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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2012-2013

Compte rendu
intégral

Première séance du mardi 11 décembre 2012

SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE

SOMMAIRE


Présidence de M. Claude Bartolone

1. Questions au Gouvernement

Politique pénale

M. Philippe Houillon

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice

Lutte contre la pauvreté

M. Régis Juanico

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre

Orpaillage clandestin en Guyane

M. Gabriel Serville

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice

Observatoire de la laïcité

M. Olivier Falorni

M. Vincent Peillon, ministre de l’éducation nationale

Avenir de Florange

Mme Marie-Jo Zimmermann

M. Alain Vidalies, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement

Recrutement d’enseignants

M. Philippe Doucet

M. Vincent Peillon, ministre de l’éducation nationale

Indépendance de la justice

M. Étienne Blanc

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice

Résultats de trois élections législatives partielles

M. Yves Jégo

M. Alain Vidalies, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement

Lutte contre le chômage

M. Alain Gest

M. Thierry Repentin, ministre délégué chargé de la formation professionnelle et de l’apprentissage

Situation des prisons

Mme Elisabeth Pochon

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice

Conférence de Doha sur le climat

M. François-Michel Lambert

Mme Delphine Batho, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie

Politique budgétaire

M. Olivier Carré

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué chargé du budget

Reprise de l’usine M-Real à Alizay

M. Jean-Louis Destans

Mme Fleur Pellerin, ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, de l’innovation et de l’économie numérique

Contrats de génération

Mme Isabelle Le Callennec

M. Thierry Repentin, ministre délégué chargé de la formation professionnelle et de l’apprentissage

Revenu des éleveurs

M. Yannick Favennec

M. Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt

Suspension et reprise de la séance

Présidence de Mme Laurence Dumont

2. Projet de loi de finances rectificative pour 2012

Explications de vote

M. Gaby Charroux, M. Pierre-Alain Muet, M. Hervé Mariton, M. Laurent Wauquiez, M. Philippe Vigier, Mme Eva Sas, M. Roger-Gérard Schwartzenberg

Vote sur l’ensemble

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué chargé du budget

Rappel au règlement

M. Christian Jacob

Mme la présidente

Suspension et reprise de la séance

3. Nomination d’un député en mission temporaire

4. Retenue pour vérification du droit au séjour et modification du délit d’aide au séjour irrégulier

Présentation

M. Manuel Valls, ministre de l’intérieur

M. Yann Galut, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

Motion de rejet préalable

Mme Marion Maréchal-Le Pen

M. Manuel Valls, ministre, M. Gilbert Collard, M. Matthias Fekl, M. Sergio Coronado, M. Roger-Gérard Schwartzenberg, M. Lionnel Luca, M. Christian Jacob

Rappels au règlement

M. Christian Jacob

M. Bruno Le Roux

Discussion générale

M. Matthias Fekl

M. Guillaume Larrivé

M. Éric Ciotti

M. Arnaud Richard

M. Sergio Coronado

M. Roger-Gérard Schwartzenberg

M. Marc Dolez

5. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Claude Bartolone

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Questions au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Politique pénale

M. le président. La parole est à M. Philippe Houillon, pour le groupe Rassemblement-UMP.

M. Philippe Houillon. Ma question s’adresse à Mme la garde des sceaux,

Vous avez annoncé samedi que vous prépariez un texte sur la suppression de la rétention de sûreté, des peines plancher et des tribunaux correctionnels pour mineurs. Ceci dans la droite ligne de votre récente circulaire préconisant de ne prononcer de peines d’emprisonnement qu’en tout dernier recours, et encore, lorsqu’elles étaient prononcées, de veiller à leur aménagement.

Pensez-vous vraiment que de tels signaux de laxisme et de recul, affaiblissant à l’évidence l’efficacité de la répression, soient bien opportuns, en cette fin d’année qui a connu une forte augmentation de la délinquance, et notamment des violences aux personnes, dans le même temps où les règlements de compte ont tué une cinquantaine d’individus, sans parler des crimes de droit commun qui ont fait l’actualité ces jours-ci ?

Vous me répondrez sans doute que vous agissez au nom du respect des engagements du Président de la République. Mais vous devriez tout de même constater, semaine après semaine, sondage après sondage, et encore lors des partielles de dimanche dernier, qu’ils ne correspondent pas aux aspirations de nos concitoyens.

M. Philippe Goujon. Exactement !

M. Philippe Houillon. Parallèlement, le ministre de l’intérieur, qui se veut – je le cite – le chantre d’une gauche efficace et réaliste où il n’y aurait pas de place pour le romantisme, affiche au contraire en la matière un volontarisme répété et plaide pour l’autorité de l’État, évoquant même une forme de guerre à mener.

Face à ces messages totalement contradictoires, face aux impératifs de sécurité et de protection de nos concitoyens, pouvez-vous nous dire, au-delà de la volonté quasi maniaque de détricoter le passé, quelle est la politique pénale du Gouvernement, et surtout, quelle est sa cohérence ? (Applaudissements sur les bancs des groupes Rassemblement-UMP et UMP.)

M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le député, il n’y a pas de contradiction entre l’action conduite par le ministre de l’intérieur et la mienne. Nous agissons tous les deux au nom de l’État : le ministre de l’intérieur, chargé de l’ordre public et des libertés publiques, et moi-même, avec la mission constitutionnelle de la justice qui est définie par la Constitution et par nos lois.

La cohérence de l’action gouvernementale est très clairement édictée, pour ce qui concerne la justice, dans la circulaire générale de politique pénale. Il faudra réviser votre vocabulaire, monsieur le député, parce que vous n’êtes pas en mesure d’illustrer le laxisme et l’angélisme dont vous nous accusez.

M. Guy Geoffroy. Arrêtez !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. L’augmentation de la délinquance est le résultat des politiques pénales que vous avez conduites ces dernières années, de même que la surpopulation carcérale qui impose des conditions indignes de détention. Mais surtout, les conditions de travail insupportables des personnels pénitentiaires montrent à quel point vos politiques ont été incohérentes et contradictoires. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP. – Exclamations sur les bancs des groupes Rassemblement-UMP et UMP.)

Le gouvernement actuel assume ses orientations. Nous agissons avec rigueur. Cette rigueur se voit dans nos orientations budgétaires, dans nos priorités, dans les textes qui ont été adoptés ici même. Elle se voit dans la politique pénitentiaire que nous menons. Elle se voit aussi dans la politique de protection de la jeunesse.

Nous ne détricotons rien du tout. (Exclamations sur les bancs des groupes Rassemblement-UMP et UMP.) En revanche, vous aurez à débattre dans cet hémicycle – j’espère que vous y prendrez votre part – de toutes les mesures irresponsables, tapageuses, m’as-tu-vu et inefficaces que vous avez prises et de celles, rigoureuses, que nous prendrons pour prévenir la récidive. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, RRDP et GDR. - Exclamations sur les bancs des groupes UMP et Rassemblement-UMP.)

Lutte contre la pauvreté

M. le président. La parole est à M. Régis Juanico, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Régis Juanico. Ma question s’adresse à M. le Premier Ministre.

Le Président de la République, François Hollande, a fixé un cap clair à ce quinquennat. (Rires sur les bancs des groupes UMP et Rassemblement-UMP.) C’est le redressement dans la justice, avec la jeunesse pour priorité.

Tous les indicateurs dont nous disposons sur la situation des jeunes sont alarmants, en particulier celui de la pauvreté. Selon le premier rapport de l’institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire, qui vient d’être publié à la demande de la ministre Valérie Fourneyron, 23 % des jeunes de 16 à 25 ans sont considérés comme pauvres, soit une proportion double de ce qu’elle est pour le reste de la population. Depuis 2004, le taux de pauvreté des jeunes a progressé de cinq points. Selon l’étude, le taux d’extrême pauvreté des jeunes, c’est-à-dire de ceux qui vivent avec moins de 576 euros par mois, s’est accru de près de 40 % entre 2007 et 2009.

Nous pouvons tous le constater, de nombreux jeunes renoncent aujourd’hui à se soigner ou ne trouvent pas de logement, faute de moyens financiers. Ils sont de plus en plus nombreux à recourir aux associations de solidarité ou aux épiceries solidaires pour se nourrir. Monsieur le Premier Ministre, votre Gouvernement a pris à bras-le-corps cette situation en prenant des premières mesures volontaristes.

M. Alain Marty. Lesquelles ?

M. Régis Juanico. Certaines facilitent l’accès au logement et à la santé, d’autres redonnent la priorité à l’éducation nationale dans le cadre du plan de lutte contre le décrochage scolaire. S’y ajoutent les premiers emplois d’avenir signés sur notre territoire, le contrat de génération que nous allons bientôt examiner à l’Assemblée Nationale et enfin la sécurisation des parcours professionnels, qui fait l’objet d’une négociation entre les partenaires sociaux. Outre les jeunes, 8,6 millions de nos concitoyens sont aujourd’hui en situation de pauvreté.

Monsieur le Premier Ministre, vous avez conclu ce matin la conférence nationale de lutte contre l’exclusion. Quelles sont les mesures concrètes que vous pouvez annoncer à la représentation nationale ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Mesdames et messieurs les députés, monsieur le député Régis Juanico, nous avons un immense défi à relever. La pauvreté en France touche plus de 14 % de la population. Malheureusement, ce taux de pauvreté a augmenté depuis 2002. Il était auparavant en baisse sensible, mais depuis dix ans il n’a fait que progresser !

M. Lucien Degauchy. Depuis six mois !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Si nous n’engageons pas une action volontariste, la pauvreté va continuer de s’accroître dans notre pays. Vous connaissez la multiplication des contrats précaires. 60 % des CDD signés l’année dernière l’ont été pour une durée inférieure à un mois. Comment, dans ces conditions, trouver un logement et s’insérer dans la vie ? La grande négociation sociale qui a lieu actuellement sur la sécurisation des parcours professionnels doit donc traiter cette question aussi.

Quant au Gouvernement, avant de mettre en œuvre le plan national de lutte contre la précarité, il a tenu à organiser une grande conférence, selon la même méthode que les conférences sociale et environnementale. Il en est sorti un certain nombre d’attentes. J’ai annoncé ce matin, avant l’adoption définitive du plan, certaines priorités.

La première, c’est la revalorisation du RSA socle. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.) Son principe est le même que celui du RMI qui équivalait lors de sa création à 50 % du SMIC. Ce niveau a été respecté de 1989 à 2002, mais depuis dix ans, il n’a cessé de se dégrader jusqu’à son taux actuel de 43 % ! (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et Rassemblement-UMP.) Je me suis engagé, ce matin, à revenir au taux de 50 %. Pas d’un seul coup, certes, cela serait très lourd financièrement, mais en l’augmentant de 10 % d’ici la fin du quinquennat, véritable bond en avant qui nous rapprochera très sensiblement de 50 % du SMIC.

La deuxième priorité, c’est le RSA activité. Il faut le réformer, non pour l’abandonner mais pour le rendre simple et accessible. Il concerne les travailleurs en situation précaire pour lesquels il constitue un complément de rémunération. Seuls 70 % de ceux qui peuvent en bénéficier y ont recours. C’est ce taux de non-recours que nous voulons combattre !

M. Philippe Meunier. De non-retour !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Quant aux jeunes évoqués tout à l’heure, le programme des emplois d’avenir est en marche et vous allez être saisis début janvier, mesdames et messieurs les députés, du projet de loi portant création des contrats de génération. Il faut en outre accompagner ces jeunes qui ne relèvent d’aucun dispositif, parfois hors du foyer familial. Il faut les sortir de cette spirale du ghetto ! Pour eux, nous avons proposé une garantie « jeune » qui consiste, dans un système de droits et de devoirs, à leur accorder un contrat d’un an renouvelable avec accompagnement personnalisé pour un parcours d’insertion menant à l’emploi, c’est-à-dire incluant les contrats d’avenir et les contrats de génération. En l’absence d’activité, il y aura recours à la solidarité sous forme d’une rémunération de 50 % du SMIC, au niveau du RSA.

M. Guy Geoffroy. On n’y comprend rien !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. D’autres mesures concernent les familles. Je pense aux familles, souvent nombreuses, qui ont des difficultés pour boucler leurs fins de mois et accéder aux soins. La CMU complémentaire va être augmentée, afin de permettre à 500 000 personnes supplémentaires d’en bénéficier. De même, pour remédier à la précarité énergétique, j’ai pris hier des décisions qui vont permettre la couverture de huit millions de ménages au lieu de deux millions aujourd’hui.

Plusieurs députés des groupes UMP et Rassemblement-UMP. C’est incroyable ! Qui va payer ?

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Quant au logement, vous connaissez le programme des 150 000 logements sociaux. Nous allons faire un effort pour l’hébergement d’urgence d’ici la fin de l’année. 4 000 places de CADA supplémentaires et 4 000 places en hébergement d’urgence soit 8 000 places supplémentaires qui s’ajoutent aux 1 000 que vous avez votées dans la loi de finances initiale ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

Vous le voyez, la bataille contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale, c’est un combat contre la fatalité, contre la stigmatisation, pour la solidarité, la justice et la fraternité !

M. Marc-Philippe Daubresse. Vous n’y croyez pas vous-même !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. C’est un choix politique et je sais que j’ai le soutien de la majorité ! (Les députés des groupes SRC, écologiste et RRDP se lèvent et applaudissent.)

Orpaillage clandestin en Guyane

M. le président. La parole est à M. Gabriel Serville, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. Gabriel Serville. Merci, monsieur le président.

Le récent rapatriement vers l’hexagone des 160 kilogrammes d’or saisis sur les sites d’orpaillage clandestin de Guyane a suscité une très vive émotion au sein de la population, qui s’estime doublement flouée et souhaite obtenir des garanties quant à la volonté du Gouvernement de favoriser un arbitrage équitable en faveur de la Guyane. Nicolas Sarkozy, lorsqu’il était Président de la République, avait publiquement pris l’engagement que la recette découlant de l’or saisi serve en priorité à la consolidation des finances exsangues des communes isolées ou enclavées, qui sont celles qui subissent le plus durement les conséquences négatives de l’orpaillage illégal.

À titre d’exemple, tandis que les barges du Surinam récupèrent de l’or dans le lit du fleuve Maroni, les habitants et notamment les enfants des villages dépendant de la commune d’Apatou, située côté guyanais, continuent de boire l’eau du fleuve polluée au mercure ou au cyanure. Par ailleurs, faute de moyens, trois hélicoptères Puma sur cinq parmi ceux qui assurent les missions de lutte contre l’orpaillage clandestin sont actuellement en panne, ce qui a fait dire à un média local que « l’aigle harpie était un moineau tombé de son nid ».

Sur la foi de ces vérités et au nom des valeurs fondamentales de la République que je défends, je souhaiterais que le Gouvernement engage l’arbitrage nécessaire qui permettrait à la Guyane de bénéficier au minimum de 50 % de la recette issue de cet or saisi. En outre, en raison de la profonde déliquescence économique de certaines communes enclavées ou isolées de notre région, le Gouvernement pourrait-il engager la promotion de ce principe en règle générale, dans l’attente des nouveaux dispositifs pérennes qui mettraient définitivement la Guyane sur les voies du développement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR sur quelques bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, monsieur le député Gabriel Serville, l’or ramené de Guyane pèse en fait 107,29 kilogrammes après séparation du mercure, sur le poids de 160 kilogrammes que vous avez indiqué. Il provient de 1 258 scellés issus d’environ 800 affaires traitées depuis 1993.

Les règles d’attribution de cet or sont à la discrétion de l’agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués, des parties civiles lorsqu’elles se font connaître et de la mission interministérielle de lutte contre les stupéfiants. L’orpaillage clandestin a des effets dévastateurs sur la santé humaine, sur les écosystèmes forestiers et aquatiques ainsi que sur la sécurité compte tenu des multiples trafics qu’il engendre : trafic de carburant, d’or, d’alcool, d’armes et de stupéfiants. Des personnes y perdent la vie : piroguiers, villageois, salariés, gendarmes, militaires.

Il est donc légitime que les territoires qui en subissent les dommages soient accompagnés pour les réparer. J’ai déjà écrit au chef de cour de la cour d’appel de Cayenne pour l’inviter à présenter des projets de lutte contre les stupéfiants ainsi qu’aux collectivités pour qu’elles fassent valoir les réparations qu’elles effectuent sur les écosystèmes. Comme vous le savez, j’ai fait de l’identification et la saisie des avoirs criminels un axe fort de la politique pénale. Je l’ai rappelé à Marseille et en Corse. Il est essentiel que les territoires qui subissent des effets dévastateurs puissent être accompagnés dans leur réparation. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Observatoire de la laïcité

M. le président. La parole est à M. Olivier Falorni, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

M. Olivier Falorni. Ma question s’adresse au ministre de l’éducation nationale.

Le Président de la République a annoncé dimanche la mise en place d’un Observatoire national de la laïcité. La date choisie n’est pas fortuite : François Hollande a fait cette annonce le jour anniversaire de l’entrée en vigueur de la loi du 9 décembre 1905, loi fondamentale sur la séparation des Églises et de l’État, votée dans cette assemblée par nos prédécesseurs.

La laïcité est au cœur de notre pacte républicain. Elle nous protège contre tous les intégrismes, contre tous les obscurantismes, contre tous les extrémismes. La laïcité doit être plus que jamais au cœur de notre modèle éducatif.

Je me réjouis donc de la volonté du chef de l’État de confier à cet Observatoire national de la laïcité le soin de formuler des propositions sur la transmission de la morale laïque pour lui donner une place digne d’elle au sein de l’école.

Notre école publique, gratuite et obligatoire est le joyau de notre République. Elle doit redevenir ce creuset citoyen qui rend possible l’égalité. Pour cela l’école a besoin d’adultes, et je me réjouis du lancement, hier, de votre campagne de recrutement de 43 000 enseignants. Oui, l’école a besoin de professeurs qui pourront à nouveau bénéficier d’une véritable formation. Elle a également besoin d’infirmières, d’auxiliaires de vie scolaire, d’enseignants spécialisés des RASED et d’assistants d’éducation, et aussi des parents et des familles, autant d’acteurs de la vie éducative qu’il ne faudra pas oublier dans le cadre de la refondation de l’école que vous avez engagée.

L’école, c’est notre église laïque à tous écrivait Paul Bert. Alors, monsieur le ministre, ma question est simple : ce magnifique credo républicain est-il aussi aujourd’hui le vôtre ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP.)

M. Christian Bataille. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale.

M. Vincent Peillon, ministre de l’éducation nationale. Monsieur Olivier Falorni, à l’occasion de la commémoration du vote de la loi de 1905, qui appartient à tous les républicains, le Président de la République a annoncé la création d’un Observatoire de la laïcité. La création de cet observatoire avait été prévue par le Président Jacques Chirac, mais il n’avait jamais vu le jour.

M. Jean Glavany. Que de temps perdu !

M. Vincent Peillon, ministre. C’est l’occasion pour moi de vous dire que la laïcité ne doit pas diviser mais rassembler l’ensemble de nos concitoyens.

M. Jean Glavany. Très bien !

M. Vincent Peillon, ministre. Comment en serait-il autrement alors que notre République est une république démocratique, indivisible, sociale et aussi laïque ?

Plusieurs députés du groupe RRDP. Très bien !

M. Vincent Peillon, ministre. C’est la fonction des enseignants, prévue par nos textes, d’instruire et d’éduquer, de transmettre les valeurs de la République et, en particulier, l’idéal laïc. C’est dans cette perspective que nous avons décidé dans la continuité de travaux engagés par mes prédécesseurs – ce soir j’irai saluer au Haut conseil à l’intégration le travail fait par le ministère de l’éducation et le Haut conseil sur la pédagogie de la laïcité – de restaurer la morale laïque. C’est bien notre volonté qu’elle soit présente de l’école élémentaire jusqu’à la terminale parce que les valeurs de la République doivent être défendues, parce que c’est notre responsabilité d’adulte de les transmettre…

M. Philippe Cochet. Pour le cannabis !

M. Vincent Peillon, ministre. …et de faire en sorte qu’une coexistence pacifique qui n’est jamais antireligieuse, qui respecte la liberté de conscience de chacun, soit possible. Il n’y a pas de place dans la république et dans son école pour l’intolérance pour l’obscurantisme et pour la violence. Nous agirons en ce sens. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP et sur quelques bancs du groupe GDR.)

Avenir de Florange

M. le président. La parole est à Mme Marie-Jo Zimmermann, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

Mme Marie-Jo Zimmermann. Monsieur le Premier ministre, un grand quotidien du soir, daté du 8 décembre dernier, titrait « Florange, gâchis politique et détresse sociale ».

Voilà le résultat d’une gestion incohérente où les promesses du Président de la République et les tergiversations et contradictions au sein même de votre gouvernement se sont enchaînées pour ne laisser derrière elles qu’un champ de découragement et de désespoir !

Plusieurs députés du groupe SRC. Gandrange !

Mme Marie-Jo Zimmermann. Florange est le résultat de votre politique de pilotage à vue. Hier bastion industriel et sidérurgique de notre pays, aujourd’hui, la Moselle n’a plus qu’à faire son deuil d’un avenir économique que vous avez définitivement condamné au travers d’un accord conclu en catimini entre Matignon et ArcelorMittal. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes UMP et Rassemblement-UMP. Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Les hauts-fourneaux arrêtés, le projet ULCOS renvoyé aux calendes grecques, des centaines de salariés trahis, le site de Loire-Atlantique en péril, les divisions syndicales exacerbées : voilà le résultat d’une politique sans projet et sans avenir.

Monsieur le Premier ministre, à l’heure où l’ensemble de l’édifice industriel de notre pays se fissure de toute part, quand allez-vous enfin proposer un véritable projet industriel pour notre pays, et surtout pour ses salariés ? (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP, Rassemblement-UMP et UDI.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement.

Plusieurs députés des groupes UMP et Rassemblement-UMP. C’est une question au Premier ministre !

M. Alain Vidalies, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement. À votre place, madame Zimmermann, avant de parler de promesses incohérentes du Président de la République, je serais un peu plus prudent. (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et Rassemblement-UMP.)

Cela fait dix-huit mois que les hauts-fourneaux sont fermés. M. Nicolas Sarkozy, alors Président de la République et candidat aux élections présidentielles, avec votre soutien, a visité le 1er mars dernier le site Florange. (Exclamations continues sur de nombreux bancs des groupes UMP et Rassemblement-UMP.) Qu’a-t-il dit sur place ? Je tiens la dépêche d’agence à votre disposition. Le Président Sarkozy était très heureux d’avoir pu obtenir 17 millions d’euros d’engagement, conditionnés par les aléas, qui permettaient selon lui de sauver cinq cents emplois menacés.

Plusieurs députés des groupes UMP et Rassemblement-UMP. Montebourg !

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Faisons la comparaison : là où vous aviez obtenu 17 millions d’euros, ce dont vous étiez très heureux, ce Gouvernement a obtenu 180 millions d’investissements ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.Exclamations sur les bancs des groupes UMP et Rassemblement-UMP.) Là où vous aviez obtenu le maintien de cinq cents emplois dont vous nous disiez qu’ils étaient menacés, il n’y a plus aujourd’hui de plan social, et il n’y aura aucun licenciement. (Mêmes mouvements.) Là où les engagements étaient conditionnés par l’évolution de la situation économique, ce qui n’est pas rien, le Gouvernement à l’issue d’une négociation difficile a obtenu que les engagements ne soient pas conditionnés et qu’ils soient définitifs. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Comparons ce qui a été obtenu. Il n’y aura pas de licenciements, et il y aura un vrai projet industriel. (Protestations continues sur de nombreux bancs des groupes UMP et Rassemblement-UMP.) De plus le Premier ministre a mobilisé l’ensemble des élus mais aussi les partenaires sociaux pour que, demain,…

M. Marc-Philippe Daubresse. C’est du pipeau !

M. Alain Vidalies, ministre délégué. …avec ce qui a déjà été obtenu grâce à la mobilisation des salariés, un avenir soit garanti pour Florange et la Lorraine. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Recrutement d’enseignants

M. le président. La parole est à M. Philippe Doucet, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Philippe Doucet. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’éducation nationale.

Monsieur le ministre, tous les républicains le savent : tout commence par l’école pour former les futurs citoyens, préparer les enfants à s’insérer dans la société et à être acteurs du redressement de la France. Dans les temps les plus difficiles, c’est là qu’il faut concentrer son énergie, ses moyens et son ambition. L’énergie, celle de l’espoir que l’on place dans les jeunes générations. Les moyens, ceux que peut y consacrer la puissance publique. L’ambition, celle d’une école qui permet à chacun de réussir uniquement selon son mérite.

Le Président de la République a placé l’éducation au cœur de son engagement pour la France. Le redressement de notre système éducatif, affaibli par des années de restrictions budgétaires dogmatiques (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et Rassemblement-UMP), est une priorité qui commence par l’école primaire et par la reconnaissance des exigences du métier d’enseignant. Cette priorité doit rassembler tous les élus. Il est indispensable de replacer l’école, l’éducation et la transmission du savoir au cœur de notre pacte social.

Après avoir pris les mesures d’urgence qui s’imposaient pour la rentrée 2012 et ouvert la concertation sur la refondation de l’école, vous venez de lancer une campagne de recrutement de 43 000 enseignants pour les rentrées 2013 et 2014. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Ceux qui, aujourd’hui, vous invectivent en refusant le recours à l’emploi public, ont accompli, ces dernières années, la prouesse de supprimer des postes de fonctionnaires et leur formation, tout en dégradant la situation des comptes publics.

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous dire dans quelle stratégie globale pour la réussite scolaire s’inscrit le plan de recrutement lancé hier par le Gouvernement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale.

M. Vincent Peillon, ministre de l’éducation nationale. Monsieur le député, au moment où je vous parle, un rapport vient d’être présenté à Amsterdam sur l’état des lieux du système éducatif français, le rapport PIRLS. (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et Rassemblement-UMP.)

Ce rapport montre – et cela ne justifie pas d’aboiements (Protestations sur les bancs des groupes UMP et Rassemblement-UMP)

M. Jean-François Lamour. C’est incroyable, monsieur le président !

M. Claude Goasguen. Pour qui se prend-il ?

M. Bernard Accoyer. Il faudrait qu’il se calme !

M. le président. Allons, mes chers collègues !

M. Vincent Peillon, ministre. …que, depuis 2007, le système est en train de provoquer des difficultés toujours plus importantes chez les élèves français.

Lorsqu’on supprime des moyens, lorsqu’on supprime la formation des enseignants, lorsqu’on ne permet pas l’accueil des petits, on aboutit à ce résultat, consistant en l’abaissement du rang de la France dans les évaluations internationales. C’est pour redresser notre pays que le Président de la République, le Premier ministre et l’ensemble du Gouvernement ont décidé de faire de l’école, qui est l’avenir de la France, une priorité. (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et Rassemblement-UMP.)

Cela signifie d’abord recruter des professeurs, parce que pour enseigner aux élèves, il faut des professeurs. Deuxièmement, cela signifie former ces professeurs – alors que, je le rappelle, vous aviez supprimé la formation des enseignants (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC - Exclamations sur les bancs des groupes UMP et Rassemblement-UMP.) Troisièmement, cela signifie être capable de mettre la priorité sur le primaire pour les apprentissages fondamentaux. (« Du calme ! » sur les bancs des groupes UMP et Rassemblement-UMP.)

M. Claude Goasguen. À la niche !

M. Nicolas Bays. Il a raison !

M. Vincent Peillon, ministre. Quatrièmement, cela signifie être capable de mettre en place une orientation choisie et une continuité entre tous les niveaux d’enseignement. C’est cette politique qui sera présentée à la représentation nationale dans le cadre de la loi d’orientation et de programmation, dont vous pourrez débattre. C’est cette politique qui sera poursuivie sur le long terme, nécessaire à l’action publique. C’est autour de cette politique que l’ensemble des Français de bonne volonté doivent se retrouver, parce qu’il s’agit de l’avenir de nos enfants, de l’avenir de la France. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, RRDP et sur de nombreux bancs du groupe écologiste.)

Indépendance de la justice

M. le président. La parole est à M. Étienne Blanc, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Étienne Blanc. Monsieur le Premier ministre, voici quelques semaines, vous annonciez ici même une décision du Conseil constitutionnel avant que cette instance ne se prononce. (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et Rassemblement-UMP.)

Mme Catherine Vautrin. Eh oui !

M. Étienne Blanc. Hier, il a été démontré que votre ministre de l’intérieur avait écrit au président de la 17e chambre du tribunal correctionnel de Paris (« C’est honteux ! » sur les bancs du groupe UMP) afin de lui faire part de son sentiment sur une affaire pendante devant cette juridiction. Il l’a fait sur papier à en-tête du ministère, sous le timbre du ministère et sous sa signature de ministre de l’intérieur.

M. Claude Goasguen. C’est très grave !

M. Étienne Blanc. Hier encore, nous apprenions que le Président de la République avait écrit au même magistrat, cette fois sur papier libre, pour lui faire part de son sentiment au sujet d’une affaire qui le concerne personnellement. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Allons, mes chers collègues ! Écoutez la question !

M. Étienne Blanc. Ce matin, nous avons appris que Mme la garde des sceaux, qui parraine une association, avait usé de son influence pour qu’une plainte déposée par cette association soit suivie d’effet.

Vous le savez, monsieur le Premier ministre, de telles pratiques violent les dispositions de l’article 64 de la Constitution, qui doit garantir l’indépendance des juges, ainsi que les dispositions de l’article 16 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen.

Mme Claude Greff. C’est honteux !

M. Étienne Blanc. Monsieur le Premier ministre, qu’avez-vous fait des promesses électorales de M. François Hollande, en particulier de la promesse n° 53 par laquelle il s’engageait ainsi à ne pas intervenir dans le fonctionnement de la justice : « Moi Président de la République, je laisserai libre cours aux affaires judiciaires » ? (« C’est réussi ! » et applaudissements sur les bancs des groupes UMP et Rassemblement-UMP.)

Monsieur le Premier ministre, quand vous et votre gouvernement cesserez-vous de vous inviter dans les prétoires des tribunaux correctionnels ? (Les députés des groupes UMP et Rassemblement-UMP se lèvent et applaudissent.)

M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice. (Tumulte. – Les députés des groupes UMP et Rassemblement-UMP se lèvent et huent la ministre.)

Allons, mes chers collègues, un peu de calme !

Vous avez la parole, madame la ministre.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le député (Huées prolongées sur les bancs des groupes UMP et Rassemblement-UMP)

M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que le Gouvernement est le seul à décider du ministre qui répond à la question posée par le député.

Je vous invite à retrouver votre calme.

