste,…

M. Jean-Luc Reitzer. Et vous signez !

M. Jean-Luc Laurent. …malgré la discussion passionnante que nous avons sur ce projet, à penser que l’expérience communale et intercommunale est une bonne fabrique républicaine des députés de la nation. Premier point.

M. Jean-Lusc Reitzer et M. Nicolas Dhuicq. Il a raison !

M. Jean-Luc Laurent. Deuxièmement, je soutiens que si un député sans mandat local et sans responsabilités locales peut faire un bon député, l’inverse est tout aussi vrai.

M. Guy Geoffroy. Oui ! IL faut les deux !

M. Jean-Luc Laurent. Et l’on a besoin qu’une diversité de parcours et de talents soit représentée à l’Assemblée nationale pour faire le travail législatif.

M. Jean-Luc Reitzer. C’est exactement ce que j’ai dit !

M. Jean-Luc Laurent. Enfin, nous savons bien que les dernières réformes constitutionnelles, la réduction du mandat du Président de la République de sept à cinq ans, et surtout l’élection de l’Assemblée nationale dans l’ombre, ou plutôt dans le sillage, du Président de la République, ont changé la nature de nos institutions.

M. Daniel Fasquelle. Bien sûr ! Cela a aggravé les choses !

M. Jean-Luc Laurent. On ne peut pas faire l’impasse sur cette réalité, mes chers collègues, et je maintiens que nous avons besoin de conserver des députés qui ont un autre mandat, une autre responsabilité : cela donne du poids au travail législatif… (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

M. Jean-Luc Laurent. …face à l’hyperprésidence qui sévit depuis la réforme institutionnelle.

Attentif et favorable au maintien des institutions de la Ve République, je n’en suis pas moins convaincu que ce n’est pas en institutionnalisant l’interdiction de cumul que nous renforcerons le poids du Parlement et que nous changerons la nature des institutions, au service d’une République plus équilibrée, qui a besoin de respiration. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

M. Martial Saddier. La majorité va éclater !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Luc Reitzer. Défavorable, naturellement !

M. Jean-Christophe Lagarde. Il n’écoute rien !

M. Christophe Borgel, rapporteur. Cet amendement reprend des idées dont nous avons déjà débattu et il n’y a pas, de ma part, la volonté d’être systématiquement défavorable.

M. Daniel Fasquelle. Le débat est totalement verrouillé !

M. Christophe Borgel, rapporteur. Mon cher collègue Fasquelle, le débat n’est pas verrouillé…

M. Daniel Fasquelle. Combien d’amendements avez-vous voté ?

M. Christophe Borgel rapporteur. Certains vont l’être, car vous savez très bien que la commission a émis un avis favorable sur un certain nombre d’amendements qui vont être examinés, y compris des amendements venant des bancs de l’opposition.

Il n’est pas verrouillé par la lecture du rapport Jospin, qui a l’air de vous préoccuper au plus haut point. Le rapport du rapporteur, dont vous auriez également pu prendre connaissance,…

M. Daniel Fasquelle. Mais c’est du copié-collé du rapport Jospin ! Sa valeur ajoutée, c’est zéro !

M. Christophe Borgel rapporteur. …évoque à la page 27 les travaux du comité Balladur, qui préconisait de proscrire le cumul entre un mandat de parlementaire et une fonction exécutive locale. C’est donc une idée qui vient de loin, et pas seulement de la commission Jospin.

Vous avez une conviction, défendue publiquement, je l’ai dit, par un certain nombre d’intellectuels qui ont adressé une lettre ouverte au Président de la République.

M. Jean-Luc Laurent. Je le lui ai dit aussi.

M. Christophe Borgel rapporteur. Nous, nous avons la conviction inverse, et nous pensons que c’est justement lorsque les parlementaires pourront exercer pleinement les missions que leur confère la Constitution que nous commencerons à équilibrer les pouvoirs.

M. Claude Goasguen. C’est le contraire !

M. Jean-Luc Reitzer. Toujours les mêmes arguments éculés !

M. Christophe Borgel rapporteur. J’ai dit d’emblée que ce débat n’était pas un débat fini, et qu’il faudrait par la suite renforcer les moyens des parlementaires. Non pas leurs moyens personnels, mais leurs moyens pour travailler.

M. Jean-Luc Reitzer. Cela ne se fera jamais !

M. Christophe Borgel rapporteur. Si aujourd’hui nous nous contentons de critiquer la situation, sans être vraiment combatifs, c’est parce que beaucoup d’entre nous – et vous, comme d’autres – exercent à la fois des fonctions exécutives locales et des fonctions parlementaires et compensent le manque de moyens parlementaires par ceux dont ils disposent à la tête de leurs exécutifs locaux.

