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Edition J.O. - débats de la séance

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2012-2013

Compte rendu
intégral

Première séance du mardi 16 octobre 2012

SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE

SOMMAIRE


Présidence de M. Claude Bartolone

1. Questions au Gouvernement

Ressources en eau pour l’agriculture

Mme Dominique Orliac

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la

Orpaillage clandestin en Guyane

M. Gabriel Serville

M. Manuel Valls, ministre de l’intérieur

Cohérence de la politique du Gouvernement

M. Christian Jacob

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre

Financement des entreprises

M. Thierry Mandon

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre

Dépénalisation du cannabis

M. Xavier Bertrand

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux

M. le président

Alourdissement de la fiscalité

M. Jean-Christophe Lagarde

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué chargé du budget

Politique familiale

M. Philippe Meunier

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée chargée de la famille

Projet de loi de finances

M. Olivier Dussopt

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué chargé du budget

Politique économique du Gouvernement

M. Damien Abad

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué

Outre-mer

Mme Monique Orphé

M. Victorin Lurel, ministre des outre-mer

Redevance audiovisuelle

M. Georges Fenech

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué chargé du budget

Cohérence de la majorité

M. François Rochebloine

M. Alain Vidalies, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement

Taxation des retraités

Mme Marianne Dubois

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé

Dépendance

M. Christian Hutin

Mme Michèle Delaunay, ministre déléguée chargée des personnes âgées et de l’autonomie

Infrastructures de transports

Mme Eva Sas

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche

Suspension et reprise de la séance

2. Projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017

2. Projet de loi de finances pour 2013

Présentation des deux projets de loi

M. Pierre Moscovici, ministre de l’économie et des finances

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué chargé du budget

Présidence de M. Christophe Sirugue

M. Christian Eckert, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Motion de rejet préalable (Projet de loi de programmation des finances publiques)

M. Hervé Mariton

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué, M. Étienne Blanc, M. Thierry Benoit, M. Éric Alauzet, M. Pierre-Alain Muet

Motion de rejet préalable (Projet de loi de finances)

M. Yves Censi

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué, M. Étienne Blanc, M. Thierry Benoit, M. Éric Alauzet, M. Dominique Baert

3. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Claude Bartolone

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Questions au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Ressources en eau pour l’agriculture

M. le président. La parole est à Mme Dominique Orliac, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

Mme Dominique Orliac. Ma question s’adresse à monsieur le ministre de l’agriculture.

Dans le contexte actuel de changement climatique, de prise de conscience du défi alimentaire qui attend la population mondiale et des enjeux environnementaux auxquels elle devra faire face, la question de l’utilisation des ressources en eau se pose en des termes très préoccupants pour les agriculteurs.

Or, la France ne manque pas d’eau. Les scientifiques évaluent la quantité disponible à 168 milliards de mètres cubes, bien supérieure à la quantité consommée.

Les ressources hydriques sont donc importantes mais leur disponibilité est variable en fonction des saisons. La période estivale est souvent synonyme de graves problèmes pour nos agriculteurs.

Le stockage permet de concilier activité agricole et partage de la ressource, dans l’intérêt de tous les usagers et le respect du milieu naturel.

L’agriculture, surtout dans le sud, a besoin d’eau pour se développer et pour maintenir les exploitations et les actifs : un hectare de terre irriguée représente six fois plus d’emplois qu’un hectare non irrigué.

Mais de nombreux freins à la réalisation de ces projets de stockage existent : la réglementation s’est considérablement complexifiée ces dernières années ; l’instruction des dossiers est trop longue, l’administration elle-même ayant du mal à s’y retrouver ; enfin, les recours juridiques sont fréquents.

Dans ce contexte, l’abandon de deux décrets sur les retenues, annoncé le 11 juillet par Mme la ministre de l’écologie, n’était pas opportun. (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Pourtant, la réduction des possibilités de recours juridiques et le nouveau régime déclaratif prévu auraient apporté des simplifications bienvenues.

Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous indiquer si vous avez l’intention de créer les conditions favorables au développement des réserves en eau nécessaires dans nos département ruraux, afin d’atteindre l’objectif d’une agriculture toujours plus respectueuse de l’environnement, gage d’un tissu rural renforcé et source d’emplois ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP.)

M. le président. La parole est à M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche.

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche. Je tiens tout d’abord à excuser M. Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, qui n’est pas présent parmi nous. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Plusieurs députés du groupe UMP. Il n’est jamais là !

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. Vous avez tort de vociférer et de hurler, car il est retenu à Rome dans le cadre d’une réunion extrêmement importante, tant pour nos industriels que pour nos agriculteurs, du comité de sécurité alimentaire de la FAO. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

L’eau constitue en effet une nécessité pour l’agriculture, et le changement climatique nous conduit bien évidemment à réfléchir à la mise en place de pratiques plus respectueuses dans la gestion de l’eau.

Concrètement, ces problématiques doivent être traitées de façon différenciée, notamment parce que nos territoires disposent de ressources en eau variées.

Le problème ne se pose pas de la même façon selon que l’on se situe dans le sud de la France, qui bénéficie de la présence ancienne de barrages ainsi que d’un réseau de canaux, ou dans le bassin parisien, où les prélèvements sont effectués principalement dans les nappes phréatiques.

Ainsi, et vous avez raison de le souligner, il convient de promouvoir et de développer des systèmes agricoles économes en eau. Tel est l’esprit de la démarche engagée par le ministère de l’agriculture : nous devons produire autrement.

Vous évoquez les systèmes d’irrigation et retenues de substitution dites « bassines ». Bien que durable, cette solution n’a pas permis d’augmenter les disponibilités des ressources en eau, notamment en période estivale.

Sachez que cette question mobilise le Gouvernement. La recherche d’un l’équilibre entre d’une part la mobilisation des leviers disponibles et d’autre part la réalité des enjeux sur le territoire amène le ministre de l’agriculture, en accord avec Mme Delphine Batho, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, à créer une commission parlementaire pour répondre à ces enjeux. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Orpaillage clandestin en Guyane

M. le président. La parole est à M. Gabriel Serville, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. Gabriel Serville. Monsieur le ministre de l’intérieur, l’orpaillage clandestin est un grave problème qui ne concerne pas seulement la Guyane mais l’ensemble de la République, et l’exploitation abominable de la misère humaine qui entoure cette activité n’est plus tolérable. Du travail forcé à la prostitution juvénile en passant par une quasi-traite des migrants et la culture de l’ultraviolence caractérisée par des centaines d’assassinats entre orpailleurs clandestins, cette activité illégale s’assimile parfois à un véritable esclavage moderne.

Comment, au xxie siècle, la France, pays des Lumières, pays des droits de l’homme, pays signataire de la déclaration des droits de l’enfant, pourrait-elle continuer à accepter un tel état de fait ? Comment la France pourrait-elle continuer de voir sa souveraineté nationale violée en ce point du territoire ? Si de tels événements se produisaient en France hexagonale, l’émotion suscitée entraînerait une réponse immédiate des pouvoirs publics pour y mettre un terme définitif. Pourtant, la Guyane fait partie intégrante de la République, dont la Constitution nous rappelle qu’elle est indivisible.

Enfin, je rappelle que l’orpaillage clandestin entraîne la perte de centaines de millions d’euros chaque année et que des centaines d’emplois légaux sont détruits, sans compter les graves atteintes portées à la biodiversité : déforestation massive, pollutions terrestres, déversement dans nos eaux de mercure et de cyanure qui tuent ou provoquent suicides et maladies neurodégénératives chez nos compatriotes amérindiens.

Je demeure conscient de tous les efforts déjà réalisés. Cependant, ce sujet dépassant très largement le problème de l’insécurité en zone urbaine, permettez-moi d’en appeler solennellement au renforcement des actions engagées, afin de mettre un terme définitif à ces pratiques intolérables qui bafouent les valeurs de notre République.

Pour cela, monsieur le ministre de l’intérieur, vous pouvez compter sur mon soutien. Permettez-moi aussi d’avoir une profonde pensée pour Me Antoine Sollacaro. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et sur quelques bancs des groupes SRC et écologiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.

M. Manuel Valls, ministre de l’intérieur. Monsieur le député, vous l’avez rappelé avec des mots forts, l’orpaillage illégal engendre une criminalité très préoccupante : trafic de stupéfiants, prostitution, homicides. Il engendre, dans certaines zones de Guyane, une atmosphère de violence intolérable pour la République. À cet égard, je tiens à saluer ici, avec mon collègue Jean-Yves Le Drian, la mémoire des deux militaires tués à Dorlin le 27 juin dernier. Les conséquences sont également dramatiques pour la santé publique et pour l’environnement.

Comme vous l’avez rappelé, la lutte contre l’orpaillage est une priorité. Depuis 2008, l’opération ARPI engage sur le terrain les forces de gendarmerie et des renforts militaires conséquents. Cette lutte vise à déstabiliser durablement cette économie en asséchant les flux logistiques qui irriguent les chantiers clandestins, en détruisant les chantiers illégaux et les moyens de production des orpailleurs et en démantelant des filières.

La situation reste cependant préoccupante et les efforts déployés depuis quatre ans par l’État, s’ils ont permis d’obtenir une décrue de l’activité illégale, continuent à poser un défi redoutable à l’État et à la République. Nous devons donc chercher à renforcer l’efficacité de l’opération ARPI par un travail en synergie avec les autres services de l’État.

L’acquisition de renseignements opérationnels et la coordination internationale font partie de ces éléments. Ils ont permis, par exemple, la mise hors d’état de nuire de dix des responsables des meurtres de Dorlin.

Mais vous avez raison, il faut continuer ce travail. C’est une priorité pour la sécurité et la santé des Guyanais et pour leur environnement. En tout cas, je vous garantis que nous avons la ferme volonté de poursuivre cette action. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Cohérence de la politique du Gouvernement

M. le président. La parole est à M. Christian Jacob, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Christian Jacob. Monsieur le Premier ministre, cinq mois après votre nomination, il ne se passe pas un jour sans qu’un dirigeant du parti socialiste ou pire, l’un de vos ministres, ne vous défie, ne vous conteste ou ne vous contredise en public. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

En quatre jours, c’est le rapporteur général du budget qui, contre votre avis, intègre les œuvres d’art dans le calcul de l’ISF, c’est le président du groupe socialiste à l’Assemblée nationale, monsieur Bruno Le Roux, qui s’oppose à vous publiquement sur la procréation médicalement assistée. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe UMP.) Et comme ce n’est pas suffisant, il est rejoint en cela par votre ministre de la santé qui le soutient, là encore contre votre avis. C’est le président de notre Assemblée, monsieur Claude Bartolone, qui remet en cause votre engagement à tenir les 3 % de déficit. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe UMP.) C’est votre ministre du budget, monsieur Cahuzac, qui s’oppose publiquement à vous sur la redevance audiovisuelle. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) C’est le ministre de l’éducation nationale (« Hou ! » sur les bancs du groupe UMP) qui ouvre ce débat scandaleux et suicidaire sur la dépénalisation du cannabis. Et j’apprends à l’instant que Mme Pulvar présente M. Montebourg comme un de vos possibles successeurs ! (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP.)

Monsieur le Premier ministre, les Français se demandent donc aujourd’hui s’il y a encore un pilote dans l’avion. (« Non ! » sur les bancs du groupe UMP.)

Après les couacs à répétition entre vous et votre majorité, votre autorité n’est-elle pas gravement remise en cause ? (Mmes et MM. les députés du groupe UMP se lèvent et applaudissent – Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre. (Mmes et MM. les députés des groupes SRC, RRDP, écologiste et GDR se lèvent à leur tour et applaudissent – « Démission, démission ! » sur les bancs du groupe UMP – Huées sur les bancs du groupe SRC.) Mes chers collègues, veuillez vous asseoir et faire silence. Pensez à l’image que vous donnez de l’institution !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Merci, monsieur Jacob, pour votre excellente question, aussi brillante que d’habitude ! (Rires sur les bancs du groupe SRC.)

Chacun sait que, si vous êtes dans l’opposition, ce n’est pas par hasard. Moi, je ne suis pas Premier ministre par hasard. (Rires sur les bancs du groupe UMP.) Je suis Premier ministre parce que j’ai la confiance du Président de la République et de la majorité. (Mmes et MM. les députés des groupes SRC, RRDP et écologiste se lèvent et applaudissent.) Vous, vous avez été sanctionnés par le peuple français, mais vous n’avez pas un seul instant, une seule minute, une seule seconde, trouvé le temps de chercher les causes de votre échec et de la sanction dont vous ne vous sortez pas.

M. Michel Herbillon. Et vous, qu’avez-vous fait depuis six mois que vous êtes au pouvoir ?

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Vous en êtes totalement incapables.

Moi, je ne me sens pas du tout insulté par vos formules.

M. Bernard Deflesselles. C’est la réalité !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Monsieur le président Jacob, vous dépensez toute votre énergie aujourd’hui vers une seule chose : qui va gagner la bataille de la présidence du parti UMP ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Qui va se partager l’héritage de M. Sarkozy ? Mais pour nous, cet héritage, c’est 600 milliards de dettes supplémentaires en cinq ans, (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, RRDP et écologiste), 70 milliards de déficit du commerce extérieur, un chômage qui augmente depuis seize mois consécutifs et qui touche désormais plus de 10 % de la population active. C’est votre responsabilité. Alors, allez donc chercher d’abord en vous-mêmes les causes qui ont conduit le pays dans les difficultés qu’il rencontre. (Mmes et MM. les députés du groupes SRC se lèvent et applaudissent.)

Moi, je fais face, avec le Gouvernement, au combat pour le redressement de la France. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Et cette tâche, elle est considérable.

Mesdames, messieurs les députés de la majorité, je vous remercie des premières décisions que vous avez permis de voter. La semaine dernière encore, vous avez adopté un projet de loi qui permet, dès le 1er novembre, de signer les premiers contrats pour les emplois d’avenir pour les jeunes victimes du chômage, ces jeunes trop nombreux au chômage du fait de la politique de la droite. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, RRDP et écologiste.)

Quant à la négociation avec les partenaires sociaux concernant les contrats de génération qui permettront de maintenir dans l’emploi 500 000 seniors et de recruter 500 000 jeunes en CDI, elle avance, et je sais qu’elle sera positive parce que chacun des participants a envie, contrairement à vous, mesdames, messieurs les députés de l’opposition, d’être utile à la France et de redonner de la confiance et de l’espoir. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, RRDP et écologiste.)

Moi, je n’ai pas d’autre mission que celle-là. Je connais la difficulté de la tâche. Je savais que ce serait difficile, mais vous n’avez pas de leçon à nous donner. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Aujourd’hui débute l’examen du budget de la France. L’objectif de 3 % de déficit, nous le tiendrons. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Mais c’est plus difficile qu’avant parce que vous avez laissé la dette exploser. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.) Je n’accepte pas que le premier budget de la France soit le budget de remboursement des emprunts. Le premier budget de la France devrait être aujourd’hui celui de l’éducation… (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Michel Herbillon. M. Peillon préfère s’occuper du cannabis !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. …celui de l’investissement dans la recherche, dans l’innovation, la compétitivité.

Ce budget, mesdames, messieurs les députés de la majorité, je sais que vous allez le voter car il est courageux, juste et qu’il prépare l’avenir de la France. (Mmes et MM. les députés des groupes SRC, RRDP et écologiste se lèvent et applaudissent – Huées sur les bancs du groupe UMP.)

Financement des entreprises

M. le président. La parole est à M. Thierry Mandon, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Thierry Mandon. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre. Elle concerne le financement de notre économie, le financement de nos PME, le financement de notre industrie, c’est-à-dire les vrais problèmes du pays, qui sont notre seule préoccupation. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Il y a quelques jours dans mon département, l’Essonne, j’ai rencontré une entreprise… (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP.) Quinze salariés, besoin de financement : 500 000 euros pour racheter un concurrent allemand.

Il y a quelques jours encore, j’ai rencontré les dirigeants d’une autre entreprise, dans le secteur de l’optique, (Même mouvement) qui avait besoin de 5 millions : sinon, impossible de financer un investissement qui lui aurait permis de créer trente emplois.

Et il y a quelques jours encore, une troisième entreprise (Même mouvement) allait chercher au Japon ce que les systèmes de financement mis en place ces dernières années ne lui permettent pas de trouver en France, à savoir le financement d’un investissement. En jeu : quarante emplois.

J’ai eu l’occasion de parler de ces difficultés concrètes que nous connaissons depuis des mois dans nos territoires au ministre de l’Économie et des Finances, et au ministre du Redressement productif. Les inquiétudes sont vives et nous qui sommes préoccupés du financement des entreprises – je pensais que c’était le cas sur tous les bancs – , nous le sommes plus encore par la mise en place prochaine des accords de Bâle III qui, en exigeant des ratios de fonds propres plus élevés pour les banques, en exigeant des liquidités supérieures, vont raréfier le financement de notre tissu industriel et de nos PME.

Monsieur le Premier ministre, je vous sais conscient de ces difficultés. Quelles mesures le Gouvernement compte-t-il prendre pour améliorer le financement de nos entreprises industrielles et pour développer l’emploi dans ce pays ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre.

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Monsieur le Président, mesdames et messieurs les députés, monsieur le rapporteur du budget de l’industrie, nous étions ensemble hier à Nantes… (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP.) … au cœur même de ce qu’il faut faire pour le redressement industriel de notre pays. Nous étions ensemble dans une région de longue tradition industrielle qui a connu de multiples chocs, de multiples épreuves de restructuration, mais qui, comme d’autres régions, n’a jamais renoncé à relever le défi de la compétitivité et du redressement productif. Nous sommes allés rencontrer des chefs d’entreprise, de grandes entreprises et de PME, des chercheurs du public et du privé, et nous avons ensemble lancé le combat de la reconquête de la compétitivité de l’industrie de la France. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Demain, le Conseil des ministres va prendre une importante décision : la création de la banque publique d’investissement. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP et sur quelques bancs du groupe GDR.)

Quand je rencontre comme vous des chefs d’entreprise, ils me disent : « Nous avons du mal à accéder au crédit. Aidez-nous à avoir des fonds propres dans nos PME, aidez-nous à faire de nos PME des entreprises puissantes de taille intermédiaire, aidez-nous à les adosser aux grands groupes, aidez-nous à exporter. » La banque publique d’investissement sera faite pour ça. On l’attendait depuis longtemps. Mesdames et messieurs les députés, ce n’est pas la droite qui l’a fait, c’est la gauche qui va le faire. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

Ce sera décidé demain, parce qu’il y a urgence. Et j’entendais les donneurs de leçon il y a quelques instants : n’ont-ils aucun complexe ? N’ont-ils aucune modestie ? Ont-ils oublié qu’en dix ans, 750 000 emplois industriels ont été détruits dans notre pays ? Eh bien moi je dis : « Ça suffit ! » (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Il faut tourner la page. C’est votre responsabilité. Oui, je le dis, parce que beaucoup de Français se demandent s’il y a un avenir pour l’industrie française. Nous allons nous battre pour le redressement de la France et il n’y aura pas de redressement de la France sans industrie compétitive : une industrie qui résiste, une industrie qui soit puissante, une industrie qui crée des emplois, qui innove, qui permette le rayonnement de la France et qui relève également le défi du commerce extérieur. Je me rendrai également, cette semaine, après la décision du Conseil des ministres, à Singapour, puis aux Philippines, pour dire qu’à la fin du quinquennat, nous voulons l’équilibre dans notre commerce extérieur. Notre déficit est de 70 milliards d’euros, dont 25 milliards hors énergie. Nous voulons rétablir l’équilibre hors énergie en cinq ans. Nous menons aussi le combat pour la transition énergétique. La France a un avenir, elle va s’en sortir, elle le fera avec des efforts, des efforts qui soient justes, et elle décide des outils nécessaires. C’est ce que vous ferez bientôt, lorsque le Conseil des ministres aura approuvé ce projet de loi portant création d’une banque publique d’investissement. Vous pouvez regarder l’avenir avec confiance : vous avez un Gouvernement qui travaille, une majorité qui le soutient et les Français attendent que la France reparte de l’avant. C’est ma mission, celle du Gouvernement et celle de la majorité. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

Dépénalisation du cannabis

M. le président. La parole est à Xavier M. Xavier Bertrand, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Xavier Bertrand. Monsieur le Premier ministre, les propos tenus ce dimanche par votre ministre de l’Éducation nationale (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) sont non seulement scandaleux, mais catastrophiques de la part du ministre chargé de l’éducation de nos enfants. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

Le message adressé est très clair : la faiblesse, le laxisme sont de retour à la tête de l’État et dans votre gouvernement. Je le dis parce que je sais que cela va déplaire à certains : une société pour se construire a besoin d’interdits. Les enfants aussi, pour se construire et grandir, ont besoin d’interdits. Je sais que cela déplaît aux tenants d’une gauche soixante-huitarde qui préfère la permissivité. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.) J’assume le besoin de cet interdit dans la société française.

M. le président. Du calme. Ecoutez l’orateur.

M. Xavier Bertrand. Le message que vous adressez, monsieur le ministre de l’Éducation nationale, c’est qu’on peut se permettre de consommer du cannabis. Ce qui est vrai, c’est que c’est un danger sans pareil pour nos enfants ; ce qui est vrai, c’est que les pays qui ont été les plus laxistes sont en train de faire marche arrière. Ce qui est vrai, c’est que plus de la moitié des jeunes qui ne touchent pas au cannabis disent qu’ils s’abstiennent parce que c’est interdit. Est-ce cela que vous voulez casser ? Pas nous, monsieur le ministre de l’Éducation nationale !

En revanche, qui dit vrai monsieur le Premier ministre, quand vous dites un jour que le débat est clos, alors qu’à plusieurs reprises Mme Duflot et M. Peillon disent le contraire ? Qui dit vrai monsieur le Premier ministre, quand le groupe écologiste n’attend qu’une occasion de remettre ce débat à l’ordre du jour, M. Mamère l’a répété aujourd’hui même ? Et qui dit vrai quand, comme le soulignait Christian Jacob, on a du mal à s’y retrouver : un couac un jour avec le Président de l'Assemblée nationale, un autre avec le président du groupe SRC, ou bien au sein de votre Gouvernement !

Mais là où vous avez raison, c’est que le vrai responsable n’est pas dans cet hémicycle : c’est le Président de la République qui vous a choisi, qui encourage l’émulation entre certains d’entre vous. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) La France a besoin d’un gouvernement qui gouverne et de la démission de M. Peillon. (De nombreux députés du groupe UMP se lèvent et applaudissent.)

M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés… (Applaudissements sur les bancs des groupes RRDP et SRC.) Au seul énoncé de mon nom, il y en a qui ont des réflexes pavloviens. Je ne peux que vous suggérer de consulter.

M. le président. On arrête, on écoute la réponse. C’est le Gouvernement qui choisit qui apporte la réponse. La parole est à Mme Taubira.

M. Patrick Balkany. Pas elle !

Mme la garde des sceaux. L’opposition montre ce qu’elle entend par démocratie ! Monsieur le député Bertrand, vous essayez de faire un événement du propos du ministre de l’Éducation nationale. (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Vous ne parviendrez pas à faire diversion, à faire oublier les 77 000 postes d’enseignants supprimés, ni les 150 000 adolescents qui sortent sans aucune qualification, ni la suppression de la formation des enseignants. Le Premier ministre a rappelé la position du gouvernement sur la question de la dépénalisation éventuelle des substances stupéfiantes. La position du Président de la République et du Premier ministre est aussi celle du Gouvernement. (« Peillon ! » sur les bancs du groupe UMP.)

M. le ministre de l’Éducation nationale a exprimé très clairement qu’il souscrivait à cette position. (« Peillon ! Peillon ! sur les bancs du groupe UMP.)

Il me paraît cependant utile de rappeler qu’en 2007, c’était déjà vous, et que vous avez pris des mesures proposant des alternatives à l’emprisonnement. En mai 2008, vous avez pris en circulaire en ce sens. En février 2012, vous avez pris une autre circulaire, dans laquelle vous indiquiez que, pour les mineurs, il fallait favoriser l’éducation et les mesures sanitaires. Aujourd’hui, vous avez donc des pratiques sournoises, fourbes, hypocrites.

La loi restera en l’état, c’est décision du Premier ministre, au nom du Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs des groupes RRDP et SRC et sur plusieurs bancs du groupe GDR.)

M. le président. Mes chers collègues, nous avons un débat démocratique, mais il en va de l’image de l'Assemblée nationale. Si les choses devaient continuer ainsi, je suspendrais la séance.

Alourdissement de la fiscalité

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour le groupe Union des démocrates et indépendants.

M. Jean-Christophe Lagarde. Monsieur le Premier ministre, vous déclariez à la tribune de l’Assemblée, au moins de juin, que vous n’étiez pas là pour vous cacher derrière vos prédécesseurs.

M. Marc-Philippe Daubresse. Après la gauche plurielle, la gauche « plus rien » !

M. Jean-Christophe Lagarde. Après votre première réponse et celle de Mme Taubira, je souhaite, pour le coup, que vous cessiez de vous cacher derrière vos prédécesseurs, que vous assumiez vos responsabilités et que vous gouverniez la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI et sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

Vous déclariez à la télévision, il y a quelques semaines, que 90 % des Français seraient épargnés par les nombreuses augmentations d’impôts que vous avez décidées. Or vos projets de budgets de l’État et de la Sécurité sociale montrent que c’est faux : six Français sur dix, comme le reconnaît le ministre du budget, seront frappés par le gourdin fiscal que vous avez décidé d’employer plutôt que d’engager des réformes courageuses pour réaliser des économies sur les dépenses de l’État.

Ainsi, 9 millions de salariés qui font des heures supplémentaires ont vu, le mois dernier, leur feuille de salaire baisser de 50 à 70 euros, et payeront plus d’impôts en 2013. Les retraités subiront un nouveau prélèvement que vous prétendez exceptionnel. Les classes moyennes subiront une augmentation de leur impôt sur le revenu, tout comme ceux qui font garder leurs enfants en crèche ou ont besoin d’une aide à domicile. Le tabac, la bière, les assurances vont augmenter du fait du concours Lépine fiscal que vous avez lancé.

Dans le même temps, ce sont 14 milliards d’euros que vous prélevez sur les entreprises en les grevant, en pénalisant leur compétitivité, et moins de compétitivité pour nos entreprises, c’est à coup sûr plus de chômage.

Mme Claude Greff. Très juste !

M. Jean-Christophe Lagarde. Ce sont donc là 27 milliards d’euros d’impôts nouveaux car vous n’avez pas eu le courage d’engager des réformes structurelles capables de nous faire réaliser des économies. Ce manque de courage, ce sont les Français, déjà dans une passe difficile, qui vont devoir le payer cash.

En frappant les Français au portefeuille et en affaiblissant nos entreprises, vous allez tout simplement détruire le peu de croissance qui nous reste, nous conduisant tout droit à la récession et à l’explosion du chômage. Votre budget n’est pas un budget de courage, contrairement à ce que vous venez d’affirmer, c’est un budget de récession qui ne vous permettra même pas d’atteindre les 3 % de déficit.

Pendant la campagne électorale vous avez promis un effort juste ; en vérité, c’est juste un effort énorme, exceptionnel,…

M. le président. Je vous remercie, mon cher collègue.

M. Jean-Christophe Lagarde. …sans précédent, que vous exigez des entreprises françaises, un effort… (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI et sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé du budget.

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué chargé du budget. Merci, monsieur le député Lagarde, de poser une question qui, j’en suis sûr, parce qu’elle aborde un sujet qui fera consensus, rétablira la sérénité dans cet hémicycle. (Exclamations sur les bancs des groupes UDI et UMP.)

Le budget que Pierre Moscovici et moi-même, au nom du Gouvernement, allons vous présenter prévoit une tranche supérieure de l’impôt sur le revenu de 45 % : cela ne concernera pas les classes moyennes. (Protestations sur les bancs des groupes UDI et UMP.) Ce budget prévoit le rétablissement de l’impôt sur la fortune : cela ne concernera pas les classes moyennes. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.) Ce budget prévoit une taxation exceptionnelle des revenus de plus d’un million d’euros et, sauf à ce que nous divergions gravement sur la définition des classes moyennes, cette mesure ne les concernera pas non plus. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Ce budget demandera aux revenus du capital de contribuer comme les revenus du travail, non pas davantage et non pas moins mais, donc, de la même manière, et, vous le savez, ce sont les ménages les plus aisés qui, aujourd’hui, perçoivent, pour l’essentiel, les revenus du capital. Cette disposition fera donc de très nombreux gagnants : ceux que vous avez fiscalisés avec un prélèvement forfaitaire libératoire à 19, 21 ou 24 % quand, en réalité, leur taux moyen d’imposition est de 10, 12 ou 15 %. Oui, il y aura des gagnants avec ce projet de budget, grâce à nous, alors qu’il y a eu des perdants, ces dix dernières années, à cause de vous. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC.)

Enfin, vous avez cité un certain nombre de dispositions sur lesquelles je souhaite revenir. Vous dénoncez la hausse du prix du tabac. C’est au nom de la continuité de l’État que nous avons maintenu une disposition que vous aviez prise. La hausse du prix du tabac de ce début du mois d’octobre est une disposition que vous aviez prévue, que vous aviez votée et que j’aimerais vous voir assumer.

M. Christian Jacob. Et les retraités ?

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. En ce qui concerne le montant d’imposition que vous semblez dénoncer, je regrette qu’il y ait une sorte de continuité malgré une rupture avec la politique passée.

Mme Catherine Vautrin. Il faut choisir !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Le gouvernement de M. Fillon a augmenté les impôts de 30 milliards d’euros. Nous nous apprêtons à faire de même avec la différence que nous demandons cet effort à ceux qui le peuvent tandis que vous l’avez demandé à tous les Français. (Applaudissements plusieurs les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Je vous remercie, monsieur le ministre !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Vous avez demandé au Premier ministre de ne pas se cacher derrière ses prédécesseurs ; monsieur le député, ne vous cachez pas, vous, derrière vos successeurs. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes SRC, RRDP et écologiste.)

Politique familiale

M. le président. La parole est à M. Philippe Meunier, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Philippe Meunier. Monsieur le Premier ministre, nous voulons, pour une fois, une réponse sur votre action. Il n’y a pas une semaine sans qu’un membre de votre gouvernement ne s’attaque aux familles. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Votre première décision a été de prendre l’argent de la branche famille pour financer l’augmentation de l’allocation de rentrée scolaire, remettant ainsi en cause le principe du quotient familial. (Alors que M. le Premier ministre quitte l’hémicycle, de nombreux députés du groupe UMP protestent.)

En opposant ainsi les familles pour financer votre clientélisme électoral, vous avez pris la responsabilité de casser le consensus national en confondant politique de redistribution sociale et politique familiale. Avec cette décision, pour la première fois, plus une famille aura d’enfants plus elle paiera d’impôts.

C’est non seulement injuste, monsieur le Premier ministre, c’est immoral.

En lançant, ensuite, la modification des rythmes scolaires, sans tenir compte du rythme des enfants, mais toujours en privilégiant votre clientèle électorale, vous prenez également la responsabilité de casser cet équilibre fragile entre le temps scolaire et le temps réservé aux familles pour pratiquer les activités qui relèvent de leur choix.

Votre obsession de scolariser les enfants dès l’âge de deux ans, comme l’a exprimé votre porte-parole ici même en tentant d’expliquer la nécessité d’éloigner les enfants au plus tôt de leur père et de leur mère (Protestations et rires sur les bancs du groupe SRC) pour mieux leur inculquer votre morale révèle d’ailleurs au grand jour la défiance sans précédent de ce gouvernement à l’égard des familles et de leur rôle éducatif.

Quant à vos projets de mariage homosexuel, d’adoption et de procréation médicalement assistée pour ces mêmes couples, soutenus par votre ministre des affaires sociales et de la santé, ils finiront, s’ils sont adoptés par le Parlement, par détruire les repères familiaux.

Et que dire de votre ministre de l’éducation nationale, qui souhaite la dépénalisation du cannabis, alors qu’il est chargé de l’enseignement de nos enfants, sinon demander sa démission ? Monsieur le Premier ministre, est-ce donc cela, votre morale laïque ? Votre responsabilité et votre devoir sont d’arrêter cette dérive et ces attaques incessantes de votre gouvernement à l’encontre des familles de France. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

M. le président. La parole est à Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée chargée de la famille.

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée chargée de la famille. Monsieur le député, que dire d’un gouvernement précédent qui a inscrit des dépenses supplémentaires pour la branche famille sans en prévoir les recettes correspondantes (Protestations sur les bancs des groupes UMP et UDI), et qui a donc creusé le déficit de cette même branche famille, qui a diminué la revalorisation des prestations familiales ?

Mme Claude Greff. C’est faux !

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Alors, oui, nous préférons avoir un budget famille qui consacre, grâce à la loi de financement, plus d’un milliard d’euros à la branche famille, permettant ainsi de revaloriser l’allocation de rentrée scolaire de 25 % pour les familles modestes (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC), d’enrayer l’aggravation du déficit de la branche famille en lui attribuant 650 millions d’euros.

Quant à la politique de la petite enfance, vraiment, nous n’avons aucune leçon à recevoir : alors que vous vous étiez fixé un objectif de création de 200 000 places d’accueil en crèche, vous n’en avez créé que 100 000 dont 60 000 effectivement.

Mme Claude Greff. C’est faux !

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Et, dans le même temps, vous faisiez régresser la scolarisation des enfants de deux à trois ans.

Oui, nous préférons un autre mode d’action qui permet la concertation au niveau régional et donc l’adaptation d’une politique de la petite enfance afin qu’elle soit au plus près des attentes et des besoins. Dans cette logique, nous proposerons l’abrogation du décret Morano qui a dévalorisé les métiers de la petite enfance. Il s’agit de renforcer la qualité de ces professions et, dans les territoires concernés, de lutter contre les inégalités au bénéfice des familles les plus modestes. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

Projet de loi de finances

M. le président. La parole est à M. Olivier Dussopt, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Olivier Dussopt. Monsieur le ministre du budget, dans quelques instants va débuter l’examen du projet de loi de finances pour 2013 : c’est un moment important, et un moment de vérité.

Un moment de vérité, parce que les difficultés sont importantes, et la situation dont nous avons hérité, extrêmement dégradée. (Protestations sur certains bancs du groupe UMP.) C’est aussi un moment de vérité, parce que, depuis plusieurs semaines, l’opposition multiplie les contrevérités et les approximations.

L’ardeur que mettent les députés de l’opposition – on l’a encore vu tout à l’heure – à propager des peurs et à diffuser les idées les plus injustes et les plus fausses qui soient, n’a en réalité qu’un seul objectif : celui de faire oublier qu’en dix ans, ils ont multiplié la dette de notre pays par deux. Faire oublier qu’ils voulaient assommer les Français avec la TVA sociale, que nous avons supprimée ; faire oublier leur politique fiscale, qui consistait à toujours exonérer les mêmes, à réduire les services publics, et à considérer l’école, la santé ou la dépendance comme des variables d’ajustement. Faire oublier enfin, chers collègues de l’opposition, votre échec sur les fronts de l’emploi et de l’industrie !

