Accueil > Travaux en séance > Les comptes rendus > Les comptes rendus de la session > Compte rendu intégral

Afficher en plus grand
Afficher en plus petit
Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2012-2013

Compte rendu
intégral

Séance du jeudi 20 décembre 2012

SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE

SOMMAIRE


Présidence de Mme Catherine Vautrin

1. Projet de loi de finances pour 2013

Présentation

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué chargé du budget

M. Christian Eckert, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Discussion générale

M. Hervé Mariton

M. Jean-François Lamour

M. Philippe Vigier

Mme Eva Sas

M. Gérard Charasse

M. Gaby Charroux

M. Pierre-Alain Muet

M. Éric Alauzet

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

M. Jean Launay

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué

Vote sur l’ensemble

2. Projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017

Présentation

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué chargé du budget

M. Christian Eckert, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Discussion générale

M. Hervé Mariton

M. Charles de Courson

M. Frédéric Reiss

M. Éric Alauzet

M. Gaby Charroux

M. Pierre-Alain Muet

Mme Eva Sas

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué

Vote sur l’ensemble

3. Nomination du directeur général de la société anonyme BPI-Groupe

Présentation

M. Benoît Hamon, ministre délégué

M. Jean-Jacques Urvoas, président et rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

Discussion générale

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances

M. Frédéric Reiss

M. Benoît Hamon, ministre délégué

Vote sur l’ensemble

4. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de Mme Catherine Vautrin
vice-présidente

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1

Projet de loi de finances pour 2013

Lecture définitive

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion en lecture définitive du projet de loi de finances pour 2013 (nos 548, 574).

Présentation

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué chargé du budget.

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué chargé du budget. Madame la présidente, monsieur le rapporteur général, mesdames et messieurs les députés, nous abordons la dernière lecture du projet de loi de finances pour 2013. Ce projet de loi marque la détermination du Gouvernement à redresser nos comptes publics, d’où l’effort très important en matière d’économies et qui ne l’est pas moins en matière d’effort fiscal, un effort qui, en proportion, s’inversera au cours de la législature pour n’être plus qu’un effort en économies selon un processus déjà abondamment décrit et défendu.

Le projet de loi porte bien sûr la marque des priorités du Gouvernement, qu’il s’agisse de l’emploi, de la jeunesse, de la sécurité, de la justice, et bien sûr du logement. Il porte également l’empreinte des travaux parlementaires. À cet égard, je tiens à remercier la représentation nationale, qui a permis d’améliorer le solde budgétaire de près de 400 millions d’euros, ce qui est relativement novateur. La légende colporte l’idée que l’Assemblée nationale et les parlementaires en général seraient les principaux vecteurs de la dépense, et d’une certaine manière d’une irresponsabilité. Une fois encore, le parlement a montré que, loin de cette image, il est l’institution qui, dans notre République, a toujours su veiller de façon scrupuleuse à épargner les fonds publics dans leur utilisation.

Le Sénat a contribué de manière relativement originale à l’élaboration de cette loi de finances (Sourires) puisque le texte a été rejeté en première lecture, puis a fait l’objet d’une question préalable adoptée en deuxième lecture.

M. Charles de Courson. Votée par la majorité socialiste ! Un non-débat !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Cependant, je voudrais souligner la qualité des débats qui ont eu lieu en première lecture, qu’il s’agisse du prélèvement sur recettes complémentaires venant compenser la perte de recettes pour les communes, de l’exonération des délégations, des concessions ou des contrats de partenariat ou qu’il s’agisse de la limitation des contrats conclus avant la promulgation de la loi de finances. D’autres mesures résultent d’une volonté exprimée par l’Assemblée et le Sénat, c’est le cas du relèvement à sept chevaux du plafond du barème kilométrique.

Qu’il me soit permis d’indiquer, M. Mariton ayant fait un rappel au règlement à ce propos, que c’est très sereinement que les uns et les autres ont pu constater que si une majorité de gauche existe au Sénat, il n’y a pas dans la Haute assemblée de majorité gouvernementale, la chose n’est pas nouvelle. Cela est arrivé à de nombreuses reprises entre 1981 et 1986, 1988 et 1993, 1997 et 2002 et pendant les deux dernières années de la législature précédente lorsque François Fillon était Premier ministre. Élue au suffrage universel direct, l’Assemblée nationale a le dernier mot, c’est donc ici que les choses se tranchent en cas de conflit.

Comme je l’ai fait hier à l’occasion de la dernière lecture du projet de loi de finances rectificative, je souhaite remercier la présidence, le service de la séance, les parlementaires de la majorité et de l’opposition. Mes remerciements vont bien sûr au rapporteur général, comme je l’ai fait hier, de manière aussi sincère. Je remercie également les parlementaires de la majorité qui ont puissamment contribué à améliorer ce texte : Pierre-Alain Muet, Dominique Lefebvre, Sandrine Mazetier, Daniel Goldberg, Thomas Thévenoud, Karine Berger, Laurent Grandguillaume, Valérie Rabault, l’ensemble des orateurs du groupe socialiste, mais également les autres parlementaires de gauche de cette assemblée, en particulier le président Schwartzenberg, Nicolas Sansu, Éric Alauzet. Enfin, je remercie les parlementaires de l’opposition qui, par leur rôle, ont utilement contribué à ce que le Gouvernement explique autant qu’il le pouvait ses intentions ainsi que le détail des mesures qu’il a proposées. Merci donc à MM. Mariton, de Courson, Philippe Vigier, Jean-François Lamour, dont je salue la présence assidue dans cette enceinte.

Je ne veux pas oublier les parlementaires qui, à l’occasion de leur première législature, font preuve d’un élan de bon aloi pour défendre leurs territoires et, le cas échéant, les subventions au commerce et à l’artisanat par le biais du FISAC, dispositif auquel tout le monde est extraordinairement attaché, certains peut-être plus que d’autres, dispositif que nous améliorerons grâce à leur concours, n’est-ce pas madame la députée du Comminges ? (Sourires.)

Voilà, madame la présidente, les quelques mots que je souhaitais prononcer avant la discussion générale de cette dernière lecture. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.

M. Christian Eckert, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, quelques mots sur le contenu de cette loi de finances que nous nous apprêtons à adopter, même si le suspense est intense.

Nous avons fait un bon travail législatif, avec franchise, parfois marqué par des échanges vifs, mais toujours courtois. C’était pour moi la première loi de finances en tant que rapporteur général. On m’avait prédit que je serais dans un tunnel. Mon prédécesseur à ce poste m’avait prévenu que l’exercice serait « sportif », compte tenu de l’importance du travail à conduire, en tout cas accompagné de stress et de tension. Je confirme que je vois le bout du tunnel à cet instant. (Sourires.)

M. Charles de Courson. Il n’y a pas de bout du tunnel !

M. Christian Eckert, rapporteur général. Nos situations personnelles doivent évidemment être mises de côté et nous devons faire preuve de modestie face à l’ampleur de la tâche qui est la nôtre.

Nous avons cherché à redresser les comptes de la nation, dans un souci de justice, d’équilibre et d’efficacité économique en préservant, au nom de la justice sociale, les contribuables les plus modestes, même si nous demandons un effort à tout le monde, et, au plan économique, les petites entreprises. S’agissant de l’impôt sur les sociétés, du coup de rabot sur la déductibilité des frais financiers à l’IS, ce sont surtout les grosses entreprises qui seront sollicitées, de manière juste. Le redressement des comptes publics profitera à l’économie tout entière, et lui profite déjà puisque les taux d’intérêt sont relativement faibles. Il y a six mois, on nous prédisait qu’après les élections les taux d’intérêt exploseraient, qu’il y aurait un cataclysme financier. Je me fais un plaisir de rappeler que les taux d’intérêt n’ont jamais été aussi bas depuis très longtemps et je crois, monsieur le ministre, que la marque que vous avez imprimée à la trajectoire des finances publiques y est pour beaucoup.

M. Philippe Vigier. Oh !

M. Christian Eckert, rapporteur général. Elle a probablement permis de stabiliser les attaques contre la monnaie, de rassurer les marchés même si ce n’est pas le but ultime, ni le seul, d’une politique financière. Cela a permis de placer le pays et les entreprises dans une situation qui reste plutôt favorable.

Un mot – et ce sera ma dernière idée de ce matin – sur la question de savoir s’il faut aller plus loin en termes de révolution fiscale. Certains disent que nous n’avons pas mis en œuvre suffisamment d’aménagements. Vous en êtes, monsieur Mariton, l’illustration.

M. Hervé Mariton. Ah !

M. Christian Eckert, rapporteur général. Vous n’avez en effet cessé de nous dire que nous avons été trop loin dans nos changements de la fiscalité.

M. Hervé Mariton. Trop mal !

M. Jean-François Lamour. Ce n’est pas une question de distance, mais de quantité !

M. Christian Eckert, rapporteur général. D’autres, de l’autre côté de l’hémicycle, ou certains économistes bien connus nous disent que la révolution fiscale promise n’a pas eu lieu.

Avec la loi de finances rectificative de l’été, la loi de finances rectificative pour 2012 que nous avons définitivement adoptée hier soir, et ce projet de loi, nous avons mis en place énormément d’outils nouveaux. Nous avons aligné une grande partie des revenus du capital sur les revenus du travail, créé une tranche d’impôt supplémentaire à 45 % pour les plus hauts revenus, proposé des aménagements importants de l’impôt sur les sociétés – notamment les modifications sur la niche Copé, qui nous a privés de tant de recettes – et procédé au rabotage sur la déductibilité des frais financiers. Certains nous disent que ce n’est pas une révolution fiscale. Pour ma part, je considère que nous avons fait beaucoup sur le plan fiscal, nous permettant d’élargir l’assiette de l’impôt et d’en retirer les produits, qui ne manqueront pas d’être au rendez-vous lors de la reprise d’une croissance plus solide, ce que nous espérons tous.

Avec une croissance plus solide, les nouveaux outils que nous avons mis en place produiront des ressources, nous l’espérons, qui redonneront des marges de manœuvre.

Ce n’est pas l’impôt pour l’impôt, mais l’impôt pour réduire les déficits abyssaux que nous avons trouvés. Nous devons réduire la dette publique au moins par égard pour ceux qui nous survivront.

Je formulerai les remerciements d’usage, que vous avez déjà anticipés, monsieur le ministre, au moment où nous examinerons notre dernière loi de finances, la loi de programmation des finances publiques 2012-2017. En tout état de cause, je vous remercie des mots aimables que vous avez prononcés à mon égard. Je ne suis que le rapporteur de la commission des finances et j’essaie, certes avec ma sensibilité – tout le monde connaît mes points de vue par rapport à la majorité en place – mais assez objectivement,…

M. Charles de Courson. Très critique. (Sourires.)

M. Christian Eckert, rapporteur général. …parfois de façon un peu partisane.

M. Charles de Courson. Vraiment partisane.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Bref, j’essaie d’éclairer l’ensemble des parlementaires. J’ai été entouré d’une équipe remarquable, qui est sans doute aussi fatiguée que moi, et probablement davantage…

M. Charles de Courson. Mais non, ils sont jeunes !

M. Christian Eckert, rapporteur général. …car ils ont dû faire face à des dysfonctionnements informatiques qui les ont conduits à « zapper » une nuit de sommeil. Je tiens donc d’ores et déjà à les remercier. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mes chers collègues, je me dois d’utiliser les formules d’usage en vous rappelant que, conformément à l’article 45 alinéa 4 de la Constitution, le Gouvernement demande à notre assemblée de statuer en dernier ressort. La commission mixte paritaire n’ayant pu parvenir à un texte commun et le Sénat ayant rejeté le texte en nouvelle lecture, l’Assemblée doit se prononcer sur le texte qu’elle a adopté en nouvelle lecture. Il y a quelques minutes, la commission des finances a, en application de l’article 114-3 du règlement, adopté, non pas à l’unanimité, mais à une large majorité, le projet de loi de finances pour 2013.

En conséquence, je vous propose d’adopter définitivement ce bon texte en dernier ressort. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Discussion générale

Mme la présidente. Dans la discussion générale, la parole est à M. Hervé Mariton.

M. Hervé Mariton. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, mes chers collègues, le rapporteur général vient de s’excuser de ne pas avoir été assez ambitieux en matière de révolution fiscale.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. De hausses d’impôts !

M. Hervé Mariton. Vous avez suffisamment chargé la barque, monsieur le rapporteur général.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Ce n’étaient pas des excuses.

M. Hervé Mariton. En tout état de cause, il peut y avoir des erreurs de stratégie, des erreurs de calcul et de méthode, sans même viser la révolution fiscale. Celle-ci figurait en effet dans différents passages de vos programmes du printemps dernier. Le fond ne s’est certes pas arrangé, mais il est heureux que vous l’ayez engagée un peu différemment !

Techniquement, les services de la commission mais aussi ceux du ministère et l’appareil d’État ont joué leur rôle. Cela aurait abouti sinon à de nombreuses erreurs. Il suffit de voir à quelles difficultés se heurte la mise en œuvre d’une seule réforme, et vous avez souvent cité celle de la taxe professionnelle ces dernières années, les ajustements successifs et toutes les corrections qu’elle peut nécessiter, indépendamment des divergences sur la stratégie.

Nous nous rendons bien compte que la révolution fiscale serait la pire nouvelle que vous puissiez apporter à nos concitoyens. Malheureusement, vous ne vous en êtes pas tenus suffisamment à distance.

Vous n’aurez pas réussi à rassurer nos concitoyens : vous avez inquiété les entreprises, vous avez inquiété les particuliers. Et cette inquiétude n’est pas factice, elle repose non pas sur des discours mais sur vos choix budgétaires, sur le matraquage fiscal et sur tout ce qu’a produit votre inventivité en matière d’impôts supplémentaires.

Il faut reconnaître toutefois que vous avez opéré un certain nombre d’allers-retours. S’ils ont rendu les choses un peu moins pires, ils nous laissent pantois devant la cohérence de votre stratégie.

Vous proposez une mesure de limitation de la déductibilité des charges financières pour les entreprises, puis vous vous rendez compte que vous avez oublié les contrats de partenariat. Au fil de la discussion parlementaire – avec toutefois moins de secours du Sénat que vous n’espériez –, vous corrigez le tir, comme le ministre s’y était engagé devant notre assemblée. Soit.

Par cette limitation et par d’autres mesures encore, vous aggravez lourdement la fiscalité sur les entreprises. Vous vous rendez compte, tardivement, qu’il y a un problème de compétitivité dans notre pays et vous apportez un correctif à travers le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, adopté hier soir avec le projet de loi de finances rectificative. Certes, les entreprises se réjouissent de moins payer grâce à ce crédit d’impôt, mais elles se seront inquiétées de l’alourdissement considérable de la charge fiscale que marque le projet de budget 2013.

Il résulte de ces allers-retours, au-delà du solde net, un climat de profonde inquiétude, vous le savez. Un grand nombre d’entreprises dans notre pays – des très grandes, des grandes, des moyennes, des petites – ont tout simplement décidé de poser le stylo. Il ne s’agit pas de décisions purement techniques ni même purement rationnelles, je vous l’accorde, mais la réalité est là.

Prenons l’exemple des « pigeons ». Voilà un dispositif mal cadré qui, même si vous l’avez corrigé – et nous devons vous donner acte de cette réactivité –, a eu un impact considérable sur l’état d’esprit des entrepreneurs de notre pays.

S’agissant aussi bien de fiscalité d’entreprises que de fiscalité des particuliers, votre créativité déroute. Les acteurs de l’économie de notre pays se posent des questions assez simples : que vont-ils inventer la prochaine fois ? La priorité de la majorité et du Gouvernement est-elle la compétitivité ou bien, faute de courage en matière de réduction des dépenses, le matraquage fiscal ?

Mme Karine Berger. C’est un spécialiste qui parle !

M. Hervé Mariton. Quelle stratégie suivent le Gouvernement et la majorité ? Les entreprises ne la voient pas. Vous savez très bien que le climat dans les entreprises, qu’il s’agisse des décisions d’investissement ou d’embauche, est bien plus déprimé qu’il y a quelques mois.

Il y a quelques mois, avant l’alternance, ce n’était pas le paradis,…

M. François Pupponi. C’était l’enfer !

M. Hervé Mariton. …– nous ne l’avons jamais prétendu, nous n’analysons pas la situation en ces termes –, et aujourd’hui, ce n’est pas nécessairement l’enfer, mais vous avez singulièrement plombé, comme on dit, l’atmosphère et le climat des affaires.

Venons-en aux particuliers.

Par un raccourci malheureux, vous avez affirmé que neuf Français sur dix ne seraient pas affectés par les augmentations d’impôts. Au fil des débats, vous avez été obligés de corriger vos assertions. Si certains Français favorisés seront particulièrement touchés par les hausses d’impôts – c’est affaire de proportion et l’on ne pleure pas nécessairement pour tout le monde –, les classes moyennes supérieures et les classes moyennes plus largement seront, elles aussi, lourdement pénalisées par vos choix fiscaux.

Sur ces choix, on peut exprimer des divergences – c’est l’essence du débat démocratique d’en discuter – mais là, force est de constater que vous atteignez le summum dans l’absurdité, au regard même de votre propre cohérence.

Cette ultime lecture est ainsi l’occasion de rappeler que la gauche, par le vote auquel elle va procéder, aura réussi ce tour de force remarquable de faire revenir le bouclier fiscal.

Nous tenons un autre exemple d’absurdité dans le plafonnement des avantages fiscaux pour l’impôt sur le revenu, que le rapporteur général – parce qu’il est lucide et consciencieux – décrit à la page 87 du tome III du rapport général, pudiquement mais clairement, comme un « article à rendement négatif ».

Voici un gouvernement qui ne se lance peut-être pas dans une révolution fiscale, mais qui nous propose des réformes contestables à bien des égards avec un alourdissement de la fiscalité et qui, parce qu’il est incapable de concevoir un dispositif de redressement juste, aboutit – le Gouvernement ne le dit pas spontanément mais le rapporteur général l’explicite parce qu’il fait son travail – à un dispositif à rendement négatif. Nous atteignons là le summum dans la réforme fiscale !

M. Christian Eckert, rapporteur général. Il y aura d’autres réformes !

M. Hervé Mariton. Je vois que vous savez manier l’ironie, monsieur le rapporteur général.

Voilà donc un budget où les impôts sont alourdis.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Il y a certains impôts qu’il faudra baisser !

M. Hervé Mariton. Voilà un budget où les dépenses sont insuffisamment maîtrisées.

M. Philippe Vigier. C’est vrai !

M. Hervé Mariton. Il porte la marque des augmentations d’emplois décidées dès le collectif budgétaire de cet été et reconnues par le Gouvernement lui-même dans ses documents budgétaires : elles ont bien évidemment un impact certain en année pleine et en exécution pour l’année 2013.

Voilà un budget où les économies sont très insuffisantes. Évidemment, le Gouvernement et la majorité sont d’une certaine manière sauvés par la maîtrise du coût de la dette et la baisse des taux d’intérêt.

M. Pierre-Alain Muet. Vous oubliez de dire que nous faisons preuve de volontarisme !

M. Hervé Mariton. Ce n’est pas parce que nous sommes de bons élèves, mais seulement parce qu’il y a des élèves pires que nous.

Mme Karine Berger. Ce n’est pas vrai !

M. Hervé Mariton. Attention : les mauvais élèves peuvent se rattraper – voyez l’évolution de la note grecque – et les inquiétudes demeurent quant au décalage de stratégie entre la France et l’Allemagne. Si d’aventure un retournement se produisait, le coût pour les finances publiques serait considérable et vous le savez bien. C’est un sujet de préoccupation et d’alerte.

À l’occasion des débats sur le projet de loi de finances pour 2013 et sur le dernier collectif, vous avez parlé d’économies. Mais ces économies, vous ne leur avez jamais donné de substance réelle. Pire encore, lorsque vous parlez d’économies – nous l’avons entendu dans vos débats et vos séminaires –, vous pensez le plus souvent à raboter des réductions ou des crédits d’impôt. Je l’ai dit à la précédente majorité et je le dis à celle d’aujourd’hui : diminuer un crédit ou une réduction d’impôt, c’est en français courant augmenter les impôts et certainement pas faire des économies.

J’espère – si vous avez un peu de rigueur intellectuelle – que les milliards d’économies que vous avez annoncés sans jamais leur donner de substance ne cachent pas des augmentations d’impôts dissimulées par un tour de passe-passe terminologique.

Je ne peux pas finir, madame la présidente, sans évoquer ce qui est une décision funeste de ce projet de loi de finances : l’abaissement du plafond du quotient familial. Ce projet de loi de finances pour 2013, il est mauvais, il est fâcheux et il atteint les classes moyennes et les classes moyennes supérieures. Mais le pire, ce sont les arguments régulièrement avancés par nos collègues de gauche : ils ne se contenteraient pas de l’abaissement du quotient familial mais voudraient remettre en cause le quotient familial lui-même. Le quotient familial, dois-je vous le rappeler, est une modalité juste de calcul de l’impôt. Vous le considérez comme un avantage fiscal et, en tant qu’avantage fiscal, vous voulez le raboter pour augmenter les impôts, ce que dans votre vocabulaire vous appelez réduire les dépenses. Pour nous, c’est un élément essentiel de la justice républicaine. Eh oui, le redressement dans la justice passe aussi par un calcul juste de l’impôt, mes chers collègues.

Mme la présidente. Merci de conclure, monsieur Mariton.