Vous avez la parole, madame la ministre.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Monsieur le député, vous ne devriez pas abuser ainsi de votre immunité parlementaire pour rapporter dans cet hémicycle des ragots que vous seriez bien en peine de démontrer. (Les députés du groupe SRC se lèvent et applaudissent longuement. – « Démission ! » sur les bancs des groupes UMP et Rassemblement-UMP.)

M. le président. Allons, mes chers collègues ! Vous savez la réaction que provoque, chez les téléspectateurs, ce genre de comportement !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Monsieur le député, l’habit de l’offuscation vous va si mal ! Ni vous, ni ceux qui m’accusent ne serez en mesure de démontrer ce que vous prétendez, et la justice démontrera d’ailleurs le contraire. (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et Rassemblement-UMP.)

Pour ce qui est du Président de la République, M. François Hollande est mis en cause dans un ouvrage faisant l’objet d’une procédure judiciaire. M. François Hollande, personne privée, est tout à fait fondé à communiquer à la justice sa version des faits, que le juge prendra en compte ou non, et que les parties interpréteront à leur façon.

Cette affaire sera examinée en audience publique, ce qui vous permettra de juger par vous-même en temps utile – pour cela, il vous faudra simplement faire preuve d’un peu de patience. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP. - Exclamations sur les bancs des groupes UMP et Rassemblement-UMP.)

Résultats de trois élections législatives partielles

M. le président. La parole est à M. Yves Jégo, pour le groupe Union des démocrates et indépendants.

M. Yves Jégo. Monsieur le Premier ministre, dimanche, à l’occasion de trois élections partielles, les Français ont sanctionné très sévèrement la politique que vous menez depuis six mois. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI et sur de nombreux bancs des groupes UMP et Rassemblement-UMP.)

Votre effondrement dans les urnes est un fait. Vous ne pourrez ni accuser vos prédécesseurs ni, comme vient de le faire madame la garde des sceaux, balayer d’un revers de la main les arguments qui vous dérangent. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Ma question est simple. À défaut d’écouter ce que le groupe UDI vous dit, ce que l’opposition vous dit, ce qu’une partie de votre majorité vous dit, allez-vous entendre les Français ?

Allez-vous entendre l’incompréhension de ceux à qui vous avez promis de ne pas augmenter la TVA, alors qu’aujourd’hui même, vous et votre majorité allez faire exactement le contraire ? Allez-vous entendre le désespoir des 8 millions de familles que vous avez privées des avantages liés aux heures supplémentaires, et qui ne peuvent plus boucler leurs fins de mois ? (Nouveaux applaudissements sur les bancs du groupe UDI et sur de nombreux bancs des groupes UMP et Rassemblement-UMP.)

Allez-vous entendre la colère des travailleurs de l’usine sidérurgique de Florange, auxquels vous avez promis, ici même, de relancer l’activité, alors que vous fermez les hauts fourneaux ?

Allez-vous entendre enfin la stupéfaction face à cette intrusion dans les affaires de justice du Président de la République et du ministre de l’intérieur, laquelle laisse pantois ceux qui sont, comme nous tous, attachés à l’indépendance de la justice ? (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Dimanche, c’est votre bilan que les Français ont jugé, monsieur le Premier ministre. Allez-vous les entendre ? Allez-vous enfin changer ? (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI, UMP et Rassemblement-UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement. (Vives protestations sur les bancs des groupes UDI, UMP et Rassemblement-UMP.)

Je ne rappellerai pas la règle à chaque fois : le Gouvernement choisit le ministre qui répondra à la question.

M. Alain Vidalies, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement. Dimanche, le premier tour d’élections législatives partielles a eu lieu dans trois circonscriptions – deux étaient détenues, depuis fort longtemps, par la droite ; la troisième a été obtenue au mois de juin par le parti socialiste, à l’issue d’une triangulaire. Je conçois que, dans le charivari qui divise la droite, vous recherchiez quelques éléments de réconfort dans ces résultats. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs des groupes UDI, UMP et Rassemblement-UMP.)

Le premier tour a été marqué par une très forte abstention, habituelle dans ces circonstances, et sous toutes les majorités. (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes UMP et Rassemblement-UMP) Mais nous n’en sommes qu’au premier tour. Dimanche prochain, il y aura deux candidats de gauche, dont vous me donnez l’occasion de citer les noms : Dolorès Roqué dans l’Hérault et Julien Landfried dans les Hauts-de-Seine. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Protestations sur les bancs des groupes UMP et Rassemblement-UMP, dont de nombreux membres se lèvent.)

Ces candidats seront ceux du choix du redressement des finances publiques pour retrouver notre indépendance face aux marchés financiers. Ils seront les candidats de l’arrêt des suppressions de postes massives dans la fonction publique. Ils seront les candidats de la priorité donnée à l’éducation nationale, à la justice et à la police. Ils seront les candidats de la création des 150 000 emplois d’avenir et du contrat de génération. Ils seront les candidats de l’augmentation de 25 % de l’allocation de rentrée scolaire et de la retraite à 60 ans pour certains travailleurs. Ils seront les candidats du crédit d’impôt compétitivité emploi, qui redonnera à nos entreprises une capacité d’intervention. (Huées continues sur les bancs des groupes UMP et Rassemblement-UMP, dont plusieurs membres quittent l’hémicycle.)

M. Philippe Cochet. C’est inadmissible !

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Oui, le Gouvernement et la majorité appellent à la mobilisation autour de notre projet, celui de construire ensemble un nouveau modèle français ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC, dont de nombreux membres se lèvent, ainsi que des groupes écologiste et RRDP.)

Lutte contre le chômage

M. le président. Chers collègues, retrouvons notre calme, tout le monde y gagnera !

La parole est à M. Alain Gest, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Alain Gest. Monsieur le Premier ministre, l’INSEE a confirmé ce matin une chute de l’emploi salarié au troisième trimestre, avec la destruction de 42 000 emplois. Ce sont ainsi 42 000 personnes supplémentaires qui se retrouvent sans emploi, 42 000 familles supplémentaires qui vivront désormais dans l’angoisse du lendemain. C’est presque l’équivalent de cent Florange en un trimestre !

Est-ce un hasard, monsieur le Premier ministre, si l’économie française a perdu deux fois et demi plus d’emplois qu’au deuxième trimestre ? Je ne le crois pas. Et ne nous répondez pas, comme vous le faites systématiquement depuis six mois, que c’est la faute de vos prédécesseurs. Les électeurs ont signifié clairement dimanche qu’ils ne vous croient plus.

D’ailleurs, le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement aurait pu respecter l’égalité, en citant l’ensemble des candidats qui seront en lice au second tour. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP, Rassemblement-UMP et UDI.)

La vérité, monsieur le Premier ministre, c’est que les Français paient cash toutes vos décisions hostiles aux entreprises. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Vous avez abrogé la fiscalité anti-délocalisation, pour augmenter la TVA dans les secteurs pourvoyeurs d’emplois non délocalisables comme le bâtiment et la restauration. Outre le matraquage fiscal, vous avez conçu un système supposé favoriser la compétitivité des entreprises, mais tellement complexe qu’il ne peut produire le choc nécessaire.

Monsieur le Premier ministre, vous ne pouvez répondre à la souffrance des personnes confrontées au chômage en vous contentant de revaloriser le RSA et de prendre des mesures sociales que les collectivités locales devront payer. Quand allez-vous enfin abandonner l’idéologie pour prendre les mesures courageuses qui s’imposent et rendre à la France sa compétitivité ? (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP, Rassemblement-UMP et UDI.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé de la formation professionnelle et de l’apprentissage.

M. Thierry Repentin, ministre délégué chargé de la formation professionnelle et de l’apprentissage. Monsieur le député, vous me permettrez d’excuser M. Michel Sapin, retenu dans le cadre d’une conférence internationale sur le travail décent. Celui-ci vous aurait dit que ces chiffres sont, effectivement, le résultat d’une politique, ou d’une l’absence de politique que vous n’avez pas assumée. (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et Rassemblement-UMP.) Ces dix-huit derniers mois, chacun ici le sait, le chômage n’a cessé d’augmenter.

Pour autant, ce gouvernement, face à cette situation, n’est pas fataliste. Vous attendez des mesures ? Je vous en citerai plusieurs, qui montrent concrètement que le Gouvernement lutte contre le chômage. La première est effective depuis le 1er novembre : il s’agit des 150 000 emplois d’avenir. La grande majorité de l’Assemblée nationale l’a votée ; pas vous, monsieur le député. La deuxième sera présentée demain en conseil des ministres par Michel Sapin : il s’agit des contrats de générations, dont 500 000 seront signés par des entreprises privées au cours de ce quinquennat. La troisième, prise à l’automne, consiste, grâce à 40 000 emplois aidés, à accompagner les chômeurs les plus éloignés de l’emploi. Enfin, le projet de loi de finances rectificative – vous pourrez le voter tout à l’heure – contient des mesures visant à alléger le coût du travail, à favoriser l’innovation dans les entreprises et à soutenir l’emploi des jeunes.

Vous le voyez, monsieur le député, en lieu et place d’une interpellation, je vous invite, cet après-midi, à soutenir l’action du Gouvernement en votant la loi de finances rectificative. Vous accompagnerez ainsi la lutte engagée en faveur des jeunes et de l’emploi. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

Situation des prisons

M. le président. La parole est à Mme Elisabeth Pochon, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

Mme Elisabeth Pochon. Ma question s’adresse à Mme la garde des sceaux.

Depuis la semaine dernière, le projecteur est braqué sur la prison des Baumettes, dont l’état est catastrophique et où les conditions de détention sont indignes. Le contrôleur général des lieux de privation de liberté a utilisé une procédure exceptionnelle d’alerte, publiée au Journal officiel, pour dénoncer cette violation grave des droits fondamentaux des personnes.

Il y a là une situation d’urgence qui appelle des mesures exceptionnelles. Mais, au-delà du centre pénitentiaire de Marseille, c’est toute la situation des établissements de courtes peines et donc des maisons d’arrêt qui doit nous interpeller.

La politique pénale menée par la précédente majorité a conduit à une surpopulation carcérale dans toutes les maisons d’arrêt de la métropole et d’outre-mer, ce qui signifie des pièces de 9 mètres carrés pour quatre, des portes fermées, un tour de rôle pour se tenir debout dans la pièce, une liste d’attente pour le travail, l’école, le parloir, la douche, la promenade, des conditions de travail dégradées et harassantes pour tous les personnels.

Triste record pour les prisons françaises que celui du nombre de détenus, avec 67 161 personnes incarcérées au 1er avril 2012, soit 20 000 détenus de plus en dix ans, sans aucune répercussion positive avérée sur la délinquance et la sécurité dans notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC, écologiste, RRDP et GDR. – Exclamations sur les bancs des groupes UMP et Rassemblement-UMP.)

La peine de prison est nécessaire mais ne constitue pas une fin en soi, et l’enfermement dans les conditions actuelles semble contre-productif. Il est de l’intérêt de toute notre société de favoriser la réinsertion.

Cette politique de l’emprisonnement s’est faite au détriment d’une politique pénale qui devrait prendre en compte l’importance de la réinsertion des condamnés et la prévention de la récidive là où c’est le plus crucial, c’est-à-dire dès la première condamnation.

M. le président. Merci, madame la députée.

La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Madame la députée, le contrôleur général des lieux de privation de liberté a motivé son recours à la procédure d’urgence par l’absence d’amélioration substantielle depuis vingt ans dans cet établissement, malgré de nombreux rapports.

L’ensemble de la population française a pu observer l’état de grand délabrement physique et matériel de cet établissement marqué de surcroît par l’insécurité et le manque d’hygiène, mais de nombreux autres établissements se trouvent dans un état critique et de grande vétusté.

La précédente majorité avait choisi d’y répondre par une loi de programmation sans un seul euro pour la financer, une vaste supercherie face à un problème aussi important. (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et RUMP.) La loi pénitentiaire date de 2009, mais les moyens n’ont jamais été dégagés pour la rendre applicable.

Nous avons choisi de mener une politique pénale cohérente, grâce à la circulaire générale de politique pénale fondée précisément sur la loi pénitentiaire, l’individualisation des procédures et des peines, et renforcée par la conférence de consensus qui nous permettra prochainement de définir un régime de peine plus efficace pour prévenir la récidive. (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et Rassemblement-UMP.)

Nous avons également engagé un ambitieux programme de rénovation qui bénéficiera à la Santé à Paris, aux Baumettes à Marseille, à Fleury-Mérogis, pour 800 millions d’euros.

De nouvelles constructions devraient nous permettre en outre de fermer des établissements vétustes, soit quelque 1 082 places et, avant même le rapport du contrôleur général, nous avons lancé un programme pour créer 765 places à Aix-en-Provence et 560 aux Baumettes.

Le Gouvernement précédent avait choisi la défausse de l’État, faisant peser sur les épaules des personnels pénitentiaires la gestion quotidienne d’établissements vétustes et surpeuplés. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, RRDP et GDR. – Protestations sur les bancs des groupes UMP et Rassemblement-UMP.)

Mme Valérie Pécresse. C’est faux !

Conférence de Doha sur le climat

M. le président. La parole est à M. François-Michel Lambert, pour le groupe écologiste.

M. François-Michel Lambert. Madame la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, ce week-end s’est clôturée à Doha la 18e conférence des parties à la Convention sur le climat, à laquelle vous avez participé, ainsi que le ministre Pascal Canfin, pour représenter la France.

Quel bilan pouvons-nous en tirer ? À l’heure où le prix de l’énergie ne cesse d’augmenter, où notre environnement atteint son seuil de tolérance du fait de notre comportement, nous n’avons plus le temps de tergiverser. Les scientifiques l’ont encore dit : notre climat est menacé par les énergies fossiles, par l’émission des gaz à effet de serre.

La conférence a accouché d’un accord au forceps, prolongeant les négociations pour sauver l’engagement de Kyôto. Nous restons, comme prévu, dans une configuration où seuls les pays responsables de 15 % des émissions de gaz à effet de serre s’engagent, dont la France. L’ambition de départ était faible, l’accord final est insuffisant.

La France doit montrer l’exemple et faire un pas franc vers la transition énergétique que nous appelons de nos vœux. Il faut tourner le dos aux énergies fossiles, et en premier lieu aux gaz de schiste, qui sont des énergies du passé dont personne ne veut sur notre territoire.

M. Gilbert Collard. C’est vous, les fossiles !

M. François-Michel Lambert. Les énergies renouvelables sont créatrices d’emplois, et elles sont locales : ne manquons pas le virage industriel qu’elles représentent. Je pense notamment à la biomasse et au biogaz qui représentent potentiellement 60 % des énergies renouvelables en 2020, mais en faveur desquels nous manquons aujourd’hui de moyens et surtout d’un discours politique fort et clair. Soyons la nation de l’avenir !

Madame la ministre, quel bilan tirez-vous de la conférence de Doha, notamment en ce qui concerne l’urgence d’un rééquilibrage de notre politique énergétique par la promotion des seules énergies renouvelables ? (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie.

Mme Delphine Batho, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie. Monsieur le député, la France était représentée à Doha par le ministre des affaires étrangères Laurent Fabius, par Pascal Canfin et par moi-même,…

M. François Rochebloine. Trois ministres !

Mme Delphine Batho, ministre. …mais aussi par des parlementaires, aussi bien de la majorité que de l’opposition. Je me réjouis que la France soit unie lorsqu’elle doit participer à une conférence internationale sur le climat.

C’est vrai, le décalage est grand entre la réalité d’un réchauffement climatique qui s’accélère et dont nous mesurons régulièrement les impacts, récemment encore avec le typhon qui a touché les Philippines, et le résultat de la conférence de Doha qui peut paraître dérisoire par rapport à cette réalité.

Vous l’avez dit, l’accord que nous avons obtenu est modeste. Il repose essentiellement sur la continuité du protocole de Kyôto, l’ouverture d’une deuxième période d’engagement au travers duquel l’Union européenne et la France vont s’attacher à continuer de réduire leurs émissions de gaz à effet de serre. Malheureusement, vous l’avez dit aussi, les pays qui s’engagent à ce stade ne sont responsables que de 15 % des émissions à l’échelle planétaire. Les négociations internationales sur le climat se heurtent aujourd’hui à la réalité des rapports de force imposés par la mondialisation et par les grands pays développés qui se refusent à remettre en cause leur modèle de développement.

Néanmoins, un point important a été obtenu dans le cadre de cet accord modeste : le programme de travail qui doit nous conduire à l’adoption d’un accord universel contraignant en 2015. Vous le savez, la France a confirmé à Doha, par la voix de Laurent Fabius, sa disponibilité pour accueillir la conférence de 2015. Nous souhaitons qu’un sursaut de la communauté internationale permette d’aboutir à cet accord universel, et la diplomatie française jouera un rôle moteur.

Oui, nous devons montrer l’exemple. Telle est la volonté du Premier ministre, avec le cap qui est fixé d’un nouveau modèle français basé sur la transition énergétique. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Politique budgétaire

M. le président. La parole est à M. Olivier Carré, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Olivier Carré. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.

Auparavant, monsieur le président, je souhaiterais que vous rappeliez à M. le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement qu’il n’est pas un chef de parti. Dans son intervention, il a créé une rupture d’égalité manifeste à l’égard de nos trois camarades Élie Aboud, Patrick Devedjian et Henri Plagnol. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP, Rassemblement-UMP et UDI. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

J’en viens à ma question. Trente milliards : tel est le montant de la réduction du déficit public que vous vous êtes fixé comme objectif dans la loi de finances pour 2013. Mais c’est aussi le montant de la hausse d’impôts qui est prévue par cette même loi de finances, dont nous allons de nouveau avoir à débattre dans l’hémicycle, compte tenu de l’éclatement de la majorité présidentielle au Sénat, qui n’a pas voulu vous soutenir. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Philippe Martin. Venant de l’UMP, c’est très fort !

M. Olivier Carré. Ces 30 milliards d’impôts sont une erreur de méthode : on aurait aimé une baisse des dépenses avant qu’il soit envisagé de recourir à l’impôt. Vous annoncez cela aux Français en utilisant, comme à chaque fois, le mot « juste ».

M. Claude Goasguen. Ce qui est faux !

M. Olivier Carré. Or, comme l’a rappelé tout à l’heure l’un de mes collègues, qu’y a-t-il de juste à avoir restauré le bouclier fiscal ? Qu’y a-t-il de juste à avoir fiscalisé les heures supplémentaires ?

M. Christian Hutin. Vous déraillez !

M. Olivier Carré. Qu’y a-t-il de juste à avoir alourdi la taxation des donations, par exemple celles des parents à l’égard de leurs enfants, auxquels veulent simplement donner un coup de main ?

Vous avez été sanctionnés par les urnes dimanche dernier mais, demain, c’est la situation économique de l’ensemble du pays qui risque de se dégrader, tant la défiance s’accroît, tant il est difficile d’investir et de consommer.

M. Christian Hutin. C’est faux !

M. Olivier Carré. Le doute commence à s’installer dans l’ensemble de notre économie.

Quand allez-vous donc, monsieur le Premier ministre, mettre en place une politique économique à la hauteur de la situation ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs du groupe Rassemblement-UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé du budget.

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué chargé du budget. Monsieur le député, votre question porte, me semble-t-il, sur la loi de finances pour 2013. Vous vous interrogez, si j’ai bien compris, sur la réalité des 30 milliards d’euros nécessaires pour que notre pays, l’année prochaine, respecte la parole que la France a donnée à ses partenaires européens comme à la communauté internationale.

Je veux vous le dire : la France est un grand pays ; elle respectera sa parole. La communauté nationale souscrira et pourvoira à cet ajustement budgétaire, précisément grâce à la loi de finances que le Parlement a déjà eu l’occasion d’examiner.

Ce texte – vous l’indiquiez vous-même – prévoit des hausses d’impôts, portant pour 10 milliards d’euros sur les ménages, mais également des économies – non pas de 10 milliards d’euros comme vous le disiez, mais en réalité de 12,5 milliards.

M. Claude Goasguen. C’est complètement faux !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Je me permets en effet de vous rappeler que la loi de financement de la protection sociale prendra, l’an prochain, sa part de l’effort d’ajustement des finances publiques, à hauteur de près de 2,5 milliards. C’est le sens du texte que Marisol Touraine et moi avons défendu dans cette enceinte ainsi qu’au Sénat.

À cet égard, je veux rappeler à la représentation nationale que l’État seul ne peut pourvoir à cet ajustement et que l’ensemble des administrations publiques devra faire un effort, notamment la protection sociale qui fut gravement déficitaire, je vous le rappelle, entre 2007 et 2012, à telle enseigne d’ailleurs que la majorité précédente a dû transférer sur les générations futures près de 130 milliards d’euros de dettes. Or la protection sociale – vous en conviendrez, monsieur le député – ne peut être un impôt à la naissance, comme les politiques passées l’ont malheureusement laissé croire.

M. Claude Goasguen. Nous saurons vous rappeler ce que vous venez de dire !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Je n’aurai garde non plus d’oublier les 60 milliards d’euros de dettes de la protection sociale accumulés entre 2002 et 2007, lors même que la crise économique ne peut être avancée, me semble-t-il, comme une explication satisfaisante.

Vous le voyez, c’est un effort rude, en effet, qui attend notre pays. Cet effort est, hélas ! nécessaire, car les impôts d’aujourd’hui ne sont que la conséquence des emprunts d’hier, notamment ceux des dix dernières années, que vous avez souscrits. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs des groupes écologiste et RRDP.)

Reprise de l’usine M-Real à Alizay

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Destans, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Jean-Louis Destans. Ma question, à laquelle j’associe mon collègue François Loncle, s’adresse à M. le ministre du redressement productif. (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP.)

Pendant des années, des esprits chagrins n’ont eu de cesse de théoriser le déclin économique de notre pays et la fatalité de la désindustrialisation. Pour sa part, notre majorité a fait le choix d’incarner le volontarisme économique et de redonner du sens à l’action de la puissance publique. (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et Rassemblement-UMP.)

M. Yves Nicolin. À d’autres !

M. Jean-Louis Destans. Dans l’Eure, mon département, l’action conjuguée de l’État et du conseil général permet de pérenniser l’activité industrielle du site papetier M-Real d’Alizay.

En mai 2011, l’entreprise finlandaise propriétaire du site annonçait son retrait. Faute de repreneur identifié, un plan social conduisant au licenciement de 300 des 330 salariés était adopté.

Lors d’une visite de campagne en février 2012, François Hollande s’était rendu sur place et s’était engagé à se battre pour la préservation de l’emploi et de l’outil de travail.

M. Dominique Dord. Aïe aïe aïe !

M. Jean-Louis Destans. Nous sommes sur le point de réussir. Aux côtés de deux repreneurs industriels identifiés, le département porte dorénavant un projet global d’aménagement et de valorisation économique du site devant aboutir à la création de 200 emplois immédiatement, 250 à terme.

Cette opération de reprise conjointe est la preuve que nous ne devons pas renoncer face aux difficultés économiques. Monsieur le ministre, nous comptons sur l’engagement de l’État à nos côtés pour accompagner le développement du site, en particulier via l’aménagement de la plateforme logistique et portuaire le long de l’axe Seine. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, de l’innovation et de l’économie numérique.

Mme Fleur Pellerin, ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, de l’innovation et de l’économie numérique. Monsieur le député, comme vous le savez, nous sommes effectivement dans la dernière ligne droite pour la reprise du site industriel de M-Real et nous avons de bonnes raisons de croire maintenant à un dénouement positif pour ce dossier : les dernières discussions doivent aboutir dans les tout prochains jours.

Depuis plusieurs mois, nous n’avons pas ménagé nos efforts – ni vous, comme président du conseil général de l’Eure, ni le préfet du département, dont je salue la mobilisation, ni les ministères du redressement productif et de l’écologie – pour convaincre le groupe papetier de céder son actif industriel et de construire ensuite un partenariat industriel intelligent entre le papetier thaïlandais Double A et le producteur français d’énergie renouvelable Néoen. L’un exploitera la machine à papier, tandis que l’autre fera l’acquisition de la chaudière à biomasse nécessaire à l’exploitation de l’usine. M-Real a fait, dans ce dossier, un choix responsable qui permet de construire un avenir industriel pour ce site.

Vous vous êtes personnellement rendu à Stockholm, monsieur le député, et notre ambassadeur à Bangkok a reçu le P-DG de Double A, auquel Arnaud Montebourg avait adressé un message de bienvenue en France pour son entreprise. (Murmures sur les bancs du groupe UMP.) On ne saurait compter les heures que, les uns et les autres, vous avez consacrées à la finalisation de ce dossier, en surmontant un à un tous les obstacles.

Ce projet est bien plus qu’un projet de revitalisation. C’est un authentique projet de réindustrialisation, de préservation de l’outil productif et de création de 150 à 200 emplois dans l’immédiat, 250 emplois à moyen terme. Il montre bien, comme vous l’avez dit, que le redressement de notre économie est une responsabilité partagée entre l’État, les collectivités locales, les entreprises et les organisations syndicales ; tous sont continûment demeurés impliqués dans le suivi de ce dossier.

La France est une destination de premier ordre pour les investissements directs étrangers. Notre pays accueille sur son sol 20 000 entreprises étrangères qui représentent 2 millions d’emplois et un tiers de nos exportations. Avec le Pacte national pour la compétitivité et l’emploi, le gouvernement de Jean-Marc Ayrault a choisi la mobilisation et a engagé des réformes importantes pour soutenir notre industrie, renforcer notre compétitivité, soutenir l’innovation et bâtir pour notre économie une croissance durable. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Contrats de génération

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Le Callennec, pour le groupe Rassemblement – Union pour un Mouvement Populaire.

Mme Isabelle Le Callennec. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.

Aujourd’hui, le groupe socialiste diffuse un document de propagande qui prétend : « Nous redressons la France ». (« Oui ! » et applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Il n’y a que vous pour y croire ! Comment pouvez-vous l’affirmer, alors que 22 % des jeunes de moins de 25 ans sont au chômage dans notre pays (« C’est vous ! » et « Dix ans ! » sur les bancs du groupe SRC), que seuls 44 % des Français de 55 à 64 ans sont actifs, et qu’entre 300 000 et 500 000 offres d’emplois ne sont pas satisfaites ?

Demain s’ouvre le débat parlementaire sur les contrats de génération. Parce que nous sommes une opposition constructive, l’UMP prendra toute sa part à ce débat. (Exclamations et rires sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean Glavany. Quelle UMP ?

M. Jacques Valax. Et le R-UMP ?

Mme Isabelle Le Callennec. Tout ce qui contribue à favoriser l’embauche des jeunes en CDI et à maintenir l’emploi des seniors dans l’entreprise, non seulement est bon pour notre économie, mais répond aussi à notre ambition partagée de sécurisation des parcours professionnels.

En revanche, de nombreuses questions demeurent. Quel sera le public concerné : quels jeunes et quels seniors ? Quelles contreparties demanderez-vous aux entreprises, déjà asphyxiées par votre politique fiscale ? Vous semblez cibler les PME. Le dispositif devra donc être simple, car elles sont souvent moins sensibles aux aides financières qu’aux conditions générales de la compétitivité : il faut à la fois baisser les charges qui pèsent sur le travail et simplifier les formalités administratives. Nous serons aussi très vigilants quant aux engagements pris en matière d’accompagnement et de formation des jeunes, ainsi que de valorisation du tutorat.

Monsieur le Premier ministre, je vous pose deux questions. Comment allez-vous limiter les effets d’aubaine et les effets de seuil ? Surtout, comment financerez-vous ce dispositif évalué entre 2 et 3 milliards d’euros par an ?

Chers collègues de la majorité, s’agissant des impôts, taxes et autres prélèvements obligatoires, la coupe est pleine ! (Applaudissements sur les bancs des groupes Rassemblement-UMP et UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé de la formation professionnelle et de l’apprentissage.

M. Thierry Repentin, ministre délégué chargé de la formation professionnelle et de l’apprentissage. Madame la députée, nos concitoyens sont inégaux devant le chômage. Il est absurde que l’âge d’or de l’employabilité se situe entre 30 et 55 ans. Vos chiffres sont exacts : il y a beaucoup de jeunes au chômage en France. Le taux de chômage des jeunes a même connu un pic historique au cours des dix-huit derniers mois.

M. Bernard Deflesselles. Mais que fait le Gouvernement ?

M. Thierry Repentin, ministre délégué. J’approuve votre constat, même si nous ne sommes pas d’accord sur les raisons de celui-ci. Nous n’étions pas au pouvoir au cours des dix dernières années : il faut le rappeler. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs des groupes UMP et Rassemblement-UMP.)

M. Yves Censi. C’est un argument qui commence à s’user !

M. Thierry Repentin, ministre délégué. En même temps, les plus de 55 ans sont également au chômage. C’est pourquoi Michel Sapin présentera demain matin, en conseil des ministres, un nouveau dispositif : celui des contrats de génération, qui visera justement à maintenir dans l’entreprise les seniors de plus de 55 ans et à embaucher en même temps des juniors de moins de 26 ans. Ce dispositif, qui vous sera présenté en commission des affaires sociales demain après-midi, à l’issue du conseil des ministres, vous apportera des assurances, concernant notamment l’accompagnement et l’aide à l’emploi destinés à la fois au senior et au junior qui rentre dans l’entreprise.

Madame la députée, puisque vous avez souhaité être associée à toutes les mesures qui favoriseront l’embauche des jeunes et le maintien dans l’emploi des seniors dans notre pays, je vous invite à rejoindre la majorité parlementaire…

M. Jean-Christophe Cambadélis et M. Jean Glavany. On n’en veut pas !

M. Thierry Repentin, ministre délégué. …qui – je n’en doute pas – votera ce texte. Hélas, je regrette que vous n’ayez pas voté, il y a quelques semaines, le précédent projet, relatif aux emplois d’avenir. Non seulement vous ne l’avez pas voté, mais vous l’avez déféré au Conseil constitutionnel pour le faire abroger. Vous appelez de vos vœux un nouveau texte : votez-le ! Venez travailler demain après-midi en commission des affaires sociales ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

Revenu des éleveurs

M. le président. La parole est à M. Yannick Favennec, pour le groupe Union des démocrates et indépendants.

M. Yannick Favennec. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt.

Monsieur le ministre, le versement aux agriculteurs du solde des aides de la PAC intervient actuellement. Il met en lumière de fortes disparités entre agriculteurs, qui pénalisent en particulier les éleveurs. Ces derniers vivent très mal cette situation inéquitable et dénoncent légitimement cette injustice, puisqu’ils percevront les mêmes aides que l’année dernière, alors que leur revenu a diminué du fait, entre autres, de la flambée du cours des céréales utilisées pour nourrir le bétail.

Monsieur le ministre, nos éleveurs sont dans une grande détresse. Exsangues et fragilisés, ils sont à bout. Cette situation a des conséquences catastrophiques pour la très grande majorité d’entre eux : elle risque d’en décourager et d’en faire disparaître beaucoup. Nombre de producteurs de lait et de viande, par exemple, procèdent à leur reconversion.