Mme Catherine Vautrin et M. Bernard Deflesselles. Posez votre question au Gouvernement !

M. Olivier Dussopt. Vous avez diminué, endetté et abaissé la France. Nous, nous allons la redresser avec le budget de 2013 et la programmation budgétaire. Les Français y sont prêts, et ils savent qu’il faut faire des efforts. Ils savent aussi que les efforts que nous solliciterons d’eux seront justes, contrairement à ceux que vous avez demandés aux plus faibles d’entre eux pendant cinq ans.

Monsieur le ministre du budget, ma question est très simple. À quelques instants de l’ouverture du débat budgétaire, le Président de la République ayant tracé la voie d’un redressement dans la justice, pouvez-vous nous dire quelles sont les nouvelles perspectives budgétaires ? Pouvez-vous rappeler à notre assemblée comment vous comptez conduire le budget de la France pour la redresser et rétablir la justice ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

M. Claude Goasguen. C’est ça !

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé du budget.

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué chargé du budget. Monsieur le député, la France a donné sa parole : son déficit public sera de 4,5 % du PIB en fin d’année, et de 3 % l’année prochaine.

M. Bernard Accoyer. Ah !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Il faut donc faire un effort de 30 milliards. L’examen du projet de loi de finances initiale permettra au Parlement de décider ce qu’il entend faire à cet égard, sur proposition, ou non, du Gouvernement.

Oui, il s’agit bien d’un effort de 30 milliards, que nous avons proposé de décliner de la manière suivante : 10 milliards d’économies et 20 milliards d’impôts nouveaux. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Claude Goasguen. C’est faux !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. À cet égard, et en faisant masse des prélèvements opérés en loi de finances rectificative, c’est bien un effort de 30 milliards d’euros que l’actuel Gouvernement demande aux Français cette année ; et il l’assume comme tel. C’est un effort comparable à celui qui a été demandé, sous l’empire du gouvernement de François Fillon, ce qui signifie qu’en trois ans, ce sont 60 milliards d’impôts nouveaux qui auront été demandés à nos concitoyens : 30 milliards par la majorité précédente et 30 milliards par l’actuelle.

Mme Catherine Vautrin. C’est ça, le changement ?

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Si le montant est identique, la méthode, elle, n’a rien à voir.

Mme Catherine Vautrin. Ah bon ?

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Dans ce projet de loi de finances, 90% de l’effort fiscal demandé aux ménages seront assumés par 10% d’entre eux.

Plusieurs députés du groupe UMP. C’est faux !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Je mets quiconque au défi de démontrer le contraire.

S’agissant des économies, il y a en revanche une rupture avec la majorité précédente. Je voudrais rappeler qu’au début de la précédente mandature, la majorité UMP a décidé d’engager une augmentation jamais vue de la dépense publique, tandis que nous, nous maintenons strictement, et à l’euro près, la dépense de l’État. Ce budget va en effet répondre à une norme très sévère, qui s’appelle le zéro valeur.

M. Christian Jacob. Menteur !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Pas un euro de plus ne sera dépensé, alors qu’en 2007, pour le budget de 2008, la majorité précédente avait augmenté la dépense publique de 11 milliards d’euros : une dépense faite sans compter, une dépense continue, financée uniquement par l’emprunt. Or, les emprunts finissent toujours, pour ceux auxquels ils sont censés bénéficier, par devenir des impôts.

Les impôts, c’est ce que nous connaissons depuis deux ans, et j’aimerais que la majorité précédente, ou du moins ses principaux responsables, assument ce qu’ils ont fait. En ce qui nous concerne, monsieur le député, et avec le soutien de la majorité parlementaire, nous assumerons cette politique budgétaire, parce qu’il en va de la parole de la France…

M. le président. Merci, monsieur le ministre.

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. …de la place de la France en Europe et dans le monde, et tout simplement de l’avenir de nos enfants. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP)

Politique économique du Gouvernement

M. le président. La parole est à M. Damien Abad, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire

M. Damien Abad. Monsieur le Président, permettez-moi d’abord de regretter le départ précipité du Premier ministre (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.), car ma question lui était destinée. Je m’adresserai donc à M. « l’encore Premier ministre ».

Si un Australien volant a franchi ce week-end le mur du son, force est de constater que votre Gouvernement et vous-même venez de dépasser le mur de l'incompréhension. (Applaudissements sur certains bancs du groupe UMP.)

Mur d'incompréhension, d’abord, au sein de votre propre Gouvernement dans lequel, depuis un mois, il n'y a que reculade, dérobade, rétropédalage, volte-face, confusion et dissonance en tout genre. (Même mouvement)

Mur d'incompréhension, aussi, envers les Français. Depuis que vous êtes aux manettes, ils sont devenus, pour les uns des pigeons – c’est le cas des jeunes créateurs d’entreprises, des entrepreneurs, des artisans et des commerçants – (Même mouvement), pour les autres, les dindons d’une farce qui a assez duré : je songe aux ouvriers, aux employés, et aux salariés courageux, qui voient leur salaire diminuer, car ils ne peuvent plus faire d'heures supplémentaires. Vous qui prétendez faire de la France un grand pays industriel, vous envoyez un bien triste message à notre jeunesse, à nos entreprises, à la France des classes moyennes, à la France de la majorité silencieuse, celle qui paie toujours tout et ne reçoit jamais rien !

Mur d'incompréhension, enfin, quant à votre politique et à votre budget. Avec près de 30 milliards d'euros de taxes et impôts supplémentaires, vous mettez la France à genoux, et les Français à terre. Comment croire, dans ces conditions, que seulement un Français sur dix subira de plein fouet votre matraquage fiscal ?

Alors que le moral des entrepreneurs est au plus bas, que le pouvoir d'achat des salariés est en berne, et que la confiance des Français tend à disparaître, ma question est simple, monsieur le Premier Ministre : combien de temps encore allez-vous persister dans ce qui ressemble de plus en plus à un double mensonge d'État, vis-à-vis des chefs d'entreprises, et vis-à-vis des salariés ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Monsieur le député, tout à l’heure, un de vos collègues de l’opposition a demandé au Premier ministre de ne pas se cacher derrière ses prédécesseurs.

Mme Claude Greff. Il n’est plus là !

Plusieurs députés du groupe UMP. Il est parti !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Loin de moi cette idée. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) J’aimerais que, de votre côté, vous ne vous cachiez pas derrière ceux qui vous ont succédé… (Même mouvement)

M. le président. S’il vous plaît, allez, allez !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. …et que vous interrogiez ceux qui sont autour de vous sur ces bancs, afin de leur demander ce qu’ils ont décidé, ce qu’ils ont voté et ce qu’ils ont voulu faire ! Peut-être qu’ensemble, nous tomberons alors d’accord sur ce qu’a été le résultat de ces dix ans de politique sous l’empire continu de la majorité UMP. Trouvez-vous vraiment que, sous l’empire de cette majorité, la politique que vous semblez défendre ait rencontré des succès tels, qu’il ne faille pas en changer ?

Oui, nous changeons ! Notre politique vous déplaît, et c’est normal, puisque vous avez été élus sur un programme différent du nôtre. Mais quelle impudence vous conduit donc à prétendre que ce qui fut fait pendant dix ans devrait être poursuivi ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Catherine Vautrin. Tout à l’heure, vous parliez pourtant de continuité !

M. le président. S’il vous plaît, écoutez la réponse du ministre.

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Oubliez-vous les 900 milliards d’euros de dettes ? Oubliez-vous les trois millions de chômeurs ? Oubliez-vous le déficit public qui explose ? Oubliez-vous le commerce extérieur, équilibré en 2001, et déficitaire de 70 milliards d’euros l’année dernière ? Oubliez-vous donc à ce point vos résultats, parce qu’ils datent de quatre mois ? Il faudrait donc aujourd’hui que le gouvernement de Jean-Marc Ayrault soit responsable de tout ?

Vous ironisez sur telle divergence, sur telle différence de point de vue. Voulez-vous que je vous rappelle comment le précédent Président de la République traitait son Premier ministre ? De collaborateur ! Était-ce un « couac », ou bien une insulte ? Voulez-vous que je vous rappelle quel était le surnom que le président du groupe UMP à l’assemblée donnait au Premier ministre, qu’il était censé soutenir ? « Courage, Fillon »... Était-ce de l’opposition que venaient ces insultes, ou était-ce de vos rangs ?

Mme Claude Greff. Le Premier ministre n’est pas là !

M. Bernard Deflesselles et Mme Catherine Vautrin. Répondez à la question ! Le PLF !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Et c’est au nom de ce passé, au nom de vos errements passés, que vous osez donner des leçons à cette majorité qui s’efforce de rester digne dans la tourmente, et de réparer le mal que vous avez fait à ce pays. Je vous laisse à vos polémiques, laissez-nous à notre travail. À ceux qui souhaitent travailler sérieusement, je donne rendez-vous pour la discussion du projet de loi de finances. (Les députés du groupe SRC se lèvent et applaudissent. – Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, écologiste et RRDP)

Outre-mer

M. le président. La parole est à Mme Monique Orphé, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

Mme Monique Orphé. Monsieur le ministre des outre-mer, comme vous le savez, aux dernières élections législatives, l’outre-mer a plébiscité le changement en élisant vingt députés de gauche sur les vingt-sept circonscriptions en jeu. Nous avons grandement contribué à consolider cette majorité et nous nous attachons à la faire vivre aujourd’hui, avec enthousiasme et détermination.

Il faut dire que les attentes sont fortes et nombreuses. L’espoir suscité par le Président de la République et son gouvernement est à la hauteur des défis auxquels nous devons faire face.

Ces défis, vous les connaissez : chômage, mal logement, faibles revenus ou vie chère pour n’en citer que les principaux. Autant de maux auxquels la précédente majorité n’a jamais eu le courage de s’attaquer.

Monsieur le ministre, ces maux ne sont pas naturels, ils ont des causes bien précises, comme les monopoles ou les ententes illicites s’agissant de la vie chère. Mardi soir, ici même, j’ai tenu à rappeler une réalité choquante : sur les dix communes les plus inégalitaires de France, neuf sont situées outre-mer.

Le Président de la République a pris trente engagements vis-à-vis des outre-mer. Après la loi sur les emplois d’avenir visant à s’attaquer au chômage des jeunes et la loi sur le logement social, nous venons d’adopter la loi sur la régulation économique outre-mer. Cette loi très attendue répond à l’un des principaux engagements du Président de la République pour lutter contre la vie chère. Je veux saluer ici la réactivité du Gouvernement sur tous ces sujets qui constituent les vraies priorités de nos territoires.

Dans quelques semaines, nous allons examiner le budget de l’outre-mer, qui fait l’objet d’une augmentation de 5 %. De plus, les dispositifs facilitant l’investissement outre-mer vont être préservés. Ce sont là des signes forts du Gouvernement envoyés aux territoires ultramarins.

Ces choix courageux décidés par le Premier ministre en faveur des outre-mer et conformément aux engagements présidentiels doivent être tenus. Pouvez-vous nous l’assurer ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des outre-mer.

M. Victorin Lurel, ministre des outre-mer. Madame la députée, vous soulignez à juste titre l’immense espoir suscité par l’élection de François Hollande dans les outre-mer après dix ans d’une mauvaise politique qui a créé un sentiment d’abandon dans ces régions.

Vous avez raison de dire que le vote en faveur de François Hollande s’est apparenté à un véritable plébiscite : près de 70 % des suffrages se sont portés sur son nom. Ce mouvement s’est confirmé aux élections législatives : sur vingt-sept députés, il ne reste plus qu’un seul député UMP ; encore n’est-il pas tout à fait encarté.

Un immense espoir s’est levé dans nos régions. Les engagements pris par le Président de la République sont déjà en partie réalisés. La composition du Gouvernement, aujourd’hui paritaire, est à l’image de la nation. Et vous savez la place qu’y occupent les hommes et les femmes issus des outre-mer. Il avait été dit que les outre-mer auraient un ministère de plein exercice, et votre serviteur est ici, à la tête d’un ministère plein, et au sein d’une interministérialité qui fonctionne parfaitement, sous l’autorité du Premier ministre.

Un autre engagement a été tenu avec la loi contre la vie chère, c’est ainsi que nous l’appelons, votée à l’unanimité au Sénat et ici même à l’Assemblée.

M. Bernard Deflesselles. Pour quel résultat ?

M. Victorin Lurel, ministre. J’espère qu’elle sera adoptée définitivement à la fin de ce mois. Par ailleurs, nous nous préparons au sein de cet hémicycle à discuter du budget des outre-mer qui, vous avez raison de le dire, va augmenter de 5 % cette année, et de 12 % dans les trois années à venir.

Les engagements sont tenus, et nous avons bien l’intention de continuer dans cette voie. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Redevance audiovisuelle

M. le président. La parole est à M. Georges Fenech, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Georges Fenech. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre, bien qu’il ne soit plus ici pour y répondre en personne.

Monsieur le Premier ministre, les Français ne comprennent plus la politique que vous conduisez !

Vous êtes à la tête d’un train fantôme et nos concitoyens savent maintenant qu’ils n’en sortiront pas indemnes. Manifestement cela vous faisait sourire à Lille il y a quelques jours, mais les Français, eux, cela ne les fait plus rire du tout, si l’on en croit les sondages d’opinion en chute libre vous concernant.

Dans le rôle des rançonneurs, vos ministres et votre majorité, dont la créativité est sans limite dès lors qu’il s’agit de matraquer fiscalement les contribuables, s’illustrent à merveille. Les téléspectateurs qui nous regardent doivent le savoir : leur redevance audiovisuelle va aussi augmenter l’année prochaine.

M. Dominique Baert. Mais non !

M. Georges Fenech. Comment s’en étonner, quand votre ministre de la culture avait déjà imaginé faire payer une redevance audiovisuelle pour les détenteurs d’ordinateurs, soit des millions et des millions de Français de toutes conditions.

Ensuite, le groupe SRC, que vous avez présidé pendant quinze ans, a voté la semaine dernière en commission des finances la mise en place d’une redevance pour les résidences secondaires d’un montant de 64 euros. Votre ministre du budget, Jérôme Cahuzac, était tout heureux de cette initiative à laquelle il donnait un avis favorable.

Bref, on l’a compris, alors que nous avions maintenu le pouvoir d’achat, et c’est l’INSEE qui le dit, vous avez décidé de faire feu de tout bois pour financer vos dépenses inconsidérées et contraires au pacte budgétaire européen, pacte que d’ailleurs le président de l’Assemblée nationale a déjà voué aux gémonies.

Monsieur le Premier ministre, ma question est simple : quand allez-vous renoncer à ces mesures fiscales incessantes et injustes qui frappent aussi les Français modestes ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé du budget.

Mme Claude Greff. Où est le Premier ministre ?

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué chargé du budget. Monsieur le Président, permettez-moi, au nom du Gouvernement, d’excuser le Premier ministre qui reçoit le ministre des affaires étrangères du Japon. Il est parmi vous, mesdames et messieurs les députés de l’opposition, des élus qui ont exercé des responsabilités d’État et qui, je l’espère, comprendront cette obligation et sauront en convaincre leurs collègues qui n’ont pas cette expérience. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Monsieur le député, pour autant que j’aie compris votre question, il me semble qu’elle concerne la redevance audiovisuelle. Le projet de loi de finances que je vais présenter au nom du Gouvernement avec Pierre Moscovici tout à l’heure prévoit de tenir compte de l’inflation et d’augmenter en sus cette redevance de deux euros.

C’est un choix assumé et délibéré, qui n’exonère pas France Télévisions des nécessaires efforts de réforme et de gestion, et notamment de maîtrise de sa dépense. À cet égard, et puisque vous vous intéressez à ce sujet, vous vous souvenez probablement que la majorité précédente avait prévu une augmentation de moyens pour France Télévisions de 2,3 % quand, dans le projet de loi de finances, c’est un effort de maîtrise qui sera demandé à cet opérateur dont les moyens diminueront de 2,1 %. À chacun de juger qui, sur ces bancs, se propose de maîtriser la dépense publique, quand d’autres à ma droite se proposaient de l’augmenter gaillardement.

M. Philippe Houillon. Qu’en pense Mme la ministre de la culture et de la communication ?

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Votre question portait également sur l’éventualité de la création d’une redevance audiovisuelle au titre des résidences secondaires. Cette décision a clairement et publiquement été récusée par le Premier ministre ce matin et naturellement, c’est la position du Gouvernement. Concernant France Télévisions, la seule augmentation sera celle prévue en loi de finances initiale qui consiste en une indexation sur l’inflation pour deux euros, plus une augmentation de deux euros.

Mesdames et messieurs les députés, cette méthode tranche avec ce à quoi nous avons assisté durant la précédente mandature. Monsieur le député, vous avez fait mention de la créativité de l’actuelle majorité ; oserais-je vous rappeler la création d’une taxe sur les télécommunications par la majorité précédente, dite taxe « Copé-Fillon », illégale et qu’il faudra rembourser, ce qui coûtera 1,3 milliard aux finances de l’État l’année prochaine. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Cohérence de la majorité

M. le président. La parole est à M. François Rochebloine, pour le groupe Union des démocrates et indépendants.

M. François Rochebloine. Ma question s’adressait à M. le Premier ministre…

Plusieurs députés du groupe UMP. Il n’est pas là ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. François Rochebloine. …et se résume en deux mots : cacophonie et renoncement. À cet égard, et en quelques heures, les exemples se bousculent, révélant une nouvelle fois au grand jour l’absence de cap du Gouvernement et de la majorité.

Le ministre de l’éducation nationale se fait le chantre de la morale laïque, et déclare dans le même temps que la dépénalisation de la consommation du cannabis doit être, je cite, « un sujet majeur ». (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Chacun connaît malheureusement les dommages de la consommation de cannabis pour notre jeunesse. Où est la cohérence ?

Par ailleurs, le ministre délégué chargé du budget a annoncé, jeudi 11 octobre, que le Gouvernement était favorable à la création d’une redevance audiovisuelle s’appliquant aux résidences secondaires. Ce matin, le Premier ministre le désavouait en indiquant : « Non, ce n’est pas la position du Gouvernement. » Où est, là encore, la cohérence au sein du Gouvernement ?

Autre sujet : l’intégration des œuvres d’art dans le calcul de l’impôt sur la fortune. Il semblerait enfin depuis ce matin que la position de la majorité soit claire. Comment ne pas rappeler qu’il y a un an, sur ces bancs mêmes, Jérôme Cahuzac, alors président de la commission des finances, ne faisait que strictement défendre l’inclusion des œuvres d’art, sauf celles présentées au public, dans le champ de l’ISF ? Cette proposition a été naturellement reprise cette année par le rapporteur général socialiste de la commission des finances, Christian Eckert. Où est, là encore, la cohérence au sein de la majorité ?

M. Christian Jacob. Il n’y a pas de cohérence !

M. François Rochebloine. Enfin, le retour du déficit public à 3 % du PIB est-il un objectif impératif, comme l’a dit le Premier ministre, ou un objectif qui a un côté absurde, comme l’affirment certains au sein de la majorité ? Où est la cohérence au sein de la majorité ?

Face à cette cascade d’incohérences, voire de renoncements, quand le Gouvernement sera-t-il en mesure de nous indiquer clairement le cap qu’il compte donner aux Français, et capable de parler d’une seule et unique voix ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI et sur certains bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement.

M. Michel Herbillon. Et Mme Filippetti, elle ne répond pas ?

M. Alain Vidalies, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le député, à vous entendre, c’est la première fois qu’il y aurait des débats entre une majorité et le Gouvernement. Pour vous rafraîchir la mémoire, je voudrais vous donner deux exemples que je n’ai pas inventés.

M. Philippe Meunier. Regardez devant vous ! Regardez-nous !

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Dans cette assemblée, n’y a-t-il pas eu ces dernières années, lors de l’examen de chaque budget, un amendement portant le nom de M. Piron, signé par cent députés de l’UMP, qui circulait dans toute la presse et donnait finalement lieu à un arbitrage du Gouvernement ? (Exclamations sur certains bancs du groupe UMP.)

Mais ce que vous avez probablement fait de plus fort, c’est le texte sur la CADES. D’ailleurs, il faut toujours le rappeler : c’est le précédent Gouvernement qui, en 2010, a renvoyé 7 milliards d’euros de dette sociale sur les générations futures. (Applaudissements sur certains bancs du groupe SRC.) Et comme dans vos rangs, vous n’étiez pas d’accord, c’est le seul exemple connu dans l’histoire de cette République…

Plusieurs députés du groupe UMP. Allô ? Regardez-nous !

M. Alain Vidalies, ministre délégué. …où le rapporteur a démissionné, où la commission des lois a renoncé à examiner le texte, et où il a finalement fallu que vous convoquiez ici des bons soldats pour imposer les ordres du Gouvernement. Alors, quand on a été les acteurs de pareilles péripéties, il me semble qu’on devrait être un peu plus modestes lorsqu’on parle du fonctionnement parlementaire.

J’ajoute que nous avons souhaité une rupture sur la conception du Parlement, et que nous avons effectivement à respecter le débat parlementaire. Le Gouvernement s’appuie sur sa majorité, mais il entend aussi que dans le cadre de la revalorisation du rôle du Parlement, le changement caractérise aussi les travaux de la nouvelle majorité. Il s’agit en tout cas du message que l’on donne à cette majorité pour redresser la France dans la justice. (Applaudissements sur certains bancs du groupe SRC.)

M. Michel Herbillon. Quelles contradictions !

Taxation des retraités

M. le président. La parole est à Mme Marianne Dubois, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

Mme Marianne Dubois. Monsieur le Président, mes chers collègues, ma question s’adressait à M. le Premier ministre, mais il n’est plus présent.

Depuis plus de quatre mois, la politique du Gouvernement se caractérise par des annonces contradictoires et des recadrages permanents. Mais, malheureusement, il y a une constante : des taxes, des taxes et encore des taxes ! Taxe sur la bière, taxe sur les cigarettes, et maintenant taxe sur le travail de toute une vie. En effet, vous présentez une loi de financement de la sécurité sociale qui applique une nouvelle taxe aux retraités imposables.

Alors que Mme Marisol Touraine s’obstine depuis trois semaines à nier l’évidence dans cet hémicycle, les services de Mme la ministre déléguée Michèle Delaunay sont passés aux aveux : ils nous apprennent dans une dépêche de l’AFP tombée le 9 octobre que le Gouvernement va faire les poches à dix millions de retraités. Ce sont 70 % des retraités qui seront touchés, mais vous voudriez encore que l’on croie à cette fable des « neuf Français sur dix épargnés » ? Tout cela n’est d’ailleurs que le début, puisque bientôt arrivera la hausse de la CSG pour les retraités ou la fin de l’abattement de 10 % dont ils bénéficient dans le cadre de l’impôt sur le revenu.

À l’UMP, nous préférons la clarté sur le sujet (Exclamations sur certains bancs du groupe SRC) et nous avons déposé un amendement visant à abroger cette taxe injuste envers les retraités, quand on sait qu’une retraite moyenne s’élève à 1 200 euros bruts par mois.

Ma question est simple : quand cesserez-vous de considérer que tous les retraités sont des privilégiés et des nantis ? Il ne faut pas oublier qu’une grande majorité d’entre eux font preuve de dévouement en aidant leurs enfants et petits-enfants, et preuve d’engagement en participant largement et bénévolement à la vie associative qui anime tant nos territoires. (Applaudissements sur certains bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé. Franchement, madame la députée, vous avez la mémoire courte ! (Protestations sur certains bancs du groupe UMP.)

S’il y a bien un moment où les retraités ont été maltraités, c’est au cours des cinq dernières années ! Que n’avez-vous mis en place une politique qui leur aurait permis de maintenir leur pouvoir d’achat ? Que n’avez-vous mis en place une politique qui leur aurait permis d’aborder le risque de la perte d’autonomie de manière plus sereine ? La seule réponse que la droite a trouvée à la situation des retraités est de leur proposer d’adhérer à des retraites privées. Au fond, votre seule solution face aux difficultés de notre société est de diminuer la protection sociale au profit des assurances privées et de la responsabilité individuelle.

M. Alain Marty. Ce n’est pas du tout la question ! Vous n’avez pas écouté !

Mme Marisol Touraine, ministre. Madame la députée, nous assumons nos responsabilités et nous considérons qu’au nom de la solidarité entre les générations, nous devons permettre aux retraités et aux personnes qui seront plus tard en perte d’autonomie de pouvoir compter sur la solidarité nationale, sur un accompagnement personnalisé à domicile ou en maison de retraite.

Cela suppose, madame la députée, que nous mettions en place des financements solidaires et collectifs. C’est la raison pour laquelle les retraités seront appelés à une contribution minime…

Mme Claude Greff. C’est beaucoup trop !

Mme Marisol Touraine, ministre. …permettant à la solidarité intergénérationnelle de produire tous ses effets. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Dépendance

M. le président. La parole est à M. Christian Hutin, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Christian Hutin. Ma question s’adresse à Mme Michèle Delaunay.

En février 2011, le président Sarkozy annonçait – on ne peut pas lui en vouloir – le risque que courait notre pays avec le vieillissement de sa population. Dans le même temps, il annonçait le dernier chantier social de son quinquennat : le projet de loi sur la dépendance.

Je ne vais pas critiquer ce chantier, car de chantier, il n’y en eut point, au grand dam, et Marisol Touraine l’a rappelé, des assureurs privés. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Vous avez tort de tonner, chers collègues de l’opposition, car ce chantier, que nous allons réaliser, intéresse tout le monde.

Mme Claude Greff. Qui va payer ? Tout le monde !

M. Christian Hutin. Il intéresse l’ensemble des citoyens français, tous ceux qui nous regardent, nos proches, nos familles. La moyenne d’âge de cet hémicycle est de cinquante-quatre ans : cela nous intéresse donc également.

C’est un défi qui est à relever, le défi d’une nation qui doit être éthique, morale. Je me permets de rappeler que la manière dont nous traitons nos anciens permet de mesurer si une nation est extraordinaire ou non.

Mme Claude Greff. On leur prend leur argent !

M. Christian Hutin. C’est éthique et moral.

Le défi sera intergénérationnel. C’est également le défi de la santé publique. C’est tout au long de la vie qu’il faut le suivre du plus jeune au plus ancien.

Et pourquoi ne pas le dire, cela sera aussi une manière de créer des emplois, pour les plus jeunes. Nos anciens créeront des emplois pour les plus jeunes.

Je me rappelle une chanson de Jacques Brel – j’entendais notre collègue Bertrand – en 1963. J’avais deux ans à l’époque – en 1968, je jetai donc assez peu de pavés. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) La chanson parlait de la pendule qui ronronne dans la cuisine des vieux (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) La pendule de Nicolas Sarkozy a dit non…

M. le président. Merci.

M. Christian Hutin. …la pendule d’un autre pourrait dire oui. Maintenant, on vous attend, madame la ministre. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des personnes âgées et de l’autonomie.

Mme Michèle Delaunay, ministre déléguée chargée des personnes âgées et de l’autonomie. Vous avez raison, monsieur le député, nous ne pouvons pas méconnaître plus longtemps le bouleversement radical que constitue l’allongement de la vie. Vous l’avez noté, la réforme de la perte d’autonomie est d’ores et déjà inscrite dans la loi de financement de la sécurité sociale.

Ce que nous allons faire, aucun gouvernement dans aucun pays ne l’a fait. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Une loi portant une vision globale du champ de l’âge, de la fin de la vie professionnelle à la fin de la vie. C’est une loi complète en trois volets – une loi AAA –, que nous construisons dès aujourd’hui.

Premier A : Anticipation et prévention, avec la mise en place d’un calendrier de santé permettant le dépistage et la palliation des petites pertes d’autonomie et des fragilités. La dépendance n’est pas si inéluctable, elle dépend de nous et nous y travaillons. Et c’est plutôt une bonne nouvelle.

Deuxième volet : Adaptation des logements, de l’urbanisme, des modes de déplacement à l’allongement de la vie.

Troisième volet : Accompagnement des personnes âgées qui en ont besoin, par l’aide à domicile pour laquelle nous débloquons aujourd’hui même cinquante millions d’euros ; diminution du reste à charge en établissement, qui plombe trop souvent le budget des familles, et renforcement du personnel en établissement, pour lequel aujourd’hui aussi nous débloquons 147 millions d’euros. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

C’est, monsieur le député, une grande cause pour notre Gouvernement que la cause de l’âge. Plus n’est besoin d’épiloguer sur les cinq années de promesses et d’annonces du gouvernement précédent (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), qui n’ont abouti qu’à la décision de ne rien faire du tout. (Mêmes mouvements.) Nous sommes au travail et nous vous en donnons les preuves. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean Glavany. Très bien, madame la ministre.

Infrastructures de transports

M. le président. La parole est à Mme Éva Sas, pour le groupe écologiste.

Mme Eva Sas. Ma question s’adresse à M. le ministre des transports.

Le débat budgétaire que nous abordons aujourd’hui met en lumière l’irréalisme du schéma national d’infrastructures de transport prévu par le gouvernement précédent…

Plusieurs députés du groupe UDI. La faute est toujours renvoyée sur le gouvernement précédent !

Mme Eva Sas. …dont une grande partie du financement n’est absolument pas assurée.

À elle seule, cette réalité justifie la remise à plat du schéma national des infrastructures de transport que le Gouvernement s’apprête à engager. Mais la logique qui va nous guider ne doit pas être et ne peut pas être purement budgétaire.

M. Maurice Leroy. C’est la faute du gouvernement précédent !

Mme Eva Sas. La redéfinition de la politique des transports doit obéir à un impératif clair : favoriser les investissements sur les usages du quotidien, anticiper et enclencher une véritable transition écologique de nos modes de vie.

Les députés écologistes souhaitent que cette révision des projets se fasse sur des critères de moindre impact environnemental, de meilleure efficacité des fonds publics, du droit à la mobilité du plus grand nombre, du renforcement des proximités et de la lutte contre l’étalement urbain.

Permettez-nous aujourd’hui, alors qu’un déploiement des forces policières, à l’évidence excessif et disproportionné, est en œuvre à Notre-Dame-des-Landes, d’ajouter à ces critères l’acceptabilité sociale des projets et l’avis des populations concernées.

M. Michel Herbillon. Le Premier ministre ne peut pas vous répondre : il n’est pas là !

Mme Eva Sas. Un certain nombre de projets locaux vont être, demain, remis en cause. Il serait tout de même paradoxal qu’un projet aussi contesté que celui de Notre-Dame-des-Landes, qui engage les budgets publics à hauteur de 250 millions d’euros, échappe à l’évaluation des projets programmés.

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous préciser selon quel calendrier, avec quelles modalités, ce schéma national des infrastructures sera revu et si, en particulier, le projet de Notre-Dame-des-Landes y sera examiné en toute objectivité, en prenant en compte son coût élevé, sa faible utilité et l’avis des populations ? (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche.

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche. Madame la députée, vous faites référence au projet Notre-Dame-des-Landes qui est engagé depuis de nombreuses années (Exclamations sur les bancs du groupe UMP )puisque la déclaration d’utilité publique a été signée en 2008. Ce projet rassemble, sous maîtrise d’ouvrage de l’État, plus de six collectivités, régionales, départementales ou locales, et permet de répondre à des perspectives de développement économique…

M. Noël Mamère. Ce n’est pas vrai.

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. … ainsi qu’aux problématiques localisées concernant le survol de la collectivité nantaise.

Pour ceux qui auraient le mauvais esprit de faire une exploitation politique de la situation (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), je rappelle qu’en 2008, le gouvernement n’était pas celui de Jean-Marc Ayrault et que la maîtrise d’ouvrage est engagée aujourd’hui par l’État comme elle l’était en 2008, et depuis maintenant un certain nombre d’années. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Vous avez raison, madame la députée, de faire référence au schéma national des infrastructures de transport. Comme vous le dites très justement, l’insoutenabilité de ce schéma amène à une succession de promesses. Elles ont été quantifiées à hauteur de 245 millions par l’ancien gouvernement….

M. Maurice Leroy. Encore, l’ancien gouvernement !

M. Bernard Accoyer. C’est scandaleux.

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. …dans un document, saupoudré de poudre de perlimpinpin, financé par de la monnaie de singe, car ni la monnaie, ni les projets n’existent. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Il suffit pour s’en convaincre de faire la liste de ces faux projets qui ont été engagés en période électorale et de voir les nombreux parlementaires de l’opposition qui, aujourd’hui, viennent dans mon ministère, pour me demander de rendre réaliste ce qui n’était que des promesses…

M. Alain Chrétien. Ce n’est pas fini.

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. … et ne comportait aucun tracé, aucun programme, aucun financement. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Aujourd’hui, il faut sortir de la situation d’abus de confiance que nous devons à l’ancien gouvernement ( « Encore ! » sur les bancs du groupe UDI.) Abus de confiance par rapport aux élus, abus de confiance par rapport aux acteurs économiques, abus de confiance par rapport à la population. Nous serons le gouvernement de la transparence, de la vérité et non, comme ce fut le cas, le gouvernement des fausses promesses. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.– Exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures dix, est reprise à seize heures vingt-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

2

Projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017

Projet de loi de finances pour 2013

Discussion commune

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017 (nos 234, 246), après engagement de la procédure accélérée, et du projet de loi de finances pour 2013 (nos 235, 251).

La Conférence des présidents a décidé que ces deux textes donneraient lieu à une discussion générale commune.

Présentation des deux projets de loi

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie et des finances.

M. Pierre Moscovici, ministre de l’économie et des finances. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les députés, c’est évidemment pour Jérôme Cahuzac et moi-même un moment particulier que celui qui consiste à présenter ces deux importants projets de loi.

Il faut les resituer dans leur contexte. Une croissance plus forte, une croissance plus équilibrée, une croissance plus solidaire : voilà ce à quoi le Gouvernement travaille, voilà le cadre dans lequel s’inscrivent le projet de loi de finances pour 2013 et le projet de loi de programmation des finances publiques pour 2012 à 2017.

Nous sommes convaincus qu’il existe une voie pour à la fois résorber la dette, réduire les inégalités et relancer la croissance et l’emploi. Cette voie, elle est étroite, elle est singulière, c’est celle qu’a définie François Hollande pendant la campagne présidentielle, c’est celle que les Français ont appelée de leurs vœux. Rien ne nous en détournera. Je veux la tracer et l’expliquer devant vous aujourd’hui.

Je reviens de Tokyo où j’ai participé aux assemblées annuelles du Fonds monétaire international et du groupe de la Banque mondiale. J’y ai défendu la politique économique de la France, tout entière tournée vers le même but : renouer avec la croissance et l’emploi. J’ai été à la fois frappé et d’une certaine façon conforté par la prise de conscience des impasses auxquelles l’austérité généralisée, si elle perdurait, mènerait l’économie mondiale. Vous le savez, nous avons alerté nos partenaires sur ce sujet dès notre arrivée aux responsabilités en mai dernier et nous avons été entendus : aujourd’hui, en Europe et dans le monde, le rejet de l’austérité comme seul horizon politique et économique s’impose peu à peu.

Dans la période de turbulences que nous traversons, il nous faut, tous ensemble, garder le regard braqué sur cet objectif sans nous laisser distraire par des bruits de fond. C’est le mandat que les Français nous ont confié.

