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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2012-2013

Compte rendu
intégral

Première séance du mardi 30 octobre 2012

SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE

SOMMAIRE


Présidence de M. Claude Bartolone

1. Questions au Gouvernement

35 heures

M. Christian Jacob

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre

Emplois d’avenir

M. Philippe Kemel

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre

Plans sociaux abusifs

M. Gérard Charasse

M. Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif

Difficultés de la Seine-Saint-Denis

M. François Asensi

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée chargée de la décentralisation

35 heures

M. Bernard Accoyer

M. Michel Sapin, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Plans sociaux reportés

M. Daniel Goldberg

M. Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif

Taux de tva dans la restauration

M. Jean-Pierre Vigier

Mme Sylvia Pinel, ministre de l’artisanat, du commerce et du tourisme

Compétitivité

M. Thierry Benoit

M. Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif

Taxation des retraites

M. Jean-Pierre Gorges

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé

Convention collective des établissements hospitaliers privés à but non lucratif

Mme Geneviève Gosselin

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé

Conséquences de l’artificialisation des terres

M. François-Michel Lambert

M. Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt

Financement de la sécurité sociale

Mme Véronique Louwagie

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé

Pont sur la Loire

M. Yannick Moreau

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué chargé des transports

Dysfonctionnement des systèmes de paie dans les armées

M. Philippe Nauche

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense

Dysfonctionnement de la justice

M. Franck Gilard

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice

Élections à l’Assemblée de Polynésie française

M. Jean-Paul Tuaiva

M. Alain Vidalies, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement

Suspension et reprise de la séance

2. Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013

Explications de vote

M. Francis Vercamer, Mme Véronique Massonneau, Mme Dominique Orliac, Mme Jacqueline Fraysse, M. Christian Paul, M. Jean-Pierre Door

Vote sur l’ensemble

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé

Suspension et reprise de la séance

Présidence de M. Denis Baupin

3. Projet de loi de finances pour 2013 Seconde partie

Débat sur l’égalité hommes-femmes

Mme Huguette Bello

Mme Maud Olivier

Mme Marie-Jo Zimmermann

Mme Sonia Lagarde

Mme Barbara Pompili

M. Jacques Moignard

M. Bruno Le Roux

M. Christophe Sirugue, suppléant Mme Catherine Coutelle, présidente de la délégation aux droits des femmes

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, porte-parole du Gouvernement

Mme Huguette Bello

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre

Mme Huguette Bello

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre

Mme Cécile Untermaier

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre

Mme Conchita Lacuey

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre

Mme Ségolène Neuville

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre

Mme Edith Gueugneau

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre

M. Frédéric Reiss

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre

M. Hervé Mariton

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre

Mme Nicole Ameline

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre

Mme Sophie Rohfritsch

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre

M. Arnaud Richard

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre

Mme Véronique Massonneau

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre

M. Sergio Coronado

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre

Mme Dominique Orliac

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre

Mme Dominique Orliac

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre

4. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Claude Bartolone

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Questions au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

35 heures

M. le président. La parole est à M. Christian Jacob, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Christian Jacob. Monsieur le Premier ministre, ce matin, nous nous sommes réveillés en nous disant que vous aviez changé, que vous n’étiez plus ni dans le dogme, ni dans le sectarisme, puisque vous avez déclaré que le retour aux 39 heures n’était plus « un tabou ». Enfin une bonne nouvelle ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs du groupe UDI.) Vous ne vous êtes sans doute pas fait beaucoup d’amis dans votre propre camp ; j’imagine que Mme Aubry et M. Jospin ont adoré. Mais, maintenant que vous avez franchi le cap, allez au bout de votre logique et nous serons à vos côtés, monsieur le Premier ministre. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs du groupe UDI.)

Surtout, n’accusez pas la presse d’avoir mal interprété vos propos : à trois reprises, dans cette interview, vous avez été relancé à ce sujet ; à trois reprises, vous avez répondu de la même façon.

N’acceptez pas d’être méchamment recadré par votre ministre du travail. (« Oh ! » sur les bancs du groupe UMP.) Ce matin, nous avons cru qu’il allait demander en direct votre démission.

M. Patrice Verchère. Qui gouverne ?

M. Christian Jacob. Monsieur le Premier ministre, ce qui nous inquiète et ce qui inquiète les Français, c’est votre inconséquence. Comment être crédible, cet après-midi, devant votre majorité, après avoir dit, ce matin, que votre position n’était pas celle du Gouvernement ? Un chef de gouvernement qui dit que sa position n’est pas celle du Gouvernement, c’est une première sous la VRépublique ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Il y a quelques jours, à cette tribune, je vous demandais s’il y avait encore un pilote dans l’avion.

M. Jacques Myard. Non !

M. Christian Jacob. Aujourd’hui, il est une chose dont les Français sont sûrs, c’est qu’il n’y a plus de pilote dans l’avion. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs du groupe UDI – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre. (Mmes et MM. les membres des groupes SRC et écologiste se lèvent et applaudissent. – « Debout ! Debout ! » sur les bancs du groupe UMP.)

Écoutons le Premier ministre, mes chers collègues.

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Monsieur le président Jacob, vous êtes un homme formidable (« Ah ! » et applaudissements sur les bancs du groupe UMP), mais vous avez un petit problème : vous avez perdu la mémoire. En effet, si vous combattez les 35 heures,…

M. Christian Jacob. Et vous ?

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. …si vous êtes même pour l’abrogation de la durée légale du travail – c’est le programme du candidat que vous soutenez à la tête de l’UMP –,…

M. Michel Herbillon. Quelle est votre réponse ?

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. …vous oubliez une chose, monsieur Cop..., pardon, monsieur Jacob. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) J’allais vous appeler M. Copé, mais lui est encore meilleur que vous : il en appelle à la rue. C’est assez extraordinaire ! (« Répondez ! » sur les bancs du groupe UMP.)

M. Christian Jacob. C’est vous qui êtes Premier ministre !

M. le président. S’il vous plaît, mes chers collègues !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Vous oubliez une chose, disais-je, c’est qu’en 2007, non seulement vous n’avez pas abrogé la loi sur les 35 heures, mais vous les avez étendues aux très petites entreprises. Vous voyez bien que vous avez la mémoire courte ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Je vais vous dire une chose simple (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP), très simple : vous êtes très forts en manipulations et en mensonges (« Oh ! » sur les bancs du groupe UMP – Applaudissements sur les bancs du groupe SRC), et je vais vous en donner une preuve. La semaine dernière, à la télévision, l’ancien Premier ministre, mon prédécesseur, a fait un aveu.

M. Christian Jacob. Et ma question ?

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Il a reconnu que le plan social de PSA avait été retardé. C’est la plus grande insulte que l’on puisse faire au peuple, au monde du travail, et c’est vous qui l’avez faite ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

Monsieur Jacob, quand un citoyen m’interroge et me demande : « Sur les 35 heures, y a-t-il débat ? », je lui réponds : « Monsieur, » parce que je le respecte (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP), « il y a débat » parce qu’en démocratie, le droit au débat existe. Ce n’est ni de la faiblesse, ni de la maladresse, mais simplement de la politesse (Rires et exclamations sur les bancs du groupe UMP dont plusieurs députés miment un mouvement de brasse) que d’indiquer à un citoyen qu’il a droit de dire ce qu’il pense sans avoir la même opinion que vous. Nous sommes en démocratie.

Maintenant, je vais vous dire ma position et je vais vous décevoir : la position qui est la mienne, et qui a toujours été la mienne – et c’est pourquoi j’ai toujours combattu votre politique –, c’est que la durée légale du travail est de 35 heures et qu’elle ne changera jamais tant que la gauche sera au pouvoir. C’est l’engagement du Premier ministre et du Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.) Il n’y a pas d’autre position possible.

Puisque vous vouliez une clarification,…

M. Patrice Verchère. Surtout le PS !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. …je vous réponds qu’il y a la droite, l’UMP, qui est à la fois pour la fin de la durée légale du travail et pour le rétablissement de la défiscalisation des heures supplémentaires – il faut choisir ! – et nous, qui avons choisi les 35 heures, lesquelles servent de base de calcul pour les heures supplémentaires.

Les 35 heures, durée légale du travail, c’est une conquête sociale, une conquête de la gauche, qui appartient aux Français et que nous n’avons pas envie de voir oublier. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Emplois d’avenir

M. le président. La parole est à M. Philippe Kemel, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Philippe Kemel. Monsieur le Premier ministre, les trente premières conventions d’engagement pour les emplois d’avenir seront signées ce soir à l’hôtel Matignon. Représentants de l’économie sociale et solidaire et du monde associatif, établissements publics, collectivités territoriales : la grande mobilisation pour l’emploi franchit une étape importante. C’est une fierté pour notre majorité, c’est une fierté pour votre action.

Au cours des prochaines années, 150 000 emplois à destination des 16-25 ans seront créés grâce à la mobilisation de 2,3 milliards d’euros. Les emplois d’avenir s’inscrivent dans une stratégie globale de reconquête de l’emploi voulue par le Président de la République.

Plusieurs députés du groupe UMP. Allô ! Allô !

M. Philippe Kemel. Ils représentent une facette majeure d’un dispositif qui, avec les contrats de génération, avec vos actions en faveur du redressement productif, avec la relance du dialogue social, doit permettre à notre pays d’enrayer le cycle infernal du chômage, héritage d’un libéralisme débridé.

Ceux qui, hier, ont laissé les forces du marché plonger notre économie dans le marasme, la spéculation, se croient autorisés à vous juger. Qui comptent-ils tromper en agissant ainsi ? La vérité est pourtant d’une simplicité désarmante : après des années d’attentisme et de laisser-faire, le volontarisme est de retour au sommet de l’État, grâce à votre action.

Monsieur le Premier ministre, au cynisme et aux caricatures de ceux qui n’ont eu de cesse d’échouer, vous opposez le sérieux, la détermination, la constance. Pouvez-vous nous indiquer comment le lancement des emplois d’avenir s’intègre dans notre plan de bataille en faveur de l’emploi et quelles seront les actions à venir ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Monsieur le député, la mobilisation pour les emplois d’avenir est en marche. (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP.) Elle l’est, mesdames, messieurs de la majorité, de toute la gauche, parce que vous avez adopté cette grande réforme. L’objectif de créer 150 000 emplois pour les jeunes qui sont au chômage depuis trop longtemps, qui n’ont pas de qualification, qui se désespèrent et se découragent, c’est la gauche qui l’a voté, et je voulais en rendre hommage au Parlement – à l’Assemblée nationale et au Sénat. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

Elle sera mise en œuvre tout de suite, car, face à la montée du chômage, à l’urgence, notre société a un devoir vis-à-vis de sa jeunesse. La jeunesse, aujourd’hui, c’est 20 % d’échec à l’école et à l’université : chaque année, 150 000 jeunes en sortent sans qualification, sans rien. C’est à cette jeunesse-là que la France veut s’adresser, en lui délivrant un message concret, d’espoir, pour agir dans l’urgence.

Cet après-midi, à Matignon, je signerai trente conventions d’objectifs avec des partenaires qui vont s’engager à recruter des jeunes, à les former, à leur donner un nouvel avenir. Les collectivités locales en premier lieu – les communes, les intercommunalités, les départements et les régions (« Avec quel argent ? » sur les bancs du groupe UMP) – mais aussi le monde de l’éducation populaire, celui de l’économie sociale et solidaire, l’ensemble du secteur médico-social, le mouvement sportif,…

M. Jean-François Lamour. C’est faux : le monde sportif n’en veut pas !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. …seront représentés, cet après-midi, et je signerai avec eux ces conventions d’objectifs. Il y a également les grandes entreprises publiques et les opérateurs publics ; je pense à la SNCF, à La Poste, aux grands musées, aux hôpitaux.

M. Bernard Deflesselles. Ce ne sont que des emplois publics. Et les emplois marchands ?

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Mesdames, messieurs les députés, nous ne sommes pas dans la polémique quotidienne, nous sommes dans l’action.

Viendra ensuite le contrat de génération. Au mois de décembre, le conseil des ministres se prononcera, après la négociation réussie entre les partenaires sociaux. Vous aurez donc une nouvelle loi à voter, pour une nouvelle étape en faveur de l’emploi des jeunes et du maintien des seniors dans l’emploi. Nous ne baissons pas les bras, nous nous battons, car la lutte contre le chômage est un combat de tous les instants ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

Plans sociaux abusifs

M. le président. La parole est à M. Gérard Charasse, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

M. Gérard Charasse. Monsieur le ministre du redressement productif, vous connaissez l’Allier et savez donc que le bassin d’emploi de Vichy fait l’objet, depuis trente ans, de nombreuses restructurations industrielles, que je classe en différentes catégories. Il y a celles relevant de l’échec complet – Sediver, par exemple, où la justice nous a donné raison si tardivement que la porte de l’usine était déjà close ; celles que nous avons gérées – Giat, par exemple, qui a fini par fermer sans un seul licenciement sec ; celles que nous avons empêchées, physiquement parfois : je pense à Applifil qui, sous un autre nom, continue de faire travailler une centaine de salariés plus de dix ans après le conflit, alors qu’à l’origine, le chef d’entreprise ne nous donnait pas deux mois.

Aujourd’hui, l’entreprise SVANA est promise à la fermeture pour janvier 2013. Radical, donc réaliste, je me suis penché sur la galaxie financière et industrielle qui possède cette usine. « L’unité de production de Vichy est rentable », dit la direction – qui, toutefois, ne publie toujours pas les comptes. SVANA appartient à une holding qui, l’an dernier, a gagné – je parle du résultat net – 60 millions d’euros, ce qui représente environ 82 fois la masse salariale annuelle brute de l’unité de production de Vichy ! Elle est dirigée par un chef d’entreprise, sans doute avisé, dont la fortune se compte aujourd’hui en milliards.

La fermeture envisagée n’est donc rien d’autre qu’une décision financière, déguisée en plan social pour que l’État, les finances publiques, nos impôts, la financent. Les employés de SVANA, concernés au premier chef, mais aussi nous tous qui travaillons au redressement de ce bassin d’emploi – salariés, chefs d’entreprise et élus –, sommes les pigeons de cette mauvaise farce.

Monsieur le ministre, ma question est simple. Notre bassin d’emploi a besoin d’industrie, pour l’emploi et pour son équilibre. Qu’allez-vous faire pour nous aider à empêcher ce mauvais coup ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre du redressement productif. (« Avec ou sans rayures ? » sur les bancs du groupe UMP.)

M. Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif. Monsieur le député, vous venez d’évoquer ce qui constitue l’un des multiples exemples de plans sociaux abusifs. Si certaines entreprises – grandes ou petites – se trouvent parfois confrontées à des difficultés les obligeant à prendre de douloureuses mesures de redressement, il arrive également que les actionnaires d’une entreprise décident de sa fermeture uniquement parce qu’ils estiment ne pas gagner assez d’argent : nous en avons de multiples exemples sur le territoire.

Quelle est la politique du Gouvernement à cet égard ? La grande conférence sociale a ouvert une négociation sur les conditions dans lesquelles une loi du Parlement – votée, nous l’espérons, sur la base d’un accord commun aux organisations syndicales et patronales – pourrait permettre, par voie de justice, la transmission d’un site industriel viable à un repreneur. C’est une mesure de justice et d’équilibre économique comme il en existe aujourd’hui dans de nombreuses économies modernes et ouvertes.

M. Bernard Accoyer. Mais oui, bien sûr…

M. Arnaud Montebourg, ministre. Pour le moment – et cela a été le cas avec l’entreprise Sanofi-Avantis qui, vous le savez, est une multinationale ayant accumulé 5 milliards d’euros de bénéfices et de profits l’année dernière (« Et alors ? sur les bancs du groupe UMP) –, nous discutons avec les dirigeants des entreprises concernées et nous leur demandons de tenir compte de ce qu’ils doivent à la France, à l’assurance maladie, à la République française et à son histoire, et d’avoir la décence de revenir sur des mesures manifestement abusives. Le Gouvernement se tient prêt à agir de la même manière chaque fois que ce sera nécessaire, qu’il s’agisse d’une grande multinationale ou d’une entreprise de l’Allier. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs des groupes écologiste et RRDP.)

Difficultés de la Seine-Saint-Denis

M. le président. La parole est à M. François Asensi, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. François Asensi. Monsieur le Premier ministre, le département de la Seine-Saint-Denis est au bord de l’asphyxie. C’est le bilan de la politique menée, dix années durant, par les gouvernements de droite, qui ont abandonné ce territoire. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Au nom de la compétitivité, Nicolas Sarkozy a supprimé la taxe professionnelle, tout en maintenant le racket scandaleux du ticket modérateur. Résultat : 36 millions d’euros confisqués chaque année à la Seine-Saint-Denis ! À cela s’ajoute la ponction de 14 millions d’euros au titre des droits de mutation, par une péréquation où l’absurde le dispute à l’injustice. Comme si un département ou une ville économiquement dynamiques étaient des territoires de riches et de privilégiés !

Le paradoxe de la Seine-Saint-Denis a sans doute échappé aux experts de Bercy, qui n’ont jamais pris en compte le taux de pauvreté le plus élevé de France, ni l’explosion sociale, dont le nombre de personnes bénéficiant du RSA – 85 000 dossiers ouverts à ce jour – est l’un des symptômes. L’État doit un milliard d’euros à la Seine-Saint-Denis pour charges transférées non compensées. Combien de temps le département devra-t-il attendre ce milliard dû, quand les dotations aux collectivités connaissent un recul sans précédent dans le budget de la nation ?

M. Christian Jacob. Qu’en pense le président de notre assemblée ?

M. François Asensi. Jusqu’à quand devra-t-il attendre, monsieur le Premier ministre ?

Je redoute que l’austérité voulue par le Gouvernement pour redresser les comptes publics n’accentue la fracture sociale. À quel résultat allons-nous aboutir dans deux ans, à l’heure du bilan ? Cela ne fait guère de doute : plus de travailleurs pauvres, plus de chômeurs, moins de services publics et une activité en berne.

À quand la garantie de finances stables et durables, et une vraie réforme fiscale pour les collectivités ? (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de la décentralisation.

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée chargée de la décentralisation. Monsieur le député, votre émotion n’a d’égale que la gravité des difficultés rencontrées par le département de Seine-Saint-Denis, des difficultés que le Gouvernement connaît bien et auxquelles il entend apporter des réponses.

D’une manière plus générale, le Gouvernement n’ignore pas les difficultés rencontrées par les départements, dont les dépenses n’ont cessé d’augmenter, notamment les dépenses sociales, alors que les recettes, de nature volatile, ne restent pas au niveau qui permettrait de répondre à cette augmentation.

Vous savez, monsieur le député, que le Président de la République a reçu, le 22 octobre dernier, les présidents des conseils généraux et apporté quelques réponses aux difficultés auxquelles sont exposés les départements. Il a, en particulier, indiqué son souhait d’apporter des réponses pérennes aux difficultés financières des départements, liées en particulier aux trois allocations de solidarité que sont le revenu de solidarité active, la prestation de compensation du handicap et l’aide personnalisée d’autonomie.

Dans l’attente de la réforme proposée, le Président de la République a annoncé la création d’un fonds d’urgence de 170 millions d’euros, réparti entre les départements les plus en difficulté selon des critères objectifs – des critères sur lesquels nous travaillons actuellement avec les départements, afin de leur permettre de répondre au mieux aux problématiques auxquels ils sont confrontés.

M. Jean-Jacques Candelier. Ce n’est pas l’aumône que nous demandons !

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée. Par ailleurs, je veux vous assurer que la péréquation horizontale profitera à la Seine-Saint-Denis…

M. le président. C’est terminé, madame la ministre.

35 heures

M. le président. La parole est à M. Bernard Accoyer, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Bernard Accoyer. Monsieur le Premier ministre : « Revenir sur les 35 heures n’est pas un sujet tabou », merci d’avoir fait cette déclaration ce matin dans un grand quotidien. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Vous avez eu raison, car la France est le seul pays au monde à appliquer les 35 heures.

Vous avez eu raison, parce que, entre les exonérations de charges sociales et l’augmentation du nombre de fonctionnaires, les 35 heures, ce sont 20 milliards d’euros de dépenses supplémentaires pour l’État chaque année, c’est-à-dire, en douze ans, 240 milliards d’euros, soit 15 % de la dette de l’État – de l’argent emprunté pour moins travailler. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Philippe Plisson. Qu’avez-vous fait pendant dix ans ?

M. Marcel Rogemont. Pourquoi ne les avez-vous pas supprimées ?

M. le président. Mes chers collègues, écoutons la question !

M. Bernard Accoyer. Vous avez eu raison, monsieur le Premier ministre, car, depuis les 35 heures, la compétitivité de la France se dégrade. Nicolas Sarkozy et François Fillon avaient engagé un certain nombre de réformes pour restaurer la compétitivité de la France. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Vous avez choisi de les abroger. Pourtant, les 35 heures sont bien au cœur des problèmes de la France.

Votre éclair de lucidité médiatique mérite mieux, monsieur le Premier ministre, que le recadrage immédiat de votre ministre du travail. Il mérite simplement un peu de courage politique (Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC), pour la compétitivité de la France, pour l’emploi, pour le pouvoir d’achat, pour l’intérêt général.

Ma question est donc très simple : allez-vous céder à l’injonction de votre ministre du travail, ou bien ouvrir ce débat sans tabou ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

Plusieurs députés du groupe UMP. Le canard !

M. Michel Sapin, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Monsieur le président Accoyer, vous avez, pendant plusieurs années, occupé le perchoir, qui est le signe de la pondération et de la sagesse.

M. Jean-François Copé. Écoutez-le bien, monsieur Bartolone !

M. Michel Sapin, ministre. Je laisserai donc de côté la partie strictement politicienne de votre question, à laquelle M. le Premier ministre a d’ailleurs répondu de manière précise et catégorique. La position du Premier ministre, de l’ensemble du Gouvernement et de la majorité est le maintien à 35 heures de la durée légale du travail. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

Mais, monsieur Accoyer, si vous souhaitez, comme vous venez de le suggérer, que nous ayons ensemble un débat sur cette question, allons-y et commençons maintenant !

Je vous adresserai, pour ce faire, une question. Pendant dix ans, vous avez été au pouvoir. Pendant dix ans, les 35 heures ont été la durée légale du travail. Pendant dix ans, vous avez exercé, y compris ici, des responsabilités éminentes. Or pendant tout ce temps, vous n’avez pas abrogé les 35 heures. Pourquoi ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Philippe Plisson. Parce qu’ils n’ont aucun courage !

M. Michel Sapin, ministre. Pour une raison simple, que les ministres du travail qui m’ont précédé pourraient eux aussi vous donner : la durée légale du travail permet de savoir quelles sont les heures normales et quelles sont les heures supplémentaires. Au-delà de 35 heures, ce sont des heures supplémentaires, qui sont payées plus cher.

Quand vous demandez l’abrogation des 35 heures, vous demandez la fin des heures supplémentaires ; vous ordonnez la baisse du pouvoir d’achat de l’ensemble des salariés et des travailleurs. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Voilà la réalité.

Oui, il faut que l’on puisse discuter dans les entreprises. Nous, nous sommes favorables au débat, à la négociation. Vous, vous êtes pour le diktat. Non au diktat, oui à la négociation ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

Plans sociaux reportés

M. le président. La parole est à M. Daniel Goldberg, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Daniel Goldberg. Ma question s’adresse à M. le ministre du redressement productif.

Voilà donc revenus sur les bancs de l’opposition les médecins de Molière de l’action économique, ceux qui ont un seul mot à la bouche, un seul remède – souvent mortifère pour notre industrie – et d’ailleurs un seul bilan : la saignée !

La saignée pour les salariés et les artisans, qui souffrent et à qui ils reprochent de ne pas se résigner.

La saignée pour les classes moyennes et populaires, coupables à leurs yeux de vouloir se soigner et se loger dignement (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), d’avoir les moyens d’élever leurs enfants ou encore de vivre correctement de leur pension de retraite.

La saignée des 750 000 emplois industriels détruits en dix ans et des 3 millions de chômeurs.

La saignée pour les entrepreneurs, qui ont vu leurs marges réduites à l’extrême.

M. Christian Jacob. Pour ça, c’est au Gouvernement qu’il faut vous en prendre !

M. Daniel Goldberg. La saignée, à force de parler du coût du travail et jamais du coût du capital.

Et bien sûr la saignée que vous avez faite en protégeant pendant dix ans la rente plutôt que l’esprit d’entreprendre.

La décence vous commanderait, chers collègues de l’opposition, d’essayer de comprendre pourquoi les Français vous ont renvoyés en mai et en juin derniers.

Vous applaudissiez Nicolas Sarkozy lorsqu’il déclarait le 17 novembre dernier, à propos de PSA : « Je peux vous annoncer qu’il n’y aura pas de plan social en France. »

M. Patrick Lemasle. Mensonge !

M. Daniel Goldberg. Après l’aveu de François Fillon, confirmant que l’État a bien commandé que l’on repousse l’annonce du plan social, vous devriez d’abord penser aux 8 000 familles touchées et à cette belle entreprise. À cause de vous, ils vont avoir plus de difficultés.

Mais il n’y a pas eu que PSA. François Chérèque a pu affirmer en février dernier, sans jamais être démenti : « Des chefs d’entreprise me disent toutes les semaines que le ministère leur téléphone pour qu’ils reportent à plus tard leurs plans sociaux. » (Applaudissements puis huées sur les bancs du groupe SRC.)

Monsieur le ministre, vous êtes maintenant aux responsabilités. Pouvez-vous nous dire quels moyens vous allez maintenant mettre en œuvre pour relever dans la justice l’économie de notre pays ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre du redressement productif.

M. Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif. Monsieur le député, vous visez juste lorsque vous dites que le gouvernement précédent s’est employé, avec d’ailleurs de multiples mains, à dissimuler de très nombreux plans sociaux, ceux qu’aujourd’hui le gouvernement de Jean-Marc Ayrault affronte et traite courageusement.

Le président Sarkozy avait dit, lorsqu’il était allé à Petit-Couronne, dans la raffinerie de Petroplus qui est, aujourd’hui, au bord de la liquidation : « Ne vous inquiétez pas, c’est réglé. » Eh bien, que croyez-vous que fasse le ministère dont j’ai la charge aujourd’hui ? Il cherche des repreneurs qui, paraît-il, n’étaient pas nécessaires !

Lorsque le Premier ministre de l’époque, M. Fillon, a déclaré, à une heure de grande écoute, que, dans l’affaire Peugeot, il était exact que le plan social concernant 8 000 salariés avait été reporté à l’après-élection, il y a là une forme d’irresponsabilité et d’incompétence.

En effet, voyez-vous, monsieur Fillon, pendant ce temps-là, la situation de Peugeot s’est aggravée d’une manière tout à fait déplorable, à tel point que le Gouvernement est obligé de venir soutenir la banque PSA Finance et de lui octroyer une garantie sans laquelle ses difficultés risqueraient d’augmenter encore.

Quand le gouvernement précédent dissimulait les plans sociaux, que fait le nôtre ? Il traite la question.

M. Yves Nicolin et M. Franck Gilard. Baratin !

M. Arnaud Montebourg, ministre. Dans l’affaire PSA, que vous avez mentionnée, nous avons décidé, en contrepartie de la garantie apportée à la banque captive, de demander, premièrement, à entrer dans le conseil de surveillance, par l’intermédiaire d’un administrateur lié à l’État. C’est du donnant-donnant. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Deuxièmement, de permettre à l’un des salariés, désigné par ses pairs, d’entrer lui aussi dans le conseil de surveillance, pour discuter des orientations stratégiques. (Applaudissements sur les mêmes bancs.)

Troisièmement, d’interdire la distribution de dividendes, de rachats d’actions, de stock-options et d’actions gratuites. (Mêmes mouvements.)

M. le président. Merci de conclure !

M. Arnaud Montebourg, ministre. Quatrièmement, de garantir le maintien des sites de production des automobiles.

Enfin, de réduire le plan social qui frappe aujourd’hui 8 000 familles en France.