L’avenir de notre indépendance alimentaire et l’identité de nos territoires ruraux sont aujourd’hui en jeu. Si l’élevage disparaît, c’est aussi l’économie de départements entiers, comme celui de la Mayenne, qui se trouve menacée. Des dizaines de milliers d’emplois sont en péril, dans les laiteries et dans les abattoirs.

Monsieur le ministre, la France est et doit rester forte de la diversité de son agriculture. Nos agriculteurs – tous nos agriculteurs – sont une chance et une richesse pour notre pays. C’est pourquoi je vous demande quelles dispositions vous entendez prendre afin de mettre un terme à cette injustice.

Quoi qu’il en soit, monsieur le ministre, faut-il vous rappeler que nos éleveurs ne demandent qu’une seule chose : vivre dignement et décemment du fruit de leur travail ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI et sur plusieurs bancs des groupes UMP et Rassemblement-UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt.

M. Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt. Monsieur le député, vous avez évoqué la situation de l’élevage en France. Vous vous en doutez, la prise de conscience de cette situation ne date pas d’hier. Ce constat de différences de revenus entre les éleveurs et certains exploitants agricoles est malheureusement valable depuis de nombreuses années. Il faudra changer la politique agricole commune pour ouvrir une nouvelle phase dans la distribution des aides.

M. Jean Glavany. Très bien !

M. Stéphane Le Foll, ministre. Monsieur le député, au-delà de ce constat, je souhaite souligner deux points importants.

Premièrement, dans un contexte de libéralisation d’une politique agricole qui avait conduit à un découplage des aides et à l’attribution à tous d’une même aide à l’hectare, il a fallu se battre pour maintenir le couplage des aides, en particulier à destination de l’élevage, notamment de l’élevage bovin que vous connaissez bien en Mayenne. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Deuxièmement, il faudra débattre d’un certain nombre de questions, à la fois au niveau européen et ici à l’Assemblée nationale, sur cette répartition des aides, afin d’assurer un meilleur équilibre entre les aides destinées aux OTEX céréalières et celles attribuées à l’élevage.

M. Jean Glavany. Bien sûr ! C’est la question centrale !

M. Stéphane Le Foll, ministre. Vous le savez : par ma voix, la France a pris une position extrêmement claire sur ce sujet, en faisant le choix de primer les premiers hectares pour répondre à la question de la répartition des aides en agriculture. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

Je ne souhaite qu’une chose : c’est qu’après votre interpellation et la question que vous venez de me poser vous souteniez la proposition que je ferai. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures vingt-cinq, sous la présidence de Mme Laurence Dumont.)

Présidence de Mme Laurence Dumont,
vice-présidente

Mme la présidente. La séance est reprise.

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Projet de loi de finances rectificative pour 2012

Vote solennel

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle les explications de vote au nom des groupes et le vote par scrutin public sur l’ensemble du projet de loi de finances rectificative pour 2012 (n°s 403, 465).

Explications de vote

Mme la présidente. Au titre des explications de vote, la parole est à M. Gaby Charroux, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. Gaby Charroux. Madame la présidente, monsieur le ministre délégué chargé du budget, chers collègues, au terme de la discussion de ce projet de loi de finances rectificative, nous ne pouvons qu’exprimer le regret que le crédit d’impôt compétitivité et la hausse de la TVA aient occulté le contenu initial du texte, notamment les mesures de lutte contre la fraude fiscale.

Nous aurions pu approuver ce texte en dépit de notre désaccord de fond avec la décision d’aider la banque PSA Finance à hauteur de 7 milliards d’euros, alors qu’aucune contrepartie solide n’a été obtenue, en particulier concernant la réindustrialisation du site d’Aulnay et l’avenir de ses salariés.

Nos débats auront été principalement consacrés à deux amendements, le premier accordant 20 milliards d’euros de baisse d’impôt aux entreprises, le second relevant la TVA à hauteur de 10 milliards d’euros à compter du 1er janvier 2014. Ces choix ne nous semblent ni justes ni opportuns.

Le crédit d’impôt repose sur l’idée que le coût du travail est un handicap sérieux et un obstacle au retour de la croissance. Voilà pourtant plus de vingt ans que l’on multiplie les exonérations fiscales et sociales, qui sont passées de 1,9 milliard en 1992 à 30,7 milliards d’euros en 2008, pour en transférer la charge sur les ménages. Pour quels résultats ?

Les baisses massives des prélèvements, la compression du pouvoir d’achat n’ont pourtant jamais eu de résultat positif sur la croissance, l’emploi ou la santé de nos entreprises, et l’on constate depuis dix ans la faillite de cette politique d’inspiration libérale.

Si cette politique de baisse de charges n’a jamais produit les effets escomptés, c’est parce que la valeur ajoutée, les richesses produites ont été de plus en plus accaparées par le capital, au détriment des salaires, de l’emploi et de l’investissement productif.

M. Bernard Deflesselles. Le grand capital !

M. Gaby Charroux. Faut-il rappeler, qu’en trente ans, les dividendes versés ont été multipliés par 20, alors que les salaires ne l’ont été que par 3,6 ?

Nul ne nie que certains secteurs, notamment l’industrie directement confrontée à la concurrence internationale, connaissent des problèmes spécifiques. Mais, dans ce cas, pourquoi ne pas envisager un dispositif modulé, qui incite à l’emploi et à l’investissement productif mais pénalise la spéculation et la mainmise des marchés financiers, autrement dit un dispositif qui n’obligerait pas à trouver vingt milliards d’euros de financement ?

Tous les secteurs concurrentiels n’ont pas besoin de ces baisses massives d’impôt que vous nous proposez. Les entreprises du CAC 40 qui ont réalisé 70 milliards d’euros de bénéfices cette année et versé quelque 40 milliards de dividendes bénéficieront demain de votre crédit d’impôt. Celui-ci n’est en effet assorti d’aucune contrepartie et de conditions si peu restrictives que le dispositif risque fort d’être aussi coûteux qu’inefficace. Nous ne pouvons qu’être hostiles à un tel gaspillage de l’argent public.

En juillet dernier, lors du collectif budgétaire, toute la gauche s’était retrouvée pour repousser le projet de « TVA sociale » mis en place par la précédente majorité. Et l’on nous propose aujourd’hui l’adoption d’un dispositif qui, sans être identique, obéit à la même inspiration !

C’est non seulement un très mauvais signal adressé aux salariés, que l’on place en position difficile dans les négociations, mais encore, à nos yeux, un véritable contresens économique, car vous faites l’impasse sur la nécessité d’une autre répartition de la valeur ajoutée, plus favorable aux salaires, à l’investissement productif, à la formation ou à l’innovation. C’est là, pour nous, le défi posé à la gauche, qui est de parvenir à changer les règles du jeu économique.

Nous ne comprenons pas davantage la décision de relever les taux de TVA alors que tout le monde s’accorde à dire qu’une augmentation d’un point de TVA coûte 0,8 à 0,9 point de croissance.

D’autre part, la TVA est l’impôt injuste par excellence. Rappelons qu’elle absorbe 8 % du revenu des 10 % de ménages les plus modestes et moins de 4 % du revenu des 10 % les plus riches. Ce n’est donc pas un impôt progressif, ni proportionnel. C’est un impôt régressif.

Nous prenons bien entendu acte des propos de M. le ministre qui s’est dit ouvert à la discussion sur les aménagements non seulement possibles, mais indispensables au dispositif proposé. Le passage de la TVA de 7 à 10 % pour le logement social, les transports publics, l’artisanat du bâtiment est une mesure non seulement injuste, mais, là encore, économiquement dangereuse. Comment ne pas regretter que le Gouvernement n’ait pas pris le temps de la concertation et de la réflexion ?

Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, nous voterons contre le présent projet de loi de finances rectificative. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Alain Muet, pour le groupe Socialiste, républicain et citoyen.

M. Pierre-Alain Muet. Le collectif budgétaire que nous allons adopter montre tout d’abord que la réduction des déficits n’est pas une affaire de règle, mais de volonté politique. Grâce aux mesures prises dès le mois de juillet pour corriger les dérapages financiers de près de deux milliards d’euros soulignés par la Cour des comptes, notre déficit en 2012 sera, comme prévu, de 4,5 % du PIB.

Ce collectif budgétaire comporte de nombreuses mesures de lutte contre la fraude fiscale. Il comporte également un ensemble de mesures essentielles pour la compétitivité de notre pays : le crédit d’impôt compétitivité emploi.

Le choix du crédit d’impôt plutôt que d’un allégement de cotisations est doublement pertinent.

Premièrement, il desserre dès 2013 la contrainte sur les entreprises sans peser sur la consommation, puisque son financement intervient en 2014. C’est une politique particulièrement judicieuse du point de vue conjoncturel.

Deuxièmement, il apparaît dans les comptes des entreprises. Cette traçabilité permettra aux partenaires sociaux de participer à sa gouvernance et de veiller à son bon usage.

À cet égard, notre assemblée a joué son rôle. Par les amendements que nous avons proposés et qui ont été adoptés, nous avons donné des lignes directrices à la négociation sociale pour ce qui est de l’usage du crédit d’impôt, en indiquant ce pour quoi il était fait – l’investissement, la recherche, le développement de la compétitivité et des parts de marché, l’innovation, la formation, l’embauche – et ce pour quoi il n’était pas fait – l’augmentation de la distribution des dividendes ou de la rémunération des dirigeants.

Nous avons par ailleurs appelé la négociation sociale à se saisir de la gouvernance du crédit d’impôt et j’estime que c’est un changement fondamental dans la politique économique de notre pays. Au mois de janvier prochain, une loi viendra transcrire dans le droit la façon dont les partenaires sociaux souhaitent que cette gouvernance soit conduite.

Par ailleurs, un comité de suivi a été mis en place au niveau national avec des déclinaisons régionales.

Enfin, il faut souligner que ce crédit d’impôt permettra aux entreprises d’investir dès 2013 sur la base des recettes qu’elles sont en droit d’attendre l’année prochaine.

Je voudrais remercier M. le ministre du budget de ses interventions. Nous connaissons le talent de Jérôme Cahuzac, sa précision, sa capacité à répondre à toutes les questions : comme lors de la discussion du projet de loi de finances, cela a été un élément important de la qualité de nos débats, je tenais à le souligner. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

La politique du Gouvernement réussit à résoudre ce qui s’apparente à la quadrature du cercle : grâce aux choix judicieux de la loi de finances pour 2013, elle parvient à réduire tous les déficits que connaît notre pays, qui sont pour partie l’héritage de la majorité précédente et pour partie l’effet de la crise – déficit d’emplois, déficit de compétitivité, déficit public bien sûr – sans peser sur la consommation des ménages, tandis que le crédit d’impôt stimule la compétitivité et l’investissement dès 2013 sans peser non plus sur la consommation.

C’est cette politique cohérente et subtile qui permettra à notre pays de sortir rapidement de la spirale de la dette et du chômage qui a marqué la législature précédente et de tracer le chemin de la croissance, de l’emploi et de la justice fiscale. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Mariton, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Hervé Mariton. Monsieur le ministre, au moment où les Français ne semblent pas approuver la politique du Gouvernement et pas davantage sa politique économique, nos débats auront-ils permis d’éclairer ses choix budgétaires ? Oui, d’une certaine manière, puisqu’ils auront montré que le Gouvernement a marqué un renoncement stratégique et manqué plusieurs occasions.

Renoncement stratégique car, dans les collectifs de cet été et de cet automne et dans le projet de loi de finances pour 2013, si vous assumez la contrainte budgétaire du bout des lèvres, si vous reconnaissez – là aussi du bout des lèvres – après le rapport Gallois les enjeux attachés à la compétitivité dans les choix concrets que vous faites, vous restez prisonniers de certaines dettes que vous avez souscrites pendant la campagne électorale du printemps dernier : vos affirmations politiques en font un rappel constant.

Ce sont des choix budgétaires marqués par une démarche clientéliste. Dans ce collectif encore, nous trouvons plusieurs amendements qui ne sont pas motivés par d’autres raisons. (Exclamations sur quelques bancs du groupe SRC.)

Cette dénaturation, cette optique clientéliste s’est manifestée il y a quelques jours dans la discussion de la loi créant la Banque publique d’investissement et se manifeste hélas aussi à travers la mise en place du crédit d’impôt compétitivité emploi. Cet outil n’était pas le meilleur dont on aurait pu rêver, mais vous l’aviez mis sur la table. Ensuite, vous l’avez abîmé en le faisant évoluer, sous la contrainte de votre majorité, dans des directions essentiellement clientélistes.

Ce clientélisme marque votre politique économique et les dettes que vous souscrivez auront à un moment ou un autre des conséquences budgétaires. Vous n’êtes pas parvenus à préserver une stratégie industrielle à Florange, dans un contexte certes difficile, et vous voulez mordicus tenir votre engagement de fermer Fessenheim, qui coûtera plus de 10 milliards d’euros aux Français.

Ce renoncement stratégique, nous en avons eu encore la démonstration à travers les déclarations de Pierre Moscovici sur la médiocrité de certains indicateurs – pour lesquels vous finissez tout de même, au bout de quelques mois, à porter une part de responsabilité – indicateurs qui montrent notamment une aggravation de la situation de l’emploi.

Au fond, votre seul espoir – il s’exprime à maintes reprises dans nos débats – est d’être sauvés par une amélioration de la conjoncture internationale. Le Gouvernement croit au Père Noël. C’est sans doute la saison, mais cela ne suffit pas à prouver la justesse d’une stratégie économique ou budgétaire.

M. Alain Marsaud. Très juste !

M. Hervé Mariton. Il y a aussi grave que ce renoncement stratégique : ce sont les occasions manquées de ce collectif.

S’il y a une cohérence entre le collectif de l’été, le collectif de l’automne et le projet de loi de finances pour 2013, c’est dans l’inquiétude que vous avez semée qu’elle se trouve. Une inquiétude soulevée parmi les entreprises par le collectif de cet été, qui prévoit des charges supplémentaires de plus de 2 milliards dès 2012 et 5 milliards en 2013, et par la loi de finances pour 2013, qui alourdit leurs charges d’un montant tout à fait considérable, de l’ordre de 10 milliards.

Avec les décisions concrètes votées lors des discussions budgétaires, avec les allers et retours qu’il a opérés, le Gouvernement n’a réussi à prouver qu’une chose : c’est qu’il n’aimait pas les entreprises, qu’il n’aimait pas les créateurs d’emplois !

M. Jean-Paul Bacquet. Caricatural !

M. Hervé Mariton. Le Gouvernement l’a hélas confirmé avec ce collectif budgétaire qui comporte des mesures dont on ne sait pas toujours si elles relèvent de la lutte contre l’abus fiscal ou de la simple recherche du rendement, comme le rapporteur général l’a lui-même admis.

Le Gouvernement l’a confirmé encore avec le crédit d’impôt compétitivité emploi. Je fais partie de ceux qui auraient pu voter ce dispositif. Hélas, vous avez manqué une occasion importante d’unité nationale autour d’un enjeu essentiel, celui de la compétitivité.

M. Christian Eckert, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. C’est vous qui avez manqué cette occasion !

M. Hervé Mariton. Au lieu de donner la priorité à la compétitivité et à l’emploi, vous avez fait le choix de céder à ceux parmi vous – ou peut-être est-ce le fait d’une culture commune – qui voulaient ajouter des « conditions » ou des « critères », selon les choix de vocabulaire, ce qui contribue à disperser l’effort et à faire bénéficier du crédit d’impôt des secteurs dans lesquels la compétitivité n’est pas l’enjeu principal.

Vous avez donc choisi de compliquer un dispositif déjà compliqué, vous avez choisi de le disperser, vous avez choisi d’en abîmer les modalités opératoires.

Enfin, votre manière de délibérer sur la TVA, l’aller-retour opéré entre cet été et cet automne, c’est tout sauf de la pédagogie à l’égard de nos concitoyens.

Mme la présidente. Veuillez conclure, monsieur Mariton.

M. Hervé Mariton. Sans doute est-il nécessaire d’augmenter la TVA pour assurer certains abaissements de charges, encore faut-il avoir le courage d’expliquer un tel choix à nos concitoyens. Or votre collectif budgétaire est un collectif de renoncement, marqué par l’absence de stratégie et les occasions manquées. Il y a cependant quelque chose de très clair dans ce collectif, c’est le matraquage fiscal, dont nous ne sommes pas même sûrs qu’il soit terminé. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur quelques bancs du groupe Rassemblement-UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Laurent Wauquiez, pour le groupe Rassemblement-Union pour un mouvement populaire.

M. Laurent Wauquiez. Madame la présidente, monsieur le ministre, chers collègues, dans le prolongement des excellents propos de mon ami Hervé Mariton (Exclamations et rires sur les bancs du groupe SRC), je voudrais centrer mon intervention sur le pseudo-choc de compétitivité et les incohérences de la ligne économique du Gouvernement.

M. Jean-Paul Bacquet. Et vos incohérences à vous ?

M. Laurent Wauquiez. Il faut dire que nos compatriotes ont de quoi avoir le tournis.

Voilà une grande mesure économique introduite à la sauvette, monsieur le ministre, par un amendement du Gouvernement en séance.

Voilà un Président de la République qui, lorsqu’il était candidat, n’avait pas de mots assez durs contre l’augmentation de la TVA – « inopportune », « injuste », « infondée », excusez du peu – et qui, aujourd’hui, ne nous propose rien de moins que deux augmentations de taux.

Voilà un Premier ministre qui nous dit que la crise est immédiate et violente mais qui propose un dispositif qui ne sera pleinement applicable qu’en 2014.

Voilà un Gouvernement qui commence par augmenter les impôts sur les entreprises pour mieux prétendre ensuite les baisser.

Ce collectif budgétaire ne révèle au fond que la somme de vos renoncements et de vos incohérences. Et cela ne suffit pas à fixer un cap économique, la crise de Florange l’a suffisamment montré.

M. Jean-Christophe Lagarde. Eh oui !

M. Laurent Wauquiez. Je voudrais insister sur les trois principales failles de votre choc de compétitivité.

Première faille : la méthode.

Votre crédit d’impôt place les entreprises dans une nasse administrative, avec une grande incertitude juridique potentielle et la menace de voir remis en cause a posteriori des crédits d’impôt qui leur auraient été octroyés. Nous connaissons suffisamment, de ce point de vue, les principes et les méthodes de l’administration fiscale.

M. Jean-Paul Bacquet. Quelle suspicion !

M. Laurent Wauquiez. Deuxième faille : les montants.

Ayons un tout petit peu de mémoire – je ne parle même pas de mémoire longue : ce prétendu choc fiscal intervient après une hausse de plus de 10 milliards d’impôts sur les entreprises que vous avez adoptée dans le projet de loi de finances pour 2013. Plus de 10 milliards ! Vous avez été amenés, par exemple, à remettre en cause la déductibilité des intérêts d’emprunt destinée à encourager l’investissement des entreprises. La France est aujourd’hui l’un des seuls pays au monde à être revenu sur un tel dispositif.

Je voudrais aussi souligner le sort que vous réservez aux commerçants, aux artisans, aux indépendants, aux professions libérales, qui sont l’une des colonnes vertébrales de l’emploi dans nos territoires. Déjà assommés par le poids des charges et des impôts que vous avez ajoutés,…

M. Marc Goua. Qui a réformé la taxe professionnelle ?

M. Laurent Wauquiez. …ils sont totalement oubliés de votre pseudo-choc de compétitivité.

M. Jean-Paul Bacquet. Ils en ont marre de payer la cotisation foncière des entreprises, un de vos héritages !

M. Laurent Wauquiez. J’en viens à la troisième faille : les financements.

À côté de la hausse de la TVA, vous nous dites que vous ferez 10 milliards d’économies sur les dépenses publiques. Mais nous ne voyons pas le début du commencement d’une économie identifiée dans votre loi de finances rectificative. Gilles Carrez l’a bien montré. L’évolution de la masse salariale que vous cautionnez risque d’interdire toute possibilité viable d’économie sur les dépenses.

La réalité, c’est que ce choc de compétitivité sera aussi chimérique qu’illusoire alors que vos hausses d’impôt, elles, sont bien réelles.

La réalité, c’est que vous avez été incapables de faire des choix clairs et que vous ne vous engagez qu’avec remords – nous le voyons bien suffisamment sur vos bancs – dans la voie du choc de compétitivité.

Il y a bien un choc fiscal, mais pas un choc de compétitivité. Depuis le début de votre mandat, la seule ligne claire de votre majorité, de votre gouvernement et du Président de la République, ce sont les augmentations d’impôt. (Applaudissements sur les bancs du groupe Rassemblement-UMP.)

M. Jean-Paul Bacquet. Et votre bouclier fiscal ? Les Français ont tellement apprécié qu’ils ont voté pour nous !

M. Laurent Wauquiez. En votant contre ce projet de loi de finances rectificative, c’est donc bien contre l’absence de cap dans votre politique économique que nous votons. (Applaudissements sur les bancs du groupe Rassemblement-UMP et sur quelques bancs UMP.)

Mme la présidente. Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Philippe Vigier, pour le groupe Union des démocrates et indépendants.

M. Philippe Vigier. Madame la présidente, monsieur le ministre, chers collègues, cette loi de finances rectificative marque un reniement de plus pour le Gouvernement et propose une stratégie qui n’est pas adaptée à la situation de la France.

Un reniement de plus, car il faut se rappeler ce que nous avions entendu sur le Traité européen, dont on nous avait pourtant promis que les termes seraient changés. Non seulement rien n’a été fait, mais, en y regardant de plus près, et en dépit de l’annonce d’un pacte de croissance, seulement 4 milliards d’euros seront injectés dans l’ensemble des pays de l’Union européenne : tel est votre premier reniement.

Autre reniement : chacun a bien compris que la mesure phare de cette loi de finances rectificative était le fameux crédit d’impôt compétitivité emploi, qui s’appuie sur une TVA sociale. Que n’avions-nous entendu à l’époque sur cette TVA sociale ! Ainsi, Jean-Marc Ayrault affirmait solennellement : « nous n’avons pas l’intention d’augmenter la TVA parce que c’est une mesure injuste ». Et vous adoptez finalement cette mesure, chers collègues de la majorité !

Vous nous demandez ce que nous avons fait depuis dix ans. Je vous répondrai que, lors d’un débat entre Laurent Fabius et Jean-Louis Borloo en 2007, nous avions expliqué que la TVA sociale était le seul moyen pour restaurer la compétitivité ; nous l’avons donc votée sous le précédent gouvernement. Cette TVA sociale que nous avions soutenue, vous l’avez abandonnée. Heureusement, la majorité partage aujourd’hui avec l’opposition le constat que l’économie nécessite désormais plus de compétitivité et que le poids des charges pesant sur le travail constitue un handicap considérable.

Par ailleurs, le rapport Gallois préconise de baisser de 20 milliards d’euros les charges sociales patronales, et de 10 milliards les charges sociales salariales ; cela, vous l’avez oublié. Vous avez inventé un crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi de 20 milliards d’euros sur deux ans. Or, ce crédit d’impôt n’est pas financé, et vous le savez. Vous parlez de 10 milliards d’économies : lesquelles ? On ne les connaît pas ! De même, concernant la fiscalité écologique de 3 milliards : on ne la connaît pas !

Ce dont nous sommes assurés, en revanche, c’est qu’il y aura 6 milliards d’euros de TVA en plus. Lorsque vous augmentez la TVA de 43 % dans le domaine du logement, monsieur le rapporteur général, c’est le logement qui est menacé, et demain, ce seront les artisans. C’est une faute économique, et même sociale, que vous paierez très cher !

En outre, ce crédit d’impôt n’est pas ciblé. Le rapport Gallois a préconisé une montée en gamme, afin d’aider l’industrie. Vous vous en êtes écartés, et vous avez même favorisé les associations au détriment des artisans, des professions indépendantes, des agriculteurs sous forfait, des commerçants. Leur préférer les associations, c’est une erreur de ciblage ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI, UMP et Rassemblement-UMP.)

M. François Rochebloine. Très bien !

M. Philippe Vigier. En outre, vous nous parlez de dialogue social mais vous nous renvoyez à une loi en 2013 pour expliquer comment et dans quelle mesure les partenaires sociaux pourront vérifier l’utilisation de ce crédit d’impôt compétitivité emploi…

Pis, dans un amendement des radicaux de gauche – vos partenaires de la majorité ! – vous n’avez même pas voulu que l’expression « compétitivité emploi » figure dans l’intitulé du texte : cela signifie que vous n’y croyez pas, monsieur le rapporteur général !

Pour toutes ces raisons, parce que vous n’avez pas écouté l’opposition, parce que vous n’avez pas écouté les propositions constructives que nous avons faites avec nos collègues de l’UMP, nous voterons contre ce texte – parce qu’il constitue une faute économique et une faute sociale pour le pays. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI, UMP et Rassemblement-UMP.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Eva Sas pour le groupe écologiste.

Mme Eva Sas. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, chers collègues, le texte que nous votons aujourd’hui aurait dû, à notre sens, faire l’objet de deux lois distinctes.

En effet, il s’agit certes d’un projet de loi de finances rectificative, entérinant les modifications du budget 2012 rendues nécessaires par la réalité de son exécution ; mais vous introduisez également dans ce texte, par voie d’amendement, des mesures qui ne concernent en rien ce collectif budgétaire de fin d’année.

Le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi ainsi que l’augmentation de TVA qui le finance constituent en effet un acte de politique économique majeur, engageant 2014 et même les années suivantes. Sur ce sujet, tant sur la forme que sur le fond, nous ne pouvons pas vous suivre.

Sur la forme, vous amenez par voie d’amendement une réforme qui, au regard des montants qu’elle implique, constituera l’une des mesures décisives de ce quinquennat. Si cette mesure avait fait l’objet d’un projet de loi, la représentation nationale aurait pu être éclairée par une étude d’impact et aurait ainsi pu évaluer les incidences économiques, financières, sociales et environnementales d’une telle réforme. Ce n’est aujourd’hui pas le cas.

Sur le fond, nous allons voter une dépense fiscale de 20 milliards d’euros. Cet acte engage toute la législature, et obère toutes les possibilités d’introduire de nouvelles réformes en matière économique. Pour être claire, nous n’aurons pas une deuxième occasion d’engager 20 milliards en faveur d’une politique économique durant ce mandat.

Or, vous accordez ces 20 milliards aux entreprises sans aucun ciblage, aucune condition. Tous les emplois seront concernés, alors que seuls 20 % d’entre eux sont soumis à la concurrence internationale. Ne sont ciblées ni les entreprises en difficulté, ni les très petites entreprises, ni les entreprises de taille intermédiaire. Enfin, vous ne cherchez pas à orienter l’économie pour lui permettre de faire face aux enjeux économiques et environnementaux.

Vous espérez créer entre 300 000 et 400 000 emplois grâce à ce pacte. Dans l’hypothèse la plus optimiste, le coût pour la collectivité serait donc de 50 000 euros par emploi créé. Ce coût exorbitant est malheureusement dans la moyenne des politiques de l’offre, coûteuses, inefficaces et non ciblées, mises en oeuvre par les gouvernements précédents ; et pourtant, l’erreur est en passe d’être renouvelée.

Vous nous présentez cette aide fiscale de 20 milliards d’euros sous le nom de « pacte de compétitivité ». Mais de pacte, cette mesure n’a que le nom puisqu’en lieu et place du donnant-donnant qu’il supposerait, nous n’avons qu’un dispositif de soutien inconditionné aux entreprises – 20 milliards distribués sans contrepartie.

Cette aide d’un montant exceptionnel aurait pu et dû être mise au service d’une volonté politique, d’une vision économique. Pour cela, il aurait fallu donner trois axes à ce crédit d’impôt pour la compétitivité.

Le premier axe aurait été de concentrer les aides sur les entreprises en difficulté.

La deuxième priorité aurait dû consister à pallier les faiblesses connues de l’industrie française, qui relèvent en grande partie de la compétitivité hors coût et qui tiennent notamment au faible nombre d’entreprises de taille intermédiaire – 4 600 en France contre 10 000 en Allemagne – ou au positionnement sur des secteurs peu porteurs. La montée en gamme de l’industrie française, le soutien à l’investissement et le financement de la croissance des petites et moyennes entreprises sont les vraies réponses à apporter au problème de compétitivité de l’industrie française.

Le troisième axe aurait dû consister à préparer l’économie de demain, à mettre ce crédit d’impôt au service d’une vision, au service du modèle économique du XXIe siècle – celui qui nous permettra de faire face à la rareté de la ressource, aux pertes d’emplois continues dans l’industrie et à la concurrence des pays à bas coûts. Bref, un modèle économique plus économe en ressources, plus localisé, plus riche en emplois. Pour cela, il aurait fallu soutenir les secteurs d’avenir, en particulier celui des énergies renouvelables, et engager l’ensemble des entreprises dans une démarche d’économie des ressources.

Au lieu de servir cette ambition, vous vous apprêtez à mettre en œuvre une aide indifférenciée, qui bénéficiera aux entreprises florissantes, aux groupes bancaires, à la grande distribution, aux entreprises sous leverage buy-out (LBO). Cet effet d’aubaine est d’autant plus difficile à justifier qu’il sera financé par une augmentation de la TVA, laquelle pèsera lourdement sur le budget des ménages.

Absence de ciblage, absence de contreparties demandées aux entreprises : le crédit d’impôt compétitivité emploi risque ainsi de devenir la plus formidable occasion manquée du quinquennat.

Un député du groupe UMP. Quel réquisitoire !

Mme Eva Sas. Nous sommes donc en désaccord profond avec le tournant qui est pris dans la politique économique de la France.

M. Bernard Deflesselles. Alors votez contre !

Mme Eva Sas. Nous voterons malgré tout ce projet de loi de finances rectificative, par esprit de responsabilité (Exclamations sur les bancs des groupes UMP, Rassemblement-UMP et UDI), car nous pensons que, dans la situation dramatique dans laquelle la France et l’Europe se trouvent, il ne serait pas compréhensible d’ajouter une crise gouvernementale à la crise économique.

Mais nous espérons que cette mesure pourra être amendée, que des contreparties pourront être demandées, qu’un ciblage pourra être envisagé, dans la lignée des amendements qui ont été courageusement portés par le groupe socialiste. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et sur quelques bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Roger-Gérard Schwartzenberg pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Madame la présidente, monsieur le ministre, chers collègues, l’action pour l’emploi est à l’évidence la priorité des priorités. Votre collectif budgétaire établit un crédit d’impôt visant à renforcer la compétitivité des entreprises pour qu’elles puissent soutenir davantage l’emploi et l’investissement.

Sur le fond, chacun peut reconnaître l’opportunité d’une telle mesure ; mais, dans la forme, la procédure retenue pour l’instaurer paraît très discutable.

