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Edition J.O. - débats de la séance

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2012-2013

Compte rendu
intégral

Première séance du jeudi 29 novembre 2012

SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE

SOMMAIRE


Présidence de Mme Sandrine Mazetier

1. Création de la Banque publique d’investissement Nomination des dirigeants de BPI-Groupe

Présentation commune

M. Pierre Moscovici, ministre de l’économie et des finances

M. Guillaume Bachelay, rapporteur de la commission des finances pour le projet de loi relatif à la création de la Banque publique d’investissement

M. Jean-Jacques Urvoas, président et rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour la proposition de loi organique relative à la nomination des dirigeants de BPI-Groupe

Mme Clotilde Valter, rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques, pour le projet de loi relatif à la création de la Banque publique d’investissement

M. Arnaud Leroy, rapporteur pour avis de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, pour le projet de loi relatif à la création de la Banque publique d’investissement

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Discussion générale commune

M. Jacques Krabal

M. Nicolas Sansu

Mme Valérie Rabault

M. Olivier Carré

M. Michel Zumkeller

M. Éric Alauzet

M. Marc Goua

Mme Marie-Christine Dalloz

M. Olivier Faure

M. Julien Aubert

M. Jean-Marc Germain

Mme Anne-Yvonne Le Dain

M. Yves Censi

M. Thierry Mandon

M. Jean-François Mancel

M. Alain Fauré

M. Philip Cordery

M. Christophe Borgel

2. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de Mme Sandrine Mazetier,
vice-présidente

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1

Création de la Banque publique d’investissement
Nomination des dirigeants de BPI-Groupe

Discussion, après engagement de la procédure accélérée, d’un projet de loi et d’une proposition de loi organique (discussion commune)

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi relatif à la création de la Banque publique d’investissement (nos 298, 433, 397, 399) et de la proposition de loi organique relative à la nomination des dirigeants de BPI-Groupe (nos 349, 419).

La Conférence des présidents a décidé que ces deux textes donneraient lieu à une discussion générale commune.

Présentation commune

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre de l’économie et des finances.

M. Pierre Moscovici, ministre de l’économie et des finances. Madame la présidente, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le président de la commission des affaires économiques, mesdames, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les députés, le projet de loi que je vous présente relatif à la création de la banque publique d’investissement et la proposition de loi organique relative à la nomination des dirigeants de BPI-Groupe matérialisent le premier des soixante engagements du Président de la République. C’est l’un des éléments majeurs de notre dispositif de la reconquête de la compétitivité française. Pour résumer, la BPI, appelons-la ainsi, est le porte-avions du pacte de compétitivité.

Une fois adoptés, ces textes donneront vie à un outil de croissance offensif au service de l’économie réelle, des très petites entreprises, les TPE, des PME, des PME industrielles et des établissements de taille intermédiaire, les ETI, qui veulent se développer. La vocation première de la BPI sera d’apporter un soutien aux entreprises qui ont un projet de croissance, en agissant comme un levier pour les financements privés. La BPI sera une autre banque, une banque différente.

Pour définir les contours et les missions de la BPI, nous nous sommes appuyés sur un diagnostic lucide des faiblesses actuelles du financement de notre tissu productif.

Ces faiblesses sont d’abord financières. En France, les TPE, PME et ETI se financent difficilement à court terme et anticipent un accès plus difficile au crédit bancaire pour leur financement de long terme. Quant à l’accès aux fonds propres, il demeure contraint, notamment pour le développement et l’innovation. Depuis plusieurs années, on constate que le capital-investissement recule en France. Par ailleurs, nous manquons d’instruments efficaces de financement à l’export qui soient compétitifs par rapport à ceux de nos voisins. Il ne faut pas mésestimer ce point : c’est un des facteurs clés de notre déficit de compétitivité.

Ces faiblesses sont également d’ordre institutionnel. L’empilement des outils de financement et des interlocuteurs brouille la lisibilité de l’accès à ces financements. Sur le terrain, peu de chefs d’entreprise arrivent à s’y retrouver dans le maquis des dispositifs de l’État, de la Caisse des dépôts et consignations, des régions et d’autres institutions financières.

Ces faiblesses sont aussi stratégiques. L’éparpillement des dispositifs actuels hypothèque la mobilisation de financements en soutien aux filières d’avenir, aux filières stratégiques. Je ne suis pas le partisan par principe des « grands tout » pour le plaisir de la mécanique institutionnelle, je ne suis pas l’homme des « machins » pour le plaisir de donner son nom à un projet de loi puis à une banque, mais force est de constater que les pouvoirs publics ne sont pas suffisamment capables, même si beaucoup de choses utiles ont été faites en matière, d’articuler leur action de financement des entreprises et d’investissement dans certains secteurs. La réforme que nous proposons devra rétablir un pilotage efficace de l’État pour l’ensemble des instruments de financement au service d’une stratégie commune mise en œuvre par un même opérateur.

Ces faiblesses sont enfin opérationnelles.

À chacune de ces défaillances ou de ces manques, la BPI veut apporter une réponse précise et exigeante.

Concrètement, le projet de loi que vous présente, avec la proposition de loi organique relative à la nomination de ses dirigeants, remplit trois objectifs : créer juridiquement la Banque publique d’investissement, préciser ses missions et déterminer ses modalités de gouvernance, tant au niveau national qu’au niveau régional.

Disons-le d’emblée : donner vie et chair à la BPI représente un effort qui dépassera le cadre de ce texte. Ainsi, les opérations de nature capitalistique d’organisation sont menées en parallèle pour permettre de rendre la Banque publique d’investissement opérationnelle le plus rapidement possible, c’est-à-dire dès le début de l’année 2013. Les équipes sont déjà au travail. Une mission de préfiguration a été confiée à M. Nicolas Dufourcq qui s’en acquitte bien et paye énormément de sa personne. Il a déjà pris de nombreux contacts avec les structures qui composeront la BPI en dehors, et il a une vision claire de la direction que la BPI pourra prendre.

Je souhaite que le premier conseil d’administration se réunisse en janvier : ce serait une marque de la rapidité que je vous invite à imprimer à toute cette affaire. Et autant que faire ce peut, ce serait un beau symbole que ce conseil d’administration ne soit pas parisien, qu’il se réunisse en région : la BPI sera, grâce à vous, la banque des entreprises mais aussi celle des territoires et d’abord celle des régions.

À quoi servira la BPI ? C’est la première question que m’adressent les chefs d’entreprise que je rencontre, dans nos régions, où je me rends souvent.

La BPI, c’est la banque de la croissance française. La BPI, telle que nous la voulons, ce n’est pas une banque comme les autres. C’est d’abord la banque des entreprises, des TPE, des PME-PMI et des ETI de croissance. Son objectif est de leur permettre de se financer, de croître et d’exporter.

La BPI sera un instrument financier global, au sens où elle offrira et distribuera l’ensemble des outils de soutien financier, de conseil et d’accompagnement – j’insiste sur ce dernier point – nécessaires au développement des entreprises : prêts, garanties, financement de l’innovation, financement de l’internationalisation des entreprises, tout cela étant aujourd’hui éclaté entre OSÉO, le FSI, le FSI régions, CDC entreprises, Ubifrance et la COFACE. À terme, nous verrons quel sera le sort de ces établissements, comment ils se rapprocheront ou appartiendront à la BPI. D’emblée, l’idée est que les produits financiers qu’ils mettent en œuvre soient disponibles à la BPI. Voilà pour ses actions.

Est-ce à dire que la BPI fera la même chose que les instruments actuels, simplement en les regroupant ? Non, ce ne sera pas une simple addition. La BPI sera l’outil financier des politiques nouvelles que nous initions, notamment dans le cadre du pacte de compétitivité. Je rappelle qu’elle disposera de plus de 40 milliards d’euros de capacité d’intervention financière. En faisant levier sur le secteur privé – j’insiste sur ce point qui fait l’objet de nombreux amendements –, c’est en fait plus de 70 milliards d’euros qu’elle permettra d’actionner. Ce n’est pas négligeable.

Quelques exemples de cette différence. D’abord, la BPI ne sera pas un guichet passif. Le guichet unique, ce n’est pas le guichet derrière lequel on fait la queue pour remplir des formulaires. La BPI accompagnera individuellement 1 000 PME et ETI à l’export. Ensuite, elle développera de nouveaux services en application du pacte de compétitivité. Je pense au dispositif de trésorerie que nous mettrons en place au 1er janvier : 500 millions d’euros de crédits de trésorerie pour les PME. Je pense aussi au préfinancement du crédit d’impôt recherche ainsi qu’au préfinancement du crédit d’impôt compétitivité emploi pour les PME que le Parlement sera appelé à voter dans les jours qui viennent et que nous avons évoqués hier soir au sein de la commission des finances.

La BPI sera aussi la banque du tissu économique de nos territoires. Elle accompagnera au plus près du terrain celles et ceux qui, hors des grands groupes, sont porteurs de projets de développement, d’expansion ou d’innovation mais qui peinent à trouver des financements sur les marchés, compte tenu des défaillances que j’ai évoquées.

La structure même de la BPI reflète ce souci de servir l’économie réelle et les entreprises de croissance. Banque nationale, la BPI offrira et distribuera ses outils via un réseau unique de directions régionales, au plus près des territoires. Une marque unique, un interlocuteur proche, une offre tout compris : voilà ce qu’est la BPI.

La BPI, c’est aussi la banque de la stratégie industrielle de l’État – et, en l’occurrence, du Gouvernement.

Banque nationale, mais aussi banque publique, la BPI obéira à une logique propre : sa structure permettra de développer le soutien financier aux filières stratégiques pour l’économie du pays – nous avons finalement retenu l’option d’inclure le FSI dans la BPI.

Le pacte de compétitivité a dénombré cinq filières stratégiques. À cet égard, des ressources seront confiées à la BPI au titre du programme d’investissements d’avenir : 2 milliards d’euros seront ainsi consacrés à l’investissement dans les filières stratégiques du pays.

La BPI est enfin un instrument au service de l’avenir et de la croissance.

Je veux le dire ici avec l’expérience mais aussi la fermeté d’un élu d’une région qui connaît une profonde mutation industrielle : la BPI est un moteur, pas une roue de secours. Ce serait d’ailleurs contraire au droit européen – n’oublions pas que nous discutons de la compatibilité du projet que nous défendons avec les règles européennes. Il y a une phrase de Talleyrand que j’aime bien : « Il n’y a plus de sauveurs de la patrie, ils ont gâté le métier ». Ne donnons pas nous-mêmes l’impression que la BPI viendra sauver toutes les entreprises de France : ce n’est pas son rôle. Cela ne veut pas dire que nous ne devons pas traiter, et bien traiter, les cas des entreprises en difficulté – je ne fais allusion à aucune en particulier, mais à toutes en général. Mais d’autres outils, d’autres interlocuteurs sont là pour répondre à ces défis.

Il y a d’abord des politiques nationales pour prévenir les difficultés : c’est pour aider la trésorerie des entreprises que j’ai, par exemple, lancé un plan de lutte contre les délais de paiement excessifs. Des délais de paiement plus courts, ce sont des manques de trésorerie en moins, ce sont souvent des faillites évitées.

Il y a ensuite les outils de prévention. Je proposerai dans quelques jours la nomination d’un nouveau médiateur du crédit. Arnaud Montebourg a mis également en place des commissaires au redressement productif dans toutes les régions de France.

Il y a enfin les politiques de soutien et d’accompagnement des entreprises qui vont mal pour préserver l’emploi. C’est pour aider les entreprises en difficulté que Christiane Taubira a lancé la réforme de la justice commerciale dans le cadre du pacte de compétitivité.

Nous n’opposons pas les « belles entreprises », auxquelles la BPI serait consacrée, et les autres. Il n’est pas question de laisser de côté les entreprises qui souffrent, mais il est indispensable de financer et d’accompagner le développement, la montée en gamme de nos entreprises, afin que celles-ci puissent être performantes, innovantes et conquérantes. Voilà ce que sera la BPI.

Un mot à présent sur la structure et la gouvernance de la BPI.

La BPI, c’est un projet politique et je l’assume à cette tribune. Passons rapidement sur la structure : la BPI sera constituée d’une structure de tête, dont l’État et la Caisse des dépôts et consignations seront actionnaires à parité, et de filiales spécialisées dédiées à ses principaux métiers. La structure de tête aura notamment la charge de définir la stratégie d’ensemble du groupe, d’assurer le pilotage de son réseau régional et du contrôle des risques, et d’affecter les ressources du groupe en fonction de ses priorités. Je veux le dire ici d’emblée pour éviter des débats longs et inutiles : c’est bien sur la structure telle qu’elle est proposée que je demande à votre Assemblée de voter, et non sur d’autres formules qui ont certes leur intelligence, mais également leur complexité.

Une gouvernance opérationnelle intégrée, associant l’ensemble des forces vives du pays, caractérisera la BPI. Elle reposera sur un conseil d’administration exécutif de quinze membres, présidé par un président non exécutif du groupe, où ses actionnaires auront la majorité. La BPI sera dirigée, sur le plan opérationnel, par un directeur général exécutif, qui présidera également – c’est très important, parce que nous voulons que ce soit un établissement unique et non une juxtaposition – les conseils d’administrations de ses différentes filiales. Sa nomination sera soumise à l’avis des commissions des finances des deux chambres du Parlement.

Mais surtout, nous voulons une BPI qui laisse toute sa place au collectif et qui puise sa force du collectif. Sa gouvernance associera donc l’ensemble des forces vives du pays. Partenaires sociaux, représentants des salariés, des entreprises, des secteurs d’intervention prioritaires de la BPI, siégeront à son comité national d’orientation, qui participera à l’élaboration de sa stratégie.

Bref, nous proposons une institution financière exemplaire. Encore une fois, la BPI n’est pas une banque comme les autres.

J’insiste sur ce point, très important à mes yeux, qu’est l’exemplarité. La structure que nous proposons aujourd’hui veut être exemplaire dans ses activités : il n’y aura pas d’activités pour compte propre au sein de la BPI, pas davantage d’activités spéculatives ; il y aura uniquement des activités pour le compte de ses clients. Je souhaite que nous mettions la finance au service de l’économie réelle : nous le faisons avec l’outil que nous créons nous-mêmes.

Cette banque sera exemplaire dans son organisation : aucun conflit d’intérêt n’entachera la BPI. C’est pour cela que nous séparons les activités de crédit et d’investissement ; pour cela que les élus participent à des organes d’orientation de l’activité de la BPI ; pour cela enfin que l’autorité de contrôle prudentiel assurera une stricte surveillance.

La BPI sera exemplaire dans son fonctionnement : nous avons souhaité que la gouvernance de la BPI associe, je le redis, les forces vives du pays pour que les syndicats, les élus, les représentants des grands secteurs d’activité puissent en orienter les travaux en toute transparence et toute indépendance.

La discussion au sein de la commission des finances a déjà contribué à rendre cet outil encore plus exemplaire. Les autres commissions y ont contribué, les rapporteurs pour avis étant présents lors du débat en commission des finances. Je salue le travail du rapporteur Guillaume Bachelay, de Clotilde Valter, d’Arnaud Leroy, qui aura permis d’enrichir le texte pour faire de la BPI le porte-étendard de plusieurs des principes clairement posés par le Gouvernement : la parité, la transparence totale et la modération sur les rémunérations, le contrôle accru du Parlement, la garantie que le législateur pourra contrôler toute ouverture du capital de la BPI. Ce sont là des apports majeurs : je pense, mesdames et messieurs les députés, que vous pourrez être fiers de donner naissance par vos votes à une institution financière novatrice et, je le redis, exemplaire dans sa gouvernance.

Ensuite, je veux faire de la BPI un instrument puissamment ancré dans les territoires, qu’il doit contribuer à développer. Pour la première fois, nous créons une entreprise publique pour porter l’action de l’État et des collectivités. Conformément aux engagements du Président de la République, la Banque publique d’investissement – il y a eu une réunion importante avec les régions et je salue le président de l’Association des régions de France – est fondée sur un partenariat entre l’État et les régions qui pourront mettre leurs moyens en commun au service du financement des entreprises.

En témoigne la proposition faite aux régions, dans le projet de loi, de participer directement à la gouvernance opérationnelle de la BPI. C’est un grand élu local, le président de l’ARF, qui présidera par exemple son comité national d’orientation. Dans le projet de loi, il est écrit que deux représentants des régions siégeront à son conseil d’administration. Plus directement, sur le terrain, les présidents de région présideront le comité régional d’orientation.

BPI et régions pourront mettre leur action en cohérence et investir ensemble dans des entreprises de croissance : par exemple, elles pourront créer ensemble des fonds communs d’intervention en lien avec le schéma régional de développement économique.

Un chiffre résume à lui seul cette ambition de proximité et la crédibilité de cette ambition : avec le BPI, 90 % des décisions financières seront prises au niveau régional, au plus près du terrain, au plus près des entreprises.

Toutes les majorités ont souhaité faire des régions les pôles de développement économique des territoires. Créer la BPI sans les associer eût été une grave erreur. Nous avons dialogué avec les régions et nous n’avons pas commis cette erreur. Au contraire, nous avons voulu une BPI ancrée dans les territoires, associant l’État et les régions : c’est pour moi une condition essentielle à la réussite de ce grand projet.

Je voudrais terminer mon propos en élargissant un peu la focale et en resituant le projet de loi que vous examinez dans le cadre plus large de l’action globale que je mène, à la place qui est la mienne, pour le financement de l’économie.

Cette action se déploie sur plusieurs dimensions complémentaires. D’abord, nous mettrons la finance au service de l’économie réelle, grâce à une réforme bancaire que je présenterai dans peu de semaines en conseil des ministres puis à la représentation nationale et qui – je le dis ici avec force – séparera les activités spéculatives des activités dont l’économie a besoin.

Je respecte les entrepreneurs, j’aime l’entreprise, mais je ne comprends pas que la finance spécule pour son propre compte. C’est la raison pour laquelle, conformément à un des engagements du Président de la République, nous ferons en sorte que la finance serve d’abord l’économie réelle, c’est-à-dire in fine l’investissement et l’emploi. Il y a une cohérence profonde entre ce que nous faisons avec la BPI et ce que nous voulons faire avec la réforme bancaire.

La création d’une nouvelle bourse pour les PME-ETI, en 2013, interviendra aussi dans cette optique. Je veux remettre la bourse au service des entreprises, et non l’inverse.

Enfin, parce que la BPI n’a pas l’ambition ni la vocation de répondre à l’ensemble des défaillances des marchés – j’insiste, ce n’est pas un Grand Tout –, je présenterai en 2013 une réforme de la fiscalité de l’épargne, sur la base des travaux de deux députés, Karine Berger et Dominique Lefebvre, dont l’objectif sera de canaliser l’épargne des Français, qui est abondante, vers l’économie productive. Nous n’avons pas en France un problème d’insuffisance d’épargne : nous avons un problème de mauvaise allocation de l’épargne. Cette réforme encouragera le renforcement des fonds propres en favorisant le développement de l’épargne financière de long terme, en complément de la réforme de l’épargne réglementée, déjà bien avancée. L’argent des Français doit aller financer le développement de nos entreprises.

Il y a là une démarche d’ensemble du Gouvernement et c’est aujourd’hui le vaisseau amiral – le porte-avions, ai-je dit au début, mais je vais arrêter ces métaphores – que nous mettons à l’eau.

Le Gouvernement agit ainsi dans plusieurs directions pour mieux financer l’économie. Nous mettons en place les outils pour répondre à l’ensemble des besoins de financement des entreprises. Dès janvier 2013, autrement dit demain, au travers de la BPI, une structure unie et innovante, proche des PME et des ETI, verra le jour avec votre concours.

Ce projet, vous le savez tous, vous le voyez dans vos circonscriptions et dans vos régions, est très attendu. Il a fait l’objet d’une élaboration à la fois rapide et approfondie : je l’ai dit, c’est le premier engagement du Président de la République, c’est le premier dossier sur lequel je me suis penché. Une mission de préfiguration a été confiée à un inspecteur des finances, M. Parent. Sur la base de ses travaux, qui ont été discutés, des concertations intensives ont été menées, avec les régions notamment. Le texte de loi comme la structure de la BPI ont été, j’y insiste, fortement améliorés : ce n’est pas la conception originelle, mais quelque chose de plus réfléchi que je vous présente. Le travail du rapporteur, nos échanges en commission y ont contribué et le débat que nous aurons aujourd’hui permettra de finaliser ce projet.

J’ai la conviction que ces deux textes de loi, en réalité très liés, porteront une grande cause, une cause d’intérêt général, une cause qui peut nous rassembler tous, sur tous les bancs : celle du financement de l’investissement, celle de la compétitivité de l’économie, celle du développement de nos entreprises et de nos territoires, bref, celle du redressement de notre pays. C’est pourquoi – c’est une formule qu’on utilise souvent à la fin des discours, mais en l’occurrence elle est plus que sincère – j’espère un vote très large sinon, pourquoi pas ? unanime sur ces textes, parce qu’ils le méritent. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Bachelay, rapporteur de la commission des finances pour le projet de loi relatif à la création de la Banque publique d’investissement.

M. Guillaume Bachelay, rapporteur de la commission des finances pour le projet de loi relatif à la création de la Banque publique d’investissement. Madame la présidente, monsieur le ministre, messieurs les présidents de commission, mes chers collègues, le projet de loi que nous examinons est d’intérêt national. Parce qu’il concerne l’emploi et le développement des entreprises, parce qu’il soutient la croissance en lui donnant un nouveau contenu, à la fois économique, social et écologique, parce qu’il fait prévaloir le financement de l’économie réelle sur la finance pour la finance, parce qu’il donne sa modernité à la puissance publique en associant, en une même stratégie, l’État et les collectivités territoriales, et d’abord les régions, parce qu’il a pour priorité les entreprises petites, moyennes, de taille intermédiaire, qui sont le cœur battant de notre tissu productif et de la création d’emploi, parce qu’il est un démenti cinglant aux beaux esprits qui spéculent – dans tous les sens du mot – sur une économie sans industrie, sans usines ni laboratoires ou bureaux d’études. Nous savons tous ici que deux millions d’emplois industriels ont disparu au cours des trente dernières années, dont 700 000 au cours de la dernière décennie, et nous savons – je suis l’un de ces élus d’une terre de production – que la désindustrialisation est d’abord un drame humain et territorial.

Pour toutes ces raisons, le Président de la République avait fait de l’enjeu qui nous réunit aujourd’hui le premier de ses engagements avec les Français.

Bien sûr, le ministre a eu raison de le rappeler, la BPI n’est pas un isolat. Sa création s’inscrit dans une politique globale pour la relance de la croissance, la lutte contre le chômage et le renforcement de notre compétitivité. Rappeler cette dynamique d’ensemble est indispensable pour en souligner l’ambition autant que la cohérence, mais aussi, puisque cette stratégie repose sur plusieurs piliers, pour affirmer la raison d’être de la BPI, ses missions, son rôle, sa place.

Il ne s’agit certainement pas de lui demander de résoudre toutes les difficultés auxquelles est confrontée l’économie française, mais d’affirmer avec force ce qu’elle va apporter, directement ou non, par du financement, mais aussi par de l’accompagnement, aux entrepreneurs, aux créateurs, aux salariés des entreprises encouragées, aux grappes d’activités, aux filières, aux clusters, aux pôles de compétitivité, universités et établissements d’enseignement supérieur dans les territoires. Pour être efficace, pour être viable et durable, la BPI doit se concentrer sur ses missions essentielles, c’est-à-dire – c’est l’objet des filiales telles qu’elles ont été voulues dans l’architecture proposée par le Gouvernement – l’accès renforcé au crédit et aux fonds propres pour les entreprises en croissance et en mutation. La BPI, c’est l’épaule solide sur laquelle les entreprises pourront s’appuyer pour grandir, pour innover, pour exporter.