Tel est le sens de notre action. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Taux de tva dans la restauration

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Vigier, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Jean-Pierre Vigier. Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'artisanat, du commerce et du tourisme. Depuis quelques jours, les médias bruissent de rumeurs sur une hausse du taux de TVA dans la restauration. Une fois encore, vous vous apprêtez à attaquer le monde de l'entreprise.

Nous nous sommes battus à Bruxelles pour obtenir le taux de TVA réduit dans la restauration, qui a permis de créer 53 000 emplois, de dégager 1,2 milliard de revenus supplémentaires pour les salariés, de préserver 20 000 entreprises…

M. Christian Eckert. Faux !

M. Jean-Pierre Vigier. …et de maintenir, dans les territoires ruraux, comme dans mon département de la Haute-Loire, les cafés, hôtels et restaurants indispensables au lien social et à la vitalité économique. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP.)

Nous avons appris avec stupéfaction qu'un député socialiste de la commission des finances souhaitait une forte augmentation du taux de TVA dans la restauration. (Huées sur les bancs du groupe UMP.)

M. Marcel Rogemont. Il a raison !

M. Jean-Pierre Vigier. Le Gouvernement soutient-il cette initiative ? Si c'est le cas, 100 000 emplois pourraient disparaître !

M. Nicolas Bays. Mensonges !

M. Jean-Pierre Vigier. Madame la ministre, nous vous demandons de confirmer solennellement que vous n'augmenterez pas le taux de TVA dans la restauration ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur quelques bancs du groupe UDI.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’artisanat, du commerce et du tourisme.

Mme Sylvia Pinel, ministre de l’artisanat, du commerce et du tourisme. Monsieur Vigier, vous m’interrogez sur le rapport que votre collègue Thomas Thévenoud présentera à la commission des finances cet après-midi. Il s’agit d’une contribution utile à l’évaluation que mène actuellement le Gouvernement sur ce sujet, complexe et important. Important au regard du nombre d’entreprises et du nombre de salariés concernés ainsi que du chiffre d’affaires dégagé par cette profession. Important aussi au regard du coût de la mesure d’abaissement du taux de TVA, estimé à plus de 3 milliards d’euros par an.

Il est parfaitement légitime que des parlementaires s’emparent d’un tel sujet et que le Gouvernement s’interroge sur l’utilisation de ces fonds. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Catherine Vautrin. Et alors ?

Mme Sylvia Pinel, ministre. J’ai réuni à la rentrée les organisations professionnelles signataires du contrat d’avenir dans la restauration, afin de conduire une évaluation en profondeur, exhaustive et précise du respect des quatre engagements contenus dans le contrat d’avenir. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Bérengère Poletti. Et alors ?

Mme Sylvia Pinel, ministre. Depuis le 24 septembre, nous faisons des réunions régulières sur l’ensemble des sujets concernés par le contrat d’avenir. Nous avons ajouté plusieurs réunions de travail parce que de fortes divergences persistaient entre les restaurateurs et le Gouvernement. (Mêmes mouvements.)

M. Claude Goasguen. Finissons-en !

M. Yves Censi. Assez !

M. le président. Veuillez écouter Mme la ministre, s’il vous plaît !

Mme Sylvia Pinel, ministre. Cette évaluation sera utile, et le Gouvernement prendra les décisions qui s’imposent. Nous devons, pour cela, travailler avec sérénité et ne pas lancer de polémiques stériles. Qu’en serait-il si le gouvernement précédent avait agi de même et n’avait pas improvisé cette mesure ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Compétitivité

M. le président. La parole est à M. Thierry Benoit, pour le groupe Union des démocrates et indépendants

M. Thierry Benoit. L'emploi, monsieur le Premier ministre, l’emploi, c’est la priorité des Français et nous la partageons tous sur ces bancs.

Malheureusement, six mois après votre prise de fonction, vos paroles ne sont pas suivies d'effets. Semaine après semaine, toutes les forces productives de notre pays vous lancent des appels pour sauvegarder l'emploi. Semaine après semaine, elles vous demandent d'agir massivement sur les charges qui pèsent sur nos entreprises.

Nous avons eu un espoir lorsque vous avez parlé de choc de compétitivité. Puis le choc s'est transformé en « trajectoire » ; maintenant, le Président de la République nous annonce un « pacte », étalé sur cinq ans.

Puisque la parole publique a perdu toute cohérence, regardons vos actes. Que faites-vous pour préserver l'emploi depuis votre arrivée au gouvernement ? (« Rien ! » sur les bancs du groupe UMP). En juillet, vous avez supprimé la TVA emploi, transféré 13 milliards sur les entreprises et refiscalisé les heures supplémentaires ! Aux mois de septembre et d’octobre, vous avez imposé des taxes sur les cessions d’entreprises, sur les travailleurs indépendants, sur les auto-entrepreneurs, ou encore sur les particuliers employeurs. Qui paiera votre inaction en novembre ?

Il y a donc bien eu un choc de compétitivité, mais à l'envers, avec une augmentation de 30 milliards des charges pesant sur les entreprises !

M. Jean-Louis Borloo. C’est vrai !

M. Thierry Benoit. Aujourd'hui, il faut trouver 60 milliards d'euros pour les aider à inverser la courbe du chômage.

Monsieur le Premier ministre, à la veille de la remise du rapport de Louis Gallois – dont vous avez déjà annoncé le contenu et rejeté les conclusions –, quelles sont les pistes de réforme envisagées par le Gouvernement ?

Faut-il rappeler que 45 000 femmes et hommes se sont ajoutés aux 3 millions de demandeurs d'emploi au mois de septembre ? Les Français attendent que ceux qu’ils ont portés au pouvoir fixent un cap ! Quel est ce cap ? Des solutions existent, elles sont là, devant nos yeux. Quand allez-vous réagir ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI.)

M. Marc Le Fur. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le ministre du redressement productif. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Veuillez écouter la réponse dans le silence, ne serait-ce que par respect de notre fonction !

M. Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif. Monsieur le député, nous avons demandé à Louis Gallois, un patron patriote, désintéressé, qui a dirigé de main de maître EADS et obtenu des résultats extraordinaires pour notre pays et pour l’industrie aéronautique, de rédiger un rapport, qu’il rendra le 5 novembre.

Ce rapport exprime une opinion, partagée d’ailleurs par un certain nombre d’intervenants dans ce débat.

M. Christian Jacob. Vous êtes pro-Gallois ?

M. Arnaud Montebourg, ministre. Le Parlement a donné son opinion – l’opposition ne s’en est pas privée –, les organisations syndicales elles-mêmes ont été sollicitées lors de la grande conférence sociale, où je me trouvais à animer un atelier sur cette question aux côtés de Louis Gallois.

Le débat est ouvert, monsieur le député. Il serait intelligent de le mener collectivement dans le respect de nos opinions respectives, car notre pays est confronté à de graves difficultés économiques.

Lorsqu’il y a dix ans, nous avons remis avec Lionel Jospin les clés à la droite, la balance commerciale était équilibrée ; aujourd’hui, le déficit est de 70 milliards.

Vous en appelez à une politique de compétitivité, mais que ne l’avez-vous menée ces dix dernières années ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.) Vous nous demandez de prendre des mesures d’urgence. Mais où sont celles que vous pouviez mettre en œuvre il y a encore quelques mois ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Yves Censi. Vous les avez supprimées !

M. Arnaud Montebourg, ministre. Lorsque M. Fillon a déclaré à son arrivée à Matignon qu’il était à la tête d’un État en faillite, il n’a pris aucune mesure de nature à remédier à cette faillite. C’est le gouvernement de Jean-Marc Ayrault qui est obligé de les prendre. Modestie, prudence, humilité, nous réussirons ensemble ! (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Taxation des retraites

M. le président. La parole est à Jean-Pierre Gorges, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire

M. Jean-Pierre Gorges. Avant de poser ma question, je voudrais rappeler au Gouvernement que, durant la campagne présidentielle, on nous avait promis qu’il n’y aurait plus de plans sociaux en France après l’élection. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Regardez où nous en sommes ! C’est à vous de régler le problème de PSA. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Monsieur le Premier ministre, il y a toutes les semaines un nouveau bouc émissaire ! Entre le PLF et le PLFSS, tout le monde y passe : les familles, les créateurs d’entreprises ou les professions libérales. Taxes sur la bière ou sur les cigarettes, c’est un véritable catalogue et un matraquage fiscal sans précédent.

Et c’est maintenant au tour des retraités, directement visés par l’article 16 du PLFSS. Certains d’entre eux verront leur retraite taxée à 0,3 % pour financer une réforme de la dépendance dont nous ne savons rien : pas de contenu, pas de calendrier, seulement une taxe !

Vous allez nous dire que ce sont uniquement les retraités imposables qui seront concernés, mais vous oubliez de préciser que le barème a été gelé et qu’ils seront donc très nombreux à être imposables et soumis à cette nouvelle taxe.

D’autre part, le choix de la date d’application laisse aussi perplexe : le 1er avril – non, ce ne sera pas un poisson d’avril… –, date à laquelle les pensions sont traditionnellement revalorisées, ce qui a permis à la ministre de la santé d’affirmer qu’ainsi il n’y aurait pas de perte de pouvoir d’achat !

Monsieur le Premier ministre, vous nous dites que neuf Français sur dix ne sont pas concernés par vos hausses de taxes, mais il me semble que ce serait plutôt le contraire. Ma question est donc claire : quand allez-vous stopper ce matraquage ? Qui sera le prochain bouc émissaire ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé. Franchement, monsieur Gorges, un peu d’humilité et de mémoire ne vous ferait pas de mal ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) La manière en effet dont vous avez traité les retraités durant les cinq dernières années – pour ne rien dire des cinq précédentes – ne vous autorise pas vraiment à nous donner des leçons.

L’ancien Président de la République avait annoncé une réforme de la dépendance ; vous n’avez rien mis en place. Vous avez lancé des consultations ; elles n’ont pas abouti. Quant aux seules promesses que vous avez faites, elle concernaient une réforme impliquant davantage d’assurance privée, plus de contributions et moins de droits ! La seule chose qu’a faite votre majorité, c’est de mettre en place une réforme des retraites qui a coûté cher aux retraités sans rien résoudre pour nos finances publiques

Mme Laure de La Raudière. Et vous, que faites-vous ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Nous avons la ferme intention d’engager une réforme de l’accompagnement de la perte d’autonomie, d’anticiper le vieillissement de la population et d’apporter des réponses aux personnes âgées. C’est la raison pour laquelle nous proposons aux retraités de contribuer à l’effort national de solidarité. Car, sans cet effort, ce sera le règne des assurances privées. C’est ce que vous avez voulu mettre en place ; c’est ce que nous refusons ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Convention collective des établissements hospitaliers privés à but non lucratif

M. le président. La parole est à Mme Geneviève Gosselin, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

Mme Geneviève Gosselin. Ma question s’adresse à Mme la ministre des affaire sociales et de la santé, et j’y associe bon nombre de mes collègues du groupe SRC.

Madame la ministre, un mouvement social a débuté il y a plus de deux semaines, suite à l’appel des organisations syndicales des établissements hospitaliers à but non lucratif. Ces établissements sont régis par une convention collective de 1951, qui concerne 200 000 salariés. Les négociations pour la modification de cette convention entre les syndicats et la fédération ont débuté il y a plus de deux ans. Dans le calendrier prévu par les textes, la convention de 1951 s’applique jusqu’au 30 novembre 2012.

M. Philippe Meunier. C’est laborieux !

Mme Geneviève Gosselin. Madame la ministre, vous êtes déjà intervenue dans le processus, en accordant à la fédération un délai supplémentaire de deux mois. Néanmoins, afin de clore les négociations, la fédération a tenté d’imposer un avenant de substitution que les syndicats ont refusé. La fédération a alors rédigé une recommandation patronale – donc une décision unilatérale – qui diminue considérablement les avantages conventionnels sur quinze points, puis elle a demandé un agrément auprès des pouvoirs publics, sans que le texte final ait été présenté aux organisations syndicales.

On peut s’interroger sur la légalité de cette démarche. Votre ministère a accepté la réouverture des négociations et la mise en place d’une commission mixte paritaire, suite au mouvement de grève. Pourtant, les syndicats craignent que la fédération ne siège sans réelle volonté de négocier. Madame la ministre, pouvez-vous leur assurer que vous ne signerez pas la recommandation patronale en l’état actuel et que vous attendrez que les négociations s’achèvent ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé. Madame Gosselin, vous avez raison, la Fédération des établissements hospitaliers d’aide à la personne, structure de premier plan qui regroupe 3 650 établissements, est un acteur majeur du secteur sanitaire et social.

Je ne peux donc qu’être extrêmement attentive à la manière dont se déroulent les pourparlers, à l’occasion de la renégociation de la convention collective de 1951, qui s’applique aux personnels.

J’ai eu l’occasion de rencontrer l’ensemble des parties prenantes, organisations syndicales et représentants de la direction de la FEHAP. Manifestement, le processus de négociation engagé depuis deux ans n’était pas satisfaisant. C’est la raison pour laquelle, sur l’avis unanime des organisations syndicales, j’ai choisi de ne pas agréer la proposition d’avenant à la convention de 1951 et souhaité qu’un médiateur soit désigné pour que la négociation reprenne son cours.

La première réunion, qui s’est déroulée la semaine dernière, est porteuse d’espoir, dans la mesure où l’ensemble des parties prenantes ont manifesté l’envie d’avancer et de négocier. J’ai eu l’occasion depuis de rencontrer plusieurs des acteurs impliqués, et je souhaite que l’on prenne le temps de trouver un nouvel accord.

La négociation doit s’engager sur des bases renouvelées. Il y va de l’avenir du personnel dans des établissements qui, pour chacun de nos territoires, sont tout à fait essentiels. Je veux donc vous assurer, madame la députée, que je suis avec attention la situation et que je ne laisserai pas perdre les droits des salariés. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Conséquences de l’artificialisation des terres

M. le président. La parole est à M. François-Michel Lambert, pour le groupe écologiste.

M. François-Michel Lambert. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt.

Suite aux différents événements météorologiques ayant frappé ces derniers jours le sud de la France et à leurs conséquences dramatiques, se pose la question de l’artificialisation incontrôlée des terres. Je prendrai comme exemple la zone commerciale de Plan-de Campagne, la plus grande de France où, en moins de dix jours, nous avons subi une tornade et des inondations – les troisièmes inondations en dix ans – entraînant des dégâts matériels lourds et des blessés.

Le constat est effarant. La zone de Plan-de-Campagne est devenue un véritable Far-West capitalistique qui privilégie le chiffre d’affaires par rapport à la sécurité, et un développement anarchique que les maires ont tant bien que mal essayé de contenir. Ces mégazones, véritables aberrations urbanistiques, concentrent des dizaines de milliers de personnes, augmentant ainsi les facteurs de risques et rendant complexe, voire impossible, l’évacuation des personnes.

Des aménagements locaux sont programmés avec de l’argent public qui, encore une fois, répare les dégâts d’un libéralisme outrancier. J’ai expressément demandé d’arrêter toute extension à Plan-de-Campagne tant que les aménagements sécuritaires ne seront pas réalisés et qu’une nouvelle politique de développement concertée et publique ne sera pas mise en œuvre.

Ces événements nous interrogent sur la logique d’artificialisation des terres qui peut vraisemblablement engendrer ou amplifier des phénomènes climatiques, comme semble le confirmer le trajet de la tornade, ou comme le confirment les anciens, qui nous rappellent que Plan-de-Campagne était une zone inondable.

Monsieur le ministre, comment l’État va-t-il inverser cette logique d’une artificialisation des terres naturelles pour des intérêts privés au détriment du respect de la sécurité des biens et des personnes, et de l’équilibre des espaces naturels, des espaces agricoles ? (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt.

M. Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt. Monsieur le député, vous avez évoqué des événements météorologiques qui sont dans tous les esprits, notamment de tous les membres de la représentation nationale. Ces intempéries ont même causé des décès et des disparitions de personnes. Je pense particulièrement à ces personnes et à leurs familles.

Ces événements météorologiques sont en eux-mêmes exceptionnels. Quoi qu’il arrive, les questions sont posées de manière plus globale et plus large, et sont aussi certainement liées aux conditions climatiques, et notamment au réchauffement qui modifie en partie notre climat.

Vous avez évoqué la zone urbanisée de Plan-de-Campagne et vous demandez au Gouvernement quelles mesures il entend prendre.

La conférence environnementale a bien précisé que l’artificialisation des terres, qui s’est traduite par le gaspillage des terres, et en particulier des terres agricoles depuis des années, doit être arrêtée. C’est l’engagement pris par le Gouvernement et le Premier ministre. Je pense en particulier, je le dis devant l’Assemblée nationale, au fait que, dans ces zones commerciales, on a laissé s’étendre des parkings de manière horizontale, calculés quelquefois uniquement pour les heures de pointe, en artificialisant des hectares de terres agricoles. Il faudra, sur ce sujet, revenir, comme d’autres pays européens, à l’idée toute simple que, si l’on veut garer des voitures, on peut le faire en hauteur ou de manière souterraine, mais que l’on ne doit plus gaspiller des terres agricoles. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe écologiste.)

Financement de la sécurité sociale

M. le président. La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

Mme Véronique Louwagie. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 va être soumis à notre vote dans quelques instants.

Ce projet comporte de nombreuses injustices. En effet, il instaure un matraquage tous azimuts des assurés sociaux, et la liste des taxes que vous infligez aux Français mérite un inventaire : élargissement du forfait social, augmentation des cotisations sociales, hausse des cotisations des travailleurs indépendants. Les artisans, commerçants et professions libérales vont payer plus d'un milliard d'euros de cotisations supplémentaires en 2013.

S’ajoutent à cela la hausse sans précédent du régime social des auto-entrepreneurs, la taxation de 7, 5 millions de retraités via une taxe de 0, 30 % sur leurs pensions, la taxation des particuliers employant un salarié à domicile, de près de 400 millions d'euros, la hausse des droits d'accise sur la bière et la taxe sur les boissons énergisantes, ainsi qu’une nouvelle hausse des prix du tabac au 1er juillet 2013.

Vous escomptez 5 milliards d’euros de recettes supplémentaires, mais à quel prix ? Les familles, les commerçants, les artisans, les professions libérales, les retraités sont frappés au portefeuille et ne comprennent pas cet acharnement de votre part !

Résultat : l'ordonnance des docteurs Ayrault et Touraine est amère et le remède que vous proposez aux Français ne pérennisera pas le système de soins auquel nos compatriotes sont attachés.

Monsieur le Premier ministre, quand allez-vous écouter les Français qui ne comprennent plus votre politique, faite de couacs et de bric-à-brac, alors qu’ils attendent une ligne claire ?

Quand allez- vous renoncer à remporter le concours général des taxes ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé. Franchement, madame la députée, le bilan social qui est le vôtre devrait vous amener à plus d’humilité et de modération ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Un peu de calme !

Mme Marisol Touraine, ministre. Je comprends votre incompréhension face à un gouvernement qui a fait le choix résolu de garantir la protection et la justice aux Français. Vous qui avez, pendant cinq ans, multiplié les déremboursements, les franchises, les forfaits et, dans le même temps, accru le déficit de la sécurité sociale ! (Nouvelles exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Vous qui n’avez cessé de rétrécir les droits de nos concitoyens !

Nous assumons clairement une politique qui consiste à faire face à la gabegie que vous avez laissée, à répondre au déficit que vous nous nous avez légué. (« La réponse ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Nous le faisons en garantissant toujours plus de droits pour les Français. Car, madame la députée, au terme de ce PLFSS, ce que les Français vont pouvoir constater, c’est qu’ils n’ont pas de nouveaux déremboursements, pas de nouvelles franchises, mais de nouveaux droits : remboursement de l’IVG à 100 % pour toutes les femmes qui le souhaitent (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC), prise en charge et gratuité de la contraception pour toutes les mineures de quinze à dix-huit ans qui en ont besoin et qui le souhaitent (Applaudissements sur les mêmes bancs), volonté d’étendre la situation des retraites aux non-salariés agricoles, qui étaient les seuls à ne pas pouvoir disposer d’indemnités journalières. Nous mettons fin à cette injustice.

M. Philippe Meunier. Répondez à la question !

Mme Marisol Touraine, ministre. Nous avons la volonté d’engager une véritable politique de santé publique en direction des jeunes.

Vous n’avez pas compris que nous étions capables d’engager une politique de responsabilité et de justice, mais nous assumons notre volonté d’être toujours plus justes à l’égard des Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. - Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Philippe Meunier. Charabia !

Pont sur la Loire

M. le président. La parole est à M. Yannick Moreau.

M. Yannick Moreau. Le 4 septembre dernier, monsieur le Premier ministre, je vous ai adressé un courrier resté à ce jour sans réponse. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Philippe Meunier. Ce n’est pas normal !

M. Yannick Moreau. Je vous y faisais part de l'inquiétude des Vendéens au sujet des conditions de franchissement de la Loire. Si cette préoccupation est loin d'être nouvelle, elle revêt aujourd'hui une actualité particulière avec les conditions de desserte routière du futur aéroport de Notre-Dame-des-Landes. Ce projet, dont votre gouvernement a confirmé la réalisation malgré les nombreuses oppositions qui se font entendre dans les rangs de votre majorité, n'est pas complet. Il lui manque un élément crucial pour son accessibilité et sa réussite.

Cet élément manquant, c'est un nouveau pont sur la Loire.

Pourtant, tout le monde a besoin de ce nouveau pont, en premier lieu l'agglomération nantaise, dont le périphérique est d'ores et déjà saturé, vous le savez mieux que quiconque. Le Sud-Loire et la Vendée ont besoin d'un nouveau pont pour franchir la Loire. Nos entreprises ont besoin de rester accessibles à leurs clients et connectées à leurs futurs marchés. L'Arc atlantique a besoin d'une autoroute des estuaires véritablement fluide. Le nouvel aéroport de Notre-Dame-des-Landes lui-même a besoin d'un nouveau pont. Comment pourrait-il se priver de la clientèle du Sud-Loire, qui représente aujourd'hui 20 % du chiffre d'affaires de Nantes-Atlantique?

Pourtant, monsieur le Premier ministre, vous n'évoquez jamais ce nouveau pont, sans doute de peur d'effaroucher vos amis écologistes, qui refusent idéologiquement tout investissement routier supplémentaire. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Au nom de l'intérêt national de ce projet de nouveau pont sur la Loire, ne cédez pas au chantage de vos partenaires écologistes ! Prenez clairement l'engagement d'associer simultanément le nouvel aéroport à un nouveau pont sur la Loire ! Les habitants et entrepreneurs de Vendée et du Sud-Loire comptent sur vous !

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des transports.

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué chargé des transports. Nous mesurons l’intérêt de la question que vous venez de poser, monsieur Moreau, devant l’ensemble de la représentation nationale et devant la France entière, qui se penche sur l’enjeu du contournement et des investissements relatifs aux infrastructures nantaises.

Nous sommes attentifs, comme vous, à la bonne réalisation du transfert de l’aéroport de Nantes à Notre-Dame-des-Landes. Sachez que les services de l’État sont à votre disposition. Si vous avez écrit à M. le Premier ministre, vous pouvez bien écrire au ministre des transports, qui ne manquera pas de vous répondre. Et vous ne manquerez pas de votre côté de réclamer que les engagements qui n’ont pas été pris par mes prédécesseurs accompagnent les infrastructures. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Pour vous rassurer, ainsi que l’ensemble de la population vendéenne,…

Plusieurs députés du groupe UMP. Vous ne répondez pas à la question !

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. Mesdames et messieurs les députés, regardez le spectacle que vous donnez aux Français qui nous regardent ! Voyez comment vous concevez votre sens des responsabilités ! Regardez comme vous dégradez l’image du Parlement ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe écologiste.)

Monsieur le député, puisque vos collègues ne semblent pas intéressés par la réponse à votre question, ni même manifestement par celle-ci, je vous donne rendez-vous au ministère des transports,…

M. Philippe Meunier. Honteux ! Lamentable !

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. …où l’ensemble des services de l’État sont à votre disposition, non seulement pour parler du doublement du pont de Bellevue, mais aussi de l’échangeur de la route de Cholet et de celui de la RN 844.Dans le cadre du plan de développement des infrastructures, l’ensemble des services de l’État pourront vous répondre. Dans le cadre du contrat État-région qui nous lie, ils pourront également faire en sorte que vos inquiétudes soient légitimement levées. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Dysfonctionnement des systèmes de paie dans les armées

M. le président. La parole est à M. Philippe Nauche, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Philippe Nauche. Monsieur le ministre de la défense, vous avez découvert, en prenant vos fonctions, une situation budgétaire compliquée, ainsi qu’une mise en place hâtive et non maîtrisée de nouveaux outils de gestion au sein de nos armées. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Le logiciel LOUVOIS, destiné à moderniser les procédures de paiement des soldes des personnels des armées, a ainsi été mis en place en octobre 2011 sans avoir été fiabilisé. Dans le même temps, les services de traitement de la solde étaient supprimés pour contribuer à la baisse des effectifs de soutien prévue par la RGPP du précédent gouvernement. On le sait aujourd'hui, entre 10 000 et 15 000 militaires et leurs familles sont en difficulté. C’est un héritage dont vous vous seriez bien passé.

Toute la panoplie des dysfonctionnements est apparue. Certains ont vu leur solde amputée de prélèvement injustifiés, parfois répétés, avec au bout du compte des manques très importants non régularisés à ce jour. Certaines familles ont vu s'accumuler les problèmes faute de pouvoir faire face à leurs obligations, comme le paiement d’un loyer, de crédits, d’assurances en plus des dépenses du quotidien.

Vous savez toutes les conséquences délétères que cela peut avoir pour des hommes et des femmes entièrement engagés au service de notre pays, y compris en opérations extérieures, ainsi déstabilisés dans leur vie familiale par un problème qui paraît relever de l'absurde.

Des conjointes de militaires se sont manifestées publiquement, en particulier hier à Brive au 126e régiment d’infanterie, avec mesure, dignité et un grand sens des responsabilités, malgré les situations socialement insupportables qu'elles vivent.

Depuis des semaines vous avez essayé de résoudre ces dysfonctionnements. Pouvez-vous indiquer à la représentation nationale les mesures envisagées pour accompagner et aider concrètement ces familles en situation difficile jusqu'au retour à la normale ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la défense.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense. Cette situation est en effet absolument inacceptable. Elle est indigne d’une nation comme la nôtre. Elle est indigne d’un pays qui doit avoir de la considération pour ses soldats. J’ai découvert l’ampleur des dégâts en visitant les unités lorsque les bouches ont bien voulu s’ouvrir.

Ces dysfonctionnements ont trois origines. La première est la mise en œuvre d’un logiciel centralisé qui n’est pas adapté. La seconde est la suppression du service des soldes avant même d’avoir vérifié que le central Louvois marchait. Tout cela pour des raisons d’économies. La troisième est la mise en œuvre de la réforme improvisée des bases de défense beaucoup plus vite que prévu, ce qui a entraîné des insuffisances dans le traitement de l’information relative aux soldats. Tout cela a été fait entre l’automne 2011 et avril 2012. Je ne fais que rappeler les dates.

J’ai mis en œuvre un plan de bataille vigoureux centré sur la prise en compte de chaque cas individuel, la mise en œuvre d’une plateforme d’appel pour chacun des soldats et, grâce à l’obligeance du ministre du budget, la mise en place d’un fonds spécial d’avance, afin que, pour Noël, chaque soldat soit rémunéré normalement et dignement ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. Patrick Lemasle. Très bien !

