Accueil > Travaux en séance > Les comptes rendus > Les comptes rendus de la session > Compte rendu intégral

Afficher en plus grand
Afficher en plus petit
Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session extraordinaire de 2012-2013

Compte rendu
intégral

Première séance du lundi 22 juillet 2013

Présidence de M. Denis Baupin

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à dix-sept heures.)

1

Transparence de la vie publique

Nouvelle lecture d’un projet de loi organique et d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi organique, modifié par le Sénat, relatif à la transparence de la vie publique (nos 1249, 1279) et du projet de loi, modifié par le Sénat, relatif à la transparence de la vie publique (nos 1250, 1280).

La Conférence des présidents a décidé que ces textes donneraient lieu à une discussion générale commune.

Présentation commune

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement.

M. Alain Vidalies, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement. L’enjeu des textes qui viennent en discussion aujourd’hui est simple : retrouver le chemin de la confiance de nos concitoyens et rétablir une capacité d’écoute de la parole politique. Combattre le poison du soupçon permanent par l’exemplarité républicaine, telle est la démarche que vous a proposée le Gouvernement.

Je sais que beaucoup d’entre vous – j’allais dire « d’entre nous » – s’insurgent contre les sondages qui révèlent une défiance grandissante, et inquiétante, des Français à l’égard de leurs représentants. Je sais aussi que la faute de quelques-uns ne peut couvrir d’opprobre tous ceux qui exercent leur mandat dans le respect des principes qui fondent leur engagement.

J’ai la conviction, cependant, que ces réactions, même si elles sont légitimes, ne répondent pas aux doutes que l’opinion publique nourrit à l’égard de ses représentants, alors que, comme toujours en période de crise, l’antiparlementarisme et la remise en cause plus générale des responsables publics constituent le fonds de commerce de l’extrême droite

M. Jean-Frédéric Poisson. Et de l’extrême gauche, monsieur le ministre !

M. Alain Vidalies, ministre délégué. La démocratie est une quête permanente. Elle doit se conforter par des pratiques et des mœurs faisant davantage confiance à la responsabilité de nos concitoyens. Ces projets de loi font le pari de restaurer la confiance dans les institutions, comme dans leurs serviteurs, en faisant précisément le pari de la confiance dans nos concitoyens.

Mesdames, messieurs les députés, des dizaines d’heures d’examen de ce texte au Parlement, de la lecture des débats qui se sont tenus ici même en 1988, en 1990, en 1995, ou même en 2011, il me semble qu’émerge un constat gravé dans l’histoire des trois dernières républiques, et dont nul ne peut s’exonérer : si chaque majorité, chaque Gouvernement, souhaite légiférer dans la sérénité, il convient pourtant d’observer que tous les grands scandales politico-financiers ont abouti à changer les lois. Convenons que ce mal, qui frappe régulièrement la vie de nos républiques, est sans doute indissociable de la condition humaine et du fonctionnement des corps sociaux. Convenons qu’il nous appartient, collectivement, de lui administrer le meilleur des remèdes démocratiques : l’adoption de bonnes lois, qui seront bien appliquées.

Chacun sait, le texte du Gouvernement a été profondément remanié, tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat. Je tiens, à cet égard, à saluer le travail du rapporteur de votre assemblée, M. Jean-Jacques, Urvoas, et celui de l’ensemble de la commission des lois. Pas simplement sur la question de la publication des déclarations de patrimoine, qui a focalisé le débat de façon excessive, mais aussi sur la structure générale de ce texte, qui s’en est trouvé enrichi et amélioré.

Le Sénat a adopté les projets de loi, ordinaire et organique, en supprimant toute publication des déclarations de situation de patrimoine. C’est donc fort logiquement que la commission mixte paritaire, convoquée le 16 juillet, n’est pas parvenue à l’adoption d’un texte commun.

M. Jean-Frédéric Poisson. C’est peu de le dire !

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Votre commission des lois, qui s’est réunie le 17 juillet, a apporté des modifications qui – je le souligne d’emblée, monsieur le rapporteur – ont le soutien total du Gouvernement. Adoptant quarante amendements, la commission a rétabli l’essentiel des textes adoptés par l’Assemblée nationale en première lecture, en conservant certaines avancées acquises au Sénat.

Les informations contenues dans les déclarations d’intérêts, qui seront rendues publiques par la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, seront librement réutilisables : il s’agit là d’une avancée vers l’open data, auquel nous sommes favorables. La commission a par ailleurs repris la mesure introduite au Sénat, assurant la transparence de la réserve parlementaire – j’imagine que nous aurons des échanges à ce sujet.

Par ailleurs, le texte qui vous est soumis comporte à nouveau un dispositif de protection des lanceurs d’alerte en matière de conflits d’intérêts, auquel le Gouvernement est très attaché, et dont on a vu, à l’occasion d’affaires récentes – je pense notamment au Mediator – combien son rôle pouvait être utile.

Le contrôle des électeurs sur ceux à qui ils ont confié le soin de les représenter est une exigence démocratique ancienne. Ce regard citoyen est l’essence même de la démocratie représentative. S’agissant donc de la déclaration de situation patrimoniale, le dispositif a été remanié pour revenir à celui que vous aviez adopté en première lecture. Nous aurons à en débattre, car des amendements, déposés notamment par le groupe socialiste, envisagent des modifications du délit de publication non autorisée. Il faut pourtant rappeler que l’intérêt essentiel du texte réside ailleurs, puisque, pour la première fois dans notre histoire, un texte législatif va définir la notion de conflit d’intérêts et mettre en place des outils pour prévenir ce genre de situation.

Il me semble que la définition figurant à l’article 2 du texte de la commission est satisfaisante à cet égard. Notre ambition est bien de placer notre pays au rang des démocraties les plus avancées en la matière : dans une société démocratique avancée, les conflits d’intérêts constituent une marge grise de non droit, qu’il faut faire régresser, afin que certaines situations, aujourd’hui ignorées, soient désormais organisées par le droit.

L’ensemble des déclarations d’intérêts seront rendues obligatoires pour près de 8 000 personnes visées par ce présent projet de loi, et elles seront rendues publiques par la Haute Autorité. Je crois que l’on ne mesure pas les implications de ce dispositif.

Ces textes organisent pour la première fois un système de déport, en imposant par exemple aux membres des autorités administratives indépendantes se trouvant dans une situation de conflit d’intérêts – car il ne faut pas réduire ces textes aux seuls élus – l’obligation de s’abstenir de prendre part à une affaire ou à une décision les concernant. Il s’agit là d’une traduction moderne de la maxime du droit latin selon laquelle on ne peut être juge et partie. Là encore, cette nouvelle obligation est la matrice d’un profond renouvellement des pratiques des décideurs publics. J’y reviendrai, car le Gouvernement soutient l’amendement de votre rapporteur, qui envisage la situation des ministres d’une manière plus conforme aux règles constitutionnelles applicables.

Mesdames et messieurs les députés, afin d’assurer le contrôle de ces différentes obligations, une Haute Autorité pour la transparence de la vie publique sera créée. Elle disposera de pouvoirs effectifs et sera notamment dotée de l’autonomie financière et de la possibilité de fixer son organisation interne et ses procédures par un règlement général. La Haute Autorité pourra demander à l’administration fiscale d’exercer son droit de communication, ce qui constitue évidemment une avancée très importante. Le président de la Haute Autorité sera nommé par décret, selon les conditions prévues par le dernier alinéa de l’article 13 de la Constitution.

Nous avons eu quelques échanges au Sénat sur la composition de ce collège. Nous nous félicitons, là encore, des travaux de votre commission, qui a rétabli le principe d’une composition ouverte à des personnalités dites qualifiées, mais dans un format qui soit compatible avec les implications d’une ratification aux trois cinquièmes, que vous aviez proposée.

L’indépendance des élus qui participent à l’exercice de la souveraineté nationale est un principe constitutionnel. Il doit être garanti par l’édiction de nouvelles interdictions qui évitent la confusion de l’argent et de la démocratie.

Je tiens ici à rappeler qu’en ce qui concerne le contrôle de ces incompatibilités ainsi que les sanctions éventuelles en cas de conflit d’intérêts, le projet du Gouvernement comme le texte issu des travaux de votre commission respectent pleinement l’autonomie des assemblées car c’est et ce sera toujours le bureau des chambres qui aura le dernier mot, sous le contrôle du Conseil constitutionnel.

En ce qui concerne l’interdiction de toutes nouvelles activités pour les parlementaires, introduite à l’Assemblée nationale par un amendement du groupe socialiste, le Gouvernement vous proposera de la préciser et de la garantir juridiquement.

S’agissant des dispositions pénales, le Gouvernement s’est là encore rangé aux arguments de la commission.

Le projet de loi vous propose donc de mettre en œuvre l’engagement n49 de François Hollande en ouvrant la possibilité d’une peine complémentaire d’inéligibilité afin que l’ensemble des élus du suffrage universel et les membres du Gouvernement puissent être condamnés à une peine d’inéligibilité pouvant être portée à dix ans en répression des infractions portant atteinte à la moralité publique telles que la corruption ou la fraude fiscale.

Le Gouvernement envisage favorablement, dans cette perspective, la suppression de la modification de la prise illégale d’intérêt que le Sénat avait envisagé.

Les textes qui vous sont soumis me semblent avoir notablement été enrichis par le débat parlementaire de ces dernières semaines.

L’ensemble des dispositions que le Gouvernement soumet à votre examen tendent à servir la démocratie en lui apportant un surcroît de transparence et de justice.

Montesquieu, dans De l’esprit des lois, écrivait très simplement que pour pouvoir fonctionner, « une démocratie a besoin de personnalités vertueuses ». Je suis convaincu que votre assemblée saura apporter sa pierre à l’édifice de la vertu publique. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. Bernard Roman. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

M. Jean-Jacques Urvoas, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je remercie le ministre d’avoir posé les termes du débat de la bonne manière. Cela m’évitera de revenir sur le détail de ce que la commission mixte paritaire a fait ou n’a pas fait, des débats qui ont eu lieu au Sénat et de ceux qui n’y ont pas eu lieu, et ce dont nous avons débattu au sein de cette assemblée.

Je vais ainsi pouvoir insister sur deux points, puisque nous approchons du moment où l’Assemblée nationale adoptera ce texte de manière définitive.

M. Guy Geoffroy. Ce n’est pas non plus pour tout de suite !

M. Jean-Jacques Urvoas, rapporteur. À ce stade, je voudrais émettre un vœu : que le climat de l’hémicycle soit serein et apaisé, parce que le sujet le mérite. Le ministre a très justement exposé l’enjeu : il s’agit de garantir l’exemplarité des représentants du peuple – qui pourrait ne pas être d’accord avec cet objectif ? – et de conforter la crédibilité du système institutionnel, nous y sommes tout attachés.

Pourtant, ces deux textes n’ont pas rassemblé l’hémicycle et nous n’avons pas obtenu, en première lecture, une unanimité qui aurait été de bon aloi au regard des thèmes qui sont ici traités.

Je vais donc tenter de convaincre nos collègues de l’opposition de nous rejoindre au vu des nouveaux progrès qui figurent dans ces textes.

M. Jean-Frédéric Poisson. Nous sommes attentifs !

M. Jean-Jacques Urvoas, rapporteur. Afin de les convaincre, car je ne doute pas de leur bonne foi, j’ai repris les arguments qu’ils ont avancés en première lecture, pour trouver les bonnes réponses aux questions légitimes qui ont été posées. Ma difficulté est que si les collègues de l’opposition ont été nombreux à s’exprimer, leurs arguments ont été tout aussi nombreux, et malheureusement je n’y ai pas toujours trouvé de la constance ou de la cohérence. Je vais donc tenter de les limiter en les catégorisant.

Si l’UMP n’a pas voté ce texte, qu’elle a même jugé avec sévérité, est-ce, comme l’affirment les plus fatalistes ou les plus blasés d’entre eux, parce que ce texte ne servirait à rien, parce qu’aucun mécanisme, quel qu’il soit, n’est en mesure de dissuader un individu malintentionné de mal agir, un dissimulateur de tromper son monde et un menteur de masquer ses intentions ?

M. Jean-Frédéric Poisson. C’est l’expérience, monsieur le rapporteur !

M. Jean-Jacques Urvoas, rapporteur. Est-ce au contraire, comme le prétendent les plus alarmistes ou les plus conservateurs, parce que ce texte va beaucoup trop loin, que ses effets institutionnels seront dévastateurs, qu’ils nourriront l’antiparlementarisme et l’esprit de délation, et qu’ils marqueraient le triomphe de l’apparatchik sur l’élu de terrain ?

Ou est-ce encore, comme l’avancent les plus zélés ou les plus retors, parce qu’il ne va pas assez loin, qu’il n’institue pas une inéligibilité à vie des élus corrompus, qu’il se montre trop permissif en matière d’encadrement des conflits d’intérêt, qu’il se révèle insuffisamment audacieux en matière de transparence ?

Ou bien est-ce, comme l’ont soutenu les plus empiriques ou les plus aveugles, parce que ces textes détourneraient la représentation nationale des vraies préoccupations des Français, à savoir la lutte contre le chômage, l’augmentation du pouvoir d’achat et la diminution de la fiscalité ? En bref, j’ai entendu beaucoup de collègues critiques, mais assez peu de contre-propositions argumentées.

Sur ce texte, nos collègues ont dit tout et son contraire. Certains veulent des avancées fulgurantes lorsque d’autres veulent le statu quo. Certains se sont présentés en radicaux révolutionnaires tandis que d’autres revendiquaient la circonspection du sage.

Finalement, en relisant nos débats, j’ai eu l’impression que nos collègues de l’opposition étaient surtout contre ce que nous proposions.

J’ai relu avec beaucoup d’attention leurs interventions en séance publique le mois dernier. Ainsi Jean-Frédéric Poisson a déclaré qu’il n’existait pas sur les bancs de l’UMP de parlementaires qui soient défavorables au renforcement des pouvoirs de contrôle d’une haute autorité, et je suis d’accord avec lui. Mais M. Devedjian a présenté cette même autorité comme une juridiction d’exception dotée de moyens exorbitants.

M. Jean-Frédéric Poisson. C’est vrai aussi !

M. Jean-Jacques Urvoas, rapporteur. M. Wauquiez prônait un encadrement drastique des conflits d’intérêts, tandis que M. Marleix y voyait la matrice d’un bouleversement institutionnel qui aboutirait à l’émergence d’une classe politique uniforme et hors-sol. J’ai du mal à définir la position de nos collègues de l’opposition et je crains donc d’avoir du mal à les convaincre.

M. Jean-Frédéric Poisson. Nous allons vous la rappeler !

M. Jean-Jacques Urvoas, rapporteur. J’imagine que ce débat permettra de nous rappeler vos contre-propositions.

Par exemple, estimez-vous que nous ne donnons pas suffisamment de moyens à la Haute Autorité ? Êtes-vous pour ou contre la publication des déclarations de patrimoine ou d’intérêts ? Êtes-vous pour ou contre le durcissement des sanctions en cas d’atteinte à la moralité publique ?

M. Jean-Frédéric Poisson. Pour !

M. Jean-Jacques Urvoas, rapporteur. Êtes-vous pour ou contre les mécanismes envisagés afin de prévenir les conflits d’intérêts et les atteintes à la probité ? Je sais bien que, selon certains, l’on ne sort de l’ambiguïté qu’à ses dépens. Mais je comprends mal ce que le groupe UMP aurait à gagner à persévérer dans cette attitude pour le moins paradoxale qui le conduit à rejeter un texte tout autant parce qu’il va trop loin que parce qu’il ne le va pas assez.

À moins, bien sûr, que les adeptes intransigeants de la transparence intégrale en son sein s’emploient seulement à préserver les apparences, à sauver la face, bien conscients que leur allégeance partisane les condamne, sur ce dossier, à l’impuissance, aujourd’hui et demain.

N’ayant aucune raison de douter de leur sincérité, j’ose croire que tel n’est pas le cas et veux m’adresser tout particulièrement à eux, notamment à ceux qui sont cet après-midi dans l’hémicycle.

Chers collègues : rejoignez-nous ! Rejoignez-nous car si ces deux textes ne sont sans doute pas parfaits, ils n’en contribuent pas moins, en toute conscience, à améliorer le cadre actuellement en vigueur.

L’enjeu de cette nouvelle lecture est en fait assez simple. Qui peut nier, ainsi, que la Haute Autorité bénéficiera de moyens sensiblement renforcés afin de mener à bien ses missions, sur le plan tant humain que juridique et financier par rapport à l’actuelle commission pour la transparence de la vie politique ?

M. Jean-Frédéric Poisson. La question n’est pas là !

M. Jean-Jacques Urvoas, rapporteur. Tout de même un tout petit peu ! La structure que nous créons, est-elle efficace, ou pas ? Qui peut nier les progrès ? Qui peut nier que grâce à ce nouveau dispositif législatif, les omissions, les déclarations mensongères et l’enrichissement non justifié seront désormais sanctionnés plus sévèrement que par le passé ?

Qui peut nier que grâce à ce mécanisme, comme M. Accoyer l’a reconnu, la capacité à se prémunir contre les conflits d’intérêts se trouvera largement confortée ?

Je veux insister sur la question des conflits d’intérêts car à mon sens, dans ces textes, c’est bien la prise en compte de cet enjeu qui est fondamentale dans le difficile combat pour l’exemplarité de la vie publique : ce n’est qu’en faisant preuve d’audace sur cette question que nous parviendrons à nos fins.

Ces projets de loi contiennent des avancées substantielles et incontestables en matière d’incompatibilités, de déport ou de décharge de fonction, de pantouflage, qui permettront de lutter beaucoup plus efficacement que par le passé contre ce fléau qui mine la relation de confiance entre l’électeur et l’élu ou l’agent public.

Aurions-nous dû aller plus loin encore, comme l’affirment certains de nos détracteurs ? Peut-être, mais en l’état nous enregistrons déjà, objectivement, des progrès considérables. Et je dis à tous ceux qui seraient tentés de s’enfermer dans la posture stérile du tout ou rien qu’en procédant ainsi ils s’exposeront immanquablement, devant le tribunal de l’opinion publique, à un procès justifié en duplicité.

Un mot, pour terminer, sur un mécanisme qui a été supprimé par le Sénat et sur lequel nous allons revenir : le dispositif de protection des lanceurs d’alerte. Certains d’entre nous ont vu dans ce dispositif « des délateurs en chef couverts par la loi ».

Ce mécanisme a été supprimé par le Sénat. Je n’en demeure pas moins convaincu qu’il est nécessaire de le rétablir, et j’imagine que l’Assemblée se ralliera à cette position. Il existe déjà, en partie, dans le code du travail ou le code de la santé, et nous proposons d’en élargir le périmètre. Évidemment, le sujet inquiète, qui ne pourrait le comprendre ?

Chacun sait combien la frontière n’est pas toujours aisément discernable entre le lanceur d’alerte et le vulgaire manipulateur animé par l’esprit de malveillance. Ce n’est pas parce que la situation est compliquée, parce que le trait doit être mesuré, qu’il ne faut tenter de l’esquisser.

Il existe aujourd’hui une carence législative indéniable à laquelle nous devrions remédier.

S’engager dans la voie de la protection des lanceurs d’alerte, ce n’est pas encourager la délation, c’est offrir une protection effective à des personnes qui, trop souvent, deviennent des cibles faciles après avoir courageusement osé dénoncer, au nom de l’intérêt général, ce qui devait l’être.

Je souhaite en conséquence que nous n’abandonnions pas le bon grain à son triste sort sous prétexte que l’ivraie serait susceptible de profiter du dispositif que nous mettons en œuvre. Il me semble tout à fait possible de se prémunir efficacement des délateurs en réprimant sans pitié les déclarations de mauvaise foi.

La frilosité ne peut être de mise dans ce domaine. Elle est, avec la démagogie, la principale tentation à laquelle certains d’entre nous ont été soumis sur ces textes. Sachons résister à l’une comme à l’autre. Ce n’est qu’à ce prix que l’exemplarité de la vie publique cessera d’être un slogan pour devenir une réalité dont tous ici, ainsi que nos concitoyens, n’auront plus aucune raison de douter. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et GDR.)

Motion de rejet préalable (projet de loi organique)

M. le président. J’ai reçu de M. Christian Jacob et des membres du groupe de l’Union pour un mouvement populaire une motion de rejet préalable déposée en application de l’article 91, alinéa 5, du règlement, sur le projet de loi organique.

La parole est à M. Guy Geoffroy.

M. Guy Geoffroy. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois et rapporteur du texte, mes chers collègues, je salue tout d’abord le bel effort de notre rapporteur pour essayer de nous amener à lui. Tout se passe comme si nous n’étions pas raisonnables, et que nous pourrions le redevenir grâce à lui.

Mais je vais le décevoir : nous sommes profondément raisonnables, et c’est pour cela que nous ne vous rejoindrons pas ; pas plus dans cette deuxième lecture que je qualifie, excusez l’expression, de lecture pour rien, que lors de la première lecture ou de la dernière lecture pour faire taire le Sénat et avoir le dernier mot, dont je suppose qu’elle se tiendra lors d’une semaine de session extraordinaire au mois de septembre.