M. Jean-Luc Reitzer. Baratin ! Personne n’osera le faire !

M. Christophe Borgel rapporteur. Demain, nous serons tous logés à la même enseigne et, constatant le manque de moyens, nous serons, je crois, plus combatifs pour y remédier.

M. Claude Goasguen. Vous rêvez, monsieur le rapporteur !

M. Christophe Borgel rapporteur. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Manuel Valls, ministre. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Nicolas Dhuicq.

M. Nicolas Dhuicq. Monsieur le ministre, on peut vous reconnaître une certaine cohérence dans vos plans. Vous avez savamment commencé par préparer les élections sénatoriales de 2014 et renforcé ce que vous pensez être votre futur corps électoral de grands électeurs, en supprimant systématiquement, là où c’était possible, les élus ruraux que sont les conseillers généraux, et en créant ces conseillers départementaux, qui seront à la tête de cantons gigantesques.

Les maires des communes rurales s’inquiètent terriblement, parce qu’ils voient poindre une loi de décentralisation qui va être centrée sur les métropoles et les grandes villes. On reconnaît là l’urbanocentrisme de la SFIO (Sourires sur les bancs du groupe SRC.), maintenant toute-puissante au pouvoir…

M. Manuel Valls, ministre. La SFIO était éloignée des territoires ruraux ? Ça n’a pas de sens…

M. Nicolas Dhuicq. …qui revient, qui méprise ses alliés et qui tente de détruire la Ve République pour revenir à la IVe République, que vous affectionnez tant. Elle veut avoir des élus aux ordres du Gouvernement, dont on se demande où se trouve le centre, où se trouvent le commandement et la capacité de donner une vision aux Françaises et aux Français. Et comme vous êtes incapables de donner une vision aux Françaises et aux Français, vous agitez des hochets.

Vous tirez à boulets rouges sur les élus nationaux et vous n’écoutez pas ce que vous disent d’autres élus, parce que vous avez peur de ces électeurs populaires, qui vont voter pour leurs maires, non pas en fonction de leur étiquette politique, mais de leur capacité humaine.

M. Jean-Luc Reitzer et M. Claude Goasguen. C’est vrai !

M. Nicolas Dhuicq. Moi, citoyen, je voterai pour le maire du Kremlin-Bicêtre, ici présent, non parce que j’y ai exercé, mais parce que c’est un républicain, un homme capable et de bon sens.

M. Guy Geoffroy. Bravo !

M. Nicolas Dhuicq. Mais vous avez peur de ces élus de bon sens ! Vous voulez des apparatchiks, formés rue de Solferino, des cadres B ou C de la fonction publique territoriale, que vous récompenserez, après un ou deux mandats, en les renvoyant dans la préfectorale, pour qu’ils soient aux ordres de votre gouvernement.

M. Yves Albarello. Bravo !

Mme Brigitte Bourguignon. Ça suffit !

M. Nicolas Dhuicq. Vous serez balayés par un populisme auquel vous tendez la main, mais qui vous dévorera intégralement. Et vous aurez achevé la République !

M. Daniel Fasquelle. C’est aussi ce qu’a dit Mme Batho !

M. le président. La parole est à M. Guy Geoffroy.

M. Guy Geoffroy. Je voudrais appuyer l’argumentaire des auteurs de cet amendement. J’affirme – et vous êtes nombreux, sur ces bancs, à pouvoir le confirmer, si vous acceptez de vous délier un instant de l’obligation où vous êtes de voter ce texte – que les maires de notre pays ont toujours été, et ils doivent continuer de l’être, un des ferments de la dynamique parlementaire. Si vous privez la dynamique parlementaire de l’une de ses origines, vous porterez – probablement malgré vous, parce que je ne crois pas que ce soit votre intention première – un assez mauvais coup à la démocratie et à la représentation nationale.

Je voudrais vous faire part, à ce stade de notre échange, d’un sentiment que j’éprouve de plus en plus à l’égard des textes que vous voulez successivement imposer, au nom d’une certaine modernité, et d’une modernisation de la vie publique : ces textes ont tous quelque chose en commun, l’interdiction. Quand vous voulez assurer la transparence de la vie publique, abordée sous l’angle financier, vous mettez en place toute une batterie d’interdictions. Quand vous voulez garantir, dites-vous, un exercice parlementaire mieux assumé et mieux compatible avec l’intérêt du pays, dans la France d’aujourd’hui et de demain, vous mettez également en place des interdits.