M. Charles de Courson. Très bien !

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Le 14 novembre dernier, le Conseil des ministres adopte le collectif budgétaire de fin d’année, qui ne comporte alors aucune disposition relative au pacte de compétitivité.

Le 20 novembre, soit six jours plus tard, le Gouvernement se ravise et décide d’intégrer à ce texte le nouveau crédit d’impôt et la restructuration des taux de la TVA. Il le fait non par lettre rectificative, mais en présentant deux amendements gouvernementaux, déposés le 28 novembre pour être débattus en séance publique dès le 3 décembre, seulement 120 heures après.

Résultat de ce recours à la méthode de l’amendement, un triple manque : absence d’avis préalable du Conseil d’État, absence d’étude d’impact et absence de véritable exposé des motifs. (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs des groupes UMP et Rassemblement-UMP.) Ne me compromettez pas ! (Sourires.)

Cet exposé des motifs est suppléé, puisqu’il s’agit d’amendements, par un simple exposé sommaire. Sommaire, en effet : sept paragraphes de texte pour l’amendement qui crée 20 milliards d’euros de crédit d’impôt, et six paragraphes pour l’amendement qui les finance par une réforme des taux de TVA, qui génèrera une recette additionnelle annuelle de 6,4 milliards. Bref, sur ces enjeux majeurs, un style laconique, lapidaire, d’une extrême concision. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et Rassemblement-UMP.)

Bonaparte assurait, je crois, qu’une constitution doit être courte et obscure. Mais il n’a rien dit de tel sur les lois de finances, même rectificatives ! (Mêmes mouvements.)

En outre, mercredi soir, le Gouvernement a déposé une quarantaine d’amendements, parfois très importants, dont même le rapporteur général du budget n’avait pas eu connaissance. (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et Rassemblement-UMP.) Résultat, une suspension de séance d’une heure et demi pour pouvoir les faire examiner par la commission des finances. (Mêmes mouvements.)

Mme la présidente. Mes chers collègues, un peu de silence s’il vous plaît !

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. L’improvisation et la précipitation paraissent peu compatibles avec la qualité du travail législatif, comme avec le nécessaire respect des droits du Parlement.

Un député du groupe UMP. Très bien !

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Certes, le Parlement n’est plus l’architecte de la législation financière, mais il ne peut en devenir le simple bricoleur, réduit à sous-amender des amendements gouvernementaux pour rafistoler un texte rédigé à la hâte, déposé à la va-vite et débattu à la sauvette. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes UMP et Rassemblement-UMP.)

Plusieurs députés du groupe UMP. Bravo !

Mme la présidente. Mes chers collègues, s’il vous plaît, laissez finir M. Schwartzenberg.

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. La procédure budgétaire gagnerait à ne pas devenir un concours Lépine.

Plusieurs députés du groupe UMP. Votez avec nous !

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Cela dit, sur le fond, ces sous-amendements, souvent convergents, présentés par les groupes de la majorité, ont clarifié utilement le nouveau dispositif. (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et Rassemblement-UMP.) Ils ont tout d’abord clairement précisé les objectifs et les conditions d’utilisation de ce crédit d’impôts : même si Noël approche, l’intention n’est pas de signer un chèque en blanc au patronat en lui offrant toute liberté d’utiliser ces 20 milliards comme bon lui semble, selon son bon plaisir et à sa discrétion.

La raison d’être de ce crédit d’impôt, c’est d’aider les entreprises à renforcer leur compétitivité pour quelles puissent embaucher, investir, innover davantage. Il ne pourra donc servir à d’autres fins, comme majorer la rémunération des dirigeants d’entreprises, ou encore la distribution de dividendes à leurs actionnaires.

Mme la présidente. Cher collègue, il faut conclure.

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. J’en termine, madame la présidente.

Autres avancées, le comité national de suivi et les procédures d’évaluation. Ces sous-amendements ont été acceptés par l’exécutif et adoptés. Nous voterons donc ce collectif budgétaire. (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et Rassemblement-UMP.)

Mme la présidente. Monsieur Schwartzenberg, je vous demande de bien vouloir conclure.

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Toutefois, il serait préférable que ce type d’exercice ne se renouvelle pas à l’avenir, en tout cas si l’on veut conserver encore quelque crédit au Parlement, c’est-à-dire aux représentants de la nation et donc au suffrage universel. (Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP.)

Vote sur l’ensemble

Mme la présidente. Je mets aux voix le projet de loi.

(Il est procédé au scrutin.)

Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 529

Nombre de suffrages exprimés 525

Majorité absolue 263

(Le projet de loi est adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué chargé du budget.

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué chargé du budget. Madame la présidente, au nom du Gouvernement, je voudrais remercier la présidence, le service de la séance, les nombreux parlementaires qui ont participé à ces travaux et tous les orateurs des groupes, qu’ils soient de la majorité ou de l’opposition. Je remercie également chaleureusement les parlementaires de la majorité qui viennent d’adopter le présent projet de loi de finances rectificative, en particulier ceux qui ont brillamment, avec ardeur, et parfois avec humour, soutenu ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Rappel au règlement

Mme la présidente. La parole est à M. Christian Jacob, pour un rappel au règlement.

M. Christian Jacob. Madame la présidente, tout à l’heure, lors de la séance des questions au Gouvernement, le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement a pris position dans une campagne électorale en cours, citant et soutenant nommément dans l’hémicycle les candidats.

M. Lucien Degauchy. C’est scandaleux !

M. Christian Jacob. Pour sa part, Mme la garde des sceaux a pris parti sur une affaire de justice en cours et a menacé un parlementaire, faisant allusion à l’abus qu’il aurait fait de son immunité parlementaire. Au même moment, le Président de la République et le ministre de l’intérieur interviennent eux aussi sur une affaire de justice en cours.

Et que dire des propos de M. Peillon, ministre de l’éducation nationale, qui parle d’aboiements s’agissant de l’opposition ? Compare-t-il certains députés à des chiens ? Je ne sais pas où l’on va, madame la présidente. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe Rassemblement-UMP).

Il y a quelques jours, le président de l’Assemblée n’a pas hésité à rappeler à l’ordre des parlementaires de l’opposition pour des faits qui n’avaient rien à voir, simplement parce qu’il considérait qu’ils faisaient un peu trop de bruit dans l’hémicycle.

Mme la présidente. Ça peut arriver !

M. Christian Jacob. Quelle va être son attitude aujourd’hui, à l’égard de membres du Gouvernement qui se comportent sans honneur, sans hauteur et de façon totalement indigne devant la représentation nationale ? (Mmes et MM. les députés du groupe UMP et du groupe Rassemblement-UMP se lèvent et applaudissent. – Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. Monsieur Jacob, je vous laisse la responsabilité de vos derniers propos, qui me paraissent bien forts. (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et Rassemblement-UMP.)

S’agissant de ce qui s’est produit pendant la séance de questions au Gouvernement, je ne vous apprendrai rien en vous disant que la parole est libre dans cet hémicycle – et heureusement.

Sauf erreur de ma part, le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement n’aura surpris personne en soutenant les candidats de la majorité (Protestations sur les bancs des groupes UMP, Rassemblement-UMP et UDI)…

M. Lucien Degauchy. Il n’a pas à le faire ici !

Mme la présidente. …même s’il ne les a pas, contrairement à ce que vous venez de dire, cités nommément. (« Si ! » sur les bancs des groupes UMP, Rassemblement-UMP et UDI.)

J’avais bien pris la précaution de dire « sauf erreur de ma part »…. (« C’est honteux ! » sur les bancs des groupes UMP, Rassemblement-UMP et UDI.)

J’ajoute que votre collègue Olivier Carré n’a pas hésité, lorsque l’occasion lui en a été offerte, à soutenir et à citer nommément les candidats de l’opposition.

M. Lucien Degauchy. Mais il n’est pas ministre !

Mme la présidente. Je pense que l’incident est clos.

Suspension et reprise de la séance

Mme la présidente. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures cinq, est reprise à dix-sept heures dix.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

3

Nomination d’un député en mission temporaire

Mme la présidente. M. le président a reçu du Premier ministre une lettre l’informant de sa décision de charger M. Jean-Yves Caullet, député de l’Yonne, d’une mission temporaire auprès de la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie et du ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt.

4

Retenue pour vérification du droit au séjour
et modification du délit d’aide au séjour irrégulier

Discussion d’un projet de loi adopté par le Sénat après engagement de la procédure accélérée

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, après engagement de la procédure accélérée, relatif à la retenue pour vérification du droit au séjour et modifiant le délit d’aide au séjour irrégulier pour en exclure les actions humanitaires et désintéressées (nos 351, 463).

Présentation

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.

M. Manuel Valls, ministre de l’intérieur. Madame la présidente, monsieur le rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, mesdames, messieurs les députés, la France est une terre d’accueil ; c’est son histoire depuis près de deux siècles. Pourtant, par un étrange paradoxe, l’immigration y fait débat, un débat qui n’éclaire pas toujours nos concitoyens car s’y mêlent trop d’approximations, de confusion et d’amalgames. S’y ajoutent des poncifs et des propos parfois haineux. « Les étranges étrangers » dont a si bien parlé Jacques Prévert ont été, ces dernières années, bien souvent, trop souvent montrés du doigt.

Notre pays a vu, au fil des époques, les nouveaux arrivants se succéder. D’abord de Belgique, d’Italie, d’Allemagne, d’Espagne et un peu plus tard de Pologne, ils vinrent ensuite du Portugal, d’Algérie, du Maroc, de Tunisie et d’Amérique latine, fuyant les dictatures, puis de Chine, du Sénégal ou encore du Mali. Ils viennent aujourd’hui, vous le savez, de tous les continents.

L’immigration a été, est et continuera d’être un apport, une chance pour notre pays – pour sa démographie, son économie, sa culture. Pour autant, une vérité doit être dite, rappelée, affirmée : l’immigration, pour être bénéfique, pour être un atout pour notre pays, doit être préparée, régulée, organisée, maîtrisée.

Aujourd’hui, la France accueille régulièrement chaque année 200 000 étrangers, certains pour une ou quelques années seulement, d’autres de manière plus pérenne. Bien évidemment, on ne peut pas additionner ces chiffres. Plus de 40 % d’entre eux viennent pour des raisons familiales. Le mariage d’un Français avec une personne de nationalité étrangère constitue l’une des premières causes d’immigration. L’immigration économique et les étudiants représentent 35 %. C’est sur ces éléments que, conformément à l’engagement du Président de la République, nous aurons un débat au Parlement au premier trimestre de l’année prochaine. Le quart restant sont des réfugiés politiques, étrangers malades ou visiteurs.

Eh oui, la France ne doit pas avoir peur d’accueillir, en fidélité à ses principes, une immigration régulière correspondant à des droits consacrés internationalement. Elle doit être consciente et de ses atouts, et de ses valeurs. L’ouverture au monde en est une. N’oublions pas que plus de deux millions de nos compatriotes sont eux-mêmes des expatriés. Cette ouverture a une conséquence : l’arrivée et la présence sur notre sol d’étrangers qui ont la volonté de vivre en France, d’y étudier, d’y travailler, de s’y intégrer. Des étrangers qui nourrissent aussi l’espoir d’une vie meilleure. Parmi tous ces étrangers, certains, à terme, après l’avoir voulu pleinement et après en moyenne seize ans de présence en France, deviennent citoyens français. Et nous devons être fiers de ces nouveaux Français.

L’immigration, c’est donc une part de l’histoire de notre pays, une part de ce qui l’a construit. La France doit aborder la question de l’immigration dans un esprit d’apaisement et de réalisme, avec générosité mais sans naïveté, avec fermeté mais sans arbitraire, en appliquant des règles claires et comprises de tous. C’est la volonté du chef de l’État et c’est la politique qu’entend mettre en œuvre le Gouvernement.

Au cours de ces sept derniers mois, des mesures importantes ont déjà été prises. La circulaire du 31 mai 2011 relative à l’accès au marché du travail des étudiants étrangers a été abrogée, mais après combien de polémiques inutiles et d’injustices ? Après quel tort fait à l’image de la France dans le monde, en Afrique, en Chine, en Inde ? Cette circulaire était contraire à nos intérêts, était un non-sens pour notre pays, contradictoire avec les discours des dirigeants français quand ils se déplaçaient à l’étranger. Elle conduisait à refuser le séjour à des personnes étrangères hautement qualifiées, ayant étudié dans nos universités et dans nos grandes écoles, à des étudiants qui souhaitaient, à l’issue de leurs études, exercer leurs talents dans notre pays.

La circulaire du 31 mai 2012, que j’ai signée avec mes collègues Michel Sapin et Geneviève Fioraso, est venue rectifier cette situation en favorisant le changement de statut pour les étudiants les plus méritants.

M. Éric Ciotti. Hélas !

M. Manuel Valls, ministre. Le Président de la République s’y était engagé. Monsieur Ciotti, vous irez dire cela aux nombreux pays où ceux que vous souteniez il y a encore quelques mois allaient affirmer qu’il fallait que la France accueille de nouveau des étrangers, en contradiction avec cette circulaire – des pays qui aujourd’hui, à cause de cette politique, se sont tournés vers l’Italie, le Canada ou les États-unis ! La France est forte quand elle est capable d’accueillir les étudiants qui viennent de partout dans le monde, elle s’enrichit au contact de ces étudiants ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et UDI.)

M. Yann Galut, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Très bien ! Entendez cette vérité !

M. Manuel Valls, ministre. Le Président de la République s’y était engagé, la circulaire du 6 juillet 2012 l’a traduit dans les faits : dorénavant, l’assignation à résidence est une alternative véritable à la rétention des familles avec enfants faisant l’objet d’une procédure d’éloignement. Une cinquantaine de familles – chiffre qui relativise tous les fantasmes – ont ainsi fait l’objet d’une assignation à résidence depuis l’entrée en vigueur de cette circulaire. C’est une avancée pour notre pays. La présence d’enfants en rétention ne peut être la règle, comme la Cour européenne des droits de l’Homme l’a rappelé en janvier dernier.

Aborder la question de l’immigration dans un esprit d’apaisement, c’est donc dire la vérité aux Français. C’est dire la vérité, également, aux personnes étrangères qui se trouvent sur notre territoire et souhaitent y demeurer. Dire la vérité, enfin, à celles et ceux qui aspirent à venir en France. L’admission au séjour d’étrangers en situation irrégulière est une mesure dérogatoire. Elle doit, par conséquent, demeurer l’exception. Il n’y aura pas, avec ce gouvernement, de régularisation massive comme en 1981 ou en 1997. La situation économique et sociale de notre pays ne le permet pas. Et notre capacité insuffisante à intégrer efficacement ceux et celles qui arrivent, comme l’a récemment rappelé l’OCDE, ne nous le permet pas davantage.

Certains étrangers, du fait de l’intensité des liens familiaux, professionnels et personnels qu’ils ont tissés en France, ont vocation à pouvoir y vivre légalement. D’autres non, et donc ils doivent quitter notre territoire. C’est le sens de la circulaire publiée le 28 novembre dernier qui a fixé des critères objectifs et transparents permettant l’admission au séjour. Cette circulaire est exigeante. Elle demande au minimum cinq années de présence et ajoute d’autres critères, en fonction de chaque situation personnelle : scolarisation des enfants, situation du conjoint, activité salariée. Cette circulaire, qui a été discutée avec les associations et les partenaires sociaux, vise ainsi à guider les préfets dans leur pouvoir d’appréciation mais selon des critères simples et stricts, applicables partout, car il ne peut y avoir en République de traitement différencié en fonction des personnes, des circonstances ou des départements. Mais, je le répète, il n’y aura pas de régularisation massive et la phrase de Michel Rocard reste d’actualité : « La France ne peut accueillir toute la misère du monde, mais elle doit savoir en prendre fidèlement sa part. »

Cette circulaire n’a pas vocation à augmenter le nombre de régularisations au cours des prochaines années. Je veux le dire de la manière la plus claire : il n’y aura pas, à l’échelle du quinquennat, un nombre de régularisations supérieur à ce qu’il fut au cours de ces dernières années. Nous poursuivrons également, avec fermeté, une politique d’éloignement des étrangers en situation irrégulière. Le nombre des éloignements d’ailleurs, cette année, devrait être supérieur à 35 000.

Avoir conscience de l’apport de l’immigration doit, par ailleurs, nous inciter à faire évoluer notre législation en matière de titres de séjour. C’est pourquoi un projet de loi sera soumis au Parlement, au second trimestre 2013, qui visera, notamment, à créer un titre de séjour pluriannuel. Ce titre, destiné aux étrangers ayant vocation à s’installer durablement sur notre territoire, constituera un titre intermédiaire entre la carte de séjour temporaire d’un an et la carte de résident de dix ans. Au-delà de la simplification des procédures administratives, il s’agira de réduire la part d’incertitude liée au renouvellement annuel d’un titre de séjour – une incertitude source de fragilisation économique, d’instabilité et donc, finalement, de difficultés pour l’intégration.

Je souhaite aussi évoquer devant vous le droit d’asile. Ce droit est un droit fondamental qui puise sa source dans notre histoire, dans nos engagements internationaux et dans nos obligations communautaires. Il est de la vocation de la France d’accueillir celui ou celle qui est persécuté pour ses idées ou exposé à des risques pour son intégrité. Le gouvernement français, quelles que soient les circonstances, ne remettra pas en cause ce droit, qui est son honneur et une référence de liberté pour tous ceux qui à travers le monde subissent la violence ou l’oppression.

L’asile n’est donc pas une variable d’ajustement, dans une politique migratoire. Au cours de l’année 2011, la France a enregistré plus de 57 000 demandes d’asile et, au cours des onze premiers mois de 2012, 55 200 demandes. Je donne ces chiffres parce que, là aussi, il faut comparer, sortir des faux procès et des fantasmes.

Cette situation, toutefois, n’est pas sans poser de difficultés : elle vient peser lourdement sur l’Office français de protection des réfugiés et apatrides et sur la Cour nationale du droit d’asile, chargés d’examiner les demandes et dont les délais d’instruction se sont allongés, atteignant aujourd’hui seize mois. Le dispositif d’hébergement des demandeurs d’asile, en dépit des financements importants qui lui sont affectés, est profondément engorgé, ainsi que le dispositif d’hébergement de droit commun.

La politique de l’asile sera réformée autour de deux axes : l’amélioration des délais d’examen des demandes et la révision des procédures.

Des délais d’examen prolongés sont néfastes à des personnes en besoin avéré de protection. Ils encouragent aussi la venue de personnes qui n’ont pas ce besoin, et enfin rendent humainement difficile l’éloignement ultérieur de ceux qui n’ont pas été reconnus éligibles à une protection. L’objectif du Gouvernement est de parvenir à des délais d’examen des demandes par l’OFPRA et la CNDA qui ne dépassent pas dix mois. À cette fin, l’OFPRA, dont le directeur sera nommé après le choix des commissions des lois de l’Assemblée nationale et du Sénat, bénéficiera en 2013 du renfort de dix officiers de protection supplémentaires.

Une réflexion sur les procédures d’asile et en particulier sur les procédures prioritaires est engagée. L’objectif doit être de garantir à tous une procédure juste, impartiale et de qualité, mais qui permette aussi d’éviter des détournements à des fins étrangères au droit d’asile.

Vous le voyez, c’est une vision nouvelle que le Gouvernement entend mettre en œuvre. Et je ne laisserai pas caricaturer, par les uns ou les autres, la démarche que nous adoptons. C’est une vision apaisée, réaliste et respectueuse des personnes. Une vision qui s’appuie sur le droit et sur la nécessaire application de la règle. Une immigration régulière et maîtrisée est légitime et utile. Une immigration irrégulière ou non maîtrisée doit être jugulée.

Or, une situation de vide juridique, que le gouvernement précédent n’a pas voulu anticiper, a affaibli nos dispositifs en matière d’éloignement d’étrangers en situation irrégulière. Il était donc impératif de procéder aux évolutions nécessaires. C’est le premier objectif – essentiel – de ce projet de loi que j’ai l’honneur de vous présenter.

Ce texte tire en effet toutes les conséquences des décisions de la Cour de justice de l’Union européenne de juin et décembre 2011, confirmées par la Cour de cassation en juillet dernier. Rappelons que la directive du 16 décembre 2008, dite directive « retour », fait obligation aux États membres de l’Union européenne de privilégier l’éloignement des étrangers en situation irrégulière sur toute autre mesure ou sanction. Cet éloignement doit être réalisé dans le respect des droits de la personne, en adoptant des mesures privatives de liberté uniquement lorsque celles-ci sont indispensables et qu’elles visent à préparer le départ de l’étranger.

Quand on gouverne, il faut prévoir, anticiper et respecter les règles européennes : cela n’a pas été fait par nos prédécesseurs.

M. Éric Ciotti. Caricature !

M. Manuel Valls, ministre. Dans ce nouveau contexte juridique, prévoir un délit puni d’une peine d’un an d’emprisonnement au seul motif du séjour irrégulier était donc contraire au droit. C’est ce qu’ont rappelé les cours suprêmes, aux plans européen et national. Par conséquent, le placement en garde à vue des personnes étrangères présumées en situation irrégulière sur le territoire n’a plus de fondement juridique.

Mme Sandrine Mazetier. Merci !

M. Manuel Valls, ministre. Cette évolution a placé l’ensemble des services de police et de gendarmerie et des préfectures dans un cadre d’intervention très fragilisé. Ils ne disposent plus que du délai, très contraint, de quatre heures prévu dans le cadre de la procédure de vérification d’identité pour établir la situation de la personne interpellée au regard du droit de séjour. Ce cadre juridique n’est pas adapté à la complexité des interventions à réaliser pour procéder à l’éloignement d’un étranger.

La décision d’éloigner un étranger est, en effet, une décision lourde, qui doit être pleinement motivée. Elle requiert une action coordonnée entre les forces de l’ordre et l’autorité préfectorale, qui doivent, dans un temps restreint, procéder à de multiples vérifications et répondre à un certain nombre de demandes bien précises.

Toute procédure, je veux le rappeler, commence par un contrôle d’identité ou par une vérification du titre de séjour de l’étranger. Il convient d’ailleurs – j’y reviendrai – que cette mesure de police ne soit pas assimilée à un contrôle effectué en fonction de l’apparence physique de l’étranger. À l’issue de ce contrôle, si la personne n’est pas en mesure de justifier son droit au séjour, elle est conduite vers le local de police. Là, il faut prévoir un temps afin de l’informer sur ses droits. Commence ensuite la phase de dialogue. Débute également l’investigation menée par l’officier de police judiciaire. Il peut s’agir, notamment, de consulter les différents fichiers. Au terme de cet examen, les services de police doivent coordonner leur action avec les services des préfectures afin de déterminer et motiver les mesures qui s’imposent.

C’est une évidence : on ne peut respecter les droits de l’étranger et procéder à un traitement équitable qu’à la condition de bénéficier d’un temps de retenue suffisant, permettant de procéder à un examen approfondi. C’est ce constat qui a amené le Gouvernement à proposer la création, dans le code d’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, d’un nouveau cadre juridique pour vérification du droit au séjour. Il prévoit une retenue d’une durée maximale de seize heures, sous le contrôle continu de l’autorité judiciaire.

Cette durée constitue d’ailleurs, je veux le souligner, une durée maximale et les services de police n’ont, bien entendu, aucun intérêt à prolonger une retenue à partir du moment où les vérifications nécessaires ont été accomplies. D’autre part, cette durée est décomptée dès le contrôle d’identité. Par conséquent, si au terme d’une vérification d’identité de quatre heures, l’étranger est placé en retenue, ces quatre heures s’y imputent. Il en va de même si, au terme de la retenue, l’étranger est placé en garde à vue.

Cette durée de seize heures correspond d’ailleurs aux préconisations de l’ensemble de ceux qui travaillent dans ce domaine, à commencer par les forces de l’ordre et, évidemment, les préfets.

Cette durée est, bien sûr, un temps de privation de liberté – mais proportionné aux objectifs poursuivis. Cette retenue de seize heures constitue un progrès évident par rapport au cadre juridique appliqué auparavant, dans lequel une garde à vue de vingt-quatre heures renouvelable tendait à devenir la norme. Elle est, bien sûr, compatible avec nos engagements constitutionnels et conventionnels et permet de concilier l’efficacité administrative et la garantie des droits de l’individu.

Avoir une vision apaisée de l’immigration, c’est aussi gommer ce qui, dans notre droit, peut apparaître comme disproportionné, excessif, contraire à notre idéal de solidarité. Apporter assistance et soutien, de manière désintéressée, à une personne en situation irrégulière sur notre territoire ne saurait être puni. Car ce n’est simplement pas cela la République. Ce n’est pas cela la France.

Ce projet de loi vise donc, dans son article 8, à abroger ce qu’on a appelé le délit de solidarité. Un délit dénoncé depuis longtemps, à raison, par les associations, qui revenait à mettre sur un même plan pénal ceux qui aident de bonne foi et ceux qui, sans foi ni loi, exploitent la misère des hommes.

Le Gouvernement a fait de la lutte contre les filières d’immigration clandestine et contre le travail illégal une priorité. Il était nécessaire, cohérent, de lever toute incompréhension. Quand une personne est face à l’épreuve, à la difficulté, il est normal, humain, de lui venir en aide. Il convient, par conséquent, de protéger les associations, les particuliers, les élus parfois qui, partout sur le territoire, sans considération de la nationalité, de la situation administrative des personnes, apportent une aide à l’hébergement, une aide alimentaire, des soins médicaux, des conseils juridiques pour préserver les droits et la dignité des étrangers.

Le texte soumis à votre examen est un élément au service d’une vision d’ensemble. C’est un texte d’équilibre entre la nécessité d’assurer l’effectivité des procédures d’éloignement et le respect des libertés fondamentales et du droit communautaire.

La retenue qu’il prévoit est entourée de garanties très fortes pour l’étranger. Elle s’effectue sous le contrôle du procureur de la République, garant du bon déroulement de la procédure – à laquelle il peut mettre fin à tout moment. L’étranger y bénéficie de droits étendus : droit à un avocat, droit à un interprète, droit de prévenir à tout moment une personne de son choix. L’étranger retenu pourra également, à sa demande, être examiné par un médecin. Les mesures de contrainte sont strictement limitées et proportionnées à la sécurité des personnes et aux nécessités de l’enquête.

Ce texte comporte d’autres dispositions essentielles sur lesquelles je souhaite insister.

Le Gouvernement a souhaité, par le biais d’un amendement adopté par le Sénat, qu’y figure la jurisprudence de la Cour de cassation visant à encadrer les contrôles des titres de séjour et à éviter qu’ils ne soient assimilés à des contrôles « au faciès ». La vérification des titres doit reposer sur des éléments objectifs et extérieurs à la personne même de l’intéressé. Si cette disposition ne bouleverse pas le droit positif, puisqu’il s’agit de codifier une jurisprudence existante, elle constitue un signal attendu qui fera œuvre de pédagogie pour chacun.

Le projet de loi met fin également au délit de séjour irrégulier, conformément à nos engagements européens. Toutefois, afin de respecter les prescriptions de la Cour de justice de l’Union européenne, un délit de maintien irrégulier sur le territoire est prévu. Il ne concernera que les étrangers qui se sont maintenus sur le territoire alors que l’administration avait mis en œuvre l’ensemble des mesures permettant leur éloignement et les avait notamment placés en rétention ou assignés à résidence. Très résiduelle, cette nouvelle incrimination constituera un élément utile de la lutte contre l’immigration irrégulière.

Adopté en première lecture par le Sénat, à une très large majorité, par le groupe socialiste mais aussi les groupes RDSE, de l’UDI et de l’UMP, ce texte a été amélioré par les travaux accomplis par votre commission des lois, dont je veux souligner la pertinence. Je tiens à saluer tout particulièrement le travail remarquable mené par votre rapporteur, Yann Galut, qui a veillé, de manière très attentive et pragmatique, à ce que ce texte comprenne de nouvelles garanties sans que cela nuise à son équilibre originel.

Ainsi, conformément à une demande de la Commission nationale consultative des droits de l’homme, la commission des lois a souhaité que la personne retenue soit en mesure de prendre les dispositions nécessaires à la garde de son enfant pendant le temps de la retenue. Cette garantie supplémentaire était utile. Ceci ne dispense naturellement pas les forces de l’ordre de saisir le procureur de la République dès lors qu’une situation de garde d’enfants ne pourrait être rapidement résolue. Ce dernier point pourra faire l’objet d’une clarification si vous l’estimez nécessaire.

La commission des lois a également, et je crois que c’était indispensable, précisé les conditions dans lesquelles la personne retenue devait être placée à la disposition des services de police. Enfin, elle a accepté un amendement du Gouvernement visant à clarifier le délit de maintien sur le territoire. Là aussi, conformément à la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, ce délit de maintien irrégulier me semble, aujourd’hui, mieux encadré, plus clair et plus précis.

Je serais incomplet si je n’ajoutais que les travaux de la commission ont permis de clarifier l’ensemble des activités humanitaires ou de soutien désintéressé aux étrangers en situation irrégulière. Je sais sur ce point ce que nous devons, pour cette législature comme pour la précédente, aux travaux de Daniel Goldberg, député de la Seine-Saint-Denis, qui, depuis longtemps, agit pour la suppression du délit de solidarité. Sa réflexion sur le sujet a été très précieuse. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP.)

M. Yann Galut, rapporteur. C’est une réalité !

M. Manuel Valls, ministre. Ce texte vise à concilier l’efficacité de notre politique d’éloignement – parce qu’elle n’était pas efficace – et le respect des droits de la personne étrangère retenue – parce que vous ne l’avez pas anticipé.

M. Éric Ciotti. Nous comparerons nos bilans à la fin !

M. Manuel Valls, ministre. Une demande a été exprimée afin que les dispositifs liés à la présence de l’avocat auprès de la personne retenue soient renforcés. C’est pourquoi je pense que des améliorations peuvent être apportées au texte mais, je le répète, son objet ne saurait être dénaturé. Le Gouvernement a ainsi déposé un amendement qui transpose à la retenue les règles gouvernant l’intervention de l’avocat pendant la garde à vue. S’il est adopté, cet amendement permettra à la personne retenue de bénéficier, outre d’un entretien d’une demi-heure avec son avocat, de son assistance pendant les différentes auditions.

Le Gouvernement est attentif à toutes les précisions qui viseraient à renforcer les droits de la personne retenue. Il le sera tout autant afin que cette loi garantisse un renforcement de nos moyens de lutte contre les filières d’immigration clandestine. Ainsi, s’agissant de la rédaction actuelle de l’article 8, il convient d’éviter qu’une immunité mal définie permette à des organisations clandestines, sous couvert d’activité humanitaire, d’agir en toute impunité. Les activités de transport sont ici particulièrement exposées à ce risque de détournement. Une rédaction équilibrée a été trouvée. Il serait risqué de la faire sensiblement évoluer.

