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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2012-2013

Compte rendu
intégral

Troisième séance du vendredi 1er février 2013

SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE

SOMMAIRE


Présidence de M. Claude Bartolone

1. Ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe

Discussion des articles (suite)

Article 1er (suite)

Amendement no 4736

M. Erwann Binet, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice

Rappels au règlement

M. Sergio Coronado

M. Hervé Mariton

M. Christian Jacob

Mme Sandrine Mazetier

M. Bruno Le Roux

M. Daniel Fasquelle

Article 1er (suite)

Amendement no 3

Rappels au règlement

M. Daniel Fasquelle

M. Christian Jacob

Suspension et reprise de la séance

Article 1er (suite)

Amendements nos 57, 218, 294, 341, 459, 517, 594, 650, 651, 759, 784, 1003, 1061, 1124, 1229, 1319

Rappel au règlement

M. Philippe Gosselin

Article 1er (suite)

Amendements nos 1459, 1730, 1880, 1944, 2020, 2245, 2992, 3092, 3207, 3242

Suspension et reprise de la séance

Article 1er (suite)

Amendements nos 3255, 3557, 3686, 3965, 4638, 4718, 5053, 5265

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales

Amendement no 4661

Suspension et reprise de la séance

Rappel au règlement

M. Hervé Mariton

M. Christian Jacob

Article 1er (suite)

Amendements nos 1362, 1776, 1828, 2172, 2580, 3423, 3697, 4660, 4267, 4760, 4764

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée chargée de la famille

Amendements nos 4706, 4, 4663, 4662, 4664, 4667, 4738, 4743, 2987, 5290

Rappel au règlement

M. Christian Jacob

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois

M. Christian Jacob

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois

M. Christian Jacob

2. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Claude Bartolone

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures quarante-cinq.)

1

Ouverture du mariage
aux couples de personnes de même sexe

Suite de la discussion d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe (nos 344, 628, 581).

Discussion des articles (suite)

M. le président. Cet après-midi, l’Assemblée a poursuivi l’examen des articles, s’arrêtant aux amendements identiques nos 2129 rectifié et 4736 à l’article 1er.

Article 1er (suite)

M. le président. L’amendement n° 2129 rectifié n’étant pas défendu, la parole est à Mme Annie Genevard, pour soutenir l’amendement n° 4736.

Mme Annie Genevard. J’ai eu l’occasion, en défendant l’amendement n° 3849, de montrer que l’altérité, concernant le mariage, était conforme à la Constitution et que la supprimer était par conséquent inconstitutionnel. Du reste, d’autres pays se sont prononcés dans ce sens, comme l’Italie et l’Allemagne, considérant que toute atteinte à l’altérité sexuelle dans le mariage était de nature inconstitutionnelle. C’est pourquoi cet amendement vise à supprimer les alinéas 2 et 3 de l’article 1er.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour donner l’avis de la commission.

M. Erwann Binet, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. La commission émet un avis défavorable. Vous avez notamment évoqué, madame Genevard, le droit constitutionnel allemand. Or il est plus difficile, en France, de déduire des décisions du Conseil constitutionnel que la reconnaissance de l’altérité sexuelle dans le mariage est un principe fondamental reconnu par les lois de la République – c’est ce que vous sous-entendez.

Au contraire, le Conseil constitutionnel a rappelé, le 28 janvier 2011, à l’occasion de l’examen d’une question prioritaire de constitutionalité, qu’il était « à tout moment loisible au législateur » de statuer sur cette question, pour reprendre les mots mêmes du Conseil.

M. Hervé Mariton. Dans certaines conditions !

M. Erwann Binet, rapporteur. Considération assortie d’ailleurs d’un rappel de l’article 34 de la Constitution.

M. Jacques Myard. Le Conseil a insisté sur le fait qu’il n’y avait pas rupture d’égalité dans le droit en vigueur !

M. Erwann Binet, rapporteur. Le 23 janvier 2013, le président du Conseil, Jean-Louis Debré a d’ailleurs rappelé, dans un entretien, qu’il revenait au législateur de définir les contours du mariage.

M. Philippe Gosselin. Un entretien n’a pas de portée juridique !

M. Erwann Binet, rapporteur. A priori, un faisceau de présomptions permet donc de penser que l’altérité sexuelle dans le mariage n’a pas vocation à devenir un principe fondamental reconnu par les lois de la République.

Je rappelle que la QPC du 28 janvier 2011 concernait précisément le mariage des couples de personnes de même sexe et que si le Conseil constitutionnel avait jugé utile de décider de faire de l’altérité sexuelle au sein du mariage un principe fondamental reconnu par les lois de la République, il l’aurait fait à cette occasion.

M. Philippe Gosselin. Pas nécessairement !

M. Erwann Binet, rapporteur. Le Conseil peut certes changer de jurisprudence, mais il est en général constant dans ses choix.

Quant à la doctrine, elle a été très sollicitée ces dernières semaines afin de nourrir nos discussions. Nous avons nous-mêmes auditionné des juristes, des professeurs de droit constitutionnel.

M. Daniel Fasquelle. Que vous avez bien choisis !

M. Erwann Binet, rapporteur. Je vous en citerai un, M. Dominique Rousseau, professeur à l’université de Paris I, qui rappelle que le Conseil constitutionnel, pour des motifs proches de ceux que vous avancez dans l’exposé sommaire de votre amendement, a refusé de qualifier de principe fondamental reconnu par les lois de la République le droit du sol, par exemple, qui a pourtant été rappelé régulièrement par nos textes, en 1851, en 1889, en 1927.

Dominique Rousseau ajoute que, le législateur n’ayant jamais rien dit au sujet du mariage homosexuel, le Conseil ne peut inférer de ce silence que l’interdiction de cette modalité du mariage vaudrait principe fondamental reconnu par les lois de la République.

Je rappelle donc que la commission a donné un avis défavorable à cet amendement.

M. le président. Sur le vote de l’amendement n° 4736, je suis saisi par le groupe UMP d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée.

La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, pour donner l’avis du Gouvernement.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. L’avis du Gouvernement est identique à celui de la commission : défavorable. Nous avons discuté pendant tout l’après-midi d’amendements visant à supprimer l’article 1er ; ils ont tous été rejetés. Nous abordons à présent l’examen d’amendements qui visent à supprimer l’article 1er par tranches. Aussi, exactement pour les mêmes raisons, à savoir que cette réforme vise justement à ouvrir le mariage et l’adoption aux couples de même sexe, le Gouvernement rejette cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton.

M. Hervé Mariton. Notre collègue Genevard a raison de mettre en avant ces difficultés. Je rappelle que la Cour constitutionnelle italienne comme la Cour constitutionnelle de Karlsruhe ont déclaré contraire à la constitution de chacun de ces pays l’absence de l’altérité dans le mariage.

En ce qui concerne la France, même si ce n’est pas tout à fait le sujet qui nous occupe, et après que notre collègue Sandrine Mazetier a demandé que les écoles maternelles soient rebaptisées, je souhaiterais savoir comment, par souci de cohérence, le Gouvernement entend corriger l’article 1137 du Code civil, qui dispose que chacun est chargé d’apporter « tous les soins d’un bon père de famille » s’agissant de la conservation de la chose. Il me semble que l’article balai ne suffira pas à traiter la question. La notion de « bon père de famille » consacrée par l’article 1137 du Code civil est-elle compatible avec la disparition de l’altérité telle que vous la prévoyez ?

M. le président. La parole est à M. Bernard Roman.

M. Bernard Roman. Je ne peux pas m’empêcher de faire un bref aparté sur le Code civil que vient d’évoquer M. Mariton. On y trouve en effet des choses étonnantes. Par exemple, il y a quarante ans, nous avons décidé de reconnaître les enfants adultérins ; nous n’avons pourtant jamais fait disparaître la fidélité dans le serment du mariage civil.

M. Philippe Gosselin et Mme Annie Genevard. Mais la présomption de paternité demeure !

M. Bernard Roman. Nous retenons la fidélité et, dans le même temps, nous reconnaissons les enfants adultérins. Il y a une multitude de dispositions du Code civil qui méritent d’être « balayées » (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) ou revisitées, si vous préférez, et si cela peut vous éviter de faire un rappel au règlement.

Grâce à la révision constitutionnelle de 2008 que vous avez fait voter, et nous vous en remercions, il est possible à tout citoyen de saisir le Conseil constitutionnel d’une question prioritaire de constitutionnalité. Ainsi, un couple de personnes de même sexe qui souhaitait se marier, en janvier 2011, et qui n’a pas pu le faire du fait du droit en vigueur a saisi le Conseil constitutionnel.