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. J’ai mis en œuvre également un dispositif permettant la refonte complète du système de paiement des soldes, ainsi qu’un audit intégral interne et externe de l’ensemble du dispositif ainsi prévu. Je me porte garant qu’aucun soldat ne sera victime de dysfonctionnements insupportables. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Dysfonctionnement de la justice

M. le président. La parole est à M. Franck Gilard, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Franck Gilard. Madame la garde des sceaux, ministre de la justice, décidément en matière de justice et de politique pénale, rien ne va plus ! Non seulement vous vous échinez à détricoter méthodiquement les lois que nous avions votées pour mieux sanctionner un certain nombre de délinquants mais, en plus, vous ouvrez les prisons.

Ainsi, il y a une semaine jour pour jour, un juge d’instruction, qui relève donc de votre administration, a remis en liberté celui que l’on appelle communément « le tueur de Saint-Ouen », trafiquant de drogue notoire, impliqué dans deux homicides.

M. Jean-Marie Le Guen. Quel amalgame ! C’est honteux !

M. Franck Gilard. Avec M. le ministre de l’intérieur et l’ensemble des députés présents dans cet hémicycle, du moins je l’espère, nous avons une pensée pour tous les policiers et les gendarmes qui se battent quotidiennement pour la sécurité des Français et qui doivent être écœurés par ce genre de dysfonctionnement. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. Jean-Marie Le Guen. C’est vous qui êtes écœurant !

M. Franck Gilard. Madame la ministre, tout ce laxisme à la base de votre administration découle de vos actions permissives. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Je vous le demande donc solennellement : pourquoi supprimer les peines planchers pour les multirécidivistes ? Pourquoi vouloir supprimer la loi de rétention de sûreté applicable aux grands criminels ? Pourquoi vouloir supprimer les tribunaux correctionnels pour les mineurs récidivistes de plus de seize ans ? Enfin, pourquoi abandonner la construction de vingt mille places de prison supplémentaires ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean Glavany. Et pourquoi ne pas interdire la bêtise par la loi ?

M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur Gilard, les faits que vous évoquez sont suffisamment graves pour qu’il ne soit nul besoin d’un ton hystérique (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) ni de mots excessifs pour que nous en convenions tous. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Vous avez passé cinq années à stigmatiser les magistrats ; je comprends qu’il vous faille aujourd’hui un peu de temps pour vous désintoxiquer.

Les faits que vous évoquez sont effectivement graves. À ma connaissance, nous parlons de deux informations judiciaires, l’une datant de juin 2011, l’autre de juillet 2011, au cours desquelles le juge d’instruction a convoqué avec un mois de retard la personne détenue mise en cause dans un assassinat et un homicide volontaire. Je le répète, il s’agit de faits graves.

Pour ma part, j’ai saisi officiellement les chefs de cour, c'est-à-dire le premier président et le procureur général de la cour d’appel de Paris, dont relève le TGI de Bobigny, pour les interroger sur cette affaire. J’ai également saisi l’inspection judiciaire. Si des erreurs ont été commises, les procédures s’appliquant aux magistrats seront mises en œuvre.

Il apparaît néanmoins dès aujourd’hui que, dans le cadre des informations judiciaires les convocations sont faites à la main en raison du manque d’effectifs et de moyens. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) C’est pour cela que le Premier ministre, conformément à l’engagement du Président de la République, a préservé le budget de la justice. Il nous a donné les moyens de recruter des magistrats. De votre côté, rien que pour réformer la carte judiciaire, vous avez supprimé 80 postes de magistrat, ainsi que 458 postes de fonctionnaires, sans compter le non-remplacement des départs à la retraite. Nous, nous avons aussi doublé le budget informatique afin de pouvoir moderniser les procédures et éviter ce genre d’incidents. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Vous avez mis en péril la sécurité des Français avec une politique comptable de la justice ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Élections à l’Assemblée de Polynésie française

M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Tuaiva, pour le groupe Union des démocrates et indépendants.

M. Jean-Paul Tuaiva. M. le ministre des outre-mer voudra bien m’excuser, car je reviens à la charge sur les élections territoriales, mais l’enjeu est crucial, je dirai même vital.

Jamais dans l'histoire de notre collectivité, la Polynésie française n'avait connu une situation aussi dramatique sur tous les plans, économique, social et budgétaire. Dans ce contexte, les prochaines élections pour le renouvellement de l'Assemblée de Polynésie française font l’objet d’une véritable attente de tous les acteurs économiques et de la société civile, qui souhaitent une clarification politique après plusieurs années d'instabilité politique mais surtout d’obsession indépendantiste.

Les élections qui devaient se tenir à la fin du mois de janvier 2013 sont en voie d'être repoussées à mars ou à avril. Il semble même aujourd'hui qu’on en est à mai 2013 ! Tout cela se fait à la demande du président de la Polynésie française. Ce service rendu par le gouvernement central à son allié indépendantiste de longue date contribuera à prolonger davantage l'attentisme actuel et, surtout, il conduira à plonger plus encore la Polynésie dans le marasme économique qu'elle subit déjà depuis près de huit années, en ajoutant à la crise économique une décision purement politicienne.

Aujourd'hui, il est important que la démocratie soit respectée, que les élections aient bien lieu à la fin du mandat des représentants actuels et qu'il n'y ait pas de tripatouillage électoral – j’emploie ce terme avec tout le respect qui est dû à M. le ministre.

M. le président. Monsieur Tuaiva, il faut conclure !

M. Jean-Paul Tuaiva. Encore une fois, veuillez nous indiquer si le Gouvernement respectera l'échéance du mandat des représentants actuels de l'Assemblée de Polynésie française, comme l'attend toute la population, ou si, comme cela semble se profiler, vous repousserez au mois de mai 2013 les élections pour faire plaisir à votre allié…

M. le président. Monsieur le député, je vous remercie. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI.)

La parole est à M. le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement.

M. Alain Vidalies, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le député, je vous prie de bien vouloir excuser M. Victorin Lurel, ministre des outre-mer, qui se trouve en ce moment au Sénat.

Vous nous interrogez à nouveau sur les élections en Polynésie française. Je vous rappelle que les articles 104 et 107 de la loi organique portant statut d’autonomie de la Polynésie française prévoient que les élections pour le renouvellement de l’Assemblée de Polynésie peuvent se tenir au plus tôt en janvier 2013. Toutefois les dispositions de l’article 36 de la loi organique du 7 décembre 2007 prévoient que le mandat de l’Assemblée de la Polynésie française élue en 2008 expirera au plus tard le 15 juin 2013.

Le Gouvernement a recherché dans la fixation de la date de renouvellement de cette assemblée, la solution susceptible de laisser le débat démocratique s’installer, ce qui nécessitait un délai suffisant.

Un député du groupe UDI. Tripatouillage !

M. Jean-Louis Borloo. C’est honteux ! C’est un scandale !

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Par ailleurs, il a tenu à ne pas donner à nos concitoyens polynésiens le sentiment que l’organisation de ces élections était guidée par des considérations opportunistes.

La période allant de mars à mai a semblé la mieux adaptée pour répondre à ces deux exigences. Il importait aussi que la participation électorale ne soit pas affectée par le calendrier des congés en Polynésie française. Il fallait donc organiser les élections après la première quinzaine d’avril et les congés de Pâques, et avant la fin de l’année scolaire. C’est dans le souci de concilier l’ensemble de ces impératifs et de ces préoccupations que le Gouvernement a choisi d’organiser les élections territoriales les 21 avril et 5 mai.

M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures vingt-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

2

Projet de loi de financement
de la sécurité sociale pour 2013

Vote solennel

M. le président. L’ordre du jour appelle les explications de vote et le vote, par scrutin public, sur l’ensemble du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 (nos 287, 302, 301).

Explications de vote

M. le président. Au titre des explications de vote, la parole est à M. Francis Vercamer, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

M. Francis Vercamer. Nos concitoyens sont attachés à la sécurité sociale qui les protège des accidents de la vie et de leurs conséquences, parfois très lourdes. L’enjeu du projet de loi de financement de la sécurité sociale est de pérenniser cette protection, tout en tenant compte à la fois des transformations des modes de vie et des progrès technologiques et médicaux. Toutes ces évolutions impliquent des réformes structurelles d’urgence, claires, expliquées, en ce qui concerne tant le financement de la protection sociale que l’accès aux soins.

Malheureusement, ce projet de loi de financement de la sécurité sociale passe à côté de l’essentiel de son sujet. Le paquebot de la sécurité sociale avancera en 2013 sans cap ni boussole. Votre projet sombre dans la facilité.

M. Jean-Marc Germain. C’est votre discours qui sombre dans la facilité !

M. Francis Vercamer. Il se résume en effet à une augmentation drastique des taxes, sans véritable cohérence ni vision de la politique de santé que vous voulez mener. C’est le cas avec la taxe comportementale sur la bière, qui n’est accompagnée d’aucun plan d’ensemble de lutte contre les addictions. C’est aussi le cas avec la taxe sur les retraites : plus de 7,5 millions de personnes sont mises à contribution pour financer un projet sur la dépendance sans contour, alors même qu’il était légitime que celui-ci repose sur la solidarité intergénérationnelle.

Vous augmentez taxes et cotisations, parfois même en revenant sur des accords interprofessionnels élaborés par les partenaires sociaux, quand vous modifiez le régime social de la rupture conventionnelle du contrat de travail.

M. Hervé Féron. Vous avez la mémoire courte !

M. Francis Vercamer. Le coût du travail augmente, mais aucune perspective claire de réforme de notre protection sociale n’est dessinée : il n’y a pas de cap !

Ainsi, nous ignorons toujours les orientations du Gouvernement pour assurer un financement pérenne de notre protection sociale. Vous avez supprimé la TVA sociale, mais vous n’apportez pas de solution pour éviter que nos dépenses de protection sociale ne reposent, pour l’essentiel, sur le travail et ne pénalisent la compétitivité.

De la même façon, nous ne voyons pas se dessiner de vision globale de la politique de santé publique. Les économies reposent sur la consommation de médicaments et l’industrie pharmaceutique, mais le financement de l’hôpital attend toujours d’être clarifié. Nous avons proposé une définition législative des missions d’intérêt général qui permette un financement de l’hôpital reposant sur des critères précis et transparents : vous avez refusé notre proposition.

Nous regrettons par ailleurs que vous n’ayez pas accepté notre amendement permettant une baisse du coût des mutuelles pour les étudiants.

Enfin, l’importance prise par les maladies chroniques impose que nous modifiions l’approche de l’accès aux soins, pour l’envisager dans le cadre d’un véritable parcours de santé. Si l’expérimentation que vous proposez sur ce point pour les personnes âgées va dans le bon sens, elle aurait, selon nous, mérité d’être élargie pour modifier plus rapidement les comportements de l’ensemble des patients.

Madame la ministre, la seule augmentation drastique des prélèvements et des cotisations ne constitue pas une stratégie de protection sociale.

Pour toutes ces raisons, le groupe UDI ne votera pas votre projet de budget de la sécurité sociale pour 2013. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI.)

M. le président. La parole est à Mme Véronique Massonneau, pour le groupe écologiste.

Mme Véronique Massonneau. Monsieur le président, mesdames les ministres, madame la présidente de la commission, mesdames et messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, après deux semaines de débats – qui ont d’ailleurs souvent été de bonne tenue –, en commission tout d’abord puis en séance la semaine dernière, nous votons aujourd’hui ce premier projet de loi de financement de la sécurité sociale de la nouvelle majorité.

Force est de constater qu’il s’agit d’un texte de qualité. Bien qu’il ait été présenté par certains comme un projet de loi de transition, son contenu prouve que nous avons affaire à un PLFSS marquant un véritable tournant par rapport à la politique menée lors de la précédente mandature. Ce tournant se caractérise par des mesures innovantes et courageuses, comme en témoignent les différentes expérimentations mises en place.

Le plus symbolique de ces dispositifs est bien sûr l’instauration du praticien territorial de médecine générale, qui s’inscrit dans une politique plus globale de lutte contre les déserts médicaux et sociaux. Ce véritable marronnier politique en matière de santé avait donné lieu jusqu’ici à de nombreux débats, chacun y allant de sa proposition, mais tout cela restait au stade des idées et non des actes. Ce PLFSS a le mérite d’instaurer une première expérience pratique.

Instaurer une première expérience pratique, c’est également ce que prévoit l’article 71 qui a pour objectif de permettre aux familles défavorisées de recourir à un assistant maternel grâce à un dispositif de tiers-payant. On retrouve ce dispositif de tiers-payant dans l’expérimentation venue compenser le retrait de l’amendement visant à exonérer les étudiants de TSCA. L’amendement du Gouvernement prévoit ainsi la dispense d’avance des frais pour les étudiants affiliés au régime général.

Tous ces dispositifs s’inscrivent dans une logique de justice sociale plus que bienvenue en cette période de crise, à laquelle les écologistes s’associent bien évidemment.

Au-delà des expérimentations, des signaux forts concernant la politique qui sera menée durant ces cinq prochaines années ont été envoyés. Je pense notamment à la prise en charge à 100 % de l’IVG, nouvelle étape ô combien importante dans le droit des femmes à disposer librement de leur corps.

Les échanges qui ont eu lieu au sein même de cet hémicycle lors de la discussion de cet article 43 montrent le travail qui reste à effectuer, mais également les volontés, passant outre les clivages politiques, de mener une réelle politique autour de ce sujet précis et, plus largement, de la contraception et de la prévention. L’amendement gouvernemental assurant une gratuité des moyens de contraception pour les mineures âgées d’au moins quinze ans va, évidemment, en ce sens. La suppression de la convergence tarifaire entre hôpitaux publics et privés est également une mesure symboliquement forte de ce PLFSS. Il s’agissait d’un dispositif idéologique. Le supprimer s’inscrit dans une politique de revalorisation de l’hôpital public.

En tant qu’écologistes, nous sommes, en outre, particulièrement satisfaits de l’encadrement de la publicité et de l’amendement de Mme la présidente de la commission à ce sujet.

Bien sûr, l’on peut toujours trouver telle ou telle critique à formuler à l’encontre de ce PLFSS. Les députés écologistes auraient, par exemple, souhaité de plus amples mesures sur la prévention ou la malnutrition. Mais nous avons pris bonne note des engagements de Mme la ministre concernant une grande loi sur la santé publique. Cette grande loi doit permettre une véritable réorientation – amorcée par ce PLFSS – des politiques de santé publique, de prévention, de réorganisation territoriale afin de lutter contre les inégalités et d’optimiser le système sanitaire.

Nous avons également entendu, madame la ministre, vos arguments lors de la discussion des différents amendements que nous avons portés. Nous actons votre volonté d’améliorer la situation des victimes de l’amiante en accélérant les procédures et vous en sommes reconnaissants. Nous vous rejoignons également, madame la ministre, lorsque vous prônez une concertation qui devra mener à une politique réfléchie et aboutie concernant l’accès aux soins des étudiants. Nous serons bien entendu vigilants quant à la mise en place de tous vos engagements, mais nous vous faisons confiance pour les mener à bien et ce projet de loi montre que la politique que vous avez engagée suit la bonne trajectoire.

En effet, ce projet de loi de financement de la sécurité sociale est la première mise en œuvre de la politique voulue par le Gouvernement dont l’objectif principal est le suivant : améliorer l’état de santé de la population en garantissant à chacun un accès aux soins et réduire les inégalités territoriales et sociales de santé.

C’est également l’objectif auxquels souscrivent les députés écologistes et c’est pourquoi nous voterons ce projet de loi de financement de la sécurité sociale. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. le président. Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à Mme Dominique Orliac, pour le groupe Radical, républicain, démocrate et progressiste.

Mme Dominique Orliac. Monsieur le président, madame la ministre, la crise économique que nous traversons nous contraint à réaliser de fortes économies. Je me réjouis que la santé et que notre système de protection sociale soient préservés, dans un contexte de maîtrise des dépenses publiques.

Plus que tout autre domaine d’intervention de l’État, notre système de sécurité sociale nous protège contre les impacts sociaux de cette crise économique. Il aurait été absurde de l’affaiblir, comme cela a pu être réalisé par le passé, alors que nos concitoyens n’en ont jamais eu autant besoin.

Les Français ne s’y trompent pas. Et leur attachement à notre système de protection sociale nous impose de le préserver et d’assurer sa longévité. C’est ce à quoi s’attache ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013.

Les mesures envisagées permettent d’infléchir l’augmentation tendancielle des dépenses, tout en renforçant les moyens indispensables à la qualité des services rendus, notamment en matière de santé. Cependant, nous relevons que ce budget ne compte pas assez de mesures structurelles, pourtant jugées indispensables, mais un ensemble de mesures traditionnelles, des propositions classiques d’ajustements, avec une nouvelle fois des économies sur le médicament. Nous attendions une vraie réforme structurelle, notamment sur les modes de prélèvements et sur l’ensemble du dispositif.

Néanmoins, l’on ne peut que se réjouir du retour de la notion de service public à l’hôpital. Les réformes passées, réalisées avec trop peu de concertation et bien trop de précipitation, avaient créé de fortes inquiétudes quant au devenir de notre système de soin.

Ces inquiétudes sont légitimes quand on sait que de nombreux médicaments n’ont cessé d’être déremboursés, que le forfait hospitalier a augmenté, que des franchises médicales ont été instaurées, que les spécificités des établissements de santé publique ont été ignorées, ou encore que la problématique des déserts médicaux s’est aggravée.

Le mérite de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale est de concilier l’impératif budgétaire avec celui de la qualité des soins. Les investissements hospitaliers sont non seulement maintenus, mais plus de 350 millions d’euros viendront s’ajouter aux moyens déjà existants. Ils devraient permettre d’accompagner les changements opérés dans nos hôpitaux publics.

C’est certainement insuffisant pour couvrir l’ensemble des besoins ressentis et on peut le déplorer. Mais, en cette période économique agitée, nous ne pouvons que nous en féliciter.

L’accent mis sur l’amélioration des parcours de soins est nécessaire car elle devrait faciliter la prise en charge des patients, réduire les délais d’intervention et renforcer l’adéquation des actes réalisés. Enfin, les mesures en faveur des personnes âgées et des personnes en situation de handicap sont indispensables.

L’augmentation des moyens à disposition du domaine médico-social accompagne les besoins ressentis auprès de ces populations. À cet égard, les investissements dans les établissements médico-sociaux sont un impératif compte tenu de la démographie de notre pays et du défi que constitue la dépendance.

L’augmentation des moyens en faveur des établissements et services médico-sociaux pour personnes en situation de handicap se traduira par la création de 3 000 places et facilitera leur prise en charge tout comme leur insertion.

En cette période de crise économique, cette maîtrise du déficit de la sécurité sociale associée à des réformes centrées sur une meilleure organisation des soins ainsi qu’à un renforcement des investissements en milieu hospitalier, ne saurait bien évidemment pas être réalisée sans une augmentation des recettes.

Les efforts budgétaires sont toujours difficiles à consentir. Le relèvement de certains prélèvements obligatoires rencontre naturellement de nombreuses résistances. Cependant, on peut à juste titre se réjouir que l’augmentation des prélèvements n’ait pas été généralisée car elle aurait affaibli ceux qui sont déjà fortement affectés par la crise économique.

Je voudrais enfin dire un mot de l’accord intervenu récemment sur les dépassements d’honoraires. On peut se féliciter que ces dépassements soient encadrés afin de faciliter l’accès aux soins pour tous. Cependant, on peut regretter que n’ait pas été abordé le sujet du prix du marché du remplacement médical tel qu’il s’impose aujourd’hui aux établissements hospitaliers publics dans un jeu déséquilibré de l’offre et de la demande.

Il est évident que de nombreuses questions restent encore en suspens pour améliorer l’offre de soins proposée à nos concitoyens. Mais le projet de loi de financement de la Sécurité sociale apporte des réponses, et cela malgré un nécessaire contrôle des dépenses.

Nous devons répondre à l’urgence de justice sociale criante dans notre pays. Nous le savons, la vraie question pour notre protection sociale, c’est aussi de retrouver une économie en expansion, donc une dynamique de recettes.

Pour toutes ces raisons, le groupe RRDP votera ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

Mme Jacqueline Fraysse. Ce premier PLFSS présenté par le nouveau Gouvernement est très préoccupant (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe UMP)…

M. Philippe Vitel. Nous avons dit la même chose. Nous sommes d’accord avec vous, madame Fraysse !

Mme Jacqueline Fraysse. …parce qu’il ne contient pas de mesures permettant d’engager les réformes structurelles nécessaires au financement équilibré et durable d’une protection sociale de qualité pour tous. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Le nombre grandissant de malades obligés de différer ou de renoncer à des soins aurait dû conduire à des mesures fortes pour enrayer ce processus.

M. Étienne Blanc. Bien sûr !

Mme Jacqueline Fraysse. De même, la situation extrêmement dégradée des hôpitaux publics, résultat de votre politique, messieurs de l’opposition (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC)

M. Bernard Accoyer. Non !

Mme Jacqueline Fraysse. …aurait exigé des mesures immédiates en leur direction. Ce n’est pas le cas parce que ce texte ne contient aucune mesure ambitieuse permettant de dégager les moyens d’un financement à la hauteur des besoins.

M. Philippe Vitel et Mme Geneviève Levy. Très juste !

Mme Jacqueline Fraysse. Vous avez refusé tous nos amendements visant à la fois des recettes nouvelles pour la sécurité sociale, davantage de justice, des investissements utiles et une lutte résolue contre la spéculation financière, en nous renvoyant systématiquement à une grande réforme du financement de la protection sociale.

Vous avez refusé de mettre à contribution les revenus des placements financiers des banques et des entreprises qui spéculent. En revanche, et en dehors de tout cadre, vous n’hésitez pas à instaurer immédiatement une nouvelle contribution de solidarité pour l’autonomie, dont devront s’acquitter les retraités imposables !

Évidemment, sans moyens financiers nouveaux, pas de possibilité de redresser la situation désastreuse laissée par les gouvernements de droite précédents…

M. Bernard Accoyer. Attaque gratuite !

Mme Jacqueline Fraysse. …et encore moins d’instaurer de nouveaux droits.

Ce renoncement sur le fond, face aux puissances d’argent, vous conduit à renoncer aussi aux mesures courageuses indispensables pour avancer.

M. Bertrand Pancher. Très juste !

Mme Jacqueline Fraysse. C’est ainsi que l’objectif de dépenses d’assurance maladie consacré aux hôpitaux pour 2013 reste, cette année encore, très inférieur à ce qui aurait été nécessaire, ne serait-ce que pour maintenir l’existant ! Il ne permettra pas d’enrayer la dégradation importante des conditions de travail des soignants, de l’ensemble du personnel et de l’accueil des patients. Les difficultés risquent donc de s’aggraver.

De même, vous renoncez à remettre en cause les franchises médicales et autres forfaits qui pèsent d’abord sur les plus modestes et, plus globalement, sur l’accès aux soins de nos concitoyens.

Et ce n’est pas le contenu de l’accord que vous avez accepté sous la pression des syndicats médicaux et sans la présence des représentants des usagers, qui remettra en cause les dépassements d’honoraires à la charge des patients. Au contraire, il les entérine et le risque est grand de les voir se multiplier.

Vous avez également renoncé à revenir sur le jour de carence imposé aux agents de la fonction publique,…

M. Gérard Cherpion. Heureusement !

Mme Jacqueline Fraysse. …sur la révision des indemnités journalières en cas de maladie, pas même sur la scandaleuse fiscalisation des indemnités d’accident du travail contre laquelle vous vous étiez pourtant indignés à juste titre.

Certes, ce texte contient quelques mesures positives, que nous avons bien sûr votées : le remboursement à 100 % de l’IVG pour toutes les femmes qui y ont recours, l’annonce de la réintroduction dans les textes de la notion de service public hospitalier et celle de la fin de la convergence tarifaire. Mais vous n’avez pas commencé à réduire les exonérations de cotisations sociales sur les bas salaires qui pèsent pour plus de 20 milliards d’euros sur les finances publiques et tirent toutes les rémunérations vers le bas.

M. Bernard Accoyer. Ce sont les 35 heures !

Mme Jacqueline Fraysse. Finalement, le manque de moyens et la logique comptable restent, hélas, à l’œuvre.

Force est de constater malheureusement que ce premier PLFSS n’envoie aucun signe de rupture résolue avec les dogmes précédents. Il est encore et toujours inscrit dans une perspective de déficit chronique envisagé jusqu’en 2017 avec, de surcroît, des prévisions de croissance et de masse salariale qui ont, hélas, bien peu de chance d’être atteintes et viendront aggraver encore les chiffres que vous nous présentez.

Si l’on ajoute à tout cela le fait que la T2A s’applique toujours dans le cadre de la loi Hôpital, patients, santé et territoire que vous n’envisagez pas d’abroger, c’est peu dire que nous sommes déçus. Nous ne pouvons pas accepter ces choix qui ont été si massivement rejetés par nos concitoyens. Ces derniers se sont majoritairement prononcés pour le changement et vous leur avez dit : « c’est maintenant. »

Pour toutes ces raisons – et avec regret –, les députés du Front de gauche voteront contre ce texte (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs du groupe UDI.) qui ne peut pas permettre à la gauche de réussir parce qu’elle ne s’en donne pas les moyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

M. le président. La parole est à M. Christian Paul, pour le groupe Socialiste, radical et citoyen.

M. Christian Paul. Monsieur le président, madame la ministre, mesdames les ministres, mes chers collègues, pour le budget de la sécurité sociale, comme pour le budget de l’État, il faut tourner les pages sans regrets.

Le PLFSS 2013, c’est le temps de l’action et les moyens d’agir. Ce n’est pas un budget d’attente, encore moins de transition, mais une inversion des tendances et une réorientation des politiques publiques qui s’engagent, enfin ! Là comme ailleurs, il faut redresser sans retard et agir juste.

Les économies que nous faisons dans ce PLFSS sont redéployées pour mieux soigner les Français. Là où le projet de loi crée des prélèvements, il en exonère les plus modestes. Nous l’avons fait pour les retraités. Nous avons fait le choix de la justice en réduisant les niches sociales et en corrigeant des situations inéquitables.

Disons-le clairement, ce budget permet à la sécurité sociale d’échapper à une malédiction. Les Français étaient condamnés à choisir entre les déficits et les sacrifices et souvent, avec vous, ils avaient les deux. Il fallait inexorablement taxer encore plus chaque année les malades et se résigner à ce qu’ils soient chaque année plus nombreux à renoncer à se faire soigner.

Le PLFSS 2013, c’est donc la reprise en main des comptes sociaux, après des années de dérives, mais pas n’importe comment : pour servir une meilleure protection des Français.

Ce sont des réformes de fond qui sont amorcées. C’est la consolidation de la médecine de proximité, attractive, de qualité, en équipe, après des années d’impuissance face aux déserts médicaux.

C’est le choix de renforcer l’hôpital public après des années passées à le dénigrer et à l’affaiblir. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Le PLFSS 2013, c’est le temps de conquêtes nouvelles, qui montrent que pour la protection des Français, le progrès est encore possible : l’interruption volontaire de grossesse remboursée à 100 %, ainsi que la gratuité de la contraception pour les jeunes filles de quinze à dix-huit ans.

Mme Jacqueline Maquet, M. Erwann Binet et M. Matthias Fekl. Très bien !

M. Christian Paul. L’année 2013 verra ainsi un progrès pour les droits des femmes qui, je l’espère, pourra tous nous rassembler cet après-midi.

C’est la fin du mythe de l’hôpital entreprise qui a fait tant de dégâts et qui laisse en grand désarroi la plupart des communautés professionnelles de la santé.

Ce sont des mesures qui rendent possibles les investissements hospitaliers indispensables des prochaines années.

Ce sont aussi de nouveaux outils pour rendre plus attractive la présence des professionnels de santé sur tout le territoire.

C’est le tiers payant étendu, en particulier, aux maisons de santé et aux étudiants.

Ce sont des innovations pour la qualité, avec des parcours de soins mieux coordonnés, en particulier pour les plus âgés, et des rémunérations mieux adaptées.