La réflexion devra se poursuivre au-delà de ce projet de loi. À l’occasion de l’examen de ce texte, d’autres questions ont été soulevées, au Sénat comme à l’Assemblée, qui intéressent le droit des étrangers mais qui excèdent le contenu de ce projet de loi. Nous devons, par conséquent, nous donner le temps de la réflexion.

Il en est ainsi de la question des recours juridictionnels ouverts aux étrangers pour contester une mesure d’éloignement. Notre droit est complexe en la matière, puisque l’intervention du juge administratif et celle du juge judiciaire sont, tour à tour, nécessaires. La loi du 16 juin 2011 a modifié l’ordre d’intervention de ces juges en repoussant l’intervention du juge judiciaire au cinquième jour après la décision de placement en rétention. Je suis très attentif sur les conséquences de cette réforme. Sur ce sujet complexe, il convient, avant toute décision, de prendre le temps d’une étude et d’une concertation approfondies. Avant toute évolution, nous avons besoin de recul et d’une bonne connaissance des recours existants, de leur champ d’application mais aussi des lacunes de notre droit. Je ne pense pas, en la matière, que l’action dans l’urgence soit la meilleure solution. Prenons donc le temps d’examiner comment ces recours fonctionnent, quelles sont leur complémentarité, leur accessibilité, leur cohérence. L’important est de ne garder à l’esprit qu’une seule question : comment faire en sorte que les étrangers en instance d’éloignement aient accès à des recours juridiques efficients, simples et effectifs pour faire valoir leurs droits ?

Comme je l’ai annoncé au Sénat et devant la commission des lois de l’Assemblée, un parlementaire en mission va être nommé. Il devra rendre un rapport, pour la fin du premier trimestre 2013, portant sur les recours en matière d’éloignement des étrangers. Il aura également pour mission d’étudier les questions liées à l’accueil en préfecture et aux délais de traitement des demandes de titre de séjour. Ses travaux pourront ainsi, je l’espère, éclairer le Parlement dans la perspective de la réforme à venir du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.

Enfin, vous l’avez souvent indiqué, ce texte ne prévoit aucune disposition applicable à Mayotte. Comme vous le savez, le cas de cette île est très spécifique puisque près d’un habitant sur trois s’y trouve en situation irrégulière. Je veux y améliorer rapidement les conditions de la rétention, sans attendre la prochaine refonte du droit des étrangers dans l’île. Le Gouvernement entend donc agir. Des travaux sont actuellement en cours, qui permettront bientôt à Mayotte de disposer d’un nouveau centre de rétention conforme aux standards nationaux.

Mais d’ores et déjà, en accord avec le ministre des outre-mer, Victorin Lurel, je suis heureux de vous annoncer que la capacité du centre de rétention sera limitée, avant la fin de l’année 2012, à 100 places, contre 140 aujourd’hui, afin d’accueillir plus dignement les personnes retenues.

Mme Sandrine Mazetier. Merci, monsieur le ministre !

M. Manuel Valls, ministre. En outre, dès la fin de ce mois, une partie de ces 100 places sera réservée aux familles, avec des locaux dédiés… (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Y êtes-vous allés, à Mayotte, mesdames et messieurs les députés de l’opposition ? Avez-vous constaté la situation ? Pensez-vous que, la représentation nationale ayant fait de Mayotte un département, nous pouvons accepter la situation des étrangers dans cette île ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP.)

M. Yann Galut, rapporteur. Très bien !

M. Manuel Valls, ministre. Vous avez gouverné pendant dix ans et vous avez laissé perdurer cette situation. Alors ne ricanez pas quand on parle d’hommes et de femmes qui meurent au large de Mayotte à cause de la situation que vous n’avez pas été capables de régler. (Mêmes mouvements.)

M. Yann Galut, rapporteur. Oui, c’est votre responsabilité, chers collègues de l’opposition !

M. Lionnel Luca. On garde son calme.

M. Manuel Valls, ministre. L’accueil des familles aura été complètement reconfiguré. Elles seront isolées du reste du centre et bénéficieront d’espaces d’intimité.

Mme Sandrine Mazetier. Enfin !

M. Manuel Valls, ministre. Par ailleurs, d’autres travaux ont été réalisés, comme la rénovation du réseau d’assainissement, la restructuration des salles dédiées aux femmes d’une part et aux hommes d’autre part, ou encore la création d’un espace de détente extérieur. La mise aux normes sanitaires de la cuisine a également été décidée. Si j’entre ainsi dans le détail, c’est parce qu’il s’agit de la situation que nous avons trouvée.

Mme Sandrine Mazetier. Une situation indigne !

M. Manuel Valls, ministre. M. Alain Christnacht, conseiller d’État, a été chargé d’un rapport sur l’immigration comorienne à Mayotte – car c’est bien là, évidemment, le fond du problème. Il constituera une base utile pour nos travaux futurs, et j’imagine que votre collègue Bernard Lesterlin y contribuera. L’Assemblée a ainsi voté une loi d’habilitation qui doit nous permettre d’adapter l’ordonnance du 26 avril 2000 régissant exclusivement le droit des étrangers sur l’île. L’enjeu est crucial : il s’agit de réduire le caractère d’exception de Mayotte du point de vue du droit des étrangers, en lui permettant de se conformer à la directive retour, qui sera applicable sur l’île au 1er janvier 2014.

Il s’agit aussi, comme vous l’avez rappelé dans l’article d’habilitation, d’adapter nos règles aux spécificités des flux migratoires existant sur l’île. L’ordonnance qui sera prise par le Gouvernement au cours du premier semestre de l’année 2013 devra rendre applicables les principes de la présente loi à Mayotte : les dispositions relatives à la retenue comme celles relatives à la suppression du délit de solidarité.

Mesdames et messieurs les députés, l’immigration, pour demeurer une chance, a besoin d’être régulée.

M. Éric Ciotti. C’est vrai !

M. Manuel Valls, ministre. Ce projet de loi doit y contribuer de manière efficace en faisant en sorte que les règles s’appliquent.

Les règles que nous proposons sont justes et elles seront appliquées avec fermeté.

M. Lionnel Luca. Nous verrons !

M. Manuel Valls, ministre. C’est la seule voie possible pour apaiser un débat qui oscille entre deux positions intenables. La première est celle qui combat l’immigration pour ce qu’elle est, contrairement aux valeurs de ce pays, contrairement à ce qui a été pratiqué depuis longtemps par tous les gouvernements au-delà des discours. C’est celle d’un certain nombre de lois qui se sont révélées inefficaces, surtout quand leurs auteurs n’ont pas été capables d’anticiper l’évolution de la jurisprudence. Quand on se dit Européen, on applique les normes adoptées au niveau européen ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP.) Et cela quels que soient les gouvernements et les présidents de la République.

Il suffit d’aller au Parlement européen et de discuter avec les parlementaires qui font partie des mêmes formations politiques que les vôtres pour se rendre compte des différences qu’il y a entre ceux qui croient au droit européen et ceux qui poursuivent toujours le même objectif politique, à savoir courir derrière le Front national !

L’autre position intenable, c’est celle qui voudrait que tous les étrangers qui le souhaitent puissent s’installer en France. La question de l’immigration, quand on gouverne, quand on a le sens des responsabilités, exige discernement, réalisme et équilibre.

C’est donc un projet de loi équilibré et efficace que j’invite votre assemblée à adopter. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Éric Ciotti. Des paroles et des actes !

M. Manuel Valls, ministre. Vous la ferez un jour, cette émission, monsieur Ciotti ! (Sourires)

Mme la présidente. La parole est à M. Yann Galut, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

M. Yann Galut, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, notre France est une terre d’accueil. Notre pays est un carrefour et son histoire est faite de brassages successifs. Combien d’entre nous ne seraient pas là ce soir, sans cette immigration qui a enrichi notre pays ? Au moment où je m’adresse à vous, à la tribune de l’Assemblée nationale, j’ai une pensée pour mes grands-parents italiens, qui ne parlaient pas français et qui, eux aussi, ont participé à la construction de ce pays. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

M. Jacques Bompard. Mon Dieu !

M. Yann Galut, rapporteur. L’immigration, qui a été au centre de la campagne électorale, a été constamment stigmatisée. Les propos, les images, les exemples utilisés ont marqué les esprits.

M. Lionnel Luca. Allez à Hollywood, c’est du cinéma !

M. Yann Galut, rapporteur. Depuis, le Gouvernement, ainsi que notre candidat, François Hollande, ont voulu apaiser les choses. Ils ont voulu prendre en compte ce contexte et faire des propositions concrètes, comme l’a expliqué le ministre de l’intérieur.

M. Lionnel Luca. Il s’écoute parler ! Il faut arrêter !

M. Yann Galut, rapporteur. Depuis l’élection de François Hollande, le 6 mai dernier, des décisions importantes ont déjà été prises en matière d’immigration. Vous les avez rappelées, monsieur le ministre : abrogation de la circulaire du 31 mai 2011 relative à l’accès au marché du travail des étudiants étrangers ; circulaire du 6 juillet 2012 substituant l’assignation à résidence à la rétention, pour les familles avec enfants ; circulaire du 16 octobre 2012 revenant sur le durcissement des critères relatifs à l’insertion professionnelle et au séjour irrégulier pour l’accès à la nationalité française ; et enfin – nous l’attendions ! – circulaire sur l’admission exceptionnelle au séjour du 28 novembre 2012, qui permet la régularisation sous certaines conditions – un texte transparent et juste.

Pourquoi sommes-nous réunis ce soir ? Tout simplement parce que le gouvernement précédent, la majorité précédente à l’Assemblée n’ont pas anticipé les décisions de la Cour de justice de l’Union européenne et de la Cour de cassation. (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et Rassemblement-UMP.)

M. Yann Capet. Absolument ! Il a raison !

M. Yann Galut, rapporteur. Vous le savez très bien ! Vous n’avez pas tiré les conséquences de la directive « retour » de 2008 et des jurisprudences combinées de la Cour de justice de l’Union européenne et de la Cour de cassation. Et pourtant, la directive « retour » est claire, son objectif simple : il s’agit de privilégier le retour de l’étranger par la mise en œuvre de mesures graduées et proportionnées, en privilégiant le départ volontaire plutôt que les mesures coercitives.

La jurisprudence El Dridi du mois d’avril 2011 – c’est la première alerte judiciaire, elle date d’avril 2011 ! – puis la jurisprudence Achughbabian de décembre 2011, ainsi que les arrêts de la première chambre civile de la Cour de cassation du 5 juillet 2012, nous ont montré que la directive était claire.

M. Lionnel Luca. Passionnant ! C’est l’oncle Paul qui raconte une belle histoire.

M. Yann Galut, rapporteur. Vous n’avez absolument pas anticipé. Vous nous avez mis collectivement en difficulté, en rendant difficile le travail de la police et de la gendarmerie au cours des derniers mois.

M. Éric Ciotti. Parole d’expert !

M. Lionnel Luca. C’est vrai que vous, vous leur facilitez le travail !

M. Yann Galut, rapporteur. Nous devons donc revenir devant vous, pour pallier votre manque d’anticipation. Nous le faisons tranquillement, nous le faisons clairement.

M. Lionnel Luca. Revenons au texte !

M. Yann Galut, rapporteur. Nous commençons par une obligation, qui est la conséquence de ces jurisprudences, à savoir la suppression de l’article 5. Nous supprimons le délit de séjour irrégulier…

M. Éric Ciotti. Eh oui !

M. Yann Galut, rapporteur. …mais pas le délit d’entrée irrégulière.

M. Éric Ciotti. Quelle hypocrisie !

M. Yann Galut, rapporteur. Je rappelle que celui-ci ne peut être supprimé, car il répond à une exigence européenne du code frontières Schengen. Le Sénat a précisé, fort intelligemment, que ce délit ne pourra plus être poursuivi qu’en cas de flagrance, afin d’éviter toute assimilation à un délit de séjour irrégulier.

Nous maintenons donc le délit d’entrée de séjour, mais nous supprimons, bien entendu, le délit de séjour irrégulier…

M. Éric Ciotti. Quelle incohérence ! Quelle démagogie !

M. Yann Galut, rapporteur. …en conséquence des jurisprudences que vous n’avez pas anticipées.

M. Yann Galut, rapporteur. Nous créons en revanche, à l’article 6 de cette loi, un nouveau délit, que la directive « retour » autorise : le délit de maintien irrégulier sur le territoire, qui sera puni d’un an d’emprisonnement, d’une amende de 3 750 euros et d’une interdiction du territoire ne pouvant excéder trois ans.

Mme Sandrine Mazetier. Cela aurait dû être fait dès la transposition de la directive : c’était l’esprit et la lettre !

M. Yann Galut, rapporteur. Je rappellerai également que le présent projet de loi réforme le contrôle des titres de séjour. Il s’agit, là encore, de mettre la loi en conformité avec un arrêt de la Cour de cassation du 6 juin 2012, selon lequel les contrôles du titre de séjour fondés sur l’article L. 611-1 du CESEDA sont incompatibles avec le droit européen parce qu’ils ont un effet équivalent à celui des contrôles aux frontières intérieures, que la convention de Schengen a abolis. Par ailleurs, nous inscrivons dans la loi une jurisprudence de la Cour de cassation exigeant que ces contrôles ne soient effectués que si « des éléments objectifs extérieurs à la personne même de l’intéressé » font présumer qu’il est de nationalité étrangère. Cette jurisprudence a trente ans et nous l’inscrivons dans la loi. L’objectif de cette mesure a été rappelé par M. le ministre : il s’agit aussi de lutter contre les contrôles au faciès.

Après l’incompétence de la précédente majorité, dont nous voyons le résultat… (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et Rassemblement-UMP.)

M. Lionnel Luca. Un expert vous parle !

M. Sébastien Denaja. Il est plus expert que vous !

M. Éric Ciotti. Les Français apprécient vos compétences : ils vous l’ont montré dimanche !

M. Yann Galut, rapporteur. …nous avons réfléchi à l’opportunité d’introduire une nouvelle étape, afin de combler le vide juridique qu’elle avait créé. Nous avons fait le choix – je peux comprendre que certains ne l’approuvent pas, puisque plusieurs amendements demandent la suppression de l’article 2 – de créer une retenue pour vérification du droit au séjour, et c’est l’objectif principal de ce texte de loi.

Cette retenue, nous l’avons définie et encadrée. L’un de nos premiers débats, ici comme au Sénat, a porté sur la durée de cette retenue. Elle devait être assez importante pour permettre aux forces de police et de gendarmerie de faire correctement leur travail. Au terme de nos débats, nous sommes, selon moi, arrivés à un équilibre en la fixant à seize heures. Pourquoi seize heures ? La retenue est ainsi bien moins longue que la garde à vue, mais dépasse le contrôle habituel de quatre heures.

Ne pensez pas, chers collègues, que les policiers vont absolument vouloir faire durer cette retenue pendant seize heures. Il faut néanmoins leur permettre de faire correctement leur travail : c’est l’intérêt des forces de l’ordre, mais c’est aussi l’intérêt de l’étranger dont on vérifie la situation administrative. Il va naturellement falloir l’informer sur ses droits, pour lui permettre de les exercer, procéder aux investigations nécessaires – vérifications dans les fichiers, prises d’empreintes ou de photographies le cas échéant – et dialoguer avec les services de la préfecture compétents.

Si l’irrégularité du séjour est établie, il faudra prendre une décision relative au séjour, déterminer si l’obligation de quitter le territoire français doit être assortie, ou non, d’un délai de départ volontaire, déterminer si une assignation à résidence peut être prononcée ou s’il faut un placement en rétention et, dans ce dernier cas, rechercher un lieu de rétention disponible et adapté. Le délai de seize heures est bref, mais il me paraît raisonnable : il est conforme aux préconisations de la directive « retour » et aux arrêts Achughbabian et El Dridi.

Je rappellerai que la retenue est placée sous le contrôle du procureur de la République et que le texte contient des garanties importantes pour les personnes retenues. Il a d’ailleurs été amélioré par le Sénat, mais aussi par notre commission…

Mme Sandrine Mazetier. Absolument !

M. Yann Galut, rapporteur. …dont les membres siègent sur tous les bancs de cet hémicycle. Je tiens à saluer particulièrement l’action de Matthias Fekl, qui a été à l’initiative de ce travail et qui l’a coordonné.

Parmi les garanties introduites dans le texte figurent le droit à l’assistance d’un interprète et le droit à l’assistance d’un avocat pendant les auditions. Sur ce point précis, je tiens à remercier M. le ministre, qui a entendu nos arguments : ce droit à la présence d’un avocat pendant les auditions n’était pas prévu dans le projet initial. Nous devons cette amélioration au groupe socialiste notamment, ainsi qu’à d’autres. Je les en remercie, et je remercie à nouveau le ministre d’avoir accédé à cette demande. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

Le texte garantit également aux personnes retenues le droit de prévenir à tout moment leur famille ou toute autre personne de leur choix, ainsi que les autorités consulaires. La commission des lois leur a également permis de prendre tout contact utile afin d’assurer l’information et, le cas échéant, la prise en charge des enfants mineurs dont ils ont la garde – je sais que beaucoup d’entre vous étaient sensibles à cette question.

Nous avons introduit un encadrement clair du recours aux menottes et aux entraves…

M. Lionnel Luca. C’est vraiment important…

M. Yann Galut, rapporteur. …et une systématisation de la remise du procès-verbal à l’intéressé. Par ailleurs, M. le ministre l’a indiqué, la présence de l’avocat sera désormais autorisée pendant les auditions.

Le deuxième point important de ce texte concerne la modification du délit d’aide au séjour irrégulier. Cette expression, vous le savez, est apparue au moment de la suppression du délit de solidarité. Ce sujet, lui aussi, a suscité un débat : fallait-il faire une simple inversion, ou bien clarifier et étendre les immunités ?

Le choix que nous avons fait est un choix de responsabilité et d’équilibre, qui a été rappelé par le ministre de l’intérieur. Notre objectif est d’être extrêmement fermes avec les filières qui exploitent les étrangers en situation irrégulière : nous devons, pour lutter contre ces filières, qui sont très nombreuses, permettre aux forces de police, et notamment à la police aux frontières, la PAF, de faire leur travail. Mais nous voulons aussi répondre à la demande légitime des associations et des particuliers qui accompagnent les étrangers en situation irrégulière. C’est cet équilibre que nous avons recherché dans le texte.

Ce texte a été amélioré au Sénat et nous l’avons encore amélioré à l’Assemblée nationale.

M. Lionnel Luca. Formidable ! Magnifique !

M. Yann Galut, rapporteur. Je tiens à remercier mon collègue Daniel Goldberg pour sa collaboration, qui a été essentielle : il a longuement travaillé sur cette question et est l’auteur d’un rapport, paru il y a quelques mois. Je remercie aussi Sandrine Mazetier, qui s’est associée à cette démarche et qui nous permet d’obtenir ce soir un texte équilibré.

M. Éric Ciotti. Ils méritent tous d’entrer au Gouvernement !

Mme Sandrine Mazetier. Vous n’allez pas vous débarrasser de nous comme ça ! (Sourires)

M. Yann Galut, rapporteur. Je vais être très clair au sujet de l’article 8 : nous avons étendu les immunités.

J’ai longuement reçu les associations de Calais, avec Matthias Fekl, et certaines d’entre elles sont sans doute là ce soir. Leurs témoignages bouleversants nous ont permis d’améliorer ce texte et nous ont décidés à étendre ces immunités.

Avec le texte tel que nous l’avons rédigé, les bénévoles des associations mais aussi toute personne physique pourront, sans être inquiétés, assurer le transport d’un étranger jusqu’à un supermarché pour qu’il puisse se restaurer, ou bien jusqu’à un hôpital en cas de blessure ; permettre à quelqu’un de prendre une douche ; l’aider au nettoyage d’un terrain ou d’un abri ; distribuer des vêtements ou des couvertures ; aider un étranger à réaliser des démarches administratives ; recharger un téléphone portable ; donner des cours d’alphabétisation.

De plus, nous avons prévu dans la nouvelle rédaction de l’article 8 une forme de « disposition-balai », si vous me permettez l’expression. Maintenant le texte s’appliquera à toute personne physique ou morale, ne poursuivant pas un but lucratif, portant assistance aux étrangers et leur fournissant de façon désintéressée des conseils juridiques ou des prestations de restauration, d’hébergement ou de soins médicaux destinées exclusivement à assurer des conditions de vie dignes et décentes.

Cette réécriture collective de l’article 8 nous permet de dire ce soir avec fierté que si vous votez cette proposition, nous supprimerons le délit de solidarité. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Bien sûr, monsieur le ministre, vous avez abordé d’autres sujets. Des points d’interrogation demeurent. Tant lors des débats au Sénat que dans mes échanges avec les associations ou mes collègues de la commission des lois, la question du juge des libertés et de la détention s’est posée. Vous savez qu’il nous paraît important de ramener le délai de cinq jours à deux jours. J’ai entendu votre proposition, que j’approuve : il faut expertiser un ensemble d’améliorations, qui pourront trouver leur aboutissement dans les six mois qui viennent. Il est donc essentiel de nommer un parlementaire chargé de mission sur ces perspectives, tout comme il importe de régler la question des étrangers malades et de créer un nouveau titre de séjour pluriannuel.

En conclusion, mon sentiment profond en tant que rapporteur de ce texte est que nous avons abouti à un projet de loi équilibré qui concilie justice et fermeté. Il va nous permettre de lutter efficacement contre l’immigration irrégulière et de garantir le respect des droits des étrangers.

Les modifications significatives apportées par la commission des lois ont contribué, à la suite de celles du Sénat, à consolider ces droits. Monsieur le ministre, je tiens à vous remercier ainsi – je ne sais pas si c’est de coutume – que les membres de votre cabinet, car leurs relations avec les administrateurs de l’Assemblée et moi-même ont vraiment été excellentes. Nous avons véritablement avancé.

Pour l’ensemble de ces raisons je vous invite, mes chers collègues, à adopter ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Motion de rejet préalable

Mme la présidente. J’ai reçu de Mme Marion Maréchal-Le Pen, M. Gilbert Collard et M. Jacques Bompard une motion de rejet préalable déposée en application de l’article 91, alinéa 5, du règlement.

La parole est à Mme Marion Maréchal-Le Pen.

Mme Marion Maréchal-Le Pen. Madame la vice-présidente, monsieur le ministre, chers collègues, j’espère, monsieur le ministre, que vous supporterez de voir devant vous une terroriste en puissance, comme vous l’avez insinué précédemment.

Ne prenez pas cet air étonné ! Vous m’avez regardé droit dans les yeux, en disant que le terrorisme est aussi le fait de l’extrême droite. Votre insinuation était assez grossière, et c’est choquant pour les Français que je représente.

J’ai déposé, avec mes collègues Gilbert Collard et Jacques Bompard, une motion de rejet préalable portant sur le projet de loi relatif à la retenue pour vérification du droit au séjour, en vertu de l’article 91-5 de notre règlement.

Nous savions que notre parlement national, avant même le vote du traité budgétaire européen cet automne, n’avait plus vocation qu’à devenir une chambre d’enregistrement de décisions prises à Bruxelles. Mais avec votre projet de loi, nous voyons que c’est désormais la justice européenne qui décide comment le code pénal français doit être écrit, et vous trouvez cela parfaitement normal.

Je relève avec intérêt que M. Larrivé,…

M. Sébastien Denaja. Il est parti !

Mme Marion Maréchal-Le Pen. …qui était un proche collaborateur de Nicolas Sarkozy et Brice Hortefeux lors des négociations de la directive retour, affirme que les arrêts qui dictent le présent projet de loi vont au-delà des intentions de ses rédacteurs qui n’entendaient pas interdire aux États de pénaliser le séjour illégal.

M. Matthias Fekl. On n’y comprend rien ! Qu’est-ce qu’elle raconte ?

Mme Marion Maréchal-Le Pen. En réalité, les politiques ont rarement été décidées par le peuple français dans l’histoire récente. Il n’y a eu aucun référendum éclairé par un vrai débat démocratique pour trancher entre une politique laxiste faisant de la France une terre d’asile économique planétaire et une immigration réfléchie, maîtrisée, cohérente avec notre taux de croissance à long terme et respectueuse de l’identité nationale.

Se fondant sur des principes abstraits, sur de grandes déclarations, la Cour de justice de l’Union européenne, la Cour européenne des droits de l’homme ou encore le Conseil d’État ont écrit le droit de l’immigration dans un sens toujours plus favorable aux étrangers, qu’ils soient ou non en situation régulière.

Les juges ont ainsi découvert et extrapolé que derrière le droit à une vie familiale normale se cachait celui, pour tout individu attiré par la France, de s’y maintenir avec sa famille quelle que soit la manière dont il y est entré.

L’immigration planétaire a été décidée par décret, comme le regroupement familial ; par des circulaires, comme celles de M. Valls ; et surtout par des conciliabules entre le patronat et les gouvernements de droite et de gauche quels qu’ils soient, depuis quarante ans. N’est-ce pas M. Bouygues qui avait demandé dès 1970 de recourir à une immigration tous azimuts dans le seul but de faire baisser le salaire des Français et des immigrés déjà présents ?

La gauche s’est faite complice des intérêts du grand capital, mais pire que ce dernier, elle se drape dans des prétextes humanistes. Aux prolétaires français qui votent mal depuis qu’ils votent Le Pen, la gauche a substitué la défense des immigrés clandestins.

De nombreuses études, comme celle de Javier Ortega et Gregory Verdugo, universitaires américains, nous prouvent que l’immigration entraîne une stagnation, voire une diminution des salaires pratiqués dans le pays d’accueil. Mais cela, vous ne voulez pas l’entendre.

Permettez-moi de rappeler aux élus assis le plus à gauche de cette assemblée la lettre sur l’immigration publiée par le journal L’Humanité le 7 janvier 1981, il y a plus de trente ans.

M. Patrice Prat. Ils ne sont pas là !

Mme Marion Maréchal-Le Pen. Ce sera pour vous que je la cite, alors : en raison de « la présence en France de près de quatre millions et demi de travailleurs immigrés et de membres de leurs familles, la poursuite de l’immigration posent aujourd’hui de graves problèmes. Il faut les regarder en face et prendre rapidement les mesures indispensables. » ; « la cote d’alerte est atteinte (…) » ; « C’est pourquoi nous disons : il faut arrêter l’immigration, sous peine de jeter de nouveaux travailleurs au chômage. (…) Je précise bien : il faut stopper l’immigration officielle et clandestine (…) » Je cite évidemment Georges Marchais, qui doit aujourd’hui se retourner dans sa tombe.

Si les droits fondamentaux doivent être les mêmes pour tous, les droits sociaux énoncés au préambule de la Constitution de 1946, de même que le droit à la participation à la vie politique par le droit de vote, ne peuvent être identiques que l’on soit étranger ou national.

Est-il utile de préciser que si les rédacteurs de ces textes, notamment le Conseil national de la résistance, revenaient et constataient quelle lecture a été faite de leurs principes dans un contexte de mondialisation de flux humains, il est peu probable qu’ils reconnaissent leurs intentions ?

M. Sébastien Denaja. Vous faites une belle représentante du CNR !

M. Bernard Lesterlin. C’est du détournement d’histoire !

Mme Marion Maréchal-Le Pen. Ainsi, le texte que vous nous proposez est inopportun à plusieurs titres. Il dépénalise le séjour irrégulier, instaurant une immunité pénale pour la plupart des clandestins, et le remplace par une pénalisation du seul maintien irrégulier après décision d’éloignement, sauf motif justifié. On apprécie combien cette seule exception est déjà une échappatoire en or !

Le projet adoucit ensuite de manière inconsidérée le délit d’aide à l’entrée et au séjour illégal en créant notamment les conditions de développement d’une nouvelle filière d’immigration clandestine de nature familiale. Il alourdit inutilement les règles qui encadrent le travail des fonctionnaires chargés de la police des étrangers, avec pour effet de créer de nombreux motifs de nullité dans les procédures et de fragiliser la lutte contre l’immigration clandestine.

Enfin, dans un contexte de crise économique affectant de manière durable les comptes publics, notamment sociaux, tous déficitaires cette année encore, ce projet est particulièrement mal venu en ce qu’il constitue une incitation à l’immigration clandestine dont il donne une image parfaitement anodine. Face à ce projet que la majorité a modifié en commission dans un sens plus démagogique encore, j’ai donc déposé un certain nombre d’amendements avec mes collègues.

Certains ont essentiellement pour but de rappeler que c’est au législateur national qu’il doit appartenir de déterminer les règles en la matière, et non aux juges européens.

M. Matthias Fekl. C’est ce que nous sommes en train de faire !

Mme Marion Maréchal-Le Pen. Je connais d’avance la réponse qui me sera faite sur les engagements internationaux de la France, ou sur l’État de droit.

N’êtes-vous pas choqués de voir que des juges européens non élus, lointains, dictent dans un sens toujours plus laxiste sa législation à un peuple souverain ? En réalité, les seules règles que nous pouvons encore voter sans risquer la censure du juge communautaire sont celles qui vont dans un sens plus favorable aux étrangers, c’est-à-dire au libéralisme le plus total en matière de circulation et d’installation des populations.

D’autres amendements que nous proposons tendent à durcir les peines applicables ou à rendre plus strictes les conditions d’aide, notamment sous la forme de conseils juridiques aux clandestins.

Toutes ces propositions alertent sur la vraie question : aujourd’hui, a fortiori au vu du texte que nous devons étudier, à quel candidat à l’immigration clandestine notre législation va-t-elle faire peur ? Une fois entré par un visa légal ou une filière d’immigration illégale, il ne sera plus pénalement répréhensible sauf dans des conditions beaucoup plus favorables pour lui, du fait de la création de ce nouveau délit.

Or ce ne sont pas les entrées illégales sur notre territoire qui sont les plus nombreuses, ce sont les entrées légales suivies d’un maintien illégal sur notre territoire. Le séjour irrégulier ne sera plus pénalisé alors que l’on estime à au moins 350 000 le nombre de clandestins dans notre pays, de l’aveu même du ministre de l’intérieur.

Combien y en aura-t-il si vous votez le projet de loi qu’a osé proposer un Gouvernement qui se prétend proche des préoccupations de nos compatriotes ?

L’immigrant clandestin bénéficiera des réseaux de solidarité de sa famille, de sa communauté ou des réseaux associatifs – quand ils ne sont pas institutionnels – sans que ces derniers n’aient à craindre la moindre sanction.

Quelle haine du peuple français avez-vous pour vouloir à ce point le diluer, le noyer sous un flot toujours continu, sans cesse accru, d’immigrés inassimilables par le seul fait de leur importance…

M. Gérard Sebaoun. Et vous, quelle haine des étrangers avez-vous !

Mme Marion Maréchal-Le Pen.… sans même évoquer les différences de pratiques religieuses, de mode de vie et de conception de société. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Patrice Prat. Pardonnez-la, elle ne sait pas ce qu’elle dit !