N’êtes-vous donc pas en mesure de faire confiance ? De faire confiance à la diversité des viviers, de faire confiance à la diversité des origines, et de faire confiance, tout simplement, aux électeurs de notre pays ?

M. Jean-Luc Reitzer. Bravo !

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.

M. Jean-Christophe Lagarde. Le rapporteur vient de nous expliquer que ce texte constituerait une première étape : cela fait la deuxième, la troisième, peut-être même la quatrième fois que l’on entend cela depuis hier.

Plusieurs députés du groupe UMP. C’est vrai !

M. Jean-Christophe Lagarde. Certains nous disent que ce texte est révolutionnaire et qu’il va tout changer. En réalité, la seule chose qui changera, c’est que les parlementaires seront affaiblis individuellement, et donc collectivement, face à l’exécutif. Voilà la seule chose qui changera !

M. Daniel Fasquelle. Évidemment !

M. Jean-Christophe Lagarde. Si au moins, comme je le disais hier, une autre étape était annoncée ! Mais cette autre étape, vous n’en faites jamais état ! Elle ne fait pas partie des sacro-saints engagements – ces soixante engagements, dont bien peu ont été respectés – du Président de la République, et rien n’est annoncé en matière de rééquilibrage des pouvoirs.

Le rapporteur nous dit que des moyens seront donnés aux parlementaires. Mais ce n’est pas seulement de moyens que manquent les parlementaires, monsieur le rapporteur ! C’est, en l’occurrence, de modifications dans le fonctionnement du Parlement !

M. Jean-Luc Reitzer. Bien sûr ! Tous ces discours, c’est du baratin !

M. Jean-Christophe Lagarde. Vous pourriez être crédibles, si vous vous engagiez par exemple à changer notre pratique constitutionnelle et à faire en sorte que l’article 49, alinéa 3 ne soit plus appliqué qu’aux PLF et aux PLFSS…

Mme Laurence Dumont. Mais vous vous opposez à toutes les propositions !

M. Jean-Christophe Lagarde. …parce que je pars du principe que lorsqu’une loi n’est pas votée par une majorité, c’est qu’elle n’est pas nécessaire, et que les seules lois nécessaires en France, c’est le budget de l’État et celui de la sécurité sociale.

Vous pourriez, monsieur le président de la commission des lois, mettre en œuvre la proposition que je vous ai faite, et à laquelle je n’ai pas eu de réponse. Vous demandiez que les nominations du Président de la République soient mieux contrôlées par le Gouvernement : que n’avez-vous, depuis un an, monsieur le président de la commission des lois, déposé une proposition de loi ou introduit une disposition dans ce sens par voie d’amendement, dans ce texte par exemple ? Il vous est encore loisible de le faire, même à cette heure-ci !

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. On l’a fait sur le CSM et vous ne l’avez pas voté !

M. Jean-Christophe Lagarde. Vous pouvez faire en sorte qu’un refus de la moitié des votants ne soit plus suffisant pour s’opposer à une nomination, et qu’un vote des deux tiers ou des trois cinquièmes soit nécessaire pour l’approuver. Si au moins vous aviez fait un geste, si au moins vous aviez fait un pas dans le sens d’une revalorisation du Parlement, au lieu de cette promesse démagogique balancée pendant une primaire, et que vous lancez aujourd’hui au peuple, en lui disant que vous transformez la société ! Non seulement vous ne la transformerez pas, mais vous allez aggraver le déséquilibre des pouvoirs de la Ve République. J’aimerais au moins que vous nous disiez sur quoi, quand et comment vous allez, non pas revaloriser les moyens du Parlement, mais rééquilibrer les pouvoirs en sa faveur.

M. Claude Goasguen. Très bonne intervention !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Manuel Valls, ministre. J’apporterai seulement quelques éléments à ce débat.

Premièrement, on peut continuer de réformer la Constitution avec prudence, mais s’agissant des nominations, il faut être cohérent, monsieur Lagarde ! Nous avions proposé avec Jean-Jacques Urvoas, il y a quelques années – et c’est d’ailleurs l’un des sujets qui nous opposait à Guy Carcassonne, dont nous parlions hier – d’inverser, non pas la charge de la preuve, mais le mode d’élection des candidats.

M. Jean-Christophe Lagarde. Alors faite-le !

M. Manuel Valls, ministre. Mais aujourd’hui, toute réforme constitutionnelle, pour des raisons politiques, voire idéologiques – comme cela a été dit sur d’autres thèmes – rencontre l’opposition de votre groupe, à l’Assemblée comme au Sénat. Ce fut le cas notamment pour la réforme de la nomination au CSM, qui intègre pourtant les changements que vous demandez. Ces changements ont été intégrés, monsieur Lagarde !