C’est l’accent mis sur un domaine de vigilance nécessaire, le médicament : il s’agit de faire en sorte que les Français bénéficient de tous les progrès de la recherche sans cesser de veiller à maîtriser la dépense et à renforcer le service rendu et la sécurité des médicaments. Là aussi, il faut restaurer la confiance.

C’est l’amélioration de la prise en charge des besoins en aide humaine pour les victimes d’accidents du travail et de maladies professionnelles.

Ce sont des améliorations pour les victimes de l’amiante.

C’est, pour la première fois, l’instauration d’indemnités journalières en faveur des agriculteurs pour couvrir le risque maladie.

Enfin – et ce n’est pas la moindre des avancées de ce projet de loi de financement – c’est, à la demande de notre groupe, l’extension du droit au congé de paternité à l’accueil de l’enfant dans toutes les familles.

Ce PLFSS veut engager une transformation positive de notre système de santé et de protection sociale. Nous le ferons avec tous les professionnels, dont nous saluons l’engagement, en mettant en avant des principes de justice, en privilégiant le dialogue, et en prenant nos responsabilités pour défendre un système de sécurité sociale protecteur et durable.

Voilà pourquoi, mesdames les ministres, le vote de ce PLFSS fait figure, en ce début de législature, de moment exceptionnel. Nous mesurons le travail accompli en quelques mois par le Gouvernement, travail qui précède et rend possibles beaucoup d’autres étapes. Nous sommes heureux de pouvoir vous dire que nous voterons ce budget, fièrement et solidairement. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Door pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Jean-Pierre Door. Monsieur le président, mesdames les ministres, mesdames, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, après les grands discours électoraux, on pouvait s’attendre à un PLFSS ambitieux pour 2013. C’était promis : on allait voir ce qu’on allait voir. Loin de tout cela, le débat du premier PLFSS du nouveau quinquennat ne nous offre aucun motif d’enthousiasme.

Votre budget de l’assurance maladie, qui s’élève à 175 milliards d’euros contre 170 milliards d’euros en 2012, est construit sur un mensonge et une grande irresponsabilité.

Votre avalanche de taxes et d’impôts va en effet toucher tous les Français, qu’ils soient actifs ou retraités, et, surtout, les classes moyennes. Elle va toucher les artisans, les commerçants, les professions indépendantes, les auto-entrepreneurs, les brasseries de bière et les services à la personne avec la disparition du chèque emploi service, laquelle suscitera à coup sûr la tentation d’un retour au travail au noir. Elle va toucher avec force le secteur de l’industrie du médicament, véritable poumon économique du pays. Elle va toucher une grande part de l’économie française.

Ce PLFSS présente donc des risques majeurs pour l’emploi et la croissance. Tout, d’ailleurs, dans votre action est contre la croissance. C’est grave, madame la ministre, car ce projet de loi de financement est en totale contradiction avec les déclarations du ministre du budget.

Non, la croissance ne se situera pas à 0,8 %, tout le monde le sait, puisqu’elle risque d’être négative ! Non, la masse salariale, compte tenu du chômage, ne s’accroîtra pas de 2,5 % !

Rien de cela ne sera au rendez-vous de 2013, et l’ONDAM, que vous avez fixé à 2,7 %, soit 4,6 milliards d’euros supplémentaires, va exploser : en franchissant la ligne jaune, vous subirez la loi du comité d’alerte. Cela vous obligera à rétropédaler, à trouver de nouvelles recettes et à réduire certaines prestations.

Trop de taxes et trop de dépenses égalent un déficit non maîtrisé !

Pour toutes ces raisons, votre PLFSS est budgétairement insincère. Vous serez contraints d’augmenter la CSG ou la TVA. Il faut le dire aux Français : ils veulent la vérité que vous leur cachez.

M. Christian Jacob. Très juste !

M. Jean-Pierre Door. Autre point de contestation : l’UMP ne souhaite pas la casse du secteur hospitalier privé que vous orchestrez en renonçant à la convergence tarifaire et à la tarification à l’activité au profit du tout public, à rebours de nos voisins européens. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Vous refusez de restructurer l’hôpital public. Vous refusez surtout la complémentarité entre le public et le privé.

Vos solutions pour lutter contre les déserts médicaux et les dépassements exagérés d’honoraires ne sont pour l’instant que des promesses et des belles paroles.

Madame la ministre de la santé, votre Gouvernement sera jugé sur le terrain, par les assurés, par les étudiants en médecine, par les médecins de ville, par les praticiens hospitaliers exerçant une activité libérale. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Enfin, je tiens à souligner que lors des débats de la semaine dernière, aucun amendement de l’opposition n’a été accepté par la majorité, fait sans précédent dans notre assemblée. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Votre PLFSS se résume à une multiplication de taxations et d’impôts et, surtout, à une cruelle absence de réformes structurelles et d’efforts de réduction des dépenses.

À la suite des avis défavorables que vous ont adressés les conseils d’administration des caisses nationales de l’assurance maladie, des allocations familiales, de l’assurance vieillesse, le groupe UMP votera contre votre texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur quelques sur les bancs du groupe UDI.)

Vote sur l’ensemble

M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix l’ensemble du projet de loi.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 546

Nombre de suffrages exprimés 546

Majorité absolue 274

(Le projet de loi est adopté.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé. Monsieur le président, au nom du Gouvernement, plus particulièrement de Jérôme Cahuzac, actuellement retenu au Sénat, de Michèle Delaunay, de Dominique Bertinotti et de Marie-Arlette Carlotti, je tiens à adresser des remerciements à l’ensemble de la représentation nationale pour la qualité du débat que nous avons eu. Je veux également remercier l’ensemble des services de la séance pour nous avoir permis de mener à bien cette discussion.

Vous me permettrez aussi d’adresser des remerciements particuliers aux parlementaires qui ont soutenu notre projet. Enfin, je voudrais remercier amicalement pour leur travail et leur coopération Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales, Christian Eckert, rapporteur général de la commission des finances, les rapporteurs Gérard Bapt, Christian Paul, Martine Pinville, Michel Issindou et Valérie Rabault, ainsi que Mme Geneviève Levy, rapporteure pour la famille. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinquante, est reprise à dix-sept heures, sous la présidence de M. Denis Baupin.)

Présidence de M. Denis Baupin,
vice-président

M. le président. La séance est reprise.

3

Projet de loi de finances pour 2013
Seconde partie

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2013 (n°s 235, 247).

Débat sur l’égalité hommes-femmes

M. le président. Nous abordons le débat sur l’égalité hommes-femmes.

La parole est à Mme Huguette Bello pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

Mme Huguette Bello. Au moment de prendre la parole pour participer à ce premier débat budgétaire sur l’égalité entre les hommes et les femmes, je ne peux m’empêcher de penser à ce drame de la séparation qui s’est déroulé il y a deux semaines et dont, madame la ministre, vous avez sans doute entendu parler.

Parce qu’elle voulait le quitter, une jeune femme de vingt-deux ans a été tuée par son compagnon, de même que sa mère et son frère dont la présence devait pourtant la protéger. Ce triple meurtre, suivi du suicide du meurtrier, ne s’est pas passé dans le Wisconsin aux États-Unis, mais dans une région française. C’était le 17 octobre dernier, à Saint-Louis, à la Réunion.

Ce drame vient nous rappeler, une fois de plus, à quel point les violences faites aux femmes et, plus largement, les violences intrafamiliales présentent toujours un visage terrifiant.

Loin de nous l’idée de sous-estimer les avancées enregistrées durant ces dernières années, notamment depuis l’adoption de la loi du 4 avril 2006 qui vise à prévenir et réprimer les violences au sein du couple. Les pouvoirs publics prennent progressivement conscience de ce phénomène et ces violences, longtemps confinées à la sphère privée en dépit de leur ampleur, sortent peu à peu de la rubrique des faits divers pour être traitées au niveau politique – car il s’agit bien d’un problème politique !

De même, la loi du 9 juillet 2010, adoptée à l’unanimité, confirme et renforce cette volonté de considérer les violences conjugales non seulement comme un problème de société, mais également comme une question de santé publique puisqu’elles constituent une des principales causes de la mortalité des femmes.

Mme Nicole Ameline. Très bien !

Mme Huguette Bello. La création d’une ordonnance de protection des victimes est une innovation capitale – même si ses modalités d’application peuvent encore être améliorées – grâce à laquelle peuvent être levés les obstacles contraignant les femmes à demeurer dans une situation de violence. Il serait d’ailleurs intéressant de disposer d’une première évaluation territoriale de sa mise en œuvre.

Ces avancées doivent être poursuivies. Nous saluons l’intention du Gouvernement de créer un Observatoire national des violences faites aux femmes, car des préconisations efficaces requièrent une appréciation précise. Or, la dernière enquête globale – la seule existant à ce jour – date de plus de dix ans. Nous vous remercions par avance de prendre en compte la situation des femmes des régions et collectivités d’outre-mer dans cette nouvelle instance, ainsi que dans la prochaine enquête « Virage 2014 ».

Un autre aspect nous semble également capital, qui concerne la formation de tous les personnels en contact avec les femmes victimes de violences. L’un des volets les plus importants de la politique de prévention vise en effet à améliorer l’accueil des victimes qui franchissent la porte d’un commissariat ou d’une gendarmerie, car – tous les intervenants sont unanimes pour le reconnaître – il s’agit d’un moment-clé.

Comment parler des violences faites aux femmes sans évoquer la question du logement et des carences en matière d’hébergement d’urgence ? À la Réunion, les appels au 115 relatifs aux violences conjugales concernent surtout les solutions d’hébergement.

Nous savons pouvoir compter sur le Gouvernement pour continuer à lutter contre ce fléau ; mais ce combat nécessite également un signal fort. Nous formons donc à nouveau le vœu que soit adoptée une loi-cadre, ou encore un dispositif-cadre, qui regroupe l’ensemble des mesures et des moyens concourant à la lutte contre les violences faites aux femmes.

Aujourd’hui, notre débat doit nécessairement porter sur le marché du travail car, en dépit de l’existence de sept lois spécifiques, l’égalité professionnelle prend souvent des allures de mirage. L’écart salarial entre les femmes et les hommes s’élève à 27 %, et toutes les raisons généralement invoquées pour expliquer cet écart – maternité, temps partiel, diplômes – ne suffisent pas à justifier l’ampleur des inégalités.

En effet, à diplôme, expériences, responsabilités et résultats identiques, une femme gagne 12 % de moins qu’un homme. Ce pourcentage mesure la discrimination liée au sexe – la discrimination pure. Dans le classement des pays en matière salariale, la France, pays des droits de l’homme, figure parmi les plus inégalitaires : elle se classe au 131e rang sur 134. C’est dire l’ampleur de votre tâche et la nécessité de passer à un mode d’action plus contraignant.

De même, l’inactivité, la précarité, le temps partiel subi se conjuguent surtout au féminin. À la Réunion, où le chômage frappe près de 30 % de la population active, et alors que le marché du travail n’en finit pas de se dégrader, les femmes se trouvent les plus durement atteintes : près de 60 000 d’entre elles sont privées d’emploi. En outre, elles sont également les plus nombreuses à dépendre des minima sociaux.

Les discriminations du marché du travail se répercutent au niveau des retraites. Comme vous le savez, la pension moyenne des femmes est inférieure de plus de 40 % à celle des hommes, et la réforme votée par le précédent gouvernement a aggravé la situation en augmentant de deux ans l’âge requis pour obtenir une retraite sans décote.

Les femmes, qui subissent ainsi deux années de précarité supplémentaires, en sont les principales victimes ; et le tableau est plus sombre encore pour les femmes d’agriculteurs parvenant à l’âge de la retraite. Nous attendons donc avec intérêt l’étude que le Conseil d’orientation des retraites consacrera spécifiquement aux retraites des femmes.

Pour conclure, permettez-moi de saluer la création d’un ministère des droits des femmes. Vous pouvez compter, madame la ministre, sur notre soutien dans votre action pour améliorer la situation des femmes, c’est-à-dire de la société tout entière. (Applaudissements sur tous les bancs.)

M. le président. La parole est à Mme Maud Olivier pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

Mme Maud Olivier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, faut-il se réjouir que la France ne compte plus aujourd’hui que 73 % d’hommes députés ? Faut-il se réjouir, comme le disait Mme Réjane Sénac, invitée la semaine dernière à célébrer avec nous le premier vote des femmes aux élections législatives de 1946, que la France, talonnant l’Afghanistan, passe du 69e au 34e rang mondial pour la proportion de femmes à l’Assemblée nationale ?

Oui, réjouissons-nous, car ce classement nous contraint à l’humilité et la lucidité. Notre vieille démocratie n’est pas la société des égaux espérée par Jean Jaurès, lorsqu’il affirmait « Assez parlé d’égalité, il est temps de faire des égaux ! » – et j’ajoute, pour ma part, « des égales ». L’égalité ne sera réelle que lorsque l’on cessera de demander aux femmes politiques ce qu’elles apportent de plus que les hommes.

Nous ne péchons certes pas par manque de lois, mais plutôt par notre incapacité à faire appliquer celles-ci et à susciter une prise de conscience collective. Cela nécessite de notre part une attention redoublée.

Chaque jour, il faut veiller, dans tous les domaines, à l’application du droit. Il faut s’assurer que chaque projet ou proposition de loi ne contribue pas à renforcer les inégalités, et mieux encore, les utiliser autant que possible comme un levier en faveur de l’égalité.

Tel est le choix opéré par la majorité, qui a décidé de désigner au sein du groupe socialiste un – ou une – « référent égalité » pour chaque commission. Nous avons ainsi pu amender la loi portant création des emplois d’avenir, la transformant en levier pour l’égalité professionnelle.

Le problème demeure parce que les actes de violences et les inégalités sont sans cesse ramenés à des cas particuliers. Or ce n’est pas une somme de cas particuliers qui justifie l’existence d’un écart salarial de 27 % entre femmes et hommes, ou le décès de trois femmes chaque semaine sous les coups de leurs conjoints, ou encore le fait que 99 % des clients de personnes prostituées sont des hommes.

Tout cela est en réalité le résultat de la construction millénaire d’une culture fondée sur la domination d’un sexe sur l’autre, et le développement de croyances affirmant qu’il s’agit de différences naturelles, et pour tout dire inéluctables. Les violences subies par les femmes en sont l’expression.

Ces questions portent donc bien sur des sujets de société : il s’agit de choisir la société dans laquelle nous voulons vivre.

Aujourd’hui les politiques publiques d’égalité femmes-hommes, et en particulier l’intégration du genre, nécessitent davantage qu’une posture : nous avons désormais besoin d’expertise et de ténacité.

Ce combat est tout d’abord politique. Nous devons en effet proposer à nos concitoyens et concitoyennes une société dans laquelle le sexe ne déterminerait pas leur destin. La force du symbole et la pugnacité des responsables politiques revêtent à cet égard une grande importance.

Ce combat doit également être quotidien dans la conduite de l’action publique. Il est en effet nécessaire de s’assurer qu’aucune décision n’exclura les femmes, et de se poser la question de l’égalité femmes-hommes dans le financement des politiques publiques. Il faut également mener des actions spécifiques visant à déconstruire les stéréotypes sexués dans la formation des professionnels. Nous devons enfin sensibiliser nos concitoyens en les encourageant à lutter contre le sexisme et en leur assurant une éducation à la sexualité.

Nous avons engagé la bataille en faveur de l’égalité femmes-hommes, mettant ainsi en application le changement voulu par François Hollande. Le Gouvernement est désormais paritaire, et comprend un ministère des droits des femmes de plein exercice.

Des avancées majeures ont déjà été obtenues dans le sens d’une approche intégrée de l’égalité : la nomination d’un haut fonctionnaire chargé de cette question dans chaque ministère ; la sensibilisation des ministres à cette nouvelle forme de politique publique ; la systématisation des études d’impact sur l’égalité dans les projets de lois ; ou encore l’intégration du genre dans le projet de loi de finances pour 2014.

Ce dernier point est important. Les budgets publics ne constituent pas uniquement des instruments économiques : ils traduisent des politiques en termes financiers et expriment des priorités qui ne sont pas neutres quant au genre. Ils ont en effet des conséquences différentes pour les femmes et les hommes, et reflètent les rapports de force existants dans la société : disparités économiques, conditions de vie différentes et attribution de rôles sociaux.

Pour une véritable stratégie de politique transversale d’égalité, il faudra mettre en place des objectifs et des indicateurs sexués dans tous les ministères. À titre d’exemple, il faut assigner à la police et à la justice des objectifs d’augmentation du taux d’enregistrement de plaintes en matière de violences faites aux femmes ou encore de réduction des violences.

Avec le Gouvernement, l’Assemblée nationale et son groupe majoritaire sont ainsi en ordre de marche pour porter un projet de loi de finances à la hauteur des ambitions du Président de la République, du Gouvernement et de toute la majorité. (Applaudissements sur tous les bancs.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Jo Zimmermann, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

Mme Marie-Jo Zimmermann. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’égalité entre les hommes et les femmes n’est toujours pas une réalité dans notre pays, en 2012.

Il existe bien une égalité de droits, une égalité en droit, mais cette réalité juridique ne résiste pas à l’épreuve des faits. Au cours des dix dernières années, pendant lesquelles j’ai assuré avec passion la présidence de la Délégation aux droits des femmes de cette assemblée, j’ai pu mesurer à quel point elle était même irréelle.

Je tiens à rendre hommage à l’ensemble des membres de la Délégation qui m’ont accompagnée dans cette tâche, tant pour le travail accompli et les combats menés que pour les avancées obtenues.

Cet engagement, c’est désormais à Mme Coutelle, qui m’a succédé à la tête de la Délégation, et à vous, madame la ministre, d’en relever le défi. Mais soyez assurées que vous me trouverez à vos côtés pour porter haut les couleurs de l’égalité entre les femmes et les hommes car, comme le disait Françoise Giroud, ce sujet n’est ni de droite, ni de gauche.

Le discours politique est souvent très éloigné des actes. Il vous appartient aujourd’hui de concrétiser les quarante engagements pour l’égalité hommes-femmes pris par François Hollande pendant la campagne présidentielle.

Le rétablissement d’un ministère des droits des femmes de plein exercice et la composition totalement paritaire du Gouvernement sont une réalité. Mais c’est au quotidien, sur la durée et dans tous les actes de votre politique que nous pourrons mesurer les effets de la volonté de votre gouvernement.

Pour l’heure, je n’ai qu’un seul regret à formuler : depuis le mois de juin dernier, 11 % seulement des personnes nommées en Conseil des ministres étaient des femmes, contre 89 % d’hommes. La parité n’a été atteinte pour la première fois que lors du Conseil des ministres du 3 octobre dernier. Je compte sur votre vigilance, madame la ministre, pour qu’il en soit toujours ainsi à l’avenir.

Quarante ans après le début du mouvement féministe, les femmes montent encore à cette tribune pour débattre des inégalités persistantes entre les sexes.

Certes, nous avons fait du chemin depuis quarante ans. L’égalité a progressé, mais lentement, trop lentement et nous sommes encore loin de réaliser notre postulat constitutionnel.

Les chiffres de cette réalité vous ont été rappelés et témoignent de l’ampleur des écarts qui subsistent en matière de temps partiel, de salaires, de postes de direction dans les entreprises comme dans la fonction publique.

Du côté politique, les chiffres ne sont pas bons dès qu’une élection se joue au scrutin uninominal, l’exemple le plus emblématique étant, bien entendu, celui des conseils généraux qui ne comptent que 14 % de femmes et 5 % de présidentes.

La pauvreté et l’exclusion par le chômage touchent davantage les femmes que les hommes, les femmes demeurent cantonnées à des professions dites féminines et le sexisme est encore présent dans toutes les strates de notre société. En outre, les luttes contre les violences conjugales, contre la prostitution, contre le viol, restent cruellement d’actualité.

Depuis 2002, des instruments supplémentaires ont été créés, tels que la Charte de l’égalité, le label Égalité, la HALDE, ou encore le premier document de politique transversale sur la politique de l’égalité institué en 2009. Les peines encourues pour propos sexistes ont été aggravées, des actions de sensibilisation tendant à améliorer l’image de la femme dans les médias ont été menées.

En ce qui concerne les violences à l’égard des femmes, des campagnes de prévention ont été organisées et un numéro d’appel téléphonique a été mis en place en vue d’améliorer les conditions d’accueil et d’écoute des femmes victimes. L’éviction du conjoint violent du domicile conjugal et la création d’une circonstance aggravante envers les violences commises au sein du couple procèdent de cette même détermination des gouvernements précédents d’apporter des réponses concrètes à des situations particulièrement dramatiques.

Depuis 2002, la question de l’égalité professionnelle, du temps partiel et de l’accession des femmes aux postes de responsabilité, a été au cœur des travaux de la Délégation aux droits des femmes.

Dès 2006, la loi Ameline sur l’égalité salariale instaurait un plancher de 20 % de femmes dans les conseils d’administration des sociétés anonymes et des entreprises publiques ainsi qu’aux élections des comités d’entreprise, des délégués du personnel, des commissions administratives paritaires de la fonction publique et des élections prud’homales. Or le Conseil constitutionnel, qui n’avait pas été saisi de ces dispositions, a soulevé d’office la question de leur conformité à la Constitution et les a censurées au motif, notamment, que la Constitution se limitait à favoriser l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et aux fonctions électives.

J’ouvre une parenthèse pour souligner l’acuité d’un autre argument avancé par le Conseil constitutionnel selon lequel « La considération du sexe ne doit pas l’emporter sur celle des capacités d’une personne », argument plein de bon sens que l’on aimerait voir s’appliquer un peu plus souvent. Je referme la parenthèse.

Mme Nicole Ameline. Très bien !

Mme Marie-Jo Zimmermann. Aussi, à la suite de cette censure, nous avons impulsé, lors de la révision constitutionnelle de 2008, l’inscription dans l’article 1er de la Constitution de la possibilité de favoriser, par la loi, l’égal accès des femmes et des hommes aux responsabilités professionnelles et sociales afin de pouvoir garantir leur place dans les processus de décisions économiques et sociaux.

À partir de ce préalable constitutionnel indispensable, nous avons pu inscrire dans la loi l’obligation pour les grandes entreprises d’intégrer 40 % de femmes dans leurs conseils d’administration et conseils de surveillance.

M. Philippe Le Ray. Très bien !

Mme Marie-Jo Zimmermann. Demain, le prochain défi, celui que nous relèverons ensemble, madame la ministre, sera d’imposer la parité dans les comités exécutifs de ces entreprises, en s’appuyant notamment sur la loi de 2001 et sur le rapport de situation comparée qu’elle institue.

Comme l’État doit être exemplaire en matière de parité et constituer une référence pour les entreprises, il aura dorénavant l’obligation d’intégrer 40 % de femmes dans la haute fonction publique. Je salue la volonté politique de François Sauvadet qui a permis de voter la loi du 12 mars 2012, à partir de propositions du rapport de Françoise Guégot.

Aujourd’hui, Viviane Reding souhaite entraîner l’Europe dans cette voie que nous avons tracée, mais se heurte malheureusement à de vives oppositions.

Grâce à ces dix ans à la tête de la Délégation, j’ai eu l’honneur de rencontrer des femmes d’exception, des femmes qui ont réussi dans des milieux essentiellement masculins, des femmes qui contribuent à faire avancer la société française en poussant des portes qui sinon resteraient fermées. Ces femmes qui ont osé vaincre les résistances et réussi à s’imposer doivent nous rappeler sans cesse que l’égalité professionnelle doit être atteinte et qu’il n’y a pas de déterminisme à cantonner les femmes dans des fonctions subalternes.

Ce combat pour l’égalité professionnelle, c’est aussi celui de l’égalité salariale. Les écarts salariaux qui, je le rappelle, sont de l’ordre de 25 % entre les hommes et les femmes, ont résisté à cinq lois majeures tentant de les éradiquer. Près de soixante-dix ans de construction de tout un arsenal législatif n’auront pas réussi à transformer une évidence en réalité. Soixante-dix ans : c’est dire si les vieux réflexes ont la vie dure !

Cela doit nous enseigner au moins une chose : l’égalité salariale ne saurait relever de la seule volonté du législateur. Les outils législatifs et réglementaires pour parvenir à l’égalité professionnelle et salariale, nous les avons. Il faut maintenant faire appliquer ces lois, contraindre, contrôler, sanctionner et mettre un terme à toute forme de tolérance et de complaisance sur ce sujet.

Faire émerger une véritable culture de l’égalité professionnelle et salariale suppose d’en faire une vraie priorité. Or ce n’est pas le cas aujourd’hui dans la plupart des entreprises. La loi Génisson du 9 mai 2001 constitue le socle de l’égalité professionnelle et salariale. Ce texte simple, de lecture et d’application faciles, créait une obligation de négociation dans l’entreprise sur la base d’un rapport de situation comparée, élaboré à partir d’indicateurs pertinents. Ces informations, qui constituent une grille de lecture commune à toutes les entreprises, à partir de statistiques sexuées, permettaient une vision et une analyse dynamiques. Cette loi, complétée par la loi de 2006 et remise d’actualité par la conférence tripartite de 2007, il s’agissait, non pas de la modifier mais de la rendre plus efficace. Or l’article 99 de la loi de 2010 portant réforme des retraites et son fameux décret d’application du 7 juillet 2011 ont constitué un réel recul. Madame la ministre, vous nous avez annoncé au mois de juin dernier la révision de ce décret. Nous attendons sa publication avec impatience. De grâce, revenons aux acquis des lois de 2001 et 2006.

Pour réussir l’égalité professionnelle, il faut imposer des résultats, résultats d’autant plus nécessaires compte tenu d’un contexte économique difficile dont les femmes sont toujours les premières victimes.

Mme Nicole Ameline. Très bien !

Mme Marie-Jo Zimmermann. Cela passe par des contraintes définies ; cela passe par une représentation plus équilibrée des femmes dans les comités d’entreprise et les organisations syndicales. Nous en avions posé les jalons en 2006 avant la censure du Conseil constitutionnel. Le dialogue social doit s’instaurer sur ce sujet.

Cela passe aussi par une meilleure déclinaison de cette politique au niveau local, une meilleure coordination des acteurs grâce aux missions que vous confierez aux délégués aux droits des femmes. Cela passe encore par une plus large implication des inspecteurs du travail et une augmentation de leurs effectifs car en matière d’égalité professionnelle, la fréquence moyenne des contrôles pour une entreprise est actuellement de une tous les dix ans. Cela passe aussi et surtout par une évolution de la société.

Il y a, en effet, dans notre pays, et dans d’autres d’ailleurs, ce qu’on pourrait appeler une structure informelle du pouvoir qui se caractérise, d’une part, par le cloisonnement général entre le monde masculin et le monde féminin, clairement visible sur le marché du travail comme à la maison, d’autre part, par la primauté des normes masculines. Pour un homme, la famille et les enfants ne sont pas considérés comme des obstacles à la progression de carrière. Je rappelle, en effet, que 80 % des tâches domestiques sont assurées par les femmes.

Madame la ministre, lorsqu’on parle de rendre obligatoire le congé paternité pour les hommes, on crie à la mesure coercitive. Mais on ne parle jamais de la terrible coercition qui oblige une femme salariée à prendre un minimum de cinq semaines de congé maternité. C’est donc à cette répartition et à ces mécanismes officieux du pouvoir qu’il faut à présent réfléchir.

M. le président. Merci de conclure, madame Zimmermann !

Mme Marie-Jo Zimmermann. Je conclus, monsieur le président.

Aujourd’hui, je répondrai que toutes les entreprises qui se sont engagées dans la conciliation de la vie professionnelle et de la vie familiale ont vu leurs performances accrues, qu’elles comptent une diversité de profils enrichissante et porteuse d’avenir, des perspectives nouvelles.

Je leur répondrai de considérer un instant tous les avantages qu’elles tireraient à mieux concilier vie de famille et vie professionnelle. Je pense d’ailleurs aux pères divorcés souvent obligés d’assurer seuls les tâches quotidiennes. Et, dans un élan d’optimisme, je veux croire que les hommes en sont capables, tout simplement parce qu’ils estiment juste de le faire.