Renouer avec la croissance, tel est l’objet de ce mandat, mais pas avec n’importe quelle croissance. Nous voulons une croissance plus solidaire, c’est-à-dire une croissance qui s’accompagne d’une réduction des inégalités et du chômage et non pas une croissance qui détruirait des emplois ou qui ne bénéficierait qu’à quelques-uns.

Nous voulons aussi une croissance plus équilibrée, c’est-à-dire une croissance durable, respectueuse de nos ressources, tirée non par l’endettement mais par le dynamisme et la compétitivité de nos acteurs économiques et qui ne laisserait pas aux générations futures la facture de l’ajustement à travers le fardeau de la dette.

L’inversion de la courbe du chômage d’ici un an, la réduction de la part de la dette dans la richesse nationale dès 2014, le retour à l’équilibre des finances publiques et du solde extérieur, hors énergie, d’ici à la fin du quinquennat : voilà les grands objectifs de politique économique que le Gouvernement s’est fixés, les grandes étapes du redressement.

Aujourd’hui, force est de constater que nous en sommes encore loin.

D’abord, parce que la France n’est pas une monade isolée. La situation internationale, en particulier européenne, conditionne celle de notre pays – évidemment, allais-je dire. J’y reviendrai dans quelques instants.

Surtout, parce que la France paie encore le prix de fragilités structurelles et de déséquilibres persistants dans l’économie française qui n’ont pas été traités sérieusement depuis dix ans et sur lesquels la crise actuelle, qui a sa part de responsabilité, c’est indéniable, joue comme un révélateur.

Je pense avant tout au chômage, qui atteint désormais 10 % de la population active. Je pense au creusement des inégalités, aux deux extrêmes de l’échelle des revenus. Je pense aussi à notre déficit commercial et de compétitivité qui explique le fort recul de nos parts de marché à l’exportation depuis dix ans. Je pense enfin à la dérive financière du pays : 1 700 milliards d’euros de dette l’an dernier, soit 86 % du PIB – nous en sommes désormais à 91 %.

Ce sont 600 milliards d’euros de dette supplémentaire qui ont été accumulés sous le quinquennat précédent. Plus de 50 milliards d’euros d’intérêts sont à servir chaque année. Nous produisons moins qu’en 2007 et la France vient d’enregistrer trois trimestres de croissance nulle.

Voilà la réalité. Il ne s’agit pas d’une référence sempiternelle à l’héritage – c’est de peu d’intérêt – mais simplement du constat objectif, que personne ne peut discuter, de l’ampleur du redressement à accomplir. Et je le dis aux députés de tous les bancs : cela ne peut durer plus longtemps.

J’entends des interrogations sur notre stratégie économique ; elles sont légitimes, c’est le sel même de la démocratie. Je veux y répondre, expliquer, convaincre, et surtout agir rapidement et en profondeur, mais nous refusons, avec Jérôme Cahuzac, de tomber dans les fausses solutions. Certains, même s’ils ne l’avouent pas, car le mot est déplaisant, prônent l’austérité et pensent que, pour redevenir compétitifs, il faut casser le modèle social français. Ils disent que les sacrifices devraient être consentis principalement par ceux qui ont le moins, au prétexte qu’ils ne seraient pas assez productifs, qu’ils seraient trop assistés.

M. Hervé Mariton. Personne n’a jamais dit cela !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Caricature ! Ce n’est pas crédible !

M. Pierre Moscovici, ministre. Je ne sais pas pourquoi vous vous sentez visé, monsieur Mariton. Mais sait-on jamais ? (Sourires.)

Ils affirment que les Français vivraient au-dessus de leurs moyens. Le Gouvernement est fier de défendre une autre façon de voir, de refuser le fatalisme, de ne pas transiger avec ses convictions, de se soucier du pouvoir d’achat – qui n’est pas un gros mot – et d’avoir redonné toute sa place au dialogue social, tout à fait fondamental.

D’autres, à l’inverse, affirment que nous échouerons à stimuler la croissance et à ramener le déficit à 3 % du PIB en 2013. C’est un débat légitime, et c’est même l’absence de débat qui m’inquiéterait, mais j’assume le retour du déficit à 3 % du PIB en 2013.

M. Hervé Mariton. Ah !

M. Pierre Moscovici, ministre. Le désendettement est une nécessité absolue et le retour du déficit à 3 % n’est ni inepte ni déraisonnable : parce qu’une dette élevée – le président de l’Assemblée est entièrement d’accord avec moi : nous en avons parlé – conduit à prélever lourdement sur les revenus d’activité pour servir les intérêts ; parce qu’elle favorise la rente au détriment du revenu des travailleurs et des entrepreneurs ; parce que la dette est l’ennemie de l’économie et creuse les inégalités. La dette place notre pays en situation de vulnérabilité face aux marchés, elle nous fait perdre de notre souveraineté. Le désendettement public n’est pas incompatible avec la croissance ; j’irai même plus loin : il en est la condition. C’est pourquoi nous avons refusé l’austérité, en préservant les dépenses essentielles et en finançant nos priorités, et nous avons pris nos responsabilités : ceux qui peuvent le plus contribueront le plus.

Il existe une stratégie alternative pour allier sérieux budgétaire et croissance, justice sociale et efficacité économique. Cette stratégie doit se déployer aux niveaux international, européen, national, mais servir un seul et même agenda de croissance pour les pays. Sa cohérence est construite, non sur le court terme, mais sur l’ensemble du mandat. C’est cette cohérence que je veux exposer, avant d’expliquer comment le projet de loi de finances pour 2013 y contribue.

Permettez-moi tout d’abord de vous présenter la stratégie en faveur de la croissance. Notre stratégie économique articule plusieurs leviers, internationaux, européens, nationaux, mais dans un seul but : renouer avec une croissance plus forte et plus solidaire.

À l’international, notre démarche est claire : c’est le refus de l’austérité généralisée, la lutte contre les dérèglements de la finance, la relance de l’activité mondiale et européenne. Nous œuvrons au redémarrage de l’économie mondiale pour tirer notre propre reprise. C’est le sens de l’action du Gouvernement au G8, au G20, au sein des institutions financières internationales et en Europe.

Vous le savez, l’économie mondiale peine à sortir de la crise financière qui l’a frappée il y a quatre ans et qui trouve son origine dans les dérèglements du système financier, dans les déséquilibres et les excès d’endettement qui les ont accompagnés. Cette crise est partie des États-Unis en 2008, elle a trouvé des prolongements en Europe à partir de 2010, avant de s’aggraver à l’été 2011 avec une série de chocs qui ont entraîné un brusque ralentissement mondial : je citerai la hausse des prix du pétrole et, surtout, l’intensification de la crise dans la zone euro.

Nous agissons, avec nos partenaires, pour faire repartir l’activité mondiale. Depuis le mois dernier, notre action dans les enceintes multilatérales – j’ai évoqué les assemblées générales du FMI et de la Banque mondiale – a permis de peser sur la conduite des politiques économiques dans le monde et leur meilleure coordination, afin que la si nécessaire réduction des déficits et de la dette ne fasse pas obstacle à la croissance mondiale. Car si l’Europe reste notre principal débouché, le niveau des échanges mondiaux et l’activité économique de nos principaux partenaires sont des éléments déterminants pour le retour de la croissance et de l’emploi en France.

Dans le prolongement de l’action du Président de la République lors du G20 de Los Cabos, en juin, j’ai fait part à nos partenaires, à Tokyo, de notre grand intérêt pour le débat lancé par le FMI sur la nécessité de prévenir le ralentissement de l’économie mondiale par des politiques économiques adaptées. Cette prise de position est importante. C’est le sens de l’action européenne et internationale de la France depuis le mois de mai. C’est aussi le sens de notre politique économique, pour laquelle je n’ai demandé, à Tokyo, ni délai ni régime de faveur, car il en va, encore une fois, de notre crédibilité et de notre souveraineté budgétaire. C’est aussi le sens des demandes que nous adressons aux pays qui peuvent relancer et alimenter la croissance mondiale ; je pense en particulier à la Chine, mais aussi à l’Allemagne.

J’ai également insisté sur la nécessité de renforcer encore le moteur de croissance que constitue désormais le monde en développement, qui contribue lui aussi à notre propre expansion. Que l’on ne s’y trompe pas : nous ne parviendrons à une croissance soutenable et durable que si les fractures les plus grandes, celles qui frappent les pays en développement et leurs populations, sont réduites.

C’est pourquoi j’ai également souhaité, lors de ces réunions de Tokyo, donner une nouvelle impulsion à la mise en place d’une taxation internationale des transactions financières. C’est une contribution majeure pour lutter contre la spéculation financière et soutenir la croissance. Cela faisait des années que la France militait pour la création de cet instrument. Aujourd’hui, nous pouvons dire, et nous en sommes fiers, que nous l’avons fait.

Nos interdépendances européennes exigent par ailleurs que nous témoignions d’une insistance particulière, à Bruxelles, auprès de nos partenaires, pour garantir que la croissance occupe toute la place qu’elle mérite dans la construction européenne et pour faire reconnaître que l’austérité généralisée est une impasse. L’Europe, aujourd’hui – il nous faut tous en être conscients –, est l’épicentre de la crise mondiale. C’est paradoxal car, prise dans son ensemble, elle conserve des fondamentaux sains. La crise a prospéré ces dernières années faute de mécanismes de résolution rapides et efficaces, et d’une perspective politique pour l’avenir de l’Union.

Notre réponse doit dissiper les tensions qui secouent la zone euro et s’accompagner d’efforts au moins équivalents pour l’intégration et la croissance. Nous y travaillons d’arrache-pied. Le Conseil européen de cette semaine permettra de faire le point sur les progrès réalisés par la Grèce dans la mise en œuvre de ses engagements, sur la situation dans la zone euro, sur les premières pistes proposées par le président Van Rompuy et les autres présidents des institutions européennes pour renforcer l’intégration communautaire.

Le prix Nobel qui a été attribué vendredi à l’Union européenne vient nous rappeler que le projet européen est avant tout un projet politique. La construction d’une communauté commençant par le volet économique était pour nos pères fondateurs une façon de créer, comme le disait Jean Monnet, des « solidarités de fait » menant à une union plus étroite entre les peuples. Mais ce prix – en tout cas, je conçois ainsi – n’est pas seulement une récompense pour le passé : il est un appel, une invitation à aller de l’avant, vers davantage d’intégration, au plan économique, social et enfin politique. C’est cette démarche qui nous permettra de sortir de la crise, de redessiner un espace de confiance en Europe, de recréer ainsi les conditions de la croissance.

Mesdames et messieurs les députés, nous pouvons être fiers de notre politique européenne. Je suis fier de la politique européenne conduite sous l’égide du Président de la République. La France est à l’avant-garde pour le bien commun de l’Europe, qui correspond à son propre bien. Sur tous les dossiers importants, de la supervision bancaire aux mécanismes de stabilité financière, en passant par la solidarité dans la zone euro, nous sommes non seulement moteurs mais également écoutés. J’expliquais hier, dans l’enceinte de cette assemblée, comment nous construisons un continuum entre nos initiatives économiques nationales et européennes, au service du même agenda de croissance. J’ajouterai simplement que nous assumons notre foi en l’Europe, notre participation au jeu communautaire, parce que c’est l’intérêt à long terme de notre pays.

Je n’oublie pas les leçons du passé, celles que l’histoire a léguées à la France et, d’ailleurs, à la gauche : la relance ne peut être qu’européenne. Ignorer le risque d’une sanction financière condamnerait les mesures de soutien à l’activité que nous prendrions isolément.

C’est pourquoi nous voulons, en France, répondre à l’urgence économique et sociale, et préparer activement le retour de la croissance. La croissance viendra non seulement de notre action internationale mais aussi et d’abord de notre politique nationale, que nous déployons en trois étapes.

Première étape : nous nous devions de répondre à l’urgence économique et sociale. C’est le sens du train de mesures que vous avez votées en juillet dernier visant à soutenir le pouvoir d’achat des ménages, c’est-à-dire la consommation, moteur historique de la croissance dans notre pays. Je pense à l’allocation de rentrée scolaire, au rétablissement de la retraite à soixante ans pour les personnes ayant commencé à travailler jeunes, à l’encadrement des loyers en zone tendue, à la revalorisation du SMIC, à la baisse des prix du carburant, à l’abrogation de la hausse de la TVA programmée par la droite et qui aurait amputé le budget des ménages de 11 milliards d’euros, à la création de 150 000 emplois d’avenir. J’ai entendu certaines critiques mais, là encore, je défends ces choix. Ce sont des mesures justes, nécessaires, efficaces économiquement car elles permettent d’alimenter notre croissance, qui était en berne jusqu’à notre arrivée aux responsabilités. Nous avons, en juin, sauvé l’essentiel pour 2012.

La deuxième étape, c’est celle du projet de loi de finances, je vais y revenir, mais il était capital de lancer dans le même temps une troisième étape, celle des chantiers profonds, structurels, nécessaires pour poser les fondations d’une croissance de long terme plus forte et moins inégalitaire.

Ces chantiers passent tout d’abord par une réforme du financement de l’économie, à laquelle je crois beaucoup. Outre-Rhin, chez notre grand partenaire allemand, c’est l’étroitesse des liens entre les entreprises et les banques régionales et de proximité qui les accompagnent et les soutiennent, qui fait leur force. Je présenterai demain, en Conseil des ministres, un projet de loi portant création de la Banque publique d’investissement.

M. Hervé Mariton. Ce n’est même pas une banque !

M. Pierre Moscovici, ministre. Cette Banque publique d’investissement sera, monsieur Mariton, la banque des TPE, des PME, des PME industrielles, des entreprises de taille intermédiaire. Elle financera ce qu’elles ont du mal à financer aujourd’hui : leurs projets de développement, leur croissance à l’international, leurs investissements dans l’innovation.

Au-delà, d’autres chantiers nous attendent. La réforme de l’épargne réglementée est déjà entamée. Celle du secteur bancaire fera l’objet d’un projet de loi que je présenterai avant la fin de l’année. Nous œuvrerons à une meilleure mobilisation de l’épargne des Français –qui est abondante mais dont l’allocation n’est pas la plus utile à l’économie – en faveur du financement de l’économie réelle. Le Premier ministre a confié une mission à deux députés, Dominique Lefebvre et Karine Berger, pour favoriser l’épargne longue et renforcer les fonds propres des entreprises. Cette mission s’inscrit pleinement dans le cadre de l’agenda de compétitivité. Parallèlement, le Gouvernement souhaite avancer vite sur la réforme du marché du travail, avec les négociations cruciales que mène Michel Sapin.

Le Gouvernement réfléchit aussi à d’autres pistes afin de soutenir la productivité et l’investissement, en particulier au service des PME et des ETI pour dynamiser leur compétitivité. Je pense au premier chef au soutien résolu à l’innovation, que nous engageons avec le projet de loi de finances pour 2013, à l’amélioration de l’environnement économique des entreprises, au financement des exportations. M. Louis Gallois remettra le 5 novembre un rapport sur la compétitivité des entreprises, qui nourrira la réflexion sur ces différentes facettes.

Parallèlement, nous avons lancé une concertation des partenaires sociaux et installé le Haut Conseil du financement de la protection sociale, qui restituera ses travaux en fin d’année. Bref, nous avons une approche à la fois ambitieuse et globale de la compétitivité, qui traite aussi des réformes sectorielles indispensables : logement, transports, énergie, professions réglementées.

Voilà, en quelques mots, les grands chantiers en faveur de la croissance que nous avons amorcés et qui mobiliseront l’ensemble du Gouvernement au cours des prochains mois.

Notre stratégie de finances publiques s’inscrit dans cet agenda de croissance. Elle est décrite dans le projet de loi de programmation pluriannuelle des finances publiques et exprime pleinement cette démarche. Elle se déploie, vous le savez, au sein d’un cadre de finances publiques profondément rénové, qui préfigure la mise en œuvre de la loi organique en cours de discussion au Parlement et que votre assemblée a déjà votée.

Tout d’abord, et c’est un progrès qui me semble décisif, le projet de loi de programmation propose un pilotage intelligent des finances publiques : nos objectifs seront désormais exprimés en termes de solde structurel.

En d’autres termes, la croissance et les aléas de la conjoncture seront désormais pris en compte dans l’ajustement de nos finances publiques.

Il est prévu, en outre, un mécanisme de correction qui respecte la souveraineté de la représentation nationale : lorsqu’un écart important sera constaté, le Gouvernement sera tenu d’en expliquer les raisons et de lui proposer des mesures correctrices immédiates.

Dans ce cadre, notre action sera conduite en deux temps.

Le premier sera celui du redressement, de la remise en ordre des finances publiques. Le déséquilibre financier dont nous héritons est massif, ai-je dit, et nous devons le corriger. Nous avons choisi de faire porter l’essentiel de l’effort sur le début du mandat, avec le retour du déficit public nominal à 3 % du PIB puis, dès 2014, l’inversion de la dynamique de la dette. Des mesures de redressement significatives ont déjà été votées en juillet dernier ; elles assurent le retour du déficit à 4,5 % en 2012. La détermination du Gouvernement à tenir ces objectifs est totale et indiscutable.

Le second temps sera celui du retour à l’équilibre structurel des comptes publics. Le déficit structurel, c’est-à-dire corrigé des effets du cycle économique, sera ramené dès 2015 au-dessous de 0,5 % du PIB – le seuil prévu par le traité – puis à l’équilibre en 2016 et 2017.

C’est une trajectoire exigeante, mais son sérieux est reconnu. Il ne s’agit pas d’une opinion politique : c’est le fruit de l’observation du bas niveau des taux d’intérêt auxquels la France emprunte, conséquence notamment de règles de bonne gestion.

J’insiste sur un élément trop peu pris en compte : le sérieux budgétaire, ce n’est pas un boulet, ce n’est pas une contrainte, un obstacle qui empêcherait le progrès économique et social. Je le dis aux députés de la majorité : le sérieux budgétaire n’est pas incompatible avec une volonté forte de changement, avec un engagement de gauche, avec une démarche de justice, de redistribution. Il doit au contraire être compris comme une condition de la compétitivité de notre économie dans son ensemble. Je prends l’exemple de ce qui s’est passé en Espagne : lorsque les conditions de financement de l’État espagnol se sont dégradées, c’est l’ensemble des secteurs de l’économie, l’ensemble des entreprises qui ont été touchés. Si les entreprises françaises devaient, elles aussi, connaître une hausse des taux d’intérêt, l’endettement reprendrait de l’avant et l’économie se détruirait. Ce serait catastrophique. C’est parce que nous voulons éviter une telle épreuve à notre pays et que nous refusons sa dégradation ou sa relégation que je revendique pleinement ici le sérieux budgétaire.

C’est pour ces raisons que nous devons poursuivre la consolidation de nos finances publiques. Mais ce désendettement doit être intelligent – c’est ce que j’ai appelé le « désendettement compétitif ». Il faut juger les efforts menés sur la base des résultats obtenus et non pas des moyens mis en œuvre, et s’inspirer des expériences réussies à l’étranger. Je m’arrête une seconde sur ce dernier point : si le désendettement est un défi exigeant, l’exemple du Canada montre que c’est par l’intelligence de l’expérience collective que nous le relèverons.

M. Claude Goasguen. Il faut changer la gauche !

M. Pierre Moscovici, ministre. J’observe que les parcours de désendettement réussis, ceux qui ne débouchent pas sur un assèchement de la puissance publique, sont des chantiers qui combinent effort fiscal, réforme de l’action des administrations, examen minutieux des dépenses publiques, réflexion sur l’articulation des pouvoirs centraux et territoriaux, souci de pédagogie et de lisibilité. Bref, cela demande du temps et aussi l’implication du Parlement. Et c’est ce que nous faisons. Toutes ces dimensions et toutes ces réformes sont à l’ordre du jour. À nous, ministres, de les réussir et de présenter des résultats aux Français et à leurs représentants.

Enfin, l’effort doit être partagé, mais il doit être différencié pour ne pas nuire à la croissance. Il doit être partagé entre le secteur public et le secteur privé, partagé aussi au sein des administrations publiques pour ne pas avoir d’angle mort dans l’effort de redressement. Il doit aussi être différencié pour aller chercher les marges de manœuvre là où elles existent sans peser uniformément sur les moteurs de la croissance. Il est, j’en suis convaincu, économiquement efficace de procéder ainsi.

J’ai évoqué le passé, notamment celui de la gauche. 1981 nous apprit l’impossibilité de la relance isolée, et 1983 nous aura appris qu’un prélèvement sur le pouvoir d’achat des ménages et une réduction brutale des dépenses de l’État, dans un contexte de dégradation des grands équilibres et de faible compétitivité, n’offrait pas une voie de progrès suffisante. Nous tirons les enseignements de ces leçons du passé et la voie que nous empruntons aujourd’hui est différente. Certains nous reprochent, ici et au-delà de cet hémicycle, de ne pas baisser suffisamment les dépenses publiques. Je leur réponds d’abord que l’effort sur la dépense que nous conduisons est lourd, important et réparti entre toutes les administrations. Ce matin, les ministres concernés et moi-même réunissions le comité technique ministériel, et je puis vous assurer qu’à notre place personne ne supporterait qu’on puisse dire, alors que l’on réduit les dépenses de fonctionnement et d’intervention et que l’on supprime 2 350 emplois à Bercy, qu’il n’y a pas d’effort sur la dépense. Je défie quiconque de l’affirmer de bonne foi et de façon crédible. Je leur réponds ensuite que ce qu’ils proposent est un non-sens économique qui condamnerait une activité déjà durablement et durement affectée.

M. Claude Goasguen. Absurde !

M. Pierre Moscovici, ministre. L’expérience historique comme la théorie économique montrent qu’il faut faire porter l’effort sur les recettes dans un premier temps, puis poursuivre avec les dépenses et non pas l’inverse.

M. Hervé Mariton. C’est faux !

M. Pierre Moscovici, ministre. C’est ce que nous ferons. Vous avez déjà pu voir, mesdames, messieurs les députés, que nous commençons par les recettes, et nous serons à moitié-moitié sur les dépenses et les recettes sur la totalité du mandat.

La poursuite des efforts de maîtrise de la dette permettra, après deux ans de redressement, de dégager des marges de manœuvre pour baisser le taux de prélèvements obligatoires. Nous savons que nous sommes attendus sur ce point. Au-delà de l’importance de la lisibilité et de la stabilité du système fiscal pour les investisseurs et tous les autres acteurs économiques, je crois que c’est une condition fondamentale de l’acceptation de l’effort demandé. Ce sera aussi le temps où nous pourrons capitaliser les fruits de nos efforts d’assainissement des comptes en disposant de marges de manœuvre retrouvées pour nos services publics et pour les politiques de solidarité. Deux ans d’effort, trois ans de développement : c’est bien le rythme annoncé par le Président de la République et c’est celui que nous tiendrons.

J’ai présenté un peu longuement, mais je crois l’exercice nécessaire, la cohérence de la stratégie économique. Le projet de loi de finances pour 2013 s’inscrit lui-même en totale cohérence avec cette ligne politique. Je laisserai dans quelques minutes Jérôme Cahuzac vous en exposer le détail avec la précision qui est la sienne, avec le talent qui est le sien. Mais il me revient de montrer comment ce PLF s’insert dans la vision d’ensemble et la stratégie économique que je viens de dessiner.

Le PLF 2013, c’est un budget d’assainissement des comptes, mais c’est un budget d’assainissement juste. Vous connaissez son ambition : un déficit public ramené à 3 % du PIB, soit un effort total de 30 milliards d’euros, ce qui est considérable. L’effort atteint même 37 milliards avec les mesures de la loi de finances rectificative que votre assemblée a examinée en juillet. J’ai dit les raisons de cet assainissement, son importance pour la puissance publique, pour les ménages, pour les entreprises, pour la croissance. Cet effort est essentiel, mais ce n’est pas suffisant pour le rendre acceptable. La vérité, c’est que si le redressement est impératif, il en existe un bon et un mauvais. Le mauvais redressement, c’est l’austérité, celui qui assèche nos administrations, celui qui frappe de plein fouet les plus modestes, mais qui épargne ceux qui sont les plus en position de contribuer à l’effort et qui paralyse les entreprises. Le bon redressement, c’est celui que nous vous présentons, celui qui est juste et limité dans le temps, celui qui ouvre la voie à un retour de la croissance demain en préservant la demande et sans nuire à l’offre productive.

Oui, ces 30 milliards pour 2013, nous allons les chercher, mais cet effort est à la mesure des dérives et des déséquilibres que nous avons trouvés à notre arrivée. Il nous faut prendre la mesure, mesdames, messieurs les députés, de cette responsabilité à la fois historique et collective. Le Gouvernement assume l’exigence de ce budget parce que l’effort qu’il propose est juste. C’est un effort juste car, je le répète, il est partagé entre administrations publiques, ménages et entreprises, et aussi parce qu’il est différencié au sein de chacune de ces catégories pour solliciter ceux qui peuvent et soulager ceux qui peinent. C’est un effort juste parce qu’il rétablit la progressivité de l’impôt, en particulier de l’imposition des personnes, progressivité mise à mal sous le quinquennat précédent et avec les résultats que l’on connaît. L’effort de 2013 ne repose pas sur des mesures de hausse générale et indifférenciée des impôts, mais sur une réforme profonde de la structure des prélèvements. C’est le sens de la tranche nouvelle à 45 % au-delà de 150 000 euros de revenus, de la limitation de l’avantage des niches fiscales ou encore de l’alignement de l’imposition du capital sur l’imposition du travail. Il n’est pas normal que l’on soit moins taxé lorsqu’on s’enrichit en dormant que lorsqu’on peine en travaillant.

Cette grande réforme de l’impôt sur le revenu, c’est le cœur du projet de loi de finances. Il est vrai qu’elle demandera un effort important, mais surtout aux plus fortunés des Français. Ainsi, la vérité est que, pour les deux premières tranches de l’impôt sur le revenu, soit pour près de 7,5 millions contribuables dont les revenus auront augmenté comme l’inflation, nous avons neutralisé les effets de la non-indexation du barème et allons donc, en privilégiant ces catégories, dans le sens du rétablissement de la progressivité aux deux bouts de la chaîne des revenus.

J’anticipe certaines critiques et je vais y répondre par avance.

Il est mensonger de donner à penser que l’effort serait concentré sur les classes moyennes. En effet, même avec la vision la plus extensive, en élargissant au-delà du PLF pour 2013 et en incluant à la fois les effets du collectif 2012, le gel du barème, les mesures proposées au projet de loi de financement de la sécurité sociale, notre réforme demeure parfaitement redistributive et juste : 70 % du rendement est concentré sur les 20 % de ménages les plus aisés. Ces chiffres opposent un démenti formel à ceux qui nous accusent de solliciter indûment les classes moyennes…

M. Charles de Courson. Vous oubliez la fiscalisation des heures supplémentaires !

M. Pierre Moscovici, ministre. …dans le cadre de cette réforme fiscale. Je le dis d’autant plus qu’il faut rappeler que le même collectif a permis un allégement de la TVA à hauteur de 11 milliards d’euros, soit l’équivalent du rendement des mesures prévues.

Enfin, c’est un effort juste parce qu’il rééquilibre l’imposition des sociétés. L’assiette en sera consolidée par la remise en cause de certains avantages fiscaux particulièrement utilisés par les grandes entreprises. Je rappelle qu’aujourd’hui, l’écart entre le taux d’imposition réel des PME et celui des grandes entreprises est de dix points et qu’il s’explique pour moitié par la déduction des charges financières. Le PLF permettra aussi de réduire de 30 % l’écart de taux implicite d’imposition entre PME et grandes entreprises.

M. Bruno Le Roux. Très bien !

M. Pierre Moscovici, ministre. Par ailleurs, ce budget préserve la capacité de croissance du pays. En effet, il n’y a pas d’effort acceptable sans perspectives meilleures permettant de le justifier, et le Gouvernement a élaboré le budget en conséquence. Comment y parvenons-nous ? Tout d’abord, je rappelle qu’un tiers de l’effort de 30 milliards sera assuré par des économies sur les dépenses de l’État et des organismes publics.

M. Claude Goasguen. Ce n’est pas vrai !

M. Pierre Moscovici, ministre. J’ai déjà répondu à ceux qui objectent que c’est insuffisant. La montée en puissance de la maîtrise de la dépense publique permettra de préserver la demande à court terme et donc la croissance. De plus, ce budget n’étouffe pas non plus la consommation, dont je rappelle qu’elle est le moteur historique de la croissance en France. Il la préserve en faisant porter l’essentiel de l’effort sur les hauts revenus, qui ont une moins grande propension à consommer, et en préservant le pouvoir d’achat des plus modestes et donc leur niveau de consommation. Il préserve également nos capacités productives, et donc la croissance, puisque les efforts demandés aux entreprises épargnent largement les PME, le fer de lance de notre économie. Bien sûr, nous demandons une contribution au tissu productif, mais celle-ci portera avant tout sur les entreprises les moins vulnérables, celles qui conserveront les moyens d’investir et d’innover.

Préserver nos capacités productives pour demain et renouer avec la croissance implique de ne pas pénaliser celles et ceux qui prennent des risques, innovent ou entreprennent. C’est la raison pour laquelle, je le dis d’emblée, nous éprouvons la nécessité d’aménager certaines mesures, en priorité la taxation des plus-values de cession. La mesure envisagée, parce qu’elle n’était pas assez ciblée, je le reconnais, affaiblissait les entrepreneurs alors que nous voulons les mettre en position de pouvoir contribuer au redressement du pays. Il est évidemment hors de question de renoncer à aligner la fiscalité du capital sur celle du travail, mais il faut taxer la rente et non le risque. Le ministre du budget et moi-même voulons être fermes sur les principes mais pragmatiques sur les modalités. Nous sommes volontaristes mais pas bornés. Nous proposerons des amendements visant à mieux calibrer la taxation des plus-values de cession et, de manière plus générale, à favoriser l’entreprenariat. (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI.) Car pour moi, je tiens à le dire ici, il n’y a pas de croissance sans les entreprises, pas de politique de croissance qui vaillent contre elles ; il n’y a pas dans ce gouvernement de racisme anti-entreprises ni d’hostilité à l’économie de marché !

M. Claude Goasguen. Bravo ! Quel progrès !

M. Pierre Moscovici, ministre. Nous comprenons les entreprises. Nous voulons aider celles et ceux qui, dans le pays, créent, innovent, exportent, parce que c’est dans l’entreprise que se créent la richesse et l’emploi. Telle est la finalité de notre action. (Applaudissements ironiques sur les bancs des groupes UMP et UDI.) Je vous remercie de nous approuver. (Exclamations sur les mêmes bancs.)

Nous proposerons ainsi de mettre en place un statut fiscal pour les entrepreneurs, d’inciter à l’investissement long pour mieux prendre en compte la situation de ceux qui réinvestissent dans une nouvelle entreprise la plus-value qu’ils ont dégagée sur la vente de l’entreprise qu’ils dirigeaient jusque-là.

Enfin, le projet de loi de finances pour 2013 entame le mouvement de modernisation de notre économie, en vue de renouer avec une croissance de qualité. Il amorce la transition écologique en proposant des mesures de mise en œuvre de la feuille de route fixée dans le cadre de la conférence environnementale. Surtout, il étend le crédit d’impôt recherche aux dépenses d’innovation des TPE et des PME innovantes qui attendaient cela depuis si longtemps.

M. Thomas Thévenoud. Très bien !

M. Pierre Moscovici, ministre. C’est un dispositif auquel je crois beaucoup. Il s’agit de résoudre un problème spécifiquement français, qui n’avait pas été traité jusqu’à présent : l’engagement insuffisant des PME dans l’innovation. La capacité à innover est un facteur de compétitivité qu’il est essentiel d’encourager au travers de la fiscalité. Nous le faisons, malgré les difficultés du moment.

Avant de laisser la parole au ministre du budget, je voudrais d’emblée dire ma fierté du travail déjà accompli et ma fierté anticipée de celui qui attend cette assemblée. En peu de mois, nous avons entrepris la refonte totale de nos finances publiques. Nous en changeons la forme et le contenu, rien moins que cela, tout en améliorant nos règles de gestion, c’est-à-dire en donnant de la crédibilité à nos engagements sans nuire à la souveraineté du Parlement. Nous renforçons la gouvernance budgétaire avec un Parlement mieux informé et mieux associé, ce dont chacun ici ne pourra que se réjouir.

Le changement n’est pas un sprint. Une législature ne dure pas cinq mois – durée exacte qui nous sépare de la nomination du Gouvernement de Jean-Marc Ayrault, le 16 mai dernier. Une législature dure cinq ans. Le changement est une course de fond exigeante, dont notre pays sortira plus fort, plus dynamique, plus innovant et aussi plus solidaire.

Le Gouvernement ne le réussira pas seul. C’est avec la mobilisation de l’ensemble des administrations publiques, de tous les acteurs économiques et de toute la société civile que nous y parviendrons. C’est surtout avec le soutien, l’expertise, la vigilance – bienveillante, je n’en doute pas – de l’Assemblée nationale et du Sénat que nous redresserons le pays et que nous relèverons le défi du désendettement compétitif.

Vous pouvez compter sur notre détermination, sur notre disponibilité. Pour ma part, je sais pouvoir compter sur vos expériences, sur vos talents divers, sur le soutien exigeant de la majorité, sur le contrôle que j’espère constructif de l’opposition, sur la sagacité des propositions de tous.

Gardons nos yeux ouverts sur les véritables enjeux de ce quinquennat pour le réussir ensemble. Les textes que nous examinons aujourd’hui en sont vraiment la feuille de route. Je vous remercie. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé du budget.

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué chargé du budget. Monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mesdames et messieurs les députés, cette semaine le Parlement va examiner la loi de finances pluriannuelle et la loi de finances initiale pour 2013.

La semaine prochaine, avec Marisol Touraine, je vous présenterai le projet de loi de finances pour la sécurité sociale. En fin d’année, il y aura la loi de finances rectificative. Nous débutons donc aujourd’hui l’examen d’un ensemble dont toutes les parties se tiennent et se complètent, qui porte sur des sujets graves et auquel le Gouvernement tient.

Nous y tenons car il doit s’opérer une rupture avec les politiques menées par les précédents gouvernements ainsi qu’avec une pratique plus ancienne encore, et qui ont abouti à un endettement tout à fait insupportable. Nous devons rompre avec cet endettement, nous en départir pour des raisons connues de tous, que nombre d’entre vous ont pu exposer à cette tribune au cours de cette mandature ou de la précédente, quelles qu’aient été les fonctions des uns et des autres.

Oui, il faut rompre avec cet endettement. C’est une question de respect de la parole donnée, de souveraineté nationale : qu’on le veuille ou non, quand le stock de dette atteint 90 % du PIB, nous dépendons du bon vouloir de nos prêteurs, figures ou institutions le plus souvent anonymes qui n’ont de comptes à rendre à personne et surtout pas, contrairement à nous, au peuple auquel nous devons notre présence ici.