M. Hervé Mariton. La majorité et le Gouvernement ont affiché l’ambition d’un redressement dans la justice. Dans ce projet de budget, il n’y a pas de justice. Les classes moyennes le vivront douloureusement, les entreprises le vivront douloureusement, les chômeurs le vivront douloureusement. Il n’y a pas davantage d’espoir et, parce qu’il n’y a pas de confiance, il n’y a pas de redressement possible.

Votre projet est ambitieux, votre budget n’en traduit rien. Nous voterons contre.

M. Jean-François Lamour. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-François Lamour.

M. Jean-François Lamour. Monsieur le ministre, vous nous expliquiez à l’instant que cette lecture définitive faisait suite à une petite péripétie – le vote négatif du Sénat – qui s’était déjà produite par le passé. Toutefois, vous en conviendrez, cela fait tout de même assez mauvais effet s’agissant du premier budget d’un nouveau gouvernement. Cela montre bien, je crois, que votre politique ne suit aucun cap, fait inhérent à l’élection même de François Hollande, qui n’a dû sa victoire qu’à une synthèse improbable, je dirais même impossible, entre des composantes politiques qui ne peuvent pas s’entendre.

M. Dominique Baert. Et le sarkozysme, ce n’est peut-être pas une synthèse impossible ?

M. Jean-François Lamour. Les plus récents épisodes du marathon budgétaire qui s’achève aujourd’hui en sont la meilleure preuve.

Il faut bien le reconnaître, monsieur le ministre, votre gouvernement compte des personnes de bonne volonté, dont vous êtes. Vous étiez assez réservé quant au principe d’une surtaxe à 75 % sur les très hauts revenus. M. Valls était quant à lui assez favorable à la TVA compétitivité proposée par Nicolas Sarkozy. François Hollande, alors qu’il était candidat, n’avait défendu que du bout des lèvres – j’allais dire le bulletin de vote sur la tempe – les propositions de la gauche la plus radicale qui lui étaient imposées pendant sa campagne.

Le résultat de tout cela est ubuesque. Il n’y a strictement aucun cap pour votre politique. Permettez-moi de vous rafraîchir la mémoire.

Au mois de juillet dernier, à peine arrivés aux affaires, vous abrogez la TVA compétitivité et vous mettez un terme à la révision générale des politiques publiques. Cinq mois plus tard, en décembre, vous instaurez le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, bien pâle copie de la TVA compétitivité, et vous mettez en place la MAP, la modernisation de l’action publique, version light de la RGPP, nous dirons même « zéro », pour reprendre la terminologie des fabricants de sodas.

Mais on pourrait aussi bien parler du traité européen : combattu avec un certain sens du mélodrame pendant la période qui a précédé les élections, il a finalement été soumis au Parlement au mois de septembre, sans qu’une seule virgule ait été modifiée.

M. Philippe Vigier. C’est la vérité !

M. Jean-François Lamour. Ma question est donc : que s’est-il passé entre-temps ?

A-t-il fallu une révélation divine pour que, tel Saul sur le chemin de Damas, vous preniez sur vous de revenir sur les promesses faites à vos électeurs, abîmant la parole publique ?

Non, mes chers collègues, le rapport Gallois n’est pas le « chaînon manquant » de l’évolution socialiste. L’origine de cette pirouette, que ne renierait pas une étoile du Bolchoï,…

M. Régis Juanico. Quelle image !

M. Jean-François Lamour. …il faut aller la chercher dans le péché originel de la gauche : croire qu’en dépensant plus on fait forcément mieux.

La vérité, c’est qu’en arrivant aux affaires, votre première décision politique a été de voter pour 20 milliards d’euros de dépenses supplémentaires : 20 milliards d’euros de dépenses nouvelles en pure perte, c’est ce que votre politique coûte à nos finances publiques. Depuis que la gauche est gauche, elle ne fait rien d’autre que fuir la réalité économique et esquiver les problèmes.

L’emploi subventionné n’est pas la solution au chômage. La solution au chômage, c’est une politique de l’emploi tournée vers la création de richesses, qui libère l’activité, notamment par des baisses de charges qui permettent aux entreprises d’embaucher.

Mme Karine Berger. C’est tout ce que vous avez fait pendant cinq ans !

M. Jean-François Lamour. Et c’est tout le contraire, madame Berger, de ce que vous avez fait.

Non, 60 000 fonctionnaires de plus dans nos écoles, c’est-à-dire finalement un seul enseignant de plus par établissement, ne changeront rien du tout aux problèmes de l’apprentissage et de la discipline.

M. Dominique Baert. On a vu ce que ça a donné d’en avoir moins !

M. Jean-François Lamour. Alors que le nombre d’élèves diminue, nous devons trouver une autre manière d’aborder les problèmes de l’école. Je reconnais que la discussion n’est pas aisée, que les problèmes ne sont pas faciles à résoudre, mais ce n’est pas en recrutant 60 000 fonctionnaires de plus qu’on résoudra le problème.

En faisant le choix de la dépense nouvelle, vous faites aussi le choix de l’impôt supplémentaire : 10 milliards d’euros sur les entreprises, 10 milliards d’euros sur les ménages, sans compter les 4 milliards du budget de la sécurité sociale et les 10 milliards que les Français devront encore payer à partir de 2014 pour financer le crédit d’impôt.

Point n’est besoin de recourir à la métaphore pour qualifier votre politique fiscale, mesdames et messieurs les députés de la majorité. Qu’il s’agisse de la fiscalisation des heures supplémentaires, de la réforme du quotient familial à laquelle M. Mariton faisait référence tout à l’heure, de la taxation des retraites, de la surtaxe confiscatoire de 75 % sur les très hauts revenus, de la hausse de la fiscalité sur le capital ou de l’instabilité à laquelle vous soumettez les entreprises, cette augmentation massive des prélèvements obligatoires va tout simplement contraindre la consommation, réduire la compétitivité, et conduire notre pays à la récession, plutôt que le préparer à la croissance.

J’ajouterai sur ce point que « tirer sur le messager », comme vous l’avez fait ces jours derniers avec Gérard Depardieu, n’a jamais permis de régler les problèmes, bien au contraire.

Il y a dans votre méthode, ou plutôt dans vos pérégrinations budgétaires, une sorte d’impréparation qui fait froid dans le dos. Je vous le dis comme je le pense : il n’y a pas un chef d’entreprise, pas un foyer correctement tenu qui s’en sortirait avec une gestion aussi hasardeuse de ses deniers.

Et je veux vous en donner un exemple précis. Le crédit d’impôt sera prétendument financé pour moitié par une hausse des prélèvements obligatoires, et pour moitié par des économies supplémentaires. Je crois que les Français ont bien compris qu’ils auront à payer 6,4 milliards d’euros en plus sur la plupart des biens et services ; ils s’en souviendront sans problème.

Mais où sont les 14,6 milliards restants ? Quelle forme prendra la fiscalité écologique que vous nous annoncez ? Et où irez-vous chercher les 10 milliards d’euros d’économies supplémentaires, quand vous êtes à la peine pour en trouver cette année 12,4, monsieur le ministre, par simple application de la règle « zéro valeur » et d’un ONDAM, soit dit en passant, en progression de 0,2 point puisqu’il passe de 2,5 à 2,7 % ? Il semble que sur cette question pourtant capitale vous n’ayez pas le commencement d’une réponse ou d’une idée.

Ces quelques éléments laissent songeur quant à votre capacité à respecter la trajectoire de redressement des finances publiques que vous vous êtes vous-même fixée.

Je rappelle que nous avions bâti notre politique sur un objectif de retour à l’équilibre en 2016 ; vous l’avez repoussé d’un an puisque nous avions respecté l’étape en 2012 à 4,5 % – cela, nous l’avons fait conjointement. Vous, vous l’avez donc repoussé d’un an, vous vous éloignez encore plus cette une année de cet horizon d’équilibre avec vos propres hypothèses.

Pour atteindre l’équilibre en 2017, il vous faut en effet trouver 100 milliards d’euros. Votre choix affiché est de réaliser 60 milliards d’économies sur le quinquennat, à raison de 12 milliards d’euros par an. Très franchement, partis comme vous l’êtes, je ne vois pas comment vous pourrez le faire.

Il y a pourtant en France de véritables marges de manœuvre pour qui veut se donner le courage de les trouver. Le non-renouvellement d’un fonctionnaire sur deux avait permis d’engranger 15 milliards d’économies sur cinq ans, et vous vous en débarrassez au profit, je le disais tout à l’heure, de cette version light de la RGPP qu’est la modernisation de l’action publique, ou MAP, qui de toute évidence perdra beaucoup en efficacité.

C’est un exemple parmi d’autres des chantiers qu’il faudrait maintenir ou engager pour assurer le retour à un équilibre durable de nos finances publiques.

Mes chers collègues, vous qui vous apprêtez, pour la majorité d’entre vous en tout cas, à voter cette loi de finances, je veux vous le dire solennellement,…

M. Dominique Baert. Les yeux dans les yeux !

M. Jean-François Lamour. …votre politique ne prend pas le chemin de la croissance, ni celui de la compétitivité.

La gauche sénatoriale l’a bien compris puisque, après avoir contribué au rejet du projet de loi de finances puis du projet de loi de finances rectificative,…

M. Dominique Baert. Ça ne peut pas être pire qu’avant !

M. Jean-François Lamour. …– je sais que cela vous fait un peu mal – elle vient de battre en brèche, avec l’opposition, votre amendement à 20 milliards d’euros sur le crédit d’impôt.

Il n’y a décidément plus que vous qui restiez sourds aux demandes des Français. Qu’à cela ne tienne, puisque l’occasion nous est donnée de nous exprimer à nouveau, nous vous disons une fois encore, mais avec une détermination intacte, notre opposition complète à ce projet de budget.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Vigier.

M. Philippe Vigier. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui, pour la troisième fois dans cet hémicycle, le projet de loi de finances pour 2013.

Nous sommes à J-11 de la date limite du vote, sans quoi la France n’aurait pas de budget.

Dominique Lefebvre nous a expliqué hier soir, dans des propos enflammés, que la France avait un gouvernement et une majorité.

M. Dominique Baert. C’est vrai !

M. Régis Juanico. Ce sont des propos sensés !

M. Philippe Vigier. Le ministre, avec l’habileté qu’on lui connaît, a dit que c’était un processus original puisque, au Sénat, le groupe socialiste – c’est exceptionnel ! – a eu recours, comme vous le savez tous, au vote d’une question préalable pour éviter que le débat ne démarre.

Vous qui nous parliez sans arrêt de démocratie et du rôle du Parlement, recourir à de telles mesures d’exception pour faire en sorte que nous puissions nous retrouver ce matin afin de voter le budget de la France, accordez-moi, tout de même, que c’est un peu original.

M. Charles de Courson. Et peu démocratique !

M. Philippe Vigier. Et c’est la cinquième fois ! On n’est plus dans le bis repetita non placent : à cinq reprises, cinq textes n’ont pas été adoptés par le Sénat.

Dans des conditions comme celles-ci, me semble-t-il, il aurait fallu tenter de dégager une majorité un peu plus large, ce qui signifie peut-être essayer d’entendre votre opposition.

Or nous avons largement eu l’occasion, avec Charles de Courson, et bien d’autres du groupe UMP, lors de la première puis de la nouvelle lecture, de déposer un certain nombre d’amendements et de vous dire notre opposition aux mesures que vous proposez.

Mais vous conviendrez que, là encore, nous n’avons pas été entendus puisque, sur les 225 amendements déposés, seuls 2 ont été adoptés, dont la portée est pour le moins mineure. Tout le reste a été balayé d’un revers de main : le Gouvernement s’est montré hermétique à nos propositions.

Monsieur le rapporteur général, j’ai bien entendu ce que vous disiez tout à l’heure en rappelant votre arrivée au pouvoir – cela ne fut pas l’apocalypse, c’est vrai – et en vous félicitant du fait que les taux d’intérêt n’avaient pas augmenté. Je vous rappelle tout de même que c’est le cas un peu partout en Europe,…

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Non !

M. Philippe Vigier. …et que l’Allemagne connaît même des taux d’intérêt à court terme négatifs. Vous mettez parfaitement en pratique cette très belle phrase de Talleyrand : à défaut d’avoir prise sur les événements, feignons d’en être les organisateurs. Vous voulez nous expliquer que vous êtes les organisateurs de la baisse des taux d’intérêt, alors que celle-ci est commune et peut être constatée un peu partout.

Nous sommes convaincus, chers collègues de la majorité, que vous faites fausse route, et que ce projet de budget ne fera qu’enfoncer la France dans la crise. Il ne répond malheureusement pas aux deux priorités du pays que sont, d’une part, la compétitivité et l’emploi, d’autre part, le pouvoir d’achat des familles.

D’ailleurs, même en ce qui concerne l’emploi, au sein de votre gouvernement, le doute s’est installé. Je citerai ainsi cette phrase, parue dans un grand journal du soir : « je ne sais pas jusqu’où le chômage peut monter, mais je suis sûr qu’il va continuer à monter. Les mesures pour l’emploi que nous prenons, si elles sont indispensables, ne suffiront pas pour inverser la tendance ». Quel aveu d’impuissance ! Il est de Michel Sapin…

Nous allons donc plonger dans la récession. Je vous ai bien entendue hier soir, madame Berger, nous raconter un conte de Noël,…

M. Christian Eckert, rapporteur général. Et vous vous y connaissez !

M. Philippe Vigier. …puisque vous nous expliquiez que nous aurions au minimum 1 % de croissance. Dieu vous entende ! Nous verrons bien, mais sachez que vos propos sont gravés dans le marbre, et que je suis pour ma part plutôt dubitatif concernant ce pourcentage.

Mme Karine Berger. Rendez-vous dans trois ans !

M. Philippe Vigier. Ce gouvernement a en réalité fait le choix du matraquage fiscal et de la hausse des impôts à hauteur de 27 milliards d’euros.

M. Dominique Baert. Et vos dérapages budgétaires ?

M. Philippe Vigier. Vous nous aviez dit que vous feriez 10 milliards d’euros d’économies dans le budget ; or que lit-on dans ce budget 2013 ? 369,8 milliards d’euros de dépenses en 2012, et 370,3 milliards en 2013. Non seulement les dépenses ne diminuent pas, mais elles augmentent même légèrement.

M. Dominique Baert. Pour creuser des trous, vous vous y connaissez !

M. Philippe Vigier. Chacun connaît en revanche les augmentations massives d’impôts : 27 milliards d’euros en 2013. De plus, comme l’a très bien dit Jean-François Lamour, dès que vous êtes arrivés, il a fallu supprimer la TVA compétitivité ; bref, ce sont un peu plus de 41 milliards d’euros qui pèseront sur la croissance !

Toute votre stratégie repose sur les hausses d’impôts. Nous, nous étions adeptes de la diminution des dépenses publiques de 20 milliards, et d’une hausse des impôts limitée à 10 milliards.

M. Dominique Baert. Vous êtes surtout adeptes de la baisse des impôts pour les plus riches !

M. Philippe Vigier. Vous, vous avez fait le contraire, et ces chiffres sont préoccupants, vous le savez très bien – d’ailleurs nos concitoyens l’ont compris et le voient bien en bas de leur feuille de paie, avec la fin de la défiscalisation des heures supplémentaires : c’est leur pouvoir d’achat qui est sanctionné.

D’ailleurs, vous l’avez observé dans les grands journaux, tous les sondages montrent que la perte de crédibilité s’est installée dans les classes populaires : moins 18 % chez les ouvriers et les classes moyennes. Ils ont bien compris que les mirages du printemps sont passés.

Cette suppression des allégements sur les heures supplémentaires et la fin de leur défiscalisation ont donné le grand coup de sabre anti-salarial que vous avez souhaité.

Rappelons que les secteurs de l’industrie, de la métallurgie, de la construction et de l’hébergement sont des secteurs exposés, et cela pèsera sur la compétitivité des entreprises. Là encore, la promesse du candidat Hollande pour les petites entreprises, monsieur le rapporteur général, n’a pas été tenue, et vous le savez bien.

9,5 millions de salariés – pas uniquement du secteur privé, mais également du secteur public – sont touchés ; on le constate notamment dans le domaine de l’enseignement.

Les discours de la campagne électorale sont loin, qui nous expliquaient que neuf personnes sur dix échapperaient aux hausses d’impôt. Rappelez-vous Jean-Marc Ayrault – il est vrai qu’il n’en est plus à une phrase près : il s’est un peu laissé aller la semaine dernière, en utilisant notamment le qualificatif « minable », que l’on ne devrait pas entendre dans la bouche d’un Premier ministre – qui affirmait que neuf salariés sur dix ne seraient pas impactés. Nous savons maintenant que le Premier ministre n’a pas dit la vérité.

Vous nous aviez également expliqué que seules les très grandes entreprises seraient mises à contribution. Il est vrai que les très grands groupes paieront plus avec l’augmentation de l’impôt sur les sociétés, mais l’on trouve derrière les grands groupes toutes les PME et TPE.

Tout à l’heure, monsieur le rapporteur général, vous avez dit que la majorité avait fait beaucoup en matière de réforme fiscale : c’est vrai, vous avez fait beaucoup en matière de matraquage fiscal ! Nous étions pourtant prêts à accompagner une bonne mesure : établir l’impôt sur les sociétés pour les PME à un niveau inférieur à 33 %, comme vous l’aviez promis pendant la campagne, et comme cela était écrit dans les promesses du candidat Hollande. Encore une promesse oubliée ! Il était pourtant nécessaire d’aider les PME et les PMI, mais vous ne l’avez pas fait.

Vous nous aviez même promis d’opérer la fusion entre l’impôt sur le revenu et la CSG. Cela doit être, encore une fois, une promesse que vous avez complètement oubliée.

Faire et défaire, c’est ce que vous n’avez cessé de répéter depuis quelques mois, notamment sur la question de la TVA compétitivité. Le crédit d’impôt compétitivité emploi a été créé dans les conditions que l’on connaît, sans étude d’impact, sans que la commission des finances soit saisie, par un amendement de 39 lignes, monsieur le rapporteur général – 20 milliards les 39 lignes, non financées qui plus est !

Vous qui êtes rigoureux par moments – et même si nous divergeons dans les choix –, comment pouvez-vous accepter les 3 milliards de fiscalité écologique ? M. Alauzet disait hier que c’était formidable, car la fiscalité écologique arrivait, alors qu’on n’en connaît pas les bases ? Où sont les 10 milliards d’économies que vous prévoyez de faire ? Ils sont inconnus au bataillon !

En revanche, ce que l’on sait, monsieur Alauzet, c’est que les 6,5 milliards d’euros d’augmentation des taux intermédiaires de TVA pèseront sur le logement, notamment.

J’ai bien entendu d’ailleurs que, dans les rangs des Verts, on souhaitait revenir sur cette mesure, dont certains de vos collègues du Sénat ont considéré qu’elle était injuste.

Une fois de plus, monsieur Lefebvre, vous voyez bien que la majorité n’est pas là !

La majorité est hétéroclite : il suffit d’écouter les propos tenus par M. Schwartzenberg sur le crédit d’impôt compétitivité emploi et les critiques permanentes, et de constater que les Verts se sont à la dernière seconde, dans la dernière ligne droite, alignés sur le Gouvernement pour voter ce crédit d’impôt compétitivité emploi, créé sans étude d’impact, non ciblé alors que cela était nécessaire, et sans tenir compte naturellement du rapport Gallois, qui vous avait réclamé un choc de compétitivité et un choc de croissance.

Le choc de croissance est d’abord devenu une stratégie ; puis vous nous avez dit que vous verriez si, oui ou non, vous le mettriez en application dans l’année, avant de le repousser de trois ans. Et finalement, le compte n’y est pas !

Chers collègues de la majorité, vos choix ne sont pas les nôtres, vous l’avez compris ; votre cap n’est pas le nôtre ; nous ne partageons pas votre matraquage fiscal.

Le Conseil d’orientation des retraites s’est montré sévère cette semaine quant aux choix que vous vous apprêtez à faire pour les retraites. Rappelez-vous la promesse du candidat Hollande : nous reviendrons sur la retraite à 62 ans, qui est parfaitement injuste. Or vous n’êtes revenus sur cette réforme que pour 100 000 personnes : et les autres ? Quand tiendrez-vous votre promesse pour eux ?

Vous ne la tiendrez pas, et vous verrez même que, la croissance étant ce qu’elle est, et les déficits publics s’étant encore creusés,…

M. Dominique Baert. Vous êtes toujours négatif, jamais positif !

Mme Sandrine Mazetier. N’importe quoi !

M. Philippe Vigier. Eh oui madame ! J’ai lu toutes les promesses du candidat Hollande, et je comprends qu’il soit difficile qu’on vous les rappelle !

Vous verrez que, là encore, vous ne tiendrez pas cette promesse. Vous serez obligés soit d’augmenter la durée de cotisation, soit de baisser le niveau des retraites, comme vous venez d’ailleurs de le faire avec cette taxe extraordinaire de 0,3 % dès l’année prochaine.

Vos choix ne sont donc pas les nôtres.

Mme Sandrine Mazetier. Mais quels sont les vôtres ?

M. Philippe Vigier. Je dirai pour conclure, monsieur le ministre, que vous avez, tout au long de ce débat budgétaire, montré une parfaite connaissance du budget de la France et de la stratégie du Gouvernement, même si j’ai bien noté que vous ne partagiez pas l’objectif poursuivi avec la taxe à 75 %, qui est une taxe d’affichage – chacun sachant très bien qu’elle coûtera trois fois plus cher à l’État qu’elle ne lui rapportera. Mais il fallait la mettre en place, M. Montebourg ayant imaginé qu’on puisse un jour taxer les riches.