Le ministre et le rapporteur ont tous deux évoqué la CMP avec une discrétion que je salue, mais qui aurait mérité d’être moins discrète…

Que s’est-il passé la semaine dernière lors de la commission mixte paritaire ? Rien,…

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. En effet !

M. Guy Geoffroy. …c’est-à-dire tout ! Il est apparu qu’il existait un désaccord définitif et dirimant sur l’article 1er. L’Assemblée nationale souhaite mettre en place un dispositif dont le Sénat ne veut pas ; ni l’Assemblée ni le Sénat – leurs majorités, tout au moins – n’essaie de trouver, dans cette alchimie que constitue parfois une commission mixte paritaire, une solution pour que ce texte, dont on nous dit qu’il est attendu ardemment par la France entière,…

M. Bernard Roman. C’est vrai !

M. Guy Geoffroy. …puisse être adopté définitivement avant le départ en congés d’été. Eh bien non ! Nous avons eu droit à une commission mixte paritaire pour la forme,…

M. Jean-Frédéric Poisson. En effet, c’était très bref !

M. Guy Geoffroy. …lénifiante, souriante, détendue,…

M. Bernard Roman. Nous n’allions tout de même pas faire la guerre !

M. Guy Geoffroy. …où le constat de désaccord total était mis sur la table et où il a été convenu qu’il serait nécessaire de procéder à une nouvelle lecture à l’Assemblée nationale et au Sénat cette semaine. Mais ceux qui nous écoutent et ceux qui nous liront doivent savoir que ce que nous ferons aujourd’hui sera à nouveau défait par le Sénat cette semaine, et que l’Assemblée nationale aura le dernier mot dans le cadre d’une lecture définitive, comme la Constitution le prévoit. Ce que nous faisons aujourd’hui n’est donc en rien définitif. Ce que nous n’avons pas réussi à faire adopter par nos collègues sénateurs en première lecture, nous finirons par le leur imposer, puisque la Constitution le permet.

M. Pascal Popelin. Vous n’allez tout de même pas proposer une révision constitutionnelle ?

M. Guy Geoffroy. Ce point méritait d’être rappelé, très tranquillement, puisqu’il n’a pas été évoqué par M. le ministre, qui a vanté les mérites du texte, ni par M. le rapporteur, qui a essayé de nous amener à plus de raison. Monsieur le rapporteur, vous n’avez pas pris le temps de nous expliquer ce qui s’était passé, ou plutôt ce qui ne s’était pas passé.

Pourquoi en sommes-nous arrivés là ? Parce qu’il y a, en particulier sur l’article 1er, beaucoup de choses à dire, et que les sénateurs ont dites d’une manière différente de la nôtre – quoi que… Vous avez mis en place un système qui aurait pu produire de bons résultats…

M. Jean-Frédéric Poisson. Absolument !

M. Guy Geoffroy. …mais qui, vu la confusion qui a présidé à son écriture et à son adoption, risque de ne pas en donner. En témoigne cet amendement adopté tout à l’heure par la commission des lois dans le cadre de l’article 88 du règlement, qui prévoit de supprimer des déclarations de patrimoine les références à certains engins d’une certaine ancienneté, comme les vélocipèdes, que vous voulez désormais exclure des déclarations de patrimoine, monsieur le rapporteur.

La publication des déclarations de patrimoine des ministres était censée montrer à la France entière que le Gouvernement n’avait rien à cacher, puisqu’en était sorti celui par lequel le scandale était arrivé, et redonner à la nation toute entière confiance en ses gouvernants.

M. Jean-Frédéric Poisson. Bien sûr !

M. Guy Geoffroy. Or nous le savons bien, et M. le ministre le sait peut-être mieux que nous puisqu’il est membre du Gouvernement : nous avons beaucoup plus souri – et même franchement ri – qu’été rassurés à la lecture de ces déclarations de patrimoine. Nous avons appris, par exemple, que tel ministre possédait trois vélocipèdes datant de telle année et ayant telle valeur, tandis que nous constations avec un rien d’inquiétude que certains ministres n’avaient pas plus de 160 euros sur leur compte en banque en milieu de mois. Vous le savez : cela a suscité beaucoup d’interrogations chez nos concitoyens, qui se sont demandé si certains ministres n’avaient pas de difficulté à survivre !

M. René Dosière. Quelle conclusion en tirez-vous ?

M. Guy Geoffroy. Je le dis d’une manière un peu grinçante, mais c’est la réalité. La publication intégrale des patrimoines n’a rien arrangé :…

M. René Dosière. Vous y êtes donc opposé !

M. Guy Geoffroy. …elle n’a fait que susciter railleries et interrogations nouvelles. C’est pourquoi il y a eu un profond désaccord entre le Gouvernement et sa majorité,…

M. François de Rugy. Non !

M. Guy Geoffroy. …qui a finalement obtenu que le projet de loi ne prévoie pas de publication intégrale des patrimoines. Vous avez alors, monsieur le ministre, monté cette usine à gaz contre laquelle nous nous élevons. Il aurait été beaucoup plus facile et efficace d’en rester au dispositif que vous aviez prévu mais que vous ne mettiez pas suffisamment en avant.

M. Matthias Fekl. Vous auriez également voté contre !

M. Guy Geoffroy. La publication et la consultation ne riment à rien en tant que telles. Voilà ce qui nous différencie !

M. René Dosière. Que proposez-vous ?

M. Guy Geoffroy. À quoi servira-t-il de permettre à un électeur de notre circonscription, de notre commune ou de notre territoire d’élection – en fonction du mandat soumis à ce dispositif – de consulter notre patrimoine, si ce n’est de favoriser les fuites nombreuses et innommables qui ne manqueront pas de se produire ? On publiera des extraits de notre patrimoine : certaines informations seront peut-être exactes, mais elles seront la plupart du temps erronées. L’élu sera jeté en pâture.

Ce qui est véritablement intéressant, c’est de vérifier l’absence d’enrichissement du fait de l’exercice d’un mandat. Comment est-ce possible ? En permettant, tout simplement, de comparer les patrimoines avant et après l’exercice d’un mandat. Comme vous ne prévoyez pas que nos concitoyens puissent consulter l’ensemble de nos déclarations de patrimoine successives – et je crois, en effet, qu’il ne faut pas le prévoir ! –, il fallait mettre en avant le travail important de la Haute autorité, dont nous ne contestons pas l’existence ni l’accentuation des prérogatives par rapport à la commission actuelle. Cette Haute autorité peut et doit faire ce travail. Elle le fera, et vous auriez tout à fait pu en rester là, car cette Haute autorité devra être capable de faire savoir quels sont les élus qui trichent ou qui profitent de leur mandat.

M. René Dosière. C’est dans le texte !

M. Guy Geoffroy. Vous n’aviez pas besoin de monter ce simulacre de transparence, ce danger réel qui menace tous les élus de notre hémicycle qui seront concernés par ces dispositions.

Derrière tout cela se cache – c’est le deuxième point que je veux aborder – une tentation du populisme. Ce dernier va s’accentuer, d’autant que tout le monde s’apercevra que la capacité de consulter les patrimoines des élus sera limitée par une série de filtres que nous avons dû mettre en place pour protéger la vie privée des élus et de leur famille. Lorsque nos concitoyens iront en préfecture et y découvriront une déclaration de patrimoine où il manquera des éléments qu’ils s’apprêtaient goulûment à connaître, puis à faire connaître, nous aurons une nouvelle fois réussi ce que vous voulez pourtant éviter : donner le sentiment que cette mesure n’est qu’un écran de fumée supplémentaire.

Au passage, vous donnerez un pouvoir nouveau aux délateurs, que nous dénonçons et que vous n’avez pas réussi, malgré votre talent, monsieur le rapporteur, à nous convaincre qu’ils sont de bons et honnêtes citoyens qui viendront lancer des alertes.

Celles et ceux qui discréditent l’ensemble des élus de notre pays en utilisant un ou plusieurs mandats pour s’enrichir et en mélangeant leurs intérêts particuliers avec l’intérêt public, altérant ainsi ce dernier, doivent être combattus avec force. Cette lutte devrait pourtant nous réunir.

Monsieur le rapporteur, vous nous avez demandé ce que nous souhaitions. Je viens de le dire : tout sauf les apparences ! Vous avez eu le culot de dire que c’est nous qui nous cachions derrière des apparences. Non, c’est vous ! C’est la majorité qui se cache derrière des apparences ! Vous aviez à traiter dans l’urgence l’affaire Cahuzac.

M. Matthias Fekl. Mais non !

M. Guy Geoffroy. Vous aviez à accélérer le cours de vos réflexions et de vos décisions. Vous aviez à montrer à l’opinion publique que, une fois l’affaire Cahuzac purgée et éloignée, vous alliez proposer un dispositif qui éviterait que les faits qui se sont produits au sein du Gouvernement ne puissent se reproduire. Ce faisant, je crois très sincèrement que c’est vous qui cultivez l’apparence !

L’amendement que vous venez d’adopter, de manière un peu anecdotique mais très significative, tout à l’heure en commission des lois, en est une nouvelle preuve – je fais référence aux activités littéraires. Par cet amendement, vous avez exclu les activités littéraires et artistiques des activités incompatibles avec un mandat parlementaire. C’est la preuve que votre vision des choses est un peu particulière. Vous avez à l’esprit – je ne sais pas, je ne veux pas l’affirmer – le souci de protéger certaines situations…

M. Bernard Roman. C’est vous qui voulez protéger certains situations !

M. Guy Geoffroy. …et de ne pas tout clarifier. Une République des apparatchiks se dessine de votre fait : nous voulons la combattre. Cette exclusion se justifie-t-elle par l’argent ? Non, car un artiste ou un littérateur peut gagner de l’argent. Est-ce une question de temps disponible ? Un auteur, compositeur ou interprète dispose-t-il de tout le temps nécessaire pour exercer un mandat entrant dans le cadre de ce projet de loi ? Non !

M. Bernard Roman. Si ! Moi, le soir, j’écris des poèmes ! (Sourires.)

M. Guy Geoffroy. Vous voulez faire la transparence, mais vous créez de l’opacité. Vous voulez faire croire que vous avez réglé tous les sujets, mais vous n’en avez réglé aucun. Vous voulez faire croire que les lanceurs d’alertes seront les vertus ambulantes de la République, alors qu’il ne s’agira que de délation. Vous voulez faire croire à la terre entière, et à la France en particulier, que les élus pourront demain se consacrer pleinement à leur mandat : ce n’est qu’un leurre supplémentaire.

Pour ces raisons, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, chers collègues de l’opposition,…

M. Sébastien Denaja. C’est à nous que vous vous adressez, mais nous sommes les députés de la majorité !

M. Guy Geoffroy. …nous n’avons aucune raison de nous rallier à ce texte – pas plus en nouvelle lecture qu’en première lecture.

M. Bernard Roman. Réfléchissez un peu !

M. Guy Geoffroy. Non que nous ne voulions pas de la transparence à laquelle vous aspirez – loin de là ! Vous n’avez pas le monopole de cette transparence. La sinistre affaire Cahuzac devrait vous ramener à un peu plus de modestie,…

M. Bernard Roman. Cela n’a rien à voir !

M. Guy Geoffroy. ...de tempérance et de modération.

M. Matthias Fekl. C’est petit !

M. Bernard Roman. Ce n’est pas un argument : c’est une argutie !

M. Guy Geoffroy. Vous ne trompez personne avec ces textes. Vous ne trompez personne sur votre volonté de modifier, par le biais de plusieurs textes, la représentation nationale. Nous voulons que notre hémicycle soit la meilleure représentation possible de la France, dans toutes ses composantes. Avec le texte que vous nous proposez, comme demain avec le texte relatif au non-cumul des mandats, comme après-demain avec le texte modifiant le mode d’élection d’une partie des députés, vous voulez réduire le vivier populaire de la représentation nationale. Vous voulez faire de cette assemblée une assemblée de permanents, de professionnels de la politique, d’apparatchiks. La transparence, oui ; la République des apparatchiks, non ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. René Dosière. Nous ne savons toujours pas ce que vous proposez !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Jacques Urvoas, rapporteur. La motion de rejet préalable que M. Geoffroy vient de défendre n’a pas apporté d’éléments nouveaux qui m’amènent à lui donner crédit.

M. Matthias Fekl et M. Bernard Roman. Aucun !

Mme Fanélie Carrey-Conte. Ça, c’est sûr !

M. Jean-Jacques Urvoas, rapporteur. Je ne souhaite évidemment pas que cette motion soit adoptée.

M. Geoffroy est revenu sur la commission mixte paritaire, à propos de laquelle je ne m’étais pas exprimé parce que j’ai le souci de faire progresser nos débats. J’ai expliqué la semaine dernière, en commission des lois, pourquoi cette commission mixte paritaire avait échoué. Ce n’est d’ailleurs pas la première fois qu’une commission mixte paritaire échoue.

M. Bernard Roman. Cela arrive !

M. Jean-Jacques Urvoas, rapporteur. Ce n’est pas un drame en soi.

M. Guy Geoffroy et M. Jean-Frédéric Poisson. Mais c’est un échec révélateur !

M. Jean-Jacques Urvoas, rapporteur. Une autre commission mixte paritaire se tiendra demain, sur un autre texte qui relève aussi de la commission des lois. Je ne suis pas nécessairement très optimiste sur son résultat final, mais tout cela n’est pas une affaire.

Monsieur Geoffroy, vous avez donné votre point de vue : ceux qui liront nos débats constateront notre désaccord. La commission mixte paritaire aurait pu aboutir à un accord si le Sénat avait défendu une position constante ; or le Sénat a changé trois fois de position en deux jours,…

M. Guy Geoffroy. L’une de ces positions était peut-être la bonne !

M. Jean-Jacques Urvoas, rapporteur. …et le texte qu’il a finalement adopté n’était effectivement pas compatible avec la version adoptée par l’Assemblée nationale.

M. Jean-Frédéric Poisson. La majorité au Sénat n’est pas très solide !

M. Jean-Jacques Urvoas, rapporteur. La CMP a donc très logiquement constaté que notre marge pour travailler ensemble était extrêmement limitée. D’un commun accord entre le rapporteur du Sénat, Jean-Pierre Sueur, et votre serviteur, nous l’avons ainsi invitée à se séparer sans qu’il y ait de drame, ni d’un côté, ni de l’autre.

M. Bernard Roman. C’est la règle !

M. Jean-Jacques Urvoas, rapporteur. Vous êtes ensuite revenu, monsieur Geoffroy, sur la question du patrimoine. Peut-être ai-je un esprit obtus (« Mais non ! » sur divers bancs. – Sourires.), peut-être suis-je particulièrement fatigué en cette fin de session, toujours est-il que je ne vous ai pas très bien suivi quand vous avez indiqué que vous n’étiez pas favorable à la publication du patrimoine, expliquant que ça ne servait à rien. Car vous avez ensuite avancé que l’essentiel était l’enrichissement injustifié des élus. Or c’est précisément ce contre quoi ce texte va nous permettre de lutter. La Haute autorité que nous créons aura les moyens de vérifier à l’issue d’un mandat si un parlementaire a vu ses revenus évoluer de manière différente de ce qui était prévisible et s’il y a eu enrichissement injustifié.

En votant contre le texte, vous allez vous satisfaire de l’existant.

M. Guy Geoffroy. L’argument est un peu faible !

M. Jean-Jacques Urvoas, rapporteur. Cela tient de l’évidence ! Ou alors, il faut défendre l’idée que la commission actuelle est pleinement satisfaisante et qu’il est inutile de la remplacer. Or vous n’avez pas employé un tel argument.

M. Guy Geoffroy. C’est une mauvaise dialectique !

M. Jean-Jacques Urvoas, rapporteur. D’un côté, vous affirmez qu’il est nécessaire de faire des progrès pour lutter contre l’enrichissement ; de l’autre, vous refusez ceux que nous proposons.

Je ne dirai rien du populisme, argument que nous nous envoyons régulièrement à la figure les uns et les autres. Malheureusement, je crains que ce soit ce type même de débat qui contribue à l’alimenter. J’en viens plutôt à l’essentiel, car il s’agit d’un élément sur lequel il va nous falloir revenir à l’occasion de cette nouvelle lecture : les lanceurs d’alerte.

Vous y voyez des traîtres, nous n’y voyons pas des héros. Vous y voyez des délateurs, nous y voyons peut-être des vigies. Nous vous disons, avec humilité, qu’il y a là un statut à créer. Oui, il peut y avoir une tentation pour une personne animée de malveillance de profiter de ce statut. Mais, en même temps, nous connaissons des exemples de citoyens qui ont agi courageusement pour rendre publics des éléments nécessaires. Certains y ont perdu des revenus, d’autres y ont perdu leur métier mais grâce à eux, nous avons progressé dans le domaine du bien public : nous avons pu corriger des dispositifs, nous avons pu mettre fin à des malversations, nous avons pu interdire tel ou tel agissement.

Je ne vous promets pas que le dispositif ainsi créé sera nécessairement parfait. La frontière est ténue, l’objet n’est pas encore pleinement défini.

M. Guy Geoffroy. Eh oui !

M. Jean-Jacques Urvoas, rapporteur. Qu’il y ait une inquiétude, cela me paraît tout à fait légitime. Mais il ne faut pas se prononcer en fonction de l’immobilisme. Or en votant contre ce texte, vous allez vous satisfaire de l’existant. Nous ne souhaitons pas aller dans cette voie. Je suggère donc que cette motion soit repoussée. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Monsieur Geoffroy, je dois dire qu’au cours de votre discours, il y a eu un moment qui a suscité chez moi un grand intérêt, un moment d’espoir qui m’a laissé croire que j’allais enfin comprendre votre position.

Vous lirez le compte rendu de la séance : répondant à l’interpellation du rapporteur, vous avez dit « Quelles sont nos propositions ? Je vais vous le dire ». Comme nombre d’entre vous, je suis resté particulièrement attentif. Mais après avoir prononcé cette phrase hasardeuse, vous vous êtes subitement retrouvé confronté au néant, à l’impossibilité de formuler quelque proposition que ce soit. Dans la phrase suivante, vous êtes alors immédiatement revenu à l’affaire Cahuzac, soit à des propos plutôt politiciens n’ayant strictement rien à voir avec ce que vous annonciez.

M. Jean-Frédéric Poisson. Ben voyons !

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Vous sentiez bien qu’il vous fallait fournir une réponse, mais vous étiez incapable de le faire. Cela renvoie à ce qui s’est passé lors de la première lecture.

Vos convictions, monsieur Geoffroy, n’ont pas changé, vos mots non plus.

M. Guy Geoffroy. Et les vôtres ?

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Vous êtes d’une remarquable constance, je vous en donne acte.

Comme l’a dit le rapporteur, nous avons été amenés à nous interroger. Dans l’opposition, il y a eu de multiples discours et prises de position. Certains nous ont parfois même reproché ne pas aller assez loin.

M. Guy Geoffroy. Chez vous, bien sûr, tout le monde est d’accord : pas de problème !

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Le rôle de l’opposition est d’élaborer des propositions ou des contre-propositions. Aujourd’hui, nous avons compris : vous êtes contre la transparence.

M. Guy Geoffroy. Oh !

M. Jean-Frédéric Poisson. Vous ne pouvez pas dire cela, ce n’est pas honnête !

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Vous jouez sur les mots. Vous essayez de vous en sortir en affirmant que les lanceurs d’alerte ne seront pas autre chose que des délateurs. Cela me semble mériter un autre débat, compte tenu de ce qui se passe au niveau international. Vous ne pouvez pas rester insensible au fait qu’il s’agit d’un mouvement général, des textes de l’OCDE aux débats qui animent toutes les grandes démocraties, mouvement dans lequel nous ne sommes pas très en avance.

Vous ne pourrez du reste jamais revenir là-dessus. Cela sera considéré comme un droit nouveau par nos concitoyens. Vous ne pourrez faire campagne en affirmant que vous comptez le supprimer. Non, ce droit sera un acquis de cette majorité, un acquis qui s’appuie sur une conception moderne de la démocratie.

Ce n’est pas un combat perdu d’avance pour nous que d’essayer de vous convaincre, chacun individuellement.

M. Guy Geoffroy. Essayez d’abord de convaincre ceux de votre propre camp !

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Nous voyons bien que certains d’entre vous prennent conscience de certaines choses, probablement au contact des électeurs. J’ai noté avec intérêt le communiqué publié il y a quelques jours par Mme Pécresse dans lequel elle emploie des mots semblables à ceux que nous avions utilisés en premier lecture dans votre assemblée : « La transparence est la meilleure protection de la politique. C’est une certaine idée de ce que l’on fait : on est là pour servir et pour donner confiance aux Français. Nous sommes dans une phase de tellement grande défiance vis-à-vis des responsables politiques qu’il faut que l’on soit très vigilants. La transparence est notre meilleure protection. » C’est exactement ce que nous disons.