Quelles seront les missions de la BPI ? Elle sera avant tout la banque des PME et des ETI, et d’abord dans l’industrie. Elles en ont besoin ! Le constat d’une carence de financement est établi et les chiffres sont dans mon rapport. Les flux de crédits aux PME sont passés de près de 30 milliards d’euros avant la crise à moins de 24 milliards en 2011. Quant aux encours de crédits à l’industrie manufacturière, ils ont perdu plus de dix points depuis le début de la crise. Tous les acteurs admettent ou dénoncent, pour peu qu’ils se mettent à la place des entrepreneurs, un resserrement du crédit et son renchérissement – notamment pour les PME indépendantes qui ne bénéficient pas, c’est un euphémisme, de taux d’intérêt aussi favorables que les grands groupes. Le baromètre KPMG-IFOP, qui analyse régulièrement l’état d’esprit des chefs d’entreprises, a rappelé pour la CGPME, cet automne, qu’un tiers d’entre eux s’autocensurent et restreignent leur demande de crédit, persuadés qu’on ne leur accordera pas le crédit escompté ou l’apport en fonds propres demandé.

J’ajoute que l’anticipation par les acteurs concernés du renforcement des normes prudentielles pèse sur les conditions d’octroi du crédit – enjeu d’ailleurs que la Federal Reserve et les banques américaines ont manifestement perçu. C’est dire l’urgence de la BPI et l’attente qu’elle suscite parmi les entreprises, les collectivités locales, les partenaires sociaux – nous l’avons mesuré au cours de la trentaine d’heures d’auditions qui ont précédé la discussion.

Face à ces difficultés, les pouvoirs publics nationaux et locaux ont développé ces dernières années des réponses à la fois globales et sectorielles, nationales et plus territoriales. OSÉO, mais aussi les pôles de compétitivité, le Fonds stratégique d’investissement, les aides et le conseil à l’export d’Ubifrance et de la COFACE, auxquelles s’adjoignent les actions des collectivités locales et d’abord des régions dont le rôle d’amortisseur et d’investisseur dans la crise est unanimement reconnu.

Mais pour pertinents et bénéfiques que soient ces outils, leur multiplicité nuit à leur efficacité. Soit parce qu’il y a des doublons ; soit parce qu’il y a des manques ou des oublis ; soit parce qu’un plus un ne font pas toujours deux, faute de coordination et d’harmonisation des objectifs, des critères d’éligibilité, des délais d’instruction. C’est pourquoi la BPI disposera de la taille critique financière nécessaire et interviendra au plus près du terrain en métropole et dans les outre-mer.

Pour mener à bien ces missions, elle disposera d’une force de frappe financière massive. Avec 50 milliards d’euros d’actifs, auxquels s’ajouteront 10 milliards d’euros de prêts sur fonds d’épargne issu du livret développement durable et 2 milliards d’euros de redéploiement de crédits d’investissements d’avenir, la future BPI disposera de plus de 60 milliards d’euros de ressources – montant comparable à celui des placements financiers réalisés par la section générale de la Caisse des dépôts et consignations. Avec l’effet d’entraînement qu’elle aura sur les prêteurs privés, elle pourra mobiliser plus de 70 milliards d’euros de ressources pour les PME et les ETI, sans oublier les prêts octroyés par la Banque européenne d’investissement, pour l’innovation ou la création d’entreprise, par exemple.

La BPI disposera aussi de ressources budgétaires, notamment pour financer l’innovation. Il semble toutefois que tous les crédits ne soient pas encore disponibles. Il pourrait y avoir un manque de l’ordre d’une centaine de millions d’euros. Aussi, monsieur le ministre, pourrez-vous rassurer la représentation nationale sur ce point et nous indiquer l’état des derniers arbitrages ?

Pour leurs projets, les entreprises manquent d’argent ; elles manquent aussi de visibilité et d’accompagnement. En réunissant plusieurs acteurs publics du financement des PME et des ETI, la BPI permettra d’intégrer, de clarifier et de simplifier les dispositifs du soutien financier public. Parce que l’effet réseau compte autant que l’effet de levier, elle aura vocation à offrir un bouquet de services aux entreprises, depuis l’amorçage jusqu’à la conquête de marchés à l’export.

La BPI devra aussi maintenir la plus grande proximité possible avec le tissu économique local – ce fut une demande constante et globale exprimée au cours des auditions. Une organisation sur une base régionale est donc impérieuse. Elle passe par la mise en place de plateformes communes avec les régions – point d’accueil de la BPI aussi bien géographique que juridique. L’analyse autant que l’expérience m’amènent à affirmer que leur animation et leur localisation doivent relever des régions. La connaissance du maillage économique qu’elles ont acquise, leur habitude de conjuguer proximité et réactivité, leur refus de séparer innovation, production et formation, sont là des atouts décisifs. C’est le sens de la déclaration entre l’État et les régions du 12 septembre dernier, en attendant un nouvel acte de décentralisation qui fera d’elles « le pivot du développement économique des territoires ».

Je tiens à souligner combien il sera nécessaire d’associer tous les acteurs à l’échelon régional. Aujourd’hui, les entrepreneurs peinent à s’orienter dans le maquis des dispositifs nationaux et locaux : on parle de millefeuille alors qu’il s’agirait plutôt de pudding… Faute de savoir à qui s’adresser, où se déplacer, comment procéder, des entreprises renoncent trop souvent à solliciter les aides qui pourraient leur permettre de passer la crise ou de développer un projet. Plus visible, plus lisible, la BPI inversera cette tendance.

Enfin, le principal actif de la BPI sera sa réputation et la prudence de sa gestion. Elle respectera pleinement les règles prudentielles des banques comme celles propres à la Caisse des dépôts. Ce modèle sera adapté à chacun des types d’activité que la nouvelle entité mènera en investisseur aussi patient qu’avisé. Cette obligation de bonne gestion est la condition de la pérennité de la BPI et elle explique pourquoi elle n’aura pas vocation à intervenir pour des entreprises en difficultés financières structurelles. La BPI doit être mobilisée pour le développement et l’innovation – pas exclusivement dans le domaine technologique ; ce pourrait être dans le social ou l’environnemental. Les entreprises en difficultés peuvent compter, entre autres, sur les acteurs nationaux et territoriaux rappelés par le ministre.

Au total, la BPI sera plus qu’une banque. Elle sera celle qui entraîne les autres banques pour financer les entreprises, notamment, j’y insiste, dans le secteur industriel. Elle sera la banque qui prend les risques quand le marché est défaillant car investir dans certaines entreprises prometteuses implique parfois d’assurer des pertes pendant plusieurs années avant de percevoir les premiers retours. Songeons par exemple que dans les entreprises de biotechnologie, il faut parfois jusqu’à quinze ans pour aboutir à la maturation d’une molécule.

La BPI sera la banque qui contribuera à structurer les filières d’avenir, on l’a évoqué, à bâtir les réseaux de compétence entre donneurs d’ordre et sous-traitants. Enfin, elle offrira un service complet d’accompagnement aux PME, à chaque étape de leur déploiement.

Le projet de loi a pour principal objet la création de la BPI, d’en définir les missions autant que la gouvernance. Nous l’avons enrichi lors du travail en commission et je voudrais d’ailleurs saluer l’état d’esprit qui a présidé à nos travaux ainsi que votre présence pendant nos débats, monsieur le ministre. Les échanges ont été d’une grande richesse avec le souci permanent, partagé, d’agir pour les futurs clients que sont les entreprises – nous nous sommes d’ailleurs retrouvés de façon assez unanime sur plusieurs points et je rappellerai les modifications les plus significatives que nous avons adoptées.

À l’article 1er, les missions ont été précisées avec deux apports décisifs à mes yeux. Nous avons inscrit la participation de la BPI à la mise en œuvre de la transition énergétique. La BPI ne sera pas le seul organisme chargé de cette politique, mais elle y participera activement, puissamment, directement, efficacement, notamment à travers les programmes d’investissement d’avenir.

Nous avons également précisé que son action s’orienterait prioritairement vers les PME, sans oublier pour autant les TPE. En l’état du texte, nous avons mis l’accent sur l’aide aux entreprises dans les quartiers défavorisés. Pour des raisons de recevabilité financière, nous n’avons pu inscrire les zones rurales alors que nous reconnaissons tous qu’elles sont aujourd’hui dans une situation difficile et qu’elles ont besoin d’aide. Aussi, monsieur le ministre, pouvez-vous nous confirmer que la BPI interviendra bien en zone rurale, qui regroupe environ 10 millions d’habitants, afin de soutenir les entreprises de proximité, le commerce et l’artisanat ?

De même, nous avons voulu inscrire dans le texte l’enjeu de la transmission des entreprises – lors des auditions, il nous a été rappelé qu’environ un chef d’entreprise sur deux a entre cinquante-cinq et soixante-cinq ans. Le choc démographique n’épargne pas les entrepreneurs. Pouvez-vous nous confirmer que la BPI interviendra également pour soutenir la création ? En commission, nous avons tous constaté les carences du système actuel en la matière.

En ce qui concerne la composition des organes de gouvernance, je me réjouis de l’adoption des dispositions relatives à la parité. Si la BPI doit être exemplaire dans son mode de fonctionnement, elle doit aussi l’être dans l’application des principes constitutionnels.

Le conseil d’administration a vu son caractère opérationnel préservé et il me semblerait contre-productif d’alourdir le nombre de ses membres, à moins de remettre en cause les équilibres actuels validés par les actionnaires. La position du directeur général me semble désormais plus claire : il sera bien une personnalité qualifiée à part et ne représentera pas l’État. Sa nomination sera d’ailleurs soumise à un avis des commissions des finances du Parlement et il rendra compte de son action devant lui.

La composition du comité national et celle des comités régionaux d’orientation ont été adaptées pour mieux prendre en compte certains enjeux, tels l’international ou l’export. De même, il a semblé pertinent d’associer plus étroitement les acteurs économiques régionaux, je pense aux chambres de commerce et d’industrie, acteurs de proximité décisifs.

Autre apport notable : nous avons fortement renforcé le lien entre la BPI et le Parlement. J’ai parlé de la nomination du directeur général qui sera soumise à une procédure d’avis. Nous avons également prévu un rapport annuel sur le modèle qui prévaut pour la Caisse des dépôts et consignations. De même, il nous a semblé indispensable de prévoir une information du Parlement sur le pacte d’actionnaires conclu entre l’État et la Caisse et sur la doctrine d’investissement de la BPI.

J’appelle votre attention sur le fait que des points importants ne relèvent pas du domaine de la loi : la définition de la doctrine d’investissement stricto sensu ; la place des régions au niveau opérationnel, au sein des plateformes territoriales ; les relations avec la Banque centrale européenne et la Banque européenne d’investissement ; le statut des personnels, tous très attachés au projet mais également tous très fiers de leur maison d’origine, et qui devront être d’emblée associés et respectés. Même si la loi ne pourra prévoir de dispositions sur ces enjeux, nos débats pourront orienter utilement le Gouvernement.

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’enjeu de notre débat est connu : la bataille contre la crise, contre le chômage, contre la désindustrialisation ; en même temps l’action pour la croissance durable, pour l’emploi, pour les territoires.

Chacun le mesure d’autant mieux que, sur la diversité de nos bancs, au cours des dernières années, chacun a cherché les voies et les moyens d’un meilleur financement par la puissance publique des projets des entreprises. La BPI, telle qu’elle est proposée par le Gouvernement, enrichie des apports de l’Assemblée, en constituera l’approche la plus volontaire, la plus innovante, la plus décentralisée. Pour toutes ces raisons, elle n’est pas seulement une urgence : elle est une chance. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas, président et rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour la proposition de loi organique relative à la nomination des dirigeants de BPI-Groupe.

M. Jean-Jacques Urvoas, président et rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour la proposition de loi organique relative à la nomination des dirigeants de BPI-Groupe. Madame la présidente, monsieur le ministre, messieurs les présidents de commissions, madame, messieurs les rapporteurs, mon bref propos portera sur la présentation de la proposition de loi organique que j’ai eu le plaisir de cosigner avec le président de la commission des finances et avec le rapporteur général, et que la commission des lois a adoptée à l’unanimité.

L’ambition est de soumettre à la procédure constitutionnelle d’avis des commissions parlementaires la nomination des dirigeants de la future Banque publique d’investissement. Je ne m’attarderai donc pas devant un cénacle de spécialistes sur la constitution de cette nouvelle structure, je me bornerai à en préciser l’objet unique : sa gouvernance.

Compte tenu du rôle important promis à cette structure, il nous est apparu naturel que le Parlement puisse se prononcer sur le choix de ses dirigeants. Or la seule manière de concrétiser cette volonté était la présentation et l’adoption d’une proposition de loi organique.

En effet, depuis la révision constitutionnelle de 2008, le Parlement, aux termes de l’article 13 de la Constitution peut, fût-ce de manière restreinte, se prononcer sur la nomination de dirigeants promis à des fonctions énumérées par la Constitution.

L’article 13 dispose en effet que « le Président de la République ne peut procéder à une nomination lorsque l’addition des votes négatifs de chaque commission représente au moins trois-cinquièmes des suffrages exprimés au sein des deux commissions ». Cette disposition nous avait été présentée à l’époque comme une mesure d’encadrement ; chacun sait fort bien que le seuil prévu pour s’opposer à une nomination du Président est plutôt hors d’atteinte. Il faut néanmoins souligner que, dorénavant, les impétrants sont susceptibles d’être interrogés, voire rejetés par les parlementaires.

Toutes les fonctions ne sont pas concernées. Certaines, que l’on peut qualifier de régaliennes, ne passant pas devant le Parlement : les préfets, les ambassadeurs, les recteurs, les conseillers maîtres à la Cour des comptes ou encore les directeurs d’administration centrale. Ce qui n’est pas le cas d’une cinquantaine d’emplois jugés par la Constitution importants « pour la garantie des droits et libertés ou la vie économique et sociale de la Nation ». Une loi organique détermine ces emplois ou fonctions, qui se retrouvent principalement dans des autorités administratives indépendantes comme l’Autorité des marchés financiers, le CSA, la Haute autorité de santé, mais également dans des entreprises publiques telles que La Poste, la RATP ou Aéroports de Paris.

C’est donc cette loi organique que nous vous proposons d’amender en y intégrant deux des dirigeants de BPI-Groupe. Il s’agit, d’une part, du président du conseil d’administration de l’établissement public BPI-Groupe. La mention de ce dirigeant se substituerait à celle, aujourd’hui en vigueur, du président de l’établissement public OSÉO, appelé à disparaître. Nous n’avons pas mentionné la société anonyme OSÉO, puisqu’elle n’a pas vocation à disparaître mais à se transformer en filiale du nouveau groupe. Il s’agit d’ajouter, d’autre part, le directeur général de la société anonyme BPI-Groupe, qui sera le responsable opérationnel de la BPI.

Ces deux fonctions entrent bien dans le champ du dernier alinéa de l’article 13 de la Constitution, compte tenu de l’importance qu’elles auront pour la vie économique et sociale de la Nation.

Il appartient par ailleurs au législateur ordinaire de préciser quelles sont les commissions parlementaires compétentes – les commissions des finances des deux assemblées ont évidemment compétence en matière bancaire.

En conclusion, mes chers collègues, j’espère que l’unanimité qui s’est dégagée en commission trouvera son prolongement en séance publique, permettant ainsi l’adoption de cette proposition de loi organique. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. Merci, monsieur le président, pour votre concision.

La parole est à Mme Clotilde Valter, rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques pour le projet de loi relatif à la création de la Banque publique d’investissement.

Mme Clotilde Valter, rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques, pour le projet de loi relatif à la création de la Banque publique d’investissement. Madame la présidente, monsieur le ministre, messieurs les présidents des commissions, messieurs les rapporteurs, chers collègues, premier des soixante engagements pris par le Président de la République, la création de la Banque publique d’investissement est l’un des projets les plus importants de cette législature, parce qu’elle est au cœur du redressement productif, au cœur de la bataille pour l’emploi et au cœur du rééquilibrage de notre balance commerciale.

Mon propos s’articulera autour de trois questions : pourquoi créer une banque publique ? Quel rôle le Parlement doit-il jouer dans son élaboration ? Quels points, enfin, mériteraient, à nos yeux, d’être éclaircis à l’occasion de ce débat ?

Premièrement, pourquoi une banque publique d’investissement ?

Tout d’abord, parce que nous constatons des difficultés persistantes dans le financement des entreprises. La crise de 2008 a marqué une première étape dans le rétrécissement du crédit ; la frilosité des banques en a marqué une seconde, avec les nouvelles règles prudentielles. S’ajoutent à cela certains facteurs structurels propres à notre économie, notamment le faible recours au marché, qui est marginal pour les TPE, les PME et les ETI, et un tissu industriel trop faible. Même si la création de la Médiation du crédit, d’OSÉO et du Fonds de consolidation et de développement des entreprises a constitué une avancée, les réformes engagées au cours des dernières années n’ont malheureusement pas suffi pour régler le problème.

La banque publique d’investissement doit aussi – c’est le second point – permettre de combler les trous qui existent dans le dispositif, particulièrement au moment de la création et de l’amorçage des entreprises. Celles-ci ont particulièrement besoin d’être accompagnées dans la phase dite de la « vallée de la mort », ce moment crucial pour leur financement, qui va de l’élaboration du projet de recherche jusqu’à sa concrétisation commerciale. La banque publique devra aussi jouer un rôle dans les financements de court terme, comme vous l’avez dit, monsieur le ministre, et pourvoir aux besoins de financement des entreprises sur la longue durée, entre cinq et sept ans, ce que ne font pas les autres banques.

L’ambition de la BPI est donc de s’appuyer sur ce qui existe déjà et a donné de bons résultats – OSÉO, le FSI et le crédit d’impôt recherche – en mutualisant les moyens existants, afin d’intensifier les efforts consentis et de produire un effet de levier. Il s’agit aussi, et c’est le plus important au stade où nous en sommes, de pallier les défaillances du marché, d’offrir un bouquet de services aux entreprises et de mieux coordonner l’action de l’État avec celle qui est conduite en région.

Deuxièmement, quel doit être le rôle du Parlement ? Il doit traduire dans la loi l’ambition politique de ce projet.

Le risque, c’est que la BPI s’en tienne aux vieilles formules, qu’elle se contente de faire ce qui existe déjà, et qui ne répond pas à la situation. Le rôle du Parlement est donc crucial, car il s’agit de faire en sorte que cet outil nouveau soit à la hauteur de l’ambition qui est la nôtre. Il est de notre responsabilité d’y veiller et il nous appartient donc, dans le texte de loi, de nous doter des moyens d’y parvenir. Cela a été le fil rouge des propositions d’amendements et des réflexions menées au sein de la commission des affaires économiques.

Il s’agit d’abord de définir plus précisément notre ambition pour la BPI. L’article 1er, tel qu’il figurait dans le projet initial, nous a semblé trop vague, et c’est pourquoi nous avons souhaité y apporter un certain nombre de précisions. Pour commencer, nous avons souhaité ajouter l’emploi au nombre de ses objectifs : celui-ci ne figurait ni dans le texte ni dans l’exposé des motifs, ce qui était regrettable. Nous avons voulu ensuite préciser le champ des entreprises concernées – les TPE, les PME et les ETI –, l’objectif étant effectivement de renforcer ces ETI, qui ont vocation à constituer, plus encore qu’aujourd’hui, le tissu économique de notre pays et à porter la dynamique de nos activités. Nous avons souhaité enfin préciser à quel stade de la vie des entreprises la BPI devait intervenir : la version initiale du Gouvernement se limitait aux moments du développement, de l’innovation et de l’internationalisation ; nous avons tenu à y ajouter la création et la transmission des entreprises.

Il s’agit ensuite de traduire cette ambition dans la gouvernance de la BPI. Le ministre l’a dit : la BPI est une banque, sa gouvernance doit donc être celle d’une banque. Cela est très clair. S’agissant toutefois de la composition du conseil d’administration, on peut regretter que l’on n’ait pas trouvé le moyen d’y associer les organisations professionnelles d’employeurs et les organisations de salariés. S’agissant de la représentation de l’État, à qui il revient – nous sommes tous d’accord là-dessus – de porter l’ambition de la BPI, il est clair que l’on ne peut se limiter aux expressions administratives classiques. La voix de l’État doit se faire entendre au conseil d’administration et marquer une vraie volonté politique. En commission, nous avons entendu le ministre des finances nous dire que Louis Gallois serait l’un des représentants de l’État. Cela change la donne ; cela signifie que le message est passé, et j’en remercie M. le ministre.

Prévoir, comme le propose notre collègue Marc Goua, que le directeur général de BPI-Groupe soit un représentant de l’État peut être une réponse ; mais il serait encore préférable, à nos yeux, que le Gouvernement choisisse des personnalités qualifiées qui pourront tout aussi bien porter cette ambition.

Le choix d’un comité d’orientation plutôt que d’un comité stratégique issu du conseil d’administration nous paru est un peu regrettable, dans la mesure où le rôle de simple avis qui lui est accordé lui donnera trop peu d’influence dans la prise de décision. Au cours des auditions, le futur président de la BPI n’a pas écarté l’hypothèse de mettre en place un comité stratégique : ce pourrait être une bonne chose.

Il s’agit enfin de faire du Parlement le garant de la réalisation de ce projet. Le projet de loi n’entre pas dans le détail du fonctionnement de la nouvelle banque et c’est normal. Il ne mentionne pas non plus les documents fondateurs qui définiront le cadre de l’action de la BPI : le pacte d’actionnaires et la doctrine d’intervention. C’est pourquoi nous avons adopté un amendement qui nous permettra de vérifier que notre ambition pour la BPI se traduit bien dans ces documents-clés. Ainsi, les grandes orientations du pacte d’actionnaires entre l’État et la caisse des dépôts seraient présentées aux commissions compétentes par les parlementaires membres du conseil de surveillance de la Caisse des dépôts, car il importe que le Parlement soit pleinement informé du modèle prudentiel vers lequel on s’engage, et qu’il puisse en débattre. La doctrine d’intervention quant à elle doit préciser en quoi cette nouvelle banque est différente de ce qui existe déjà. Le ministre l’a dit à plusieurs reprises : la BPI n’est pas une banque comme les autres, et il faut que cela soit clairement marqué, aussi bien dans le texte, que dans son fonctionnement effectif. Par conséquent, cette doctrine d’intervention doit spécifier ce qui fait la singularité de la BPI, s’agissant aussi bien de son champ que de ses modalités d’intervention. Les commissions compétentes doivent être associées à son élaboration.

Troisièmement, quels points méritent d’être éclaircis à l’occasion de ce débat ?

Un certain nombre de modalités qui touchent au fonctionnement opérationnel de la banque, qui ne sont pas abordées dans le projet. C’est bien normal, car elles ne relèvent pas de la loi ; elles nous semblent néanmoins devoir être précisées aujourd’hui.

À l’échelon national, d’abord, deux points doivent être clarifiés : en effet, pour créer la BPI, on s’appuie sur des structures existantes qui ont fait leurs preuves, mais on ne voit pas exactement comment cela va fonctionner concrètement. Il serait peut-être utile, monsieur le ministre, que vous puissiez nous éclairer à ce sujet.

