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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2012-2013

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du jeudi 8 novembre 2012

SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE

SOMMAIRE


Présidence de Mme Sandrine Mazetier

1. Projet de loi de finances pour 2013 Seconde partie (suite)

Travail et emploi

M. Christophe Castaner, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

M. Gérard Cherpion, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales pour le financement national du développement et de la modernisation de l’apprentissage

M. Jean-Patrick Gille, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales pour l’emploi

M. Francis Vercamer, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales pour le travail

M. Christophe Cavard

M. Olivier Falorni

M. Michel Liebgott

Mme Marie-Christine Dalloz

Mme Monique Iborra

M. Laurent Marcangeli

Suspension et reprise de la séance

Mme Kheira Bouziane

M. Jean-Frédéric Poisson

M. Jean-Marc Germain

M. David Douillet

Mme Martine Carrillon-Couvreur

Mme Annie Genevard

Mme Chaynesse Khirouni

M. Patrick Hetzel

M. Philippe Noguès

M. Jean-René Marsac

M. Arnaud Richard

M. Michel Sapin, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

M. Thierry Repentin, ministre délégué chargé de la formation professionnelle et de l’apprentissage

Rappel au règlement

M. Jean-Frédéric Poisson

M. Gabriel Serville

M. Michel Sapin, ministre

M. Patrice Carvalho

M. Michel Sapin, ministre

M. Serge Letchimy

M. Michel Sapin, ministre

Mme Monique Iborra

M. Michel Sapin, ministre

Mme Annie Genevard

M. Michel Sapin, ministre

M. Philippe Gomes

M. Michel Sapin, ministre

Suspension et reprise de la séance

Mission « Travail et emploi »

Après l’article 71

Amendement no 378

État B

Amendements nos 379, 143, 265, 288, 145, 264, 278, 286

M. Michel Sapin, ministre

Amendements nos 141, 142, 287

Article 71 (précédemment réservé)

Amendements nos 102, 186

État D

Compte d’affectation spéciale « Financement national du développement et de la modernisation de l’apprentissage »

Amendements nos 144, 266, 277 rectifié

2. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de Mme Sandrine Mazetier,
vice-présidente

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Projet de loi de finances pour 2013
Seconde partie (suite)

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2013 (n°s 235, 251).

Travail et emploi

Mme la présidente. Nous abordons l’examen des crédits relatifs au travail et à l’emploi (n° 251, annexe 47, n° 255, tomes V à VII).

La parole est à M. Christophe Castaner, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.

M. Christophe Castaner, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Madame la présidente, monsieur le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, messieurs les rapporteurs, chers collègues, pour commencer mon propos, je poserai une question simple : à quoi sert le ministère du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social ? Plus globalement, à quoi sert ce ministère, quelle que soit, dans son histoire, l’évolution de son périmètre ?

Pour faire simple, il prépare et met en œuvre les règles relatives aux conditions de travail, à la négociation collective et aux droits des salariés. Mais aussi, et surtout, il agit pour la défense et la promotion de l’emploi.

Imagineriez-vous un pays qui serait passé en dix ans d’un taux de chômage de 7,8 % de sa population active à 10,2 % et qui aurait vu, en même temps, passer le budget de l’État en matière d’emploi de 16,8 milliards d’euros à 9,95 milliards ? Et bien, ce pays existe, c’est la France !

Souligner cela, souligner cette situation dégradée face à l’emploi, dont, hélas, les jeunes sont les premières victimes, ne vise pas à souligner l’échec de la droite avec, comme bilan de la législature écoulée, le triste record de la hausse la plus brutale du chômage depuis trente ans, mais à démontrer, si cela était nécessaire, que ce triste bilan s’explique par une baisse des moyens accordés aux politiques de l’emploi et par un manque de constance politique.

M. Patrick Hetzel. On l’attendait !

M. Christophe Castaner, rapporteur spécial. Parce que nous croyons, à gauche, à l’action publique, nous ne partageons pas cette politique du laisser-faire, du laisser-aller. Et entendons-nous bien, nous ne parlons pas de la réparation par l’indemnisation – son financement est ailleurs –, mais bien de l’action publique. Les gouvernements précédents avaient d’ailleurs utilisé tous les outils possibles pour faire baisser les chiffres du chômage de manière artificielle, notamment via les radiations administratives. Elles furent ainsi en moyenne, en 2001, de 27 000 par mois, pour passer à 40 000 dès la première année du gouvernement Raffarin. Mais, là encore, Nicolas Sarkozy détient un record, avec un niveau de radiations qui a grimpé jusqu’à 45 000 par mois depuis 2007. Voilà les faits, il était donc urgent d’agir !

La mission « Travail et emploi » porte deux grandes priorités du Gouvernement : l’emploi et la jeunesse. Les crédits affichent une progression qui, dans un contexte particulièrement contraint, atteste d’une volonté de ne pas relâcher l’effort en faveur de l’emploi, de soutenir ceux qui sont les plus touchés par le chômage – les jeunes, les seniors, les chômeurs de longue durée et les travailleurs handicapés –, et de prendre en compte la situation des demandeurs d’emploi.

C’est donc tout naturellement que le budget présenté aujourd’hui se trouve en hausse. Il est annonciateur de nouveaux dispositifs ayant pour vocation la baisse du chômage et l’insertion durable des personnes, notamment les jeunes, dans l’emploi.

Le budget qui vous est présenté ici est un budget de redressement, un budget de combat, un budget de gauche, qui doit malheureusement répondre à l’urgence de la situation sociale.

En 2013, les crédits de la mission « Travail et emploi » progressent globalement de 2 % en crédits de paiement par rapport à la loi de finances initiale pour 2012, ce qui représente un total de 10,12 milliards d’euros – hors compte d’affectation spéciale.

Les crédits de la mission progressent surtout de 22 % en autorisations d’engagement, en raison d’un engagement fort pour les 150 000 emplois d’avenir qui seront créés ces deux prochaines années. Près de 470 millions d’euros sont mobilisés en PLF 2013, dont 30 millions destinés à l’accompagnement des jeunes, notamment par les missions locales. Je me félicite d’ailleurs que les premiers contrats aient été signés aujourd’hui, notamment en Seine-et-Marne en présence du Président de la République.

L’objet de mon intervention n’est pas d’entrer dans le détail de l’ensemble des dispositifs, je souhaite toutefois aborder deux points principaux : d’abord, les principales évolutions budgétaires par programme, ensuite, les crédits en faveur de l’apprentissage, en particulier à travers la réforme du CAS « Fonds pour la modernisation et le développement de l’apprentissage », dont le périmètre va évoluer sensiblement en 2013.

Le programme 102 en faveur de l’accès et du retour à l’emploi est celui qui concentre les principales évolutions de la mission. Ce programme porte les crédits dédiés aux contrats aidés et aux nouveaux emplois d’avenir.

Ses autorisations d’engagement progressent de 44 % et ses crédits de paiement de 6 %, la forte progression des autorisations d’engagement étant principalement due, nous l’avons dit, au financement des emplois d’avenir.

En effet, l’État s’engage dès 2013 à hauteur de 466,6 millions d’euros pour financer les 100 000 emplois d’avenir prévus en 2013, auxquels viendront s’en ajouter 50 000 en 2014. Parmi ces 470 millions, 30 seront destinés principalement aux missions locales au titre de l’accompagnement et du suivi des bénéficiaires ; il ne serait d’ailleurs pas illogique, monsieur le ministre, de rattacher clairement ces crédits aux budgets des missions locales. De fait, en 2013, les crédits de ces dernières sont en forte augmentation, cette aide venant s’ajouter au maintien de leur financement au même niveau que 2012 – de l’ordre de 178 millions d’euros. Il n’y a pas lieu à ce sujet d’évoquer une budgétisation qui ne serait pas la stricte application de la loi que nous avons votée. La montée en puissance du dispositif devrait coûter 466 millions d’euros. Il convient de distinguer la loi et l’exercice de budgétisation.

Les contrats aidés sont aussi nombreux dans le PLF 2013 que dans la loi de finances pour 2012 – avec un coût de 1,47 milliard d’euros. Les moyens prévus permettront de financer 340 000 contrats non-marchands et 50 000 contrats marchands – les CIE. Il est important que ces crédits puissent être utilisés tout au long de l’année, pas seulement au début, comme cela a été le cas début 2012, avec une programmation qui pesait sur deux tiers des moyens pour les seuls premiers mois de l’année. Il y a quelquefois des cohérences qui gagneraient à un peu plus de cohérence…

Il est important également de rompre avec une logique uniquement quantitative pour favoriser une approche construite sur la qualité de ces contrats afin de favoriser la meilleure insertion des bénéficiaires. Les moyens budgétaires ouverts sont cohérents, ils sont construits selon les mêmes références que les budgets des années antérieures et ne pâtiront pas du surbooking du vol préélectoral que nous avons connu en ce début d’année. Mon image, madame et monsieur de l’opposition, est bien évidemment une référence aux pratiques des compagnies aériennes ; ne voyez dans le mot « vol » que cette seule acception.

Dans ce même programme 102, plusieurs dispositifs sont maintenus et d’autres sont renforcés. Sont maintenus le CIVIS – le contrat d’insertion dans la vie sociale, avec des crédits de 50 millions d’euros – ; les écoles de la deuxième chance – 24 millions d’euros – ; l’insertion par l’activité économique – 197 millions d’euros, la question de l’aide aux postes pour les entreprises d’insertion restant ouverte. J’aimerais insister sur l’importance de l’insertion par l’activité économique ; nous en débattrons tout à l’heure en examinant les amendements.

Sont également maintenus l’EPIDe – l’établissement public d’insertion de la défense, à hauteur de 45 millions d’euros – et l’allocation spécifique de solidarité, versée par le Fonds de solidarité, qui demeure évaluée au-dessus de 2 milliards d’euros.

Parmi les dispositifs renforcés que je vais citer, beaucoup feront l’objet d’un débat au fil de nos discussions. L’AER – l’allocation équivalent retraite – est complétée par une allocation transitoire de solidarité dotée de 10 millions d’euros. Des amendements ont été déposés sur l’AER. Nous le savons, pour les seniors, le retour à l’emploi est beaucoup plus faible que la moyenne. Je voudrais toutefois souligner qu’au-delà du texte budgétaire qui nous rassemble aujourd’hui, le Gouvernement n’est pas resté inactif. Depuis le 1er novembre, les premiers bénéficiaires du décret « 60 ans », soit, en année pleine, plus de 100 000 personnes, profitent de la correction de cette grande injustice voulue par la réforme de 2010.

Je pense aussi à l’accord sur le contrat de génération, qui a pour objectif le maintien en emploi et l’embauche des seniors. Vous présenterez le texte, monsieur le ministre, en Conseil des ministres, le 12 décembre.

Enfin, c’est aussi par la réforme globale du système de retraite, qui sera mise en chantier en 2013, que nous devrons apprécier cette question. Tout l’enjeu est d’agir à tous les niveaux pour favoriser le retour à l’emploi des seniors. Dans ce cadre, il me semble important de prendre le temps d’une évaluation de la situation avant de se prononcer sur les modalités d’un rétablissement.

L’aide aux postes adaptés pour les personnes en situation de handicap progresse. L’enveloppe qui lui est consacrée permettra la prise en charge de 1 000 bénéficiaires supplémentaires par rapport à 2012, soit un total de 21 535 travailleurs handicapés en 2013. Permettez-moi de souligner ce point. L’engagement n° 32 du candidat François Hollande posait comme principe…

Mme Marie-Christine Dalloz. C’était un engagement de Nicolas Sarkozy !

M. Christophe Castaner, rapporteur spécial. Il aurait fallu le financer. Tel ne fut pas le cas et c’est bien dommage !

Cet engagement de François Hollande posait comme principe l’existence d’un volet handicap dans chaque loi et il est bon de constater que cela se traduit dans la loi-mère, la loi de finances.

Enfin et surtout, les moyens de Pôle emploi vont être considérablement renforcés. La subvention pour charges de service public progresse de 107 millions d’euros. Concrètement, cela permettra de financer le recrutement de 2 000 CDI supplémentaires De son côté, Pôle emploi redéploie 2 000 postes vers l’accompagnement du public. Au final, 30 % de conseillers supplémentaires seront au contact du public.

Je tiens à souligner l’importance de la nouvelle stratégie de Pôle emploi, qui souhaite insister sur l’accompagnement renforcé des personnes les plus éloignées de l’emploi, le but fixé dans le cadre de cet accompagnement renforcé étant d’atteindre soixante-dix dossiers maximum par conseiller afin de renforcer la personnalisation de l’accompagnement. Mon collègue Gille reviendra, à n’en pas douter, sur ce point.

S’agissant de l’accompagnement renforcé, je voudrais souligner l’importance du rôle du FIPJ – le fonds pour l’insertion professionnelle des jeunes – qui accompagne les jeunes les plus éloignés de l’emploi. Il est dommage que la ligne budgétaire concernant les aides directes de ce fonds soit en baisse – 3,6 millions contre 5 millions en 2012. Au regard de la priorité donnée à la jeunesse, je proposerai un amendement visant à renforcer cette ligne budgétaire.

Le programme 102, vous l’avez remarqué, concentre la plupart des mesures qui permettront un changement de cap majeur de la politique de l’emploi, impulsé par le Gouvernement.

Abordons maintenant les crédits du programme 103 sur l’accompagnement des mutations économiques et le développement de l’emploi. Ils sont de prime abord en diminution : moins 157 millions d’euros. Toutefois, à y regarder de plus près, cette baisse ne résulte que d’un changement de périmètre, lié au redéploiement d’une partie de la dotation générale de décentralisation « formation professionnelle » vers le compte d’affectation spéciale, pour un montant total de 250 millions d’euros. Hors ce changement de périmètre, les crédits progressent de 93 millions d’euros en valeur.

Au sein de ce programme, je tiens à signaler l’augmentation des crédits alloués au financement de l’activité partielle, qui atteindront 70 millions d’euros en 2013. Je félicite le Gouvernement pour ce choix qui rompt avec une logique de baisse régulière, les crédits consacrés à l’activité partielle étant passés de 650 millions d’euros en 2009 à 30 millions d’euros à peine en LFI 2012 !

Mme Marie-Christine Dalloz. Vous oubliez la crise !

M. Christophe Castaner, rapporteur spécial. Invoquer le modèle allemand qui vous est cher ne conduit pas forcément à adopter ses meilleures pratiques, même si des annonces opportunes avaient été faites lors du sommet social de janvier 2012.

Il est essentiel de faciliter le fonctionnement de ce dispositif pour éviter des suppressions d’emploi en amortissant le choc des mauvaises conjonctures. Toutefois, il me paraît important de se pencher sur une simplification de ce même dispositif car il s’avère encore trop complexe pour les entreprises. Je sais, monsieur le ministre, qu’une réflexion a commencé. Il convient d’aller vers un effort supplémentaire avec les partenaires sociaux, qui sont très favorables à cette simplification.

En ce qui concerne la sécurisation des parcours professionnels, on peut également mentionner le maintien du contrat de sécurisation professionnelle en cas de licenciement économique. Là aussi, soyons attentifs au suivi. Une légère baisse peut apparaître par rapport à 2012, mais elle est en trompe l’œil puisque les crédits atteignent 101 millions d’euros, 31 millions d’euros supplémentaires étant issus des reports de trésorerie de Pôle emploi au titre de la gestion des conventions de reclassement personnalisé et des contrats de transition professionnelle qui ont été remplacés par le CSP.

Il est regrettable, monsieur le ministre, que les crédits consacrés à la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, la GPEC, soient en baisse de 97 millions d’euros en crédits de paiement l’an dernier à 60 millions d’euros cette année. Je trouve cela dommage car ces dispositifs ont pour ambition d’anticiper les mutations économiques, en incitant et aidant tout particulièrement les petites et moyennes entreprises à agir en faveur des salariés de bas niveau de qualification. La GPEC a prouvé son efficacité, notamment en prévenant les licenciements en amont ou bien encore en incitant à la formation continue de ses salariés. C’est pourquoi j’ai déposé un amendement destiné à revaloriser les crédits qui lui sont dédiés.

Enfin, je note dans ce programme 103 deux évolutions majeures en termes d’économies. D’abord la suppression des contrats d’autonomie, qui profitaient à des personnes qui n’en avaient pas toujours besoin et dont le coût était élevé. Plus globalement, personne ne peut sérieusement contester l’échec du plan « espoir banlieues ». Ainsi, 46 millions d’euros peuvent être économisés. Le public ciblé par les contrats d’autonomie s’intègre dorénavant parfaitement aux emplois d’avenir.

M. Jean-Patrick Gille, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales pour l’emploi. Très bien !

M. Christophe Castaner, rapporteur spécial. Ensuite, le Gouvernement, fondant sa politique sur un dialogue social rénové, ne reconduit pas en 2013 les prélèvements régulièrement opérés ces trois dernières années sur le fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels avec la disparition de tout financement contraint de ces fonds par les partenaires sociaux. En sa qualité de rapporteur spécial, mon collègue Christian Eckert avait d’ailleurs souligné en 2012 l’utilisation abusive des crédits du fonds pour des actions qui ne correspondaient pas à son but premier, c’est-à-dire financer la formation professionnelle des publics les plus éloignés de l’emploi.

En ce qui concerne le programme 111, qui, rappelons-le, porte sur l’amélioration de la qualité de l’emploi et des relations au travail mais aussi sur l’inspection du travail, les crédits restent à peu près stables à 78 millions d’euros.

J’aimerais souligner ici l’importance de la réforme de la représentativité syndicale, grand projet de promotion du dialogue social. Une étape importante sera franchie en août 2013 avec la publication de la nouvelle liste des organisations syndicales représentatives par branche, au niveau national et interprofessionnel. Elle repose sur une idée simple : la démocratie sociale a besoin de syndicats forts ce qui implique une légitimité renforcée. Cela est encore plus nécessaire dans une période de crise comme celle que nous vivons. La constitutionnalisation du dialogue social est aussi une façon de renforcer la reconnaissance des partenaires sociaux et d’élever au niveau constitutionnel les principes de la loi du 31 janvier 2007.

Enfin, les crédits de paiement du programme 155, support de la mission, progressent de 40 millions d’euros, principalement en raison d’une hausse des coûts en personnel induite par le rattachement des effectifs et des moyens de fonctionnement de la délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle, la DGEFP. Toutefois, les crédits de fonctionnement restent stables entre 2012 et 2013. Une légère baisse est même constatée pour les crédits d’étude et le financement de l’institut national du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle.

La maîtrise des coûts, vous pouvez le constater, est un enjeu essentiel pour le Gouvernement.

S’agissant de ce programme 155, je souhaite souligner deux éléments importants. Le premier est la volonté du ministère de contribuer à l’effort demandé à chacun dans ce budget. Toutefois, compte tenu du caractère prioritaire de ses politiques, la réduction des effectifs à périmètre constant est limitée puisque la mission « travail et emploi » perd 141 équivalents temps plein par rapport à 2012.

Le second élément, qui me semble crucial, concerne le lancement d’un cycle de consultations et de réflexions sur les méthodes, l’organisation et les objectifs des services du ministère. Vous avez ouvert, monsieur le ministre, trois chantiers : moderniser le fonctionnement de l’inspection du travail, rénover le fonctionnement des DIRECCTE et réfléchir à l’accompagnement des mutations économiques. Les premiers arbitrages seront rendus à la fin du premier semestre 2013. Il était temps de s’occuper aussi du bon fonctionnement de ce ministère.

Je souhaite à présent évoquer les exonérations en faveur de l’apprentissage et l’élargissement du périmètre du compte d’affectation spécial. Soulignons le maintien des exonérations de cotisations sociales en faveur de l’apprentissage. Les résultats sont très positifs en matière d’insertion dans l’emploi durable pour des jeunes de 16 à 25 ans qui ont bénéficié d’un contrat d’apprentissage. Cela a incité le Gouvernement à maintenir et renforcer ce dispositif.

Quant au compte d’affectation spécial « financement national de la modernisation et du développement de l’apprentissage », ses recettes pour 2013 sont évaluées à 688 millions d’euros mais ses crédits sont portés à 825 millions d’euros. Parallèlement, il subit un changement de périmètre important qui mérite d’être explicité.

En effet, l’article 35 du PLF 2013, que nous avons examiné ensemble en première partie, mes chers collègues, prévoit dorénavant une contribution du CAS, à hauteur de 250 millions d’euros, à la compensation des indemnités forfaitaires compensatrices dites « primes d’apprentissage » à destination des régions. Cette mesure est une mesure de cohérence budgétaire, l’objectif étant, à terme, de faire du CAS le réceptacle de l’ensemble des mesures destinées à encourager l’apprentissage. Cela apparaît d’autant plus nécessaire que le troisième acte de la décentralisation achèvera certainement de transférer aux régions l’ensemble des compétences en matière de formation professionnelle. L’effort en faveur de l’apprentissage est donc renforcé à travers l’élargissement du périmètre du CAS. Et ce n’est qu’un début !

Je ne peux évoquer la formation sans parler de l’AFPA. Le gouvernement précédent n’a pu mettre en œuvre un schéma méthodique de démantèlement de ce service public sans avoir l’intention formelle de le liquider. Dès sa prise de fonction, le nouveau gouvernement a pris la mesure de l’enjeu et versé une première subvention d’urgence de 20 millions d’euros. Il faut maintenant construire un plan de refondation pour redresser l’association sur le plan financier, développer son activité et construire un nouveau modèle pédagogique.

Ces questions sont en cours d’instruction. Elles auront des conséquences budgétaires mais ne sont pas arrêtées aujourd’hui. Néanmoins, la volonté du Gouvernement de tout mettre en œuvre pour sauver l’AFPA est pour nous une garantie suffisante.

En conclusion, avec la réhabilitation du service public pour l’emploi, les emplois d’avenir, les contrats de génération, les contrats aidés et les contrats en alternance, vous dotez notre pays, messieurs les ministres, de moyens complémentaires et diversifiés pour lutter contre le fléau du chômage, celui des jeunes en particulier.

Ce budget est hélas à la hausse. Il marque la volonté du Président de la République et de son Premier Ministre Jean-Marc Ayrault de faire de l’emploi la priorité. Cette semaine, le Premier Ministre a proposé un pacte pour la compétitivité et l’emploi. C’est un moment majeur de ce mandat et, plus globalement, d’un cycle qui se termine.

Avec ce budget nous aurons les moyens de répondre à l’urgence. C’est un budget de gauche, fier de l’action publique qui sait tendre la main aux plus fragiles en n’oubliant jamais que le plus fragile aujourd’hui peut être notre miroir demain. C’est un budget qui marque sa confiance en l’homme et qui ne stigmatise pas la victime du chômage ni ne la caricature ou ne l’injurie comme ce fut, hélas, trop souvent le cas dans ce pays pour masquer certains reculs.

M. Patrick Hetzel. Quel débat !

M. Christophe Castaner, rapporteur spécial. Permettez-moi, monsieur le ministre Michel Sapin, une conclusion plus personnelle. Je veux vous dire l’honneur que j’ai eu de travailler à votre service il y a quelques années et vous confier la fierté qui sera aujourd’hui la mienne, en quittant ce pupitre dans quelques instants, de m’asseoir à vos côtés. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Cherpion, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales pour le financement national du développement et de la modernisation de l’apprentissage.

M. Gérard Cherpion, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales pour le financement national du développement et de la modernisation de l’apprentissage. Madame la présidente, messieurs les ministres, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, la commission des affaires sociales a choisi de consacrer un avis budgétaire au compte d’affectation spéciale « financement national du développement et de la modernisation de l’apprentissage » créé en 2011 afin de globaliser les fonds destinés à l’apprentissage. J’ai l’honneur d’en être rapporteur.

La création de cet avis me semble utile à double titre. Tout d’abord je pense que nous devons poursuivre les efforts de revalorisation de l’apprentissage, qui est une voie de réussite et d’excellence. Je pense ensuite que nous devons faire le point sur le financement de l’apprentissage afin d’en préparer une réforme, nécessaire à mes yeux. En effet, le financement de l’apprentissage apparaît aujourd’hui trop éclaté, de multiples dispositifs de nature très différente y concourant.

Il s’agit, en premier lieu, de la taxe d’apprentissage, dont le montant collecté en 2011 s’élevait à 1,9 milliard d’euros. Le produit de cette taxe est divisé en deux fractions inégales. Le quota représente 53 % de la collecte en 2012, alimente le compte d’affectation spéciale et finance les centres de formation d’apprentis. Il faut rappeler que le quota sera porté à 55 % en 2013, 57 % en 2014 et 59 % en 2015. Le « hors quota » ou barème représente 47 % du produit de la taxe en 2012. Il est réservé aux premières formations technologiques et professionnelles. À la taxe d’apprentissage sont assimilées deux autres contributions qui participent au financement de ce cursus, la contribution au développement de l’apprentissage – 722 millions d’euros en 2011 – et la contribution supplémentaire à l’apprentissage – 235 millions prévus en 2013 – créée par la loi de finances de 2011 et portant de 3 à 4 % le quota d’alternants dans les entreprises de plus de 250 salariés.

En plus de ces taxes, pour inciter les employeurs à recruter des apprentis, divers avantages fiscaux et sociaux ont été institués, telle l’exonération de cotisations sociales sur les salaires des apprentis, totale pour les entreprises artisanales comptant moins de onze salariés, partielle pour les autres. Cela représente 1,3 milliard d’euros en 2012. L’indemnité compensatrice forfaitaire versée par les régions représente 800 millions d’euros en 2012 et le crédit d’impôt pour les employeurs d’apprentis 470 millions d’euros. L’exonération d’impôt sur le revenu de l’apprenti représente elle 285 millions d’euros. À ces avantages pérennes se sont ajoutées trois mesures temporaires de soutien financier : le dispositif « zéro charges » – 29 millions d’euros versés pour 2009-2010 –, la prime à l’embauche d’un apprenti – 196 millions d’euros pour la même période – et la prime à l’embauche d’un alternant supplémentaire – 40 millions d’euros pour 2011-2012.

Cette brève présentation des montants et des dispositifs en jeu montre, mes chers collègues, la complexité du financement de l’apprentissage. Trois pistes de réforme ont été évoquées lors des auditions que j’ai menées pour réaliser cet avis budgétaire.

Tout d’abord, il semble nécessaire de réduire le nombre d’organismes collecteurs de la taxe d’apprentissage ou OCTA. On dénombre aujourd’hui 144 OCTA, répartis en 63 établissements consulaires, 55 OCTA nationaux et 26 OCTA régionaux. Leur nombre a déjà été fortement réduit – comme le rappelait M. le ministre lors de son audition, il en existait 563 en 2003 – mais il semble néanmoins trop élevé pour permettre une gestion optimale des financements. Il provoque une forte concurrence entre les structures. À titre de comparaison, depuis la loi de 2009, il existe 20 OPCA pour la formation professionnelle.

On constate en outre d’importants écarts de collecte entre les OCTA. Trois organismes concentrent 30 % des montants et les dix plus importants réunissent 51 % de la taxe alors que plus de cent OCTA gèrent moins de 10 millions d’euros, dont 56 moins de 2 millions. Les frais de gestion varient également fortement selon les organismes. Le coût moyen d’un dossier serait compris entre quelques dizaines d’euros et plus de 2 500 euros. Pour l’ensemble des OCTA, les frais de gestion atteignent 30,3 millions d’euros.

Deux pistes de réforme des OCTA sont envisageables. La première consisterait à revoir les conditions d’agrément et à relever le seuil minimum obligatoire de collecte, à l’instar de ce qui a été accompli pour les OPCA. Ce seuil est actuellement fixé à deux millions d’euros pour les OCTA à caractère national et à un million d’euros pour les OCTA à caractère régional. À titre de comparaison, il est de cent millions d’euros pour les OPCA.

Une deuxième réforme possible consisterait à rapprocher OPCA et OCTA, ce qui impliquerait une gestion paritaire de l’apprentissage mais opérerait une véritable rationalisation du circuit de collecte. La branche de l’hôtellerie restauration a déjà mis en œuvre un tel dispositif. Cette solution semble intéressante car elle permettrait de constituer une politique globale de formation professionnelle et d’apprentissage.

Lors de votre audition par la commission, monsieur le ministre Thierry Repentin, vous vous êtes montré favorable à une réduction du nombre des OCTA et je m’en réjouis. Au-delà, il me semble indispensable d’accroître la transparence sur l’affectation des fonds de l’apprentissage. Une meilleure information entre les financeurs et les bénéficiaires apparaît pour le moins nécessaire afin d’instituer les relations de partenariat les plus efficaces possibles. Une réflexion sur la répartition des fonds devrait également être menée.

Enfin, pour ce qui concerne le financement de l’apprentissage, le bonus accordé aux entreprises de 250 salariés et plus dont le nombre de jeunes alternants dépasse le seuil de 4 % des effectifs a fait l’objet de nombreuses critiques lors des auditions que j’ai menées. Son montant serait trop faible pour être réellement incitatif et son obtention auprès de pôle emploi s’avérerait difficile en pratique.

Face à cette situation, je pense que le dispositif pourrait être aménagé. Son assiette pourrait tout d’abord être élargie. Les salariés embauchés suite à un contrat d’alternance dans l’entreprise pourraient se voir comptabilisés dans la part des effectifs ouvrant droit au bonus pendant une durée à définir. De nombreuses personnes auditionnées ont, de manière plus générale, insisté sur la nécessité de revoir les modalités de calcul du quota d’alternants.

L’engagement fort pris par l’ancien Gouvernement en faveur de l’apprentissage s’est traduit par une hausse du nombre d’entrées dans cette formation en 2011. Les premiers effets positifs de la loi du 28 juillet 2011 se font sentir comme le montrent les éléments de bilan développés dans mon avis budgétaire.

M. Jean-Patrick Gille, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales pour l’emploi. La loi Cherpion…

M. Gérard Cherpion, rapporteur pour avis. J’espère donc que le nouveau gouvernement poursuivra les efforts entrepris pour développer cette formation d’excellence. Monsieur le ministre, vous nous avez donné des assurances en ce sens et je m’en réjouis.

Toutefois, je note un écart important entre les annonces du Premier ministre, suite au séminaire gouvernemental de mardi 6 novembre dernier, et les préconisations du rapport Gallois visant à doubler le nombre d’alternants.

M. Patrick Hetzel. Très juste !

M. Gérard Cherpion, rapporteur pour avis. Je rappelle qu’il y a aujourd’hui 450 000 apprentis et 150 000 alternants. L’objectif du Premier ministre est d’atteindre 500 000 apprentis en 2017, celui du gouvernement précédent était de 600 000 apprentis pour 2015 et celui de M. Gallois de 900 000 apprentis en 2017. Monsieur le ministre, pourquoi ne pas avoir la même ambition que M. Gallois ?

M. Patrick Hetzel. Très bien !

M. Thierry Repentin, ministre délégué chargé de la formation professionnelle et de l’apprentissage. Pourquoi ne l’avez-vous pas eu vous-même lorsque vous étiez majoritaires ?

M. Gérard Cherpion, rapporteur pour avis. Monsieur le ministre, nous étions en progression…

M. Michel Sapin, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Nous avons la question et la réponse… (Sourires.)

M. Gérard Cherpion, rapporteur pour avis. À mon sens, trois orientations doivent être suivies pour construire une politique ambitieuse d’apprentissage : l’amélioration de l’orientation des jeunes, la valorisation de la voie de l’apprentissage et le développement des formations, en particulier dans les structures publiques où le nombre d’apprentis reste faible en raison, d’une part, d’un problème de financement, d’autre part, du mode d’accès à la fonction publique.

De l’avis général des personnes que j’ai auditionnées, et comme le préconise le rapport Gallois dans sa seizième proposition, l’orientation demeure l’un des principaux obstacles au développement de l’apprentissage, malgré les progrès accomplis depuis 2009. Je pense que celle-ci devrait être plus librement choisie par les jeunes, grâce à une information de qualité, ce qui permettrait sans doute de réduire le nombre de « décrocheurs ». La mise en place du service public de l’orientation doit donc être poursuivie et amplifiée.

Un autre moyen de construire une politique forte en matière d’apprentissage réside dans la valorisation de cette voie. Il faut lutter contre le déficit d’image persistant dont souffre cette filière et, surtout, mieux accompagner les apprentis et leurs maîtres d’apprentissage.

À cet égard, je vous invite à voter l’amendement que j’ai déposé et qui a été adopté en commission la semaine dernière. Il propose d’instituer des dispositifs d’accompagnement renforcé des apprentis et de leurs maîtres d’apprentissage.

M. Patrick Hetzel. Très bien !

M. Gérard Cherpion, rapporteur pour avis. Il s’agit de prévenir les ruptures de contrats, souvent dues au manque d’accompagnement tant des jeunes, qui découvrent l’entreprise, que des maîtres d’apprentissage, qui auraient besoin de référents pour les aider dans la formation de publics parfois difficiles.

La fondation des apprentis d’Auteuil a par exemple mené en Alsace une expérimentation d’accompagnement d’apprentis et de maîtres d’apprentissage dans le secteur hôtels-cafés-restaurants. Cette expérimentation a donné de très bons résultats : le taux de rupture des contrats n’a pas dépassé 10 %, et 100 % des jeunes ont obtenu leur CAP.

S’inspirant de cette expérience, mon amendement a pour objectif de déployer dans plusieurs régions un dispositif expérimental proche qui devra être adapté selon les besoins des territoires. Son financement à hauteur de 2 millions d’euros permettrait d’en faire bénéficier environ 2 500 apprentis en grande difficulté sociale.

Mêlant savoir être et savoir agir, la formation en apprentissage constitue une voie de réussite, qui ne m’apparaît pas devoir être une source de conflits partisans. Nous devons tous œuvrer à son développement, car je rappelle que l’apprentissage obtient des résultats exceptionnels en termes d’insertion professionnelle, le rapporteur spécial vient de le dire, et qu’il permet non seulement à des jeunes qui se trouvent en difficulté dans le système scolaire d’obtenir un diplôme, mais aussi à des étudiants de bénéficier d’une première expérience professionnelle solide avant la fin de leur cursus universitaire. Du CAP au diplôme d’ingénieur, l’apprentissage permet un parcours personnel favorisant une véritable promotion sociale et la création d’entreprises. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Patrick Gille, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales pour l’emploi.

M. Jean-Patrick Gille, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales pour l’emploi. Madame la présidente, messieurs les ministres, monsieur le rapporteur spécial, messieurs les rapporteurs pour avis, chers collègues, c’est rassuré…

M. Thierry Repentin, ministre délégué. Ah !

M. Jean-Patrick Gille, rapporteur pour avis. …que j’aborde avec vous aujourd’hui l’examen des crédits des programmes 102 et 103 de la mission « Travail et emploi » dans le cadre du projet de loi de finances pour 2013.

En effet, malgré un contexte budgétaire très contraint en raison de l’impératif de redressement qui s’impose à nos finances publiques, ce budget s’inscrit en progression de plus de 2 % en 2013, avec au total près de 10,32 millions d’euros de crédits de paiement. Et cela, alors même que le budget de l’État est soumis à la norme du « zéro valeur ». Cela signifie que des efforts sont faits en faveur de la politique de l’emploi, qui doit plus que jamais être soutenue dans le difficile contexte économique actuel.

La mission « Travail et emploi » répond à deux des trois grandes priorités fixées par le Gouvernement : l’emploi et de la jeunesse.

La jeunesse est la première priorité du quinquennat ; ce budget traduit clairement ce choix.