Nous ne renonçons pas à vous convaincre, même si la question de savoir quelles sont les propositions de l’UMP en la matière restera toujours entière.

Je vous invite, mesdames, messieurs les députés, à rejeter cette motion.

M. le président. Nous en venons aux explications de votre.

La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Jean-Frédéric Poisson. Monsieur le ministre, permettez-moi tout d’abord de vous souhaiter un prompt rétablissement.

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Ça va mieux !

M. Jean-Frédéric Poisson. On ne dirait pas à vous entendre mais je me réjouis tout de même de vous savoir en bonne santé.

Bien sûr, notre groupe va massivement et comme un seul homme, si je puis dire, voter la motion défendue par notre collègue Guy Geoffroy.

M. Pascal Popelin. Comme un seul homme plutôt que massivement apparemment…

M. Jean-Frédéric Poisson. C’est vrai qu’il y a des spécialistes de l’arithmétique parmi nos collègues de la majorité.

Je ne peux pas vous laisser dire, monsieur le ministre, que le groupe UMP ne vous a pas fait de propositions. À titre personnel, j’ai pris la peine au moins à trois reprises pendant les débats de vous indiquer la position assez largement partagée, je crois, par les députés de notre groupe et je parle sous le contrôle de notre porte-parole officiel sur ce texte, Guy Geoffroy.

Je les exposerai à nouveau à la tribune puisque visiblement, il faut se répéter, il paraît même que cela fait partie des éléments de la pédagogie, monsieur le professeur. Nous allons donc nous livrer à cet exercice.

Je vous trouve remarquablement discret sur l’épisode de la commission mixte paritaire. Que le Sénat change d’avis en cours de route, cela fait partie de la vie parlementaire, mais dans des proportions telles que vous ne trouviez plus de majorité sur un texte réputé historique, flamboyant, universellement attendu et d’une clarté à nulle autre pareille, cela mérite quelques commentaires.

M. Guy Geoffroy. Eh oui !

M. Jean-Frédéric Poisson. Comment la majorité du Sénat n’a-t-elle pu trouver un accord sur des principes aussi fondamentaux qui, à vous entendre, seraient l’objet de toutes les conversations du samedi dans les bistrots de France et de Navarre ? Comment a-t-elle pu avoir le goût funeste de rejeter en bloc l’article 1er, en esquintant au passage deux ou trois autres articles ?

Il y a là une forme d’incohérence. Je veux bien que l’opposition soit coupable de tous les maux. Mais nous ne sommes jamais que l’opposition et si la commission mixte paritaire a échoué, c’est précisément parce que la majorité elle-même s’est opposée.

M. Guy Geoffroy. Ce n’est pas notre faute !

M. Jean-Frédéric Poisson. Ce n’est pas notre faute cette fois-ci mais nous prendrons soin de répéter toutes les raisons pour lesquelles il faut voter la motion défendue par notre collègue Guy Geoffroy. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. François de Rugy, pour le groupe écologiste.

M. François de Rugy. Nous sommes en fin de session, au cœur de l’été. Comme souvent à cette période, repassent à la télévision des films avec Louis de Funès. Je dois vous dire, monsieur Geoffroy, – mais je ne suis sans doute pas le premier – que je vous trouve une certaine ressemblance avec cet acteur.

M. Guy Geoffroy. Jaloux !

M. François de Rugy. C’est très amical de ma part car je l’apprécie beaucoup. Toutefois, c’est un peu l’humour en moins chez vous. Encore que : vous nous avez indiqué que vous étiez contre la transparence parce qu’elle était un « rideau de fumée ». Cette phrase humoristique méritait d’être relevée : votre créativité intellectuelle me semble ici sans limites.

M. Guy Geoffroy. Ce n’est pas ce que j’ai dit !

M. François de Rugy. Mais, chose plus gênante, vous avez aussi affirmé : « La transparence n’apporte rien, mais c’est très grave ! ».

M. Guy Geoffroy. Je parlais de la loi, pas de la transparence elle-même !

M. François de Rugy. Il faudrait savoir : soit cette loi n’apporte rien, soit elle est très grave. Les deux ensemble, ce n’est pas possible.

Vous avez encore déclaré que vous auriez pu voter la loi si elle ne comportait pas de mesures sur la transparence en matière de patrimoine. Pour ce qui nous concerne au groupe écologiste, nous sommes favorables à la transparence du patrimoine que le Président de la République a souhaité voir appliquée aux membres du Gouvernement et à tous les membres du Parlement, sans restriction.

Vous, vous êtes opposés à toutes les autres dispositions. J’ai un peu de mémoire, j’ai suivi la discussion de ce texte dans notre assemblée de bout en bout. Vous aviez même déposé des amendements de suppression de tous les articles du projet de loi.

M. Guy Geoffroy. Et alors ?

M. François de Rugy. Cela ne m’étonne d’ailleurs pas de vous. Vous vous êtes même opposé à l’article, modifié par un de nos amendements acceptés en commission – et je remercie à nouveau le président de la commission et le Gouvernement pour leur avis favorable –, qui touche au financement de la vie politique, notamment des micro-partis. On comprend mieux aujourd’hui les raisons de votre opposition, puisque vous utilisez les ficelles de la loi tant que c’est encore possible pour votre « Sarkothon », comme vous l’avez vous-même baptisé.

M. Guy Geoffroy. L’UMP n’est pas un micro-parti à ma connaissance !

M. François de Rugy. Pour ce qui nous concerne, nous voterons contre cette motion de rejet, « massivement et comme un seul homme », comme l’a dit M. Poisson, car nous voulons que ce texte soit adopté le plus rapidement possible.

M. Guy Geoffroy. Voilà une intervention qui fera date dans l’histoire de la République !

M. le président. La parole est à M. Roger-Gérard Schwartzenberg, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. J’ai écouté avec intérêt M. Geoffroy. Appartenant à la majorité, je ne voterai pas la motion de rejet préalable qu’il a défendue. Toutefois, cela ne m’empêche de penser que ce texte plusieurs fois tricoté, détricoté, retricoté n’est pas d’une cohérence maximale.

Le rapport Jospin contenait à mon sens des propositions beaucoup plus fonctionnelles et équilibrées que certaines des dispositions de ce projet de loi qui comportent des risques de dérive.

M. le président. La parole est à M. Marc Dolez, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. Marc Dolez. Notre groupe considère que le climat de défiance qui existe aujourd’hui dans le pays entre les élus et leurs représentants, le contexte de crise de la représentation politique appellent des réponses fortes et concrètes.

Ces deux projets de loi vont dans ce sens. Il est difficile de contester qu’ils représentent un progrès en matière de lutte contre les conflits d’intérêts ou dans l’organisation d’une plus grande transparence de la vie publique. Bien sûr, ces avancées ne peuvent à elles seules résoudre l’ensemble de la crise dont je parlais à l’instant mais je crois qu’elles sont de nature à contribuer à retisser le lien de confiance entre les élus et leurs citoyens.

C’est la raison pour laquelle notre groupe ne peut pas voter cette motion de rejet préalable.

M. le président. La parole est à M. Matthias Fekl, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Matthias Fekl. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président rapporteur, chers collègues, j’ai écouté notre collègue Guy Geoffroy comme toujours avec beaucoup d’attention, mais aussi et surtout avec beaucoup de regrets : regrets de ne pas le voir rejoindre le président Urvoas en répondant à son appel, dans lequel il expose un certain nombre d’arguments ;…

M. Jean-Frédéric Poisson. C’est l’appel du 22 juillet !

M. Guy Geoffroy. Et dire que nous aurions dû être en Congrès à Versailles, aujourd’hui !

M. Matthias Fekl. …regrets également d’entendre les arguments avec lesquels vous avez défendu cette motion, notamment en nous balançant à la figure les noms des protagonistes d’une affaire – comme si nous ne pouvions pas, à notre tour, répliquer en multipliant les références à des affaires ! Comme si le problème n’était pas beaucoup plus profond, à savoir celui de la modernisation de notre démocratie !

Celle-ci, en cette fin de session parlementaire, aura connu deux moments très importants : le premier porte sur le non-cumul des mandats, contre lequel vous vous êtes prononcé,…

M. Guillaume Larrivé. C’est une régression des libertés !

M. Matthias Fekl. …et le deuxième sur la transparence et la modernisation de la vie publique, auxquelles vous vous opposez également.

Loin d’être conjoncturel, ce texte a été nourri par de nombreuses réflexions : le rapport Sauvé, d’abord, que vous aviez demandé avant de l’enterrer sous le précédent quinquennat,…

M. Marc Dolez. C’est vrai !

M. Matthias Fekl. …puis les travaux importants de la commission Jospin, qui aujourd’hui trouvent leurs débouchés dans ce texte.

M. Guy Geoffroy. Et par l’affaire Cahuzac, également !

M. Matthias Fekl. Je regrette de vous voir renoncer à certaines avancées sur la Haute Autorité, qui permettra un contrôle effectif de toutes les situations ; au-delà des déclarations, c’est bien la question du contrôle et de la vérification qui importe.

Vous refusez les avancées sur une culture des conflits d’intérêts qui doit s’implanter dans notre pays, lequel en la matière a bien du retard. Pourtant, nous le savons tous, les conflits d’intérêts minent la confiance dans les élus, qu’il s’agisse des élus nationaux ou locaux, alors que, dans leur immense majorité, ils font un travail remarquable qui doit aujourd’hui être reconnu.

Ce texte constitue une étape très importante, qui nous place en tête des démocraties occidentales en matière de prévention et de contrôle des conflits d’intérêts. Il sera suivi par d’autres réformes sur le renforcement du Parlement, l’encadrement des lobbies à la suite des propositions faites par notre collègue Christophe Sirugue.

C’est avec un grand regret que nous constatons que vous refusez ces avancées démocratiques que, pour notre part, nous plébiscitons. Pour cette raison, le groupe SRC vote contre votre motion. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

(La motion de rejet préalable, mise aux voix, n’est pas adoptée.)

Discussion générale commune

M. le président. Dans la discussion générale commune, la parole est à M. Jean-Frédéric Poisson.

M. Jean-Frédéric Poisson. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois et rapporteur, chers collègues, je reprends, monsieur le ministre, trois éléments de votre intervention un peu plus tôt à cette même tribune : le premier sur la succession des lois et le fait que, manifestement, en période difficile, les responsables politiques ont du mal à se saisir de ces sujets, le deuxième sur les intérêts privés et le troisième sur l’argent.

Ces trois éléments de votre discours campent assez bien le décor de ce débat. Premier point, vous avez raison de montrer que les lois successives n’ont pas empêché les comportements déviants, ainsi que le président de la commission des lois l’a rappelé à la tribune tout à l’heure. Il ne nous semble pas que la loi soit le meilleur instrument, ou l’instrument privilégié, pour régler les situations évoquées dans notre débat.

Deuxième point, vous avez employé l’expression « protéger les parlementaires des intérêts privés » ; j’y reviendrai tout à l’heure. J’y vois presque comme une manière d’infantiliser le Parlement, ou de regarder les parlementaires comme des petits garçons qui ne seraient pas capables de faire la différence tout seuls entre ce qui relèverait de l’intérêt général ou de leurs intérêts privés ; ils ne seraient pas capables de décider seuls de ce qui est permis ou non. J’y reviendrai lorsque nous évoquerons les conflits d’intérêts.

M. René Dosière. Citez des noms !

M. Jean-Frédéric Poisson. On pourrait citer des noms de tous les bords, monsieur Dosière !

Troisième point, concernant la confusion entre l’argent et la démocratie. Nous aurions pu examiner ensemble et tomber d’accord sur au moins un point, même s’il en existe d’autres : notre pays a besoin de comprendre que le fonctionnement même de la démocratie a un coût.

On ne peut pas dissocier totalement la question de l’argent de celle de la démocratie, car il n’est pas envisageable de faire fonctionner la démocratie à coût nul.

L’argent ne peut pas être absent du débat politique, tout simplement parce que beaucoup de personnes, dans cet hémicycle et même en dehors, y passent du temps et en font un choix professionnel au moins temporaire. L’ensemble de nos procédures, l’ensemble de nos supports, l’ensemble de nos institutions réclament la présence d’argent public – évidemment le plus propre possible, et même intégralement propre – pour en rendre le fonctionnement satisfaisant.

Cette volonté de considérer que l’argent en démocratie serait forcément impur n’est pas réaliste, et ne constitue pas une bonne manière d’engager le débat.

Le président de la commission des lois nous a fait tout à l’heure, dans son intervention, une belle démonstration de référence à la morale d’Aristote. Il a ainsi présenté le débat en première lecture comme l’opposition entre d’un côté, la majorité qui irait dans le sens de l’Histoire et se trouverait ainsi dans la lumière, comme vous vous y placez d’ailleurs,…

M. Matthias Fekl. Souvent !

M. Jean-Frédéric Poisson. Spontanément, et non souvent tout court, monsieur Fekl ! – …et d’un autre côté une opposition qui serait marquée soit par l’excès, soit par le défaut, qui sont comme chacun sait les deux moyens de manquer à la vertu.

La première raison pour laquelle nous nous opposons à ce texte, monsieur le président, monsieur le rapporteur, c’est qu’il est déséquilibré, au sens où il adopte, par principe, comme seul moyen de régler les problèmes la publication des patrimoines, ou du moins leur mise à disposition du public – c’est une autre manière de dire publication, ne jouons pas sur les mots !

Je répète ce que j’avais déjà dit en première lecture : sur la nécessité de renforcer les contrôles sur les patrimoines des parlementaires, nous étions d’accord. Sur la nécessité de donner des pouvoirs effectifs à cette Haute Autorité, nous étions d’accord. Sur la sanction accrue pour les parlementaires, les maires concernés, et toutes les personnes concernées par ce texte, sur la nécessité de renforcer les sanctions et de les faire peser davantage sur eux, nous étions d’accord.

M. René Dosière. C’est l’essentiel du texte !

M. Jean-Frédéric Poisson. Oui, monsieur Dosière, mais en toutes choses l’excès nuit, et le mieux est l’ennemi du bien, pour reprendre à mon tour des adages anciens.

Encore une fois, nous étions d’accord sur ces points. Aussi, monsieur le ministre, si vous voulez connaître nos propositions, les voici à nouveau : renforcer les contrôles, doter la Haute Autorité de pouvoirs effectifs et suffisants, renforcer les sanctions à l’égard des contrevenants.

Mais une fois cela posé, nous abordons des sujets qui provoquent en effet notre opposition, et ce de manière irrémédiable.

Tout d’abord, concernant la publication : elle ne sert à rien, l’épisode de la publication des patrimoines des membres du Gouvernement l’a démontré à l’évidence. Ce n’est pas la peine d’essayer de faire croire qu’il en ira différemment avec les 8 000 personnes concernées par le texte dont nous débattons, parce que ce sera exactement la même chose : il n’y a pas de raison qu’il en soit différemment !

Deuxième point concernant les lanceurs d’alerte : je n’oublie pas, et nous n’avons d’ailleurs pas manqué de vous le rappeler, que ce sont des dispositions que nous avons nous-mêmes soutenues lors du précédent mandat.

M. Hervé Morin. Cela n’a rien à voir !

M. Jean-Frédéric Poisson. M. le ministre des relations avec le Parlement connaît, comme moi, suffisamment le monde du travail pour savoir quelles difficultés cela pose dans les entreprises. Que, de temps en temps, l’on protège ceux qui font leur devoir de citoyen contre des sanctions abusives, pourquoi pas ?

M. François de Rugy. Pourquoi seulement de temps en temps ?

M. Jean-Frédéric Poisson. Le problème auquel nous sommes ici confrontés, c’est qu’il existe un danger particulier tenant aux personnes que nous représentons : des députés ou des responsables politiques en fin de mandat qui s’apprêtent à se représenter se trouvent de ce fait en situation d’inégalité à l’égard des campagnes électorales futures.

En prévoyant de donner accès de manière privilégiée et libre à quiconque voudrait vérifier les éléments de leurs déclarations de patrimoine, tout en étant incapables de protéger ces éléments de la publication, voire de leur destination universelle quand cela serait conforme aux dispositions de la loi, vous créez en réalité une véritable incitation à en faire un mauvais usage.

M. Guy Geoffroy. Absolument !

M. Jean-Frédéric Poisson. C’est cette incitation que nous condamnons, et non son principe ! Sur ce point, le texte est excessif et s’éloigne de la vertu et de l’équilibre préconisés par le président de la commission des lois.

Troisième point : il s’agit là aussi d’une question de principe et d’équilibre. Chacun souffre de la défiance envers les élus et le personnel politique dans ce pays, bien entendu ! Mais votre manière de procéder entérine cette défiance plus qu’elle ne la combat.

Admettons que la Haute Autorité – présidée par une personne qui n’aurait pas été désignée par le chef de l’État, ce qui sinon poserait un problème de séparation des pouvoirs, que le Conseil constitutionnel ne manquera pas d’examiner en détail et avec soin – puisse contrôler avec tous les moyens d’investigation possible et demander la communication d’éléments à l’administration fiscale, ainsi que vous le prévoyez – le « contrôle fiscal pour tous », ainsi que je l’ai appelé en première lecture : je maintiens cette expression, parce que c’est exactement ce dont il s’agit.

Pourquoi ne tomberions-nous pas tous d’accord – à mon tour d’en appeler à votre sagesse, monsieur le président ! – pour que cette Haute autorité, désignée par les institutions, le Parlement de la République, soit la seule instance de ce pays à pouvoir connaître des éléments de vie privée des personnages publics ? Cela serait de nature à renforcer la confiance de nos concitoyens. Ce n’est pas le schéma que vous avez choisi : en ne faisant pas le choix de réserver ces éléments patrimoniaux et de vie privée des personnes que nous sommes à cette Haute Autorité, vous entrez dans l’excès.

Ainsi, d’une certaine façon, vous perpétuez ce mal français dont toutes les législations, sous les précédents mandats, se sont rendues coupables : faute de pouvoir éduquer correctement et avec efficacité, et sanctionner le plus durement possible les contrevenants, vous en arrivez à produire des textes qui gênent l’action de tous ! Cette manière très universelle d’envisager les punitions constitue à mon sens un renoncement.

Par ailleurs, concernant les lanceurs d’alerte, j’ai été un peu échaudé – je m’en suis d’ailleurs ouvert au président de la commission – par le sort de l’un de nos collègues, député et président de conseil général, qui avait signé la charte d’une association prétendument de lutte contre la corruption des politiques. N’ayant pas respecté les termes de sa signature – cela le regarde : il en répondra devant ses électeurs –, il se voit traîné devant les juridictions civiles pour n’avoir pas respecté l’engagement qu’il avait pris devant cette association, avec une demande de 5 000 euros au titre du préjudice moral et de 1 000 euros de frais de procédure.

Si, à chaque fois que l’on commet une omission ou que l’on change d’avis – après tout, on a le droit de le faire ! –, l’on risque d’être traîné en justice par des personnes ayant parfois un intérêt dans un dispositif comme celui-là – les associations de lutte contre la corruption en politique ne sont en effet pas toujours animées d’intentions pures et nobles –,…

M. Hervé Morin. C’est clair !

M. Guy Geoffroy. C’est même l’inverse !

M. Jean-Frédéric Poisson. …alors vous introduisez une fragilité supplémentaire qui ne peut pas nous satisfaire.

Pour conclure, sur les conflits d’intérêts, vous avez certes tenté d’apporter une précision ; personne ne peut le nier. Mais l’exercice d’écriture est difficile ; personne ne peut non plus le nier.

Je conteste toutefois deux éléments du texte dont nous avons à débattre. Le premier, je l’ai déjà dit, porte sur l’impossibilité des personnes que nous sommes de faire le tri entre leur intérêt privé et l’intérêt général. Le texte que nous avons sous les yeux préfère la contrainte généralisée à la possibilité de la vertu pratiquée librement et personnellement. Je n’aime pas ce genre de dispositif car, en règle générale, je n’aime pas ce qui limite la liberté des personnes.

Le second concerne la protection de certaines activités au détriment de certaines autres. Les dispositions que le président de la commission et rapporteur avait introduites lors de la deuxième lecture, qui produisent trois types de statuts répertoriant les activités de professionnels exercées par les parlementaires me paraissent encore une fois de nature à intéresser le Conseil constitutionnel.

Finalement, chers collègues, sans nier la nécessité d’aboutir à des progrès sur les dispositions dont nous débattons, et sans nier la nécessité de regagner la confiance de nos concitoyens, nous ne devons pas oublier que cette confiance se regagne bien davantage par l’efficacité de notre action, par la capacité à répondre aux problèmes de nos concitoyens, par le respect dont nous sommes capables de témoigner dans le débat public envers nos contradicteurs, et par notre honnêteté personnelle : voilà ce qui fonde la confiance de nos concitoyens, et non la publication de nos patrimoines.

Aussi, au risque de déplaire par anticipation au président de notre commission, je voterai contre ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Hervé Morin.

M. Hervé Morin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous avons largement développé et ressassé les mêmes arguments. C’est pourquoi je limiterai mon intervention à trois points.