Qu’a dit le Conseil constitutionnel ? Que ce n’était pas possible en l’état actuel des choses – M. le rapporteur vient de l’expliquer –, mais que le législateur avait le pouvoir d’apporter des modifications, sous certaines conditions.

M. Philippe Gosselin. Sous réserve que… !

M. Hervé Mariton. Dans le respect de la Constitution !

M. Bernard Roman. C’est exactement ce que nous faisons aujourd’hui. Il appartiendra naturellement au Conseil constitutionnel, que vous saisirez bien entendu, d’en juger,…

M. Philippe Gosselin. En effet.

M. Bernard Roman. …mais comme il a reconnu notre responsabilité en la matière, nous l’assumons aujourd’hui, dans le strict respect de la hiérarchie des normes.

M. Philippe Gosselin. Ça ne change rien. Il faut respecter les normes supérieures !

M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix l’amendement n° 4736.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 200

Nombre de suffrages exprimés 200

Majorité absolue 101

(L’amendement n° 4736 n’est pas adopté.)

Rappels au règlement

M. le président. La parole est à M. Sergio Coronado, pour un rappel au règlement.

M. Sergio Coronado. Ce rappel au règlement se fonde sur l’article 58, alinéa 4.

En fin de séance, tout à l’heure, le président Jacob s’est tourné vers moi et m’a qualifié d’hystérique. (« Oh ! » sur les bancs du groupe SRC.)

M. Patrick Ollier. Monsieur le président, il s’agit d’un fait personnel, qui doit intervenir en fin de séance !

M. Sergio Coronado. Cette remarque était pour le moins étonnante, de la part d’un président de groupe qui, depuis le début de nos débats, n’a pas été animé par un esprit particulièrement calme et paisible.

M. Patrick Ollier. Monsieur le président, faites respecter le règlement !

M. Philippe Gosselin. Il faut renvoyer cette discussion à la fin de la séance !

M. Sergio Coronado. L’opposition a donné des signes d’agitation, que la majorité n’a pas commentés : nous vous avons laissé vous exprimer totalement librement.

Je me suis demandé pourquoi il m’avait qualifié d’hystérique. Comme je connais un peu l’histoire, je me suis rappelé que le mot « hystérique » avait été utilisé par celles et ceux qui s’opposaient au droit de vote des femmes pour désigner les suffragettes, particulièrement en période de trouble, afin de les dénigrer. Ce terme a aussi été utilisé pour désigner Simone de Beauvoir, au moment de la publication de son livre Le Deuxième Sexe (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et du groupe SRC),…

M. Gérald Darmanin. Ah non, pas Simone de Beauvoir !

M. Hervé Mariton. Elle, elle avait du talent !

M. Sergio Coronado. …ou encore les « 343 salopes », lors de la publication du manifeste pour le droit à l’avortement.

M. Patrick Ollier. C’est de l’obstruction !

M. Christian Paul. Écoutez plutôt, monsieur Ollier !

M. Sergio Coronado. Je me suis demandé pourquoi on m’avait qualifié d’hystérique, alors que je ne suis ni une suffragette, ni Simone de Beauvoir, ni une femme demandant le droit à l’avortement.

M. Guy Teissier. C’est du baratin !

M. Sergio Coronado. Alors je suis remonté au XIXe siècle. Je me suis rappelé mes cours d’histoire, en particulier les études cliniques qui ont eu lieu au temps de Charcot, car j’ai un peu étudié ces questions, et je pense que c’est à cela que faisait allusion le président Jacob. À l’époque, le mot « hystérique » servait à qualifier toutes les femmes – car vous savez, chers collègues, que toutes les femmes sont potentiellement hystériques –, ainsi qu’une catégorie très particulière d’hommes : les invertis. Alors, cher président Jacob, vous auriez pu être plus franc et faire comme dans les cours d’école : me traiter de pédé,… (Vives protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Philippe Gosselin. C’est odieux !

M. Jacques Myard. Honteux !

M. Sergio Coronado. …cette injure qui fait tant de mal, notamment aux jeunes qui découvrent leur homosexualité.

Mais je tiens à vous rassurer, cher président Jacob : j’assume, j’en suis fier, et je n’ai pas du tout envie de raser les murs, malgré vos injures.

M. Patrick Ollier. C’est scandaleux d’entendre ça !

M. Philippe Gosselin. C’est terrible et injurieux !

M. Sergio Coronado. J’aimerais simplement dire au président Jacob que ce type d’invective n’honore ni votre groupe, ni les travaux de l’Assemblée nationale. J’ai honte pour ceux qui profèrent ce type de propos. C’est sans doute parce que l’heure est un peu tardive que vos nerfs commencent à lâcher. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

M. Philippe Gosselin. C’est lamentable ! C’est minable !

M. le président. Monsieur Coronado, je ne vous ai pas interrompu, parce que j’ai accordé cet après-midi à un membre de l’opposition un rappel au règlement qui relevait d’un fait personnel. Mais il ne faut pas que cela se reproduise, car ce type de rappel au règlement doit normalement se faire en fin de séance. Il y en a eu un de part et d’autre, mais il n’y aura plus de rappel au règlement pour fait personnel avant la fin de la séance.

M. Philippe Gosselin. Celui-ci n’était pas de même nature !

M. le président. Il y a équilibre.

M. Philippe Gosselin. Non !

M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour un rappel au règlement.

M. Hervé Mariton. Je souhaite que personne ne personnalise ce débat.

M. Henri Jibrayel. Vous l’avez pourri, le débat !

M. Hervé Mariton. Je crois, chers collègues, qu’aucune injure ne vous a été faite, pour quelque raison que ce soit. Si nous commençons à illustrer ce débat en parlant de nous-mêmes, de nos proches, ou de certaines de nos communautés d’appartenance, nous allons nous égarer.

Nous construisons la loi de la République : elle n’est ni pour, ni contre tel ou tel d’entre nous. L’orientation sexuelle de ceux pour qui nous faisons la loi ne nous concerne pas individuellement : nous devons répondre à des questions que les personnes homosexuelles peuvent nous poser, non pas comme membres d’une communauté, mais en tant que citoyens, pour l’amélioration du droit dans notre pays.

J’ai réagi tout à l’heure à l’un de vos propos, monsieur le rapporteur, et vous m’avez répondu que je vous avais mal compris. Je crains, hélas, que votre propos ait été assez clair. Ce que je veux vous dire, c’est qu’il n’y a pas à distinguer entre vous et eux – et je crois qu’au fond vous partagez mon point de vue, même si vous avez été maladroit.

Par ailleurs, il faut que notre assemblée cesse de voir des députés s’invectiver et se défendre – la défense ne vaut pas mieux que l’attaque –, à coups d’arguments qui n’ont aucunement leur place ici. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Christian Jacob, pour un rappel au règlement.

M. Christian Jacob. Monsieur le président, mon rappel au règlement se fonde sur l’article 58 et concerne le bon déroulement de la séance.

Monsieur Coronado, j’ai effectivement parlé d’hystérie en me tournant vers vous tout à l’heure, mais je vous invite à visionner votre intervention et à écouter les déclarations que vous avez faites. Même si vous n’approuvez pas le qualificatif que j’ai employé, vous serez au moins d’accord sur le constat que j’ai fait – je crois d’ailleurs que tout le monde a perçu votre intervention de la même façon. Par ailleurs, vos propos sur les femmes, qui seraient toutes potentiellement hystériques, n’ont pas de sens. Je souhaite que l’on revienne au débat sur le fond.

Je crois que vous n’aviez pas de raison tout à l’heure, au cours de notre débat, de vous mettre ainsi en rage.

M. Sergio Coronado. Mais je n’étais pas en rage !

M. Christian Jacob. Encore une fois, je vous invite à visionner votre intervention ! Je regrette seulement que le dîner n’ait pas été réparateur pour vous et qu’il vous ait, au contraire, rendu encore plus agressif. (Protestations sur les bancs des groupes écologiste et socialiste.)

M. Christian Jacob. Ce n’était pas du tout une offense, mais seulement un constat. (Mêmes mouvements.)

M. le président. Allons !

M. Christian Jacob. Je vous invite à visionner tranquillement votre intervention et vos déclarations : vous vous rendrez compte de vos débordements et je pense qu’après cela vous viendrez gentiment me présenter des excuses. (Sourires et exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

M. le président. La parole est à Mme Sandrine Mazetier, pour un rappel au règlement.

Plusieurs députés du groupe UMP. L’école maternelle ! L’école maternelle !

M. le président. Monsieur Gosselin !

Mme Sandrine Mazetier. Mon rappel au règlement est analogue à celui qu’a fait ce matin notre collègue Bernard Lesterlin. Chers collègues de l’opposition, je vous invite…

M. Hervé Mariton. À sauver les maternelles ?

Mme Sandrine Mazetier. …à vous concentrer sur le texte.