Ces choix ne nous conduiront malheureusement pas sur la voie de la croissance et du plein-emploi. C’est la raison pour laquelle le groupe UDI votera contre le présent projet de budget.

M. Charles de Courson. Très bien !

M. Christian Eckert, rapporteur général. C’est dommage !

M. Dominique Baert. Vous mourez d’envie de voter pour !

M. Philippe Vigier. Enfin, permettez-moi de souhaiter à chacune et chacun d’entre vous de bonnes fêtes de Noël, qui doivent être un moment d’épanouissement et d’apaisement.

M. Jean-François Lamour. Très bien !

M. Dominique Baert. C’est la meilleure partie de votre discours !

M. Christian Eckert, rapporteur général. En effet, seule la conclusion était bonne !

Mme la présidente. La parole est à Mme Eva Sas.

Mme Eva Sas. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, le projet de loi de finances pour 2013 vient traduire l’engagement du Président de la République : le redressement dans la justice.

Le premier point que je voudrais souligner, c’est donc le soutien que nous apportons au rétablissement de la justice fiscale, principe fondateur de ce budget.

La taxation des revenus du capital au même niveau que celle des revenus du travail est une avancée considérable. Nous soutenions ce principe depuis longtemps ; c’est un point majeur acquis grâce à la nouvelle majorité.

La contribution à 75 % sur les revenus supérieurs à 1 million d’euros est également un signe fort donné par le Gouvernement. Tous les revenus doivent contribuer à l’effort de redressement, à commencer par les plus favorisés.

Sur ce point, et en réponse à ceux qui prétendent que la majorité matraque les plus aisés de nos compatriotes, je voudrais souligner le fait que la contribution de 75 % sur les revenus ne devrait rapporter à l’État que 210 millions d’euros, alors que le bouclier fiscal devrait encore représenter en 2013, malgré sa suppression, un cadeau de 350 millions d’euros. C’est cet héritage que la majorité de gauche doit aujourd’hui assumer.

En outre, je voudrais rappeler que, jusqu’en 1980, le taux marginal d’impôt était de 70 % aux États-Unis. Celui-ci n’a empêché ni l’investissement ni le développement de l’activité dans ce pays. En revanche, il aura permis de limiter les inégalités – c’est ce que nous souhaitons faire, faut-il le rappeler ?–, lesquelles se sont creusées chez nous ces dix dernières années. Les 10 % des Français les plus riches ont en effet capté plus du quart de la progression des revenus entre 1999 et 2009.

Nous continuerons d’appuyer le Gouvernement pour qu’il poursuive le rétablissement de la justice fiscale. La fusion de l’impôt sur le revenu avec une CSG rendue progressive doit donc rester un objectif commun. Nous serons aux côtés du Gouvernement lorsqu’il construira, étape par étape, cette fusion.

Le deuxième point que je voudrais évoquer, c’est la nécessité d’une remise à plat de la fiscalité environnementale.

Lors de l’examen en première lecture de ce projet de loi de finances, nous avons défendu l’abrogation d’un certain nombre de niches fiscales anti-écologiques, pour rendre notre système fiscal plus cohérent avec notre ambition commune de transition écologique. Cette mise en cohérence contribuerait d’ailleurs, il faut le souligner, au redressement des comptes publics.

Je voudrais produire, à l’appui de notre demande de révision de ces exonérations fiscales contraires à la transition écologique, le constat du comité d’évaluation de l’inspection générale des finances sur les dépenses fiscales de TICPE.

Le rapport indique en effet que leur incidence sur l’emploi est « vraisemblablement peu significative ». Ainsi, les exonérations de TICPE au profit des vols intérieurs permettraient de sauvegarder seulement 950 emplois et celle au profit du transport routier seulement 800 emplois, soit un coût par emploi pour cette deuxième exonération de l’ordre de 412 000 euros, ce qui est, vous en conviendrez, exorbitant.

Nous saluons la création d’un comité permanent sur la fiscalité écologique qui, nous n’en doutons pas, permettra au Gouvernement de revoir l’ensemble de la fiscalité énergétique, dont nous souhaitons qu’elle soit réformée en fonction du double critère de l’emploi et des émissions polluantes.

L’examen attentif de ce projet de loi de finances nous confirme dans ce que nous avons d’ailleurs toujours pensé : l’ancienne majorité n’a pas brillé par ses qualités de gestionnaire, loin s’en faut.

Par exemple, la prévision du montant consacré au bouclier fiscal a été réévaluée par le Gouvernement, pour 2012, de 150 millions d’euros à 450 millions d’euros. Cette révision n’est pas anodine. En effet, la réforme de l’ISF du printemps 2011 était censée être financièrement équilibrée dès 2012. Cette estimation se fondait sur la prévision de 150 millions d’euros pour le bouclier fiscal. Maintenant qu’elle est revue à la hausse, on peut affirmer que la réforme de 2011 n’aurait pas été financièrement équilibrée en 2012, ni même en 2013, ce qui contredit les annonces qui avaient été faites alors par le précédent gouvernement. Tout laisse à penser que la prévision initiale de 150 millions d’euros était volontairement sous-évaluée, pour faire croire à un équilibre de la réforme. Au final, ce sont 350 millions d’euros de cadeaux aux plus aisés que l’ancien gouvernement fait encore peser sur le budget 2013. Cette insincérité, il l’a laissée en héritage au gouvernement suivant.

J’ajoute que l’ancienne majorité nous lègue aussi plusieurs contentieux, celui du précompte immobilier, celui des OPCVM, qui vont peser sur les finances publiques à hauteur de 8,2 milliards d’euros, dont 1,8 milliard d’intérêts moratoires, contentieux qui auraient pu être évités si leurs causes avaient été réglées plus tôt.

Plus généralement, si l’on fait le bilan des trente dernières années, en quinze ans, la dette publique a certes crû de 20,5 points sous les gouvernements de l’actuelle majorité, mais, en autant de temps, l’ancienne majorité l’aura fait croître de 43 points !

Ces éléments nous confirment dans ce que nous affirmons depuis longtemps : les députés qui sont aujourd’hui sur les bancs de l’opposition n’ont pas de leçons à donner en matière de bonne gestion. Ce projet de loi de finances prouve au contraire qu’on peut être fidèle aux valeurs de solidarité et de justice fiscale et s’inscrire dans une trajectoire de redressement des comptes publics. (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste et SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Charasse.

M. Gérard Charasse. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, le projet de loi de finances pour 2013 aura suscité de vifs débats au sein du Parlement, à l’image des défis qu’il se doit de relever. L’équation budgétaire pour 2013 était en effet tout sauf évidente.

À plusieurs reprises, des députés du groupe Radical, républicain, démocrate et progressiste ont émis des réserves sur les orientations prises.

M. Philippe Vigier. Ils ont été très critiques !

M. Gérard Charasse. En particulier, nous regrettons qu’il n’y ait pas eu une meilleure répartition de l’effort entre hausse des impôts et baisse des dépenses de l’État. Nous nous étonnons également que ce projet de loi de finances inscrive une augmentation d’impôts pour les entreprises de 10 milliards d’euros alors que, dans le même temps, le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi allégera leurs charges de 10 milliards sous forme de créances fiscales sur l’État en 2013.

Mais si l’on peut en critiquer les modalités, une première étape vers le rétablissement ô ! combien nécessaire de nos comptes publics est désormais achevée. La crise des dettes souveraines semble avoir été écartée définitivement, nous l’espérons. D’ores et déjà, nous récoltons les bénéfices de la stratégie du Président de la République et du Gouvernement. Les taux d’intérêt sur notre dette atteignent des niveaux historiquement bas. La crise des finances publiques étant désormais moins aiguë, il nous faut apporter des réponses aux conséquences qu’elle a eues sur l’économie réelle. Le projet de loi relatif à la création de la BPI adopté hier soir est une première et sérieuse réponse. La réforme du marché du travail pour laquelle les partenaires sociaux négocient actuellement en sera une autre.

Avant de nous concentrer définitivement sur les projets de loi à venir relatifs au soutien de notre économie, permettez-moi d’entrer une dernière fois dans le détail de ce projet de loi de finances. Lors de son examen en nouvelle lecture au sein de notre assemblée, le texte a subi de nombreuses modifications. Certaines avaient pour objectif de prendre en compte remarques et demandes formulées par les sénateurs, qui n’ont malheureusement pas pu participer pleinement à l’élaboration de ce projet de loi. D’autres modifications adoptées ici en nouvelle lecture ont introduit de nouvelles dispositions. L’une d’entre elles nous semble contestable sur la forme aussi bien que sur le fond.

Au moyen d’un sous-amendement à un amendement de la commission des finances, le Gouvernement a introduit une modification dans le calcul de l’attribution du fonds de péréquation des droits de mutation à titre onéreux. À de nombreuses reprises, le rapporteur général a souligné l’inanité de la multiplication des amendements portant sur les règles de répartition des fonds de péréquation. Les débats autour de ces règles sont bien souvent disproportionnés par rapport aux quelques millions d’euros en jeu. C’est d’ailleurs sur l’avis du rapporteur général que le groupe RRDP a retiré, pas plus tard que mardi soir, un amendement de cette nature au collectif budgétaire. Le sous-amendement du Gouvernement aurait dû soulever une résistance analogue.

Sur le fond, ce changement a pu paraître anodin lors de son examen, faute d’étude d’impact. Or de premières simulations montreraient que les modifications apportées se font largement au détriment des départements ruraux, déjà fortement pénalisés. Dans les départements bénéficiaires, l’effort fiscal est inférieur à celui des départements ruraux, c’est évident. Cette disposition est manifestement en contradiction avec les engagements du Président de la République. Elle paraît incompatible avec la création d’un ministère de l’égalité territoriale.

La fiscalité des collectivités territoriales nécessite de réaliser des ajustements dans le cadre d’une réflexion globale, non par de petits ajustements adoptés au travers de sous-amendements gouvernementaux en fin de session budgétaire.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Très bien !

M. Gérard Charasse. Le groupe RRDP n’a eu de cesse d’alerter le Gouvernement sur la précipitation avec laquelle les textes législatifs étaient soumis au Parlement et sur la difficulté pour le législateur, dans ces conditions, de réaliser un travail de fond.

Nous avons également émis une forte réserve sur la méthode retenue pour inscrire le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi dans le dernier projet de loi de finances rectificative. Toutes proportions gardées, force est de constater que la disposition que nous contestons s’inscrit une fois de plus de manière dommageable pour le rôle de notre Parlement.

Monsieur le ministre, malgré des imperfections, le projet de budget pour 2013 consacre une stratégie de maîtrise des dépenses publiques raisonnée et des moyens accrus donnés aux domaines prioritaires que sont l’éducation et la justice. C’est pourquoi nous voterons résolument ce projet de loi. Mais, dès à présent, nous appelons de nos vœux l’inscription le plus rapidement possible d’une autre priorité : la santé. Tous nos concitoyens doivent pouvoir bénéficier en effet d’un égal accès aux soins, quels que soient leur niveau de revenu et leur lieu de vie. (Applaudissements sur les bancs des groupes RRDP, SRC et écologiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Gaby Charroux.

M. Gaby Charroux. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, le projet de loi de finances pour 2013 dont nous achevons aujourd’hui l’examen s’inscrit dans la ligne ouverte par le Traité européen, la loi organique qui en a découlé et la loi de programmation des finances publiques. Il met en œuvre les orientations inscrites dans ces différents textes et qui nous semblent apporter une réponse mal adaptée à de vraies difficultés. Tout se passe comme si l’austérité imposée à certains de nos partenaires européens, contre toute logique et sans autre résultat que l’accroissement de leurs difficultés, était exportée chez les autres et engendrait de nouvelles politiques d’austérité.

Nous ne voyons pas, dans les orientations qui nous sont présentées comme dans le présent projet de loi de finances, de dispositif permettant de mettre réellement un terme à la dégradation de la situation de notre pays.

Certes, le projet de loi de finances comporte des dispositions qui vont dans le bon sens, qu’elles soient animées par le souci de combattre les dispositifs d’optimisation financière ou par celui de traiter de la même manière revenus du capital et revenus du travail au titre de l’impôt sur le revenu.

Après des années de cadeaux fiscaux distribués sans discernement tant aux ménages les plus aisés qu’aux entreprises les plus puissantes et les plus florissantes, ces dispositifs de rééquilibrage représentent des avancées significatives du projet de loi de finances dans le sens de la justice fiscale.

Mais à quoi servira la hausse globale du produit de l’impôt prévue dans le présent projet de loi de finances ? Il nous semble qu’elle ne servira pas à doter de moyens supplémentaires les collectivités territoriales qui rencontrent aujourd’hui des difficultés pour financer leurs investissements. Elle ne servira pas non plus à donner plus de marges de manœuvre de l’État puisque les priorités très positives affirmées en faveur de l’éducation, de la sécurité et de la justice sont compensées par la réduction des moyens des autres ministères et des coupes franches dans les effectifs. Ainsi, pour la vingtième année consécutive ou peu s’en faut, l’administration fiscale connaîtra une nouvelle ponction sur ses effectifs budgétaires.

À quoi servira la hausse globale de l’imposition ? Nous pensons qu’elle devrait servir à la réduction des déficits et à la poursuite de l’objectif de 3 % de déficit. Nous sommes profondément convaincus que l’on ne sortira pas de la crise en prolongeant le modèle économique et budgétaire qui y a conduit.

C’est un autre modèle de développement qu’il faut promouvoir : en finir avec la mainmise des marchés, avec la concurrence destructrice de tous contre tous, qui aboutit à un état de guerre économique permanent, appauvrissant les populations et détruisant les équilibres écologiques.

La réponse aux besoins sociaux, la réduction des inégalités et l’ouverture d’une transition écologique supposent une autre ambition. Nous ne répondrons pas davantage aux besoins sociaux et environnementaux par des mesures de compétitivité qui ne sont assorties d’aucune condition, d’aucune concertation préalable, et reposent en outre sur l’idée qu’il serait nécessaire de comprimer toujours plus la masse salariale pour gagner des parts de marché à l’export, afin de nous caler sur un prétendu modèle allemand, pourtant lui-même ébranlé par la chute de la consommation dans la zone euro.

En 2011, la gauche avait su se réunir pour proposer au Sénat des choix différents et élaborer un contre-budget manifestant le changement politique que nous nous proposions collectivement de porter. Cette co-élaboration n’est malheureusement plus à l’ordre du jour.

Nous le regrettons. Vous comprendrez qu’en responsabilité, car nous sommes conscients que nous pouvons ensemble initier une politique alternative, et malgré les dispositions qui vont dans le bon sens contenues dans ce texte, nous prenions une nouvelle fois la décision de nous abstenir.

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Alain Muet.

M. Pierre-Alain Muet. Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, au terme de ce long débat commencé au mois d’octobre, je voudrais tout d’abord remercier la présidence et les services de l’Assemblée, en particulier ceux de la commission des finances, pour le remarquable travail qu’ils ont fait.

Je veux aussi remercier le rapporteur général et le ministre. La présence, la solidité du rapporteur général,…

M. Dominique Baert. C’est un roc !

M. Pierre-Alain Muet. …sa pédagogie, le fait qu’il réponde à chacune des questions de façon détaillée ont contribué à la qualité du débat.

J’adresse le même remerciement au ministre, parce que, très souvent, les ministres du budget se contentent de dire qu’ils sont du même avis que le rapporteur général.

M. Dominique Baert. Cela n’a pas toujours été le cas.

M. Pierre-Alain Muet. Jérôme Cahuzac, sur tous les sujets, a toujours explicité la position du Gouvernement, et ce dialogue fructueux a beaucoup contribué à la qualité de nos débats.

J’en viens au fond. Ce budget a une première vertu : il corrige dix années de dérive budgétaire, dix années qui ont vu la dette de notre pays doubler, qui ont vu les gouvernements qui se sont succédé accumuler autant de dettes que tous ceux qui les ont précédés. J’entendais M. Mariton dire : « Si un retournement se produisait, que feriez-vous ? » Mais j’ai quand même un souvenir : la France et l’Allemagne avaient le même déficit vers 2005. C’était un déficit excessif, supérieur à 3 % du PIB. L’Allemagne, dans la période de croissance qui a précédé la crise, a ramené son déficit à zéro ; la France est restée en déficit excessif et même en déficit structurel excessif, de sorte qu’elle a abordé la crise dans une situation telle que notre dette a explosé.

Eh bien, nous faisons le contraire, parce que la qualité de ce budget c’est effectivement le redressement de nos finances publiques.

Dix années qui ont vu aussi les inégalités exploser, en raison notamment des cadeaux fiscaux qui ont été faits, tout au long de ces années, pour l’essentiel aux Français les plus fortunés, et qui nous conduisent aujourd’hui à remettre de l’égalité dans notre fiscalité.

Dix années qui ont vu notre déficit extérieur se creuser : nous avions un excédent de 10 à 20 milliards jusqu’en 2003, et à partir de 2003 le déficit n’a cessé de se creuser, pour atteindre 75 milliards d’euros. Voilà dans quel contexte s’inscrit ce budget.

Réduire le déficit, redresser notre pays, c’est évidemment s’attaquer à tous ces déficits : le déficit des finances publiques, le déficit d’emplois c’est-à-dire le chômage, le déficit du commerce extérieur.

S’agissant du chômage, là encore je rappelle qu’avant la crise, à l’été 2008, France et Allemagne avaient le même taux de chômage : 7,5 % dans nos deux pays. Le nôtre a continuellement augmenté, il est à plus de 10 % aujourd’hui ; l’Allemagne est à 6 %, tout simplement parce qu’elle a appliqué une politique cohérente, réduisant le temps de travail quand c’était nécessaire, utilisant massivement le travail court – Kurzarbeit – pour préserver l’emploi, quand la France subventionnait par exemple les heures supplémentaires.

Si nous en sommes là, s’il faut ce budget de redressement de 30 milliards d’euros, c’est en grande partie l’héritage de la politique antérieure.

Alors, j’en viens à ce budget. Dans la situation difficile de nos finances publiques, nous sommes confrontés à la nécessité, bien sûr, de réduire le déficit, mais aussi de ne pas peser sur la demande, parce que la raison pour laquelle la croissance est aussi faible aujourd’hui, en France comme en Europe, c’est essentiellement un déficit de demande, qu’atteste le niveau très élevé des taux de sous-utilisation des capacités de production.

Mme Karine Berger. Eh oui !

M. Pierre-Alain Muet. Et cela se conjugue à un problème d’offre compétitive. Il est rare d’avoir à résoudre à la fois un déficit de demande et un problème d’offre compétitive, et il faut le faire de façon cohérente, fine, subtile : c’est ce que fait ce budget.

Il réduit le déficit sans peser sur la croissance. Il réduit les dépenses publiques de 10 milliards d’euros, pas du tout par des coupes systématiques, par un coup de rabot comme on l’a entendu autrefois, par la réduction de tous les budgets : non, il le fait de façon sélective, en préservant trois budgets essentiels, l’emploi, le logement, et j’aurais aimé aussi la culture…

Mme Karine Berger. C’est l’éducation qui a été choisie !

M. Pierre-Alain Muet. Merci, mais les deux vont ensemble. J’aurais aimé qu’il préserve aussi la culture, mais ce sera sans doute le cas des budgets des années suivantes.

Il le fait du côté des recettes, en ne pratiquant pas de hausse générale des impôts, mais au contraire par la suppression de niches injustes et inefficaces. Il rétablit la progressivité de notre impôt. Il corrige des inégalités, par exemple entre les grandes sociétés et les petites : non qu’on souhaite faire reposer la fiscalité sur les grandes entreprises, mais quand on analyse notre fiscalité des entreprises, on s’aperçoit que le taux de 33 % est effectivement payé par les PME, qui n’utilisent pas de niches fiscales, mais pas par les grandes entreprises. On sait très bien que, pour les entreprises du CAC 40, c’était 8 %, et que pour les deux plus grandes c’est zéro. Il était donc nécessaire de corriger cela. C’est ce que fait ce budget, en réduisant des niches connues, comme la niche Copé ou d’autres, comme celle qui permettait de déduire tous les intérêts d’emprunt du bénéfice imposable, ce qui est un écart important par rapport à nos voisins allemands, qui plafonnent.

Cette réforme fiscale introduit aussi un changement fondamental dans notre fiscalité, puisque – et je pense que c’est ce qui restera à long terme –, pour la première fois les revenus du capital seront enfin taxés comme les revenus du travail. En supprimant le prélèvement libératoire sur les intérêts et dividendes, en supprimant le prélèvement forfaitaire sur les plus-values, ce budget aboutira pour la première fois à ce que les revenus du capital soient taxés comme les revenus du travail, ce qui est au fond la définition de la justice fiscale.

Évidemment, le débat s’est beaucoup développé sur les plus-values, et je rappelle que, dans le projet initial du Gouvernement, tout ce qui préservait l’entreprenariat était pris en compte. Dans le projet final, nous préserverons encore mieux l’entreprenariat, puisque des ajustements qui méritaient d’être faits l’ont été, de sorte que la taxation des plus-values, pour l’essentiel, concerne les plus-values de la rente, si je peux dire, et non pas les plus-values de l’entreprenariat. C’est profondément juste, parce que qui peut trouver normal qu’un retraité qui complète sa modeste retraite par la vente d’une partie de son portefeuille d’actions, chaque mois, soit taxé à 19 % sur ses plus-values alors qu’il n’est pas imposable ? Dans le nouveau système, ce retraité, s’il est non imposable, restera non imposable : nous, nous disons que c’est la justice fiscale.