Premièrement, pourquoi l’intégration des structures se fait-elle en deux phases, à travers deux textes de loi ? Nous avons déjà eu l’occasion de poser cette question, et je pense qu’il serait utile d’y revenir. Deuxièmement, quel sera le fonctionnement opérationnel de la BPI ? CDC entreprises, le FSI et OSÉO seront filialisés dans la holding, avec une filiale consacrée à l’investissement et une autre au financement. Mais une question subsiste : quel équilibre trouver entre une aimable coordination et une véritable intégration ?

Par ailleurs, je tiens à signaler un point important, qui est apparu très clairement au cours des auditions : le rôle de futur directeur général de la BPI sera très lourd, car il concentrera sur sa personne nombre d’enjeux de la structure, et peut-être trop. Est-ce vraiment raisonnable au regard du nécessaire partage des risques et des responsabilités ? Il faudra sans doute mettre en place une organisation adéquate et c’est, je crois, l’objet de la mission de configuration. Sur ce sujet aussi, nous aimerions en savoir un peu plus.

Dans les régions aussi, des ambiguïtés subsistent. Le Premier ministre et le président de l’Association des régions de France ont signé le 12 septembre dernier une déclaration engageant l’État et les régions. Si celle-ci a été strictement respectée dans le projet de loi, les auditions ont néanmoins fait apparaître des ambiguïtés dont il convient de sortir rapidement. La BPI dispose d’un réseau déconcentré de directions régionales, qui prennent l’essentiel des décisions : c’est une bonne chose, car cela nous évite de recourir à des filiales régionales qui auraient éclaté et dispersé l’action de la BPI. Mais comment s’organisera-t-on concrètement ? Qui gérera les guichets uniques ? Guillaume Bachelay a esquissé des solutions. Les régions estiment qu’elles pourront être à l’origine de ces guichets uniques ; les chambres de commerce et d’industrie nous ont dit qu’elles souhaitaient s’en charger, tout comme OSÉO. Il y a là quelque chose à construire, et peut-être aussi certains éléments à préciser.

S’agissant ensuite du comité régional d’orientation, le représentant de l’ARF a expliqué qu’il ne souhaitait pas la présence de l’État dans ses comités dans la mesure où la prochaine étape de la décentralisation transférerait les services de l’État chargés du développement économique et de l’emploi aux régions. Cela ne me semble pas être la position du Gouvernement ; là aussi, monsieur le ministre, il serait utile que vous clarifiiez les choses à l’occasion de notre débat. Enfin, rien ne se fera sans les personnels de la future banque, qui souhaitent ardemment être associés au processus d’élaboration et de création de la BPI.

Au terme des auditions, il nous faut dire que l’accueil qui est fait à la BPI est globalement très positif : certains l’attendaient depuis longtemps, d’autres la voient comme un véritable instrument de compétitivité au service de notre économie. On en attend parfois un peu trop, car ce n’est pas la panacée. Il s’agit maintenant de mener ce projet à son terme et de le réaliser ; c’est à nous, chers collègues, d’y travailler à l’occasion de ce débat. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Arnaud Leroy, rapporteur pour avis de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire pour le projet de loi relatif à la création de la Banque publique d’investissement.

M. Arnaud Leroy, rapporteur pour avis de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, pour le projet de loi relatif à la création de la Banque publique d’investissement. Madame la présidente, monsieur le ministre, messieurs les présidents des commissions, madame et messieurs les rapporteurs, chers collègues, nous sommes ici pour examiner et adopter le projet de loi créant la Banque publique d’investissement. Certains esprits grincheux diront qu’il n’y a rien de neuf dans tout cela : laissons-les dire. Ils nous jalousent simplement, car dans quelques instants nous allons mettre en œuvre, une nouvelle fois, un engagement de campagne du candidat François Hollande, élu depuis Président de la République.

Mme Marie-Christine Dalloz. L’engagement numéro combien ?

M. Arnaud Leroy. Concentrons-nous sur le bel outil que sera la Banque publique d’investissement, une banque qui sera au service de la transition écologique. Depuis les engagements de campagne jusqu’à la conférence environnementale, le chemin, il est vrai, avait été balisé, d’où ma surprise, je vous l’avoue monsieur le ministre, à la découverte du projet de loi, il y a quelques semaines.

Je suis heureux et fier que la représentation nationale ait réussi, par voie d’amendements, à replacer au cœur des missions de cet établissement l’objectif essentiel, pour ne pas dire vital, qu’est la transition écologique et énergétique Je profite également de l’opportunité qui m’est offerte pour saluer à mon tour la bonne coopération entre les différents rapporteurs et le Gouvernement, qui a permis d’aboutir à ce résultat. Je remercie particulièrement la commission des finances pour son soutien.

En tant que petit-fils et fils d’ouvrier, c’est pour moi, un honneur et une fierté de participer par ce projet, au côté du Gouvernement, à la reconquête de l’industrie, de favoriser l’émergence de filières porteuses et de créer les emplois de demain. Il est urgent de mettre en place la courte échelle faite du bois le plus dur, celui de la volonté, pour épauler nos PME et nos ETI dans leurs activités et leurs projets.

C’est un chantier gigantesque qui se profile devant nous, puisqu’il s’agit de rendre notre économie plus sobre en énergie et peu émettrice de gaz à effet de serre. Ne mésestimons pas l’ampleur de la tâche ! À l’heure de l’ouverture de la conférence de Doha, alors que des incertitudes planent sur le devenir du protocole de Kyoto et que la Banque mondiale – officine écologiste, s’il en est – prévoit un réchauffement de l’ordre de quatre degrés à l’horizon 2060, l’urgence est plus que jamais à la transition, et non à la tergiversation !

Si ce chantier s’annonce titanesque, empli de défis, il représente aussi un océan d’opportunités pour notre appareil industriel, nos emplois et notre jeunesse. La BPI, par sa capacité d’investissement à long terme, sera également un atout essentiel pour respecter nos engagements auprès de nos partenaires, notamment européens. La France s’est en effet engagée à développer son parc d’infrastructures de production d’énergies renouvelables. La directive 2009/28/CE prévoit, pour la France, que 23 % de la consommation d’énergie finale brute et 27 % de la production électrique devront être de sources renouvelables à l’horizon 2020.

Sommes-nous sur le bon chemin ? Rien n’est moins sûr : si notre pays a déjà largement atteint ses objectifs pour 2012 en matière d’énergie solaire, avec 2,6 gigawatts installés à la fin de l’année 2011 – alors qu’on visait 1,1 gigawatt –, il n’en va pas de même des autres énergies. La France est par exemple en retard dans l’éolien terrestre : au début de l’année 2012, seuls 6,7 gigawatts étaient raccordés au réseau, contre les 10,5 gigawatts prévus. En 2011, la puissance éolienne terrestre raccordée a été très faible : seulement 0,8 gigawatt. Depuis 2006, jamais une si faible puissance n’avait été installée, et les résultats attendus pour l’année 2012 devraient être moins bons encore.

Quant à la filière éolienne en mer, elle n’existe malheureusement que sur le papier : aucune installation offshore n’existe pour l’instant. Les premiers parcs devraient voir le jour en 2017 ou 2018.

La BPI prend tout sens dans cette transition écologique lorsque l’on sait que la structure de coûts des énergies vertes impose d’immobiliser, dès la décision d’investir, de fortes quantités de capital et de dette alors que la rentabilité ne sera assurée que si la centrale produit durant de nombreuses années.

Cette structure de coût a de nombreuses conséquences. Elle entraîne tout d’abord un risque maximal pour les investisseurs, puisque tout l’argent nécessaire doit être versé en amont du projet. De plus, le coût de production des énergies varie énormément en fonction du coût du capital retenu : l’éolien terrestre et en mer ainsi que le photovoltaïque verraient leur coût de production baisser de plus de 25 % si celui du capital baissait de 10 % à 5 %. Cette réalité impose de nous doter d’un investisseur de long terme.

Pour donner un ordre de grandeur, je me permets de faire référence à une analyse d’économistes citée par Terra Nova dans une livraison récente : ils estiment les besoins de financement annuels pour assurer la transition énergétique à 2 % du PIB européen. Si l’on retient un PIB européen aux alentours de 13 000 milliards d’euros, les besoins de financement pour décarboner l’énergie et développer les énergies renouvelables s’élèvent à 105 milliards d’euros par an. Ces chiffres montrent l’ampleur de la tâche, et encore sur le seul segment des énergies renouvelables.

Une autre comparaison éclairante nous est fournie par l’action de la KFW, la banque d’investissement publique allemande. Elle a consacré pour la seule année 2001 la somme de 22,8 milliards d’euros pour financer des projets relatifs à la protection de l’environnement et au changement climatique, soit un tiers de sa capacité d’investissement.

L’action de la BPI, on l’a dit à de nombreuses reprises, devra se faire sur l’ensemble du cycle de vie d’une entreprise : de l’innovation à la transmission, en passant par cette nouvelle étape qui se nomme la mutation.

L’avenir est à l’innovation, technologique mais aussi organisationnelle, pièce essentielle de l’économie circulaire, qui a pour avantage de réduire les coûts de manière significative en mutualisant certains aspects de différents procédés industriels. La puissance publique doit assumer et endosser un rôle d’aiguillon, de facilitateur dans ce domaine.

Il nous faudra être tout aussi innovants dans notre conception d’intervention, et éviter de tomber dans la facilité en allant vers des financements aux seuls PME ou ETI scintillantes, – les fameuses pépites, comme elles sont souvent qualifiées.

Oui, il faudra aussi aller dans la soute, dans ce substrat qui fait la force du secteur des écotechnologies. Ce sont les milliers de sociétés aux faibles rendements mais présentes et actives depuis de longues années dans de nombreux secteurs comme les déchets, l’eau, ou la dépollution des sols. Ce sont des forces de notre économie. Ces grognards du secteur sont des atouts de poids dans cette belle et noble mission que nous nous sommes assignés : réussir la transition écologique.

Le présent est quant à lui à la mutation et à l’accompagnement des industries aujourd’hui polluantes de l’économie grise vers une économie plus verte, respectueuse des hommes et de l’environnement. Ces secteurs qui emploient aujourd’hui plusieurs centaines de milliers de personnes seront de la sorte préservés, et pourraient même voir leurs effectifs augmenter, par exemple dans le domaine de la rénovation thermique des bâtiments.

La cohérence, notamment au niveau des formations professionnelles ou de la stabilité réglementaire – ce point est revenu de manière régulière durant les auditions – est aussi un préalable crucial en la matière. Je me permets d’insister sur ce point : sans visibilité, sans stabilité, point d’investissement. L’équation est simple.

Le présent est tout autant au recyclage, non seulement des matériaux, mais aussi des efforts jusqu’ici consentis par l’État, nos régions, la nation, dans l’identification, la structuration et le renforcement des filières porteuses. Je tiens à rendre ici hommage au COSEI, qui a su donner de la voix à un secteur qui, pour beaucoup de profanes, reste théorique.

Ces travaux devront trouver toute leur place au sein des actions de la BPI en faveur de la transition écologique afin de ne pas perdre de temps dans la mise en œuvre de la banque.

En ma qualité de rapporteur pour la commission du développement durable, qui traite également de l’aménagement du territoire, je me félicite de l’articulation équilibrée entre l’État et les régions. Je partage l’avis des différents rapporteurs sur le respect des engagements pris par l’ARF et le Président de la République dans la lettre de mission du 12 septembre dernier. Je me félicite également du renforcement des comités régionaux d’orientation avec la reconnaissance du rôle de l’ADEME, dont l’avis technique sur les filières qui nous préoccupent ici est sans égal dans notre administration.

Au-delà des régions, l’aspect européen est à mon sens important pour la réussite, à long terme, de la BPI. À l’heure où la Commission européenne s’engage sur un chemin intéressant sur la politique industrielle, que les project bonds sont en voie de lancement, la recherche de synergies eût été plus aisée en prenant l’échelon continental en compte de façon plus marquée. La bataille autour de l’avenir du site de Florange et du projet UCOS montre toute la pertinence de ce raisonnement.

Monsieur le ministre, chers collègues, voilà l’esprit dans lequel j’ai travaillé et dans lequel la commission du développement durable, au nom de laquelle je m’exprime, a délivré un avis favorable au projet de loi, dont elle souhaite l’adoption. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur de la commission des finances, madame la rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques, monsieur le rapporteur pour avis de la commission du développement durable, mes chers collègues, je me félicite et je vous félicite du travail effectué.

Nous nous retrouvons ainsi à discuter d’un texte qui constitue, le ministre l’a rappelé, le premier des soixante engagements que le Président de la République avait pris durant sa campagne. Nous tenons nos promesses, et notamment celle selon laquelle la finance doit être mise au service de l’économie, et non de la spéculation. J’oserai dire : plutôt l’argent de l’épargne que celui de la spéculation.

Ce projet, qui tient particulièrement à cœur à la commission des affaires économiques, est l’une des traductions concrètes de l’attachement de notre majorité aux PME, à l’esprit d’entreprise et à l’innovation.

Nous allons donc discuter d’une banque peu ordinaire. C’est pourtant une vraie banque nationale, qui va effectivement aider les entreprises. Une banque qui leur permettra de réaliser des projets pour lesquels l’accès au financement leur était jusque-là extrêmement difficile, pour ne pas dire impossible.

Cette banque d’un genre nouveau va être le résultat de la mobilisation des forces vives et des atouts de la nation. D’autres l’ont dit avant moi : la banque publique d’investissement doit relever trois défis.

Le premier concerne le financement de nos entreprises, notamment les TPE ou les PME, de plus en plus contraint. Qu’il s’agisse de la méfiance des banques, sûrement liée à l’impact négatif des règles qui s’imposent à elles en vertu des accords de Bâle III ou de Solvabilité II pour le secteur assurantiel, et dont on nous dit qu’ils n’ont pas fini de produire leurs effets, ou bien de l’atonie de l’économie qui n’incite pas les entreprises à investir, l’investissement est faible, et son financement est aujourd’hui difficile.

Le second défi à relever tient à ce que si des instruments de financement existent – je pense en premier lieu à OSÉO, mais aussi au Fonds stratégique d’investissement, le FSI, ou à CDC Entreprises –, ils ne couvrent pas actuellement tous les besoins des entreprises et manquent parfois d’audace. Ainsi, l’amorçage ou l’internationalisation sont encore aujourd’hui très mal financés alors que ce sont, l’une comme l’autre, des phases cruciales du développement de nos entreprises.

Le troisième défi à relever et auquel la BPI peut s’attaquer est la difficulté de nos entreprises les plus prometteuses à franchir une nouvelle étape dans leur développement et devenir ainsi des entreprises de taille intermédiaire, les fameuses ETI, qui occupent une place si déterminante dans la croissance aujourd’hui. Le rapport de Louis Gallois remis au Premier ministre au début du mois de novembre l’a montré : la compétitivité de notre pays est en berne en raison, notamment, d’un maillage industriel insuffisant. En France, les ETI sont deux fois moins nombreuses qu’en Angleterre et trois fois moins nombreuses qu’en Allemagne. Nous devons activement soutenir leur développement.

La création d’une banque publique d’investissement capable de relever ces trois défis est donc une excellente nouvelle. Dotée d’une force de frappe de plus de 40 milliards d’euros – ce qui, compte tenu de l’effet de levier, devrait permettre de dégager des financements de l’ordre de 200 milliards –, et prenant à son compte l’expérience développée depuis des années par plusieurs organismes qu’elle va désormais englober, la BPI sera, j’en suis persuadé, d’un grand secours à notre économie – et si je dis « secours », c’est parce que nous sommes dans l’urgence.

Mais la BPI doit se distinguer : si elle ne fait que ce qui a déjà été fait, sa création n’a aucun intérêt. Empiler les structures, faire et défaire ce qui existe ne mène jamais bien loin. Il faut que cette banque fasse plus et mieux que ce que nous avons connu jusqu’à aujourd’hui. C’est ce que nous ont clairement indiqué les différents acteurs que nous avons rencontrés.

Tout d’abord, sous couvert d’être un investisseur avisé, la BPI soutiendra les entreprises sur le long terme, pour des prêts d’au moins cinq à sept ans. Aujourd’hui, le court terme est bien trop souvent la règle car les financiers sont plus soucieux d’un rapide retour sur investissement que d’aider des entrepreneurs sur des chemins qui peuvent parfois leur sembler hasardeux, car l’horizon de la réussite serait trop éloigné. Le temps long doit redevenir une culture d’avenir. Il est indispensable pour encourager l’innovation.

Notre pays regorge de talents. Du fait de notre fonction parlementaire, nous sommes des interlocuteurs disponibles au sein du Parlement ou sur le terrain, et nous avons l’occasion de rencontrer tous les jours des passionnés, des enthousiastes, des créatifs qui cherchent à développer des projets innovants ou des projets que le marché attend déjà. Nous rencontrons malheureusement aussi trop souvent des porteurs de projets découragés, car malgré l’ingéniosité de leur ambition, ils n’ont pas pu trouver le financement qui leur permettra de faire aboutir leur projet, voire seulement de le démarrer.

Ensuite, et c’est là un des grands intérêts de la BPI, elle aura vocation à financer des entreprises, ou des phases de la vie de ces dernières, qui sont actuellement délaissées par les circuits de financement classiques. Cela a très clairement été dit : la BPI n’a pas vocation à aider des entreprises au bord du dépôt de bilan, même si l’expérience montre que « l’aide au sursaut » tient parfois à peu de chose. De plus, les financements accordés ne seront pas effectués à tort et à travers comme on a pu l’entendre : la séparation étanche qui sera instaurée entre la partie « prêts » et la partie « fonds propres » est à cet égard tout à fait fondamentale.

Là où la BPI aura un rôle déterminant, c’est en acceptant de soutenir la création d’entreprises, en plus de les accompagner tout au long de leur vie. J’insiste à ce sujet : tout comme Clotilde Valter, je reste un peu sur ma faim puisque le mot « création » ne figure pas à ce stade dans le texte, et que nos amendements pour l’introduire ont été frappés de plein fouet par l’article 40. Le Gouvernement peut, lui, prendre cette initiative sans être victime des foudres de cet article castrateur. (Sourires.)

Enfin, la BPI ne sera pas seulement une banque : elle sera également un prestataire de services au bénéfice des entreprises, en leur proposant de faciliter leurs démarches, au travers de guichets uniques, institués au plus près du terrain, de nature à alléger leurs contraintes réglementaires et administratives : le délai de la décision, chacun en convient, est très souvent le déclencheur d’une aventure économique à succès.

La création de la BPI entraîne des changements de perspective sur lesquels je souhaite insister. D’une part, elle a vocation à irriguer l’ensemble de notre territoire et, de ce fait, à dynamiser la totalité de notre tissu industriel. D’autre part, elle est un élément parmi d’autres au service de la compétitivité de notre économie. À ce titre, je souhaite qu’elle ne devienne pas non plus la condition systématiquement exigée par les autres banques pour intégrer un tour de table. Ce ne serait plus de l’effet de levier, mais de l’assurance tous risques…

Par ailleurs, le projet de loi me montre très clairement, la BPI bénéficiera d’une organisation tout à fait originale qui va ainsi dynamiser l’ensemble de notre appareil productif. Si elle doit évidemment être dotée d’une direction nationale, s’inscrivant dans le cadre de la politique économique définie par le Gouvernement, elle s’appuiera fortement sur son ancrage régional qui lui permettra de soutenir des écosystèmes tout entiers, et non pas seulement des entreprises spécifiques.

C’est là le meilleur moyen pour la France de recouvrer une partie de sa compétitivité et permettre à notre économie de reprendre le dessus aux niveaux européen et international. C’est la troisième direction que doit prendre la BPI. C’est un partenaire qui doit réchauffer les enthousiasmes pour aller à l’export et rompre avec notre frilosité légendaire en ce domaine. C’est une autre conception de la transition énergétique ! (Sourires). Mais ne tombons pas dans la double exigence « ceinture et bretelles » d’une validation des projets par le double clic État et région. Il faut que cela puisse faire aussi l’objet du simple clic : l’État ou la région.

Enfin, rappelons que la BPI n’a pas pour ambition de résoudre toutes nos difficultés à elle seule. C’est avant tout un élément de plus, un élément pivot, que le Gouvernement souhaite mettre en place ; mais n’oublions pas non plus la nécessité de la création, en 2013, d’une bourse dédiée aux ETI et aux PME ou d’une vraie réforme bancaire tout aussi attendue. Je connais, monsieur le ministre, vos projets en la matière.

Avec la BPI, nous allons ainsi créer un véritable outil de croissance. En s’inscrivant dans un vaste ensemble de mesures et d’initiatives en faveur de la compétitivité, la BPI catalysera un grand nombre d’énergies et permettra un renforcement des dispositifs existants : le résultat attendu d’une nouvelle écoute des entreprises et de leurs progrès ne peut qu’être prometteur.

Monsieur le ministre, vous avez utilisé l’image du porte-avions du pacte de compétitivité ; j’utiliserai pour ma part, en guise de conclusion, une image plus terre à terre pour souhaiter la rapide mise en place de la BPI. Je constate que son nom raisonne un peu comme un réseau de stations-service : c’est donc bien qu’elle a vocation, partout sur le territoire, à faire un nouveau plein d’énergie créative pour notre économie, donc pour l’emploi. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. Arnaud Leroy, rapporteur pour avis. Ah ! La droite se réveille !

Mme Marie-Christine Dalloz. Il y en a qui suivent !

M. Julien Aubert. Le président Carrez a un fan-club !

Mme Marie-Christine Dalloz. Les applaudissements sont mérités !

Mme Arlette Grosskost. Nous allons vous écouter attentivement !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des affaires économiques, madame et monsieur les rapporteurs, mes chers collègues, rappelons d’abord que le financement de nos petites et moyennes entreprises a fait l’objet d’une attention constante, soutenue et – je crois – efficace au cours des dernières années : c’est en 2005 que OSÉO a été créé, rassemblant plusieurs fonctions auparavant distinctes : le financement de l’innovation jusqu’alors assuré notamment par l’ANVAR, la mise en place de garanties d’emprunt pour le financement de nos petites et moyennes entreprises jusqu’alors assurée par des organismes comme la SOFARIS, et le financement bancaire en association avec l’ensemble des banques de la place jusqu’alors assuré depuis longtemps par la Banque des petites et moyennes entreprises.

La création d’OSÉO a été une très bonne réforme : c’est la raison pour laquelle je n’ai, pour ma part, aucun a priori négatif de principe à l’égard d’un regroupement encore plus général. OSÉO fonctionne bien, et même très bien…

M. Thierry Mandon. Disons bien !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Lorsque l’on interroge les entreprises, elles font très volontiers état de ses concours. OSÉO, à l’initiative des pouvoirs publics, s’est montré d’ailleurs très réactif pendant la crise : Éric Woerth s’en souvient très bien. Au titre du plan de relance, il a été particulièrement sollicité : on a mis en place des fonds propres de plusieurs milliards d’euros pour lui permettre d’élargir ses soutiens, ainsi que des outils totalement nouveaux comme l’accompagnement en trésorerie. Entre 2008 et décembre 2010, 5,3 milliards d’euros de financements ont été mis en place pour 20 000 entreprises, 350 000 emplois ont été protégés, et 89 % des entreprises soutenues ont évité la cessation d’activité.