M. Claude Goasguen. Le CSM, c’est bidon !

M. Manuel Valls, ministre. Et la Haute autorité, dont nous débattions il y a quelques jours à l’Assemblée, intègre elle aussi ces éléments. Je suis favorable à tout ce qui s’inscrit dans le cadre des institutions de la Ve République, que pour ma part – et cela n’engage que moi – je souhaite profondément préserver, alors que vous, vous nous avez proposé hier une démolition en règle des institutions de la Ve République.

M. Jean-Christophe Lagarde. Un rééquilibrage !

M. Manuel Valls, ministre. Vu la formation politique dont vous venez, je peux le comprendre ; peut-être souhaitez-vous plutôt le retour en arrière. Ce n’est pas mon avis, mais on peut en tout cas améliorer ce qui relève des activités de contrôle…

M. Claude Goasguen. Eh bien, faites-le !

M. Manuel Valls, ministre. …parce que je suis convaincu que c’est sur le contrôle de l’exécutif que le Parlement et les parlementaires doivent jouer pleinement leur rôle.

Deuxièmement, sur la question de l’interdit, monsieur Geoffroy, je vous vois venir ! Mais je vais vous dire les choses très simplement : si nous n’adoptons pas certaines lois, certaines évolutions de la société ne seront jamais possibles dans ce pays.

M. Fernand Siré. Mais il y a trop de lois !

M. Manuel Valls, ministre. Cela vaut pour le cumul des mandats : chacun dit qu’il faut laisser faire et laisser les électeurs choisir, et rien ne change. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Nicolas Dhuicq. Changez le peuple ! Le peuple a tort, il faut le changer !

M. Manuel Valls, ministre. À chaque fois que nous avons senti la nécessité de faire évoluer les choses – tout le monde l’a rappelé – il a fallu des lois, celle de 1985, puis celle de 2000. S’il n’y avait pas eu la loi de 1985, nous n’en serions pas aux deux mandats, mais nous aurions toujours des maires présidents de conseil général ou de conseil régional. Il y a eu ensuite la loi de 2000, voulue par Lionel Jospin, mais qui n’a pas pu aller jusqu’au bout, puisque le Sénat, où vous étiez alors majoritaires, ne le souhaitait pas.

M. Martial Saddier. Laissez le peuple choisir !

M. Manuel Valls, ministre. Mais le peuple choisit, et il choisira bien évidemment ! Mais à chaque fois, il a fallu la loi.

Sur la parité aussi, il fallait laisser faire ! Mais ce qu’on a constaté aux dernières élections cantonales, c’est bel et bien une régression – pas une stabilisation ! – du nombre de femmes candidates et élues dans des conseils généraux.

C’est pour cela que nous avons imposé la parité absolue aux élections cantonales, et je l’assume totalement devant l’Assemblée.

M. Guy Geoffroy. Mais dans ce cas, il ne s’agit pas d’une interdiction !

M. Manuel Valls, ministre. Ce n’est pas un problème de liberté.

M. Martial Saddier. Et la ruralité ?

M. Manuel Valls, ministre. La pluralité ? Je suis convaincu que la parité va dans le sens de la pluralité.

M. Martial Saddier. Pas la pluralité, la ruralité !

M. Manuel Valls, ministre. Vous voyez, je deviens sourd avec le temps ! (Sourires.)

S’agissant de la ruralité, il y a ici des parlementaires qui en sont tout autant comptables que vous. Nous en avons débattu avec des députés de la Haute-Garonne, de l’Ariège, du Cantal, pour n’en citer que quelques-uns, qui défendent ces territoires ruraux. Mais ils n’en ont pas une vision passéiste, ils pensent qu’elle doit évoluer, que des femmes veulent être conseillères générales, que les cantons doivent aussi être bâtis sur des représentations démographiques, même s’il y a un certain nombre d’exceptions.

Aujourd’hui, tous les députés se valent : le député d’une circonscription rurale qui compte plusieurs villes ou villages, même s’il n’en sera pas maire ou maire adjoint…

M. Martial Saddier. Il sera conseiller régional !

M. Manuel Valls, ministre. …défendra parfaitement cette ruralité.

Je serai demain en Ardèche, département rural dont la ville la plus importante compte 10 000 habitants…

M. Martial Saddier. Venez en Haute-Savoie !

M. Manuel Valls, ministre. Je viendrai avec grand plaisir si vous m’y invitez !

M. Martial Saddier. Vous êtes invité !

M. Manuel Valls, ministre. Eh bien, j’honorerai évidemment cette invitation.

Nous avons besoin de députés qui représentent ces territoires et qui font la loi, sans entraves, sans incompatibilités, sans mélange des genres, et c’est le sens de ce texte.