Et puis, quand un cadre supérieur, ou un cadre moyen, à partir de 2 500 euros paie 30 % sur chaque euro supplémentaire, puisqu’il est au barème de l’impôt sur le revenu, alors que quelqu’un qui dispose d’une grande fortune et qui vend des actions pour un montant considérable n’est imposé qu’à 19 %, certains peuvent trouver que c’est juste ; nous, nous disons : « c’est injuste », et ce budget corrige cela. Il remet donc de la justice fiscale.

Justice fiscale, préservation de la croissance : ce sont les deux qualités de ce budget.

Je voudrais dire un mot de la croissance. J’ai entendu nos collègues de l’opposition dire : « votre budget est insincère, parce que 0,8 % de croissance, cela ne se produira pas. » Quand le budget a été construit, c’était complètement adapté à la situation européenne, mais l’on a vu se dégrader la situation européenne et donc la situation de l’ensemble de nos partenaires au cours de ces derniers mois. Ce qui pouvait conduire à dire qu’il serait difficile d’atteindre 0,8 %. Mais il y a des choses qu’il ne faut pas oublier : quand la situation économique se dégrade, cela entraîne en général une baisse des prix des matières premières, une baisse des prix des produits importés, qui compense en partie, mais avec un décalage, la dégradation de la situation. Quand on regarde l’environnement international potentiel pour les années qui viennent, il est à peu près comparable à celui dans lequel a été construit ce budget. C’est pour cela que je dis aujourd’hui que ce chiffre de 0,8 % de croissance est possible et cohérent, pas pour les mêmes raisons qu’il y a quatre mois, parce que la croissance européenne est plus faible, mais parce qu’il y a une compensation du côté de l’environnement international : on voit qu’il y a une baisse de l’inflation, qui va redonner du pouvoir d’achat ; donc je pense que la question de la sincérité, sur laquelle il faut toujours être prudent, n’est pas pertinente.

M. Philippe Vigier. Nous verrons !

M. Pierre-Alain Muet. Nous verrons, vous avez raison.

Je termine, madame la présidente. Le redressement des comptes publics, le soutien à l’emploi et donc au pouvoir d’achat, la justice fiscale, c’est ce qui caractérise ce budget. Et puisque nous avons un maître mot pour décrire notre politique économique, « le redressement dans la justice », je dirai que s’il y a un texte auquel on peut parfaitement l’appliquer, c’est bien ce budget, que le groupe SRC votera avec conviction. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Éric Alauzet.

M. Philippe Vigier. La petite musique verte !

M. Éric Alauzet. La droite bavardait, la gauche l’a fait : je parle du redressement des comptes publics. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Philippe Vigier. Ce n’est pas vrai !

M. Éric Alauzet. On pourrait s’étonner qu’il ait fallu attendre l’arrivée de la gauche pour que les règles de bonne gestion soient mises en œuvre. Alors que la droite, si souvent, s’est affichée comme la meilleure des gestionnaires, parce que la gestion relèverait à droite d’un talent naturel, quasi inné, c’est la gauche qui a empoigné la question à bras le corps…

M. Philippe Vigier. Les écologistes sont donc de gauche !

M. Éric Alauzet. …en permettant, dès 2012, de terminer l’exercice en équilibre, en proposant, pour 2013, de franchir une marche de 30 milliards d’euros, le tiers de l’objectif à atteindre pour rétablir l’équilibre en 2017.

Oui, chers collègues, contrairement aux contrevérités assénées par l’opposition, qui aime à caricaturer une gauche prétendument dépensière, c’est un programme d’économies de 50 à 60 milliards qui se profile devant nous. Pas sans danger ! Ce redressement, la majorité a l’ambition de le conduire dans la justice fiscale, en préservant les plus modestes et en demandant un effort très raisonnable aux classes moyennes.

M. Philippe Vigier. À neuf foyers sur dix !

M. Éric Alauzet. La réforme de l’impôt sur le revenu préserve totalement 7,4 millions de ménage, les 40 % de ménages les plus modestes qui reçoivent moins de 26 000 euros de revenus par an. Au-delà, l’effort demandé est faible et porte le plus souvent sur la part des salaires et des revenus qui augmentent avec l’inflation, ce qui peut correspondre, pour un ménage disposant d’un revenu mensuel de 2 000 à 4 000 euros et d’une augmentation de 40 à 80 euros par mois, à une augmentation d’impôt de 7 à 15 euros par an.

Pour plus des deux tiers des ménages, il y a donc peu ou pas d’augmentation, d’autant que ces ménages ne sont touchés ni par le plafonnement des niches fiscales, ni par la réduction du quotient familial. Les familles peuvent donc dormir tranquilles.

Pour plus des deux tiers des ménages, on est loin, très loin, du « matraquage fiscal » dont parle l’opposition. Le pilonnage auquel elle se livre sur ce thème n’a en réalité pour objectif que de tenter de se réconcilier avec les Français et de se servir des classes moyennes comme bouclier pour protéger de l’impôt les plus favorisés. Comme quoi, cher collègues, un bouclier peut en cacher un autre.

L’obsession des libéraux, la baisse de l’impôt sur le revenu, qui masquait en réalité des augmentations d’impôt sournoises – comme la non-indexation du barème de l’impôt sur le revenu, et bien d’autres augmentations –, avait conduit en 2007 à une baisse générale des impôts sur le revenu. Mais la majorité de l’époque s’était alors bien gardée de communiquer sur les simulations et la réalité de ces baisses. Car elles montraient que pour un gain de quelques dizaines d’euros en faveur des familles moyennes, le bénéfice était de 1 000 euros sur ma feuille d’impôt,…

M. Philippe Vigier. Vous êtes riche, alors ?

M. Éric Alauzet. …et il atteignait des sommets pour d’autres.

Alors, il faut encore expliquer à nos concitoyens qui vont faire un petit effort que cet effort va permettre de solliciter plus fortement les plus favorisés, que les discours conservateurs et libéraux n’ont cessé de détourner de leur responsabilité en vilipendant l’impôt. C’est cela, la justice fiscale.

Quelle est la réalité des augmentations de l’impôt sur le revenu ? L’instauration d’une tranche à 45 % entraînera une augmentation de l’impôt de 3 %, soit 2 000 euros par an, pour un contribuable célibataire recevant 17 000 euros par mois. Le plafonnement des niches fiscales à 10 000 euros ne touchera les ménages qu’autour d’un revenu de 9 000 euros par mois. Le plafonnement du quotient familial, qui bénéficie pour près de la moitié à seulement 10 % de nos concitoyens, augmentera l’impôt de 336 euros pour une famille avec un enfant disposant d’un revenu de 5 000 euros par mois, une famille avec cinq enfants n’étant concernée par la mesure que pour un revenu mensuel de 9 000 euros. Tout cela montre bien que l’on est loin de l’impôt confiscatoire brandi par l’opposition, laquelle défend en réalité une logique conservatrice visant à limiter l’effet de la redistribution. Eh bien, chers collègues, c’est notre honneur, c’est l’honneur de la gauche, d’agir dans ce sens.

Et encore pourrait-on considérer que l’on aurait pu aller plus loin.

M. Philippe Vigier. Ah !

M. Éric Alauzet. Il y a une volonté de mobiliser les plus favorisés pour réduire la dette, pour financer l’emploi – par exemple les emplois d’avenir –, et non pas pour s’attaquer aux riches, comme cela est parfois bêtement présenté.

M. Philippe Vigier. Si !

M. Éric Alauzet. Il n’y a pas de mensonge quand nous affirmons que la fiscalité préserve 90 % des ménages, ainsi que les petites et moyennes entreprises. Le principe est bien le suivant : un petit effort pour les foyers modestes, un effort plus important pour les plus favorisés.

Nos concitoyens ne doivent pas se laisser abuser par les slogans jetés en pâture par une opposition conservatrice qui cherche avant tout à préserver des situations acquises et à faire oublier ses fautes. (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste et SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, je voudrais à mon tour remercier chacun d’entre vous pour la manière dont se sont déroulés ces débats. Mes remerciements vont en particulier au rapporteur général, parce que je suis très conscient que nous avons, les uns et les autres, travaillé dans des conditions extrêmement difficiles,…

M. Jean-François Lamour. Je confirme !

M. Philippe Vigier. Nos conditions de travail se dégradent !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. …qui sont notamment liées à l’ambition qu’a cette loi de finances de produire un choc fiscal.

Ces conditions de travail extrêmement difficiles correspondent également à une insuffisance de réflexion – je choisis là une formulation plutôt douce – sur un certain nombre d’aspects juridiques. Je me bornerai à évoquer ces points.

Le texte qui va être définitivement adopté ce matin pose de graves problèmes sur plusieurs plans. Tout d’abord, il porte atteinte au principe de non-rétroactivité. J’en veux pour preuve, mais ce n’est qu’un exemple parmi d’autres, l’article 5, qui transforme le prélèvement forfaitaire libératoire sur des produits financiers en revenu soumis au barème. Il expose ainsi le contribuable qui s’est pourtant libéré de l’impôt à une contribution supplémentaire à laquelle, de bonne foi, il ne pouvait pas s’attendre.

Ce texte pose également de graves problèmes du fait des taux manifestement confiscatoires qui ont été fixés. Les exemples sont multiples. Je n’en prendrai qu’un, qui est particulièrement éloquent, celui de la modification de la fiscalité des terrains à bâtir. À partir de 2015, les plus-values sur ces terrains seront soumises au barème. Et lorsque, dans la tranche marginale, l’on ajoute à cette imposition les prélèvements sociaux et la taxe communale – que chacun semble avoir oubliée – de 10 % sur les terrains à bâtir, on atteint un taux de 90 %. D’ailleurs, monsieur le ministre, je vous ai adressé hier un courrier dans lequel je vous demande de m’indiquer le nombre de contribuables qui, en 2012, auront acquitté en impôts plus de 75 % de leur revenu, plus de 85 % de leur revenu, plus de 100 % de leur revenu. Ils sont plusieurs centaines, si ce n’est plusieurs milliers, du fait que la contribution exceptionnelle à l’ISF n’a pas été plafonnée en 2012.

Je voudrais aussi insister sur un troisième point, qui mérite d’être soulevé : ce texte porte gravement atteinte au droit de propriété. Nous savons tous que le droit de propriété est protégé par l’article 17 de la Déclaration des droits de l’homme.

M. Marc Le Fur. Tout à fait !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Or il est gravement remis en cause par l’article 9 du projet de loi, qui prévoit un mécanisme de plafonnement à 75 %. Prenons le cas d’un placement qui serait fait dans le cadre d’une gestion avisée, j’allais dire d’une gestion de bon père de famille. Si l’un de nos compatriotes, justement par patriotisme, plaçait la totalité de son patrimoine sous forme d’emprunts d’État, disons d’emprunts Moscovici, au taux de rendement d’aujourd’hui, son fructus, au sens du code civil, se trouverait totalement repris, avant même de prendre en compte l’inflation, par l’accumulation de la fiscalité, qu’il s’agisse de la fiscalité en termes de flux – imposition, prélèvement social – ou de la fiscalité au titre du patrimoine lui-même. Il y a là une atteinte très grave.

Dernier point : l’intelligibilité de la loi. Elle est mise à mal, ce qui est lié aux conditions extrêmement difficiles dans lesquelles nous avons travaillé. On peut même dire qu’elle est parfaitement niée. Lequel d’entre nous est-il capable de dire, tout de go, quelles sont les conditions, au titre de l’article 6 portant sur les plus-values de cessions mobilières, pour bénéficier du maintien du taux forfaitaire à 19 % ? Qui parmi nous est capable de le dire ? Personne.

Rétroactivité, caractère confiscatoire de l’impôt, atteinte au droit de propriété, inintelligibilité de cette loi de finances : il est de mon devoir de président de la commission des finances de souligner à quel point ce texte, examiné dans des conditions extrêmement difficiles,…

M. Marc Le Fur. Des conditions incroyables !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. …n’a pas permis à l’opposition, qui avait mis en évidence ces graves problèmes juridiques, d’être suivie, dans le cadre d’un travail constructif.

Le fait que nous ayons travaillé dans des conditions extrêmement difficiles rend mes remerciements d’autant plus sincères.

M. Philippe Vigier. Quelle élégance !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Je voudrais me tourner vers chacun d’entre vous. Je sais qu’il a vraiment été difficile pour tous de travailler, et notamment pour notre rapporteur général. Je disais, en commission des finances, que je ressens à son égard la plus grande sympathie, au sens étymologique du terme, parce que nous avons souffert ensemble. Je veux également remercier les équipes valeureuses d’administrateurs. Il faut évidemment remercier le ministre et ses collaborateurs, ainsi que l’ensemble des personnels de notre assemblée. Il ne me reste plus qu’à souhaiter à chacun d’entre vous d’excellentes fêtes de fin d’année. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Launay, dernier orateur inscrit.

M. Jean Launay. Au moment où nous achevons l’examen de ce projet de loi de finances pour 2013, que nous avons débuté il y a deux mois, je crois qu’il est bon de rappeler le contexte dans lequel vous avez dû, monsieur le ministre, le préparer.

Faisons donc, sans nous en réjouir, mais avec la ferme intention d’y remédier, le constat objectif des dégâts du passé et de l’ampleur du redressement qu’il est nécessaire d’opérer.

D’abord, il faut réduire le déficit et le ramener à 3 % du PIB. Nous rappellerons à nos concitoyens qu’il était de 3,9 % en 2007, de 4,8 % à la fin de 2011, et que les efforts consentis dès 2012 permettront de le contenir à 4,5 % en cette fin d’exercice.

Deuxièmement, il faut réduire l’endettement de notre pays. Car c’est le désendettement qui permettra le redressement compétitif de demain. S’établissant à 1 700 milliards d’euros, notre dette représente 91 % de notre PIB. Le désendettement est donc véritablement une question de souveraineté nationale, dès lors que l’on veut bien considérer que l’endettement est un impôt à la naissance. Et nous rappellerons à nos concitoyens que ce stock de dette s’est accru de 600 milliards d’euros au cours des cinq dernières années, et que le processus dans lequel nous engageons notre pays est un processus de rupture par rapport aux politiques publiques que vous avez menées pendant dix ans, messieurs de l’opposition, et qui ont abouti à un endettement insupportable.

Les voies existent donc pour résorber la dette et le déficit public. Et nous souhaitons pour les Français le faire tout en réduisant les inégalités et en redressant l’emploi. Pour cela, le projet de loi de finances pour 2013 agit sur les dépenses, en en encadrant strictement l’évolution. Nous le faisons dans le cadre du projet de loi de programmation des finances publiques – dont nous débattrons plus tard dans la matinée –, avec la stabilisation en valeur des dépenses de l’État sur la période 2012-2017.

Mais nous rappellerons aussi à nos concitoyens que ce choix global en contient d’autres, spécifiques, qui marquent notre différence politique dans l’appréciation des priorités : il y aura des créations d’emplois pour la jeunesse et l’éducation, pour la sécurité et la justice, car ce sont les choix du Président de la République, que nous partageons. L’emploi est le deuxième axe prioritaire, et les moyens de ce secteur sont maintenus pour accompagner les choix déjà mis en œuvre – les contrats d’avenir – ou ceux qui le seront demain, je pense en particulier aux contrats de génération.

En contrepartie, des efforts sont réalisés dans tous les ministères. Rapporteur du budget opérationnel de la défense, je veux dire, à ce stade, que nos armées vont perdre plus de 7 000 hommes en 2013, suivant ainsi la trajectoire prévue par la loi de programmation militaire en cours – 54 000 emplois en moins –, parallèlement à la refonte de la carte militaire, à la mise en place des bases de défense et à la restructuration des forces prépositionnées. Il conviendra, une fois les conclusions du nouveau Livre blanc délivrées, de stabiliser ces évolutions lourdes, de donner des perspectives à nos armées, de leur rappeler notre confiance, au-delà des actions déjà menées sur les théâtres d’opérations.

Le projet de loi de finances agit aussi sur les recettes. Si l’effort portant sur la dépense est lourd, il était aussi nécessaire de le faire porter sur les recettes. La progressivité de l’impôt sur le revenu est rétablie. Et nous rappellerons aux Français que ce budget ne repose pas sur une hausse générale et uniforme de l’impôt. Oui, nous avons voulu aligner l’impôt du capital sur celui du travail. Oui, les deux premières tranches du barème de l’impôt sur le revenu sont préservées. Oui, nous avons fait le choix, s’agissant de l’impôt sur les sociétés, de taux différenciés selon les catégories d’entreprises, avec l’objectif de favoriser l’investissement.

Et nous rappellerons encore aux Français qu’en 2007 il était facile de choisir de baisser les impôts, que la loi TEPA a diminué les recettes de 11 milliards d’euros par an, que la réforme de la taxe professionnelle a généré un coût annuel de 5 milliards par an, financé par l’emprunt, bref, que l’ensemble des choix fiscaux qui ont été ceux de la majorité précédente ont vidé nos caisses – « l’État en faillite » dont avait parlé M. Fillon –, épuisé nos marges de manœuvre, conduit à l’accroissement des inégalités.

Mes chers collègues, avec ce projet de loi de finances pour 2013 nous avons ouvert la voie à l’assainissement des comptes publics ; nous avons ménagé toutes les possibilités de préserver notre capacité de croissance en n’étouffant pas la consommation ; nous avons fait le choix d’entamer une véritable modernisation de notre économie. Ces efforts seront poursuivis sur le plan européen car notre pays est écouté, et je tiens à saluer les initiatives que le Gouvernement prend sur l’agenda de la croissance, sur la taxation des transactions financières et sur la relance.

Monsieur le ministre, dans votre présentation initiale du projet de loi de finances pour 2013, vous nous avez dit votre volonté de rompre avec l’équation impossible en face de laquelle les gouvernements précédents nous avaient placés : baisse des recettes, renvoi de la charge de la dette sur les générations futures, désindustrialisation et effondrement du commerce extérieur. Nous dirons aux Français que le budget que vous nous avez présenté est un budget de rupture, un budget de reconquête qui prépare l’avenir et le retour de la confiance.

Permettez-moi, monsieur le ministre, de saluer votre lucidité, de remercier en vous la figure de proue du Gouvernement au cours de cette discussion budgétaire, de vous remercier pour votre travail et pour vos explications qui nous permettront, demain, de relayer auprès des Français cette noble et double ambition du rétablissement des comptes publics dans la justice fiscale et sociale. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Au terme de cette discussion générale, je me permettrai de revenir sur certains éléments clefs de ce projet de loi de finances et, à cette occasion, de tenter une ultime fois de vous convaincre que certaines critiques se révèlent exagérées et, pour beaucoup, infondées.

Pour ce qui est des critiques relatives aux économies, aussi bien M. Mariton que M. Vigier ont tenu des propos que je ne crois pas lucides, je le leur dis très sincèrement. Je vous renvoie au texte lui-même, qui présente le détail des 10 milliards d’euros d’économies réalisées sur le budget de l’État et dont je rappelle qu’elles se décomposent de façon très objective en une économie sur les frais de fonctionnement pour 2,8 milliards d’euros, sur le budget du ministère de la défense pour 2,2 milliards d’euros, sur l’investissement pour 1,8 milliard d’euros, sur les dépenses d’intervention pour 2,2 milliards d’euros, bref, une économie de 10 milliards d’euros, je le répète, dont il sera facile aux parlementaires de la majorité ou de l’opposition de suivre l’exécution, quitte à critiquer le Gouvernement si ce plan d’économies n’est pas suivi ou à reconnaître que ce plan est objectivement respecté. Aussi préjuger de l’exécution budgétaire en indiquant qu’aucune économie ne sera réalisée ne me paraît-il pas intellectuellement très honnête et affirmer que ce projet de budget ne prévoit aucune économie est-il factuellement inexact.

Ensuite, en ce qui concerne la protection sociale, un ONDAM à 2,7 % représente objectivement une économie de 2,5 milliards d’euros avec la même clef de calcul que celle utilisée par la majorité précédente lorsque celle-ci se targuait de réaliser des économies au sein de la branche d’assurance maladie avec, par exemple, un ONDAM à 2,5 %. À cet égard, peut-être aurez-vous remarqué, et je suis sûr que c’est le cas même si certains ont peut-être oublié de le signaler, qu’en exécution, cette année, l’ONDAM a été réalisé avec 200 millions d’euros de dépenses en moins par rapport à l’ONDAM fixé par la majorité précédente. Je veux bien reconnaître à la majorité précédente le mérite d’un ONDAM volontariste, mais peut-être serait-il loyal que cette majorité devenue opposition constate que la nouvelle majorité a « sous-exécuté » cet ONDAM. Cela ne garantit pas le respect d’un ONDAM à 2,7 % pour 2013 mais cela ne permet pas davantage d’affirmer que cet ONDAM ne serait pas respecté ; au contraire, devrais-je dire, ce que nous avons fait ces six derniers mois augure de ce que nous nous apprêtons à réaliser.