Premier point : fallait-il un projet de loi améliorant la transparence de la vie politique ? Oui, sans aucun doute, et je vous le concède, mesdames, messieurs de la majorité. Il était temps de mettre fin à un certain nombre de situations qui, sans être forcément délictueuses, étaient source de confusion, de doutes dont la démocratie s’accommode mal. Je pense à certains métiers comme celui de conseil, notamment lorsqu’ils sont exercés après des fonctions ministérielles, à certaines fonctions dans des entreprises ayant intérêt avec l’État ou encore au risque lié à l’activité professionnelle d’un membre proche de la famille d’un élu.

Depuis longtemps la République avait su créer un régime d’incompatibilités relativement efficace entre les fonctions publiques électives et non électives pour protéger les élus de l’État. Il était temps de mettre de l’ordre entre les fonctions publiques électives et les activités privées.

Deuxième point : ce projet de loi protège-t-il la démocratie des affaires comme celle de M. Cahuzac ? Bien sûr que non ! À l’égard de ces textes, nous avons toujours les mêmes certitudes : les dérives d’un ministre du Gouvernement qui a jeté le discrédit sur l’ensemble des élus ne nous prémunissent en rien d’une nouvelle affaire de ce genre puisqu’en l’espèce la déclaration ou la publicité du patrimoine n’a jamais empêché le voleur ou le fraudeur. Nous l’avons répété sous toutes les formes et dans tous les sens. Nous continuons de penser que rendre publiques les déclarations ne présente aucun bénéfice, ni pour le législateur, ni pour la justice, ni pour nos concitoyens, ni même pour notre démocratie. Nous entretiendrons le voyeurisme, l’antiparlementarisme et le populisme.

Le vrai sujet, ce n’est pas la publication du patrimoine mais bien le contrôle de son évolution.

M. Guy Geoffroy. Eh oui !

M. Hervé Morin. C’est pourquoi, nous sommes favorables à la création de cette Haute autorité dotée de moyens de contrôle et d’investigation suffisants, pouvant notamment travailler avec l’administration fiscale, donc en situation d’apprécier s’il y a eu ou non enrichissement personnel injustifié au cours du mandat ou de l’exercice d’une fonction gouvernementale.

L’extension des contrôles sur le patrimoine aux pouvoirs exécutifs locaux à partir d’un certain seuil de population est la bienvenue, comme l’est par exemple la publication de la réserve parlementaire. C’est beaucoup mieux que de la supprimer pour en éviter éventuellement les dérives.

Troisième point : ce texte est-il indemne de graves défauts ? Il a, à mon sens, au moins trois défauts majeurs et c’est pourquoi une partie du groupe UDI s’abstiendra et qu’une autre votera contre.

Le premier défaut, c’est la décision mi-chèvre mi-chou concernant la publication du patrimoine. La solution adoptée est finalement la pire. Soit on considère, comme nous le pensions à l’UDI, que la question est l’évolution du patrimoine et des moyens de contrôle de la Haute autorité, et dans ce cas la publication du patrimoine est inutile, soit on décide d’aller vers la publication du patrimoine, et dans ce cas il faut y aller jusqu’au bout. À cet égard, je regrette les tergiversations de mes amis sénateurs de l’UDI sur ce texte lors des débats.

M. René Dosière. « Tergiversations », le mot est faible !

M. Hervé Morin. Il faut aller jusqu’au bout pour couper court à toutes les polémiques fondées sur la rumeur. Ces polémiques seront difficilement combattues par celui qui en fait l’objet. Du reste, je suis convaincu que pour éviter tout cela, les élus finiront par publier eux-mêmes leur patrimoine afin d’éviter tout risque de calomnie ou d’interprétation d’une déclaration qui est difficilement consultable puisqu’il faut aller à la préfecture.

En outre, aller jusqu’au bout, cela devrait nécessairement impliquer que l’on soumette les candidats aux mêmes obligations de déclarations que les élus. Nous allons nous retrouver dans des situations où seules les déclarations des candidats sortants seront consultables, tandis que nos concitoyens ignoreront tout du nouveau candidat. Avec une telle disposition, vous n’instaurez rien d’autre que l’inégalité dans l’accès aux fonctions publiques électives.

Le deuxième défaut, et pour moi le plus grave, c’est l’instauration des lanceurs d’alerte qui sont purement et simplement des délateurs en puissance ou des instruments au profit de maîtres chanteurs lors des campagnes électorales. On trouvera toujours, et ce d’autant plus si l’on passe par une association, – car on sait comment elles peuvent être montées – trois ou quatre copains prêts à lancer des prétendues alertes afin de déstabiliser un élu ou un candidat. Je considère que ce système du soupçon ou de la dénonciation est absolument abject. Ne confondons pas le soutien à la protection d’une personne dans une entreprise qui peut profiter d’un lanceur d’alerte pour éviter telle ou telle infraction d’un patron avec la généralisation des lanceurs d’alerte à tous nos concitoyens.

Le troisième défaut, c’est de rendre désormais impossible à tout parlementaire le commencement d’une activité professionnelle qui n’était pas la sienne avant le début de son mandat. J’ai évoqué ce sujet en première lecture.

Au moment où nous nous acheminons vers le mandat unique pour les parlementaires, il serait sain de permettre à un élu de pouvoir commencer sa reconversion en engageant une activité professionnelle. En enfermant le parlementaire dans un carcan, l’oxygénation et le renouvellement de la classe politique, la capacité de passer d’une fonction nationale à une fonction locale seront entravés.

Il est dommage également que la majorité maintienne une profonde iniquité au sein de cette assemblée entre ceux qui, à l’issue de leur mandat, auront la certitude de retrouver leur poste et leur fonction car ils appartiennent à la fonction publique, et ceux qui sont issus du secteur privé. C’est pourquoi, nous continuons à dire que les fonctionnaires devenus députés ou sénateurs devraient être dans l’obligation de démissionner de la fonction publique à l’issue de leur premier mandat, comme c’est le cas en Allemagne.

En conclusion, ce texte restaurera-t-il la confiance entre les politiques et les citoyens ? Nous ne nous faisons aucune illusion en la matière…

M. Guy Geoffroy. Malheureusement !

M. Hervé Morin. …car la restauration de la confiance entre les politiques et les citoyens, cela fait vingt ans que je l’attends dans cet hémicycle à chaque projet de loi. En réalité, le ventre de l’antiparlementarisme n’est jamais assez nourri. On n’en fait jamais assez. Et même quand on le fait, on pense que finalement on ne va pas réellement le faire.

La confiance repose d’abord et avant tout sur le fait de tenir ses engagements lorsqu’on accède au pouvoir. En l’occurrence, s’il y a bien un élément fondamental, François Hollande étant probablement le champion en la matière, c’est d’abord celui de tenir les engagements que l’on prend durant sa campagne électorale et ensuite de les mettre en œuvre.

Enfin, permettez-moi cette petite incise dans le débat : je crois que, plus profondément, à travers cela c’est la démocratie française qui est malade de l’élection du Président de la République au suffrage universel direct…

M. René Dosière. C’est vrai !

M. Hervé Morin. …qui correspondait à une époque et à un homme et qui est aujourd’hui anachronique dans une société moderne, source de profond dérèglement de la vie politique française et de désillusions qui, à chaque fois, fâchent nos concitoyens avec la politique. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. François de Rugy.

M. François de Rugy. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, beaucoup a été dit sur ces textes relatifs à la transparence de la vie publique qui doivent mériter leur titre. Pour autant, le débat continue. Le Sénat, en effet, a tergiversé dans sa majorité, et je veux dire à mes collègues de l’opposition qu’il n’y a pas de majorité politique réelle au Sénat, il y a des majorités de circonstance qui, selon les textes, s’expriment pour ou contre – malheureusement, ces derniers temps c’est plutôt contre. Ce sont des majorités du refus. Chacun aura pu noter que, dans un premier temps, une motion de procédure y avait été adoptée. Le texte avait donc été rejeté dans sa globalité avant d’être à nouveau inscrit à l’ordre du jour du Sénat par le Gouvernement, et c’est tant mieux. Certains sénateurs ont changé d’attitude, s’étant peut-être rendu compte qu’il était difficile d’assumer, de balayer d’un revers de main ces préoccupations. On pensait que des compromis pourraient peut-être être trouvés. Finalement, cela n’a pas été le cas, en tout cas sur l’article 1er qui a été purement et simplement supprimé, ce que nous regrettons. Nous reviendrons sur le contenu de cet article.

C’est dommage, mais en réalité guère surprenant. Au Sénat, c’est le groupe RDSE qui a contribué à ce que ce texte soit profondément modifié, et même une de ses dispositions supprimée. M. Schwartzenberg exprimera tout à l’heure la position du groupe RRDP à l’Assemblée nationale.

Nous, écologistes, considérons qu’il ne s’agit pas d’une question de circonstance. Nous n’avons pas découvert le problème de la transparence, le problème lié à l’argent et à la politique avec l’affaire Cahuzac, même si c’est ce qu’a brocardé la droite.

M. Guy Geoffroy. C’est pourtant la réalité !

M. François de Rugy. Un certain nombre de nos collègues de l’opposition doivent se souvenir – notamment vous, monsieur Geoffroy puisque, comme moi, vous étiez déjà député lors de la précédente législature – que j’ai été rapporteur d’une proposition de loi que j’avais rédigée avec mes collègues écologistes et qui portait sur la généralisation de la transparence. Ce texte reprenait la plupart des conclusions du rapport Sauvé qui avait été mandaté par le gouvernement Fillon. Du reste, je n’ai jamais compris pourquoi la majorité d’alors n’avait pas voulu mettre en œuvre les conclusions de ce rapport. Mais en réalité, cela ne me surprend pas tellement car on voit bien que l’UMP ne souhaite pas que la transparence soit faite. Est-ce lié à un certain nombre d’affaires ? Vous qui aimez parler de l’affaire Cahuzac, vous savez bien que le problème dit des affaires n’est pas né à ce moment-là. Beaucoup ont malheureusement émaillé la vie politique et depuis longtemps.

M. Guy Geoffroy. Avant l’affaire Cahuzac !

M. François de Rugy. Lorsque l’affaire Cahuzac a éclaté, nous avons dit qu’il fallait montrer aux Français que, cette fois, on ne biaiserait pas avec cette réalité, on ne renverrait pas à plus tard le règlement de problèmes qui sont connus. J’avais eu l’occasion de dire que le diagnostic était connu, que les remèdes étaient connus également. Je tiens à saluer l’attitude du Président de la République qui a demandé au Gouvernement, notamment à Alain Vidalies, de préparer un projet de loi sans tarder…

M. Guy Geoffroy. Ce sont les lois Cahuzac !

M. François de Rugy. …de recueillir les avis et les propositions de chacun et de prendre le problème à bras-le-corps pour montrer aux Français que nous réagissons vite et fort.

Pour notre part, la première réponse que nous y voyons, c’est que la transparence devient une règle générale, alors qu’actuellement c’est malheureusement plutôt le secret et l’opacité qui sont la règle.

Si nous prônons la transparence généralisée, ce n’est pas par une espèce de religion de la transparence, ce n’est pas par une croyance un peu magique que tout serait réglé par la transparence, c’est parce que nous voulons rompre avec un cercle vicieux infernal qui entraîne la politique en général, les élus en particulier, dans cet enchaînement extrêmement insupportable entre le secret et l’opacité, les fantasmes nourrissant souvent ensuite les rumeurs. Vous savez qu’en politique les rumeurs ne sont pas nées avec Internet, mais qu’elles ont connu une nouvelle jeunesse, si l’on peut dire. À cela succèdent les pseudo-révélations puis les dénégations des personnes mises en cause, dénégations qui ne sont pas toujours considérées comme crédibles – malheureusement on sait bien pourquoi. Puis vient souvent une instrumentalisation de la justice et demain, peut-être, de la Haute autorité.

C’est sur ce point que le projet de loi, non tel qu’il avait été rédigé par le Gouvernement et que nous soutenions, comme nous l’avons fait sur d’autres points, mais tel qu’il a été amendé en première lecture à l’Assemblée nationale, n’est pas satisfaisant.

En effet, ce concept de publication non publiable conduira immanquablement à remettre en marche ce cycle infernal, plaçant les uns et les autres dans des situations extrêmement désagréables : aussi bien les personnes mises en cause, à tort ou à raison, que les journalistes, qui ont pour profession de recueillir des informations, de les recouper, et qui se verraient frappés d’une amende pour avoir révélé une information. Enfin, la Haute Autorité se retrouvera certainement instrumentalisée si le texte reste en l’état. Nous sommes convaincus qu’à l’avenir, il faudra y revenir.

Les problèmes qui nous paraissent les plus graves ne sont pas ceux-là, mais ceux qui touchent au financement de la vie politique et aux conflits d’intérêts. D’ailleurs, je dois dire que sur ce point, l’affaire Cahuzac – sauf à ce qu’il y ait de nouveaux développements – ne concerne pas le financement de la vie politique, contrairement à d’autres affaires, bien connues, impliquant l’ancien trésorier d’un parti politique, lui-même ancien ministre du budget. Rien que le cumul des deux fonctions devait d’ailleurs poser un problème, j’avais eu l’occasion de le dire.

La loi du sur le financement de la vie politique – d’ailleurs, il y en a eu plusieurs – a constitué un grand progrès dans les années 1990. Elle répondait aussi à des problèmes : heureusement qu’on répond parfois aux problèmes, comme le financement de la vie politique par les entreprises, qui a été interdit !

Le problème, nous le savons bien, c’est le poids de l’argent dans la vie politique. Quand nos prédécesseurs ont interdit le financement par des entreprises, c’est qu’ils ne voulaient pas que des intérêts privés pèsent sur les décisions politiques à travers le financement des campagnes.

Or, la loi a été détournée, en particulier sa disposition qui fixait un plafond de 7 500 euros aux dons des personnes physiques : les cotisations, on le sait, ne sont pas soumises à ce plafond, et il est possible de faire des dons à plusieurs partis, notamment des micro-partis. Les reversements d’élus ne sont pas non plus soumis à ces plafonds et le projet de loi, tel que nous l’avons amendé en première lecture, revient là-dessus : c’est une bonne chose.

Sur les conflits d’intérêts, il y a plusieurs sources. Je ne parlerai même pas de la corruption directe, tellement on peut considérer qu’elle est déjà bannie. Je pense plutôt à l’enrichissement indu causé par le cumul de fonctions politiques et privées. Je n’évoque pas non plus le cumul des mandats, nous avons voté là-dessus un texte qui constitue une grande avancée, et j’ai trouvé amusant, monsieur Geoffroy, que vous le repoussiez d’un même mouvement, mais vous avez raison : oui, la loi sur le cumul des mandats vise aussi à restreindre des situations de conflit entre intérêt local et intérêt national.

Mais c’est surtout le cumul des fonctions politiques et des fonctions privées qu’il faut empêcher. Nous y reviendrons dans cette deuxième lecture, car le texte ne nous paraît pas satisfaisant. Il marque une avancée réelle, mais maintient les inégalités entre les professions libérales et les autres, entre ceux qui ont exercé une profession libérale avant d’être élus et ceux qui voudraient commencer après leur élection. Pour notre part, nous préférerions que ces cumuls soient totalement interdits, et que celles et ceux qui exercent une profession, quelle qu’elle soit, la mettent entre parenthèses pendant leur mandat.

Nous reviendrons également sur la question des lanceurs d’alerte, que je n’ai pas le temps de développer. Je voudrais juste dire que je trouve particulièrement choquant qu’un certain nombre d’orateurs fassent systématiquement la comparaison entre la délation, qui renvoie aux heures les plus sombres de notre histoire, à la période de l’occupation allemande en France…

M. Guy Geoffroy. Pas seulement…

M. François de Rugy. …et du régime du maréchal Pétain, avec la protection des lanceurs d’alerte qui sont des personnes témoins dans l’exercice de leurs fonctions d’affaires graves et qui doivent être protégées le temps que la justice fasse son travail.

Voilà pourquoi, mes chers collègues, je souhaite que nous puissions adopter ce texte, encore une fois l’améliorer si c’est possible, pour répondre aux problèmes que les Français nous demandent de traiter.

M. le président. La parole est à M. Roger-Gérard Schwartzenberg.

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. On ne peut séparer éthique et politique. C’était la conception de Pierre Mendès France, à laquelle les radicaux restent très attachés.

Nous avons donc toujours été attentifs à la déontologie de la vie publique. Nous avons été, je crois, les premiers à déposer, en juin 1978, une proposition de loi visant à assurer le plafonnement, la publicité et la transparence des dépenses électorales.

Ensuite, il y a eu une proposition de loi organique « relative à la transparence de la vie publique », déposée avec les députés socialistes le 29 novembre 1994.

Enfin, en 2010, auditionné par la commission Sauvé, le PRG avait préconisé une série de mesures déontologiques. Il avait proposé, en particulier, le renforcement des pouvoirs de contrôle de la Commission pour la transparence financière de la vie politique, afin qu’elle puisse vérifier bien plus efficacement les déclarations de patrimoine.

Sur ce dernier point et sur d’autres vos textes coïncident donc avec nos préoccupations : mieux contrôler et sanctionner les manquements.

Toutefois, à côté de certains points positifs, vos projets nous paraissent présenter plusieurs inconvénients et certains risques de dérives.

D’abord, l’origine du texte, qui le fait apparaître comme un texte de circonstance, voire de convenance. Un ministre, un membre du Gouvernement est mis en examen et, étrangement, le Gouvernement élabore des projets de loi qui ciblent essentiellement les parlementaires.

M. Guy Geoffroy. Ce n’est pas si étrange !

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Bref, à partir d’une défaillance d’un ministre, et non d’un député ou d’un sénateur, on légifère sur le cas des parlementaires, présentés pratiquement comme tous corruptibles, sinon corrompus, invités à s’auto-accuser collectivement de fautes que la quasi-totalité d’entre eux n’a jamais commises.

M. Jean-Frédéric Poisson. Absolument !

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Cette démarche oblique, paradoxale, s’expose à être perçue comme une tentative de diversion, visant à détourner l’attention, en la reportant de l’exécutif vers le législatif. Surtout, elle comporte un risque important : renforcer l’antiparlementarisme, qui est étranger à la culture républicaine, et le faire, en outre, dans un contexte très sensible, marqué par la forte montée des populismes. Il n’est pas nécessaire que la gauche contribue à l’antiparlementarisme : l’extrême-droite y suffit largement.

M. Guy Geoffroy. Très bien ! Cela fait plaisir à entendre.

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Autres points : la composition et le mode de désignation de la Haute Autorité. Celle-ci doit être de haut niveau. Ainsi, l’instance actuelle, la Commission pour la transparence financière de la vie politique, comporte, parmi les magistrats qui y siègent, les trois plus hauts magistrats de l’État : le vice-président du Conseil d’État, le premier président de la Cour de cassation et le premier président de la Cour des comptes, c’est-à-dire l’élite juridictionnelle de notre pays.

L’Autorité de déontologie de la vie publique, que proposait de créer le rapport Jospin de novembre 2012, devait comporter, elle aussi, ces trois hauts magistrats.

En revanche, la nouvelle Haute Autorité ne les comprendra plus. Les six magistrats qui y siégeront – deux conseillers d’État, deux conseillers à la Cour de cassation, deux conseillers-maîtres à la Cour des comptes – seront d’un rang moins élevé. Il est même précisé que ces six conseillers pourront être « en activité ou honoraires », ce qui, dans le second cas, ne garantit pas nécessairement un dynamisme exceptionnel. (Sourires.)Ensuite, le mode de désignation de cette instance garantira-t-il son impartialité ? Ces six conseillers seront élus par leurs pairs. Même dans les grands corps de l’État, toujours éminents et distingués, une élection reste une élection, avec ses compétitions et ses clivages, qui ne garantissent pas automatiquement la neutralité des membres désignés.

Outre ces six magistrats, la Haute Autorité comptera seulement trois autres membres : son président, nommé par le chef de l’État, et deux personnalités qualifiées, deux seulement au lieu de quatre, l’une nommée par le président de l’Assemblée nationale, l’autre par le président du Sénat.

L’Autorité prévue par le rapport Jospin comptait elle aussi neuf membres, mais, sur ces neuf membres, il y avait non pas seulement deux personnalités qualifiées comme dans le projet de loi actuel, mais six : deux désignées par le chef de l’État, deux par le président de l’Assemblée nationale, deux par le président du Sénat.

Cette différence marque une sorte de défiance envers le Parlement, dont on réduit ainsi fortement le rôle dans la désignation de la Haute Autorité – comme s’il fallait couper le plus possible cette instance du Parlement, tenu en suspicion, donc en lisière.

On peut d’ailleurs se demander si tout cela est réellement compatible avec le principe de la séparation des pouvoirs. Est-il normal de confier le contrôle de l’action des parlementaires à une instance qualifiée d’« autorité administrative indépendante », ce qui la situe normalement dans la sphère d’action de l’exécutif ?

Dans la grande majorité des démocraties, la déontologie parlementaire et son application relèvent des assemblées elles-mêmes et de leurs bureaux. Elles ne dépendent pas d’une émanation de l’exécutif qui s’ingérerait dans le fonctionnement du pouvoir législatif.