M. Guy Geoffroy. Sans mélange des genres ?

M. le président. La parole est à Mme Laurence Dumont.

Mme Laurence Dumont. Monsieur Lagarde, il est trop facile de chercher à se donner le beau rôle dans l’hémicycle en y plaidant la rénovation du fonctionnement de nos institutions. Pendant des semaines, le président Bartolone a animé un groupe de travail, où tout le monde était représenté, afin d’anticiper la mise en place de la limitation du cumul des mandats et de voir comment le règlement et le fonctionnement de notre Assemblée devaient évoluer.

Il avait décidé de le faire par consensus ; mais vous, députés de l’UDI et de l’UMP, vous avez refusé de jouer le jeu. De ce fait le groupe de travail n’a pas abouti pour l’instant parce que vous n’avez pas souhaité y prendre part.

M. Jean-Luc Reitzer. C’est toujours de notre faute !

Mme Laurence Dumont. Il est facile de tenir de tels propos dans l’hémicycle. Mais quand on crée des groupes de travail dans lesquels il faut un peu mouiller la chemise, au moins que les groupes de l’opposition jouent le jeu !

Mme Marie-Françoise Clergeau. Elle a raison !

Mme Marie-Anne Chapdelaine. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.

M. Jean-Christophe Lagarde. Je crains qu’il ne s’agisse d’une plaisanterie, chère collègue ! Et il en va de même s’agissant des propos du ministre sur les réformes constitutionnelles !

Finalement, la seule chose qui permettrait de réformer la Constitution ou de modifier les règles de l’Assemblée, ce serait que l’opposition se contente d’être d’accord avec vous !

M. Manuel Valls, ministre. Mais non ! Ne vous fâchez pas, monsieur Lagarde !

M. Jean-Christophe Lagarde. Excusez-moi monsieur le ministre, mais j’ai le souvenir de la réforme constitutionnelle de 2008, à laquelle vous avez indirectement participé, en ne votant pas contre.

M. Manuel Valls, ministre. J’ai voté contre ! Sinon Laurence Dumont m’aurait exclu !

M. Jean-Christophe Lagarde. Vous aviez discuté avec un certain nombre de députés qui sont aujourd’hui vos collègues au Gouvernement : M. Montebourg, par exemple, avait discuté avec l’exécutif de l’époque. Parce que l’exécutif de l’époque avait essayé de constituer une majorité permettant de réformer la Constitution. Ce n’est en rien le cas aujourd’hui. Alors ne venez pas nous jouer de la mandoline en disant que nous rejetons tel ou tel texte !

M. Manuel Valls, ministre. Ah non ! je ne joue pas de la mandoline ! Ma femme est violoniste, je sais de quoi je parle ! (Sourires.)

M. Jean-Christophe Lagarde.La Constitution est la règle de vie commune de notre République ; avant de la réformer, encore faudrait-il que nous en parlions, que nous en discutions.

Laissez-moi prendre un exemple. Vous êtes très attaché aux engagements de campagne du Président de la République. N’avait-il pas annoncé une réforme constitutionnelle afin que les anciens présidents de la République ne siègent plus au sein du Conseil constitutionnel. Que ne la proposez-vous ?

M. Manuel Valls, ministre. Ça, c’est fait ! (Sourires.)

M. Jean-Christophe Lagarde. Pourquoi n’est-elle pas inscrite à l’ordre du jour de notre Parlement ? Nous sommes prêts à la voter, et vous l’obtiendrez !

Vous défendiez à l’époque le référendum d’initiative citoyenne. Pourquoi ne faites-vous rien ? Non, le cumul des mandats est votre priorité absolue.

J’entends ce que vous nous dites sur les cantonales – pardon, les départementales, comme on dit maintenant – et la parité. Mais la parité n’est pas du tout l’objectif que vous poursuivez dans cette réforme ! Votre objectif, c’est le redécoupage : il suffisait d’adopter exactement le même mode de scrutin aux élections départementales qu’aux élections régionales pour obtenir la parité…

M. Manuel Valls, ministre. Oui, mais pas l’ancrage !

M. Jean-Christophe Lagarde. …et vous auriez eu des majorités stables. Mais ce qui vous intéressait en l’espèce, c’était de redécouper les cantons au bénéfice des territoires que vous gouvernez.

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Daniel Fasquelle, pour un rappel au règlement.