Madame la ministre, la France a valeur d’exemple aujourd’hui et nous attendons beaucoup de votre part. (Applaudissements sur tous les bancs.)

M. le président. La parole est à Mme Sonia Lagarde, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

Mme Sonia Lagarde. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le sujet de l’égalité entre les femmes et les hommes est, avouons-le, souvent perçu comme une sorte de marronnier, une rengaine, une litanie.

Tout le monde semble d’accord sur le fond, tellement d’accord et depuis tellement longtemps que le sujet devrait être d’anthropologie. Mais, il reste d’actualité.

Beaucoup de travail a été fait depuis soixante-dix ans. Je pense à la loi de 1980 qui fait enfin du viol un crime, à la loi de 1967 qui autorise la contraception, au combat de Simone Veil pour l’interruption volontaire de grossesse et pour le divorce par consentement mutuel, en 1975, aux lois de 2006 et 2010 traitant des violences conjugales, mais aussi aux nouveaux droits réels des femmes dans la vie civile, professionnelle et politique grâce à la loi de 2000 sur la parité des candidatures politiques, qui a permis dès les élections municipales de 2001 de passer de 25,7 % à 47,5 % de femmes élues, enfin aux lois de janvier 2011 et de février 2012 imposant des quotas de femmes dans les conseils d’administration des grandes entreprises comme dans les rangs de la haute fonction publique.

Ce sujet n’est donc pas un marqueur politique. Il ne doit pas pour autant devenir un cliché. Il reste beaucoup à faire.

Ainsi que vous l’avez dit de maintes façons, madame la ministre, comme les collègues qui viennent de me précéder à cette tribune, le travail des femmes reste sectorisé, parcellisé, précarisé ou fonctionnarisé et, le plus souvent, non valorisé, notamment par des postes à responsabilités dans le secteur public comme dans les entreprises privées : 15 % de femmes dans les instances dirigeantes des groupes du CAC 40, 2 % de PDG femmes, 60 % des effectifs dans la fonction publique mais seulement 10 % des hauts fonctionnaires.

Et, je ne peux pas taire ce chiffre atroce, insupportable des 50 000 femmes qui sont, chaque année, violées ou violentées derrière les portes fermées de leur foyer. Et je ne peux pas taire le fait que la Nouvelle-Calédonie d’où je viens bat bien des records dans ces atrocités. On connaît bien ces interrogations et ces abominations. Mais il faut se poser les bonnes questions pour penser la place et le rôle des femmes.

C’est vrai qu’à certains égards nous sommes plus le pays des droits de l’homme que celui des droits de la femme et nous devons faire mieux car nous avons le besoin impératif de redonner du souffle à notre pays et à son économie, de rassembler toute notre ressource humaine nationale, de créer des mixités dans les entreprises comme dans le secteur non marchand, parce que c’est une condition de l’efficacité collective.

Ouvrons aux femmes les nouveaux secteurs économiques, notamment ceux de la révolution écologique, à des postes de responsabilité, à la tête d’entreprises.

Les femmes sont une ressource nouvelle pour notre société qui a besoin de se renouveler. Quand je vous dis cela, je ne montre pas du doigt le conservatisme masculin. D’ailleurs, le conservatisme est une façon d’être qui ignore aussi bien les frontières partisanes que les genres sexuels. Et ce sont les femmes elles-mêmes qui souvent transmettent le relais de ce qui les lie au passé.

Et quand je vous dis cela, je ne veux pas non plus rallumer les feux d’un féminisme soixante-huitard. Ce combat a pris aujourd’hui le visage des plus jeunes d’entre nous, cette génération Y des 18-30 ans. Cette génération de la débrouille et de l’empirisme dans une société peu accueillante n’attend pas la construction de nouvelles Bastille ou de lignes Maginot, fussent-elles pour son propre bien. Elle attend légitimement que le monde s’ouvre à elle, sans trop d’entraves.

Les quotas ne parlent pas beaucoup à ces femmes. Elles plaident plutôt pour la modification des critères d’évaluation, des rythmes et des lieux de travail, pour de nouvelles modalités de garde de leurs enfants, ou pour une sensibilisation des salariés.

Il faut écouter cette jeunesse, sans a priori, juste avec le désir de faire avancer toute notre communauté nationale, unie, rassemblée. Il faut être innovant pour qu’aucun talent ne soit gâché.

Nous le comprenons toutes et tous, au-delà du combat de l’égalité homme-femme, le message fondamental de notre République est là. C’est celui de la fraternité, c’est celui du refus des conservatismes et des sectarismes de tous genres. (Applaudissements sur tous les bancs.)

M. le président. La parole est à Mme Barbara Pompili, pour le groupe écologiste.

Mme Barbara Pompili. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens en tout premier lieu à vous remercier de l’organisation de ce débat car, oui, ce document de politique transversale pour l’égalité entre les femmes et les hommes est un très bon signal. Car, oui, l’égalité entre les femmes et les hommes nécessite une mobilisation générale.

Nous, les femmes, représentons 52 % de la population mondiale, nous effectuons 66 % des heures de travail et produisons 50 % des richesses nationales. Mais les femmes ne possèdent que 2 % des terres, reçoivent moins de 5 % des prêts bancaires et 70 % des pauvres sont des femmes.

Quant à leur sous-représentation aux postes de décision économique ou dans les institutions, elle est également alarmante. Dans les conseils d’administration des grandes entreprises européennes, à peine un membre sur dix est une femme et, dans 97 % des cas, le PDG est un homme. Pourtant, 60 % des diplômés de l’université sont des femmes.

C’est pourquoi la mobilisation doit être générale. Tous les niveaux de fonctionnement de notre société doivent être concernés.

J’approuve la dynamique lancée par la ministre aux Droits des femmes pour que chaque ministère se saisisse de cet enjeu majeur. L’approche transversale est ici déterminante. De même, douze ans après sa dernière réunion, la relance du comité interministériel aux droits des femmes et à l’égalité entre les femmes et les hommes va dans le bon sens. Nous en sommes fiers.

Madame la ministre, si la démarche que vous avez engagée est très positive, à l’image des nombreux chantiers que vous avez ouverts ces derniers mois, permettez-moi néanmoins d’appeler votre attention sur un certain nombre de points qui me paraissent essentiels.

Tout d’abord, concernant la parité et l’égalité professionnelle, la situation sur les bancs mêmes de cette Assemblée – avec seulement 152 femmes – montre qu’il faut dépasser les simples déclarations d’intentions ou les actions incitatives. Il faut imposer le changement, afin de ne plus permettre que la représentation des femmes dans les instances décisionnelles demeure une option. Je sais combien cet enjeu vous tient à cœur. Sachez que les écologistes vous soutiendront dans cette voie.

Pour une réelle une égalité professionnelle et salariale, il convient également d’organiser un service public de la petite enfance digne de ce nom. On sait que ce sont les femmes qui mettent de côté leur carrière pour s’occuper des enfants : pause dans la carrière ou travail partiel… Or, il manque 500 000 places pour accueillir les enfants de zéro à trois ans.

La mise en place d’un congé parental paritaire est également une piste à creuser pour favoriser l’investissement à part égale des deux parents dans la sphère familiale et contrer les éventuelles réticences des employeurs à embaucher des jeunes femmes.

De façon plus générale, la fin des stéréotypes de genre est également une priorité. Bravo pour vos premières annonces dans le cadre de la refondation de l’école, de la maternelle au lycée : anti-sexisme, prévention des violences subies par les filles, éducation sexuelle. L’école demeure en effet le lieu privilégié de l’apprentissage de l’égalité, du respect et de la tolérance.

La formation des futurs enseignants devrait d’ailleurs comprendre un volet spécifique sur la déconstruction des stéréotypes de genre. Or, on constate que les pratiques demeurent marquées – de façon parfois inconsciente – par ces idées préconçues, ce qui n’est pas sans effet sur les choix d’orientation des élèves.

Ne l’oublions pas, quelle est la meilleure arme pour combattre les stéréotypes et toutes les formes de violence, sinon l’éducation ?

À ce propos, je demeure inquiète quant au manque de places d’accueil pour les femmes victimes de violence. À Amiens, l’Union départementale d’accueil et d’urgence sociale, l’UDAUS 80, est régulièrement amenée, faute de place, à refuser des femmes victimes de violence. Nous savons combien cet enjeu vous préoccupe, mais il y a urgence : deux millions de femmes sont victimes de violences conjugales chaque année.

Sous le précédent gouvernement, les associations ont été malmenées. Les coupes budgétaires ont été drastiques, sans souci des effets sur les femmes, de la détérioration de leurs droits et de leur fragilisation.

Outre la diminution des crédits pour l’accueil des femmes victimes de violences, je pense au Planning familial ou encore aux fermetures de centres IVG. Parce que proclamer l’égalité, la parité ou encore annoncer le remboursement à 100 % de l’IVG ne suffit pas, il faut aujourd’hui donner encore plus les moyens aux structures, notamment associatives, qui œuvrent pour l’égalité entre les femmes et les hommes, plus de moyens pour permettre d’ouvrir de nouveaux centres IVG, ou encore plus de moyens afin d’augmenter les places d’accueil pour les femmes victimes de violence.

Madame la ministre, voici les principaux enjeux sur lesquels je souhaitais attirer votre attention, tout en vous réaffirmant le soutien sincère des écologistes aux priorités que vous avez définies et aux politiques et actions engagées. (Applaudissements sur tous les bancs.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Moignard, pour le groupe Radical, républicain, démocrate et progressiste.

M. Jacques Moignard. Monsieur le président, madame la ministre, mesdames et messieurs les députés, en concevant votre mission comme le combat de la troisième génération en matière de droits des femmes, vous ouvrez, madame la ministre, la porte de l’espoir aux jeunes de demain ainsi qu’aux femmes et aux hommes qui évoluent chaque jour dans une société aux contours bien arrêtés.

Il est bon de rappeler que, soixante-cinq années auparavant, la première génération avait aboli les discriminations de l’époque : interdiction de voter, de pouvoir être élue, d’ouvrir un compte bancaire sans autorisation. Trente années plus tard, la deuxième génération a bénéficié de droits liés à la condition féminine : contraception, interruption volontaire de grossesse. Le bilan actuel tend à affirmer que, malgré ces avancées, il convient d’appliquer et de faire appliquer ces lois. Pour faire simple et exprimer sans détour l’objectif de notre siècle, il faut faire évoluer les mentalités.

Comment penser que des textes de loi soient en mesure de faire évoluer des mentalités ?

La loi sur le harcèlement sexuel, votée il y a quelques jours, acte que la tolérance zéro va s’appliquer aux violences sexistes. N’est-ce pas là la démonstration d’un gouvernement paritaire qui veut considérer que tout projet de loi, tout décret, entre bien dans la logique de l’égalité des sexes ?

Avec 23 millions d’euros pour le programme 137, votre budget, madame la ministre, progresse de près de 15 %.

L’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, le soutien aux dispositifs de prévention et de lutte contre les violences constituent des priorités de premier plan.

La création de l’action 14 apparaît, dès lors, comme une innovation traduisant la volonté gouvernementale d’introduire une implication dans les expérimentations et une réelle évaluation des politiques de soutien aux droits des femmes.

Les 12 millions d’euros du Fonds social européen révèlent les intentions des neuf expérimentations régionales. Nous notons avec satisfaction que les crédits alloués aux principales associations partenaires sont maintenus et que la possibilité de conventions pluriannuelles d’objectifs va permettre une sécurisation des actions menées.

S’agissant de l’impact de la RGPP, en ces périodes tendues, la création de cinq postes destinés à animer le réseau et à mettre en œuvre des études d’impact donnera des orientations et de la lisibilité.

Nous avons bien compris que la lutte contre les stéréotypes, l’égalité professionnelle, la lutte contre la violence faite aux femmes et le droit des femmes à disposer de leur corps vont constituer les fondements des travaux du Comité Interministériel.

Nous ne pouvons ici décliner toutes ces priorités, mais dans le contexte actuel, en présence de schémas simplistes tels qu’ils sont présentés aux jeunes par les canaux multiples qui s’offrent à eux, la lutte contre les stéréotypes revêt une dimension sociétale. Nous pouvons parler de déviance d’avenir si ce combat ne parvient pas, en quelque temps restreints, à terrasser ce que je me plais à appeler le vulgaire. Vous voyez bien que le monde de l’image, le monde des sons, submergent la jeunesse, ne laissant que peu de place à l’hypothèse d’une égalité des sexes. On pourrait croire que tout porte au contraire...

Une priorité pour mon groupe est celle de la lutte contre la violence faite aux femmes. De la communication, certes, il en faut ; la création d’un observatoire national, bien sûr ; mais l’accueil et l’hébergement des femmes dont l’unique solution est de quitter le domicile doit faire l’objet d’une attention toute particulière.

Je l’ai dit, des révélations d’intervenants sociaux tendent à introduire cette notion capitale de non-assistance à personne en danger : être contraint de refouler à la rue des femmes victimes de violences faute de places disponibles est criminel ! Une coopération avec les mairies, les conseils généraux, doit s’engager. Elle existe certes déjà, mais les moyens, les dynamiques mis en œuvre ne suffisent pas.

Madame la ministre, nous avons la chance de nous voir présenter un budget lisible pour cette année 2013. Face à l’ampleur du sujet, maintenant que nous avons renoué avec un ministère de pleine compétence, les députés du groupe RRDP voteront les crédits de la promotion de l’égalité entre les femmes et les hommes. (Applaudissements sur tous les bancs.)

Mme Élisabeth Guigou. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Bruno Le Roux.

Mme Élisabeth Guigou. Il est très bien que des hommes prennent la parole sur ce sujet. (Applaudissements sur de nombreux bancs.)

M. Bruno Le Roux. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, c’est l’honneur de notre Assemblée de mettre aujourd’hui, en ouverture des débats sur la deuxième partie du projet de loi de finances, cette question de l’égalité au cœur des politiques publiques.

Nous le savons, le succès de celles-ci, singulièrement des politiques publiques transversales comme l’égalité entre les hommes et les femmes, dépend de leur prise en compte dès et dans la procédure budgétaire. Notre débat d’aujourd’hui est donc, madame la ministre, une initiative judicieuse et utile. Le groupe SRC et l’ensemble de la majorité en mesurent la signification et la portée. C’est la raison de ma présence à cette tribune, au nom de tous les députés de mon groupe.

Depuis le mois de mai, trois pas manifestant notre aspiration à l’égalité ont permis de comprendre le sens que nous donnons à notre action.

D’abord, le gouvernement auquel vous appartenez, madame la ministre, le gouvernement de Jean-Marc Ayrault, est le premier gouvernement paritaire de l’histoire de la République. Dix-neuf femmes et dix-neuf hommes composent aujourd’hui le gouvernement de la France. Cette avancée doit devenir maintenant irréversible. Le ministère des droits des femmes de plein exercice que vous dirigez doit y contribuer.

L’adoption, dès cet été, de la loi sur le harcèlement sexuel, n’a pas seulement comblé un vide juridique issu de la décision du Conseil constitutionnel du 4 mai 2012 : elle affirme notre volonté, dès le début de cette législature, d’être intraitables avec les violences sexistes.

Mme Clotilde Valter. Très bien !

M. Bruno Le Roux. L’augmentation, enfin, de 15 % des crédits de votre ministère et le fléchage de 12 millions d’euros issus du FSE pour développer les bonnes pratiques régionales sont encore des signes majeurs donnés dès le début de cette législature.

Cette législature doit également permettre d’engager d’autres grandes avancées, madame la ministre. Un grand texte sur l’égalité professionnelle devra être présenté. Dans le récent rapport du World Economic Forum sur les écarts de salaires entre les femmes et les hommes, la France occupe un indigne cinquante-septième rang sur les 135 pays notés. Faute d’une action résolue, notre pays n’a eu de cesse de régresser ces dernières années.

Madame la ministre, vous avez récemment pris une initiative forte pour soigner un mal français que n’apprécient guère les parlementaires : la non-application de la loi. Vous pourrez compter sur notre soutien pour accompagner votre volonté de faire appliquer l’article 99 de la loi du 9 novembre 2010, qui prévoit une sanction financière pouvant aller jusqu’à 1 % de la masse salariale dans les entreprises de plus de cinquante salariés ne promouvant pas l’égalité professionnelle.

Nous voulons vous dire que la majorité parlementaire est disponible pour adopter aussi un grand texte sur l’égalité professionnelle qui dote notre pays de tous les outils pour mener ce combat en faveur de la justice : un combat également marqué du sceau du pragmatisme. Nous avons travaillé durant la législature précédente, je veux le souligner et c’était le sens des applaudissements que nous avons adressés aux différents intervenants dont la précédente présidente de la délégation aux droits des femmes, avec qui nous avons mené un travail durant toute la législature : je regrette que ce travail n’ait pas permis toujours de déboucher ici, dans l’hémicycle, et qu’il y ait eu de trop nombreux barrages au bon travail fait par la délégation aux droits des femmes. Je sais que votre ministère de plein exercice aidera à ce passage entre des travaux bien menés par cette délégation et une transcription législative. En effet, toutes les études montrent que l’égalité professionnelle est source de croissance économique.

Par ailleurs, madame la ministre, le combat contre les violences faites aux femmes doit encore s’intensifier. Ces violences, qu’elles soient domestiques ou pas, doivent être éradiquées : nous devons mener une lutte sans merci contre leurs auteurs, en lien avec la police, la justice, le tissu associatif et l’ensemble des acteurs.

Madame la ministre, notre majorité est également disponible pour réfléchir avec vous aux modalités d’achèvement du processus qui conduit à la parité en politique. Cette assemblée est la plus paritaire de l’histoire. Pourtant, nous sommes encore à 133 sièges de la parité réelle. Le groupe socialiste avait déposé, sous les précédentes législatures, des propositions de loi tendant à supprimer l’aide publique aux formations politiques qui ne respectent pas la parité aux élections législatives. Sur cette base, un texte pourrait être élaboré, peut-être de façon plus fine encore, pour apporter la touche finale à l’œuvre entamée en 1997 par le Gouvernement de Lionel Jospin. Et à ce moment-là, madame la ministre, nous serons exemplaires.

J’en discutais il y a quelques minutes avec Serge Janquin, qui est lui aussi passionné par ces questions sur lesquelles notre parole peut porter à l’étranger : quand nous serons exemplaires ici, madame la ministre, alors la voix de la France pourra aussi porter ailleurs.

Et j’affirme ici que dans les pays où des révolutions libèrent les peuples, ces révolutions ne peuvent pas oppresser les femmes. (Applaudissements sur tous les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

Mme Élisabeth Guigou et Mme Marie-Jo Zimmermann. Très bien !

M. Bruno Le Roux. Et plus notre voix, ici, sera forte, plus elle portera à l’étranger pour lutter contre toutes les oppressions dont les femmes sont victimes.

Madame la ministre, l’égalité ne se paie pas de mots, elle se nourrit de l’action, de la volonté, de la détermination. Notre majorité n’en manque pas, elle l’a déjà prouvé et ne compte pas s’arrêter en si bon chemin. Vous avez notre entier soutien. Nous sommes heureux d’appartenir à une majorité féministe. (Applaudissements sur tous les bancs.)

M. le président. La parole est à M. Christophe Sirugue, suppléant Mme Catherine Coutelle, présidente de la délégation aux droits des femmes.

M. Christophe Sirugue, suppléant Mme Catherine Coutelle, présidente de la délégation aux droits des femmes. Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, je constate que nous sommes nombreux à le faire au cours de cette séance, mais comment comprendrait-on que, m’exprimant au nom de la délégation aux droits des femmes, je ne puisse vous dire notre plaisir de disposer, à travers vous, enfin, d’un ministère de plein droit pour le droit des femmes.

C’était un engagement de campagne de François Hollande, c’est aujourd’hui une réalité. Elle s’inscrit comme un acte politique fort. Vous contribuez d’ailleurs à lui donner le rayonnement tant attendu et je peux témoigner, comme rapporteur pour avis, depuis quatre ans, de la commission des affaires sociales sur la mission solidarités, insertion et égalité des chances, mission qui recouvre une part importante de vos crédits, que mon travail a été grandement simplifié cette année par votre action et votre investissement.

Ce débat s’inscrit dans un environnement qui justifie une mobilisation permanente pour contribuer à promouvoir le droit des femmes dans notre société. Même quand les combats semblent justes et nécessaires, comme cela est le cas sur l’égalité professionnelle, le constat des avancées réelles est ô combien décevant !

Même quand l’urgence est décrétée, comme pour les violences de quelque nature que ce soit faites aux femmes, le bilan demeure toujours aussi alarmant, à supposer qu’il ne s’aggrave pas. Même quand on pensait les victoires acquises, parfois de haute lutte, les remises en cause sont permanentes comme pour la contraception et l’interruption volontaire de grossesse. Même quand on s’inscrit dans le sens du progrès, on ne peut que constater la précarité professionnelle quotidienne des femmes, de celles qui travaillent comme de celles qui atteignent l’âge de la retraite.

Les batailles restent nombreuses et vous pourrez, pour cela, compter sur la délégation aux droits des femmes de l’Assemblée, présidée par notre collègue Catherine Coutelle, malheureusement absente et excusée ce jour mais qui joint sa parole à la mienne à travers cette intervention.

Mener ces batailles nécessite à la fois des actes politiques forts et des moyens pour les assumer. Parmi ces actes politiques, il y a, madame la ministre, celui qui vous vaut d’être ici, bien sûr, et qui marque l’engagement résolu du Président de la République et du Premier ministre. Il y a le fait que vous siégez dans un gouvernement pour la première fois composé de manière paritaire. Mais il y a aussi la mise en place d’un comité interministériel inexistant depuis plus de douze ans, qui permettra de donner force et cohérence aux politiques publiques en ce domaine. Il y a une liste de référents identifiés au sein de chaque administration et de chaque cabinet ministériel. Il y a aussi un premier projet de loi qui nous mobilisait dès le mois de juillet sur le harcèlement sexuel ; et bien d’autres en préparation.

Les actes sont là. Ils sont forts. Ils sont politiques. J’ai énoncé des actes, voyons les moyens.

Ils sont inscrits dans le cadre du projet de loi de finances pour 2013 dont je souhaite vous dire quelques mots et sur quelques aspects méritants duquel, peut-être, je souhaite vous interroger.

Même si c’est un budget qui reste aux yeux des membres de la délégation aux droits des femmes encore modeste, avec ses 23 millions d’euros, je note une progression de 15 % de son montant, soit 3 millions d’euros supplémentaires, ce qui, dans le contexte budgétaire général, mérite d’être relevé comme un élément positif. Il met surtout fin à l’insincérité budgétaire qui était l’apanage de la mission solidarité ces dernières années.

L’apparition d’une nouvelle action 14 est pleine de promesses quant aux batailles que j’évoquais au début de mon propos. En effet, nous percevons ce fonds budgétaire comme la volonté de mettre en œuvre des programmes de soutien et d’expérimentation et de fonder les bases de nouvelles pratiques au service de l’égalité professionnelle à nos yeux essentielle et de la protection effective des femmes face à la violence. Ce fonds nous semble être un prolongement intéressant de la conférence sociale qui s’est tenue il y a quelques semaines. Il constitue en tout cas un objectif, et un objectif clair que je me plais à souligner depuis cette tribune. Il est l’élément majeur et nouveau de ce budget sur lequel nous serons bien sûr vigilants afin d’analyser les retombées effectives de cet axe d’intervention.

Il nous importe aussi beaucoup que les associations qui sont les relais indispensables sur le terrain soient correctement accompagnées. De ce point de vue, depuis les négociations qu’avait menées M. Hortefeux et l’orientation imposée sur l’Acsé pour 500 000 euros afin de combler la baisse des dotations données à ces associations à l’époque, nous restons demandeurs d’un « refléchage » de ces sommes directement vers les subventions versées par votre ministère. Ce n’est pas le cas dans ce budget 2013 et nous continuons à penser que la situation inégalitaire ainsi constituée d’une région à l’autre et d’une association à l’autre méritera d’être revue.

De même, il nous semble que le principe de conventions pluriannuelles devrait être de mise pour des associations dont les actions s’inscrivent dans la durée et ont besoin de stabilité. De ce point de vue, vous pourrez peut-être nous indiquer quelle sera votre volonté en ce domaine, quelle est la teneur de votre discussion avec certaines associations puisque j’ai cru comprendre, à travers la discussion avec les membres de votre cabinet, qu’on pouvait noter des avancées significatives.

Enfin, je souhaite vous faire part de nos doutes quant aux moyens consacrés à la lutte contre la prostitution dont il nous semblait qu’elle constituait pourtant une orientation forte pour vous. Or, avec seulement 1,87 million d’euros, les moyens semblent bien limités même s’ils sont en progression de près de 17 % par rapport à l’an passé. Pourrez-vous, madame la ministre, nous préciser ce que sont les axes clés de votre politique en ce domaine ?

Les travaux que j’ai effectués en tant que rapporteur pour avis à l’occasion de l’examen du projet de loi pour 2013, travaux que j’ai pu exposer à la délégation aux droits des femmes, m’ont amené à constater la multiplication de plateformes téléphoniques destinées à parer aux risques encourus par trop de femmes. Si, bien sûr, il n’est pas question pour moi de remettre en cause le travail des associations qui pilotent ces plateformes – j’ai même plutôt envie de le saluer –, je m’interroge tout de même sur la lisibilité de ces dispositifs pour les femmes victimes. Nous souhaiterions que ce dossier soit examiné de près mais je suis confiant puisque vous avez évoqué cette question lors de votre audition par notre délégation.

Ce débat nous conduit à évoquer la France, son organisation sociale. Il reste que, comme vient de le rappeler le président Le Roux, nous sommes internationalistes et je ne peux empêcher que ce message sur la place, le rôle et le respect de la femme soit aussi porté au plan international. Ainsi, le mouvement d’émancipation dans les pays arabes, que nous avons soutenu, a plus que jamais besoin de la vigilance de la communauté internationale sur les enjeux du genre. Je ne pouvais pas ne pas mentionner cet aspect de notre engagement politique, cela au nom de la délégation aux droits des femmes qui se préoccupe des dits droits dans notre pays, certes, mais qui a vocation à observer ce qui se passe dans l’ensemble du monde.

En somme, nous sommes satisfaits de l’orientation donnée par le Gouvernement à la politique en faveur du droit des femmes. Cependant, les besoins sont considérables et les enjeux majeurs. Ils justifient notre vigilance et peut-être une forme d’impatience mais nous savons reconnaître ceux qui font progresser la cause des femmes dans notre société.

Une dernière requête, madame la ministre : le titre de la mission dont j’ai l’honneur d’être le rapporteur pour avis s’intitule : « Solidarité, insertion, égalité des chances » ; et si, l’an prochain, il pouvait s’intituler : « Solidarité, insertion, égalité des droits » ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre des droits des femmes, porte-parole du Gouvernement.

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, je me réjouis que l’Assemblée ait mis à l’ordre du jour, juste avant la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances, la tenue d’un débat sur la politique de l’égalité entre les femmes et les hommes. C’est en effet une première – certains d’entre vous l’ont saluée – que je mets au compte de notre commune intention, Gouvernement et Parlement, de franchir une nouvelle étape vers l’égalité entre les femmes et les hommes.

Cette nouvelle étape, c’est celle que je qualifie de l’égalité effective, celle de la mise en œuvre des lois que le Parlement a votées – cela peut paraître évident, cela ne l’est visiblement pas –, celle de l’engagement sur tous les terrains pour faire avancer la situation des femmes, situation dont les chiffres nous rappellent régulièrement, s’il le fallait, qu’elle reste trop systématiquement bien moins avantageuse pour les femmes que pour les hommes.