M. Jean-Frédéric Poisson. Ce n’est pas sérieux !

Mme Sandrine Mazetier. Vous voulez éviter le texte. Vous voulez éviter l’examen des dispositions prévues par ce texte…

M. Christian Jacob. Vous n’étiez pas là pour l’examiner tout à l’heure !

Mme Sandrine Mazetier. …qui est un texte de liberté, d’égalité et de fraternité.

M. Hervé Mariton. Attention, Le mot « fraternité » et un terme sexué !

Mme Sandrine Mazetier. Si vous avez envie de commenter les seize questions écrites que j’ai posées au Gouvernement depuis le début de la quatorzième législature, je vous invite à le faire, par écrit ou oralement, mais pas dans cet hémicycle, à l’occasion de la discussion de ce projet de loi. Aucune de ces questions écrites n’a de rapport avec le texte que nous examinons, ce texte important, que nombre de nos concitoyens attendent et que la majorité est fière de porter et d’assumer. C’est la réalisation d’une promesse républicaine et une avancée pour l’égalité !

Et la maternelle vous salue bien ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Bruno Le Roux, pour un rappel au règlement.

M. Bruno Le Roux. Je comprends totalement l’intervention de Sergio Coronado et je veux l’assurer du soutien de l’ensemble du groupe socialiste. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

M. Philippe Gosselin. Évidemment. Le groupe SRC affiche sa solidarité !

M. Christian Jacob. Il aurait fallu dire cela avant le repas !

M. Bruno Le Roux. Pour éviter que ce genre d’incident ne se reproduise, peut-être conviendrait-il, à l’avenir, de débattre sur le fond de nos interventions, sans appliquer des qualificatifs à ceux qui s’expriment. Ce n’est pas la tradition de notre assemblée !

M. Christian Jacob. C’était seulement un constat !

M. Bruno Le Roux. Chacun d’entre nous écrit la loi pour l’intérêt général de ce pays et pour la communauté nationale, mais chacun le fait avec sa propre histoire, et c’est ce qui introduit de la diversité dans cette assemblée. Nous pouvons d’ailleurs nous flatter que cette diversité soit plus manifeste sur nos bancs que sur les vôtres,…

M. Philippe Gosselin. De tels propos ne sont pas dignes d’un président de groupe !

M. Bruno Le Roux. …mais je n’irai pas plus loin sur ce sujet. Je vous demande seulement, pour la sérénité du débat, d’arrêter de juger le comportement des uns et des autres et d’employer des qualificatifs qui ne relèvent pas du débat politique et qui sont souvent sujets à interprétation. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Daniel Fasquelle, pour un rappel au règlement.

M. Daniel Fasquelle. Monsieur le président, je vous ai demandé, cet après-midi, de faire un rappel au règlement pour fait personnel : vous ne me l’avez pas accordé avant la levée de la séance, mais vous m’avez dit que je pourrais le faire ce soir.

M. le président. Vous avez raison, monsieur Fasquelle : allez-y !

M. Daniel Fasquelle. Je crois qu’il est important, mes chers collègues, que nous soyons à l’écoute des uns et des autres et que nous évitions les postures et la provocation.

M. Pascal Popelin. À qui le dites-vous !

M. Daniel Fasquelle. J’ai été blessé, monsieur Coronado, quand vous avez qualifié de manœuvre le texte sur l’alliance civile, sur lequel je travaille depuis le mois d’octobre dernier…

M. Michel Vergnier. Oh ! Il travaille !

M. Daniel Fasquelle. …et auquel j’ai rallié un grand nombre de mes collègues, dans une démarche absolument sincère, que je ne vous permets pas de remettre en cause.

M. Sergio Coronado. Non, j’ai parlé de subterfuge !

M. Daniel Fasquelle. Peut-être n’avez-vous pas parlé de manœuvre mais de subterfuge : ça veut dire la même chose, c’est peut-être même pire, et c’est franchement désagréable.

Cessez aussi la provocation : vous m’avez reproché de ne pas supporter l’idée que deux femmes ou deux hommes puissent élever des enfants. C’est faux : je n’ai pas cessé de répéter que cela ne me posait pas de problème et qu’il était tout à fait possible, dans le cadre de l’alliance civile, et en aménageant les droits des enfants, que des enfants grandissent dans de très bonnes conditions au sein de familles homosexuelles.

Mme Marie-George Buffet. Alors ?

Mme Julie Sommaruga. Il faut dire cela à M. Guaino !

M. Daniel Fasquelle. J’ai expliqué que ce qui est gênant, c’est précisément cette confusion entre l’éducation et la filiation. C’est la double filiation, de par l’adoption plénière en particulier, qui coupe définitivement le lien avec la famille naturelle, qui me gêne : vous pouvez l’accepter, le comprendre, et m’écouter. Je crois que c’est à cette condition que nous pourrons avancer.

Madame la ministre, j’ai peut-être réagi un peu vivement et je vous prie de m’en excuser, mais il est vrai que vos propos m’ont blessé. (« Oh ! » sur les bancs des groupes SRC.). Mais oui ! Cette proposition d’alliance civile, nous y avons travaillé collectivement, nous l’avons relue tous ensemble, et nous avons bien réfléchi à chacune de ses dispositions.

Nous avons été plusieurs à souhaiter l’intervention d’un juge pour éviter la répudiation, qui a été intégrée dans le PACS par ses partisans, car c’est justement la raison pour laquelle certains d’entre nous n’ont pas voté la loi à l’époque. Vous ne pouvez pas dire le contraire !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Mais je n’ai pas dit cela !

M. Daniel Fasquelle. Vous l’avez dit. Peut-être ne vous en souvenez-vous pas, ou peut-être l’avez-vous dit sans le penser, auquel cas j’accepte tout à fait votre explication.

Vous avez dit aussi que notre amendement sur l’alliance civile proposait l’adoption : ce n’est pas le cas non plus. Je crois qu’il faut cesser de caricaturer nos propositions pour mieux les écarter. Vous ne pouvez pas nous demander d’être à l’écoute de votre projet et être vous-même si peu à l’écoute de nos propositions et de nos amendements. Nous ne pourrons avancer que si nous sommes réellement attentifs à ce que disent les uns et les autres, dans la majorité comme dans l’opposition.

Article 1er (suite)

M. le président. La parole est à M. Daniel Fasquelle, pour soutenir l’amendement n° 3.

M. Daniel Fasquelle. S’agissant du principe d’égalité et des questions prioritaires de constitutionnalité, dont on a beaucoup parlé, je voudrais mentionner celles du 6 octobre 2010 et du 28 janvier 2011, qui ont eu à traiter, justement, de la question de l’ouverture du mariage à deux personnes du même sexe. Le principe d’égalité a été mis en avant par ceux qui ont expliqué que le droit français n’était pas conforme à la Constitution, parce qu’il n’ouvrait pas le mariage à deux personnes du même sexe.

Le Conseil constitutionnel a été très clair, en expliquant que le principe d’égalité ne s’oppose pas à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes. Vous voyez ainsi que la proposition d’alliance civile est tout à fait conforme à la jurisprudence du Conseil constitutionnel : elle ne rompt par le principe d’égalité et ne crée pas de discrimination, contrairement à ce que j’ai entendu – là encore, ce propos n’était pas très agréable.

Cet amendement s’inscrit dans la suite logique de l’alliance civile, puisque nous proposons celle-ci pour les couples du même sexe, avec une célébration en mairie, un vrai statut et l’intervention d’un juge.

Il est par ailleurs logique de redéfinir le mariage. Ce n’est pas ce qu’avaient prévu les rédacteurs du Code civil en 1804, mais nous proposons une nouvelle rédaction.

Vous aurez compris que ce n’est pas le mariage qui me préoccupe, mais les conséquences en matière de filiation. Ainsi, il y aurait, d’un côté, l’alliance civile et, de l’autre, le mariage ainsi réécrit et redéfini.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Erwann Binet, rapporteur. S’agissant de votre dernier argument, monsieur Fasquelle, permettez-moi de vous citer une autre phrase issue d’une jurisprudence de 2003 du Conseil constitutionnel.

Vous dites, et vous avez raison, que l’on peut traiter de manière différente des situations différentes, mais on n’est pas obligé de le faire ! Nous ne sommes pas obligés de traiter les hommes et les femmes de manière différente parce qu’ils sont objectivement différents.

M. Bernard Roman. Excellent !

M. Erwann Binet, rapporteur. Le Conseil constitutionnel estime ainsi que, « si le principe d’égalité impose de traiter de la même façon des personnes qui se trouvent dans la même situation, il n’en résulte pas pour autant qu’il oblige à traiter différemment des personnes se trouvant dans des situations différentes. » C’est exactement le cas dans lequel nous sommes ; il s’agit de volonté politique.