Mme Marion Maréchal-Le Pen. Si les actions de type humanitaire doivent évidemment rester possibles et aidées, l’on sait pertinemment que la nouvelle rédaction du délit d’aide au séjour irrégulier ouvre la voie à de nouvelles filières, notamment familiales, puisque désormais les ascendants, les descendants, les frères et sœurs du conjoint de l’étranger ou de la personne qui vit notoirement en situation maritale avec lui ne peuvent plus être inquiétés pour aide à l’entrée et au séjour irrégulier.

Que peut-il ensuite advenir ? Il faudra qu’une décision d’éloignement soit prononcée au terme d’un parcours d’obstacles peu commun. La complexité de la procédure et des formalités va décourager les fonctionnaires très rapidement et donner des motifs de nullité aux avocats qui trouvent dans la cause des clandestins une lucrative et valorisante spécialité.

Mme Marie-Anne Chapdelaine. Oh !

Mme Marion Maréchal-Le Pen. Durée de retenue abrégée, obligation de déduire d’éléments objectifs extérieurs à l’intéressé la qualité d’étranger – ce qui veut tout et rien dire –, obligation de ne pas cohabiter dans un même local avec des personnes en garde à vue sachant le peu de place disponible dans certains commissariats ; c’est un parcours du combattant, mais pour les forces de l’ordre.

Et si l’on adoptait les amendements proposés par votre majorité, le droit de garder le silence ou l’obligation d’avoir un interprète dans sa langue seraient également reconnus. Il suffira de prétendre ne pas comprendre le français et le tour sera joué. Il est certain que l’impossibilité de faire venir dans le temps imparti un interprète d’une langue prétendument parlée mais rare permettra à un nombre toujours plus important de clandestins d’être relâchés dans la nature, la ficelle n’est évidemment pas difficile à trouver.

M. Matthias Fekl. Quelles langues rares ? Lesquelles ?

Mme Marion Maréchal-Le Pen. Les causes de nullité de la procédure seront légion, d’autant qu’elles pourraient être invoquées pour la première fois en appel. Tout au long de ces procédures, des associations, presque toujours financées par les contribuables, vont continuer d’aider les clandestins dans leurs démarches et leurs actes juridiques ; c’est-à-dire qu’elles vont les assister pour attaquer les décisions des préfets et espérer obtenir une décision d’annulation.

Sur le fond, on rappelle que les chefs d’établissements ne peuvent pas refuser d’inscrire les enfants de clandestins scolarisés gratuitement.

M. Gérard Sebaoun. Heureusement !

Mme Marion Maréchal-Le Pen. Une fois les enfants scolarisés, il n’est plus possible de reconduire leur famille à la frontière. Mais celui qui n’aurait pas réussi à se faufiler dans les mailles du filet a un joker de taille : celui du consulat de son pays d’origine. Pour qu’une mesure d’éloignement soit effectivement exécutée, encore faut-il que ces consulats délivrent une autorisation, faute de quoi l’opération de rapatriement n’est pas possible. Or ils ne la délivrent pas dans 80 % des cas.

Une fois le délai de rétention écoulé, il ne reste plus qu’à remettre le clandestin en liberté. Restera encore aux associatifs de l’extrême gauche la possibilité de venir s’enchaîner sur les voies ou sur le tarmac, ou aux malheureux reconduits celle de retenter leur chance quelques mois après. Dès lors, combien de clandestins quittent définitivement le sol national après y être entrés pour rester sans droit ? Je préfère ne pas connaître la réponse.

Voici le triste tableau de notre situation. La France est universellement connue comme une république de pigeons, où tout est permis, où tout est bon à prendre, et où personne n’ose affirmer des principes pourtant défendus dans la plupart des pays du globe en matière d’immigration.

Mme Audrey Linkenheld. Quel manque de confiance dans votre propre nation !

Mme Marion Maréchal-Le Pen. Je constate enfin que la droite parlementaire n’a déposé qu’un seul amendement, c’est peu sur un texte de cette importance. La guerre des chefs a pu distraire l’attention des élus de droite, mais je pense que les électeurs suivront avec intérêt la position de vote des deux groupes UMP sur la motion de renvoi que je présente.

Je note que l’ex-groupe UMP a reconnu dans les débats en commission que : « la politique du Gouvernement aura pour effet d’accroître l’immigration, alors que la crise économique devrait inciter à la diminuer. » Belle lucidité !

Face à la démagogie de la gauche qui s’exprime ici de manière particulièrement décomplexée, il faut oser la fermeté.

Il faut oser rappeler qu’au-delà des bons sentiments, le PS et l’extrême gauche restent ici fidèles à la doctrine de leur boîte à idées, Terra Nova, en choyant leur cœur de cible en matière de marketing électoral : celui des damnés de la terre que l’on importe pour faire de futurs militants et des électeurs dévoués. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.) Dans cette logique, après l’abrogation de la circulaire sur les étudiants étrangers, la suppression de la rétention pour les familles et les enfants, la circulaire sur la régularisation des clandestins ayant un travail, M. le ministre de l’intérieur nous promet dès le second semestre 2013 un texte portant création d’un titre de séjour pluriannuel de trois ans au lieu d’un.

L’immigration coûte, en l’état actuel, entre 70 et 80 milliards d’euros par an selon le professeur Yves-Marie Laulan, démographe et économiste, ancien professeur à l’ENA et aux universités Paris Dauphine et Paris II.

À l’heure où la France souffre d’une dette de 1 900 milliards d’euros, est-il opportun de délibérer de ce projet de loi assouplissant à nouveau les règles ?

À l’heure où le chômage officiel – je ne parle même pas du chômage réel – monte à 10 % de la population active, et qu’un quart des chômeurs en France est constitué de chômeurs non européens selon les statistiques officielles, est-il opportun de délibérer de ce projet de loi ?

Plus de 200 000 clandestins bénéficient déjà de l’AME, pour un montant de plusieurs centaines de millions d’euros. Est-ce opportun de délibérer sur ce projet de loi ?

Ce projet voté, le fardeau n’en sera que plus lourd. Ce projet est donc non seulement inopportun, mais il est proprement hallucinant.

Pour toutes ces raisons, il est proposé à l’Assemblée nationale de ne pas délibérer sur ce texte.

M. Gilbert Collard et M. Jacques Bompard. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Manuel Valls, ministre. Madame Marion Maréchal-Le Pen, je serai bref.

Je passe sur votre remarque sur le terrorisme. Je l’ai dit, et je revendique le fait que sur ce sujet, il faut en général en appeler à la mesure et à l’unité nationale. D’ailleurs, vous-même avez voté la loi antiterroriste. Mais vous n’avez pas compris mes propos, et je le regrette.

Mme Marion Maréchal-Le Pen. Vous nous avez clairement associés !

M. Manuel Valls, ministre. J’ai dit, madame Maréchal-Le Pen, que le Gouvernement et l’État faisaient face à différentes formes de terrorisme : menaces extérieures, menaces intérieures, liées à l’Islam radical. Nous devons aussi être très attentifs à la menace liée à l’ETA. J’ai souligné à cette tribune que nous devions être – malheureusement, les faits m’ont donné raison – très attentifs au terrorisme corse, ainsi qu’au phénomène de l’ultra-gauche et à celui de l’extrême droite identitaire. (Mme Marion Maréchal-Le Pen proteste.) Madame, si vous vous sentez visée, c’est qu’il y a un problème ! J’ai seulement très clairement disséqué les dangers. Si vous vous êtes sentie visée lorsque j’ai parlé de l’extrême droite identitaire et des menaces qu’elle représente, c’est votre problème, mais c’est sans doute aussi un aveu. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

M. Lionnel Luca. C’est facile !

M. Manuel Valls, ministre. Vous dénoncez les conciliabules, mais nous faisons précisément le contraire. Nos lois sont débattues…

M. Lionnel Luca. C’est facile…

M. Manuel Valls, ministre. Vous aussi, vous faites un aveu, monsieur Luca. Au moins, c’est clair. D’ailleurs, vous êtes le seul de votre groupe à être là. Cela veut bien dire quelque chose ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

M. Lionnel Luca. Ca va, camarades !

M. Matthias Fekl. On n’est pas camarades !

M. Lionnel Luca. C’est quoi, ce terrorisme ?

M. Manuel Valls, ministre. Ce sont des députés, monsieur Luca ! Ne vous sentez pas visé en permanence !

Mme la présidente. Monsieur Luca, laissez parler le ministre, s’il vous plaît !

M. Lionnel Luca. C’est lui qui m’interpelle !

M. Manuel Valls, ministre. Nos lois sont débattues, nos circulaires sont publiées.

M. Manuel Valls, ministre. Vous êtes en désaccord, vous le dites. Mais de grâce, madame la députée, abandonnez la rhétorique du complot.

Cela étant, je le dirai très tranquillement, n’invoquez pas le Conseil national de la Résistance, car il incarne l’exact contraire des idées que vous défendez. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

Je ferai une dernière remarque sur ce point. Vous nous donnez des leçons, mais…

M. Gilbert Collard. Laval était socialiste !

M. Manuel Valls, ministre. Je ne répondrai pas à cette interpellation, monsieur Collard, mais si j’ai bien compris, c’est un modèle puisque vous avez suivi exactement son parcours. Vous voyez bien que ce n’est pas forcément de bon conseil ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

M. Gilbert Collard. Vous pourriez au moins nous respecter !

M. Manuel Valls, ministre. Vous avez parlé, madame Maréchal-Le Pen, de haine de la France. Permettez-moi de vous dire qu’ici, comme vous, d’ailleurs, chacun représente – je l’ai été moi-même – une part de la souveraineté nationale de la France, et vos propos parlant de haine de la France sont insupportables et inqualifiables.

Enfin, sur le fond, je voudrais souligner la chose suivante. Il est vrai qu’en matière de politique d’immigration, au-delà des différences qui peuvent exister…

M. Gilbert Collard. Vous pourriez respecter les députés !

Mme la présidente. Vous n’avez pas la parole, monsieur Collard.

M. Gilbert Collard. Vous nous empêchez de parler !

Mme la présidente. Je le répète, monsieur Collard, vous n’avez pas la parole. La parole est au ministre.

M. Manuel Valls, ministre. En matière de politique d’immigration, au-delà des différences qui peuvent exister entre ceux qui ont gouverné et ceux qui gouvernent aujourd’hui, il y a aussi des continuités, comme le refus de l’immigration zéro ou le refus de l’ouverture généralisée, qui n’a pas non plus de sens, et le respect – c’est pour cela que je le rappelais également – des normes européennes.

Mme Marion Maréchal-Le Pen. Vous allez bien les respecter, les normes européennes !

M. Manuel Valls, ministre. De ce point de vue, j’ai souligné comme un élément important qu’au Sénat, l’UMP et l’UDI se sont retrouvés sur ce texte avec le parti socialiste. C’est aussi une manière responsable d’aborder les problèmes et de sortir la question de l’immigration et de l’étranger du débat politique qui pourrit depuis longtemps la vie démocratique de notre pays.

Ces questions difficiles concernent tous les pays. D’ailleurs si l’on regarde objectivement les choses, la plupart des pays voisins accueillent tous les ans plus d’étrangers que n’en accueille la France. Face à ce qu’est l’immigration, et vous le savez les uns et les autres, l’immigration du sud vers le sud est sans doute aujourd’hui la plus importante, face aux pressions migratoires qui existent sur le sud de l’Europe, face à l’ouverture du monde et aux changements que nous avons connus ces dernières décennies, la réponse européenne, au-delà des réponses qui sont les nôtres, en fonction de notre histoire, de nos traditions et de nos lois souveraines, est incontestablement celle qu’il faut mener. Et que les Européens se retrouvent sur les principes, les valeurs, les lois, les directives et les textes qui fondent aussi l’Europe, qui est le résultat, la réponse à ce qui s’est passé au cours du XXe siècle, honore cette assemblée.

J’espère qu’à l’occasion du vote final ou de la discussion générale, ici, chacun fera preuve de la même responsabilité qu’au Sénat parce que c’est l’honneur de l’Assemblée nationale d’apporter une réponse concrète, utile et respectueuse du droit à la question qui est soulevée par ce texte de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

M. Arnaud Richard. Très bien !

Mme la présidente. Nous en venons aux explications de vote.

M. Gilbert Collard. Madame la présidente…

M. Sébastien Denaja. La mise en cause pour un fait personnel, c’est à la fin de la séance !

Mme la présidente. De quoi s’agit-il, monsieur Collard ?

M. Gilbert Collard. Madame la présidente, je sais que l’on va me renvoyer à la fin de la séance parce qu’ici, nous n’avons pas le droit de parler…

Plusieurs députés du groupe SRC. C’est le règlement !

M. Gilbert Collard. Taisez-vous, s’il vous plaît ! Laissez-moi parler ! Vous êtes des fascistes ! Vous ne laissez parler personne ! Je voulais simplement dire, monsieur Valls, qu’après les propos que vous avez tenus sur un marché et qu’on a entendus à la télé, Laval, c’est vous ! (Vives exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

M. Florent Boudié. Respectez le droit et l’Assemblée !

Mme la présidente. Monsieur le député Collard, je vous prierai de respecter le règlement de l’Assemblée nationale. S’il y avait eu une mise en cause, je vous aurais donné la parole. En l’occurrence, vous avez pris la parole sans que je vous la concède.

M. Bruno Le Roux. Vous êtes un voyou !

M. Gilbert Collard. Et vous, vous êtes le sergent Garcia ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. Dans les explications de vote, la parole est à M. Matthias Fekl, pour le groupe SRC.

M. Matthias Fekl. Madame la présidente, après les incidents de séance, évidemment, M. Collard ne va pas rester jusqu’à la fin de la séance. Après avoir fait ses effets de manche, il partira !

Mme Sandrine Mazetier. Comme d’habitude !

M. Christian Assaf. Ou il dormira.

M. Matthias Fekl. Nous regrettons profondément que le texte qui nous est soumis aujourd’hui, qui est pragmatique et de bon sens, dégénère ainsi en polémique. Nous avons suivi les travaux tout au long de l’examen du texte au Sénat, en commission où de bons débats ont eu lieu, car il doit y avoir des débats sur ce sujet. Mais ici, tout y passe et, bien sûr, la théorie du complot ! Nous nous voyons dicter nos propos par le grand patronat, pourquoi pas par les Francs-maçons, pourquoi pas par d’autres encore ?

Polémique encore, parce que Mme Le Pen a jugé utile de faire des amalgames avec les comptes publics, avec la sécurité sociale, comme si le seul apport des étrangers était d’en creuser le trou.

Alors non, nous ne sommes pas du tout dans cet état d’esprit. Nous avons écouté attentivement le ministre. Ensuite, il y aura la discussion générale, puis l’examen des amendements.

Nous souhaitons un débat apaisé sur un sujet majeur qui concerne notre pays et la conception que nous en avons. Aussi, nous regrettons profondément que, tout au long de cette discussion, le texte soit dévoyé, que les masques tombent, que les gens se rapprochent, parce que quelques bancs encore séparent M. Luca de ses collègues du Front national…

Mme Marion Maréchal-Le Pen. Vos propos sont scandaleux !

M. Matthias Fekl. Nous verrons ce qu’il en sera dans quelques années. Voilà notre état d’esprit.

Dans quelques semaines, dans quelques mois, on ne sait pas si c’est vous qui monterez, monsieur Luca, ou si c’est eux qui descendront.

M. Lionnel Luca. Merci, camarade !

M. Matthias Fekl. Ne m’appelez pas « camarade » ! Il n’y a aucune espèce de camaraderie entre vous et moi.

Madame la présidente, voilà notre état d’esprit. Nous souhaitons débattre de ce texte, qui est un bon texte. Il a encore été amélioré au cours des débats parlementaires. C’est pourquoi nous rejetons la motion pour pouvoir passer à la discussion générale. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Serge Coronado, pour le groupe écologiste.

M. Sergio Coronado. Sergio Coronado, madame la présidente.

Mme la présidente. Je vous prie de m’excuser.

M. Sergio Coronado. Ce n’est pas très grave. Sergio est mon prénom puisque je ne suis pas né français. Je le suis devenu. (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste, SRC et RRDP.) Ce n’est pas très français en effet. On a parfois un peu de mal avec ce prénom.

Presque rien ne nous a été épargné par notre collègue Maréchal-Le Pen dans son intervention. Xénophobie et théorie du complot ont été les fils directeurs de son discours.

Mme Marion Maréchal-Le Pen. Attention à ce que vous dites, tout de même ! (Exclamations sur les bancs des groupes écologiste, SRC et RRDP.)

M. Sergio Coronado. Je fais très attention. Mais, chère collègue, si mes parents ont à une époque choisi la France dans l’exil, c’est pour pouvoir bénéficier d’une certaine forme de liberté d’expression que le Chili de Pinochet avait interdite. Donc, ce n’est pas vous qui allez m’interdire aujourd’hui, ici, dans cet hémicycle, de parler et de dire ce que j’ai à vous dire ! (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste, SRC et RRDP.)

C’est le fonds de commerce du Front national depuis trente ans. Vous avez parlé de haine de la France. Je voudrais dire que la France qu’on aime, ce n’est pas la France qui se replie, ce n’est pas la France qui rejette, ce n’est pas la France qui accuse, c’est cette France assez grande pour accueillir des étrangers qui l’ont choisie, c’est cette France qui est assez grande pour se construire avec de l’altérité, c’est cette France qui est assez grande depuis la Révolution française pour faire d’un étranger un citoyen, comme la Première République avait pu le faire. Là-dessus, effectivement, nous ne sommes pas d’accord, mademoiselle Maréchal-Le Pen. (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste, SRC et RRDP.)

En vous écoutant, je me disais : Heureusement que les 2 millions de Français qui vivent à l’étranger ne sont pas traités comme vous proposez de traiter les étrangers qui vivent en France. Heureusement ! 2 millions de Français qui sont expatriés et qui sont des étrangers ailleurs.

Mme Marion Maréchal-Le Pen. En situation régulière, peut-être ?

Mme la présidente. Madame Maréchal-Le Pen, vous allez vous taire un peu !

M. Sergio Coronado. Je peux vous le dire, M. Mariani pourrait aussi le souligner, ils ne sont pas l’objet de telles attaques, quasiment nulle part au monde. Pour conclure, chère mademoiselle, je vais vous donner un seul exemple.

Dans ma circonscription, en Amérique latine, les Français résidents étrangers ont pu, par exemple, bénéficier, dans le Chili de Pinochet, du droit de vote à toutes les élections. Vous feriez bien de vous en inspirer ! (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste, SRC et RRDP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Roger-Gérard Schwartzenberg, pour le groupe RRDP.

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. J’ai écouté avec attention Mme Maréchal-Le Pen exprimer avec cohérence un discours qui repose sur des valeurs contraires aux nôtres, ce qui n’est pas un sujet d’étonnement. Il est possible et même nécessaire que l’Assemblée nationale soit le cadre de l’expression des divers courants de pensée.

M. Matthias Fekl. Absolument !

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. En ce qui concerne le Conseil national de la Résistance que vous avez cité, madame la députée, et le ministre l’a fait à son tour, je rappelle que Jean Moulin était radical, que Pierre Brossolette était socialiste et que d’autres, nombreux, étaient membres de la gauche et ont été pour beaucoup dans l’honneur de la France. Il y a eu aussi, bien entendu, des résistants appartenant originairement à la droite. Il ne faut pas le contester, ce serait absurde.

M. Edouard Philippe. Merci, vous êtes bien aimable !

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Ce texte, qui est présenté par le ministre de l’intérieur, nous semble être un texte équilibré dans son ensemble, même si nous souhaitons pousser le curseur un peu plus loin par rapport à cet équilibre pour garantir encore davantage les droits des personnes retenues dans le cadre de cette nouvelle procédure. Bien entendu, nous ne voterons pas la motion de rejet préalable et nous développerons ces points de vue fondés sur nos amendements à l’occasion de la discussion générale. (Applaudissements sur les bancs des groupes RRDP, SRC et écologiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Lionnel Luca, pour le groupe UMP.

M. Lionnel Luca. Non, madame la présidente.

(La motion de rejet préalable, mise aux voix, n’est pas adoptée.)

Plusieurs députés du groupe SRC. M. Luca l’a votée !

M. Matthias Fekl. Les masques tombent !

M. Lionnel Luca. Madame la présidente, suite à cette interpellation, je demande la parole.

Mme la présidente. S’agit-il d’un rappel au règlement, monsieur Luca ? Sinon, je donne la parole à votre président de groupe.

M. Christian Jacob. Il s’agit d’un rappel au règlement, madame la présidente, et M. Luca est député !

Rappels au règlement

Mme la présidente. La parole est à M. Christian Jacob, pour un rappel au règlement.

M. Christian Jacob. Il faut comprendre que chaque député a ici sa place en tant que député de la nation. Lionnel Luca a fait l’objet d’une interpellation inadmissible ! (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Matthias Fekl. Il a voté avec eux !

M. Christian Jacob. Ces procès d’intention et ces interpellations deviennent insupportables !

M. Daniel Goldberg. Ce qui est insupportable, c’est que la droite républicaine s’allie avec le Front national !

M. Christian Jacob. C’est inadmissible ! Je demande, au nom du groupe UMP si vous voulez, qu’il y ait un peu de dignité et que les débats soient tenus avec correction, sans qu’on s’en prenne nommément, comme vous le faites en permanence, à certains députés !

Mme la présidente. La parole est à M. Bruno Le Roux, président du groupe SRC, pour un rappel au règlement.

M. Bruno Le Roux. Je crois que le débat doit baisser d’un ton. Chacun est bien entendu libre de son vote.

M. Lionnel Luca. Et de siéger !

M. Bruno Le Roux. Il se trouve que nous avions simplement deviné celui-ci avant qu’il ne s’opère et qu’il avait été dénoncé.

M. Lionnel Luca. Marxiste-léniniste ! Vous vous donnez le beau rôle !

M. Bruno Le Roux. Nous entendons mener ce débat de façon calme et sereine. C’est la première fois, depuis que je suis parlementaire, que j’entends certains mots dans cet hémicycle, en particulier celui de « fasciste » adressé au groupe socialiste il y a quelques minutes. Je n’ai pas besoin, monsieur Collard, d’employer des mots de ce type pour vous qualifier, car nous savons tous qui vous êtes ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Discussion générale

Mme la présidente. Dans la discussion générale, la parole est à M. Matthias Fekl.

M. Matthias Fekl. Merci, madame la présidente et pardon pour ce nom pas très français. Je m’en excuse solennellement devant vous. (Rires sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Audrey Linkenheld. Monsieur assume !

M. Matthias Fekl. Vous l’avez indiqué tout à l’heure, monsieur le ministre, le sujet débattu aujourd’hui est essentiel pour notre pays et pour son image, tant à ses propres yeux que dans le monde, ainsi que pour l’idée que nous nous faisons de la France.

Sujet essentiel, mais dévoyé tout au long des dernières années et aussi, malheureusement, des dernières minutes. La précédente majorité, ici comme ailleurs, laisse derrière elle un bilan calamiteux. Il est fait d’agitation législative et règlementaire, à un rythme quasi-annuel en fin de période. Ce flot de lois, suivies ou non de décrets, n’a eu d’autre effet que la perturbation de l’activité sur le terrain. Il est fait aussi de stigmatisation et d’amalgame de l’immigration à la délinquance et à la religion, comme le montre l’expression de Nicolas Sarkozy « Français d’apparence musulmane ». L’immigration a finalement été amalgamée à tous les maux dont souffre aujourd’hui notre pays, comme si les immigrés en étaient les seuls responsables et les coupables.

Aujourd’hui encore, au cours de nos débats, nous avons assisté à la tombée de certains masques. La droite, je le crois, reste dans sa grande majorité républicaine et attachée à une certaine idée de la République. Mais certains masques tombent lorsque les membres du groupe UMP ou Rassemblement-UMP, je m’y perds un peu, doivent voter sur une motion déposée par l’extrême droite et défendue comme nous l’avons entendu aujourd’hui.

M. Christian Jacob. Ce ne sont pas vos affaires !

M. Matthias Fekl. Le temps est venu d’écrire une nouvelle page en matière d’immigration, d’abord en distinguant, comme l’a fait M. le Ministre, les différentes formes d’immigration. Évidemment, l’immigration familiale n’appelle pas la même réponse que l’immigration économique, de travail, estudiantine ou encore politique. La récente audition du candidat à la direction générale de l’OFPRA l’a bien montré. Il faut trouver le bon équilibre entre fermeté et justice. Il faut de la fermeté et de la répression, car il est insupportable que des filières clandestines, parfois criminelles et mafieuses, puissent prospérer dans notre pays sur la misère des gens. Mais il faut aussi de la justice, car il n’est plus possible que l’immigration soit traitée comme elle l’a été. C’est pourquoi nous saluons les critères objectifs d’examen des dossiers que vous avez définis, monsieur le ministre, dans votre récente circulaire.

Ensuite, une atmosphère nouvelle doit s’installer en matière d’immigration. Elle est en effet bien révolue, l’époque où c’est à Vichy que le Gouvernement organisait les sommets européens sur l’immigration. Comme si, sur un sujet politique comme celui-là, les symboles et l’histoire n’avaient pas d’importance ! Révolue aussi, l’époque où c’était M. Buisson qui dictait les choix de la France dans ce domaine, ce dont je me réjouis. Révolue, enfin, l’époque où l’immigration était instrumentalisée afin de nourrir les fantasmes et les débats sur l’identité nationale que nous avons connus.

La nouvelle majorité et le groupe au nom duquel je parle aujourd’hui souhaitent une nouvelle vision de l’immigration, apaisée, sereine mais aussi lucide, car il ne s’agit évidemment pas de se leurrer à propos de certaines réalités. Les premiers actes gouvernementaux en témoignent. Les abrogations de circulaires absurdes, parfois prises au détriment même de l’intérêt de la France, de son rayonnement et de son attractivité à l’étranger, sont autant d’actes que nous saluons. Nous saluons aussi l’élaboration d’une nouvelle circulaire édictant des critères clairs et précis qui permettront aux services de l’État d’agir conformément à l’égalité républicaine et non plus dans l’obscurité comme c’était le cas auparavant.

Le projet de loi dont nous débattons aujourd’hui répond d’abord, dans sa partie relative à la retenue, à un vide juridique né des décisions de la Cour de cassation et du droit européen, évidemment prévisible même pour un étudiant en première année de droit. Pourtant, rien n’a été anticipé. C’est pourquoi le Gouvernement a choisi de nous saisir rapidement de ce texte. Il s’agit selon nous d’une première étape qui précède d’autres débats. Nous avons, tout au long des débats, suivi les améliorations apportées par le Sénat et nous avons, notamment en commission des lois, souhaité apporter de nouvelles améliorations au texte et de nouvelles garanties aux personnes qu’il vise, sous l’égide du rapporteur Yann Galut que je salue ici.

Nous avons notamment souhaité renforcer substantiellement les garanties procédurales offertes aux étrangers en situation de retenue. Non pas, comme nous l’avons entendu, pour ouvrir les vannes, mais parce que nous sommes dans un État de droit, la France, pays de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen. La moindre des choses est que chacun, qu’il soit Français ou étranger, ait affaire à notre pays conformément à un certain nombre de garanties.

C’est pourquoi notre groupe a été extrêmement vigilant, notamment à propos de la présence de l’avocat. Elle était originellement prévue dès le début de la retenue, elle le sera désormais à chacune des étapes importantes, notamment lors des auditions, et nous nous en félicitons. L’encadrement de l’entrave, concrètement le port de menottes, est aussi une nouvelle garantie. Désormais, il sera inscrit noir sur blanc que celui-ci est réservé aux cas où l’étranger concerné présente un danger pour lui-même ou pour autrui. L’absence d’entrave sera bien le droit commun du régime de la retenue, comme il convient. Nous avons aussi été extrêmement vigilants sur la question des enfants. Rien n’était initialement prévu dans ce texte. Nous avons souhaité l’amender afin que la situation des enfants d’un étranger retenu soit prise en compte et qu’ils ne soient pas abandonnés à leur sort, mais pris en charge et protégés comme il se doit.

Toutes ces garanties sont essentielles au regard des libertés publiques dans notre pays. Nous y sommes attachés. On entend parfois dire, y compris sur les bancs de la commission des lois, que cela fait de nous des « droit-de-l’hommistes ». Eh bien ! Pourquoi pas ? Nous sommes les défenseurs assumés des droits de l’homme comme de la fermeté ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Yann Galut, rapporteur. Très bien ! C’est une réalité !

M. Matthias Fekl. J’en viens au délit de solidarité, délit scandaleux dont seuls les amateurs plus ou moins raffinés des années trente peuvent accepter la présence dans notre droit français et républicain. Nous saluons la suppression par cette loi du délit de solidarité pour toutes celles et tous ceux qui apportent leur aide de bonne foi, de manière désintéressée et gratuite, à des étrangers, fussent-ils en situation irrégulière. Il ne sera plus possible désormais de poursuivre ceux qui font cela. Tels sont la vocation et l’objet de cette loi.

Nous pensons notamment à des militants associatifs et à des défenseurs des droits de l’homme poursuivis au cours des dernières années de manière injuste, absurde et de ce fait arbitraire. À mon tour, je veux saluer les travaux, la réflexion et les propositions de Daniel Goldberg, qui a continuellement prêté à nos travaux sur ce texte de loi sa compétence en la matière pour l’améliorer.

Monsieur le ministre, nous avons bien pris en compte vos déclarations, j’ose dire vos engagements, en commission des lois et aujourd’hui, notamment que la détention doit durer au maximum seize heures, moins si possible. Nous souhaitons attirer votre attention sur le juge des libertés et les modalités de son intervention. Cette question est lourde et appelle des expertises, mais il faudra lui apporter des réponses satisfaisantes le plus tôt possible dans le courant de l’année 2013.

Mes chers collègues, ce texte apporte des avancées incontestables et constitue un bon équilibre entre fermeté et justice. Il supprime de notre droit un délit insupportable. C’est pourquoi le groupe SRC, au terme de sa discussion et de celle des amendements, sera heureux de l’approuver. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Yann Galut, rapporteur. Très bonne intervention !

Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Larrivé.

M. Guillaume Larrivé. Madame le président…

M. Sébastien Denaja. Madame la présidente ! On est en 2012 ! Quel machisme !

M. Guillaume Larrivé. Le défi de l’immigration est particulièrement difficile à aborder. Nous parlons de personnes, d’hommes et de femmes, qui un jour souhaitent quitter leur pays et cherchent à rejoindre la France. Ces personnes ont bien sûr des droits qu’il faut respecter, mais l’État en a aussi, car il a un devoir, celui de défendre l’intérêt de la France et de protéger ses frontières.