Autre point à mentionner : les déclarations de patrimoine qui, depuis 1988, doivent être adressées par les parlementaires à  l’instance chargée  de contrôler la transparence financière de la vie politique. Ces déclarations et leur contrôle sont, en effet, indispensables pour qu’on puisse détecter éventuellement une variation anormale, injustifiée, de leur patrimoine.

Cela dit, ces déclarations de patrimoine, doivent-elles être publiées ? Telle n’est pas la règle retenue par la loi actuelle, celle du 11 mars 1988. De même, la commission présidée par Lionel Jospin, dont on connaît la rigueur, écrivait dans son rapport en novembre 2012 : « La commission ne juge pas souhaitable d’amender le régime applicable aux déclarations de patrimoine, qui doivent rester confidentielles. » Lionel Jospin !

Finalement, après de multiples péripéties, souvent contradictoires, l’article 1er, alinéa 43 du projet de loi organique dispose : « Les déclarations de situation patrimoniale sont, aux seules fins de consultation, tenues à la disposition des électeurs. »

L’alinéa 49 ajoute : « Le fait de publier ou de divulguer tout ou partie des déclarations de situation patrimoniale est puni des peines mentionnées à l’article 226-1 du code pénal » –article qui concerne le délit d’atteinte à l’intimité de la vie privée.

Pourtant, cette garantie est largement illusoire, car les informations ainsi obtenues risquent d’être diffusées sous la forme de tracts anonymes ou à partir de sites internet situés à l’étranger. Les controverses sur ces informations privées risquent d’envahir les campagnes électorales et d’y supplanter les vrais débats politiques et programmatiques.

Le président de l’Assemblée nationale a parlé à juste titre de « démocratie paparazzi ». En tout cas, étalage et déballage ne peuvent devenir les deux piliers de la vie publique.

Avec la formulation retenue à l’alinéa 43, on risque de voir porter atteinte à la vie privée des parlementaires et de leurs proches : conjoints, partenaires, familles. Si tel était le cas, on ne respecterait ni l’article 12 de la Déclaration universelle des Droits de l’Homme, ni l’article 8 de la Convention européenne des Droits de l’Homme, ainsi rédigé : « Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale… »

Pour éviter les risques de ce système de consultation de toutes les déclarations de patrimoine, nous proposons un amendement qui repose sur un autre système. Décider la publication – véritable – par la Haute Autorité de celles des déclarations qui apparaissent sciemment incomplètes, inexactes ou insincères, c’est-à-dire qui entrent dans les cas prévus à l’article 1er, alinéa 10 du projet de loi organique et à l’article 18, alinéa 2 du projet de loi ordinaire, qui sanctionnent « le fait pour un député d’omettre de déclarer une partie substantielle de son patrimoine ou de fournir une évaluation mensongère de son patrimoine ».

M. Guy Geoffroy. Cela aurait plus de force et ce serait plus clair.

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Plutôt que la publication de toutes les déclarations indistinctement, il y aurait donc publication des seules situations qui comporteraient des anomalies ou manquements.

Monsieur le ministre, vous êtes un juriste excellent, j’ai donc scrupule à émettre ces réserves, mais je terminerai en disant qu’un texte élaboré de manière évidemment assez rapide, dans les circonstances qui l’ont vu naître, soumis ensuite à la procédure accélérée qui ne donne pas lieu à une concertation très aiguë avec les groupes de la majorité, ne peut pas ne pas comporter des imperfections, voire des éléments qui n’emportent pas l’adhésion.

Je crois que cette manière de procéder, qui n’est pas du tout la vôtre en particulier – vous êtes plutôt victime de contraintes extérieures (Sourires) –, fait que le débat législatif risque de se transformer en course de vitesse. Il y aurait là une atteinte aux droits du Parlement et à la dignité de ses travaux

M. Jean-Frédéric Poisson. En effet !

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Il y va, au fond, de la démocratie parlementaire, celle qui est le cœur de notre République.

M. le président. La parole est à M. Marc Dolez.

M. Marc Dolez. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois et rapporteur, mes chers collègues, après l’échec prévisible de la commission mixte paritaire, ces deux projets de loi nous sont donc soumis en nouvelle lecture.

Notre groupe se réjouit d’abord que la commission des lois ait rétabli en grande partie la version votée par l’Assemblée en première lecture, notamment en ce qui concerne le régime de publication des déclarations de patrimoine qui ouvre un droit de consultation à tout citoyen inscrit sur les listes électorales. Si les informations recueillies ne peuvent être ni publiées ni divulguées, il sera en revanche possible pour le citoyen d’adresser des observations à la Haute autorité. L’absence de publicité et de divulgation des déclarations n’empêchera donc pas l’exercice d’une certaine forme de « contrôle citoyen ».

Comme je l’ai indiqué en première lecture, le dispositif retenu est une solution équilibrée qui concilie l’exigence de transparence avec le nécessaire respect de la vie privée des déclarants et de leurs proches.

M. René Dosière. Très juste !

M. Marc Dolez. Redisons-le une nouvelle fois : ce n’est pas la déclaration de patrimoine qui garantit l’intégrité – car elle n’empêche pas une déclaration mensongère – ; ce qui garantit l’intégrité, c’est la transparence du contrôle de la déclaration.

M. René Dosière. Très juste !

M. Guy Geoffroy. Exactement !

M. Marc Dolez. C’est pourquoi nous insistons sur la nécessité de doter la Haute autorité des moyens humains et matériels nécessaires pour mener à bien ses missions. Cette Haute autorité constitue en effet la clé de voûte du mécanisme de contrôle de l’intégrité des responsables publics ; si nous soutenons pleinement le renforcement de ses pouvoirs, nous regrettons néanmoins qu’elle reste dénuée de moyens d’enquête en propre.

Ensuite, comme vous l’avez vous-même fortement souligné, monsieur le ministre, et vous aussi, monsieur le rapporteur, ces deux textes représentent un progrès indéniable du droit en matière de lutte contre les conflits d’intérêts. L’opinion sera désormais très précisément informée des intérêts privés des parlementaires. C’est ainsi que l’affirmation du principe de libre réutilisation des données publiques contenues dans l’ensemble des déclarations d’intérêts nous semble opportune.

Cette disposition votée au Sénat tend à préciser que les informations contenues dans les déclarations d’intérêts et d’activités rendues publiques sont réutilisables dans les conditions prévues par la loi du 17 juillet 1978. Les données non publiques contenues dans la déclaration d’intérêts ne seront pas, pour leur part, concernées par ce droit de réutilisation.

Comme l’ont d’ailleurs souligné diverses associations comme Regards citoyens ou Transparency International, les déclarations d’intérêts ayant pour objectif d’être largement diffusées, il appartient bien au législateur de prévoir des dispositions permettant leur libre réutilisation sous réserve qu’elle ne présente pas de risque juridique.

Nous approuvons, enfin, les dispositions introduites au Sénat tendant à assurer la publication au Journal officiel de l’utilisation des crédits votés chaque année dans la loi de finances au titre dit de « la réserve parlementaire », même si l’Assemblée a déjà décidé de s’appliquer ce principe à elle-même. Cela va bien sûr dans le sens d’une plus grande transparence, même si, pour ma part, je fais miennes les réflexions exprimées sur le sujet en commission par notre collègue René Dosière qui y reviendra certainement en séance publique. Comme lui, je ne crois pas que la distribution discrétionnaire de l’argent public soit vraiment acceptable dans la République.

M. René Dosière. M. Dolez a raison !

M. Marc Dolez. Que cela soit dans le cadre de la réserve parlementaire, des réserves ministérielles ou des fonds des conseils généraux, le problème de fond demeure et il nous faudra sûrement y revenir.

M. René Dosière. Très juste !

M. Marc Dolez. Pour conclure, les députés du Front de gauche soutiennent les mesures fortes et novatrices de ces deux projets de loi. Ils représentent une avancée réelle qui, bien sûr, ne peut résoudre à elle seule la crise de la représentation politique mais qui peut concrètement contribuer à la restauration du lien de confiance entre le peuple et ses représentants. C’est pourquoi, comme à l’issue de la première lecture, les députés du Front de gauche voteront pour ces deux projets de loi.

M. René Dosière. Très bien !

M. le président. La parole est à M. René Dosière.

M. René Dosière. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission et rapporteur, mes chers collègues, alors que nous arrivons au terme du processus législatif concernant ce texte sur la transparence de la vie publique, je ferai deux observations préalables.

Au cours de la première lecture, à l’Assemblée et au Sénat, on a entendu de la part de l’opposition, en particulier de l’UMP, une multitude de critiques, toutes plus sévères les unes que les autres, envers ce qu’elle nomme par commodité un texte de circonstance, sans qu’elle ne propose aucune proposition cohérente alternative. Sans doute avons-nous pu entendre, encore aujourd’hui, au gré de présences intermittentes dans l’hémicycle – ce qui n’est pas le cas de ceux qui sont là aujourd’hui –,…

M. Guy Geoffroy. Ah, tout de même !

M. René Dosière. …quelques suggestions individuelles mais contradictoires les unes avec les autres.

M. Guy Geoffroy. Les vôtres ne l’étant pas, bien sûr !

M. René Dosière. Par exemple, en ce qui concerne la publication des patrimoines, on ne sait toujours pas quelle est la position de la droite : publication ou non-publication, diffusion ou non-diffusion, transparence ou maintien de l’opacité actuelle ?

M. Jean-Frédéric Poisson. Un orateur de notre groupe s’est exprimé sur ce point !

M. René Dosière. De son côté, le Sénat s’est pour le moins déconsidéré puisque, selon le moment de la discussion, les dispositions adoptées le matin étaient repoussées l’après-midi par les mêmes, au point que le texte voté est des plus incohérents : il ne comporte même pas l’article constituant le cœur du projet.

M. Jean-Frédéric Poisson. Pourquoi ? La majorité sénatoriale est cohérente, elle ?

M. René Dosière. Heureusement, le groupe socialiste du Sénat a pu faire voter quelques dispositions intéressantes que la commission des lois de l’Assemblée a reprises dans la mesure où elles complètent le texte voté initialement, en particulier concernant le financement de la vie politique. De son côté, le groupe socialiste a déposé quelques amendements complémentaires qui prennent en compte les observations formulées au cours des débats tant à l’Assemblée qu’au Sénat.

Toutefois, compte tenu des prises de position aussi diverses que multiples et du cheminement chaotique de ce texte au Sénat, il est utile d’en rappeler les trois aspects principaux qui assurent sa cohérence.

D’abord, en ce qui concerne le patrimoine des élus, la question essentielle est la suivante : au cours de sa vie politique, l’élu national ou local s’est-il enrichi de manière anormale ou injustifiée ?

M. Marc Dolez. Eh oui !

M. René Dosière. Pour répondre, il importe de contrôler l’évolution de ce patrimoine par une autorité indépendante du pouvoir exécutif et dotée de pouvoirs réels de vérification efficace. Jusqu’à présent, ce n’était pas le cas.

M. Jean-Frédéric Poisson. C’est vrai !

M. René Dosière. La commission chargée de vérifier les patrimoines était bien indépendante, de par le statut même de ses membres, mais elle ne disposait pas des moyens de contrôler : elle n’avait même pas connaissance des revenus des déclarants.

Quant aux déclarations fausses, que j’ai appelées les « Flosse déclarations », et aux déclarations incomplètes, elles n’étaient pas sanctionnées jusqu’à la loi d’avril 2011.

Le texte que nous allons voter remédiera à cet état de fait. D’abord, les déclarants devront communiquer leurs revenus et, si nécessaire, ceux de leurs proches. Quant à la Haute autorité, elle sera indépendante. Son président sera nommé par le Président de la République selon les modalités retenues dans le cadre de la révision constitutionnelle que vous avez votée, monsieur Geoffroy.

M. Guy Geoffroy. Pas moi, justement ! Vous faites erreur !

M. René Dosière. Mais vos amis l’ont votée !

M. Guy Geoffroy. Moi je suis profondément cohérent, mon cher collègue !

M. René Dosière. En outre, son mandat de six ans ne sera pas renouvelable et, ajout du Sénat retenu par la commission, il ne recevra ni ne sollicitera d’instruction d’aucune autorité. Les membres de la Haute autorité, pour leur part, seront issus, comme aujourd’hui, des trois plus hautes autorités des trois plus hautes juridictions – Conseil d’État, Cour de cassation et Cour des comptes – avec cependant une nouveauté : l’introduction de la parité hommes-femmes.

Une personnalité qualifiée, n’ayant exercé aucune fonction politique depuis au moins trois ans, sera suggérée par le président de l’Assemblée nationale, une autre par le président du Sénat et elles seront nommées après avis conforme des commissions des lois, pris à la majorité qualifiée des trois cinquièmes, ce qui implique l’accord de l’opposition et garantit l’indépendance de la personne concernée.

Dans ces conditions, qui osera dire que cette Haute autorité sera un instrument aux mains de l’exécutif ? Concernant ses pouvoirs, elle pourra solliciter les services fiscaux pour vérifier l’exhaustivité et la sincérité des déclarations. D’une manière générale, la Haute autorité pourra recueillir auprès de l’administration fiscale toutes les informations utiles à l’accomplissement de sa mission, y compris par la mise en œuvre de procédures d’assistance administrative internationale. À cette fin, les agents de l’administration fiscale seront déliés du secret professionnel envers la Haute autorité. Enfin, elle disposera des crédits nécessaires à l’accomplissement de ses missions et elle disposera des moyens de sanctionner les déclarations incomplètes par l’envoi aux intéressés d’injonctions, et lorsque les explications fournies ne seront pas satisfaisantes, outre la transmission du dossier au Parquet, la Haute autorité publiera un rapport spécial au Journal officiel.Lequel d’entre-vous, mes chers collègues, peut-il de bonne foi contester l’amélioration qui en résultera par rapport à la législation existante ?

M. Jean-Frédéric Poisson. Pas vous, en tout cas !

M. René Dosière. Alors que les procédures de contrôle étaient essentielles, l’attention était portée sur un aspect second, à savoir la publication du patrimoine. Je rappelle qu’aujourd’hui les déclarations de patrimoine sont secrètes. La seule déclaration rendue publique est celle du Président de la République, mais elle n’est vérifiée par personne et, sur ce point, un amendement du groupe SRC mettra fin à cette anomalie en confiant à la Haute autorité le soin de vérifier les déclarations de patrimoine de tous les candidats à l’élection présidentielle et en les rendant publiques avant l’élection.

Mais si la publication est justifiée concernant les ministres et les candidats à l’élection présidentielle, compte tenu des fonctions exercées ou postulées, rendre publiques plus de 6 000 déclarations de parlementaires et d’élus locaux, ne constitue pas un exemple de transparence démocratique. En démocratie, la transparence trouve sa limite dans le respect de la vie privée. En décidant la publicité, mais en interdisant la divulgation, le texte propose une formule de conciliation entre la transparence souhaitée et le nécessaire respect de la vie privée.

M. Jean-Frédéric Poisson. Des mots !

M. René Dosière. C’est d’ailleurs une formule qui fonctionne sans problème depuis trente ans en matière de publicité de l’impôt sur le revenu.

Toutefois, afin de prendre en compte les critiques que ce dispositif a suscitées, le groupe SRC déposera deux amendements nouveaux. Le premier supprime la peine de prison envisagée pour ceux qui divulgueraient les déclarations de patrimoine, seule la sanction financière de 45 000 euros étant maintenue. Cette suppression présente l’avantage d’une sanction mieux proportionnée et donc, finalement, plus dissuasive.

M. Guy Geoffroy. Ça, il faudra le faire comprendre : la sanction encourue est moins forte et de ce fait serait plus dissuasive !

M. René Dosière. Aux termes du second amendement, l’interdiction de divulgation ne sera plus applicable dès lors que le déclarant aura fait état volontairement de tout ou partie de son patrimoine.

Le deuxième aspect, essentiel, de ces déclarations, concerne les conflits d’intérêts dont on donne pour la première fois dans la loi une définition. Il s’agit tout simplement d’éviter toute interférence entre l’intérêt public qui doit seul guider les responsables publics – élus et fonctionnaires – et les intérêts particuliers, publics et privés, qui peuvent s’y opposer.

Comment atteindre cet objectif essentiellement préventif ? D’abord en publiant très largement la liste exhaustive des activités exercées au moment de la nomination et au cours des cinq années précédentes ainsi que les rémunérations afférentes. En second lieu, compte tenu de cette déclaration, demander à tout responsable public en situation de décider, dans un secteur où il a, ou a eu, des intérêts, de s’abstenir de le faire en confiant la décision à une autre personne non-concernée par ce conflit d’intérêts. Ce sera l’une des missions de la Haute autorité.

En ce qui concerne les parlementaires, et compte tenu de la spécificité de leur fonction, les modalités concrètes d’application sont confiées aux bureaux des assemblées qui détermineront, en liaison avec le déontologue, le dispositif à mettre en œuvre. Néanmoins, les parlementaires sont concernés directement par un renforcement de la liste des activités incompatibles avec leurs fonctions ; il ne s’agit pas, comme l’opposition l’a caricaturé, de réserver l’accès de l’Assemblée à la fonction publique, comme sous la monarchie de Juillet. À l’époque, d’ailleurs, les fonctionnaires restaient en activité et leur avancement était lié au vote émis alors que le texte actuel prévoit que les fonctionnaires élus seront, à partir de la prochaine législature, mis en disponibilité.

Faut-il rappeler, par ailleurs, que, depuis cette législature, les fonctionnaires élus perdent, pendant la durée de leur mandat parlementaire, tout droit à une retraite professionnelle ? Nous respectons le fait qu’être parlementaire n’est pas un métier et qu’il convient de permettre une diversité socioprofessionnelle des députés…

M. Guy Geoffroy. Cela n’en prend pas le chemin !

M. René Dosière. …mais de récents exemples ayant fait apparaître des dérives, des liaisons avec des intérêts privés qui portent à l’intégrité de la fonction parlementaire, il est essentiel de réduire ces excès. C’est ce que nous avons voulu faire.

Au total, compte tenu des ajouts que nous avons décidés au cours des séances, ces dispositions concerneront, monsieur le ministre, d’après les calculs que j’ai effectués, plus de 9 000 personnes. Je citerai ainsi les ministres ; les parlementaires ; plus de 5 000 élus locaux chargés de fonctions exécutives, pour autant qu’ils aient tous des délégations de pouvoirs ; 1 600 personnes nouvelles, membres de cabinets ministériels, collaborateurs du Président de la République et des présidents des Assemblées, membres des autorités administratives et publiques indépendantes, hauts fonctionnaires nommés en conseil des ministres. Cette liste s’ajoute à celle des dirigeants de sociétés d’économie mixte, d’offices publics de l’habitat, d’établissements publics industriels et commerciaux, au nombre de 2 600 environ, lesquels étaient, pour leur part, déjà concernés par les déclarations de patrimoine et qui le seront désormais également par les déclarations d’intérêts.

S’agissant d’un aspect nouveau de la vie politique française, il sera vraisemblablement nécessaire de pouvoir le modifier au vu de son application, comme c’est le cas pour le financement de la vie politique.

J’entends des voix s’élever pour dire, et je conclus, que ce texte est insuffisant, qu’il aurait fallu être plus courageux et aller plus loin. Le courage en politique, mes chers collègues, c’est souvent d’accepter les compromis sans renoncer à ses valeurs au risque de se salir les mains !

M. Guy Geoffroy. On va hisser les couleurs !

M. René Dosière. D’autres se glorifient-ils de garder les mains pures ? C’est qu’ils n’ont pas de mains, disait déjà Charles Péguy ! Ces trois piliers que sont le contrôle des patrimoines, la prévention des conflits d’intérêts et le financement de la vie politique constituent autant de progrès dans la République exemplaire souhaitée par le Président de la République. C’est pourquoi le groupe SRC votera avec enthousiasme en faveur d’un texte qui s’inscrit dans la lignée des grands textes de modernisation de notre démocratie politique. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Marc Dolez. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Lionel Tardy.

M. Lionel Tardy. Monsieur le président, monsieur le ministre, mesdames, messieurs, je ne m’exprimerai pas très longuement. Comme on pouvait s’y attendre, la commission mixte paritaire, réunie le 16 juillet, sur ces textes relatifs à la transparence de la vie publique a échoué. C’était tout sauf une surprise. Considérant, de plus, la manière dont le Sénat a dénaturé le travail de l’Assemblée nationale, c’était encore la meilleure solution. Cet échec de la commission mixte paritaire révèle à tout le moins, et ce n’est pas la première fois, un profond malaise au sein de la majorité.

Certes, comme l’a souligné mon collègue Guy Geoffroy, l’examen de ce texte est on ne peut plus tortueux. Il devra donc être de nouveau examiné par le Sénat, pour aboutir à un nouveau constat d’échec, puis l’Assemblée nationale aura finalement le dernier mot lors d’un vote final le 10 septembre. Tout cela est fort dommage, car l’examen au Sénat avait bien commencé par un travail très constructif en commission. Je tiens à saluer, ici, l’engagement du rapporteur du texte, Jean-Pierre Sueur, et l’orateur du groupe socialiste, Alain Anziani, qui ont vraiment fait avancer ce projet dans le bon sens.