M. Philippe Gosselin. Ce n’est donc pas un problème de discrimination, mais de volonté politique !

M. Erwann Binet, rapporteur. Absolument, c’est une volonté politique.

Monsieur Fasquelle, dans votre amendement, on lit deux phrases choquantes : « La famille fondée sur le mariage est placée sous la protection particulière de la loi. »

M. Philippe Gosselin. La loi protège !

M. Bernard Roman. Et les autres familles ?

M. Erwann Binet, rapporteur. C’est un retour en arrière assez prodigieux, car cela veut dire que seule la famille dans le cadre du mariage est protégée par la loi.

M. Philippe Gosselin. Non, ce n’est pas ce que cela veut dire !

M. Erwann Binet, rapporteur. Toutes les autres échappent à la protection de la loi. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Yves Nicolin. Caricature !

M. le président. Mes chers collègues, vous réclamez régulièrement que l’on calme le débat, mais si vous ne laissez pas intervenir le rapporteur, ce sera chose difficile.

Monsieur le rapporteur, vous avez la parole.

M. Erwann Binet, rapporteur. Votre amendement rétablit donc une forme de hiérarchie entre les familles.

L’alinéa suivant, qui tend à réécrire l’article 143 du Code civil, dispose : « Le mariage est une institution. Il inscrit le couple dans l’alliance et fonde la parenté, offrant à l’enfant une filiation indivisible, maternelle et paternelle. »

Cela veut-il dire que les enfants nés hors mariage ne bénéficieraient pas du même avantage d’une filiation maternelle et paternelle ? Qu’est-ce qu’une filiation indivisible ? Cela signifie-t-il que si l’un des deux décède, la filiation tombe, ou qu’un nouveau conjoint ne peut pas adopter l’enfant ?

M. Daniel Fasquelle. Pas du tout !

M. Erwann Binet, rapporteur. C’est un retour en arrière, monsieur Fasquelle, que vous le vouliez ou non, ce qui justifie l’avis défavorable de la commission.

M. le président. Sur l’amendement n° 3, je suis saisi par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 3 ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Monsieur Fasquelle, j’ai pris acte de vos propos. Je pense effectivement qu’il y a eu un malentendu cet après-midi. À aucun moment, je n’ai dit que votre projet d’alliance civile ne prévoyait pas d’intervention du juge ; je n’ai parlé du régime de rupture que sur la question du PACS.

Par ailleurs, j’ai pris la précaution de lire votre amendement, puisque j’ai indiqué que, concernant les droits sociaux et fiscaux, il renvoyait au régime du PACS. En commission, vous vous souvenez que nous avons travaillé sur cet amendement. M. Mariton avait même déclaré, livrant une interprétation quelque peu subjective des faits, que j’avais montré un intérêt pour cet amendement avant que le président de la commission des lois ne me reprenne en main. J’ai été très amusée à l’idée que l’on puisse me reprendre en main (Sourires), en particulier le président de la commission des lois !

Il est néanmoins vrai que j’ai étudié attentivement le contenu de cet amendement dès l’examen en commission des lois, parce que je prends ce travail très au sérieux. Le président de la commission des lois a interrompu les échanges parce qu’ils tournaient au dialogue. J’ai manqué de discipline moi-même, puisque j’ai répondu aux interruptions de M. Mariton. Le président de la commission des lois a fait la police de la commission. Mais j’avais auparavant observé que cet amendement était intéressant…

M. Hervé Mariton. Ah !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. …s’il s’agissait de créer un quatrième régime mais qu’en aucun cas, il ne pouvait se substituer au projet de loi que nous présentions.

M. Hervé Mariton. Pourquoi un quatrième régime ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le premier est le concubinage, l’union de fait ; le deuxième est le PACS, contrat civil ; le troisième est le mariage, contrat et institution ; et enfin, cette alliance civile, qui est un régime différent.

M. Hervé Mariton. Est-ce que cela règle le problème ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. En tout cas, cela ne satisfait pas l’ambition du Gouvernement, qui est d’ouvrir le mariage et l’adoption aux couples de même sexe.

L’essentiel de l’amendement n° 3 consiste à définir le mariage. Or, celui-ci est déjà défini par son régime et ses effets, c’est-à-dire par ses conditions de célébration, ses conditions d’âge et de consentement, son régime de prohibitions, par le régime d’assistance et la protection juridique qu’il apporte tant au couple qu’aux enfants.

Pour ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable à cet amendement.

M. le président. Nous allons écouter un orateur favorable et un orateur défavorable à l’amendement.

La parole est à M. Daniel Fasquelle.

M. Daniel Fasquelle. Il faut éviter la caricature. Erwann Binet a complètement déformé mes propos et le contenu du texte pour mieux le balayer. Je ne crois pas que ce soit de bonne politique.

Il s’agit d’écrire dans le Code civil le droit positif français – ni plus, ni moins – et d’y ajouter des précisions qui sont sous-jacentes mais qui n’y ont jamais été écrites.

Cet amendement est cohérent avec l’alliance civile, dans le cadre d’une démarche que je vous demande d’écouter et de comprendre, car elle est tout aussi honorable que la vôtre.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Coutelle.

Mme Catherine Coutelle. Monsieur Fasquelle, vous voulez revenir au Code civil de 1804, lorsque la femme était une mineure, comme ses enfants. (« Oh ! » sur les bancs du groupe UMP.) Mais si ! En 1804, Napoléon a bien fait de la femme une mineure. Heureusement, le Code civil a changé, notre collègue Roman nous l’a rappelé : en 1938, la capacité civile des femmes mariées a été reconnue et, en 1970, la notion de chef de famille a été supprimée.

Il est vrai que l’opposition a beaucoup travaillé, et je vous invite, mes chers collègues, à lire l’exposé sommaire de l’amendement n° 3 : enfin, on y comprend ce qu’il faut entendre par « altérité sexuelle » ! Il est en effet très bien expliqué que le droit positif rend compte de « la nature spécifique du mariage et du caractère essentiel de la différence des sexes. » Pour nos collègues de l’opposition, cette « condition essentielle » de la différence des sexes permet « l’ordre public du mariage. »

Je vous invite à lire la chute, qui est extraordinaire. L’avant-dernier paragraphe rappelle que l’homme et la femme s’unissent pour perpétuer leur espèce et que, dans sa forme juridique, « la femme se prépare à devenir mère par sa rencontre avec un homme. » (« Ah ! » sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

C’est la vision du mariage pour la procréation, qui relève de la théorie de la différenciation, de la complémentarité. Nous sommes ici un certain nombre à nous être émus que les Tunisiens aient envisagé d’écrire dans leur constitution que la femme était complémentaire de l’homme, et non pas son égale.

Nous sommes pour l’égalité des hommes et des femmes : il n’y a pas, dans la société, de rôle assigné aux unes et aux autres. Il n’y a pas, dans le mariage, de rôle assigné à la femme. Ce n’est pas à elle seule d’élever les enfants ou d’assumer le ménage ! (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

M. Olivier Faure et Mme Chaynesse Khirouni. Bravo !

Mme Catherine Coutelle. Si vous lisiez Françoise Héritier, vous apprendriez que le mariage est une invention qui date du paléolithique et que, depuis cette ère, on défend le mariage hétérosexuel parce que la femme est donnée à l’homme en dot, en don, pour perpétuer l’espèce. C’est de cela que nous nous défaisons aujourd’hui.

M. le président. Il faut conclure.

Mme Catherine Coutelle. C’est de cela que nous ne voulons plus. Nous voulons l’égalité, l’égalité des sexes dans le mariage, l’égalité des hétérosexuels et des homosexuels. Notre texte est un grand projet d’égalité qui va faire enfin cesser la différenciation. (Mêmes mouvements.)

M. Daniel Fasquelle. Vous n’avez pas lu mon amendement !

M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix l’amendement n° 3.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 260

Nombre de suffrages exprimés 260

Majorité absolue 131

(L’amendement n° 3 n’est pas adopté.)

Rappels au règlement

M. le président. La parole est à M. Daniel Fasquelle, pour un rappel au règlement.

M. Daniel Fasquelle. Je ne peux pas laisser passer les propos de Mme Coutelle, car c’est très grave. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.) Elle a pris quelques mots tirés de l’exposé sommaire pour caricaturer et défigurer mon point de vue.

Plusieurs députés du groupe SRC. Ce n’est pas un rappel au règlement !

M. Daniel Fasquelle. Je n’ai fait que rappeler l’étymologie du terme « mariage » en droit romain et en latin. Madame Coutelle, vous avez pris quelques mots pour bricoler une espère d’accusation qui n’honore pas cette assemblée.