Nous devons nous désendetter car, ainsi que Pierre Moscovici l’a rappelé, cet endettement est véritable impôt à la naissance pour les générations de nos enfants et petits-enfants. Il est moralement insupportable de donner l’impression de vivre ainsi sur le dos des générations futures.

Comme l’a rappelé le ministre de l’économie et des finances, le désendettement est aussi un élément essentiel de la compétitivité de nos entreprises, pour au moins deux raisons.

Premièrement, tant que la puissance publique asséchera le marché d’autant de liquidités, ce sont autant de liquidités qui ne s’investiront pas dans le secteur productif pour créer de la valeur, de la richesse, des emplois et permettre à la France de jouer son rôle dans la compétition commerciale internationale.

Deuxièmement, tant que le désendettement ne sera pas réalisé de manière satisfaisante, notre pays sera menacé par une augmentation des taux d’intérêt auxquels il emprunte. Nous savons bien qu’il n’est pas d’entreprises pouvant emprunter à des taux inférieurs à ceux auxquels le pays dont elles ressortent emprunte lui-même. Le désendettement est aussi un élément de compétitivité dont on parle peu – il n’a été question que de la compétitivité prix, au cours de ces derniers mois – alors qu’il est pourtant essentiel.

Ce désendettement a été affirmé par le candidat François Hollande ; il a été confirmé par ce candidat une fois élu Président de la République ; il a été assumé par le Premier ministre Jean-Marc Ayrault et par l’ensemble des membres du Gouvernement. Ce désendettement, j’en suis certain, toute la majorité parlementaire en a compris la nécessité et concourra à sa réalisation par ses votes.

Il faut nous désendetter, c’est-à-dire en finir avec une équation impossible dont les termes ont été posés avec vigueur au cours des dix dernières années, peut-être avec entrain durant les années précédentes. Cette équation impossible a été voulue pour des raisons politiques, je n’ose dire idéologiques, par ceux qui nous ont précédés. Ils estimaient que réduire les moyens de l’État contraindrait la puissance publique à diminuer son intervention, que réduire les recettes obligerait à diminuer les dépenses.

M. Claude Goasguen. C’est la vérité !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Plus qu’une juxtaposition de politiques, c’était une relation de cause à effet qui était espérée par ceux qui ont mis en œuvre cette politique avec constance au cours des dix dernières années : réduisons les recettes de l’État ou de la protection sociale et alors nous serons obligés de réduire la dépense.

On sait ce qu’il en fut.

M. Claude Goasguen. En Allemagne notamment !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Certes, les recettes ont diminué. Entre 2002 et 2007, le président Chirac a réduit l’impôt sur le revenu de 30 % comme il s’y était engagé pendant sa campagne, ce qui a engendré une perte de recettes de 17 milliards d’euros en fin de législature.

Au cours de cette même législature et dans le but de réduire les recettes, il fut procédé à une multiplication des niches fiscales ou à l’accroissement des avantages attachés à celles qui existaient déjà. Entre 2002 et 2007, le coût des niches fiscales pour l’État a été majoré de 50 %, passant de 50 à 75 milliards d’euros.

Ces recettes ont fini par manquer car, dans le même temps, loin de diminuer, la dépense publique progressait. À cette époque, il était facile de faire plaisir en diminuant les impôts : le contribuable apprécie toujours de voir sa facture baisser. Il était évidemment plus difficile, oserai-je dire plus courageux, de diminuer la dépense publique. Mais ce ne fut pas le cas : le stock de dette est passé de 59 % du PIB en 2001 à 64 % en 2007. Comment expliquer cet accroissement de cinq points autrement que par cette équation impossible dont les termes – réduire les recettes tout en maintenant les dépenses – étaient antinomiques ? De là vient, en partie, l’endettement excessif de notre pays.

Ce mouvement s’est accéléré pendant la législature qui vient de s’achever, entre 2007 et 2012, la même logique ayant prévalu. Encore une fois, il s’agissait de baisser les recettes pour être contraint de diminuer les dépenses. Les recettes ont effectivement baissé via le fameux paquet fiscal adopté pendant l’été 2007. Des avantages divers ont été consentis aux uns et aux autres, avec des fortunes diverses : ceux qui avaient voté dans l’enthousiasme des dispositions telles que la déductibilité des intérêts d’emprunt pour l’acquisition d’une résidence, ont demandé leur abrogation, à la même majorité, quelques années plus tard.

Les impôts ont baissé de 11 milliards d’euros sous l’effet de ce seul texte de loi proposé en urgence à l’été 2007, et le mouvement s’est poursuivi. Sans prétendre que la réforme de la taxe professionnelle ait été forcément puisée à une mauvaise source, je constate qu’elle a coûté 7 à 8 milliards d’euros à l’État la première année et 4 à 5 milliards d’euros les années suivantes, ces sommes étant financées par l’emprunt. La baisse de la TVA dans la restauration, acquise grâce à l’adoption d’un amendement proposé au hasard d’une loi sur le tourisme, a coûté 3 milliards d’euros par an et a été aussi financée par l’emprunt.

Si les recettes ont baissé, les dépenses, elles, n’ont pas régressé à due proportion. En 2001, la dépense publique représentait 52,9 % du PIB ; l’année dernière, ce taux atteignait 56 %. Nos prédécesseurs ont baissé les recettes, augmenté le poids de la dépense publique dans le PIB (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC) et ils s’étonnent ensuite que le stock de dette ait augmenté de 300 milliards d’euros au cours de l’avant-dernière législature et de 600 milliards au cours de la suivante. Au total, le stock de dette s’est accru de 900 milliards d’euros, c’est-à-dire qu’il a doublé durant cette période. On pourrait multiplier les exemples.

M. Laurent Furst. Vous oubliez la crise !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Monsieur le député, je pensais aborder cette question plus tard dans mon intervention, mais je vais vous répondre.

D’abord, il n’y a pas eu de crise entre 2002 et 2007, ou alors dites-moi laquelle.

Mme Valérie Pécresse. Ne vous cachez pas derrière vos prédécesseurs !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. À part les raisons que je viens de donner, qu’est-ce qui explique l’augmentation de 300 milliards d’euros du stock de dette sous l’empire d’une majorité à laquelle vous apparteniez probablement ?

Mme Valérie Pécresse. Seuls les ministres débutants parlent de leurs prédécesseurs !

M. Jean Glavany. Vous l’avez été aussi, n’ayez pas la mémoire courte !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. S’agissant de la période 2007-2012, il serait absurde de nier l’existence d’une crise. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle – et Mme Pécresse pourrait vous le confirmer – existe la notion de déficit structurel, c’est-à-dire un déficit qui existerait lors même qu’il n’y aurait pas de crise, de baisse de recettes et de politique de relance. Ce déficit structurel neutralise les effets de la crise.

Savez-vous quel était le déficit structurel en 2007, monsieur le député ? Il représentait 3,9 % du PIB. Savez-vous quel était le déficit structurel à la fin de la législature précédente, sous l’empire d’une majorité à laquelle vous apparteniez ? Il représentait 4,8 % du PIB. Si la politique menée fut si parfaite, comment expliquez-vous, monsieur le député, que le déficit structurel ait ainsi augmenté d’un point de PIB ? Il n’y a d’autre explication que celle que je viens de donner : baisse des recettes sans diminution de la dépense publique.

Alors, il faut rompre avec les termes de cette équation impossible, sauf à majorer l’endettement et asservir notre pays à des puissances que nous ne connaissons pas, ce qui est moralement insupportable car cela reporte la charge sur les générations futures.

Au demeurant, la majorité précédente n’a pas hésité à renvoyer 160 milliards d’euros aux générations futures, par un allongement de la durée de vie de la Caisse d’amortissement de la dette sociale.

M. Jean Glavany. Le scandale de la CADES !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Jean-Luc Warsmann, le président de la commission des lois, y était totalement hostile, et d’autres n’ont fini par voter pour cet allongement que par discipline et certainement avec mauvaise conscience – ils se reconnaîtront, je n’en doute pas.

Vous accusez l’actuelle majorité d’augmenter les impôts. Qu’est-ce d’autre qu’une augmentation d’impôts que cette prolongation de la durée de vie de la CADES de 2021 à 2025 ? Il s’agit bien d’imposer des générations qui n’ont rien à voir avec cette dette, et encore moins avec celle que votre majorité a contractée entre 2002 et 2012 : une dette sociale de 160 milliards d’euros. Ceux qui vont devoir s’en acquitter étaient très jeunes à l’époque et ils n’en sont en rien responsables. Sans compter qu’il ne s’agit que de dépenses de fonctionnement.

Je ne sais pas si je vous ai convaincu…

M. Laurent Furst. Pas tout à fait !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. …mais il faut absolument rompre avec les termes de cette équation impossible.

C’est ce que le Gouvernement a l’intention de faire en modifiant les politiques publiques qui ont été menées et qui ont échoué. Au-delà du stock de dette, qui n’est pas l’exemple le plus abouti du succès des politiques menées, au-delà des éléments budgétaires et financiers que chacun sur ces bancs connaît parfaitement, qui ne voit l’effondrement du commerce extérieur, équilibré en 2001 et déficitaire de 70 milliards d’euros en 2011 ?

À qui la faute ? À ceux qui n’étaient peut-être même pas nés ou qui n’étaient que des collégiens dans les années 1968 puisque, si j’ai bien compris, c’est là qu’il faudrait aller chercher je ne sais quels errements ? Ou plutôt à ceux qui viennent de diriger le pays pendant dix ans et qui ont laissé la compétitivité de nos entreprises se dégrader à un point tel que notre déficit du commerce extérieur atteint un record ?

…ce qui n’est pas non plus un exemple de réussite flagrante.

Et la désindustrialisation : la faute encore à 1968 ? La part de l’industrie dans la richesse produite, qui était de 17,2 % en 2001, est tombée à 12,3 % en 2011. Où est passé le reste ? Qu’avez-vous fait, vous qui aujourd’hui nous donnez des leçons sur un ton aussi peu satisfaisant ? Un ton qui augure mal des cinq ans à venir, que nous allons passer, nous à proposer, vous à vous opposer. Il serait profitable aux deux parties de commencer sur de meilleures bases.

Quoi qu’il en soit, ne doutez pas qu’à chaque fois que ce ton sera employé nous répondrons comme il convient. Car nous n’accepterons pas de recevoir des leçons aussi définitives et péremptoires de ceux qui ont le bilan que je viens de décrire et dont je pourrais encore donner quelques détails, au risque de vous gêner. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Oui, il faut mener d’autres politiques publiques, afin de rompre avec celles que vous avez menées et qui ont échoué sur le plan budgétaire comme sur le plan industriel. Sans compter d’autres aspects. Non que vous auriez voulu attaquer notre modèle social et républicain : nous avons beau ne pas avoir les mêmes projets, jamais je ne ferai à l’opposition l’insulte de la considérer comme moins républicaine que la majorité. Mais quand même ! Près de 60 000 suppressions de postes dans l’éducation nationale, voilà qui ne peut que compromettre le service public de l’éducation !

M. Claude Goasguen. Et vos 16 000 créations de postes ? Vous êtes dingues !

M. Laurent Furst. Où est passé le déficit structurel ?

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Par quel raisonnement, d’ailleurs, pourrait-on démontrer que, l’éducation nationale remplissant mal ses missions, il faille supprimer 60 000 postes pour l’aider à les remplir mieux ? On peut certainement imaginer une meilleure organisation, une meilleure allocation des moyens. Mais des suppressions d’une telle ampleur en espérant un meilleur service… La seule comparaison qui me vienne à l’esprit, c’est avec les médecins de Molière, qui saignent leurs patients à qui mieux mieux à chaque fois que leur état se dégrade. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) C’est pourtant malheureusement ce que ce que vous avez fait avec constance pendant cinq ans.

Je ne vois pas que cette politique ait rencontré un quelconque succès. On pourrait là encore multiplier les illustrations – le rôle de la France en Europe, par exemple. Quand avez-vous vu la France à ce point marginalisée lors des décisions importantes de l’Union européenne, et en particulier de la zone euro ? Où avez-vous vu, dans notre histoire récente, que Valéry Giscard d’Estaing ait cédé le pas à Helmut Schmidt, François Mitterrand à Helmut Kohl, le général de Gaulle à Konrad Adenauer ? Où avez-vous vu des exemples dans notre histoire contemporaine où la chancelière d’Allemagne décide en réalité en lieu et place de tous les autres, et souvent sans tenir compte de l’avis de la France ?

Oui, l’influence de la France s’est réduite. Malheureusement, les exemples en sont nombreux. Aucune des crises que l’Europe a rencontrées n’a pu être résolue sans l’accord de la chancelière allemande,…

Plusieurs députés du groupe UMP. Et de la France !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. …bien souvent malgré l’avis du Président de la République, qui faisait parfois de bonnes propositions sans parvenir à les faire prévaloir.

M. Claude Goasguen. C’est vous qui avez cédé !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Comment ne pas constater que le Mécanisme européen de solidarité est en fait animé par un Allemand ? Et n’avez-vous pas vu que la Banque européenne d’investissement était dirigée aussi par un Allemand ? N’avez-vous pas vu que ce n’est pas du Conseil constitutionnel, mais de la Cour constitutionnelle de Karlsruhe que l’Europe entière attendait une décision ? N’avez-vous pas constaté que la nomination de Mario Draghi relevait de Berlin et certainement pas de Paris ?

Y voyez-vous des exemples de l’influence de la France en Europe ? J’y vois pour ma part un recul contre lequel il faut lutter – un recul contre lequel nous lutterons pour notre part, en étant crédibles dans notre politique budgétaire et financière.

Il faut donc refonder les politiques publiques, et nous avons commencé dès le projet de loi de finances rectificative de cet été. À cet égard, et même si je comprends bien ce que le jeu politique peut commander comme approximations, sachons au moins entre nous de quoi nous parlons ! Il n’est pas vrai que les prélèvements supplémentaires décidés dans cette loi de finances rectificative doivent financer des mesures nouvelles. Toutes l’étaient.

L’augmentation de l’allocation de rentrée scolaire était financée par la baisse du quotient familial ; nous l’assumons. La retraite à 60 ans pour les salariés ayant commencé très tôt dans les métiers les plus pénibles était financée par une augmentation de cotisations ; nous l’assumons. En vérité, c’est parce que nous voulions respecter la parole que le précédent Président de la République avait donnée dans le concert européen des nations que nous avons levé – pas de gaieté de cœur, évidemment – ces 7,2 milliards d’euros d’impôts supplémentaires,

Nous avons donc commencé à refonder les politiques publiques, et nous allons continuer. Ce projet de budget y contribue, avec 10 milliards d’euros d’économies sur les dépenses et 20 milliards d’effort fiscal supplémentaire. Commençons par les économies. L’année prochaine, la norme de progression des dépenses de l’État sera à zéro en valeur. J’en vois certains satisfaits, d’autres inquiets.

Mme Valérie Pécresse. C’est zéro en volume, qu’il faut !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Aux insatisfaits, il faut dire que c’est cette norme de dépense là que le Gouvernement qu’ils ont soutenu avait proposée, et qu’ils l’avaient accueillie avec enthousiasme. J’ai même entendu certains responsables de la précédente majorité, certains ministres, expliquer que la chose était exceptionnelle, admirable – un effort jamais réalisé. Peut-être était-ce le cas à l’époque, en tout cas il est poursuivi.

Au moins à cet égard, je comprends donc mal la réaction de certains députés de l’opposition. Oui, nous soumettrons les dépenses de l’État à cette norme du « zéro valeur » dans le champ auquel elle s’applique, qui est d’ailleurs le même que celui que la majorité précédente avait défini. La majorité parlementaire pourrait presque tenir grief au gouvernement actuel d’une telle continuité ! Mais il le faut bien. Et d’ailleurs, sur le fond, quelle divergence avec ceux qui nous ont précédés ! Car tout de même, là où, pour une première année de mandature, nous imposons une norme de « zéro valeur », la loi de finances initiale du gouvernement de M. Fillon en 2007 proposait une augmentation – de cette dépense-là, sur ce champ-là – de 1,5 % !

M.  Benoist Apparu. C’était avant la crise !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Là où le budget doit augmenter de 0,3 %, y compris le service de la dette et les pensions, le gouvernement de François Fillon et la majorité UMP avaient augmenté la dépense de 3,3 % ! Onze fois plus !

M. Christian Eckert, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Oh la la !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Vous avez dépensé onze fois plus durant votre première année complète que nous ne nous apprêtons à le faire, et vous nous donnez des leçons ! Convenez que ce soit difficilement acceptable et que nous devions vous rappeler votre imprévoyance chaque fois que nécessaire.

Oui, cette norme « zéro valeur » perdurera toute la législature.

Plusieurs députés du groupe UMP. Zéro volume !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. C’est ainsi que nous ferons des économies. C’est une norme extrêmement difficile à respecter, mais nous le ferons. Tous les ministères y contribueront. Pour faire 10 milliards d’euros d’économies, il faut bien sûr commencer par les dépenses de fonctionnement, pour 2,8 milliards. Il ne s’agira pas d’une ou deux mesures emblématiques. Tous les ministères, toutes les missions, toutes les dépenses ont été passées au crible afin de ne conserver que celles que nous estimons conformes à la fois à notre projet politique et à l’état pour le moins délicat de nos finances publiques.

Et 2,8 milliards, ce n’est certainement pas moins que la majorité précédente – la dernière année ! Car c’est la dernière année que vous avez réellement commencé à faire des économies. Lors des quatre premières, en vérité, la dépense publique n’a pas été tenue. Ainsi, entre 2002 et 2007, l’évolution de la dépense publique a été en moyenne et par an de 2,3 % sous l’autorité des gouvernements Raffarin, puis Villepin.

Mme Valérie Pécresse. Et sous le gouvernement Jospin ?

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Entre 2007 et 2012, sous le gouvernement Fillon, l’évolution des dépenses publiques a été de 1,7 %. Sous l’autorité du gouvernement Ayrault, l’année prochaine, elle sera de 0,7 %. Un point de moins ! C’est nous qui pourrions vous donner des leçons ! En 2013, nous ferons trois fois moins que votre moyenne de 2002 à 2007 ! Deux fois moins que votre moyenne de la précédente législature ! Non, pas de leçons à recevoir ! En revanche, sans vous en donner, nous pourrons rappeler régulièrement à votre bon souvenir ce que vous avez fait vous-mêmes. Un peu de mémoire peut être utile, quitte à vous déplaire ou à vous contredire à l’occasion, au moins de façon courtoise. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Marc-Philippe Daubresse. Vous nous poussiez à dépenser plus, à l’époque !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Dans ces 10 milliards d’économies, il y a aussi 2 milliards sur les dépenses d’intervention. Puis 2,2 milliards d’économies dans la défense nationale. Sans compromettre les programmes d’investissement, qui tous sont respectés. Sans compromettre les capacités d’accueil de nos soldats qui rentrent d’Afghanistan, que la nation se doit de traiter comme il convient. Sans compromettre nos capacités d’action militaire qui, terrorisme aidant, sont hélas absolument indispensables.

Il y a aussi 1,2 milliard d’économies sur les investissements – probablement les dépenses les plus difficiles à supprimer. Je voudrais à ce propos remercier mes collègues chargés de la justice, de la culture ou du logement qui ont accepté de sacrifier des investissements. Car ce programme de 10 milliards d’économies sur les dépenses, nous devions le réaliser.

M. Marc-Philippe Daubresse. Et en dépenses de fonctionnement ?

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Enfin, il y a 1,8 milliard d’économies au sein des opérateurs de l’État.

Les opérateurs de l’État ont été la ligne de fuite du précédent gouvernement. Les opérateurs de l’État, ce sont 40 milliards d’euros de dotations budgétaires et 10 milliards de taxes affectées. Ce sont quasiment un millier de structures, qui travaillent le plus souvent en conscience, mais de plus en plus hors du contrôle que l’État se doit d’exercer sur leur action comme sur leurs méthodes. Les opérateurs de l’État, ce sont15 % de frais de fonctionnement en plus ces cinq dernières années, et 6 % de personnel supplémentaire quand les effectifs de l’État baissaient de 6 %. C’est un dépassement du plafond d’équivalents temps plein de 13 %.

Mais où étiez-vous, vous qui nous donnez des leçons d’économie ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Où étiez-vous, mesdames et messieurs les députés de la précédente majorité, quand la dépense fuyait par centaines de millions au sein des opérateurs de l’État sans que personne s’en émeuve ?

M. Charles de Courson. Ce n’est pas vrai !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Personne ou presque. Je me souviens de Michel Bouvard interrogeant Mme Lagarde ou Mme Pécresse, alertant les membres du Gouvernement, indiquant que ce mouvement allait compromettre l’ensemble des politiques publiques autant que le rétablissement de l’équilibre budgétaire. Où étiez-vous ?

Nous, nous allons le faire. Nous supprimons 1 303 emplois chez les opérateurs. Nous supprimons 7 242 emplois dans la défense nationale, 2 253 emplois au ministère de l’économie et des finances, 662 emplois au ministère du logement, 614 emplois au ministère de l’intérieur. Au total, l’année prochaine, il y aura une diminution nette d’environ 1 400 emplois. Une suppression nette ! Parce que nous nous sommes engagés à respecter cette norme « zéro valeur » et que cela suppose la stabilité des effectifs. Et dès lors que nous créons des postes dans l’éducation nationale,…

M. Claude Goasguen. Seize mille !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. …la justice, la gendarmerie et la police, nous sommes obligés d’en supprimer ailleurs. Ce que nous avons dit pendant la campagne, nous le faisons dans ce budget. Les documents sont faciles à consulter et nous en débattrons. Nous rendrons des comptes à la majorité comme à l’opposition. Les engagements pris pendant la campagne seront respectés.

Cela ne nous empêchera pas de mener des politiques publiques. Ainsi, 10 000 emplois seront créés dans l’éducation nationale. Qui s’en formaliserait ? Ce fut annoncé pendant la campagne électorale, confirmé par le Président de la République, clairement dit par le Premier ministre dans sa déclaration de politique générale. C’est de ne pas créer ces emplois qui serait choquant !

Nous créerons également des emplois dans la police et la gendarmerie – 480 – et dans la justice – 580. Savez-vous que, ces cinq dernières années, près de 60 000 décisions de justice n’ont pas été exécutées faute de moyens ? Les peines sont prononcées, mais pas transmises au juge d’application des peines, faute de greffiers, faute de structures. Au lieu de légiférer, il aurait mieux valu veiller à ce que les peines prononcées, que vous aviez votées, soient au moins exécutées !

Quelle curieuse conception de l’action publique que d’estimer qu’une fois la loi votée il n’y a plus à se préoccuper de son application ! Ce n’est pas la nôtre. Empiler les textes sécuritaires pour durcir la politique pénale alors même que les peines prononcées ne sont pas exécutées faute de moyens pour les transmettre au juge d’application des peines, cela contribue puissamment au sentiment de découragement ou d’incivisme que l’on peut rencontrer chez nos concitoyens. Et point n’est besoin pour cela de remonter à 1968 : cinq ans en arrière, c’est largement suffisant !

Oui, nous refondons les politiques publiques au service des missions que je viens d’indiquer. Nous donnons des moyens aux services régaliens de l’État afin que celui-ci retrouve sa puissance, c’est-à-dire le respect qui lui est dû par l’ensemble de nos concitoyens.

Dix milliards d’économies : aucun gouvernement en début de législature n’a jamais fait cela. Nous ne le faisons pas par goût de démanteler l’État, ou parce qu’il serait agréable d’amputer tel ou tel budget.

Nous faisons cela parce qu’il est impossible, mesdames et messieurs les députés, de faire reposer l’intégralité de l’effort sur une simple hausse de la fiscalité. Ce ne serait absolument pas raisonnable.

Je pense qu’il faut accepter cette politique difficile, non seulement à l’égard de l’État mais également à l’égard de la protection sociale ; je pense à l’assurance-maladie, avec un ONDAM de 2,6 %. Je pense aussi aux collectivités locales : en comité des finances locales, j’ai indiqué que le « zéro valeur » s’appliquerait en 2013 et qu’il faudrait faire une économie de 750 millions d’euros et en 2014 et en 2015. Oui, tout le monde, tout le monde doit s’y mettre : les individus, les foyers, nos concitoyens, tous, comme chacune des institutions, car la tâche du redressement du pays est d’une telle ampleur qu’il est illusoire d’imaginer que le seul effort de l’État pourrait y pourvoir. Chacun va s’y mettre.

J’entends bien, ici ou là, que certains estiment, avant même que nous examinions comment lever ces 20 milliards d’euros d’impôts supplémentaires, que ces économies seraient insuffisantes, mais alors, si elles sont insuffisantes, où en faire d’autres, et comment ? Et surtout, pourquoi, mesdames et messieurs les députés de l’opposition, ne pas les avoir faites vous-mêmes quand vous étiez au pouvoir ?

M. Xavier Bertrand. Et la RGPP, alors ?

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. J’ai indiqué que les économies que vous avez faites n’ont été sensibles que la dernière année du quinquennat, certainement pas les quatre premières.

J’ai vu des amendements, d’ailleurs parfois légèrement contradictoires. L’un, qui émane du groupe UMP – je crois que c’est vous qui en êtes l’auteur, monsieur Bertrand –, se propose de diminuer la dotation globale de fonctionnement, quand un autre, déposé par l’un de vos collègues du même groupe, se propose, lui, de l’indexer sur l’inflation. Qui croire ? Qui parle au nom du groupe UMP ? M. Bertrand ou son collègue ?

J’ai également vu que le porte-parole de l’UMP proposait que 5 milliards d’euros soient économisés sur les dépenses de l’État, sans que l’on sache où ils seraient trouvés. Peut-être M. Mariton nous l’expliquera-t-il au cours des débats…

M. Pascal Terrasse. Ce serait bien !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Monsieur Mariton, je connais comme vous la fameuse dialectique de la morale de conviction et de la morale de responsabilité. Quand on est au pouvoir, il ne faut pas oublier la morale de conviction, et, quand on est dans l’opposition, il ne faut pas oublier la morale de responsabilité. Au fond, je regrette que vous n’ayez pas eu la même idée à l’époque où vous siégiez dans la majorité, où vous étiez une voix écoutée au sein de la majorité d’alors, je regrette que vous n’ayez pas proposé à Mme Pécresse ou à M. Woerth de faire 5 milliards d’économies en leur laissant le soin de choisir où ils pourraient les trouver. Je m’efforce pour ma part, en conscience, de respecter cette morale de conviction, et j’aimerais que, si peu de temps après la défaite électorale qui fut la vôtre,…

M. Marc-Philippe Daubresse. La vôtre viendra ! Elle se dessine déjà !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. …vous ne donniez point l’impression d’oublier cette morale de responsabilité. Je m’efforcerai pour ma part d’y sacrifier sans rien compromettre des convictions que j’ai pu avoir.

Quand on compare l’évolution de la dépense publique au cours des deux précédentes législatures et ce que nous nous proposons de faire, quand on considère même ce qu’a été l’évolution des prélèvements obligatoires – souvenez-vous : vous vouliez baisser les impôts de 80 milliards d’euros et, en définitive, la dernière année, vous les avez augmentés de 30 milliards– et nos projets, je ne crois pas qu’il y ait matière à débattre de la manière la plus violente, de la manière la plus brutale qui soit, même si, naturellement, certains moments, dans la vie parlementaire, sont propices à des excès, d’un côté comme de l’autre. Je pense qu’il y a matière à comprendre, ce que vous avez peut-être tenté de faire, mais sans succès, je le crains ; en tout cas, les Français vous ont sanctionnés. Peut-être serait-il pertinent que vous attendiez au moins quelque temps et que vous examiniez les résultats des politiques que nous voulons mener.

Vous présenterez comme bon vous semblera cet effort fiscal que nous nous proposons de mener, mais la vérité risque d’être différente de ce que vous affirmez.

Je vous mets au défi de me citer une mesure, dans ce projet de loi de finances initiale, qui frapperait spécialement les classes moyennes. Peut-être pouvez-vous nous reprocher de ne pas revenir sur des mesures qui frappent les classes moyennes, des mesures que vous avez votées, des mesures que le Gouvernement que vous avez soutenu vous a proposées sans que vous osiez ou puissiez vous y opposer. Oui, je le reconnais, ces mesures sont maintenues, mais elles ne figurent pas dans le projet de loi de finances initiale pour l’année 2013.

C’est vous qui, quand vous étiez majoritaires, avez voté les franchises médicales : un milliard d’euros.

M. Laurent Furst. Vous les maintenez !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. C’est vous qui, quand vous étiez majoritaires, avez, en deux fois, voté l’augmentation de la taxe. Et vous nous reprochez maintenant de ne pas défaire ce que vous avez fait ! Autrement dit, vous nous reprochez le contraire de ce que vous nous reprochiez lors de l’examen du projet de loi de finances rectificative. Souvenez-vous : tout au long de ce débat, au mois de juillet dernier, vous nous reprochiez de n’avoir comme seule motivation que celle de simplement défaire ce que vous aviez fait. Maintenant, vous nous reprochez de maintenir ce que vous avez fait ! Convenons-en : sur les bancs de l’UMP, la dialectique semble, en cinq mois, prendre des chemins un peu tortueux. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Nous n’avons naturellement pas les moyens de revenir sur tout ce que vous avez fait, ne serait-ce qu’en raison de l’état dans lequel vous nous laissez les finances publiques. Croyez bien que beaucoup, sur les bancs de la majorité, regrettent de ne pouvoir revenir sur ce que vous avez fait, comme l’imposition des indemnités journalières d’accident du travail, car c’est vous qui avez décidé de vous en prendre à cette niche, pour des raisons qui m’ont toujours échappé, alors que tant d’autres niches fiscales et sociales vous tendaient les bras, dont la suppression eût été mieux comprise par nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Bref, vous nous reprochez de ne pas défaire tout ce que vous avez fait. Nous sommes là depuis cinq mois, et nous ne sommes pas encore totalement revenus sur toutes les dispositions que vous avez pu prendre pendant dix ans. Veuillez excuser cette lenteur mais, si vous avez mis dix ans à les élaborer, peut-être pouvez-vous nous laisser un peu plus de cinq mois pour les défaire ! (Mêmes mouvements.)

Il est vrai, à cet égard, que nous ne revenons pas totalement sur le gel du barème de l’impôt sur le revenu par lequel vous avez neutralisé son indexation sur l’inflation. Nous revenons cependant en partie dessus, par une disposition qui figure bien dans le projet de loi de finances initiale : nous ne revenons pas sur le gel même mais nous veillons, par un mécanisme de décote, que Mmes et MM. les députés de la commission des finances ont déjà examiné, à ce que des foyers non imposables ne le deviennent pas au taux de la première tranche, nous revenons sur un mécanisme qui aurait conduit ceux qui sont imposés au taux de la première tranche à être imposés au taux de la deuxième. Oui, nous tentons d’épargner cet effort à 7,4 millions de foyers fiscaux. Grâce à la mesure que nous prenons, ils ne paieront pas l’impôt supplémentaire que vous, mesdames et messieurs les députés de l’opposition, aviez prévu qu’ils paieraient.

Je renouvelle donc ma proposition, et vous mets au défi de me citer une mesure de ce projet de loi de finances initiale qui affecte les classes moyennes, ou modestes, ou populaires. Nous avons précisément tout fait pour éviter qu’elles ne soient frappées.

M. Xavier Bertrand. Et la fiscalisation des heures supplémentaires ?

M. Marc-Philippe Daubresse. Et la participation ?

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. C’est la raison pour laquelle nous sommes revenus sur l’augmentation de la TVA que vous aviez votée. Onze milliards d’euros ! Comment pouvez-vous affirmer que cette augmentation de TVA de 11 milliards d’euros n’aurait frappé que les foyers aisés ? Naturellement, les classes moyennes, les classes populaires, tout le monde était concerné par cette augmentation de la TVA !

Nous sommes revenus dessus, mais nous ne sommes pas revenus sur l’augmentation de la CSG, que vous avez votée et qui s’applique dès 2012 : 600 millions d’euros ! Oui, cette extension de l’assiette de la CSG, voulue par le gouvernement Fillon, votée par la majorité d’alors, frappe les classes moyennes.

M. Marc-Philippe Daubresse. Et le financement de la retraite à soixante ans ?

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Cela, c’était en loi de finances rectificative, monsieur le député, et je renouvelle mon défi : citez-moi une mesure du projet de loi de finances initiale qui frappe les classes moyennes. Vous êtes tellement en peine de le faire que vous êtes obligé d’aller chercher un autre texte, confirmant ainsi que le défi que je vous lance a peu de chances d’être relevé !

M. Marc-Philippe Daubresse. En juillet, vous étiez bien ministre du budget !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Ainsi, oui, 90 % de l’effort fiscal sera assumé par 10 % des foyers, et nous verrons, dans le débat, si vous votez contre la création d’une tranche imposée au taux marginal de 45 % au-delà de 150 000 euros de revenu par part.

M. Hervé Mariton. M. Moscovici n’a pas donné les mêmes chiffres que vous !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Est-ce juste ou injuste ? Voterez-vous pour ou voterez-vous contre ? La taxation exceptionnelle à 75 %, voterez-vous pour ou voterez-vous contre ? S’agit-il vraiment de frapper les classes moyennes quand on demande une contribution exceptionnelle à celles et ceux qui gagnent plus d’un millions d’euros par an ? Je ne le crois pas.

Et sur l’ISF ?

M. Marc-Philippe Daubresse. Oui, parlons du bouclier fiscal !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Tout à l’heure, c’est, je crois, le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement qui vous a rappelé ce qu’avaient été vos hésitations et vos errements en matière de réforme d’ISF. Beaucoup, parmi vous, voulaient déjà réformer l’ISF. Beaucoup voulaient réformer l’ISF en proposant une tranche supérieure à l’impôt sur le revenu à 45 %.

Leur vote sera intéressant, car nous rétablissons en partie la recette que vous aviez abandonnée. Vous aviez abandonné une recette de 2 milliards d’euros, oui, 2 milliards d’euros, acquittée, naturellement, par les foyers les plus aisés de notre pays, et certainement pas par les classes modestes ou les classes populaires. Et vous aviez voté cet abandon de recettes peu de temps avant d’augmenter la CSG, peu de temps avant d’augmenter la TVA, peu de temps avant d’augmenter les droits de partage en cas de sortie d’indivision ou de divorce !

Souvenez-vous de cette augmentation des droits de partage, que vous, mesdames et messieurs les députés de l’opposition, et de la majorité d’hier. C’était une augmentation tout à fait considérable : le taux de ces droits était passé de 1,1 % à 2,5 %. Et cela aurait frappé les seuls foyers aisés ? Naturellement, non. Ce ne sont pas ces seuls foyers qui sortent d’indivision ou qui connaissent des épreuves familiales les conduisant, hélas pour eux, au divorce.

Oui, je vous lance ce défi, et je constate sans surprise qu’il sera difficile de le relever.

C’est tout à fait en conscience que cet effort fiscal de 10 milliards demandé à ces foyer est proposé. Il ne s’agit naturellement pas de stigmatiser tel ou tel foyer. Il s’agit encore moins de stigmatiser la réussite des uns et des autres ; s’ils réussissent, tant mieux pour eux, tant mieux pour notre pays. C’est tout simplement que ce sont ces foyers qui peuvent consentir cet effort sans diminuer leur capacité de consommation, car il s’agit de protéger la consommation des ménages. Celle-ci est à l’origine des deux tiers de la croissance économique, et vous l’auriez compromise si les mesures que vous aviez prévues étaient effectivement entrées en vigueur.