Nous allons réaliser des économies sur le budget de l’État, en matière de dépenses, en respectant la norme « zéro valeur ». Bien sûr, il s’agit d’une économie par rapport à la tendance. J’ai entendu M. Vigier ou M. Lamour condamner cette économie par rapport à la tendance et regretter qu’il n’y ait pas d’économies en valeur absolue, les mêmes députés qui, au cours de la discussion budgétaire de l’année dernière, félicitaient le précédent gouvernement de réaliser une économie en tendance et non pas en valeur absolue. Je ferai remarquer à ces députés que tous les pays, sans exception, qui ont procédé à un ajustement budgétaire avec succès, n’ont jamais réalisé d’économies en valeur absolue mais toujours, bien sûr, par rapport à la tendance naturelle de leurs dépenses. C’est de ce modèle-ci que s’inspire la France, tous gouvernements confondus car même si ce fut le cas, en toute fin de mandat, les dix-huit derniers mois du gouvernement de M. Fillon, que vous souteniez, monsieur Vigier, monsieur Lamour,…

M. Jean-François Lamour. Avec force !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Ce gouvernement avait lui aussi indiqué vouloir réaliser des économies par rapport à la tendance de l’évolution des dépenses et non pas en valeur absolue. Il y a donc, j’ose à nouveau le mot, quelque malhonnêteté intellectuelle à s’être félicité il y a un an de ce que nous réalisons aujourd’hui, pour le condamner maintenant au seul motif que vous ne soutenez pas le présent gouvernement.

J’aimerais, au moins à l’occasion de la discussion budgétaire, et puisque j’ai personnellement pu apprécier la volonté de pacification du débat politique, que nous ayons les uns et les autres une attitude intellectuellement honnête qui ne pourra que profiter à la qualité de nos débats.

À propos de la masse salariale, j’ai entendu M. Lamour se féliciter de ce qu’au cours de la législature précédente 15 milliards d’euros d’économies aient été réalisés du fait du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite. Or il manquait une virgule dans le document qui a été lu, ou bien elle n’a pas été vue par le lecteur,…

M. François Pupponi. Il devait s’exprimer en anciens francs !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. …car je ne vois pas comment on peut réaliser 15 milliards d’euros d’économies en une législature quand la Cour des comptes, dans un rapport demandé conjointement avec le rapporteur général de l’époque, Gilles Carrez, indiquait que cette économie était de 300 millions d’euros nets par an, soit 1,5 milliard d’euros pour cinq ans !

M. Jean-François Lamour. C’est que nous raisonnons sur le long terme !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. J’ose envisager, par conséquent, que, de la part de l’orateur de l’opposition qui a avancé le chiffre de 15 milliards d’euros, il s’est agi d’un oubli ; en tout cas je tiens à rétablir cette virgule pour la clarté du débat et pour la présentation la plus sincère des choses.

Enfin, on a avancé que nous réaliserions des économies grâce à des taux d’intérêts très bas et que le Gouvernement n’en porterait aucune responsabilité. Je ne reviendrai pas sur ce qui s’est passé en Italie avec un Silvio Berlusconi qui, je vous le rappelle, fut pendant des années soutenu, et avec force, par le précédent Président de la République, avant qu’il ne le lâche à la demande de Mme Merkel. Affirmer que ce qui s’est passé en Italie ou que ce qui peut se passer en Espagne n’est pour rien dans le fait que la France emprunte à des taux d’intérêts très bas n’est pas intellectuellement honnête.

M. Hervé Mariton. Dont acte.

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Il est exact que l’Allemagne et la France profitent de ce que les marchés appellent le flight to quality. Néanmoins, comment ne pas prendre en considération les analyses d’organismes aussi indépendants que le FMI, dirigé par Mme Lagarde, peu suspecte de sympathie à l’égard du Gouvernement et de son ministre délégué chargé du budget, qui constituent une forme de satisfecit pour la politique financière et budgétaire menée par la France, puisque cet organisme lui-même reconnaît que la maîtrise de nos comptes, dans la seconde partie de l’année, a évidemment contribué à consolider la parole de la France sur les marchés ?

Deux raisons expliquent que ces taux d’intérêt soient bas : une raison internationale, je viens d’en dire quelques mots, et une raison nationale : les choix des investisseurs en faveur de la France et de l’Allemagne n’auraient pas été ceux que l’on constate si la politique budgétaire avait été si peu que ce soit laxiste ces six derniers mois. Je me permettrai de rappeler, certes pas pour comparer les personnes, je m’en garderai bien, ce que disait le général Joffre après avoir gagné la bataille de la Marne :…

M. Charles de Courson. Cahuzac, maréchal de France !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. …on ne sait qui l’a gagnée mais si cette bataille avait été perdue, je sais qui l’on accuserait.

M. Charles de Courson. Maréchal, nous voilà !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Convenons donc que chacun a pris sa part et qu’attribuer au seul contexte international le fait que la France profite de taux d’intérêts bas n’est pas intellectuellement très honnête.

Joffre, monsieur de Courson, n’était pas encore maréchal au moment des faits que je viens d’évoquer, et je sais que dans votre famille les sympathies à l’égard du régime de Vichy ont été plus que limitées pour ne pas dire nulles ; donc, par pitié, pas de « maréchal, nous voilà ! » dans votre bouche, à moins que vous n’ayez tenté de faire de l’humour au second degré, mais je ne suis pas sûr que vous soyez un exemple abouti dans cette pratique.

M. le président de la commission a voulu, c’est son rôle et il n’y a pas à s’en formaliser, préparer les travaux du Conseil constitutionnel, à savoir nourrir le recours que l’opposition – comment en être choqué ? – s’apprête à former contre le projet de loi de finances. S’indigner d’un taux d’imposition à 75 %, 80 % ou 100 %, est évidemment compréhensible sur le plan des principes. En même temps, l’année 2012 n’aura pas été exceptionnelle ni même la première à se révéler peu satisfaisante. C’est le cas en réalité depuis 1996, à savoir depuis que M. Juppé, alors Premier ministre, a décidé de plafonner le plafonnement.

M. Philippe Vigier. Nous l’avons dénoncé !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. C’est d’ailleurs cette disposition de 1996, avec l’augmentation de deux points de la CSG, qui a totalement déséquilibré l’impôt sur la fortune élaboré par Michel Rocard, et qui a enclenché des mouvements d’exil fiscal moins nombreux qu’on ne veut bien le dire, aboutissant, monsieur le président de la commission, à ce que certains taux de fiscalisation, certaines années et pour certains contribuables, atteignent les pourcentages que vous indiquez.

Il ne m’a pas semblé, depuis cette année-là, que le Conseil constitutionnel ait censuré quoi que ce soit pour ce motif. Il a naturellement le droit de revenir sur sa jurisprudence mais, puisque vous préparez les travaux du Conseil, permettez-moi de le faire à mon tour : il est rare que ce dernier revienne sur sa jurisprudence. S’il le faisait, personne n’aurait à l’en blâmer ou à l’en louer mais, conscient du rôle éminent qu’il joue, le Conseil constitutionnel confirmera, je pense, sa jurisprudence tant il est vrai que les pouvoirs publics ont besoin de visibilité constitutionnelle pour pouvoir diriger le pays. Le Conseil est très sensible à cette nécessaire visibilité pour les pouvoirs publics.

M. Charles de Courson. Prudence !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Toujours en matière d’ISF, vous indiquez que les rendements des actifs financiers n’ont que peu à voir avec le taux marginal et vous renvoyez à ce qui fut fait à l’époque, un taux marginal de 1,8 % avec des rendements financiers à deux chiffres. Je vous ferai remarquer que le taux marginal a été diminué par le Gouvernement de 1,8 % à 1,5 %, geste qui n’est pas mince,…

M. Charles de Courson. Si, il est mince !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. …et que les actifs soumis à ce barème sont des plus diversifiés et ne sont pas composés, tant s’en faut, d’argent placé au jour le jour. Il s’agit donc d’actifs dont les rendements sont soumis à un prélèvement marginal de 1,5 % sans que celui-ci ne se révèle confiscatoire. Je tenais à le préciser si d’aventure certains membres du Conseil constitutionnel décidaient de lire le compte rendu intégral de nos débats. Ce taux marginal s’applique à des patrimoines diversifiés dont la plupart des composantes sinon toutes ont des rendements qui le supportent sinon facilement, en tout cas légitimement.

M. Hervé Mariton. Il va falloir que vous nous précisiez lesquels, mais nous pouvons vous proposez quelques conseils financiers.

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Vous condamnez la rétroactivité en matière d’impôt sur le revenu. C’est de bon ton, c’est convenu. Il s’agit d’une petite rétroactivité et le Conseil d’État, informé, n’a rien trouvé à y redire. En outre, nous savons que, à ce jour, jamais le Conseil constitutionnel n’a censuré de disposition prise en fin d’année relative à l’impôt sur le revenu applicable l’année suivante.

M. Charles de Courson. Quoi ?

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Je conteste donc votre affirmation quant à la rétroactivité. Nous verrons, là encore, quelle sera l’analyse du Conseil constitutionnel.

J’ai, je dois le reconnaître, assez mal compris votre raisonnement sur l’atteinte au droit de propriété ; mais, comme c’est un droit de nature constitutionnelle, la décision, et, le cas échéant, les commentaires, certainement, du Conseil constitutionnel seront très intéressants pour éclairer nos débats pour le reste de la législature.

Monsieur le président de la commission, vous avez rendu hommage au rapporteur général en indiquant qu’il avait beaucoup souffert. Pour l’avoir été pendant dix ans, vous savez ce que sont ces souffrances. Après avoir vu souffrir l’actuel rapporteur général et après avoir vu souffrir, peut-être davantage, son prédécesseur, je puis affirmer que M. Eckert, avec une grande constance, a assumé son rôle d’articulation entre le groupe majoritaire et le Gouvernement sans jamais se départir de sa plus parfaite loyauté à l’égard de l’un et de l’autre.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Jamais !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Au fond, il est dans son rôle comme vous étiez dans le vôtre quand vous avez décidé, j’imagine sans souffrir, de récrire en totalité le projet de réforme de la taxe professionnelle. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

Vote sur l’ensemble

Mme la présidente. Je vais maintenant mettre aux voix, conformément au troisième alinéa de l’article 114 du règlement, l’ensemble du projet de loi de finances pour 2013 tel qu’il résulte du texte voté par l’Assemblée en nouvelle lecture.

(Le projet de loi est adopté.)

(Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

2

Projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017

Lecture définitive

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion en lecture définitive du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017 (nos 573, 575).

Présentation

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué chargé du budget.

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué chargé du budget. Je remercie encore une fois les principaux orateurs du groupe SRC, Pierre-Alain Muet, Dominique Lefebvre, Sandrine Mazetier, Karine Berger, ainsi que les porte-parole des autres groupes de la majorité, Mme Sas et M. Alauzet, ainsi que les porte-parole de l’opposition, Hervé Mariton et Charles de Courson, dont la constance dans l’opposition a nourri très utilement tous les débats ; je remercie enfin les services de l’Assemblée, qui permettent la tenue de débats dont j’ai déjà dit qu’ils étaient de qualité.

Sur le fond, je voudrais simplement indiquer que cette loi de programmation n’est modifiée que par le choix gouvernemental d’instaurer un crédit d’impôt pour la compétitivité et pour l’emploi, dont l’une des conséquences sera de faire baisser le taux des prélèvements obligatoires de manière plus sensible, et avec une avance d’un an sur le calendrier précédemment retenu.

Tels sont, madame la présidente, les quelques mots que je souhaitais adresser à la représentation nationale, avant cette troisième lecture de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.

M. Christian Eckert, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Le Sénat a rejeté, vous le savez, le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017, en nouvelle lecture, comme en première lecture, comme il avait rejeté le collectif budgétaire.

L’article 45, alinéa 4, de notre Constitution prévoit que le Gouvernement demande à l’Assemblée nationale de statuer en dernier ressort, sans possibilité, ni pour le Gouvernement, ni pour les parlementaires, d’amender ce texte.

Par rapport à la première lecture, la modification essentielle du texte consiste dans l’introduction d’un gage de la sincérité de la programmation du Gouvernement, puisqu’il inclut les incidences du crédit d’impôt compétitivité emploi. Je rappelle qu’il s’agit d’un dispositif d’ampleur, dont le coût est de l’ordre de 1 % du PIB par an en année pleine, soit environ 20 milliards d’euros. La première moitié de son financement est apportée par la mesure relative à la TVA et par une nouvelle fiscalité écologique, l’autre moitié par des économies supplémentaires et pérennes sur la dépense.

S’agissant d’ailleurs de cette dépense, un travail de fond doit être accompli dans le cadre de la modernisation de l’action publique, la MAP.

Sur ce sujet, je voudrais insister sur deux points. Je tiens d’abord à rappeler que l’État ne pourra pas assumer tout seul la baisse de 10 milliards d’euros des dépenses publiques, suivant la logique qui sera retenue par la modernisation de l’action publique. Par conséquent, et par honnêteté, il faut dire aujourd’hui que les opérateurs, les organismes de sécurité sociale et les collectivités territoriales devront contribuer à l’effort de redressement des comptes publics.

Je souhaite ensuite, et c’est le deuxième point, que le Parlement soit associé à ce travail, comme le prévoit d’ailleurs un amendement au projet de loi de finances rectificative, adopté à l’initiative de François Cornut-Gentille et de moi-même, dans le prolongement de nos travaux sur l’évaluation de la RGPP.

Mes chers collègues, l’un d’entre vous a parlé des souffrances du rapporteur général. Je voudrais m’inscrire en faux contre cette analyse : j’ai pris beaucoup de plaisir, je dois vous le dire, à conduire et animer les travaux, à analyser les propositions du Gouvernement, à proposer des modifications et à écouter les demandes des parlementaires, de tous les parlementaires…

M. Jean-François Lamour. C’est ça !

M. Christian Eckert, rapporteur général. …avec, bien sûr, une audition un peu différenciée, l’oreille gauche fonctionnant parfois un peu mieux que l’oreille droite.

M. Jean-François Lamour. On peut vous indiquer l’adresse d’un bon médecin !

M. Christian Eckert, rapporteur général. En tout cas, j’ai pris beaucoup de plaisir et j’ai beaucoup appris en « formation accélérée », pour reprendre une expression qui a été utilisée hier : j’ai bénéficié, depuis le mois de juillet, d’une bonne formation accélérée. J’ai entretenu des relations parfaitement courtoises et harmonieuses avec le président de la commission des finances, Gilles Carrez, que je tiens à remercier. Il m’a apporté des conseils, et parfois même son appui sur un certain nombre d’articles. Il m’a même confié un jour, au sujet d’un article, qu’il aurait aimé l’avoir écrit lui-même et qu’il était très satisfait que nous puissions le mettre en œuvre.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. C’est exact !

M. Hervé Mariton. C’est exceptionnel ! Il va falloir clarifier tout cela ! (Sourires)

M. Christian Eckert, rapporteur général. Cela n’a pas empêché notre président de marquer ses différences : il le fait, et c’est bien normal.

Il n’y a donc pas eu trop de souffrances et, si tant est qu’il y en ait eu, vous allez bientôt y mettre fin.

M. Hervé Mariton. Provisoirement ! Jusqu’au prochain collectif !

M. Christian Eckert, rapporteur général. J’espère que personne ne verra dans mes propos un clin d’œil au futur débat sur le droit à mourir dans la dignité… (Sourires).

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Ni même à la fin du monde !

M. Christian Eckert, rapporteur général. …ni à la fin du monde le 21 décembre ! Merci, monsieur le ministre !

Au moment où ces travaux s’achèvent, je voudrais évoquer les nouveaux chantiers que nous allons devoir entamer dans les semaines et les mois qui viennent. Quand on termine quelque chose, il faut en effet se tourner vers l’avenir, si l’on veut rester dynamique.

Sans entrer dans les détails, je suggère bien entendu, comme cela a été dit ici et là, que nous approfondissions notre travail sur les questions relatives à la TVA. Il faudra probablement jeter un regard nouveau sur les interférences qui ne manqueront pas d’intervenir entre l’effort de contribution que nous demanderons sur la TVA, à hauteur de 6 ou 7 milliards d’euros, et les conséquences du crédit d’impôt compétitivité emploi. Nous aurons un autre regard sur les différents secteurs d’activité et il nous faudra probablement modifier un certain nombre de situations.

Le deuxième travail que nous aurons à mener – et il faudra naturellement y associer tout le monde –, c’est le travail sur la fiscalité écologique : nous avons effectivement prévu que 3 à 4 milliards d’euros soient sollicités au cours des prochaines années, au titre de la fiscalité écologique : cette fiscalité pèsera certainement un peu sur les ménages, et probablement davantage sur les entreprises. Nous devrons mener ce travail, car nos concitoyens considèrent, de façon tout à fait légitime, qu’il s’agit là d’une question très sensible.

Il faudra aussi que nous poursuivions notre travail sur ce que l’on appelle aujourd’hui l’exil fiscal, même si le terme est probablement impropre. Nous devrons examiner l’état du droit existant, la manière dont il est appliqué, et les moyens à notre disposition, afin de mettre fin aux fantasmes que quelques-uns d’entre nous ont relevés ces derniers temps.

Le quatrième axe de travail n’a pas encore été suffisamment évoqué, selon moi, en tout cas au sein de la commission des finances, qui n’est d’ailleurs pas la seule compétente : je veux parler du travail que nous aurons à accomplir sur les retraites. La dernière réforme des retraites, en effet – et nous l’avions dit à l’époque – n’assurait pas l’équilibre et prévoyait, d’ailleurs, des clauses de revoyure. Peut-être que l’actualité et la situation des caisses de retraite accéléreront la mise en œuvre de ces clauses de revoyure. Cela supposera, bien entendu, que les partenaires sociaux travaillent sur ce sujet, et que nous les entendions.

Le dernier axe de travail, enfin, me paraît essentiel. Il nous a occupés pendant de nombreuses heures et a déclenché bien des passions ces derniers jours : il s’agit de la fiscalité locale.

Notre fiscalité locale est devenue parfaitement illisible. Vous avez parlé tout à l’heure, monsieur le président, de l’« intelligibilité de la loi » : en matière de fiscalité locale, on atteint, si j’ose dire, des records d’inintelligibilité ! Nous devrons travailler sur la question de la fiscalité locale, car il s’agit d’une question fondamentale. Je lisais à l’instant, dans un grand journal économique bien connu de nous tous, que l’évolution des impôts locaux dans les années à venir est la question qui préoccupe le plus nos concitoyens.

Nous devrons travailler sur cette question avec plusieurs objectifs, et d’abord celui de rendre à un certain nombre de collectivités territoriales l’autonomie fiscale qu’elles n’ont plus : cela permettra de les responsabiliser, s’agissant notamment des sollicitations qu’elles adressent à nos concitoyens.

Il conviendra aussi – et c’est surtout ce sujet qui nous a passionnés ces derniers jours – de se pencher sur la question de la péréquation, aussi bien entre l’Île-de-France et la province, qu’entre les agglomérations urbaines et les territoires ruraux. Ce sont des questions extrêmement difficiles, qu’il nous faudra pourtant affronter, à l’occasion de l’acte III de la décentralisation. Nous le ferons, bien sûr, en partenariat avec le Comité des finances locales et les grandes associations d’élus, et avec la conscience qu’ici, dans cette enceinte, chacun des députés est bien un élu de la nation, et pas seulement le défenseur de son propre territoire. J’imagine que c’est bien ainsi que chacun d’entre vous voit les choses.

Mme Catherine Coutelle. Très bien !

M. Christian Eckert, rapporteur général. Je m’arrêterai là, mes chers collègues.

Nos débats ont été riches. Je tiens naturellement, madame la présidente, à vous remercier, vous et tous ceux qui vous ont précédée à ce plateau. J’adresse également mes remerciements à l’ensemble des fonctionnaires – j’ai déjà remercié tout à l’heure mon équipe, qui a travaillé dans la joie et la bonne humeur, même dans les moments difficiles.

Merci à l’ensemble des parlementaires qui ont été présents et assidus : ils sont nombreux à l’avoir été, et ils sont pour la plupart présents ce matin. Les parlementaires de la majorité ont été souvent très nombreux, plus nombreux je crois que lors des sessions précédentes…

M. Pierre-Alain Muet. En effet.

M. Christian Eckert, rapporteur général. …et je tiens à les en remercier, car ils sont un vrai réconfort et un soutien pour ceux qui sont les plus actifs. J’adresse, enfin, un remerciement particulier à vos équipes, monsieur le ministre, aussi bien à votre cabinet qu’aux services de Bercy qui, généralement, ont répondu rapidement à nos sollicitations.

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. À chaque fois !

M. Christian Eckert, rapporteur général. Il a fallu parfois les rappeler, mais c’était probablement à cause de la surcharge de travail qui était la leur, et non par manque de volonté, je n’en doute pas.

Je vous l’ai déjà dit tout à l’heure : en suivant pour la première fois de A à Z cette loi de finances de ce côté-ci de l’hémicycle, j’ai découvert et mesuré que nos liens sont permanents, et c’est tout à fait normal. Un hebdomadaire a fait allusion à des échanges que j’ai pu avoir avec certains ministres sur des points précis : je ne vois pas ce qu’il y a de choquant. Certains ont dit qu’il n’était pas normal que l’exécutif ait des relations avec le législatif, mais qui ici pourrait croire qu’il n’y a pas d’échanges entre le Gouvernement et sa majorité ? C’est plus qu’un usage, c’est une nécessité, et personne ne pourrait comprendre qu’il y ait un travail séparé entre un Gouvernement et la majorité qui le soutient.

Je voudrais donc, à mon tour, vous souhaiter, à toutes et à tous, de très bonnes fêtes de Noël. Prenez du repos, et surtout de très bonnes résolutions pour l’année prochaine, parce que, je l’ai dit tout à l’heure, un certain nombre de travaux importants nous attendent.

Plus formellement, mes chers collègues, la commission des finances a adopté tout à l’heure, à une très large majorité, le projet qui vous est soumis et je vous recommande de l’adopter. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Régis Juanico. À une écrasante majorité !

Discussion générale

Mme la présidente. Dans la discussion générale, la parole est à M. Hervé Mariton.