Certains d’entre vous m’ont entendu le dire : je veux être la ministre de la troisième génération des droits des femmes. Après la seconde guerre mondiale, en effet, deux types de combat ont été menés : le premier a consisté à effacer de la loi, des textes, toutes les discriminations faites aux femmes – l’impossibilité de voter, d’ouvrir un compte sans l’autorisation du mari… Le second, dans les années 1970-1980, a consisté à offrir aux femmes des droits nouveaux liés à leur condition spécifique de femme – droit à la contraception, droit à l’IVG…

À la lumière de l’obtention de ces droits, on peut se dire qu’on a tout obtenu. La loi a permis d’obtenir beaucoup de choses en effet mais pas dans les faits ; c’est bien là le problème. Aussi, la troisième génération des droits des femmes est tout simplement celle de leur effectivité, celle de la mise en œuvre de ces différents principes pour qu’ils ne restent pas des concepts mais deviennent réalité au quotidien dans la vie de nos concitoyennes et de nos concitoyens.

Comme me le montre le travail entamé depuis le mois de mai dernier avec la délégation aux droits des femmes, que je tiens à saluer vivement, comme me le montre également chacune de vos interventions aujourd’hui, l’occasion nous est donnée d’engager un processus, que je souhaite régulier, pour que nous prenions le temps d’interroger la politique de l’égalité entre les femmes et les hommes, que nous débattions de ses orientations, de ses implications budgétaires et de ses résultats.

Ce premier débat vient à point nommé puisque, dans quelques jours, je présenterai mon budget en commission élargie au sein de votre assemblée, puisque vous-mêmes examinerez l’ensemble des 27 programmes qui contribuent à cette politique transversale, enfin puisque, à la fin du mois de novembre, le Président de la République s’exprimera sur les droits des femmes et le Premier ministre présidera le comité interministériel aux droits des femmes pour fixer au Gouvernement tout entier une feuille de route ambitieuse en matière d’égalité entre les sexes.

Je voudrais maintenant, à la lumière des préoccupations que chacun d’entre vous a exprimées, faire un point d’étape de mon action au ministère des droits des femmes et vous présenter les orientations de cette politique transversale. Je ne serai sans doute pas exhaustive et je reviendrai, dans mes réponses à vos questions, sur les points que je n’aurais pas abordés.

Depuis le mois de mai, les droits des femmes sont redevenus une politique publique à part entière. Nous avons réinstallé un ministère des droits des femmes au cœur de l’appareil gouvernemental. Nous avons fait voter, comme tout premier texte, la loi sur le harcèlement sexuel. Nous avons mis la question de l’égalité entre les sexes au cœur de la grande conférence sociale et défini une feuille de route avec les partenaires sociaux, que nous déclinons ensemble, avec les régions également, depuis septembre.

Pour préparer le comité interministériel de fin novembre, qui ne s’était pas réuni, en effet, depuis de très longues années, nous avons dû profondément repenser les méthodes de travail du Gouvernement.

Ces derniers mois, chacun de mes collègues a remobilisé son ministère sur ces questions d’égalité. Chacun m’a fait des propositions dans un cadre que nous avons structuré et que je souhaite désormais permanent : les conférences de l’égalité, qui se sont tenues tout au long du mois du septembre. Au cours de ces réunions contradictoires, chaque ministère a été invité à repenser sa contribution à la politique de l’égalité. Comme Maud Olivier l’a rappelé, il est indispensable d’intégrer la dimension du genre dans toutes les politiques publiques et dans tous les budgets.

Mes collègues ministres se sont impliqués personnellement dans ce travail, y compris, pour la quasi-totalité d’entre eux, en se prêtant à l’exercice des actions de sensibilisation sur les stéréotypes de genre, dont chacun d’entre vous a bien conscience qu’ils perdurent partout, dans tous les domaines. Si nous voulons les déconstruire, il faut s’y attaquer méthodiquement.

Les ministres ont désigné auprès d’eux un haut fonctionnaire à l’égalité des droits et chargé l’un de leurs conseillers d’une fonction de référent. Nous construirons ainsi un réseau pérenne et mobilisé.

Un autre exemple de cette nouvelle gouvernance est la systématisation des études d’impact. Depuis la circulaire du Premier ministre du 20 août dernier, le principe a été retenu d’accompagner chaque projet de loi, chaque projet de décret, d’un volet permettant d’apprécier l’apport du texte en regard de l’égalité entre les femmes et les hommes.

Avec Pierre Moscovici et Jérôme Cahuzac, nous travaillons d’ores et déjà à définir une méthode permettant d’inscrire dans l’ensemble des programmes budgétaires des indicateurs de l’égalité entre les hommes et les femmes, et d’évaluer l’impact des textes financiers, le PLF et le PLFSS, en s’inspirant des techniques de gender budgeting développées dans d’autres pays.

Il faut bien avouer que le document de politique transversale qui rassemble les vingt-sept programmes budgétaires de l’État et qui sert aujourd’hui de base à notre discussion, peut encore largement progresser. On y retrouve, bien entendu, les programmes des ministères impliqués dans l’éducation, la santé, l’égalité professionnelle et la lutte contre les violences, mais je trouve que ce DPT ressemble encore trop à une compilation raisonnée d’indicateurs et de programmes sectoriels ciblant les femmes et l’égalité entre les femmes et les hommes. Il ne prend pas assez en compte, par exemple, l’apport de la politique de ressources humaines de l’État ; par ailleurs, je le trouve insuffisamment articulé avec les plans stratégiques pour l’égalité développés dans les territoires par les préfets de région, ainsi qu’avec les actions conduites par les ARS.

Nous réaliserons ce travail d’approfondissement en profitant du temps de préparation du budget pour 2014 et en prenant en compte les suggestions que vous pourrez nous faire au cours de ce débat, car c’est à cela qu’il sert. Je tiens, à ce propos, à remercier particulièrement M. Sirugue pour le travail approfondi qu’il a accompli. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Les crédits de cette politique transversale sont en légère progression par rapport à 2012, puisqu’ils sont évalués à plus de 192 millions d’euros dans le PLF pour 2013 : c’est donc bien davantage que les 23,3 millions d’euros du programme 137, et cela démontre, s’il était besoin, l’importance de l’effet démultiplicateur d’une politique transversale.

Au-delà des chiffres, ce qui compte le plus, c’est la logique de transversalité, et le comité interministériel qui doit bientôt se réunir va permettre d’installer cette transversalité dans la durée.

Je pense à la question de la parité politique où, de fait, des progrès sont encore attendus. Sachez que je travaille en lien étroit avec mes collègues et que je me suis entretenue avec Lionel Jospin sur les voies et les moyens d’un plus juste équilibre dans la représentation des femmes à l’Assemblée nationale, au Sénat, et peut-être, au-delà du cadre envisagé par la commission Jospin, dans les territoires.

Je pense aussi à cette autre question transversale qu’est la politique internationale. Avec Laurent Fabius, nous avons défini, pour nos ambassadeurs, les lignes directrices d’une véritable « diplomatie des droits des femmes ». Il s’agit d’abord de soutenir, au niveau européen, les initiatives porteuses de progrès : je pense, par exemple, à l’initiative de la commissaire Reding concernant l’institution de quotas de femmes dans les conseils d’administration. Il s’agit aussi de défendre, dans les instances internationales, les engagements de Pékin contre ceux – ils sont malheureusement nombreux – qui veulent faire reculer les droits des femmes, notamment en matière de droit à l’avortement.

La précarité des femmes est un autre problème qui relève de politiques transversales : nous l’aborderons lors de la conférence sur la pauvreté, que le Président de la République a récemment annoncée.

Pour mettre en œuvre une nouvelle politique, le Premier ministre a souhaité que je dispose des moyens d’agir. Je les présenterai en détail le 6 novembre, mais je signale d’ores et déjà que ce budget est inscrit au rang des priorités du Gouvernement et qu’il voit ses crédits progresser de près de 15 % en 2013, pour atteindre 23,3 millions d’euros.

Au-delà du programme 137, je pourrai disposer des moyens du service d’information gouvernemental pour conduire des actions de communication et de sensibilisation. Vous êtes parfaitement conscients de l’impact que peuvent avoir des campagnes d’affichage et de communication sur de tels sujets. Je sais pouvoir compter également sur une enveloppe de 12 millions d’euros de crédits FSE pour mener des expérimentations en matière d’égalité professionnelle, avec les régions et les partenaires sociaux. Une mobilisation totale des collectivités locales permettra de réaliser des progrès importants, car un grand nombre d’entre elles ont mené de véritables expérimentations et trouvé des solutions innovantes au cours des dernières années. Il faut donc s’appuyer sur elles pour aller plus loin.

S’agissant maintenant des moyens humains, le plafond d’emploi des personnels dédiés à la politique des droits des femmes est porté de 184 à 189 emplois équivalents temps plein : cinq postes seront créés au sein du service des droits des femmes, pour soutenir l’animation du réseau, la création d’un fonds d’expérimentation sociale et la mise en place des études d’impact.

Au-delà de l’échelle nationale, les moyens des services déconcentrés – je sais que vous avez tous à cœur le sort des déléguées régionales aux droits des femmes et des chargées de mission départementales – seront maintenus, y compris, et c’est une nouveauté, lorsqu’ils sont constitués d’emplois mis à disposition par d’autres ministères. Vous savez que la tendance, ces dernières années, était plutôt à geler le renouvellement de ces postes qu’à les reconduire.

Avec ces moyens, qui restent limités, je veux mettre l’accent sur des expérimentations qui, parce qu’elles seront évaluées – et je tiens beaucoup à l’évaluation –, auront de véritables effets de levier. J’ai également le souci de tenir les engagements que j’ai pris, s’agissant par exemple de la création d’une instance nationale dédiée aux violences faites aux femmes. Je veillerai aussi à ce que soient maintenus les moyens des associations qui travaillent, au quotidien, aux côtés du ministère, au plus près des femmes.

Voilà pour ce qui concerne les méthodes de travail. Venons-en à présent au fond et aux politiques que nous menons.

Le programme du Gouvernement commence dès le plus jeune âge, c’est-à-dire à l’école, et il vise à changer les mentalités. Je l’ai dit : la priorité, pour rendre l’égalité effective, c’est de lutter contre le sexisme ordinaire, contre les représentations et les stéréotypes sexistes. Ceux-ci sont partout : à l’école, dans le sport et les activités associatives, dans les médias et la publicité. Les chantiers sont donc nombreux.

Parce que ce sujet est lourd de conséquences, il sera au cœur du comité interministériel. Il convient d’innover, et c’est ce que nous ferons, avec Vincent Peillon, mon collègue de l’éducation nationale : dès cette année, nous lancerons, dans cinq académies, un programme d’éducation à l’égalité dès l’école primaire, intitulé « ABCD de l’égalité ». Cela suppose que les principaux acteurs de l’éducation se saisissent totalement de ces questions : avec Vincent Peillon, nous sommes arrivés à la conclusion qu’il faut offrir aux personnels de l’éducation nationale, dans le cadre de leur formation, des modules de déconstruction des stéréotypes.

Cela suppose également de prendre à bras-le-corps la question, évoquée par Barbara Pompili, de l’orientation absurdement différenciée des filles et des garçons, au moment des choix qui conditionnent leur destin professionnel. Là encore, sachez que le prochain service public d’orientation prendra totalement en compte la question de la mixité des orientations et des métiers.

Cela suppose, enfin, de toucher l’ensemble des personnes concernées par ce chantier de déconstruction des stéréotypes, c’est-à-dire les jeunes, la génération qui vient. C’est pourquoi nous avons décidé de nous appuyer notamment sur les jeunes du service civique : nous voulons les voir s’investir dans des actions de sensibilisation et de formation sur les stéréotypes et les préjugés, qui sont la chose la mieux partagée au monde. Ces jeunes du service civique se rendront dans les écoles, dans les associations, dans le monde sportif pour nous aider à mener ce combat.

M. Bernard Lesterlin. Très bien !

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. J’en ai fini avec ce qui concerne la lutte contre les stéréotypes : j’y reviendrai, si vous le souhaitez, à l’occasion des questions.

Venons-en à la deuxième priorité, que certaines et certains d’entre vous ont déjà évoquée : l’égalité professionnelle. Tant que l’égalité ne sera pas faite dans le monde du travail, on supportera les inégalités en dehors de l’entreprise. Comme je l’ai dit en introduction, nous avons eu à cœur d’introduire ce sujet dans la grande conférence sociale qui a réuni tous les partenaires sociaux en juillet dernier. La feuille de route à laquelle nous sommes parvenus à cette occasion a recueilli un très large soutien et, depuis lors, nous avons commencé à la mettre en œuvre avec les organisations syndicales et professionnelles, dans le cadre d’un engagement tripartite. Marylise Lebranchu a engagé le même travail, au mois de septembre, avec les organisations syndicales de fonctionnaires : un accord devrait être trouvé avant la fin de l’année. Comme certains d’entre vous l’ont justement noté, l’État ne pourra rien réclamer des entreprises tant qu’il n’aura pas, lui-même, fait un effort pour assurer, en son sein, une juste représentation des hommes et des femmes à tous les niveaux.

Je veux m’attaquer aux causes structurelles des inégalités. Je pense d’abord aux différences en matière de temps de travail, et notamment à la question du temps partiel, mais aussi aux enjeux de l’articulation des temps de vie, qui pèsent particulièrement sur les femmes.

Le cœur du sujet – vous en êtes tous conscients –, c’est que les lois ne sont pas appliquées, alors qu’elles ne manquent pas. J’ai donc décidé de réviser le dispositif d’application de la pénalité, c’est-à-dire les conditions de la mise en œuvre de l’article 99 de la loi de novembre 2010. Vous avez été nombreux à m’interroger à ce sujet, et vous avez évidemment noté que nous avons franchi une première étape avec la loi sur les emplois d’avenir, publiée samedi dernier. Cette loi permet de remettre la négociation au cœur de la démarche d’égalité professionnelle dans l’entreprise, grâce à un amendement de la présidente de la délégation aux droits des femmes, Catherine Coutelle. Le Conseil supérieur de l’égalité professionnelle, que je réunirai très prochainement, rendra son avis sur le nouveau décret, dont je vous confirme qu’il est prêt et qu’il rendra bien plus efficace le dispositif de contrôle et de sanction, en remplaçant un contrôle sur place par un contrôle sur pièces.

Une autre question centrale est celle des différences de temps de travail, et notamment celle du temps partiel. Sachez que sur ce sujet, comme sur celui des évolutions du congé parental d’éducation, nous sommes convenus de passer par la négociation collective interprofessionnelle. La négociation a commencé entre partenaires le 21 septembre dernier, et les conclusions devraient nous être rendues au début du mois de mars. Le Gouvernement, quoi qu’il en soit, est décidé à prendre ses responsabilités pour aboutir à une répartition plus juste de ces congés familiaux, mais aussi pour répondre à la carence, cruelle pour certaines familles, et bien notée par Mme Pompili, de places d’accueil collectives de la petite enfance.

Si la négociation collective a toute sa place, je crois beaucoup aussi à la démarche expérimentale et à l’accompagnement des acteurs. Nous ne devons pas ignorer les difficultés que rencontrent tout particulièrement les PME dans la mise en œuvre de l’égalité professionnelle. Je crois qu’il faut être pragmatique et les accompagner avec un souci de pédagogie. C’est l’objectif des programmes territoriaux d’excellence, que je lance dans neuf régions, que d’accompagner plus spécifiquement un certain nombre de ces entreprises. Il s’agit aussi de faire le lien entre de très grandes entreprises, qui ont eu les moyens de mettre en œuvre l’égalité professionnelle en leur sein, et des PME, qui sont souvent leurs fournisseurs ou leurs sous-traitants et qu’il s’agira d’entraîner dans cette même dynamique.

Madame Zimmermann, nous devons en effet nous intéresser à la place que les grandes entreprises laissent aux femmes dans leurs comités exécutifs ou dans leurs comités directeurs. La loi sur les conseils d’administration a été une première avancée, que je salue, mais nous savons que le pouvoir se situe souvent dans ces comités de direction. Un travail est en cours sur ce sujet essentiel, ainsi qu’un autre sur la question de la création d’entreprise, étant donné qu’en ce domaine aussi, notre pays souffre d’un déséquilibre en défaveur des femmes.

La fonction publique, enfin, a évidemment toute sa part à prendre. Je tiens seulement à préciser, madame Zimmermann, que les nominations qui ont eu lieu en conseil des ministres depuis le mois de mai ne comportent pas 11%, mais 16 % de femmes, ce qui reste bien sûr insuffisant. S’agissant des primonominations, la proportion de femmes atteint 23 %. Il faut faire mieux, c’est une évidence, mais cela pose un certain nombre de problèmes, auxquels nous pourrons revenir lors du débat.

La lutte contre les violences est une troisième priorité. Je veux remercier Mme Bello pour les mots forts et justes qu’elle a prononcés à ce sujet. L’actualité nous rappelle en effet chaque jour combien il est urgent de trouver une réponse aux violences faites aux femmes dans notre pays. La semaine dernière encore – vous les avez sans doute vus – les chiffres de l’INSEE nous rappelaient l’ampleur de ce fléau, contre lequel nous devons nous battre : une femme sur trois s’est déclarée victime de violences sur une période de deux ans. Dans la grande majorité des cas, ces violences sont commises par des personnes connues de la victime, ce qui a pour corollaire à la fois la répétition des violences et, malheureusement, une trop faible propension des femmes qui les endurent à porter plainte : elles ne le font qu’à peine une fois sur dix. Ces drames traversent toute notre société, toutes les catégories sociales, mais ils frappent plus durement – c’est l’enseignement de ces enquêtes – les femmes en situation de précarité.

Sachez que je tiendrai les engagements que j’ai pris ici même lors du débat sur la loi relative au harcèlement sexuel. Il s’agit de la première loi votée à l’initiative du Gouvernement : merci, monsieur Moignard, de l’avoir rappelé. Une campagne de communication sera lancée à la mi-novembre sur le harcèlement sexuel, pour faire connaître la loi, pour faire changer les mentalités et pour donner, à nouveau, le signal d’une tolérance zéro à l’égard des violences sexuelles.

Je mettrai en place une institution nationale des violences faites aux femmes avant la fin de l’année pour mieux coordonner les études – nous en manquons cruellement – et pour proposer des actions, notamment en matière de formation, à destination de tous les professionnels amenés à jouer un rôle dans la lutte contre ces violences.

Une grande enquête sur les violences sera enfin relancée : vous savez que nous n’en avons pas réalisé depuis treize ou quatorze ans.

Par ailleurs, il est admis que, si la loi du 9 juillet 2010 était une bonne loi, elle n’est malheureusement qu’insuffisamment appliquée. C’est notamment le cas de l’ordonnance de protection. Il s’agit d’un très bon dispositif mais sa montée en charge est très déficiente : moins de 700 ordonnances ont été délivrées depuis 2010, dont un tiers dans le seul département de la Seine-Saint-Denis. Dans beaucoup de départements, aucune ordonnance n’a été rendue. Est-ce à dire qu’ils sont miraculeusement épargnés par la violence faite aux femmes ? Je ne le crois pas.

C’est donc l’appropriation de ce dispositif qui est insuffisante. Nous travaillons afin d’apporter des réponses lors du comité interministériel qui se tiendra à la fin du mois de novembre, en tenant compte des retours du terrain et des travaux que votre assemblée a conduits.

La prise en charge des victimes de violences suppose aussi l’hébergement des femmes qui les subissent lorsque la règle de l’éviction du conjoint n’a pas pu être appliquée. C’est pour moi l’occasion de rappeler cette règle, à laquelle nous reviendrons.

Concernant l’hébergement, je travaille avec Cécile Duflot à mieux faire connaître aux collectivités l’article 19 de la loi de juillet 2010, qui prévoit des conventions avec les bailleurs pour réserver des appartements aux femmes victimes. Cette disposition a été imparfaitement mise en œuvre.

S’agissant de l’hébergement d’urgence, des places adaptées doivent être réservées aux femmes victimes de violence. Le projet de loi sur les attributions de logements sociaux annoncé par Cécile Duflot sera l’occasion de reprendre la question des priorités d’attribution.

La quatrième priorité est celle du droit des femmes à disposer de leur corps. L’accès à l’IVG et à un mode de contraception adapté sont des sujets majeurs pour les droits des femmes, il n’est pas nécessaire de vous en convaincre. Mais nous faisons face à une situation qui n’est guère réjouissante, en particulier pour les mineures. Nous constatons sur le long terme une augmentation des grossesses précoces et des grossesses non désirées qui doit nous interpeller. Le nombre d’IVG chez les mineures n’a cessé d’augmenter entre 1990 et 2007. Même s’il s’est quelque peu stabilisé sur ces trois ou quatre dernières années, il reste très élevé.

Le PLFSS pour 2013 prévoit le remboursement à 100 % des IVG. Par ailleurs, le tarif de l’acte d’IVG sera revalorisé de manière significative pour être en cohérence avec les coûts supportés par les établissements afin qu’ils ne soient plus déficitaires quand ils pratiquent une IVG. C’était malheureusement devenu trop courant.

Ces avancées ne nous dispensent pas pour autant d’une réflexion globale sur l’accessibilité géographique des centres d’IVG et l’amélioration de leur fonctionnement, notamment au cours de l’été, période dite creuse durant laquelle les difficultés s’accumulent.

Vous avez également adopté dans le PLFSS le principe du remboursement des contraceptifs pour les mineures. Aujourd’hui il est possible pour une mineure de bénéficier dans un centre du planning familial d’une prescription gratuite et anonyme. Mais selon leur lieu d’habitation, toutes les mineures n’ont pas un accès aisé à un centre, et rien n’est fait dans ce cas. Hors des centres du planning familial, les remboursements de contraceptifs aux mineures se faisaient jusqu’alors au taux de 65 %, ce qui constituait un frein financier pour l’accès à la contraception. C’est ce frein que nous avons voulu supprimer.

Un décret précisera prochainement les contraceptifs concernés par la suppression de la participation des assurées mineures, mais il s’agira de contraceptifs qui font déjà l’objet d’un remboursement. L’économie pour ces jeunes femmes peut être assez importante, et nous travaillons avec le ministère de la santé sur les conditions pour assurer l’anonymat des démarches, puisque vous savez qu’il s’agit d’un point essentiel.

Mais ne perdons pas de vue notre politique dans son ensemble. Il fallait supprimer les freins financiers, nous l’avons fait, mais nous devons aussi aborder la question de l’adaptation des méthodes proposées aux modes de vie des jeunes. Ce qui est en jeu, c’est notre modèle de contraception, qui fait une place trop large à la pilule, dont l’appropriation est moins aisée pour les jeunes. J’ai souhaité dès mon arrivée que la Haute autorité de santé soit saisie pour formuler une nouvelle recommandation aux professionnels de santé sur les modes contraceptifs.

Il faut aussi replacer ce sujet dans l’ensemble plus large de l’éducation à la sexualité. La meilleure façon de prévenir est d’éduquer. L’éducation à la sexualité est aujourd’hui quasi inexistante tant pour la contraception des jeunes que pour la construction sociale des relations entre filles et garçons, comme M. Moignard l’a parfaitement dit.

C’est un point prioritaire pour Vincent Peillon et moi-même. Nous y travaillons de concert : il a réuni les professionnels et j’ai réuni les conseils régionaux qui ont mis en place un « Pass contraception », afin de généraliser les bonnes pratiques.

Voilà posés les grands principes et les orientations qui guident cette politique transversale, incarnée dans plusieurs des programmes du DPT.

Je me réjouis que le Président de la République et le Premier ministre se soient engagés comme ils l’ont fait à soutenir cette politique, qui demande du volontarisme, car c’est précisément dans l’action concrète que nous avons besoin de leur soutien.

La politique des droits des femmes a trop longtemps été reléguée au rang d’accessoire ou de faire-valoir. Je tiens à remercier le président du groupe socialiste, Bruno Le Roux, d’avoir pris la parole dans ce débat au nom de tout le groupe sur un tel sujet. C’est une marque d’intérêt qui tranche avec les pratiques passées. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Nous souhaitons désormais inscrire cette politique dans la durée, dans l’efficacité. Cela se fera nécessairement avec votre soutien à tous, sur tous les bancs de cette assemblée. Je veux dépasser les clivages, et je vous espère nombreux à mes côtés. (Applaudissements sur tous les bancs.)

M. le président. Nous en venons aux questions.

Je vous rappelle que la durée des questions, comme des réponses, ne doit pas excéder deux minutes. Le Gouvernement répond immédiatement à chaque question. Je donnerai la parole par périodes successives de quinze minutes à chacun des groupes.

Pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine, la parole est à Mme Huguette Bello.

Mme Huguette Bello. Ma question porte sur la contraception chez les jeunes et l’interruption volontaire de grossesse qui viennent de connaître, l’une et l’autre, des évolutions législatives importantes.

Alors qu’à la Réunion le taux de fécondité a évolué de manière spectaculairement rapide, puisqu’il est passé en l’espace de cinquante ans de 6 à 2 enfants, le nombre d’IVG chez les mineures et celui des grossesses précoces demeurent à un niveau élevé depuis une dizaine d’années.

Les IVG concernent pour moitié des très jeunes femmes, âgées de moins de 25 ans, parmi lesquelles de trop nombreuses mineures. Six cents jeunes filles recourent à cette solution ultime chaque année.

En outre, environ six cents bébés naissent chaque année de mères mineures, qui ont parfois moins de quatorze ans. Ils représentent environ 4 % du total des naissances. Ces grossesses précoces, nous le savons, ont des conséquences parfois lourdes en termes d’équilibre psychologique, de santé, d’insertion professionnelle et sociale des jeunes mineures. Elles entraînent souvent l’abandon du système scolaire. Elles ne sont pas non plus sans conséquences pour l’enfant.

Ces chiffres révèlent que les dispositifs et les campagnes d’information sur la contraception ont atteint leurs limites, tout comme en France continentale. Ils font aussi craindre une plus grande banalisation de l’IVG chez les très jeunes femmes.

Ma question concerne donc l’information et la prévention : est-ce que les nouvelles mesures sur le remboursement de l’IVG et l’accès des plus jeunes à la contraception s’accompagneront de campagnes d’information sur la sexualité et la contraception ?

La loi du 4 juillet 2001, qui prévoit trois séances annuelles d’éducation à la santé et à la sexualité à l’école, sera-t-elle renforcée ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Comme vous l’avez souligné, le remboursement à 100 % des contraceptifs est déjà un pas important. Mais l’essentiel est à venir. Le travail se poursuit pour assurer la garantie de l’anonymat de ce remboursement, qui est un élément fondamental pour son efficacité.

Pour envisager plus globalement notre politique en la matière, je rappelle que nous sommes confrontés à un défi très particulier, marqué par un recul rapide de l’accès des mineures à la contraception et un recours toujours trop important à l’avortement.

Par ailleurs, les deux tiers des IVG pratiquées aujourd’hui le sont sur des femmes qui étaient sous contraceptifs. Là encore, cette donnée doit nous interpeller. Les échecs contraceptifs renvoient à l’adaptation des modes qui ont été choisis et utilisés par chaque femme. La question financière se pose, car tous ces modes de contraception n’ont pas le même prix, mais il y a aussi plus largement la question de l’éducation des jeunes filles, et de leur connaissance de ces différents modes.

C’est pourquoi nous avons voulu lancer une réflexion avec les conseils régionaux qui ont mis en œuvre le dispositif du « pass contraception » et qui ont une certaine expertise de cette question. Ils sont prêts à renforcer le lien avec le ministère de l’éducation nationale, avec lequel nous travaillons pour réinstaurer les cours d’éducation à la sexualité. Ces cours sont censés être monnaie courante depuis 2001, mais nous savons qu’ils n’ont pas été mis en œuvre, ou alors dans le cadre des cours de sciences de la vie et de la terre, ce qui n’était pas la logique de cette éducation à la sexualité. Nous serons en mesure de vous proposer des évolutions concrètes dès le début de l’année 2013.