Le Président de la République a signé ce matin les premiers contrats pour les emplois d’avenir qui témoignent clairement de la volonté de régler le problème du chômage des jeunes, en particulier, au cœur de ce problème, celui des moins qualifiés d’entre eux. Au total, 100 000 jeunes faiblement qualifiés et en difficulté d’insertion professionnelle pourront accéder à un emploi stable à plein-temps. Il s’agit, contrairement à d’autres contrats aidés, souvent très brefs et précaires, d’un contrat solide et de qualité, d’une durée plus longue soit sous forme de CDI, soit sous forme de CDD pour le secteur public, privilégiant le temps complet, et assorti d’une formation qualifiante et d’un accompagnement pendant toute leur durée. Sur les 467 millions d’euros prévus pour les emplois d’avenir, 30 millions d’euros seront précisément consacrés à l’accompagnement personnalisé confié aux missions locales.

Ces contrats sont une véritable rampe de lancement pour des jeunes éloignés de l’emploi en raison de leur faible qualification ou de leur lieu de résidence.

Les jeunes seront également le cœur de cible des contrats de génération, au même titre que les seniors, prioritairement pour le secteur marchand. Ce budget n’en porte évidemment pas la trace, puisque le Parlement ne sera saisi qu’à la fin de cette année du projet de loi qui les instituera, les organisations syndicales ayant maintenant approuvé cette formule.

L’emploi et la lutte contre le chômage de longue durée en particulier, constituent une deuxième priorité. Le budget qui nous est présenté traduit en de nombreux points le souci du Gouvernement de mobiliser tout l’éventail des outils de lutte contre le chômage de longue durée. On a déjà pu voir cette volonté à l’œuvre, dès le mois de juillet, avec le renforcement du nombre des contrats aidés. Au total, 80 000 emplois aidés supplémentaires ont été ouverts à l’été en loi de finances rectificative, complétés par 40 000 contrats de plus d’ici à la fin de l’année 2012, M. le ministre l’a annoncé il y a quelques semaines. Le budget 2013 ne relâche pas l’effort sur ces contrats aidés puisque le niveau sera maintenu par rapport à la loi de finances initiale pour 2012.

La priorité donnée à l’emploi trouve également sa traduction dans le renforcement des moyens humains de Pôle emploi qui bénéficiera de 2 000 emplois supplémentaires. L’opérateur s’est engagé en contrepartie à redéployer 2 000 emplois en interne du back office vers le front office, autrement dit vers l’accompagnement direct des demandeurs d’emploi.

La politique en faveur de l’emploi passera également par la consolidation de certains dispositifs spécifiques. Je veux insister sur certains d’entre eux.

Je pense à l’aide au poste dans les entreprises adaptées en faveur des personnes handicapées. Au total, 1 000 aides au poste supplémentaires seront financées, portant les crédits qui y sont consacrés à près de 290 millions d’euros.

Je pense aussi à l’activité partielle, qui sera financée à hauteur de 70 millions d’euros. Une simplification du recours des entreprises au chômage partiel est en cours afin de rendre ce dispositif aussi efficace qu’il l’est chez nos voisins allemands.

De nombreuses autres dotations sont maintenues, notamment en direction des jeunes, qu’il s’agisse du financement des maisons de l’emploi, des missions locales, des écoles de la deuxième chance ou des établissements publics d’insertion de la défense. C’est aussi le cas pour tout le secteur de l’apprentissage et pour les contrats de sécurisation professionnelle.

Je note enfin que l’État se réinvestit pleinement dans la politique de formation professionnelle des demandeurs d’emplois, au travers du financement de l’AFPA. Lors des exercices précédents, c’est le FPSPP, le Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels, qui avait été ponctionné pour financer les outils en question, pour un montant de 600 millions d’euros sur une collecte globale de 2,1 milliards.

M. Thierry Repentin, ministre délégué. Ils ont osé !

M. Jean-Patrick Gille, rapporteur pour avis. Je me réjouis – et je crois pouvoir dire que cette satisfaction est partagée sur tous les bancs de cette assemblée mais aussi par les partenaires sociaux –, que le FPSPP ne soit plus indûment siphonné de la sorte. Cela lui permettra de retrouver sa vocation initiale : former ceux qui en ont le plus besoin.

J’ai aussi souhaité me pencher plus avant sur le budget et le fonctionnement de Pôle emploi. Près de cinq ans après sa création, nous disposons en effet du recul suffisant pour dresser un bilan.

Les nombreuses auditions que j’ai menées m’ont conduit à dresser un bilan en demi-teinte. En effet les moyens financiers alloués à Pôle emploi croissent – son budget représentera près de 5 milliards d’euros en 2013 –, mais son efficacité reste largement insuffisante, alors même que sa masse salariale pèse près de 3 milliards d’euros. Une telle situation ne saurait perdurer. La fusion a en effet coûté plus cher que prévu. Surtout, elle ne s’est pas traduite concrètement par une amélioration de la qualité de l’offre de services aux demandeurs d’emploi. Certes la crise est passée par là, mais on peut même dire qu’en 2009 la qualité de service s’est dégradée.

Les économies attendues ont en effet été totalement absorbées par le processus de la fusion, en particulier, par la fusion des deux catégories de personnels relevant de statuts et de cultures professionnelles profondément différentes. Le mot d’ordre du métier unique, du site unique, de l’entretien unique, qui a prévalu dans un premier temps, s’est révélé un échec.

Après une phase de fusion réalisée dans la douleur, qui l’a conduit, il faut bien le reconnaître, à une forme de repli sur soi, Pôle emploi doit désormais aborder une seconde phase dont on espère qu’elle sera celle du service aux employeurs et de l’accompagnement des demandeurs d’emploi.

En effet, on estime aujourd’hui que Pôle emploi ne recueille que 6,5 % des offres d’emploi et qu’elle n’est à l’œuvre que dans la signature de trois millions de contrats sur un total de trente millions. Par ailleurs, seulement 10 % des demandeurs d’emploi bénéficient d’une formation. Le chemin à parcourir est donc long, mais la nouvelle convention tripartite signée au début de l’année, qui fixe les nouvelles orientations du plan stratégique Pôle emploi 2015, doit permettre de redresser la barre.

Sans remettre en cause le principe d’un suivi universel de l’ensemble des demandeurs d’emploi, l’accompagnement sera désormais différencié en fonction du degré d’éloignement de l’emploi de la personne considérée. Autrement dit, il y aura plus d’accompagnement pour ceux qui en ont le plus besoin.

Cette différenciation du suivi doit permettre des gains d’efficacité pour autant qu’elle se conjugue avec une meilleure prise en compte de la dimension territoriale de Pôle emploi. On constate en effet localement une insuffisante concertation des agences de Pôle emploi avec les autres acteurs impliqués les collectivités locales ou encore avec les acteurs du bassin d’emploi. Les agences Pôle emploi ne doivent plus donner l’impression qu’elles sont repliées sur elles-mêmes, elles ne doivent plus quitter le cœur des villes ; elles doivent travailler en plus grande coopération avec l’ensemble des autres acteurs, notamment les élus locaux.

Elles doivent aussi se soumettre à un pilotage par la performance. Il est normal que l’opérateur central du service public de l’emploi rende des comptes, non seulement sur son activité, mais aussi sur ses résultats et sur son efficacité. Cette démarche est aujourd’hui engagée et on ne peut que s’en réjouir.

Les modalités de financement de Pôle et son statut juridique original plaident en outre en faveur d’une gouvernance élargie : la gouvernance actuelle laisse en effet à désirer, avec un État minoritaire mais dont le pouvoir est très important, et l’absence au sein du conseil d’administration des représentants des personnels, des organisations représentatives des demandeurs d’emploi, ou encore la présence marginale des collectivités territoriales.

On constate enfin une très grande faiblesse de Pôle emploi dans le domaine de la formation. Cette carence n’est pas imputable au seul opérateur, elle est en grande partie liée au foisonnement des financeurs de la formation professionnelle.

Une refonte de l’achat de formations est souhaitable. Elle pourrait être en totalité confiée aux régions. Un travail de fond doit être effectué pour adapter les formations aux besoins des territoires et des demandeurs d’emploi. Ce travail doit également passer par la mise au point d’un outil consolidé retraçant l’ensemble de l’offre de formation disponible. C’est le projet Dokelio.

Ces quelques réflexions sur Pôle emploi mériteraient bien entendu d’être complétées : de ce point de vue, je me réjouis que la commission des affaires sociales ait décidé de consacrer une mission d’information à Pôle emploi et au service public de l’emploi.

Je souhaiterais aussi appeler votre attention sur l’AFPA qui a été mise en grande difficulté financière. Monsieur le ministre, je souhaite que vous confirmiez une fois encore votre engagement à sauver l’AFPA de la déroute financière, et votre volonté de lui apporter dans un second temps tout l’appui nécessaire pour qu’elle retrouve une forme de compétitivité et qu’elle redevienne l’opérateur central du service public, chargé de la qualification des demandeurs d’emplois.

Je veux évoquer les travaux de la commission des affaires sociales qui ont conduit, à mon initiative et à la quasi-unanimité, à adopter un certain nombre d’amendements.

En premier lieu, concernant l’allocation équivalent retraite, s’il n’a pas été question de rétablir le dispositif antérieur, dont on sait qu’il est très coûteux et qu’il entrerait en contradiction avec l’objectif général d’élévation du taux d’activité des seniors, on doit reconnaître que le recul des bornes d’âge de départ à la retraite constitue un vrai problème pour les demandeurs d’emploi âgés, d’autant plus injuste lorsque l’on dispose du nombre de trimestres requis.

En second lieu, la commission s’est intéressée au financement de l’aide au poste dans les entreprises d’insertion auxquelles nous devons envoyer un signe dès aujourd’hui. Il faut revaloriser l’aide au poste et permettre à ces entreprises de recruter puisqu’elles sont en capacité de le faire.

Les autres amendements de la commission concernent le Fonds d’insertion professionnelle des jeunes, que le rapporteur spécial a déjà évoqué, et les dispositifs locaux d’accompagnement qui peuvent être des outils très utiles pour la réussite du dispositif d’emploi d’avenir.

L’enjeu principal pour 2013, c’est l’emploi par la compétitivité retrouvée. Ce budget, tourné vers les plus vulnérables face à l’emploi, les jeunes, les seniors, mais également les personnes handicapées et les bénéficiaires de minima sociaux, joue à ce titre pleinement son rôle. À côté des mesures courageuses annoncées mardi dernier par le Premier ministre, il permettra d’armer au mieux les acteurs d’un service public de l’emploi restauré pour s’attaquer au chômage de longue durée.

Mes chers collègues, je conclus en vous invitant à voter les crédits de la mission « Travail et emploi » et l’article 71 qui lui est rattaché. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Francis Vercamer, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales pour le travail.

M. Francis Vercamer, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales pour le travail. Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, en ma qualité de rapporteur pour avis des programmes 111 et 155 de la mission « Travail et emploi », je ne peux que remarquer l’absence d’impulsion véritablement nouvelle donnée à ces deux programmes.

M. Jean-Marc Germain. Oh ! Vous avez lu trop rapidement !

M. Francis Vercamer, rapporteur pour avis. Ils s’inscrivent dans la continuité des priorités poursuivies par le précédent Gouvernement, tout comme, d’ailleurs, les annonces faites mardi dernier par le Premier ministre sur la compétitivité.

Cependant, à périmètre constant, et hors dépenses de personnel, les crédits des deux programmes sont en baisse de 2,1 % et de 3,7 %, ce qui me semble paradoxal pour une majorité qui semble afficher parmi ses objectifs prioritaires l’amélioration de la qualité de l’emploi et des relations du travail.

M. Jean-Marc Germain. Merci de nous reconnaître au moins cela !

S’agissant de la présentation budgétaire, j’observe que le nouveau gouvernement m’a communiqué l’évolution globale des crédits de la mission pour 2014 et 2015 et non, comme le faisait le précédent gouvernement, une évolution prévisionnelle par programme. Dès lors, l’intérêt de la programmation pluriannuelle m’apparaît limité, puisqu’on ne connaît pas l’hypothèse de répartition des réductions annoncées entre les quatre programmes de la mission.

Pour en revenir au fond, je note que certaines des préconisations que je formule depuis quatre ans sont enfin progressivement mises en œuvre, en particulier la réforme de la médecine du travail.

J’en viens maintenant au dialogue social, auquel j’ai choisi de consacrer mon rapport pour avis en raison des changements qui interviendront dans ce domaine en 2013. L’ancien gouvernement a revalorisé le rôle des partenaires sociaux dans l’élaboration du droit du travail, grâce, notamment, aux procédures de consultation instaurées par la loi Larcher, dont le bilan apparaît comme très positif. Quant au nouveau gouvernement, sa volonté de constitutionnaliser le dialogue social suscite des interrogations, dès lors qu’il n’a pas consulté les partenaires sociaux sur les emplois d’avenir et qu’il a déjà remis en cause, dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013, les dispositions relatives à la rupture conventionnelle issues pourtant de l’accord national interprofessionnel sur la modernisation du marché du travail.

Si le dialogue social est bien constitutionnalisé, le législateur sera-t-il désormais tenu par le contenu des accords ? Dans le contexte juridique actuel, cela semble difficile, en raison non seulement du droit d’amendement des parlementaires, mais aussi de la rédaction parfois ambiguë des accords. Mais, s’il s’agit uniquement de constitutionnaliser les principes de la loi Larcher, comme le ministre l’a indiqué en commission, nous n’aurons affaire qu’à une mesure d’affichage. Je propose donc que l’on réfléchisse, dans le cadre de la révision de la Constitution, à un gel temporaire de l’initiative parlementaire et gouvernementale sur les dispositions qui sont en cours de négociation ou de renégociation par les partenaires sociaux. Le véritable enjeu est, en effet, de trouver une meilleure articulation entre le temps des partenaires sociaux et celui du législateur.

En ce qui concerne l’évolution des règles de représentativité, je me félicite que soit lancé le chantier de la représentativité des organisations d’employeurs, que j’appelle de mes vœux depuis longtemps. Les organisations patronales doivent présenter leurs propositions d’ici à juin prochain, mais je crains que leur discussion n’aboutisse pas à un consensus. J’attire, par ailleurs, votre attention sur les conséquences importantes qu’entraînera la réforme de la représentativité des syndicats de salariés, qui s’achèvera l’an prochain, notamment sur la nouvelle répartition des sièges dans les instances nationales, régionales et locales auxquelles ils participent. Ce problème se posera dans de très nombreuses structures paritaires, parfois de premier plan, comme les caisses de sécurité sociale. Or, le Gouvernement n’a rien prévu en la matière. De même, si le dépôt d’un projet de loi sur la réforme des comptes des comités d’entreprise a été annoncé par le Premier ministre, nous attendons toujours d’en connaître la teneur.

En conclusion, je ferai trois propositions pour améliorer l’architecture du dialogue social. Tout d’abord, il me paraît nécessaire de créer un conseil permanent du dialogue social ; j’ai du reste déposé une proposition de loi en ce sens en juillet 2011. Une telle instance, dotée d’un rôle de coordination et d’organisation du dialogue social, permettrait en effet aux partenaires sociaux de débattre au long cours. Ensuite, les branches professionnelles doivent être restructurées : elles sont encore trop nombreuses – plus de 700 – et trop disparates, puisque plus de 60 % des conventions couvrent moins de 5 000 salariés. Enfin, le renforcement du dialogue social territorial me semble fondamental. Il s’agit, non pas de créer un niveau supplémentaire de normes, mais de permettre aux partenaires sociaux de concevoir des plans d’action sur des questions d’intérêt local et de définir des priorités à mettre en œuvre sur un territoire donné.

Comme vous le voyez, mes chers collègues, beaucoup reste à faire pour donner toute sa place au dialogue social dans notre pays.

M. Gérard Cherpion, rapporteur pour avis, et M. Patrick Hetzel. Très bien !

Mme la présidente. Dans la discussion, la parole est à M. Christophe Cavard.

M. Christophe Cavard. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le ministre délégué, monsieur le rapporteur spécial, messieurs les rapporteurs pour avis, fin septembre, plus de 4,5 millions de chômeurs étaient inscrits à Pôle Emploi. Ce niveau de chômage très élevé entretient la modération salariale, ne facilite pas le dialogue social, cher collègue Vercamer, et augmente le nombre des travailleurs pauvres.

Ainsi les revenus des Français sont devenus fortement inégalitaires : on compte aujourd’hui plus de 8 millions de personnes en dessous du seuil de pauvreté, dont je rappelle qu’il s’établit, en France, à 954 euros par mois. Sur le front du logement et avant le lancement d’une politique résolument volontariste par le Gouvernement, on compte, selon la fondation Abbé Pierre, plus de 3,6 millions de mal logés. Au plan de la santé, avec plus de 2 millions de personnes bénéficiant de la CMU, on sait que de plus en plus de personnes doivent désormais choisir entre les soins et la satisfaction de leurs besoins quotidiens.

Chers collègues de l’opposition, l’héritage est lourd !

Les politiques sociales et de solidarité envers les personnes qui rencontrent des difficultés pour se nourrir, se loger, se soigner, se chauffer et se déplacer sont indispensables en temps de crise, si nous ne voulons pas être accusés de non-assistance à personnes en danger. Cependant, nous devons réaffirmer très clairement que l’objectif de nos politiques est, non pas le maintien dans la précarité, mais bien le retour ou l’accès à une autonomie financière satisfaisante pour chacun.

À cette fin, le budget 2013 de la mission « Travail et emploi » prévoit des moyens nouveaux pour le service public de l’emploi. La création de 2 000 postes supplémentaires à Pôle emploi et le redéploiement de 2 000 autres postes marquent notre volonté d’améliorer l’accompagnement des personnes en recherche d’emploi. Celles-ci ne sont pas des marchandises qui devraient être traitées à la va-vite, au prétexte de soigner la performance ou la prétendue rentabilité du service. Ces personnes ont des profils différents, des projets de vie différents, donc des besoins différents. C’est dans cet esprit que nous soutiendrons les amendements sur l’AER et les entreprises d’insertion défendus par le rapporteur pour avis Jean-Patrick Gille. En outre, afin de poursuivre l’amélioration du service public, nous devrons être attentifs aux pratiques de Pôle emploi, notamment le recours à des prestataires de service, et prévoir des évaluations plus qualitatives que quantitatives de leurs interventions, évaluations qui devront être conduites, bien entendu, avec les usagers : personnes en recherche d’emploi et entreprises en recherche de salariés.

Le budget 2013 prévoit également la mise en œuvre des 100 000 emplois d’avenir, qui seront bientôt renforcés par les contrats de génération. Nous n’y reviendrons pas ici ; nous avons largement soutenu leur création. Je me contenterai de rappeler que, pour nous, ces emplois n’ont bien entendu pas vocation à remplacer les emplois créés par les entreprises et les services publics dans la marche quotidienne de leurs activités.

Par ailleurs, je souhaite revenir sur le fameux débat sur le choc de compétitivité. Nos collègues de l’opposition ne devraient pas rester fidèles à de vieilles rengaines et se tourner vers le passé pour y lire l’avenir. Le rapport Gallois a le mérite d’exister, mais, plutôt que des solutions maintes fois expérimentées, nous préférerions que soient proposées des solutions nouvelles, qui prennent en compte la nécessité d’un changement de mode de développement. Les théories et les pratiques de l’emploi pour l’emploi ou de la croissance pour la croissance ont produit trop de dégâts sociaux et environnementaux. L’objectif d’une croissance sélective permettrait de soutenir des secteurs à fort potentiel répondant aux besoins d’aujourd’hui. Non, l’automobile n’est pas un secteur d’avenir, contrairement aux transports collectifs et aux énergies renouvelables. Oui, il faut booster le secteur du bâtiment et de l’éco-construction. Oui, une fiscalité écologique peut être un outil efficace pour transformer notre économie. Oui, les régions doivent avoir, en lien avec l’Europe, les moyens d’impulser un développement économique adapté à leurs ressources et à leurs potentiels.

Pour favoriser la création d’activités, donc d’emplois, nous devons accompagner les entreprises dans le développement de nouvelles filières et renforcer un tissu de PME non délocalisables. Nous devons encourager l’accompagnement des salariés, des chômeurs et des jeunes vers des formations nécessaires à la reconversion de certaines activités ou à la création de nouvelles. Tel est le sens de l’amendement de notre rapporteur Cherpion, que je soutiens, visant à mettre en place un dispositif d’expérimentation destiné aux jeunes apprentis afin d’améliorer leur taux de qualification. Nous y reviendrons tout à l’heure.

Toutes les innovations politiques qu’il nous faudra porter ensemble soulignent combien la formation des jeunes ou la formation tout au long de la vie sont un enjeu central. C’est une des conditions d’une croissance sélective privilégiant l’utilité sociale et la qualité environnementale. Mais, puisque j’interviens sur la mission « Travail et emploi », et non sur la mission consacrée au développement économique, j’insiste pour que nous portions une attention renforcée aux personnes concernées par ces politiques.

Les Français nous ont donné mandat pour redonner du souffle à leur quotidien. Cela passera par un changement de méthode. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et sur plusieurs bancs des groupes SRC et RRDP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Falorni.

M. Olivier Falorni. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le ministre délégué, monsieur le rapporteur spécial, messieurs les rapporteurs pour avis, mes chers collègues, la bataille pour l’emploi est une des grandes priorités du Gouvernement, comme l’a annoncé le Président de la République. À la lecture du budget de la mission « Travail et emploi », je me réjouis de constater que les mots sont suivis d’effet et que l’action du Gouvernement contraste avec celle de ses prédécesseurs, qui avaient brutalement réduit les crédits de plus de 40 % entre 2002 et 2012.

Je souhaiterais aborder trois points concernant les politiques publiques en faveur de l’emploi.

En premier lieu, je me réjouis que la loi portant création de 100 000 emplois d’avenir en 2013 et de 50 000 en 2014 ait été adoptée. Plus de 466 millions d’euros sont ainsi inscrits au budget pour financer ceux qui seront créés l’année prochaine. Cette loi permettra de répondre au chômage de masse des jeunes sans diplôme, ainsi qu’aux recommandations de la Cour des comptes, qui préconise une durée de contrat plus longue et un accompagnement réel des jeunes en vue de leur insertion professionnelle. Le rôle des missions locales sera prépondérant dans cette réussite. À cette fin, elles seront dotées d’une subvention de 30 millions d’euros et continueront d’accompagner les contrats aidés type contrat unique d’insertion.

C’est le deuxième point que je souhaite aborder : globalement, l’effort en faveur des emplois aidés est maintenu. Les crédits s’élèvent, en crédits de paiement, à 1,47 milliard d’euros pour les 340 000 contrats d’accompagnement dans l’emploi et à 186 millions d’euros pour les 50 000 contrats initiative emploi. Compte tenu de ces efforts, une contrepartie du secteur non marchand, collectivités territoriales en tête, est indispensable pour pérenniser ces emplois.

L’État mobilise plus de 275 millions pour assurer aux jeunes un accompagnement renforcé vers l’emploi grâce à des dispositifs tels que l’allocation servie aux bénéficiaires d’un Contrat d’insertion dans la vie sociale – pour 50 millions d’euros –, les missions locales et les permanences d’accueil – qui devront accompagner, en 2013, les jeunes au titre du CIVIS – dont les crédits s’élèvent à 178,8 millions d’euros, sans compter les 30 millions pour accompagner les contrats aidés dont j’ai déjà fait mention, le Fonds pour l’insertion professionnelle des jeunes, le maintien des contrats d’apprentissage et le financement des écoles de la deuxième chance, dont les résultats sont plus que probants et qui s’articuleront avec les emplois d’avenir.

L’accent est également porté sur la situation des chômeurs de longue durée et des chômeurs en fin de droit. Qu’il s’agisse de l’allocation en faveur des demandeurs d’emploi en formation ou de la rémunération en fin de formation, je me réjouis que le Gouvernement ait décidé de maintenir ces dispositifs pour un total de 71,5 millions d’euros.

La hausse des crédits de 9 % en faveur de l’intégration des travailleurs handicapés mérite d’être soulignée. En permettant la prise en charge de 1 000 bénéficiaires supplémentaires dans les entreprises adaptées, le Gouvernement tient les engagements pris par l’État dans le cadre du pacte pour l’emploi en entreprises adaptées.

L’effort en faveur des seniors demeure une priorité. Toutefois, je déplore que, depuis le 1er janvier 2011, tous les travailleurs seniors au chômage ne puissent plus bénéficier de l’allocation équivalent retraite, alors que leur nombre ne cesse d’augmenter, qu’ils ont validé leurs trimestres de retraite mais qu’ils ne peuvent pas la prendre faute d’avoir atteint l’âge requis. Comme le dispositif de l’allocation transitoire de solidarité, qui ne concerne qu’un public très limité de demandeurs d’emploi, je souhaiterais que le Gouvernement réfléchisse à un système plus équitable et, pourquoi pas, rouvre la question de l’AER.

Je terminerai mon intervention en insistant sur la situation préoccupante de deux acteurs de l’emploi.

Tout d’abord, Pôle emploi. Les crédits en forte augmentation, près de 8 %, en 2013 doivent permettre, je l’espère, de renforcer le service public de l’emploi, fortement affaibli par le précédent gouvernement. Grâce à la création de 2 000 CDI et au redéploiement de 2 000 salariés, pas moins de 30 % de conseillers supplémentaires seront au contact du public et devront pouvoir proposer une offre de services différenciée.

La situation de l’AFPA est, elle aussi, très préoccupante. Le non-versement du transfert de ressources propres au moment de l’ouverture du marché à la concurrence et le départ de 9 000 psychologues d’orientation vers Pôle emploi ont plus que fragilisé l’AFPA, qui est aujourd’hui au bord du dépôt de bilan.

Les demandeurs d’emplois représentent plus de la moitié du public de l’association. Quand on met en perspective les données du ministère du travail qui a enregistré, entre janvier et juillet 2012, 138 800 demandeurs d’emplois supplémentaires, il n’y a pas besoin d’un dessin pour comprendre le caractère essentiel de l’association dans la bataille pour l’emploi.

Mme la présidente. Il faut conclure, monsieur Falorni.

M. Olivier Falorni. Je vais conclure, madame la présidente.

Mme la présidente. Tout de suite !

M. Olivier Falorni. Votre budget, monsieur le ministre, est très volontariste et marque un tournant positif par rapport au précédent. Pour toutes ces raisons, vous pourrez compter sur le soutien du groupe RRDP dans le combat courageux et déterminé que vous menez en faveur de l’emploi pour l’ensemble de nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP et sur quelques bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Liebgott.

M. Michel Liebgott. Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, élu depuis 1997, je mesure l’étendue du changement que nous vivons en ce début de quinquennat, après toutes ces années passées sous les gouvernements de droite. Comme Barack Obama, je pense que le meilleur reste à venir – du moins pouvons-nous être certains que le pire est derrière nous ! (Rires sur les bancs du groupe SRC.)

Je n’ai que l’embarras du choix pour donner des exemples de la politique menée ces dernières années. Sur le plan technique, je citerai les outils pour l’emploi que vous avez laminés, avec une réduction de 40,7 % des budgets consacrés à la mission « Travail et emploi » – on est ainsi passé de 16,8 à 9,95 milliards d’euros entre 2002 et 2012. En matière d’emploi, le constat est simple : on compte un million de chômeurs supplémentaires depuis 2007, alors que, de 1997 à 2002, on avait compté un million de salariés supplémentaires et deux millions d’emplois créés.

La désindustrialisation est massive : le rapport Gallois vient de le rappeler, la part de l’industrie dans la valeur ajoutée totale est passée de 18 % en 2000 à un peu plus de 12,5 % en 2011, ce qui nous place désormais très loin derrière l’Allemagne et l’Italie. Élu de Moselle, je mesure la réalité de ce déclin de façon encore plus sensible dans le secteur de la sidérurgie, où nous importons malheureusement plus d’acier que nous n’en exportons : alors que nous avons besoin de 17 millions de tonnes d’acier, nous n’en produisons plus que 15 millions. Le site de Gandrange est fermé et d’autres connaîtront peut-être le même destin.

Je pourrai citer bien d’autres exemples, telle la dégradation de la balance commerciale, déficitaire de 70 milliards d’euros en 2011 alors qu’elle était excédentaire de 8 milliards d’euros en 2002 – c’est dire la pente dramatique sur laquelle se trouve notre économie depuis quelques années.

Sur le plan de l’éthique et de la morale, on se souvient de la culpabilisation des chômeurs et des exclus, caricaturés en « assistés » comme s’ils refusaient de travailler, et des dispositifs que vous aviez inventés, chers collègues de l’opposition, telle l’offre raisonnable d’emploi, qui imposait à un demandeur d’emploi d’accepter, après deux refus, la troisième proposition qui lui était faite, même s’il s’agissait d’un emploi éloigné de son domicile et peu payé.

Vous avez fait fonctionner le service de l’emploi à contre-emploi, si j’ose dire, en gelant la subvention à Pôle emploi et en réduisant ses effectifs de 1 800 postes, alors même que le chômage explosait en 2011. De ce fait, chaque conseiller devait suivre 150 à 200 dossiers, ce qui ne permettait évidemment pas de travailler dans de bonnes conditions. Ainsi, l’offre et la demande pouvaient difficilement être mises en adéquation, quand bien même un certain nombre d’entreprises cherchaient des salariés !

Il y aurait encore bien d’autres choses à dire, ce qui fait que le Gouvernement doit maintenant agir sur tous les fronts. Il lui a d’abord fallu rassurer les marchés et ses partenaires, consolider l’euro – et l’Europe, d’une certaine manière –, avant d’engager la lutte contre les déficits publics. Il est paradoxal de constater que la droite, chantre de l’équilibre budgétaire et toujours prompte à accuser la gauche d’être incapable d’assurer une gestion correcte, n’a fait que creuser les déficits publics qu’il nous revient aujourd’hui de combler. De même, alors que les gouvernements de droite qui nous ont précédés ne juraient que par le soutien aux entreprises, c’est à nous qu’il revient de mettre en œuvre un pacte productif !

Au-delà de la mission « Travail et emploi » et même de ce budget, nous attendons de ce Gouvernement la création d’au moins 300 000 emplois grâce au pacte productif, une augmentation du PIB de l’ordre de 0,5 % durant tout le quinquennat, toutes choses absolument nécessaires si nous voulons redresser la situation de l’emploi. Quand M. Copé qualifie le pacte de compétitivité de mensonge d’État parce que, selon lui, ce dispositif ne compensera jamais l’énorme augmentation des impôts des entreprises qui aurait été appliquée ces derniers mois – alors qu’en réalité, nous venons à peine d’arriver…

Mme Marie-Christine Dalloz. Les mesures sont prises !

M. Michel Liebgott. …il semble avoir oublié que M. Fillon avait déclaré l’État français en faillite il y a déjà quelques années.

Je préfère, pour ma part, me référer aux propos du commissaire européen aux affaires économiques, Olli Rehn, qui a déclaré récemment : « La décision de réduire la fiscalité pesant sur le travail, l’une des plus élevées d’Europe, est positive et importante ». C’est bien de votre bilan, du bilan de la droite, qu’il est question, et c’est bien ce bilan que nous dénonçons, alors même que vous prétendez avoir été les meilleurs dans ce domaine.

La tâche qui nous incombe est difficile, et quand je dis que le meilleur reste à venir, cela ne veut pas dire que le plus facile reste à faire. En réalité, le plus difficile reste à faire, car nous avons tout à reconstruire. Ce budget est porteur d’un certain nombre de décisions qu’il était indispensable de prendre immédiatement. Je pense notamment à la politique de stop and go imposée par les gouvernements de droite en matière de contrats aidés. Nous ne supportions plus, dans les départements et autres collectivités territoriales, d’être un jour mobilisés pour engager massivement des contrats aidés et de nous trouver, le lendemain, dans l’incapacité de les financer, ce qui nous obligeait, au bout de quelques mois, à nous séparer d’un personnel disponible et pleinement engagé dans le travail. Nous allons donc enfin pouvoir disposer, en particulier dans les quartiers les plus difficiles, d’emplois d’avenir durables, accompagnés d’une formation qui, d’une part, nous permettra d’inscrire la collectivité territoriale dans une certaine régularité en matière de travail, d’autre part, donnera des perspectives aux salariés concernés.

En matière d’emploi, je veux encore souligner plusieurs points. D’abord, l’effort maintenu – ce qui n’allait pas de soi sur le plan budgétaire – dans le domaine des contrats aidés, absolument indispensables dans tout le territoire et qui s’ajoutent aux contrats d’avenir.

Ensuite, l’utilisation du chômage partiel. Cet outil, largement utilisé outre-Rhin et qui nous a beaucoup fait défaut lors de ces dernières années, est précieux dès lors qu’il est accompagné d’une formation permettant aux salariés de rebondir et, lorsque la demande repart, de retrouver une activité à part entière au sein de l’entreprise et de la société. En 2013, 70 millions d’euros au lieu de 30 seront consacrés au dispositif du chômage partiel.

Il est, par ailleurs, mis fin au prélèvement sur le Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels, tandis que les exonérations en faveur de l’apprentissage sont reconduites. Vous le voyez, nous avons à cœur de renforcer les outils politiques de l’emploi.

Nous souhaitons également favoriser la renaissance d’un véritable service public de l’emploi, qui avait littéralement perdu pied ces dernières années. Ainsi, les moyens de Pôle emploi vont être augmentés : 18 suppressions de postes d’un côté, mais 2 000 créations de l’autre – avec le confortement de 1 000 CDD et la création de 1 000 postes –, ce qui est une nécessité en période de crise. Nous avons également la volonté de sauver l’AFPA, je l’ai dit précédemment.

Au-delà de ce qui est déjà inscrit dans la mission « Travail et emploi » et ne peut pas être contesté, puisque les crédits de cette mission sont en augmentation de 2 % en crédits de paiement et de 22 % en autorisations de programme, d’autres mesures sont annoncées. Issues du dialogue social, elles sont attendues dans les entreprises, par ceux qui paient le prix fort en termes de chômage. Il faut en effet faire quelque chose pour les seniors, à qui on avait beaucoup promis et qui se sont vu supprimer l’AER, ainsi que pour les jeunes. Ces derniers, principales victimes du chômage, bénéficieront du contrat de génération, qui ne figure pas dans la mission « Travail et emploi ». Ce dispositif, qui faisait partie des engagements de François Hollande, est un véritable choix de société, consistant à ce que les anciens et les plus jeunes travaillent ensemble pour l’édification de la société de demain, et viendra utilement compléter la mission dont nous votons aujourd’hui les crédits.

Au total, la mission « Travail et emploi » est tout à l’honneur de ce gouvernement et s’inscrit en complète rupture par rapport à la politique menée ces dix dernières années. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz.

Mme Marie-Christine Dalloz. Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, tout d’abord, je voudrais qu’ensemble nous partagions un constat : sur le sujet de l’emploi, l’heure est grave. En effet, nous sommes quotidiennement confrontés à cette préoccupation majeure pour beaucoup de Françaises et de Français, dans nos permanences, dans notre entourage familial ou relationnel.

En février 2012, le député Alain Vidalies, devenu depuis ministre des relations avec le Parlement, disait : « Avec François Hollande, nous faisons le choix du retour à la croissance avec le pacte productif, mais aussi du retour à la confiance dans la valeur travail ». (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Je constate que vous confirmez, mes chers collègues de gauche, c’est très bien !