M. le président. Monsieur Fasquelle, ce n’est pas un rappel au règlement.

M. Daniel Fasquelle. Si, parce qu’il n’est pas possible de travailler dans des conditions pareilles ! Nous devons nous respecter mutuellement et cesser les caricatures. Une telle déformation d’un exposé sommaire et d’un point de vue n’est pas normale, et nous ne pouvons pas travailler dans de bonnes conditions de cette façon, monsieur le président ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Christian Jacob, pour un rappel au règlement.

M. Christian Jacob. Monsieur le président, nos travaux se sont plutôt bien déroulés jusque-là (Sourires et exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP), mais nous dérapons.

Je vous invite à lire les tweets émis par notre collègue Sergio Coronado à l’instant, qui qualifie Hervé Mariton de « conservatrice coincée ». C’est n’importe quoi !

Je vous demande une suspension de séance, afin de ramener nos collègues de la majorité à la raison et la sérénité. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Daniel Fasquelle. C’est en effet scandaleux !

M. le président. Je vais suspendre la séance et j’invite les présidents de groupe à venir me voir pendant cette suspension.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt-deux heures trente, est reprise à vingt-deux heures quarante.)

M. le président. La séance est reprise.

Article 1er (suite)

M. le président. Nous en venons à une série d’amendements identiques.

La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 57.

M. Marc Le Fur. Monsieur le président, à la suite de la réunion que vous avez souhaitée, le président de mon groupe m’a demandé de détendre l’atmosphère : je vais donc m’y employer.

Chers collègues de la majorité, puisque vous avez du mal à nous entendre, je citerai l’un de vos amis politiques, M. Collomb, maire de Lyon et sénateur.

M. Erwann Binet, rapporteur. Monseigneur Collomb !

M. Marc Le Fur. Voilà le titre de l’entretien qu’il vient d’accorder aux Échos : « La France veut du boulot, pas du mariage homo ». Je le cite : « La priorité aujourd’hui, c’est la lutte contre le chômage plutôt que les réformes sociétales. »

M. Jacques Myard. Très bien !

M. Bernard Roman. On s’en fiche !

M. Marc Le Fur. « Sur ce terrain très sensible, il faut avancer avec beaucoup de précaution », dit-il à propos de la réforme de la famille.

M. Pascal Popelin. Restez sur le texte !

M. Marc Le Fur. Les choses sont claires. Notre amendement est très simple. Il consiste à revenir à une règle élémentaire : le mariage est l’union d’un homme et d’une femme. C’était l’esprit du Code civil, rédigé par un grand juriste, Cambacérès, dont les orientations sexuelles étaient d’ailleurs connues mais ne l’ont pas empêché de faire une belle et grande carrière, puisqu’il était le second du régime. Les logiques victimaires que certains utilisent sont donc très relatives.

Mes chers collègues – je m’adresse plus spécialement aux députés du groupe écologiste –, il faut revenir à des règles naturelles. Nous multiplions les labels et les principes de précaution : appliquons ces derniers aussi à l’humanité ! On peut modeler, corriger ou faire évoluer la nature, mais on doit surtout la respecter. En l’occurrence, respecter la nature, c’est aussi respecter l’altérité homme-femme dans la logique du mariage. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Laurent Marcangeli, pour soutenir l’amendement n° 218.

M. Laurent Marcangeli. Comme l’a expliqué Marc Le Fur, cet amendement consiste à rappeler que le mariage est l’union entre un homme et une femme. Pourquoi ? Pour une bonne et simple raison que nous vous exposons depuis ce matin : le mariage ne désigne pas seulement l’union entre deux êtres, il inclut aussi le concept de filiation. Dans nos rangs, nous considérons que la filiation ne peut être véritablement solide que si elle est exercée par un homme et une femme.

Nous ne sommes pas seuls à penser ainsi : de brillants constitutionnalistes intègrent le principe de l’altérité sexuelle dans le bloc de constitutionnalité, ce qui n’est pas rien. Ainsi le doyen Carbonnier explique les raisons pour lesquelles il pourrait être dangereux de porter atteinte à ce principe.

Depuis ce matin, nous entendons des arguments tout à fait respectables, au premier rang desquels figure celui selon lequel il faut respecter l’amour que se portent deux êtres et leur donner le droit de s’unir. Nous l’avons proposé avec l’alliance civile, qui a été rejetée.

Par ailleurs, il serait, nous a-t-on dit, anormal de ne pas faire droit au principe d’égalité. Mais, mes chers collègues, l’égalité, on y contrevient dans pratiquement dans tous les rapports que l’individu entretient avec la société ! En tant qu’élus, nous n’avons pas le droit d’exercer un certain nombre de responsabilités si nous occupons une fonction élective : c’est une inégalité entre les citoyens. Le droit de vote n’est pas autorisé avant l’âge de dix-huit ans : c’est une autre inégalité. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Nous, nous considérons que le mariage, c’est l’union entre un homme et une femme.

M. Yann Galut. On vous a connu plus brillant !

M. le président. La parole est à M. Christian Jacob, pour soutenir l’amendement n° 294.

M. Christian Jacob. Cet amendement vise à préciser que le mariage est l’union d’un homme et d’une femme. Il semble en effet important de le rappeler à la suite du débat que nous avons eu avant l’article 1er sur les risques que comporte l’ouverture du mariage et de l’adoption à des couples de personnes de même sexe, telles la procréation médicalement assistée pour convenance personnelle et la gestation pour autrui, qui est reconnue à l’étranger. Pour nous, il y a là un risque d’ordre bioéthique extrêmement grave, dont la majorité et le Gouvernement n’ont pas pris la mesure. C’est la raison pour laquelle nous restons très opposés au mariage pour les couples de personnes du même sexe.

En revanche, nous avons pleinement conscience qu’il faut apporter des réponses en matière de protection des personnes. C’est pourquoi nous avons travaillé, notamment notre collègue Daniel Fasquelle, sur une alliance civile, qui comporte des droits et des obligations – devoir de fidélité, intervention devant les tiers – et qui protège les deux alliés au plan juridique.

Nous réfutons la possibilité d’ouvrir le mariage aux couples homosexuels. L’objet de cet amendement est de réaffirmer le principe de notre Code civil.

M. Jacques Myard. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement n° 341.

M. Hervé Mariton. Puis-je expliquer à notre collègue Coutelle l’importance de l’altérité ?

M. Christian Assaf. Non !

M. Hervé Mariton. Je ne sais pas si la femme est complémentaire de l’homme, ou l’inverse : la complémentarité est en général assez symétrique. Mais, comme chacun d’entre nous le sait, la femme est l’avenir de l’homme. Au moins, ne contesterez-vous pas cette affirmation.

Chère collègue Mazetier, vous qui avez souhaité que les écoles maternelles soient rebaptisées,…

M. Jacques Myard. Scandaleux !

M. Hervé Mariton. …puis-je vous demander ce que vous proposez pour atténuer l’affirmation si masculine que comporte le mot : « fraternité », que vous avez employé ? D’un point de vue étymologique, ce mot fait en effet clairement référence au masculin, à la fratrie. Dans la police des mots que vous souhaitez appliquer et dans le refus de l’altérité que vous affichez – ce qui est inquiétant pour l’avenir de la parité –, que devient la valeur de fraternité ? Je ne comprends pas qu’elle figure dans votre propos.

M. Yann Galut. Qu’est-ce que vous racontez ? Quel rapport avec le mariage ?

M. Hervé Mariton. Heureusement, certains de vos collègues, au sein de la majorité, sont moins attachés à la novlangue et à la police des mots et ne tiennent pas des propos de cette nature.

Oui, vive la fraternité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. François de Mazières, pour soutenir l’amendement n° 459.

M. François de Mazières. N’ayant pu vous convaincre sur l’alliance civile,…

M. Yann Galut. C’est clair !

M. François de Mazières. … nous en revenons à l’essentiel.

Notre vision est différente de la vôtre. Nous considérons en effet que vous êtes en train de créer une inégalité entre les enfants, puisque l’enfant adopté par un couple homosexuel n’aura pas un papa et une maman. À l’instar de la philosophe Sylviane Agacinski nous pensons que « donner à un orphelin deux parents de même sexe, c’est créer une inégalité. » Cette opinion est partagée par des gens pour lesquels vous avez de la considération et que vous jugez remarquables.

M. Yann Galut. Qu’est-ce qu’il raconte ?

M. François de Mazières. Nous constatons qu’il existe, au sein de la majorité, deux lignes assez différentes.

Monsieur le rapporteur, madame la ministre, il ne fait aucun doute que vous admettez la PMA ; vous avez été très clair à cet égard, monsieur le rapporteur. Madame la garde des sceaux, nous aimerions savoir où vous vous situez sur cette question. On nous renvoie au texte qui doit être présenté au mois de mars, mais, vis-à-vis des Français, il serait plus responsable de dire maintenant que vous êtes en faveur de la PMA, car c’est la suite logique de ce texte. Au moins, le débat serait plus honnête.