Enfin, j’ai souhaité que l’Institut national de prévention et d’éducation à la santé lance une campagne nationale d’information sur les méthodes contraceptives. L’INPES a déjà conduit une campagne sur la contraception d’urgence au mois de juin dernier. Elle nous a permis de prendre conscience qu’en 2010, chez les femmes âgées de 18 à 24 ans, la dernière grossesse n’était pas planifiée dans plus de 48 % des cas. Là encore, il va falloir travailler, informer et prévenir davantage. C’est une condition essentielle si l’on veut que la contraception trouve son efficacité.

J’ai également évoqué le travail demandé à la Haute autorité de santé pour qu’elle formule des recommandations aux professionnels de santé sur les différents modes de contraception.

M. le président. La parole est à Mme Huguette Bello, pour une deuxième question.

Mme Huguette Bello. Nous le répétons pour le déplorer : les femmes sont sous-représentées dans toutes les fonctions dirigeantes : les responsabilités politiques, les grandes administrations et les directions des grandes entreprises. Ce qui se passe actuellement au directoire de la Banque centrale européenne est très révélateur.

Pourtant les chiffres sont là : ce sont les sociétés qui comptent une grande proportion de femmes dans leurs comités de direction qui sont aussi les plus performantes.

Dans le secteur artisanal, même s’il n’existe plus véritablement de métier inaccessible aux femmes, elles sont encore peu nombreuses à diriger des entreprises. À l’échelle nationale, elles représentent environ 30 % des chefs d’entreprise. À La Réunion, ce taux est de 23 %.

Le poids des traditions, les stéréotypes, les charges familiales mais aussi des difficultés que les femmes sont seules à rencontrer quand elles veulent créer une entreprise expliquent ces pourcentages. Il est donc souhaitable qu’en appui des actions menées par les chambres de métiers et de l’artisanat en matière de formation ou d’accompagnement individualisé, un plan gouvernemental soit mis en place pour soutenir les femmes lorsqu’elles veulent créer leur entreprise.

Cette question est d’autant plus urgente qu’en application du décret du 11 juin 2010, les chambres de métiers devront appliquer la parité intégrale pour les prochaines élections de 2015.

Quelles mesures comptez-vous prendre, madame la ministre, pour accompagner ce processus paritaire qui passe nécessairement par l’existence d’un vivier de candidates ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. La question de la présence des femmes se pose absolument partout, dans la fonction publique comme dans les entreprises privées. Je souhaite m’arrêter en particulier à la création d’entreprises par les femmes, parce qu’il s’agit d’un manque à gagner pour la société tout entière.

En période de crise, la création d’activité nous aiderait bien, mais à peine 30 % des chefs d’entreprise sont des femmes ; elles sont donc beaucoup moins nombreuses à pouvoir créer leur entreprise Et la situation est encore plus flagrante lorsqu’il s’agit de la création d’entreprises innovantes : les résultats d’une étude menée par OSÉO à la fin de l’année 2011 démontraient que seule une entreprise innovante sur dix était créée par une femme.

Lorsqu’on examine la situation qui prévaut dans les pays voisins de la France, on s’aperçoit que si, au niveau européen, on ne fait pas beaucoup mieux – la moyenne se situe aux environs de 30 % –, en revanche, aux États-Unis, ce taux atteint près de 40 %. Il est donc possible de susciter davantage de créations d’entreprises par des femmes.

Comment peut-on améliorer les choses ? Lorsqu’on étudie le plan de financement médian de ces entreprises, on s’aperçoit, là encore, que celui des femmes est beaucoup moins important que celui des hommes, car elles ont plus difficilement accès au crédit bancaire. Certes, cette caractéristique peut être liée à la nature de l’activité des entreprises qu’elles créent, mais d’autres facteurs doivent être pris en compte, notamment, hélas ! la moindre crédibilité des femmes auprès des organismes bancaires. Il nous faut donc absolument intervenir à travers le Fonds de garantie pour la création d’entreprises par les femmes, dont nous allons renforcer les moyens, et tous les réseaux d’accompagnement de la création d’entreprises au féminin.

Nous devons faire en sorte que se créent davantage de modèles pour les jeunes filles qui, aujourd’hui, n’envisagent pas la création d’entreprise comme une activité plausible, naturelle, normale.

M. le président. Nous en venons aux questions du groupe SRC.

La parole est à Mme Cécile Untermaier.

Mme Cécile Untermaier. Madame la ministre, des dispositifs législatifs ont été mis en place par la gauche – en 1983, pour lutter contre les inégalités salariales entre hommes et femmes, et en 2001, pour l’éducation à la sexualité dans les écoles –, mais nous savons tous qu’ils sont très mal appliqués, et nous cheminons avec vous, madame la ministre, pour faire en sorte que les choses avancent.

De ce point de vue, il me paraît important d’insister sur l’évolution des mentalités, qui est notre affaire à tous. Nous devons agir en ce sens sur l’ensemble du territoire. Encore faut-il que ces actions soient connues du public qu’elles visent, que celui-ci s’en empare et qu’elles entrent dans son quotidien. L’évolution des mentalités est un travail de longue haleine qui incombe, me semble-t-il, à la troisième génération dont vous parlez, madame la ministre.

Les délégations régionales aux droits des femmes et à l’égalité, qui ont pour mission de promouvoir les droits des femmes, peuvent nous y aider, au même titre qu’une direction territoriale concourt à la mise en œuvre des politiques d’urbanisme ou de santé publique. Ces délégations doivent devenir, sous votre impulsion, le véritable fer de lance des politiques d’égalité pour lesquelles nous nous battons. Elles doivent, avec les chargées de mission départementales et les associations nationales et locales, porter avec nous – car nous sommes très seules dans nos territoires – le changement des mentalités, décisif dans le combat pour le respect, la justice et l’égalité.

Madame la ministre, vous allez lancer, dans neuf régions, un programme d’expérimentation en faveur du changement des mentalités, et nous vous en félicitons. Nous vous demandons toutefois de ne pas oublier les autres régions et départements, où œuvrent également des associations. Pouvez-vous nous rassurer sur ce point et nous confirmer que les efforts seront faits pour que les dispositifs législatifs que nous votons soient appliqués dans tous les départements ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Madame la députée, je sais combien votre assemblée est attachée à l’action des déléguées régionales et des chargées de mission départementales aux droits des femmes, et je vous remercie pour le soutien que vous leur apportez régulièrement. J’ai conscience que ce réseau a pu être déconcerté, ces dernières années, par un certain nombre de décisions qui ont été prises en matière de renouvellement des ressources humaines. Je pense notamment aux réductions d’effectifs et à une réorganisation lancée en 2010 mais restée inachevée et qui a créé une instabilité, du niveau central au niveau local.

Comment soutenir ce réseau, pour qu’il puisse continuer à assurer les tâches et les missions qui sont les siennes dans la plus grande proximité, le partenariat et la synergie avec les territoires ? Tout d’abord, après le comité interministériel de fin novembre, j’adresserai une circulaire aux préfets pour donner au réseau des droits des femmes des priorités et des orientations stratégiques claires. J’insisterai sur l’importance de donner une visibilité plus forte aux déléguées régionales et aux chargées de mission départementales, ainsi que sur le travail en réseau et la nécessaire articulation entre niveau régional et niveau départemental. J’associerai évidemment le réseau aux expérimentations que j’ai évoquées. Au-delà des neuf régions concernées par le programme consacré à l’égalité professionnelle, je rappelle que cinq académies ont été choisies pour expérimenter la déconstruction des stéréotypes dès le plus jeune âge.

Cette démarche concerne bien entendu l’ensemble des territoires, notamment pour la préparation de la célébration du 25 novembre, dont je n’ai pas eu l’occasion de parler dans mon introduction mais en faveur de laquelle, je le redis, je souhaite m’investir beaucoup plus que cela n’a été le cas par le passé.

Par ailleurs, soutenir le réseau, c’est lui donner des moyens et garantir ses effectifs. Ainsi, après plusieurs années de baisse, les crédits du ministère sont accrus et une enveloppe stable est prévue pour les trois prochaines années. Le plafond d’emplois des agents du réseau de la politique des droits des femmes est stabilisé au niveau territorial et nous avons obtenu que les mises à disposition par d’autres ministères puissent être reconduites – c’est une nouveauté qu’il faut saluer.

Enfin, soutenir ce réseau, c’est aider les principales intéressées, déléguées et chargées de mission, à progresser dans leurs propres carrières. C’est un point très important, car la situation individuelle des agents fait beaucoup pour l’épanouissement de ce réseau. Puisque la loi du 12 mars 2012 nous offre des possibilités d’intégrer les agents contractuels, sachez que je ferai en sorte qu’elles puissent en bénéficier.

M. le président. La parole est à Mme Conchita Lacuey.

Mme Conchita Lacuey. Madame la ministre, le 25 novembre, que vous venez d’évoquer, est la journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes, un phénomène récurrent et inacceptable.

En effet, la dernière étude de l’INSEE, qui porte sur deux ans, révèle que 400 000 femmes se déclarent victimes de violences conjugales et que seulement 21 % de celles-ci donnent lieu à un dépôt de plainte. Une femme meurt, en France, tous les deux jours sous les coups de son conjoint. Quand une femme se décide enfin à sortir du silence, sa parole doit être entendue et cela doit lui être signifié : elle doit être soutenue, protégée, accompagnée, à partir du moment où elle révèle les faits dont elle est victime.

En France, l’arsenal juridique a été renforcé au cours des dernières années, mais ce n’est pas suffisant. Nous devons développer la prévention, le dépistage et la protection. Cela passe par le renforcement de la formation initiale et continue de tous les acteurs concernés par la lutte contre les violences. Il faut agir dans le domaine juridique et judiciaire, mais aussi sur ce qui relève de l’approche sociologique et culturelle au sens large. Il faut adresser un message fort de soutien aux victimes et de réprobation de l’ensemble de la société à tous les auteurs d’actes de violence envers leur conjointe.

Le dépôt de plainte reste très problématique et traité de manière inégale selon les territoires. Nous retrouvons la même situation dans les juridictions, qui peuvent avoir des pratiques diverses. Ainsi, améliorer l’accueil et l’écoute dans les commissariats et gendarmeries paraît indispensable pour être plus efficace dans la lutte contre les violences conjugales.

Madame la ministre, pouvez-vous nous dire quels sont les moyens et les actions qui vont être mis en œuvre pour réduire cet écart très important entre le nombre trop faible d’affaires portées devant la justice et celui des déclarations des femmes victimes de violences ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Madame la députée, je vous remercie d’avoir rappelé les chiffres de l’INSEE, qu’il faut rapprocher de ceux de l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales, qui ont été rendus publics la semaine dernière et qui sont pour le moins alarmants. Je rappellerai en effet qu’en deux ans, plus de 300 000 femmes âgées de 18 à 60 ans se sont déclarées victimes de violences sexuelles, que plus d’une femme sur sept se sent en insécurité et qu’une femme sur dix ne se sent plus en sécurité à son propre domicile. Ces chiffres doivent nous faire réfléchir.

De telles études sont intéressantes, car elles complètent utilement notre connaissance de ces crimes et délits, mais elles sont encore trop disparates et pas assez régulières dans le temps. C’est pourquoi j’ai décidé de soutenir la grande enquête VIRAGE, qui sera pilotée par l’INED et qui permettra de renouveler les données dont nous disposons actuellement, qui datent de 2000. Cette enquête sera conduite auprès de 35 000 personnes et permettra d’enrichir nos informations grâce à une connaissance beaucoup plus fine de l’impact des violences sur les parcours scolaires, sociaux et professionnels des femmes ; il est fondamental de descendre à ce niveau de détail. Cette enquête nous permettra également d’apprécier les besoins des victimes, car vos remarques, au fond, nous renvoient toujours à la même question : comment construire de la façon la plus cohérente possible un service public intégré de la protection des femmes victimes de violences ? La meilleure façon de le faire est de bien connaître leurs besoins ainsi que ceux de leurs enfants.

Au-delà de cette enquête, nous avions besoin d’une instance qui rassemble les données dont nous disposons. Telle sera la mission de l’Observatoire national des violences faites aux femmes, qui aura également pour objet de servir de plateforme d’action. Nous savons en effet qu’un certain nombre de bonnes expérimentations ont déjà été conduites dans des départements pour mieux protéger les femmes et mieux lutter contre les violences qui leur sont faites. Il s’agit pour nous, aujourd’hui, d’en tirer les conclusions et de généraliser les dispositifs qui marchent. Ainsi, j’ai souvent évoqué ici, par exemple, le téléphone portable « grande urgence », qui mériterait d’être généralisé.

Enfin, il faut, dans la réponse pénale que nous apportons à ces femmes, plus de célérité – je n’ai nul besoin de vous en convaincre – et un meilleur accompagnement dès le début de la procédure par le bureau d’aide aux victimes et par les associations. Le rôle de celles-ci est absolument majeur ; c’est pourquoi je souhaite continuer à les soutenir.

Sachez que l’ensemble de mes collègues, en particulier Christiane Taubira et Manuel Valls, seront impliqués dans la nécessaire formation des professionnels, car il s’agit d’améliorer le traitement dès le début des phénomènes de violence. Or, pour bien les traiter, il faut les connaître.

M. le président. La parole est à Mme Ségolène Neuville.

Mme Ségolène Neuville. Madame la ministre, je voudrais insister sur l’aspect nécessairement transversal et structurel des politiques publiques en faveur des droits des femmes. Certains, que je qualifierai de réactionnaires, pensent encore que mener une politique en faveur de l’égalité est un luxe que l’on s’autorise lorsque tout va bien et que l’on supprime en temps de crise. Les politiques menées dans d’autres pays, comme le Québec ou la Suède, ont pourtant montré qu’un État social capable d’investir dans la prévention des inégalités de façon transversale est plus efficace et moins coûteux qu’un État social qui corrige après coup individuellement les inégalités.

Ainsi, pour favoriser l’égalité professionnelle, on voit que la prise en charge de la petite enfance est un levier majeur, tant en ce qui concerne l’apprentissage des enfants que la modification des conditions d’accès à l’emploi pour les femmes. De même, on ne peut commencer à parler d’égalité professionnelle qu’après avoir pris les mesures nécessaires pour permettre aux femmes de disposer librement de leur corps. Pour lutter contre les violences faites aux femmes, l’accompagnement des victimes et la formation des professionnels sont certes essentiels, mais il convient également de lutter contre les stéréotypes sexués dès le plus jeune âge, à l’école et dans les médias. Enfin, en matière d’aménagement du territoire, la prise en compte des inégalités de genre est essentielle, non seulement pour faciliter la conciliation entre vie familiale et professionnelle, mais aussi pour construire des espaces publics qui permettent la libre circulation des femmes, de jour comme de nuit. Je pourrais citer beaucoup d’autres exemples.

Madame la ministre, vous défendez la vision transversale de votre mission. Ma question est donc la suivante : que comptez-vous faire pour que la question de l’égalité femmes-hommes devienne une priorité, voire une façon de penser ou même une façon de concevoir les politiques publiques pour l’ensemble des acteurs publics ? Vous avez cité les ministères, mais je veux parler également des structures décentralisées de l’État, des collectivités territoriales. Comment organiser la mutation des mentalités chez des acteurs qui ne sont pas des spécialistes des droits des femmes ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Vous avez raison, madame la députée, de considérer qu’il faut raisonner de façon globale si l’on veut avancer sur la question des droits des femmes. Si certains ont parfois pu s’étonner de me voir ouvrir plusieurs chantiers à la fois, c’était en réalité une démarche tout à fait volontaire et déterminée de ma part : je sais qu’il ne sert à rien d’essayer d’avancer sur un front si nous ne nous donnons pas les moyens d’avancer en même temps sur les autres fronts. Comme je l’ai dit en introduction, la lutte contre les représentations stéréotypées est une nécessité absolue si nous ne voulons pas nous contenter de réparer ce qui peut l’être au sein de la génération actuelle, mais avons également pour ambition de mieux préparer les générations à venir.

Pour cela, il faut faire en sorte que l’égalité s’impose dans tous les esprits de la façon la plus spontanée possible, ce qui n’est pas une chose simple. C’est ce que nous avons voulu faire, par exemple, avec les séances de sensibilisation proposées aux ministères, que j’ai évoquées tout à l’heure. Il est intéressant de constater que tous ceux qui ont eu la possibilité de participer à ces séances en sont ressortis sincèrement épatés par la quantité d’informations dont ils avaient pris connaissance, grâce à une conscientisation nouvelle. Nombre de ministères nous ont d’ailleurs demandé s’il était possible de faire profiter leurs administrations déconcentrées de séances semblables.

Voilà comment nous ferons avancer les choses. De nombreux délégués régionaux et chargés de mission départementaux aux droits des femmes ont également émis le souhait d’être outillés de manière à pouvoir organiser de telles séances de sensibilisation et d’éveil des consciences. Là encore, il ne s’agit pas de prendre les gens de haut, de considérer que certains seraient ignares dans le domaine qui nous intéresse. En réalité, chacun de nous est persuadé de bien faire en matière d’égalité hommes-femmes ; dès lors, déconstruire des mécanismes, des habitudes, des réflexes en la matière, prend du temps et demande une action en profondeur.

C’est pourquoi, je le répète, il faut soutenir une politique globale, intégrée, présente dans tous les angles de notre gouvernance, en nommant, comme nous l’avons fait, un haut fonctionnaire à l’égalité dans toutes les administrations, en incitant chaque ministère à participer aux conférences de l’égalité et en préparant le comité interministériel qui nous permettra de disposer d’une feuille de route n’engageant pas seulement le ministère des droits des femmes, mais l’ensemble des ministères – et, ce faisant, leurs administrations respectives, centrales comme déconcentrées.

M. le président. La parole est à Mme Edith Gueugneau.

Mme Edith Gueugneau. Madame la ministre, nous nous trouvions ensemble, il y a une semaine, dans les salons de l’hôtel de Lassay, à l’occasion de l’anniversaire du droit de vote des femmes, pour tenter d’apporter des éléments de réponse à cette question : faut-il encore légiférer ? S’il est vrai que des lois existent déjà, et que le Premier ministre n’a pas eu besoin de lois pour composer le premier gouvernement paritaire de l’histoire de notre pays, nous ne pouvons pas ignorer le rôle de la loi et tout ce que la loi sur la parité nous a fait gagner. Douze ans plus tard, on constate des avancées de fait, puisque la parité, imposée aujourd’hui sur les scrutins de liste, se retrouve au sein des représentations municipales, régionales et européenne.

En dehors des mesures contraignantes ou incitatives, la loi a aussi permis de faire évoluer les mentalités en la matière. Élue d’une circonscription rurale, je me réjouis de l’augmentation de dix points, depuis 1995, de la représentation des femmes au sein des conseils municipaux de ces communes, dont le mode d’élection n’est pourtant régi par aucune contrainte paritaire. Nous allons donc dans la bonne direction. Cependant, force est de constater, quand je regardais cette assemblée au début des questions au Gouvernement – messieurs, ne prenez pas ombrage de ce que je vais dire – que nous sommes devant un verre non pas à moitié, mais seulement au quart plein ; et si nous voulons garder quelque chose à boire, il vaut mieux éviter de parler des conseils généraux. Si, en tant qu’élus, nous devons être exemplaires, quel exemple donnons-nous quand un parti politique – il se reconnaîtra – ne présente que 25,7 % de femmes aux dernières élections législatives ? Que faire, madame la ministre, pour mieux donner l’exemple ? Si nous sommes, pour partie, les enfants de la loi sur la parité, serons-nous demain, ensemble, les parents d’une réforme qui ira encore plus loin ?

J’en viens au deuxième volet de ma question. L’égalité en nombre n’a de sens que si elle a pour objectif une parité naturelle, vécue comme une évidence, à tous les échelons de la société. Pour y parvenir, nous avons besoin de laisser la place à la compétence, de développer la légitimité des femmes à s’engager et, dans l’attente d’un monde merveilleux où les tâches domestiques et la prise en charge des enfants ne seraient plus conjuguées principalement au féminin, de favoriser les conditions matérielles d’accès à ces responsabilités. Madame la ministre, j’aimerais connaître vos intentions sur ces sujets.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Madame la députée, il est exact que nous nous trouvions ensemble, il y a quelques jours, pour nous féliciter de l’obtention du droit de vote et d’éligibilité par les femmes. Aujourd’hui, le constat n’est pas vraiment réjouissant : 27 % de femmes à l’Assemblée nationale, 22 % de femmes au Sénat, 13 % de femmes dans les conseils généraux et 14 % de femmes maires. Il semble bien que l’on puisse faire mieux !

J’ai eu l’occasion de remettre à Lionel Jospin les propositions de mon ministère pour contribuer aux travaux de la commission de rénovation et de déontologie de la vie publique, qu’il préside. La réforme des scrutins nationaux que nous préparons doit être l’occasion de prendre des mesures très fortes en faveur de la parité. Pour les élections législatives notamment, nous savons que les mécanismes actuels de pénalités financières ne suffisent pas. En dépit d’une augmentation de cette retenue opérée par la loi du 31 janvier 2007 – 75 % au lieu de 50 % de l’écart à la moyenne –, force est de constater que ce dispositif est demeuré trop faiblement incitatif pour certains partis politiques, qui continuent à préférer les pénalités financières à la parité.

Dès lors, que pouvons-nous faire ? Comme vous le savez, la jurisprudence du Conseil constitutionnel ne nous permet pas tout en la matière. Néanmoins, vous pouvez compter sur moi pour faire preuve d’imagination et mettre au point un mécanisme dans lequel les partis présentant moins d’un quart de candidatures féminines – un niveau correspondant à la représentation actuelle des femmes au sein de l’Assemblée nationale – et ne contribuant donc pas à accroître la représentation féminine, ne recevraient plus de financement au titre de la première fraction. Le calcul peut sembler un peu compliqué, mais il doit permettre, dans le respect de la Constitution, de trouver un mécanisme de sanction financière suffisamment pénalisant pour dissuader les partis de passer outre.

Mme Nicole Ameline. Très bien !

M. Bruno Le Roux. Nous vous aiderons !

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. L’introduction d’une dose de proportionnelle dans les élections législatives constituera également un moyen d’agir en faveur de la parité. À cet égard, il serait raisonnable de partir du principe que les listes doivent être composées de façon paritaire ; nous y veillerons.

Pour ce qui est des sénatoriales, il est intéressant de constater que la réforme du mode de scrutin intervenue avec la loi du 30 juillet 2003 a opéré un retour en arrière en termes de parité, le scrutin de liste proportionnel ne s’appliquant plus qu’aux départements élisant quatre sénateurs et plus. Il faudrait trouver le moyen de remédier à cela.

Enfin, le non-cumul des mandats constituera évidemment l’un des meilleurs outils pour garantir la parité et une meilleure promotion des femmes dans la vie politique. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

La mise en œuvre de ce principe devra être accompagnée d’une réflexion approfondie sur les conditions d’exercice de la fonction d’élu. Car, à l’instar de ce qui se passe dans le monde de l’entreprise, l’articulation des temps de vie est l’un des facteurs contribuant à entraver l’évolution des femmes en politique. Il conviendrait notamment de réfléchir à un renforcement des dispositions relatives au remboursement des frais de garde des enfants. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Nous en venons aux questions du groupe UMP.

La parole est à M. Frédéric Reiss.

M. Frédéric Reiss. Madame la ministre, le débat sur l’égalité hommes-femmes dans le cadre du projet de loi de finances pour 2013 peut sembler surprenant, mais j’ai bien compris que ce sujet de nature transversale aurait vocation à se retrouver dans l’ensemble des projets de loi que la majorité souhaite soumettre au Parlement.

Il y a quelques années, j’ai conduit, avec mon collègue Jean-Marie Rolland, une mission d’information sur l’enseignement des sciences en France. Comme vous le savez, alors que les filles obtiennent de bons résultats en sciences jusqu’au baccalauréat, elles embrassent une carrière scientifique beaucoup moins fréquemment que ne le font les garçons. Nous fêtons cette année le cinquantième anniversaire de l’entrée des filles à Polytechnique, et je me souviens des premières bourses pour la vocation scientifique des femmes, au début des années 1990. En dépit de toute la bonne volonté des acteurs du système éducatif, de nombreux préjugés sociaux persistent, et des obstacles psychologiques restent à surmonter. Madame la ministre, quelles mesures envisagez-vous pour que davantage de jeunes femmes osent les sciences ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Monsieur le député, je vous remercie pour votre question qui témoigne de votre intérêt pour un sujet majeur, celui de l’orientation scolaire des jeunes gens, qui conditionne évidemment leur futur parcours professionnel. Au-delà des parcours individuels, c’est toute la représentation de la société qui est en jeu : la meilleure façon, pour des jeunes filles et des jeunes garçons, de ne pas s’imaginer exercer une fonction ou responsabilité, c’est de n’avoir aucun exemple d’une telle fonction exercée par une personne de son propre sexe.

Il est donc important de veiller à garantir la mixité des métiers. La mixité, ce n’est pas simplement faire en sorte que les filles investissent davantage les études d’ingénieur ou les métiers scientifiques. Certes, c’est important – quand on voit qu’à l’heure actuelle, les trois quarts des élèves ingénieurs sont encore des hommes, cela pose un certain nombre de questions –, mais ce n’est pas tout. Ainsi, la mixité, c’est aussi voir de jeunes garçons investir davantage certaines filières, santé et social, par exemple, où l’on trouve actuellement 80 % de filles.

L’enjeu ne se résume pas aux possibilités de promotion et d’évolution de carrière pour les intéressés, il concerne également les conditions de rémunération. Certaines actions menées au Canada nous renseignent sur ce point : il a été constaté que, lorsqu’on mène une action volontariste dans le but de rééquilibrer une filière ou un métier en termes de représentation hommes-femmes, les conditions de travail et de rémunération progressent, ce qui est extrêmement intéressant.

Par ailleurs, travailler sur l’orientation, comme nous allons le faire, va nous permettre de mettre fin à une situation vraiment scandaleuse, le fait que la moitié de la population active féminine se cantonne actuellement à 12 des 87 familles de métiers existantes : autant dire que le potentiel de perspectives professionnelles est particulièrement restreint pour les femmes par rapport aux hommes, ce qui explique une grande partie de l’écart moyen de rémunération de 27 % entre les sexes.

M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton.

M. Hervé Mariton. Je ne suis pas sûr, madame la ministre, que l’on doive vous suivre dans toutes vos préconisations relatives à l’organisation des scrutins. Mais ma question est plus simple que ces considérations.

Lorsque le Gouvernement envisage de mettre fin à la parité dans le mariage (Exclamations sur les bancs du groupe SRC),

Mme Marie-Françoise Clergeau. Je l’aurais parié !

M. Bruno Le Roux. Quel dommage de voir notre débat se conclure de cette manière !

M. Hervé Mariton. …ne pensez-vous pas qu’il met en cause la stratégie, l’objectif même de parité ? (Mêmes mouvements.) Je vous rappelle que je suis libre de mes propos, mes chers collègues !

Au fond, la traduction de la théorie du genre, qui s’exprime dans les projets de « mariage pour tous » et d’adoption par des personnes du même sexe, ne constitue-t-elle pas une vision de la société de nature à casser, à court ou moyen terme, toute la base, tout le substrat justifiant le combat pour la parité et pour la promotion des droits des femmes ?

Alors que la parité suppose la reconnaissance de différences, la construction du mariage pour tous et de l’homoparenté va très clairement à l’inverse de cette reconnaissance. En clair, cet objectif du Gouvernement n’est-il pas totalement contraire à l’objectif de parité que nous partageons et qui est d’ailleurs reconnu, depuis la réforme que nous avons voulue, par la Constitution ? Le mariage pour tous et l’homoparenté ne sont-ils pas les ennemis de la parité ?

Mme Marie-Françoise Clergeau. Quelle tristesse !

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Je vous remercie, monsieur le député, de votre question. (Rires sur les bancs du groupe SRC.)