Jean Mallot, lui aussi député à l’époque et devenu maintenant directeur de cabinet dudit ministre, ajoutait : « 150 000 chômeurs de plus en un an, c’est un aveu d’échec ».

M. Gérard Sebaoun. Cet échec, vous le revendiquez ?

Mme Marie-Christine Dalloz. Quel est le constat aujourd’hui ? L’INSEE et l’UNEDIC prévoient 235 000 chômeurs en plus en 2012 – un vrai désastre. Face à cette sombre perspective, vos mesures ne sont pas à la hauteur.

M. Christophe Castaner, rapporteur spécial. Madame est experte !

Mme Marie-Christine Dalloz. Effectivement, je me considère comme une experte !

M. Christophe Castaner, rapporteur spécial. Avec un million de chômeurs en cinq ans, vous pouvez !

Mme Marie-Christine Dalloz. Pour combattre le chômage, il convient de garantir une stabilité juridique et fiscale à notre tissu industriel – ce qui n’est pas le cas –, de redonner à nos entreprises des marges de compétitivité. Or, votre majorité n’a de cesse, depuis six mois maintenant, d’augmenter les charges patronales et salariales sous le coup du retour partiel de la retraite à 60 ans, de la suppression des heures supplémentaires, de la hausse du forfait social et surtout de la suppression de la TVA anti-délocalisation qui était, à mon sens, un vrai outil pour maintenir l’emploi.

Il convient d’ajouter à cet inventaire le raz-de-marée du projet de loi de financement de la sécurité sociale, qui tourne le dos aux travailleurs indépendants, aux artisans, aux professions libérales et aux auto-entrepreneurs – personne n’a été oublié dans votre volonté de faire table rase du passé.

Bien sûr, il y a le rapport Gallois, mais nous l’avons bien compris, vous ne serez pas assez volontaires et courageux…

M. Jean-Luc Laurent. C’est ce que vous aimeriez…

Mme Marie-Christine Dalloz. …pour agir vite et avec l’amplitude nécessaire pour lutter contre le fléau que représente la destruction de l’emploi, donc la montée du chômage.

La mission « Travail et emploi » dispose en 2013 de 10,315 milliards d’euros en crédits de paiement contre 9,954 milliards d’euros en 2012. Nous constatons une hausse brute de 2,1 % des crédits. Mais à y regarder de plus près, en ajoutant aux 9,954 milliards de 2012 les 500 millions budgétés en 2013 pour les emplois d’avenir, le total aurait dû être, à périmètre constat, de 10,454 milliards d’euros. Le compte n’y est pas ! Vous nous proposez donc une progression comptable qui n’est pas réelle dans les faits.

Les autres dispositifs – contrats aidés, apprentissage – sont globalement stabilisés.

Les crédits de la formation des chômeurs et de l’activité partielle sont en légère hausse. Je m’interroge, en revanche, sur les crédits d’aides aux entreprises qui, du fait des amendements adoptés en commission des affaires sociales, vont diminuer, voire disparaître. Cela n’est pas acceptable dans la conjoncture actuelle.

M. Jean-Patrick Gille, rapporteur pour avis. Ce n’est pas encore gagé !

Mme Marie-Christine Dalloz. Tout à fait. Les baisses de crédits les plus spectaculaires sont celles qui concernent la suppression du contrat d’autonomie, la baisse de 80 % des crédits finançant les exonérations de charges des auto-entrepreneurs. Sont également touchés la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences et les fonctions supports du ministère, au titre de la rationalisation des crédits.

En revanche, je me réjouis du maintien de l’aide aux postes adaptés, La création de 1 000 postes supplémentaires est dans la droite ligne des engagements pris par la précédente majorité en 2011, dans le cadre du pacte pour l’emploi en entreprises adaptées.

Je souligne également le maintien des exonérations de charges pour les TPE qui emploient des jeunes, à moins que certains amendements viennent remettre en cause cet accompagnement fondamental pour l’emploi des jeunes, que vous souhaitez pourtant sanctuariser.

En ce qui concerne les maisons de l’emploi, pour lesquelles je me suis fortement impliquée dans le passé, je note une progression des crédits de 10 millions d’euros, mais je souhaiterais une approche différenciée de chaque structure. En effet, ce dispositif peut apporter des réponses concrètes et territoriales aux problématiques de l’emploi. La question qui demeure, dans la mesure où les maisons de l’emploi seront pérennisées, est de savoir s’il y a complémentarité ou concurrence directe, dans leur périmètre d’intervention, avec Pôle emploi. J’avais préconisé, en son temps, un plafonnement des aides en fonction du ratio nombre d’emplois dans la maison de l’emploi/population concernée par le dispositif. Qu’en est-il de cette approche ?

Je m’inquiète par ailleurs, au regard de la progression fulgurante des chiffres du chômage depuis six mois, de la stabilité des crédits relatifs à l’indemnisation des demandeurs d’emploi.

Quant aux perspectives et aux orientations que vous souhaitez donner à Pôle emploi, j’ai lu avec intérêt le rapport de Jean-Patrick Gille, qui m’interpelle à plusieurs égards. Il souligne à deux reprises la masse salariale de Pôle emploi et dénonce les conditions avantageuses dans lesquelles a été menée la fusion des anciens salariés des Assedic et de l’ANPE. Je rappelle qu’il convenait de revenir sur l’inéquité salariale constatée au détriment des agents de l’ANPE.

Le plan Pôle emploi 2015 devra conforter ce grand opérateur et veiller à ne pas remettre en cause les missions assignées. Dire que l’approche unique et systématique du demandeur d’emploi n’est pas efficace est un raccourci désobligeant pour les équipes qui se sont fortement mobilisées.

M. Jean-Patrick Gille, rapporteur pour avis. Il s’agit effectivement d’un raccourci !

Mme Marie-Christine Dalloz. Enfin, la nouvelle démarche de pilotage par la performance m’inquiète car le risque est de privilégier la quantité à la qualité du retour à l’emploi.

Revenir sur le métier unique serait un retour en arrière pour les salariés de Pôle emploi, mais également pour les demandeurs d’emploi, qui risqueraient de connaître à nouveau l’entassement des procédures administratives.

S’agissant du programme 102, on ne peut que se féliciter de la poursuite des engagements de Nicolas Sarkozy en matière d’accès à l’emploi pour les handicapés et du maintien des dispositifs d’accès à l’emploi des jeunes, notamment du contrat d’insertion dans la vie sociale et des centres de l’établissement public d’insertion de la défense.

Quant au programme 103, je déplore la suppression totale en 2013 des contrats d’autonomie, qui ciblaient pourtant les jeunes des cités. Les moyens de la GPEC baissent de 40 %, alors que le contexte économique aurait nécessité une mobilisation accrue en faveur de ce dispositif. Je me réjouis, en revanche, de la progression des crédits liés à l’activité partielle, puisqu’ils reviennent simplement à hauteur de la demande constatée en 2011.

Pour ce qui est de l’apprentissage, l’ensemble des mesures qui financent cette formation baissent globalement de 3 %. Le rapport Gallois prescrit, pourtant, de doubler le nombre de jeunes en apprentissage, pour atteindre 800 000 contrats en 2015, comme l’avait proposé en son temps le président Nicolas Sarkozy. En effet, l’apprentissage garantit des résultats exceptionnels en termes d’insertion professionnelle et permet à des jeunes parfois en difficulté dans le système scolaire d’acquérir un diplôme et une expérience professionnelle. Comme l’a rappelé l’excellent rapporteur pour avis Gérard Cherpion, trois orientations doivent être mises en œuvre pour accompagner l’apprentissage : l’amélioration de l’orientation des jeunes ; la valorisation de la voie de l’apprentissage ; le développement des formations, notamment dans les structures publiques. Aussi, je soutiens résolument l’amendement qu’il a déposé, qui vise à renforcer l’accompagnement des apprentis et de leurs maîtres de stages pour prévenir les ruptures de contrat.

En définitive, la création des 150 000 emplois d’avenir financés à hauteur de 500 millions pour 2013 se fera au détriment de l’entrée des jeunes en apprentissage, c’est dommage.

Le rapport pour avis de notre collègue Francis Vercamer souligne la nécessité de regrouper les branches professionnelles et pointe les modalités de financement des acteurs du dialogue social. Je comprends ces interrogations et je les partage.

Malgré votre affichage volontariste sur le travail et l’emploi, force est de constater que ce budget n’aura aucune incidence sur le redressement économique de notre pays. Nous attendons toujours le décollage de la fusée emploi ! Les 150 000 créations d’emplois d’avenir ne sont une réponse ni dans la durée ni dans la qualité d’un parcours professionnel pour notre jeunesse. Quant aux contrats de génération, nous attendons, comme vous d’ailleurs, l’issue du dialogue social, pour connaître enfin votre projet.

Pour toutes ces raisons, le groupe UMP ne votera pas les crédits de la mission « Travail et emploi ». (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Michel Sapin, ministre. Vous pourriez vous abstenir, quand même !

M. Patrick Hetzel. Ce n’est pas ce que vous faisiez lorsque vous siégiez dans l’opposition !

M. Michel Sapin, ministre. Je n’ai jamais assisté aux débats sur l’emploi… (Sourires)

Mme la présidente. La parole est à Mme Monique Iborra.

Mme Monique Iborra. Madame la présidente, messieurs les ministres, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, ce premier budget de la législature présente une rupture avec ce que nous avons vécu ces dernières années.

En effet, malgré le contexte de crise, le gouvernement de l’époque décidait chaque année de réduire de façon drastique le budget de la mission « Travail et emploi », réduction qui a fini par atteindre 1,5 milliard d’euros en cumulé. Ce budget se caractérisait par des politiques en pointillés, des allers et retours – de la mise en œuvre de plans de relance à leur suppression l’année suivante –, sans que le taux de chômage ne connaisse une quelconque amélioration. Dans la politique de l’emploi, constance et cohérence n’étaient certes pas l’apanage du gouvernement !

M. Michel Sapin, ministre. C’est vrai !

Mme Monique Iborra. Au-delà des éléments budgétaires et comptables, le vote d’un budget est d’abord le résultat de choix politiques, l’expression de priorités donnant un sens, pour nos concitoyens, à l’action d’une majorité.

Votre budget, monsieur le ministre, tient compte de la dégradation inquiétante de l’emploi et traduit les engagements du Président de la République et du Gouvernement, notamment en matière d’emploi des jeunes.

L’augmentation des crédits du programme 111, qui traite de l’amélioration de la qualité des relations au travail, montre l’importance que vous accordez au dialogue social, qui devient ainsi un élément de compétitivité.

Vous dégagez des priorités, mais vous réparez aussi. Ainsi, vous êtes intervenus en urgence pour pallier les difficultés financières de l’AFPA. Vous avez augmenté les moyens consacrés à Pôle emploi. Vous garantissez aujourd’hui les crédits des maisons de l’emploi, que le gouvernement précédent ne cessait de remettre en cause, de manière insidieuse mais sûre, dans une frénésie de recentralisation. Notre groupe et le vôtre, madame Dalloz, s’étaient alors fortement mobilisés pour assurer leur pérennité.

Mme Marie-Christine Dalloz. Je n’ai jamais dit le contraire.

Mme Monique Iborra. Vous entendez protéger le service public de l’emploi dans son ensemble, même si le réajustement en matière financière et en matière d’effectifs ne suffira probablement pas à optimiser les services rendus aux usagers. De ce point de vue, la mission sur le service public de l’emploi qui m’a été confiée par la commission des affaires sociales s’emploiera, en toute modestie, mais efficacement, à dresser un état des lieux et à faire des préconisations qui vous seront peut-être utiles.

Vous réparez et vous construisez, monsieur le ministre. Vous mettez en œuvre une nouvelle politique, de nouveaux dispositifs, tels les emplois d’avenir et, demain, les contrats de génération, en cohérence avec la loi de finances pour 2013. Vous participez aussi à l’effort de réduction en abaissant les coûts de fonctionnement de votre ministère. Mais nous savons que votre intention est d’y réactiver le dialogue social, un dialogue qui a tant fait défaut ces dernières années.

Je voudrais évoquer un court instant l’alternance, l’apprentissage et les contrats de professionnalisation. La compétence de la politique de l’apprentissage a été donnée aux régions par la loi de décentralisation, qui n’a pas été abrogée, tandis que les contrats de professionnalisation sont de la compétence de l’État et des partenaires sociaux, dont on parle peu. De ce point de vue, monsieur Cherpion, votre rapport est incomplet ou, pire, il traduit une méconnaissance réelle des réalités du terrain.

Mme Marie-Christine Dalloz. Gérard Cherpion ne mérite pas une telle critique !

Mme Monique Iborra. Certes, il s’agit du compte d’affectation spéciale, mais de même que vous avez tissé des lauriers à la loi dont vous êtes partiellement l’auteur, vous auriez pu souligner dans votre rapport l’implication et le volontarisme, tant financier qu’opérationnel, des régions et de l’ensemble des acteurs – État, entreprises, chambres consulaires, missions locales, maisons de l’emploi. Sans doute vous reste-t-il ce réflexe de centralisation qui a présidé à la loi sur la formation professionnelle du 24 novembre 2009, que nous n’avons pas votée parce que nous savions que, dépourvue d’ambition, elle n’allait avoir pour effet que de complexifier davantage ce qui l’était déjà beaucoup. C’était un constat réaliste, que vous avez d’ailleurs partagé dans votre rapport sur la mise en œuvre de la loi, en mars 2011. Je vous renvoie aux débats d’alors et au jugement que portait le président de la commission des affaires sociales de l’époque, Pierre Méhaignerie, pour qui le bilan était « mitigé, pour ne pas dire plus… ». Il ajoutait : « la gouvernance n’est pas assurée, il y a plusieurs pilotes dans l’avion », et remarquait : « sur la bonne utilisation des 30 milliards d’euros consacrés à la formation professionnelle, soyons modestes, il y aurait beaucoup à faire pour rendre leur emploi efficace » - j’ajouterais « et transparent » !

En cohérence avec le pacte de compétitivité pour la croissance et l’emploi présenté par le Premier ministre, votre budget, monsieur le ministre, priorise les lignes budgétaires qui y participent. J’insisterai cependant sur la transparence, sur la simplification, sur le renoncement à une centralisation technocratique, donc inefficace, mais trop utilisée ces dernières années dans le cadre de la formation professionnelle, et sur le dialogue social, qu’il soit national ou territorial. Ce sont des éléments majeurs de compétitivité pour nos entreprises, le rapport Gallois le souligne.

S’il convient de faire preuve de modestie lorsque l’on évoque l’emploi et la formation professionnelle, tant le paysage est complexe, je regrette, monsieur Cherpion, que les préconisations que vous faites aujourd’hui n’aient pas été mises en œuvre par votre majorité. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Laurent Marcangeli.

M. Laurent Marcangeli. Madame la présidente, messieurs les ministres, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, six mois de présidence, six mois de majorité, six mois de gouvernement et, déjà, beaucoup d’incertitudes. Les courbes du chômage s’accélèrent et s’affolent mois après mois. Le choc de confiance que vous aviez promis aux Français se fait attendre.

C’est avec ce sentiment d’inquiétude que nous étudions aujourd’hui la mission « Travail et emploi ». Je ne tomberai pas dans la facilité en raillant les couacs et les recadrages qui se succèdent au sein de la majorité et qui divertissent le petit monde médiatique. Le sujet est trop grave et les Français attendent de nous, leurs élus, des solutions à leur préoccupation numéro un, l’emploi.

C’est donc avec gravité que je vous le dis sans détour, ce budget 2013 de la mission « Travail et emploi » ne constitue pas le meilleur des signaux que l’on puisse adresser, non seulement aux entrepreneurs de notre pays, mais aussi à tous ceux et celles qui sont à la recherche d’un emploi.

En effet, l’une des mesures phares de votre budget repose sur le dispositif des contrats aidés et plus spécifiquement sur les 150 000 emplois d’avenir, pour lesquels vous inscrivez un engagement de 2,3 milliards d’euros, une somme considérable !

Monsieur le ministre, vos emplois d’avenir ne pourront que se transformer en impasse : impasse pour une jeunesse à qui la nation ne propose qu’une occupation de 22 heures, durée moyenne d’un contrat aidé, payée 700 euros,…

M. Michel Sapin, ministre. La durée des emplois d’avenir n’est pas de 22 heures !

M. Laurent Marcangeli. …impasse pour une jeunesse à qui vous ne promettez qu’une forme d’assistanat ad vitam æternam.

Dois-je en effet vous rappeler qu’après un contrat aidé dans le secteur non-marchand le taux d’insertion excède à peine 25 % ? Chacun le sait, les contrats aidés ne permettent que des ajustements cosmétiques des courbes du chômage. Ces dispositifs sont hélas très peu efficaces, le passé l’a toujours démontré.

En fait, en matière de lutte contre le chômage, vous n’avez qu’une ambition : faire de l’emploi public ou de l’emploi sous perfusion publique. Le dossier de presse du projet de loi de finances l’avoue ouvertement : la courbe du chômage s’inversera principalement grâce à l’augmentation du nombre de recrutements de fonctionnaires, aux contrats aidés ou autres contrats de génération.

C’est le retour du dogmatisme, d’un État planificateur ne cessant de croître et distribuant des emplois souvent peu rémunérés et à l’efficacité économique quasi nulle. Et pour le reste, aucune considération pour l’entrepreneur, aucun encouragement pour le créateur d’emplois privés !

Les chefs d’entreprises de notre pays sont nombreux à craindre les effets de la politique envisagée par le Gouvernement et sa majorité. Ils savent déjà qu’ils subiront un matraquage fiscal en règle, tout en faisant l’objet de critiques infondées et répétées.

Pourtant, l’alternative est là, du côté des entreprises.

Il faut mettre fin au non-sens des 35 heures : c’est la principale cause de l’effondrement du rapport qualité-prix des produits français. Dois-je vous rappeler que notre avantage de compétitivité avec l’Allemagne était de 15 % en 1997 ? Or, le rapport est aujourd’hui en notre défaveur, de 10 %.

M. Michel Sapin, ministre. Et qui était au gouvernement quand cela s’est produit ?

M. Christophe Castaner, rapporteur spécial. Où était votre parti, pendant cette période ?

M. Laurent Marcangeli. Oui, 25 % de différence : voilà pourquoi nous ne pouvons rivaliser avec le rapport qualité-prix des produits allemands.

Il faut également desserrer l’étau des normes que nous imposons à nos entrepreneurs. Ils passent l’essentiel de leur temps à essayer de respecter des contraintes juridiques, environnementales ou sociétales, alors que leur principal travail consiste avant tout à innover et à gagner des parts de marché ! Il faut simplifier et alléger les obligations pesant sur les entreprises : c’est la seule solution pour éviter les effets de seuil qui brident nos chefs d’entreprises et leur activité.

Nous devons également faire confiance à l’initiative privée. Cela ne coûte rien, mais nos entreprises en ont besoin. Elles en ont plus qu’assez des critiques, des procès d’intention et de la lutte des classes dans laquelle cette majorité semble parfois enfermée.

Enfin, il faut radicalement baisser le coût du travail. Certes la compétitivité hors prix est importante, mais l’État ne peut pas la décréter : elle passe par l’initiative privée. En revanche, pour investir, nos chefs d’entreprises ont besoin de faire des marges plus importantes. En baissant le coût du travail, on leur donne plus de moyens pour croître et innover. C’est cela, la clé du succès.

Votre budget pour 2013 m’apparaît donc non seulement mal orienté, mais de surcroît mauvais, pour nos entreprises comme pour l’ensemble de nos concitoyens.

Au moment où les carnets de commande se vident et les projets d’investissement disparaissent, il est grand temps que le Gouvernement renonce à l’idéologie et fasse le choix de soutenir davantage nos entreprises. Il est grand temps que le Gouvernement mène une politique adaptée à notre temps, tournant le dos aux recettes du passé. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Suspension et reprise de la séance

Mme la présidente. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures trente-cinq, est reprise à seize heures quarante.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

La parole est à Mme Kheira Bouziane.

Mme Kheira Bouziane. Madame la présidente, messieurs les ministres, chers collègues, un budget est toujours la traduction et l’expression d’une volonté politique, de choix et de moyens à mettre en œuvre pour atteindre les objectifs que la puissance publique se fixe.

Ce budget, à l’instar de celui de l’enseignement, traduit la volonté affirmée du président François Hollande de faire de la jeunesse et de l’éducation ses priorités.

La mission budgétaire « Travail et emploi » affiche les objectifs fermes du Gouvernement, qui entend renforcer les crédits pour réduire le chômage.

Elle traduit en outre un effort en direction de la jeunesse avec le financement des emplois d’avenir ainsi que le maintien du financement de l’apprentissage. Le budget de la mission comprend en effet les crédits alloués à cette formation initiale sous contrat de travail, qui permet aux jeunes de 16 à 25 ans d’acquérir une qualification professionnelle validée par un diplôme ou un titre homologué en vue de leur insertion directe dans l’emploi. Plus de 1,4 million de jeunes sont aujourd’hui engagés dans cette voie. Son financement est largement abondé par la participation des entreprises, calculé sur la masse salariale et fonction de l’âge de l’apprenti et de la formation suivie.

Ce mode de financement, s’il reste très éclaté, avec une logique sectorielle et verticale, obère son utilisation. Pour améliorer l’efficacité dans l’utilisation des moyens alloués, il serait opportun qu’une réflexion sur une réforme globale du financement de l’apprentissage et de la formation professionnelle en général soit envisagée.

Valoriser l’enseignement professionnel, l’apprentissage, l’alternance, c’est contribuer de manière déterminante à la richesse de notre pays, au développement des entreprises et au redressement productif. L’enseignement professionnel sera valorisé s’il est en mesure de proposer des parcours de réussite différenciés, variés et personnalisés. Aussi l’entreprise, les centres de formation d’apprentis, l’AFPA, les maisons familiales et rurales, le monde associatif, l’éducation nationale et l’ensemble des acteurs doivent-ils former le socle solide et indispensable de l’encadrement et de l’accompagnement des jeunes. Pour ce faire, nous devons engager une profonde réflexion sur l’ensemble des dispositifs de la formation professionnelle, qu’elle soit initiale ou continue, assurée par l’éducation nationale ou par d’autres structures.

Pour éviter les doublons, une mutualisation, un rapprochement, une complémentarité doivent être recherchés entre la formation professionnelle, l’enseignement professionnel de l’éducation nationale et la formation professionnelle consulaire ou associative.

Au-delà des partenariats entre les acteurs de l’emploi et de l’économie, il faudra réussir le rapprochement de l’école et de l’entreprise. Toutes les voies de la formation professionnelle doivent être développées. L’apprentissage, qui certes doit progresser, ne doit pas se faire au détriment des autres types de formations dispensées par l’enseignement professionnel, technologique ou agricole. Chaque jeune doit trouver sa voie en fonction de ses aspirations et de ses capacités. L’offre doit donc être diversifiée pour répondre aux besoins de tous les parcours et à tous les âges.

Les acteurs de l’apprentissage sont nombreux et divers : CFA, CFA interprofessionnel, CFA agricole, CFA de l’éducation nationale, CFAI, entreprises, maisons familiales et rurales, lycées des métiers. Leurs actions doivent se compléter et non se concurrencer, leurs moyens de fonctionnement doivent être assurés et pérennisés. Un rapprochement des ministères de l’éducation nationale, de l’emploi et de l’agriculture sur le sujet de la formation professionnelle au sens large me paraît souhaitable et judicieux pour qu’elle soit optimisée.

Le service public de l’orientation promis et attendu aura toute sa place auprès des acteurs intermédiaires : organismes consulaires, missions locales, associations d’insertion, etc. Tous ces acteurs constituent de puissants relais des actions de promotion et d’information, et sont aussi des acteurs importants de l’accompagnement des jeunes et de leur réussite.

Parmi les acteurs participant au développement de l’apprentissage, nous devons souligner plus particulièrement le travail remarquable des régions dont l’action est au plus près de la réalité économique de leur territoire. Elles prennent toutes les initiatives pour développer cette filière de formation et y consacrent près de 30 % de leur budget.

Au travers de nombreuses expériences, les régions ont réussi à accroître l’attractivité de cette voie de formation pour les jeunes en s’attachant à des efforts qualitatifs de revalorisation de l’apprentissage, que ce soit par les méthodes d’enseignement ou par les conditions matérielles tels que l’hébergement, le transport, etc. Réduire les décrochages et les ruptures en cours de formation a toujours été un de leurs objectifs.

Dans le contexte d’un retour à l’équilibre des finances publiques, il faut se féliciter que l’ensemble des moyens consacrés à l’apprentissage pour les régions aient été préservés. Cependant, il nous faut mieux appréhender les besoins spécifiques des apprentis en matière de besoins et de frais connexes à la formation.

L’apprentissage, par le cumul potentiel de trois lieux de vie pour l’apprenti que sont l’hébergement familial, le centre de formation et l’entreprise, rend particulièrement cruciale la problématique d’hébergement en cas d’éloignement. Faire en sorte que les aspects matériels et financiers ne soient plus un frein, permettrait de sécuriser et rassurer les jeunes et leur famille.

Un dernier constat s’impose malgré les campagnes d’information et les différentes actions publiques. Le jeune et sa famille souffrent d’un déficit d’accompagnement et d’information. Les parcours apprentissage ne semblent pas sécurisés, laissant trop d’incertitudes pour faire des choix efficaces et appropriés. Il convient d’offrir une meilleure information en adéquation entre l’orientation des jeunes et les secteurs éprouvant des besoins de recrutement.

Promouvoir l’apprentissage c’est bien, mais il faut reconnaître que sur le terrain certains jeunes ne peuvent y accéder malgré leur volonté de suivre une formation en alternance. Nous devrons rester particulièrement vigilants à ces situations de discrimination que rencontrent certains de nos jeunes pour trouver une entreprise ou un maître de stage en vue de concrétiser un projet de formation en alternance. Cela concerne notamment les apprentis les plus âgés, les jeunes filles, les apprentis en difficulté scolaire ou sociale, ou encore les jeunes souffrant d’un handicap. Discrimination sociale, spatiale, ou à caractère raciste – et en disant cela, je mesure mes mots – sous-représentation des filles, mise à l’écart des handicapés, illettrisme : toutes ces discriminations constatées dans le monde du travail n’épargnent pas, hélas ! les apprentis.

Mais je ne me contenterai pas d’énumérer ces insuffisances. Je suis persuadée que nous pouvons conduire une politique forte qui apportera des solutions et valorisera la voie professionnelle et celle de l’apprentissage. Bon nombre d’acteurs sur le terrain ont mis en place des expérimentations pour lever les contraintes et les freins.

Aujourd’hui, il convient de passer de l’expérimentation à la diffusion de ces pratiques. Pour l’apprentissage, ce sont 825 millions d’euros qui sont inscrits au compte d’affectation spécial « Financement national du développement de la modernisation de l’apprentissage ». Les crédits de la mission « Travail et emploi » pour 2013 sont en progression de 4 %, compte tenu des 250 millions d’euros de crédits destinés au développement de l’apprentissage et dus aux régions, inscrits au compte d’affectation spécial.

Au-delà de ce budget, nous devrons conduire parallèlement une profonde réflexion et refonte de l’apprentissage. Nous devrons nous attacher à l’amélioration de l’adéquation entre l’offre de formation, les besoins des individus et ceux de l’économie. Depuis l’orientation jusqu’à l’insertion professionnelle, il faut mettre l’accent sur les moyens de l’accompagnement de ces parcours de formation afin de favoriser des parcours sereins. L’attrait de l’apprentissage auprès des jeunes est lié à la capacité d’offrir des perspectives d’insertion professionnelle. Un de nos objectifs pourrait être de favoriser une meilleure interconnexion et une meilleure connaissance mutuelle des acteurs.

Nous devrons aussi garantir la préservation et le développement d’une offre de formation sur chacun des bassins, dans une logique d’aménagement et de développement du territoire.

L’entreprise, avec le maître d’apprentissage, constitue un élément central de la formation des apprentis. Il est donc indispensable que les responsables institutionnels et opérationnels de l’apprentissage puissent entretenir avec le monde de l’entreprise un partenariat solide et de qualité pour la reconnaissance de leur action dans la formation du jeune, impliquer davantage les entreprises, accentuer le rôle des développeurs qui devront élargir leur champ d’action et concerner tous les secteurs économiques, renforcer le partenariat avec les branches professionnelles et conforter la coopération avec les structures.

Il nous faudra aussi assurer le suivi de ces jeunes et veiller à répondre plus rapidement aux situations de décrochage.

Je conclurai mon intervention en évoquant un sujet qui me tient à cœur et qui a été soulevé par une chambre de métiers et de l’artisanat. Il concerne la mise en œuvre d’une disposition créée par l’article 28 de la loi du 24 novembre 2009 qui vise à intégrer dans les marchés publics la clause d’insertion en direction des jeunes en apprentissage. Je trouve cette demande intéressante à double titre car elle permet d’aider les entreprises à valoriser leur action en direction de l’apprentissage et de permettre aussi aux jeunes d’avoir des lieux.

Monsieur le ministre, cette expérimentation devait faire l’objet d’une évaluation. Or l’ancien gouvernement ne l’a pas faite, ce que je regrette. Pouvez-vous nous donner votre position sur ce dispositif ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson.

M. Jean-Frédéric Poisson. Messieurs les ministres, je partage largement l’appréciation générale qui a été donnée sur ce budget par les rapporteurs pour avis du groupe UMP.

J’ai quatre questions à vous poser, deux à caractère général et deux qui concernent les contrats aidés.

Ma première question porte sur le traitement que vous allez réserver à la préconisation qui figure dans le rapport Gallois sur l’organisation en filières. Certaines des mesures qui y figurent demandent aux grands groupes, tant pour des raisons de stratégie industrielle, d’innovation que de gestion de la politique des sous-traitants, de piloter sous forme de filière industrielle ou professionnelle certains pans de notre activité. J’ai remarqué avec une certaine forme de surprise que ni les branches professionnelles ni les conventions collectives n’étaient mentionnées dans le rapport. Je voudrais savoir comment vous allez reprendre à votre compte, et si vous comptez le faire, les préconisations du rapport Gallois à ce sujet.

Ma deuxième question porte sur l’amélioration des conditions de travail, qui fait l’objet, dans votre budget, d’un chapitre précis. J’ai bien entendu le cours de finances publiques que vous avez donné l’autre jour sur les autorisations d’engagement et les crédits de paiement. Aussi, je ne vous ferai pas de procès en la matière. Les crédits relatifs à l’amélioration des conditions de travail sont maintenus. Chacun sait que l’ANACT a connu, il y a quelque temps, des turbulences internes liées aux modalités de sa gestion. Aussi, je souhaiterais savoir si elle est sortie de ces turbulences et si l’on peut désormais doter cette agence en toute tranquillité. M. Juanico et moi-même étions tombés d’accord pour augmenter les crédits de cet établissement dans le précédent budget. Quelles sont vos intentions en la matière ?

Ma troisième interrogation concerne les contrats aidés, et en particulier les contrats d’avenir.

M. Michel Sapin, ministre. On dit les emplois d’avenir, monsieur Poisson !

M. Jean-Frédéric Poisson. Vous avez raison, il s’agit d’emplois d’avenir. Mais je n’arrive pas à m’y faire ! Cela dit, je crois que vous m’avez bien compris.

M. Michel Sapin, ministre. Mais vous me devez deux euros ! (Sourires.)

M. Jean-Frédéric Poisson. Si cela peut vous faire plaisir, je vous les donnerai, mais ce n’est pas cela qui arrangera votre budget ! (Sourires.)

En la matière, 2,3 milliards sont prévus en autorisations d’engagement, ce qui équivaut à un an et deux mois de financement. En effet, 150 000 emplois exonérés à hauteur de 1 075 euros sur douze mois, cela revient à 1,9 milliard. Si je pars du principe que le coût total de ce dispositif est de 1,9 milliard en année pleine, on aboutit bien à 2,3 milliards pour un an et deux mois. J’observe par ailleurs que les 466 millions d’euros budgétés pour l’an prochain devraient vous permettre de financer 100 000 emplois, conformément à l’engagement que vous avez pris à plusieurs reprises en commission et lors des deux lectures de ce texte ici même ainsi qu’au Sénat. En créant 8 500 emplois d’avenir chaque mois et ce pendant toute l’année prochaine, on arrive à un total de l’ordre de 760 millions, alors que 466 millions seulement ont été budgétés pour l’an prochain. Je ne comprends donc pas comment vous pourrez financer 100 000 emplois d’avenir en 2013.

Pouvez-vous dire devant la représentation nationale si vous maintenez l’objectif de 100 000 emplois, ou si vous savez d’ores et déjà qu’il y en aura moins, auquel cas il s’agirait là d’une politique d’affichage ?

Ma dernière question portera sur les contrats de génération. Certes, l’accord a été signé par quatre organisations syndicales.

M. Michel Sapin, ministre. Non, elles l’ont toutes signé !

M. Jean-Frédéric Poisson. Dans quelle proportion comptez-vous reprendre cet accord national signé par les syndicats et le patronat ? Y a-t-il des dispositions sur lesquelles vous entendez apporter des modifications ?

Enfin, je souhaiterais avoir des précisions sur les modalités de financement de ces contrats dans la durée puisqu’ils engagent des entreprises au-delà du seul exercice de 2013. Avez-vous prévu l’éventualité que certaines entreprises, obligées par ces plans ou les accords d’entreprise sur les contrats, ne les signent pas ? Avez-vous imaginé quel pourrait être le volume des amendes ? Comment entendez-vous utiliser ces amendes le cas échéant ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marc Germain.

Je rappelle aux ministres qu’ils auront tout le temps nécessaire pour répondre.

M. Jean-Marc Germain. Madame la présidente, messieurs les ministres, messieurs les rapporteurs, chers collègues, nous étions ce matin avec le Président de la République pour la signature des douze premiers contrats d’emplois d’avenir.

Les emplois d’avenir, c’est Stéphanie, dix-neuf ans, qui ce matin a rejoint la Croix Rouge pour faire de l’aide à la personne. Les emplois d’avenir, c’est Florian, dix-neuf ans, CAP paysagiste, qui a signé avec la SNCF et va devenir cheminot. Les emplois d’avenir, c’est Tony, vingt ans, CAP électricien, qui va travailler pour la communauté d’agglomération de Marne-et-Chantereine.

Ces contrats marquent le véritable coup d’envoi du redressement de la France.

Cet été, nous nous sommes attelés à éviter le naufrage. Le naufrage aurait été de laisser dériver nos finances publiques, nous l’aurions payé par des taux d’intérêt plus élevés. Nous avons bouché les trous et replacé la France sur la voie d’un retour à l’équilibre sur le quinquennat.

Le naufrage aurait été de continuer à dire aux employeurs de faire des heures supplémentaires plutôt que d’embaucher : nous avons mis fin à cette anomalie française née du sarkozysme.

Le naufrage aurait été de ne pas empêcher cette hausse de la TVA au 1er octobre qui aurait définitivement plongé la France dans la récession, et les Français dans des difficultés encore plus lourdes pour boucler leur fin de mois.

Avec la signature des premiers emplois d’avenir, c’est la reconquête de l’emploi qui est en marche. Elle commence avec ceux qui sont les plus exclus du marché du travail, ceux qui souffrent le plus de son dysfonctionnement, les jeunes sans emploi, sans qualification.