M. Hervé Mariton. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, permettez à l’opposition de s’immiscer dans les congratulations sympathiques qu’échangent le Gouvernement et la majorité, pour faire quelques observations au sujet de la loi de programmation. J’essaierai de ne pas être trop long, à ce stade de nos débats.

De cette loi de programmation, on peut penser en partie du bien, puisque le Gouvernement et la majorité, après avoir pratiqué la dénégation, assument enfin une contrainte européenne de sérieux budgétaire et de réduction de la dette et des déficits.

Vous n’avez pas fait le choix de déchirer les engagements européens ; vous n’avez pas fait le choix de déchirer le traité sur la stabilité, la coopération et la gouvernance et au fond, puisque le Gouvernement et la majorité ont fait le choix de ratifier ce que nous avions élaboré, il est normal que, contraints, vous en assumiez les conséquences dans le projet de loi de programmation.

Oui, il s’agit d’une programmation cohérente et sérieuse en termes d’évolution des déficits et de la dette. Je déplore néanmoins une conscience insuffisante, de votre part, de ce que sont les excès de dépenses publiques, et surtout de prélèvements obligatoires dans notre pays, même si l’introduction du crédit d’impôt compétitivité emploi vous a amenés à réviser votre copie et à minorer un peu l’évolution des prélèvements obligatoires. C’est un léger progrès, et il n’y a pas de raison de ne pas l’apprécier.

Je constate donc que cette loi de programmation respecte les contraintes. En revanche, je dois dire que les choix et l’arbitrage que vous avez faits entre l’évolution des dépenses et l’évolution des impôts ne nous convient pas, et nous vous le disons à nouveau. Nous préférerions que vous fassiez davantage d’économies et que vous fassiez preuve de plus de modération dans l’évolution de l’impôt. Respect de la contrainte, donc, et mauvaise répartition des efforts : telle est ma première observation.

Ma deuxième observation fait écho aux propos du rapporteur général : il vous faudra, monsieur le ministre, faire preuve de beaucoup de constance dans la mise en œuvre de cette loi de programmation. Pour parler comme le président de la commission des finances, j’ai éprouvé de la sympathie voire de la compassion pour vous à certains moments de nos débats, en pensant à la façon dont peut tourner le débat sur la TVA dans les mois à venir.

Vous aurez de très grandes difficultés à assurer la recette à laquelle vous prétendez avec une majorité qui veut faire de toutes parts des trous dans le système. Si vous voulez réellement tenir les objectifs de la loi de programmation, il va vous falloir beaucoup de pédagogie auprès de la majorité pour expliquer qu’il ne faut pas créer d’exceptions de toutes parts.

Il vous faudra aussi, monsieur le ministre, beaucoup d’humilité, de discipline et d’honnêteté – mais vous en avez sûrement – pour ne pas trop recourir à la facilité consistant à qualifier de réduction de dépense ce qui n’est jamais qu’une augmentation d’impôts par la remise en cause de dispositifs de réduction ou de crédits d’impôts.

Je souhaite également aborder une troisième catégorie de remarques, auxquelles j’associe notre collègue Olivier Carré, portant sur la vraisemblance de votre programmation. Le rapporteur général a fait écho à une observation que j’ai faite l’autre jour sur la prise en compte de l’évolution de la trajectoire s’agissant des retraites. Le ministre a répondu qu’il y aurait un rendez-vous dans deux ans. C’est une réponse, mais la vraie question demeure.

Nous ne découvrons pas la problématique des retraites. Nous avions prévu un rendez-vous régulier, mais après les réformes que nous avons introduites, la situation économique n’a pas évolué comme nous pouvions espérer qu’elle le fasse. Nous nous trouvons donc face à un solde plus difficile, plus pénalisant, que celui que nous pouvions escompter. Cela posera une question de trajectoire des finances publiques, qui amènera nécessairement à modifier la loi de programmation. Quelques indications ou engagements de principe de la part du Gouvernement eussent été les bienvenus. En cohérence avec les propos que je viens de tenir, il ne faut pas, vu le niveau des prélèvements obligatoires dans notre pays, que les taux augmentent. La variable essentielle reste celle de la durée de cotisation.

Nous avons encore entendu Karine Berger nous dire hier soir qu’il fallait protéger les petites retraites. Mais les autres ? Les classes moyennes, dont nous avons souvent parlé, ne doivent pas être les victimes de la poursuite de la réforme des retraites, de la réforme supplémentaire que vous introduirez et des corrections de la loi de programmation auxquelles vous serez nécessairement conduits.

Les hypothèses de croissance souffrent aussi de ce manque de vraisemblance. J’ai entendu les propos de la majorité sur la période 2012-2013. Les hypothèses de croissance de l’ensemble de la loi de programmation sont-elles raisonnables ? Elles sont largement contestées en France et en Europe. Heureusement, la loi organique va vous placer demain sous le regard du Haut Conseil des finances publiques. Le Gouvernement – et la remarque vaut pour bien des gouvernements – pourra continuer à faire preuve d’une certaine dose de volontarisme, mais il devra également faire preuve d’un peu plus de réalisme, ce qui ne pourra pas faire de mal.

Cependant, les prévisions se sont précisées depuis que vous avez soumis ce projet de loi de programmation au Parlement. Est-il bien raisonnable de continuer à tracer des perspectives pour les années à venir sans tenir compte des enseignements économiques et des données actuelles ? Ce n’est pas vraisemblable.

J’ai eu plusieurs fois l’occasion d’évoquer un autre sujet qui est un peu désagréable en ce qu’il met au jour les divisions de votre majorité, parfois au sein même du Gouvernement. Croyez-vous ou non à l’objectif des 3 % ? Tant de voix dissonantes se sont exprimées à gauche ! Vous-même, avec M. Moscovici, revenez régulièrement sur ce point sans beaucoup le développer, dans une sorte de rite. La majorité n’y croit plus, mais il est important que le ministre du budget et le ministre des finances disent régulièrement : « trois pour cent », pour rassurer. Mais sans y mettre plus de conviction que vous ne le faites, cela ne rassure pas beaucoup.

Dans d’autres pays en Europe, dans d’autres milieux politiques et économiques, se pose cette question de la trajectoire de rétablissement. Je suis d’avis de respecter cette trajectoire, et je ne partage pas les doutes de la gauche, ni ceux qui se sont exprimés en Europe. Mais puisque la question revient plusieurs fois dans cet hémicycle, elle aurait mérité de la part du Gouvernement mieux qu’un argument d’autorité. La discussion de la loi de programmation aurait mérité que l’on rentre réellement au fond de ce débat.

Puisque ce débat existe en France, et que les éléments en ont été renouvelés, puisque ce débat a été ouvert avec davantage d’intensité en Europe par des arguments et des esprits que l’on ne peut pas balayer d’un simple revers de la main, nous étions en droit d’attendre davantage de réponses de fond de la part du Gouvernement plutôt que l’argument d’autorité que vous maniez parce que les rites vous y obligent.

Bien que nous puissions partager un certain nombre d’objectifs de discipline et de sérieux qui figurent dans cette loi de programmation, la manière dont ses équilibres sont construits appelle trop de critiques, le manque d’adhésion réelle à cette discipline appelle trop d’observations et le refus d’entrer dans un débat qui existe en France et en Europe pose le problème du partage de ces choix. Tout cela justifie amplement notre opposition à ce texte.

Si l’on veut que la loi de programmation soit autre chose qu’un rite, si l’on veut qu’elle soit plus que la simple préparation technique des actes budgétaires, si l’on veut qu’il y ait une pédagogie réussie, il faudrait plus de conviction et d’engagement du Gouvernement. Ils ne sont pas au rendez-vous, et le groupe UMP votera contre ce projet de loi de programmation. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et Rassemblement-UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, bien des choses pourraient être dites à l’occasion du vote de cette loi de programmation, mais il faut reconnaître que l’on progresse tout de même un peu dans ce pays.

Nous, centristes, nous battons depuis quinze ans pour la règle d’or. Peu à peu, nous avons contaminé nos collègues de l’UMP qui y sont progressivement venus, puisque le président Sarkozy lui-même s’y est rallié à la fin de son mandat.

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Le président Chirac finira bien aussi par la reconnaître, mais un peu tard ! (Sourires)

M. Charles de Courson. Mais que n’avons-nous pas entendu à l’époque de la part de la gauche ! Je me souviens encore des amendements que j’avais déposés lorsque nous avions voté les différentes lois organiques relatives tant à la loi de finances qu’à la loi de financement de la sécurité sociale. La gauche nous expliquait que l’équilibre budgétaire était une chose affreuse, antisociale, qui empêchait les gouvernements de mener leurs politiques.

Eh bien, je veux vous féliciter, mes chers collègues ! Certes, il y a encore quelques petites minorités au sein du parti socialiste qui pensent que votre ralliement à la règle d’or a été une erreur fondamentale, mais ils ont évidemment tort.

Il ne reste plus que le Front dit de gauche à ne pas s’y être rallié, ainsi que nos collègues verts, qui ne sont pas très à l’aise sur ce sujet puisqu’ils ont refusé le traité européen. Mais je ne désespère pas que M. Alauzet, qui fait partie des trois courageux à avoir voté en sa faveur au sein du groupe écologiste, percole peu à peu et finisse par convaincre ses collègues.

Nous progressons donc sur l’objectif de la règle d’or. C’est un combat de quinze ans de ma vie,…

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Il faut s’arrêter là ! (Sourires.)

M. Charles de Courson. …et je suis donc très heureux de voir que la loi de programmation, au moins sur ce point, a progressé.

Mais j’en viens aux cinq raisons pour lesquelles nous ne pourrons pas voter ce texte.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Normalement, il y en a trois…

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Cinq raisons, c’est quatre de trop : c’est qu’il n’y en a pas une de bonne !

M. Charles de Courson. Il y en a beaucoup d’autres, mais je résume.

La première est cette maladie infantile de tous les gouvernements : pour éviter de projeter la réalité, à savoir une croissance faible, ce qui exige des efforts beaucoup plus importants de réduction de la dépense, ils s’en sortent en se fondant sur des hypothèses de croissance complètement surévaluées. La loi de programmation l’illustre à merveille : à partir de 2014, à l’en croire, un miracle se produit. Vous savez que notre jeune rapporteur général est un nouveau converti : il a la foi, l’espérance et la charité.

M. Marc Le Fur. La foi, pas encore !

M. Charles de Courson. Il est allé prier longuement et il a eu une révélation : la croissance va brutalement passer à 2 % à partir de 2014 !

M. Pierre-Alain Muet. Absolument ! En moyenne annuelle, c’est possible !

M. Charles de Courson. M. Muet, lui, n’en est plus à l’acte de foi mais presque au suicide budgétaire : il pense que les hypothèses du Gouvernement, pourtant insuffisamment révisées à la baisse, sont exagérément pessimistes.

M. Marc Le Fur. M. Muet est un converti à la politique de l’offre.

M. Charles de Courson. Ah, monsieur Muet, vous êtes un jeune parlementaire !

M. Pierre-Alain Muet. Oui, mais un ancien conjoncturiste !

M. Charles de Courson. Les conjoncturistes, pour la plupart, se sont à peu près trompés sur tout ; ce sont donc de bonnes références… Moi, j’ai vingt ans de mandat parlementaire derrière moi.

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Vous ne les faites pas !

M. Christian Eckert, rapporteur général. Vous en faites plus !

M. Charles de Courson. Pourquoi donc avez-vous retenu cette hypothèse de 2 % ? Je vous rappelle que la croissance potentielle de la France est estimée par l’Union européenne à 1,1 %. Vous avez retenu 2 % parce que si vous aviez pris 1,1 %, vous étiez confrontés à un mur budgétaire. Vous auriez dû changer complètement votre politique.

Alors, M. Muet, qui n’est pas à un paradoxe près, nous parle de volontarisme. Il aurait pu dire qu’il allait « chercher la croissance avec les dents » !

M. Pierre-Alain Muet. Gardez ces expressions pour votre ancienne majorité !

M. Charles de Courson. Mais c’est exactement la même démarche intellectuelle : vous prenez vos désirs pour des réalités !

M. Christophe Castaner. Vous condamnez donc M. Sarkozy ?

M. Charles de Courson. Aucun facteur structurel ne permet, hélas, d’espérer une croissance de 2 % par an à partir de 2014.

Puisque vous n’atteindrez pas cet objectif de croissance, les problèmes de réformes structurelles telles que les retraites ou l’assurance-maladie ne vont pas se poser dans deux ans, mais ils se posent d’ores et déjà puisque le déficit est de 14 milliards d’euros.

J’ai été de ceux, dans l’opposition comme dans la majorité, qui ont dit la vérité, à savoir que cette réforme, que j’ai votée lorsque j’étais dans la majorité, était insuffisante. Elle a résolu à peu près la moitié du problème. Je l’ai dit, et M. le président de la commission des finances peut en témoigner : nous ne sommes pas allés assez loin. Ce n’est pas à 62 ans qu’il faut remonter, mais à 65 ans. Il faut le dire ! Cela ne fait pas plaisir, ce n’est pas par masochisme que je vous dis cela, mais si nous voulons maintenir des niveaux de revenus corrects pour nos retraités, il faut continuer à augmenter la durée de cotisation. D’ailleurs, regardez ce qui se passe ailleurs : même si les situations démographiques sont très différentes selon les pays, la tendance est partout la même.

Si vous ne voulez pas faire cela, vous allez continuer à faire baisser le pouvoir d’achat des retraités. Vous commencez d’ailleurs dès l’année prochaine, car en fait les retraites vont baisser de 0,3 % du fait de la cotisation supplémentaire que vont payer tous les retraités imposables, et comme vous ne revalorisez les retraites que de la valeur de l’inflation, le pouvoir d’achat va baisser.

Vous ne voulez pas affronter cette réalité. Il en va de même pour l’assurance maladie : il n’était pas nécessaire de changer de majorité pour faire passer l’augmentation de 0,1 à 0,2 point, à supposer que l’objectif soit tenu, comme nous avons à peu près su le faire. Mais derrière cette question se pose le problème de la réforme et la restructuration des hôpitaux. Vous y serez contraints et vous verrez, monsieur le ministre, que vous aurez alors tous vos amis sur le dos pour vous expliquer qu’il ne faut pas toucher à leur hôpital, mais à celui d’à-côté. C’est humain, c’est ainsi.

En surestimant la croissance, vous sous-estimez les efforts à faire. Si vous voulez mon sentiment, votre problème de fond est que vous n’avez pas de majorité sociologique dans ce pays pour vous soutenir, pour deux raisons : la composition de votre corps électoral, et celle de vos effectifs militants. N’oubliez jamais, chers collègues socialistes, que votre drame est que deux tiers de vos militants sont dans le secteur public. C’est une anomalie en Europe, et un énorme problème de la gauche française.

Réformer la France, c’est donc s’attaquer à votre corps de bataille. C’est d’ailleurs pour cela que vous n’avez jamais voulu vous attaquer aux régimes spéciaux. Je fais partie d’une famille politique qui répète depuis quinze ans qu’il faut mettre en extinction tous les régimes spéciaux. Vous ne pourrez pas le faire, c’est ainsi.

Voilà donc la première critique.

La deuxième critique concerne votre stratégie budgétaire. Réduire la dépense est la priorité des priorités. Vous prétendez qu’en 2013 vous réduisez la dépense de 10 milliards d’euros et augmentez la fiscalité de 20 milliards : c’est tout le contraire de ce qu’il y a dans ce projet de loi de programmation ! L’augmentation des recettes fiscales n’est pas de 20 milliards, mais de 28 milliards d’euros, lesquels pèseront pour moitié sur les entreprises et pour moitié sur les ménages. S’agissant de ces derniers, arrêtez de dire que ce sont les riches qui paient ! Je pourrais égrener les sept ou huit mesures qui touchent y compris les Français les plus modestes.

Je pense donc que vous commettez une énorme erreur : même votre présentation d’un effort de 10 milliards d’euros sur la dépense est erronée. Il n’y a pas 10 milliards d’économies ! Il faut raisonner de façon très simple : la dépense publique baisse-t-elle par rapport à la croissance potentielle de la richesse nationale ? Non, elle ne baisse pas ! En fait, les quelques économies que vous avez faites servent à éviter l’augmentation de la dépense en 2013. Si le taux de croissance n’est pas de 0,8 %, mais de 0,2 % ou 0,3 %, la dépense augmentera de nouveau. Les années suivantes, avec une croissance qui ne sera, hélas, pas de 2 % mais plus faible sur une moyenne période, la dépense publique augmentera de façon continue. De ce fait, vous allez tuer la compétitivité française, malgré tout ce que vous dites. Voilà l’un des drames de notre pays ; c’est la deuxième raison pour laquelle nous ne sommes pas d’accord avec votre projet de loi de programmation.

Il y a des chiffres qui ne trompent pas : la réduction de 1,5 point de PIB – soit 30 milliards d’euros – des déficits publics en 2013 est financée par une augmentation de 28 milliards d’euros des prélèvements obligatoires. Il n’y a pas de politique de réduction de la dépense publique !

Une autre critique, qui vous fait très mal, concerne votre incohérence dans la gestion de la fonction publique. Vous ne pouvez pas maintenir, pour ce qui concerne l’État, la masse salariale de la fonction publique en euros courants tout en maintenant les effectifs. Si vous voulez faire ces deux choses à la fois, vous devez baisser le pouvoir d’achat des fonctionnaires de l’ordre de 1,2 ou 1,3 point en moyenne chaque année. Si vous faites cela, vous paupériserez la fonction publique et vous démoraliserez les fonctionnaires. Au contraire, il faut admettre que le pays connaît de graves problèmes et baisser les effectifs,…

M. Marc Le Fur. Bien sûr ! C’est ce qu’il faut faire, et c’est d’ailleurs ce que nous avons fait !

M. Frédéric Reiss. C’est ce qu’il faut continuer à faire !

M. Charles de Courson. …de manière à maintenir – au minimum –, voire à améliorer le pouvoir d’achat des fonctionnaires.

J’ai été très étonné de lire l’interview de M. Moscovici dans le Journal du dimanche. Il disait que nous devions nous inspirer de ce qu’a fait le Canada. Mes chers collègues, savez-vous ce qu’ont fait les Canadiens ? Ils ont diminué les effectifs de 20 % en cinq ans, soit une baisse de 5 % par an.

M. Pierre-Alain Muet. Non !

M. Charles de Courson. Ils l’ont fait, même si M. Muet n’aime pas qu’on le lui rappelle. Ce n’est pourtant pas moi qui le dis, c’est M. Moscovici ! Le modèle canadien, dont vous dites vouloir vous inspirer, est l’inverse de ce que vous faites !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. C’est ce que vous avez fait, quand vous étiez majoritaires ?

M. Charles de Courson. Quant à la modernisation de l’action publique – la MAP –, c’est assez amusant : vous nous expliquez que vous réfléchirez, l’année prochaine, sur cinq, six ou peut-être sept thèmes.

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Quarante !

M. Charles de Courson. C’est une information intéressante : il faut la livrer…

M. Christian Eckert, rapporteur général. C’est dans le journal d’hier !

M. Charles de Courson. Ah, cela date d’hier… J’ai pourtant lu dans la presse qu’il y en aurait sept.

Mme la présidente. Concluez, monsieur de Courson, s’il vous plaît.

M. Charles de Courson. Mes chers collègues, le problème n’est pas de réfléchir, mais d’agir. Or vous n’agissez pas. C’est ma cinquième critique.

Je termine par quelque chose qui vous gêne beaucoup : il s’agit de l’article 4 du traité que vous avez voté.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Ah !

M. Charles de Courson. Oui, je me permets de rappeler toujours, à temps et à contretemps, un certain nombre de choses qui vous gênent !

En ratifiant le traité, vous vous êtes engagés à baisser notre taux de dette publique en le faisant passer de 90 % – je devrais même dire 91 %, puisque ce sera notre taux d’endettement à la fin de cette année – à 60 %. Pour ce faire, mes chers collègues, ce n’est pas un déficit de 0,5 %, sur lequel repose votre stratégie budgétaire, qu’il ne faut pas dépasser : au contraire, un excédent budgétaire est nécessaire.

Mme la présidente. Monsieur de Courson, ici, c’est le temps de parole qu’on ne dépasse pas !

M. Charles de Courson. Mes chers collègues, voilà donc les cinq grandes critiques qui expliquent que nous voterons contre ce projet de loi de programmation.

M. Marc Le Fur. Très bien, monsieur de Courson !

Mme la présidente. La parole est à M. Frédéric Reiss.

M. Frédéric Reiss. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, mes propos ne seront pas de la même tonalité que les sympathiques remerciements du rapporteur général avant la trêve des confiseurs.

Le projet de loi de programmation des finances publiques, dont l’examen s’achève, devrait avoir pour mission première de fixer un cap précis concrétisant les choix stratégiques du Gouvernement pour redresser notre pays. Monsieur le ministre, force est de constater que vous n’avez pas réussi à convaincre. Après la valse hésitation de certains membres éminents de votre majorité sur l’objectif de retour à 3 % de déficit public, vous nous proposez un texte sans stratégie cohérente. Le déni de réalité, l’absence de réforme structurelle et les allers-retours d’une majorité qui se cherche – le sort de vos textes budgétaires au Sénat en sont la preuve – sont tout simplement vertigineux.

Ce projet de loi de programmation illustre malheureusement une nouvelle fois l’exercice de navigation à vue dans lequel nous vous observons depuis six mois. À l’heure où il faut donner à notre pays un véritable projet pour l’investissement, l’industrialisation et l’emploi, votre seule préoccupation est de ménager le plus grand nombre de Français en maintenant l’illusion que notre modèle est viable sans réformes structurelles, et de faire payer ceux que vous appelez les riches. Il est en effet plus confortable de matraquer les entreprises et les classes plutôt aisées, tout en brandissant la banderole de la justice fiscale. Encore faudrait-il que cela soit efficace !