M. Eduardo Rihan Cypel. Nous sommes pour le mariage pour tous !

M. François de Mazières. Nous avons le sentiment que nous n’arriverons pas à nous entendre. (« En effet ! » sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Je vous en prie, mes chers collègues.

M. François de Mazières. Pour conclure, je reviendrai volontiers à la question référendaire.

De même que Mme Guigou ne cesse de répéter qu’elle en a assez d’entendre citer les propos qu’elle a tenus il y a dix ans (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe SRC), je pense que M. Toubon en a assez qu’on le cite systématiquement. Je l’ai appelé à ce sujet, et il m’a dit être vent debout : pour lui, la question référendaire est une évidence, car ce texte touche à une institution essentielle. Alors, avant de le citer, appelez-le ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Patrick Ollier, pour soutenir l’amendement n° 517.

M. Patrick Ollier. Nous allons forcément nous répéter, mais notre amendement s’inscrit dans la cohérence de la position que nous défendons depuis le début du débat.

L’opposition souhaite préserver l’institution du mariage.

M. Yann Galut. Nous aussi, mais on veut l’étendre !

M. Patrick Ollier. Nous voulons préserver l’institution du mariage et instituer, madame la garde des sceaux, un quatrième mode d’union avec l’alliance civile, qui pourrait accorder les mêmes droits aux couples homosexuels – patrimoniaux, successoraux, sociaux. Nous n’y verrions aucun inconvénient.

Au prétexte de l’égalité, vous êtes en train de créer une discrimination. Je poursuis le raisonnement de M. de Mazières. Lorsqu’un couple constitué par deux femmes voudra un enfant, celles-ci recourront à la PMA – vous l’avez annoncé, cela se fera.

M. Régis Juanico. Cela se fait déjà !

M. Patrick Ollier. Mais quid d’un couple d’hommes ? Au nom de quelles règles morales, selon votre raisonnement, brillamment défendu par Mme Coutelle, refuserez-vous aux couples d’hommes que vous autorisez à se créer par votre texte d’avoir un enfant par le biais de la GPA ? Vous créez une discrimination, dans la mesure où vous avez annoncé que la gestation pour autrui n’était pas d’actualité et que jamais, elle ne serait autorisée.

M. le président. Veuillez conclure, monsieur Ollier.

M. Patrick Ollier. Nous sommes pour l’égalité sur le plan social. Vous feriez d’ailleurs mieux, mesdames et messieurs de la majorité, de vous intéresser au problème de l’inégalité des salaires entre les hommes et les femmes. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Pierre-Alain Muet. Qu’est-ce que vous avez fait, vous, dans ce domaine ?

M. Patrick Ollier. Prenez plutôt des décisions dans ce domaine : vous contribueriez à un progrès significatif !

M. le président. Monsieur Ollier, veuillez conclure, je vous prie.

M. Patrick Ollier. Je conclus, monsieur le président.

L’égalité que vous proposez, c’est l’égalité par l’effacement, par la négation de ce que sont la femme et l’homme. Nous, nous voulons préserver cette différence dans le cadre du mariage à cause de la filiation. Tel est notre raisonnement ; nous le répéterons tout au long des débats. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement n° 594.

M. Philippe Gosselin. Selon la tradition juridique française, le mariage n’est pas un simple contrat, ni la reconnaissance de l’amour de deux personnes l’une pour l’autre. C’est une institution au statut est très particulier.

Le Conseil constitutionnel reconnaît la compétence du législateur dans le cadre du respect de la hiérarchie des normes, mais il ne reconnaît pas de discrimination en tant que telle dans le droit actuel. Le rapporteur l’a, du reste, admis tout à l’heure, ajoutant qu’il s’agissait d’un choix politique. Dont acte.

Souffrez que nous fassions un choix politique différent du vôtre, que nous ayons une autre vision politique de la société. On voit bien cet article aura un effet dominos.

M. Henri Jibrayel. On souffre pour vous !

M. Philippe Gosselin. Je le sais, et nous souffrons en vous écoutant.

M. le président. Allons !

M. Philippe Gosselin. Mme Dumont a eu des mots malheureux, au perchoir. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. On n’attaque pas la présidence !

M. Philippe Gosselin. Nous souhaitons revenir sur cet effet dominos, au-delà de la question de la discrimination qui, s’agissant du mariage actuel, n’est pas fondée juridiquement. C’est un choix politique ; ce n’est pas le nôtre.

Nous voulons dénoncer l’enchaînement : mariage, adoption, qui conduira inéluctablement à la PMA et, à terme, à la GPA. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Yann Galut. Toujours le même refrain !

M. Philippe Gosselin. La circulaire du 25 janvier entrouvre une brèche, il est bon de le rappeler une fois encore. Voilà pourquoi il nous paraît important de préciser que le mariage est l’union d’un homme et d’une femme. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Frédéric Reiss, pour soutenir l’amendement n° 650.

M. Frédéric Reiss. Comme un grand nombre de mes collègues et une grande majorité de nos concitoyens, j’ai la conviction que le mariage doit rester l’union d’un homme et d’une femme.

Le mariage ouvert à deux personnes de même sexe divise la France et les Français.

M. André Schneider. Absolument !

M. Frédéric Reiss. C’est pourquoi, sur un problème d’une telle importance, le passage en force de la majorité n’est pas acceptable.

Depuis des semaines, alors que notre pays connaît des difficultés majeures, on entend la même chanson : c’était une proposition du candidat Hollande. En l’élisant à la présidence de la République, les Français ont voté en faveur du mariage des personnes de même sexe. (« Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe SRC.) Eh bien, non !

Tous ceux qui ont manifesté le 13 janvier dernier, avec détermination et dignité,…

M. Philippe Gosselin. Ils étaient très nombreux. Des centaines de milliers de personnes !

M. Régis Juanico. Peu nombreux !

M. Philippe Gosselin. Plus de 800 000. Trois fois plus que le 27 janvier !

M. Frédéric Reiss. …n’ont jamais cédé à l’homophobie dans laquelle certains auraient bien aimé les précipiter. Toutes ces femmes et tous ces hommes restent attachés au fait que le mariage est l’union d’un homme et d’une femme.

Que le mariage soit, en droit français, réservé aux couples de sexe différent a été jugé non discriminatoire par le Conseil constitutionnel. Au nom d’une prétendue égalité des droits, la majorité entend changer la nature même du mariage civil, au prix d’une grave discrimination à l’égard des enfants ; nous aurons l’occasion d’y revenir au cours des débats. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Josette Pons, pour soutenir l’amendement n° 651.

Mme Josette Pons. C’est au nom de l’égalité que je défends cet amendement. Ce soir, nous entendons beaucoup parler de l’égalité pour tous, mais pas de l’égalité entre enfants. Un enfant vivant dans un foyer homosexuel dans lequel il serait arrivé par le biais soit de l’adoption, soit de la procréation médicalement assistée, soit de la gestation pour autrui,…

Mme Chantal Berthelot. Pas forcément !

Mme Josette Pons. …n’est pas le même que les autres. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.) Viendra un moment où il se posera des questions.

Je souhaiterais que l’on parle de mariage quand il s’agit de l’union entre un homme et une femme et d’alliance civile quand il s’agit de l’union entre deux hommes ou deux femmes, qui s’aiment du même amour.

M. Patrick Ollier. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Guénhaël Huet, pour soutenir l’amendement n° 759.

M. Guénhaël Huet. Cet amendement vise à rétablir le principe de l’altérité des sexes. Le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 28 janvier 2011 – citée par le rapporteur lui-même –, a indiqué que l’ouverture du mariage relevait d’une compétence du législateur, et donc d’une volonté du politique.

Il a également affirmé qu’il était possible de traiter différemment des personnes relevant de situations différentes. Nous proposons donc une alliance civile pour les couples homosexuels, avec toutes les garanties qui ont été précisées tout à l’heure, et souhaitons que le mariage reste fondé sur l’altérité des sexes.

J’ajoute, monsieur le président, qu’il existe même un risque d’inconstitutionnalité, soulevé par certains spécialistes du droit constitutionnel,…

M. Philippe Gosselin. Et non des moindres !

M. Guénhaël Huet. …lié à la remise en cause le principe de l’altérité des sexes.

M. le président. La parole est à M. Remi Delatte, pour soutenir l’amendement n° 784.

M. Rémi Delatte. L’art de la répétition fait la pédagogie. Puisse-t-elle vous inspirer quelques réflexions !

Le mariage, je le redis, est une institution que nous voulons respecter et pérenniser. Il repose sur l’union d’un homme et d’une femme. Il s’agit d’une évidence fondée sur notre droit, sur notre culture et sur notre histoire, fondée aussi sur une réalité biologique, ne vous en déplaise.