M. Bruno Le Roux. Quelle courtoisie !

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Je veux bien m’aventurer sur le chemin que vous avez dessiné et je m’efforcerai moi aussi de faire un lien entre les droits des femmes et le combat que nous sommes en train de mener, plus généralement, pour l’égalité des droits.

Historiquement, le combat pour les droits des femmes a servi non pas les seules femmes, mais l’ensemble de la société. Toutes les avancées obtenues pour les droits des femmes, au niveau européen comme au niveau national, ont été extrêmement utiles pour lutter contre l’ensemble des discriminations envers les individus, quel qu’en soit le fondement.

M. Hervé Mariton. Ma question allait dans l’autre sens !

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Aujourd’hui, avec l’ouverture du mariage et la possibilité pour les couples homosexuels d’adopter, c’est bien de cela que nous parlons : il s’agit de lutter contre les discriminations faites à raison de l’orientation sexuelle.

Qu’est-ce qui justifie que des enfants vivant déjà dans le cadre de familles homoparentales – on sait qu’ils sont nombreux – n’aient pas accès à la même protection juridique, aux mêmes droits que les enfants vivant dans des familles hétéroparentales ? Qu’est-ce qui justifie que deux personnes qui déclarent leur intention de vivre ensemble, qui ont construit un projet familial et parental solide ne puissent pas avoir accès à la protection et à la reconnaissance de la société ? Nous voulons mettre un terme à cette discrimination. Je crois en effet, comme vous le suggérez, que tous les sujets sont liés. La meilleure façon de parvenir à l’égalité, c’est de considérer que chacun est concerné et que l’égalité se fait à tous les niveaux. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

M. Hervé Mariton. Ce que vous récusez, c’est la différence !

M. le président. La parole est à Mme Nicole Ameline.

Mme Nicole Ameline. Madame la ministre, je vous remercie pour votre intervention. J’ai, personnellement, apprécié l’ambition qui est la vôtre de passer de l’égalité de jure à l’égalité effective. Je ne peux, naturellement, que vous encourager dans cette volonté de donner une effectivité à l’ensemble des progrès législatifs que nous avons réalisés depuis quelques années.

Ma question concerne l’impact de la crise européenne sur la situation de l’emploi des femmes. La France pourrait présenter une initiative au niveau européen pour essayer de mesurer cet impact. En effet, au niveau mondial, la crise va précipiter environ 22 millions de femmes dans la précarité ; au niveau européen, elle aura, de la même façon, des effets extrêmement négatifs.

Sur la base d’une telle observation, il serait intéressant de contrecarrer ces effets en proposant des mesures très innovantes – vous en avez cité quelques-unes, notamment sur le terrain de l’entreprise. Je regrette, personnellement, la mise en cause de l’auto-entreprise, qui fait partie des mesures un peu spéciales permettant aux hommes comme aux femmes de développer des initiatives et de générer des revenus supplémentaires en cas de crise.

Si je dis cela, c’est parce que les mesures temporaires spéciales qui existent dans le droit international permettent d’innover. Je ne vous demande pas une réponse immédiate, mais je souhaiterais que le Gouvernement réfléchisse à ces mesures favorisant l’innovation qui permettraient aux femmes non seulement de ne pas apparaître comme les victimes de la crise, mais d’être les premières actrices de la sortie de crise, car c’est bien de cela qu’il s’agit.

M. Frédéric Reiss et Mme Marie-Jo Zimmermann. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Madame Ameline, je vous sais particulièrement concernée par ces sujets et j’aurai plaisir à travailler avec vous.

Votre question tombe à point nommé pour me permettre d’apporter une précision. En effet, il arrive souvent que l’on me demande : « Mais enfin, est-ce bien le moment de parler de l’égalité hommes-femmes ? Nous traversons une crise profonde ; voilà le vrai sujet. » Or il n’y a pas de meilleur moment que les crises pour mettre fin aux discriminations et aux inégalités. En effet, au-delà des principes – auxquels, j’espère, nous adhérons tous – et de la nécessité de favoriser l’égalité pour elle-même, on voit bien que c’est dans ces moments de crise que les inégalités et les discriminations s’aggravent et que l’on précarise davantage ceux qui sont déjà les plus précaires. De fait, force est de constater que ce sont les femmes qui souffrent le plus de la précarité. Ce sont elles qui se retrouvent le plus à la tête de familles monoparentales, contraintes de se mettre en temps partiel plutôt que de travailler à temps complet, avec les incidences que cela suppose, non seulement dans l’immédiat, mais aussi sur le montant de leur future retraite. C’est donc le moment ou jamais d’attaquer de front ce sujet.

Par ailleurs, comme vous l’avez dit, s’il devait y avoir une autre bonne raison de le faire, c’est parce que c’est par les femmes que nous sortirons de la crise. J’en suis d’autant plus persuadée que, lorsque je rencontre des chefs d’entreprise, certains, positionnés sur des secteurs porteurs, même dans ce moment de crise, me disent qu’ils ont du mal à recruter et qu’il est dommage que des filles n’embrassent pas plus ces métiers, parce qu’ils les auraient volontiers embauchées.

En entendant cela, je me dis qu’il est dommage que l’on n’ait pas travaillé plus tôt sur la question de l’orientation, que nous avons évoquée tout à l’heure et à laquelle nous allons nous consacrer avec le nouveau service public de l’orientation. Il est également dommage de ne pas avoir travaillé sur l’idée que vous dessiniez tout à l’heure et que j’appellerai pour ma part l’empowerment des femmes. C’est une notion anglo-saxonne – j’aimerais que nous nous l’appropriions davantage –, qui désigne le leadership, la capacité des femmes, dont on sait bien que, souvent, elles sont le pôle de stabilité des familles, à prendre en main leur destin et celui de leur famille. J’aimerais que nous y travaillions ensemble et suis évidemment ouverte à vos propositions. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme Sophie Rohfritsch.

Mme Sophie Rohfritsch. Madame la ministre, dans le combat quotidien pour l’égalité hommes-femmes que nous évoquons dans ce débat, il est un bastion, l’un des derniers, qui compte parmi les plus difficiles à abattre. Je veux parler du sport, notamment du sport de haut niveau, dans lequel les sportives souffrent énormément des inégalités. Pourtant, il pourrait avoir valeur d’exemple, notamment dans les zones d’éducation prioritaires, où l’on a relevé que les jeunes filles pratiquent beaucoup moins le sport que les garçons.

Comment travailler sur ces inégalités ? Il existe des inégalités en matière de revenus – mais aussi de primes, comme on l’a vu par exemple lors des derniers Jeux olympiques à Londres –, qui obligent les sportives de haut niveau à avoir un double projet de vie car, à côté du sport, elles sont forcées de travailler. Il existe aussi, et surtout, une inégalité de traitement au niveau médiatique, qui me semble vraiment criante.

Certes, il y a un certain nombre de bonnes pratiques et d’usages qui, petit à petit, se révèlent efficaces, notamment dans le handball. Comment envisagez-vous de les étendre à l’ensemble des pratiques et des disciplines sportives ? Comment envisagez-vous d’offrir aux sportives de haut niveau l’éclat qu’elles attendent et qu’elles méritent ? Comment pouvons-nous, tous ensemble, appuyer ce projet ? Les collectivités territoriales doivent être en première ligne, de même que le ministère, qui a tendance à attribuer des aides individuelles un peu différentes en fonction du genre des sportifs qui les sollicitent. Comment pouvons-nous, tous ensemble, favoriser l’égalité dans ce domaine, qui doit être exemplaire ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Votre question est particulièrement opportune, à un moment où l’on voit que les filles obtiennent de très bons résultats dans un certain nombre de disciplines sportives et où l’on se demande pourquoi elles ne récoltent pas l’éclat mérité, notamment à travers la retransmission télévisée de leurs prouesses.

Vous avez évoqué les zones d’éducation prioritaires. Le constat que vous dressez vaut particulièrement, en effet, dans un certain nombre de quartiers, mais cela est vrai pour l’ensemble du territoire français. Le sport est un facteur d’épanouissement. Il faut donc, là où il n’y a pas suffisamment de structures ou d’associations sportives, favoriser leur développement.

Avec Valérie Fourneyron, ministre en charge des sports, nous avons décidé de faire en sorte que les conventions d’objectifs et de moyens qui sont désormais signées avec les associations sportives comportent, de façon systématique, comme critère une représentation équilibrée des genres. Cela supposera parfois d’ouvrir une nouvelle discipline pour attirer davantage les jeunes filles qu’elles ne le sont naturellement. Il faut également mener des opérations de communication régulières pour favoriser l’attrait pour le sport, qui fait parfois cruellement défaut.

Il y a ensuite la question de ce que vous appeliez l’éclat médiatique. Vous avez raison et il ne s’agit pas là de paillettes : au fond, rien ne justifie aujourd’hui le moindre intérêt médiatique pour les jeunes femmes en matière sportive, si ce n’est, aussi étrange que cela puisse paraître, un décret, toujours en vigueur, qui est beaucoup plus favorable à l’égard du sport masculin s’agissant des règles imposées aux chaînes de télévision pour la retransmission. C’est là un héritage historique : par le passé, on trouvait peu de femmes dans les sports de compétition. Valérie Fourneyron et moi-même avons décidé de remédier à cette situation en réécrivant le décret, pour que les sports féminins puissent être davantage représentés, notamment dans les médias télévisés.

M. le président. Nous en venons à une question du groupe Union des démocrates et indépendants.

La parole est à M. Arnaud Richard.

M. Arnaud Richard. Madame la ministre, je n’ai malheureusement pas pu entendre votre propos introductif car j’étais à la commission des affaires européennes, où nous auditionnions Michel Barnier, mais je lirai attentivement le compte rendu.

Nous sommes dans un débat, ce qui signifie qu’il faut savoir entendre ce qui est dit. À cet égard, je dois vous avouer que ce que j’ai entendu a modifié l’orientation de ma question. J’avais lu avec étonnement que vous proposiez aux membres du Gouvernement une formation individualisée d’une heure pour les sensibiliser au problème de la parité et mettre à mal les stéréotypes inconscients. Cela m’avait rendu fou ! (Sourires.)

Mais, pour tout vous dire, ce que j’ai entendu tout à l’heure sur l’idée de diffuser au plus profond des administrations la problématique des préjugés sociaux et des stéréotypes inconscients me convainc. Ma question s’en trouve donc complètement changée.

Néanmoins, et à la suite des propos de notre collègue Nicole Ameline, j’aimerais que vous nous répondiez en tenant compte de la situation réelle de l’économie de notre pays. Comment attaquer de front le problème de la précarité et des familles monoparentales ? Vous avez fait tout à l’heure un constat, comme nous le faisons tous ; j’aimerais vous entendre maintenant préciser les pistes opérationnelles et pratiques que vous envisagez pour les familles monoparentales, à la tête desquelles se trouvent la plupart du temps des femmes.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Je me réjouis d’avoir pu vous convaincre par mes explications sur ces séances de sensibilisation, qui ont, en effet, été beaucoup caricaturées.

S’agissant de votre question sur les familles monoparentales, je disais en introduction que celles-ci avaient souvent une femme à leur tête et que c’était évidemment, pour le ministère des droits des femmes, un élément essentiel.

Il y a, d’abord, la lutte contre la précarité en tant que telle. Vous avez entendu le Président de la République annoncer la tenue prochaine d’une conférence sur la précarité et la pauvreté, à laquelle je participerai, ainsi que ma collègue Marie-Arlette Carlotti, avec l’angle particulier qui me concerne.

Ensuite, c’est l’ensemble des sujets que nous avons évoqués depuis le début de l’après-midi qui trouve sa place dans la réflexion sur les familles monoparentales. Nous évoquions par exemple, tout à l’heure, s’agissant des inégalités professionnelles, le fait que les femmes souffrent d’une surreprésentation en matière de temps partiel subi. Or qui dit temps partiel dit aussi rémunération partielle et précarité.

Les femmes sont également confrontées, dans un certain nombre de filières, à des horaires atypiques, voire à la nécessité de cumuler plusieurs emplois à la fois. Ce sont principalement les femmes qui sont concernées par ces réalités. Outre ces conditions de travail difficiles, dont elles sont les premières à souffrir, elles sont souvent à la tête de familles monoparentales. Le jour où nous aurons réussi à avancer sur ces questions de temps partiel subi, d’horaires atypiques et d’articulation des temps de vie – c’est bien ce que nous comptons faire, notamment avec la négociation qui a commencé entre les partenaires sociaux et qui trouvera sa conclusion début mars –, nous aurons déjà résolu un certain nombre de problèmes.

Le travail que nous menons avec les collectivités locales est également important. Que faisons-nous, par exemple, dans les neuf régions où est conduite l’expérimentation que j’évoquais tout à l’heure sur l’égalité professionnelle ? Nous travaillons, notamment avec les communes et les départements, sur la question des transports et de la garde d’enfants. C’est en réussissant à créer un environnement favorable pour les femmes qui travaillent et qui sont à la tête d’une famille que nous pourrons prendre à bras-le-corps la question des familles monoparentales.

M. le président. Nous en venons aux questions du groupe écologiste. La parole est à Mme Véronique Massonneau.

Mme Véronique Massonneau. Madame la ministre, à l’heure actuelle, seulement 13,7 % des administrateurs des grands groupes européens sont des administratrices. Pour lutter contre cette sous-représentation, Mme Viviane Reding, commissaire européenne à la justice, a proposé au Parlement européen l'instauration d'un quota – le terme n'est pas des plus valorisants – de 40 % de femmes dans les conseils d'administration des grands groupes. Malheureusement, sa proposition reste pour le moment en suspens, et Mme Reding devra batailler pour convaincre ses collègues de la mettre en place.

En France, la loi du 27 janvier 2011 vise à tendre vers le même résultat que celui prôné par Mme Reding, à savoir 40 % de femmes administratrices. Mais la loi française prévoit deux paliers. Le premier, après trois ans, c'est-à-dire en 2014, doit nous permettre d'atteindre un taux d'administratrices de 20 % ; le second, en 2017, prévoit un taux de 40 %.

Afin d'assurer le respect de cette loi, un dispositif de sanctions a été intégré. Ainsi, il sera prononcé une nullité des nominations en cas de non-respect des quotas, nullité à laquelle peuvent s'ajouter des sanctions financières.

Si les groupes du CAC 40 peuvent avancer un taux plus élevé que la moyenne, avec 21,89 % d’administratrices en début d'année 2012, il est nécessaire de faire en sorte que cette progression continue et, surtout, que cela concerne les groupes ne faisant pas partie du CAC 40.

La question de la parité est un combat de longue date pour les écologistes, comme en témoigne l'amendement adopté au Sénat hier sur la parité au sein du Haut conseil des finances publiques.

C'est pourquoi, madame la ministre, je souhaiterais que vous exposiez la situation précise en France concernant la présence des femmes au sein des conseils d'administration et que vous nous expliquiez quelle politique vous comptez mettre en œuvre afin d'appliquer au mieux la loi dite de féminisation.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Madame la députée, je tiens tout d’abord à vous féliciter pour l’amendement adopté hier soir.

Je disais tout à l’heure que l’égalité hommes-femmes n’est pas une question clivante en politique. Il arrive que nous ne soyons pas d’accord, mais il est des sujets à propos desquels on peut se féliciter de l’action menée par une autre majorité. Objectivement, l’instauration de quotas dans les conseils d’administration des grandes entreprises est une avancée, que je salue, d’autant plus que les objectifs sont atteints plus rapidement que prévu. Le taux de 20 % d’administratrices devait être atteint en 2014, mais les grandes entreprises ont d’ores et déjà dépassé ce seuil, le taux de féminisation étant aujourd’hui de 22,3 %.

Par ailleurs, cette loi, adoptée sous la précédente mandature, a permis que les choses évoluent positivement dans la fonction publique. La loi du 12 mars 2012, qui impose aux établissements publics de compter 20 % de femmes dans leur conseil d’administration à compter du premier renouvellement, puis 40 % après le second renouvellement, est en effet inspirée de ces dispositions.

Comment peut-on aller plus loin ? Le vrai pouvoir, on le sait, ne se trouve pas dans les conseils d’administration, mais au sein des comités directeurs et des comités exécutifs. Nous devons entreprendre un travail approfondi sur cette question. Pour ma part, j’ai décidé de commencer par sensibiliser, voire d’inciter – avec beaucoup de volontarisme politique – les entreprises du SBF 120, afin qu’elles puissent se fixer des objectifs d’accroissement de la part des femmes dans leurs comités, puisqu’il ne sera pas possible d’imposer un quota par la loi. De la même façon, je mènerai avec Benoît Hamon des actions spécifiques dans le secteur de l’économie sociale et solidaire afin que soient fixés des objectifs similaires.

Nous soutenons le projet de directive de Viviane Reding, qui a profondément divisé la Commission européenne et créé un certain traumatisme. Le gouvernement français est solidaire de la commissaire sur ce projet.

Comment peut-on encore améliorer la représentation des femmes dans les conseils d’administration ? La loi manque peut-être d’un dispositif de suivi efficace. À cet égard, j’ai demandé à Danielle Bousquet, qui prend la tête de l’Observatoire de la parité rénové, de travailler avec les membres de l’observatoire à une meilleure évaluation des lois que nous votons en matière d’égalité entre les femmes et les hommes. Là encore, le travail est en cours et c’est bien volontiers que nous vous y associerons.

M. le président. La parole est à M. Sergio Coronado.

M. Sergio Coronado. Madame la ministre, je voudrais d’abord m’associer aux remerciements formulés à la tribune par Mme Barbara Pompili. En effet, vous aviez pris l’engagement, avec la garde des sceaux, d’organiser ce débat. Il était nécessaire. Les faits divers récents, le procès des viols collectifs à Fontenay-sous-bois notamment, ont mis en lumière les violences – barbares, serais-je tenté de dire – faites aux femmes.

En France, en 2009, 3 % des femmes déclaraient avoir été victimes d’un acte de violence physique ou sexuelle. Comme l’a rappelé Conchita Lacuey, une femme meurt tous les deux jours et demi sous les coups de son conjoint ou ex-conjoint. Un crime sur deux sanctionnés par la justice est un viol. Les dispositions prévues par la loi sont faiblement et mal appliquées. Selon un rapport du Conseil de l’Europe, les violences faites aux femmes sont la principale cause de décès et d’invalidité pour les femmes, avant même les guerres, les cancers ou les accidents de la route. Nous savons aussi que le taux de révélation de ces violences est très faible, de l’ordre de 9 %.

Je voudrais vous interroger sur l’hébergement d’urgence en faveur des victimes de violences, une question essentielle si l’on veut s’attaquer concrètement à la question des violences faites aux femmes. Votre champ d’intervention, madame la ministre, est vaste et votre action sera sans doute évaluée à partir de mesures très concrètes. L’augmentation du nombre de places en centres d’hébergement d’urgence en est une.

La loi Apparu de 2011 avait regroupé l’ensemble des publics en situation d’urgence, avec comme conséquence qu’il n’y a pas eu, depuis, de nouvelles places d’hébergement d’urgence pour les femmes victimes de violences.

Pour faire face à une telle situation, le Conseil de l’Europe a formulé des recommandations, fixant l’objectif d’une place pour 10 000 habitants. En France, les associations réclament 4 500 places, alors qu’il n’en existe que 1 500. Vous avez évoqué le projet de votre collègue Cécile Duflot visant à redéfinir les priorités d’accès à l’hébergement d’urgence.

Ma question est simple et je souhaite que votre réponse lève mon inquiétude : le Gouvernement lancera-t-il un programme pour augmenter le nombre de places d’hébergement d’urgence pour les familles victimes de violences ou se contentera-t-il de jouer sur les critères de priorité ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Monsieur le député, il faut toujours garder à l’esprit que les places d’hébergement peuvent être proposées aux auteurs de violences, ce qui permet de favoriser leur éviction du domicile. Entre nous, et au-delà des principes auxquels il est important d’adhérer, nous pouvons dire qu’il est beaucoup plus facile dans la pratique de trouver une solution d’hébergement pour une personne, en l’occurrence le conjoint violent, que pour une famille entière. La mesure d’éviction du conjoint a été instaurée par la loi de 2006 renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple. Or, en 2011, cette mesure n’a été prononcée que dans 13 % des cas, taux d’ailleurs en baisse par rapport aux deux années précédentes. Je pense qu’il faut sensibiliser les juridictions à cette procédure et leur rappeler cette possibilité.

S’agissant des femmes victimes de violences et de la nécessité de mieux accompagner leur parcours, il convient évidemment de développer les accueils de jour. Nous avons commencé à le faire dans 62 départements, où 3 millions d’euros ont été consacrés à cette forme d’accueil en 2012. Cela permet d’accompagner les femmes dès leur départ du domicile, mais aussi après leur relogement, ce qui est extrêmement important. Cela passe par la mobilisation des CHRS généralistes ou spécialisés, des CHU, des structures associatives.

Par ailleurs, le Premier ministre a débloqué de façon exceptionnelle une enveloppe de 50 millions d’euros, qui permettra de financer une partie des capacités d’accueil, notamment dans les territoires où les tensions se font le plus sentir – puisqu’il existe aussi une inégalité territoriale en la matière.

Nous manquons cruellement de données sur cette question, notamment parce que la législation a favorisé le regroupement des publics accueillis en urgence, gommant la spécificité de la situation des femmes victimes de violences. Nous travaillerons à recueillir davantage de données, notamment dans le cadre de l’observatoire des violences.

Je veux aussi rappeler la possibilité, offerte par la loi aux collectivités locales, de passer des conventions avec des bailleurs afin d’accueillir dans des appartements plus pérennes les victimes de violences.

M. le président. Nous en venons aux questions du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

La parole est à Mme Dominique Orliac.

Mme Dominique Orliac. Madame la ministre, le code du travail offre à juste titre une grande protection aux femmes pendant la période de grossesse médicalement constatée. Mais la fin du congé de maternité se traduit souvent par un point de rupture dans la carrière des femmes. Selon une étude de l’Institut national d’études démographiques réalisée en 2004-2005, parmi les femmes actives de 20 à 49 ans, 14 % ont arrêté leur activité professionnelle à l’arrivée de leur premier enfant. Bien évidemment, il ne s’agit pas toujours d’un choix librement opéré par les nouvelles mères.

À cet égard, j’attire votre attention sur la situation toute particulière des femmes exerçant le métier d’agent commercial, licenciées après leur accouchement. Ce type de métier a la spécificité de n’assurer aux salariés qu’un salaire fixe, correspondant le plus souvent à un SMIC, auquel s’ajoute un montant variable de commissions. À leur retour de congé maternité, les femmes commerciales sont placées face à une situation délicate, puisqu’il leur faut constituer une nouvelle clientèle, se réadapter aux horaires, souvent chargés, et éventuellement suivre une nouvelle formation. Les premiers mois de reprise du travail se traduisent souvent par une baisse importante de salaire pour ces femmes et par une baisse de productivité qui les rend licenciables à tout moment.

Or, lorsqu’elles sont effectivement licenciées, les femmes commerciales se retrouvent dans une précarité financière qui résulte du calcul appliqué par Pôle emploi pour fixer le montant de leur indemnité journalière. Pôle emploi se base en effet sur les douze derniers mois précédant la perte de l’emploi, mais écarte les mois correspondant aux congés liés à la grossesse et à la maternité. Se basant sur les mois potentiellement les moins rémunérateurs, le calcul opéré par Pôle emploi ne tient pas compte du niveau de vie que les femmes commerciales avaient avant leur grossesse.

Pourquoi ne pas baser le calcul des indemnités chômage de ces femmes sur les 24 derniers mois avant leur licenciement, ou bien encore sur les 12 derniers mois travaillés ? Je voudrais attirer votre attention sur le fait que ce problème est susceptible de se poser pour toute personne exerçant ce type de métier, homme ou femme, qui reprendrait son travail après un congé maladie de longue durée.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Madame la députée, cette question relève de l’application de la convention d’assurance chômage de mai 2011 et donc de la négociation entre partenaires sociaux. Mais je note vos remarques et je prendrai l’attache de l’UNEDIC, afin de travailler sur cette question.

Vous avez évoqué plus généralement la protection des femmes qui reviennent d’un congé maternité et l’interdiction légale de les licencier dans les quatre semaines qui suivent. Sans doute cette protection n’est-elle pas suffisante, le licenciement survenant souvent quelques semaines plus tard. Je souhaite que nous renforcions cette protection.

M. le président. Madame Orliac, vous avez la parole pour une deuxième question.

Mme Dominique Orliac. Madame la ministre, le respect du droit des femmes est une priorité pour ce gouvernement. L’Observatoire de la parité entre les hommes et les femmes, s’il met en lumière le chemin qu’il reste à parcourir en matière d’égalité salariale, de lutte contre les discriminations, de parité politique ou de lutte contre les violences faites aux femmes, montre également que les actions et les campagnes de sensibilisation se multiplient dans ce domaine. Nous devons nous en réjouir.

Mais il est aussi important de réagir lorsque certaines structures, travaillant justement à ces actions d’information et de prévention, sont directement menacées. C’est le cas des 114 centres d’information sur les droits des femmes et des familles. En effet, ceux-ci craignent une diminution significative des aides de l’État, diminution qui menacerait directement leur pérennité.

Le désengagement de l’État aurait des conséquences très graves sur la capacité d’intervention de ces structures, dont certaines, comme dans le Lot, interviennent directement auprès des femmes battues, qui sont accueillies, écoutées et hébergées.

Outre le travail mené dans ce cadre, il faut rappeler que les CIDFF constituent par ailleurs un relais d’information indispensable pour les femmes et les familles, que ce soit en matière d’information juridique, d’orientation professionnelle, d’emploi ou de formation.

Ce sont autant de secteurs d’intervention qui justifient, madame la ministre, un soutien déterminé de l’État, alors que nous constatons dans nos départements des besoins croissants et un public touché par une précarité elle aussi en augmentation. Quelles garanties pouvez-vous donner aux CIDFF quant aux moyens qui leur seront alloués pour remplir la mission d’intérêt général qui est la leur ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Madame Orliac, merci d’évoquer l’action des acteurs de terrain, notamment les 114 CIDFF, qui jouent un rôle extrêmement précieux auprès des femmes. Assez équitablement répartis sur le territoire, ils emploient près d’un millier de salariés et traitent chaque année quelque 900 000 demandes d’information.

Ces CIDFF sont soumis, au niveau national, à l’agrément du ministère des droits des femmes, mais leur financement dépend de plusieurs administrations. Au-delà, en effet, de ce que leur apporte mon ministère, la politique de la ville, le fonds interministériel de prévention de la délinquance ou encore les collectivités territoriales viennent contribuer au financement de leurs actions.

Je sais qu’un certain nombre d’entre eux ont rencontré des difficultés financières ces dernières années. J’ai donc souhaité, dès mon arrivée à la tête de ce ministère, faire en sorte que l’instance nationale, le CNIDFF, puisse se voir garantir le soutien pérenne du ministère. C’est pour cela que nous allons conclure une convention pluriannuelle d’objectifs en 2013, pour renforcer nos relations de travail.

Pour ce qui est des CIDFF implantés localement, il n’y a pas de contractualisation à proprement parler, mais je proposerai néanmoins dans mon budget d’enrayer la baisse des financements et de les maintenir au même niveau qu’en 2012. Cela correspond concrètement à un montant global d’un peu plus de 4 millions d’euros pour 2013, ce qui signifie que le soutien aux associations du réseau des CIDFF avoisinera en tout, puisqu’il faut y ajouter le financement des structures d’aide à l’insertion pour l’emploi, les 5 millions d’euros pour l’année qui vient. Cela représente environ un cinquième du programme 137, c’est vous dire l’importance que nous y attachons. Sachez par ailleurs que ma collègue Christiane Taubira finance de son côté une partie des CIDFF sur un programme spécifique.

Voilà, je l’espère, qui pourra vous rassurer.

M. le président. Le débat est clos.

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Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

Suite de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2013 : crédits de la justice.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures trente-cinq.)