La vérité, c’est que vous n’avez pas le courage de lancer les grands chantiers de la réforme de l’État, de la sécurité sociale ou du marché du travail.

La vérité, c’est que vous n’êtes pas en mesure d’anticiper la dérive industrielle et de gérer la modernisation, la transformation ou même la conversion nécessaire de certains bassins d’emploi.

M. Pierre-Alain Muet. Et vous, qu’avez-vous fait ?

M. Frédéric Reiss. La clé de la réduction du chômage et de la dette ne se trouve que dans le rétablissement d’un appareil productif compétitif. Sans compétitivité, les hausses d’impôts seront inefficaces, car elles provoqueront la chute de l’activité. Le problème, c’est que les recettes des entreprises vont chuter et que nous assisterons dès l’année prochaine à un effondrement des recettes de l’État. Le retour à l’équilibre des comptes publics ne pourra se faire sans un pacte productif, ni un pacte social de flexibilité pour l’emploi et de sécurité pour les travailleurs. Telle est la réalité. Sans une véritable stratégie alliant une politique budgétaire responsable et une vision de la France dans le monde, vous grèverez toute perspective de retournement.

Il faut mettre de côté les hausses d’impôts, car nous sommes déjà au maximum de la pression fiscale possible. La pression fiscale en France est l’une des plus élevées au monde ! Si vous l’augmentez encore, vous casserez le peu de croissance qui reste et réduirez davantage la compétitivité de nos entreprises : vous détruirez donc des emplois. Par conséquent, le chômage va encore augmenter, et les revenus baisser : autant d’évolutions qui réduiront l’assiette fiscale, et donc les recettes publiques à venir. En augmentant les impôts, vous finirez par aggraver les déficits publics.

Croyez-vous réellement que c’est en déployant le chiffon rouge d’une fiscalité confiscatoire que vous parviendrez à faire venir en France les investisseurs dont nous avons tant besoin ? Croyez-vous réellement que les investisseurs prendront le chemin de notre pays, quand vous ne leur offrez que l’opacité et l’instabilité fiscale ? Au vu des textes budgétaires que vous nous présentez, vous agissez comme s’il n’y avait aucune relation entre compétitivité, croissance, stratégie industrielle et fiscalité. Quand comprendrez-vous que dans le monde globalisé d’aujourd’hui, avec la mobilité accrue des agents économiques, la fiscalité est devenue un facteur important de la compétitivité des territoires, et donc de la croissance économique ? Est-il bien raisonnable pour l’attractivité de notre pays de claironner que les grandes entreprises paieront, quand la balance des investissements directs entre la France et l’étranger est obstinément négative ?

Aujourd’hui, le taux de marge de nos entreprises n’a jamais été aussi bas. À 28 %, il est le plus bas des pays développés, quand celui des entreprises allemandes s’élève à 40 %. Vous allez encore réduire ce taux, et vous le savez très bien. Vous asphyxiez ainsi nos entreprises, et vous les privez de perspectives véritables de compétitivité. Votre seule réponse face à nos déficits est l’impôt, alors que nous avons cruellement besoin de baisser nos dépenses par le biais de réformes structurelles que vous refusez manifestement d’envisager.

À aucun moment n’apparaît une véritable stratégie de baisse importante des dépenses publiques. Alors que la RGPP avait permis de réaliser des économies substantielles, même si vous contestez le chiffre de 15 milliards d’euros, monsieur le ministre,…

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. C’est la Cour des comptes qui le conteste !

M. Frédéric Reiss. …vous décidez de l’abandonner purement et simplement, sans proposer la moindre alternative. Vous mettez un coup d’arrêt au non remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, alors que notre pays, qui compte 17 millions d’habitants de moins que l’Allemagne, dispose de 500 000 fonctionnaires de plus. Votre refus de vous atteler à une véritable réforme systémique est alarmant : il pèsera longtemps sur notre capacité à développer notre compétitivité.

Cette politique improvisée refuse de faire confiance à ceux qui créent des richesses dans notre pays. Les chefs d’entreprises ont besoin de marges de manœuvres, et non d’un labyrinthe législatif et fiscal fondé sur la conditionnalité et la défiance.

Nos concurrents ne nous attendront pas. Ils n’ont pas, eux, à supporter le poids fiscal et bureaucratique de votre approche. Vous devez ouvrir les yeux. L’emploi et notre modèle de société ont besoin d’une France compétitive, alors que les réalités économiques ont déjà rendu caduques vos promesses de campagne, comme en témoigne votre double hausse de la TVA. La hausse du taux intermédiaire de 7 % à 10 % est d’ailleurs particulièrement néfaste.

Acceptez ce tournant que vous impose la réalité du monde dans lequel nous vivons ! Acceptez de faire confiance aux Français ! Acceptez de les laisser affronter la concurrence à armes égales ! Acceptez de leur permettre de créer des richesses au bénéfice de tous !

Ce texte est un nouveau fardeau. Il n’est pas à la hauteur des défis auxquels nous devons faire face. Le groupe Rassemblement-UMP votera contre. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et Rassemblement-UMP.)

M. Jean-François Lamour. Très bien !

M. Marc Le Fur. Bravo, monsieur Reiss !

Mme la présidente. La parole est à M. Éric Alauzet pour le groupe écologiste.

M. Éric Alauzet. Madame la présidente, monsieur le ministre, chers collègues, je le répète : la loi de programmation des finances publiques nous engage dans une véritable épopée. Elle nous engage à réduire la dette de 50 à 60 milliards d’euros en quelques années – en quatre ans seulement – après la baisse de 30 milliards en 2013. Cela représente au total 30 % du budget de l’État, un défi digne des travaux d’Hercule. C’est à peine imaginable ! Est-ce atteignable ?

Bien entendu, tout cela n’est qu’une formalité pour celles et ceux qui s’imaginent que la dépense de l’État n’est que gaspillage, ou se réfugient derrière le slogan du train de vie de l’État. Tout le monde est d’accord pour réduire les gaspillages. Mais de quoi parle-t-on ? Les gaspillages des uns sont parfois les nécessités des autres.

À écouter les propos tenus ces derniers temps par les élus de l’opposition, on voit bien, à travers leurs critiques, quelques pistes de réductions de dépenses. Pas de prime de rentrée scolaire : voilà bien une politique de gaspillage – du moins aux yeux de l’opposition – qui pourrait permettre d’économiser 372 millions d’euros. Pas d’augmentation du SMIC : voilà 30 millions d’euros économisés, non sur le budget de l’État mais sur celui des entreprises, mais qu’il faudrait bien compenser, dans la logique libérale bien connue. La suppression du forfait sur l’aide médicale d’État permettrait aussi une économie de 6 millions d’euros. Mais tout cela ne permet pas d’aller très loin : il faudrait alors reprendre la purge de fonctionnaires, et abroger le projet de l’actuelle majorité en faveur de l’éducation, de la justice et de la police, ce qui peut représenter 2,5 milliards d’euros par an. Cependant, cette économie de 2,5 milliards serait immédiatement mangée par les 4,5 milliards d’euros de dépenses résultant de l’exonération de cotisations sur les heures supplémentaires, que l’opposition devrait normalement restaurer si elle était au pouvoir !

Bref : on est loin des 50 milliards d’euros d’économies à réaliser sur la séquence, ou même des 60 milliards si l’on inclut les nécessités du CICE. Ce sera, évidemment, un peu plus difficile tous les ans, car on taillera toujours un peu plus dans l’os.

Il y a un instant, M. Mariton demandait davantage d’économies.

M. Marc Le Fur. Il a raison !

M. Éric Alauzet. Chers collègues de l’opposition, nous vous écouterons avec intérêt. Nous sommes impatients d’entendre vos propositions, d’autant que l’on part de zéro : aucune marche n’a été franchie par l’ancienne majorité. Au contraire, le précédent gouvernement porte une part de responsabilité énorme dans le creusement de la dette, avec les 84 milliards d’euros distribués ces cinq dernières années, dont 50 milliards au bénéfice des entreprises, avec les résultats que l’on connaît, et 20 milliards dans les poches des plus favorisés.

Vous le savez, chers collègues, selon les écologistes, la résorption de la dette est une priorité, pour les générations futures. C’est d’ailleurs à la même attention et à la même prudence que nous vous appelons régulièrement en ce qui concerne la dette écologique. Les ressources naturelles s’épuisent et renchérissent, comme la monnaie, quand on en abuse. L’abus, dans tous les cas, conduit à la rareté et donc à l’austérité.

Mais il faudra prendre garde à ne pas tomber dans un autre excès tout aussi néfaste, qui conduit à une réduction aussi brutale de la dépense publique : les cadeaux fiscaux. Il en va des 60 milliards en jeu ici comme des 20 milliards qui ont fait couler beaucoup d’encre dans la loi de finances ces dernières heures, avec le crédit d’impôt compétitivité emploi.

À ceux qui nous ont reproché, il y a seulement quelques heures, de donner 20 milliards – d’ailleurs, ce ne sont pas 20 milliards mais 10 milliards – après en avoir pris autant quelques semaines plus tôt, nous avons expliqué qu’il ne s’agissait pas exactement des mêmes milliards, puisqu’il est pris aux entreprises les plus florissantes pour donner à toutes.

De la même manière, ou plutôt à l’inverse, ce sont les 60 milliards donnés ces cinq dernières années à ceux que j’ai cités qu’il faut aller rechercher. Le problème, c’est que ces 60 milliards ont été donnés à une minorité, aux plus favorisés, aux entreprises, en générant la dette que l’on connaît et qui justifie cette importante opération pluriannuelle, mais avec le risque de faire cette fois payer tout le monde. Car on peut malheureusement craindre que la diète soit imposée principalement aux plus modestes, à travers la modération salariale, la modération des prestations sociales, la réduction des services publics, qui sont par nature redistributifs. Donc, 60 milliards d’un côté, 60 milliards de l’autre, mais ce ne sont pas les mêmes !

Au risque, là aussi, de générer de l’austérité. Il n’est plus nécessaire de citer l’exemple des pays du Sud pour illustrer les risques ; nous sommes confrontés là aux limites des politiques de réduction excessive de la dépense, qui en réalité plombent l’activité économique et ne font qu’aggraver les problèmes. Ainsi, la dette de la Grèce est aujourd’hui plus élevée qu’avant la restructuration. Ce sont les raisons qui conduisent les autorités financières européennes à montrer aujourd’hui plus de réalisme, par exemple en allongeant des délais de retour à l’équilibre des finances publiques de l’Irlande, du Portugal, de la Grèce, ou encore en s’engageant sans limite en faveur du rachat des dettes souveraines. Le jour viendra – il est en fait déjà là – où le principe même de la dette sera discuté, de même que les taux d’intérêt, voire le capital. Les pays de la zone euro et le Fonds monétaire international ne viennent-ils pas de ramener la dette grecque à 124 % du PIB, soit vingt points en dessous des 144 % auxquels était vouée la Grèce, sur le modèle des coupes imposées aux banques privées, notamment en ramenant les intérêts des prêts bilatéraux de 1,5 à 0,5 % et en accordant un moratoire de dix ans ?

Ceux qui ont engrangé des intérêts colossaux durant toutes ces années doivent aujourd’hui s’interroger, renoncer à une partie de leurs droits ou perdre beaucoup plus. À trop vouloir tirer sur la corde, à la fin elle se casse. On voit bien que rien n’est écrit définitivement dans le marbre. Alors, nous disons oui à la réduction de la dette, mais non à l’effondrement de l’action publique.

M. Christophe Castaner. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Gaby Charroux.

M. Gaby Charroux. Madame la présidente, monsieur le ministre, chers collègues, à l’heure où nous achevons l’examen du présent projet de loi de programmation des finances publiques, il n’est pas inutile de rappeler que les lois de programmation ont vocation à mettre en exergue les choix clefs en matière de politique économique. Avec l’adoption du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance de l’Union économique et monétaire et de la loi organique sur la gouvernance des finances publiques, le Gouvernement a fait le choix de donner la priorité à la réduction des déficits.

Nous ne croyons pas, pour notre part – nous l’avons dit à plusieurs reprises –, que la réduction des déficits soit le meilleur moyen de réduire la dette. La politique d’austérité qui nous est proposée n’aura de fait, nous le craignons, que peu d’incidences. Au terme de cinq années d’effort, de coupes drastiques dans les dépenses publiques, la dette publique de notre pays sera ramenée à environ 80 % du PIB ; elle sera donc encore de 20 % supérieure au seuil de déclenchement des procédures pour déficits excessifs. Il faut nous rendre à l’évidence : le meilleur moyen de réduire les déficits, c’est encore la croissance.

Nous ne nions pas qu’après dix ans de politique de droite et de gestion calamiteuse des deniers publics, il était impératif de redresser la barre, de remettre notre système fiscal sur pied, de combattre la fraude, de s’attaquer à l’épineux dossier de la taxation du capital, qui a capté ces trente dernières années une part sans cesse croissante de la richesse produite. Nous avons soutenu sans ambiguïté l’ensemble des propositions que le Gouvernement a faites en ce sens, que ce soit la suppression ou le plafonnement de niches fiscales, le rétablissement de l’ISF, la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales, et nous continuerons de soutenir tout ce qui va dans le sens d’une plus grande justice fiscale, du soutien au pouvoir d’achat des ménages modestes et moyens, de la lutte contre l’évasion et la fraude.

Si nous ne nous satisfaisons pas de cette loi de programmation des finances publiques, c’est parce qu’elle s’inscrit dans une logique d’austérité que nous jugeons dangereuse. Elle programme la stagnation des effectifs de la fonction publique, le gel des investissements et la baisse des crédits, notamment en matière de logement, de politique de la ville et d’action sociale. Quant aux collectivités locales, cette loi les condamne à contraindre toujours plus leurs dépenses, avec une baisse drastique de leurs dotations dès l’année prochaine. Il y a plus que jamais urgence à engager une réforme, pour ne pas dire une refonte du financement des collectivités. De même, alors que les établissements hospitaliers du pays n’ont plus les moyens de répondre aux attentes de leurs patients, que les personnes âgées dépendantes ne peuvent être correctement prises en charge, la loi de programmation organise le quasi-gel des dépenses de santé et de sécurité sociale.

C’est bel et bien parce que nous estimons que la gauche doit porter une autre politique et changer de braquet, en répondant aux attentes sociales, que nous ne pouvons vous suivre dans cette voie. L’exigence est aujourd’hui de faire des salaires et de l’emploi, de la croissance et de la transition écologique les grandes priorités. Cela suppose d’actionner d’autres leviers : réhabiliter l’impôt en permettant à nos concitoyens d’en voir les fruits dans les dépenses publiques utiles, développer l’investissement public et privé avec l’appui d’un pôle financier public, moduler l’imposition des entreprises en fonction de l’usage qu’elles font de leurs bénéfices.

L’alternative, c’est de donner enfin à l’État et aux collectivités les moyens de faire face à leurs missions au service et dans l’intérêt de tous. Nous formulons depuis des mois, sans être toujours entendus, des propositions alternatives qui pourraient faire consensus à gauche, qu’il s’agisse de la modulation de l’imposition des entreprises, de la création d’un pôle financier public, esquissée avec la création de la Banque publique d’investissement, de l’augmentation des salaires et des retraites, afin de soutenir la demande qui seule, pour l’instant, nous évite un nouveau repli économique.

Enfin, comment ne pas souligner le risque que nous manquions le rendez-vous de la réforme bancaire, alors que la séparation stricte des activités est un outil incontournable si nous souhaitons que les banques fassent de nouveau leur métier, fût-il « terriblement ennuyeux », pour paraphraser Keynes ?

Dans l’attente de changements plus en profondeur, que tant de nos concitoyens appellent de leurs vœux, les députés du Front de gauche voteront contre le présent projet de loi de programmation, pour des raisons, on l’aura compris, radicalement différentes de celles exprimées à droite.

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Alain Muet pour le groupe SRC.

M. Pierre-Alain Muet. Au terme de ce débat, je voudrais dire quelques mots, non seulement sur la présente loi de programmation, mais aussi sur l’ensemble de la politique conduite depuis six mois, parfaitement illustrée par ce texte.

Cette loi de programmation fixe le cap de la politique économique : ramener rapidement le déficit des finances publiques à 3 % du PIB, parce que c’est à la fois un engagement européen de la France et le seuil qui arrête l’explosion de la dette et qui nous permettra, une fois atteint, en 2013, de conduire une politique plus sereine, laquelle continuera bien sûr de réduire les déficits, car il faut réduire notre dette.

C’est une politique cohérente qu’a menée le Gouvernement depuis six mois. Il a commencé, dès la loi de finances rectificative de juillet, par corriger la dérive du déficit de l’année 2012, de l’ordre de 2 milliards. Cela a permis, comme l’a montré notre débat sur le projet de loi de finances rectificative de fin d’année, de rester dans l’objectif de 4,5 % de déficit des finances publiques.

Ensuite est venu le projet de budget, qui réduit de 30 milliards le déficit des finances publiques, une réduction jamais réalisée dans notre histoire, et ce sans peser sur la croissance et tout en stimulant l’emploi, puisque c’est dans ce budget que sont créés les emplois d’avenir. Je n’y reviens pas car nous avons eu ce débat lors de la discussion budgétaire.

Le budget réduit donc le déficit tout en stimulant l’emploi et, en stimulant l’emploi, il stimule le revenu, redonnant ainsi du souffle à la croissance. S’y ajoute le crédit d’impôt compétitivité emploi, qui s’attaque, pour la première fois depuis dix ans, à la dérive de notre déficit extérieur et à la perte de compétitivité.

C’est donc un ensemble cohérent de politique économique. En particulier, le projet de loi de finances rectificative que nous avons adopté hier ne pèse pas sur la croissance de 2013, car l’avantage du crédit d’impôt, outre le fait qu’il pourra être contrôlé par les partenaires sociaux, c’est surtout que son financement n’interviendra qu’en 2014.

Je rappelle que nous nous sommes engagés, et j’ai compris que le ministre nous suivait dans cette voie, à ce qu’au sein des 10 milliards de financement du crédit d’impôt, le partage entre la fiscalité écologique et la TVA soit ajusté de telle sorte que la part de la fiscalité écologique augmente et que davantage de produits soient taxés au taux de TVA le plus bas. C’est une réflexion importante qui sera conduite par notre groupe.

Je conclurai sur un dernier point. M. de Courson nous a dit qu’un taux de 0,8 % de croissance en 2013 n’était pas crédible, un taux de 2 % en 2014 encore moins. L’un et l’autre sont possibles ! Le 0,8 % ne sera évidemment pas facile, car la fin d’année sera difficile et l’acquis de croissance extrêmement faible. Toutefois, la politique économique conduite par le Gouvernement et la situation de l’environnement international, qui est certes, en Europe, celle d’une quasi-récession, mais qui s’accompagne aussi des conséquences d’une croissance faible, à savoir d’un ralentissement de l’inflation et d’une baisse du prix des matières premières, ce qui fait qu’au total l’environnement international n’est guère plus défavorable qu’il ne l’était quand on a construit ce budget, rendent les chiffres de 0,8 % en 2013 et de 2 % l’année suivante parfaitement possibles.

Si j’avais un peu plus de temps, j’expliquerais à M. de Courson que les moyennes annuelles peuvent recouvrir des profils extrêmement différents. La croissance, si elle repart, et je pense qu’elle va repartir, grâce à la conjugaison de la politique du Gouvernement et du ralentissement de l’inflation qui redonne du pouvoir d’achat, repartira surtout en milieu d’année 2013. Et quand la croissance repart en milieu d’année, cela ne fait pas beaucoup de croissance cette année-là mais cela en fait beaucoup l’année suivante en moyenne annuelle, par un mécanisme que connaissent tous ceux qui réalisent des prévisions économiques.

La croissance de 2 % est donc parfaitement possible et d’ailleurs, sans les politiques de redressement des déficits et de la dette conduites en Europe, il est probable que l’Union aurait déjà une croissance assez forte, compensant le ralentissement.

Cette loi de programmation des finances publiques est donc parfaitement cohérente au point de vue politique et parfaitement crédible au point de vue économique. Elle traduit une politique qui sortira progressivement notre pays de la spirale de la désindustrialisation, du chômage, de la faible croissance et de l’endettement caractéristiques de la politique antérieure, et qui trace le chemin de la croissance, de l’emploi et de la justice fiscale. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Eva Sas, dernière oratrice inscrite, pour le groupe écologiste.

Mme Eva Sas. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, chers collègues, cette première loi de programmation des finances publiques définit le cadre budgétaire et les axes stratégiques du quinquennat. Nous savons que cette période sera à la fois déterminante pour l’avenir de notre économie et relativement courte pour impulser un changement de modèle de développement.

Si nous partageons, monsieur le ministre, votre volonté de réduire l’endettement, nous souhaitons en revanche souligner les risques inhérents au rythme rapide de réduction des déficits que vous avez adopté. En effet, ce projet de loi de programmation fixe l’obligation de parvenir à un déficit de 3 % dès 2013 et à un équilibre structurel en 2016. Ce rythme compromet notre capacité à investir dans l’avenir et à impulser les efforts nécessaires à la préparation de l’économie et de l’industrie de demain, une économie et une industrie qui devront être à la fois sobres en énergie et riches en emplois.