Tout n’est d’ailleurs pas perdu, puisque nous reprenons un certain nombre de leurs amendements, ce qui n’est que justice, au regard du travail qu’ils ont fourni et de leur engagement à faire aboutir ce texte. Je dois dire, ici, ma tristesse devant la manière dont ce texte a été examiné au Sénat, ce qui ne fait pas honneur à nos institutions et encore moins à l’image des élus. Il ne doit pas y avoir, sur cette question de transparence de la vie publique, de clivage gauche-droite, car il y a des conservateurs et des progressistes dans les deux camps.

Il serait temps que certains comprennent que, sur ces questions de transparence, de cumul des mandats et, pour reprendre le terme anglais, d’accountability – le fait de rendre des comptes –, il y a un saut qualitatif énorme à réaliser pour être en phase avec les attentes de nos concitoyens. Comme je l’ai précisé, en première lecture, les attentes sont énormes et, si nous ne lançons pas nous-mêmes les réformes, elles se feront malgré nous et dans des conditions et avec un résultat sur lequel nous n’aurons aucun contrôle

Regardez, par exemple, ce qui s’est passé avec les sites nosdéputés.fr et, maintenant, nossenateurs.fr, concernant l’évaluation quantitative de notre activité parlementaire. Faute de nous être pris nous-mêmes en main et d’imposer ce compte rendu de notre activité parlementaire sur le site internet de l’Assemblée nationale, d’autres l’ont fait à notre place, nous bousculent et nous obligent à avancer. Il en sera de même pour la transparence et les conflits d’intérêts.

Je suis heureux qu’en dépit du blocage du Sénat, cette loi puisse tout de même être adoptée. Nonobstant la question de la publication des déclarations de patrimoine, à mon avis inutile – et je rejoins, là aussi, Guy Geoffroy, puisqu’il s’agit, avant tout de vérifier s’il y a un enrichissement personnel entre l’entrée et la sortie du mandat, ce qu’une déclaration de patrimoine brute ne permet pas d’analyser –, pour ce qui est de la prévention des conflits d’intérêts, à mon avis principale avancée, ce texte est globalement positif.

Combiné avec la limitation du cumul des mandats, il s’agit, sans doute, à ce jour, de la réforme la plus importante de ce quinquennat, celle qui aura le plus d’effets dans la réforme en profondeur de notre démocratie. Je voterai donc pour ces projets de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Marc Dolez. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Thomas Thévenoud.

M. Jean-Frédéric Poisson. Vivent les Bourguignons !

M. Thomas Thévenoud. Je vous remercie, monsieur Poisson ! Cette référence à la Bourgogne me touche !

Monsieur le président, mesdames, messieurs, en 1757, Rousseau écrivait à d’Alembert : « Combien de vertus apparentes cachent souvent des vices réels ! » En effet, si la transparence est devenue, au fil des décennies, une vertu démocratique à la faveur de la montée en puissance de la démocratie d’opinion, elle n’est pas un objectif en soi. La transparence n’est qu’un moyen et cette loi n’est pas la fin de l’histoire, elle n’est qu’une étape. Cette loi s’intègre dans la recherche difficile, parfois chaotique, que mène cette majorité en faveur d’une République exemplaire. C’est la seule solution pour renouer un lien de confiance avec nos concitoyens : la recherche de l’exemplarité des femmes et des hommes politiques que nous sommes.

Sur quoi repose cette exemplarité ? Il convient, d’abord, de tenir sa parole et ses engagements. Je veux rappeler les mesures prises, depuis un an, par cette majorité, par le Gouvernement, par l’exécutif et par le Président de la République…

M. Jean-Frédéric Poisson. Vous n’allez pas faire cela, tout de même !

M. Thomas Thévenoud. …pour faire en sorte de parvenir à cette exemplarité. Ainsi, les mandats électifs ne doivent pas être pour nos concitoyens, dans une période de difficultés économiques comme celle que nous vivons, une source de soupçon d’enrichissement, d’où la diminution de la rémunération du Président de la République et des ministres, la diminution des crédits affectés au fonctionnement de l’Élysée ; la diminution de l’indemnité de représentation et de frais de mandat ; la transparence dans l’utilisation de la réserve parlementaire que nous nous apprêtons à voter…

M. Jean-Frédéric Poisson. Ce n’est pas gagné !

M. Thomas Thévenoud. …d’où, enfin, le dépôt de la déclaration de patrimoine devant la Haute autorité aux pouvoirs renforcés.

Il faut également lutter contre les conflits possibles entre intérêt général et intérêt privé. C’est ce à quoi tend ce texte en interdisant certaines activités professionnelles, notamment celle de conseil, pour les parlementaires. Mais cela ne concerne pas seulement les parlementaires. Je veux insister sur un amendement que j’ai déposé en première lecture et qui a été adopté à nouveau en commission et qui concerne les membres du Conseil constitutionnel. Cet amendement ne vise personne ou, plutôt, je devrais dire qu’il ne vise…

M. Lionel Tardy. Plus personne !

M. Thomas Thévenoud. …plus personne… Mais il est vrai qu’il était inspiré d’un cas bien précis, issu d’informations concordantes rapportées par la presse et confirmées par l’intéressé lui-même.

M. Guy Geoffroy. Un aveu tardif, mais sincère !

M. Thomas Thévenoud. Il semblerait qu’un membre du Conseil constitutionnel ait récemment bénéficié de la rémunération de deux grandes banques d’affaires – Goldman Sachs et la Deutsche Bank – pour un montant qui rendrait jaloux le trésorier de l’UMP ! (Sourires sur les bancs du groupe SRC.)

L’amendement que j’ai déposé, et qui a été adopté en première lecture, est un premier pas et ouvre la voie à une réforme d’ampleur de la composition du Conseil constitutionnel, conformément aux engagements pris devant les Français par le Président de la République, à savoir : interdire la présence des anciens présidents, ce qui leur éviterait de feindre la démission, laquelle n’est aujourd’hui pas possible à ce stade ; revoir le mode de désignation en s’inspirant, notamment, de ce que nous allons faire dans les jours qui viennent pour le Conseil supérieur de l’audiovisuel ; aligner le statut des membres du Conseil constitutionnel sur celui des magistrats, puisque, depuis l’existence de la QPC, ils s’apparentent également aux magistrats.

J’espère donc, monsieur le président, que l’Assemblée nationale confirmera son vote en deuxième lecture. Cette loi suit le vote de la fin du cumul des mandats, à mon avis source, par excellence, de conflits d’intérêts. À partir de la fin du cumul des mandats, émergera une nouvelle figure parlementaire. Alors, oui, cette majorité fait preuve de cohérence et d’engagement en faveur de l’exemplarité républicaine.

Elle le fait, après avoir pris devant les Français des engagements précis, après avoir recueilli les avis de la commission Jospin. Elle le fait en toute transparence pendant que l’opposition parlementaire se débat dans des positions contradictoires, se divise, se dérobe, se déchire et attend l’homme providentiel ! La droite nous dit que c’est une loi de circonstance. Quand on sait qu’à chaque fait divers, pendant cinq ans, la précédente majorité a modifié la loi pénale, cette critique est l’hommage du vice à la vertu ! Non, ce n’est pas une loi « Cahuzac » !

M. Guy Geoffroy. Ce sont deux lois « Cahuzac » !

M. Thomas Thévenoud. Il ne s’agit pas plus d’une loi « Cahuzac » que d’une loi « Karachi », « Bettencourt » ou « hippodrome de Compiègne » ! (« Voilà ! » sur plusieurs bancs du groupe SRC.) Cette loi renforce l’exemplarité de la République parce qu’elle renforce l’exemplarité des parlementaires. La commission d’enquête sur l’affaire Cahuzac, à laquelle j’appartiens, et qui porte sur d’éventuels dysfonctionnements dans l’appareil d’État entre le 4 décembre et le 2 avril permettra de faire des propositions concrètes…

M. Guy Geoffroy. Son sort est déjà scellé !

M. Matthias Fekl. M. Thévenoud a raison !

M. Thomas Thévenoud. …à condition, toutefois, que le président de cette commission d’enquête ne la transforme pas en tribune politicienne ! Ces propositions concrètes permettront d’avancer encore plus vers la République exemplaire, car, je le redis, cette loi n’est pas la fin de l’histoire, mes chers collègues, elle ouvre le chemin. À nous de le suivre parce qu’au bout, j’en suis sûr, il y a le retour de la confiance que doivent placer en nous les Françaises et les Français ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Plusieurs députés du groupe SRC. Très bien ! Formidable ! Quel talent !

M. Guy Geoffroy. Si on était allés à Versailles, on aurait entendu des choses un peu plus élevées…

M. le président. La discussion générale est close.

La parole est à M. le ministre délégué.

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Je dirai juste quelques mots pour répondre aux orateurs présents. Certains absents en première lecture le sont à nouveau aujourd’hui. Je tiens à rappeler simplement les faits. La déclaration de patrimoine existe en tant que telle depuis 1988.

M. Jean-Frédéric Poisson. Personne ne le conteste !

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Monsieur Poisson, vous exposez la position de l’UMP. Je me permets donc de vous renvoyer au débat assez incroyable qui s’est déroulé au Sénat. En effet, le porte-parole de l’UMP au Sénat, M. Longuet, ancien ministre, a fait un grand discours pour montrer qu’il regrettait au fond, aujourd’hui, d’avoir accepté la déclaration de patrimoine, laquelle était, d’une certaine façon, un engrenage. C’est ce discours que nous avons entendu !

M. Guy Geoffroy. Nous sommes à l’Assemblée nationale en deuxième lecture !

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Nous nous habituons, certes, à la diversité du discours, mais comprenez tout de même que s’est posée, là, une difficulté majeure. L’important, c’est le départ. La publication du patrimoine existe. Comme l’a excellemment rappelé René Dosière, il convient de parler de l’ampleur de ce texte de loi. Ainsi, des milliers de personnes supplémentaires seront soumises à l’obligation de déclaration d’intérêts. On ne peut pas réduire ce débat à la simple question de la publication ou non du patrimoine.

M. Guy Geoffroy. Cela vous gêne !

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Vous ne voulez pas de la déclaration du patrimoine. Très bien ! Mais il aurait été très intéressant de connaître la distinction que vous faites avec la publication de la déclaration d’intérêts. Or vous vous abritez derrière la confusion et vous vous contentez de dire que vous vous y opposez. Vous ne voulez de rien et nous avons bien compris que la publication de la déclaration d’intérêts vous posait des difficultés.

M. Morin a lancé un débat sur les lanceurs d’alerte et je ne voudrais pas que ce débat dérive.

Je comprends que, face à un concept nouveau, l’on se pose des questions. Cela dit, nous avions soutenu la réforme portée par Mme Dati en 2007 et la loi votée à l’initiative du groupe écologiste le 17 avril sur les lanceurs d’alerte dans le domaine de la santé et de l’environnement est aussi un progrès.

Regardez ce qui se passe dans toutes les démocraties. Même au niveau du G20, il y a eu une déclaration faisant référence au concept des lanceurs d’alerte. Aujourd’hui, chacun mesure que c’est un chemin vers lequel il faut aller et qui donne du corps à la notion de citoyenneté moderne.

Il n’est donc pas acceptable de ne voir dans les lanceurs d’alerte que je ne sais quels délateurs.

M. Jean-Frédéric Poisson. Qui a dit cela ?

M. Alain Vidalies, ministre délégué. C’est évidemment une façon d’écarter le débat et je suis tout à fait d’accord avec M. de Rugy sur ce point.

Monsieur Schwartzenberg, j’ai compris que vous étiez hostile à ce texte et que vous n’y voyiez au fond qu’une opération consistant à montrer les parlementaires du doigt…

M. Jean-Frédéric Poisson. C’est exactement ça !

M. Alain Vidalies, ministre délégué. …alors qu’il y a par ailleurs d’autres difficultés.

Vous ne pouvez pas écarter ce qu’ont dit René Dosière et Thomas Thévenoud sur le système. Il n’y a pas que cela dans ce texte et, même s’il n’y avait que cela, je vous sais tellement attaché aux principes de la République, que je me permets de vous en rappeler un seul. Au fond, ceux qui rétablissent le lien d’origine avec l’idéal républicain, c’est nous, car la première déclaration en la matière date du 14 mai 1793. La Convention nationale décrétait que les représentants du peuple étaient à chaque instant comptables devant la nation de l’état de leur propre fortune.

Je vous lis le texte de cette déclaration, l’une des premières : « On nous parle souvent de corruption et de fortunes scandaleuses. Pour connaître de quel côté a été la corruption, il est demandé que chaque député soit tenu de donner l’état détaillé de sa fortune, que cet état soit imprimé et que celui qui aurait fait un faux bilan soit déclaré infâme. »

Nous sommes donc parfaitement en lien avec les principes mêmes qui ont présidé à la création de la République, et personne ici ne peut se présenter comme étant un républicain exemplaire par rapport à d’autres. Les principes que nous respectons sont bien ceux qui étaient dans cette déclaration.

Votre question est légitime, monsieur Dolez. Je vous répète l’engagement du Gouvernement et du Président de la République, les moyens qui seront donnés à cette autorité seront à la hauteur des besoins, car rien ne serait pire qu’une une attitude frileuse en la matière, rendant impossible l’application de la loi. Vous avez également souligné le caractère équilibré du texte.

Monsieur Dosière, je ne reprends pas tout ce que vous avez souligné. Vous avez eu raison de rappeler la portée du texte, qui va au-delà des quelques questions ayant focalisé l’opinion.

Effectivement, monsieur Tardy, personne ne peut s’étonner, compte tenu des conditions dans lesquelles le débat s’était déroulé au Sénat, que la CMP n’ait pas pu aboutir. On ne savait d’ailleurs pas très bien quelles étaient les majorités qui s’exprimaient à un moment ou à un autre.

M. Guy Geoffroy et M. Lionel Tardy. Tout de même !

Ce n’est pas très glorieux !

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Il était donc raisonnable du point de vue du travail parlementaire d’en tirer les conclusions.

Monsieur Thévenoud, votre brillante intervention m’a fait penser à un film bien connu, Mon nom est personne, qui méritait d’être cité pour illustrer votre démonstration.

Je pense avoir répondu à l’ensemble des orateurs. Il n’y a pas d’argument nouveau mais c’est bien naturel en nouvelle lecture. Le Gouvernement souhaite donc que nous passions à la discussion des amendements, la commission des lois ayant déjà fait un travail constructif.

Discussion des articles (projet de loi organique)

M. le président. J’appelle maintenant dans le texte de la commission les articles du projet de loi organique.

Article 1er

M. le président. La parole est à M. Hervé Morin, pour soutenir l’amendement n23.

M. Hervé Morin.. Il est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Urvoas, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. Lionel Tardy.

M. Lionel Tardy. Nous en avons déjà parlé en première lecture. Cet amendement est tout de même fort intéressant puisque, comme l’a souligné René Dosière, la Haute autorité n’aura pas le temps de contrôler les quelque 8 000 ou 9 000 déclarations. Honnêtement, cela me paraît être un très bon amendement : l’implication d’une tierce personne comme un commissaire aux comptes, qui, quelque part, le rendra coresponsable de la déclaration, serait une avancée intéressante sur la certification de la situation patrimoniale.

(L’amendement n23 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n15 rectifié.

M. Jean-Jacques Urvoas, rapporteur.. La commission des lois du Sénat a prévu qu’un parlementaire ayant remis une déclaration de patrimoine six mois avant la fin de son mandat est dispensé d’en rédiger une nouvelle. Nous suggérons qu’il doive tout de même fournir à la Haute autorité la récapitulation de ses revenus perçus en cours de mandat et une justification s’il le souhaite de l’évolution de son patrimoine.

Nous allégeons donc les formalités mais nous maintenons un lien avec la Haute autorité en exigeant un minimum d’informations.

(L’amendement n15 rectifié, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n16.

M. Jean-Jacques Urvoas, rapporteur.. Il vise à lever une ambiguïté apparue dans les débats au Sénat. Il y a deux sanctions possibles pour un parlementaire qui n’aurait pas donné de déclaration, 15 000 euros d’amende et l’inéligibilité prononcée par le Conseil constitutionnel saisi par le bureau de l’Assemblée. Nous précisons que ces sanctions peuvent être cumulatives et ne sont pas exclusives l’une de l’autre.

(L’amendement n16, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n17.

M. Jean-Jacques Urvoas, rapporteur.. C’est un amendement qui a été accepté par la commission, comme les précédents.

Là encore, c’est un texte inspiré des travaux du Sénat, qui vise à introduire un seuil financier, défini par le pouvoir réglementaire, en deçà duquel les biens mobiliers divers n’auront pas à être mentionnés. Comme l’a très justement fait remarquer Guy Geoffroy il y avait dans les déclarations de patrimoine des ministres qui ont été publiées des informations qui n’avaient pas lieu d’être. Il ne s’agit pas de masquer une réalité qui n’est pas montrable mais on ne va tout de même pas demander aux parlementaires de donner la liste de tous leurs biens mobiliers. Il suffit de fixer un seuil et tout le monde sera rassuré.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Favorable.

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson.

M. Jean-Frédéric Poisson. Je peine à comprendre pourquoi la majorité, avec votre soutien, je crois, monsieur le rapporteur, ainsi que celui du Gouvernement, a adopté un amendement prévoyant un seuil pour le montant des cadeaux dans la déclaration de patrimoine et pourquoi, ici, le seuil devrait être fixé de façon réglementaire. Pourquoi le Parlement ne pourrait-il pas se prononcer lui-même sur la valeur à partir de laquelle les biens sont déclarés dans la déclaration de patrimoine ?

(L’amendement n17 est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 1 et 18, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. François de Rugy, pour soutenir l’amendement n1.

M. François de Rugy.. C’est un débat que nous avions eu en première lecture, j’espère qu’il a pu faire évoluer un peu les points de vue. Les déclarations d’intérêt, qui représentent un grand progrès, devront contenir la liste des collaborateurs que les députés ou les sénateurs rémunèrent avec le crédit collaborateur qui leur est alloué par leur assemblée. Nous souhaiterions que soient également déclarées les autres activités professionnelles de ces collaborateurs afin qu’il y ait de la transparence.

Il y a plusieurs cas de figure. Il y a celui, souvent lié au cumul des mandats, des contrats dans des collectivités. Il ne serait pas inutile de faire la transparence sur ce point si cela devait perdurer alors qu’il n’y aurait plus de cumul des mandats. Il y a les collaborateurs, qui, n’étant très bien payés, sont un peu obligés d’exercer une autre activité professionnelle. Il y a enfin des personnes qui, sciemment, mélangent un peu les genres entre assistant parlementaire et travail auprès de cabinets de lobbying ou de sociétés privées. Un peu de transparence ne nuirait pas, c’est le moins que l’on puisse dire.

M. Jean-Frédéric Poisson. Combien de personnes est-ce que cela concerne ?

M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n18 et donner l’avis de la commission sur l’amendement n1.

M. Jean-Jacques Urvoas, rapporteur.. L’inspiration est la même, nous souhaitons que soient prises un certain nombre de décisions sur les collaborateurs parlementaires.

Lors de la première lecture, j’avais présenté cet amendement visant à faire figurer sur la déclaration d’intérêt du parlementaire le nom et les activités professionnelles des collaborateurs. La commission avait supprimé la mention des activités professionnelles, un certain nombre de nos collègues craignant d’avoir à subir une sanction parce que les collaborateurs ne les auraient pas informés de leurs activités annexes.

Je rappelle, et cela figure dans l’exposé sommaire, que, comme c’est prévu dans le contrat type de recrutement d’un collaborateur figurant sur le site intranet de l’Assemblée, le collaborateur doit aviser par écrit le député employeur de l’exercice d’autres activités rémunérées et de leur durée.

Marie-Françoise Bechtel nous avait proposé de préciser qu’il s’agissait des activités déclarées par les collaborateurs, tel est l’objet de l’amendement que je vous propose, auquel la commission a donné un avis favorable. Dans un souci d’esthétisme, que, je sais, vous partagerez, monsieur de Rugy, je vous suggère de vous rallier à mon amendement, qui me paraît mieux rédigé.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur ces deux amendements ?

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Sur ces amendements comme sur un certain nombre d’autres, le Gouvernement s’en remet à la sagesse de l’Assemblée, non pas qu’il n’ait pas d’opinion sur la question mais nous sommes à la frontière de ce qui relève uniquement de la compétence des assemblées.

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson.

M. Jean-Frédéric Poisson. J’aimerais bien avoir la réponse à ma question sur le seuil réglementaire si cela pouvait seoir à M. le président rapporteur.

J’aimerais également savoir si l’on a une idée du nombre de personnes actuellement concernées par l’amendement ? Est-ce 5 % des assistants parlementaires, 10 %, 20 %, la moitié, les trois quarts, tous ? J’aimerais avoir la proportion en tête.