Pour eux, c’est la double peine : sans emplois, pas d’expérience ; sans formation, aucune chance de décrocher un emploi si on ne les y aide pas. Un de ces jeunes sur deux est au chômage et parfois deux sur trois dans les zones urbaines sensibles et dans les départements et territoires d’outre-mer. Avec 440 millions d’euros en 2013, une hausse de 75 % des autorisations de programme en matière d’aide à l’emploi, un maintien des contrats d’accès à l’emploi et des contrats initiative-emploi, 2 000 postes créés à Pôle Emploi, l’urgence, c’est le retour à l’emploi des plus éloignés du marché du travail, c’est la priorité du budget que vous nous présentez aujourd’hui, monsieur le ministre, et c’est la raison pour laquelle le groupe socialiste le votera.

À ces l50 000 emplois d’avenir viendront s’ajouter dans quelques semaines 500 000 contrats de génération, dont 150 000 dès 2013 comme l’a annoncé ce matin le Président de la République. Des contrats pour les jeunes, mais aussi pour les autres victimes du chômage de masse, les seniors, qui sont écartés de plus en plus tôt de l’emploi et qui sont particulièrement exposés au chômage de longue durée.

La signature hier soir du texte par les partenaires sociaux ouvre la voie à une validation législative par le Parlement de cette deuxième pièce essentielle de l’arsenal anti-chômage. Pour notre part, nous suivrons les partenaires sociaux dans l’accord qu’ils ont conclu.

Le Premier ministre l’a annoncé mardi, je l’avais dit pendant les débats sur les emplois d’avenir, nous n’opposons pas les contrats aidés aux contrats d’apprentissage : c’est la raison pour laquelle nous soutenons totalement l’objectif d’aboutir avant la fin du quinquennat à 500 000 contrats d’apprentissage.

Voilà pour l’urgence. Mais il n’y aura de redressement durable de la France que si nous parvenons à redresser la compétitivité de notre pays. Je vous ai beaucoup entendus sur cette question, chers collègues de l’UMP, depuis quelques jours, et je sens la grande gêne qui vous traverse. Les uns nous disent en effet : « C’est un copié-collé de ce qu’avait proposé Nicolas Sarkozy », les autres nous disent que les mesures que nous prenons sont homéopathiques et que nous avons enterré le rapport Gallois. Il faut choisir ! Ce qui ne se conçoit pas bien ne s’énonce pas clairement.

Mais la raison profonde de votre gêne n’est pas là. Cela fait dix ans que la question de la compétitivité se pose à notre pays. Cela fait dix ans que vous êtes au pouvoir et que vous n’avez pas fait ce qu’il fallait pour la compétitivité. Car le rapport Gallois, c’est d’abord un réquisitoire contre vos dix années au pouvoir.

Il y a dix ans, le solde commercial de la France, hors énergie, c’était 25 milliards d’euros ; aujourd’hui, c’est toujours 25 milliards, mais il y a un moins devant. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe SRC.)

Entre 1997 et 2002, nous avions fait baisser le chômage d’un million ; le bilan de Sarkozy, votre bilan, c’est aussi un million, mais la différence est de taille : c’est un million de plus !

Les déficits ? Pas une seule fois au-dessus de 3 % lorsque nous étions au pouvoir ; et pas une seule fois en dessous de 3 % depuis cinq ans.

Vous nous laissez non seulement une situation économique et sociale très difficile, mais aussi un État sans moyens financiers pour y répondre, aux caisses vides et croulant sous les dettes.

Bien sûr, il y a la crise. Mais il y a aussi votre responsabilité. Le budget de l’emploi qui est passé de 12 à 10 milliards, ce n’est pas la crise, c’est vous ! Les milliards dépensés dans le bouclier fiscal et pour la baisse de l’impôt sur la fortune, ce n’est pas la crise, c’est vous !

M. Éric Woerth. Parlez donc de ce que vous allez faire !

M. Jean-Marc Germain. Pôle Emploi déstabilisé, l’AFPA au bord de la faillite, ce n’est pas la crise, c’est vous ! Les aides aux banques sans contreparties, c’est vous ! Les subventions aux heures supplémentaires plutôt qu’aux embauches, c’est vous !

Quand on a de tels résultats, comme aime à le dire un ancien Premier ministre, on ne présente pas son bilan, on présente ses excuses ou en tout cas on fait profil bas. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

La compétitivité, vous vous en êtes désintéressés pendant dix ans, à tel point – et je crois que c’est sans précédent dans l’histoire de notre République – que la mesure que vous défendez aujourd’hui ne s’appliquait que trois mois après la fin du quinquennat précédent.

Le remède que vous aviez prévu était pire que le mal : au lieu du choc de compétitivité que vous prétendiez rechercher, nous aurions eu un choc de décroissance, avec une ponction de 10 milliards sur le pouvoir d’achat dès le 1er octobre. Cela aurait été le coup de grâce pour une économie aujourd’hui chancelante.

Nous, nous n’attendrons pas la dernière heure du quinquennat pour prendre nos décisions, nous le faisons dès la première année avec le plan qu’a annoncé le Premier ministre mardi. Et nous le faisons de la manière la plus forte qui soit : 20 milliards d’euros à travers le crédit d’impôt compétitivité-emploi.

Cet effort, il devra servir à soutenir la vraie compétitivité. Il devra aller aux entreprises qui en contrepartie feront un effort en matière de recherche, d’innovation, d’investissement et de formation. Oui, là est la vraie compétitivité.

C’est un capitalisme de projet plutôt que la recherche de la hausse sans fin des profits, un capitalisme du long terme plutôt que la tyrannie du court terme, un capitalisme qui croit que le plus précieux des investissements, c’est le capital humain.

Oui, pour nous la compétitivité, c’est ce que dit le rapport Gallois, c’est la montée en gamme de notre appareil productif. C’est aussi une autre conception du travail, fondée sur la conviction que ce qui fait la richesse d’une entreprise, ce sont les femmes et les hommes qui y travaillent, c’est leur coopération et pas une mise en concurrence aussi stérile qu’improductive.

C’est pour cela que nous attendons beaucoup de la négociation sur la sécurisation professionnelle, qui doit permettre d’améliorer 1a sécurité des salariés tout en donnant des capacités d’adaptation aux entreprises.

C’est le CDI qui doit redevenir la règle, et le temps partiel subi l’exception. C’est la participation des salariés aux grandes décisions des entreprises, à travers leur participation aux conseils d’administration ; ce sont des entreprises qui informent et consultent leurs salariés sur les grandes décisions économiques et, lorsqu’elles ont des grands ajustements à faire, qui en discutent et en débattent avec eux le plus en amont possible. Et ce sont des voies de recours en cas d’abus. C’est un moment historique qui se joue en ce moment, comme l’a dit le Président de la République, et nous espérons que cette négociation sera couronnée de succès.

Notre économie, nos entreprises ne s’en sortiront pas seules. Elles ne s’en sortiront que si l’État est capable de mobiliser toutes nos forces vers des filières porteuses d’avenir. La puissance publique doit retrouver son rôle d’éclaireur, donner des impulsions, tracer des directions. Il faut recréer des outils de prospective : ce sera fait dans les semaines qui viennent, avec la création du Commissariat à la prospective et au dialogue social.

Il faut retrouver les moyens d’investir dans les secteurs-clefs, ce sera le rôle de la Banque publique d’investissement : elle sera dotée de 42 milliards d’euros et alimentée par un nouveau livret d’épargne industrie pour drainer l’épargne des Français vers nos entreprises.

Il nous faut aussi partir à la conquête de nouveaux marchés et pour cela constituer ce réseau d’entreprises de taille intermédiaire qui fait la force de l’Allemagne et qui manque tant à notre pays. La BPI les aidera dans leurs projets à l’exportation et pour elles, le crédit d’impôt recherche sera étendu à l’innovation.

Chers collègues, le chômage n’est pas une fatalité. Aujourd’hui, avec ce budget, avec ce changement d’échelle de la politique de l’emploi, avec la réorientation de la croissance en Europe, avec les annonces qui viennent d’être faites en matière de compétitivité, avec la Banque publique d’investissement qui sera mise sur pied dans quelques jours, notre pays prend enfin le taureau par les cornes !

L’heure est maintenant à la mobilisation de toutes les forces vives du pays dans la voie tracée par le Président de la République et le Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. David Douillet.

M. David Douillet. Madame la présidente, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs, mesdames et messieurs les députés, chers collègues : retour à la retraite à soixante ans, suppression des heures supplémentaires défiscalisées, hausse du forfait social, suppression de la TVA compétitivité, hausse brutale de la TVA, mise en œuvre chaotique et partielle des recommandations du rapport Gallois, voilà un échantillon des premiers signaux envoyés par la majorité de gauche aux entreprises, mais aussi aux travailleurs et surtout aux futurs entrepreneurs !

D’après un sondage réalisé en août dernier auprès de jeunes diplômés, 48 % d’entre eux disaient souhaiter créer une entreprise ; 23 % de ces jeunes diplômés préfèrent s’expatrier pour tenter l’aventure, et finalement, en France, seulement 2 % d’entre eux passent à l’acte. Pourquoi ?

Parce que l’environnement économique manque de visibilité, parce que les complexités juridiques paraissent insurmontables, parce que le poids de la fiscalité les arrête, cette pression fiscale que vous ne cessez d’augmenter et qui devient insupportable.

La France doit valoriser l’entreprenariat, seule source de création de richesse et d’emplois. Ce n’est absolument pas le cas aujourd’hui.

Je ne parle pas des patrons du CAC 40, qui sont bien rarement les créateurs de l’entreprise qu’ils pilotent. Je parle d’hommes et de femmes qui, forts d’un projet, sont passés par toutes les étapes de la création, je parle d’hommes et de femmes qui entreprennent, innovent, inventent, créent de la richesse, créent de l’emploi et reçoivent pour seul message de leur pays : « Paie tes taxes ! »

Je parle d’hommes et de femmes, patrons de TPE et de PME, qui représentent 99 % des entreprises françaises et 64 % des emplois !

Je parle d’hommes et de femmes qui se sentent aujourd’hui trahis par un pays qui, non content de dévaloriser leur travail acharné au quotidien, va leur faire subir une pression fiscale intolérable au moment de la transmission de leur entreprise.

Il semble que vous n’ayez pas encore tiré toutes les leçons de 1981 : une politique économique fondée sur l’idéologie socialiste, particulièrement dans un contexte de crise, a déjà prouvé qu’elle ne fonctionnait pas... Et nous n’avons certainement pas deux ans devant nous avant d’aborder le tournant de la rigueur !

Notre attitude, votre attitude, doit donc changer aujourd’hui, pour que cesse la fuite des capitaux, des intelligences et donc de la richesse sous toutes ses formes, car c’est certain, la France ne s’en remettra pas.

J’ai parlé de créateurs d’entreprises, arrêtés par le manque de reconnaissance, la rigidité du système et la pression fiscale qui augmente sans cesse. Je veux parler maintenant de ceux qui, tout simplement, cherchent un emploi salarié : les entreprises sont réticentes à embaucher, dans un contexte économique globalisé où la concurrence internationale exerce une pression y compris sur nos TPE et nos PME.

La mission « Travail et emploi » du PLF qui nous occupe aujourd’hui aurait pu être porteuse de messages propres à redonner de la confiance, avec une hausse des crédits de paiement de 2,1 %.

Mais cette hausse est liée à la mise en place du dispositif des emplois d’avenir, et à lui seul. Je ne suis pas opposé au principe des emplois d’avenir : ces emplois valent toujours mieux que le chômage, mais ils ne sont qu’une réponse ponctuelle, pas une réponse structurelle. Et leur poids budgétaire dans les années à venir a de quoi nous inquiéter : déjà 2,3 milliards inscrits en autorisations d’engagement...

En dehors de ce dispositif nouveau, les autres sont au mieux stabilisés, au pire en baisse, et quelle baisse ! Je parle, bien sûr, du financement de l’exonération de charges des auto-entrepreneurs, dont les crédits baissent de 80 %, soit un effondrement de 156 à 31 millions d’euros. Il s’agit d’un coup terrible, sans aucune concertation, alors que le ministère en charge avait garanti une « large consultation ». Le dispositif d’auto-entrepreneur est aligné sur celui de l’entrepreneur individuel, mettant en difficulté pas moins de 800 000 personnes ayant opté pour ce statut.

La majorité, par ces mesures strictement contre-productives et anti-économiques, obère les capacités de notre pays à se redresser dans la crise.

C’est une France à genoux que vous nous préparez. La gauche avait déjà posé les bases pour cela, au début des années 2000, en mettant en place les 35 heures, cette construction idéologique totalement déconnectée de la réalité, qui n’a évidemment jamais atteint son objectif de créer de l’emploi.

Je conclurai en citant Victor Hugo, qui écrivait dans Les Misérables : « Limiter la pauvreté sans limiter la richesse. » Aujourd’hui, ce que le gouvernement nous propose, c’est de limiter la richesse, sans limiter la pauvreté ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Olivier Falorni. On est loin de Victor Hugo !

Mme la présidente. La parole est à Mme Martine Carrillon-Couvreur.

Mme Martine Carrillon-Couvreur. Madame la présidente, messieurs les ministres, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, la situation de l’emploi ne peut laisser personne indifférent. La barre des trois millions de chômeurs a été franchie en août dernier et les perspectives à court terme ne laissent malheureusement entrevoir aucune embellie rapide. Le rapport Gallois, présenté cette semaine, dresse d’ailleurs un bilan sans appel sur la situation qui s’est aggravée depuis dix ans.

Devant faire face à ce lourd héritage, le nouveau gouvernement s’est engagé résolument dans un combat contre le chômage : ce sont d’abord les mesures d’urgence pour l’emploi, avec les 120 000 emplois aidés supplémentaires financés en 2012 ; c’est la création des emplois d’avenir et des contrats de génération ; c’est le renforcement des moyens humains de Pôle Emploi ; ce sont enfin, plus généralement, des mesures de soutien à la recherche et au développement pour les entreprises qui s’engagent en faveur de la création d’emplois.

Mes chers collègues, c’est donc bien de volontarisme que fait preuve ce premier budget du quinquennat pour faire face à une situation d’urgence. Et ce volontarisme est marqué du sceau de la justice car, face à l’iniquité qu’a pu générer pendant dix ans une ligne politique reposant sur le laisser-faire du marché, le changement que conduit le Premier ministre Jean-Marc Ayrault se traduit par des mesures concrètes pour à la fois protéger nos concitoyens et redresser notre économie dans un contexte marqué par les désordres du monde de la finance débridée.

Dans le cadre de cette dynamique, je tiens à saluer la mobilisation gouvernementale en faveur des personnes handicapées. J’aimerais du reste que nous nous entendions sur le vocabulaire, mes chers collègues : ce sont d’abord des personnes et non pas des handicapés, comme le disent certains ici. (Murmures sur les bancs du groupe UMP.) Derrière le handicap il y a toujours une personne et n’oubliez pas non plus qu’il y a des compétences.

M. Gérard Cherpion, rapporteur pour avis. Très juste !

Mme Martine Carrillon-Couvreur. C’est, une fois encore, la traduction de l’engagement du Président de la République qui a demandé que chaque loi, chaque politique publique conduite par le Gouvernement intègre, justement, cette préoccupation liée au handicap.

Ainsi, dans le programme budgétaire qui nous intéresse aujourd’hui, l’emploi des personnes handicapées fait l’objet d’une attention toute particulière. Avec une progression des crédits de près de 7,3 % par rapport à l’année 2012, ce budget va permettre, à travers l’aide au poste dans les entreprises adaptées, la création de 1 000 places supplémentaires au sein de ces structures.

M. Jean-Patrick Gille, rapporteur pour avis. Très bien !

Mme Martine Carrillon-Couvreur. Nous le savons tous : le contexte de la mondialisation de l’économie, examiné sous l’angle de ses conséquences sur l’organisation des structures de production, les exigences de productivité toujours plus intenses, l’organisation du temps de travail toujours plus complexe, sont de nature à perturber le processus d’intégration des personnes handicapées en milieu ordinaire de travail. Cela complique l’objectif d’accès équitable de tous à l’emploi.

Aussi, au moment où le chômage des personnes handicapées est une réalité persistante dans notre pays, le soutien affirmé aux entreprises adaptées est une réponse à la fois économique, sociale et solidaire à un besoin clairement identifié.

Pour faire changer durablement le cours des choses, Roosevelt affirmait, dans un discours résumant la philosophie du New Deal, qu’il convenait d’« user activement des instruments et compétences exécutives » au lieu d’« attendre (...) que les lois de l’économie réalisent les objectifs du gouvernement ». À l’occasion de l’examen de ce projet de loi de finances, et à la veille de l’ouverture de la semaine pour l’emploi des personnes handicapées, permettez-moi de faire nôtres ces propos tant ils caractérisent la philosophie qui anime la politique gouvernementale en faveur du handicap. Ce projet de budget pour 2013 en faveur de l’emploi des personnes handicapées est bien la traduction d’une volonté déterminée et forte, mobilisant de façon particulière les moyens de l’État pour atteindre l’objectif qui est l’intégration de tous au sein de notre société.

La semaine prochaine, monsieur le ministre, vous allez vous déplacer dans plusieurs départements, en particulier dans le mien.

M. Michel Sapin, ministre. Ce sera avec plaisir !

Mme Martine Carrillon-Couvreur. J’espère qu’à l’occasion de ces déplacements, quelques contrats d’avenir…

M. Michel Sapin, ministre. Vous me devez deux euros ! (Rires.)

Mme Martine Carrillon-Couvreur. Je vous les donnerai volontiers…

J’espère que certains de ces emplois d’avenir pourront être offerts à des personnes en situation de handicap,…

M. Michel Sapin, ministre. Absolument !

Mme Martine Carrillon-Couvreur. …marque du caractère volontariste de votre action. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Annie Genevard.

Mme Annie Genevard. Madame la présidente, messieurs les ministres, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, je souhaite associer Olivier Dassault à mon propos. Le 24 octobre dernier, Jean-Marc Ayrault, évoquant les ministres de son gouvernement déclarait : « Le temps de l’apprentissage est terminé. » Le Premier ministre reconnaissait ainsi la valeur de l’apprentissage au sommet même de l’État. Comment expliquer dès lors son absence dans le programme du candidat François Hollande ? L’apprentissage était-il encore une fois victime du préjugé qu’une partie de la gauche nourrit à son encontre ? Hors de la voie académique, point de salut !

M. Jean-Patrick Gille, rapporteur pour avis. Mais non !

Mme Annie Genevard. Le Gouvernement a jusqu’alors privilégié les emplois d’avenir, nouveau nom pour les « emplois jeunes », ainsi que les contrats de génération, plutôt que de suivre la voie de l’apprentissage. Ce que vous proposez, monsieur le ministre, c’est plus un traitement social du chômage qu’une solution efficace dans la durée.

L’apprentissage est à l’opposé de ce miroir aux alouettes. Au lieu de faire la charité aux jeunes d’un emploi précaire, l’apprentissage leur ouvre la voie de l’utilité sociale et de la valorisation personnelle, l’une renforçant l’autre. Au lieu de la dépendance, il propose l’autonomie et le choix pour l’individu tout en lui garantissant une meilleure intégration dans la société et offre à cette dernière une solution, certes partielle mais solide et durable, au problème du chômage qui la hante. L’apprentissage mobilise les forces vives de la nation, unissant ceux qui ont réussi et ceux qui veulent réussir : la fierté d’apprendre pour les uns, celle de transmettre et de former pour les autres.

M. Jean-Patrick Gille, rapporteur pour avis. Les contrats de génération remplissent cet objectif !

Mme Annie Genevard. Loin du traitement social du chômage, de l’impuissance et de commisération, l’apprentissage est, on le voit, un choix de société fondé sur la confiance dans notre jeunesse et la forte implication de tous.

L’apprentissage est un humanisme.

Examinons quelques comparaisons avec l’Allemagne. Il y a outre-Rhin 1,6 million d’apprentis, soit 11 % des jeunes entre quinze et vingt-neuf ans, contre 5 % en France, et un taux de chômage des jeunes de 8 % contre près de 23 % chez nous. Il y a forcément une corrélation. Citons l’exemple, qui devrait nous inspirer, de Jürgen Schrempp qui a débuté comme apprenti mécanicien pour devenir le patron de Daimler.

Trop souvent, l’apprentissage est appréhendé comme une solution de rechange face à un système scolaire qui laisse, chaque année, 150 000 jeunes sans formation et sans diplôme. Mais l’apprentissage n’est pas une voie de garage pour élèves à problèmes. Persister à le concevoir ainsi revient à considérer l’orientation vers la filière académique comme seule légitime. L’exemple allemand est pourtant là pour nous prouver qu’excellence et apprentissage font bon ménage.

Trop souvent aussi, en France, l’image de l’apprentissage se confond avec celle de l’artisanat alors que l’apprentissage, à l’instar de ce qui se fait en Allemagne, peut concerner tous les secteurs : banque, industrie ou assurance. Nicolas Sarkozy l’avait bien compris lorsqu’il appelait de ses vœux la formation de 800 000 à 1,2 million apprentis d’ici à 2015.

Il faut donc en appeler à une révolution culturelle et je me réjouis ici des propos du ministre de l’éducation nationale qui a récemment rappelé que l’école devait préparer les jeunes à un emploi et incité les entreprises à travailler de concert avec les pouvoirs publics.

Aujourd’hui, 14 % des apprentis sont dans le supérieur. Les plus grandes écoles s’y sont mises, montrant que l’apprentissage peut être une filière d’excellence et non pas une filière de seconde zone : 80 % des titulaires d’un BTS ou plus, obtenu en apprentissage, trouvent un emploi un an après leurs examens.

Certes, l’apprentissage n’est pas l’unique solution au chômage des jeunes, mais il contribue à donner du sens à l’enseignement. Grâce à lui, un jeune sait à quoi va servir ce qu’il apprend, et donner du sens c’est éveiller le désir sans lequel il n’y a pas de réussite.

M. Jean-Patrick Gille, rapporteur pour avis. C’est beau, ça !

Mme Annie Genevard. Confucius ne nous enseignait-il pas que « celui qui aime apprendre est bien près du savoir » ?

Nous devons développer et moderniser l’apprentissage à tous les niveaux. Nous devons nous montrer pragmatiques, loin de toute idéologie et d’a priori qui nous paralyseraient. Le monde change très vite et il ne nous attendra pas. Garder souplesse et réactivité pour rester capables de s’adapter rapidement à ses évolutions est donc vital. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Chaynesse Khirouni.

Mme Chaynesse Khirouni. Madame la présidente, messieurs les ministres, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, au cours de cette décennie, la France a connu un effondrement de sa compétitivité. Le constat est sans appel : perte de 750 000 emplois industriels en dix ans. En hausse continue depuis plusieurs années, le chômage atteint aujourd’hui son niveau le plus élevé depuis treize ans : le seuil des 3 millions de demandeurs d’emploi a été franchi fin août.

Ce n’est donc pas, pour nous, une surprise, cela malgré les tentatives de camouflage des plans sociaux avouées par M. Fillon lui-même. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.) Oui, nous mesurions la gravité de la situation du pays et cette situation traduit l’échec des politiques économiques et sociales menées au cours de ces dix dernières années par la droite.

M. Éric Woerth. Parlez plutôt des quarante dernières années !

Mme Chaynesse Khirouni. C’est donc un lourd passif, laissé par nos prédécesseurs, que nous sommes obligés d’assumer depuis six mois.

Votre budget pour 2013, monsieur le ministre, se concentre sur les priorités de la nouvelle majorité et du Gouvernement de Jean-Marc Ayrault : l’emploi et la jeunesse. Ainsi, dans un contexte financier tendu, on constate une progression des crédits « Travail et emploi » de l’ordre de 2 % alors qu’ils avaient été marqués par un effondrement entre 2002 et 2012. Il convient de rappeler qu’au moment où la situation du chômage s’aggravait, l’effort de l’État se traduisait par une baisse continue du budget de l’emploi, passé de 16,8 milliards en 2002 à 9,95 milliards en 2012. Il était temps de mettre fin à cette politique désastreuse.

Il s’agit donc d’un budget offensif, de rupture avec les politiques passées, et qui participe à la mise en œuvre de la priorité à l’emploi du gouvernement de Jean-Marc Ayrault. Notre mobilisation est générale. Ainsi avons-nous dû prévoir dès cet été, dans le cadre du collectif, une dotation complémentaire de 80 000 contrats aidés. En effet, à peine l’élection passée, nous avons été nombreux à être interpellés, dans nos circonscriptions, par des responsables d’associations qui devaient faire face à la non-reconduction des contrats aidés, faute de financements suffisants. Dans ce domaine, comme dans bien d’autres, nous avons trouvé des caisses vides.

Votre budget pour 2013, monsieur le ministre, maintient ce haut niveau de contrats, et c’est une bonne chose. Par ailleurs, la loi instituant les emplois d’avenir a permis la signature des premiers contrats, avec pour objectif, la création de 100 000 emplois d’avenir en 2013. D’autre part, ce budget va renforcer le service public de l’emploi : 107 millions d’euros viendront soutenir les moyens de Pôle emploi, permettant ainsi d’assurer le financement de 2 000 postes supplémentaires en CDI, afin d’accroître les effectifs de l’opérateur.

Cette consolidation du service public de l’emploi constitue également une rupture avec la politique menée par vos prédécesseurs puisque près de 1 800 postes y ont été supprimés en 2011.

Il nous faudra également rapprocher l’activité de Pôle Emploi du public le plus fragile. Est-il normal que dans des quartiers ou dans des territoires où le chômage culmine, sa présence ne soit pas plus massive et plus significative ?

Bien évidemment, ce budget offensif ne constitue pas à lui seul notre politique en matière d’emploi et de lutte contre le chômage. Les partenaires sociaux ont entamé des négociations concernant le contrat de génération et la sécurisation de l’emploi. Conformément à l’agenda du redressement fixé par le Président de la République, le Gouvernement a effectué des propositions pour améliorer la compétitivité de notre économie et soutenir l’activité et l’emploi sur notre territoire.

Par ailleurs, l’action de la future Banque publique d’investissement permettra à nos PME de trouver un financement pour permettre le développement de leur activité.

Enfin, il nous faudra également agir plus fortement pour favoriser toutes les initiatives individuelles et favoriser les milliers de petits créateurs d’activités artisanales, commerciales ou de services dans les quartiers, et je sais que vous y êtes sensible, monsieur le ministre.

Je peux vous confirmer que nos territoires et nos quartiers regorgent de compétences, d’initiatives et de talents. Face à la crise et au chômage, nombreux sont les Français qui développent des activités d’appoint ou qui créent leur petite entreprise. C’est une force : il faut libérer et soutenir ces initiatives et valoriser les parcours individuels, car ce sont des milliers d’emplois non délocalisables qui peuvent ainsi être créés dès demain.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, la politique de redressement de notre pays est tout entière tournée vers un seul but : le retour de la croissance et de l’emploi. Ce combat sera rude, et le défi que nous avons à relever est immense.

Monsieur le ministre, soyez assuré de notre entier soutien dans l’action qui est la vôtre. À vos côtés, nous mettrons toutes nos forces pour gagner cette bataille, au service de la justice et au service de nos concitoyens et de nos concitoyennes. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Olivier Falorni. Très bien !

Mme Annie Genevard. Et au service de la fiscalité !

Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Hetzel.

M. Patrick Hetzel. Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, nous constatons, depuis quelques mois, un emballement des chiffres du chômage (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), dans un contexte d’incertitude économique.

M. Jean-Marc Germain. Depuis quelques mois ?

M. Christophe Castaner, rapporteur spécial. Cela fait cent vingt mois !

M. Patrick Hetzel. C’est, hélas, la réalité, et je pense que nous pourrons au moins nous accorder sur ce constat.

Ni le report des crédits de la mission « Travail et emploi », ni la création des emplois d’avenir et, bientôt, des contrats de génération, ne pourront inverser la dynamique négative, enclenchée par les réformes catastrophiques que poursuit, hélas, votre majorité.

Mme Marie-Christine Dalloz. Très bien !

M. Patrick Hetzel. Nous avons besoin de plus de compétitivité : j’entends par là qu’il faudrait prendre rapidement des mesures véritables, capables d’avoir un impact sérieux, à court terme, sur les charges patronales et salariales.

Or, vous avez supprimé l’exonération des heures supplémentaires, qui constituait à la fois – je crois qu’il est important de le rappeler – un levier de souplesse pour les entreprises et un levier du pouvoir d’achat pour l’ensemble des salariés.

Mme Marie-Christine Dalloz. Exactement !

M. Patrick Hetzel. Que dire du raz-de-marée que constitue le projet de loi de financement de la sécurité sociale, qui, lui aussi, tourne le dos à nos travailleurs indépendants, à nos artisans et à nos professions libérales ?

M. Gérard Cherpion, rapporteur pour avis. Oui, vous avez tout à fait raison !

M. Patrick Hetzel. Pour encourager la compétitivité, il faut pouvoir innover, dégager des marges de manœuvre pour nos entreprises et développer la politique de l’offre, telle que l’a pensée Jean-Baptiste Say. Pour cela, il faut faire baisser directement et immédiatement le coût du travail, afin de créer un véritable choc de compétitivité, mais ce n’est pas le choix que vous avez fait.

Nous avons également besoin d’améliorer l’attractivité de notre pays et de nos territoires. Or, vos mesures budgétaires, en particulier l’abrogation du prélèvement social libératoire, la limitation de la déductibilité des intérêts d’emprunt et la taxation des ruptures conventionnelles, sont déconnectées de toute réalité économique.

Je sais que vous n’aimez pas vous l’entendre dire, mesdames et messieurs de la majorité, mais je crois qu’il est important de le rappeler : les responsables économiques avec lesquels nous nous entretenons considèrent que vous réduisez l’attractivité de la France, alors que nous avons besoin qu’elle se développe.

Mme Marie-Christine Dalloz et Mme Annie Genevard. Très bien !

M. Patrick Hetzel. Monsieur le ministre, pardon de le dire ainsi, mais je crois que vous naviguez à vue. J’en veux pour preuve l’annonce, à la fin du mois d’octobre, de la création de 40 000 nouveaux contrats aidés, après les 80 000 qui ont été annoncés à la fin du mois de juin. Pour rétablir la situation, il faudrait surtout avoir le courage de faire des réformes de structure et de procéder à des réductions de la dépense publique. Hélas, rien, absolument rien, dans votre budget, ne va dans ce sens.

Vous n’agissez que sur le levier de la dépense publique ; mais il ne faut jamais oublier que, lorsqu’on parle de dépense publique, ce sont en réalité les Françaises et les Français qui paient. Je pense que le budget que vous nous présentez est dangereux pour le pays, mais surtout – j’y insiste – qu’il ne réglera rien sur le moyen et le long termes, bien au contraire. C’est la raison pour laquelle je voterai résolument contre ce budget, qui n’est pas celui de l’intérêt de notre pays. (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Noguès.

M. Philippe Noguès. Madame la présidente, messieurs les ministres, messieurs les rapporteurs, chers collègues, j’ai la chance, aujourd’hui, de m’exprimer devant vous sur des sujets – le travail, l’emploi et le dialogue social – qui me tiennent particulièrement à cœur, parce que je n’oublie pas qu’il y a moins de six mois, j’étais encore cadre et délégué syndical.

La crise économique que nous traversons aujourd’hui est d’une violence sans précédent depuis la crise des années trente. Elle est le douloureux paroxysme d’une dépression économique chronique, dans laquelle nous sommes plongés depuis des décennies, et dont nous devons sortir.

Je voudrais insister sur un point : oui, nous pouvons lutter contre le chômage. Oui, nous pouvons améliorer la condition de l’emploi en France. Oui, des solutions existent. Oui, l’État a un rôle à jouer, et ce rôle, à mon avis, est essentiel. Oui, nous sommes mobilisés, avec mes collègues de la majorité, pour créer de l’emploi, et ce budget en est la preuve s’il était besoin.

La gauche moderne, celle que nous voulons incarner dans cette Assemblée, est une gauche volontariste et responsable, qui fait de l’emploi une cause nationale, et qui relève ses manches. Cette gauche a déjà montré par le passé – et je pense en particulier à la période du gouvernement Jospin – qu’il est possible de lutter contre le chômage, lorsqu’on s’y attelle ardemment, avec volonté et imagination. On peut lutter contre le chômage, lorsqu’on s’intéresse aux travailleurs, lorsqu’on s’éloigne des mesures idéologiques, telles que les cadeaux fiscaux antiéconomiques, auxquels la droite nous a habitués, lorsqu’on refuse que l’État se désengage, et lorsqu’on innove dans les solutions que l’on propose.

Nous sommes réunis dans cet hémicycle pour parler du budget, je ne l’oublie pas. À cet égard, justement, le budget pour 2013 traduit bien les priorités du Gouvernement en matière d’emploi. Ainsi, dans un contexte marqué par le redressement des comptes publics du pays, rendu nécessaire par l’état calamiteux des finances publiques que nous laisse la droite,…

M. Jean-Frédéric Poisson. Ah ! Ça manquait !

M. Philippe Noguès. …le budget du ministère du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social augmentera tout de même de 4 % par rapport à 2012. Une somme de 2 milliards d’euros va notamment permettre de financer 100 000 emplois d’avenir et de maintenir un niveau élevé de contrats aidés.

Les subventions à Pôle Emploi seront, quant à elles, augmentées de 8 %, afin de financer la création de 2 000 nouveaux postes de conseillers en CDI. Nous maintiendrons également des crédits pour l’insertion par l’activité économique, pour près de 200 millions d’euros.

Nous nous dotons ainsi de moyens à la hauteur de notre ambition, en consolidant l’existant – c’est indispensable – et en innovant – car c’est nécessaire – grâce, notamment, aux emplois d’avenir, ou au pacte sur la croissance, la compétitivité et l’emploi.

Je dirai un mot seulement de ces emplois d’avenir, au sujet desquels nous avons déjà beaucoup débattu dans cette Assemblée. Sans refaire le débat, j’insisterai seulement sur l’importance du mot « avenir » : qui, mieux que la jeunesse, représente l’avenir de notre pays ? Cette jeunesse souffre pourtant de la peur du déclassement, et d’un marché de l’emploi qui lui ferme trop souvent ses portes. Pour ceux de nos jeunes qui sont le plus en difficulté, les 150 000 jeunes qui sortent chaque année du système scolaire sans diplôme, et pour lesquels le taux de chômage dépasse 40 %, les emplois d’avenir sont une vraie chance. C’est François Hollande qui l’a dit aujourd’hui, en signant les premiers emplois d’avenir…

M. Jean-Frédéric Poisson. S’il l’a dit, c’est que c’est vrai ! (Sourires.)

M. Philippe Noguès. Quand les jeunes ont un espoir, c’est toute la société qui avance.

Bien sûr, il n’y a pas que les jeunes, dont la situation est préoccupante ; il y a aussi les seniors, et nous aurons bientôt à débattre des contrats de génération ; il y a les salariés reclassés, pour lesquels le contrat de sécurisation professionnelle est pérennisé, pour un coût prévisionnel de 70 millions d’euros ; il y a, enfin, les personnes handicapées, pour lesquelles les aides augmentent de 9 %, ce qui permettra la création de 1 000 postes supplémentaires. Voilà, chers collègues, quelques exemples concrets de ce que nous allons faire.

M. Patrick Hetzel. Ça alors !

M. Philippe Noguès. Pour terminer, laissez-moi évoquer un sujet qui me tient particulièrement à cœur, moi l’ancien syndicaliste : je veux parler du dialogue social. François Hollande a pris des engagements forts sur cette question, et il les applique : c’est ainsi, par exemple, qu’aujourd’hui, tout texte de loi concernant les partenaires sociaux fait l’objet, au préalable, d’une concertation avec eux.