Vous évoquiez tout à l’heure à juste titre, monsieur le ministre, la possibilité de faire mobiliser le crédit d’impôt compétitivité-emploi par la Banque publique d’investissement. Je pense qu’on pourrait passer tout simplement par le biais de l’instrument OSÉO : il est suffisamment efficace pour ce faire.

Mme Marie-Christine Dalloz. Eh oui !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Pour ce qui est des fonds propres, là aussi, beaucoup d’instruments ont été mis en place au cours des dernières années. Je me souviens des discussions sur le Fonds stratégique d’investissement : sa création n’était pas simple, car l’investissement en fonds propres par des structures publiques n’a pas laissé que de bons souvenirs dans notre pays. Beaucoup d’interrogations ont été exprimées, mais la volonté politique était très forte et l’État et la Caisse des dépôts ont trouvé un accord. Le FSI a été doté dans des proportions extrêmement importantes : on a dégagé en quelques mois plus de 20 milliards d’euros, ce qui est absolument considérable,…

Mme Marie-Christine Dalloz. C’est vrai !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. …dont 14 milliards d’apports en titres mais surtout 6 milliards en liquidités. Depuis sa création très récente, le Fonds stratégique d’investissement a engagé 5,6 milliards d’euros, soit un apport total de 8,4 milliards d’euros pour les entreprises concernées. Deux mille entreprises ont bénéficié de l’aide du Fonds stratégique d’investissement en moins de trois ans.

Au sein de la Caisse des dépôts, CDC Entreprises est plus ancien mais fonctionne de façon assez efficace avec ses représentations régionales.

Nous avons aujourd’hui, monsieur le ministre, un système bien identifié et qui fonctionne correctement, même s’il peut être amélioré. Il faut être bien sûr que la BPI, qui est un regroupement plus général, apportera réellement une valeur ajoutée.

Sur ce point, votre intervention m’a rassuré. Vous avez ne voulez pas être le ministre qui portera le nom d’une nouvelle banque, vous n’êtes pas non plus, avez-vous ajouté, l’homme des « machins ». Vous avez également indiqué, et c’est très important, que le bon fonctionnement du dispositif ne consiste pas uniquement à faire voter une loi : c’est l’expérience qui permet de juger. Tout cela est plutôt de bon augure.

Quelques questions se posent, ou se posaient : nous les avons abordées en commission des finances. Elles concernent notamment la structure de la Banque publique d’investissement. Vous avez vous-même hésité. Garde-t-on le montage d’origine, à savoir une structure faîtière constituée d’une société holding « société anonyme BPI-Groupe » avec deux filiales respectivement dédiées aux financements et aux fonds propres ?

Mme Arlette Grosskost. C’est ce qui a été prévu !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Ou remonte-t-on au contraire la partie banque au niveau de la structure faîtière, parce qu’elle est essentielle ? Parler d’une banque pour la société anonyme BPI, holding, est d’ailleurs un abus de langage : cette structure financière n’est pas une banque. Finalement, monsieur le ministre, j’ai bien compris que vous avez tranché en faveur du schéma initial. Vous nous le confirmerez.

Dès lors se pose la question des conditions de financement et de refinancement de la banque OSÉO. Dans le dispositif actuel, la banque OSÉO bénéficie directement de la garantie de l’État à travers l’établissement public industriel et commercial OSÉO, établissement d’État. Ce système permet à OSÉO de se refinancer par des émissions obligataires dans des conditions extraordinairement intéressantes : il y a quelques semaines, la dernière émission d’OSÉO, de l’ordre du milliard d’euros, s’est faite à un taux de 2,375 %, ce qui est proprement inespéré. En interposant une structure faîtière entre la garantie de l’État et la banque OSÉO, ne détériorera-t-on pas les conditions de refinancement d’OSÉO ?

Mme Marie-Christine Dalloz. C’est vrai !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Si OSÉO se finance moins bien, les taux d’intérêt consentis aux PME ayant besoin de son concours risquent se renchérir. Vous savez que la sensibilité est très grande : cinquante points de base, c’est déjà énorme pour les plans de financement.

S’agissant des normes prudentielles, je crois qu’il existe un accord général que notre représentante à la Caisse des dépôts, Arlette Grosskost, a fort bien exposé en commission des finances : pour la partie fonds d’investissement et pour la gouvernance de la structure, c’est vraiment la Caisse qui détient le pouvoir et ce sont les règles prudentielles de la Caisse qui s’appliquent – on peut résumer les choses ainsi.

Mme Arlette Grosskost. Tout à fait !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Pour la partie financement en revanche, ce sont les règles prudentielles de la banque qui s’appliquent, autrement dit des règles d’une autre nature – ce disant, je me tourne vers Mme Rabault, qui en est une spécialiste.

Le risque principal concernera la partie bancaire. Aujourd’hui, OSÉO envisage d’engager 3,5 milliards d’euros dans des opérations de cofinancement et 3,8 milliards d’euros pour garantir des prêts bancaires. S’y ajoutent 450 millions d’euros de garanties de prêts bancaires pour l’international. Sur la trésorerie, OSÉO a prévu de financer 5,5 milliards d’euros de créances en 2012. Il doit garantir 2,5 milliards d’euros de prêts bancaires pour la création d’entreprises ; les montants en jeu, vous le voyez, sont absolument considérables. J’insiste sur ce point – mais vous l’avez dit, monsieur le ministre : du point de vue prudentiel, au-delà des règles de Bâle III, OSÉO ne doit pas intervenir seul : il faudra que la branche financement, « BPI-prêts », continue d’intervenir conjointement avec les établissements bancaires de la place. Cela me paraît essentiel.

Une autre question se pose, celle de la séparation des deux métiers. La novation de la BPI est d’associer au sein de la même structure les prêts, les garanties, le financement par emprunt et l’apport en fonds propres. Chacun sait qu’il s’agit de métiers tout à fait différents : une étanchéité parfaire est indispensable. En particulier, il ne faudrait pas que les fonds propres de la branche investissement constituent des contreparties aux emprunts réalisés par la branche financement. Lors de la discussion des amendements, nous devrons veiller attentivement à conserver cette étanchéité.

Je souhaite également aborder la question de l’association des élus. À une exception près, les sociétés de développement régional ont toutes fait faillite, et laissé un très mauvais souvenir. Beaucoup d’entre nous l’ont dit, sur tous les bancs – Alain Rousset a quitté l’hémicycle et c’est dommage : il est hors de question que les élus, notamment régionaux, participent aux commissions d’engagement,…

Mme Marie-Christine Dalloz et Mme Anne Grommerch. Tout à fait !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. …que ce soit pour les prêts ou pour la mise en place de fonds propres. Même M. Sansu est d’accord avec moi – en tout cas, il m’a semblé que c’était le cas…

M. Nicolas Sansu. Effectivement !

M. Alain Fauré. Nous aussi !

Mme Clotilde Valter, rapporteure pour avis. Nous sommes d’accord !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Il ne faut pas que les élus régionaux participent à ces commissions. Ils participeront toutefois aux comités d’orientation. En revanche, il peut arriver qu’une région – c’est le cas de l’Aquitaine – intervienne en fonds propres de façon substantielle : dans ce cas, il est normal qu’elle soit représentée au comité d’engagement.

M. Alain Fauré. C’est un autre débat !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Sur la question du guichet enfin, vous m’avez rassuré, monsieur le ministre : vous avez dit que le guichet devait être tout sauf passif. Il est vrai que penser résoudre des problèmes avec un guichet unique, avec des produits en étagères que l’entreprise viendrait choisir, est une idée un peu bureaucratique. Quand on investit en fonds propres ou même en prêts dans une entreprise, la première démarche est de s’y rendre pour voir comment elle fonctionne, si elle a un marché, apprécier la qualité de son management ou la modernité de ses équipements : cette démarche n’a rien de bureaucratique et d’administratif. Méfions-nous du guichet unique ! Mais vous l’avez dit, monsieur le ministre : le guichet unique est tout sauf un guichet passif.

Mme la présidente. Merci, monsieur le président de la commission des finances.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Je comptais parler de l’excellente proposition de loi organique que j’ai cosignée avec le président Urvoas, mais celui-ci l’a tellement bien présentée que je n’ajouterai rien.

Vous le voyez bien : il n’y a pas d’opposition de principe de notre part, mais nous jugerons de l’efficacité de la Banque publique d’investissement en fonction de ses résultats. Notre premier rendez-vous, monsieur le ministre, sera la mise en œuvre du préfinancement du crédit compétitivité. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Discussion générale commune

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Krabal, premier orateur inscrit dans la discussion générale commune.

M. Jacques Krabal. Madame la présidente, monsieur le ministre, messieurs les présidents de commission, madame et monsieur les rapporteurs, le projet de loi qui nous est soumis aujourd’hui constituera, à n’en pas douter, l’un des moments forts de cette législature. On reproche souvent aux élus de ne pas respecter leurs promesses : en voilà une, et non des moindres, qui est tenue ! Cela a déjà été dit, mais il faut le rappeler : la création d’une banque publique d’investissement était en effet l’un des soixante engagements de campagne du Président de la République,…

Mme Anne Grommerch. Quel numéro ?

M. Jacques Krabal. …et nous ne pouvons que nous féliciter du passage de la parole aux actes.

Comme cela a été dit avec beaucoup d’humilité, cette BPI ne réglera pas tous les problèmes et ne permettra pas, hélas ! de sauver toutes les entreprises. Cela dit, même si la BPI ne naît pas de nulle part, elle est considérée comme un outil nouveau et central pour l’amélioration de la compétitivité de l’économie, d’autant qu’elle devra être prochainement complétée – vous l’avez rappelé, monsieur le ministre – par la réforme bancaire, la création d’une nouvelle bourse des PME, la mise en place d’un plan d’épargne en actions PME et une réforme de la fiscalité de l’épargne.

Au-delà de la cohérence de cette initiative, je salue l’audace et la résolution dont fait preuve ce Gouvernement pour créer les conditions du retour de la croissance et d’une restauration de notre compétitivité. La BPI se veut l’instrument d’une politique économique centrée sur les objectifs de soutien et de renfort de notre tissu industriel, et plus largement économique, innovant. Elle aura pour fonction d’aider les entreprises françaises à devenir les plus performantes dans leur secteur d’activité, ce qui est le meilleur gage de création d’emploi. Car il s’agit bien de cela : lutter contre le chômage.

Dans le rapport de la mission de préfiguration de la BPI remis cet été au ministre de l’économie et des finances, plusieurs points ont été soulignés, qui démontrent la pertinence du projet tel qu’il nous est présenté.

Ainsi, sur la situation actuelle du marché du crédit bancaire pour les entreprises, il précise que les entreprises qui innovent et qui exportent connaissent une dégradation de leurs conditions d’accès au crédit. Il notait également que les interventions en faveur des entreprises sont multiples à tous les stades de leur développement et qu’elles sont portées par un grand nombre d’acteurs. Sur ce dernier point, l’expérience montre toujours que la bonne coordination est la première condition d’une efficacité optimale.

Dès lors, l’on peut comprendre l’impératif du changement de cap proposé par ce projet de loi, qui va permettre de diffuser une offre simplifiée et plus lisible pour les acteurs économiques. En effet, la conjoncture actuelle et les incertitudes qu’elle suscite voient les acteurs financiers privés hésiter à soutenir la croissance des entreprises. La simplification et la rationalisation de l’offre publique en matière d’appui au financement des entreprises sont donc une nécessité.

Jean-Pierre Jouyet soulignait que le fait de rassembler sous un même toit les différentes institutions de prêt et de prise de participation en capital constitue un progrès considérable. Vous montrez de la sorte, même si cela ne réglera pas tous les problèmes, qu’il est possible de simplifier pour améliorer l’efficacité. Et nous pourrions suivre cet exemple dans d’autres domaines.

Le Président de la République le rappelait le 26 octobre dernier au grand rendez-vous de l’assemblée générale d’OSÉO Excellence, à laquelle j’ai participé : la BPI, c’est OSÉO en plus grand. Organiser les synergies et mieux accompagner les entreprises, tel est le message du Président de la République. Les entreprises attendent, et il soulignait avec force lors de ce rendez-vous, des règles claires, une lisibilité fiscale et une stabilité des dispositifs financiers sur le long terme.

Nous souscrivons également totalement au principe de l’action de la BPI, pour qu’elle se puisse sur les TPI et les moyennes entreprises. Mais qu’en est-il des artisans en milieu rural, monsieur le ministre, ? La question vous a déjà été posée, je vous la repose ce matin.

Nous savons que c’est dans cet ensemble d’entreprises que résident de forts potentiels d’innovation et, donc, d’emplois.

Je profite de l’occasion pour remercier et féliciter ces patrons – j’ai bien dit « ces patrons » – à la tête des PME, des TPI, ces artisans, ces commerçants qui se battent comme des forcenés pour sauvegarder leurs entreprises et nos emplois. Ils ne sont pas des patrons du CAC 40 et ils méritent notre reconnaissance, et le soutien de l’ensemble des élus qui font le distinguo avec les multinationales, qui veulent générer de la valorisation boursière, ce qui n’est notre objectif.

La BPI va devoir considérer l’impératif de la cohérence de l’ensemble de ses actions avec la nécessité de se décentraliser pour être au plus près des besoins réels. Nous pensons que les régions ont un rôle fondamental à jouer pour être au service des territoires. C’est là que réside la valeur ajoutée supplémentaire de la BPI. Il sera d’autant plus remarquable que les relations entre l’État et les régions sont apaisées et bien complémentaires.

Mais nous pensons aussi que la BPI doit donner des impulsions économiques, sociales et politiques fondamentales pour engager les mutations souhaitées, notamment dans le domaine de l’écologie et du respect de l’environnement. C’est la condition de la croissance de demain. Elle nous impose d’ancrer notre développement économique et technologique, notre compétitivité industrielle dans la transition énergétique telle que définie lors de la conférence environnementale qui s’est tenue en septembre.

Comme je l’ai déjà exprimé en commission de développement durable, et son rapporteur l’a rappelé, il faut que la BPI s’appuie fortement sur la transition écologique. Cet appui pourrait se décliner de plusieurs façons : soutenir les éco-industries et plus largement les éco-entreprises, traitées comme un secteur prioritaire – c’est la compétitivité de demain ; accompagner les entreprises qui doivent évoluer dans leur modèle pour s’engager dans la transition écologique, pour satisfaire aux contraintes environnementales nouvelles en termes de rejet des eaux, de fumées, etc., pour gagner des points de compétitivité en économisant des ressources par l’amélioration de leur efficacité énergétique, ou pour optimiser leurs process dans une logique environnementale ; financer les énergies renouvelables – le rapporteur l’a rappelé : 105 milliards sont nécessaires.

Voilà pourquoi il est indispensable d’introduire des critères environnementaux dans l’analyse des dossiers d’investissement.

Pour ce faire, la BPI doit pouvoir interagir avec les entités chargées des politiques publiques en la matière : ADEME, direction générale de la compétitivité, de l’industrie et des services, mais également avec les grands acteurs tels les pôles de compétitivité.

N’oublions pas que la France dispose de nombreux atouts dans la course au leadership économique vert engagée au niveau mondial. Le secteur des éco-activités représente en France une production de près de 70 milliards d’euros, dont 6, l milliards sont exportés avec un excédent commercial de 1,1 milliard d’euros. La croissance des éco-activités est élevée : elle s’est établie à plus 6 % en moyenne annuelle de 2004 à 2010. Nous sommes loin de ces pourcentages dans les autres secteurs. La France, ne l’oublions pas, est particulièrement bien positionnée dans les domaines de l’eau, de la gestion des déchets, du traitement des nuisances, de la pollution de l’air. En 2010, les éco-activités représentaient près de 452 600 emplois.

Les activités de protection de l’environnement, la gestion des ressources naturelles, les activités transversales, la gestion des déchets et des eaux usées ainsi que les énergies renouvelables sont de véritables viviers d’emplois pour demain. Il serait possible de créer plus d’un million d’emplois, ce que nous souhaitons, avec le soutien de la Banque publique d’investissement, en s’appuyant sur la transition énergétique, qui doit faire émerger ce gisement d’emplois lesquels permettront à notre pays de retrouver le rang qui doit être le sien.

Dans la fable Le loup et l’agneau, Jean de la Fontaine écrivait à juste titre que la raison du plus fort est toujours la meilleure. Il nous reste à déterminer si nous voulons être des loups ou des agneaux dans le domaine de la compétitivité internationale et des emplois. Le Gouvernement a fait le choix d’être à l’offensive. Il peut compter sur le groupe RRDP, mais également, si j’ai bien compris, sur la représentation nationale tout entière pour vous accompagner à relever ce défi, ce qu’attendent nos compatriotes. (Applaudissements sur les bancs des groupes RRDP et SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas Sansu.

M. Nicolas Sansu. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame, messieurs les rapporteurs, chers collègues, nous entamons aujourd’hui l’examen du projet de loi portant création de la banque publique d’investissement dans un contexte économique et social très dégradé.

En six mois, près de 240 000 personnes supplémentaires sont venues s’inscrire à Pôle emploi. Les chiffres publiés mardi dernier sont venus aggraver cette tendance avec 46 500 inscrits supplémentaires en octobre, et même 73 600 personnes en comptant les chômeurs en activité réduite. Au-delà des chiffres immédiats, il y a surtout une tendance : 720 000 emplois industriels détruits en dix ans, des échanges de produits manufacturés accusant un déficit de plus de 40 milliards d’euros en 2010, un effondrement de l’excédent brut d’exploitation dans l’industrie ; la part de l’industrie dans le PIB est passée de 24 à 14 % en quelques décennies.

La plus grande évolution aura sans doute été le déplacement du curseur entre salaires et profits dans la valeur ajoutée, au détriment des salaires : en trente ans, ce sont neuf points de PIB qui sont passés du travail vers le capital, soit 180 milliards d’euros. Soulignons aussi que, depuis 2003, le montant des dividendes versés dépasse celui des investissements réalisés dans les entreprises, et cela malgré OSÉO, CDC Entreprises, le FSI. Ces outils ne suffisent pas car, ils ne réorientent pas l’épargne. En fait, c’est le résultat de décennies de politique néolibérale, avec son cortège de drames humains et territoriaux, de gâchis de nos capacités et de nos compétences.

Face à ce désastre, le Gouvernement et le chef de l’État ont pris l’engagement devant les Français de tout faire pour redresser l’industrie et l’emploi industriel de la France. Pour y parvenir, il faut inverser la logique. Mettre enfin la finance au service de l’économie réelle et des activités productives, et non l’inverse !

La création de la Banque publique d’investissement peut être l’un des instruments du redressement productif, du sauvetage de notre industrie et du développement de filières d’avenir dans le cadre de coopérations fructueuses qui s’affranchissent d’une compétition mortifère. Remettre la finance à sa place réclame de nouvelles régulations dont l’objectif principal doit être de favoriser l’investissement productif de long terme. C’est d’autant plus urgent, et je vous renvoie à cet égard aux chiffres figurant dans le rapport de notre collègue Guillaume Bachelay, que le risque d’assèchement du crédit pour les PME devient patent, nous le constatons tous dans nos territoires.

Contrairement à une idée reçue, l’industrie française ne s’est pas dégradée du fait d’un coût salarial trop élevé. Selon le rapport publié en octobre 2009 par le Conseil des prélèvements obligatoires, le coût du travail en France par unité de production, c’est-à-dire en tenant compte de la productivité, est l’un des plus faibles de la zone euro.

La dégradation de notre industrie tient à d’autres facteurs étroitement imbriqués, parmi lesquels la dichotomie de notre secteur industriel entre d’un côté, de grands groupes, très internationalisés, qui jouent de moins en moins de rôles moteurs pour l’économie nationale et, de l’autre, une myriade de petites et moyennes industries enfermées dans des relations de sous-traitance où la discussion sur les prix prime celle de la qualité et du contenu en innovation des produits proposés. Cette dégradation tient encore à la financiarisation croissante, que nous évoquions à l’instant, qui a fait disparaître la majeure partie des entreprises grandes et moyennes véritablement indépendantes, emportée dans le tourbillon des filialisations et des politiques de rachats systématiques dont l’unique objet était non d’assurer la croissance des entreprises, mais la recherche de la rentabilité maximale et immédiate.

La création d’un instrument tel que la BPI, destiné à soutenir les investissements des PME et à densifier le réseau inter-entreprises, va par conséquent dans la bonne direction.

À cet égard, nous ne pouvons que saluer les améliorations apportées au texte à l’initiative de notre rapporteur, Guillaume Bachelay et de tous les groupes qui composent la majorité.

Alors que, dans sa rédaction initiale, le texte du projet de loi se contentait de dire que la BPI « est un groupe public au service du financement et du développement des entreprises », les amendements adoptés en commission ont permis d’en préciser l’objet, en soulignant qu’elle agira en vue de soutenir la croissance durable, l’emploi – absent dans la première version – et la compétitivité de l’économie et apportera son soutien à la politique industrielle de l’État, notamment pour soutenir les stratégies nationales de développement des filières, en se fixant pour priorité les très petites entreprises, les PME et les ETI, en particulier celles du secteur industriel.

C’est une avancée. Mais il reste que la doctrine d’intervention de la BPI sera fixée par le conseil d’administration ; permettez-moi à ce propos de m’interroger sur la cohérence de la politique économique conduite par le Gouvernement.

L’économiste Christian Chavagneux parle à juste titre de « politique de l’écartèlement ». Comment ne pas souscrire à ce constat lorsque, d’un côté, l’on s’efforce de préciser par voie d’amendement les missions d’intérêt général de la BPI et que, de l’autre, le Gouvernement propose une réduction massive de 20 milliards d’euros des charges aux entreprises sans la moindre contrepartie tangible ? Ce choix est d’autant plus incohérent que la BPI va préfinancer le crédit d’impôt aux entreprises qui le demandent, là aussi sans contrepartie. Est-ce de bonne politique que de détourner immédiatement la BPI de son rôle initial ?

Nous sommes, pour notre part, favorables, vous le savez, à la constitution d’un grand pôle financier public. Nous défendons en effet depuis des années la mise en réseau des établissements financiers publics et semi-publics, avec une déclinaison territoriale, afin de développer les moyens d’une maîtrise nouvelle du crédit bancaire, d’une réorientation du crédit visant à imposer le respect de critères sociaux et environnementaux – développement et la sécurisation de l’emploi, développement de la formation et de la recherche, financement de la transition écologique. Chacun s’accorde à dire que notre pays recèle de talents qui ne demandent qu’à s’exprimer.

Le projet de loi que vous nous proposez ne va pas jusque-là, même si l’architecture de la BPI n’est pas arrêtée et pourrait permettre éventuellement à celle-ci d’exercer une activité bancaire. En l’état, l’instrument présenté recèle une fragilité majeure : ce n’est pas une banque de plein exercice.

Pour commencer, la Banque publique d’investissement est tout d’abord très insuffisamment dotée. Au regard de l’enjeu du redressement productif et économique, la dotation de 42 milliards d’euros paraît trop faible, surtout qu’il n’y aurait que trois à quatre milliards non engagés. Il suffit de la comparer aux quelque 815 milliards d’euros de crédits alloués aux entreprises par le secteur financier, dont 213 milliards pour les seules PME.