Enfin, je ne peux me souvenir sans sourire que, lorsque nous avions évoqué cette difficulté en commission et dans l’hémicycle à l’occasion de la première lecture, on nous avait répondu que ce n’était pas un vrai problème et qu’une telle crainte n’était pas loin d’être injustifiée et infondée. Les rédacteurs de ces amendements et le Gouvernement lui-même sont revenus à résipiscence sur cette question. Je m’en réjouis.

M. le président. La parole est à M. Lionel Tardy.

M. Lionel Tardy. J’aurais tendance à dire « oui mais non ». Nous avons bien vu que la Haute autorité serait déjà occupée à vérifier 8 000 déclarations et, là, on lui propose de vérifier éventuellement la situation et les autres métiers des collaborateurs. Surtout, quelles seront les sanctions puisque l’on rejoint la problématique du député employeur ? Si, demain, l’on constate qu’un député n’a pas vérifié les autres activités déclarées par ses collaborateurs, sur la bonne foi de leurs déclarations, quelles sanctions, y aurait-il éventuellement pour lui par ricochet ? C’est totalement flou et totalement inapplicable.

M. le président. La parole est à M. Roger-Gérard Schwartzenberg.

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Je suis tout à fait d’accord sur le fond avec les amendements défendus par François de Rugy et M. Urvoas. Je me demande simplement si de telles dispositions n’auraient pas davantage leur place par exemple dans le règlement de l’Assemblée nationale et dans celui du Sénat que dans une loi.

On a tendance à greffer sur cette loi toutes sortes de choses, dont certaines ont un caractère réglementaire – ce n’est certes pas la première fois que cela arrive. Le fait pour une assemblée parlementaire de fixer des règles déontologiques, dans une décision prise par elle-même, me semblerait contribuer à maintenir une certaine capacité d’action des assemblées sur leur propre fonctionnement, sans qu’elles aient forcément à s’en remettre à des textes plus généraux.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Jacques Urvoas, rapporteur. Pour répondre à Jean-Frédéric Poisson, il aurait été parfaitement possible que le seuil figure dans la loi, mais il n’y a pas eu d’amendement en ce sens, et celui présenté propose le seuil réglementaire.

M. Guy Geoffroy. Nous allons présenter un amendement lors de la prochaine lecture ! Chiche !

M. Jean-Jacques Urvoas, rapporteur. En ce qui concerne les activités annexes des collaborateurs parlementaires, je suis incapable de vous répondre, car il n’existe pas de recensement. La déontologue de l’Assemblée a écrit à l’ensemble des collaborateurs, leur adressant un questionnaire anonyme, de façon à connaître le nombre de ceux qui auraient une activité annexe. Parallèlement, le collège des questeurs a engagé des discussions avec les associations de collaborateurs parlementaires sur le même sujet, à savoir sur ce que l’on appelle un peu rapidement le « statut ». C’est ainsi que je peux vous indiquer que 2 165 contrats de collaborateurs ont été signés sous cette législature, que 52 % de ces contrats sont à plein temps, donc 48 % à mi-temps,…

M. Jean-Frédéric Poisson. Pas forcément !

M. Jean-Jacques Urvoas, rapporteur. …que la moyenne d’âge de ces collaborateurs est de quarante ans, et que 60 % sont là depuis moins d’un an. Ce sont, j’en suis navré, les seuls éléments que je possède et que je peux vous communiquer à ce stade.

M. le président. La parole est à M. François de Rugy.

M. François de Rugy. Nous nous rallions avec plaisir à la rédaction proposée par le rapporteur. Je retire donc l’amendement n1 et voterai l’amendement n18.

(L’amendement n1 est retiré.)

(L’amendement n18 est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Roger-Gérard Schwartzenberg, pour soutenir l’amendement n12.

M. Roger-Gérard Schwartzenberg.. Cet amendement vise à remplacer un mot à l’alinéa 42 de cet article 1er . Cet alinéa dispose que les déclarations de situation patrimoniale sont « rendues publiques ». Or, l’expression « avant d’être rendues publiques », comporte une certaine ambiguïté ; mieux vaudrait écrire « avant d’être rendues consultables ». Rendre public, cela a exactement le même sens que publier, porter à la connaissance du public, faire connaître au public, annoncer publiquement. Or ce n’est pas ce que vous souhaitez : la mise à disposition pour consultation, ce n’est pas la même chose que la publication. Cette rédaction me semble contradictoire avec ce qui suit, à l’alinéa 43, qui évoque les déclarations de situation patrimoniale « aux seuls fins de consultation ». Publication et consultation ne sont pas deux notions identiques.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Urvoas, rapporteur. Défavorable. Nous sommes dans du pur nominalisme juridique, puisque, de notre point de vue, organiser la consultation, c’est rendre public, sachant que la publication n’est pas la publicité.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Roger-Gérard Schwartzenberg.

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Si le sujet est en apparence mineur, rédactionnel, le problème est essentiel.

M. Jean-Frédéric Poisson. Absolument !

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Ou le Gouvernement et le rapporteur sont pour la publication, et dans ce cas qu’ils le disent – pour l’instant, le rapporteur, depuis le début des travaux, dit le contraire – ou ils sont pour la consultation, sous la forme d’une mise à disposition des électeurs : c’est ce qui figure dans le texte. Il ne peut y avoir à un alinéa une notion de publication et à l’alinéa suivant une notion de consultation : ce n’est pas du tout la même chose. Vous disiez tout à l’heure, à l’instar du cardinal de Retz, qu’on ne sort de l’ambiguïté qu’à son détriment ; je prétends qu’en matière législative on entre dans l’ambiguïté à son détriment. Nous ne sommes pas là pour écrire des textes volontairement confus.

M. le président. La parole est à M. Guillaume Larrivé.

M. Guillaume Larrivé. Nous allons voter l’amendement du président Schwartzenberg, qui nous paraît tout à fait raisonnable. J’en profite pour souligner que, lors de la discussion générale, le ministre, en réponse à M. Schwartzenberg, a cité 1793, comme s’il en faisait le modèle souriant de notre République.

Je voudrais lui rappeler la loi des suspects, votée le 17 septembre 1793 : sont réputés suspects ceux qui, « ennemis de la liberté, ne pourront pas justifier, de leurs moyens d’exister et de l’acquit de leurs devoirs civiques » et ceux à qui le certificat de civisme a été refusé. Ces suspects, comme vous le savez, étaient passibles d’arrestation. Je ne dis pas que vous êtes directement – quoique ! (Sourires) – les héritiers de la loi des suspects. Je ne dis pas, même si François de Rugy, dans ses rêves les plus fous, l’espérerait sans doute, que vous allez symboliquement dresser la guillotine dans la cour du palais Bourbon, mais il y a tout de même, dans tous ces débats, semaine après semaine, mois après mois, un parfum de robespierrisme un peu inquiétant

M. Matthias Fekl. Vive la révolution !

M. Guillaume Larrivé. Tout cela n’a pas très bien fini, historiquement\’85

M. Matthias Fekl. Les Montagnards sont là !

(L’amendement n12 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. François de Rugy, pour soutenir l’amendement n4.

M. François de Rugy.. Nous sommes sur l’un des points extrêmement controversés de ce texte, touchant à la transparence. Je ne savais pas, monsieur Larrivé, que la transparence était une forme de guillotine. Puisque c’est ainsi que vous la concevez, allez l’expliquer aux Français. J’espère que l’inverse n’est pas vrai, car ce serait assez violent, et pour ma part je suis non-violent.

Le sujet, c’est la manière dont on fait la transparence sur les patrimoines. La solution adoptée par notre assemblée en première lecture, après de nombreux débats, ne nous satisfait pas du tout. J’ai eu l’occasion de le dire dans la discussion générale : on réenclenche le cercle vicieux de l’opacité, de la rumeur, de la pseudo-révélation ou révélation suivie de dénégation, et, in fine, de l’instrumentalisation de la Haute Autorité, ce qui ne nous paraît pas sain du tout, ni pour la Haute Autorité ni pour les personnes qui pourraient être, à tort ou à raison, mises en cause

Nous proposons la transparence « simple », dirai-je, comme celle qui a prévalu pour les ministres, donc de revenir au texte initial du Gouvernement. En la matière, la transparence a la vertu de permettre le contrôle citoyen, le contrôle par les journalistes. Certains collègues parlent de « voyeurisme » ; c’est bizarre, car le principe de la transparence vise normalement à permettre à tout un chacun, aux citoyennes et citoyens qui sont aussi des électrices et des électeurs, de pouvoir juger si ce qu’on leur dit est vrai. En la matière, nous défendons l’idée que ce sera beaucoup plus sain pour la relation entre les citoyens et leurs élus, que ce sera donc un facteur de confiance, de même qu’un facteur de prévention et de dissuasion pour celles et ceux qui voudraient masquer des enrichissements indus.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Urvoas, rapporteur. Défavorable. La seconde lecture a cela d’intéressant qu’elle permet d’aller à l’essentiel. Cet amendement, qui vise à revenir au texte du Gouvernement, avait déjà été présenté en première lecture. La commission a assez largement amendé le texte initial et l’hémicycle a confirmé sa rédaction. Elle reste sur sa position de la première lecture : elle est favorable à la création d’un droit de consultation en préfecture pour tous citoyens inscrits sur les listes électorales. Il s’agit bien de consulter, monsieur Schwartzenberg, et non de publier.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Il s’agit d’un débat de fond, légitime, que nous avons déjà eu. Le Gouvernement, en première lecture à l’Assemblée nationale, a donné son accord à la proposition de la commission des lois, et il souhaite respecter ce choix en deuxième lecture. Quelle est la grande différence entre les déclarations d’intérêt et les déclarations de patrimoine ? La déclaration de patrimoine risque de mettre en cause des tiers, du fait de certaines situations patrimoniales telles que les biens en communauté, l’indivision, toutes sortes de droits relevant de la famille, et peut ainsi aboutir, indirectement, à la publication du patrimoine de personnes qui n’ont pas choisi de s’engager en politique, avec les conséquences que cela peut avoir.

La commission a présenté une proposition. Le résultat en est la publication intégrale pour les déclarations d’intérêts et la déclaration de patrimoine consultable par le citoyen. Le Gouvernement confirme sa position.

Monsieur Larrivé, l’idée que je puisse physiquement symboliser la Terreur me paraît surprenante. C’est la première fois que je l’entends. (Sourires.)

M. Matthias Fekl. Très bien !

M. le président. La parole est à M. François de Rugy.

M. François de Rugy. Certes, monsieur le rapporteur, le débat a eu lieu en première lecture, mais la vertu, s’il y en a une, de plusieurs lectures, c’est d’abord – sans doute est-ce une mauvaise raison – que cet article n’a pas été retenu par le Sénat : il est donc logique que nous y revenions. C’est une des dispositions supprimées par la Haute Assemblée.

Par ailleurs, les quelques semaines qui se sont écoulées entre la première et la deuxième lecture nous ont permis de mesurer si cette disposition de compromis – le ministre l’a dit avec des mots choisis – laborieusement élaborée, sous la pression de certaines personnalités de la majorité, a été bien reçue par nos concitoyens. La réponse est non. Cela a fait énormément de dégâts, cela a malheureusement annulé dans l’esprit des Françaises et des Français les avancées réelles que comporte ce projet de loi. Il est bien dommage de gommer les aspects positifs de ce projet par une disposition très contestable et contestée. C’est pourquoi nous proposons une dernière fois de revenir au texte initial du Gouvernement, qui avait la vertu de la simplicité et montrait très clairement que nous, députés, n’avions rien à cacher, que nous étions prêts à jouer le jeu de la transparence, comme les ministres. Si cela a été possible pour les ministres, si c’est depuis longtemps possible pour les présidents de la République, c’est aussi possible pour les parlementaires.

M. le président. La parole est à M. Roger-Gérard Schwartzenberg.

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Sans la partager totalement, je comprends parfaitement l’argumentation logique, d’une cohérence absolue, de François de Rugy. Toutefois, la lecture de l’exposé sommaire de son amendement a soulevé une question que je veux poser au Gouvernement et au président de la commission. Il est rappelé dans l’amendement de M. de Rugy que la divulgation, en tout ou partie, des déclarations de patrimoine est passible des peines prévues à l’article 226-1 du code pénal. Or j’entends que la commission aurait modifié, plus tôt dans la journée, cette disposition ou aurait, tout au moins, ôté la peine d’emprisonnement pour ne conserver que la seule amende. Je ne sais si cela est exact ou non. Si cela l’est, dites-le nous maintenant, plutôt qu’à l’occasion de l’examen de la loi ordinaire, après que la loi organique a été adoptée. Cela revient en effet à réduire l’efficacité de la dissuasion. Si celui qui divulgue des faits qu’il a consultés peut les rendre publics en étant simplement assujetti non à une peine d’emprisonnement mais à une amende de 45 000 euros – qui peut sembler élevée, mais qui ne représente pas grand-chose pour des magazines de la presse people par exemple –, cela change assez sensiblement l’esprit du texte. Pourrait-on informer l’Assemblée à ce sujet ? Cela servirait l’exactitude de nos travaux.

M. le président. La parole est à M. Lionel Tardy.

M. Lionel Tardy. Ce sujet est en effet important. Pour répondre à M. de Rugy, les déclarations de patrimoine des membres du Gouvernement ont été un test probant. Certaines, comme le soulignait Guy Geoffroy, pouvaient prêter à sourire, au point que l’on pouvait se demander si certains ministres allaient pouvoir boucler leur mois. (Sourires.) S’agissant du deuxième paragraphe de votre exposé sommaire, vous dites que la transparence a été une réelle avancée et que les dispositions que nous avons adoptées rendent inopérant le contrôle citoyen du contenu de ces déclarations. Mais avons-nous eu quelque contrôle citoyen que ce soit sur ces déclarations des ministres ? Pour ma part, je suis allé les consulter sur internet : même si certaines semblent pour le moins incomplètes à ce jour, je constate que le contrôle citoyen ne s’exerce pas particulièrement. La publication ou l’absence de publication ne changera pas grand-chose au contrôle citoyen. Pourtant, la plupart de ces membres du Gouvernement sont également des élus locaux. Normalement, les citoyens de leur circonscription doivent connaître un minimum de leur situation patrimoniale

Ce qui importe vraiment – et Guy Geoffroy l’a souligné tout à l’heure –, c’est la question de l’enrichissement personnel entre le début et la fin du mandat. Or ce n’est pas une déclaration de patrimoine à l’instant T qui permettra de s’en rendre compte.

M. Jean-Frédéric Poisson. C’est vrai.

M. Lionel Tardy. Il nous faudra y revenir. La solution actuelle me semble la moins mauvaise, même si, comme nous le verrons avec l’amendement suivant, il existe un risque de fuite assez important.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Jacques Urvoas, rapporteur. Pour répondre au président Schwartzenberg, l’amendement n8 de René Dosière a reçu un avis favorable du rapporteur et de la commission.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Le Gouvernement sera également favorable à l’amendement de M. Dosière qui supprime la peine de prison.

M. le président. La parole est à M. Roger-Gérard Schwartzenberg.

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Je remercie le Gouvernement et le rapporteur pour leur précision. Si je ne les avais pas interrogés, nous n’aurions été informés de cette décision qu’après l’examen de cet amendement, soit un peu tardivement. Les digues sautent les unes après les autres… On emploie l’adjectif « publiable », alors qu’il faudrait écrire « consultable ». On parle de consultation, et ensuite on frappe la divulgation des éléments consultés d’une peine du code pénal prévue à l’article 226-1 mais amputée d’une partie de ses éléments – et tout ceci sans en informer de manière très précise l’Assemblée nationale. Je crois que, comme ce sujet est tout à fait important pour ces projets de loi, il serait bon que nous soyons entièrement informés de cette diminution, par glissements progressifs, des protections qui sont offertes aux parlementaires dans le texte initial.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Jacques Urvoas, rapporteur. Le président Schwartzenberg connaît parfaitement les règles de cette maison. La commission qui a discuté de cet amendement était ouverte à tous ses membres. Dans l’ordre chronologique, l’amendement de M. Dosière est le n8, aussi allons-nous y venir.

(L’amendement n4 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Roger-Gérard Schwartzenberg, pour soutenir l’amendement n11.

M. Roger-Gérard Schwartzenberg.. Cet amendement regarde un peu le même sujet, que j’avais évoqué de quelques mots tout à l’heure. Au lieu de rendre consultable par les électeurs la totalité des déclarations de patrimoine, je propose de rendre publiques, et non pas seulement consultables, celles de ces déclarations dont la Haute autorité constate qu’elles sont sciemment incomplètes ou mensongères quant à l’évaluation du patrimoine – je reprends là des termes du projet de loi. Cela permettrait de ne pas rendre consultables indistinctement toutes les déclarations de patrimoine, mais de rendre publiques celles d’entre elles qui sont notoirement irrégulières.

(Mme Laurence Dumont remplace M. Denis Baupin au fauteuil de la présidence.)

Présidence de Mme Laurence Dumont

vice-présidente

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Urvoas, rapporteur. Cet amendement avait déjà été présenté en première lecture où il avait été rejeté. La commission a de nouveau donné un avis défavorable. Le groupe RRDP a eu des mots très durs sur le texte dont nous discutons, puisque vous-même, monsieur le président, vous avez dit dans votre explication de vote que le texte semblait « ébaucher une sorte de poujadisme d’État ». Il va sans dire que nous ne nous reconnaissons absolument pas dans vos propos. Nous n’avons pas en effet la même notion de la transparence, et votre amendement le prouve. De notre point de vue, votre amendement a une conception punitive de la transparence : il faudrait punir un député qui aurait mal rempli sa déclaration. Nous ne sommes pas dans cet état d’esprit.

Nous créons un droit supplémentaire : celui de consulter les déclarations de patrimoine de la quasi-totalité des parlementaires. Nous ne voyons pas en quoi cette mise à l’index publique apporterait quoi que ce soit aux sanctions déjà prévues dans le texte. C’est pourquoi la logique même de cet amendement ne convient pas à la commission qui a donné un avis défavorable. Je reprends, pour conclure, vos propos avec lesquels nous ne pouvons être d’accord : « L’exécutif paraît contribuer à l’antiparlementarisme qui n’appartient guère à la culture de la gauche. » Nous ne sommes pas antiparlementaires, monsieur le député : aussi avons-nous été très choqués et je voulais saisir l’occasion offerte par cet amendement pour vous le faire savoir.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Je partage entièrement les propos du président de la commission des lois et rapporteur. Il existe en effet une différence de conception entre nous puisque, pour évacuer in fine la question de la transparence, monsieur Schwartzenberg, vous la limitez à une réaction punitive. Il s’agit d’une démarche différente. Ne publier que les déclarations considérées comme fautives par la Haute autorité, dans une perspective punitive, relève d’une logique qui n’est pas la nôtre. Ce serait changer le corps même du texte. Il y a une forme d’incompréhension, car ni à l’Assemblée, ni au Sénat, vous ne voulez admettre qu’il puisse exister un droit nouveau, qui répond aujourd’hui à une attente des citoyens. Votre combat sera nécessairement, un jour, considéré comme un combat d’arrière-garde. Aujourd’hui en effet, une demande existe, liée à un contexte de soupçon. Certes, nous pouvons trouver cela révoltant. Cependant, la question n’est pas celle du fondement de notre argumentation, mais celle de l’écoute de la parole publique. Il existe une certaine suspicion à l’égard de la parole publique…

M. Jean-Frédéric Poisson. Mais cela n’a rien à voir !

M. Alain Vidalies, ministre délégué. …qui doit être prise en considération. On peut nier cette réalité et l’écarter, mais pour le Gouvernement et la majorité, l’inaction n’est pas une réponse possible – car même s’ils sont absents de ce débat une nouvelle fois, certains font de cette situation leur fonds de commerce. La réponse républicaine aujourd’hui à l’extrême-droite,…

M. Jean-Frédéric Poisson. Je ne vois pas le rapport avec le progrès républicain !

M. Guy Geoffroy. Nous sommes tous républicains !

M. Alain Vidalies, ministre délégué. …sur cet antiparlementarisme qui est son fonds de commerce, est l’octroi de ce droit nouveau aux citoyens. Voilà, me semble-t-il, une mission fondamentale de la gauche comme de l’ensemble des républicains.

Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Morin.

M. Hervé Morin. Je laisse s’achever ce débat, mais figurez-vous que pour une raison que j’ignore, M. Baupin a omis d’annoncer mon amendement. Quel est donc cet ostracisme qui m’empêche de défendre mon amendement ? C’est pourquoi je vous demande, madame la présidente, la possibilité de m’exprimer sur l’amendement n25.

Mme la présidente. Votre amendement a été retiré. Il ne fait d’ailleurs pas partie de la liasse.

M. Lionel Tardy. Mais si, il est dans la liasse !

M. Hervé Morin. Je suis bien présent et je ne retire pas cet amendement !

Mme la présidente. La parole est à M. François de Rugy.