M. Jean-Frédéric Poisson. Ce n’est pas nouveau !

M. Philippe Noguès. La dotation de 24 millions d’euros pour la formation économique, sociale et syndicale des salariés appelés à exercer des fonctions syndicales est un autre exemple de cette volonté de changer les rapports sociaux en France.

M. Jean-Frédéric Poisson. Et la baisse des crédits aux organisations syndicales ?

M. Philippe Noguès. Il s’agit donc d’un budget ambitieux, audacieux et innovant, au service de l’emploi et de l’amélioration des conditions de travail. Il montre que le Gouvernement a mis l’emploi au cœur de ses priorités, et c’est ce dont nous avions impérieusement besoin, vu l’ampleur de la crise que nous traversons. Je ne doute pas, monsieur le ministre, que nous réussirons à faire accéder au marché du travail ceux de nos concitoyens qui en sont les plus éloignés. Nous réussirons, ensemble, à inverser la courbe du chômage. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-René Marsac.

M. Jean-René Marsac. Madame la présidente, messieurs les ministres, messieurs les rapporteurs, chers collègues, malgré les contraintes budgétaires, la mission « Travail et emploi » est consolidée. Par ailleurs, tous les syndicats de salariés et le patronat ont décidé de signer un accord sur la mise en œuvre des 500 000 contrats de génération. Nous attendons beaucoup de la relance du dialogue social, qui est l’un des marqueurs les plus importants des six premiers mois de ce Gouvernement, et qui contribuera fortement à changer les relations sociales dans les entreprises, dans les branches et dans les territoires. Le rapport Gallois vient très justement de rappeler que le dialogue, la décision collective et la négociation participent fortement à la performance économique ; or, on sait que la France est très mal placée en matière de dialogue social.

Sur l’intervention de l’État, je souligne et soutiens, comme mes collègues de la majorité, l’effort budgétaire qui a été consenti. Je pense, néanmoins, qu’en matière de politiques de l’emploi, d’orientation professionnelle et d’accompagnement des demandeurs d’emploi, des réorientations fortes s’imposent, ainsi que de nouvelles modalités d’organisation. À cet égard, deux orientations me semblent essentielles.

Il faut d’abord aller plus loin dans la mobilisation des territoires autour des questions d’emplois, de formation et d’insertion professionnelle. Il s’agit là d’une approche très différente pour le service public de l’emploi et pour les collectivités territoriales.

La deuxième orientation est sans doute moins consensuelle, mais je tiens à l’exprimer, car elle est le fruit d’une trentaine d’années d’expérience dans le domaine de la formation et de l’insertion. Sans renier la nécessaire individualisation de l’accompagnement, je pense que le « tout individuel » rencontre très vite des limites, lorsqu’il s’agit d’apporter des réponses aux demandeurs d’emploi. Le malaise de Pôle Emploi réside en grande partie dans cet écart entre les attentes individuelles, souvent angoissées, des demandeurs d’emploi, et les réponses disponibles.

Je milite donc pour un soutien renforcé à des espaces collectifs d’accompagnement, tels que les structures d’insertion par l’activité économique, les groupes d’entraides, les groupes projets, ou encore les ateliers de formation et les coopératives d’activités. Il faut aussi redonner du sens, et redonner une place, à l’éducation permanente et à l’éducation populaire dans les processus de retour vers la formation de populations qui aujourd’hui n’entrent pas, ou très peu, dans les processus de qualification professionnelle.

Les modalités de la mise en œuvre, déjà existantes ou à inventer, sont multiples. Elles répondent en partie aux dégâts résultant de l’isolement des chômeurs face à leurs problèmes, et créent des dynamiques, personnelles et collectives, que l’entretien individuel ne peut pas produire.

Pour une plus grande efficacité des politiques de l’emploi, une nouvelle architecture doit être mise en œuvre dans les deux ans à venir, qui pourra s’appuyer, en particulier, sur la nouvelle loi de décentralisation.

À l’État et à l’opérateur public reviendront le pilotage et le contrôle de l’accès aux droits, définis par la loi et par les conventions entre les partenaires sociaux. Aux régions incombera l’articulation entre stratégie de développement économique, objectifs emploi-formation par secteurs d’activités et accès de tous à l’orientation et à la formation tout au long de la vie. Aux intercommunalités, enfin, il sera reconnu une compétence « emploi et insertion professionnelle », attachée naturellement à leur compétence économique et aux ressources qu’elles en tirent.

Les maisons de l’emploi jouent, à ce niveau local, un rôle essentiel de rencontre et de coordination entre les services de l’État, le service public de l’emploi, la région et les collectivités locales. Dans mon territoire, le pays de Redon, la maison de l’emploi est aussi maison de la formation professionnelle – labellisée par le conseil régional – et de l’insertion. Je pense que ce genre d’articulations est très positif pour la dynamique territoriale.

Pour compléter cette architecture, l’évolution de plusieurs dispositifs me semble nécessaire. Je ne donnerai ici que quelques exemples et je poserai quelques questions. Quel est le rôle du RSA dans le retour à l’emploi et dans la consolidation de l’insertion ? À quel niveau doit-il être piloté, et comment doit-il être articulé avec l’ensemble des politiques de l’emploi ?

La question de l’insertion par l’activité économique fait l’objet d’un rapport conduit par l’administration. C’est une bonne chose, car il est utile de revisiter le fonctionnement de ces structures. Mais n’est-il pas possible de mieux analyser leur fonction dans un projet de développement économique et social local ? Elles ne sont pas des prolongements du service public, mais des entreprises, qui ont la particularité de considérer la fabrication de l’emploi comme le cœur de leur métier. L’État doit donc vraiment les considérer comme des entreprises de l’économie sociale et solidaire.

Sur la formation, enfin, sans nier la logique de marché qui est à l’œuvre, et donc le nécessaire appel d’offres, les cahiers des charges doivent introduire des critères redonnant un espace aux initiatives et aux innovations, particulièrement à celles qui sont inspirées de l’éducation permanente et populaire. Je crains, si nous n’agissons pas dans ce sens, que la formation de tous, tout au long de la vie, ne soit qu’un vœu pieux. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Arnaud Richard.

M. Arnaud Richard. Madame la présidente, messieurs les ministres, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, ce budget est effectivement en augmentation, de 9,95 à 10,12 milliards d’euros. Mais à notre sens, ce n’est pas la signature d’un grand choix, ni le signe d’une priorité gouvernementale. Est-ce bien raisonnable en cette période ?

S’agissant de la méthode, 2012 aura été l’année du dialogue informel de toutes parts, sur tous les sujets, de la part du Gouvernement. Votre grande conférence sociale commence, comme il est bien normal, à accoucher çà et là de quelques résultats.

L’année 2013 devrait être celle de l’achèvement de la réforme de la représentativité des organisations syndicales, le lancement de celle des organisations d’employeurs, la constitutionnalisation du dialogue social et la restructuration des branches professionnelles, comme l’a rappelé notre excellent rapporteur Francis Vercamer.

Nous approuvons d’autant plus ce processus que nous l’avons largement initié, expérimenté, et déjà formalisé. Mais tout processus est, par nature, amené à évoluer. Tout cadre de discussion a toujours besoin d’être révisé et amélioré. De ce point de vue, vous seriez bien avisés de suivre les suggestions que vous fait Francis Vercamer.

Tout cela est un chemin pavé de bonnes intentions, qui ne choquent ni ne surprennent personne. La seule question qui se pose en la matière est de savoir si ces intentions sont vraiment dicibles, et si elles constituent un facteur de confiance renouvelée entre les salariés et les syndicats. Je n’en suis pas certain.

Trois incertitudes persistent. Tout d’abord, quelle sera la place exacte d’une discussion décentralisée du dialogue social, au plus près des réalités du travail ? C’est selon nous un impératif, et cela pose une nouvelle question, celle de la gouvernance du dialogue social. Sur ce point, nous n’avons pas de réponse tout à fait claire.

Une autre incertitude persistante entoure les comptes des organisations syndicales, de salariés comme d’employeurs. Il nous semble que la confiance reviendra d’abord en avançant sur ce point.

Enfin, le troisième aspect très inquiétant concerne la place du Parlement dans le dialogue social. Sur ce point, la signature aujourd’hui même de l’accord sur le contrat de génération va nous éclairer.

Je suis stupéfait que nous ayons dû attendre des mois et des mois pour en avoir connaissance. Cela a d’ailleurs donné lieu à un certain nombre d’incompréhensions sur les emplois d’avenir. Nous en saurons plus demain, mais je pense que vous auriez intérêt, vu la qualité du travail effectué au sein de la commission des affaires sociales, à venir plus souvent nous expliquer la teneur de vos échanges avec les partenaires sociaux.

M. Jean-Patrick Gille, rapporteur pour avis. Il est déjà venu trois fois !

M. Michel Sapin, ministre. Je suis à votre disposition !

M. Arnaud Richard. Je vous remercie, monsieur le ministre.

Après ces quelques remarques de méthode, je souhaite aborder la question des moyens. Les nouveaux contrats emplois d’avenir ont été lancés. La formule n’est ni nouvelle, ni originale. Nous avons voté ce texte, considérant que le travail avait été de qualité et que lors des débats dans l’hémicycle, nous avions amélioré, tous ensemble, ce texte.

Mais pour tout vous dire, monsieur le ministre, il est très difficile de vous suivre à ce jour sur le contrat de génération. Le programme 102 est le seul à enregistrer une augmentation notable des crédits. Pour autant, je m’interroge sur le financement des 340 000 CUI-CAE non marchands et des 40 000 CIE-CUI marchand rajoutés aux emplois d’avenir. En effet, l’action 02, qui concerne l’amélioration des dispositifs en faveur de l’emploi des personnes les plus éloignées du marché du travail, ne connaît qu’une variation de 200 millions d’euros entre 2012 et 2013, alors que les crédits de paiement pour les emplois d’avenir atteignent 467 millions d’euros.

Par ailleurs, les moyens que vous présentez comme renforcés pour l’emploi des jeunes, avec 275 millions d’euros, ne nous semblent pas suffisants. Nous savons combien il est difficile, pour les acteurs du service public de l’emploi, d’aider les jeunes les plus éloignés de l’emploi, l’indicateur 3.5 du programme 102 le démontre.

La suppression du contrat d’autonomie ne me choque pas, mais je tiens à faire état de mon inquiétude quant aux difficultés que pourraient éprouver les missions locales pour aller rechercher ces jeunes, tel que nous souhaitions le faire avec le contrat d’autonomie.

Monsieur le ministre, nous attendons le deuxième acte de la décentralisation pour comprendre la logique de votre démarche au service de l’emploi, notamment pour les plus jeunes et les plus éloignés de l’activité.

Si madame la présidente veut bien me laisser encore quelques instants…

Mme la présidente. Très exceptionnellement, j’y consens. (Sourires.)

M. Arnaud Richard. Je vous remercie. À défaut d’un grand plan national pour l’emploi de la jeunesse en France, que nous aurions souhaité voir immédiatement mis en œuvre par cette majorité, nous attendons au moins que le système de financement de l’apprentissage soit totalement repensé pour le rendre plus cohérent – il compte aujourd’hui beaucoup trop de collecteurs – et pour lui permettre de se focaliser plus précisément sur les aides aux maîtres d’apprentissage.

Le trop grand nombre d’incertitudes qui subsistent ne nous permettent pas de voter ce budget. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)

M. Jean-Patrick Gille, rapporteur pour avis. Ce n’était pas la peine de lui laisser du temps de parole pour une telle conclusion ! (Sourires).

Mme la présidente. Je rappelle à l’ensemble des députés présents, quel que soit leur groupe, que beaucoup d’entre vous excèdent leur temps de parole sans en demander l’autorisation à la présidence, et sans que le micro ne soit coupé pour autant. Si vous voulez que je procède autrement, je peux aussi le faire…

M. Jean-Marc Germain. Madame la présidente, vous êtes douce avec l’opposition et dure avec la majorité ! (Sourires)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

M. Michel Sapin, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Messieurs les rapporteurs, mesdames et messieurs les députés, le budget que Thierry Repentin et moi-même avons l’honneur et le plaisir de vous présenter aujourd’hui répond à l’exigence du moment : la lutte contre le chômage.

Ce budget répond à l’urgence de la situation à laquelle nous faisons face aujourd’hui, et que nous connaissions. Nous n’avons cessé de dénoncer le million de chômeurs en cinq ans, mais la situation n’a cessé d’empirer au cours des dernières années.

Cette situation se traduit en un contexte particulièrement dégradé, qu’il s’agisse du marché du travail, qui a connu plus de dix-sept mois consécutifs de hausse du chômage, ou de nos finances publiques. Ce budget est donc avant tout chose un budget de combat dans l’urgence.

Mais s’il répond à l’urgence, ce budget prépare aussi l’avenir, avec le financement de nos premières priorités. Il s’agit bien des premières priorités, car tous les nouveaux dispositifs ne trouvent pas, aujourd’hui, leur traduction budgétaire dans ce projet de loi de finances. Par exemple, le financement du contrat de génération n’y est pas inscrit puisque la négociation avec les partenaires sociaux vient de s’achever avec succès. Toutes les organisations syndicales et patronales ont signé cet accord sur le contrat de génération, et le projet de loi sera déposé à la fin de cette année, puis débattu dans cet hémicycle au début de l’année prochaine.

Nous avons ouvert d’autres chantiers, beaucoup d’entre vous y ont fait allusion, notamment dans le cadre de la grande conférence sociale dont les travaux vont durer au moins jusqu’à la fin de cette année.

Nous revendiquons le temps nécessaire pour construire nos réformes dans la durée. Notre politique n’est pas celle des coups d’éclat qui occupent l’agenda médiatique et s’évanouissent aussi vite qu’ils sont survenus. Ce que nous voulons, c’est faire bouger en profondeur la société. Cette entreprise, comme toute entreprise, est longue, profonde, et a besoin de s’inscrire dans le temps. Et la méthode qui permet d’inscrire dans le temps et la durée est celle du dialogue social.

Monsieur le rapporteur, vous avez insisté sur un point que nous avons en commun : la volonté de voir ce dialogue social s’épanouir, et s’inscrire dans une réalité qui ne soit pas formelle, mais qui permette de faire bouger en profondeur notre société. L’évolution de la représentativité a déjà été votée, et nous la mettons en œuvre pour son volet salarial, tandis que les organisations patronales se sont engagées à nous faire les propositions les plus consensuelles possibles s’agissant du volet patronal de cette réforme. Dans ce domaine comme dans tout autre, si la négociation ne permet pas l’accord, c’est la loi qui tranchera.

Je souhaite vous répéter l’importance que j’accorde à ce dialogue social, et je pense que cela est partagé largement sur tous les bancs de cette assemblée. Ce n’est pas une manière de remettre à plus tard que de soumettre un sujet au dialogue social. C’est la bonne manière pour dépasser des intérêts qui peuvent être divergents, mais qui doivent trouver des solutions durables face au défi de l’emploi.

C’est notre ambition profonde, car nous voulons changer les choses durablement. Changer pour les chômeurs, pour les jeunes, pour les seniors, et pour nos concitoyens les plus fragiles.

La troisième caractéristique de ce budget est qu’il est responsable. Il fait preuve du sérieux budgétaire dont est empreint l’ensemble du projet de loi de finances qui vous est présenté et dont nous débattons depuis plusieurs semaines. Dans le combat qui est le nôtre, les efforts d’économie et de redressement budgétaire doivent être demandés à tous, dans la justice. C’est ainsi que le schéma d’emploi de mon ministère intègre 141 suppressions de postes, et contribuera ainsi aux créations de postes prévues dans les secteurs prioritaires que sont l’éducation, la justice et la police.

Des économies importantes seront aussi réalisées sur les moyens de fonctionnement courant. Nous savons tous que ces économies ne seront pas faciles, et avant de vous détailler, mesdames et messieurs les députés, les priorités de ce projet de budget, je voudrais saisir cette occasion pour remercier et rendre un hommage appuyé au personnel de mon ministère qui, quotidiennement, œuvre pour les politiques de l’emploi, du travail, de la formation professionnelle et du dialogue social. (Applaudissements sur tous les bancs.) Ils peuvent compter sur mon soutien et sur le vôtre, dans des tâches souvent difficiles et indispensables à la protection des salariés et à la cohésion de notre société. De ce point de vue, le temps est venu d’un climat nouveau au sein de notre ministère et d’un respect retrouvé.

Ce budget finance d’abord l’urgence, avec le maintien d’un niveau élevé de contrats aidés. C’est le niveau qui figurait dans la loi de finances initiale pour 2012 que nous avons choisi de maintenir : 340 000 contrats non marchands et 50 000 contrats marchands, parce que les contrats aidés restent le meilleur levier pour amortir les chocs de conjoncture pour les publics les plus fragiles.

Prescrire un contrat aidé, ce n’est pas seulement offrir une solution à un chômeur, c’est aussi lui donner du pouvoir d’achat, et nous l’assumons. Mais notre action va bien au-delà. Le chômage est une trappe de laquelle il est difficile de s’extraire une fois qu’on y est tombé. Les contrats aidés ne sont pas une fin en soi, ils sont une échelle pour remonter, reprendre pied dans la société, retrouver confiance en soi, réapprendre parfois un rythme de vie ponctué par les horaires de son travail et regagner ainsi l’estime de soi.

Là aussi, nous changeons de méthode, et nous rejetons une logique purement quantitative dont nous avons vu la traduction dans le rythme d’utilisation des contrats aidés au cours de cette année. À la politique du chiffre, je préfère une politique de qualité, et c’est le sens que nous donnons à ce budget : mettre l’accent sur la qualité des contrats aidés, en vue d’une meilleure insertion des bénéficiaires, et aussi afin qu’ils y trouvent de quoi construire leur vie et leur bonheur légitime.

À ce titre, nous mettons fin pour l’année 2013 et au-delà, tant que nous en aurons la responsabilité, au stop and go dans l’attribution de ces contrats aidés et nous en allongeons la durée par rapport à celle qui est constatée aujourd’hui.

Je l’ai demandé aux préfets de région et aux DIRECCTE dans des circulaires qui leur ont été récemment adressées. J’y serai particulièrement attentif, et je compte sur votre collaboration et votre connaissance du terrain pour me permettre de faire respecter cette directive essentielle.

M. Jean-Patrick Gille, rapporteur pour avis. Nous n’y manquerons pas !

M. Michel Sapin, ministre. Au-delà de l’urgence, notre première préoccupation est l’avenir des jeunes. Beaucoup d’entre vous ont fait allusion aux emplois d’avenir, la plupart du temps pour soutenir ce dispositif, ou éventuellement pour le critiquer ou poser des questions parfaitement légitimes dans un débat démocratique. Il ne s’agit plus seulement de prévoir l’avenir : notre tâche consiste désormais à permettre cet avenir. Ainsi, ce budget finance l’avenir, avec 100 000 emplois d’avenir inscrits et financés dès 2013, puis 50 000 complémentaires en 2014.

M. Jean-Frédéric Poisson. Merci, monsieur le ministre !

M. Michel Sapin, ministre. Nous en avons débattu longuement, agréablement et utilement dans cet hémicycle. La loi est désormais en vigueur : elle s’adresse aux jeunes sans qualification, à ceux qui rencontrent des difficultés d’accès à l’emploi, et à titre exceptionnel aux jeunes bacheliers résidant dans les zones prioritaires que sont les ZUS, les ZRR et les outre-mer. Ces emplois seront principalement créés dans le secteur non marchand, qui est le mieux à même de les accueillir et de les aider ; par exception, ils pourront être créés dans les entreprises du secteur marchand.

Le Gouvernement mobilise une dotation de 2,320 milliards d’euros en autorisations d’engagement et de 466 millions d’euros en crédits de paiement pour financer ce dispositif. Sans vouloir entrer dans le détail,…

M. Jean-Frédéric Poisson. C’est dommage !

M. Michel Sapin, ministre. Monsieur Poisson, pardon pour cette image : il ne suffit pas de tourner dans son bocal pour avoir raison ! (Sourires.)

M. Jean-Frédéric Poisson. Celle-là, on ne me l’avait pas faite depuis la classe de CM2 !

M. Michel Sapin, ministre. Monsieur Poisson, c’est bien parce que vous m’avez enguirlandé que je me permets ce genre de remarque ! (Sourires.)

M. Jean-Frédéric Poisson. Pas de jeux de mots sur les noms de famille entre nous, monsieur le ministre !

M. Arnaud Richard. Il est fâché !

M. Thierry Repentin, ministre délégué. Cela va mal finir !

M. Michel Sapin, ministre. Monsieur Poisson, les crédits inscrits permettent de monter progressivement à 100 000 emplois d’avenir au cours de l’année 2013. Comme vous le savez, tout dépendra du rythme auquel pourront être créés ces 100 000 emplois d’avenir. Je ferai une démonstration par l’absurde : si ces 100 000 emplois d’avenir étaient mis en place au mois de décembre 2013, les crédits à inscrire seraient d’un niveau très faible !

M. Jean-Frédéric Poisson. En effet.

M. Michel Sapin, ministre. Les emplois d’avenir créés dès maintenant auront un effet budgétaire dès le 1er janvier ; progressivement, nous monterons en puissance en termes de crédits de paiement. Les crédits inscrits correspondent à notre volonté de créer 100 000 emplois d’avenir. Si le rythme de leur mise en place est aussi rapide au cours de l’année, il est évident que le niveau de crédits de paiement ne constituera pas un obstacle à une mise en œuvre rapide de ce programme.

30 millions d’euros sont prévus par ailleurs pour l’accompagnement de ces jeunes, car c’est là que se situe tout l’enjeu de la réussite de notre démarche. Aller chercher les jeunes les plus éloignés du marché du travail et les accompagner vers le retour à l’emploi durable : cette tâche reviendra principalement aux missions locales, dont beaucoup d’entre vous avez souligné à la fois l’efficacité et les besoins.

Contrairement à ce que j’entends, les emplois d’avenir ne sont pas un contrat aidé parmi d’autres.

M. Éric Woerth. Mais si, c’est la même chose !

M. Michel Sapin, ministre. Ils toucheront véritablement ceux pour qui les portes de l’emploi sont fermées à double tour. Vous rencontrerez beaucoup de ces jeunes…

M. Jean-Frédéric Poisson. Nous en rencontrons déjà !

M. Michel Sapin, ministre. Pour ma part, j’ai déjà commencé à en rencontrer. Avec le Président de la République, nous avons rencontré ce matin un certain nombre de jeunes – M. Germain a fait allusion à cet événement parce qu’il y a participé. Quand on les a rencontrés, je vous assure que l’on comprend profondément l’utilité de notre projet ; en même temps, on reprend confiance en l’avenir de notre jeunesse, y compris de celle qui rencontre les pires difficultés.

Ces jeunes ont des envies profondes. Ils ont envie qu’on leur fasse confiance. Ils sont prêts aux exigences du retour à l’emploi, de la discipline dans le travail, et à celles de la formation qui leur est nécessaire. Jamais aucun employeur ne leur avait jusqu’alors donné leur chance au-delà d’un stage, d’un petit boulot ou d’une mission d’intérim. Jamais personne ne leur avait fait confiance – c’est ce qu’ils nous disaient encore ce matin. Tous nous ont rapporté l’absence de réponses lorsqu’ils déposent leur candidature pour un poste. Quand, par miracle, une réponse leur parvient, c’est toujours la même : on leur demande de revenir lorsqu’ils pourront faire valoir une expérience. D’autres patrons leur demandent de présenter un diplôme pour être embauchés : or ils n’en ont pas, et un retour à l’école ne serait pas aujourd’hui une solution pour eux. Nous connaissons tous de brillants exemples d’hommes et de femmes qui ont appris tout seul, qui ont forgé sur le tas ce qu’ils sont devenus. Laisser ces jeunes sans solution reviendrait à gâcher des talents, des forces de travail, des motivations et une part évidente de notre avenir. Un pays qui ne soutient pas sa jeunesse insulte son avenir !

Les emplois d’avenir sont donc une réponse adaptée à ces jeunes. Ils supposent une mobilisation des employeurs que je veux saluer. En effet, il ne s’agit pas seulement de donner un emploi à des jeunes qui n’en ont pas, mais aussi de leur donner une qualification. Vous l’avez tous souligné : les emplois d’avenir incluent et exigent une formation pour que les jeunes qui en bénéficient puissent, par la suite, voler de leurs propres ailes.

Notre troisième grande préoccupation – beaucoup l’ont soulignée, et je les remercie pour leur soutien – est la consolidation du service public de l’emploi, et en particulier le renforcement des moyens de Pôle Emploi. Nous ne pouvons pas combattre le chômage si les personnels au service de l’emploi sont aujourd’hui désarmés. Pour améliorer l’offre de service, notamment l’accompagnement renforcé des demandeurs d’emploi, le Gouvernement a décidé dès le mois de juillet le recrutement de 2 000 équivalents temps plein supplémentaires en contrat à durée indéterminée. Il s’agit d’un effort sans précédent pour Pôle Emploi, dont je veux aujourd’hui saluer le travail accompli, même si des améliorations restent nécessaires. Je souhaite encourager les agents dans leur mission difficile : la subvention à Pôle Emploi sera donc augmentée de 8 %.

Cependant, là encore, nous sommes responsables : les efforts seront partagés. Aussi des efforts seront-ils demandés à l’opérateur Pôle Emploi lui-même : en effet, 2 000 équivalents temps plein supplémentaires seront redéployés, d’ici à 2014, vers l’accompagnement renforcé des chômeurs qui en ont le plus besoin, comme le prévoit la convention tripartite qui vient d’être adoptée à l’unanimité par le conseil d’administration de Pôle Emploi. Ainsi, à l’horizon 2014, près de 4 000 agents supplémentaires seront sur le terrain au contact direct avec les demandeurs d’emploi.

Le service public de l’emploi comprend également les missions locales, qui verront leur budget progresser : des crédits d’accompagnement leur seront dédiés dans le cadre du développement des emplois d’avenir.

Au-delà du renforcement des moyens, nous souhaitons renforcer la cohérence du service public de l’emploi au niveau le plus fin de notre territoire. Certains d’entre vous ont souligné la nécessité de voir mieux travailler ensemble Pôle Emploi et les missions locales. Cela me paraît être une évidence. Nous avons vu ce matin l’exemple d’une excellente collaboration à Chelles, où nous signions les premiers emplois d’avenir avec le Président de la République. Cependant, la situation n’est pas la même partout ! Je le disais d’ailleurs au cours de cette réunion : je souhaite que ce qui existe et fonctionne bien sur une partie du territoire puisse être mis en place dans l’ensemble de notre pays.

Dans l’attente d’une réflexion plus globale sur la coordination renforcée des différentes structures dans le cadre de la décentralisation, le Gouvernement a également souhaité reconduire les moyens des maisons de l’emploi.

Quatrième caractéristique de ce budget : il correspond à une politique de l’emploi qui soutient les plus fragiles. Avec le financement des allocations de solidarité, il est prévu de contribuer au régime de solidarité et d’indemnisation du chômage, le fonds de solidarité, à hauteur de 834 millions d’euros.

Plusieurs d’entre vous, sur tous les bancs, ont souligné l’accroissement significatif des mesures en faveur des personnes en situation de handicap, et plus précisément des aides au poste dans les entreprises adaptées. Afin de financer la création de mille places supplémentaires en faveur des travailleurs en situation de handicap en 2013, la dotation budgétaire augmentera de 9 % l’année prochaine. Là encore, je suis fier de souligner l’effort du Gouvernement en faveur de ces personnes qui ont besoin de cette aide supplémentaire.

Mme Marie-Christine Dalloz. Pour une fois, c’est bien !

M. Michel Sapin, ministre. Ce budget traduit aussi un soutien aux plus fragiles. Les crédits relatifs à l’insertion par l’activité économique sont reconduits à hauteur de 197 millions d’euros, en attendant une réforme plus globale du financement de ce secteur, dont les aides n’ont pas été revalorisées depuis dix ans et que le gouvernement précédent avait abandonné.

Ce budget traduit encore un soutien aux jeunes inscrits dans un parcours d’insertion. L’allocation « contrat d’insertion dans la vie sociale » – CIVIS – est préservée à hauteur de 50 millions d’euros : elle permettra de soutenir financièrement 135 000 jeunes.

Ce budget traduit enfin un soutien aux jeunes des écoles de la deuxième chance, ainsi qu’à ceux accompagnés par le fonds d’insertion professionnelle des jeunes dont la capacité d’intervention est également préservée.

Le budget que le Gouvernement soumet à votre vote est cousu main. Malgré les contraintes, il tente de faire du sur-mesure pour que chaque population, chaque individu concerné puisse trouver une solution qui lui convienne. Pour faire rempart efficacement contre le chômage et parvenir à inverser la courbe mortifère, nous devons déployer cette ingénierie complexe mais efficace.

Cinquième caractéristique de ce budget : il anticipe et accompagne les mutations économiques. Vous le savez : l’emploi à vie dans une même entreprise est un modèle de moins en moins fréquent. Nos parents et grands-parents ont pu passer toute leur carrière sur une même machine : ce monde du travail a disparu. Aujourd’hui, adaptabilité, compétitivité et mondialisation sont devenues des maîtres mots, même si parfois ceux-ci nous font mal. Quand l’économie change, le social doit changer aussi, non pas pour s’y adapter, mais pour inventer les protections sociales et les droits sociaux en phase avec les conditions actuelles de millions de salariés.

Ce nouvel enjeu est la sécurisation de l’emploi. Du chômage partiel pour traverser une crise aux contrats de transition professionnelle et à la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, l’État doit suivre et organiser les mutations de l’économie. À l’origine simple assureur social, l’État doit sans cesse devenir stratège et utiliser sa hauteur de vue pour piloter et accompagner les évolutions des compétences.

Le budget porte quelques unes de ces ambitions. L’État poursuivra sa politique de soutien aux filières stratégiques – M. Poisson m’interrogeait sur ce point – et agira en faveur de la sécurisation des parcours professionnels sur des bassins d’emplois en transition. Les crédits à ce titre bénéficient de nouveaux engagements pour un montant de 25 millions d’euros. Au total, 60 millions d’euros de crédits budgétaires seront mobilisés.

Le Gouvernement a aussi l’intention de continuer à encourager les dispositifs d’activité partielle qui permettent d’éviter des suppressions d’emplois en amortissant le choc des mauvaises conjonctures. Nous avons inscrit 70 millions d’euros de crédits budgétaires en attendant que la grande négociation sur la sécurisation de l’emploi permette éventuellement de trouver des dispositifs encore plus utiles et efficaces que ceux d’aujourd’hui, que nous voulons par ailleurs simplifier.

Au titre de l’accompagnement social des restructurations, nous pérennisons le contrat de sécurisation professionnelle…

M. Gérard Cherpion, rapporteur pour avis. Très bien !

M. Michel Sapin, ministre. …qui a, depuis 2011, pris le relais de la convention de reclassement personnalisé et du contrat de transition professionnelle. Son coût prévisionnel est évalué à 70 millions d’euros.

Ce budget est enfin – sixième caractéristique – un budget d’investissement dans la reconnaissance des qualifications, des compétences, et dans le développement de l’apprentissage et de la formation professionnelle. Dans quelques instants, Thierry Repentin vous présentera les moyens de ces politiques.

Avant de conclure, madame la présidente, je voudrais présenter en quelques mots les moyens de la politique du travail. Si ce budget est celui de l’exigence de la lutte contre le chômage – c’est-à-dire le budget de ces trois millions de chômeurs ou de ces cinq millions de Français en situation précaire par rapport à l’emploi –, il doit être aussi le budget des 25 millions de salariés au travail.

S’agissant de la santé et de la sécurité au travail, nous continuerons à porter les engagements financiers liés à la mise en œuvre du deuxième plan « Santé au travail », à l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, ainsi qu’à l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail.

Quant à la qualité et à l’effectivité du droit, nous financerons le démarrage du processus des élections prud’homales, qui aboutira au plus tard en décembre 2015 au renouvellement des quelque 14 500 conseillers de prud’hommes. Nous continuerons bien sûr à financer la formation de ces derniers.

Dans un contexte marqué par le souhait du Gouvernement de donner toute sa place au dialogue social, nous respecterons également les engagements pris s’agissant de la formation économique, sociale et syndicale des salariés appelés à exercer des fonctions syndicales, avec 24 millions d’euros de crédits de paiement prévus à ce titre pour 2013.

Avant de conclure, un mot sur les amendements, adoptés par votre commission, sur lesquels je serai amené à me prononcer. Sachez que je partage l’essentiel de vos préoccupations et que les dépenses supplémentaires proposées pour le secteur de l’insertion par l’activité économique, l’anticipation des mutations économiques, le fonds d’insertion professionnelle des jeunes ou encore les dispositifs locaux pour accompagner au mieux les emplois d’avenir ont toutes leur légitimité. Toute la question est celle de leur financement.

Pour permettre le financement de certaines de ces dépenses, le Gouvernement vous proposera un amendement qui limite le champ de l’exonération des cotisations sociales dont bénéficient les organismes d’intérêt général ayant leur siège social en zone de revitalisation rurale. Cet amendement recentre cette exonération sur les structures de moins de 500 salariés, les plus nombreuses.

Concrètement, cela signifie que les quelque 130 établissements concernés de plus de 500 salariés – 130 seulement – bénéficieront du dispositif d’allégements généraux de charges patronales pour les salariés dont la rémunération est inférieure à 1,6 fois le SMIC, ce qui permettra de compenser partiellement la suppression de cette exonération spécifique.

En conclusion, je souhaite vous remercier, mesdames et messieurs les députés, pour le débat qui s’est tenu conformément aux règles de la démocratie, à savoir l’affrontement légitime des idées dans le respect de chacun.

Je salue également l’important travail effectué au sein de la commission des affaires économiques, ainsi que de la commission des finances. J’ai une pensée particulière pour le rapporteur spécial Christophe Castaner, qui a suffisamment de talent pour n’avoir pas besoin d’être accompagné dans la réussite, même si un petit accompagnement est toujours bienvenu. (Sourires.) J’adresse également mes remerciements au président de la commission des finances, Gilles Carrez, dont j’avais apprécié, pour avoir siégé pendant cinq ans au sein de cette commission, la compétence et la courtoisie. Je n’oublie pas les rapporteurs pour avis de la commission des affaires sociales sur la mission « Travail et emploi », Jean-Patrick Gille ainsi que Francis Vercamer, qui fait toujours des remarques intéressantes dans le domaine du dialogue social, de même que, pour le financement national du développement et de la modernisation de l’apprentissage, Gérard Cherpion, qui a fait preuve d’ouverture et de compétence.

Je remercie enfin la présidente de la commission des affaires sociales, qui ne pouvait être présente aujourd’hui, pour la qualité du travail qu’elle y organise, pour la qualité des débats que nous avons eus lors des travaux préparatoires et de l’audition en commission.

Aux députés qui souhaiteraient que nous venions plus souvent, je leur dis que nous sommes naturellement à leur disposition, y compris pour expliquer plus en détail le contrat de génération, projet d’une très grande qualité qui est en passe de devenir réalité. Si un texte, une orientation, une politique sont soutenus par l’ensemble des organisations représentatives d’employeurs et de salariés, il doit bien y avoir une raison à cela.