J’ai la conviction que nous devons et pouvons aborder ces questions de manière équilibrée et paisible. Trop souvent, hélas, le débat public sur l’immigration est encore perturbé par des postures. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Matthias Fekl. Voilà qui vous va bien !

M. Yann Galut, rapporteur. Entièrement d’accord avec vous ! Surtout à droite !

M. Guillaume Larrivé. La gauche, globalement, surjoue l’ouverture. Certains, à droite de la droite, surjouent la fermeture. Les uns tiennent un discours d’apparence généreuse, dissertant sur l’immigration qui serait une chance absolue pour notre pays et niant toute difficulté, comme si la réalité n’existait pas. Les autres sont les promoteurs de l’immigration zéro, au risque d’abandonner le projet républicain d’assimilation à la communauté nationale. Ces deux postures politiques sont des impostures idéologiques.

Je les repousse, l’une comme l’autre, car nous devons à la fois écarter l’angélisme de ceux qui refusent de réguler l’immigration, et le pessimisme de ceux qui rejettent toute immigration. Nous devons continuer à faire le choix du réalisme, qui a été celui du Président de la République, Nicolas Sarkozy, lorsque, il y a cinq ans, il a créé le ministère de l’immigration, et posé les fondements d’une politique d’intégration équilibrée, ferme à l’endroit des clandestins, et…

M. Matthias Fekl. Stigmatisante !

M. Guillaume Larrivé. …juste à l’égard des personnes souhaitant participer à la vie de la nation.

Le choix du réalisme, c’est le courage de poser les bonnes questions et d’y apporter des réponses efficaces, adaptées à notre temps. Sur ce sujet comme sur d’autres, nous avons un devoir de vérité et d’efficacité.

Une question doit être abordée très directement : la France a-t-elle aujourd’hui besoin, oui ou non, de plus d’immigration ?

Depuis plus d’un siècle et demi, la France est une terre d’immigration aux mille visages : de tous les continents, des migrants – des Italiens, des Espagnols, des Polonais, des Portugais, des Maghrébins, des Africains, des Asiatiques, des Turcs ou des Sud-américains – sont venus rejoindre notre pays. Mais comme tout pays au monde, nous avons le droit de choisir qui nous souhaitons accueillir sur notre territoire. Il est légitime que l’État fixe des règles pour définir qui peut entrer en France. Il est nécessaire que l’État fasse respecter ces règles.

Et nous n’avons pas à craindre de regarder la réalité en face, la réalité de 2012, pas celle de 1981, de 1997 ni même de 2007. Le modèle d’intégration à la française s’est grippé.

M. Matthias Fekl. Parce que vous n’avez rien fait !

M. Guillaume Larrivé. Des réussites individuelles remarquables ne sauraient masquer l’échec de dizaines et de dizaines de milliers de personnes n’ayant ni logement décent ni travail stable.

Le chômage ne cesse d’augmenter et frappe tout particulièrement les personnes récemment arrivées en France. Je rappelle que, selon une étude de l’INSEE publiée en septembre dernier, le taux de chômage, en France, des étrangers hors Union européenne, est deux à trois fois plus élevé que le taux de chômage général. En 2011, 28,4 % des femmes et 22,2 % des hommes de nationalité étrangère résidant en France étaient au chômage.

La vérité, c’est que nous n’avons pas ou plus les emplois, les logements, les services publics, et les moyens d’accueillir des centaines de milliers de personnes immigrées supplémentaires. La profonde crise financière, économique et aujourd’hui sociale qu’affronte notre pays rend donc nécessaire une diminution globale du nombre des personnes entrant en France. Compte tenu de nos capacités d’intégration, nous devons désormais réduire les flux d’immigration. Nous devons, par conséquent, nous donner tous les instruments juridiques, opérationnels, mais aussi diplomatiques, j’y viendrai, pour atteindre cet objectif fondamental de réduction de l’immigration.

Le gouvernement socialiste s’apprête au contraire à augmenter, dans les années qui viennent, le nombre de personnes immigrées arrivant en France. C’est la raison pour laquelle les députés du groupe UMP voteront contre ce projet de loi,… (« Oh ! » sur les bancs du groupe SRC)

M. Yann Galut, rapporteur. Contrairement à ce qu’ont fait vos collègues du Sénat !

M. Guillaume Larrivé. …qui s’inscrit dans le cadre d’une politique d’augmentation de l’immigration. Toutes les mesures prises depuis six mois le démontrent.

M. Paul Molac. C’est faux !

M. Guillaume Larrivé. En premier lieu, l’immigration légale n’est pas régulée. Les ministres de l’intérieur et des affaires étrangères ne prennent, en effet, aucune mesure pour piloter la manière dont les consulats attribuent les visas.

M. Sébastien Denaja. N’importe quoi !

M. Guillaume Larrivé. Il nous paraît urgent, au contraire, de dialoguer, d’État à État, avec les pays d’origine pour mettre en œuvre une vraie politique d’attribution des visas, différente selon les pays, prenant en compte leurs attentes et celles de la France. Il faut lier cette politique d’attribution des visas aux efforts d’aide au développement. Il faut faciliter la circulation des talents, notamment celle des étudiants et des cadres.

M. Pascal Deguilhem. Ce n’est pas ce que vous avez fait !

M. Guillaume Larrivé. Mais il convient aussi de diminuer, très fortement, les entrées de personnes sans qualification et ne maîtrisant pas notre langue.

En second lieu, la lutte contre l’immigration irrégulière est affaiblie par des initiatives contradictoires et désordonnées.

Certes l’administration et la police aux frontières continuent à lutter contre les filières et à mettre à exécution des décisions d’éloignement. L’on constate évidemment sur ce plan une forme de continuité de l’État. Mais, simultanément, par circulaire, le ministre de l’intérieur demande aux préfets de régulariser des clandestins. En énonçant des critères de régularisation, il rompt avec la logique de l’admission exceptionnelle au séjour, jusqu’alors pratiquée au cas par cas pour des raisons humanitaires. Le ministre de l’intérieur a lui-même reconnu au Sénat, le mois dernier, que sa circulaire allait entraîner, « dans un premier temps, une augmentation ponctuelle des régularisations ». En fait, il prend le risque d’une augmentation forte et durable du nombre des régularisations, car il édicte des critères qui, in fine, vont créer un droit à la régularisation, qui n’est autre qu’une prime à l’illégalité.

J’ajoute que, parallèlement, le Gouvernement a envoyé plusieurs messages d’ouverture à l’intention des clandestins. Ainsi, dès cet été – et assez habilement, le ministre de l’intérieur s’est bien gardé d’entrer dans ce débat –, la ministre de la santé a fait voter une réforme de l’aide médicale d’État pour rendre totalement gratuits les soins des étrangers en situation illégale.

M. Pascal Deguilhem et Mme Elisabeth Pochon. Et alors ! Quel rapport ?

M. Guillaume Larrivé. Si les députés socialistes ne voient pas le rapport, je les invite vivement à ouvrir les yeux.

Dans le même esprit, le ministre du budget a accepté une forte diminution de la taxe prélevée sur les cartes de séjour de régularisation, passant de 110 à 50 euros.

C’est dans ce contexte que ce projet de loi est présenté. Il comporte deux mesures d’apparence technique.

L’une est une sorte de gage donné à la gauche de la gauche.

L’autre est une rustine qui souligne les insuffisances de la politique européenne de lutte contre l’immigration illégale.

Le gage, c’est bien sûr la modification des immunités pénales en matière d’aide au séjour irrégulier. On sait que les diverses associations professionnelles de soutien à l’immigration illégale réclament, depuis des années, la fin de ce qu’elles appellent, à tort, le « délit de solidarité ».

Ce débat n’a juridiquement plus guère de sens car diverses modifications législatives opportunes, depuis près de vingt ans, ont défini des immunités familiales et humanitaires suffisamment précises pour éviter que des personnes de bonne foi soient poursuivies devant les tribunaux. Vous avez cependant décidé de modifier l’état du droit au risque d’envoyer, même involontairement, un signal ouvert aux réseaux qui organisent les filières d’immigration illégale et exploitent la misère des personnes tentant de s’installer irrégulièrement dans notre pays. En réalité, vous souhaitez prendre une mesure d’affichage par laquelle la gauche gouvernementale parle à la gauche de la gauche. La manœuvre, en effet, est limpide. Elle vous permet de gagner du temps et de reporter habilement, à plus tard, les débats sur les lois Sarkozy qu’une partie de votre majorité souhaite abroger.

La rustine, c’est la création d’une mesure de retenue ad hoc, distincte de la garde à vue, tentant de tirer les conséquences législatives d’une récente jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne et de la Cour de cassation, interprétant la « directive retour » de 2008.

Je m’en suis expliqué devant la commission des lois, en tant que co-rapporteur sur la future mise en application de ce projet de loi : la « directive retour » de 2008 a été adoptée par les États membres pour faciliter l’éloignement des clandestins dans le respect de leurs droits, et non dans le but de compliquer ce processus. Il n’a jamais été question de dépénaliser, d’aucune manière et à aucun moment, le séjour irrégulier et d’interdire aux États de placer en garde à vue des clandestins en instance d’éloignement vers leur pays d’origine.

La jurisprudence byzantine de la Cour de Luxembourg ne me semble pas respecter la volonté politique des négociateurs de cette directive. Elle aboutit, en effet, au texte particulièrement subtil que vous nous proposez, et qui consiste, tenez-vous bien ! à supprimer le délit de séjour irrégulier, tout en maintenant le délit d’entrée irrégulière en créant un délit de maintien irrégulier sur le territoire. Comprenne qui pourra !

Cette acrobatie juridique, j’en conviens, a été rendue nécessaire par l’interprétation audacieuse que les juges européens ont faite de la directive. Elle vous oblige à créer un régime de retenue particulier. J’en comprends la nécessité à court terme, mais je crois utile d’en améliorer le caractère opérationnel par un amendement.

Au-delà de cet ajustement immédiat, il me semble que l’examen de ce projet de loi devrait conduire l’Assemblée nationale à regarder lucidement ce qu’est devenue, depuis quelques années, la politique européenne d’immigration. Précisément, ce n’est plus une politique, mais un carcan bureaucratique gouverné par des juges.

Il y a urgence à rompre avec cette logique dangereuse pour le continent européen et pour la France. Il y a urgence à ce que le président François Hollande fasse appliquer le Pacte européen sur l’immigration et l’asile que le Président Nicolas Sarkozy avait fait adopter, en 2008, à l’unanimité des chefs d’État et de gouvernement. Il y a urgence à passer du Pacte aux actes.

Il faut, pour cela, réformer profondément le système Schengen. La logique de Schengen, on le sait, est de supprimer les frontières intérieures pour permettre aux citoyens de circuler librement. Mais cela reporte les efforts de maîtrise de l’immigration sur la surveillance des frontières extérieures. L’Europe est aujourd’hui impuissante face à la porosité de la frontière terrestre gréco-turque. Ces cent trente kilomètres ne sont pas suffisamment contrôlés et laissent passer au moins 160 000 personnes chaque année, en provenance du Maghreb, de l’Afrique subsaharienne, du Pakistan, du Bangladesh et de l’Iran. La faiblesse de Schengen accélère l’arrivée de migrants clandestins transitant par la Grèce et l’Italie vers la France.

De même que la zone euro s’est dotée d’une gouvernance politique, il est aujourd’hui nécessaire que la gestion de l’espace Schengen sorte de l’ornière technocratique et soit assumée au plus haut niveau des États, avec une présidence stable. Des moyens opérationnels doivent être mobilisés. Il faut créer une force de soutien rapide au sein de FRONTEX, l’Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures des États membres de l’Union européenne, pour assister en urgence un État membre confronté à un afflux d’immigration important.

Le cas échéant, il faut pouvoir suspendre temporairement de l’espace Schengen un État défaillant. Il faut mettre sur pied des moyens européens de surveillance terrestres et maritimes, et des moyens aériens permettant de mutualiser le retour des étrangers en situation irrégulière vers leur pays d’origine. Il faut, de même, créer enfin un système d’enregistrement automatique et biométrique des entrées et sorties des ressortissants des pays tiers dans l’Union européenne, pour mieux lutter contre le maintien sur le territoire, au-delà de la durée autorisée, d’immigrés entrés légalement en Europe. Il faut, aussi, accélérer la convergence des politiques nationales d’immigration et d’asile, tant les divergences entre les systèmes renforcent l’attractivité de la France. Il faut, enfin, conditionner l’aide versée par l’Europe en faveur du développement des pays du Sud aux efforts de ces États pour lutter contre l’immigration illégale.

Je regrette, au nom des députés du groupe UMP, que le Président François Hollande n’ait pris aucune initiative en ce sens. La France, aujourd’hui, ne défend pas la nécessité d’une politique européenne d’immigration ambitieuse. Ce faisant, la France se prive de tout instrument permettant de réduire fortement et durablement les flux d’immigration. Au nom des députés du groupe UMP, je tiens à dénoncer cette inertie. Nous voterons résolument contre un projet de loi qui ne répond en rien aux défis de l’immigration. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Éric Ciotti.

M. Marc Dolez. Nous allons comprendre les nuances entre UMP et Rassemblement-UMP.

M. Éric Ciotti. Vous allez être déçu – enfin, pour les nuances.

Madame la présidente, monsieur ministre délégué chargé des relations avec le Parlement, mes chers collègues, le projet de loi que nous examinons se limite au fond à quelques ajustements techniques.

En ce qui concerne ces ajustements, nous partageons avec le Gouvernement l’idée qu’il est nécessaire de combler le vide juridique créé par les arrêts de la Cour de Cassation du 5 juillet 2012…

M. Yann Galut, rapporteur. Merci de le reconnaître !

M. Éric Ciotti. Ces arrêts ont été rendus, vous l’aurez noté, après les événements survenus au printemps dernier, aussi regrettables soient-ils. Les accusations du ministre de l’intérieur en deviennent pour le moins particulièrement déplacés au regard de l’action de la précédente majorité.

M. Pascal Popelin. Gouverner, c’est prévoir !

M. Éric Ciotti. Ces ajustements sont nécessaires. Il en va de l’efficacité de notre politique de lutte contre l’immigration clandestine. Malheureusement, ce texte, loin de réorienter la politique du Gouvernement qui conduit aujourd’hui à une hausse continue de l’immigration, ne fait qu’amplifier les dérives de cette politique.

Sur le fond, plusieurs options juridiques étaient cependant ouvertes. Comme le Gouvernement l’indique dans son étude d’impact, l’arrêt Achughbabian de la Cour de justice de l’Union européenne est clair : la directive ne s’oppose, dans le principe, ni à une pénalisation du séjour irrégulier, ni à la garde à vue des personnes soupçonnées de le commettre. Il aurait donc pu être envisagé – cela l’a d’ailleurs été, je le sais, au sein des services du ministère de l’intérieur – de maintenir le délit de séjour irrégulier et de créer, parallèlement, ce dispositif de retenue pour ne pas faire obstacle à l’effet utile de la directive.

Monsieur le ministre, vous pourrez me rétorquer que votre projet de loi institue un délit d’entrée irrégulière sur le territoire national, et que finalement, les moyens de lutte contre l’immigration irrégulière sont équivalents. C’est faire peu de cas des symboles. Vous avez fait un choix politique, celui d’abroger le délit de séjour irrégulier. Nos concitoyens apprécieront la cohérence du choix qui vous conduit, d’un côté, à abroger le délit de séjour irrégulier…

M. Yann Galut, rapporteur. Ce n’est pas un choix ! Nous n’avions pas le choix !

M. Éric Ciotti. …pour, de l’autre, créer un délit d’entrée irrégulière sur le territoire national.

Ce choix – car, oui, vous aviez le choix – ne saurait être neutre : il revient à adresser un signal négatif à l’égard du combat contre l’immigration irrégulière, qui devrait pourtant tous nous rassembler.

M. Yann Galut, rapporteur. Faites preuve d’un peu d’honnêteté intellectuelle : nous n’avions absolument pas le choix !

M. Éric Ciotti. D’ailleurs, monsieur le rapporteur, ce point a été évoqué en commission des lois. Nous attendons toujours du Gouvernement qu’il prenne des initiatives européennes pour faire adopter rapidement une directive renforçant, sans ambiguïté, la lutte contre l’immigration irrégulière.

Pour ce qui est du dispositif de retenue envisagé, les nombreux amendements socialistes l’ont largement dénaturé, le rendant, je le crains, peu opérationnel, en l’éloignant de la copie initiale du Gouvernement. La procédure s’est, en effet, considérablement alourdie : alerte aux autorités consulaires, rédaction de nombreux procès-verbaux, droit à l’examen d’un médecin qui pourra mettre fin à la rétention à tout moment, obligation pour les forces de police et de gendarmerie de placer l’étranger dans des locaux en dehors des gardés à vue. Toutes ces « innovations procédurales », fruit des contributions parlementaires socialistes, ne manqueront pas, au mieux, d’affaiblir le dispositif et de nourrir une jurisprudence foisonnante, au pire, de rendre ce dispositif totalement inopérant. Les policiers et les gendarmes seront donc, hélas, confrontés au quotidien à cette véritable usine à gaz que vous créez. C’est la raison pour laquelle je m’associe à l’amendement déposé par notre collègue Guillaume Larrivé, visant à laisser à l’officier de police judiciaire la faculté de porter la durée de retenue jusqu’à vingt heures.

Enfin, le projet de loi élargit le champ des immunités pénales prévues à l’article L. 622-4 pour le délit d’aide à l’entrée et au séjour irréguliers. Il s’agit en fait d’une décision purement idéologique et politicienne visant, une nouvelle fois, à donner des gages à l’aile la plus extrême de votre majorité, cette majorité autant plurielle qu’éclatée. Tel qu’il est appliqué par l’administration et le juge, le droit positif n’appelle pourtant pas de modification urgente. Là encore, souhaitons que vos ajustements législatifs ne soient pas interprétés pas les réseaux de passeurs comme un nouveau signal de laxisme.

En tout état de cause, ce projet de loi ne fait pas oublier vos récentes initiatives en matière de politique migratoire. Votre instruction aux préfets, monsieur le ministre, pour régulariser les personnes en situation irrégulière sur notre territoire, constitue, en vérité, un véritable « appel d’air » à l’immigration clandestine. Il est d’ailleurs évident que cette régularisation bénéficiera en priorité aux clandestins entrés dans notre pays en détournant la procédure de l’asile politique – M. le ministre de l’intérieur a rappelé, tout à l’heure, le chiffre record de 57 000 demandes d’asile à la fin du mois de novembre 2012 – et s’y maintenant en violation de la loi. Et ce n’est pas votre décision d’abolir, dans les faits, la rétention des familles en situation irrégulière, qui donnera plus de force à l’application de la loi.

C’est, en fait, un très mauvais signal que vous adressez aux réseaux de passeurs, aux trafiquants, à tous ceux qui exploitent la détresse humaine, c’est une sorte de prime à la fraude alors que la situation de l’emploi n’a jamais été aussi catastrophique dans notre pays qui, dès lors, n’a jamais été aussi peu en mesure d’accueillir des étrangers sur le territoire national pour leur offrir un travail, donc une capacité d’intégration.

Nous vous avons écouté, monsieur le ministre, lancer des affirmations martiales et péremptoires,…

M. Pascal Popelin. Non, très sages !

M. Éric Ciotti. …mais nous doutons quelque peu de la concordance entre vos discours et vos actes.

Pour rassurer les Français, vous affirmez ne vouloir procéder à « aucune régularisation massive ». Permettez-moi de ne pas être convaincu par votre promesse : alors que Lionel Jospin avait promis la même chose, sa politique a suscité entre 1997 et 1998 quelque 145 000 demandes de régularisation, qui ont abouti à 80 000 régularisations effectives. Toutes les expériences européennes – toutes, sans exception – de régularisation dite « ciblée » se sont soldées par un gigantesque appel d’air à l’immigration irrégulière

En dépit de vos déclarations, cette politique annonce vos échecs futurs. Pour notre part, nous souhaitons que la France reste fidèle à ses valeurs, à ses grands principes républicains, à son modèle d’intégration, en écartant toutes les voies extrêmes, la fausse générosité comme cette approche caricaturale d’un pays cadenassé. Nous souhaitons que la laïcité et l’égalité entre les hommes et les femmes puissent s’exprimer librement. Nous refusons toute forme de communautarisme, la vie cloisonnée de communautés ethniques ou religieuses suivant leurs propres règles, qui ne sont pas celles de la République ni de la France.

Pour cela, il faut que les étrangers que nous accueillons s’intègrent dans notre pays, c’est une obligation, c’est un devoir, c’est une exigence. Et pour réussir l’intégration des étrangers dans notre société, nous devons proportionner les flux migratoires à nos capacités d’accueil. Parvenir à cette juste et réaliste régulation de l’immigration a été l’objectif constant du gouvernement de François Fillon, sous l’autorité de Nicolas Sarkozy.

Telle n’est pas la politique que vous poursuivez, et c’est un choix dangereux. Pour ces motifs, le groupe du Rassemblement-UMP votera contre votre projet de loi.

M. Guillaume Larrivé. Très bien !

M. Pascal Popelin. C’était bien la peine de faire deux groupes pour ça !

Mme la présidente. La parole est à M. Arnaud Richard.

M. Arnaud Richard. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, droit au séjour, immigration irrégulière : le présent projet de loi fait partie de ces textes dont le seul intitulé peut suffire à déchaîner les passions et à exacerber les clivages au sein de cette assemblée.

Or, au moment où nous abordons un sujet aussi important que la politique d’immigration, c’est bien d’honnêteté intellectuelle et de responsabilité politique que nous devons tous faire preuve. Nous pouvions souhaiter que nos débats soient animés, non par des prises de position partisanes, mais par une réflexion aboutie. Avant d’aborder les différentes dispositions de ce projet de loi, et puisque nous sommes encore en début de législature, je souhaite rappeler ce que doit être, pour le groupe UDI, une politique d’immigration juste, responsable et efficace.

En premier lieu, avec un peu plus de 180 000 titres de long séjour délivrés chaque année, la France, de par ses traditions et ses engagements internationaux, est une terre d’accueil. Notre politique d’immigration ne doit pas pour autant se limiter à une simple gestion quantitative des flux migratoires. Elle implique de comprendre l’origine de ces flux, de les anticiper et de trouver, tant au niveau national qu’européen, des réponses concrètes et adaptées.

En outre, nous considérons, comme d’autres, qu’immigration doit aller de pair avec intégration – ce sont en quelque sorte « les deux ailes du même avion », pour reprendre une expression autrefois utilisée par Jacques Chirac. En la matière, le Gouvernement se doit de démontrer sa volonté de lier le plus étroitement possible ces deux pans de la politique migratoire. En effet, ainsi que le montre une récente étude de l’OCDE, la France, avec un taux de pauvreté des étrangers de plus de 21 %, a encore beaucoup à faire en termes d’intégration de ses immigrés.

Il est bien évident que nous partageons les principes républicains, rappelés par M. le ministre, que sont l’application rigoureuse des objectifs de lutte contre l’immigration clandestine et la maîtrise des flux migratoires, tout en veillant à garantir, en toutes circonstances, la dignité humaine. Notre politique d’immigration se doit d’être ferme et concentrée sur la lutte contre l’immigration clandestine car, vous le savez, monsieur le ministre, une immigration non maîtrisée, c’est autant d’exclusion, de précarité et de pauvreté.

C’est pourquoi, tout au long de cette législature, nous serons très vigilants à ce que les trafiquants d’êtres humains – les passeurs, comme on dit pudiquement – ne soient pas les premiers à bénéficier d’une politique laxiste en matière de régularisation des étrangers sans titres, ce trafic étant, semble-t-il la deuxième source de revenus pour le crime organisé.

Quant à la lutte contre l’immigration clandestine, on peut, comme le font certains, la comparer au tonneau des Danaïdes. Je considère qu’en la matière, les forces de l’ordre font ce qu’elles peuvent face à un flux de plus en plus important. Il est frappant de voir combien la Grèce, n’ayant plus de moyens à consacrer à tenter d’endiguer ce phénomène, constitue une brèche en Europe. Comment, monsieur le ministre, le Gouvernement agit-il face à cette faiblesse – temporaire, espérons-le – de l’un de nos partenaires européens ? La vieille Europe accueille annuellement plus de 500 000 migrants, dont 70 % feraient appel aux trafiquants. Combien d’entre eux – 20 %, peut-être 30 % – ont réellement besoin de protection ? Combien sont en réalité des réfugiés économiques ?

Enfin, porteurs de la tradition centriste, nous sommes profondément européens, attachés à la création d’une politique véritablement commune en matière d’immigration. Cette politique est indispensable si nous voulons répondre aux grands enjeux de demain car, dès lors que les frontières intérieures ont été abolies au sein de l’Union, il est illusoire de penser qu’une gestion à la seule échelle nationale des flux migratoires pourrait aboutir.

Nous avons assisté, ces dernières années, à une montée en puissance de l’Union européenne en matière de politique migratoire. À l’image de la directive « retour », adoptée par les institutions communautaires dans la foulée du pacte européen pour l’immigration et l’asile, puis transposée en droit français à la fin de la précédente législature par la loi du 16 juin 2011, nous avons assisté et contribué ces dernières années à la naissance d’une véritable stratégie commune, tant dans l’organisation de l’immigration légale que dans la lutte contre les réseaux clandestins.

Il nous appartient désormais – il vous appartient, monsieur le ministre – de poursuivre cette entreprise d’harmonisation du droit national et du droit européen, afin de pallier le manque de cohérence dont souffre notre politique nationale en matière de droit au séjour.

C’est ainsi qu’aujourd’hui, une fois n’est pas coutume, l’évolution du droit communautaire nous impose de modifier notre législation en matière de droit au séjour. Plus que d’une simple mise en conformité, il s’agit de combler un vide juridique créé par la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, confirmée par trois arrêts de la Cour de cassation rendus le 5 juillet dernier.

La garde à vue, prévue en droit français par l’article L. 621-1 du CESEDA, était jusqu’à présent la procédure la plus couramment utilisée pour réprimer le délit de séjour irrégulier. Elle permettait à l’administration de disposer du temps nécessaire pour prendre une décision d’éloignement et de placement en rétention.

En décembre 2011, la Cour de justice de l’Union européenne s’est prononcée sur la compatibilité des législations nationales avec la directive « Retour ». La directive s’oppose ce qu’une réglementation nationale conduise à un emprisonnement au cours de la procédure de retour. Par ailleurs, l’objectif de cette directive étant précisément de réaliser l’éloignement de l’étranger en situation irrégulière, toute procédure y faisant échec ne peut logiquement être admise par la Cour de justice.

La Cour de cassation a ensuite clarifié la jurisprudence européenne et levé tous les doutes pesant sur son interprétation : la directive « Retour » s’oppose à ce qu’une réglementation nationale prévoie une peine d’emprisonnement pour un étranger qui n’aurait pas été soumis aux mesures d’éloignement prévues par la directive et dont la durée maximale de rétention n’aurait pas expiré.

Ainsi, la directive « Retour », telle qu’elle a été interprétée par la Cour de justice de l’Union européenne, exige une mise en conformité du droit français. Le premier objet de ce texte répond donc bien à une nécessité tant juridique qu’opérationnelle, comme l’a rappelé tout à l’heure M. le rapporteur à l’un de nos collègues.

En premier lieu, le projet de loi supprime le délit de séjour irrégulier. Une politique migratoire étant vaine si elle ne s’accompagne pas de procédures opérantes et objectives, vous avez choisi de créer une nouvelle procédure de retenue administrative, située à mi-chemin entre la garde à vue et la vérification d’identité.

Les services de police ou de gendarmerie doivent en effet être en mesure de retenir un étranger pour faire le point sur sa situation et, le cas échéant, décider de le placer en rétention administrative en vue de son éloignement. La procédure de vérification d’une durée de quatre heures prévue par notre code pénal ne répond pas aux objectifs et aux nécessités de la vérification du droit de séjour d’une personne. Le groupe UDI ne peut donc qu’être favorable à la création d’une nouvelle procédure de retenue pour vérification du droit au séjour.

Ensuite, parce que notre travail de législateur ne se résume pas à un simple exercice de traduction de la jurisprudence européenne, nous devons entourer cette nouvelle procédure de garanties suffisantes, pour à la fois assurer l’efficacité de cette procédure et donner aux autorités tous les moyens dont elles pourront avoir besoin, tout en garantissant aux étrangers concernés la préservation de leurs droits fondamentaux.

Concernant la durée de cette procédure, un important débat a déjà eu lieu aussi bien au Sénat qu’en commission. Nous considérons que la durée de seize heures prévue par le texte, supérieure à la procédure de vérification d’identité et inférieure à celle de la garde à vue, est satisfaisante. Nous sommes opposés à la proposition qui est faite de limiter cette durée à dix heures, avec une éventuelle prolongation de six heures par l’officier de police judiciaire.

En second lieu, ce texte vise, pour ce qui est du délit de solidarité, à étendre les immunités pénales en matière d’aide au séjour irrégulier des étrangers. Cette question difficile permet d’ouvrir devant la représentation nationale un débat utile sur la question cruciale de la lutte contre les filières d’immigration clandestine.

Introduit pour la première fois dans notre droit en 1938, le délit d’aide à l’entrée, à la circulation ou au séjour irréguliers d’un étranger a fait l’objet de nombreuses modifications, notamment pour satisfaire aux exigences du droit international et communautaire.

Ce serait faire un bien mauvais procès aux gouvernements précédents que de les suspecter d’avoir voulu incriminer d’une quelconque manière l’aide apportée à titre humanitaire à un étranger en situation irrégulière.

Cette disposition était et demeure nécessaire, car la lutte contre l’immigration irrégulière relève d’une impérieuse nécessité, tant les agissements des « passeurs » sur notre territoire sont en parfaite contradiction avec les valeurs les plus fondamentales de notre République.

Dès 1996, notre droit a prévu une clause dite d’exemption humanitaire, destinée à protéger les membres des familles d’étrangers en situation irrégulière des poursuites pour aide au séjour irrégulier et les associations à but non lucratif à vocation humanitaire. Plus récemment, le précédent Gouvernement a permis d’élargir le champ de l’immunité pénale.

Vous proposez, à travers ce projet de loi, d’élargir encore ces exemptions, d’une part, aux membres de la famille du conjoint de l’étranger et, d’autre part, aux associations humanitaires apportant une aide désintéressée aux étrangers sans papiers.

Nous souscrivons à cette idée, mais nous demeurerons extrêmement vigilants : la lutte contre les filières d’immigration clandestine et les réseaux de passeurs doit, à notre sens, demeurer une priorité. Il faut donc éviter à tout prix de fragiliser l’assise juridique permettant d’engager des poursuites et la modification de telles dispositions mérite toute notre attention.

Mes chers collègues, fort de ces exigences, le groupe UDI votera pour le projet de loi relatif à la retenue pour vérification du droit au séjour et modifiant le délit d’aide au séjour irrégulier.