Pour jouer pleinement le rôle contra-cyclique déjà dévolu aux acteurs existants du financement public appelés à être réunis sous l’enseigne BPI, il faudrait que celle-ci puisse jouir du statut d’établissement public de crédit et disposer ainsi de la possibilité de se refinancer auprès de la BCE. L’enjeu est double : permettre à la BPI d’exercer un rôle de catalyseur et de mobiliser les établissements privés sur les projets qu’elle soutient. La Banque publique d’investissement ne saurait en effet assurer seule la totalité du financement des projets qui lui seront soumis ni a fortiori prendre en charge les moins rentables pour laisser les autres au secteur privé. J’ai apprécié la position prise par le Gouvernement et par la commission des finances sur ce point : c’est ainsi que nous pourrons éviter de socialiser les pertes et privatiser les profits. La capacité à se refinancer auprès de la BCE permettrait surtout à la BPI d’éviter de faire systématiquement appel aux marchés financiers, au risque de voir ses opérations conditionnées par la rentabilité financière. C’est l’une des raisons pour lesquelles nous estimons que la BPI devrait pouvoir réaliser des prêts aux entreprises sur fonds d’épargne, à l’instar de ceux dont bénéficient le logement social ou la rénovation urbaine.

Depuis la modification des règles de centralisation de l’épargne réglementée, les banques commerciales sont autorisées à détenir 35 % des dépôts collectés au titre du livret A et du livret de développement durable, ce qui représente près de 120 milliards d’euros. Or les banques n’ont fourni aucun élément permettant de conclure au respect de leurs obligations en matière de financement des petites et moyennes entreprises. En conséquence, nous estimons légitime qu’une part de cette épargne non centralisée vienne renforcer les moyens d’intervention de la Banque publique d’investissement – et j’ai bien compris que le débat pourrait être ouvert d’ici à quelques semaines.

Nous reviendrons au cours de la discussion sur les questions touchant à la gouvernance de l’institution. Des progrès ont là aussi été enregistrés en commission. Nous regrettons néanmoins que la composition du conseil d’administration de ce nouveau groupe, dont l’État et la Caisse des dépôts et consignations seront actionnaires à parité, comporte deux fois moins de représentants des salariés que le conseil d’administration d’OSÉO. Nous sommes en outre favorables à ce que les fonctions de directeur général soient exercées par un représentant de l’État et nous souhaitons que la BPI, même avec des comités régionaux d’orientation ou d’engagement, soit un établissement national et non une juxtaposition d’établissements régionaux. C’est la force de l’État qui doit prévaloir en la matière.

En conclusion, la BPI doit se garder d’un double écueil : d’une part, n’être qu’un simple palliatif qui exonère les banques de leurs responsabilités ; d’autre part, ne pas délaisser les entreprises en difficulté qui, loin d’être toutes des « canards boiteux », ont besoin le plus souvent d’être accompagnées dans leurs mutations.

La BPI peut être l’instrument d’une nouvelle ambition pour le redressement productif que les députés du Front de gauche appellent de leurs vœux. À cet égard, nous serons extrêmement attentifs aux projets qui concerneront la réforme bancaire et l’orientation de l’épargne, attentifs et constructifs car la France et l’Europe ont tant d’atouts à faire valoir. C’est donc dans cet esprit de construction et de reconquête que nous soutiendrons ce projet de loi.

Mme la présidente. La parole est à Mme Valérie Rabault.

Mme Valérie Rabault. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la Banque centrale européenne, voilà quelques jours, a publié une nouvelle version de son étude sur l’accès des petites et moyennes entreprises européennes aux financements, cette fois-ci pour la période allant d’avril à septembre 2012. Elle montre que parmi les difficultés auxquelles sont confrontées les PME en Europe, l’accès au financement arrive en deuxième position – cité par 18 % des entrepreneurs interrogés – après la recherche de nouveaux clients et de nouveaux débouchés. Quant aux coûts de production ou du travail, permettez-moi de le souligner, chers collègues de l’opposition, ils ne figurent qu’en quatrième position. Nous voyons bien que nous touchons à un sujet qui est au cœur des enjeux économiques pour notre pays.

Cette étude révèle encore que si les taux d’intérêt appliqués aux PME se sont stabilisés, les conditions d’octroi de crédit se sont durcies, notamment au travers de garanties plus exigeantes. Enfin, l’analyse de la situation pays par pays montre, sans surprise, que les entreprises italiennes, espagnoles et grecques déclarent rencontrer des difficultés de financement, mais également les PME françaises. Seules les PME allemandes et autrichiennes sortent du lot.

Si le crédit ne fait pas tout, il constitue néanmoins une sève essentielle au développement des entreprises. C’est d’ailleurs ce qu’a rappelé fort justement l’OCDE qui vient de lancer un suivi spécifique des conditions d’accès des PME au financement.

Depuis le début de la crise, beaucoup d’annonces ont été faites au sujet des PME : la dernière, lors du sommet de Deauville, en décembre 2011, insistait sur la nécessité d’« éliminer les obstacles financiers à la croissance des PME ».

Face à ces difficultés, les réponses des États ont été plus ou moins ambitieuses, et là encore, monsieur le ministre, l’enseignement de l’OCDE est éclairant. Des États ont augmenté les garanties spéciales à l’exportation : le Danemark, la Finlande, la Suisse, la Suède, par exemple, mais pas la France. Des États ont accordé des garanties spéciales et des prêts aux jeunes entreprises à fort potentiel : le Danemark et les Pays-Bas, entre autres, mais là encore pas la France.

Bien sûr, des choses ont été faites, mais la France a manqué d’ambition et de volontarisme pour ses 2,5 millions de PME qui représentent aujourd’hui 60 % de l’emploi. Et il faut aujourd’hui une démarche d’envergure pour que la machine économique reparte.

C’est, je crois, le sens de la création de la Banque publique d’investissement, avec trois objectifs, longuement détaillés par les orateurs précédents, qui me semblent être essentiels à l’organisation de la vie économique sur notre territoire.

Premièrement, nous l’avons dit, il faut une offre globale et cohérente, accompagnée de la mobilisation de moyens. Vous l’avez rappelé, monsieur le ministre, il s’agira de 40 milliards d’euros avec un effet de levier qui s’élève à 70 milliards, à rapprocher des 185 milliards de crédits alloués aux PME : chacun l’aura compris, cette banque dispose de moyens d’action importants.

Deuxièmement, la BPI devra montrer sa capacité à structurer des filières. L’exemple de nos voisins européens, notamment l’Allemagne que certains ici aiment à citer, montre l’importance, des sous-traitants aux grandes entreprises, de l’accompagnement. La BPI est appelée à remplir un tel rôle, notamment grâce à une aide prospective des régions.

Troisièmement, la BPI aura à faciliter la vie des patrons des PME, des TPE particulièrement. L’existence d’une plateforme unique régionale dotée d’une capacité à prendre des décisions au niveau local, au plus près des entreprises, sera un élément de poids.

Ces trois objectifs, mes chers collègues, ne peuvent être remplis sans une gouvernance sérieuse en matière d’analyse des dossiers en amont et de surveillance des risques en aval, éléments auxquels je suis très attachée. La structure qui nous est proposée me semble de nature à répondre à ces exigences.

Des règles prudentielles s’appliqueront avec une séparation claire établie entre crédits et fonds propres et une nécessaire séparation des fonds propres pour chacune des structures. De surcroît, la politique de distribution de crédits sera définie par un comité des risques, qui sera proposé par le conseil d’administration. C’est un aspect auquel, nous, parlementaires, veillerons particulièrement puisque nous disposerons d’un rapport annuel qui nous permettra de rendre compte de l’utilisation des crédits et de savoir quels secteurs auront été soutenus.

Cette BPI correspond au premier des soixante engagements du candidat François Hollande. C’est le premier des engagements, car soutenir les entrepreneurs, c’est d’abord leur donner les moyens et les conditions pour pouvoir innover, créer et produire. L’une de ces conditions est le crédit.

Mettre en place cette BPI, ce n’est pas à recréer le système bancaire, ce n’est pas non plus lui faire concurrence. Cette BPI, c’est le déclic, le chaînon de confiance à placer dans le système économique pour contribuer au rapprochement nécessaire et indispensable entre les acteurs économiques, comme le rappelait Keynes, que nous aimons bien citer dans cette assemblée : « Mais il ne pourra y avoir de véritable redressement économique, me semble-t-il, tant que les idées des prêteurs et celles des emprunteurs n’auront pas été rapprochées les unes des autres, grâce à un double mouvement, les prêteurs consentant progressivement à prêter leur argent à des conditions moins dures et les emprunteurs retrouvant confiance et dynamisme pour emprunter plus volontiers de nouveau. Dans toute l’histoire des temps modernes, on a rarement vu de fossé aussi large et infranchissable entre les deux groupes ».

Mes chers collègues, voter en faveur de la création de la BPI, c’est faire en sorte que ce fossé, qui est large, puisse être comblé. Ces temps modernes qu’évoquait Keynes pourraient bien refléter la situation actuelle : ce blocage qui tue la confiance et donc la force pour investir dans l’avenir, la BPI le lèvera, elle qui a été conçue dans ce but. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Carré.

M. Olivier Carré. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le 21 septembre 2009, Ségolène Royal faisait paraître un communiqué de presse s’amusant de voir Nicolas Sarkozy créer un rapprochement entre CDC Entreprises, filiale de la Caisse des dépôts, OSÉO, la banque publique d’aide aux PME, et le Fonds stratégique d’investissement en vue de mettre en place une banque de financement des PME. Le montage n’était pas abouti quand a eu lieu l’élection présidentielle et il aura fallu six mois au nouveau gouvernement pour mettre au point le texte qui nous réunit aujourd’hui, autour de la création de la Banque pour l’investissement.

Comme l’a rappelé hier Gilles Carrez, la crise à la fois bancaire et économique a conduit la précédente majorité à créer toute une série d’outils, qu’il était nécessaire de concentrer et de redynamiser. C’est l’objectif du projet de loi.

Parmi les avantages de ces dispositifs, on peut citer leur complétude puisqu’ils allaient du financement des fonds propres aux garanties de prêts à l’export ou en accompagnement de différents pools bancaires, et qu’ils venaient en aide aussi bien à des sociétés innovantes qu’à des sociétés de taille importante, dont il faut parfois stabiliser l’actionnariat – ce qui paraît préférable à des interventions qui tiendraient davantage de l’expropriation que du soutien actionnarial.

Tous ces dispositifs, dont certains sont très anciens comme l’ANVAR, avaient pour objet de combler certains manques, mais présentaient l’inconvénient d’avoir été créés au fil de l’eau : il était important de redonner une lisibilité d’ensemble à leurs actions. C’était le souhait de Nicolas Sarkozy et j’observe que sur ce point, il existe une grande continuité, sous-tendue par un enjeu d’intérêt général, le financement de notre tissu entrepreneurial, quelle que soit sa taille.

Cela dit, avant que nous ne commencions nos débats, je souhaiterais faire quatre recommandations :

Il importe tout d’abord que l’accès aux outils mis à disposition soit facilité. À cela, deux conditions.

La première est que l’institution développe une activité de conseil et pas seulement une gamme de produits. La culture financière des entrepreneurs français est faible, c’est l’un de nos défauts. Elle est trop souvent limitée au seul aspect fiscal, tant le cadre dans lesquels ils évoluent est contraignant, historiquement, comme je l’ai souligné à maintes reprises. La stratégie financière d’une entreprise est ce qui conditionne sa pérennité et sa capacité à financer sa croissance sur le moyen et sur le long terme. Cet accompagnement se révèle donc essentiel.

La seconde condition, c’est que l’accès soit favorisé par le milieu entrepreneurial lui-même. Les réseaux comme les chambres de commerce, par exemple, doivent être impliqués et je me félicite que des amendements aient permis de les intégrer. Je pense également à tout ce qui concerne la médiation du crédit.

Mme Marie-Christine Dalloz. En effet !

M. Olivier Carré. Cela a facilité, de manière extrêmement pragmatique, les relations entre les différentes banques, surtout – contrairement à ce que l’on peut percevoir de l’extérieur – pour les micro-entreprises puisque l’essentiel des interventions du médiateur ces dernières années a concerné de tout petits prêts, les fameux 20 000 euros, 30 000 euros qui permettent de financer des besoins en fonds de roulement ou d’établir une transition en cas de blocage. Cette médiation a accumulé un savoir-faire et a encouragé le dialogue, à un échelon institutionnel public, mais surtout dans les relations entre deux partenaires privés, le créancier et son débiteur. C’est un élément nouveau dans le paysage financier français qu’il nous faut prendre en compte.

Deuxième recommandation : il importe, au-delà de la culture financière, de mettre l’accent sur la culture technologique. Membre du comité de surveillance des investissements d’avenir, je sais que l’on nous signale souvent une perte de substance dans l’analyse des dossiers, l’expertise technologique s’étant progressivement effacée au profit du seul aspect financier. Il faut allier ces deux facettes qui faisaient la force de l’ANVAR. Cette culture technologique a nourri un nombre considérable de projets dans les années soixante-dix et quatre-vingt, puis s’est étiolée. J’espère que cette dimension sera remise à l’honneur dans le fonctionnement des différentes instances de pilotage de la BPI, notamment au plus près des comités d’engagement.

Troisième recommandation : il ne faut pas mélanger les genres. L’une des raisons pour lesquelles je conclurai en apportant mon soutien à ce projet, c’est que les régions ont été tenues à l’écart de la décision concernant les engagements pris sur ce dossier – ce qui me paraît extrêmement sain dans la mesure où cette décision doit rester, à ce stade, l’affaire de techniciens –, tout en souhaitant être davantage impliquées dans la gouvernance régionale.

Si j’ai bien compris, le débat sur ce sujet interviendra lors de la préparation de l’acte III – comme on a pu l’appeler – de la décentralisation.

Mme Marie-Christine Dalloz. En effet !

M. Olivier Carré. Nous verrons à cette occasion s’il faut reposer la question des pôles de compétitivité et du rôle dévolu à chacune des collectivités sur ces sujets, afin de créer un écosystème efficace. Du reste, cela existe déjà dans quelques sites : je pense notamment à la façon dont la région de Toulouse a évolué, ou encore au Bordelais. Je suis moi-même élu de l’Orléanais, où la cosmetic valley prospère précisément parce qu’un tel écosystème existe.

Il est donc important de poursuivre dans cette voie, qui fonctionne d’autant mieux que les rôles sont bien fixés et qu’il n’y a pas de mélange des genres. On a connu dans le passé quelques aventures qui, bien que paraissant excellentes dans cet hémicycle, se sont révélées désastreuses ultérieurement sur le terrain. Je salue par conséquent la sagesse du Gouvernement qui a modéré certaines ardeurs, car ce point me paraît absolument essentiel pour l’efficacité à moyen terme de la banque publique d’investissement.

Ma dernière recommandation porte sur l’organigramme fonctionnel, lequel a d’ailleurs été modifié un peu à la dernière minute – c’est du moins ce qui est ressorti de la présentation faite par le ministre lors de nos débats en commission la semaine dernière. Il convient en effet que la BPI puisse monter en puissance, et que l’addition des outils existants permette de disposer d’un outil fonctionnel. Cela lui permettra de se présenter face aux marchés avec les meilleures garanties possibles pour récolter des fonds, ou encore d’apporter une garantie de qualité, tout en pérennisant un effet de levier essentiel pour l’avenir de cette institution.

Ma conclusion est simple : dans l’état actuel du texte, je soutiendrai à titre personnel ce projet de loi car il répond aux besoins des entreprises, ce qui me semble essentiel au moment où les perspectives économiques s’obscurcissent comme jamais depuis 2008. Je viens à l’instant, avec certains de nos collègues, d’auditionner plusieurs économistes dans le cadre d’une mission sur les coûts de production : les perspectives sont particulièrement sombres si l’on en croit les différents chiffres qui nous parviennent ces jours-ci, et pas forcément dans les secteurs attendus.

Ainsi, le rapport entre les demandes de prêts des entreprises et le nombre de prêts accordé était jusqu’à une période assez récente tout à fait correct. Or, selon plusieurs enquêtes, ce ratio s’est inversé de façon spectaculaire au cours de ces dernières semaines. Il est donc tout à fait important que l’on donne des signes : ce projet de loi en est un, c’est pourquoi je ne m’y opposerai pas. (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Zumkeller pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

M. Michel Zumkeller. Madame la présidente, monsieur le ministre, madame et messieurs les rapporteurs, chers collègues, nous commençons aujourd’hui l’examen du projet de loi portant création de la Banque publique d’investissement.

Il s’agit, répétons-le, du premier engagement du Président de la République, qui avait déclaré qu’il créerait une Banque publique d’investissement dotée de fonds régionaux. Cet engagement est en cours de réalisation ; nous en prenons donc acte.

Toutefois, dans le cadre de la réflexion que nous menons sur ce sujet, nous nous demandons s’il s’agit bien là d’une priorité. Chacun sait que nous traversons une crise difficile et que les entreprises rencontrent des problèmes de compétitivité. Plutôt que de commencer par la création de la Banque publique d’investissement, ne valait-il pas mieux se concentrer d’abord sur la compétitivité et le pouvoir d’achat des ménages ? Plutôt que de prêts pour financer de l’investissement, les entreprises ont besoin de retrouver de la compétitivité, de dégager des marges et de se développer. Nous nous interrogeons donc sur la pertinence de ce calendrier.

De plus, le rapport Gallois a rappelé que le choc de compétitivité devait être de 30 milliards d’euros ; or, le groupe UDI constate qu’il n’y aura pas de choc, car le processus de crédit d’impôt mis en place nous semble très complexe et peu lisible pour les entreprises. Il n’aura donc pas l’effet psychologique escompté. Les entreprises, qui continueront à subir le poids des charges, n’auront pas la capacité de réagir à ce fameux choc – choc qu’elles devront attendre longtemps.

L’urgence, et nous demandons au Gouvernement d’en prendre conscience, c’est d’apporter une réponse à ce problème de compétitivité des entreprises.

Cela étant, nous sommes là pour étudier ce projet de loi, sur lequel nous souhaitons faire quelques remarques. Tout d’abord, il n’a pas pour objet une création, mais un regroupement de structures existantes qui, pour la plupart, fonctionnaient. Je suis d’ailleurs un peu surpris par les propos que j’ai pu entendre à ce sujet : OSÉO, le Fonds stratégique d’investissement, CDC Entreprises, Ubifrance, la COFACE, toutes ces structures fonctionnent.

Dans un souci de simplification que l’on peut comprendre, le Gouvernement propose de regrouper ces structures. On se demande dans quelle mesure cela sera plus efficace, et si cela ne risque pas d’engendrer des frais supplémentaires. Je rappelle en effet, concernant les PME et les TPE, que monter un dossier OSÉO coûte cher : je connais ainsi une entreprise qui, pour obtenir un prêt de 60 000 euros, a dû débourser 6 000 euros de frais de dossier. Dans quelle mesure des TPE ou des PME pourront-elles débourser une telle somme, sans même savoir si leur dossier peut aboutir ? Nous devons nous poser la question, au moment de créer une nouvelle structure, de son efficacité et de son accessibilité.

Les organismes actuels – OSÉO, COFACE, etc. – bénéficiaient d’une grande lisibilité. Il faudra donc veiller à ce que celle-ci soit préservée, principalement à l’étranger, et que cette structure nouvelle puisse être identifiée, faute de quoi elle n’apporterait pas grand-chose dans le paysage économique.

Par ailleurs, aucun fonds supplémentaire ne vient renforcer sa force de frappe, de l’ordre de 35 à 40 milliards. J’ai du reste été surpris, car alors que M. le ministre annonçait tout à l’heure un chiffre de 40 milliards, conforme à celui dont nous disposions, M. le rapporteur a lui évoqué 50 milliards. Nous sommes naturellement très heureux d’apprendre que 10 milliards supplémentaires sont apparus dans la matinée, mais il ne nous a pas semblé les retrouver dans ce projet de loi.

De plus, l’organisation semble complexe : nous sommes d’accord pour que les régions soient impliquées. Certes, la décision politique est importante – après tout, nous sommes des élus, des hommes politiques – mais il faut bien distinguer la décision politique et la décision économique, qui doivent être en phase. Il ne faut pas qu’un dossier soit privilégié pour des raisons politiques par rapport à un autre, pour des motifs tenant à la préservation d’un intérêt d’un petit territoire. Les décisions doivent en effet être économiques, et favoriser l’entreprise qui le mérite : il ne faudrait pas que le poids politique d’un président de région lui permette d’attirer les financements sur sa région plutôt que vers une autre.

Par ailleurs, la Banque publique d’investissement est-elle réellement assez tournée vers les TPE et les PME ? Des avancées ont été obtenues en commission, ce dont nous nous réjouissons, notamment pour les TPE. Mais que met-on derrière ce sigle ? Nous ne pouvons pas nous contenter d’un effet d’annonce : il faut analyser les besoins des TPE, des artisans et des commerçants en matière de financement.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. La définition des TPE est tout de même connue !

M. Michel Zumkeller. Certes, mais il ne suffit pas de dire que l’on va donner aux TPE : encore faut-il préciser ce qu’on leur donne, et de quoi elles ont besoin.

J’avais déposé un amendement leur accordant des micro-crédits et des cautionnements, mais il a été refusé au titre de l’article 40 de la Constitution sur la recevabilité financière des amendements. Je n’ai du reste pas encore compris pourquoi, parce que ma proposition créait des économies dans le budget de l’État et non des charges supplémentaires – mais admettons.

Je souhaite, concernant les TPE et les PME, que l’on traite du financement et des difficultés de trésorerie, parce que là réside le problème. Nous sommes tous des élus, confrontés dans nos permanences à des artisans et des commerçants qui viennent nous voir. Ils ont besoin de 5 000 ou 10 000 euros – et non pas de 100 000 – pour les aider à combler un découvert et passer un cap. Or, le jour où ils rencontrent une petite difficulté, le banquier leur refuse cette aide, ou alors ajoute tellement de frais financiers que la situation en devient ubuesque. J’ai ainsi rencontré un carrossier, dont l’entreprise de trois salariés fonctionne plus ou moins, qui, suite à une difficulté de trésorerie, s’est vu appliquer, pour financer 5 000 euros, des frais de 500 euros par mois de commission d’intervention. On en arrive ainsi à des taux bancaires de prêt de 22 % : est-ce acceptable ? Ne pourrait-on faire en sorte que la Banque publique d’investissement, ou toute autre structure, par un simple cautionnement – il n’est même pas nécessaire de sortir de l’argent – aide ces entreprises à passer un cap ? Cela permettrait de préserver l’emploi et l’activité, et les finances de l’État ne s’en porteraient que mieux.

Telles sont les questions que se pose le groupe UDI. Nous insisterons sur tous ces points au cours du débat, que nous aborderons avec pragmatisme, mais aussi une grande vigilance.

Vous avez indiqué tout à l’heure, monsieur le ministre, que la Banque publique d’investissement devait être le porte-avions du pacte de compétitivité. C’est bien là ce qui nous inquiète : les entreprises ont besoin de réactivité et de souplesse, et non d’un bateau très lent au démarrage et très lourd à manœuvrer.

Pour toutes ces raisons, et en l’état actuel du débat, qui peut toujours évoluer, le groupe UDI a l’intention de s’abstenir sur ce projet de loi.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. C’est un début !

Mme la présidente. La parole est à M. Éric Alauzet pour le groupe écologiste.

M. Éric Alauzet. Comme vous, monsieur le ministre, nous sommes convaincus de l’utilité et de l’importance d’un outil financier qui pourra accompagner nos entreprises dans leur développement. Cette appréciation est manifestement partagée sur tous les bancs dans l’hémicycle.