Si nous sollicitons ces ménages, ce n’est pas par plaisir, c’est probablement à regret, c’est en tout cas par nécessité et par devoir. Nous verrons, à l’occasion des votes dans cet hémicycle et au Sénat, qui se propose de solliciter qui. Dès lors que ces recettes ne seraient pas acceptées, quelles économies faire et où ? Quelle imposition alternative proposer, au détriment de qui, à quel taux et pendant quelle durée ? Oui, ce débat sera intéressant, car ce sera une épreuve de vérité et pour la majorité et pour l’opposition, et il n’est pas de vérité qui ne soit salutaire dans le débat démocratique.

J’ai pris avec moi à la tribune un petit papier car j’avais peur de ne pas me souvenir de cette conclusion de la fable de La Fontaine qui concerne les économies. J’entends bien, ici ou là, que des propositions d’économie sont faites, quoiqu’elles soient bien imprécises, mais peut-être vous souvenez-vous de cette fable de La Fontaine…

M. Marc-Philippe Daubresse. La Grenouille et le Bœuf !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. …où des rats se réunissent pour prendre des dispositions de nature à éviter qu’un chat ne continue de ravager leur communauté. Ils approuvent à l’unanimité la proposition de leur doyen : attacher une clochette au cou du chat pour qu’on l’entende arriver et que l’on puisse s’enfuir et se cacher. Tous sont d’accord ! Mais toute la difficulté apparaît quand il s’agit de déterminer qui va aller attacher la clochette au cou du chat.

Eh bien, c’est avec un certain amusement que j’attends de voir qui, parmi vous, va se lever pour proposer des économies ici ou là et, naturellement, les assumer.

M. Charles de Courson et M. Philippe Vigier. Nous !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. La conclusion de la fable de La Fontaine est bien celle-là : « Ne faut-il que délibérer, / La cour en conseillers foisonne ; / Est-il besoin d’exécuter, / L’on ne rencontre plus personne »… sauf peut-être M. de Courson : c’est donc avec intérêt que nous attendons ses amendements.

Concernant les entreprises, un raisonnement comparable à celui que je me suis permis de tenir à propos de la fiscalité des ménages doit s’appliquer. Oui, il s’agit de solliciter les entreprises pour dix milliards d’euros. Oui, il s’agit de solliciter les entreprises qui, bien que sollicitées, pourront continuer à investir. De la même manière que vous ai mis au défi de me citer une mesure frappant les classes moyennes, je vous mets au défi de me citer une mesure frappant les classes moyennes. (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

Nous avons au contraire veillé à respecter scrupuleusement l’ensemble des dispositions fiscales dont bénéficient les PME. Nous avons même veillé à respecter la fameuse disposition ISF-PME, qui faisait partie du paquet TEPA. Nous avons veillé à respecter les avantages procurés par la loi Madelin. Nous avons veillé à respecter les avantages attachés aux jeunes entreprises innovantes. Nous avons même veillé à respecter les avantages dont peut profiter un chef d’entreprise qui vend son entreprise et part à la retraite.

Reste maintenant ce que je crois une réforme essentielle, qui n’est pas une surprise, qui avait été annoncé pendant la campagne présidentielle : nous voulons soumettre les revenus du capital au même barème de l’impôt sur le revenu que les revenus du travail. Une fois encore, il sera intéressant de voir qui souhaite quoi et pourquoi certains récusent le principe même de voir le capital contribuer non pas plus mais en tout cas pas moins que le travail à l’effort de redressement de notre pays.

J’observe d’ailleurs que personne n’a rien à trouver à redire au texte gouvernemental en ce qui concerne les intérêts et les dividendes. J’en conclus que ces sujets seront consensuels et que l’opposition votera ce que l’on appelle l’imposition au barème de l’impôt sur le revenu des intérêts et des dividendes ; personne n’a protesté contre cela, qui constitue les deux tiers de la réforme.

Demeure la question, je le reconnais, très délicate de l’imposition des plus-values. C’est sur ce sujet que s’est cristallisé un débat qui, j’en suis sûr, prospérera dans cette enceinte et permettra, en définitive, par le vote majoritaire du Parlement, d’aboutir à une solution que je crois satisfaisante.

En conscience, nous avons estimé que, quand un chef d’entreprise vend son entreprise, il s’agit plus de revenus du capital que de revenus du travail. Je reconnais que cela peut susciter un débat,…

M. Yves Censi. Et vous ne pouviez pas y penser plus tôt ?

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. …et j’ai cru comprendre la sincérité de la protestation de chefs d’entreprise qui, pendant des années – non pendant un an ou deux mais pendant des années – ont sacrifié beaucoup de leur temps, ont beaucoup travaillé, ont pris des risques, ont investi leurs deniers personnels, ont cherché à convaincre d’autres qu’il fallait leur faire confiance pour développer leur entreprise. J’ai cru comprendre cette sincérité quand ils ont expliqué qu’au fond créer de la valeur était important, créer des emplois était essentiel, exister dans notre pays en jouant un rôle tout à fait majeur était quelque chose qui importait, mais qu’il fallait, pour eux, cette récompense, au terme de ce processus. Ils estimaient que la plus-value dégagée par la vente de leur entreprise leur revenait. Nous avons entendu cette sincérité, et c’est la raison pour laquelle, pour ceux-là, pour ceux qu’on peut légitimement considérer comme des créateurs et des chefs d’entreprise, pour ceux qui ont effectivement consacré non seulement du temps mais aussi leurs moyens propres, avec le risque inhérent, il vous sera proposé au cours des travaux parlementaires de revenir à une situation plus conforme à ce qu’ils estiment être et la justice et la légitime reconnaissance de leur action.

Comment admettre, en revanche, que l’on traite de la même manière les chefs d’entreprise dont je viens de parler et ceux qui, en prenant certes des risques, mais se contentent – si j’ose dire – d’investir dans les entreprises ? Les premiers travaillent alors que les autres placent leur argent. Les premiers se lèvent tous les matins pour travailler pour leur entreprise, souffrent pour elle, s’efforcent de mobiliser leurs salariés, se battent pour conquérir des parts de marché, se débattent souvent contre une fiscalité par trop mouvante, alors que les autres se contentent de demander des comptes une ou deux fois par an ! Je ne crois pas que l’on puisse les traiter de la même manière. Il me semble donc normal que ceux qui investissent et tirent leurs revenus du capital soient imposés comme ceux qui tirent leurs revenus du travail. Je crois que les débats parlementaires enrichiront ce débat.

Au demeurant, il faut veiller de la manière la plus soigneuse possible au financement des entreprises. Une disposition existante prévoit qu’à partir d’un réinvestissement de 80 % les plus-values sont exonérées. Nous estimons pour notre part que, passé un certain seuil – par exemple 50 % – tout ce qui est réinvesti ne doit pas être taxé. Après tout, cet argent-là n’est pas disponible pour être utilisé à des fins personnelles, mais est réinjecté dans le circuit économique. Cela va bien, au fond, dans le sens de l’intérêt général.

C’est donc un débat tout à fait passionnant qui nous attend sur ce sujet. Le Gouvernement ne l’attend pas avec impatience, mais avec une grande sérénité. Je suis certain qu’en discutant avec les parlementaires, dont naturellement les parlementaires de la majorité, nous arriverons à trouver une solution acceptable.

M. Hervé Mariton. On n’a toujours pas votre amendement ! On ne connaît pas vos solutions !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Monsieur Mariton, mesdames et messieurs les députés, ce que je voudrais dire au terme de cette intervention – qui fut un peu longue, monsieur le président, je vous prie de m’en excuser – surprendra peut-être. J’y tiens néanmoins. Si je condamne sans hésiter les politiques qui ont été menées ces dix dernières années, je ne conteste pas la sincérité, ni la bénévolence, de celles et ceux qui les ont menées. Je ne les conteste en rien. Il se trouve que ces politiques ont échoué, ce constat est partagé par une majorité de Français ; mais je ne conteste ni la sincérité, ni la bénévolence, ni même l’énergie que les uns et les autres ont mise à faire de leur mieux.

J’aimerais – mais peut-être est-ce trop demander – que le même a priori favorable soit constaté sur les bancs de l’opposition à l’égard du Gouvernement. Vous n’êtes probablement pas d’accord avec ce que nous proposons, mais je vous demande de ne contester ni notre bénévolence, ni notre sincérité, ni notre volonté de bien faire avec l’appui de la majorité que les Français ont élue. Croyez-le bien, pendant les cinq années à venir, c’est exactement ce qui nous conduira : vouloir bien faire, ne pas nuire, redresser le pays.

Plusieurs députés du groupe UMP. Pas comme ça !

M. Hervé Mariton. Plus que le dire, il faut le faire !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Nous devons redresser le pays car la France a un rôle à jouer qu’elle est en train de perdre. C’est la mission qui nous incombe aujourd’hui, alors que d’autres – hélas ! – ont failli. Je vous assure que nous le ferons sans arrogance, avec autant de modestie qu’il faudra, mais avec toute la détermination qui conviendra. Je vous remercie. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

(M. Christophe Sirugue remplace M. Claude Bartolone au fauteuil de la présidence.)

Présidence de M. Christophe Sirugue,
vice-président

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.

M. Christian Eckert, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Merci, monsieur le président.

Monsieur le ministre, je n’aime pas votre façon de présenter les textes budgétaires : elle rend la tâche extrêmement difficile à l’orateur qui vous succède, tant vos propos ont été empreints de conviction et de précision ! (Sourires.) Vous me pardonnerez ce trait d’humour.

Je suis fier de travailler avec vous à ce premier budget de la législature actuelle, dans l’esprit que vous avez parfaitement décrit. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. Yves Censi. C’est Le Corbeau et le Renard, à présent ! (Sourires.)

M. Christian Eckert, rapporteur général. Je suis fier, parce que ce bébé – qui n’est pas encore totalement accouché – a déjà donné lieu à beaucoup de travail. Nous allons poursuivre ensemble ce travail, mes chers collègues, durant un certain de nombre de jours et, je le crains, un certain nombre de nuits.

Permettez-moi tout d’abord de dresser une appréciation d’ensemble sur le projet de loi de programmation des finances publiques que nous examinons en discussion commune avec le projet de loi de finances initiale pour 2013. Ce texte fixe le cadre budgétaire de la législature, afin de réduire le déficit public à 3 % de notre PIB et d’atteindre l’équilibre structurel en 2016, sur la base d’hypothèses de croissance certes discutables, mais prudentes, au moins pour l’année 2013. Cette nécessité, vous l’avez dit, n’est pas dictée par Bruxelles ou je ne sais quel oukase des marchés financiers. C’est une priorité : il s’agit là de bon sens. Les règles prudentielles de bonne gestion sont seules capables de diminuer le stock de dette qui, comme cela a déjà été dit, nous a été légué en héritage par la précédente majorité. Dans ce cadre, notre projet de loi de finances prévoit les mesures nécessaires au respect de ce solde structurel et de ce solde effectif. Il finance les priorités du Gouvernement, c’est-à-dire la jeunesse, l’emploi, la sécurité et la justice, tout en réduisant significativement les dépenses non prioritaires. Vous l’avez détaillé avec précision, alors que certains membres de l’opposition se contentent d’énoncer des généralités.

Ce projet de loi réforme notre système fiscal selon deux objectifs : celui de la justice fiscale et celui de la préservation de la compétitivité des entreprises, particulièrement des plus petites d’entre elles. J’y reviendrai.

Quel est le contenu de ce projet de loi de programmation des finances publiques ? Il s’inscrit dans la lignée du projet de loi organique relatif à la programmation et à la gouvernance des finances publiques, dont il anticipe la mise en œuvre. Je vous remercie, monsieur le ministre, de nous avoir présenté un projet de loi de programmation des finances publiques conforme aux dispositions que nous avons adoptées en votant le projet de loi organique, dont vous avez ainsi anticipé l’adoption.

Ce projet de loi de programmation des finances publiques fixe un cap et permet d’améliorer la prévisibilité des décisions que nous prendrons pour atteindre nos objectifs, et ce pour la durée de la législature, à savoir les cinq prochaines années. Le déficit structurel est évalué en 2012 à 3,6 % du PIB. Il sera résorbé à l’horizon 2016 sous l’hypothèse d’une croissance de 0,8 % en 2013 puis de 2 % à compter de 2014.

L’effort consenti est double : il porte à la fois sur les dépenses et sur les recettes. Je sais, monsieur le président de la commission des finances, que vous êtes attaché à la notion de décomposition du solde, afin d’identifier ce qui relève d’un effort structurel sur les dépenses comme sur les recettes. Pour ce qui est des dépenses, l’effort structurel, calculé comme l’écart entre la dépense constatée et la dépense qui aurait été observée si elle avait crû au rythme de la croissance potentielle du PIB, serait de 0,3 % du PIB en 2013, puis de 0,4 % de PIB par an jusqu’en 2017. C’est du jamais vu, comparé aux différents textes budgétaires que vous avez votés ces dernières années, chers collègues de l’opposition ! L’ensemble des administrations publiques doit réaliser des économies importantes, à titre principal l’État et ses opérateurs, et, à titre subsidiaire, l’assurance maladie et les collectivités territoriales.

En ce qui concerne l’État, on peut dire, chers collègues, qu’il donne l’exemple ! La norme de dépenses de l’État implique la réalisation d’un effort structurel de 8 à 10 milliards d’euros d’économies annuelles. Elle comprend le gel en valeur des dépenses de l’État hors charges de la dette et des pensions, et augmentées du produit des impositions affectées aux opérateurs, pour la durée de la législature. J’observe que l’extension de la norme de dépense au produit de ces impositions, qui est proposée par le Gouvernement, doit permettre de mettre réellement à contribution les organismes chargés de missions de service public. Vous avez bien décrit, monsieur le ministre, comment, au cours de la dernière décennie – et particulièrement au cours des cinq dernières années – la ligne de fuite des dépenses de l’État passait par ces opérateurs.

Concernant la charge de la dette, le projet de loi de programmation des finances publiques est basé sur une prévision prudente de remontée des taux d’intérêts. Une telle remontée apparaît en effet inéluctable entre 2013 et 2017, tant le niveau atteint aujourd’hui est bas. La limitation de la croissance de l’objectif national des dépenses d’assurance maladie complète cet effort à hauteur de 0,2 % du PIB sur l’ensemble de la période de programmation. Enfin, le gel des concours de l’État aux collectivités territoriales, puis leur réduction de 1,5 % par an, concourent au même objectif et permettront de réaliser 2,3 milliards d’euros d’économies.

Voilà pour les dépenses. Concernant les recettes, la stratégie du Gouvernement consiste à concentrer les hausses de prélèvements obligatoires sur l’année 2013. L’effort structurel sera ainsi de 1,3 point de PIB dès l’an prochain. Le choix d’un effort fiscal plus important en 2013 s’explique par le fait que la France fait l’objet d’une procédure pour déficit excessif, et s’est engagée à ramener son déficit public à 3 % du PIB. En 2014, il faudra compenser par de nouvelles hausses d’impôts le manque à gagner lié à la disparition des mesures ponctuelles temporaires prévues par le projet de loi de finances pour 2013. En revanche, de 2015 à 2017, des baisses d’impôts seraient décidées pour un montant cumulé de 11 milliards d’euros, à la double condition que les prévisions macroéconomiques soient vérifiées et que les efforts d’économie anticipés soient réalisés. Cet objectif, en dépenses comme en recettes, est l’unique voie pour réduire le déficit public et inverser la courbe de la dette à l’horizon 2014. Cette trajectoire impose une grande responsabilité, car elle doit être mise en œuvre de manière à financer les dépenses prioritaires du Gouvernement et à restaurer la justice fiscale. C’est à quoi vous vous attaquez, monsieur le ministre, par le projet de loi de finances pour 2013, sur lequel je reviendrai dans un instant.

Je me dois de dire que notre commission des finances a apporté quelques améliorations au projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017. L’effort structurel a été en effet intégré dans le corps du texte de loi, comme le prévoit le projet de loi organique relatif à la programmation et à la gouvernance des finances publiques. D’autre part, le mécanisme d’identification des écarts qui pourraient apparaître entre la loi de programmation des finances publiques et les lois de finances annuelles s’appuie sur les lois de règlement, ce qui augmente l’intérêt politique de ces dernières.

J’en viens maintenant, chers collègues, au projet de loi de finances pour 2013. Ce projet de loi de finances est d’abord, pour ce qui concerne les dépenses, marqué du sceau de la responsabilité. Les engagements du Président de la République seront tenus sans augmenter les dépenses de l’État hors charges d’intérêts et des pensions. La priorité est donnée à la jeunesse et à l’emploi.

L’emploi des jeunes, tout d’abord : dès 2013, 100 000 emplois d’avenir seront déployés dans les zones où le chômage des jeunes est le plus élevé, tandis que 2 000 recrutements en CDI sont prévus à Pôle Emploi afin d’améliorer les conditions d’accompagnement des demandeurs d’emploi – jeunes et moins jeunes. Quelque 30 000 jeunes de 16 à 25 ans auront la possibilité de réaliser en 2013 leur service civique, c’est-à-dire une mission d’intérêt général rémunérée qui leur mettra le pied à l’étrier. L’enseignement à l’école et à l’université sera nettement amélioré, ce qui participe toujours à la priorité donnée à la jeunesse et à l’emploi. La stabilisation des effectifs sur le quinquennat permettra de remplacer tous les départs à la retraite de professeurs en 2013, afin de donner à nos enfants une éducation de qualité, avec un encadrement permettant à chacun, professeurs comme élèves, de travailler dans la sérénité. Au total, 16 789 emplois auront été créés dans l’enseignement, si l’on inclut les mesures de la rentrée 2012 adoptées dans la loi de finances rectificative adoptée en juillet dernier. En outre, 6 000 emplois d’avenir professeur permettront à des jeunes de préparer les concours de l’enseignement dans de bonnes conditions économiques. Enfin, 1 000 emplois seront créés dans les universités en 2013, afin d’améliorer les conditions d’encadrement et d’accompagnement des étudiants, et de renouveler l’approche pédagogique de certaines filières.

La priorité est également donnée à la sécurité et à la justice. Les 580 emplois qui seront créés au sein de la mission « Justice » bénéficieront à la fois à l’administration pénitentiaire, au titre des ouvertures nettes de places dans les prisons, mais aussi à la justice judiciaire, et enfin, plus particulièrement, à la protection judiciaire de la jeunesse. Enfin, 480 emplois seront créés dans la police et la gendarmerie nationale, pour renforcer les effectifs des forces de sécurité dans les zones de délinquance les plus sensibles, en particulier dans les zones de sécurité prioritaires définies par le Gouvernement.

Les dépenses de l’État, hors charge de la dette et des pensions, seront stabilisées en valeur en 2013. Le renforcement des effectifs que j’évoquais à l’instant sera variable selon les marges de productivité identifiées par chacun des ministères concernés. Il ne s’agit pas là d’un rabot uniforme, froid et peu réfléchi comme a pu être le système de la RGPP que la précédente majorité avait mis en œuvre.

La masse salariale est également contenue. Elle n’augmentera que de 0,5 % en valeur en 2013, soit de 385 millions, donc une progression inférieure à celle constatée dans votre loi de règlement pour 2010, laquelle laissait apparaître une augmentation de 575 millions d’euros.

L’ensemble des dépenses du budget général, hors charges de la dette et des pensions, baisse, en valeur, en 2013 – et je tiens à rassurer M. Goasguen que cela semblait inquiéter tout à l’heure – et la croissance tendancielle des dépenses sous le périmètre « 0 valeur » est d’environ 9 milliards d’euros. Cette maîtrise des dépenses permet également d’absorber la croissance significative du prélèvement sur recettes en faveur de l’Union européenne.

Tous les ministères, y compris les ministères prioritaires, sont mis à contribution et doivent réduire leurs dépenses de fonctionnement à hauteur de 2,8 milliards d’euros et leurs dépenses d’intervention « pilotables » de 2 milliards d’euros environ. Les opérateurs de l’État seront contraints de participer à l’effort de redressement des comptes publics, y compris France Télévisions, à travers une baisse de leurs subventions pour charges de service public ou à travers le plafonnement de leurs taxes affectées. Leurs effectifs sont également en baisse de 1 303 équivalents temps plein, hors Pôle emploi et universités, lesquels demeurent prioritaires et bénéficient de créations de postes. Charge de la dette et des pensions comprise, l’ensemble des dépenses de l’État baissera de 1,4 % en volume, soit une économie de 5,4 milliards d’euros par rapport à une stabilisation en euros constants. Cet effort n’a jamais été atteint, ni même envisagé par la précédente majorité. Cette économie est notamment rendue possible parce que la France continue de profiter de très bonnes conditions de financement grâce au respect de ses engagements européens.

J’en viens au volet fiscal du projet de loi de finances pour 2013. Les hausses d’impôts sont concentrées sur l’année 2013, je vous l’accorde. Elles sont inévitables pour dégager immédiatement les ressources requises et atteindre ainsi les objectifs de solde prévus pour 2013. Après cette date, une stabilisation du niveau global des prélèvements obligatoires est prévue, ce qui n’empêchera pas de réfléchir à une évolution de leur structure. Le Gouvernement a clairement annoncé une telle évolution dans la loi de programmation, là où le précédent gouvernement prétendait rétablir les comptes par la réduction de la dépense, mais, en réalité, par l’augmentation des impôts, comme cela a été souligné, de 38 milliards d’euros entre 2011 et 2013. Ce volet fiscal du projet de loi de finances poursuit deux objectifs. Tout d’abord la justice fiscale : les mesures sur les ménages – 3,1 milliards en régime de croisière – sont effectivement concentrées sur les ménages les plus aisés. Ainsi, 90 % des hausses d’impôts pèseront sur les 10 % des ménages les plus aisés. Un couple avec deux enfants gagnant moins de 6 439 euros par mois ne paiera pas plus d’impôts du fait des mesures prévues par le présent projet de loi.

M. Pascal Terrasse. Même les députés ne seront pas touchés !

M. Christian Eckert, rapporteur général. Grâce à la revalorisation de la décote – à la différence de la loi de finances de l’an dernier – un couple avec deux enfants gagnant le SMIC paiera moins d’impôts sur le revenu en 2013 qu’en 2012. Oui, il y a des gagnants dans ce projet de loi de finances, y compris en matière d’impôt sur le revenu ! La seule hausse générale et indifférenciée prévue par le PLFSS, que vous pourriez signaler, sera celle de la fiscalité indirecte sur le tabac et la bière à hauteur de 700 millions d’euros. Elle se justifie sans doute aussi par des objectifs de politique sanitaire. Pour mémoire, le précédent gouvernement avait multiplié les hausses d’impôts générales et indifférenciées, avec, par exemple, la hausse des taxes sur les contrats d’assurance santé à hauteur de 2 milliards et la hausse des taux réduits de TVA pour 1,7 milliard. La taxe sur le revenu fiscal de référence, seule mesure portant sur les plus aisés prise par le précédent gouvernement, fut immédiatement plus que compensée par la réforme de l’ISF de 2011.

Ce texte préserve, ensuite, la compétitivité des entreprises. Les grandes entreprises sont principalement concernées par les hausses d’impôts avec la limitation de la niche « Copé », le plafonnement de la déductibilité des intérêts d’emprunts, les PME et les plus petites entreprises étant préservées. Les secteurs protégés de la concurrence internationale seront mis à contribution dans le PLFSS. Les mesures de trésorerie sont, certes, présentes à hauteur de près de 5 milliards d’euros, afin de ne pas fragiliser le tissu productif. Enfin, le renforcement du crédit d’impôt recherche est la seule mesure coûteuse, justifiée par le soutien à la compétitivité hors-prix en faveur des PME, notamment. Au final, ce PLF pour 2013 apporte la preuve que justice fiscale et soutien à la compétitivité peuvent être conciliés.

Ce projet de loi de finances réalise, dès la première année, les principales mesures fiscales correspondant aux engagements du Président de la République.

J’en viens à un point essentiel de ce projet de loi, à savoir la taxation des revenus du capital au même niveau que ceux du travail. La question des dividendes et des intérêts d’emprunt ayant déjà été abordée, j’insisterai sur celle des plus-values des valeurs mobilières, plus connue sous le nom désormais d’« article sur les pigeons ». Cet article 6 du projet de loi de finances a été, dans un premier temps, caricaturé. J’apporterai un certain nombre de précisions sur les dispositifs existants ou prévus et non mis en cause dans le projet de loi. J’ai entendu dire que ce projet de loi mettrait à mal un entrepreneur qui, après avoir dirigé sa société toute sa vie, serait pénalisé par des plus-values au moment de la revente de son entreprise. Je vous rappelle, mes chers collègues, que tant la situation actuelle que ce projet de loi exonèrent en totalité les plus-values réalisées par un entrepreneur qui, au moment de son départ en retraite, vend les parts détenues dans sa société. J’ai entendu dire que ce texte mettrait à mal les entreprises innovantes. Je vous rappelle, mes chers collègues, que toutes les plus-values réalisées dans les jeunes entreprises innovantes, dispositif qui vit et prospère et qui répond à une définition fiscale existante, sont exonérées de toute fiscalité lors des reventes des parts. Elles l’étaient auparavant, elles le demeurent dans ce projet de loi de finances. J’ai, en effet, entendu dire que celui qui revendrait des parts et réaliserait une plus-value serait systématiquement taxé à plus de 60 %. Je vous rappelle que tout ne se situe pas toujours dans la tranche marginale supérieure et que ce taux de 60 % est, au moins pour une part, largement excessif. Et je vous rappelle aussi que, dans la législation actuellement en vigueur, et il en ira de même après l’adoption du texte du Gouvernement, tout réinvestissement des plus-values de cession réalisées par une entreprise sont totalement exonérées si 80 % des sommes sont réinvesties dans un délai de trois ans, et ce pour une durée de cinq ans.

Il est vrai que des difficultés subsistaient. On pouvait craindre qu’une vente brutale et massive sur une année appelle systématiquement la tranche marginale. Le Gouvernement a, donc, proposé un dispositif de caution annuelle, dispositif déjà imaginé pour d’autres systèmes de taxation. Il permettait d’étaler sur deux ou quatre ans, suivant les cas, la part taxée au barème des plus-values des valeurs mobilières. Ce dispositif aurait d’ailleurs pu être complété ou amélioré. Le Gouvernement nous fera, je le crois, des propositions en la matière. Enfin, le Gouvernement avait prévu que le délai, pour atteindre l’abattement maximum sur les plus-values, devait être de douze ans. Cette mesure devait démarrer dès le 1er janvier 2013. Le Gouvernement, moi-même et d’autres membres de groupes de la majorité ont considéré que cette mesure était quelque peu sévère et qu’elle faisait abstraction d’une durée de détention antérieure, le délai de douze ans ne courant qu’à partir du 1er janvier 2013. Ce dispositif méritait, par conséquent, comme nous l’avons précisé, d’être amélioré. Cet article 6, pilier de ce projet de loi de finances, a fait couler beaucoup de salive, a été, je le crois, l’objet de nombreuses caricatures. J’aimerais, en conséquence, que chacun fasse preuve de responsabilité et reconnaisse que le projet du Gouvernement n’était que la mise en œuvre et l’application de ce principe essentiel qu’est l’alignement des revenus du capital – dividendes, intérêts et plus-values – sur ceux du travail. En effet, que sont finalement les plus-values, si ce n’est, finalement, qu’une part de salaire ou de dividende qui n’a pas été distribuée ? Il y a, par conséquent, lieu de les taxer de la même façon. C’est ce que fait le Gouvernement.

Nous avons aussi tendance à oublier et parlons des choses qui peuvent fâcher, que ce projet de loi de finances rétablit l’impôt de solidarité sur la fortune, mes chers collègues ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Certes, des débats ont porté sur l’assiette de l’ISF. Nous parlerons, probablement, de la prise en compte de l’habitation principale, voire de sa disparition, et du montant de l’abattement. Nous avons beaucoup évoqué la prise en compte de l’outil de travail dans l’assiette de l’impôt de solidarité sur la fortune, comme cela existe dans certains pays, mes chers collègues. Sur ces deux points, le Gouvernement a pris des options claires que nous partageons totalement.

M. Philippe Vigier. Heureusement !

M. Christian Eckert, rapporteur général. Ainsi, l’habitation principale, après un abattement de 30 % sur la valeur de ladite habitation, entrera dans le calcul de l’assiette de l’ISF, mais l’outil de travail n’y entrera pas. Vous pourriez au moins reconnaître cela, mes chers collègues !

Reste la question qui fâche, celle de l’intégration des œuvres d’art dans l’assiette de l’ISF. Cette prise en compte, assortie de conditions imaginées par certains – seuil de 50 000 euros, conditions d’exonération en cas de mise à disposition du public – qui occupe périodiquement notre assemblée depuis plusieurs années, et ce quelles que soient les majorités, est-elle essentielle dans notre débat ? Ce problème sera d’ailleurs tranché par notre assemblée, tout comme l’a fait ce matin le Gouvernement, par la voix du Premier ministre. Cet élément est-il le point le plus important d’une disposition qui consiste tout de même à remettre « debout » un impôt de solidarité sur la fortune que vous aviez complètement massacré par vos dispositions antérieures ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, et sur quelques bancs des groupes écologiste et RRDP.) Oui, nous avons débattu et, oui, nous parviendrons évidemment à un équilibre !

J’en viens à d’autres dispositions de notre projet de loi, celle, par exemple, concernant la diminution du plafond du quotient familial que vous présentez comme une mesure fiscale détruisant complètement la politique familiale. Mes chers collègues, soyons sérieux : hier, pour atteindre le plafonnement du quotient familial, une famille de deux enfants devait disposer de plus de 6 753 euros par mois. Demain, le plafonnement réduit à 2 000 euros, soit une baisse de 336 euros, s’appliquera aux revenus mensuels à partir de 6 433 euros, donc un seuil très proche du précédent. Oui, nous demandons un effort, oui, nous préservons les classes les plus défavorisées et, non, nous ne détruisons pas le principe du quotient familial et des parts supplémentaires pour enfants à charge !

Ce projet prévoit, tout le monde le sait, la taxation à 75 % des revenus supérieurs à 1 million d’euros, l’instauration de la tranche à 45 % et le plafonnement des niches fiscales à hauteur de 10 000 euros pour un certain nombre d’entre elles, tout en conservant la possibilité de déduire le maximum si l’on emploie des salariés à domicile pour s’occuper de personnes âgées ou garder des enfants. Oui, mes chers collègues, c’est une question de justice. Ceux qui paient beaucoup d’impôts ne doivent pas être les seuls à profiter de réductions fiscales !

J’en viens aux entreprises. Vous êtes un pilier de la commission des finances depuis dix ans, monsieur le président de la commission.

M. Philippe Vigier. Le pilier !

M. Christian Eckert, rapporteur général. Avec un grand nombre de membres de la commission, vous avez toujours souligné que la déduction intégrale des frais financiers de l’assiette de l’impôt sur les sociétés n’était pas une bonne mesure, que c’était même dangereux, pour de nombreuses raisons. Cela incitait notamment les entreprises à se financer par l’emprunt plus que par l’augmentation des fonds propres, ce qui présentait un risque, et cela favorisait plutôt les grosses entreprises et beaucoup moins les petites.

Nous avons le courage de diminuer cette possibilité de déduction, et nous assumons cette décision. Cela dit, je le rappelle parce que j’ai entendu un grand nombre de caricatures et d’inquiétudes, nous préservons les plus petites entreprises, puisque, en dessous de 3 millions d’euros de frais financiers, ce qui est tout de même déjà une somme élevée, toutes les entreprises continueront à bénéficier d’une entière déductibilité de l’assiette de l’IS.

La fameuse niche Copé, votée en catimini au Sénat avec une évaluation pour le moins incertaine, sera très largement remise en cause par la prise en compte des plus-values brutes plutôt que des plus-values nettes.

Enfin, sont prises dès à présent des mesures de fiscalité écologique, notamment l’élargissement de la TGAP.

Je n’aurai pas le temps, mais le débat le permettra, de faire la liste des améliorations proposées par la commission des finances, qui, j’ai cru le comprendre, ne recueilleront peut-être pas toutes votre approbation. La commission a beaucoup travaillé, plus d’une journée, elle s’est encore réunie cet après midi, elle le fera autant qu’il sera nécessaire, y compris en faisant interrompre nos travaux si des éléments significatifs devaient intervenir, et j’ai cru comprendre que ce serait le cas au moins sur l’article 6. Nous avons proposé plusieurs amendements, nous en parlerons au fur et à mesure de l’examen du texte.

En conclusion, je suis fier de porter avec les ministres concernés et l’ensemble du Gouvernement ce projet de loi de finances. J’ai le sentiment qu’avec la loi de finances rectificative, qui a déjà posé des principes forts, notamment l’annulation de la TVA sociale que vous aviez instaurée, mes chers collègues de l’opposition, avec cette loi de finances initiale, qui réintroduit un impôt sur le revenu progressif, avec la nouvelle tranche à 45 %, avec l’intégration au barème des revenus du capital et des plus-values des valeurs mobilières, avec la remise en place de l’impôt de solidarité sur la fortune, avec de grandes réformes sur l’impôt sur les sociétés, dont nous disions toujours que c’était l’assiette plutôt que le taux qui était en cause, nous sommes en train de mettre en place, peut-être pas aussi brutalement que certains l’auraient souhaité, une véritable réforme fiscale en profondeur.

D’autres chantiers s’ouvrent à nous, Pierre Moscovici nous l’a indiqué tout à l’heure. Dans les prochaines semaines, les prochains mois, d’autres chantiers sur la réforme fiscale seront mis en œuvre, je pense notamment à une question indispensable, à laquelle deux parlementaires éminents ont été chargés de travailler, la priorisation de l’épargne des Français, qui est un atout phénoménal. On parle beaucoup des handicaps et des lourdeurs de notre pays, et il y en a, mais le taux d’épargne y est l’un des plus élevés d’Europe, voire du monde. Mettre l’épargne longue au service de l’économie réelle, inciter à l’épargne longue, réorientée vers l’économie, c’est tout le chantier qui s’ouvre à nous, avec, notamment, la question de sa fiscalité, et je veux bien entendu parler entre autres de l’assurance-vie. Je vous rappelle, mes chers collègues, que l’on comptabilise environ 1 500 milliards environ sur les assurances-vie et que l’on gagnerait à en faire le moteur d’une économie qui en a besoin.

Bref, je suis fier, heureux et enthousiaste d’entamer avec vous nos travaux sur le projet de loi de finances initiale. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Vous nous avez lancé plusieurs défis, monsieur le ministre, et nous allons les relever les uns après les autres. Mais je commencerai par vous faire part de notre total soutien à votre objectif de réduire le déficit à 3 % en 2013, 2,2 % en 2014, pour atteindre le quasi-équilibre en 2017. Vous n’avez pas le soutien du président de l’Assemblée nationale, vous avez l’appui du président de la commission des finances. Je ne sais pas lequel des deux vous préférez. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

Atteindre 3 %, c’est essentiel, parce que cela représente tout de même 60 milliards à emprunter, auxquels il faut ajouter les 90 milliards de la partie en capital de notre stock de dettes de 1 700 milliards qui vient à échéance et qu’il faut refinancer en 2013. Nous avons donc besoin de 150 à 160 milliards.