Je connais votre préoccupation quant à l’articulation entre démocratie sociale et démocratie politique. C’est un vrai sujet. Pour ma part, je suis persuadé que la démocratie sociale fait partie de la démocratie. Au bout du compte, c’est dans cet hémicycle que les choses sont ensuite décidées par vous, qui êtes la représentation nationale. Mais c’est la prise en compte d’un dialogue préalable en profondeur qui donne de la durée aux réformes. Une réforme qui est le produit d’un dialogue et d’un accord est une réforme durable. Une réforme durable politiquement, au-delà des alternances, et socialement, car elle est acceptée et directement mise en œuvre dans les entreprises concernées.

C’est la raison pour laquelle j’en appelle, comme le Président de la République ce matin, à la responsabilité. Les partenaires sociaux vont discuter de la sécurisation de l’emploi, de la réforme du marché du travail comme l’on dit, pour plus de sécurité pour chaque salarié et davantage de capacité d’adaptation pour l’entreprise : voilà ce qui est au cœur de cette négociation.

Je connais toutes les contradictions d’intérêts. Je sais bien que dans une entreprise, il est des forces antagonistes parce que les intérêts sont divergents, mais je sais aussi que le dialogue peut permettre de surmonter les divergences pour trouver des solutions et redonner un avenir à notre pays.

Au-delà des différences légitimes qui sont les nôtres, au-delà des appréciations divergentes sur tel ou tel texte, telle ou telle mesure, tel ou tel élément du budget, je vous demande de donner la belle image d’un Parlement qui se rassemble le plus largement possible pour voter un budget dont nous devons partager l’exigence fondamentale, quelle que soit notre analyse sur les responsabilités du passé.

Mme Marie-Christine Dalloz. L’avez-vous fait, vous, dans le passé ?

M. Michel Sapin, ministre. Cette exigence, c’est de lutter contre le chômage en évitant les polémiques inutiles, qui ne sont pas à la hauteur de l’enjeu. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué chargé de la formation professionnelle et de l’apprentissage.

M. Thierry Repentin, ministre délégué chargé de la formation professionnelle et de l’apprentissage. Madame la présidente, monsieur le rapporteur spécial, messieurs les rapporteurs pour avis, mesdames et messieurs les députés, avant d’entrer dans le débat sur la répartition des crédits, je voudrais décliner devant vous ce qui guide mon action et l’ensemble des priorités de mon ministère, ce qui me permettra, chemin faisant, de répondre à certaines de vos interrogations et interpellations.

Mon action tient en deux principes de méthode et quatre grands axes politiques.

Concernant la méthode, il s’agit d’abord de tenir compte du point de vue des personnes. Les politiques publiques doivent avant tout répondre aux besoins de nos concitoyens. Cela paraît une lapalissade, mais l’empilement, trente ans durant, de dispositifs emploi-formation conduit parfois au sentiment que certains d’entre eux n’existent plus que pour eux-mêmes. Cela m’amène à privilégier simplification, lisibilité, accessibilité.

Second principe de méthode : le dialogue doit s’établir avec tous les acteurs de la formation et de l’apprentissage, c’est essentiel. Dès ma prise de fonction, j’ai renoué le dialogue, monsieur Noguès, avec l’ensemble des partenaires sociaux, mais aussi, et je m’adresse à Mme Iborra, avec les régions qui, depuis quelques mois, sont enfin traitées en partenaires de l’État pour les politiques de formation professionnelle – ce qui, hélas, ne fut pas le cas au cours des dernières années.

Si l’on veut être efficace, faire partager des politiques, faire en sorte qu’elles soient comprises, acceptées, mises en œuvre d’une façon efficiente sur le territoire national, nous devons être accompagnés par les régions et les partenaires sociaux. Co-construire évite bien souvent des blocages par la suite. La concertation sera donc ma méthode de travail.

Au-delà de ces axes de méthode, l’action de mon ministère s’établira autour de quatre axes stratégiques dont un certain nombre sont d’ores et déjà des déclinaisons des conclusions de la grande conférence sociale des 9 et 10 juillet dernier.

Un mot aussi sur la décentralisation. S’agissant des quatre chantiers dont je vais vous parler, la préparation de la nouvelle étape de la décentralisation constitue un enjeu transversal. Elle sera l’occasion de renforcer la lisibilité du système ainsi que son efficacité, en développant de nouvelles modalités de pilotage et de coordination des acteurs au service notamment de la qualification des jeunes et de la formation tout au long de la vie. Beaucoup de ces chantiers concernent tant le ministère du travail que celui de l’éducation nationale. Avec mon collègue Vincent Peillon, je travaille également en étroite collaboration – je l’indique à M. Marsac dont l’intervention portait sur l’importance de l’éducation nationale.

D’ores et déjà, je peux vous indiquer, monsieur Richard, les trois principes qui structurent la vision de l’acte III de la décentralisation en matière de formation professionnelle. Premièrement, conforter les régions sur leurs blocs de compétences et organiser celles-ci dans le cadre d’un service public régional de la formation. Deuxièmement, affirmer la région comme chef de file pour le service public de l’orientation et la coordination des actions à destination des jeunes non ou peu qualifiés. Troisièmement, rationaliser et simplifier les instances de concertation, tant au niveau national qu’au niveau régional où certaines instances n’ont pas fait la preuve de leur utilité par le passé.

Le premier axe de ma feuille de route s’attachera à rendre effectif et concret le droit à la formation tout au long de la vie. Le constat a montré la complexité d’accès à la formation professionnelle, renforcée par des outils manquant de cohérence nationale et, à l’autre bout de la chaîne, une sous-utilisation des droits individuels de formation par les salariés.

Sur cet axe, j’entends améliorer l’accès des demandeurs d’emploi à la formation professionnelle. C’est l’un des chantiers ouvert par la feuille de route de la grande conférence sociale. Depuis, j’ai réuni les participants à la table ronde consacrée à la formation professionnelle et je les reverrai la semaine prochaine. Avec leur accord, un document de méthode sera diffusé dans les régions pour organiser une déclinaison, région par région, sur cette question. Dans ce cadre, nous mobiliserons les actions des programmes de lutte contre l’illettrisme, sujet trop méconnu et pourtant très présent dans la société française, comme la formation « Compétences clés » et nous veillerons à l’optimisation des actions menées par les régions. Sur ce même axe, j’entends accompagner la création du compte individuel de formation. C’est là aussi un des chantiers issus de la grande conférence sociale et dont le principe vient d’être réaffirmé dans le cadre des décisions du pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi annoncé avant-hier par le Gouvernement.

C’est un élément essentiel pour améliorer la portabilité des droits à la formation. Nous avions en quelque sorte anticipé une des propositions du rapport Gallois, puisque le Conseil national de la formation professionnelle tout au long de la vie a d’ores et déjà été saisi sur cette question en septembre dernier.

M. Jean-Patrick Gille, rapporteur pour avis. En effet !

M. Thierry Repentin, ministre délégué. Il s’agira donc de suivre ses travaux, d’être attentifs à ses conclusions et en fonction de celles-ci de préparer une négociation interprofessionnelle et les textes nécessaires à sa mise en œuvre. Dans cette perspective, nous aurons à travailler au rapprochement des instruments de concertation et de prévision en matière d’emploi et de formation.

Deuxième axe de travail : offrir à chaque jeune l’accès à un premier niveau de qualification. C’est également l’un des axes de la grande conférence sociale. Sur ce point, nous avons là aussi saisi les partenaires sociaux d’un document cadre. Il engage les objectifs que nous pouvons nous fixer sur l’alternance et sur le partenariat avec les régions ainsi qu’avec le ministère de l’éducation nationale.

Comme l’a rappelé le Président de la République, le Gouvernement entend articuler une meilleure complémentarité entre l’apprentissage et les formations non alternées en définissant une carte des formations que les régions prépareront en dialogue avec l’État.

Mesdames et messieurs les députés, toutes les voies de formation doivent être développées. L’apprentissage que l’on doit faire progresser ne doit pas se substituer aux autres typologies de formation.

Mme Annie Genevard. Nous sommes d’accord !

M. Thierry Repentin, ministre délégué. Je le dis en réponse à Mme Bouziane qui, à juste titre, a souligné qu’un certain nombre de jeunes ont des difficultés pour accéder à l’apprentissage parce qu’ils n’ont pas les prérequis de base, ou parce qu’ils rencontrent des difficultés sociales ou sont victimes de discrimination. C’est précisément, madame Bouziane, madame Iborra, monsieur Cavard, l’objet de votre amendement qui propose un accompagnement des jeunes le plus en difficulté pour éviter les ruptures dans leur parcours. La rupture est un échec pour le jeune, mais également pour l’entreprise, qui hésitera par la suite à reprendre des jeunes en apprentissage.

S’agissant de l’interpellation de Mme Bouziane sur les clauses d’insertion dans les marchés publics qui pourraient favoriser l’apprentissage, je lui fais part de mon soutien sur cette démarche et mon regret que cette disposition n’ait jamais fait l’objet d’une évaluation alors même qu’une loi prévoyait que le Parlement soit saisi d’une analyse pour décider si cette disposition devait perdurer au-delà du 30 décembre 2011. J’ai donc demandé aux services de produire ce rapport qui vous sera transmis.

Pour ma part, j’espère qu’il nous donnera des arguments pour élargir le champ de l’apprentissage dans les clauses de marché public au-delà des jeunes issus des zones urbaines sensibles, car je crois que l’apprentissage peut être favorisé au-delà de ces zones.

Offrir à chaque jeune un premier niveau de qualification, c’est avant tout ne laisser aucun jeune sans solution. C’est là tout le sens des pactes pour la réussite éducative et professionnelle que nous allons promouvoir dans chaque région de façon à inciter à une meilleure organisation des dispositifs locaux pour le raccrochage et l’insertion professionnelle des jeunes. Il s’agit aussi de concrétiser l’engagement du Gouvernement et des régions de diviser par deux en cinq ans le nombre de jeunes sortis du dispositif scolaire sans formation initiale. Vous qui aimez les engagements, je pense que vous serez satisfaits... Cet engagement, les régions l’ont pris par écrit le 5 septembre dernier. Nous leur donnerons des moyens pour atteindre leurs objectifs.

M. Cherpion a interpellé le Gouvernement sur la collecte de la taxe d’apprentissage.

M. Jean-Frédéric Poisson. Excellente question !

M. Thierry Repentin, ministre délégué. Nous pouvons effectivement envisager la diminution sensible du nombre des organismes collecteurs de taxe d’apprentissage, à l’acronyme barbare d’OCTA, dans le droit fil de la réforme des organismes paritaires collecteurs agréés.

De même, il apparaît que les modalités d’affectation des fonds libres du quota et du barème mériteraient d’être mieux encadrées, afin que les fonds soient prioritairement affectés aux centres de formation des apprentis qui bénéficient le moins de taxes.

Enfin, une implication plus forte des régions dans la répartition des fonds libres de la taxe est souhaitable afin d’assurer une meilleure régulation et transparence dans son affectation.

En tout état de cause, toute réforme du système de financement de l’apprentissage impliquera nécessairement et préalablement un dialogue avec celles et ceux qui interviennent dans le dispositif, notamment les partenaires sociaux et les chambres consulaires.

Comme l’a rappelé le Président de la République, le Gouvernement entend assurer une meilleure complémentarité entre l’apprentissage et les formations non alternées, parce qu’il faut offrir à chaque jeune un premier niveau de qualification pour ne laisser, je le répète, aucun jeune sans solution.

Cela implique de soutenir les jeunes en alternance.

Il s’agit, premièrement, de veiller à ce que l’offre de contrats en alternance se maintienne pour une part importante sur les premiers niveaux de l’apprentissage. Les deux tiers seulement des nouveaux contrats de 2010 concernent des jeunes de niveau V, alors même qu’ils représentaient les trois quarts des contrats signés en 1992. Il ne s’agit évidemment en aucune façon de discuter de l’opportunité du développement de cette forme d’apprentissage à l’université, mais de rééquilibrer la tendance afin de retrouver plus de jeunes en entrée d’apprentissage, au niveau du CAP, et de maintenir une offre dès les premiers niveaux de qualification. Nous aurons à travailler en ce sens avec les partenaires sociaux, avec les chambres consulaires avec lesquelles nous allons signer une nouvelle convention pour le renouvellement de leur développement de l’apprentissage.

Madame Genevard, je n’ai pas été totalement convaincu par votre argumentation,…

Mme Marie-Christine Dalloz. C’est dommage !

M. Michel Sapin, ministre. Pourtant, elle était très fournie !

M. Thierry Repentin, ministre délégué. …même si vous ne manquiez pas d’éléments. Il ne me semble pas pertinent d’opposer les emplois d’avenir et l’apprentissage. Je prends l’engagement devant vous que nous aurons plus d’apprentis demain que nous n’en avions hier, bien que l’évolution du nombre d’apprentis soit très sensible à l’activité économique, donc à la crise, car les employeurs prennent plus facilement des apprentis s’ils disposent d’une bonne visibilité du développement de leur entreprise. Nous avons pris l’engagement d’atteindre 500 000 apprentis en 2017, ce qui suppose un accroissement de leur nombre chaque année.

Néanmoins, nous pouvons – non pas en substitution, non pas en opposition – offrir un emploi et une formation à travers les emplois d’avenir. Ceux-ci sont destinés à ces jeunes femmes et ces jeunes hommes qui sont hélas complètement sortis du dispositif de formation initiale ou de formation continue. C’est une chance supplémentaire qui leur est donnée ; cela ne fera pas diminuer le nombre d’apprentis. Ces jeunes qui n’ont plus aucune solution de rattrapage, j’en ai rencontré certains ce matin, il faut discuter avec eux.

Je vous le dis, madame Genevard, comme je le dis à Mme Dalloz : si vous n’êtes pas convaincues, je suis prêt à me rendre dans le Doubs, dans le Jura pour dialoguer avec vous, organiser un débat public et, pourquoi pas, signer avec des jeunes de votre département pour des emplois d’avenir dès le mois prochain. Vous verrez que vous serez alors convaincues : vous ne tiendrez sans doute plus le même discours ici à la tribune après avoir discuté avec ces jeunes et saisi ce que représente pour eux d’avoir un emploi mais aussi une formation. Car c’est la première fois dans le droit du travail que ce type de contrat est assorti pendant toute sa durée d’une formation obligatoire, qualifiante ou diplômante. Bref, alors qu’ils ont échoué en formation initiale, ils bénéficieront à l’issue de leur emploi d’avenir d’une formation qui leur permettra d’être mieux armés sur le marché du travail.

Si je ne peux répondre positivement au souhait exprimé par Mme Carrillon-Couvreur de voir M. Sapin se déplacer dans son département pour signer des emplois d’avenir destinés à des personnes en situation de handicap,…

M. Michel Sapin, ministre. Mais je viendrai !

M. Thierry Repentin, ministre délégué. …je peux au moins lui donner une satisfaction morale en lui disant que, demain matin, je signerai cinq emplois d’avenir dont l’un concerne une personne en situation de handicap.

Mme Martine Carrillon-Couvreur. Très bien !

M. Thierry Repentin, ministre délégué. Voilà une réponse concrète apportée aux jeunes que leur handicap place dans une situation encore plus difficile sur le marché du travail que la majorité des autres jeunes.

Le troisième axe de travail consiste à concrétiser le service public de l’orientation pour que chacun puisse choisir sa vie professionnelle – et je m’adresse plus spécialement à M. Gille.

Choisir sa voie, maîtriser sa vie professionnelle s’entend comme un tout, de la formation initiale à la formation continue en passant par l’emploi et éventuellement la création d’entreprises. Il s’agit de pouvoir s’orienter à tous les âges de la vie.

Or l’accès à l’information dans les parcours professionnels est complexe. Les lieux où trouver les personnes ressource sont segmentés voire étanches, en tout cas peu lisibles. L’enjeu est donc de créer les conditions d’un accès facilité et fluide aux éléments de nature à permettre à chacun de faire ses choix sans opposer formation et emploi, jeunes et actifs.

Le service public de l’orientation devra également permettre une meilleure connaissance de la diversité des métiers et contribuer à leur valorisation. Nous aurons l’occasion d’en reparler dans quelques mois à l’occasion de l’acte III de la décentralisation. En territorialisant mieux le service public de l’orientation, en le positionnant comme une offre de services, nous pourrons mieux répondre aux interrogations professionnelles de nos concitoyens tout au long de leur vie alors que ce service est trop souvent associé à la scolarité et aux adolescents.

Enfin, quatrième et dernier grand axe de travail : affirmer et sécuriser le service public de la formation.

Le développement des compétences des personnes n’est pas une prestation marchande comme les autres, en particulier lorsque ce service s’adresse aux actifs précaires et peu qualifiés. Il ne peut donc être soumis aux seules lois du marché. Cette affirmation constitue un élément de rupture avec les politiques conduites précédemment. Cela implique donc – nous nous y attelons – de définir un service public national de la formation et les exigences de service public auxquelles il doit être soumis ainsi que de sécuriser juridiquement les instruments de conventionnement qu’il peut utiliser dans sa relation aux organismes de formation.

Voici les grandes orientations que j’entends mettre place pour le développement et la réussite de l’apprentissage et le renforcement du droit à la formation.

J’en viens maintenant à quelques données budgétaires.

Dans l’effort global d’investissement dans la formation professionnelle, le budget total que l’État prévoit de consacrer à la formation professionnelle s’élève à 3,732 milliards d’euros, soit une hausse de 2,6 % par rapport à la loi de finances pour 2012. Vous trouverez le détail de ces chiffres dans le fameux jaune budgétaire.

J’aimerais insister sur trois points.

J’évoquerai tout d’abord l’association pour la formation professionnelle des adultes, l’AFPA, sur la situation de laquelle plusieurs orateurs ont tenu à exprimer des inquiétudes. Je pense au rapporteur spécial, à M. Gille, à M. Falorni, à M. Liebgott. Je voudrais leur dire, à eux comme à la représentation nationale dans son ensemble, que l’État s’engage d’ores et déjà à maintenir ses financements à l’AFPA. Comme vous avez pu le voir, 87 millions d’euros sont inscrits dans le projet de loi de finances. Je devrais dire « réinscrits » car au cours de la législature précédente, ces financements qui accompagnaient l’action de l’AFPA avaient été sortis du budget de la nation. Ces 87 millions sont ventilés de la manière suivante : 56 millions sont consacrés au financement de la politique de certification du ministère du travail, 21 millions à l’hébergement et la restauration des publics fragiles, 10 millions à l’investissement pour la modernisation du dispositif de formation.

Si le Gouvernement précédent avait programmé une opération d’abandon de cet outil qu’est le service public de la formation dans notre pays, nous nous engageons à le sauver et à rester aux côtés de l’AFPA. L’État apportera sa contribution au plan de redressement de l’association et je salue au passage son nouveau président, Yves Barou, et le remercie vivement pour le travail qu’il a accompli depuis sa prise de fonctions en juin dernier.

Vous avez aussi, il y a quelques semaines, en votant le projet de loi portant création des emplois d’avenir, apporté 20 millions d’euros à l’AFPA au titre de prestations qui avaient été commandées par l’État mais qui n’avaient pas été financées, faute de support législatif. Un amendement a permis de créer ce financement nécessaire.

Il nous restera à voir avec le président de l’AFPA et son nouveau directeur général comment trouver des solutions pour la dévolution du patrimoine, pour une politique commerciale plus affirmée qu’elle ne l’était, pour une révision du périmètre d’intervention géographique de cet outil. Nous serons aux côtés d’Yves Barou lorsqu’il nous présentera ses propositions pour l’avenir.

Deuxièmement, j’aimerais évoquer le développement de l’apprentissage. Je ne m’y appesantis pas car j’en ai déjà parlé très clairement, je pense, dans mon intervention liminaire. Il faut simplement se garder d’évoquer de grands chiffres lorsque l’on fait des références au passé. On peut faire rêver. Mais souvent, la réalité est beaucoup plus difficile. Je ne reprendrai pas les chiffres dépassant largement le million annoncé par certains mais je réaffirme qu’il y aura sous ce quinquennat plus d’apprentis qu’il n’y en avait par le passé.

Mme Annie Genevard. Nous verrons bien !

M. Thierry Repentin, ministre délégué. Comme nous aurons l’occasion de discuter chaque année de cette question, nous pourrons effectivement voir si tout cela se traduit par des actes. Gardons-nous pour l’heure d’avancer des chiffres qui sont toujours hélas contredits par la réalité des faits.

Au titre du développement de l’apprentissage, l’État finance différents dispositifs à partir des crédits de la mission « Travail et emploi » et du compte d’affectation spéciale dédié au développement et à la modernisation de cette politique. Il compense ainsi à la sécurité sociale les exonérations charge associées aux contrats d’apprentissage et aux contrats de professionnalisation pour 1,25 milliard d’euros.

Troisièmement, j’aimerais souligner que notre budget compensera aux régions le coût financier des compétences qui leur ont été transférées en matière de formation professionnelle et d’apprentissage au titre des différentes lois de décentralisation. La dotation globale de décentralisation est stable depuis 2011 : elle s’élève à 1,702 milliard d’euros. En 2013, une partie de cette dotation, celle qui, pour 250 millions d’euros, permet de financer au niveau local des actions en faveur du développement de l’apprentissage autres que les primes d’apprentissage sera financée à partir du compte d’affectation spéciale.

Si cette présentation permet d’assurer une meilleure lisibilité des dépenses engagées par les régions pour le développement de l’apprentissage en les regroupant sur le compte d’affectation spéciale, elle ne modifie en rien la compensation versée aux régions.

Mesdames, messieurs les députés, en m’associant aux remerciements de Michel Sapin pour votre travail, je crois pouvoir dire que c’est un budget volontariste, concerté avec les partenaires sociaux et les régions, ouvert à la jeunesse et aux salariés de notre pays que je vous propose d’adopter. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Rappel au règlement

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour un rappel au règlement.

M. Jean-Frédéric Poisson. Nous regrettons, sur nos bancs, que nombre de questions que nous avons posées au Gouvernement pendant nos interventions à la tribune n’aient pas reçu de réponses. Nous espérons qu’elles viendront lors de l’examen des amendements. Lorsque j’ai posé tout à l’heure à M. Sapin une question sur les branches, ce n’était pas une taquinerie. (Sourires.) J’espère bien obtenir une réponse de sa part sur ce sujet.

M. Michel Sapin, ministre. C’est bientôt Noël !

Mme la présidente. Nous en arrivons aux questions.

Nous commençons par le groupe GDR.

La parole est à M. Gabriel Serville.

M. Gabriel Serville. Monsieur le ministre, le marché du travail en Guyane se caractérise par un faible taux d’activité, un poids encore important de l’informel et un manque d’adéquation entre l’offre et la demande d’emplois. Le taux de chômage est élevé et a atteint 22 % en juin 2011, soit deux fois le taux de chômage métropolitain.

Cependant, si l’on tient compte du nombre de personnes souhaitant travailler mais classées comme inactives, ce taux de chômage pourrait être multiplié par deux, tandis que la dégradation du marché du travail s’est poursuivie en 2011 et 2012.

À ce jour, le taux d’activité est très faible si l’on se réfère à la principale classe d’âge des vingt-cinq - quarante-neuf ans, avec 71 % d’actifs en Guyane, contre 89 % pour l’hexagone.

En réalité, le taux d’emploi des quinze - soixante-quatre ans était de 44 % en 2011. Cela signifie que moins d’une personne sur deux est en situation d’activité.

Malgré ce sombre tableau, les derniers résultats disponibles de Pôle emploi Guyane confirment que l’emploi salarié a mieux progressé en 2010 qu’en 2009 – 3,7 %, contre 1,2 %.

Toutefois, cette progression masque une cruelle réalité dans une région qui est en plein boom démographique, dont les signes extérieurs se voient à travers la bonne santé du secteur du bâtiment et des travaux publics. Or, à l’opposé de tous les autres secteurs que sont l’agriculture, la pêche, l’industrie, l’énergie, le commerce et les services, sur la même période de référence 2009-2011, l’emploi dans le BTP observe un net repli.

Ce recul est la conséquence de la fermeture de plusieurs établissements, du recours important à l’intérim, et surtout du poids de plus en plus important du travail informel, voire illégal, qui ne profite nullement aux jeunes de la Guyane, pourtant correctement formés dans nos lycées, nos lycées professionnels et autres centres de formation.

Monsieur le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, pouvez-vous me préciser les mesures que vous comptez mettre en œuvre dans le cadre du projet de loi de finances 2013, afin de relancer l’emploi en Guyane, et surtout, de combattre le travail illégal et dissimulé qui pénalise lourdement l’activité économique, et notamment l’emploi des jeunes et des femmes, mis à mal par dix ans d’errance et d’absence de perspectives ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Michel Sapin, ministre. Monsieur le député, je vais surtout m’attacher à répondre au cœur de votre question qui touche à la lutte contre le travail illégal, particulièrement présent en Guyane, et notamment dans certains secteurs.

La lutte contre le travail illégal est une priorité partout sur le territoire français, en métropole comme en Guyane, et dans l’ensemble de l’outre-mer.

Nous aurons très prochainement l’occasion de le rappeler, avec le Premier ministre qui présidera une commission nationale de lutte contre le travail illégal. Cette réunion se tiendra la semaine prochaine et un nouveau plan national 2013-2015 y sera adopté.

S’agissant plus particulièrement de la situation en Guyane, vous l’avez souligné, monsieur Serville, le travail dissimulé reste extrêmement présent dans tous les secteurs, et ce malgré l’intensité des contrôles, notamment des contrôles conjoints dans des secteurs ciblés.

Il reste présent dans la boulangerie, le BTP, les exploitations agricoles, le gardiennage, les garages, l’hôtellerie. Il se combine le plus souvent avec l’emploi d’étrangers eux-mêmes sans titre.

Dans les exploitations agricoles, qui sont difficiles d’accès compte tenu de la configuration du territoire, la grande majorité des personnels employés, d’origine étrangère, est en situation irrégulière et non déclarée.

La sous-traitance reste aussi un gros problème dans le gardiennage et le BTP, secteurs particulièrement ciblés par les nombreuses opérations de contrôle concertées.

Au total, la lutte contre le travail illégal constitue 50 % de l’action programmée de l’inspection du travail en Guyane, ce qui est considérable. C’est un chiffre qui n’est atteint nulle part ailleurs. La moitié des moyens de mon ministère sur votre territoire est consacrée à la lutte contre le travail illégal. C’est ainsi que la Guyane totalisait plus de 200 procédures dressées en travail illégal en 2011 et plus de 120 au compte du premier semestre 2012.

Vous pouvez être certain, monsieur le député, que j’amplifierai la mobilisation des services de mon ministère pour faire en sorte que ce qui est un fléau partout en France ne soit pas en Guyane un obstacle aussi fort qu’il l’est aujourd’hui à un avenir plus sûr et plus ouvert pour les jeunes de Guyane dont vous avez dit vous-même qu’ils faisaient des efforts en termes de formation et d’insertion dans le travail. Ils ne doivent pas être aujourd’hui les victimes d’un travail illégal beaucoup trop important.

Mme la présidente. La parole est à M. Patrice Carvalho.

M. Patrice Carvalho. Monsieur le ministre, le budget que vous nous présentez comporte un important chapitre intitulé « Accompagnement des mutations économiques et développement de l’emploi ». Tout ce qui y figure est sans aucun doute utile. Néanmoins, cela apparaît comme une sorte de service après-vente de la casse industrielle et de l’emploi.

Il ne se passe pas une semaine sans que tombent les annonces d’une réduction d’activité, de la fermeture d’un site et d’un plan de licenciement massif. La liste est longue : PSA, Air France, Valéo, Petroplus, Carrefour, Unilever, Arcelor, Sanofi, etc. Et à chaque fois, la décision de ces grands groupes entraîne la chute de nombre de sous-traitants, en général des petites et moyennes entreprises.

Pour l’année 2012, ce sont environ 60 000 emplois qui auront ainsi disparu. Les justifications ne manquent pas et elles sont toujours les mêmes : la mondialisation, la concurrence, le coût du travail, l’exigence de modernisation…

En réalité, ce dont nous nous rendons compte, c’est que les groupes qui licencient ne sont pas des entreprises en difficulté ou, comme on dit communément, des « canards boiteux ». Leurs bénéfices et profits sont confortables et les dividendes qu’ils versent à leurs actionnaires en croissance constante. Même lorsque les bénéfices sont en recul, comme ce fut le cas en 2009 pour des entreprises du CAC 40, celles-ci n’en ont pas moins versé aux actionnaires 35 milliards d’euros, contre 36,6 milliards l’année précédente. En 2011, ce sont 45 milliards d’euros qui ont été versés au titre de l’exercice 2010, soit un taux de distribution sur les bénéfices de 50 %.

Monsieur le ministre, il faut donner un coup d’arrêt à cette hécatombe qui n’a pas de justification économique.

Je suis cosignataire, avec mes collègues communistes et du Parti de gauche, d’une proposition de loi visant à interdire les licenciements pour les entreprises qui réalisent des bénéfices et distribuent des dividendes, et qui, le plus souvent, perçoivent ou ont perçu des aides publiques. Etes-vous prêt à la faire voter par le Parlement ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Michel Sapin, ministre. Monsieur le député, ce sujet nous préoccupe tous, et le mot est faible.

Vous avez cité une série de « plans sociaux », comme on dit, qui ont souvent des conséquences sociales extrêmement graves, car ils aboutissent soit à des fermetures, soit à des réductions drastiques d’effectifs.

Sans vouloir polémiquer, tous ceux que vous avez cités étaient prévus depuis de longs mois et avaient été « mis au frais » pour n’apparaître qu’après les échéances électorales. Ils en sont d’autant plus graves. Car lorsqu’une entreprise rencontre de vraies difficultés – nous parlerons de celles qui ont des motifs illégitimes dans quelques instants –, retarder la mise en œuvre des mesures nécessaires ne fait qu’aboutir à des mesures encore plus graves pour les salariés. C’est donc une responsabilité extrêmement lourde qui a été prise par la majorité précédente : elle a voulu dissimuler la gravité des situations, empêchant ainsi les salariés de discuter suffisamment en amont des mesures qui auraient pu éventuellement éviter de connaître des situations aussi graves que celles que nous connaissons.

S’agissant des motifs de licenciement, le motif que l’on dit « boursier », à juste titre, a lieu dans des entreprises qui ne licencient que pour faire monter leur cours en bourse. Aujourd’hui, ce motif ne serait pas considéré comme légitime par le juge. Il y a des cas où le juge saisi l’a annulé.

Le problème, dans la procédure actuelle, est que l’annulation du motif lorsque celui-ci n’est pas légitime – y compris ceux que vous avez décrits, monsieur le député – intervient deux, trois ou quatre ans après que la décision a été prise par l’entreprise. Le mal devient donc en quelque sorte irréparable. Le salarié qui conteste le motif ne le fait pas pour obtenir plus d’argent, mais pour conserver son emploi. Or quatre ans après, la seule transaction possible, c’est d’augmenter les indemnités qui seront versées à cette personne, en créant des indemnités pour licenciement illégal.

Nous avons saisi les partenaires sociaux de cette question, dans le cadre de la grande négociation sur la sécurisation de l’emploi, afin d’engager une réforme en profondeur du droit du licenciement pour que les intérêts de chacun des salariés, mais aussi de l’entreprise, soient beaucoup plus vite et beaucoup mieux protégés qu’ils ne le sont aujourd’hui. La question du motif de licenciement, et donc de sa légitimité ou de son illégitimité, doit être traitée et jugée beaucoup plus tôt dans la procédure, pour éviter les situations que nous connaissons aujourd’hui.

C’est dans le cadre de la négociation entre les partenaires sociaux, qui doit se terminer fin 2012, que nous vous proposons d’examiner ce sujet.

De toute façon, monsieur le député, qu’il y ait ou non accord, il y aura une loi, qui sera discutée dans cet hémicycle, et ce sujet sera abordé ici même, parce qu’il y a aujourd’hui des situations insupportables auxquelles nous devrons ensemble mettre fin demain. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. Monsieur le ministre, mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole pour cet exercice est de deux minutes par question et de deux minutes par réponse.

Nous en arrivons aux questions du groupe SRC.

La parole est à M. Serge Letchimy, pour deux minutes.

M. Serge Letchimy. Monsieur le ministre, lors de l’examen de la loi sur les emplois d’avenir, nous avons constaté que vous aviez placé l’outre-mer parmi les grandes priorités. Vous êtes conscient, comme tout le monde ici, de la gravité de la situation du chômage dont le taux s’élève à 30 % à la Réunion, à 24 % en Martinique et à la Guadeloupe. Il atteint même 60 % chez les jeunes de moins de vingt-sept ans. Il faut donc mener des actions exceptionnelles et, monsieur le ministre, vous avez manifestez cette volonté à travers cette loi.

Cela étant, je considère que ce ne sont pas les seules solutions et je tenais à le dire devant la représentation nationale. Il s’agit pour nous de trouver des voies de développement beaucoup plus durables, avec un pacte de croissance et de développement nous permettant d’avoir une croissance beaucoup plus partagée et solidaire, capable de créer de l’activité et de l’emploi. C’est cela qui est fondamental. Si nous prenons – avec l’État – cette orientation, ce sera une bonne chose.

Cependant, monsieur le ministre, dans le projet de budget 2013, la mission « Travail et emploi » comporte, par rapport à 2012, une prévision de crédits en baisse de plus de 8 millions d’euros sur les contrats aidés spécifiques à l’outre-mer – 18 millions pour l’ensemble des dispositifs concernés.

Dans votre réponse à notre collègue Patrick Lebreton, qui vous a interrogé sur ce sujet en commission des affaires sociales, vous avez souligné, je vous cite, que « la tendance est à la suppression des dispositifs propres à l’outre-mer ». Vous avez précisé par ailleurs – je vous cite toujours – qu’ « il n’est pas question qu’il y ait une sorte de balance, avec une baisse de l’effort en termes d’emplois aidés et une augmentation de l’effort en termes d’emplois d’avenir ». Vous avez ajouté : « tant que la situation sera aussi dégradée, nous maintiendrons le même effort sur les emplois aidés, tout en montant en puissance sur les emplois d’avenir ». J’ai tendance à vous croire, monsieur le ministre.

Et vous avez conclu en indiquant : « le présent budget traduit parfaitement cette volonté ».

Je vous crois, monsieur le ministre, mais pourriez-vous être plus précis quant aux engagements de l’État et nous informer sur les moyens susceptibles de concrétiser ces engagements ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre, pour deux minutes.

M. Michel Sapin, ministre. Madame la présidente, je vais essayer de donner en deux minutes les précisions indispensables.

Vous le savez mieux que quiconque, monsieur le député, il y a, sous le vocable de « contrats aidés » dans les collectivités d’outre-mer, un certain nombre de dispositifs dont la plupart – pour ce qui est du flux d’entrée – ont été supprimés depuis plusieurs années.

Le congé de solidarité a été supprimé en janvier 2008. Les crédits prévus pour 2013 s’élèvent à 7 millions d’euros, car il y a des personnes dans cette situation et il faut pouvoir continuer à honorer les engagements pris.

Le contrat emploi-jeune a été supprimé en flux d’entrée en 2002 et les renouvellements ne sont plus possibles depuis janvier 2005. Le projet de loi de finances 2013 n’a donc pas prévu de dotation à ce titre. C’est pourquoi il y a des dotations spécifiques à l’outre-mer qui sont à la baisse.