La Banque publique d’investissement activera le secteur bancaire, en recul depuis que les règles prudentielles sont venues contraindre l’activité de prêt, mais également parce qu’aux règles prudentielles s’ajoute une prudence extrême, qui confine à la tétanie et empêche aujourd’hui les banques de jouer le rôle que l’on est en droit d’attendre d’elles. Bref, la force publique doit pallier la faiblesse du marché ; cette banque signe le retour de la politique.

En préambule, je veux remercier M. Guillaume Bachelay pour le travail de préparation qu’il a conduit en tant que rapporteur pour le projet de loi relatif à la création de la Banque publique d’investissement, notamment pour les échanges, l’écoute et la compréhension mutuelle qui ont pu se développer.

Le travail de co-construction – ou de co-amendement, pour ne pas être trop présomptueux – a apporté des avancées réelles, concernant notamment la référence à la transition énergétique ou encore le ciblage sur les entreprises en mutation. Le débat en commission n’en a été que plus serein.

Compte tenu des difficultés auxquelles nous devons faire face, il est essentiel qu’un climat de confiance et de co-construction s’étende à l’ensemble des sujets que nous devons traiter. Mon intervention à cet instant ainsi que le travail d’amendement fourni par le groupe écologiste en porteront la marque.

Sur le fond, je me réjouis de l’adoption de certaines avancées, proposées tant par le groupe écologiste que par les élus de la majorité.

Tout d’abord, même si la Banque publique d’investissement ne pourra pas venir au secours de toutes les entreprises en difficulté, notamment celles qui sont arrivées en fin de cycle, il nous a semblé important qu’elle puisse intervenir en faveur des entreprises en mutation. Celles-ci ont connu ou peuvent encore connaître des difficultés structurelles, mais sont engagées dans un projet de modernisation et de transformation fondé sur la diversification ou l’innovation et porteur de gains de productivité importants.

Je citerai ainsi l’exemple d’une papeterie située près de Besançon, dont l’outil industriel est un peu daté, et qui se trouve confrontée, comme une bonne partie de notre industrie, à la fin d’un cycle – industrie qui, comme tant d’autres, a pu souffrir de stratégies peu scrupuleuses d’investisseurs. Mais ce n’est pas le sujet du jour.

Cette entreprise a décidé de tourner la page et de se projeter dans le XXe siècle. Le cycle précédent était celui de l’énergie fossile – on connaît la voracité et la dépendance énergétique de l’industrie papetière – mais les coûts et les pollutions l’ont progressivement disqualifiée. Le projet aujourd’hui porté par l’entreprise et par un repreneur s’inscrit totalement dans la modernité, car il prévoit la réalisation d’une centrale biomasse, qui permettra d’améliorer significativement la compétitivité de l’entreprise.

Ce projet pourra utilement faire valoir sa contribution au développement durable et à la transition énergétique en maintenant de l’emploi existant autour de la valorisation des papiers et des cartons en cycle court, et en favorisant le développement de la filière bois. Plusieurs dizaines d’emplois pourront ainsi être créées dans cette filière. Or aujourd’hui, les banques sont aux abonnés absents, en dépit de l’engagement financier du repreneur, de l’ensemble des élus et de la Caisse des dépôts et consignations.

Sur un investissement de 4 millions d’euros, nécessaire pour réaliser la première tranche de modernisation, il ne manque aujourd’hui que 1,250 million d’euros, à répartir entre cinq banques, soit 250 000 euros par banque. Il s’agit de ces banques que vous connaissez, présentes sur nos territoires, et qui pourtant sont, je le répète, aux abonnés absents.

Au pire, elles ne donnent aucune explication sur leurs réserves. Au mieux, elles considèrent qu’il s’agit d’une activité dépassée, sans doute pour n’avoir pas compris les mutations en cours.

On ne peut plus accepter de telles situations, c’est pourquoi la BPI est tellement attendue. Il serait en tout cas délétère qu’au moment où elle se met en place, on assiste à des cessations d’activité de cette nature.

La création de la BPI ne doit cependant pas permettre aux banques de se défausser de leur mission de financement de l’économie, d’autant qu’elle ne pourra agir seule auprès des entreprises qu’elle aura décidé de financer.

Le financement obtenu par une entreprise auprès de la BPI doit servir de levier pour aller chercher d’autres prêts et investissements. C’est pourquoi je souhaiterais que vous nous indiquiez, monsieur le ministre, comment le secteur bancaire est susceptible d’évoluer avec l’émergence de la BPI et si l’effet levier que nous attendons va réellement se produire.

Il était également important pour nous qu’un signal clair soit donné aux entreprises sur la question écologique et, singulièrement, la transition énergétique. Le texte qui nous est soumis inscrit clairement cette priorité, souhaitons que le CICE ne vienne pas anéantir nos bonnes intentions.

Les connaissances sont aujourd’hui suffisamment documentées pour que chacun comprenne qu’il s’agit désormais d’installer nos entreprises dans une économie robuste, parce que durable. Concrètement, notre économie doit alléger son poids carbone et préserver nos ressources, pour durer et pour redevenir compétitive. Je ne peux donc que me réjouir qu’à la suite de l’examen du projet de loi en commission, il ait été précisé dans l’objet de la BPI qu’elle apporte son soutien à la stratégie nationale de développement des secteurs de la transition écologique et énergétique, de l’économie sociale et solidaire.

Le grand apport de la BPI est de créer un outil permettant enfin de développer une stratégie financière intégrée et globale au service des TPE, des PME et autres ETI. Cette stratégie globale, nous en avons besoin pour faire face à la désindustrialisation de notre pays, pour favoriser le développement, l’investissement, l’innovation, l’exportation. Depuis cinq ans, 1 000 emplois sont détruits tous les jours en France, les investissements industriels ont diminué de 10 % entre 2008 et 2010, les entreprises privées n’investissent plus que 25 % des dividendes nets dans la recherche, contre 35 % en 1995. La part de l’industrie dans le PIB est de moitié par rapport à celle de l’Allemagne.

La stratégie industrielle globale de soutien aux entreprises ne donnera pleinement satisfaction que si elle repose sur l’objectif constant d’accompagner les entreprises dans les mutations nécessaires pour faire face aux enjeux du XXIe siècle, notamment la raréfaction et le renchérissement des ressources et des énergies fossiles.

Quelques mots seulement de la diversité des secteurs et des modèles économiques qui sont en jeu. Ils sont inscrits dans le texte qui nous est proposé.

Le soutien à l’innovation devra bien entendu porter sur les nouvelles technologies dans la production des énergies renouvelable, le développement de modes de production peu énergivores, la création de nouveaux matériaux, le recyclage et la revalorisation des déchets, et j’en passe.

Il faudra également soutenir les modèles économiques fondés sur l’économie circulaire, les circuits courts, l’économie de la fonctionnalité, mais aussi l’innovation sociale, dans laquelle le secteur de l’économie sociale et solidaire est souvent à la pointe.

C’est pourquoi je me réjouis qu’une part des fonds de la BPI soit fléchée vers l’économie sociale et solidaire, même si les quelque 500 millions d’euros sur les plus de 40 milliards de capital dont devrait être dotée la BPI font un peu pâle figure.

Pour s’assurer que la transition écologique sera l’un des éléments centraux de la stratégie de la BPI, il est important de disposer de critères sociaux, environnementaux et géographiques. Ce point reste à mon sens à améliorer. Il sera nécessaire de mieux évaluer l’activité des sociétés qui bénéficieront des aides de la BPI, j’y reviendrai lors de la discussion des amendements.

La BPI ressort d’une stratégie économique au service des territoires et de la création d’emplois. En soutenant les entreprises, elle doit être l’un des outils publics en faveur de la création d’emploi dans les territoires.

Elle doit favoriser la création d’emploi en accompagnant et soutenant des entreprises en développement ou en mutation afin de les renforcer face à la crise, mais favoriser également le développement économique sur l’ensemble des territoires. L’article 1er mentionne le soutien au développement des entreprises dans les zones urbaines défavorisées, ce qui est une nécessité, mais je n’imagine pas que la BPI ne soutienne pas autant le développement des entreprises dans les territoires ruraux et les territoires fortement touchés par la désindustrialisation. Ces territoires à fort potentiel et trop souvent ignorés dans le cadre des politiques publiques doivent également bénéficier d’un soutien particulier de la BPI.

Aussi, je m’étonne que l’amendement présenté à l’article 1er par le groupe écologiste insérant la notion du soutien aux entreprises dans les zones rurales ait été écarté au motif que cette disposition créerait une dépense. N’est-il pas prévu que la BPI intervienne dans les zones rurales ? Il est important de clarifier la manière dont seront répartis les fonds de la BPI. Y aura-t-il un fléchage des fonds selon les régions ? La répartition se fera-t-elle en fonction des dossiers de demandes remontés par les territoires ? Si nous faisons confiance aux élus locaux, cette question se réglera, je pense, assez naturellement.

Enfin, nous sommes satisfaits par l’introduction de la parité dans les instances de la BPI, je pense que c’était notre souhait à tous et il est concrétisé.

Au total, nous sommes satisfaits du fond mais aussi de la méthode. J’espère, avec tout le travail qui a été accompli, que nous disposerons d’un outil d’avenir au profit de notre société.

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Goua.

M. Marc Goua. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis de trop nombreuses années, la politique industrielle de notre pays a été abandonnée par l’État. Nous avons perdu depuis dix ans 700 000 emplois industriels, 1 000 entreprises, dix points de part de marché alors que nos voisins allemands ont maintenu leur part mondiale.

Cette dégradation continue s’est accélérée depuis 2008. Notre commerce extérieur est devenu structurellement déficitaire, notre taux de chômage est élevé.

Il nous faut impérativement redresser la situation et réinvestir le champ industriel en permettant l’émergence de nouvelles entreprises et en renforçant notre tissu industriel.

Nous examinons ce matin ce qui constitue l’un des éléments essentiels de la reconquête industrielle, qui fait l’objet d’un plan global présenté par le Gouvernement, à savoir la création de la BPI.

Cet établissement, fer de lance de cette reconquête, aura pour mission d’être au service du développement des entreprises innovantes et exportatrices en contribuant au financement de leurs investissements sous forme de fonds propres ou de crédits.

La BPI aura donc vocation à favoriser la compétitivité aux côtés des mesures qui seront prises dans la foulée du rapport Gallois, et que nous examinerons prochainement en séance.

Une banque au service des PME-PMI et des ETI est une nécessité car les difficultés actuelles de financement, aggravées depuis la crise et les contraintes de Bâle III, empêchent ou freinent les investissements indispensables et restreignent même le financement du fonds de roulement mettant nos entreprises dans des situations souvent très difficiles.

La Banque de France souligne que les encours des crédits de trésorerie sont en baisse de 3,5 % par rapport à l’année dernière, ce qui est historique, et le financement des investissements s’écroule depuis quelques semaines.

L’accès au renforcement des fonds propres est tout aussi difficile, et les interventions des capital-risqueurs et capital-investisseurs sont en recul.

La BPI doit permettre aux entreprises françaises de reconquérir des marchés au niveau européen et au niveau mondial, à l’instar de ce que font les entreprises allemandes. Elle sera le bras séculier de la volonté politique de l’État, dont les objectifs ont clairement été définis : développer les filières innovantes à forte valeur ajoutée, investir dans l’économie verte, favoriser la transition énergétique, et créer une nouvelle excellence industrielle française.

Évidemment, la BPI n’interviendra pas seule. Elle sera au service de la croissance et devra être accompagnée par le système bancaire traditionnel et non se substituer à lui. Son intervention, avec sa grande puissance compte tenu des fonds levés, va, j’en suis sûr, dynamiser l’économie de notre pays.

De même, elle n’a pas vocation à aider les entreprises en difficulté. Ce rôle est dévolu au CIRI et aux CODEFI.

La BPI a également pour ambition de rendre plus lisibles les différents outils financiers et les services aux entreprises qui sont actuellement dispersés afin d’améliorer leur efficacité. En regroupant OSÉO, CDC entreprises, le FSI et, plus tard Ubifrance et la COFACE, c’est véritablement, avec l’expertise de la CDC, un grand pôle public au service du financement des entreprises qui se met en place.

La BPI offrira également des services aux entreprises, services que nos entreprises ne peuvent créer ou auxquels elles ne peuvent accéder, avec pour objectif affiché le développement des exportations et la réduction de notre déficit commercial, dont les effets sur notre croissance sont négatifs.

Son offre devra répondre aux besoins des entreprises, et pas seulement aux besoins financiers même si c’est évidemment son cœur de métier.

La connaissance du territoire, de son tissu économique et industriel, sera positive pour une prise de décision rapide d’un investisseur avisé. Les antennes régionales seront mobilisées dans le repérage des projets éligibles et dans la décision, qui devra être à la fois rapide et adaptée.

Cette approche régionale du dispositif va bien au-delà puisqu’elle est fondée sur un partenariat entre l’État et les régions, qui pourront ainsi mettre leurs moyens en commun au service du financement des entreprises. La volonté du Gouvernement de voir 90 % des décisions financières prises au niveau régional en témoigne.

Certains points du projet de loi devront être précisés.

La question de la représentation de l’actionnariat au sein du conseil d’administration de la BPI n’est pas réglée. La CDC et l’État sont actionnaires à part égale. Cette répartition doit être effective également au sein du conseil d’administration. En effet, si le directeur général est nommé par décret, il est de facto nommé par et sur proposition de l’État. Dès lors, il ne peut être présent au conseil d’administration de BPI-groupe qu’en qualité de représentant de l’État.

Il en va de même pour le comité national d’orientation, qui serait composé de vingt-trois membres, dont le président de la commission de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations et un représentant de l’État en tant qu’actionnaire de la société anonyme BPI-groupe. Or le président de la commission de surveillance est non pas un représentant de la Caisse des dépôts et consignations, mais un représentant du Parlement.

Plus globalement, il nous faudra également être vigilant sur les points qui ne sont pas du domaine de la loi mais qui sont pourtant décisifs dans la constitution de cette nouvelle entité, notamment la définition de la doctrine d’investissement et les relations avec les institutions financières européennes.

Chers collègues, le constat sur la situation économique de notre pays et particulièrement sur l’état de son tissu industriel est, je le crois, partagé sur l’ensemble de ces bancs.

La reconquête est une ardente nécessité, comme le disait le général de Gaulle en parlant des plans quinquennaux mis en place pour reconstruire notre pays après la seconde guerre mondiale. Le plan du Gouvernement, qui vise à favoriser la compétitivité, dont la création de la BPI est l’un des actes essentiels, est aussi une ardente nécessité.

Le texte qui nous est proposé répond à cet objectif. Je ne doute pas que nos travaux l’enrichiront et qu’il trouvera un large assentiment sur l’ensemble des bancs de cette assemblée. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz.

Mme Marie-Christine Dalloz. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, oui, les conditions d’accès au crédit pour nos PME, nos PMI et nos ETI s’étaient énormément durcies. Oui, il convenait de répondre à ce vrai problème.

La Banque publique d’investissement, BPI pour les personnes averties, nous a été présentée comme l’alpha et l’oméga du financement des entreprises de croissance. M. le ministre l’a décrite en commission des finances comme l’instrument au service de la croissance, la garantie du crédit d’impôt recherche, l’outil de préfinancement du crédit d’impôt compétitivité, bref une banque nationale publique qui illustre la stratégie industrielle du Gouvernement. Depuis ce matin, c’est même devenu un porte-avions !

Pour vous, monsieur le ministre, ce n’est pas un machin, une usine à gaz. Je considère pour ma part qu’il s’agit d’un fourre-tout regroupant les activités d’OSÉO SA – détenue à 64 % par l’État, à 26 % par la Caisse des dépôts et consignations et à 10 % par les banques –, du FSI – détenu à 51 % par l’État et à 49 % par la Caisse des dépôts et consignations –, de la branche entreprises de la CDC et, à terme, des fonds d’aide à l’exportation d’Ubifrance et de la COFACE.

Si nous pouvons nous retrouver s’agissant de l’objectif de cohérence et de lisibilité des dispositifs existants, le texte n’apporte aucune garantie quant à la rationalisation de l’existant. Bercy estime sa force de frappe à 42 milliards : 20 milliards de prêts, 12 milliards en garanties et 10 milliards d’investissements en fonds propres sur le quinquennat. Or l’épargne réglementée, même en augmentation, ne permet pas d’atteindre ces montants, de sorte que la BPI devra sous doute se tourner vers les marchés financiers. C’est déjà un problème que d’imaginer l’outil d’aide aux entreprises sans financement précis.

Cette entité détenue à 50-50 par l’État et la Caisse des dépôts et consignations, présidée par le directeur de la CDC, sera donc en définitive une holding publique d’investissement au statut de compagnie financière. Le mode de gouvernance, alliant le national et le régional, part d’une bonne intention. Mais là encore, comme l’a souligné le président de la commission des finances Gilles Carrez, dans sa sagesse et son expertise reconnues, il convient que les représentants de régions siégeant dans les commissions d’engagement ne soient pas des élus. C’est une nécessité absolue, à laquelle vous avez répondu favorablement.

Toujours dans le cadre de la gouvernance, on peut penser que la Caisse des dépôts et consignations aura des difficultés à contrôler réellement une filiale dont les fonds propres sont aussi importants que les siens, d’autant plus que celle-ci pourra aussi recourir à ses fonds d’épargne. Ainsi, se pose inévitablement le problème de la maîtrise des risques.

Rationalisation non garantie, financement certainement insuffisant, gouvernance peu assise : la BPI n’est pas ferme sur ses bases. Elle est également partiale en termes de priorités d’intervention. En effet, l’article 1er, modifié en commission des finances, préconise en son alinéa 7 un fléchage du soutien de la BPI aux zones urbaines défavorisées. Une fois encore, les zones rurales sont délaissées et abandonnées. Les entreprises qui font vivre nos territoires ruraux doivent-elles être moins considérées ? À l’heure du « produire en France » et de la nécessaire relance de la compétitivité, vous abandonnez les inestimables savoir-faire locaux des acteurs de notre aménagement du territoire. Ce n’est pas ce que j’appelle un progrès.

Enfin, j’ai une question à vous poser, monsieur le ministre. Mercredi 21 novembre, lors de l’examen de ce texte en commission des finances, la presse se faisait l’écho d’une déclaration de Nicolas Dufourcq, chargé de la mission de préfiguration et futur directeur général de la BPI, annonçant qu’il proposerait une organisation différente de celle aujourd’hui étudiée dans ce projet de loi. Nous avons pu mesurer votre embarras à cette nouvelle. Qu’en est-il aujourd’hui ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Pierre Moscovici, ministre. J’ai répondu !

M. Guillaume Bachelay, rapporteur. Il fallait être là au début de la séance !

Mme Marie-Christine Dalloz. J’étais là et j’ai entendu, mais ce n’était pas clair !

Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Faure.

M. Olivier Faure. Madame la présidente, monsieur le ministre, madame et messieurs les rapporteurs, chers collègues, beaucoup a déjà été dit à ce stade du débat et je ne reprendrai pas les arguments développés. Je relève que de nombreux députés ont reconnu la pertinence d’un projet qui était la première des propositions du candidat François Hollande et que nous attendons tous avec impatience. J’ai entendu les propos de M. Carrez, qui s’exprimait à titre personnel : j’espère qu’il saura entraîner l’ensemble de ses collègues sur une position responsable.

Je souhaite, pour ne pas répéter ce qui a déjà été dit, apporter le témoignage de quelqu’un qui a été, il y a quelques années, dirigeant d’entreprise et qui a été confronté à la situation que connaissent aujourd’hui beaucoup de PME.

J’ai en effet été le dirigeant d’une entreprise créée par dix-sept salariés et qui, en dix ans, a réussi à créer 150 emplois et 50 emplois de sous-traitants. Nous avions à cette époque une difficulté que connaissent de nombreuses entreprises, liée au fait que nous avions engagé des contrats avec des pays étrangers, sur des marchés compliqués, souvent financés par des tiers, par exemple l’Union européenne, avec des paiements extrêmement élevés. C’était une entreprise en pleine croissance et qui, de ce fait, a toujours été en difficulté de trésorerie. Au départ, nous avons bénéficié du soutien des banques, qui ont ensuite préféré éviter toute prise de risques. L’entreprise est ainsi progressivement entrée dans le rouge, avec une perte d’emplois. Au final, le contrôle est passé des salariés à une entreprise belge. Cette situation n’est pas unique. Chacun d’entre vous a déjà eu l’occasion de rencontrer des chefs d’entreprise confrontés à de telles difficultés.

Aujourd’hui, le Gouvernement prend à bras-le-corps cette situation et crée la Banque publique d’investissement, avec trois idées fortes.

Tout d’abord, cette institution répondra à l’ensemble des besoins de financement des PME et ETI de croissance, en accompagnant de manière individualisée les entreprises à tous les stades de leur développement, par le biais de trois nouvelles missions : nouveaux services à l’export, nouvelle stratégie de soutien à l’innovation, et notamment à l’innovation de rupture.

Ensuite, la gouvernance opérationnelle associe l’ensemble des acteurs : nous aurons une banque qui saura agir dans la proximité.

Enfin, des moyens ambitieux sont mis au service de la croissance des entreprises et de l’économie réelle : ce sont les 42 milliards déjà évoqués, sur lesquels je ne reviens pas.

Je tiens à souligner l’absolue cohérence de ce gouvernement. Depuis six mois, confronté à la situation extrêmement inquiétante du pays – dix-huit mois de progression lourde du chômage –, il a enchaîné les actions en faveur du redressement. Je rappelle à cet égard l’action entreprise par le Président de la République au niveau européen avec le pacte de croissance ; le redressement des comptes publics que vous avez, monsieur le ministre, engagé avec fermeté et clarté comme jamais auparavant ; un pacte de compétitivité qui porte lui aussi un message extrêmement clair, avec un crédit d’impôt qui sera proposé aux entreprises dès la semaine prochaine, et qui a le mérite de la simplicité ; enfin, cette Banque publique d’investissement. Pour toutes ces raisons, il va de soi que je soutiens le projet de loi avec ardeur.

Monsieur le ministre, les Français connaissent la difficulté à laquelle vous êtes confronté et, en même temps, en dépit de tout ce qui peut être dit et des efforts qui leur sont demandés, ils comprennent le sens de votre action et sauront, le moment venu, en reconnaître les résultats. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Julien Aubert.

M. Julien Aubert. Monsieur le ministre, enfin un sujet non clivant ! Voilà qui est agréable. Cette idée de BPI est en effet une excellente idée portée par Nicolas Sarkozy et François Hollande. Elle a deux papas – c’est à la mode –…

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. C’est à l’UMP que c’est à la mode !

M. Julien Aubert. …et réunit un consensus droite-gauche. On le sait, le pilotage actuel pose problème, avec une multitude de structures, lesquelles étaient, de plus, depuis quelques mois dans une position attentiste, ne sachant pas trop à quelle sauce elles allaient être mangées. Nous avons donc ici le premier étage de la construction, sachant que ce n’est qu’une première étape, car il ne suffit pas d’organiser la colocation pour développer un affectio societatis.

La première remarque qu’appelle ce projet, c’est que l’organisation prévue est curieuse. Elle est en tout cas originale ou singulière – sans porter de jugement de valeur sur le dispositif. On dit que c’est une banque, alors que ce n’en est pas vraiment une : elle fait du prêt, mais elle abrite aussi, sous la dénomination plus large de groupe, des activités de fonds propres, le Fonds stratégique d’investissement, particulièrement centré sur de grosses entreprises, OSÉO et CDC Entreprises. On projette même, selon le rapport, d’y intégrer la COFACE, donc l’assurance export, ou encore Ubifrance, qui fait de la promotion d’entreprises à l’étranger. Il s’agit donc bien avec ce texte d’une première étape puisque le projet global pourrait être à terme plus étendu.