Faut-il rappeler que bien des constitutionnalistes estiment que l’altérité sexuelle des époux, et donc des parents, figure parmi les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République ? Le principe d’un mariage entre personnes de même sexe serait donc inconstitutionnel.

J’ajoute que, globalement, l’Europe a fait le choix de renoncer au mariage entre personnes de même sexe puisque seuls six pays sur vingt-sept l’ont adopté.

Voilà pourquoi nous vous avons proposé l’union civile afin d’offrir la possibilité aux couples homosexuels de vivre dans un environnement juridique et social protecteur et respectueux.

M. le président. La parole est à M. Christian Kert, pour soutenir l’amendement n° 1003.

M. Christian Kert. Le mariage – c’est une évidence pour notre société aujourd’hui – est l’union d’un homme et d’une femme. Que l’on ne nous fasse pas le procès de vouloir marginaliser les homosexuels !

Cet amendement donne force à la proposition d’alliance civile, car il montre la volonté de l’opposition de trouver un chemin qui soit compatible avec l’état d’esprit d’une société qui a besoin d’équilibre et de repères. Nous souhaitons faire bouger les lignes, dégager des solutions, établir une harmonie nouvelle dans cette société qui la réclame, avec mesure.

M. le président. La parole est à Mme Anne Grommerch, pour soutenir l’amendement n° 1061.

Mme Anne Grommerch. Monsieur le président, je m’étonne beaucoup de la tournure que prennent nos débats. Je ne parlerai pas des propos vulgaires de M. Coronado, qui n’ont pas leur place dans cet hémicycle. Je suis étonnée d’entendre Mme Mazetier affirmer que l’on ne devrait plus parler d’« école maternelle » : quel nom donnera-t-on donc aux maternités demain ?

M. Bernard Roman. Ce n’est pas le problème !

Mme Anne Grommerch. Bientôt, on ne devra même plus parler de mère. Pourtant, certains, chez vous, trouvent normal de « louer des ventres ». (Exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

Eh oui, Pierre Bergé s’est permis de tenir des propos scandaleux dont personne, sur les bancs de la majorité, ne s’est offusqué.

M. Yann Galut. Ce n’est pas un député !

Mme Anne Grommerch. Ce n’est pas parce qu’on finance le parti socialiste que l’on peut tout se permettre ! Ces propos inacceptables, il les a tenus à la soirée de soutien au mariage pour tous. Ils ont été repris très largement dans la presse et aucun d’entre vous ne les a condamnés. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Philippe Gosselin. Vous étiez à la soirée de Pierre Bergé, monsieur Galut : gauche caviar et bobos !

Mme Anne Grommerch. Vous voulez à tout prix supprimer l’altérité des sexes : je pense que vous allez finir par vous convaincre d’ici à la fin de nos débats que bientôt, il n’y aura plus besoin de femmes pour faire des bébés.

M. Jacques Myard. Très juste !

Mme Anne Grommerch. Sachez une chose : vous pourrez voter tous les textes que vous voudrez, changer le code civil aussi souvent que vous le voudrez, on aura toujours besoin de femmes pour faire des enfants en France comme partout ailleurs ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Paul Salen, pour soutenir l’amendement n° 1124.

M. Paul Salen. Madame la garde des sceaux, vous avez souligné – avec justesse – que le mariage n’était pas défini clairement dans le code civil comme l’union d’un homme et d’une femme. Pourquoi ? Parce que cela relève de l’évidence.

J’aimerais à ce propos rappeler les propos du doyen Carbonnier sur la place du mariage dans la loi : « Le Code civil n’a pas défini le mariage et il a eu raison : chacun sait ce qu’il faut entendre par là, c’est la plus vieille coutume de l’humanité et l’état de la plupart des hommes adultes ».

Le Conseil constitutionnel, quant à lui, dans sa décision du 28 janvier 2011, a affirmé qu’il ne lui appartenait pas de substituer son appréciation à celle du législateur sur la situation des couples de même sexe. Autrement dit, il a clairement jugé comme non discriminatoire le fait que le mariage soit, en droit français, réservé aux couples de sexe différent.

C’est cette position que nous défendons en demandant que soit précisé que le mariage est l’union d’un homme et d’une femme.

M. le président. La parole est à M. Yves Nicolin, pour soutenir l’amendement n° 1229.

M. Yves Nicolin. Permettez-moi de vous lire un court texte :

« On peut réprouver et combattre l’homophobie tout en n’étant pas favorable au mariage homosexuel, comme c’est mon cas. Dans la discussion qui s’amorce, j’entends parler de désirs, de refus des discriminations, de droit à l’enfant, alors que l’on devrait mettre en avant le droit de l’enfant et l’égalité des droits, comme si le principe de l’égalité des droits devait effacer toute différente. Mais j’ai peu entendu parler d’institutions, or c’est essentiel. Le mariage est, dans son principe et comme institution, l’union d’un homme et d’une femme. Cette définition n’est pas due au hasard. On peut respecter la préférence amoureuse de chacun sans automatiquement institutionnaliser les mœurs. »

Ces propos, c’est Lionel Jospin qui les a tenus en mai 2004. Inspirez-vous donc de lui, chers collègues de la majorité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Patrick Balkany, pour soutenir l’amendement n° 1319. (« Ah ! » sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

Modérez votre joie, mes chers collègues !

M. Patrick Balkany. Si je vous disais que je n’ai rien contre le mariage des homosexuels, ça vous étonnerait, n’est-ce pas ? En fait, ce qui me choque dans votre loi, c’est que vous avez mélangé le mariage des personnes de même sexe et l’adoption. Moi, je suis très attaché à l’enfant. Que les couples fassent ce qu’ils veulent, c’est leur droit. Améliorer l’union civile aurait été une solution très simple. Figurez-vous que le grand-père que je suis apprécie que ses petits-enfants disent « papa », disent « maman ». (Exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.) Eh oui, je sais, c’est très ringard d’avoir un papa et une maman. Pourtant, ça marche pas mal depuis des siècles !

M. Jacques Myard. Très bien !

M. Patrick Balkany. Vous savez ce qui va se passer dans les cours d’école,…

M. Erwann Binet, rapporteur. Ah non, il ne va pas oser !

M. Patrick Balkany. …quand un petit bout de chou de quatre ans dira : « Moi, j’ai pas de maman » ou « Moi, j’ai pas de papa », « J’ai deux papas », « J’ai deux mamans » ?

M. Yann Galut. Mais c’est déjà le cas !

M. Patrick Balkany. Eh bien, je peux vous dire que sa scolarité sera très difficile. (Vives exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.) Vous avez oublié ce qu’était la méchanceté des bambins à l’école.

Institutionnaliser l’adoption par un couple de même sexe, c’est priver les enfants ou d’un père ou d’une mère. Vous prenez une très grande responsabilité et je n’aimerais pas être à votre place ! (Exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

M. Thomas Thévenoud. Nous, non plus !

M. Patrick Balkany. Il y a en certain nombre parmi vous qui ne vont pas voter de bon cœur !

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Philippe Gosselin, pour un rappel au règlement.

M. Philippe Gosselin. Monsieur le président, mon rappel au règlement se fonde sur l’article 58 et concerne le déroulement de nos débats.

Nous sommes dans une société de télécommunications et sommes nombreux à utiliser Twitter ou Facebook. On vient de me faire part, il y a quelques minutes, d’un tweet envoyé par notre collègue Guedj. Je vous le lis : « Je rejoins la séance, déprimé – il a bien le droit – par avance de devoir supporter tant d’inepties et de mauvaise foi ». (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

S’il n’y avait que ça, vous pensez bien que cela n’aurait pas justifié un rappel au règlement. Le meilleur est pour la suite : « Ils voulaient un débat, ils le souillent ». (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Ces termes employés par notre collègue, je les trouve particulièrement inadmissibles. Je vous demande, monsieur le président, de rappeler à la majorité que quand elle gazouille à l’extérieur, elle doit le faire avec plus de distance.

M. le président. Monsieur Gosselin, pour le moment, fort heureusement, la charge de la présidence consiste à veiller au bon déroulement de nos travaux dans l’hémicycle. Ce serait lui demander beaucoup que de veiller aussi à ce qui se dit à l’extérieur.

M. Philippe Gosselin. Je comprends que votre autorité n’aille pas aussi loin, monsieur le président, mais un rappel amical serait le bienvenu !

M. le président. Pour ce qui est des communications électroniques, cela me paraît bien compliqué. Je le regrette, sachez-le. (Sourires.)