En 2012, il restait trois dispositifs de contrats aidés spécifiques à l’outre-mer, dont le CAE-DOM. Les crédits s’élèvent à 29 millions d’euros et sont supérieurs à ceux des années précédentes pour pouvoir faire face aux besoins.

Au-delà, en particulier depuis 2009, les collectivités d’outre-mer bénéficient de la politique « normale » des contrats aidés de droit commun. Avec une programmation de l’ordre de 40 000 contrats aidés – les CAE et les CAEI –, leur poids dans le dispositif est à peu près deux fois supérieur à celui du reste de la France. C’est parfaitement légitime, compte tenu des problèmes spécifiques que connaît l’outre-mer en termes d’emploi. L’effort pour l’outre-mer sera, en matière d’attribution des contrats aidés, deux fois supérieur à celui qui existe en France métropolitaine.

Le dispositif des emplois d’avenir sera bien entendu prolongé en 2013 avec un effort de même nature. Il n’y a pas de bascule entre les emplois aidés et les emplois d’avenir. Ceux-ci viennent s’y ajouter. Comme vous le savez, nous avons décidé de tenir compte des spécificités ultramarines dans leur attribution. En outre, l’effort pour l’outre-mer sera aussi très important, puisque 9,5 % de l’enveloppe globale consacrée aux emplois d’avenir seront réservés à l’outre-mer.

Mme la présidente. La parole est à Mme Monique Iborra.

Mme Monique Iborra. Monsieur le ministre, j’ai reçu à leur demande les contrôleurs du travail de votre ministère, qui souhaitent que soient enfin apportées des réponses à des problèmes posés depuis longtemps relativement à leur statut. Ils souhaitent aussi que l’on respecte leur mission, souvent difficile et rendue plus complexe par le droit du travail. Vous avez récemment déclaré que l’inspection du travail réalisait au quotidien un travail d’une grande utilité sociale. Pourtant, leurs missions sont mal connues et insuffisamment valorisées.

Vous avez plaidé pour un système d’inspection du travail mieux armé face aux nouveaux défis. Le sujet est certes complexe, car les contrôleurs du travail exercent des compétences multiples dans le cadre de leur activité de contrôle, mais aussi d’expertise et de conseil à l’égard des salariés, des demandeurs d’emploi et des entreprises. Ils disposent des mêmes attributions que les inspecteurs du travail pour constater et relever les infractions par procès-verbal.

Ils considèrent comme légitime, et moi avec eux, une revalorisation de leur statut, peut-être par étapes. Pensez-vous, monsieur le ministre, pouvoir leur donner satisfaction dans un avenir proche ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Michel Sapin, ministre. Les contrôleurs du travail sont vraiment au cœur des enjeux sociaux et professionnels dans les entreprises. Ils ont un domaine d’intervention et de compétence extrêmement large. Leurs missions recouvrent un champ d’activités extrêmement étendu : le contrôle du respect de la législation du travail et de la formation professionnelle continue dans les entreprises, l’information du public, la participation à la gestion des politiques dans les domaines du travail, etc.

Les contrôleurs du travail font preuve, dans l’exercice de leurs missions, d’une extrême maîtrise du droit du travail, qui n’est pas si simple que cela, d’une maîtrise égale du droit pénal ainsi que de réelles qualités relationnelles dès lors qu’ils interviennent souvent dans des situations conflictuelles. Leur métier demande donc beaucoup de sang-froid et de capacité de dialogue en plus de compétences juridiques considérables. La question de l’évolution de leur statut est donc primordiale. Pour moi, elle est même première. S’il devait y avoir un seul corps de mon ministère bénéficiant d’une évolution positive, ce serait bien celui des contrôleurs du travail.

Dès mon arrivée, j’ai pris contact avec la ministre de la fonction publique pour trouver une issue favorable à l’évolution du statut actuel. C’est aujourd’hui un des rares corps de catégorie B de la fonction publique dont on attend une telle diversité de compétences et d’actions. Toutes les voies possibles sur les plans juridique, statutaire et budgétaire sont examinées en ce moment au regard de l’ensemble des sujétions auxquelles sont exposés les contrôleurs du travail. Je puis vous dire, madame la députée, que d’ici la fin de cette année, une solution sera trouvée. Je m’y engage. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. Nous en venons à une question du groupe UMP.

La parole est à Mme Annie Genevard.

Mme Annie Genevard. On reproche souvent à l’opposition de ne pas savoir faire de propositions.

M. Jean-Frédéric Poisson. Reproche totalement infondé !

Mme Annie Genevard. Je voudrais donc vous en faire une, monsieur le ministre, qui permettrait d’économiser quelque cent millions d’euros. Je pense que cela va vous intéresser ?

M. Michel Sapin, ministre. Pas forcément !

Mme Annie Genevard. Pas forcément ? Je vais quand même vous la préciser, si vous le permettez !

En 1999, la France a conclu avec la Suisse des accords bilatéraux. L’un d’eux prévoyait que la Suisse rétrocède à la France les cotisations chômage acquittées pas les travailleurs frontaliers. Cette disposition mal négociée dans la durée s’est interrompue en 2009. C’est désormais la solidarité nationale française qui supporte le coût du chômage des travailleurs frontaliers qui travaillent en Suisse. C’est la solidarité nationale française qui supporte le coût du chômage produit en Suisse. La somme concernée n’est pas mince : on l’évalue à près de 100 millions d’euros.

Plutôt que de s’en prendre au choix de l’assurance maladie des travailleurs frontaliers – qui par ailleurs s’autofinance –, comme le fait votre collègue ministre de la santé, l’État français serait sans doute dans son droit en réclamant à la Suisse une juste compensation financière.

Je sens que je vous plonge dans la perplexité, monsieur le ministre…

M. Michel Sapin, ministre. Pas du tout, madame la députée ! Vous avez voulu me prendre par surprise mais vous n’y arriverez pas, car je connais très bien le sujet !

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Michel Sapin, ministre. C’est un vrai sujet, que je vous remercie de soulever, madame la députée. Je l’ai abordé avec mon homologue suisse, que j’ai rencontré récemment, mais aussi avec d’autres homologues de pays frontaliers. Si vous étiez frontalière du Luxembourg, vous auriez le même type de problèmes à soulever.

Merci également de vous attacher aujourd’hui à cette question qui n’a pas trouvé de solution depuis 2009. Nous allons bien sûr reprendre des discussions et des négociations qui n’avaient manifestement pas abouti entre 2009 et 2012.

La seule difficulté, vous la connaissez, c’est que nous sommes dans un rapport entre deux pays indépendants. Avec le Luxembourg, il y a une raison de plus pour que satisfaction nous soit donnée : c’est que nous sommes dans le même ensemble économique où règne la liberté de circulation, en particulier des personnes. Je pense donc pouvoir avancer plus rapidement avec mon collègue luxembourgeois qu’avec mon collègue suisse.

La seule arme que nous ayons est donc celle de la persuasion, du dialogue et de la négociation. Je ne pense pas que vous envisagiez un autre type d’arguments pour obtenir satisfaction de la part de la Suisse ? (Sourires.)

Mme Annie Genevard. Pour l’instant, non. (Sourires)

M. Michel Sapin, ministre. Je compte donc sur vous comme sur tous les autres pour faire avancer nos arguments et pour faire en sorte que les travailleurs employés en Suisse puissent bénéficier d’allocations en Suisse et pas simplement au titre de la solidarité nationale en France.

Mme la présidente. Nous en venons à une question du groupe UDI.

La parole est à M. Philippe Gomes.

M. Philippe Gomes. Ma question porte sur les emplois d’avenir. Lors de la séance du 12 septembre dernier, j’avais déjà dit quelques mots, en mon nom mais aussi au nom des députés polynésiens avec lesquels je représente les collectivités du Pacifique, pour faire en sorte que ces emplois d’avenir puissent s’y appliquer.

Certes, nous disposons de compétences propres en matière de droit du travail. En Nouvelle-Calédonie, le régime juridique est celui de l’accord de Nouméa, accord d’émancipation et de décolonisation au sein de la République qui a été constitutionnalisé. Bien évidemment, le dispositif des emplois d’avenir ne pouvait donc pas, stricto sensu, être étendu à nos territoires.

Depuis lors, je vous ai saisi. Nous avons tenu une réunion de travail au ministère sur le sujet. Si je me permets d’y revenir, c’est pour faire en sorte que ce dossier ne se perde pas dans les labyrinthes administratifs ou sous la pile de dossiers que vous avez à traiter – et je sais qu’ils sont nombreux !

Mais c’est aussi parce que nous avons un rendez-vous important le 6 décembre prochain : le comité annuel de suivi de l’accord de Nouméa réunit à Paris les représentants de l’État et de l’ensemble des partis politiques, sous la présidence du Premier Ministre. Si nous pouvions acter ce jour-là la mise en œuvre de ce dispositif dans nos territoires, ce serait une excellente chose. Cela contribuerait au rééquilibrage au profit de la jeunesse calédonienne, qui, comme l’ensemble de la jeunesse française, en métropole et outre-mer, a besoin de dispositifs adaptés pour s’insérer dans notre société et y trouver sa place. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Michel Sapin, ministre. Je vous remercie d’avoir abordé ce sujet, monsieur le député, et je salue la présence à vos côtés de vos collègues de Polynésie, qui se sont également intéressés à ce sujet dès le débat sur les emplois d’avenir.

La loi sur les emplois d’avenir, comme vous venez de le rappeler, ne peut pas constitutionnellement s’appliquer en l’état à la Nouvelle-Calédonie, puisque l’emploi y relève strictement de la compétence de la collectivité de Nouvelle-Calédonie. Lors des débats sur le projet de loi, je vous avais indiqué que nous pouvions lancer un travail sur les modalités de transposition, par le Congrès, de la loi en Nouvelle-Calédonie. Vous avez été reçu le 5 octobre dernier par trois membres de mon cabinet pour engager ce travail en toute confiance.

En Nouvelle-Calédonie, les provinces ont déjà leurs propres programmes pour l’emploi des jeunes. Je ne peux bien sûr qu’encourager la Nouvelle-Calédonie à adopter un dispositif qui se rapproche des emplois d’avenir, notamment par le ciblage sur les jeunes les plus éloignés de l’emploi, qui sont malheureusement extrêmement nombreux en Nouvelle-Calédonie. Des politiques partenariales sont au demeurant mises en place dans le cadre des contrats de développement entre l’État et la Nouvelle-Calédonie. Il y a un précédent, qui a été conclu pour la période 2011-2015.

Le prochain comité des signataires de l’accord de Nouméa se tiendra le 6 décembre prochain à Matignon. Ce jour-là sera notamment abordée la thématique de l’emploi. C’est dans ce cadre que devront être concrètement étudiées les possibilités d’accompagnement par l’État de la Nouvelle-Calédonie dans sa volonté de mettre en œuvre un dispositif similaire à celui des emplois d’avenir en faveur de l’emploi des jeunes.

Mme la présidente. Nous en avons terminé avec les questions.

Suspension et reprise de la séance

Mme la présidente. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures dix, est reprise à dix-neuf heures vingt.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

Mission « Travail et emploi »

Mme la présidente. À la demande du Gouvernement, l’article 46 et l’état B, ainsi que l’article 71 sont réservés.

La réserve est de droit.

Après l’article 71

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement du Gouvernement n° 378, portant article additionnel après l’article 71.

La parole est à M. le ministre.

M. Michel Sapin, ministre. J’ai déjà défendu cet amendement en intervenant sur l’ensemble de cette mission, je serai donc très bref.

Je souhaite pouvoir donner un avis favorable à un certain nombre d’amendements présentés par les commissions. Pour cela, un gage est nécessaire, qui ne fasse pas diminuer le montant d’autres crédits nécessaires à l’action publique.

Je vous propose en conséquence de mettre en œuvre une réforme qui a déjà fait l’objet d’un très long travail à la suite de rapports sur l’efficacité des exonérations de cotisations sociales pour les OIG, les organismes d’intérêt général, ayant leur siège social dans les zones de revitalisation rurale.

Je vous propose de recentrer les exonérations existantes sur les organismes de moins de cinq cents salariés, sans pour autant priver les autres OIG de toute exonération puisqu’ils pourront bénéficier des exonérations de droit commun.

L’adoption de cette mesure conduira à une économie budgétaire de 17 millions d’euros sur le programme 103, ce qui nous permettra d’être généreux avec les amendements que vous défendrez.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission des finances ?

M. Christophe Castaner, rapporteur spécial. Favorable. A priori, cent trente structures seraient directement concernées. Le principe des exonérations est conforté pour les OIG de moins de cinq cents salariés, seules sont exclues les entités les plus importantes.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz.

Mme Marie-Christine Dalloz. Monsieur le ministre, si je vous ai bien compris, l’amendement du Gouvernement permettrait de financer les dispositifs que les amendements de la commission des affaires sociales tendent à mettre en place ?

Mme la présidente. Monsieur le ministre ?

M. Michel Sapin, ministre. En tout cas, cela donne la liberté de pouvoir le faire.

(L’amendement n° 378 est adopté.)

Mme la présidente. J’appelle maintenant les crédits de la mission « Travail et emploi », inscrits à l’état B, précédemment réservés.

État B

Mme la présidente. Sur ces crédits, je suis saisie de plusieurs amendements.

La parole est à M. le ministre délégué chargé de la formation professionnelle et de l’apprentissage, pour soutenir l’amendement n° 379.

M. Thierry Repentin, ministre délégué. Le présent amendement vise à tirer les conséquences sur les crédits de la mission « Travail et emploi » de l’ajustement du montant de la compensation due au département de Mayotte au titre de la compétence relative à l’ICF, l’indemnité compensatrice forfaitaire, dite « prime d’apprentissage ».

Cette compétence, mise en œuvre à Mayotte à compter du 1er juillet 2009 par l’ordonnance du 11 juin 2009 relative à l’organisation du service public de l’emploi et à la formation professionnelle à Mayotte, est compensée sous forme de crédits budgétaires inscrits sur le programme 103.

Un montant provisionnel a déjà été inscrit à ce titre en loi de finances pour 2012.

Conformément à l’article 7-II de l’ordonnance précitée, cette compensation doit être ajustée de manière définitive au regard des dépenses d’ICF constatées dans le compte administratif de la collectivité départementale de Mayotte pour 2010.

Le présent amendement vise à ajuster en conséquence la compensation au département de Mayotte à hauteur de 64 113 euros en majorant la dotation générale de décentralisation « formation professionnelle » inscrite sur le programme 103 de la mission « Travail et emploi ».

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe Castaner, rapporteur spécial. Avis favorable. L’ajustement proposé est nécessaire. Compte tenu des montants en question, je propose que nous ne passions pas plus de temps sur ce sujet.

(L’amendement n° 379 est adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 143 et 265.

La parole est à M. Jean-Patrick Gille, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, pour l’emploi, pour soutenir l’amendement n° 143.

M. Jean-Patrick Gille, rapporteur pour avis. Cet amendement propose de doter le dispositif AER-ATS de 20 millions d’euros supplémentaires en autorisations d’engagement et de 10 millions d’euros supplémentaires en crédits de paiement.

L’AER, l’allocation équivalent retraite, permettait à des personnes ayant validé le nombre de trimestres suffisant au titre de l’assurance vieillesse, mais n’ayant pas l’âge requis pour prendre leur retraite, de bénéficier d’une allocation d’environ 1 000 euros.

L’AER, supprimée en 2008, a été prorogée entre 2009 et 2011. Mais, depuis le 1er janvier 2011, plus aucune entrée dans le dispositif n’est possible – même si la queue de comète de l’allocation pèse encore 230 millions d’euros.

L’ATS, l’allocation transitoire de solidarité, est, comme son nom l’indique, un dispositif transitoire qui ne concerne qu’un public très restreint : les demandeurs d’emploi nés entre 1951 et 1953 âgés d’au moins soixante ans au moment de leur arrivée en fin de droits.

Il ne s’agit pas de restaurer l’AER. Cela irait à l’encontre de l’objectif global d’élévation du taux d’activité des seniors. En revanche, il faut considérer des situations difficiles, notamment le cas des personnes licenciées avant le 1er janvier 2009, date de la suppression de l’AER, qui pensaient pouvoir en bénéficier lors de leur arrivée en fin de droits après le 1er janvier 2011. Non seulement elles sont en quelque sorte flouées et ressentent cette situation comme une injustice, mais elles vivent, pour un grand nombre d’entre elles, des situations matérielles très difficiles. Certaines relèvent de l’allocation de solidarité spécifique, ou sont même sans aucune ressource.

Nous voulions trouver une solution pour ces personnes. Notre idée a été de nous appuyer sur le dispositif de l’ATS puisque la plupart des bénéficiaires de cette allocation vont entrer dans le champ du décret relatif au départ anticipé en retraite pour carrières longues, ce qui nous permettra de retrouver une certaine marge de manœuvre.

Nous connaissons tous ce dossier. Nous sommes souvent interpellés sur ce sujet.

Faute de mieux, notre amendement est gagé sur les crédits destinés au NACRE, le nouvel accompagnement pour la création et la reprise d’entreprises. Je dois à l’honnêteté de dire que ce gage a fait l’objet de discussions lors de l’examen en commission. Nous sommes donc prêts à trouver un autre gage, plus favorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Christophe Cavard, pour soutenir l’amendement n° 265.

M. Christophe Cavard. Je ne saurais dire ni plus ni mieux que notre collègue Jean-Patrick Gille.

Notre amendement est en tout point identique à celui qui vient d’être défendu et qui a été adopté à l’unanimité en commission. Nous souhaitions seulement nous associer à cette démarche.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. Nous parlons de situations que nous connaissons bien, les uns et les autres, et qui sont extrêmement douloureuses.

Les personnes concernées ont quitté leur emploi en toute tranquillité, avec la certitude qu’elles pourraient atteindre l’âge de leur retraite sans difficultés particulières. Mais, soudainement, une décision a été prise avec brutalité, et il leur est devenu impossible d’accéder à ce qu’elles pensaient être certain. Elles se retrouvent dans des situations extrêmement difficiles.

Je comprends parfaitement que les parlementaires cherchent une solution. La difficulté, c’est que si nous voulions répondre à tous les cas douloureux créés par la décision que j’évoquais, il faudrait dépenser des sommes bien plus importantes que celles prévues par l’amendement. Or dans le cadre de ce budget, dans l’état actuel des choses, et sans augmenter le montant des dépenses globales, et par conséquent le déficit, cela serait impossible.

C’est pourquoi le Gouvernement a souhaité, par le décret de juillet dernier, remédier à la situation, là aussi, extrêmement injuste dans laquelle se trouvaient des personnes – dont certaines sont visées par votre dispositif – qui, bien qu’elles aient cotisé longtemps et commencé à travailler très tôt, ne pouvaient pas partir en retraite à 60 ans, mais devaient attendre un à deux ans. L’adoption de ce décret, mis en œuvre depuis le 1er octobre, permettra de résoudre un certain nombre de difficultés. Mais, à ce stade, nous ne sommes pas encore en mesure d’évaluer précisément le nombre des personnes concernées.

Par ailleurs, nous souhaitons que, d’ici au tout début de l’année prochaine, des discussions aient lieu avec les organisations syndicales – qui sont très attentives à la préoccupation que vous exprimez – sur l’avenir des régimes de retraite dans leur globalité, afin de les sécuriser dans le contexte démographique et budgétaire que nous connaissons. Nous souhaitons que cette question soit abordée dans ce cadre-là.

Encore une fois, je suis extrêmement sensible à la situation que vous décrivez, mais, avec 10 millions, vous résoudrez le problème de 1 000 personnes et les milliers d’autres, à qui nous n’aurons pas apporté de solution, estimeront qu’elles sont victimes d’une injustice. Je crains donc qu’au bout du compte, nous ne reportions les rancœurs d’une catégorie à une autre. C’est pourquoi, je le répète, je préférerais que nous recherchions ensemble et avec les partenaires sociaux une solution globale. Certes, cette démarche a pour inconvénient de maintenir, pendant quelques mois supplémentaires, dans une situation extrêmement difficile des personnes pour lesquelles nous voudrions tous apporter une solution. Mais je ne vois pas comment nous pourrions en trouver une valable en si peu de temps.

Aussi, tout en comprenant parfaitement vos préoccupations, je ne souhaite pas que ces amendements soient adoptés.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur spécial, dont j’aurais dû solliciter l’avis avant de demander celui du Gouvernement.

M. Christophe Castaner, rapporteur spécial. Madame la présidente, nos collègues vont croire que la commission des finances est influencée par le ministre. (Sourires.) Plus sérieusement, nous savons que la possibilité de retrouver un emploi est dramatiquement plus faible pour les demandeurs d’emploi seniors, puisqu’on compte 55 % de chômeurs de longue durée chez les chômeurs de plus de 50 ans, contre 38 % pour l’âge médian.

Comme le ministre vient de le rappeler, notre objectif est de privilégier des dispositifs actifs. Le décret du 2 juillet dernier, qui abaisse l’âge de départ en retraite à 60 ans, pourrait concerner, selon les projections les plus élevées, près de 100 000 personnes en année pleine. En outre, je rappelle que l’accord sur le contrat de génération a notamment pour objet le maintien et l’embauche de seniors dans l’entreprise. Je vous renvoie également à la feuille de route sociale du Gouvernement, qui prévoit qu’une réflexion globale soit menée sur ces sujets en 2013.

Il me semble que, si les montants étaient aussi peu élevés par rapport au coût du dispositif global, la réponse ne serait que très partielle. Il serait même difficile d’identifier les bénéficiaires qui, demain, pourraient y être éligibles. Selon certaines projections, près de 70 000 personnes pourraient réunir les conditions – c’est-à-dire avoir moins de 60 ans et avoir cotisé le nombre de trimestres requis dans l’ancien système pour avoir une pension au taux maximum – pour bénéficier de la mesure : 70 000 personnes à 1 000 euros par mois, cela fait une enveloppe globale de 800 à 900 millions d’euros, de laquelle il faut évidemment retrancher l’ASS et le RSA pour ceux qui en sont allocataires. Nous avons donc besoin de mener une réflexion globale sur cette question, à laquelle l’amendement ne permettra pas de répondre.

Par ailleurs, Jean-Patrick Gille a évoqué les hésitations de la commission quant au gage de l’amendement n° 143. De fait, NACRE est un bon dispositif, dont 98 % des bénéficiaires sont des demandeurs d’emploi. Depuis sa création, 70 000 créateurs-repreneurs ont été accompagnés dans ce cadre, pour un coût moyen de 838 euros. Ce dispositif n’est donc pas très cher. Quant au gage de l’amendement n° 265, qui porte sur le programme « Accompagnement des mutations économiques et développement de l’emploi », il est trop large : il faudrait préciser s’il concerne plus particulièrement les DLA, l’aide aux petites et très petites entreprises, ou NACRE.

Mieux vaut donc prendre le temps de la réflexion et, puisque le Gouvernement s’engage à mener celle-ci en 2013, j’émets un avis défavorable à ces amendements.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz.

Mme Marie-Christine Dalloz. Nous partageons le même constat : nous rencontrons, dans nos permanences, des personnes qui souffrent de la fin du dispositif AER. Elles ne sont pas majoritaires, mais nous connaissons tous des cas précis, douloureux.

Toutefois, il me semble que ces amendements posent trois problèmes. Premièrement, ils rétablissent purement et simplement l’AER. Or, il me paraît difficile de limiter celle-ci dans le temps, à certaines personnes, en fonction de leur date de naissance, comme ce fut le cas en 2009. Deuxièmement, cette mesure aurait-elle un effet rétroactif et, si oui, sur quelle période et combien de bénéficiaires seraient concernés ? Troisièmement, il ne me paraît pas judicieux de gager l’amendement sur le dispositif NACRE, en lui retirant 20 millions alors que son coût total est de 25 millions. Ce dispositif permet d’accompagner de manière adaptée des publics éloignés de l’emploi et de dynamiser le tissu économique dans nos territoires. Enfin, si, encore une fois, nous partageons le même constat, il faut éviter d’adopter une disposition suscitant un espoir qui serait en partie déçu.

Mme la présidente. La parole est à M. Arnaud Richard.

M. Arnaud Richard. Je souscris aux propos de Mme Dalloz, du rapporteur spécial et du ministre. Je crois que Jean-Patrick Gille et M. Cavard se trompent en nous proposant un tel amendement. Si nous adoptions ce dispositif, les auteurs de cet amendement seraient sans doute très fiers, mais nous soulèverions un grand espoir que le Gouvernement ne pourrait combler.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Patrick Gille, rapporteur pour avis.

M. Jean-Patrick Gille, rapporteur pour avis. Je vois que les difficultés se multiplient.

Je suis assez sensible à l’argument, qui peut paraître curieux mais qui est assez juste, selon lequel il faut veiller à ne pas susciter un espoir que nous ne serions pas en mesure de concrétiser.

J’ai bien entendu également les arguments du ministre, que je connais, notamment en ce qui concerne les difficultés liées au chiffrage de la mesure et du nombre de bénéficiaires. Certes, il ne s’agit que d’un amendement de crédits, mais il faut bien détailler le fonctionnement du dispositif. En l’espèce, il s’agit de remédier à la situation des personnes qui se sont senties flouées parce qu’au moment où elles sont parties, elles prévoyaient de pouvoir bénéficier pendant trois ans de l’allocation d’indemnisation chômage puis de l’AER pour parvenir doucement à la retraite. Du coup, et le ministre a bien relevé la faiblesse de notre amendement, toute une série de personnes qui ne sont pas exactement dans cette situation ne comprendraient pas qu’on ne leur apporte pas également une solution. L’autre faiblesse de l’amendement, c’est le gage.

Néanmoins, je ne peux pas retirer cet amendement, dans la mesure où il a été adopté par la commission, de surcroît à l’unanimité. Mais chacun en comprend le sens véritable : il s’agit d’un amendement d’appel, ou « de pied dans la porte ». L’ancienne majorité avait supprimé le dispositif en 2008, avant finalement de le rétablir dans une version amoindrie, et je crains, comme beaucoup de personnes, que le couvercle ne se referme définitivement. Or, nous ne pouvons pas nous satisfaire d’une telle situation. Donc, je ne retire pas l’amendement, car ce n’est pas en mon pouvoir, mais j’ai précisé quel était son sens.

Mme la présidente. Monsieur Cavard, maintenez-vous l’amendement n° 265 ?

M. Christophe Cavard. À ceux de mes collègues qui ont exprimé des réserves, je rappelle que cet amendement a été adopté à l’unanimité en commission des affaires sociales, et donc aussi par les membres de leur propre groupe.

Toutefois, j’entends les arguments concernant le gage, qui a effectivement fait l’objet d’un débat au sein de la commission. Comme Jean-Patrick Gille l’a rappelé lui-même, il ne s’agit pas d’attaquer le dispositif sur lequel il porte, mais il fallait bien, à un moment donné, trouver une solution de financement.

Par contre, je ne suis pas convaincu par les arguments de l’opposition selon lesquels on rétablirait l’AER. M. le ministre lui-même a reconnu que les personnes concernées méritaient de bénéficier du dispositif. Nous ne sommes pas responsables de la suppression de l’AER ; c’est à ceux qui l’ont décidée de rendre des comptes à ces personnes.

Puisque l’amendement de la commission est maintenu, il est assez indifférent que je maintienne ou que je retire le mien. En tout cas, nous continuons de le soutenir, même si, comme M. le ministre l’a annoncé, la question fera l’objet de discussions plus globales.

Mme la présidente. Monsieur Cavard, j’ai besoin de savoir si vous maintenez votre amendement.

M. Christophe Cavard. Je le maintiens, madame la présidente.

Mme la présidente. La parole est à M. Francis Vercamer, rapporteur pour avis.

M. Francis Vercamer, rapporteur pour avis. J’entends bien les arguments des uns et des autres. Il ne s’agit pas d’attaquer le dispositif NACRE, mais de gager un amendement qui permet de rétablir l’AER pour un certain nombre de personnes qui sont en très grande difficulté et qui ont été lésées par le dispositif ATS.

Au cours des quatre dernières années, j’ai toujours demandé, en tant que porte-parole du groupe Nouveau Centre, le maintien de l’AER, car c’est justice que des demandeurs d’emploi qui ont cotisé le nombre de trimestres nécessaire mais qui ne peuvent pas prendre leur retraite, puissent bénéficier d’une allocation particulière. J’ai donc soutenu en commission et je continue de soutenir l’amendement n° 143, car on ne peut pas reporter une telle décision. Nous parlons ici de gens qui – passez-moi l’expression – sont dans la mouise. On ne peut pas dire à ces hommes et à ces femmes qui ont de graves difficultés financières, qui ne peuvent pas nourrir leurs enfants tous les jours, que l’on étudiera le problème au mois de mars ou de juin prochain. Je sais que le dispositif risque peut-être de faire des envieux, mais le public visé est précisément défini et composé d’un petit nombre de personnes qui ont été pénalisées par l’ATS et la réforme des retraites. Je crois donc qu’il faut accepter cet amendement, monsieur le ministre.

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Liebgott.

M. Michel Liebgott. La situation est un peu difficile, mais les choses sont relativement simples. Chaque année, dans cet hémicycle, nous avons déposé des amendements visant à rétablir l’AER, en protestant contre sa suppression par la droite. La position de Jean-Patrick Gille est tout à fait cohérente. On ne nous fera pas croire, monsieur le ministre, qu’on ne connaît pas les chiffres, à moins que l’administration ne suive pas la situation de l’emploi ou que la réforme des retraites mise en œuvre par la droite n’ait pas atteint ses objectifs. En revanche, je peux concevoir que le gage ne soit pas satisfaisant et qu’il nous faille retirer l’amendement, car il pénaliserait d’autres dispositifs.

En tout état de cause, vous ne pouvez nous répondre que vous ne savez pas, monsieur le ministre. D’ailleurs, il y a toujours une discussion, chiffres à l’appui, avec les organisations syndicales – et les années précédentes, on savait pertinemment combien de gens allaient entrer dans le dispositif.

Pensez-vous être en mesure de nous indiquer, dans le délai de deux ou trois semaines qui nous sépare de la deuxième lecture, le nombre exact de personnes concernées et la position des organisations syndicales sur ce point ? À défaut, nous serons obligés de maintenir cet amendement d’appel, pour obtenir une réponse beaucoup plus précise que celle qui nous est faite aujourd’hui.

Les 70 000 personnes concernées – il y en a peut-être plus, peut-être moins – sont dans une situation très difficile, et rien ne justifie que nous changions de position par rapport à ce que nous disons depuis dix ans.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Michel Sapin, ministre. J’ai été parlementaire dans l’opposition, et je me rappelle parfaitement avoir défendu les mêmes positions que celles qui viennent d’être exposées – des positions au demeurant tout à fait justifiées. Je suis d’ailleurs toujours un peu dubitatif quand on vient défendre une mesure remettant en cause ce que l’on a précédemment accepté, fût-ce de façon globale et implicite, par le vote d’un budget – mais je respecte tous les points de vue, et je peux aussi comprendre que l’on regrette d’avoir agi de telle ou telle manière.

Ma position n’est pas simple, car j’avoue ne pas être en mesure, à ce jour, d’accepter une proposition qui ne me paraît pas de nature à régler la situation des personnes concernées – des personnes en très grande difficulté, comme cela a été dit.

Il y a, d’abord, la question du gage. Si je suis en mesure de proposer un gage différent sur les autres amendements, je ne le peux pas pour celui-ci. Or, le gage que vous proposez consiste à supprimer des outils absolument nécessaires. Je suis persuadé que l’adoption de cet amendement provoquerait des réactions extrêmement négatives auxquelles vous seriez tous confrontés : la minoration des crédits destinés à NACRE se traduirait par la suppression d’aides à certaines personnes – la règle est dure, mais vous la connaissez aussi bien que moi : quand on veut augmenter une dépense, il faut en diminuer une autre du même montant.

Mme Marie-Christine Dalloz. Bien sûr !

M. Michel Sapin, ministre. Nous aurions donc tous à assumer les conséquences d’un gage portant sur les crédits de NACRE – moi en tant que ministre, vous en tant qu’élus, sur vos territoires respectifs.

Par ailleurs, M. Liebgott s’étonne que je ne connaisse pas les chiffres. Or, c’est un fait, nous ne connaissons pas les effets positifs du décret rétablissant partiellement la retraite à 60 ans au titre des carrières longues. Ce décret étant entré en vigueur le 1er octobre, mon administration n’est pas encore en mesure de me fournir les données statistiques permettant de savoir combien de personnes vont effectivement y trouver une solution s’appliquant à leur situation.

Pour reprendre l’expression employée par M. Gille, vous avez mis le pied dans la porte. Vous avez eu raison de le faire, et je joins mon pied au vôtre, car il serait insupportable de considérer que la situation est close, que le problème n’existe pas. En réalité, le problème est crucial, parfois même vital, et nous devons lui trouver très rapidement une solution, mais une solution globale.

Le dernier point que je veux évoquer est d’ordre technique. Alors que vous votez sur des crédits, nous n’avons pas le dispositif législatif correspondant. Il ne suffit pas de voter des crédits : il faut aussi modifier la loi pour permettre la mise en œuvre de ces crédits. Si vous votiez des crédits que je serais incapable de mettre en œuvre juridiquement par la suite, le pied que vous mettez dans la porte serait virtuel. Pour ma part, je préfère qu’il soit réel.

(Les amendements identiques nos 143 et 265 ne sont pas adoptés.)

Mme Marie-Christine Dalloz. Nous avons sauvé le ministre ! (Sourires.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur spécial, pour soutenir l’amendement n° 288.

M. Christophe Castaner, rapporteur spécial. L’amendement n° 288 vise à permettre de renforcer les crédits affectés à la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences. Ces crédits s’élèvent à 60 millions d’euros pour 2013, alors qu’ils atteignaient 97 millions d’euros l’année précédente.

Nous proposons par conséquent d’inscrire 15 millions d’euros supplémentaires pour ce dispositif, dont l’ambition est d’anticiper les mutations économiques en incitant et en aidant les entreprises, en particulier les petites et moyennes entreprises, à agir en faveur des salariés qui possèdent généralement le plus bas niveau de qualification.

La GPEC a prouvé son efficacité, notamment en prévenant des licenciements le plus en amont possible, ou encore en insistant sur la formation continue des salariés. Un tel dispositif me paraît mériter la rallonge budgétaire de 15 millions d’euros que nous proposons.

Je proposais initialement que ce dispositif soit gagé sur le dispositif « zéro charge », dont l’abondement nous semblait pouvoir supporter un prélèvement. Toutefois, l’amendement n° 378 du Gouvernement, que nous avons adopté il y a quelques instants, pourrait aussi permettre d’assurer le financement de la mesure proposée.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. Je suis plus à l’aise, cette fois, pour dire que je suis d’accord avec la préoccupation exprimée et la volonté d’augmenter de 15 millions d’euros les crédits en faveur de la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences. Cette mission sera d’ailleurs, je l’espère, renforcée dans le cadre des négociations sur la sécurisation de l’emploi. En effet, une meilleure gestion prévisionnelle des emplois et des compétences constitue justement un élément d’anticipation indispensable si l’on veut diminuer les difficultés pouvant survenir dans les entreprises.

Je suis d’accord sur le fond ainsi que sur le montant proposé. Pour ce qui est du gage, je ne suis pas d’accord pour qu’il porte sur le dispositif « zéro charge » mais, comme l’a dit M. le rapporteur spécial, le vote de l’amendement n° 378 ouvre une autre possibilité, celle de gager la mesure à l’intérieur du même programme. Dès lors, votre amendement se trouve satisfait et n’a donc plus d’objet.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Christophe Castaner, rapporteur spécial. Madame la présidente, sur la base de l’engagement pris à l’instant par M. le ministre, je retire mon amendement.