Par ailleurs, notre endettement tourne autour des 90 % par rapport au produit intérieur brut et l’histoire des faillites d’États, des centaines au cours des 200 dernières années, comme la littérature économique nourrie par l’expérience montrent que nous sommes en zone dangereuse.

Vous qui cherchez toujours à tenir des propos objectifs, vous auriez dû rappeler que, derrière ces 90 %, il y a quarante années de déséquilibre systématique de nos budgets, et la crise très violente qui a frappé. Jusqu’en 2008, par exemple, l’impôt sur les sociétés rapportait plus de 40 milliards d’euros. En 2009, il n’a rapporté que la moitié, 21 milliards, et il était normal de combler la différence en empruntant, on ne pouvait pas trouver 20 milliards d’économies instantanées. Il a fallu soutenir l’économie française pendant ces années de grande difficulté, et, vous auriez pu le rappeler, vous qui, dans votre intervention, vous êtes constamment tourné vers le passé, la politique de la France pour faire face à la crise a été jugée comme l’une des plus remarquables en Europe. Nos collègues allemands, que nous avons rencontrés ensemble à plusieurs reprises, nous l’ont dit, et cela nous faisait plaisir de l’entendre.

Les deux tiers de ceux qui vont nous prêter 150 ou 160 milliards d’euros ne sont pas des résidents, ne sont pas des Français, et nous devons conserver leur confiance. Vous vous réjouissez tous les jours, je le sais, que la précédente majorité vous ait laissé des conditions optimales de financement de la dette,…

M. Pierre-Alain Muet. Et l’héritage de la dette !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. …ce qui permet à notre pays d’emprunter à dix ans à 2 % à peine et à environ 0 % à moins d’un an sur les bons du Trésor français.

Plusieurs députés du groupe UMP. Eh oui !

M. Philippe Vigier. Excellent !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Le ministre Cahuzac est heureux de constater, semaine après semaine, qu’il va tenir son budget 2012 parce qu’il y aura par rapport aux prévisions de la loi de finances initiale presque 2 milliards d’économie sur les frais financiers.

Vous auriez donc pu rappeler, monsieur le ministre, que vous le devez au fait que la précédente majorité a constamment tenu ses engagements en matière de réduction du déficit. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Avec l’Allemagne, nous avons été les seuls à faire mieux. En 2010, souvenez-vous, dans le programme de stabilité, nous avions prévu 8 points de PIB et nous avons terminé l’année à 7,1. En 2011, nous avions prévu 6 points et nous avons terminé l’année à 5,2. Cette année, grâce à nous, vous pourrez tenir l’objectif de 4,5. Je sais donc qu’en votre for intérieur, vous remerciez la persévérance et la ténacité d’Éric Woerth, de François Baroin et de Valérie Pecresse, qui se sont relayés à votre place au banc du gouvernement ces dernières années. Cela dit, je le reconnais, la marche qui consiste à passer de 4,5 % en 2012 à 3 % en 2013 est encore plus difficile que les autres.

Comment concilier cet objectif, nécessaire, avec celui de réaliser un minimum de croissance ? Vous avez prévu un taux de 0,8 %, que je ne contesterai pas parce que le taux de croissance affiché doit être un peu volontariste tout en étant réaliste, mais, si l’objectif n’est pas contestable, les moyens pour y parvenir, eux, sont hautement discutables.

Vous avez commencé dans votre intervention par parler de la dette, et vous avez eu raison. Si jamais les taux d’intérêt passaient brutalement par exemple de 2 % à 4 %, il faudrait engager 4 milliards d’euros de frais financiers en plus, et vous seriez obligé, la mort dans l’âme, de rayer d’un trait de plume la totalité des crédits du ministère de la culture, ce qui, je le sais, vous rendrait extrêmement malheureux.

Vous vous êtes donc doté récemment de tout un ensemble d’instruments tendant à nous permettre de garder la confiance de nos prêteurs et de rester dans cette trajectoire de réduction des déficits que la précédente majorité avait fixée.

Il y a tout d’abord le traité de stabilité, signé par Nicolas Sarkozy en février, dont nous venons, je l’observe avec beaucoup de plaisir, d’autoriser la ratification à la virgule près par le nouveau Président de la République.

Il y a ensuite la loi organique sur la bonne gouvernance de nos finances publiques que l’Assemblée nationale a adoptée la semaine dernière. Déclinant l’article 3 du traité en droit national, elle ne fait ni plus ni moins que reprendre le projet de loi constitutionnelle que nous avions adopté il y a exactement un an. C’est la même démarche, à telle enseigne d’ailleurs que cet après-midi, nous examinons conjointement la loi de programmation pluriannuelle 2012-2017 et le projet de budget 2013. Vous vous fondez en effet sur cet instrument qu’est la loi de programmation pluriannuelle pour tenir les objectifs. Qui a réformé la Constitution pour introduire les lois de programmation pluriannuelle en 2008 ? C’est nous.

Je tiens donc à vous féliciter de suivre totalement sur ces différents points la ligne de la précédente majorité, du précédent gouvernement.

M. Dominique Baert. Il fait beaucoup mieux !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. En revanche, si l’objectif est bon, si la trajectoire paraît satisfaisante, les moyens pour y parvenir ne le sont pas et, dès lors, cela peut jeter le doute sur la capacité de la France à respecter ses engagements comme elle a su si bien le faire au cours des trois années précédentes.

M. Dominique Baert. Non ! On ne peut pas dire ça !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. La loi de programmation pluriannuelle prévoit un partage de l’effort entre les dépenses et les recettes à égalité, la moitié sur les dépenses la moitié sur les recettes, à partir de 2014. En 2013, l’effort porte aux deux tiers sur les recettes, avec une augmentation massive des impôts, et seulement pour un tiers sur les dépenses.

Je relève le défi, monsieur le ministre ! La bonne démarche devrait être la suivante : l’effort doit porter à parité sur les dépenses et les recettes en 2013, entraînant ainsi très précisément cinq milliards d’économies supplémentaires.

M. Pierre-Alain Muet. Pourquoi ne pas l’avoir fait avant ?

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. À partir de 2014, les deux tiers de l’effort doivent porter sur les dépenses et seulement un tiers sur les recettes.

Auparavant, il faut traiter une question qui préoccupe beaucoup les économistes, et que M. Pierre Moscovici a évoquée tout à l’heure à cette tribune. Laquelle des deux est la plus récessive : la baisse des dépenses publiques ou l’augmentation des impôts ?

La réponse de l’opposition est catégorique : les augmentations d’impôts sont les plus nuisibles à la croissance.

M. Pierre-Alain Muet. Non, c’est la TVA !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. La raison en est simple : dans notre pays, les dépenses publiques représentent 56 % du PIB, ce qui signifie que nous battons tous les records en Europe.

Plusieurs députés du groupe SRC. Grâce à vous !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Les dépenses représentent plus de 1 000 milliards d’euros.

L’économie de dix milliards que vous nous proposez est vraiment curieuse : vous annoncez dix milliards d’économies, alors qu’en réalité en ne faisant rien, vous laisseriez, du fait même de votre inaction, les dépenses augmenter de vingt ou trente milliards. Je conteste complètement cette approche ! Tout d’abord, monsieur le ministre, je vous renvoie à l’excellent rapport de M. le rapporteur général, qui évalue à seulement huit milliards l’évolution de la dépense spontanée, la Cour des comptes l’évaluant pour sa part à six milliards. Vous vous octroyez donc un bonus en tablant sur dix milliards.

De plus, vous reprenez à votre compte, ce dont nous nous félicitons, les deux règles dites « zéro volume » et « zéro valeur » mises en place par Eric Woerth en son temps. Ces règles sont certes indispensables, mais aujourd’hui insuffisantes.

En effet, la question de fond est tout autre. Pour réaliser des économies, le bon sens commanderait de ne dépenser que 99 si l’on dépensait 100 jusque là. Or, pas du tout ! La démarche du Gouvernement consiste au contraire, pour 1 000 milliards de dépenses, à estimer qu’elles s’établiront à 1 040 milliards, puis à annoncer qu’il se limitera à 1 030 milliards. Autrement dit, le Gouvernement propose un simple effort de ralentissement de la croissance de nos dépenses publiques.

Aujourd’hui, le moment est venu de prendre à bras-le-corps nos dépenses publiques. Je vous remercie, monsieur le ministre, d’avoir très justement rappelé que nos efforts avaient commencé à produire des effets ces deux dernières années. De même, je vous approuve lorsque vous affirmez que cet effort a été insuffisamment engagé au début de la présente législature, tout comme il avait été insuffisant entre 2002 et 2007.

C’est pourquoi je regrette que, alors que par des mesures courageuses – la réforme des retraites, le non remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, la fameuse RGPP – nous avions véritablement lancé un processus de maîtrise de la dépense…

M. Dominique Baert. Ce n’est pas un processus, mais un véritable rouleau compresseur !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. …les premières décisions du Président de la République, à peine arrivé au mois de juin, ont été de relancer les dépenses publiques.

Je vous avais averti à l’époque que vous engagiez sur la période 2012-2017 vingt milliards de dépenses publiques supplémentaires, chiffre que vous aviez contesté.

M. Jean-François Lamour. Vingt milliards, exactement !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Après avoir vérifié mes calculs, que je tiens du reste à votre disposition, je confirme ce chiffre : en additionnant tous les postes – remise en cause de la réforme des retraites et du non remplacement d’un fonctionnaire sur deux ; augmentation très forte de l’allocation de rentrée scolaire ; coup de pouce au SMIC affectant toutes les collectivités publiques, telles que l’État, les hôpitaux ou les collectivités locales, en tant qu’employeurs, mais aussi plus spécifiquement l’État au travers du « dispositif Fillon » d’exonérations de cotisations sociales patronales – vous dépenserez effectivement en cinq années vingt milliards supplémentaires.

Nous ne mettons pas en cause votre bonne foi ; vous avez tenté de nous démontrer que vous étiez absolument déterminé à maîtriser cette dépense publique. Mais comment voulez-vous parvenir à des résultats si vous commencez par dépenser vingt milliards de plus ?

Je vous proposerai donc quelques solutions, la première portant sur la masse salariale. Dans votre projet de budget, vous supprimez toutes les mesures catégorielles. Pourquoi pas !

Je vous propose dès lors de conserver cette suppression des mesures catégorielles, mais de maintenir le non remplacement d’une partie importante des fonctionnaires partant en retraite ; il s’agit d’appliquer à l’ensemble de l’État ce qui est mis en place à Bercy. Dans votre ministère en effet, les fonctionnaires devront travailler davantage puisque deux retraités sur trois ne seront pas remplacés. Ils n’auront plus droit à une seule prime ni à une seule mesure catégorielle. Ce qui est possible dans votre ministère devrait l’être également dans l’ensemble des services de l’État : cela rapporterait 900 millions d’économies supplémentaires.

Ensuite, concernant l’ONDAM, vous nous avez indiqué votre souhait d’une progression de 2,7 points en 2013, majoration qui sera examinée la semaine prochaine lors du débat sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Ceci est vraiment très malheureux ! Pour la première fois depuis que l’ONDAM existe, nous avons réussi à le respecter non seulement en 2011, mais également en 2012, à hauteur de 2,5 %, grâce aux mesures que nous avons adoptées. Or, vos prévisions repartent à la hausse : tout cela ne peut que déraper !

Autre solution : l’indexation partielle de certaines prestations sociales. Je ne crains pas d’en parler, car nous avons eu le courage de faire, notamment pour les allocations logement. Autre piste, la maîtrise de l’aide médicale d’État, qui va déraper à grande vitesse : plusieurs centaines de millions sont en jeu compte tenu des décisions prises dans le collectif. Enfin, bien entendu, il faut poursuivre le travail sur les frais généraux de l’État.

Vous constatez donc que, de façon très concrète et très précise, nous pouvons obtenir cinq milliards d’économies en supplément des dix milliards que vous proposez.

J’en viens maintenant aux augmentations d’impôts et de prélèvements, qui ont clairement votre préférence.

Tout d’abord, concernant les ménages, je trouve la déclaration du Premier ministre malencontreuse : vous ne devriez pas la reprendre à votre compte. Ce n’est pas un Français sur dix qui subira une augmentation de ses impôts, mais plus probablement cinq à six.

Vous nous avez mis au défi de trouver une seule mesure touchant les ménages modestes dans cette loi de finances pour 2013. Je vais vous lancer en retour un autre défi : rendons-nous ensemble sur le marché de Villeneuve-sur-Lot,…

M. Hervé Mariton. Avec bénévolence !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. …commune qui vous est chère, afin de rencontrer un salarié agricole gagnant un peu plus que le SMIC.

Celui-ci constate sur sa feuille de paye du mois de septembre qu’il a perdu 45 euros, et que sa perte se chiffrera même à 450 euros sur l’ensemble de l’année 2013.

M. Dominique Baert. Mais ce n’est pas dans le PLF pour 2013 !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Je vous mets au défi de lui expliquer qu’il n’a en réalité aucun problème puisque cela ne figure pas dans la loi de finances pour 2013 ! Vous ne pouvez pas raisonner comme cela !

Les Français, qui observent l’ensemble des mesures qui les touchent, constateront les faits suivants : huit millions de salariés perdront en moyenne 500 euros du fait de la suppression de la défiscalisation des heures supplémentaires ; deux millions de commerçants, artisans et professions libérales – pas uniquement des radiologues : il existe des professions libérales modestes – subiront une majoration d’un milliard d’euros de leurs cotisations d’assurance maladie ; cinq millions de retraités ne relevant pas du minimum vieillesse subiront une majoration de leurs prélèvements sociaux de 0,15 % en 2013 et 0,30 % en 2014. Enfin, cinq millions de salariés de classe moyenne verront leurs montants de participation et d’intéressement diminuer en raison de la hausse du forfait social de 8 à 20 %. En effet, la moitié du surcoût est imputé aux salariés : il suffit de voir comment sont renégociés les accords, même dans des entreprises prospères comme celles de l’aéronautique.

Par ailleurs, vous ne dites pas les choses de façon claire concernant le barème, et je voudrais vous avertir en toute amitié que cela vous retombera sur la figure. Vous avez laissé entendre que les deux premières tranches seraient dégelées, alors qu’en réalité vous intégrez dans les deux premières tranches la tranche à 0 % et celle à 5,5 %. Autrement dit, vous tenez le raisonnement suivant : vous ne payez pas d’impôts, eh bien l’an prochain vous en paierez encore moins !

Quels sont les chiffres ? Neuf millions de ménages sur les dix-neuf millions imposables subiront le maintien du gel sur le barème. La différence entre vous et nous, c’est que nous avons assumé cette mesure, tandis que vous la reconduisez de façon honteuse.

Nous avons toujours intérêt à dire la vérité. L’effort global sur les ménages de quinze milliards d’euros repose clairement, pour une petite moitié – 45 % –, sur les ménages les plus aisés. J’approuve ce choix, et notamment la création d’une tranche à 45 %, parce qu’en cette période où chacun doit consentir des sacrifices, il est normal que les plus aisés participent à l’effort national.

Mais certaines mesures ne sont pas productives, comme par exemple la tranche à 75 %. C’est une erreur ! Vous dites qu’elle rapportera 210 millions…

M. Charles de Courson. Elle coûtera 210 millions !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. …or ce n’est pas possible. Elle en rapportera seulement la moitié – je suis moins pessimiste que M. de Courson.

Parmi les 1 500 ou 2 000 personnes concernées, beaucoup travaillent dans des entreprises et basculent d’ores et déjà une partie de leur rémunération sur les dividendes. On en arrive à ce paradoxe, souligné par le rapporteur général : en général, les contribuables qui gagnent plus d’un million d’euros tirent l’essentiel de leurs revenus du capital. Les seules personnes gagnant plus d’un million d’euros du seul fait de leur activité sont le plus souvent des footballeurs, des chanteurs et quelques traders ou salariés du CAC 40. Tous les autres sont des chefs d’entreprise. Cette mesure ne rapportera donc pas.

Quant aux niches fiscales, vous voulez les plafonner : très bien ! Mais, puisque vous avez évoqué le passé lors de votre intervention, permettez-moi de vous rappeler qui a plafonné les niches fiscales pour la première fois, et créé le plafond global ainsi que les plafonds sur l’outre-mer : c’est nous !

Entre 1997 et 2002, vous n’avez absolument rien fait en ce sens, aussi est-il vraiment curieux de vouloir aujourd’hui plafonner, ou pourquoi pas diminuer le plafond, tout en excluant l’outre-mer et les SOFICA.

Monsieur le ministre, je viens de vous envoyer un questionnaire dans le droit fil du travail accompli avec M. Didier Migaud il y a quelques années, qui avait conduit au plafonnement des niches ; j’espère obtenir les réponses dans les jours qui viennent.

Ce questionnaire vise à connaître les montants de défiscalisation des dix contribuables français qui défiscalisent le plus – puis des cent, des mille, des dix mille. Et vous pourrez constater, chers collègues, qu’ils sont particulièrement concentrés sur l’outre-mer. Vous devriez, monsieur le ministre, parler de justice avec plus de modestie et de discernement.

Concernant les entreprises, M. le rapporteur général a souligné tout à l’heure que l’impôt sur les sociétés pose problème. Il rapportait plus de 40 milliards d’euros avant la crise, et aujourd’hui ne se rétablit que tout doucement. Nous devrions atteindre à nouveau, du moins je l’espère, 40 milliards cette année.

L’impôt sur les sociétés acquitté par les grandes entreprises internationalisées pose effectivement problème.

Pour ma part, les mesures que vous prenez ne me choquent pas. La disposition qui consiste à plafonner la déduction des charges financières à 85 % de leur montant peut paraître un peu simpliste mais c’est peut-être finalement la moins perverse. Mais attention, à 75 %, il y aura danger.

Ce qui est paradoxal, c’est que, d’un côté vous allez rendre beaucoup plus coûteux le financement en fonds propres compte tenu d’une hypertaxation des dividendes, tandis que, de l’autre, vous limitez le recours à l’emprunt. Cette année, je dis pourquoi pas ? mais il faudra se pencher sur les cas particuliers parce que le diable est toujours dans les détails. Citons Eurotunnel, par exemple, qui est très endetté. Le dispositif ne risque-t-il pas de pénaliser les entreprises qui investissent dans les infrastructures via des partenariats public-privé ?

Je suis tout à fait d’accord sur le fait que les 10 % de quote-part doivent s’appliquer sur le montant brut des plus-values réalisées lors de la cession de titres d’entreprises, sauf que je suis persuadé que le milliard que vous espérez en régime de croisière ne sera pas au rendez-vous. Et il ne faut pas oublier qu’il s’agit de mesures à court terme.

Monsieur le rapporteur général, vous êtes intervenu longuement sur la fiscalité de l’épargne. Je ne prends pas pour argent comptant cette idée selon laquelle la fiscalité du capital devrait être alignée sur celle du travail. Nous sommes le seul pays d’Europe à tenir ce raisonnement. Nous allons être les seuls en Europe à taxer aussi fortement le capital…

M. Yves Censi. Absolument !

M. Christian Eckert, rapporteur général. On a aussi les meilleurs fromages et nous sommes les seuls en Europe à vendre de magnifiques pains au chocolat !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. …car n’oubliez pas que les prélèvements sociaux sur le travail s’élèvent à 8 % et ceux sur le capital à 15,5 %.

Et quand on regarde de plus près les choses, on voit que vous êtes en train de vous casser les dents sur le problème des plus-values. Emporté dans votre élan, vous avez traité de la même manière les flux – dividendes, produits d’obligations – et les mesures d’actifs, de patrimoine, c’est-à-dire une cession de parts d’entreprise. Aujourd’hui, vous ne savez plus comment faire marche arrière.

M. Jean-François Lamour. Eh oui !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. D’ailleurs, au cours de la réunion de la commission qui s’est tenue il y a une heure au titre de l’article 88, nous n’avons toujours pas eu l’amendement sur ce point. Je pense, pour ma part, qu’une taxation à 60 % est aberrante…

M. Christian Eckert, rapporteur général. La taxation n’est pas de 60 % !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. …et surtout que la rétroactivité au 1er janvier 2012 est inacceptable.

M. Hervé Morin. Tout à fait !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Monsieur le ministre, je connais votre compétence et votre sérieux, mais je ne comprends pas comment une telle mesure a pu passer les différents filtres. Elle n’aurait jamais dû atteindre le stade du conseil des ministres. D’ailleurs, la manière dont le Gouvernement a immédiatement reconnu son erreur – errare humanum est, perseverare diabolicum – laisse penser qu’il y a eu un bug au niveau des processus de décision.

M. Charles de Courson. Ce n’est pas le seul !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Je terminerai mon intervention en évoquant un point essentiel : ce budget ne comporte aucune mesure tournée vers l’avenir. Il n’y a pas de réforme de fond.

Ce qui m’a frappé, dans les deux interventions brillantes des ministres, Pierre Moscovici et Jérôme Cahuzac, c’est qu’ils n’ont abordé à aucun moment des questions de structure de réforme. On pourrait admettre les différentes dispositions que vous adoptez sur les entreprises si elles étaient accompagnées d’une réforme de fond sur la compétitivité, sur le coût du travail. Mais il n’en est rien, vous l’ignorez. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.) Que d’occasions gâchées ! Pour notre part, dès 2007 nous aurions dû faire la réforme sur la compétitivité, sur le coût du travail, supprimer les cotisations patronales qui financent la politique familiale.

M. Camille de Rocca Serra. Tout à fait !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Nous avons trop attendu puisque nous ne l’avons fait qu’au mois de février dernier. Pour votre part, vous avez commis une erreur, au mois de juillet dernier, en supprimant tout. Si vous aviez eu le courage de nous proposer – et je sais que vous y êtes favorable – le maintien de l’allégement de cotisations patronales et un financement en substitution, en faisant peut-être appel à moins de TVA, à plus de CSG, à de la fiscalité environnementale, et vous auriez eu notre soutien. Mais aujourd’hui, nous sommes dans une impasse qui se traduit même dans les expressions. En effet, alors que le Président de la République parle de « choc de compétitivité », son Premier ministre fait état, pour sa part, de « trajectoire de compétitivité ».

M. Pierre-Alain Muet. Il a raison.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Pendant ce temps, nos entreprises perdent des parts de marché, elles licencient. Il y a urgence, il faut agir au plus vite. Ce n’est pas le rapport Gallois qui va régler le problème. On peut vous octroyer encore quelques semaines supplémentaires de réflexion et vous donner rendez-vous dans le cadre du collectif du mois de décembre

Monsieur le ministre, ne brûlez pas vos vaisseaux, ne jetez pas aux orties la TVA car elle a plusieurs qualités. La première, c’est qu’elle taxe les produits importés, la deuxième c’est qu’elle ne se répercute qu’en partie sur les prix à la consommation…

M. Hervé Morin. Pour un tiers !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. …et la troisième, c’est qu’on peut préserver les ménages les plus modestes puisqu’il suffit de jouer sur les taux concernant les produits de première nécessité. Tous les pays qui ont choisi cette voie s’en félicitent aujourd’hui.

La question de la compétitivité appelle de notre part une réponse urgente, au nom de l’intérêt national. Monsieur le ministre, nous vous soutiendrons si vous avez le courage d’engager rapidement ce dispositif.

Vous le voyez, j’ai essayé de faire une intervention la plus constructive, la plus modérée possible en vous faisant de nombreuses propositions. J’ai deux regrets. Le premier, c’est que vous ne soyez pas allé plus loin en matière d’économies. Pourtant, c’est possible.

M. Pascal Terrasse. Sur quoi, par exemple ? La sécurité, l’école ?

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Sans même parler d’économies, augmenter les dépenses de cinq milliards en moins, c’est possible. Le second, c’est que le tout premier budget d’une législature n’a de valeur que lorsqu’il donne du sens, une perspective. Face au premier problème de notre pays, celui de la perte de compétitivité de nos entreprises, le principal défaut de ce budget c’est qu’il n’apporte aucun espoir à nos chefs d’entreprise. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

Motion de rejet préalable
(Projet de loi de programmation
des finances publiques)

M. le président. J’ai reçu de M. Christian Jacob et des membres du groupe de l’Union pour un mouvement populaire une motion de rejet préalable déposée en application de l’article 91, alinéa 5, du règlement, sur le projet de loi de programmation des finances publiques.

La parole est à M. Hervé Mariton.

M. Hervé Mariton. Monsieur le ministre, oui nous devons débattre avec bénévolence. Oui, un peu de modestie ne messied pas.

La majorité d’hier n’a sans doute pas été parfaite au cours de ces dernières années, mais votre projet appelle aujourd’hui tellement de critiques qu’il nous faut défendre une motion de rejet préalable. Il y va de l’intérêt du pays, de la protection de nos concitoyens. Il faut rejeter votre projet par précaution, vous appeler à le reprendre et à nous retrouver alors sur une délibération qui corresponde mieux à la stratégie à laquelle notre pays a droit.

Il n’y a pas lieu de délibérer parce votre stratégie porte sept péchés qu’elle arrive – tour de force assez remarquable – à combiner. Elle est en effet à la fois invisible, incohérente, injuste, insincère, illisible, inefficace et dangereuse.

M. Dominique Baert. Rien que ça !

M. Hervé Mariton. Votre stratégie est invisible. Nous avons rencontré hier, avec le président Carrez et quelques-uns de nos collègues, des représentants de la Commission européenne pour évaluer la cohérence des choix budgétaires de notre pays avec les enjeux de l’Union européenne.

Dans votre projet pluriannuel, dans ce budget, vous refusez l’obstacle. Hier, votre collègue Pierre Moscovici, et votre collègue chargé des affaires européennes n’ont eu de cesse d’enfermer le débat dans un échange de procédures, refusant de l’engager sur le fond. De leur point de vue, ils avaient raison, en tout cas ils n’étaient pas maladroits tant il y a d’incohérences entre votre stratégie et les enjeux européens.

Au début de la semaine, nous avons entendu le président Bartolone nous rappeler que l’objectif de limiter le déficit public à 3 % du PIB était absurde. Comment peut-on demander aux Français de faire des efforts en 2013, de les poursuivre dans les années qui viennent alors que, dans le même temps, on entend le président de l’Assemblée nationale et d’autres hauts responsables de la majorité nous expliquer que ces efforts sont absurdes ?

Mme Sandrine Mazetier. Vous ne pouvez pas raconter n’importe quoi !

M. Hervé Mariton. On peut discuter sur la répartition de ces efforts, et nous le ferons ce soir et dans les jours à venir, mais ce serait mieux s’ils étaient cohérents, logiques. Or ils sont absurdes nous dit le président Bartolone, au point qu’hier vous n’avez pas défendu votre copie devant la Commission. Vous refusez l’obstacle.

On a le sentiment que la stratégie du Gouvernement est une espèce de stratégie moyenne qui cherche à passer entre les bons et les mauvais élèves en Europe. Actuellement, nous ne sommes pas parmi les plus mauvais, et d’ailleurs nous en tirons quelques bénéfices. Mais vous ne dites pas que nous serions parmi les meilleurs et vous essayez de passer la crise au travers de cet exercice entre les uns et les autres.

Si vous pensez que notre industrie, que notre économie, que l’emploi des Français ont un avenir dans ce louvoiement, vous vous trompez, vous nous trompez, et vous trompez la France.

Votre stratégie produit déjà ses effets puisque la France devient invisible sur les marchés et pour un certain nombre de ses acteurs économiques.

M. Sébastien Denaja. Quels propos mesurés !

M. Hervé Mariton. Vous connaissez ces entreprises internationales, ces groupes français pour lesquels, hélas ! la France n’est plus véritablement un enjeu. L’activité, les profits se trouvent à l’extérieur. Notre pays est devenu si imprévisible, votre politique est devenue si imprévisible ou lorsqu’elle est prévisible si négative que ses entreprises, quand elles ne sont pas résignées, ont décidé d’écrire leur avenir ailleurs.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Vos propos sont un peu outranciers !

M. Hervé Mariton. Votre stratégie est invisible, elle est incohérente, et nous l’avons mesuré la semaine dernière lors du débat sur le projet de loi autorisant la ratification du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire. Vous avez foulé vos promesses pour tenir un engagement européen dont vous ne pouviez pas vous échapper, en réalité sans y croire.

Nous ne jouons pas la stratégie du pire, nous ne souhaitons pas l’échec de la politique de la France, fût-ce votre politique, parce qu’il y va de l’économie de notre pays, des emplois de nos concitoyens et de l’intérêt supérieur. Mais quand un Gouvernement, de toute évidence, ne croit pas dans la stratégie qu’il se trouve obligé de mettre en œuvre, comment voulez-vous que cela fonctionne ? Comment voulez-vous que la discipline à laquelle vous appelez nos concitoyens soit partagée ? Comment voulez-vous les convaincre ? Là encore, le débat d’hier soir était très éclairant. En réalité, quand on ne veut partager, ni avec le Parlement, ni avec la Commission, ni avec les Français les enjeux de fond, on se contente de débats sur la forme. Comment organiser les débats entre la Commission, le Parlement européen, les parlements nationaux et le Gouvernement : voilà un sujet absolument passionnant, mais il y a d’autres urgences que celle-là pour redresser notre pays.

Incohérence, je l’ai rappelé et je le redis car ce n’est pas mineur, car après l’avoir entendu il y a dix jours on pouvait penser que cet épisode était dépassé : c’est la contestation de l’objectif des 3 % par le président Bartolone. Il n’y a pas ici de procédure qui nous permette d’interroger le président de l’Assemblée nationale, mais il serait bien qu’un jour il nous explique ce qui justifie son analyse et comment il l’articule avec celle de la majorité et du Gouvernement.

Incohérence, monsieur le ministre, dans la trajectoire que vous poursuivez – en réalité d’augmentation des dépenses. J’y reviendrai, vos chiffres sont faux, les efforts que vous avez annoncés sont surévalués : il n’y a pas, de votre part, l’effort d’économie sur les dépenses que la situation de notre pays justifierait.

Lors des questions au Gouvernement, vous avez dit quelque chose qui n’était pas exact. La plupart des économistes considèrent que la meilleure stratégie de conciliation entre la rigueur et la croissance n’est pas le matraquage fiscal que vous préparez, mais consiste à faire des économies dans les dépenses. En réalité, vous n’avez pas ce courage.

Vous n’avez pas ce courage parce que votre politique est injuste. Au fond il pouvait être énervant, au début de ce mandat, de vous entendre affirmer de manière tautologique que votre politique était bonne parce qu’elle était juste et qu’elle était juste parce qu’elle était bonne… Vous nous avez stimulés et vous nous avez invités à gratter un peu : votre politique est injuste.

M. Dominique Baert. Et vos cadeaux fiscaux?

M. Hervé Mariton. Elle est injuste parce que c’est une politique de clientèle que vous menez. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.) Quand on regarde la logique qui vous conduit, s’agissant de la réforme de l’État, du recrutement, qui ne voit là autre chose qu’une approche absolument clientéliste ?

D’ailleurs, quand l’évolution des conditions de recrutement transforme la sociologie de certains corps, vous envisagez de modifier les conditions de recrutement, pour conserver la sociologie que vous voulez : je pense aux bourses sous condition de ressources de pré-recrutement des enseignants.

Le président de la commission l’a rappelé tout à l’heure, le maintien de la niche fiscale des SOFICA a un aspect clientéliste signalé.

Pendant l’examen du collectif d’été, on a vu la mansuétude et la grande sympathie dont bénéficiaient les sociétés coopératives ouvrières de production. Pourquoi pas, d’ailleurs ? Mais nous sommes un certain nombre à ne pas avoir compris ici pourquoi certaines entreprises doivent consentir des efforts et pourquoi les SCOP mériteraient d’en être exonérées sur certains points.

On sait ce que vous aimez bien et ce que vous aimez moins bien. Ce n’est pas original, mais il se trouve que c’est vrai : monsieur le ministre, chers collègues de la majorité, vous n’aimez pas beaucoup les familles. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.) Si confirmation devait être donnée, elle l’a été dans le collectif de l’été dernier, le projet de budget et la stratégie budgétaire pour la période triennale.

Monsieur le ministre, vous n’aimez pas beaucoup non plus les propriétaires modestes. Je ne connais pas Villeneuve-sur-Lot, mais je suis impatient de connaître et la presse commente à loisir le rayonnement que vous donnez à cette ville. Je n’aimerais pas être à la place d’un foyer modeste qui, à Villeneuve-sur-Lot comme dans ma bonne ville de Crest, décide de devenir propriétaire en construisant sa maison lui-même. Dans votre budget, vous prévoyez cette mesure extraordinaire de supprimer l’exonération de la redevance pour l’archéologie préventive dans ce cas. « Petit exemple », direz-vous : quelques dizaines de millions d’euros. Divisés par le nombre de foyers concernés, cela fait pas mal d’argent par construction et je ne suis pas sûr que ce soient les plus riches des Français qui soient concernés par cette mesure.

M. Christophe Caresche. Avez-vous relevé autre chose ? Parce que sinon…

M. Hervé Mariton. Ne méprisez pas ceux de nos concitoyens qui construisent leur maison eux-mêmes, à Villeneuve-sur-Lot ou à Crest.

Monsieur le ministre, vous avez soutenu un candidat à la présidence de la République, François Hollande, et vous avez affirmé, vous et votre champion, que l’équilibre de votre politique fiscale serait fondé sur un geste vigoureux – plusieurs dizaines de milliards d’euros – sur les niches fiscales.

Nous cherchons votre geste et nous ne l’avons pas encore trouvé. Sans doute y avait-il une certaine ambition dans le projet présidentiel : elle faisait craindre en réalité une augmentation des impôts, parce qu’en français qui se cause la suppression des niches fiscales, c’est une augmentation d’impôt, mais cela pouvait avoir une certaine allure de justice.

De justice, que nenni ! La suppression de l’exonération des charges sociales et fiscales sur les heures supplémentaires, ce n’est pas de la justice. La hausse du forfait social sur la participation, ce n’est pas de la justice. Comment voulez-vous que nous regardions votre stratégie avec bénévolence ? C’est difficile, tout cela a manifestement très mal démarré.

Votre politique est d’autant plus injuste que vous avez le mauvais penchant de cacher ce que vous faites. Ainsi, vous cachez, le Premier ministre a caché l’impact réel de la suppression des exonérations de charges fiscales sur les heures supplémentaires dans les entreprises de moins de vingt salariés. De même, vous avez voulu obscurcir le débat sur la non actualisation du barème en faisant passer pour la première tranche ce qui est en réalité la tranche à 0 %. Les Français qui ne paient pas d’impôt sur le revenu ne subiront pas de hausse d’impôt, ce n’est pas une prouesse. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Vous nous aviez beaucoup critiqués sur les mutuelles, au début de l’année. N’y aurait-t-il pas quelque chose, dans votre stratégie des finances publiques, qui dans les mois qui viennent va toucher les mutuelles et leurs adhérents ? S’il vous plaît, un peu de modestie.