M. François de Rugy. M. Schwartzenberg a tenté de démontrer tout à l’heure, au cours de la discussion générale, que l’existence de cette Haute autorité, ainsi que les pouvoirs qui lui sont conférés, étaient une atteinte à la séparation des pouvoirs. Cet argument avait déjà été développé en première lecture par le groupe UMP. Il repose sur l’idée que cette Haute autorité, dont les membres seraient nommés par le Gouvernement, induisait une atteinte de l’exécutif sur le législatif, d’autant que, ses membres étant issus pour une partie de l’instance judiciaire, il existait a fortiori une nouvelle atteinte à la séparation des pouvoirs. Or je ne conçois pas le contrôle des patrimoines comme une atteinte à la séparation des pouvoirs. À ce compte-là, le simple contrôle fiscal d’un député y constitue également une atteinte. C’est sur le travail législatif que nous devons être vigilants.

En revanche, si l’on donne à la Haute autorité un pouvoir d’appréciation, la laissant juge de publier ou non un patrimoine, on la met, sans doute à son corps défendant, en situation de peser sur le débat politique. Il faut refuser absolument cette possibilité. C’est pourquoi la formule défendue par notre rapporteur m’a inquiétée. Elle va en effet instrumentaliser la Haute autorité, puisque demain certains, après avoir consulté des déclarations de patrimoine, pourront faire naître le doute tout en restant vagues – pour éviter une amende, ou une peine de prison, comme nous le verrons tout à l’heure – et saisiront la Haute autorité, ce qui créera de fait la suspicion.

Adopter votre amendement, monsieur Schwarzenberg, nous mettrait dans une situation encore pire, puisque l’on ferait de la transparence une punition. La transparence doit être la règle générale et c’est à cette seule condition qu’elle ne sera plus une punition.

Mme la présidente. La parole est à M. Roger-Gérard Schwartzenberg.

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Je ne peux pas laisser le rapporteur et le ministre sans réponse. Leurs propos ne me semblent pas très conformes aux normes habituelles du débat parlementaire. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) J’exprime ce que je ressens. Si j’étais le seul à défendre ce point de vue – sur le fait que ces projets de loi ne visent pas à donner une image favorable des parlementaires –, M. Urvoas pourrait soutenir et développer à loisir sa théorie, mais je ne suis pas le seul. Je pourrais retrouver d’ailleurs beaucoup de ses déclarations dans la presse, dans des interviews où il procède à la même analyse que moi.

Je retrouverai de même sans difficulté, parce qu’il ne s’en dissimule pas, les déclarations et les interviews du président de l’Assemblée nationale qui procèdent aussi de la même analyse. Je serais heureux, d’autant plus quand il s’agit de dialogue avec un président de groupe, que le ministre et le rapporteur utilisent des arguments qui ne soient pas d’une nature qui me paraît à la fois inexacte et assez blessante.

(L’amendement n11 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements, nos 7 et 8, qui peuvent faire l’objet d’une présentation commune. La parole est à M. René Dosière, pour les soutenir. L’amendement n7 fait l’objet d’un sous-amendement, n° 33

M. René Dosière.. Je souhaite en effet, madame la présidente, défendre en même temps les amendements nos 7 et 8 parce qu’ils se rapportent au même objet, c’est-à-dire aux sanctions qui s’appliquent lorsqu’il y a divulgation d’une déclaration de patrimoine après l’avoir consultée.

L’amendement n8, auquel M. Schwartzenberg faisait allusion, tend à supprimer la peine de prison, qui est prévue en cas de divulgation. Cette proposition de suppression résulte de notre analyse des débats des deux premières lectures. Dans notre esprit, cette suppression de la peine privative de liberté ne serait pas de nature à faciliter la divulgation, bien au contraire, car on nous a fait observer qu’un an de prison était une sanction particulièrement lourde mais qu’on pourrait très facilement trouver aujourd’hui, dans les milieux journalistiques, quelqu’un qui prendrait ce risque, se disant : «Mettre un journaliste en prison, c’est encore plus répréhensible. » C’est un bon argument : prévoir uniquement une peine financière sera beaucoup plus dissuasif car cela évitera à un certain nombre de gens de commettre des extravagances en ce domaine, du fait de la certitude que la sanction, dès lors qu’elle devient proportionnée, sera beaucoup plus appliquée et donc plus efficace.

L’amendement n7 limite les cas où la divulgation peut être sanctionnée. Il prévoit une circonstance qui n’était pas prévue dans les textes, à savoir celle où le déclarant lui-même ferait volontairement et publiquement état de son patrimoine. Il est bien évident qu’on ne peut pas dès lors opposer à autrui le fait de le divulguer. L’ amendement précise que cela vaut même si l’intéressé n’a divulgué qu’une partie de son patrimoine, pour éviter toute instrumentalisation.

Mme la présidente. La parole est M. le rapporteur pour soutenir le sous-amendement n33 à l’amendement n7, et pour donner l’avis de la commission sur ces deux amendements.

M. Jean-Jacques Urvoas, rapporteur.. La commission a donné un avis favorable à mon sous-amendement ainsi qu’à l’amendement n7 de M. Dosière. Mais nous sommes sur un sujet qui nécessite que les députés disposent de tous les éléments de réflexion pour qu’on ne se trompe pas sur le sens du vote.

Chacun comprend bien la démarche que défend René Dosière, et j’imagine que tout le monde la partage. Il serait en effet stupide de sanctionner un parlementaire qui aurait fait lui-même état des éléments contenus dans sa déclaration. À compter du moment où il en rend publique ne serait-ce qu’une partie, que d’autres aient envie d’en publier le reste serait assez logique puisque c’est lui qui a pris l’initiative. Mais il s’agit de bien définir l’incrimination pénale puisque je ne voudrais pas qu’une fragilité dans l’écriture de l’amendement aboutisse à ce que le Conseil constitutionnel censure la totalité de l’article1er qui définit l’incrimination sur laquelle nous avons tous beaucoup réfléchi. Par conséquent, que signifie « faire état publiquement de tout ou partie de son patrimoine » ? Supposons que je sois pris en photo dans Le Télégramme ou dans Ouest France devant mon bateau (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)… Je n’ai pas de bateau, vous le verrez dans ma déclaration de patrimoine, mais c’est une hypothèse d’école.

M. Jean-Frédéric Poisson. Ça va venir !

M. Jean-Jacques Urvoas, rapporteur. Je vous prie, mes chers collègues, de vous mobiliser sur l’essentiel et de ne pas vous laisser attirer vers des digressions inutiles. Je suis pris en photo, disais-je, devant un élément de mon patrimoine et c’est publié dans la presse. Est-ce une divulgation volontaire ou non ? Cela pose le problème du caractère partiel mais aussi volontaire de la divulgation.

C’est pourquoi j’ai déposé un sous-amendement qui vise à préciser que l’intéressé a « rendu publique sa déclaration de situation patrimoniale ». Je propose même d’en accentuer la précision en le rectifiant ainsi : « a volontairement rendu publique […] » parce que l’intentionnalité doit figurer dans le texte,…

M. Lionel Tardy. Est-ce vraiment une question fondamentale ?

M. Jean-Jacques Urvoas, rapporteur. …sinon nous aurons des difficultés devant le Conseil constitutionnel.

La commission a également donné un avis favorable à l’amendement n8, suite aux débats qui ont eu lieu au Sénat. Je rappelle que les pénalités prévues dans le projet de loi – une année d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende – ne sont pas sorties toutes seules des réunions de la commission mais font évidemment référence à l’article L. 226-1 du code pénal, qui vise les atteintes à la vie privée, ce qui est bien le champ dans lequel nous nous plaçons. Nous avons donc repris les sanctions qu’il prévoit. Nous pensons qu’une commission mixte paritaire aurait abouti au même compromis.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Je confirme ce que vient de dire le rapporteur, à savoir que les débats au Sénat ont bien montré que la majorité du moment était pour l’absence de peine d’emprisonnement. C’était l’une des conditions de la réussite d’une éventuelle CMP. Comme il ne s’agit pas d’ignorer les travaux de la Haute assemblée, je pense tout à fait correct de prendre en compte ce qui a été une demande forte émanant de plusieurs groupes au Sénat.

J’en viens au problème de la publication volontaire des patrimoines. Il faut être extrêmement attentif car la rédaction votée par votre assemblée en première lecture laissait planer une ambiguïté sur le plan de l’application du droit pénal dans la mesure où on ne faisait pas la distinction entre des parlementaires qui rendaient spontanément leur patrimoine public, sur un site internet ou dans des journaux de leur région, et ceux qui ne le faisaient pas, et tout commentaire pouvait faire l’objet d’une sanction pénale. À cet égard, les amendements de M. Dosière sont une initiative utile, sous réserve, et je partage totalement l’analyse du rapporteur, que l’alinéa 49 ainsi amendé ne puisse faire référence qu’à la publication de la déclaration souscrite par le parlementaire. En effet, s’il ne s’agit que d’une publication partielle, par exemple la partie concernant l’immobilier ou celle sur les comptes bancaires, ce ne serait pas cohérent du point de vue de l’application de la loi pénale de l’assimiler à ladite déclaration.

Par conséquent, il y aura d’une part ce qui sera commun à tous les parlementaires, à savoir la déclaration de patrimoine qu’ils vont déposer auprès de la haute autorité qui les transmettra ensuite dans les préfectures pour qu’elles soient consultables par les citoyens, d’autre part, le cas où les parlementaires décideront eux-mêmes de publier l’intégralité de leur déclaration, se plaçant alors évidemment hors du champ d’application de cette disposition pénale. C’est pourquoi le Gouvernement est favorable aux amendements nos 7 et 8, sous réserve de l’adoption du sous-amendement n33.

Rappel au règlement

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Dolez, pour un rappel au règlement.

M. Marc Dolez. Sur la base de l’article 58 alinéa 1er relatif au bon déroulement de nos travaux, j’interviens pour rappeler qu’il serait tout de même souhaitable que la présidence informe l’Assemblée de ses intentions concernant la suite de nos débats. Je vous ai vu arriver au Perchoir à dix-neuf heures cinquante, madame la présidente, j’en ai donc conclu que l’idée d’une séance prolongée était dans l’air, mais encore faudrait-il que nous en soyons informés et les responsables des groupes consultés, ce qui n’a pas été le cas en ce qui concerne le groupe que j’ai l’honneur de représenter ce soir. Je m’étonne fortement de cette manière de faire, d’autant plus que la Conférence des présidents avait prévu une séance à partir de vingt-et-une heures trente, et je crois que nous avons encore du pain sur la planche. Il faudrait vraiment nous éclairer sur la suite de nos travaux et éviter ce type de fonctionnement qui n’est pas acceptable.

Mme la présidente. Monsieur le député, je reconnais un petit loupé puisque j’avais cru comprendre que l’ensemble des groupes était d’accord sur le principe d’une prolongée. C’est d’ailleurs pour cette raison que je suis arrivé à cette heure-ci et non pas à vingt-et-une heure trente.

M. Marc Dolez. On n’a pas été consultés !

M. Bernard Roman. C’est un manque de transparence !

Mme la présidente. S’il y a eu une petite erreur, j’en suis désolée, mais je vous confirme que l’idée était bien de prolonger la séance et j’avais compris qu’il en avait été ainsi décidé.

M. Lionel Tardy. Alors que fait-on ?

Mme la présidente. Je propose que nous prolongions la séance pour aller, si c’est possible, au bout de l’examen de ces textes.

La parole est à M. Marc Dolez.

M. Marc Dolez. Je vous entends madame la présidente, mais vous comprendrez qu’en signe de protestation mais aussi pour nous permettre de nous organiser puisqu’une telle situation n’était pas prévue, je demande une suspension de séance.

Mme la présidente. La suspension est de droit.

Suspension et reprise de la séance

Mme la présidente. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt heures quinze, est reprise à vingt heures vingt.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

Article 1er (suite)

Mme la présidente. Monsieur le député Dolez, pour la bonne organisation de nos débats, je propose que nous terminions l’article puisque tous les amendements ont été défendus à l’exception de l’amendement n35. Nous suspendrons nos travaux à la fin de l’article 1er.

La parole est à M. Lionel Tardy.

M. Lionel Tardy. Nous sommes tout de même assez naïfs de passer quasiment une demi-heure sur la problématique des sanctions alors qu’il s’agit d’un pur habillage politique. Cette déclaration de patrimoine, on la publie intégralement ou on ne la publie pas. Cette consultation en préfecture, honnêtement, cela fait rire tout le monde. Vous vous attachez à avoir des sanctions pleinement applicables alors que le problème est bien autre comme vous le verrez dès les élections municipales.

Certains avaient défendu l’idée de tenir des registres de consultation en préfecture pour responsabiliser et éviter des fuites. Je rappelle encore une fois que toutes les personnes qui pourront consulter ces déclarations en préfecture en feront ensuite ce qu’elles veulent. Les sanctions seront applicables sur le territoire français mais que se passera-t-il ailleurs ?

Prenons le cas de la Haute-Savoie. Si quelqu’un va consulter en préfecture, prend des notes, rien ne lui interdit d’aller à l’étranger, à La Tribune de Genève, par exemple, ou d’utiliser un prête-nom en Suisse pour pouvoir divulguer tout ce qu’il veut. Toutes les sanctions sur lesquelles nous venons de passer pratiquement une demi-heure ne serviront strictement à rien.

En réalité, il n’y aura aucune poursuite. Vous passez une demi-heure à valider les sanctions pour qu’il n’y ait pas de problème constitutionnel mais le problème n’est pas là. Honnêtement, tout ce que nous faisons là ne sert pas à grand-chose puisque de toute façon les informations passeront par l’étranger, vous le savez tous. Cela se fait déjà lors des scrutins nationaux : nous connaissons les résultats des élections présidentielles avant qu’ils soient officiellement publiés en France. Ce sera exactement pareil pour ces publications de patrimoine. Évitons de perdre du temps parce que tout cela ne sert pas à grand-chose.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson.

M. Jean-Frédéric Poisson. Nous sommes en train de mettre le bras dans un engrenage. Merci, monsieur de Rugy, d’illustrer mon propos, je vois que nous avons parmi nous un expert en engrenage. (Sourires.) Très franchement, que le rapporteur en soit conduit à dire que la déclaration devrait être publiée intégralement et volontairement… Il faudrait ajouter : sans y avoir été conduit par des publications sauvages, et ajouter des alinéas et des tirets parce que cela n’a pas de fin.

M. Guy Geoffroy. C’est une machine infernale !

M. Jean-Frédéric Poisson. Je salue vos efforts de rédaction pour que tout cela soit praticable, mais une fois que le principe de départ est faussé, c’est une machine sans fin comme nous l’avions signalé en première lecture. Malheureusement, cela se confirme. Quels que soient vos efforts pour tenter d’améliorer le texte, monsieur le rapporteur, je crains que nous ne soyons partis dans quelque chose de non maîtrisable.

Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Morin.

M. Hervé Morin. D’une manière générale, j’ai tendance à être plutôt favorable aux amendements qui suppriment des peines de prison parce qu’on met de telles peines à tout bout de champ, pour tout dispositif. La plupart du temps, elles sont inapplicables parce que l’on n’imagine pas priver quelqu’un de liberté pour telle ou telle infraction.

Cela étant, derrière les explications totalement embarrassées du rapporteur sur son bateau qui n’est ni un Bénéteau, ni un je-ne-sais-quoi mais peut-être un navire de la marine nationale…

M. Sébastien Denaja et M. Lionel Tardy. Un Duflot !

M. Hervé Morin. …nous voyons que, comme ce dispositif n’a pas de sens et qu’il manque de cohérence, on cherche des solutions pour essayer de faire en sorte que tout cela tienne à peu près la route. Mais cela ne tient pas la route !

C’était le sens de mon amendement n25, madame la présidente. Si l’on considère que la déclaration de patrimoine sert à quelque chose, on y va complètement : on les déclare, on les publie, on les imprime dans le Journal officiel ou je ne sais où. Bref, on fait en sorte d’être cohérent.

En outre, monsieur Dosière, avec votre histoire de journaliste qui ne serait pas emprisonné, vous oubliez qu’il y a quand même beaucoup d’articles de presse ou des sites internet qui ne sont pas signés, dont on ne connaît pas les rédacteurs mais seulement une direction de rédaction appartenant à tel ou tel groupe de presse. Qui va être responsable ?

M. Christophe Léonard. Le rédacteur en chef !

M. Hervé Morin. Dans quelles conditions ? Roger-Gérard Schwartzenberg a raison : 45 000 euros ne pèsent rien s’il n’y a pas de signature. Dans ces conditions, allez jusqu’au bout puisque vous l’avez décidé, allez jusqu’à la publication.

Mme la présidente. La parole est à M. François de Rugy.

M. François de Rugy. Je suis un peu gêné que l’on examine en même temps l’amendement n7 et l’amendement n° 8, qui n’ont pas grand-chose à voir l’un avec l’autre. Vous me permettrez d’être un peu plus long pour évoquer les deux.

Voyons d’abord l’amendement n7. Si l’on est mal à l’aise avec cette question de la publication non-publiable que certains vont quand même faire volontairement, il faut y aller carrément. Sinon, je ne vois pas l’intérêt de se faire des nœuds au cerveau avec des situations de ce type qui seront assez inextricables.

Prenons le cas d’un député qui a été ministre et qui, à ce titre, a dû publier son patrimoine. Une fois redevenu député – ce sont des choses qui arrivent… – il voit publier son patrimoine par un concitoyen, un organe de presse, un adversaire politique ou qui sais-je encore. Il proteste qu’il n’est plus concerné. Nous voyons bien qu’un tel cas plaide pour une pleine transparence.

Quant à l’amendement n8, il fait écho à un débat que nous ne pouvons pas faire semblant d’ignorer et sur lequel certains d’entre nous ont pris position : la condamnation dont a fait l’objet le site internet et organe de presse Mediapart, selon la législation actuelle, pour la publication de documents. Il a été condamné à retirer des éléments ou à une très forte amende, et non pas à une peine de prison

Est-ce que cela veut dire que lorsque quelqu’un est riche – un média, un acteur politique ou un acteur politique qui détient un média –, il pourra publier des informations en prenant le risque de payer une amende de 45 000 euros ? S’il a lui-même bénéficié dans une affaire précédente d’un préjudice moral de 45 millions d’euros, cela ne le touchera pas beaucoup. D’autres ne seront pas soumis à la même règle. Ce débat montre qu’il vaut mieux une pleine transparence.

Mme la présidente. La parole est à M. René Dosière.

M. René Dosière. Je m’étonne des réactions qui se manifestent sur divers bancs de l’Assemblée pour la bonne raison que, comme l’a dit le rapporteur, il s’agit de deux amendements qui sont issus des travaux du Sénat.

M. Hervé Morin. Et alors ?

M. René Dosière. Ils ont été justement repris parce que le Sénat, malgré son débat chaotique, a quand même fait quelques observations qui nous semblent justifiées. Dans le cadre d’une deuxième lecture, il paraissait tout à fait souhaitable que l’on puisse, autant que faire se peut, reprendre des propositions intéressantes que le Sénat avait pu faire, dont ces deux-là.

M. Guy Geoffroy. Ne croyez pas que le Sénat va vous renvoyer l’ascenseur !

Mme la présidente. La parole est à M. Roger-Gérard Schwartzenberg.

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. L’amendement n7 commence par « Sauf si le déclarant » et se poursuit avec le reste de l’alinéa 49 qui n’a pas été modifié par « tout ou partie des déclarations de situation patrimoniale ». Il faudrait choisir soit le singulier dans les deux cas, soit le pluriel dans les deux cas, car une solution mixte ne se pratique guère en droit.

Par ailleurs, dans l’amendement n8, vous vous référez seulement à 45 000 euros d’amende. Je ne parle pas du fond, mais vous ne citez plus aucun article du code pénal. Vous ne citez pas l’article 226-1 parce qu’il comporte deux peines alternatives, le citer aurait pourtant le mérite d’indiquer à quoi l’on se réfère : le délit d’atteinte à l’intimité de la vie privée. Je ne suis pas persuadé que l’on puisse, sans citer aucun article du code pénal, créer une incrimination pénale nouvelle qui ne soit pas dénommée avec précision. C’est en tout cas un problème que je livre à votre réflexion.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Jacques Urvoas, rapporteur. Monsieur Schwartzenberg, si nous ne citons plus dans notre texte les références à cet article du code pénal, c’est justement parce que nous le modifions.

M. Jean-Frédéric Poisson. C’est parce qu’il n’y a plus d’emprisonnement !

(Le sous-amendement n33 est adopté.)

(L’amendement n7, sous-amendé, est adopté.)

(L’amendement n8 est adopté.)

Mme la présidente. Chers collègues, compte tenu du fait qu’il reste à examiner des amendements à l’article 1er qui ne figurent pas sur la feuille jaune, je propose de renvoyer la suite de la discussion à la prochaine séance.

2

Ordre du jour de la prochaine séance

Mme la présidente. Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures quarante-cinq :

Suite de la discussion en nouvelle lecture des projets de loi organique et ordinaire relatifs à la transparence de la vie publique.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures trente.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Nicolas Véron