Ce problème de périmètre a d’ailleurs fait l’objet d’interrogations en commission en raison de cette ambiguïté. Il est vrai que celle-ci a été levée par l’intervention du ministre ce matin.

Au-delà de l’organisation, il faut, en l’absence de moyens supplémentaires, que cette BPI soit une plus-value. Comment faire pour que cela soit possible ?

Il est tout de même singulier, tout d’abord, qu’il s’agisse d’une banque avec des élus. Aussi convient-il – c’est le message que nous souhaitons porter – élever un mur de Chine pour ne pas transformer l’activité bancaire en activité politique. D’autant que, s’il y a des élus régionaux, on n’y trouve aucun élu national ; or, si les régions jouent un rôle important en matière économique, c’est aussi le cas de l’État.

Ce caractère politique apparaît à l’article 1er, sur lequel j’ai quelques regrets. Cet article, comme l’a souligné Mme Dalloz, ne comporte aucune disposition concernant les zones rurales. Or, pour que l’action de cette banque soit efficace, il faut qu’elle colle aux territoires, qu’elle ait dans ses gênes la notion d’aménagement du territoire.

Cela pose d’ailleurs la question de son articulation non seulement avec un autre acteur du financement, la Banque postale – qui est certes un acteur privé, mais qui dépend de La Poste et qui remplit également une mission financière –, mais aussi avec les réseaux parapublics d’aide à la création d’entreprise, tels que CDC Entreprises ou les structures dépendant des intercommunalités. Il faut que la BPI coordonne ces acteurs.

Je souhaite par ailleurs que la BPI puisse faire du micro-crédit et même, pourquoi pas, du don, voire qu’au-delà de la création d’entreprise, elle apporte son soutien à la deuxième année d’activité, lorsque les entreprises essaient de grossir, et qui représente un cap essentiel.

Il faudra donc penser aux réseaux, prendre en compte le fait que le FSI a un ADN plutôt jacobin tandis qu’OSÉO est généralement dans les villes, et ne pas oublier les campagnes.

Je regrette par ailleurs que s’il est beaucoup question d’écologie, les personnalités qualifiées aient simplement des connaissances en matière de développement écologique. Alors qu’avec ce texte c’est un débat sur le progrès, sur les gisements de productivité et de croissance encore inexploités qui est posé, j’aurais souhaité que les personnalités qualifiées s’y connaissent dans ces secteurs d’avenir que sont par exemple le numérique ou les biotechnologies. Je regrette, au passage, l’absence de représentants du secteur privé : pourquoi ne pas faire appel à des créateurs de PME, à des chefs d’entreprise, qui permettraient d’insuffler dans le conseil d’administration de la BPI une logique de partenariat ?

Je regrette également qu’un avis de l’Assemblée nationale ne soit pas prévu sur la nomination des membres du conseil d’administration. Après tout, la CDC a un lien extrêmement fort avec notre assemblée. Il aurait été intéressant que nous puissions nous prononcer.

Pour l’avenir, au-delà du rapprochement avec la Banque postale que j’ai déjà évoqué, la vraie question, monsieur le ministre, est celle du développement des entreprises à l’international. Vous pensez à Ubifrance, à la COFACE. Je crois qu’il faudra se poser aussi la question des rapports avec PROPARCO, filiale de l’Agence française de développement, et peut-être envisager la création d’équipes à l’international, dans laquelle la BPI pourrait jouer un rôle moteur. Cela a déjà été fait : je vous renvoie, par exemple, à la création du fonds d’amorçage, de réalisation et d’orientation, le FARO, coordination originale de l’AFD, d’OSÉO, du ministère des finances, de la Caisse des dépôts et consignations, pour un travail à l’international en faveur du développement des entreprises.

Autant un mur de Chine est nécessaire par rapport aux élus, autant je pense qu’il faut briser le mur entre le développement des entreprises à l’international et leur développement sur notre territoire. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Sans oublier le mur du son ! (Sourires.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marc Germain.

M. Jean-Marc Germain. Madame la présidente, monsieur le ministre, chers collègues, nous vivons des heures décisives pour notre pays, des heures qui vont décider de l’avenir économique de la France, de sa capacité à inverser la courbe du chômage.

Je ne veux pas m’étendre sur le bilan car mon regard est tourné vers l’avenir. Le bilan des dix dernières années, les Français l’ont fait eux-mêmes en sanctionnant la majorité précédente. Ils savent qu’il y a la crise, et qu’elle est mondiale. Rien ne servirait de le nier.

Mme Marie-Christine Dalloz. Et pourtant vous l’avez niée !

M. Jean-Marc Germain. Mais ils savent qu’il n’a pas été fait ce qu’il fallait pour y faire face. Les Français ne nous ont pas élus pour exprimer des remords sur le passé, mais pour que nous trouvions des solutions pour l’avenir. Après le temps de la réparation et de la préparation qui nous a mobilisés cet été, est venu le temps des solutions.

Le temps des solutions pour régler les deux dysfonctionnements du marché du travail de notre pays, le chômage des jeunes et des seniors : les emplois d’avenir sont entrés en vigueur au début du mois, 150 000 emplois pour apporter une première expérience et une qualification aux jeunes qui en sont dépourvus ; les contrats de génération ont donné lieu, il y a quinze jours, à un accord unanime des partenaires sociaux ouvrant la voie à leur mise en œuvre rapide, dès le début 2013, avec 150 000 emplois et 500 000 à terme.

Le temps des solutions pour la compétitivité : hier, tard dans la nuit, nous avons adopté en commission des finances le crédit d’impôt compétitivité emploi, soit 20 milliards d’euros pour permettre aux entreprises d’investir dans la recherche, dans l’innovation, dans le développement des compétences. C’est là que se joue la vraie compétitivité.

Je me réjouis, monsieur le ministre, que vous ayez choisi d’agir avec une grande rapidité en nous soumettant ce texte dès l’examen du projet de loi de finances rectificative pour 2012. Ce sont trois mois de gagnés qui nous seront précieux, les derniers chiffres du chômage sont là pour le rappeler à ceux qui en doutaient.

Au changement d’échelle radical dans la politique de l’emploi, avec 650 000 contrats aidés qui s’ajouteront aux 400 000 existants et à une aide puissante à la compétitivité des entreprises, nous ajoutons aujourd’hui la troisième pièce de notre dispositif anti-chômage, tout aussi essentielle : la Banque publique d’investissement.

La crise a montré – ce qui était une évidence pour certains depuis longtemps et qui a été une découverte pour d’autres – que si l’économie administrée n’a pas fait la preuve de son efficacité, l’économie sans administration a conduit dans le mur, à la tyrannie du court terme, à la mainmise de la finance, à la course aux délocalisations aussi anti-économique qu’anti-écologique et anti-sociale. La Banque publique d’investissement, c’est le bras armé qui manquait à l’État pour donner une direction à l’économie française.

Cette direction, d’autres l’ont dit avant moi, dont notre rapporteur que je salue pour la qualité de son travail, consiste d’abord à doter notre pays du tissu d’entreprises de taille intermédiaire qui fait la force de l’Allemagne et qui manque tant à la France. Cette direction, c’est aussi investir dans les filières d’avenir : les textiles techniques et innovants, les biotechnologies, les technologies environnementales. Il y a dans les pôles de compétitivité de nos territoires des milliers de pépites qui sommeillent ; aidons-les à investir, à croître, à se développer à l’international.

Je souhaite que la BPI soit un investisseur avisé, mais aussi qu’elle prenne des risques, qu’elle fasse des paris sur l’avenir. Sinon à quoi servirait-il de mobiliser de l’argent public ? Des investisseurs plan-plan, il y en a pléthore ; des investisseurs qui accompagnent la prise de risque, c’est-à-dire des projets qui nécessitent d’être accompagnés dans la durée avant de produire leurs fruits, il en manque cruellement.

Pour moi, il n’y a pas d’un côté les secteurs d’avenir et ceux qui seraient voués à disparaître, les oiseaux vertueux et les canards boiteux. Je suis ainsi favorable à ce que si l’Europe retient le site de Florange pour le projet LUCOS, la BPI participe à ce projet industriel car oui, je crois qu’avec les nécessités environnementales, la hausse des coûts de transport, le raccourcissement des délais de production et les exigences croissantes de customisation, il y a une place en France pour toutes les industries, sidérurgie comprise.

Chers collègues, M. le ministre nous a appelés tout à l’heure à un large soutien sur ce texte. Il a raison car celui-ci devrait tous nous réunir, il en va de l’intérêt de la nation.

Permettez-moi, pour conclure, de rappeler que le général de Gaulle avait dit en son temps qu’un pays qui a 365 fromages ne peut pas perdre la guerre.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Il y en a encore plus maintenant !

M. Pierre Moscovici, ministre. Il ne comptait pas les fromages corses ! (Sourires.)

M. Jean-Marc Germain. Nous ne sommes pas en guerre, mais nous avons une bataille majeure à remporter : celle contre le chômage. Je vous dis ma conviction : avec le changement d’échelle de la politique de l’emploi, la réorientation de l’Europe vers la croissance, le pacte de compétitivité et son vaisseau amiral, la Banque publique d’investissement, le pays aux 365 fromages remportera la bataille contre le chômage. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Anne-Yvonne Le Dain.

Mme Anne-Yvonne Le Dain. Madame la présidente, monsieur le ministre, chers collègues, je suis particulièrement heureuse de prendre la parole à l’occasion de ce débat consacré à la Banque publique d’investissement. Engagement de campagne du Président de la République, cette réforme est indispensable à la croissance des entreprises françaises, donc à l’emploi.

En France, l’économie est en berne, nos PME et nos TPE ne trouvent plus les capitaux nécessaires sur les marchés financiers. Dotées de fonds propres trop fragiles et d’une trésorerie trop faible, elles sont aussi trop souvent plombées par des prêts bancaires nantis sur les seuls biens personnels et familiaux des chefs d’entreprise, et n’ont pas la puissance nécessaire pour l’économie d’aujourd’hui. C’est pour cela qu’elles restent petites, bien trop petites. Comment expliquer en effet que la France ne dispose que de 650 entreprises indépendantes de plus de 500 salariés alors que l’Allemagne en compte au moins 2 500 et l’Italie 3 300 ?

Oui, monsieur le ministre, la création de la Banque publique d’investissement va donner enfin le souffle nécessaire à notre économie car c’est justement en période de crise qu’il faut investir, massivement et clairement, investir aux côtés et avec ceux qui font confiance à l’avenir et ne pleurent pas un monde défunt ni ne se satisfont d’une décroissance qui ne les concernerait pas personnellement ! La BPI est liée pour moi aux entreprises industrielles qui n’arrivent pas à décoller alors qu’elles ont de beaux projets, aux jeunes pousses innovantes, souvent technologiques – mais pas seulement – qui manquent de puissance pour aller très vite sur les marchés mondiaux, aux entreprises matures dont productions et marchés sont bien solides et qui pourtant ne peuvent grossir faute de sécurité pour leurs fournisseurs comme pour leurs clients.

Pourquoi une banque publique ? Pourquoi ne pas laisser les marchés financiers faire leur métier d’investisseur, comme on l’entend trop souvent ? Ce devrait pourtant être leur travail. Or il nous faut bien considérer que le monde de la finance n’y va qu’à coup sûr, lorsque la preuve de concept est là et que les marchés ont déjà accordé 1 million voire 2 millions. C’est trop souvent « en centrale », ce qui signifie pudiquement « dans les bureaux à Paris », où le monde bancaire est bien frileux pour l’économie réelle, que les refus tombent. J’observe d’ailleurs qu’il y a quelques minutes, un élu UMP a seulement noté la présence dans cet hémicycle d’élus régionaux comme si, pour l’UMP, Paris était la France et le reste la province. C’est une philosophie intéressante… que nous ne partageons pas.

AIors même que les besoins de réactivité, de fiabilité, de traçabilité, de technicité et de sécurité sont de plus en plus forts chez nos concitoyens et chez nos entreprises, nos PME n’avaient pas jusqu’à présent accès aux capitaux pour investir dans le matériel et les emplois nécessaires. Ce sera désormais possible avec la BPI car, avec elle, la France se dote des moyens d’agir au niveau que nécessite notre pays, notre économie et nos travailleurs, c’est-à-dire au niveau régional avec une puissance nationale. Il était temps ! Il est temps !

Avec la BPI, nous changeons enfin d’échelle car jusqu’alors, c’était seulement OSÉO, les sociétés de capital-risque locales, généralistes ou technologiques, et les Régions qui faisaient seules, ou presque, ce travail : celui-ci sera maintenant décuplé. Il était temps de mettre de la puissance dans le système et vous avez confirmé ici, monsieur le ministre, que l’État a vu et compris qu’il fallait approfondir la voie de la proximité en allant au niveau régional, et je vous en remercie car cela redonnera de la force aux réseaux locaux des banques nationales, réseaux dont les décisions étaient jusque-là souvent prises en centrale, à Paris. Ils savent apprécier la qualité et la force des projets sur leur territoire et ne se contentent pas de remplir des tableaux Excel pour les qualifier et dire oui ou non à un jeune qui se lance, à un patron qui investit, à un salarié qui reprend son entreprise. Car il s’agit ici d’économie réelle, d’argent réel, pas des finances mathématisées d’une économie mondiale virtualisée.

Je parle ici d’expérience, monsieur le ministre, car dans ma région, à Montpellier, c’est grâce à des dispositifs locaux, telle la société de capital local Soridec, au réseau d’investissement dans les jeunes pousses Crealia et aux plates-formes d’initiative locale pour tout ce qui est beaucoup plus local encore, que des hommes et des femmes entreprenants trouvent écoute et efficacité. Et ça marche ! La région y a ajouté récemment le fonds JEREMIE négocié avec l’Union européenne : et ça marche !

Oui, il faut redonner confiance à notre pays, monsieur le ministre, et bien sûr investir en période de crise pour être prêt, et dès maintenant, quand la machine économique mondiale repartira. C’est forte d’une expérience acquise sur les territoires, vous l’aurez remarqué, que je vous remercie de la création rapide de notre banque publique d’investissement nationale qui décuplera les moyens financiers pour notre économie et nos entreprises, et donc pour l’emploi.

J’espère que la BPI sera bien un levier supplémentaire pour notre économie, et qu’à ses côtés le monde bancaire saura accroître son effort en donnant plus de pouvoir à ses propres leviers locaux de décision pour que nos entreprises, partout, puissent croître et s’inscrire dans l’économie d’aujourd’hui, qui est tout à la fois locale et internationale. Oui, la BPI est un enjeu stratégique et nécessaire. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Yves Censi.

M. Yves Censi. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, soutenir les entreprises affaiblies par la crise économique, stimuler la croissance dans les territoires en injectant des prêts et du capital dans le tissu de PME ou d’entreprises de taille intermédiaire, pallier les carences du capitalisme financier traditionnel, simplifier les démarches des entreprises, mettre fin à l’empilement des multiples aides illisibles et, à cet effet, instaurer un guichet unique de financement à travers la création de la Banque publique d’investissement, c’est une bonne idée.

C’est une idée qui prend racine dans des politiques conduites de longue date par les précédents gouvernements, une idée dont l’intérêt est indéniable au regard des besoins de financement de nos PME mais aussi de l’asphyxie financière des entreprises de taille intermédiaire en quête de croissance.

Chacun le sait, la croissance passe par l’industrie et l’emploi, et quasi exclusivement par les PME. Celles-ci ont besoin de grossir, d’innover et d’exporter davantage. Or elles peinent à trouver des financements sur le marché ou auprès des grandes banques. Les crédits des PME sont passés seulement de 214 milliards d’euros en 2006 à 267 milliards l’année dernière, selon les dernières données de la Banque de France, alors que le capital-investissement n’est intervenu qu’à hauteur de 9 milliards.

En France, l’on ne dénombre que 4 700 ETI de plus de 250 salariés, soit deux fois moins qu’en Allemagne, et leur développement se heurte à un moment donné à un plafond de verre et elles n’ont quasiment aucune perspective de figurer au CAC 40 ou à son équivalent, contrairement à ce qui se passe à Wall Street dont les plus beaux fleurons, il faut le savoir, ont moins de dix ans d’âge et ont eu accès à une ressource financière qui a littéralement dopé leurs fonds propres.

Par conséquent, oui, financer les entreprises à fort potentiel de croissance au moment même où le crédit bancaire va se raréfier et se renchérir du fait des nouvelles normes de régulation de Bâle III limitant les risques pris par les banquiers, est une bonne idée. Mais attention, comme l’a dit excellemment notre collègue Jean-François Mancel, à ce que la BPI ne devienne pas une fausse bonne idée. Nous avons tous en tête les dernières expériences de l’État en matière bancaire, qu’il s’agisse du Crédit Lyonnais, de Dexia ou encore des errances des anciennes sociétés de développement régional dans les années quatre-vingt, ce qui ne peut que nous inciter à la plus grande prudence.

Avec ce guichet unique de financement, vous faites le pari, monsieur le ministre, de protéger les sociétés implantées dans les régions délaissées par les investisseurs et de faire émerger de jeunes pousses dans des filières d’avenir : les entreprises dites « innovantes » ou celles qui exportent. Vous faites aussi le pari que, grâce à ses investissements, la BPI saura attirer de nombreux financements privés et qu’elle créera ainsi un effet de levier. Vous faites enfin le pari que la BPI sera un instrument de réindustrialisation de notre pays – je ne vais pas bien sûr jusqu’à rêver d’une Silicon Valley.

Mais il reste de nombreux curseurs à bouger et beaucoup d’incertitudes et d’interrogations sur l’articulation entre la holding centrale et ses filiales en région, sur la gouvernance locale ou encore sur le champ d’intervention de la BPI et sur ses moyens.

De l’avis convergent des économistes, la BPI devra, pour atteindre son objectif, se doter de moyens humains renforcés en région, afin d’analyser finement les besoins et les risques.

Il est indispensable que les futurs décisionnaires disposent d’un profil, d’une culture et d’une expérience réellement plus entrepreneuriales que strictement financières pour comprendre la réalité du terrain et apprécier la prise de risque sans laquelle il n’y a pas d’innovation, donc de croissance, donc d’emploi. Sans risque, il n’y a pas de création de valeur ajoutée.

La BPI devra respecter une mission claire et être sélective dans ses choix. Au-delà de l’outil lui-même et de son efficacité, le flou entretenu par le Gouvernement sur le contenu de sa politique de soutien à l’industrie fait également débat, et cela jusque dans vos rangs, monsieur le ministre.

Certes, M. Jouyet a déclaré que la BPI devait avoir pour mission de soutenir des projets d’avenir et non les canards boiteux, mais vous ne donnez aucune garantie sur la qualité des décisions qui seront prises pour soutenir les entreprises d’avenir et la croissance, ni d’ailleurs sur les moyens financiers mobilisés.

La BPI aura une force de frappe de 42 milliards d’euros déclinés en prêts, investissements et garanties, alors que le marché du crédit aux PME et aux TPE atteint 200 milliards d’euros par an, et alors que, par comparaison, l’Allemagne dispose d’une banque dédiée au financement des entreprises dont le bilan dépasse les 300 milliards d’euros.

Dès janvier 2013, un guichet unique regroupera donc le FSI, OSÉO, la Caisse des dépôts Entreprises, sans oublier la partie publique de la COFACE et d’UBIFrance. Or les compétences attribuées à l’ensemble de la structure et à ces différents organismes font débat et restent encore floues.

Sur le terrain, les différents organismes – OSÉO, UBIFrance ou le FSI Régions – continueront-ils à fonctionner indépendamment ? Nous n’avons pas de réponse.

Compte tenu de la situation d’urgence des PME et des ETI françaises, je regrette que le débat se focalise quasi exclusivement sur les structures – qui doit faire, comment et où ? – en reléguant au second plan les véritables missions de la BPI. La semaine dernière, alors que nous examinions en commission ce projet de loi, la presse faisait état d’une déclaration de Nicolas Dufourcq, futur directeur général de la BPI, qui annonçait qu’il proposait une organisation différente de celle étudiée dans ce projet de loi.

Il faut que cette BPI soit un outil de rassemblement plutôt qu’un facteur de division, et que la coordination entre ces différents acteurs gagne en synergies en évitant les pièges d’une impossible fusion. Si vous parvenez à résoudre ces différentes équations, alors la BPI pourrait être un véritable moteur pour notre économie.

Je gage qu’il en sera ainsi, mais devant la persistance de tant d’incertitudes, d’interrogations et d’approximations, notre groupe ne pourra que s’abstenir.

M. Jean-Marc Germain. Quel groupe ?

Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Mandon.

M. Thierry Mandon. Madame la présidente, monsieur le ministre, chers collègues, je concentrerai mon propos sur ce qui constitue le premier objectif assigné à la Banque publique d’investissement, si nous en croyons l’article 1er du projet de loi sur lequel nous allons voter tout à l’heure, à savoir la question de l’innovation. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si l’innovation est le premier des objectifs assignés à la banque publique.

Plus précisément, je voudrais creuser ce que l’on peut attendre comme conditions de réussite de la Banque publique d’investissement au regard de cet objectif : financer tout le champ de l’innovation qui va de l’entreprise qui souhaite monter en gamme dans ses productions à l’innovation de rupture, à risque.

Soyons lucides, ce n’est pas gagné d’avance. C’est même le véritable pari de la Banque publique d’investissement qui va regrouper trois outils : OSÉO, FSI et CDC Entreprises. À sa création en 2005, OSÉO s’est vu assigner différents objectifs : financer à la fois l’innovation, les garanties des entreprises et les entreprises elles-mêmes.

Pour OSÉO qui est l’outil le plus préoccupé d’innovation, ce n’est qu’un objectif résiduel même s’il est important. Il remplit cet objectif en accordant de toutes petites aides à l’innovation pour des projets expérimentaux et des aides plus significatives pour des innovations stratégiques industrielles qui permettent de financer des collaborations recherche-industrie et des projets de développement industriel expérimentaux. Il gère les investissements d’avenir, notamment les projets recherche et développement des pôles. Il apporte des garanties financières bancaires et participe à des fonds dédiés.

Les différentes expertises effectuées par la direction générale du Trésor, notamment la dernière qui a été publiée en mai 2012, montrent qu’OSÉO a un rôle réel et important en matière d’innovation puisque ses financements atteignaient environ 500 millions d’euros en 2011. Son efficacité est réelle puisque les entreprises aidées brevètent en moyenne trois fois plus que les autres, et elle est directement liée à la taille des entreprises : plus l’entreprise est petite, plus l’aide est importante. Reconnaissons-le tout aussi franchement, le reproche qui lui est souvent fait – OSÉO ose peu – est juste. Le financement à risque n’est pas sa spécialité.

Pour le FSI, la question ne se pose même pas puisque ce n’est pas son objectif. Celui-ci est de soutenir en fonds propres, par le biais de prises de participations minoritaires, des investissements à long terme. Les entreprises qui intéressent le FSI sont par définition viables et porteuses d’une croissance à peu près assurée. Le FSI n’est pas, lui non plus, l’outil forcément approprié pour financer l’innovation.