Un peu de modestie aussi parce que, monsieur le ministre, j’ai du mal à articuler vos chiffres avec ceux de M. Moscovici. Vous avez rappelé tout à l’heure avec courage, parce que vous avez cette force de défendre les causes indéfendables, que neuf Français sur dix ne seraient pas touchés par les hausses d’impôt et comme vous aviez promis qu’il n’y aurait pas d’augmentation d’impôt au-delà de 2013, tout le monde devrait être rassuré. Or, le ministre Moscovici nous a dit que 70 % de l’effort était porté par 20 % des contribuables. Avec l’aide du rapporteur général, nous pourrons immédiatement constater que ce n’est pas la même chose : 20 %, ce n’est pas 10 %. Au passage, cela signifie aussi que 30 % de l’effort est supporté par tous les autres, y compris les plus modestes.

Nous voulons vous aider. Sortez-vous de ce mauvais pas, démentez cette affaire des neuf Français sur dix : c’est faux et il serait plus simple de l’expliquer en admettant cette erreur.

Mme Sandrine Mazetier. Avec vous, dix Français sur dix auraient payé la TVA sociale.

M. Hervé Mariton. Incohérent, injuste, votre projet est aussi insincère. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Sans doute suis-je un peu tendre en tant que porte-parole de mon groupe à la commission des Finances, mais avec d’autres je n’ai pas contesté l’hypothèse de croissance de 0,8 %. Certains le font, mais j’ai toujours pensé qu’un gouvernement se devait d’avoir une vision optimiste de l’avenir : s’il faisait le contraire, il desservirait l’intérêt du pays.

Donc, je ne critique pas cette hypothèse de 0,8 %. Là où ça se gâte, c’est quand vous portez la projection à 2 % pour les années suivantes. Quel miracle attendez-vous ? La nouvelle direction chinoise va-t-elle provoquer un choc de compétitivité et de confiance qui ait ces effets sur notre pays ? L’élection présidentielle américaine et peut-être l’alternance vont-elles susciter un rebond économique ? Un ami me disait ce matin : « Les miracles, cela peut exister. » Et peut-être votre stratégie dépend-elle d’un miracle ; mais vous devriez en faire l’aveu.

Insincère, monsieur le ministre, parce que sérieusement, cette hypothèse de croissance de 2 % en 2014, personne n’y croit, pas même vous. Vous êtes trop au fait des réalités, trop bon spécialiste des finances publiques pour trouver raisonnable de bâtir une stratégie sur un chiffre aussi artificiellement fabriqué.

Hélas, monsieur le ministre, vous fabriquez aussi d’autres chiffres. Le rapport de la Cour des comptes, en juillet 2012, après l’alternance, indiquait une tendance à l’augmentation des dépenses de l’État en 2013 de six milliards d’euros. Et pour vous faciliter la vie, pour mettre en avant davantage d’économies que vous n’en faites en réalité, par un tour de passe-passe un peu visible, vous avez décidé de mettre dans vos projections une augmentation tendancielle des dépenses de dix milliards en 2013. Monsieur le ministre, comment justifier le « zéro valeur » dans ces conditions ? Ce n’est pas convenable : pas ça, pas vous !

Votre budget n’est pas davantage sincère sur les recettes et comment pouvons-nous vous croire sur les années suivantes ? Les impôts que vous proposez sont de nature à tuer leur base. Quand on propose un impôt à 75 %, comment peut-on imaginer que la base soit au rendez-vous ? S’agissant de la fiscalité sur les plus-values, vous avez déjà battu retraite, sans qu’on sache exactement comment, mais enfin, mais on sait que les sommes annoncées le mois dernier ne sont plus au rendez-vous : ce n’est pas moi qui le dis, c’est vous.

Votre stratégie est aussi illisible, tant sont nombreuses les contradictions entre vos engagements. Comment comprendre, comment expliquer au sein de votre majorité que sur le triennat il va y avoir 15 % de réduction des crédits de paiement sur l’écologie ? Il y a peut-être des Français qui ont voté pour vous parce qu’ils pensaient que pour vous l’écologie c’était important : il faut qu’ils sachent.

Demain, le Conseil des ministres va adopter un texte portant création de la banque publique d’investissement. Au printemps, nous avons expliqué qu’elle risquait de n’être que l’addition d’Oseo, de CDC Entreprises et de sociétés existantes, redécoupées pour faire un beau Meccano sous un nom nouveau. Admettons. Ce n’est pas original, on l’a déjà fait.

Ce qui en revanche est assez original dans votre projet, si je comprends bien, c’est que vous allez créer demain une banque publique d’investissement…

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Qui n’est pas une banque !

M. Hervé Mariton. …dont la réalité juridique première est de n’être pas une banque. Il faudra expliquer aux Français que vous voulez dynamiser l’économie grâce à une banque publique d’investissement qui n’est qu’un ravalement d’outils existants, lesquels, de l’avis général et même, je crois, du vôtre, ont plutôt bien fonctionné pendant la crise, qu’il s’agisse d’OSEO, du FSI – et pourtant j’étais moi-même perplexe lors de la création de ce dernier. Bref, tout ce qui a bien fonctionné, vous le mettez dans un shaker que vous secouez pour en faire un nouvel ensemble.

Vous respectez votre engagement de créer une banque publique d’investissement, sauf que ce n’est pas une banque ! Comment pensez-vous convaincre ainsi les entreprises ?

M. Dominique Baert. En leur rappelant que la BPI sera publique et qu’elle fera des investissements.

M. Hervé Mariton. Elle sera peut-être publique, elle investira peut-être mais ce ne sera pas une banque : c’est, je le répète, une réalité juridique.

Un de vos problèmes, c’est que vous êtes bien trop aveuglés par l’idéologie et par l’esprit de revanche.

M. Sébastien Denaja. Nous avons gagné : c’est seulement quand on perd qu’on peut avoir l’esprit de revanche !

M. Hervé Mariton. Vous avez cent fois raison, mon cher collègue : comme vous avez gagné, vous pourriez en effet vous libérer de l’esprit de revanche. Il est donc assez triste qu’une majorité qui a gagné se comporte comme si elle avait perdu. (Sourires.)

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Voilà qui s’appelle un sophisme !

M. Hervé Mariton. Je n’ai pas toujours été un adepte de la TVA sociale.

M. Dominique Baert. Sarkozy non plus !

M. Hervé Mariton. Comme d’autres ici, j’ai pu, parce que c’est mon rôle, poser des questions. Je crois, au fond, que la TVA sociale, telle que nous l’avions votée, comportait plus d’avantages que d’inconvénients. Je crois surtout, monsieur le ministre délégué, qu’en termes de stratégie de compétitivité, d’amélioration des termes de compétitivité pour nos entreprises, pour l’emploi, nous ne disposons pas de tant d’outils que cela. Or, en raison de votre aveuglement idéologique et de votre esprit revanchard, vous vous êtes privés dès l’été d’un outil qui pourrait vous servir demain, dont sans doute, même, vous rêvez, mais, malheureusement, vous vous êtes fermé cette voie. Vous discutez, vous débattez, vous réfléchissez pour conclure à l’impossibilité de la TVA sociale : ce dispositif n’est peut-être pas mal mais, comme on l’a effacé l’été, on ne peut le reprendre à l’automne.

Pour ce qui concerne la CSG, le dispositif est considéré comme intéressant par certains mais on se heurte ici aussi à un blocage idéologique. Alors que faire ? Rien. C’est l’impasse.

De choc de compétitivité, il n’est plus question. On nous parle maintenant de choc de confiance. Oui, monsieur le ministre délégué, il faut un choc de confiance ; seulement, la confiance ne se construit pas, elle ne s’instaure pas uniquement avec des mots. Elle suppose aussi une stratégie de compétitivité.

La programmation pluriannuelle que vous proposez aurait pu être l’occasion de formuler des propositions en matière de compétitivité. Hélas, il n’y a rien. Vous annoncez cela pour plus tard : quand, quoi ? Au sein même de la majorité, certains regrettent que des propositions en ce sens n’aient pas été présentées au moment de la discussion budgétaire.

J’ai évoqué, monsieur le ministre délégué, une stratégie inefficace. Inefficace car vous tentez – et vous y parvenez – d’être des passagers clandestins dans la crise. Vous l’avez en effet souligné, et avec raison : la France profite de taux d’intérêts faibles, et heureusement, car que serait, sinon, notre déficit budgétaire, que serait notre trajectoire budgétaire ? Mais vous savez bien que ces taux d’intérêt sont faibles, en France, non pas parce que votre stratégie est bonne, mais parce que, en Europe, il y a pire que nous. Et tant qu’existent des situations pires que la nôtre, nous resterons dans cette configuration privilégiée de taux faibles qui ne signent donc en rien la qualité de votre politique. Ils disent simplement que la situation de certains pays est pire et j’ai pour ma part du mal à faire de cette situation la référence absolue.

Inefficace encore, votre stratégie pluriannuelle, parce qu’elle ne prévoit aucune réforme ambitieuse de l’État, aucune ambition réelle en matière d’organisation territoriale – pourtant prévue par le projet de loi de finances pour 2013. Au lieu de quoi vous augmentez l’emploi public, triomphe de l’inefficacité quand on remarque que vous le faites y compris pour les emplois d’enseignants qu’il est si difficile de pourvoir aujourd’hui. Il n’y a pas assez de candidats aux concours d’enseignement…

Mme Monique Iborra. C’est à cause de vous !

M. Dominique Baert. Qui a découragé les vocations ?

M. Hervé Mariton. Il s’agit d’une réalité technique que personne ne conteste. Demandez donc aux jurys des concours de l’enseignement : il n’y a pas assez de candidats et vous voulez malgré tout recruter.

Où sont les perspectives ? Quand je prends connaissance des propositions envisagées par la majorité, par l’exécutif sur la stratégie économique du pays, je vois la tentation du retour aux bonnes vieilles lunes des années 1980. C’est le cas de ce projet de sanctions pénales pour les retards de paiements inter-entreprises. Vous croyez vraiment qu’on va rétablir la confiance et la compétitivité de la France en introduisant du pénal dans les relations inter-entreprises ? Mesurez-vous ce dont il s’agit ?

Je relève par ailleurs un certain nombre de mesures anti-croissance. Le président Carrez l’a dit : le développement des partenariats public-privé – qui ne constituent pas une méthode miracle mais qui peuvent se révéler utiles – est entravé par la réforme du dispositif fiscal permettant la déduction des intérêts d’emprunt des entreprises. Les opérations de croissance externe seront découragées. Votre stratégie est tout simplement une stratégie d’instabilité fiscale, à moins que la promesse de Jérôme Cahuzac de non augmentation des impôts à partir de 2014 soit tenue. Je présenterai quelques amendements au cours de l’examen de la seconde partie pour l’y aider. Si je suis prêt à soutenir votre promesse, monsieur le ministre délégué, c’est parce qu’il s’agissait du seul petit élément qui, dans votre discours, permette d’espérer la confiance.

Votre stratégie est inefficace pour les Français, elle va leur coûter cher, elle les inquiète, dans un contexte où la majorité elle-même ne consent pas aux objectifs que vous affichez formellement. Tout ça pour ça ? Monsieur le ministre délégué, il ne s’agit pas d’un jeu et votre stratégie, in fine, est dangereuse pour l’économie, pour les Français, pour la France.

Le fait que l’impôt « rentre » bien constitue l’un des éléments de la crédibilité internationale de la France. Or nous assistons depuis plusieurs jours à un début de révolte fiscale. Méfiez-vous, monsieur le ministre délégué, de ne pas mener une stratégie qui conduise la France, comme d’autres pays du sud de l’Europe, à devenir un pays où l’on se révolte, où l’impôt rentre mal.

Vous êtes la majorité, nous sommes l’opposition,…

M. Étienne Blanc. Hélas !

M. Hervé Mariton. …et pourtant nous ne ferons pas d’antijeu. Nous vous conjurons, monsieur le ministre délégué, chers collègues de la majorité, de faire montre de lucidité et de courage en rejetant le texte. Laissez là l’idéologie et la volonté de détruire. Écoutez les Français, écoutez les ménages, écoutez les entreprises, écoutez nos partenaires, écoutez votre propre malaise et remisez ce texte, reprenez votre projet et votez la motion de rejet préalable. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Monsieur Mariton, vous aviez pourtant si bien commencé... Vous avez débuté votre intervention d’une demi-heure par ce que j’ai deviné être une approbation, des encouragements qui se sont vite estompés puisque, au bout de moins d’une minute, vous avez semblé reprendre un cours qui vous est plus naturel et d’autant moins surprenant que vous êtes le porte-parole du principal groupe d’opposition à l’Assemblée. J’aurais donc été fort surpris que vous continuiez dans la veine du tout début.

Naturellement, le Gouvernement appelle à rejeter cette motion de renvoi.

M. Hervé Mariton. Vous avez tort !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Que l’on soit ou non d’accord avec la politique budgétaire proposée par le Gouvernement et la majorité, tous les députés savent que la France doit avoir un budget. Et pour avoir été parlementaire de l’opposition, cette règle qui n’est pas plaisante, précisément quand on se trouve dans l’opposition, je l’ai acceptée, pas forcément avec plaisir mais c’est la règle démocratique qui nous est commune.

Sur le fond, plusieurs de vos arguments méritent quelques éléments de réponse.

Nous n’aimerions pas les familles : telle est votre conclusion, peut-être un peu excessive. Après tout, qu’est-ce qui vous autorise à prétendre que vous les aimeriez davantage que M. Eckert ou que moi-même ? Sauf à estimer que distraire 450 millions d’euros de l’enveloppe du quotient familial, qui compte 13 à 14 milliards d’euros, pour aider des familles qui ne sont pas éligibles à l’impôt sur le revenu et ne bénéficient donc pas du quotient familial, à moins d’estimer, donc, que ce transfert entre familles impliquerait que nous n’aimions pas les familles ?

Je me permets de vous faire remarquer que cette somme reste à la disposition des familles. Je vous rappelle que, comme député de la majorité, vous avez voté la sous-indexation des prestations familiales, c’est-à-dire une amputation du pouvoir d’achat des familles de 600 millions d’euros, une amputation touchant toutes les familles. Si transférer 450 millions d’euros de certaines familles à d’autres revient à ne pas aimer les familles, comment qualifieriez-vous la mesure consistant à amputer leur pouvoir d’achat de 600 millions d’euros comme vous avez accepté de le faire ? Comme je vous sais précis et amoureux de la langue française, je suis certain que vous trouverez le qualificatif non seulement pour justifier ce que fut votre vote d’alors, mais également pour nous indiquer à quel degré vous aimez les familles si nous, nous ne les aimons pas…

Par ailleurs, pas plus que le président de la commission des finances, vous n’avez relevé le défi que je vous ai lancé, à moins de prendre en considération la mesure relative à l’archéologie préventive concernant les constructions. Je reconnais que vous faites très bien votre travail de député et de porte-parole de l’opposition, mais vous aurez du mal à convaincre qu’avec cette mesure-là, les classes modestes sont mises à contribution. Quoi qu’il en soit, ni l’un ni l’autre n’a en vérité relevé ce défi puisque, pour me répondre, vous vous êtes crus obligés, soit d’invoquer le projet de loi de finances rectificative, soit d’invoquer le projet de loi de financement de la sécurité sociale, mais en aucune manière le projet de loi de finances initiale.

M. Hervé Mariton. Il est ici question de la programmation des finances publiques !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Je considère donc, monsieur Mariton, que vous n’avez pas relevé le défi. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

Enfin, j’ai bien compris que vous brûliez d’envie de soutenir le gouvernement auquel j’appartiens. Sachez que cette envie que j’ai devinée, sous-jacente mais forte, tout au long de votre intervention, me touche profondément (Sourires) ; mais – et le président de la commission des finances a tenu des propos indiquant que lui aussi aimerait soutenir la politique budgétaire que je défends au nom du Gouvernement –…

M. Hervé Mariton. C’est un peu présomptueux !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. … j’ai noté que chez l’un et chez l’autre existaient néanmoins des conditions, des prérequis à cet effet. À vous écouter attentivement tous deux, j’ai bien deviné que, pour obtenir votre soutien, il faudrait que je continue les politiques que vous aviez soutenues au moins ces cinq dernières années.

M. Hervé Mariton. Vous avez le droit de les améliorer.

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. La tentation est forte car obtenir le soutien d’Hervé Mariton et de Gilles Carrez, cela a un prix considérable. La difficulté que j’aurais alors à affronter, c’est que je bénéficierais alors, à n’en pas douter, du soutien de l’opposition mais certainement pas de celui de la majorité,…

M. Sébastien Denaja. Nous confirmons !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. …bref, que je ne parviendrais pas à faire adopter des textes que, le cas échéant, je pourrais approuver. J’en resterai donc à une pratique plus classique de nos institutions en acceptant votre opposition et en espérant le soutien de la majorité. Il m’étonnerait que je me départisse de cette attitude et j’escompte par là même et d’avance votre indulgence. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, GDR, écologiste et RRDP.)

M. le président. Dans les explications de vote, la parole est à M. Étienne Blanc, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Étienne Blanc. Le groupe UMP votera évidemment cette motion de rejet préalable. Comme notre collègue Hervé Mariton vient de l’expliquer parfaitement, cette motion s’appuie sur cinq thématiques.

Tout d’abord, monsieur le ministre, vous nous présentez un budget qui n’est pas sincère, et vous le savez. Il n’y aura pas 0,8 % de croissance, et les recettes que vous escomptez ne seront pas au rendez-vous car, avec la politique fiscale que vous menez, vous allez tarir la source. Vous qui avez siégé pendant de longues années à la commission des finances, vous êtes un trop fin fiscaliste et un économiste trop averti pour ne pas le savoir.

Votre budget, ensuite, est évidemment injuste. Vous prétendez qu’il est juste parce que, dites-vous, les classes les plus modestes seront sauvegardées. La démonstration vient pourtant de vous être faite que ce n’est pas un Français sur dix qui sera touché par vos mesures budgétaires, mais un Français sur deux, et ce sont les plus modestes qui seront les plus touchés.

Troisièmement, votre budget est évidemment clientéliste : vous essayez de rendre, à travers des mesures fiscales, les bienfaits qui vous ont été prodigués…

Mme Sandrine Mazetier. Nous pensons au peuple français !

M. Dominique Baert. Pas au Fouquet’s !

M. Étienne Blanc. … au moment de l’élection présidentielle, mais aussi au moment des élections législatives ; j’en dirai un mot tout à l’heure, quand je défendrai une motion de renvoi en commission.

M. Sébastien Denaja. Notre clientèle n’est pas celle du trésorier de l’UMP !

M. Étienne Blanc. En quatrième lieu, c’est un budget qui ne répond pas aux grands enjeux que sont la relance économique et la capacité financière de nos entreprises, que vous allez tarir, alors même que la Cour des comptes vient de montrer que le problème des entreprises françaises, c’est qu’elles dépendent trop du crédit bancaire : elles en sont deux fois plus dépendantes que les entreprises allemandes ou britanniques.

Ce budget, enfin, sera totalement inefficace. La vraie question, aujourd’hui, est celle de l’asphyxie de notre économie, celle de notre compétitivité, et à cela, vous ne répondez pas.

Permettez-moi de vous dire, monsieur le ministre, que je suis admiratif quand je vois le bonheur souriant que vous nous présentez. Alors que vous menez la France dans le mur, vous affichez une autosatisfaction absolument merveilleuse. (Protestations sur les bancs du groupe SRC – Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Thierry Benoit, pour le groupe Union des démocrates et indépendants.

M. Thierry Benoit. Le groupe UDI soutiendra la motion de rejet préalable défendue et argumentée par Hervé Mariton.

Depuis le mois de mai, j’ai moi-même fait preuve, à titre personnel, comme les élus de mon groupe, je crois, de mansuétude et de bienveillance à l’égard du Gouvernement. Depuis le mois de mai, le Président de la République, le Premier ministre, le ministre de l’économie et celui du budget nous ont expliqué – c’est du moins ce que j’avais compris – qu’ils ne toucheraient ni à la TVA, ni à la CSG, et qu’il y avait d’autres recettes pour équilibrer le budget et redonner de la compétitivité aux entreprises de France.

Nous attendions un choc de compétitivité, et ce que nous avons, c’est un choc de fiscalité : une augmentation sans précédent des prélèvements obligatoires de plus de 27 milliards d’euros pour 2013, près de 14 milliards d’euros de prélèvements supplémentaires sur les entreprises et une hausse de 13 milliards d’impôts sur les ménages, sans oublier la refiscalisation des heures supplémentaires, qui frappe de plein fouet les ménages de condition modeste.

Par ailleurs, au volet des dépenses, les 10 milliards d’économie ne sont pas à la hauteur des enjeux : le FMI a indiqué que la France ne se mettait pas en situation de ramener son déficit à 3 % . Au sein même de la majorité, et à commencer par le président de l’Assemblée nationale, certains sont allés jusqu’à remettre clairement en cause cet objectif. Je déplore enfin que rien ne soit fait pour redonner de la compétitivité aux entreprises françaises, sur le modèle de ce qu’a fait notre principale partenaire, l’Allemagne.

Pour ces raisons, le groupe UDI soutiendra l’argumentaire de notre collègue et votera la motion de rejet préalable. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)

M. le président. La parole est à M. Éric Alauzet, pour le groupe écologiste.

M. Éric Alauzet. Le groupe écologiste ne soutiendra pas cette motion de rejet. Vous en êtes surpris, monsieur Mariton, et je le regrette pour vous. (Sourires)

M. Hervé Mariton. Je suis très déçu.

M. Éric Alauzet. Je vais essayer d’être un peu moins caricatural que vous ne l’avez été, mais vous en jugerez vous-même.

M. Hervé Mariton et M. Thierry Solère. Ce budget, c’est 15 % en moins pour l’écologie !

M. Éric Alauzet. Sur la question des dépenses, vous n’êtes ni crédible, ni lucide, et je me demande même si vous êtes bien raisonnable. Vous n’êtes pas crédible, car cela fait quelques mois à peine que vous avez quitté les affaires, et tout au long du précédent mandat, vous avez consenti des avantages fiscaux, et donc des dépenses pour le budget de l’État, alors même que les problèmes d’endettement étaient déjà connus.

Plusieurs députés du groupe UMP. C’est faux !

M. Éric Alauzet. Vous n’êtes pas lucide non plus, parce que vous nous annoncez cinq milliards d’économies supplémentaires – dont on attend toujours le détail – et vous nous dites que si vous étiez aux affaires, ce ne sont pas cinq milliards, mais dix milliards supplémentaires d’économies que vous feriez. Sur les trente milliards en jeu, vous proposeriez donc vingt milliards de réduction de dépenses, et dix milliards de recettes fiscales. Notons au passage que vous semblez vous être réconcilié, au moins un peu, avec la fiscalité.

Dix milliards supplémentaires d’économie, voilà de quoi provoquer l’effroi de nos concitoyens. Même si vous voulez aller à marche forcée, vous êtes obligé de constater, comme nous tous, les effets terribles des réductions budgétaires drastiques qui ont été imposées au Sud de l’Europe, et les résultats de cette austérité. Beaucoup de vos amis font le même constat ; la présidente du FMI émet aujourd’hui de sérieux doutes. Je crois que vous êtes vous-même habité par le doute, même si vous n’osez pas trop en faire part. Vous savez qu’il sera très difficile d’atteindre les 3%, et que la difficulté ne vient pas seulement des contraintes budgétaires, mais qu’elle tient aussi au fait que nous ne voulons pas imposer à nos concitoyens des efforts qu’ils ne seraient pas capables de supporter.

Je doute enfin que vous soyez raisonnable, mais sur ce point, je réserve ma réponse : j’attends la deuxième partie du projet de loi de finances, pour voir si vous ne demanderez pas, comme d’autres, que nous suspendions l’abandon de certaines dépenses. Vous dites que vous voulez plus de réductions de dépenses, mais peut-être réclamerez-vous, ici ou là, davantage d’efforts : nous verrons. (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste et SRC.)

M. le président. La parole est à M. Pierre-Alain Muet.

M. Pierre-Alain Muet. Monsieur Mariton, vous avez commencé votre intervention par un appel à la modestie. Je vous demande donc de faire preuve, à votre tour, d’un peu de modestie, et d’un peu de mémoire !

Que fait ce budget ? Il commence à corriger dix années de dérives financières. Au cours des dix dernières années, notre pays a accumulé autant de dettes que l’ensemble des gouvernements qui s’étaient jusque-là succédé dans l’histoire, puisque la dette a doublé. Au cours des cinq dernières années, notre déficit structurel – « structurel », c’est-à-dire indépendant de la crise – a été compris entre 3,3 % et 5 %. J’ajoute qu’en vous renvoyant dans l’opposition, les Français vous ont évité d’avoir à inscrire dans la Constitution un objectif de déficit structurel de 0,5 %, alors même que vous n’êtes jamais descendus en dessous de 3 %.

Ce budget ramène effectivement notre déficit à 3% et, parce qu’il s’agit de l’effort de redressement le plus important jamais réalisé, il réduit également notre déficit structurel de deux points.

M. Yves Censi. On verra !

M. Pierre-Alain Muet. Il le fait sans peser sur la croissance, parce que la réduction de 10 milliards de nos dépenses ne se fait ni par un coup de rabot uniforme, ni par des coupes aveugles dans les dépenses publiques, comme vous n’avez cessé de le faire pendant des années, mais par des mesures sélectives, donnant la priorité à l’emploi et au logement.

M. Yves Censi. Mais vous sacrifiez d’autres secteurs !

M. Pierre-Alain Muet. Il réduit le déficit en prenant des mesures fiscales. Il ne s’agit pas de hausses généralisées, comme la TVA sociale, que vous aviez prévue, mais de mesures qui consistent à supprimer des niches injustes et inefficaces, à rétablir une justice fiscale élémentaire, qui veut que les revenus du capital soient taxés au barème de l’impôt sur le revenu, comme les revenus du travail. Les mesures fiscales que nous avons prises permettront de donner à notre pays la justice et l’efficacité économique dont il a besoin.

Le groupe socialiste votera naturellement ce budget, qui rétablit l’efficacité et la justice fiscale, et c’est pourquoi il votera contre cette motion de rejet préalable. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

(La motion de rejet préalable, mise aux voix, n'est pas adoptée.)

Motion de rejet préalable
(Projet de loi de finances)

M. le président. J’ai reçu de M. Christian Jacob et des membres du groupe de l’Union pour un mouvement populaire une motion de rejet préalable, déposée en application de l’article 91, alinéa 5, du règlement, sur le projet de loi de finances pour 2013.

La parole est à M. Yves Censi.

M. Yves Censi. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, « tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes. » : telle est l’idée générale qui se dégage du projet de loi de finances pour 2013 que vous nous présentez. Oui, monsieur le ministre, vous êtes un peu comme Candide – n’y voyez pas une insulte –, tout acquis aux leçons du docteur Pangloss, avant que les ennuis ne commencent.

Le budget que vous nous présentez, c’est un budget de dépenses généreuses conçu pour un monde idéal, dans lequel les plus riches permettraient aux pauvres de l’être un peu moins, le budget d’un État à ce point parfait qu’aucune réforme structurelle ne devrait y être entreprise, le budget d’un pays riche et où il existerait un trésor caché au sein des entreprises.

Malheureusement, la réalité étant tout autre, c’est un budget de déni de réalité que vous nous présentez aujourd’hui.

Cette réalité, quelle est-elle ? C’est celle d’un pays qui se débat, au milieu d’une crise économique et financière mondiale sans précédent. La réalité, c’est notre dette qui atteint 91 % du PIB, et qui vient juste de dépasser ce que l’on appelle le point de non-retour. Nous remboursons 40 milliards d’intérêts par an et produisons, hélas, 5 millions de chômeurs.

La France se distingue par son taux de prélèvements obligatoires, qui est l’un des plus forts de l’OCDE – 44 % du PIB, contre 39,5 % en Allemagne – et par le niveau de ses dépenses publiques, le plus élevé de la zone euro, avec 56 % du PIB contre 48 % en moyenne dans les autres pays. Bref, notre économie est en sursis, et vous savez, monsieur le ministre – mais vous gardez un peu trop bien ce secret – que nous sommes à la veille d’une débâcle économique sans précédent.

Face à cette situation économique sombre et préoccupante, votre budget est un véritable déni de réalité, d’abord parce que la barque des dépenses reste trop chargée – le président de la commission des finances et Hervé Mariton l’ont bien montré – et que vous refusez de choisir une vraie priorité ; ensuite, parce que vous faites, encore et toujours, le choix de l’impôt, alors même que la Cour des comptes, le FMI, et l’ensemble des économistes vous exhortent à agir en priorité sur les dépenses, à l’instar de la plupart de nos voisins européens.

Dans ce budget, chaque euro dépensé devrait porter le label de l’attractivité et amorcer de véritables réformes de fond, sans lesquelles les chemins de la productivité et de la compétitivité nous resteront malheureusement, désespérément, inaccessibles. Un tel déni de réalité est sans équivalent dans les démocraties européennes, qui toutes, sans exception, ont engagé des réformes structurelles douloureuses, mais indispensables. Pendant ce temps, vous vous obstinez à nier les problèmes et à refuser de les traiter.

Notre endettement atteint 1 830 milliards d’euros, ce qui représente plus de 90 % de notre PIB, et il a déjà atteint ce que les experts appellent le point de non-retour. La Cour des comptes ayant chiffré à 120 milliards sur cinq ans l’effort nécessaire pour retrouver le point d’équilibre, votre gouvernement décide donc de mener bataille, mais à sa manière. Une manière bien à lui, ignorant totalement les stratégies de désendettement conduites dans des pays tels que le Canada, la Suède et, bien entendu, l’Allemagne, qui ont fait la démonstration que le redressement s’acquiert grâce à un rapport particulier d’impôts et d’économies, à savoir un tiers environ de ponction fiscale sur les ménages et les entreprises, et deux tiers de coupes dans la dépense publique.

Inutile de vous dire, mes chers collègues que nous sommes très loin du compte, puisque c’est exactement l’inverse que nous propose le ministre : sur le choc global de 30 milliards d’euros, la baisse de la dépense publique ne représente que 10 milliards. Et peut-on vraiment parler d’une baisse ? J’y reviendrai tout à l’heure.

Dans les mêmes pays, l’austérité budgétaire s’est systématiquement doublée de réformes structurelles touchant à la réglementation du travail, au financement de la protection sociale ou au train de vie de l’État. Rien de tel dans ce projet de loi de finances. Vous vous raccrochez à la dépense publique, à l’impôt et à la taxation du travail, déjà si élevés que notre compétitivité se réduit comme peau de chagrin.

Votre budget est bâti sur une prévision de croissance à 0,8 % quand tous les économistes et le FMI affirment que l’expansion sera au mieux de 0,5 % l’an prochain, et probablement autour de 0,3 % avec le budget que vous nous présentez. Pour respecter l’objectif d’un déficit ramené à 3 % du PIB en 2013, l’effort requis n’est pas de 30 milliards d’euros mais au moins de 40 milliards. Si l’on ajoute le fait que les 20 milliards de recettes attendues sont surévalués, on voit mal comment vous parviendrez à résoudre l’équation budgétaire de 2013.

Dans votre projet de loi de finances, on cherche désespérément des éléments dynamiques et des signaux clairs, mais en vain.

À l’heure où il faut donner à notre pays un véritable projet pour l’investissement, l’industrialisation, l’emploi, votre seule préoccupation est de ne pas heurter le plus grand nombre de Français en maintenant l’illusion que notre modèle est viable sans réformes et de faire payer ceux que vous appelez les riches. Après tout, le candidat Hollande n’avait-il pas déclaré qu’il n’aimait pas « les riches » ? Désormais, il le leur prouve.

Il est en effet plus confortable et silencieux de matraquer la minorité que constituent les entreprises et les classes plutôt aisées tout en prétendant en plus recevoir les lauriers de la justice fiscale. Encore faudrait-il que cela soit efficace.

On reproche à François Hollande de n’avoir pas encore assez investi la fonction présidentielle. C’est une erreur : il a au contraire endossé magnifiquement les habits de son prédécesseur socialiste d’il y a trente ans qui souhaitait « donner du temps au temps ». Du temps, nous n’en avons pas aujourd’hui, et il n’y aura pas de coup d’après.

Il n’y aura que de la désolation parce que vous n’avez pas le courage de lancer les grands chantiers de la réforme de l’État, de la sécurité sociale et du marché du travail, parce que vous êtes tétanisés par l’éventualité d’une colère de rue.

Il n’y aura que de la désolation parce que vous n’êtes pas capable d’anticiper l’inexorable dérive industrielle et de gérer la modernisation, la transformation ou même la conversion des bassins d’emploi. M. Montebourg, si coutumier des leçons de vertu économique par le passé, découvre les réalités de la mondialisation et de la compétition internationale et s’enlise dans son impuissance. Ce n’est pas à coups de slogans et de faux espoirs distillés que vous empêcherez la cascade de plans sociaux qui s’annonce.

La clé de la réduction du chômage et de la dette ne se trouve que dans le rétablissement d’un appareil productif compétitif, comme l’a indiqué le président de la commission des finances. Sans compétitivité, les hausses d’impôts seront inefficaces car la chute de l’activité ira plus vite que les hausses de taux. Le problème, c’est que les recettes des entreprises vont chuter et que nous assisterons dès l’année prochaine à un effondrement des recettes de l’État. Le retour à l’équilibre des comptes publics ne pourra se faire sans un pacte productif et un pacte social de flexibilité pour l’emploi et de sécurité pour les travailleurs, telle est la réalité.

Sans une véritable stratégie alliant une politique budgétaire responsable et une vision de la France dans le monde, vous grèverez toute perspective de retournement.

Il faut mettre de côté les hausses d’impôt, car nous sommes déjà au maximum de la pression fiscale possible, l’une des plus élevées au monde. Si vous l’augmentez encore, vous allez casser le peu de croissance qu’il reste et réduire davantage la compétitivité de nos entreprises, donc détruire des emplois. De la sorte, le chômage va encore augmenter et les revenus baisser. Autant d’évolutions qui réduiront l’assiette fiscale, donc les recettes publiques à venir. En augmentant les impôts, vous finirez par aggraver les déficits publics.

Croyez-vous réellement que c’est en déployant le chiffon rouge d’une fiscalité confiscatoire que vous parviendrez à faire venir en France les investisseurs dont nous avons besoin ? D’ailleurs, nos amis anglais ne s’y sont pas trompés, mais visiblement cela ne vous fait ni chaud ni froid, mais plutôt sourire.

Croyez-vous réellement que les investisseurs prendront le chemin de notre pays quand vous ne leur offrez que de l’opacité et de l’instabilité fiscale ?

Au vu du projet de loi que vous nous présentez, vous agissez comme s’il n’y avait aucune relation entre compétitivité, croissance, stratégie industrielle et fiscalité. Quand comprendrez-vous que dans le monde globalisé d’aujourd’hui, et avec la mobilité accrue des agents économiques, la fiscalité est devenue un facteur important de la compétitivité des territoires et donc de la croissance économique ?