Mme la présidente. La parole est à M. Sergio Coronado.

M. Sergio Coronado. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, le texte dont nous discutons aujourd’hui vise à mettre en conformité le droit français avec le droit européen et plus précisément avec la directive « Retour ». M. le ministre de l’intérieur a même dit que son objectif principal était de combler un vide juridique.

J’ai tendance à croire que, dès que l’on traite d’immigration, c’est aussi de la France que l’on parle et de la manière dont on voit son présent et son avenir, sans oublier le contrat social qui nous lie ; la polémique qui s’est engagée au début de cette discussion en est la preuve.

La directive « Retour », qui a suscité de fortes critiques dans le monde associatif et politique lors de sa rédaction, permet néanmoins de faire avancer le droit français vers un plus grand respect des droits humains et des libertés fondamentales. Il est vrai que, dans ces domaines, le législateur européen est plus libéral et bien souvent plus attaché au respect des droits.

Les préconisations de la Cour de justice de l’Union européenne, puis les arrêts El Dridi et Achughbabian du 6 décembre dernier indiquent qu’il ne peut y avoir de délit pour séjour irrégulier et qu’il est donc impossible de garder à vue des personnes pour ce seul motif. Les arrêts de la Cour de cassation du 5 juillet 2012 abondent d’ailleurs dans le même sens. Cela explique que nous débattions aujourd’hui de ce texte.

Il faut dire que, en la matière, on revient de loin – de dix années marquées par une obsession envers l’immigré et par une vision sécuritaire de cette question. Le délit de solidarité, qui renvoie à l’article L. 622-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, est une mesure choquante. Puni de cinq ans d’emprisonnement et d’une amende de 30 000 euros, il permet en effet de poursuivre toute personne « qui aura, par aide directe ou indirecte, facilité ou tenté de faciliter l’entrée, la circulation ou le séjour irréguliers, d’un étranger en France ». En vigueur depuis 1945, l’article en question a été modifié au fil du temps. En 1998, une immunité a été ajoutée pour protéger la famille des étrangers sans papiers, mais en 2003 les peines encourues ont été aggravées dans le cas où le délit est commis en bande organisée.

Tourner la page d’un tel dispositif est donc une bonne chose. Il était urgent et nécessaire de cesser les incriminations pour solidarité. Nous accueillons avec satisfaction l’abrogation du délit de solidarité, et cela d’autant plus que nous pensons, au groupe écologiste, que la solidarité qui, par exemple, se déploie encore à Sangatte dix ans après la fermeture du centre, comme dans de nombreux autres territoires de notre République, démontre que la solidarité occupe une place importante dans le cœur des Français ; elle a fait de notre pays une terre d’accueil et d’asile. Cette solidarité est une force ; elle ne saurait être punissable.

Nous proposerons, dans le débat, des amendements visant à reconnaître et encadrer cette solidarité.

Le premier tend à maintenir une lutte inflexible contre les réseaux mafieux ou les employeurs malintentionnés et les marchands de sommeil qui exploitent les immigrés en situation de grande précarité et de fragilité. Cet amendement s’inscrit d’ailleurs dans le même esprit que le programme de lutte contre le travail illégal lancé par le Gouvernement le 28 novembre dernier.

Deux autres amendements visent à renforcer la notion de solidarité en adjoignant à l’intégrité physique l’intégrité morale des individus.

Enfin, un dernier amendement tend à réduire les incriminations pour mariages gris, qui ont eu l’effet inverse à l’effet escompté. En effet, la réforme du 16 juin 2011 a rendu plus compliqué pour les couples de se marier, tout en entraînant des chantages aux papiers.

Si la fin du délit de solidarité est à saluer, il n’en reste pas moins des sujets d’inquiétude. Je voudrais vous faire part plus précisément, monsieur le ministre, d’une interrogation. L’appel d’offres concernant les contrats de mission avec les associations présentes dans les centres de rétention a été publié hier. Il comprend une clause notifiant une « pénalité de 500 euros qui serait appliquée pour chaque manquement aux obligations contractuelles », telles que « le non-respect du principe de réserve et de l’obligation de discrétion ».

Je souhaiterais que vous pussiez nous rassurer : il faut que les associations disposent à l’avenir des moyens suffisants pour intervenir dans les centres de rétention. La présence de ces associations est une garantie essentielle des droits des personnes retenues. Il ne peut d’ailleurs y avoir d’obligation de réserve pour des associations de défense des droits humains et des libertés.

Les inquiétudes résident également dans le fait que ce projet ne rompt pas franchement avec la conception tendant à soumettre l’immigration à un régime pénal d’exception. Les avancées du projet n’effacent pas, en effet, la continuité dont il porte encore la marque par rapport aux politiques publiques mises en place depuis de longues années par la droite pour traquer et expulser les étrangers.

Or les décisions de la Cour de justice de l’Union européenne puis de la Cour de cassation auraient pu nous conduire à esquisser une réforme bien plus ambitieuse ; elle aurait pu nous conduire à réformer le CESEDA afin de faire entrer les immigrés dans le droit commun. C’eût été davantage de travail, certes, mais c’eût été aussi un plus grand dessein.

Une réforme raisonnable pourrait viser à supprimer dans le code d’entrée et de séjour des étrangers le délit de séjour sur le territoire français. Une grande réforme a été annoncée par le ministre de l’intérieur pour 2013 ; il peut compter sur le soutien du groupe écologiste pour sortir l’immigration d’un statut d’exception.

La garde à vue pour toute personne ayant commis un délit, notamment celui de ne pas se plier à une décision d’éloignement, aurait été appropriée et respectueuse du droit communautaire, ainsi que le rappellent la Commission nationale consultative des droits de l’homme et le Syndicat de la magistrature, lequel souligne d’ailleurs l’inutilité de cette nouvelle retenue pour vérification du droit au séjour. Je salue donc les apports des sénateurs et des sénatrices qui ont travaillé à ce que le délit d’entrée irrégulière ne soit pas conçu de manière trop large dans le temps et ne vienne pas ainsi, une fois de plus, s’opposer au droit de l’Union.

Je voudrais aussi attirer votre attention, monsieur le ministre, sur le fait que, même si l’étude d’impact présentée par le Gouvernement indique que la réforme proposée est conforme à la jurisprudence, un risque n’en existe pas moins en la matière. La Cour de cassation a en effet indiqué qu’il est possible de contrôler des personnes seulement si « des éléments objectifs déduits de circonstances extérieures à la personne même de l’intéressé sont de nature à faire apparaître sa qualité d’étranger », formulation que vous avez conservée pour ce projet de loi.

La retenue pour vérification du droit au séjour que nous mettons en place ne manquera pas toutefois de créer du contentieux quant à d’éventuels contrôles au faciès ou des ruptures d’égalité devant la loi. Voilà pourquoi nous avons déposé un amendement visant à ce que la délivrance – déjà discutée ici et que le Gouvernement a écartée, un peu rapidement à notre sens – d’un récépissé lors des contrôles d’identité fasse l’objet d’une expérimentation dans le cours de l’année. Ce procédé a déjà fait ses preuves pour ce qui est d’améliorer les relations entre la police et les citoyens, comme nous le montre notamment l’exemple espagnol ; sa mise en place permettrait, à terme, un respect réel des critères soulevés par la Cour de cassation.

Les propositions formulées le 6 décembre par le ministre de l’intérieur dans le cadre du projet de code de déontologie pour les forces de police – notamment celles qui concernent le vouvoiement – me paraissent aller dans le bon sens, mais elles sont encore insuffisantes pour régler le problème. Il me semble en effet que le dispositif proposé n’empêche en rien des pratiques comme les coups de filet et les arrestations collectives qui ont lieu dans les foyers de migrants ou d’autres lieux réunissant d’éventuels sans-papiers. Il faut mettre un terme ces pratiques.

La durée maximale de retenue choisie par le Gouvernement – 16 heures – fait l’objet du soutien, semble-t-il, des sénateurs et des députés de la majorité. D’autres options ont pourtant été discutées, comme celle de 10 heures plus 6 heures, que vous avez écartée.

Je réitère ici l’attachement du groupe écologiste à ce que tout type de retenue soit limité au strict minimum, ce qui ne semble hélas pas le cas.

Peut-être pourrons-nous revenir sur cette disposition dans quelques mois, dotés d’outils d’analyse et de bilan sur le délai dont ont réellement besoin les officiers de police judiciaire pour remplir leur tâche de vérification des titres de séjour ? L’informatisation croissante du système devrait permettre de limiter encore les besoins en temps. J’ai confiance dans le Gouvernement pour répercuter ces gains de temps sur les délais de rétention, pour le plus grand bien des retenus comme des officiers de police.

Vous l’avez compris, le groupe écologiste votera contre cet article.

J’en viens maintenant aux garanties visant à préserver les droits des retenus. Je salue le travail parlementaire, qui a permis des ajustements notables, allant dans le bon sens. Je pense notamment au droit d’être examiné par un médecin, aux conditions du recours au port des menottes, à l’extension du choix par les retenus des personnes à prévenir.

Je m’arrêterai plus longuement sur les faiblesses du dispositif soumis à la discussion. En tout premier lieu, nous devrons prêter attention à la capacité d’intervention du procureur de la République, dont la charge de travail est lourde. L’ouverture de nouveaux droits doit être accompagnée d’ajustements proportionnés, sous peine de voir ces droits rester sans effet. Je dois avouer que le dispositif proposé aujourd’hui me laisse interrogatif.

Mesure phare des réformes de 2011 visant à éviter le contrôle des juges, le recul de l’intervention du juge judiciaire du deuxième au cinquième jour de la rétention est un point de forte divergence. En 2011, l’opposition d’alors avait fustigé cette disposition. Je ne vous cacherai pas que la tentation a été grande de rechercher les amendements que le groupe SRC avait déposés pour dénoncer ce passage de deux à cinq jours…

Le Gouvernement a refusé jusqu’à présent de rééquilibrer les pouvoirs du juge par rapport à ceux de l’administration. Pourtant, la Commission nationale consultative des droits de l’Homme est allée dans le même sens que les associations, les avocats et les magistrats en réclamant elle aussi, dans son avis du 22 novembre 2012, une intervention du juge au deuxième jour de rétention.

La CNCDH a rappelé que le juge judiciaire est garant notamment du contrôle de ce que font la police et l’administration durant l’interpellation et la garde à vue dans son ancienne, comme dans sa future organisation.

Rétablir l’intervention du juge des libertés et de la détention au deuxième jour est primordial car cette garde à vue « bis » offre moins de garanties encore que la précédente. L’intervention du procureur dans la nouvelle procédure de retenue est donc d’autant plus nécessaire que l’intervention du JLD n’intervient, comme vous le prévoyez, qu’après cinq jours de rétention.

J’aimerais, monsieur le ministre, que vous puissiez nous rassurer sur les capacités de prise en charge de cette nouvelle procédure par le procureur de la République. En effet, les chiffres sont inquiétants : en 2010, 8,4 % des étrangers placés en rétention étaient éloignés avant la fin du deuxième jour – avant, donc, l’intervention du JLD. Depuis la réforme de 2011, ce sont 25 % des personnes retenues qui sont éloignées au cours des cinq premiers jours, sans que le juge puisse vérifier la légalité de la procédure.

Enfin, je me permets de souligner que, comme l’a rappelé la Cour européenne des droits de l’Homme dans l’arrêt France Moulin du 23 novembre 2010, le procureur de la République n’est pas une autorité indépendante. Sous cet angle également, l’effectivité du contrôle de la procédure m’inquiète.

D’autres questions se posent également quant à l’intervention de l’avocat et au droit à l’interprète. Sur ces points-là, j’aimerais que nous puissions trouver ensemble des compromis qui ne soient ni trop coûteux ni trop exigeants, et qui fassent avancer la réalité des droits et des libertés fondamentales. Les amendements du Gouvernement sont fort bienvenus et constituent des avancées.

Je soutiens également l’amendement concernant le « droit de garder le silence ». Ce sont le travail parlementaire et la bonne entente avec le Gouvernement qui permettent de garantir le respect des libertés fondamentales ainsi que la conformité au droit de l’Union européenne.

Le groupe écologiste a déposé un sous-amendement à l’amendement présenté par le Gouvernement, demandant à ce que l’avocat soit en mesure de proposer des observations annexées au procès-verbal. La retenue pour vérification du droit au séjour doit en effet accorder à l’étranger des droits comparables à ceux des personnes gardées à vue. J’espère qu’il recueillera un avis favorable.

Enfin, nous avons déposé un amendement supprimant la notion de « langue dont il est raisonnable de supposer [que l’étranger] la comprend », dont la formulation est bien floue. Elle crée des difficultés d’interprétation, mais également de mise en œuvre. Nous risquons ainsi de placer les agents dans une situation difficile. Même de bonne foi, ceux-ci pourront se tromper ; ils seront alors poursuivis pour discrimination ou agissements discrétionnaires. Évitons-leur de subir ce type d’incrimination et assurons-nous du respect réel du droit des retenus : ouvrons un vrai droit à l’interprète !

Le texte présenté par le Gouvernement représente une avancée. J’aurais voulu qu’il soit en rupture plus franche avec les politiques mises en place par la droite lors des précédentes législatures. Le travail parlementaire a toute sa place : le projet de loi peut et doit être amélioré.

Mme la présidente. La parole est à M. Roger-Gérard Schwartzenberg.

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Madame la présidente, monsieur le ministre, nous savons ce gouvernement attaché aux droits de l’homme et aux valeurs républicaines. Ce projet de loi vise à l’équilibre entre deux nécessités : d’une part, ne pas admettre l’entrée et le séjour irréguliers sur notre territoire ; d’autre part, garantir un traitement digne et des procédures équitables aux étrangers dont le droit au séjour est en cours de vérification, en se gardant de toute dérive xénophobe à fin électoraliste, comme cela fut le cas naguère. Toutefois, l’équilibre entre ces deux impératifs peut être encore amélioré. Tel est l’objectif des amendements du groupe RRDP.

La loi du 16 juin 2011, promulguée sous le quinquennat précédent, a porté de deux à cinq jours le délai d’intervention du juge des libertés et de la détention. Il importe de ramener ce délai à 48 heures.

Selon l’article 66 de la Constitution : « Nul ne peut être arbitrairement détenu. L’autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, assure le respect de ce principe dans les conditions prévues par la loi. »

Même si la « retenue » – expression assez euphémique – que ce projet de loi institue n’est pas exactement une « détention », l’étranger « retenu » subit une mesure privative de liberté. II faut donc qu’il puisse disposer d’un accès rapide au JLD, c’est-à-dire à un magistrat de l’autorité judiciaire, « gardienne de la liberté individuelle » aux termes de la Constitution.

En l’état actuel du droit, seul ce magistrat est en mesure de contrôler la légalité de la procédure engagée et, au besoin, de sanctionner l’irrégularité de celle-ci par une annulation et une remise en liberté immédiate.

Depuis la loi du 16 juin 2011 relative à l’immigration, beaucoup d’étrangers ont été reconduits dans ce nouveau délai de cinq jours, sans avoir pu bénéficier d’un contrôle de légalité de la procédure dont ils ont fait l’objet. Il importe donc de revenir au délai de 48 heures et de garantir l’accès effectif au juge.

Le 28 novembre, la commission des lois a été saisie d’un amendement de notre collègue Matthias Fekl, qui visait précisément à ramener le délai d’intervention du JLD de cinq jours à 48 heures. Mais, comme vous le savez, cet amendement a été retiré, le Gouvernement s’étant engagé à traiter cette question dans un texte qui sera examiné par le Parlement en 2013.

Pour ma part, je juge préférable de maintenir un tel amendement, car c’est une restriction à la liberté fondamentale d’aller et venir qui est en jeu, et l’on ne peut donc attendre, pour modifier cette disposition de la loi de 2011, que soit achevé le travail de réforme du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, ou CESEDA.

Le législateur n’a pas vocation à temporiser, à procrastiner. Il n’a pas à s’autoriser l’indécision ou l’irrésolution quand il s’agit d’assurer le respect d’un droit fondamental.

Un autre de nos amendements concernait l’assistance d’un avocat, le texte initial ne comportant pas les mêmes garanties que celles qui sont accordées aux personnes en garde à vue. Cet amendement a été satisfait lors des travaux de la commission. Même s’il n’y a pas identité intégrale entre les droits du gardé à vue et ceux du retenu, un progrès significatif a été réalisé.

À propos de ce texte, il importe d’évoquer une question voisine très regrettable : l’interpellation en préfecture des étrangers en situation irrégulière. Souvent, les services convoquent ceux-ci à la préfecture en leur laissant croire qu’il s’agit de réexaminer leur situation administrative, alors que cette convocation vise à permettre leur interpellation au guichet, en vue d’un éloignement forcé.

Cette pratique piégeuse est autorisée et réglementée par une circulaire du 21 février 2006, signée conjointement par les ministres de l’intérieur et de la justice d’alors, M. Nicolas Sarkozy et M. Pascal Clément.

Cette circulaire relative aux « conditions d’interpellation d’un étranger en situation irrégulière » a été curieusement validée par le Conseil d’État dans son arrêt Ligue des droits de l’homme, rendu le 7 février 2007. Pourtant, la veille même, le 6 février 2007, la Cour de cassation avait condamné cette manœuvre visant à abuser la personne convoquée pour pouvoir procéder à son éloignement forcé.

Selon la première chambre civile de la Cour de cassation, cette interpellation constitue une pratique « déloyale », contraire à l’article 5, paragraphe 1, de la Convention européenne des droits de l’homme, qui dispose : « Nul ne peut être privé de sa liberté, sauf selon les voies légales. »

Ainsi, le 5 février 2012, dans l’affaire Conka c/Belgique, la Cour européenne des droits de l’homme a jugé incompatible avec l’article 5 que « l’administration décide consciemment de tromper des personnes, même en situation illégale, sur le but d’une convocation, pour mieux pouvoir les priver de leur liberté ».

Il est donc grand temps d’abroger la circulaire du 21 février 2006, circulaire indigne et contraire aux arrêts de la Cour européenne et de la Cour de cassation. À défaut de le faire aujourd’hui, nous comptons sur le Gouvernement pour l’abroger en 2013 dans le cadre de la refonte du CESEDA.

Enfin, l’article L. 622-1 du CESEDA définit le délit d’aide à l’entrée et au séjour irréguliers des étrangers et le sanctionne d’un emprisonnement de cinq ans – excusez du peu ! – et d’une amende de 30 000 euros.

Toutefois, comme vous le savez, il existe deux immunités. Une immunité dite familiale a été instituée par la loi du 22 juillet 1996, la loi du 11 mai 1998 ayant étendu son champ d’application étendu. Selon ce dispositif, l’aide apportée par un parent, un conjoint de ce parent ou encore le conjoint de l’étranger ne peut donner lieu à des poursuites pénales.

En revanche, comme le souligne l’étude d’impact, cette immunité ne concerne pas les membres de la famille du conjoint. Seul le conjoint est visé ; ses ascendants et ses frères et sœurs ne le sont pas, bien qu’il puisse s’agir de personnes proches de l’étranger, comme un beau-père ou une belle-sœur.

Il importe de rationaliser le régime actuel des immunités familiales tel qu’il figure à l’article L. 622-4 du CESEDA. Le texte adopté par le Sénat et précisé par notre commission des lois étend donc le champ des immunités familiales aux membres de la famille du conjoint – ascendants, descendants, frères et sœurs.

L’immunité dite humanitaire a été consacrée par les lois du 26 novembre 2003 et du 16 juin 2011. Le texte aujourd’hui en vigueur exempte de poursuites pénales « toute personne physique ou morale, lorsque l’acte reproché était, face à un danger actuel ou imminent, nécessaire à la sauvegarde de la personne de l’étranger, sauf s’il a donné lieu à une contrepartie directe ou indirecte ».

Il convient, en effet, de distinguer les agissements des passeurs des actes de solidarité des organismes sociaux, des associations humanitaires et, au-delà, de tous ceux qui ont pour seul but celui d’aider des personnes en proie au dénuement. Bref, ceux qui apportent une assistance sans aucune contrepartie et accomplissent des actes de solidarité envers des personnes en grande difficulté.

La rédaction proposée par la commission des lois marque donc une double avancée. D’une part, elle ne limite plus le régime de l’immunité humanitaire aux seules situations d’urgence ; d’autre part, elle fait en sorte que toutes les actions secourable et désintéressée puissent effectivement entrer dans le champ de l’immunité humanitaire, au-delà des seules aides énumérées par l’article L. 22-4 du CESEDA.

Le Sénat y a ajouté les prestations de soins médicaux, tout en maintenant le principe de l’énumération des aides apportées. Pour éviter les inconvénients pouvant résulter, le cas échéant, d’une énumération limitative des prestations concernées, notre commission des lois a complété le texte voté par le Sénat,| en y ajoutant la référence à « toute autre aide visant à préserver la dignité ou l’intégrité physique ».

Cette extension du champ de l’immunité humanitaire est une avancée très nécessaire. En effet, il faut en finir avec ce qu’on appelle souvent le « délit de solidarité », avec les sanctions dont sont passibles ceux qui aident les personnes en détresse, sans aucune contrepartie directe ou indirecte.

La solidarité ne peut être un délit. En réalité, le degré de civilisation d’une société se mesure à l’assistance ou à la protection qu’elle accorde aux plus faibles et aux plus vulnérables, parmi lesquels figurent naturellement les migrants.

L’altruisme, la compassion, l’empathie ne peuvent être considérés comme des infractions, et il n’est jamais acceptable que la loi pénale contredise la loi morale, surtout, si celle-ci remonte à trois millénaires, c’est-à-dire à l’Ancien Testament.

Le ministre de l’intérieur, étant aussi ministre des cultes, connaît obligatoirement la prescription du Lévitique : « Si un étranger vient séjourner avec vous, dans votre pays, ne le maltraitez pas. Il sera comme un de vos compatriotes et tu l’aimeras comme toi-même, car vous avez été étrangers au pays d’Égypte. »

L’hospitalité, la charité, la solidarité sont inscrites dans la tradition judéo-chrétienne et, au-delà, dans la tradition laïque et humaniste. D’ailleurs, qu’on veuille bien s’en souvenir : le troisième terme de la devise républicaine, rappelé à l’article 2 de la Constitution, est la fraternité. La fraternité ; pas l’intolérance à autrui, ni la xénophobie, surtout utilisée à des fins électoralistes.

Le très regrettable débat sur « l’identité nationale », organisé par le pouvoir précédent en 2009, a instillé l’idée que les immigrés, voire les Français issus de l’immigration, mettraient en péril l’identité de notre pays. Pourtant, plusieurs étrangers ou fils d’étrangers ont apporté beaucoup à la France, à sa tradition, à son histoire, en servant leur nouvelle patrie de manière exemplaire :

Né à Cahors d’un père italien, Léon Gambetta n’a pu acquérir la nationalité française qu’à vingt et un ans, en 1859. Onze ans agrès, en 1870, à l’âge de trente-deux ans, il est ministre de l’intérieur et organise la défense de la patrie.

En février 1944, les vingt-trois résistants de l’Affiche rouge sont fusillés au Mont Valérien. Ils s’appelaient Manouchian – Arménien –, Rajman – Polonais – ou Boczov – Hongrois –, et ils sont morts pour la France.

Au soir du 24 août 1944, le détachement de la 2e DB commandé par le capitaine Dronne entre le premier dans Paris pour la libérer : 80 % de ses membres sont des républicains espagnols.

Ces hommes, venus d’ailleurs, ont contribué à faire la France et à écrire son histoire, l’histoire d’une République qui peut, qui doit redevenir main tendue et espoir partagé. (Applaudissements sur les bancs des groupes RRDP et SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Dolez.

M. Marc Dolez. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis 2002, le droit des étrangers en France a été profondément altéré. L’enfermement a été banalisé, devenant la procédure ordinaire pour organiser leur éloignement. Le rôle du juge judiciaire, gardien de la liberté individuelle, conformément à l’article 66 de la Constitution, a été marginalisé tandis que les pouvoirs de l’administration ont sans cesse été renforcés. Bref, les étrangers et les migrants sont aujourd’hui soumis, dans notre pays, à des régimes d’exception permanents.

Malheureusement – et nous le regrettons vivement –, le projet de loi que nous examinons aujourd’hui est loin de rompre réellement avec la logique de ces dernières années.

Ce projet de loi vise d’abord à tirer les conséquences des arrêts de 2011de la Cour de justice de l’Union européenne, confirmés par la Cour de cassation, en créant une procédure spécifique de retenue pour les étrangers et en supprimant le délit de séjour irrégulier.

Pour leur part, les députés du Front de gauche sont opposés au principe même de la création d’une mesure spécifique aux étrangers. À vrai dire, l’argument avancé du vide juridique pour justifier le remplacement de la garde à vue par cette procédure ad hoc n’emporte pas notre conviction.

D’abord, la garde à vue, massivement utilisée comme antichambre de l’expulsion du territoire, ne constituait rien d’autre qu’un détournement d’une procédure judiciaire à des fins purement administratives, comme le reconnaît d’ailleurs explicitement l’étude d’impact du projet de loi : « De fait, la garde à vue a pu, par le passé, offrir un cadre juridique fréquemment utilisé pour établir l’infraction de séjour irrégulier. »

Ensuite, la création d’une procédure spécifique paraît surabondante, dans la mesure où le droit positif actuel dispose déjà d’une procédure de contrôle d’identité. Cette procédure, prévue par l’article 78-3 du code de procédure pénale, donne un délai de quatre heures aux forces de l’ordre pour vérifier l’identité d’une personne, qu’elle soit française ou étrangère. Ce délai devrait également leur permettre de vérifier si la personne se trouve en règle avec la législation relative au séjour, grâce aux moyens techniques dont elles disposent.

Enfin, et comme l’ont relevé la CIMADE et la Commission nationale consultative des droits de l’homme, le nombre des placements en rétention suite aux arrêts de la Cour de cassation est resté relativement stable, ce qui atteste bien que la procédure de vérification d’identité de droit commun ne fait pas obstacle à la politique d’éloignement des étrangers.

Si nous ne comprenons ni la nécessité ni l’urgence de créer un dispositif d’exception, nous contestons également la durée de la retenue. La privation de liberté pendant seize heures nous apparaît manifestement excessive, au regard de la finalité même de la mesure et alors qu’aucune infraction n’a été commise. La retenue des étrangers est ici encore une fois banalisée, alors qu’elle entraîne une privation de liberté qui peut être traumatisante, y compris pour la famille et plus particulièrement les enfants.

J’ajoute que de l’ambiguïté de la nature juridique de la retenue il résulte indiscutablement une incertitude sur la nature des recours qui seront ouverts contre cette mesure privative de liberté.

Surtout, l’information systématique donnée au procureur de la République ne saurait garantir que la détention n’est pas arbitraire. Je reviendrai sur ce point lors de la discussion des articles, pour souligner qu’il est impératif de permettre au juge judiciaire de se prononcer sur la régularité de la procédure.

Par ailleurs, comme le reconnaît là encore l’étude d’impact, il ne fait aucun doute que ce dispositif a pour objectif principal de laisser le temps à l’administration de prendre les mesures nécessaires à l’éloignement de l’étranger retenu. La retenue des étrangers se substitue donc à la garde à vue comme antichambre des mesures d’éloignement.

Au regard des conséquences dramatiques qui pourraient en résulter, les droits accordés à l’étranger retenu ne sauraient évidemment être moins protecteurs que ceux accordés aux personnes placées en garde à vue, en particulier s’agissant du droit à un avocat, du droit à un interprète et du droit à garder le silence.

S’agissant de la dépénalisation du simple séjour irrégulier, il s’agit ici d’une autre conséquence de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne interprétant la directive « Retour ». La mise en conformité du droit français imposait au Gouvernement d’abroger l’article L. 621-1 du CESEDA, qui prévoit et réprime le séjour irrégulier, alors même que l’autorité administrative n’aura pas effectivement mis en œuvre toutes les mesures propres à y mettre fin.

Le délit d’entrée irrégulière sur le territoire, prévu à l’article L. 621-2 est en revanche maintenu par le projet de loi. Il semble pourtant incohérent que l’entrée sur le territoire soit punissable, alors que le séjour simple ne l’est plus. Comme le souligne très justement l’Union syndicale des magistrats, maintenir le texte en l’état peut laisser craindre des poursuites pour entrée irrégulière, afin de contourner l’interdiction de poursuites du chef de séjour irrégulier.

De même, la création du délit de maintien sur le territoire lorsque les mesures propres à permettre l’exécution de l’éloignement ont été mises en œuvre, outre qu’il est redondant par rapport au délit d’obstruction à une mesure d’éloignement, soulève la question de savoir à quel moment précis ces mesures peuvent être considérées comme épuisées.

Concernant l’autre objet principal du projet de loi, à savoir la suppression du délit de solidarité, nous regrettons que le texte se contente d’élargir le champ des immunités au lieu d’inverser la logique du dispositif. En choisissant un dispositif d’immunité par dérogation, le projet laisse aux aidants la charge de la preuve du caractère désintéressé de l’aide qu’ils apportent. Ils restent donc exposés aux investigations policières et au placement en garde à vue.

Plusieurs exemples emblématiques attestent de ces dérives : la garde à vue de deux intervenantes sociales travaillant pour France Terre d’Asile, au motif qu’elles avaient donné leur numéro de portable privé à de jeunes Afghans et leur avaient remis une carte attestant qu’ils faisaient l’objet d’un suivi social ; la garde à vue du responsable d’un foyer Emmaüs, qui hébergeait un étranger en situation irrégulière ; la garde à vue d’une bénévole de l’association « Terre d’errance » qui avait rechargé le portable d’un migrant…

On nous dit qu’aucune poursuite n’est engagée contre des réseaux de solidarité, mais les travailleurs sociaux comme les bénévoles sont mis en difficulté par l’existence même de cette disposition. Celle-ci ne sert d’ailleurs que de façon marginale au démantèlement des filières clandestines, qui sont pourtant les cibles visées. C’est pourquoi nous regrettons que le Gouvernement fasse le choix d’étendre l’immunité pénale pour l’aide aux étrangers plutôt que de redéfinir ce délit en le subordonnant explicitement à l’existence d’un but lucratif.

C’est pour l’ensemble de ces raisons que notre groupe déposera des amendements tendant à la suppression de ce régime d’exception, ainsi que des amendements de repli tendant à garantir les droits des étrangers retenus. Si ces amendements devaient ne pas être adoptés, vous l’aurez compris, les députés du Front de gauche seraient amenés à voter contre le texte.

Mme la présidente. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

5

Ordre du jour de la prochaine séance

Mme la présidente. Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

Suite du projet de loi relatif à la retenue pour vérification du droit au séjour et à la modification du délit d’aide au séjour irrégulier.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures.)