Enfin, CDC Entreprises a diversifié ses interventions au cours des dernières années, particulièrement depuis 2007. À côté de son activité de gestion directe, elle a développé une action assez significative de capital-investissement, notamment à travers différents fonds dédiés : sur le bois, Bioam, InnoBio, etc. Impliquée depuis peu dans le domaine du financement de l’innovation, elle a des projets très importants à travers le programme FSI-France investissement 2020, dont l’objet est la prise de participations minoritaires à long terme, avec des moyens renforcés puisqu’ils sont évalués à 5 milliards d’euros pour la période allant jusqu’à 2020, ce qui est très significatif. Ces moyens doivent être complétés par des financements venant des cinq fonds d’assurances qui se sont engagés à apporter 180 millions d’euros par an pour financer l’innovation.

La BPI est donc le regroupement de ces trois outils : OSÉO fait de l’innovation parmi d’autres activités ; le FSI fait peu d’innovation ; CDC Entreprises a pour projet d’en faire beaucoup. La BPI regroupe des outils qui financent l’innovation mais pour lesquels l’innovation n’est pas le sujet principal.

Qu’attendre du simple regroupement de ces trois outils ?

Premier avantage : on peut attendre une plus-value grâce à l’effet guichet unique. Pour des entreprises, notamment les entreprises technologiques ayant un fort potentiel de croissance, le fait d’avoir un guichet est important, surtout si ce dernier est bien articulé avec différents fonds, par exemple celui de la COFACE. À l’évidence, ce peut être un outil très important pour les innovateurs. Qu’il me soit d’ailleurs permis en aparté de souligner que l’articulation avec UBIFrance est un vrai sujet. Je pense même que la question de l’intégration à terme d’UBIFrance dans la BPI est un vrai sujet, tant il y a à dire sur la réalité des interventions d’UBIFrance.

Deuxième avantage : le continuum des aides. Pour une entreprise innovante, c’est fantastique d’avoir un outil qui peut l’aider de la création jusqu’aux moments importants de son développement.

Troisième élément intéressant : la capacité de la Banque publique d’investissement à maîtriser les coûts du renchérissement du crédit liés à la mise en place progressive des accords de Bâle III représente aussi un atout.

Enfin et surtout : la consolidation des moyens que va procurer la Banque publique d’investissement puisque, bon an mal an, si j’en crois l’étude d’impact qui est annexée à l’excellent rapport de notre collègue Guillaume Bachelay, 600 millions d’euros seront consacrés à l’innovation, à peu près l’équivalent des sommes consacrées à l’innovation par OSÉO en 2011. Par ailleurs, il y a une ambition affichée de financer les éco-technologies puisque les sommes sont en très forte progression pour atteindre de l’ordre de 300 millions d’euros l’année prochaine.

Si cet effet de regroupement aidera les innovateurs et les entreprises innovantes, cela ne suffira pas à faire de la Banque publique d’investissement l’outil public privilégié du financement de l’innovation dans le pays. Pour y parvenir, la Banque publique d’investissement devra faire un saut qualitatif autour de quatre orientations.

La première, c’est l’articulation réelle et profonde avec les régions. La théorie de la muraille de Chine est une stupidité. Le sujet n’est pas de faire une muraille entre la Banque publique d’investissement et les régions, mais d’inventer des modes de coopération respectueux et loyaux entre un outil qui a ses contraintes et des régions qui, pour certaines d’entre elles en tout cas, ont fait leurs preuves en matière de développement industriel. De ce point de vue, je souhaite vraiment que les régions s’investissent dans les plateformes de services qui accompagneront la BPI et aussi qu’elles articulent, voire fusionnent leurs différents fonds d’aide à la création d’entreprises et au développement d’entreprises innovantes dont elles se sont toutes plus ou moins dotées.

S’agissant de la deuxième orientation, je citerai l’étude d’impact : « Le management de la BPI devra soutenir des projets innovants de manière effective et efficiente seulement s’il priorise son activité aussi bien sur le financement de projets de qualité ayant un réel potentiel d’innovation et qui n’auraient pas pu voir le jour du fait de difficultés de financement dues au niveau de risque élevé des projets » – autrement dit, si le management de la Banque publique d’investissement démontre sa capacité à faire des investissements relativement risqués. Ce sera même l’un des critères d’évaluation du management de la BPI.

La troisième orientation a trait à l’outil de suivi de l’ensemble des dispositifs de financement de l’innovation dans le pays dont la BPI devrait se doter. Tous les fonds ne seront pas tous en effet dans la BPI : beaucoup continueront à exister à l’extérieur, notamment dans les collectivités et les fonds public-privé. Regrouper le suivi et l’évaluation de ces fonds au sein d’une direction de la prospective de la BPI permettrait une lecture extrêmement intéressante de la densité et de l’efficacité du dispositif d’innovation.

La quatrième et dernière orientation représente un enjeu majeur pour le pays : contribuer à l’émergence de la création – au sein de la BPI ou en dehors, on peut se poser la question – d’un fonds public-privé consacré à l’innovation de rupture. Un tel fonds aurait pour objet spécifique de financer les sauts qualitatifs technologiques pour donner naissance à de nouvelles entreprises. Il serait alimenté par une partie des dividendes de la BPI et animé par des équipes spécialisées, un peu à l’image de ce qui se fait aux États-Unis, c’est-à-dire par des gens qui viennent du privé et passent deux ou trois années dans cet outil avant d’en repartir.

En conclusion, le défi n’est pas seulement de créer une structure efficace et opérationnelle mais aussi et avant tout d’opérer un changement de culture par rapport à l’innovation et au risque, sans méconnaître les contraintes d’un outil public de financement. C’est là-dessus que se joue la réussite de la future Banque publique d’investissement. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-François Mancel.

M. Jean-François Mancel. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je me demande si la BPI n’est pas une fausse bonne idée.

J’ai bien conscience qu’elle séduit l’esprit français cartésien qui souhaite voir réduire l’éparpillement des sources de financement des entreprises, comme vous l’avez expliqué tout à l’heure, monsieur le ministre. Elle peut séduire aussi tous les entrepreneurs qui ont été déçus, certains à tort et d’autres à juste titre, de ne pas recevoir un avis favorable de la banque qu’ils ont sollicitée. C’est vrai qu’elle a aussi séduit dans notre propre majorité d’hier puisque ce projet a été évoqué chez nous également.

Cette banque sera-t-elle vraiment utile ? C’est la première question que je me pose. Je crois que nos entreprises, notamment les petites et moyennes, ont plus besoin d’avoir moins de charges, moins d’impôts, moins de contraintes liées au droit du travail et au code fiscal.

M. Marc Goua. Elles ont besoin de plus de financements !

M. Jean-François Mancel. Hélas, vous leur en avez collé une sacrée dose dans le projet de loi de finances pour 2013, dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale et également dans le projet de loi de finances rectificative de juillet de cette année 2012 – sans oublier que l’on parlera encore d’autre chose la semaine prochaine, mais nous n’y sommes pas encore…

Par ailleurs, les futurs fusionnés marchent très bien tout seuls : qu’il s’agisse de la CDC Entreprises, d’OSÉO ou du FSI, il n’y a pas de critique à leur apporter.

M. Marc Goua. Si !

M. Jean-François Mancel. Leur efficacité n’est pas discutable. En outre, lorsqu’un problème vient à se présenter, le Médiateur du crédit que nous avions créé joue parfaitement son rôle. Les entreprises qui ont fait appel à lui n’ont pu que se féliciter de son efficacité.

On peut donc s’interroger sur l’utilité du nouvel organisme proposé.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Tout va bien ! L’industrie va bien ! On rêve…

M. Guillaume Bachelay, rapporteur. C’est l’île aux enfants !

M. Jean-François Mancel. Je m’interroge aussi sur le risque que la fusion ne donne naissance à un « machin », pour reprendre le mot du ministre. C’est ma crainte : qu’on aboutisse à un vrai « machin », lourd, complexe et loin de l’efficacité que vous souhaitez, comme nous, atteindre. Cette efficacité reste en effet à prouver. La volonté que certains de nos collègues ont montrée en commission des finances de développer dans l’article 1er toutes les compétences – un véritable catalogue ! – que pourrait avoir la Banque illustre bien les confusions vers lesquelles on peut se diriger.

Deuxième remarque : la difficulté qu’il y aura à fusionner. Parce que ce sera long, monsieur le ministre ! Vous aurez beau réunir un conseil d’administration dès janvier, il faudra ensuite fusionner toutes les équipes. Il y aura des conflits sur les postes, des traditions, des habitudes, des cultures incontestablement différentes d’une entreprise à l’autre, et cela ne se fera pas en trois mois que de les faire marcher toutes ensemble.

Je ne suis pas par ailleurs opposé à l’idée que les conseils régionaux soient représentés dans la Banque. Toutefois, cela fait courir le risque de se focaliser sur les entreprises en difficulté, sujet auquel les élus locaux sont en permanence confrontés, plutôt que de s’orienter vers les entreprises qui ont besoin d’un bon coup de main pour devenir demain les chefs de file de l’économie française.

Enfin, souvenez-vous du sort de la dernière grande banque publique française, le Crédit lyonnais. Tout le monde s’en souvient – les contribuables surtout… C’est une erreur à ne surtout pas renouveler.

Nous verrons dans le cours du débat les réponses qui seront apportées à ces préoccupations. Votre projet sera évidemment adopté. Je ne peux que souhaiter pour ma part que cela fonctionne, dans l’intérêt des entreprises. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Arnaud Leroy, rapporteur. Rassurez-vous : nous aussi !

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. La conclusion est bonne !

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Fauré.

M. Alain Fauré. M. Mancel vient de nous dire qu’il ne fallait rien changer. Je pense qu’il a tort. Cela lui a d’ailleurs été signifié le 6 mai, quand sa majorité a été remerciée pour les bons et loyaux services rendus ces dernières années.

Faire de la France un grand pays d’innovation, avec un tissu dense de PME : voilà l’ambition affichée par le Président et la majorité pour ce premier quinquennat. Et je dis bien premier…

La tâche sera rude, tant la crise que nous traversons pèse sur nos marges de manœuvre. Toutefois, nous ne devons pas aborder cette crise comme un obstacle insurmontable. Au contraire, il est de notre devoir de prendre la mesure du défi et de faire la preuve des ressources de notre pays en termes de créativité et de volonté.

La créativité, c’est mettre en place ce que les marchés traditionnels n’offrent pas, et inventer un nouveau système de financement.

M. Guillaume Bachelay, rapporteur. Exact.

M. Alain Fauré. La volonté, c’est soutenir l’audace de ceux qui veulent oser. Les moteurs de cette audace sont nombreux : recherche, modernisation de l’outil de travail, exportation… Tout cela a un coût. Notre devoir est d’aider à le financer.

Les systèmes bancaires classiques sont frileux, et il faut concéder que les règles issues des accords de Bâle III ne les aident pas. Or, notre économie se meurt de la prudence de ceux qui devraient la soutenir. La croissance, déjà en berne depuis plusieurs années, peine à redécoller. Le chômage a atteint des scores historiques. La dette a explosé et son poids limite nos capacités d’action. Cette situation est la conséquence directe des politiques menées ces dix dernières années. Mais là n’est pas mon propos.

Face à ce triste constat, nous refusons la tentation du renoncement. La faillite est annoncée comme seule perspective par les oracles des magazines prétendument avertis et les agences de notation à la mine affûtée pour blesser et casser les énergies. Il est temps de les faire mentir.

Encourageons, soutenons, stimulons les Françaises et les Français dans leur créativité et leur envie d’entreprendre. Je sais toute l’énergie dont font preuve ceux qui produisent, ceux qui créent, ceux qui inventent. Pour gérer moi-même plusieurs PME, je connais toute la vitalité des femmes et des hommes qui sont engagés dans cette aventure, au service du progrès sur l’ensemble du territoire.

Malheureusement, trop de compétences sont gâchées faute pour notre pays de s’être doté des outils appropriés pour mettre en mouvement les forces créatrices de notre économie. En somme, le carburant – j’entends par là les salariés et les capitaux – existe, mais il n’est pas délivré et le moteur de la France est grippé.

François Hollande l’a d’ailleurs bien compris et ce n’est pas un hasard s’il a fait de ce projet le premier de tous ses engagements. Il faut prendre toute la mesure de ce choix. Car, dans la période mouvementée que nous traversons, la création de la Banque publique d’investissement constitue bien la figure de proue qui doit permettre à notre pays de mettre le cap sur le redressement économique et la croissance. Viendra ensuite le temps d’une redistribution plus juste, dont notre nation a amplement besoin.

Le projet de loi qui est soumis à notre examen est un des piliers de la politique de changement engagée par notre majorité. Je vois trois raisons principales d’y croire.

Tout d’abord, et c’est essentiel, la BPI se donne clairement pour objectif d’offrir aux entreprises innovantes les conditions de s’épanouir économiquement. Faire le pari de l’innovation constitue un parcours du combattant pour la ou le chef d’entreprise. Les banques traditionnelles et le marché en général rechignent de plus en plus à financer des projets basés sur des techniques nouvelles, encore au stade embryonnaire, car les retombées sont difficiles à évaluer, le temps de maturation difficile à prévoir. Dans la situation actuelle, les financeurs préfèrent se concentrer sur des valeurs sûres. Pourtant, nous avons besoin d’innovation, nous avons besoin d’imaginer demain pour ne pas stagner, pour soutenir notre pays dans un monde en perpétuel mouvement. Ce besoin social, que le marché seul ne peut satisfaire, la BPI se propose de l’assumer en accompagnant les entreprises innovantes qui peinent à décoller faute d’investissements.

Ma deuxième source de satisfaction quant à ce projet tient à son architecture même. En effet, le Gouvernement a fait un choix équilibré, avec un accès au niveau régional mais sans renoncer à la stratégie globale. Il faut le saluer, dans un pays jacobin, avec ses excès centralisateurs mais aussi avec les limites du tout local. En proposant aux entreprises un guichet unique en région, la future BPI s’assure de toucher en priorité les plus petites entreprises, TPE, PME et ETI – celles-là même qui en ont le plus besoin et qui peuvent être découragées devant ce qu’elles perçoivent comme la jungle administrative.

Mon dernier point et je m’arrêterai là, même si je pourrais encore continuer la liste des satisfecits, concerne l’ambition affichée par la future BPI de pousser les entreprises françaises à l’exportation. Cet axe est primordial tant nos faiblesses sont grandes de ce côté-là. Notre balance commerciale est largement déficitaire. Nos PME ne sont pas armées pour l’économie mondialisée dans laquelle nous sommes lancés de façon irréversible. En chapeautant à la fois des structures d’aide à l’export comme Ubifrance et des dispositifs de financement pérennes, la future BPI apportera une solution complète et audacieuse aux entreprises françaises qui veulent tenter l’aventure à l’international. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Philip Cordery.

M. Philip Cordery. La création de la Banque publique d’investissement est une bonne nouvelle pour l’avenir des Françaises et des Français. Elle constitue un élément essentiel de la stratégie globale du Gouvernement pour réorienter la politique économique et redresser notre pays dans la justice.

Le chômage, les inégalités, l’exclusion n’ont cessé de croître ces dix dernières années. Les gouvernements de droite ont laissé notre tissu industriel à l’abandon, négligé nos petites et moyennes entreprises et laissé des milliers de Français dans l’impasse.

Jamais nous ne nous satisferons de trois millions de chômeurs. Ce ne sont pas de statistiques mais de vies humaines dont on parle, de situations personnelles, familiales, toutes plus terribles les unes que les autres.

Nous le savons, le seul moyen d’inverser la courbe du chômage est la reprise de la croissance grâce à une politique volontariste de relance par l’investissement. Le Gouvernement s’y attelle.

La Banque publique d’investissement, en facilitant le financement et donc le développement des entreprises, notamment les plus petites, est un outil précieux au service du redressement productif et de l’emploi. En effet, les entreprises de taille intermédiaire, les petites et moyennes entreprises et les très petites entreprises sont les premiers pourvoyeurs d’emploi en France. Mais ce sont elles qui souffrent le plus cruellement de la crise, l’accès au crédit leur étant très difficile.

Au-delà de ces problèmes conjoncturels, l’économie française doit faire face à deux faiblesses structurelles majeures.

La première est le manque d’ETI dans le tissu économique : contrairement au Mittelstand allemand, nos entreprises de taille moyenne sont trop peu nombreuses alors que ce sont les plus dynamiques en termes de croissance, d’emploi et d’exportation. La BPI pourra y remédier.

La seconde est leur faible niveau d’internationalisation, qui s’explique, malgré les efforts d’Ubifrance, par la mauvaise connaissance de l’étranger, la complexité des dispositifs et l’absence de réseaux. C’est sur ce dernier point que je voudrais m’arrêter.

La BPI propose une série d’outils pour encourager et aider les entreprises à travailler à l’international. Je m’en félicite. Cet accompagnement permettra d’améliorer les chiffres de notre commerce extérieur, de conquérir de nouveaux marchés et de soutenir le développement des entreprises.

C’est dans ce cadre que je propose d’ajouter une dimension transfrontalière à la BPI.

La France métropolitaine partage 2 889 kilomètres de frontières terrestres avec ses huit voisins. Les régions frontalières représentent 20 % du territoire. Plus de 10 millions de nos concitoyens y vivent. Mais, malgré la libre circulation des biens, des services et des personnes et la liberté d’établissement, les entreprises installées aux frontières pâtissent encore de la complexité des dispositifs et du manque de concertation entre les institutions administratives et financières des deux côtés de la frontière.

Malgré la proximité géographique, malgré l’intégration européenne, l’effet frontière est réel. Les échanges restent fragmentés. Les PME ne connaissent pas assez les perspectives économiques qu’offrent les pays voisins.

Une stratégie de coopération transfrontalière prend dès lors tout son sens en vue de développer l’internationalisation des PME françaises. Elle pourra s’inscrire dans le cadre plus large des coopérations régionales existantes, comme par exemple le GECT Flandre-Dunkerque-Côte d’Opale, l’Eurométropole Lille-Tournai-Courtrai, la Grande région ou encore les Eurorégions franco-espagnoles. La BPI, en facilitant, à travers ses antennes régionales, le développement des PME dans ces zones frontalières, contribuera à créer de nouveaux emplois dans des régions particulièrement touchées par la crise industrielle.

Cette stratégie transfrontalière permettra également de mobiliser les financements d’institutions financières étrangères pour les PME et ETI françaises. Des partenariats avec le KfW allemand, comme c’est déjà le cas avec OSÉO, ou la Sowalfin et la PMV en Belgique, la SNVI luxembourgeoise, ICO en Espagne ou MCC en Italie, faciliteront la mise en réseau d’entreprises des deux côtés de la frontière et ouvriront ainsi de nouveaux marchés à nos PME. Vous le voyez, cette dimension transfrontalière apportera un véritable « plus » aux objectifs ambitieux de la BPI.

Pour conclure, la création de la BPI, qui célèbre le retour de l’intervention publique et met, comme le disait M. le ministre, la finance au service de l’économie réelle, est une chance pour nos entreprises, une chance pour l’emploi et une chance pour nos concitoyens.

Mme la présidente. La parole est à M. Christophe Borgel.

M. Christophe Borgel. Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la rapporteure, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la BPI, c’est la marque d’une majorité qui prend à bras-le-corps le redressement, et d’abord celui de notre outil productif, de notre industrie ; c’était, on s’en souvient, la proposition n° 1 du candidat François Hollande. La BPI, c’est la marque d’une majorité qui sait que, pour redistribuer des richesses, le moyen le plus sûr, c’est d’en créer. La BPI, c’est la marque d’une majorité qui ne fait pas preuve d’une confiance aveugle à l’égard des marchés et qui veut donner à l’État les moyens d’une stratégie industrielle, d’une stratégie pour notre tissu de PME et d’ETI.

Je ne rappelle pas les chiffres sur la situation de notre industrie. Nos rapporteurs l’ont fait excellemment au début de notre discussion.

C’est d’abord pour ce tissu de PME que nous voulons la création de cette banque publique d’investissement. Nous savons malheureusement que le système bancaire répond trop souvent négativement aux demandes de financement des entreprises, nous savons qu’il est réticent à prendre des risques. Le président Carrez, dans son intervention, a souligné que les outils existants agissaient dans le bon sens ; je veux lui répondre en soulignant le caractère insuffisant de cette action.

Qui sur ces bancs n’a pas rencontré dans sa circonscription une PME qui, faute de financement, faute d’accompagnement, était bloquée dans son développement pour l’innovation, pour l’export ? Rapporteur du budget de la recherche industrielle, je ne compte plus les témoignages, les exemples de PME qui ont souligné ce manque d’ambition de nos banques, et la crise n’a pas amélioré cette réalité. Les deux tables rondes que nous avons organisées avec des patrons de PME porteurs de projets innovants l’ont montré : c’est d’abord ce problème de financement qui les préoccupe, loin devant les autres.

La BPI doit non seulement offrir une réponse, mais aussi le faire avec rapidité car la compétition économique le nécessite bien souvent. Elle doit le faire dans la durée, car le processus qui commence avec la recherche et développement et se termine par un produit sur le marché suppose de faire confiance et d’accompagner nos entreprises en refusant la tyrannie du court terme.

Je veux insister sur l’un des points clés de ce processus, qui me semble être l’une des faiblesses de notre pays ; celui du passage de la trouvaille à la mise sur le marché d’un produit. Nous savons que notre pays est connu et reconnu pour la qualité de ses chercheurs et de ses ingénieurs mais nous savons aussi que reste encore délicate l’étape où le produit de cette recherche trouve sa traduction commerciale. Certains appellent ce moment « la vallée de la mort » ; voilà qui donne une indication de son caractère particulier et de la crainte qu’il inspire.

Le rapport d’évaluation des pôles de compétitivité le souligne : « L’action des pôles en faveur des projets de R & D collaboratifs s’est portée davantage sur l’émergence et la structuration des projets que sur leur accompagnement […] et le suivi des résultats et des innovations produites […]. Les pôles parlent davantage de projets que d’innovations mises sur le marché ayant des effets sur la croissance des entreprises adhérentes […]. Les dernières étapes du cycle de l’innovation avant la mise sur le marché […] ne sont pas bien couvertes par les instruments publics de financement et insuffisamment accompagnées par les pôles. » Le diagnostic est sans appel.

En conséquence, il convient absolument de raccourcir la chaîne qui lie l’invention à son exploitation. Dans cette phase critique, l’entreprise n’est pas sûre que son produit plaira, même s’il est techniquement au point. Il faut tester le marché, modifier le produit si nécessaire, engager une politique de marketing. Trop d’entreprises ont été en difficulté, voire ont renoncé, durant cette période, et, pourtant, c’est bien là que se joue la création de richesses et d’emplois. La BPI a un rôle-clé à jouer dans la continuité de ce qu’OSÉO a développé avec le prêt pour l’innovation.

Mes chers collègues, on l’aura compris, la BPI, c’est la marque d’une majorité, qui croit à un État stratège, porteur d’une vision industrielle, défendant la transition écologique, renouant avec le temps long indispensable à un développement économique solide. La BPI, monsieur le ministre, combinée au pacte de compétitivité, c’est la marque d’un gouvernement, d’une majorité qui agissent face à la crise.

Pour toutes ces raisons, ce projet appelle non seulement notre soutien, mais aussi notre mobilisation. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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Ordre du jour de la prochaine séance

Mme la présidente. Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :

Suite du projet de loi relatif à la création de la Banque publique d’investissement et de la proposition de loi organique relative à la nomination des dirigeants de BPI-Groupe.

La séance est levée.

(La séance est levée à treize heures cinq.)