Est-il bien raisonnable pour l’attractivité de notre pays de claironner : « les grandes entreprises paieront », quand la balance des investissements directs entre l’étranger et la France est obstinément négative ? Or ce sont plutôt les grands groupes qui peuvent décider de s’installer dans l’hexagone. Ce qu’ils veulent également, c’est une visibilité fiscale à long terme pour leur permettre de construire des modèles financiers stables et crédibles. Or, que peut offrir de séduisant, du point de vue de ces grandes entreprises, le budget 2013 ? Rien.

Quant à nos entreprises françaises, elles n’en finissent plus d’absorber un déluge de taxes et d’impôts qui les condamnent à plus ou moins brève échéance. Aujourd’hui, leur taux de marge n’a jamais été aussi bas. Avec 28 %, il est le plus bas des pays développés quand celui des entreprises allemandes est de 40 %. Vous allez réduire encore ce taux et vous le savez très bien.

Par ailleurs, contrairement à ce que vous affirmez, les prélèvements sur les entreprises ne concerneront pas que les grandes entreprises. À titre d’exemple, vous avez fait le choix d’abaisser à 250 millions d’euros, contre 500 millions actuellement, le seuil du chiffre d’affaire minimum à partir duquel les grandes entreprises sont tenues de s’acquitter du dernier acompte d’impôt sur les sociétés. Cet abaissement de seuil ne concernera pas seulement les très grandes entreprises.

Plus généralement, les prélèvements prévus sur les entreprises sont d’une ampleur sans précédent : 10 milliards. Au seul titre de la limitation de la déductibilité des intérêts d’emprunts, nos grands groupes vont ainsi devoir acquitter 4 milliards d’euros, soit 10 % des recettes nettes d’IS entre fin 2012 et début 2013, puisque cette mesure porte sur les exercices clos à compter du 31 décembre 2012.

Dès lors, qui peut croire que le durcissement de la fiscalité pesant sur les grandes entreprises ne pèsera pas sur leurs fournisseurs, sous-traitants et prestataires de services, qui sont en majeure partie des PME et des ETI ?

En rabotant la déductibilité des emprunts des entreprises, vous les privez d’un véritable outil de croissance et faites le choix de la définanciarisation de l’économie, vous vous en êtes même vanté, ce qui veut dire en réalité que vous faites fuir l’argent de l’économie.

Cette mesure, en s’appliquant aux dettes souscrites pour financer des investissements industriels, des extensions de bâtiments ou encore des développements d’activité, sera dévastatrice notamment pour toutes les sociétés qui gèrent des concessions ou des partenariats publics-privés et qui s’endettent à très long terme sur des sujets précis.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Cela veut dire qu’avant, elles s’engraissaient sur la bête ?

M. Yves Censi. Ne les accusez pas tant, monsieur le rapporteur général.

Parlons également de votre projet de taxation à 60 % des plus-values de cessions d’entreprise ou de parts d’entreprise. Il a suscité un tel vent de colère chez les entrepreneurs et dans le monde du capital-risque que vous enchaînez depuis les reculades et les pirouettes sans réussir à satisfaire personne.

Au lendemain de votre décision de maintenir le régime actuel pour les créateurs d’entreprises, douze organisations patronales faisaient encore front commun contre vous, tandis qu’une partie de votre majorité refuse tout compromis envers les entreprises.

Je voudrais, à ce sujet, attirer votre attention sur la notion de créateur d’entreprise, qui pose un véritable problème d’égalité devant l’impôt. Elle est impossible à définir fiscalement et juridiquement. C’est d’ailleurs le rapporteur général qui a été le premier à pointer du doigt ce qu’il appelait une inconstitutionnalité.

Vous choisissez de taxer de manière totalement confiscatoire des sociétés de croissance qui, pourtant, réinvestissent tout dans la croissance.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Si elles réinvestissent, elles ne seront pas taxées !

M. Yves Censi. Le capital-risqueur est financé par des entrepreneurs et l’entrepreneur est investisseur dans de jeunes sociétés. Les capitaux sont recyclés suivant un cycle très court pour saisir les nouvelles opportunités que ce secteur offre avec un rythme soutenu pour, in fine, créer des centaines de milliers d’emplois et générer de la croissance au travers de milliers de petites start-up desquelles émergeront de plus en plus de PME. Je rappelle au passage que beaucoup de patrons de start-up ne gagnent pas plus de 1 800 euros par mois, et encore, quand ils le peuvent. Cela ne vous a pas empêché de les fustiger.

Vous n’avez pas compris que le risque, la liquidité et l’usage des fonds investis sont de nature absolument différente quand il s’agit de PME de croissance et que la cession d’une société de ce type n’est pas un revenu du capital mais un simple événement de rotation du capital productif. Mais ceci n’est pas une position idéologique, c’est un point de vue économique.

En la taxant à 60 %, brutalement, sans aucune concertation, vous confirmez tout le mépris que vous avez pour les entreprises et découragez un peu plus l’initiative, l’investissement et la prise de risque dans notre pays. Mais j’ai cru comprendre qu’à force de pressions, le Gouvernement était en passe de changer d’avis avant les discussions dans l’hémicycle.

Pourquoi en France placer son épargne dans les actions de société à risque si les gains éventuels sont nettoyés par le fisc ? Inexorablement, le fossé se creuse entre l’État et les entrepreneurs, alors que ce sont eux qui créent la véritable richesse.

Il n’est pas plus question d’investissement, monsieur le ministre, quand vous serrez la vis sur les grands projets d’infrastructures comme le TGV, ou quand vous surajoutez dans le paysage une fiscalité dissuasive pour les capitaux.

Vous nous annoncez que la fiscalité du capital est désormais alignée sur celle du travail. C’est tout simplement faux. Les prélèvements sociaux qui pèsent sur le capital, à 15,5 %, sont plus élevés que ceux qui pèsent sur le travail, à 8 %. La fiscalité pesant sur le capital sera désormais plus élevée que celle pesant sur le travail.

L’égalité de prélèvement entre capital et travail, c’est nous qui l’avons atteinte, et le déséquilibre, c’est vous qui le créez.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Il ne manque pas d’air !

M. Yves Censi. Surtout, le renoncement à une imposition duale qu’offre le choix entre le prélèvement forfaitaire ou l’imposition au barème fait peser un risque majeur de délocalisation des capitaux à l’étranger, du fait de leur très grande mobilité.

À titre de comparaison, quand les revenus du capital sont taxés à hauteur de 26,5 % en Allemagne, leur taxation dépassera les 60 % en France. Vous ne pouvez nier cette distorsion, sauf à vous aveugler de vos doctrines.

Enfin, au travers de la taxation du capital au barème de l’impôt sur le revenu, ce PLF décourage l’investissement dans les entreprises au bénéfice de secteurs protégés, comme l’assurance-vie, les PEA ou l’immobilier. Mais ne croyez pas que je vous incite à aller puiser dans leurs ressources !

En tout cas, votre projet de loi de finances décourage en particulier les investissements en actions, qui permettent de nourrir les fonds propres, au moment même où le financement des entreprises par emprunt va être pénalisé.

Vous êtes dans le déni de réalité le plus total. Votre PLF en est l’illustration parfaite. Sans virage majeur avant la fin de l’année, nous devrons faire face en 2013 tout à la fois à la récession, à la montée du chômage, à la dégradation de la balance courante, à l’incapacité à atteindre un déficit de 3 % du PIB et à la montée des tensions sociales que vous aurez suscitées. Avec ce PLF, vous entraînez la France dans le sillon de la Grèce.

L’absence de réforme n’est pas une fatalité pour autant. Les Français ne sont pas inaptes à la réforme. Le dynamisme des Français installés à l’étranger et la réussite des groupes internationalisés montrent que la France peut relever les enjeux de la mondialisation.

M. François Hollande prétendait durant sa campagne « réenchanter le rêve français ». Quatre mois plus tard, nous nous trouvons à un point critique de la plus grande crise du capitalisme depuis les années 1930. Sans réformes courageuses, c’est un véritable cauchemar qui s’annonce.

Est-ce que c’est en s’arc-boutant sur un modèle fondé sur les structures de l’économie administrée des années 1970 que M. Hollande compte réenchanter le rêve français ? Vous êtes les seuls à y croire.

Et dire que M. Montebourg fustigeait ces derniers jours l’archaïsme de la direction du Trésor, l’accusant de recycler les mêmes politiques, les mêmes idées depuis vingt ans. Vous me pardonnerez cette expression, mais c’est vraiment l’hôpital qui se moque de la charité !

En fait, ce n’est pas tant la réduction de la dépense publique et l’augmentation des impôts que votre budget tente de concilier. C’est la conciliation de toutes les doctrines qui forment la majorité gouvernementale : un Front de Gauche qui tente de rameuter la rue contre le traité budgétaire et prône l’interdiction des licenciements et la hausse des salaires ; des écologistes viscéralement opposés à la rigueur budgétaire, à la règle d’or et au pacte de stabilité ; et une partie des socialistes arc-boutés sur la ligne des 3 % tandis que l’autre est plus accommodante. Vous aurez du travail pour trouver la synthèse entre ces chevaux qui tirent cet attelage à hue et à dia.

Monsieur le ministre, vous nous avez répété des centaines de fois, comme un mantra, une invocation : « le changement c’est maintenant ». Eh bien nous vous disons : c’est maintenant qu’il faut engager les réformes concernant le fonctionnement du marché du travail et l’État-providence. C’est maintenant qu’il faut créer un choc de compétitivité, qu’il faut diminuer le coût du travail et mettre sur la table le sujet du financement de la protection sociale par la TVA. Une augmentation de la TVA relancerait en outre la compétitivité sur les produits importés alors que le recours à la CSG ne serait qu’une pure amputation du pouvoir d’achat sans impact sur la compétitivité extérieure.

C’est maintenant qu’il faut entreprendre une réduction drastique de la dépense publique. Dans votre projet de loi, aucun effort sérieux d’économie n’a été accompli sur les 1 000 milliards de dépenses publiques annuelles en France. Nous sommes le seul grand pays européen à ne vouloir diminuer ni nos coûts de production, ni nos dépenses publiques. Vous savez bien que les 10 milliards d’euros de baisse que vous annoncez fièrement ne sont pas à proprement parler une réduction mais un ralentissement du rythme tendanciel d’accroissement des dépenses ; le président de la commission a également insisté sur ce point.

Le budget 2011, avec l’introduction de la norme zéro valeur, avait pourtant sonné le glas de la dépense publique supplémentaire justifiée par l’inflation, et pourtant la croissance n’était pas au rendez-vous. Le PLF 2012 avait également marqué une rupture en engageant une diminution stricte de 250 millions d’euros des dépenses du budget général.

Alors que la RGPP avait permis d’économiser au total 11 milliards d’euros, vous décidez de l’abandonner purement et simplement, sans proposer la moindre alternative. Vous mettez un coup d’arrêt au non remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite alors que notre pays, qui compte 17 millions d’habitants de moins que l’Allemagne, dispose de 500 000 fonctionnaires de plus. Le niveau et la qualité de vie sont pourtant supérieurs en Allemagne.

Devant la Cour des comptes, François Hollande affirmait pourtant : « Le déficit structurel de la France s’élève aujourd’hui à 4 % du PIB contre 3,2 % en moyenne dans la zone euro et 0,8 % en Allemagne. Cette situation est le reflet d’un niveau plus élevé de dépenses publiques et de dispositifs fiscaux dérogatoires. »

Où est la cohérence de ces propos avec un PLF qui refuse de réduire les dépenses et qui fait reposer le redressement des comptes publics presque exclusivement sur les hausses d’impôts ?

Par ailleurs, contrairement à ce que vous affirmez, les ménages ne seront bien sûr pas épargnés. C’est un véritable mensonge d’État que d’affirmer que seul un Français sur dix sera concerné par l’augmentation des impôts alors qu’en réalité neuf Français sur dix seront touchés, et parfois très gravement. Concrètement, l’impôt augmentera pour quelque 13 millions de foyers fiscaux sur les 17 millions qui paient l’impôt sur le revenu. Et je ne parle même pas des mesures que vous avez décidées au mois de juillet dernier concernant la fin de la défiscalisation des heures supplémentaires ou l’augmentation du forfait social.

L’abaissement généralisé à 10 000 euros du plafonnement global des niches fiscales n’a aucun sens. Où est la justice dans la réduction de l’avantage en impôts procuré, par exemple, à des jeunes parents pour la garde d’enfants à domicile ? Manifestement, monsieur le ministre, vous ignorez totalement la réalité des sommes que la plupart d’entre eux doivent débourser chaque mois pour payer une nounou au SMIC de 8 heures du matin à 19 heures le soir : environ 1 500 euros nets par mois auxquels il faut rajouter un peu plus de 500 euros de charges, pour pouvoir faire garder ses enfants et continuer à travailler ! C’est tout simplement impossible pour des familles qui croulent déjà sous le poids insupportable des dépenses familiales.

De surcroît, la suppression de la possibilité de déclarer au forfait un employé à domicile contribuera à accélérer la saturation de ce plafond de 10 000 euros, puisque la déclaration au réel augmente la part des cotisations patronales dans le calcul de la réduction d’impôt, dans la mesure où celles-ci ne sont plus assises sur le SMIC mais sur le salaire réel. Vous le savez, mais vous ne le dites pas assez fort.

Monsieur le ministre, ces jeunes parents contribuables ne cherchent pas à échapper à l’impôt en investissant dans une nounou ! Ils ne peuvent tout simplement pas faire autrement, compte tenu des 200 000 places d’accueil collectif qu’il manque à notre pays. C’est ceux-là que vous décidez aussi de sanctionner.

À l’inverse, certaines catégories de contribuables aisés cherchent bien à s’exonérer au maximum, notamment à travers les investissements relatifs à l’outre-mer ou les investissements SOFICA : ce sont ceux-là que vous choisissez d’exclure du plafonnement global, de façon totalement incompréhensible. Alors, s’il vous plaît, ne nous parlez pas de justice sociale ! Ou alors, donnez nous des explications sur ces catégories les plus fortunées que vous décidez de soutenir et d’exonérer.

Les mesures fiscales que vous nous présentez ne contribueront pas à la réduction des déficits publics car le rendement de ces nouveaux impôts sera probablement négatif. Au-delà de leur inefficacité, il faut parler de leurs effets pervers qui risquent d’affecter un peu plus notre croissance économique : je veux parler de la fuite de la ressource fiscale avec l’expatriation des talents français et des capitaux. Un Français qui quitte la France et n’y paie plus d’impôts génère un coût supplémentaire pour ceux qui y restent. Inévitablement, la surtaxation des hauts revenus affecte donc in fine les classes moyennes, les jeunes et les salariés dont la mobilité est beaucoup plus limitée. Depuis une vingtaine d’années, on estime que près de 10 000 contribuables ont quitté l’hexagone pour des raisons fiscales, pour un coût total de 250 milliards d’euros. Compte tenu du manque à gagner pour le Trésor et de l’appauvrissement de tout l’écosystème qu’entretenaient ces contribuables avant qu’ils ne partent, est-il bien raisonnable de vous obstiner dans cette voie ?

L’histoire montre également qu’une trop forte taxation des hauts revenus n’augmente pas les rentrées fiscales. En 1936, le Front populaire a instauré un taux supérieur de 40 % pour les contribuables de la tranche la plus élevée, et en 1981, les socialistes ont créé en France une tranche de 65 % assortie de majorations d’impôts applicables aux plus riches : dans les deux cas, ces mesures se sont traduites par une diminution de 20 % des rentrées fiscales des contribuables concernés. On se souvient de la fameuse phrase de François Mitterrand deux ans plus tard, qui s’adressait ainsi aux Français à la télévision : « Les experts nous ont trompés. » Il avouait par là son échec tout en trouvant un bouc émissaire.

Monsieur le ministre, ce constat est le même à l’étranger. En Grande-Bretagne, lorsque Gordon Brown décida d’augmenter la tranche supérieure d’imposition des revenus en la faisant passer de 40 à 50 %, les rentrées fiscales provenant des contribuables concernés ont chuté d’un tiers, aux environs de 36 milliards d’euros. Mais contrairement à nous, les Britanniques semblent avoir tiré les leçons de l’histoire. Prenons l’exemple inverse qui confirme cette réalité : aux Etats-Unis, à chaque fois que les taux d’imposition ont été abaissés, sous Reagan puis sous Clinton, les rentrées fiscales correspondantes ont augmenté.

M. Michel Vergnier. Respirez ! On n’entend rien !

M. Yves Censi. Cher collègue, ne vous inquiétez pas : j’ai du souffle !

Pourtant, face à cette réalité implacable, c’est sans sourciller que vous taxez toujours plus les hauts revenus. Au mois de juillet dernier, vous avez notamment augmenté l’ISF ; à nouveau, vous instaurez une contribution exceptionnelle de 18 % qui permettra de taxer à 75 % les revenus supérieurs à un million d’euros. L’aspect confiscatoire est patent. Il est important de préciser à ce sujet que cette contribution ne concerne que les revenus d’activité : les contribuables pouvant opter pour un autre mode de rémunération, comme par exemple les dividendes, pourront donc y échapper, ce qui rend cette mesure ridicule.

M. Michel Vergnier. Je ne sais pas qui vous a écrit cela…

M. Yves Censi. Si le produit de cette contribution, de l’ordre de 100 millions d’euros, sera faible, ses effets destructeurs pour l’attractivité de notre pays, eux, ne le seront pas. Le message que vous adressez aux jeunes entrepreneurs est clair : « Prenez des risques ; si vous réussissez, vous serez sanctionnés. Désormais, vous n’avez pas le droit de vous enrichir comme l’ont fait vos aînés. Désormais, le travail et le talent ne paient plus. Les chemins de la réussite sont bloqués – du moins si vous restez en France. »

M. Pierre-Alain Muet. Tout est dans la nuance !

M. Yves Censi. Que croyez-vous qu’il se passera alors ? Ces jeunes talents français partiront, bien sûr. D’ailleurs, ils ont déjà commencé à partir : 50 000 jeunes s’exilent chaque année et vont faire la fortune de Londres, Dubaï, Singapour, Hong Kong, ou de la Californie.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Ils viennent de partir, il y a une semaine ?

M. Yves Censi. Monsieur le rapporteur général, cela n’empêche pas d’identifier les problèmes ! Cette fuite des talents et des cerveaux est tragique quand notre pays manque cruellement de production, d’investissement et d’innovation. Cela ne fait rire que vous !

M. Pierre-Alain Muet. En effet, c’est très drôle…

M. Yves Censi. Nous formons un capital humain reconnu dans le monde entier et nous le mettons gratuitement à la disposition de nos concurrents.

Ce budget restera comme une occasion manquée pour la reconquête de l’attractivité de notre pays. Aucune grande réorientation n’est franchement affichée. Quant aux PME, si vous conservez fort heureusement le crédit impôt recherche, vous plafonnez la déductibilité des intérêts d’emprunt pour l’acquisition de titres de participation, ce qui constituera immanquablement un frein à l’investissement. Dans le même esprit, le dispositif ISF-PME sera raboté. À tous les étages, c’est la politique du non-choix, qui ressemble bien au caractère indécis du Président de la République. Soit cet outil est bénéfique, et on le conserve, soit il est néfaste, et alors on le supprime. Au moins, choisissez !

Ce budget ne répond en rien à l’urgence de retrouver l’attractivité du pays et la compétitivité de nos entreprises, grandes et petites, premières créatrices de richesse. La seule stratégie possible pour rendre notre pays attractif et sortir de la crise consisterait à garder les capitaux domestiques et attirer les capitaux étrangers.

M. Étienne Blanc. Bien sûr !

M. Yves Censi. Là encore, c’est tout l’inverse que vous faites ! Vous devez avoir le courage de réduire drastiquement la dépense publique et réorienter radicalement les crédits sur certains types de dépenses publiques bénéfiques pour le taux de marge des entreprises, comme les politiques de l’innovation. Rien de tout cela ne figure dans le projet de budget 2013, qui n’est que la rançon de votre indécision. C’est du grand art en termes de pilotage à vue !

Churchill comparait les socialistes à Christophe Colomb lors de la découverte de l’Amérique. Monsieur le ministre, vous êtes habitués à cette comparaison, mais je rappelle cette citation pour vous faire sourire : « Quand il est parti, il ne savait pas où il allait, et quand il est arrivé, il ne savait pas où il se trouvait. Et bien sûr, il le faisait avec l’argent des autres ». Voilà, résumé par cette parabole, votre PLF.

La vérité, que vous refusez d’admettre, est que soit la France se réforme de manière volontaire, soit elle se réformera sous la contrainte des marchés, du FMI et de nos partenaires européens. Ce rendez-vous budgétaire aurait dû mettre à profit ce sursis que nous vivons encore. C’est un rendez-vous manqué.

Parce qu’il n’empêchera pas la dérive des déficits, parce qu’il cassera un peu plus la croissance, parce qu’il ne répond pas aux enjeux économiques de notre pays, parce qu’il n’amorce aucune réforme salutaire, et parce qu’il met en place une fiscalité totalement confiscatoire et donc anticonstitutionnelle, ce projet de loi de finances ne saurait être examiné en l’état dans cet hémicycle. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Le Gouvernement demande évidemment à l’Assemblée de rejeter cette motion.

Monsieur Censi, vous avez commencé votre intervention en évoquant l’un des personnages les plus célèbres de Voltaire : je terminerai par l’évocation de cet auteur.

Sur le fond, si je retiens bien vos propos, vous vous félicitez, en tant que membre de l’ancienne majorité, d’avoir appliqué pendant au moins un an – en fait, comme nous le savons tous les deux, au plus pendant un an – une norme de zéro valeur aux dépenses de l’État. Nous proposons de le faire sur cinq ans. Sur ce point, nous ferons donc a priori mieux que vous.

Vous nous reprochez un ONDAM à 2,6 % l’année prochaine. Vous avez appartenu une majorité qui a décidé, ces cinq dernières années, un ONDAM de 3,3 % en moyenne par an. Sur ce point, nous ferons donc mieux que vous.

Vous nous reprochez de ne pas maîtriser la dépense publique sur le long terme. La précédente loi de financement pluriannuelle, que vous aviez voté, retenait une progression de la dépense de 0,8 % ; or nous vous proposons un projet de loi avec une progression de 0,7 % par an. Là encore, sur la maîtrise de la dépense, nous ferons mieux que vous.

Quant aux prélèvements obligatoires, nous ne ferons pas mieux, mais pareil que vous. Sur les deux dernières années, vous avez levé 30 milliards d’euros d’impôts nouveaux : c’est ce que nous nous apprêtons à faire. Je me réfère à un très bon document du journal Les Échos, qui n’a pas la réputation de nous être particulièrement favorable : vous pourrez donc en accepter les conclusions.

M. Yves Censi. Vous disposez quand même d’une administration un peu plus efficace que les journalistes !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Sous l’autorité du gouvernement Fillon et au sein de la majorité à laquelle vous apparteniez, à laquelle je témoigne que vous fûtes toujours loyal, vous avez décidé une augmentation des impôts de 30 milliards d’euros : c’est hélas ce que nous sommes contraints de faire.

Vous avez ensuite cité Christophe Colomb. Oserais-je vous dire que lui, au moins, est arrivé quelque part : il me semble même que le monde s’en est plutôt bien trouvé ! (Applaudissements sur certains bancs du groupe SRC.)

M. Olivier Audibert-Troin. Mais il ne savait pas où il allait !

M. Alain Chrétien. La gauche, c’est l’Amérique !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. L’essentiel est de savoir ce que l’on trouve et quelles en sont les conséquences. Après tout, si vous voulez récusez Christophe Colomb, nous le prendrons bien volontiers à notre compte. Peu d’hommes eurent à ce point l’esprit du risque et de l’aventure. Il me semblait que cela faisait partie de vos valeurs. Vous m’indiquez vouloir les récuser : nous les reprenons donc à notre compte.

Vous avez commencé votre propos en citant Voltaire et son personnage Candide. Monsieur Censi, je crains que vous ne fassiez un contresens. Dans votre esprit, traiter quelqu’un de Candide ne semble pas élogieux. Vous faites erreur : c’est Pangloss qui se trompe et qui se trouve dans l’irréel, dans l’apesanteur.

M. Yves Censi. Je vous l’ai précisé.

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. C’est Pangloss qui philosophe en étant totalement déconnecté du réel, tandis que Candide est dans la vérité. Quand Candide explique qu’il faut cultiver son jardin, il veut dire qu’il faut s’attaquer aux vrais problèmes, réfléchir à la réalité de la situation et non la rêver ou la fantasmer.

M. Yves Censi. C’est à la fin de l’histoire, monsieur le ministre, pas au début !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Vous m’avez traité de Candide : je le prends pour un compliment.

M. Yves Censi. Ah non !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. S’agissant de Voltaire, je n’ose évoquer Frédéric Lefebvre, qui fut ministre dans l’un des précédents gouvernements. (Applaudissements et rires sur les bancs du groupe SRC.)

M. Olivier Audibert-Troin. Vous en avez le costume ! (Sourires.)

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Lorsqu’on utilise des citations littéraires et qu’on évoque Voltaire, il faut veiller à éviter les lapsus ou les actes manqués : j’y vois le retour du refoulé, c’est-à-dire une forme de vérité.

En me traitant de Candide, vous m’avez donné raison, et vous avez manifesté votre envie de soutenir le ministre du budget que je suis. Monsieur Censi, laissez-vous donc aller, laissez faire votre conscience, laissez parler votre refoulé ! Bienvenue chez nous ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Yves Censi. Vanitas vanitatum !

M. le président. Nous en venons aux explications de vote.

La parole est à M. Étienne Blanc, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Étienne Blanc. Le groupe UMP votera évidemment cette motion de rejet préalable, qui a été parfaitement défendue par notre collègue Yves Censi.

Cette motion de rejet explique très clairement que la fiscalité confiscatoire à laquelle vous allez soumettre les Français aura des conséquences dramatiques. Cette fiscalité confiscatoire n’épargnera personne : aucune famille, y compris les plus modestes, et aucune entreprise, de quelque nature qu’elle soit.

Monsieur le ministre, vous venez de nous parler longuement de Voltaire.

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Ce n’est pas moi qui ai commencé !

M. Yves Censi. Monsieur le ministre, Candide change d’avis à partir du moment où il embrasse Cunégonde !

M. Étienne Blanc. J’aimerais vous inviter, si vos pas vous y conduisent un jour, à vous rendre dans une région de France que je connais bien et dont une ville importante s’appelle Ferney-Voltaire. Le patriarche s’y est installé il y a plus de deux siècles : il y avait acheté un château et une propriété. Il fuyait à l’époque les outrances royales des cours d’Europe. Il avait créé une petite allée, appelée « allée de la tire », pour s’enfuir en Suisse quand la Couronne le recherchait de trop près. Monsieur le ministre, votre politique fiscale devrait vous inciter à vous rendre un jour à Ferney-Voltaire, à vous installer sur la terrasse du château du patriarche, et à regarder ce qui se passe à quelques portées de fusil de là, dans la bonne ville de Genève.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Entre nous, les habitants de Genève paient l’ISF sur les œuvres d’art…

M. Étienne Blanc. Vous prendrez l’annuaire et vous verrez que l’essentiel des familles françaises qui ont créé des industries, des entreprises ou des commerces s’y sont installées.

M. Michel Vergnier. Elles s’y sont installées depuis le mois de juillet, bien entendu !

M. Étienne Blanc. Vous y constaterez un flux continu de Français, jeunes et moins jeunes, qui viennent aujourd’hui s’y installer. Monsieur le ministre, je vous conseillerai même de vous rapprocher de M. Eckert, rapporteur général du budget, qui connaît bien le Luxembourg : il vous expliquera le phénomène.

Monsieur le ministre, un peu moins de certitudes, un peu plus d’observation, un peu plus de relativisme ! Vous devriez soutenir cette motion de rejet : elle vous serait parfaitement profitable. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Thierry Benoit.

M. Thierry Benoit. Ce budget 2013 est le premier budget du nouveau gouvernement. (Sourires sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Jusque-là, je suis d’accord.

M. Thierry Benoit. Ce budget va donc donner le « la », la tonalité pour les cinq ans qui viennent. J’en attendais une mesure majeure et claire en faveur de l’allégement des charges et des cotisations sociales pour les entreprises. Depuis de nombreuses années, et plus particulièrement durant les six mois de consultations électorales (Sourires sur les bancs du groupe SRC ), les candidats se sont retrouvés autour de cette idée. Cette période a été propice à des propositions en la matière.

Mme Sandrine Mazetier. Quel était votre candidat aux présidentielles ?

M. Thierry Benoit. Or rien dans le budget 2013 ne concerne ce sujet majeur. Vous avez fait le choix de supprimer la défiscalisation des heures supplémentaires. C’est un choix important que je peux respecter, monsieur le ministre, mais il faut rappeler que le budget de la nation vient, à hauteur d’environ vingt milliards d’euros, compenser des allégements de charges consentis aux entreprises pour la mise en œuvre de la réduction hebdomadaire du temps de travail.

Vous avez récemment supprimé les heures supplémentaires défiscalisées sous prétexte qu’elles coûtaient quatre à cinq milliards d’euros au budget de la nation. Je réitère donc ma proposition d’organiser un débat sur la durée hebdomadaire du temps de travail en France, puisque nous sommes l’un des pays de l’OCDE qui a le nombre d’heures travaillées le plus faible, rapporté au nombre d’habitants.

Ce débat national pourrait nous permettre de prendre des décisions importantes, car vous ne ferez pas l’économie, monsieur le ministre, dans les cinq ans qui viennent, d’une augmentation de la TVA, que vous n’appellerez peut-être pas TVA sociale. Et vous ne ferez pas non plus l’économie de l’augmentation de la CSG.

M. le président. Cher collègue, veuillez conclure.

M. Thierry Benoit. De surcroît, la question des 3 % qui concerne le déficit n’est pas abordée par des propositions de réformes structurelles de fond. Pour ces raisons, le groupe UDI soutiendra la motion de notre collègue Yves Censi.

M. Michel Vergnier. C’est complètement contradictoire.

M. le président. La parole est à M. Éric Alauzet.

M. Éric Alauzet. Le groupe écologiste ne soutiendra pas la motion de rejet préalable. En réponse à la motion de M. Mariton, je faisais valoir son peu de crédibilité sur les propositions en matière de dépenses. Pour ce qui concerne la motion défendue par M. Censi, je vais me concentrer sur la question des recettes.

Oui, l’essentiel des nouvelles recettes et de la fiscalité portera sur les plus favorisés. Ce sont eux qui assumeront l’essentiel, avec peut-être également, à la marge, la classe moyenne supérieure. J’ai cru comprendre que notre assemblée, et notamment à droite, souhaitait la participation de tous à l’effort fiscal. Dès lors, si les classes moyennes supérieures y participaient, cela ne serait pas un drame.

À gauche, nous avons le devoir d’expliquer aux classes moyennes supérieures, et même aux classes moyennes inférieures, que le petit effort qu’elles feront aura un effet de levier. Je suis souvent choqué par l’argument utilisé par les plus favorisés, consistant à s’abriter derrière les plus modestes en leur disant qu’ils subiront une augmentation d’impôt. C’est tout simplement indécent.

Oui, il faut utiliser le levier fiscal. Je le dis aux gens qui ont peu de moyens. Si vous mettez cinquante euros, moi, j’en paierai 1 000, d’autres en paieront 10 000 et d’autres encore plus.

Cessons de parler d’impôt confiscatoire. Je déposerai un amendement visant à instaurer une tranche supplémentaire à 55 %. Je me suis livré à un petit calcul. Sur un revenu de 500 000 euros, une tranche à 55 % laisserait 20 000 euros net par mois, soit dix fois plus que le SMIC.

La question du reste à vivre doit être posée. Plutôt que de brandir des chiffres, il faut se demander ce qui reste réellement aux gens pour vivre. C’est ainsi que nous devons convaincre que l’impôt est juste et que chacun peut s’en sortir.

Sur cette question de la fiscalité, j’espère, chers collègues, que ce n’est que du renoncement lorsque vous vous dites que les forces de l’argent sont trop puissantes et qu’on ne peut pas les combattre. J’espère que ce n’est pas de la complicité. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. Alain Chrétien. Pas de provocations !

M. le président. La parole est à M. Dominique Baert.

M. Dominique Baert. Que culot de la part de nos collègues de l’opposition qui appellent à rejeter la loi de finances, qui pourtant est la réponse nécessaire à l’accumulation de leurs dettes d’hier !

M. Alain Chrétien. Ce n’est pas du culot, c’est du réalisme !

M. Dominique Baert. Vous avez créé les fractures et vous nous avez laissé les factures ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.– Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Oublieriez-vous les chiffres ? Oublieriez-vous vos responsabilités ? (Mêmes mouvements.) Je récapitule : 600 milliards de dette publique supplémentaires en cinq ans, soit 4,7 points de PIB d’augmentation en moyenne chaque année ; une dette devenue insoutenable qui atteint 90 % du PIB et qui a augmenté de 20 points de PIB et de plus de 7 000 euros par Français de 2007 à 2011. Tout cela générant 48 milliards d’euros de charges d’intérêts, un montant presque comparable, mes chers collègues, à la totalité de l’impôt sur le revenu !

Chaque économiste le sait : lorsque les taux d’intérêt sont supérieurs au taux de croissance, la dette publique s’alourdit dangereusement.

Vous avez ignoré cette réalité avec dédain. Vous étiez aveugles et sourds, tout à votre tâche de faire vos cadeaux fiscaux aux plus fortunés. Depuis 2007, les 10 % de ménages qui gagnent le plus auront bénéficié de quinze à vingt milliards d’euros d’allégements fiscaux. Vous n’avez pas fait de l’économie, mais du clientélisme.

En 2007, François Fillon disait que l’État était en faillite. En janvier 2008, Nicolas Sarkozy déclarait : « Qu’est-ce que vous attendez de moi ? Que je vide des caisses qui sont déjà vides ? »

Pourtant, en cinq ans, année après année, leurs gouvernements ont creusé des trous abyssaux. C’est cette politique qu’il faut rejeter et les Français l’ont fait, car il n’est pas de dettes qui ne se paient un jour.

M. Yves Censi. La crise n’a pas commencé cette année !

M. Dominique Baert. Quand 70 % de la dette publique sont financés par des non-résidents, quand il suffirait d’une hausse sur les marchés de 1 % des taux d’intérêt pour que nous payions deux milliards de plus aux banquiers, il faut être crédible et responsable économiquement.

C’est ce que nous faisons avec cette loi de finances. C’est une loi de finances crédible qui réduit le déficit pour desserrer la contrainte. C’est une loi de finances équilibrée où l’effort se répartit entre économies et recettes supplémentaires, et entre les ménages et les entreprises. C’est une loi de finances juste, car elle demande plus à ceux qui ont plus. Voilà pourquoi le groupe socialiste rejettera avec conviction la motion de rejet préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

(La motion de rejet préalable, mise aux voix, n'est pas adoptée.)

3

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

Suite du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017 ;

Suite du projet de loi de finances pour 2013.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures vingt.)