(L’amendement n° 288 est retiré.)

Mme la présidente. Je suis saisie de quatre amendements identiques, nos 145, 264, 278 et 286.

La parole est à M. le rapporteur pour avis pour l’emploi, pour soutenir l’amendement n° 145.

M. Jean-Patrick Gille, rapporteur pour avis. L’amendement n° 145, adopté par la commission des affaires sociales, propose de majorer de 10 millions d’euros la dotation au titre de l’aide au poste versée aux entreprises d’insertion, acteurs majeurs du secteur de l’insertion par l’activité économique. Ces entreprises ayant un fort potentiel de création d’emplois sont aujourd’hui limitées à 14 500 autorisations. Par ailleurs, elles sont confrontées à des difficultés dans la mesure où l’aide au poste, d’un montant de 9 681 euros par an et par équivalent temps plein, n’a connu aucune réévaluation depuis 2002.

Je propose par conséquent d’augmenter de 10 millions d’euros la dotation globale au dispositif, qui s’élève en l’état à 140 millions d’euros. Cela permettrait au dispositif de concerner 15 000 postes, à raison de 10 000 euros par poste.

De nouveau se pose le problème du gage. Je n’avais, lorsque j’ai déposé l’amendement n° 145, pas trouvé d’autre solution que de le gager sur le dispositif NACRE. M’étant rendu compte du problème que cela pouvait poser, j’ai déposé un amendement identique, n° 278, dont le gage porte sur le dispositif « zéro charge » pour les TPE embauchant un jeune, actuellement en voie d’extinction.

Mme la présidente. La parole est à M. Christophe Cavard, pour soutenir l’amendement n° 264.

M. Christophe Cavard. L’amendement n° 264 est identique à celui que vient de soutenir M. Gille. Je ne prends la parole que pour m’associer à ce qui vient d’être dit au sujet du gage : un gage portant sur le dispositif « zéro charge » semble effectivement plus satisfaisant.

Mme la présidente. Je peux considérer que l’amendement n° 278 a déjà été défendu ?

M. Jean-Patrick Gille, rapporteur pour avis. Oui, madame la présidente.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur spécial, pour soutenir l’amendement n° 286.

M. Christophe Castaner, rapporteur spécial. Le sujet de l’insertion par l’activité économique est complexe, ne serait-ce que par la multiplicité de ses financements. Pour le budget 2013, 772 millions d’euros sont mobilisés pour l’insertion par l’activité économique, dont 197 millions d’euros en crédits fléchés et 550 au titre des contrats aidés, ainsi que de très nombreux financeurs. J’en profite, monsieur le ministre, pour souligner la nécessité d’une réforme globale de l’IAE, dont les acteurs sont actuellement très fragilisés.

La question du nombre et du montant des aides mérite d’être posée. Ainsi, l’aide au poste n’a pas été revalorisée depuis 2002 – depuis 2005 en ce qui concerne les entreprises de travail temporaire d’insertion. Plus globalement, il est important de faire évoluer le dispositif pour passer d’une approche quantitative, notamment sur les sorties vers l’emploi, à une approche qualitative. Cela peut justifier un abondement supplémentaire de 10 millions d’euros.

L’amendement que j’ai déposé visait à éviter le gage sur NACRE pour le faire porter sur le dispositif « zéro charge ». Cela étant, puisque nous venons de faire des économies sur le dispositif « zéro charges » en fléchant l’amendement précédent sur le dispositif ZRR, je ne doute pas que nous puissions financer cet amendement de la même façon.

Je précise que l’avis de la commission est évidemment favorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur ces quatre amendements ?

M. Michel Sapin, ministre. Ces quatre amendements ont le même objet, à savoir renforcer les moyens de l’insertion par l’activité économique, ce qui me paraît bienvenu. Comme cela a été dit, le montant de l’aide au poste n’a pas bougé depuis des années, depuis 2001 pour être précis, ce qui n’est pas sans poser de graves problèmes aux entreprises concernées.

J’ai réuni dernièrement – hier ou avant-hier – l’ensemble des acteurs de l’IAE afin d’évoquer leurs besoins, leurs problèmes, mais aussi leur mission, fondamentale pour permettre à certaines personnes de faire face à des situations extrêmement difficiles, le tout dans un contexte économique où les questions de rentabilité, de recherche de marchés, de satisfaction du client, ne sont évidemment pas absentes.

Je suis favorable à ce que nous augmentions, comme il est proposé, les crédits affectés à cette mission. Je suis également déterminé à ce que l’on puisse aboutir à une réforme du dispositif, tellement compliqué en l’état actuel que je serais bien incapable de vous le décrire de façon complète. Il est complexe, varié, changeant, bref, incompréhensible pour toute personne normalement constituée. Seuls quelques grands spécialistes, tels ceux qui se trouvent sur les bancs derrière moi pour m’assister, s’y retrouvent – encore leur arrive-t-il d’avoir du mal à se comprendre entre eux ! (Sourires.) Une réforme est donc nécessaire, non pas pour diminuer les moyens, mais pour simplifier le dispositif en vue d’une efficacité renforcée.

L’inspection générale des finances et l’inspection générale des affaires sociales travaillent actuellement sur cette question, et devraient nous faire prochainement des propositions de réformes. Je leur ai fait part de la bienveillance avec laquelle je pourrais accueillir un amendement de cette nature, en leur disant que l’on pouvait considérer les 10 millions d’euros supplémentaires comme étant 10 millions d’euros de réserves pour réforme à venir. Dans le cadre de la réforme à venir, ces 10 millions d’euros seront en effet les bienvenus pour permettre, d’une manière ou d’une autre, d’augmenter les crédits à l’appui des entreprises et des postes créés dans ces entreprises.

Je suis donc favorable à ces amendements, madame la présidente, étant précisé qu’en ce qui concerne le gage, je suis favorable à celui prévu par les amendements nos 278 et 286, qui me paraît le plus adapté.

Mme la présidente. Si je suis bien votre raisonnement, monsieur le ministre, vous êtes favorable aux amendements nos 278 et 286, et défavorable aux deux précédents, dont le gage est différent. Monsieur le rapporteur pour avis, retirez-vous l’amendement no 145 ?

M. Jean-Patrick Gille, rapporteur pour avis. En retirant l’amendement no 145 au profit du n278, je ne pense pas trahir l’esprit qui était celui de la commission. Nous avons trouvé un meilleur gage, qui a l’agrément du ministre.

Si je partage votre recherche d’une démarche qualitative, monsieur le ministre, j’insiste sur la nécessité de donner un signe dès aujourd’hui. J’ai bien entendu votre argument selon lequel il s’agissait d’une provision pour la réforme, mais les entreprises d’insertion attendent que l’on augmente dans les meilleurs délais le montant de l’aide au poste. Il existe, sur le terrain, des associations capables de créer des postes supplémentaires dès maintenant. Il serait dommageable de ne pas les y autoriser rapidement.

(L’amendement n° 145 est retiré.)

Mme la présidente. La parole est à M. Christophe Cavard.

M. Christophe Cavard. Ces amendements découlent du débat que nous avions eu sur les emplois d’avenir. Le secteur concerné, qui relève du droit privé des entreprises, avait sollicité auprès du Gouvernement et des parlementaires la possibilité de disposer des emplois d’avenir dans les conditions associatives. Tout en reconnaissant le problème qu’a consisté le moratoire de dix ans sur la revalorisation du montant de l’aide au poste, nous avions expliqué que les emplois d’avenir avaient une autre vocation et que le dispositif n’était pas adapté. D’où l’intérêt d’adopter de tels amendements ce soir. Je retire l’amendement no 264, au bénéfice de l’amendement no 278 proposé par Jean-Patrick Gille, dont le gage est plus adapté.

(L’amendement n° 264 est retiré.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson.

M. Jean-Frédéric Poisson. Ayant pris acte du retrait des amendements nos 145 et 264, nous voterons contre les amendements nos 278 et 286, pour deux raisons. Depuis la tribune, je vous ai interpellé, monsieur le ministre, sur la question des stratégies de filières, prévues par le rapport Gallois. Il y aura évidemment dans ces stratégies de filières, menées sous l’égide des grands groupes industriels, des déclinaisons en termes de formation et de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences. L’inverse serait inimaginable. Mais ne pourrait-on pas attendre que les négociations de filières et de branches aboutissent, avant de d’abonder davantage ces crédits publics ?

Par ailleurs, nous sommes surpris que l’on sacrifie ici un dispositif qui concerne l’emploi des jeunes et leur entrée dans les petites entreprises. Cela nous semble décalé, sinon paradoxal, compte tenu des priorités affichées par le Gouvernement en matière d’emploi des jeunes.

Mme la présidente. La parole est à M. Arnaud Richard.

M. Arnaud Richard. Il est effectivement gênant d’accorder un financement avant même d’avoir entrepris de réformer ! Je dois dire qu’après les propos que vous avez tenus sur la démocratie parlementaire et la démocratie sociale, vous vous prenez un peu les pieds dans le tapis, monsieur le ministre, en acceptant ces amendements ! Conduisez d’abord la réforme de la filière d’insertion : même si beaucoup de choses ont été faites grâce au plan de cohésion sociale, il est certainement nécessaire d’augmenter le nombre de postes, de revaloriser, de renforcer la qualité des actions d’accompagnement. Nous pourrons alors voter des crédits supplémentaires pour cette filière, qui en a évidemment besoin.

M. Michel Sapin, ministre. Pourrais-je ajouter une précision, madame la présidente ?

Mme la présidente. Tout à l’heure. Je vous rappelle que les parlementaires ont le dernier mot avant le vote. C’est comme ça, monsieur le ministre, la démocratie parlementaire.

(Les amendements identiques nos 278 et 286 sont adoptés.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Michel Sapin, ministre. Merci infiniment, madame la présidente, de donner la parole au Gouvernement – qui peut la prendre à tout moment, en vertu de la Constitution.

Je veux juste apporter une précision à M. Poisson, qui s’inquiétait des conséquences du gage. La diminution des crédits en direction des petites entreprises n’aura aucun effet puisqu’il s’agit d’un dispositif que vous aviez mis en extinction. L’évaluation que nous faisons aujourd’hui des crédits nécessaires est inférieure à ce que nous avions prévu au moment de l’élaboration initiale du projet de loi de finances. Je vous rassure donc : ce gage n’aura aucune conséquence négative sur les personnes et les dispositifs concernés.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Patrick Gille, rapporteur pour avis, pour soutenir l’amendement no 141.

M. Jean-Patrick Gille, rapporteur pour avis. Cet amendement vise à majorer de 2 millions d’euros la dotation aux dispositifs locaux d’accompagnement, les DLA, qui bénéficieront déjà de 10,4 millions d’euros en 2013. La prise en compte de la dimension territoriale est indispensable pour le développement au niveau local des outils de l’insertion professionnelle et, de manière générale, pour la politique de l’emploi. C’est le rôle des DLA que d’apporter une ingénierie, un accompagnement aux associations et aux structures de l’insertion par l’activité économique, qui seront, pour une très large part, les employeurs des emplois d’avenir.

Ces 2 millions d’euros supplémentaires permettront d’impliquer fortement les DLA dans le dispositif des emplois d’avenir ; ils mobiliseront ainsi les structures associatives et les structures de l’économie sociale et solidaire. Le gage porte sur les contrats initiative-emploi, les CIE, mais j’attends, sur ce point, l’avis du Gouvernement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. Effectivement, je ne souhaite pas voir diminuer les crédits consacrés aux CIE. En revanche, je suis favorable à ce que l’on augmente les moyens dans les conditions que vous avez décrites, avec le même dispositif que celui adopté précédemment, grâce aux économies dégagées par la limitation du champ de l’exonération de cotisations sociales dont bénéficient les organismes d’intérêt général ayant leur siège social dans les ZRR. Je vous propose que le mouvement de crédits internes au programme 103, qui interviendra en gestion, puisse jouer. Dès lors, il n’y a pas lieu de modifier le montant global des crédits des programmes 103 ou 102. Je vous demande donc de bien vouloir retirer votre amendement, au bénéfice de l’engagement du Gouvernement de modifier dans le sens que vous avez prévu les crédits nécessaires.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Patrick Gille, rapporteur pour avis.

M. Jean-Patrick Gille, rapporteur pour avis. Je retire cet amendement au nom de la commission…

M. Jean-Frédéric Poisson. Vous avez dit tout à l’heure que vous ne pouviez pas retirer un amendement de la commission !

M. Jean-Patrick Gille, rapporteur pour avis. Ce n’est pas du tout le même cas de figure. Lors de la discussion de l’amendement n° 143, le problème qui était soulevé n’avait pas trouvé sa solution. En revanche, le Gouvernement vient d’indiquer que l’amendement n° 141 serait satisfait, puisque les 2 millions seront crédités. Je retire l’amendement.

(L’amendement n° 141 est retiré.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 142 et 287.

La parole est à M. Jean-Patrick Gille, rapporteur pour avis, pour soutenir l’amendement no 142.

M. Jean-Patrick Gille, rapporteur pour avis. Cet amendement propose de remettre à niveau la dotation du fonds d’insertion professionnelle des jeunes, le FIPJ. Nous avons été quelque peu surpris, à la lecture du projet de budget, de constater qu’1,4 million d’euros avaient mystérieusement disparu. Mais j’invite mon collègue Christophe Castaner à défendre son amendement, identique au mien.

Mme la présidente. La parole est à M. Christophe Castaner, rapporteur spécial, pour soutenir l’amendement no 287.

M. Christophe Castaner, rapporteur spécial. Je voudrais signaler à l’opposition que le retrait de l’amendement précédent, justifié par un engagement du Gouvernement, n’a rien à voir avec le non retrait de l’amendement n° 143, qui était un acte politique courageux de Patrick Gille, qui a ainsi assumé sa ferme opposition au ministre.

Comme mon collègue Gille vient de le signaler, nous avons beaucoup insisté sur la nécessité de l’accompagnement renforcé, en particulier lorsque nous avons évoqué Pôle emploi. C’est dans cet esprit qu’il convient de souligner l’importance du FIPJ, qui accompagne les jeunes les plus éloignés de l’emploi. Ce fonds permet de prendre en compte de nombreux obstacles périphériques au retour à l’emploi, comme le logement, le transport ou la garde des enfants. Il s’agit d’un outil particulièrement important. La différence entre nos deux amendements ne porte pas sur le fond, mais sur le gage. Je vous propose de rétablir les crédits de 1,4 million et de les gager sur le dispositif « zéro charge ».

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur ces amendements identiques, mais dont le gage est différent ?

M. Michel Sapin, ministre. Le Gouvernement est favorable à l’amendement no 287, pour les crédits qu’il augmente et le gage qu’il propose.

Mme la présidente. M. le rapporteur pour avis, maintenez-vous votre amendement ?

M. Jean-Patrick Gille, rapporteur pour avis. Si j’ai laissé la parole à mon collègue, rapporteur spécial, ce n’était pas uniquement par sympathie… J’estime que la commission des finances a trouvé un meilleur gage que celui que nous proposions et qui portait sur NACRE – il ne nous satisfaisait pas, mais nous n’avions pas trouvé mieux.

Nous nous rallions donc à l’amendement no 287 et je retire l’amendement no 142.

(L’amendement n° 142 est retiré.)

(L’amendement n° 287 est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix les crédits de la mission « Travail et emploi » inscrits à l’état B, amendés.

(Les crédits de la mission « Travail et emploi » inscrits à l’état B, amendés, sont adoptés.)

Article 71 (précédemment réservé)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 102 et 186, tendant à la suppression de l’article 71.

La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement no 102.

M. Jean-Frédéric Poisson. L’article 71 prévoit purement et simplement la suppression d’un certain nombre d’aides destinées à la création ou à la reprise d’entreprise. Dans le contexte actuel et compte tenu du fait que, dans tous les secteurs d’activité, les entreprises ont du mal à retrouver des repreneurs, la volonté de créer ou de reprendre des entreprises doit être plutôt soutenue que découragée. La suppression de ces aides est déraisonnable, et elle est en décalage par rapport aux besoins de l’heure. C’est la raison pour laquelle nous proposons cet amendement de suppression.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l’amendement n°186.

Mme Marie-Christine Dalloz. Faisant le constat que nous manquons aujourd’hui de repreneurs et créateurs d’entreprises, et qu’il existe parallèlement des salariés souhaitant reprendre ou créer une micro-entreprise ou une petite entreprise, je pense que le dispositif que nous avions instauré sous la précédente législature a tout son sens. Il permet de soutenir la création d’entreprises, ce que le Gouvernement ne semble manifestement pas vouloir admettre. Cet amendement a donc pour objectif de conserver le dispositif existant, et par conséquent de supprimer l’article 71.

M. Jean-Frédéric Poisson. Très bien !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe Castaner, rapporteur spécial. Il ne faut pas donner une mauvaise interprétation de la proposition faite par le Gouvernement de supprimer le dispositif d’exonération de cotisations sociales pour les salariés créateurs ou repreneurs d’entreprises, car ce dispositif créé en 2003 a montré toutes ses limites.

Certes, il avait pour but de faciliter les transitions et les cumuls entre les différents statuts et les différentes situations professionnelles. Mais il ne faut pas chercher dans cette proposition une motivation budgétaire : une économie de 4 millions d’euros constituerait un faible rendement.

Il s’agit seulement de simplifier le dispositif en évitant la superposition d’outils. Outre le statut d’auto-entrepreneur, il existe en effet le statut ACRE, l’aide aux chômeurs créant ou reprenant une entreprise, et le statut NACRE, dont nous avons déjà parlé. Ces mesures sont largement plus efficaces.

À titre d’exemple, en 2012, on dénombrait 359 700 auto-entrepreneurs, alors que nous n’accompagnons dans ce dispositif que 2 000 bénéficiaires. Nous constatons donc aujourd’hui que ce dispositif ne fonctionne plus, et qu’il est important de simplifier l’ensemble des outils en faveur de la création et de la reprise d’entreprise.

Vous avez entendu nos propos concernant le dispositif de nouvel accompagnement pour la création et la reprise d’entreprise ; vous ne pouvez donc faire de procès ni au rapporteur ni au Gouvernement sur ce sujet.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. Même avis.

Mme la présidente. La parole est à M. Arnaud Richard.

M. Arnaud Richard. Le groupe UDI soutient cet amendement visant à conserver une disposition qui a vocation à encourager la création et la reprise d’entreprises par des salariés autorisés à cumuler une activité salariée avec une activité indépendante, tout en étant exonérés de cotisations sociales.

Cette mesure a pour objectif d’inciter à la création et à la reprise d’entreprises, notamment artisanales. Or, quoi qu’en dise le rapporteur de la commission des finances, le régime d’auto-entrepreneur ne se substitue en aucun cas à ce dispositif,…

Mme Marie-Christine Dalloz. Très bien !

M. Arnaud Richard. …mais le complète en visant un public plus large que celui des salariés, et en instaurant une forfaitisation des charges fiscales et sociales.

Dans le contexte économique actuel, il me semble délicat, surtout si le rendement de cet article du projet de loi de finances n’est que de 4 millions d’euros, de se passer d’un dispositif qui aura tout de même permis d’aider 2 000 chefs d’entreprises potentiels l’an dernier.

(Les amendements identiques nos 102 et 186 ne sont pas adoptés.)

(L’article 71 est adopté.)

Mme la présidente. J’appelle maintenant les crédits du compte d’affectation spéciale « Financement national du développement et de la modernisation de l’apprentissage » inscrits à l’état D.

État D

Compte d’affectation spéciale « Financement national du développement et de la modernisation de l’apprentissage »

Mme la présidente. Sur ces crédits, je suis saisie de trois amendements identiques, nos 144, 266 et 277 rectifié.

La parole est à M. Gérard Cherpion pour soutenir l’amendement n° 144 au nom de la commission des affaires sociales.

M. Gérard Cherpion, rapporteur pour avis. Cet amendement propose de mettre en place des dispositifs d’accompagnement renforcés pour les jeunes apprentis et leurs maîtres d’apprentissage. Il s’agit de prévenir des ruptures de contrats dues à un manque d’accompagnement de jeunes qui découvrent l’entreprise, et parfois de maîtres d’apprentissage qui ont besoin de référents pour les aider dans la formation de publics parfois difficiles.

À cet égard, la fondation des apprentis d’Auteuil, que nous avons auditionnée, a mené en Alsace une expérience intéressante d’accompagnement d’une vingtaine de jeunes. Sur ces vingt jeunes, seuls deux ont rompu leur contrat, tous les autres ayant obtenu leur CAP dans l’année.

L’accompagnement de ces jeunes est une nécessité. Son coût est relativement faible – même si son poids budgétaire est important – puisqu’il s’établit à 760 euros par jeune. Le financement à hauteur de deux millions d’euros permettrait d’aider environ 2 600 apprentis. Il serait assuré par un transfert des crédits de l’action n° 1 « Contrats d’objectifs et de moyens pour le développement et la modernisation de l’apprentissage » du programme 788 – ce transfert est envisageable puisque les régions seront chargées de mettre en œuvre ce dispositif – vers l’action n° 2 « Actions nationales de communication et de promotion de l’apprentissage » du programme 789 « Incitations financières en direction des entreprises respectant les quotas d’alternance ».

Mme la présidente. La parole est à M. Christophe Cavard, pour soutenir l’amendement n° 266.

M. Christophe Cavard. Cet amendement est légèrement différent.

Je reprendrai les propos que j’ai tenus en commission sur ce sujet à M. le rapporteur pour avis. Je tiens du reste à lui rendre hommage, car il est à l’origine de cet amendement, sur lequel nous étions tous d’accord.

Dans l’exemple cité, l’accompagnement est assuré par un personnel très ciblé, composé d’éducateurs spécialisés. Certes, cet exemple ne signifie pas qu’il en irait de même dans le cadre d’une généralisation de ce dispositif ; mon amendement vise néanmoins à autoriser tous les professionnels aptes à ce type d’accompagnement à assurer le suivi des jeunes bénéficiaires. Le rapporteur pour avis lui-même avait, me semble-t-il, donné son accord de principe sur cette proposition.

Enfin, cette expérimentation aujourd’hui limitée et dont nous espérons des résultats positifs pourrait être généralisée demain. La difficulté serait alors de savoir comment répartir le financement entre nos territoires. Je propose donc, si le M. le rapporteur pour avis en est d’accord, de déterminer le « droit de tirage » des régions en se basant sur la proportion d’apprentis présents dans chacune d’elles, rapporté au nombre total des apprentis.

Cette proposition, peut-être un peu bancale, permet de maîtriser la répartition de l’ensemble des apprentis dans nos territoires en tenant compte des réalités, et ainsi d’intégrer les prescripteurs dans la mise en œuvre de ce dispositif.

Mme la présidente. La parole est à Mme Monique Iborra, pour soutenir l’amendement n° 277 rectifié.

Mme Monique Iborra. Cet amendement propose de mettre en place des dispositifs axés sur l’orientation, puisque toutes les études montrent que les causes de rupture proviennent d’un défaut d’orientation plutôt que d’un défaut d’accompagnement. La loi sur la formation professionnelle n’a malheureusement pas réglé ce problème.

Je souhaite également préciser qu’il existe, au-delà des expérimentations, des politiques de prévention des ruptures menées par les régions. L’exposé sommaire de l’amendement n° 144, ciblé sur le cas particulier d’une région, paraît tout de même un peu insuffisant.

M. Gérard Cherpion, rapporteur pour avis. Il n’était pas ciblé sur une région !

Mme Monique Iborra. Par ailleurs, les expérimentations « Hirsch » faisant suite au Livre vert de 2009 sur la mobilité des jeunes ont donné de bons résultats, mais n’ont pas été poursuivies. Nous proposons donc d’en reprendre le fil et de développer une approche locale, régionale, en associant plus étroitement les centres de formation d’apprentis, les missions locales et les entreprises, sous la coordination de l’État et des conseils régionaux dont c’est la compétence.

Mme Marie-Christine Dalloz. Voilà comment on crée une usine à gaz !

Mme Monique Iborra. Il ne me semble toutefois pas judicieux de déterminer dès maintenant le nombre de bénéficiaires potentiels dans la mesure où des spécificités régionales existent. De plus, cette expérimentation doit pouvoir se combiner et s’articuler avec les politiques mises en place par les conseils régionaux.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission des finances ?

M. Christophe Castaner, rapporteur spécial. Je m’en tiendrai strictement à l’avis de la commission des finances pour ne pas avoir à pratiquer l’exégèse des termes employés par les uns et les autres.

Ce dispositif d’accompagnement renforcé des apprentis et de leurs maîtres d’apprentissage est un sujet majeur, dont l’enjeu est d’éviter les ruptures de contrats. Il est proposé un dispositif expérimental pour un montant qui peut effectivement être gagé dans de bonnes conditions.

Je ne me prononcerai pas sur les différences entre ces trois amendements. La proposition financière ne posant techniquement pas de problème, la commission a émis un avis favorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Thierry Repentin, ministre délégué. J’ai indiqué en commission, le 30 octobre dernier, que je n’étais pas défavorable sur le fond à un amendement dont la philosophie tendrait à faire progresser la qualité de l’apprentissage. Il est ainsi envisageable d’affecter des fonds à un meilleur encadrement de certains apprentis dont le profil justifie parfois qu’ils soient un peu plus accompagnés que d’autres, par exemple sous la forme d’un tutorat ou d’une maîtrise d’apprentissage.

Des expériences de ce type sont déjà menées dans plusieurs régions, notamment à la suite de la publication du Livre vert de 2009 sur la mobilité des jeunes, auquel Mme Iborra a fait allusion.

Il paraît intéressant, dans cette optique, d’étendre ce dispositif de lutte contre les ruptures des contrats d’apprentissage à d’autres régions et secteurs d’activité. En effet, le taux de rupture s’établit autour de 18 %, avec de grandes disparités selon le secteur d’activité et le diplôme préparé.

L’accompagnement renforcé des apprentis est donc de nature à sécuriser le parcours du jeune engagé dans la voie de l’apprentissage. Il contribue également à la promotion de l’apprentissage auprès de ce public en proposant un accompagnement de proximité susceptible de l’aider en cas de difficultés.

Les trois amendements qui nous sont présentés, l’un par la commission des affaires sociales à l’initiative de M. Cherpion, le deuxième par le groupe SRC et plus particulièrement Mme Iborra, Mme Bouziane et M. Gille, et le dernier par M. Cavard au nom du groupe écologiste, se rejoignent au mot près : même s’ils diffèrent dans leurs exposés sommaires, ils partagent en effet la même philosophie.

Ainsi que l’a souligné Mme Iborra, il est essentiel que les régions s’impliquent dans le développement de ces projets et donc dans la répartition consécutive des financements. Je rappelle encore une fois le rôle majeur d’animation joué par les conseils régionaux en matière de formation et d’alternance.

Pour aller plus loin, le projet de loi de décentralisation que portera Mme Lebranchu devant la représentation nationale au cours du premier semestre 2013 renforcera encore le rôle des régions en matière de formation et d’apprentissage.

En conclusion, le financement via le compte d’affectation spéciale « Financement national du développement et de la modernisation de l’apprentissage » est pour le moins justifié. Ces expérimentations n’étant réservées à aucun secteur ni aucun organisme pré-désigné, contrairement à ce que j’ai pu entendre, j’émets donc un avis favorable à ces amendements.

Je vous donne naturellement rendez-vous lors de l’examen de la loi de finances pour 2014 pour faire le bilan de cette mesure et vérifier si elle remplit bien ses objectifs.

Je souhaite que ce dernier vote recueille l’accord unanime des parlementaires dans cet hémicycle.

Mme la présidente. La parole est à M. Arnaud Richard.

M. Arnaud Richard. En cette fin de journée – et nous sommes jeudi, le jour des enfants (Sourires) –, nous allons voter ces amendements, et ce pour plusieurs raisons.

La première tient à la qualité du travail fourni par le réseau de la fondation d’Auteuil – en Alsace ou ailleurs, madame Iborra. Même si j’entends votre argument, qui me paraît parfaitement fondé, il me semble toujours préférable de mettre en place des dispositifs locaux reposant sur le tissu associatif, à l’instar de la fondation d’Auteuil, plutôt que de créer de grands dispositifs nationaux qui fonctionnent mal.

Cet amendement masque toutefois le faible succès du fonds d’expérimentation pour la jeunesse géré par Mme Fourneyron. J’ai hâte de connaître les conclusions de l’analyse, annoncée par le Gouvernement pour début janvier, des actions de ce fonds – dans lequel devrait logiquement figurer ce type de dispositif. On sait par ailleurs quel est le succès du service civique initié par M. Martin Hirsch.

Ce bel arbre que constitue l’expérimentation de la Fondation des apprentis d’Auteuil ne cache-t-il pas une absence de politique de la jeunesse, en particulier en ce qui concerne l’apprentissage ?

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson.

M. Jean-Frédéric Poisson. Quelques mots pour apporter mon soutien vigoureux à l’amendement de la commission des affaires sociales, qui est le résultat d’un travail collectif.

En réalité, quand on s’interroge sur les causes véritables de la rupture des contrats d’apprentissage, on s’aperçoit que, la plupart du temps, elles sont dues à la fois au défaut d’orientation et au manque d’accompagnement. Le dispositif prévu dans cet amendement est tout à fait propice à améliorer les relations entre le maître d’apprentissage et son apprenti, en particulier quand les situations sont délicates et Dieu sait s’il y en a malheureusement. Bienvenue à ce dispositif !

Tout en faisant parfaitement droit aux observations formulées par nos collègues lorsqu’ils ont défendu des amendements identiques, je n’ai pas vu dans l’amendement de la commission des affaires sociales une forme d’exclusivité à l’égard d’un organisme et d’une région en particulier. Son exposé sommaire indique même le contraire, au point qu’un de ses paragraphes a été repris mot pour mot dans les autres amendements.

Je peux comprendre les réserves qui ont été émises, mais force doit rester au texte de la commission des affaires sociales. Voilà pourquoi nous le soutiendrons.

Mme Marie-Christine Dalloz. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Cherpion, rapporteur pour avis.

M. Gérard Cherpion, rapporteur pour avis. Nous sommes tous d’accord sur le dispositif. La différence est seulement d’ordre sémantique.

L’exposé sommaire de l’amendement de la commission s’appuie sur un exemple, celui de la Fondation des apprentis d’Auteuil. Mais, bien évidemment, s’il est adopté, le dispositif ne s’adressera pas uniquement à cet organisme. L’expérimentation qui a été menée par cette fondation nous a été rapportée lors des auditions auxquelles la commission a procédé. Nous avons pu vérifier que le système « Hirsch » était expérimenté ailleurs et qu’il fonctionnait. L’exemple que j’ai cité n’est qu’un exemple parmi d’autres.

Je fais confiance au Gouvernement pour que le décret d’application soit pris de façon que le dispositif puisse s’exercer sur l’ensemble du territoire en fonction des besoins ciblés sur des secteurs particulièrement difficiles, comme l’a indiqué M. Richard.

M. Jean-Frédéric Poisson. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Patrick Gille, rapporteur pour avis.

M. Jean-Patrick Gille, rapporteur pour avis. Je tiens à rassurer Mme Genevard qui a fait tout à l’heure l’éloge de l’apprentissage et qui semblait sous-entendre que la gauche de l’hémicycle y était hostile.

J’ai le bonheur, dans une autre vie qui perdure, d’être président d’un centre de formation d’apprentis…

M. Michel Sapin, ministre. C’est un excellent président d’ailleurs !

M. Jean-Patrick Gille, rapporteur pour avis. … à dominante restauration où le taux de ruptures était de 40 %, les ruptures ayant lieu souvent dès le début du contrat en raison d’une mésentente entre l’apprenti et le maître d’apprentissage, mésentente dont on peut trouver parfois les racines dans une mauvaise orientation mais pas seulement. Dans le cadre des expérimentations « Hirsch », nous avons procédé à un travail d’accompagnement, de médiation. Nous nous sommes aperçus que si nous intervenions rapidement, dès l’émergence d’un conflit ou d’une incompréhension, nous parvenions à diviser par deux le taux de rupture. C’est une manière d’améliorer les chiffres de l’apprentissage, d’éviter que toute une série de contrats n’aillent pas jusqu’à leur terme.

Finalement, nous sommes tous d’accord pour dire qu’il faut continuer à inscrire 2 millions d’euros sur ce programme. La question est de savoir comment les utiliser. Pour ma part, je propose la poursuite des expérimentations. Certaines ont déjà été évaluées. Il faudrait maintenant les valider car on ne peut pas procéder indéfiniment à des évaluations. Sans vouloir vous lasser, je reprends l’exemple de mon CFA, où une expérimentation dure depuis dix-sept ans.

Mme Marie-Christine Dalloz. Elle sera majeure l’année prochaine ! (Sourires.)

M. Jean-Patrick Gille, rapporteur pour avis. Comme l’éducation nationale ne veut pas la reconnaître, on continue d’expérimenter ! Pour notre part, nous considérons que cette « expérimentation » a aujourd’hui une certaine validité.

Monsieur le ministre, il est temps de valider les expérimentations qui ont été mises en place. Peut-être pourrait-on ainsi distraire une partie de ces 2 millions d’euros.

Mme la présidente. La parole est à M. Christophe Cavard.

M. Christophe Cavard. Madame la présidente, j’ai bien entendu la réponse de M. Cherpion s’agissant du décret d’application de ce dispositif. Nous travaillerons tous ensemble puisqu’il semble qu’une unanimité se dégage.

C’est le rapporteur pour avis qui a eu l’initiative de cet amendement. Aussi, je retire le mien.

(L’amendement n° 266 est retiré.)

Mme la présidente. Mme Iborra, maintenez-vous l’amendement n° 277 rectifié ?

Mme Monique Iborra. L’exposé sommaire de mon amendement n’est pas le même que celui de la commission des affaires sociales. Mais comme nous sommes tous d’accord, je pensais qu’il y aurait un vote unique sur les deux amendements.

(Les amendements identiques nos 144 et 277 rectifié sont adoptés.)

Mme la présidente. Je constate que le vote est acquis à l’unanimité. (Applaudissements sur tous les bancs.) Mes chers collègues, vous faites plaisir au ministre délégué, qui avait souhaité recueillir l’unanimité !

Je mets aux voix les crédits du compte d’affectation spéciale « Financement national du développement et de la modernisation de l’apprentissage », inscrits à l’état D, amendés.

(Les crédits du compte d’affectation spéciale « Financement national du développement et de la modernisation de l’apprentissage », amendés, sont adoptés.)

Mme la présidente. Nous avons terminé l’examen des crédits relatifs au travail et à l’emploi.

Mes chers collègues, avant de lever la séance, je voudrais, en votre nom à tous, remercier les personnels de l’Assemblée nationale qui ont accepté, ce matin comme cet après-midi, de faire une séance prolongée. (Applaudissements sur tous les bancs.)

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Ordre du jour de la prochaine séance

Mme la présidente. Prochaine séance, vendredi 10 novembre 2012 à neuf heures trente :

Suite de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2013 :

Recherche et enseignement supérieur ;

Conseil et contrôle de l’État, Pouvoirs publics, Direction de l’action du Gouvernement ;

Administration générale et territoriale de l’État ;

Action extérieure de l’État ;

Écologie, développement et aménagement durables.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures quarante.)