M. Daniel Fasquelle. En réponse aux propos de Mme Dumont, je tiens à dire que l’on ne peut pas demander à l’opposition de participer à une commission pour mettre en œuvre de façon anticipée une loi avec laquelle elle n’est pas d’accord et sur le contenu de laquelle on n’a même pas cherché à engager la discussion avec l’opposition.

Vous auriez pu, sur ces sujets du cumul des mandats, des rapports entre l’exécutif et le législatif, et sur celui des rapports entre l’État central et les territoires…

M. le président. Monsieur Fasquelle, merci de faire un véritable rappel au règlement.

M. Daniel Fasquelle. Je fais un rappel au règlement, monsieur le président !

…vous auriez pu créer une commission qui aurait conduit à un vrai échange et ensuite à préparer…

M. le président. Merci, monsieur le député.

Article 1er (suite)

M. le président. Nous en revenons à l’amendement n° 145, que je vais mettre aux voix.

(L’amendement n° 145 n’est pas adopté.)

M. le président. Nous en venons à plusieurs amendements, pouvant faire l’objet d’une discussion commune.

Les amendements 112 et 158 sont identiques.

La parole est à Mme Annie Genevard, pour soutenir l’amendement n° 112.

Mme Annie Genevard. L’amendement n° 112 est défendu.

M. le président. La parole est à M. Daniel Fasquelle, pour défendre l’amendement n° 158.

M. Daniel Fasquelle. Monsieur le ministre, vous avez évoqué le renforcement des fonctions de contrôle de notre Assemblée. Mais avec quels moyens supplémentaires ?

Alors que les Français pointent les déficits abyssaux qui ne font que se creuser, comment allez-vous leur expliquer que vous allez augmenter les moyens de notre assemblée ?

Une des conséquences de cette loi sera d’ailleurs le gonflement des moyens à tous les échelons. Vous refusez de réduire le nombre d’échelons alors que chacun va demander plus de moyens à son niveau. Cela ne pourra que se terminer par la diminution du nombre de députés : pour ne pas augmenter le budget de l’Assemblée nationale, on va diminuer le nombre de députés.

M. Christophe Caresche. Ce sera pour plus tard !

M. Daniel Fasquelle. J’en reviens toujours à cette question : quelle est votre intention à ce sujet ? Allez-vous oui ou non diminuer le nombre de députés ? Comment envisagez-vous le fonctionnement de cette assemblée à 577 sans le cumul ?

C’est un vrai problème, et vous refusez obstinément d’y répondre. Ce n’est pas normal : ou bien vous n’avez pas de plan, et il faut remiser votre texte de façon à y travailler très vite, ou bien il y a un plan pour la suite et il faut nous le révéler.

M. Manuel Valls, ministre. C’est le plan de Bruno Le Maire !

M. Daniel Fasquelle. L’engagement de François Hollande est de mettre fin au cumul des mandats. On peut le comprendre de diverses manières : ou bien on le comprend dans l’absolu et il faut adopter le mandat unique comme le souhaite M. Coronado, ou bien l’on considère qu’il s’agit d’aller plus loin que les textes existants, et alors il y a un espace de discussion.

Dès lors que vous acceptez le cumul avec un mandat de conseiller départemental ou de conseiller régional, vous ne respectez pas à la lettre la proposition de François Hollande à la lettre ; mais dans la mesure où vous permettez cette possibilité de cumul, allez au bout de la démarche et permettez aussi le cumul avec un mandat de maire.

Mme Laurence Dumont. Cela n’a rien à voir avec votre amendement !

M. le président. Les amendements nos 113 et 159 sont identiques.

La parole est à Mme Annie Genevard, pour soutenir l’amendement n° 113.

Mme Annie Genevard. L’amendement n° 113 est défendu.

M. le président. La parole est à M. Daniel Fasquelle, pour soutenir l’amendement n° 159

M. Daniel Fasquelle. L’amendement n° 159 est également défendu.

M. le président. La parole est à Mme Annie Genevard, pour soutenir l’amendement n° 93.

Mme Annie Genevard. Il est défendu.

M. le président. Les amendements nos 94, 114 et 160 sont identiques.

La parole est à M. Guy Geoffroy, pour défendre l’amendement n° 94.

M. Guy Geoffroy. Tous ces amendements vont dans le même sens. Je voudrais relever une formule assez intéressante que le ministre a employée tout à l’heure, et qui un début de réponse à nos questions.

Monsieur le ministre, vous avez parlé de mélange des genres. Ce serait donc cela : vous ne voulez pas qu’un député ou un sénateur soit maire ou président d’un exécutif, parce que cela constituerait un mélange des genres.