Ce rythme semble d’autant plus difficilement tenable que les prévisions de croissance sur lesquelles il s’appuie nous semblent, malgré les interventions que j’ai entendues dans cet hémicycle, encore trop optimistes. En effet, la loi de programmation repose sur des prévisions de croissance de 0,8 % en 2013 et 2 % à partir de 2014 alors que, selon l’INSEE, le PIB sera déjà amputé de 0,8 point cette année du fait des mesures budgétaires. Un tel rythme impose 60 milliards d’économies en cinq ans, dont 10 milliards pour financer le crédit d’impôt compétitivité. Avec les 24,4 milliards de hausse de prélèvements obligatoires que vous annoncez pour 2013, c’est donc une modification profonde de la fiscalité qui est mise en œuvre ; et pourtant, à ce stade, la transition écologique n’est pas au cœur de cette réforme fiscale. L’annonce de 3 milliards d’euros de fiscalité écologique en 2016 est un point positif, plus encore le comité permanent mis en place par Delphine Batho sur le sujet, mais les enjeux environnementaux auxquels nous devons faire face sont importants et nous aimerions qu’ils ne soient pas soulignés que par le seul groupe écologiste. C’est en effet le mode de vie, le mode de production et de consommation des générations actuelles et futures, qu’il faut faire évoluer pour faire face à l’épuisement des ressources que nous constatons déjà, et cela ne doit pas concerner seulement notre groupe politique !

Pourtant, vous prévoyez pour la mission « Écologie, développement et aménagement durable » l’une des plus fortes baisses entre 2012 et 2015 : moins 11,5 %. L’écologie aurait dû faire partie des priorités, au même titre que celles que vous avez définies et que nous approuvons : la jeunesse, l’emploi, la sécurité et la justice. Si, pour les années à venir, les crédits de nombre de missions sont gelés ou diminués, ceux alloués à ces missions prioritaires augmentent, et de façon significative. Ces augmentations sont salutaires car ces missions ont été trop longtemps délaissées par les gouvernements précédents. Ainsi, en trois ans, les crédits de la jeunesse augmenteront de 14,3 %, ceux de la justice de 4,9 %, ceux de l’enseignement scolaire de 2,6 % et ceux de la solidarité de 9,6 %. De même, les crédits dévolus à la sécurité bénéficieront d’une hausse de 3,3 %. Mais nous aurions souhaité pouvoir ajouter à cette liste ceux de la mission consacrée à l’écologie.

Enfin, nous nous félicitons de l’abandon de la RGPP. L’évaluation de chacune des politiques publiques sur l’ensemble du quinquennat permettra en effet de les rendre plus efficientes tout en restant attentif à la préservation du service rendu à nos concitoyens, évitant ainsi le sabrage généralisé, sans évaluation et aveugle du quinquennat précédent, qui a mené à la dégradation des services publics que nous constatons aujourd’hui.

Si nous partageons les axes stratégiques de cette loi de programmation que sont la réduction des déficits et la définition de priorités budgétaires, notre groupe se doit de vous faire part de son inquiétude quant au rythme que vous proposez car nous craignons qu’il n’ait des conséquences négatives sur l’activité économique. Ce n’est pas qu’un pays seul prenne des mesures conjoncturelles de réduction des déficits, comme l’Allemagne il y a quelques années, qui pose problème, c’est la conjonction des politiques d’austérité en Europe car elle risque de plonger l’ensemble de nos pays dans une crise durable. Nous vous avions alerté sur ce point lors du débat sur le TSCG et nous sommes inquiets de voir que les prévisions de recul du PIB en Allemagne pour le dernier trimestre 2012 et le premier trimestre 2013, en lien avec la baisse des exportations et de la demande européenne, semblent malheureusement confirmer nos inquiétudes.

Enfin, nous espérons que l’écologie retrouvera sa place dans la politique budgétaire et fiscale de la France. La conférence environnementale, le groupe de travail sur la fiscalité écologique, la priorité donnée à la rénovation thermique ainsi que les déclarations du rapporteur général à l’instant nous paraissent aller dans le bon sens.

En conclusion, je tiens à remercier le rapporteur général, le président de la commission et le ministre du budget pour leur patience et leur précision dans l’animation de ces débats, et vous faire part, mes chers collègues, monsieur le ministre, d’un regret et d’un espoir. Un regret : qu’il n’ait pas été possible de prendre plus en compte à ce stade les propositions du groupe écologiste, et d’ailleurs aussi des autres groupes de la majorité ; un espoir, celui que nous puissions travailler ensemble sur les projets de loi de finances suivants. Monsieur le ministre, vous parlez du « groupe majoritaire », j’aimerais que nous conjuguions ensemble ces mots au pluriel.

À mon tour, je vous souhaite de joyeuses fêtes de fin d’année. (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste et SRC.)

Mme la présidente. La discussion générale est close.

La parole est à M. le ministre délégué.

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Madame la présidente, quelques mots en réponse aux différentes interventions.

Tout d’abord, je tiens à rappeler à ceux qui en douteraient qu’en 2012, la norme zéro valeur a été tenue, et ce malgré des impasses budgétaires laissées par le pouvoir précédent et identifiées par la Cour des comptes ; c’est vrai de contentieux internationaux…

M. Christian Eckert, rapporteur général. Chers !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. …non assumés alors que certains d’entre eux n’étaient même pas tenus secrets, y compris à l’égard de certains membres du gouvernement d’alors, c’est vrai aussi des bourses pour les étudiants, c’est évidemment vrai des opérations militaires extérieures – il y en avait en fait pour plusieurs milliards. J’ajoute qu’il en est de même pour l’affaire Dexia que nous avons reçue en héritage, avec une impasse de 2 milliards d’euros. Il a fallu trouver les budgets afin d’assumer nos responsabilités, et le cas échéant les condamnations dont la France avait été l’objet. En dépit de tout cela, la norme zéro valeur a été respectée. En 2013, elle le sera également, grâce à un effort structurel de deux points de PIB qui s’ajoutera au 1,2 point de PIB de 2012. C’est donc une réduction structurelle du déficit de 4,8 points à 1,6 point de PIB qui sera réalisée en deux ans. Il s’agit d’un effort historique.

J’entends les députés de l’opposition estimer que le Gouvernement et sa majorité ne font pas les efforts requis pour ajuster la trajectoire de nos dépenses publiques : je trouve cette appréciation malveillante car elle va au-delà de l’inexactitude factuelle. Une réduction en deux ans de 3,2 points de PIB, ce ne fut jamais réalisé dans notre histoire, et c’est conforme à nos engagements européens. Les mêmes affirment que nous ne maîtrisons pas la dépense publique : je tiens donc à leur rappeler qu’entre 2002 et 2007, elle a augmenté d’une année sur l’autre de 2,3 %, qu’entre 2007 et 2012, elle a augmenté de 1,7 % et que la loi de programmation prévoit qu’elle n’évolue que de 0,5 % par an, soit au bas mot un point de PIB en moins que ce que l’on a constaté en moyenne dans la législature précédente. Dans notre histoire politique contemporaine, c’est donc ce gouvernement et cette majorité qui s’apprêtent à maîtriser la dépense publique comme jamais aucun gouvernement ni aucune majorité ne l’avait fait, y compris surtout ceux qui nous font des reproches aujourd’hui.

Quant à la croissance qui serait surévaluée, c’est un débat classique. En tant que parlementaires de l’opposition, nous avons nous-mêmes à l’époque nourri ce débat. Il est parfaitement légitime même s’il est entaché, d’un côté comme de l’autre, de la foi dans les prévisions, de la confiance que l’on a ou pas dans les politiques menées. Je ferai simplement remarquer qu’il existe des éléments qui justifient nos prévisions : la dette grecque et la supervision bancaire sont des problèmes réglés, le plan de relance européen mis en œuvre par la Banque européenne d’investissement est une affaire en cours ; tout cela s’est produit depuis l’élection de François Hollande. Par ailleurs, on sait qu’aux États-Unis comme en Chine, les choses sont en train de s’arranger, la croissance mondiale repart et l’Europe, c’est-à-dire en l’occurrence la France, en profitera évidemment.

Enfin, à M. de Courson qui ironisait sur la maîtrise de la dépense publique par la modernisation de l’action publique, je réponds que ce ne sont pas quatre ou cinq politiques qui vont être évaluées mais une quarantaine et que, contrairement à la majorité à laquelle il appartenait, nous allons évaluer aussi les politiques menées en partenariat, que ce soit avec les partenaires sociaux ou avec les collectivités locales. Les politiques partenariales avaient été soigneusement éludées dans les politiques publiques révisées par le gouvernement précédent, on en comprend les raisons et chacun peut donc constater le courage de cette majorité et de ce gouvernement, qui n’hésitent pas à interroger tous les champs de l’action publique, tant il est vrai que tous devront être sollicités afin de parvenir à l’équilibre de nos finances publiques.

Je me garderai bien d’oublier de remercier les députés de la majorité gouvernementale, qui tous, avec leur sensibilité, pour certains d’entre eux avec quelques regrets qui ne remettent pas en cause le fond de leur jugement, ont soutenu la politique du Gouvernement. Qu’ils en soient tous chaleureusement remerciés. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

Mme la présidente. J’appelle maintenant, conformément au troisième alinéa de l’article 114 du règlement, le projet de loi dans le texte adopté par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture.

Je n’ai pas reçu de demande d’explications de vote.

Vote sur l’ensemble

Mme la présidente. Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi de finances rectificative pour 2012 tel qu’il résulte du texte voté par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture.

(Le projet de loi est adopté.)

M. Dominique Baert. Unanimité moins une voix !

3

Nomination du directeur général
de la société anonyme BPI-Groupe

Discussion d’une proposition de loi

Deuxième lecture

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion, en deuxième lecture, de la proposition de loi organique relative à la nomination du directeur général de la société anonyme BPI-Groupe. (nos 487, 511)

Présentation

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué chargé de l’économie sociale et solidaire et de la consommation.

M. Benoît Hamon, ministre délégué chargé de l’économie sociale et solidaire et de la consommation. Mesdames, messieurs les députés, vous avez adopté hier à l’unanimité, et je m’en félicite au nom du Gouvernement, le projet de loi relatif à la création de la Banque publique d’investissement. Bien sûr, l’UDI et l’UMP se sont abstenus, mais tous les autres groupes ont voté en faveur de ce texte important qui était très attendu. J’ai d’ailleurs noté avec satisfaction que, dans les rangs de l’opposition, le groupe Rassemblement-UMP a voté pour. Je regrette par ailleurs que cet esprit coopératif ne se soit pas manifesté au Sénat puisque les groupes de l’opposition ont alors voté contre. Cela dit, je remercie les parlementaires qui ont contribué à l’élaboration de ce texte et je me réjouis de cette belle unanimité à l’Assemblée, preuve que le consensus n’est pas toujours mou quand c’est en soutien d’un beau projet national.

Je vais être extrêmement bref sur le texte qui nous rassemble aujourd’hui et qui traite des modalités de nomination des dirigeants de la Banque publique d’investissement.

Nous devons à l’initiative de François Marc, au Sénat, la proposition de voir le directeur général de la BPI nommé dans le cadre de la procédure de l’article 13 de la Constitution. Le Gouvernement a pleinement soutenu cette proposition depuis le départ, ainsi que toutes celles qui visaient à renforcer le contrôle du Parlement sur cette nouvelle institution financière. Le Sénat a cependant fait le choix de modifier le texte issu de l’Assemblée nationale sur un point, avec l’accord du Gouvernement : il a supprimé la disposition qui prévoyait que le président de l’EPIC BPI, porteur des participations de l’État, soit nommé selon la même procédure de l’article 13. Pourquoi ? Tout simplement parce que cette fonction n’a aucune nature opérationnelle. Si aujourd’hui le président de l’EPIC OSÉO est nommé selon cette procédure, c’est parce qu’il est également, et de droit, président de la société OSÉO SA. Or ce n’est absolument pas le cas pour la BPI puisque la fonction la plus importante est celle de directeur général : c’est cette nomination qui doit donc retenir toute l’attention du Parlement.

Je pense que ces quelques éléments d’explications étaient utiles. Vous savez que Nicolas Dufourcq mène la préfiguration de la BPI à l’heure actuelle et que la proposition du Gouvernement est qu’il assume par la suite les fonctions de directeur général. Vous aurez à vous prononcer sur cette proposition dans les commissions compétentes des deux assemblées, et le Gouvernement souhaite que cette décision intervienne en janvier, le plus rapidement possible.

Je vous remercie une nouvelle fois, mesdames, messieurs les députés, pour le travail constructif que vous avez accompli sur ce projet. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

M. Jean-Jacques Urvoas, président et rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, mes chers collègues, j’ai toujours beaucoup de plaisir à écouter les ministres expliquer le texte des propositions de loi déposées par le législateur : il est agréable d’entendre le Gouvernement appuyer une démarche d’initiative parlementaire. Je rappelle en effet que c’est un texte, non pas de François Marc, mais issu d’une initiative conjointe du président de la commission de l’Assemblée nationale, l’excellent et vertueux Gilles Carrez, de son non moins excellent collègue, rapporteur général du budget, Christian Eckert, et de votre serviteur. Nous avons en effet estimé qu’il était utile de compléter la loi organique du 23 juillet 2010, qui fixe la liste des emplois publics, pourvus par le président de la République, qui doivent faire l’objet d’une audition par les commissions compétentes de nos assemblées.

La Banque publique d’investissement a vocation à occuper une place importante dans notre dispositif économique et nous ne voyons pas pourquoi cette structure serait dispensée du passage devant les commissions parlementaires, dont l’avis est certes important mais qui ne permet pas vraiment de s’opposer puisqu’il faudrait pour cela trois-cinquièmes des suffrages exprimés par chaque commission concernée. Il y a peut-être là une modification à envisager, une procédure à revisiter à l’occasion d’une future révision constitutionnelle.

Dans l’état initial du texte, le ministre l’a fort bien rappelé, la proposition de loi visait deux dirigeants de BPI-Groupe parce que nous ne connaissions pas encore la gouvernance de cette holding : le président du conseil d’administration de l’établissement public et le directeur général de la société anonyme.

Le Sénat, à l’initiative de François Marc, a proposé de limiter la procédure au seul directeur général de la société anonyme puisque c’est lui qui va assumer les fonctions réelles de gouvernance. C’est logique et il nous paraît normal de nous rallier à la position du Sénat, d’autant que dans la version initiale de notre proposition, nous n’avions prévu un tel avis qu’à titre « conservatoire ».

Hier, la commission des lois a accepté à l’unanimité cette modification et les deux assemblées ont adopté à l’unanimité la loi relative à la création de la banque publique d’investissement. Le directeur général de la société anonyme, 1’homme fort de la BPI, sera donc amené à s’expliquer devant les commissions des finances de l’Assemblée nationale et du Sénat.

Je vous propose donc d’adopter sans modification le texte qui a déjà été adopté au Sénat hier. Ce sera le dernier texte voté par l’Assemblée nationale et le seizième depuis le mois de septembre : treize projets de loi, trois propositions de loi. Je suis content d’être de ceux qui vont adopter le dernier texte de l’année. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Discussion générale

Mme la présidente. Dans la discussion générale, la parole est à M. Gilles Carrez, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Je serai très bref, car le ministre et le président de la commission des lois ont excellemment parlé.

Monsieur le ministre, je vous remercie de prêter un tel intérêt aux initiatives parlementaires. J’ai été très heureux de proposer ce texte conjointement – c’est un grand honneur – avec le président de la commission des lois et le rapporteur général de la commission des finances, preuve que nous savons travailler ensemble au-delà de nos appartenances et sensibilités respectives.

Pourquoi avons-nous déposé cette proposition de loi organique ? Parce que jusqu’à présent, le président de l’établissement public OSÉO – qui assure, au nom de l’État, la garantie de la banque OSÉO, laquelle est une société anonyme – entrait dans le champ de la réforme constitutionnelle adoptée en juillet 2010 et sa nomination devait faire l’objet d’un avis de la commission des finances.

Nous avions transposé ce dispositif à la nouvelle gouvernance à la fois pour le président de l’EPIC, puisque cette entité demeurait, et pour le directeur général de la nouvelle société anonyme dite faîtière, BPI-Groupe. Alors que dans le dispositif précédent, le président de la société OSÉO était nommé par le conseil d’administration, ce directeur général sera en effet nommé par décret du Président de la République, et il était nécessaire qu’il entre dans le champ des demandes d’avis.

Cependant, comme l’a justement rappelé le président de la commission des lois, nous nous sommes inscrits dans la logique proposée par nos collègues sénateurs et nous sommes tombés d’accord, en commission mixte paritaire, pour considérer que la fonction exécutive principale étant la direction de la SA BPI-Groupe, il était de redondant de maintenir le dispositif pour la deuxième fonction qui n’avait plus la même importance.

Dans un souci de simplification, nous avons accepté cette modification et nous avons abouti à ce texte qu’à mon tour je vous invite à adopter.

M. Jean-Jacques Urvoas, rapporteur, et M. Régis Juanico. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Frédéric Reiss, pour le groupe Rassemblement-Union pour un mouvement populaire.

M. Frédéric Reiss. Madame la présidente, monsieur le ministre, chers collègues, contrairement aux deux textes précédents, celui de la proposition de loi organique que nous examinons maintenant ne présente pas de difficulté majeure, comme cela a déjà été dit. C’est un texte de compromis entre l’Assemblée nationale et le Sénat, fruit d’une collaboration fructueuse comme on aimerait en voir un peu plus souvent.

La création de la Banque publique d’investissement impliquait une modification des textes organiques relatifs aux nominations devant être soumises à l’examen des commissions parlementaires, en vertu de l’article 13 de la Constitution.

Dans le texte de 2010, le poste de président d’ OSÉO faisait partie de la liste des fonctions soumises à examen par les commissions parlementaires. Le Gouvernement de Nicolas Sarkozy, sous la responsabilité de François Fillon, avait souhaité instaurer cette procédure de nomination transparente et contradictoire pour certains postes à responsabilité particulière au sein de nos institutions et organismes publics, dont la présidence d’ OSÉO.

OSÉO étant fondu dans la nouvelle structure, un correctif s’imposait. Très logiquement, les parlementaires qui ont été à l’origine de cette proposition de loi organique ont estimé que la nomination des dirigeants de la Banque publique d’investissement devait suivre le même processus.

Dans la proposition de loi initiale, il était envisagé de soumettre à ratification la nomination du président du conseil d’administration de l’établissement public et le directeur général de la société anonyme. Les sénateurs ont préféré limiter la procédure au seul directeur général de la SA, avec une argumentation très convaincante que le groupe Rassemblement-UMP partage.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Très bien !

M. Frédéric Reiss. Il est effectivement important de réserver ce dispositif particulier aux fonctions les plus stratégiques et les plus exposées, celles qui nécessitent une légitimité particulière. En effet, au-delà des questions matérielles sur les auditions des personnes pressenties, il faut faire attention à la légitimité que procure une telle procédure et ne pas la galvauder. Par cette procédure, le Parlement ne se contente pas d’exercer un contrôle sur les nominations de l’exécutif, il accorde une aura particulière à des fonctions, celles qui sont sur la liste des postes qui nécessitent un passage devant le Parlement.

Il est donc important, au sein d’une institution, qu’un seul poste, celui qui doit endosser la responsabilité opérationnelle principale, puisse bénéficier de ce surcroît de légitimité : cela évite les conflits, en désignant clairement où est le siège du pouvoir.

Dans le cas de la Banque publique d’investissement, le directeur général, patron opérationnel, doit être le vrai dirigeant. En lui réservant la légitimité que procure la validation par les commissions parlementaires, on lui donne un peu plus de poids en interne et donc des moyens de mener à bien sa mission.

Ce choix du directeur général comme pivot de l’institution est clairement inscrit dans les débats et la rédaction de la loi ordinaire créant la BPI. Nous ne faisons qu’en prendre acte dans la loi organique, qui n’est finalement qu’un amendement de cohérence par rapport à ce qui a été décidé dans la loi ordinaire.

Le groupe Rassemblement-UMP votera donc pour ce texte. Étant le dernier orateur, j’en profite pour souhaiter à chacun d’entre vous de bonnes vacances et de joyeuses fêtes de fin d’année. (Applaudissements sur les bancs des groupes Rassemblement-UMP et UMP.)

Mme la présidente. La discussion générale est close.

La parole est à M. le ministre délégué.

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Je voulais remercier pour leurs bonnes paroles tous les groupes, ainsi que le président Carrez, le président de la commission des lois, et le représentant du groupe Rassemblement-UMP.

Je me réjouis que le travail parlementaire se termine par un texte voté à l’unanimité sur un beau projet politique. Au nom du Gouvernement, je vous souhaite de bonnes fêtes à tous et je vous donne rendez-vous le 15 janvier.

Vote sur l’ensemble

Mme la présidente. J’appelle maintenant, dans le texte de la commission, l’article unique de la proposition de loi organique.

N’ayant pas été saisie de demande d’explication de vote, je mets aux voix cet article unique.

(L’article unique est adopté à l’unanimité ainsi que l’ensemble de la proposition.)

Mme la présidente. Chers collègues, au moment où je vais lever la dernière séance de l’année, je voudrais m’associer aux très nombreux remerciements qui ont été adressés depuis hier soir et souhaiter à chacune et à chacun d’entre vous d’excellentes fêtes. (Applaudissements sur divers bancs.)

4

Ordre du jour de la prochaine séance

Mme la présidente. Prochaine séance, mardi 15 janvier 2013 à quinze heures :

Questions au Gouvernement ;

Projet de loi portant création du contrat de génération.

La séance est levée.

(La séance est levée à douze heures quarante.)