Je reprends mon exemple précédent. Je suis député et maire adjoint d’une commune de cent habitants : mélange des genres. Mais si je suis député et conseiller régional de la région Île-de-France, je peux représenter la région et son président dans des manifestations, des inaugurations, des instances qui dépendent de la collectivité régionale : là, il n’y a pas de mélange des genres !

Expliquez-nous, monsieur le ministre ! Qu’avez-vous donc contre les exécutifs locaux au point de refuser que l’on puisse exercer ces fonctions en même temps qu’un mandat législatif, alors que le député aura toute liberté de s’appuyer sur son mandat de conseiller régional ou départemental pour finalement faire ce qui s’appelle un vrai mélange des genres, et cette fois sans risque puisque c’est ce que vous aurez décidé ?

M. Jean-Luc Reitzer. Il a raison !

M. le président. La parole est à Mme Annie Genevard, pour défendre l’amendement n° 114.

Mme Annie Genevard. Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, vous auriez pu vous inscrire dans les réformes successives qui amélioraient à chaque fois le système.

On aurait pu imaginer que cette loi interdise le cumul avec plus d’une fonction exécutive en intégrant l’intercommunalité. Pourquoi avoir été aussi radical ? Pourquoi cette radicalité sur l’interdiction du cumul ?

M. Jean-Luc Reitzer. C’est un radical-socialiste !

Mme Annie Genevard. Rien ne l’explique, sinon une position de principe dogmatique qui, à l’évidence, desservira notre Assemblée.

M. Jean-Luc Reitzer. Et la République !

M. le président. La parole est à M. Daniel Fasquelle, pour soutenir l’amendement n° 160.

M. Daniel Fasquelle. On nous a dit qu’il fallait tenir compte de la décentralisation. Soit, mais alors demandons à ceux qui exercent un mandat de maire et de président d’intercommunalité de faire ce choix. On peut fixer une limite selon la taille de l’intercommunalité, on peut considérer qu’en ce qui concerne les plus grandes intercommunalités, il faut mettre fin au cumul pour les raisons de disponibilité et d’emploi du temps que vous mettez souvent en avant.

Mais il n’y a pas de raison de ne pas maintenir le cumul avec la présidence d’une intercommunalité quand elle est de taille raisonnable, d’autant plus que ce qui était auparavant exercé par les seules communes est désormais exercé par les intercommunalités ou les communes, qui ont transféré des compétences.

Lorsque vous dites qu’il est de plus en plus difficile d’être député-maire, c’est tout à fait faux, et la démonstration en a été faite à plusieurs reprises.

En revanche, je reconnais qu’il peut être difficile d’être député, maire et président d’EPCI. Avançons dans cette direction et mettons les choses à plat. Il n’y a pas de raisons, sauf un blocage idéologique, de ne pas le faire.

Je voudrais aussi réagir à une remarque faite par notre collègue qui veut absolument rafraîchir cette Assemblée, et elle en a parfaitement le droit. À l’entendre, il faut supprimer les exécutifs locaux, car ceux qui y siègent appliquent la loi, et c’est épouvantable.

Mme Barbara Romagnan. Je n’ai jamais dit ça !

M. Daniel Fasquelle. J’y vois au contraire un magnifique argument en faveur du cumul : car lorsqu’on doit appliquer la loi, on en voit immédiatement les dysfonctionnements, et l’on devient ensuite un meilleur législateur.

C’est d’ailleurs ce que nous ne cessons de répéter. Nous sommes au cœur de l’application de la loi dans tous les domaines, notamment économiques, sociaux, et pas seulement dans les domaines purement administratifs tels que l’urbanisme. C’est parce que l’on est plongé au cœur de la mise en œuvre de ces règles que l’on en devient un meilleur législateur.

Combien de fois suis-je intervenu dans cet hémicycle, fort de l’expérience que j’avais, en tant que maire, de la mise en œuvre des textes que l’on souhaitait faire évoluer ? Entendez ce message de bon sens !

M. le président. La parole est à Mme Annie Genevard, pour soutenir l’amendement n° 95.

Mme Annie Genevard. Il est défendu.

M. le président. La parole est à Mme Annie Genevard, pour soutenir l’amendement n° 96.

Mme Annie Genevard. Il est également défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur l’ensemble de ces amendements ?

M. Christophe Borgel, rapporteur. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Manuel Valls, ministre. Avis défavorable.

M. Daniel Fasquelle. C’est tout ce qu’il sait dire : avis défavorable !

M. le président. La parole est à M. Martial Saddier.

M. Martial Saddier. Monsieur le ministre, il y a un point positif : faute d’accepter nos amendements, vous acceptez au moins nos invitations dans nos circonscriptions ! (Sourires.) C’est un premier pas. La soirée n’étant pas terminée, nous allons peut-être finir par vous convaincre… Mais il faudra venir rapidement, car l’altitude ne peut qu’aider à une meilleure compréhension, et peut-être parviendrons-nous ainsi à nous rejoindre !

Permettez-moi de reprendre les arguments utilisés il y a quelques instants par un député de la majorité. Depuis des décennies, qu’est-ce qui permet la richesse de nos débats ? C’est entre autres la diversité de ce que nous sommes et des territoires que nous représentons.

M. Jean-Luc Reitzer. Je l’ai dit cet après-midi !

M. Martial Saddier. C’est ce qui nous anime jour et nuit, à l’Assemblée comme au Sénat.

Combien de députés et de sénateurs vont faire le choix de rester simples conseillers municipaux, alors qu’ils pourront être conseillers régionaux ou départementaux et que vous avez refusé tout à l’heure de supprimer le cumul des indemnités de parlementaire et de conseiller départemental ou régional ?

La vérité doit être connue de ceux qui suivent nos débats : il faut que chacun sache que, très rapidement, nous allons avoir une Assemblée nationale et un Sénat exclusivement composés de parlementaires conseillers généraux et conseillers régionaux. Les strates de base, les territoires de base – la mer, la montagne et, plus généralement, la ruralité – vont disparaître des deux chambres du Parlement pour céder la place à l’uniformité, tout cela au nom de la disponibilité.

Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, la strate la plus petite des communes que la République reconnaît ne compte que cinquante habitants. Vous voudriez faire croire à nos compatriotes qu’être député ou sénateur et, parallèlement, maire adjoint d’une commune de cinquante habitants prendrait plus de temps et, de ce fait, poserait un plus grand problème d’incompatibilité que le fait d’être à la fois parlementaire et conseiller général ou conseiller régional ? Pitié, monsieur le ministre, la soirée n’est pas finie : profitez-en pour revenir sur cette folie ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.

M. Jean-Christophe Lagarde. Nous examinons une série d’amendements intéressants, au sujet de laquelle je veux commencer par dire que je souscris totalement à ce qui vient d’être dit par M. Saddier.

Nous ne devons pas perdre de vue le fait que les maires sont en charge à la fois de la stratégie de développement de leur commune et des questions relatives à la vie quotidienne. Les présidents d’EPCI sont, pour leur part, beaucoup moins impliqués dans la gestion – très chronophage – des détails du quotidien, l’essentiel de leur travail consistant plutôt à dessiner les perspectives du territoire en termes d’enjeux économiques, de transport, d’aménagement, de développement de telle ou telle activité culturelle ou sportive.

Je peux comprendre qu’il y ait surcharge de travail, donc incompatibilité, quand un EPCI est présidé par un maire – ce qui n’est pas le cas de figure dont nous débattons. En revanche, interdire à quelqu’un chargé de la stratégie de son territoire d’apporter son expérience dans les hémicycles de l’Assemblée nationale et du Sénat – je passe d’ailleurs sur le fait que nous sommes en train de légiférer au sujet des deux assemblées, un point qui, selon moi, ne manquera pas d’intéresser le Conseil constitutionnel –, qu’il s’agisse du président ou du vice-président d’un EPCI, ne me paraît absolument pas justifié, puisque ces fonctions ne sont pas exercées à temps plein.

Vous le savez, monsieur le ministre, nombre de présidents d’EPCI, notamment dans les petites communes et les territoires ruraux, exercent leurs fonctions à temps tout à fait partiel. Rien ne les empêcherait donc d’être députés, si ce n’est le dogmatisme dont fait preuve le Gouvernement à des fins d’affichage électoral.

(Les amendements identiques nos 112 et 158 ne sont pas adoptés.)

(Les amendements identiques nos 113 et 159 ne sont pas adoptés.)

(L’amendement n° 93 n’est pas adopté.)

(Les amendements identiques nos 94, 114 et 160 ne sont pas adoptés.)

(L’amendement n° 95 n’est pas adopté.)

(L’amendement n° 96 n’est pas adopté.)

3

Modification de l’ordre du jour

M. le président. Mes chers collègues, le Gouvernement a informé le président de l’Assemblée qu’il retirait de l’ordre du jour du mercredi 10 juillet la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi constitutionnelle portant réforme du Conseil supérieur de la magistrature.

4

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

Suite du projet de loi organique interdisant le cumul des fonctions exécutives locales avec le mandat de député ou de sénateur et du projet de loi interdisant le cumul des fonctions exécutives locales avec le mandat de député, de sénateur ou de représentant au Parlement européen.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures cinquante.)