Article 1er (suite)

M. le président. La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour soutenir l’amendement n° 1459.

Mme Véronique Louwagie. Je vais revenir sur la définition de cette institution qu’est le mariage. Que prévoit ce contrat ? Il détermine l’organisation et la gestion de la famille : comment donner un cadre de vie aux enfants ? Or, aujourd’hui comme hier, la nature a fait que seuls un homme et une femme peuvent s’unir pour procréer et il en sera de même demain. Si la nature avait voulu qu’il en soit autrement – réfléchissez un peu, chers collègues –, elle aurait doté les êtres humains différemment.

M. Jean-Patrick Gille. Elle est excellente, celle-là !

Mme Véronique Louwagie. Je suis très étonnée par l’argument de l’égalité. La différence, même si elle est sexuelle, même si elle concerne l’orientation sexuelle, n’est aucunement signe d’inégalité.

Vous mettez en avant cette inégalité ; pour moi, elle n’existe pas. Nous sommes tous nés avec un sexe, masculin ou féminin ; nous sommes tous soit un homme, soit une femme, et pour la procréation, nous sommes tous destinés au sexe opposé. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

C’est ainsi que la nature nous a mis au monde, c’est ainsi que la nature a organisé la civilisation (Sourires et exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP), et le législateur ne peut aucunement modifier les lois de la nature. En revanche, nous sommes tous égaux devant ce fait. C’est pourquoi cet amendement réaffirme un principe de base. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Guillaume Chevrollier, pour soutenir l’amendement n° 1730.

M. Guillaume Chevrollier. Ce soir, les Français ont peur ! (Exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste et GDR.)

Pourquoi ? L’atonie de l’économie française, les difficultés de nos PME, l’absence de réforme de structure menée par le Gouvernement pour la compétitivité… (Mêmes mouvements.)

M. le président. Chers collègues de la majorité, il faut maintenant retrouver votre calme. Nous sommes en train de perdre du temps, et l’image que nous donnons dans cet hémicycle se détériore à nouveau. Je vous demande de garder votre calme et d’écouter l’orateur.

Monsieur Chevrollier, vous avez la parole.

M. Guillaume Chevrollier. Ce soir, disais-je, les Français ont peur, en raison de l’atonie de l’économie française, des difficultés de nos PME, de l’explosion du chômage du fait de l’absence de réformes du Gouvernement pour améliorer la compétitivité.

Notre compétitivité connaît une crise de confiance, et dans ce contexte si difficile, votre gouvernement s’attaque à la base de notre société : l’institution familiale, en remettant en cause le mariage entre un homme et une femme.

Un député du groupe SRC. Mais non !

M. Guillaume Chevrollier. Ce projet contribue donc au climat anxiogène. La famille est un repère, et la perte de celui-ci inquiète les Français. Ils sont inquiets pour le droit des enfants, comme par la perspective de la PMA et de la GPA.

Aussi, je vous demande de revenir sur ce texte au nom de l’intérêt général. Ce projet ne répond qu’à des intérêts catégoriels et crée une véritable fracture au sein de notre société ; j’en veux pour preuve la grande manifestation du 13 janvier dernier, ainsi que les grandes mobilisations qui se tiendront demain dans l’ensemble de nos départements. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Plutôt que la division, je vous propose donc le rassemblement pour la défense du droit de la famille et de l’enfant, gage de la stabilité de notre société et de la confiance en l’avenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Charles Taugourdeau, pour soutenir l’amendement n° 1880.

M. Jean-Charles Taugourdeau. Je voulais faire tout à l’heure un rappel au règlement…

Plusieurs députés du groupe SRC. Trop tard !

M. Jean-Charles Taugourdeau. …pour rappeler que jusqu’alors, lorsque on n’était pas d’accord avec la gauche, on était soit raciste, soit fasciste. Maintenant, en plus, on sera homophobe ! Je suis très inquiet par l’agressivité de la majorité ; très inquiet !

M. le président. Merci de défendre l’amendement n° 1880, monsieur Taugourdeau.

M. Jean-Charles Taugourdeau. Je souhaite terminer mon rappel au règlement en disant, histoire de détendre un peu l’atmosphère, que, face à tant d’agressivité, nous allons être obligés de déposer des amendements sous X ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC. – Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.))

Pour en revenir à mon amendement, je dirai simplement que ce n’est pas en niant la différence entre l’homme et la femme qu’on réglera les inégalités existant aujourd’hui entre l’homme et la femme.

M. le président. La parole est à M. Jacques Lamblin, pour soutenir l’amendement n° 1944.

M. Jacques Lamblin. Mes chers collègues, je suis sans illusion : vous voulez ignorez les problèmes que pose votre texte en matière d’adoption, de filiation et de conception. Mais, en même temps, je suis bienveillant. J’ai posé, tout à l’heure, une question à Mme la ministre, et vous en êtes témoins. Chacun ici est horrifié par la GPA ; nous sommes bien d’accord. Seulement, il y a un problème : si elle est interdite en France, elle est autorisée à l’étranger. Je renouvelle donc ma proposition : êtes-vous prêts à créer une sanction pénale,…

Mme Chaynesse Khirouni. Non !

M. Jacques Lamblin. …en définissant comme un délit…

Mme Chaynesse Khirouni. Non !

M. Hervé Mariton. Voilà l’aveu !

M. Jacques Lamblin. …le fait pour un homme d’introduire en France un enfant dont il déclare qu’il est le sien et dont il est prouvé qu’il est né à l’issue d’une GPA ? C’est la meilleure façon d’empêcher un marché des droits à l’étranger.

C’est de l’humanisme ; je vous propose donc d’adhérer à cette idée et de nous dire si vous êtes d’accord ou pas.

Mme Chaynesse Khirouni. C’est non !

M. Jacques Lamblin. Vous ne m’avez pas répondu la première fois, peut-être refuserez-vous une deuxième fois de me répondre !

La loi ne prévoit pas toujours l’évolution de la science. Ainsi, en Chine, 1,4 milliards d’humains sont victimes d’une loi qui impose de n’avoir qu’un seul enfant. Or, cette loi avait été inventée avant l’échographie. Depuis, le sex ratio s’est terriblement déséquilibré, parce que les couples choisissent d’avoir un garçon plutôt qu’une fille.

La loi ne prévoit pas tout : songez-y avant de poursuivre dans cette voie !

M. le président. La parole est à M. André Schneider, pour soutenir l’amendement n° 2020.

M. André Schneider. Chers collègues, je dois me confesser publiquement : cela fait quinze ans que je me trompe ! Cela fait quinze ans que je dis, partout où je me rends, qu’au moins 95 % des députés, sur tous les bancs, sont des gens sérieux, consciencieux et respectueux. J’avoue que, depuis quelque temps, je ne me retrouve plus tout à fait dans cet élément.

Je pense, monsieur le président, que concernant un phénomène de société, qui regarde notre conscience à tous, nous devrions avoir une autre manière de nous parler, de part et d’autre. Mais je pense sincèrement que l’exemple devrait venir de chez vous, madame et monsieur les ministres. Pas un paragraphe qui ne nous invective, voire pire !

Je pense que, face à un tel problème, nous devrions nous mettre d’accord sur un certain nombre de points. Tout d’abord, une première règle doit être claire pour nous tous : nous sommes tout à fait conscients que dans notre société, il existe des personnes qui ont diverses manières de vivre leur amour et leur couple. Nous les respectons tous. Je pense qu’il n’y a pas un collègue, sur ces bancs, qui ne compte des homosexuels parmi ses relations personnelles.

Deuxième question que nous nous posons : ces personnes doivent-elles avoir les mêmes droits que nous tous ? Oui, nous l’avons prouvé en votant le PACS, puis l’amélioration du PACS, et nous avons répété que nous devrions trouver une formulation pour que cela puisse se poursuivre. Nous vous proposons l’alliance civile, alors que vous proposez le mariage : n’est-ce pas simplement une question de vocabulaire ? (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Chers collègues, cela fait des heures que nous nous écoutons, alors accordez-moi encore deux minutes.

M. le président. Il faudrait conclure, cher collègue.

M. André Schneider. Je pense que nous aurions certainement pu trouver une solution, sur la base de notre proposition et de la vôtre, dans l’intérêt de tous et, en premier lieu, des intéressés – car n’oublions pas que nous parlons de personnes qui vivent fortement leur amour, même si elles le font un peu différemment des autres. Alors, un peu de sagesse, chers collègues !

M. le président. La parole est à M. Georges Fenech, pour soutenir l’amendement n° 2245.

M. Georges Fenech. Je souhaite vous faire part d’une simple réflexion. Ce débat n’est pas simplement de nature législative : il touche aux fondements de l’humanité, basé sur des lois naturelles (« Ah ! » sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP), que l’on oppose aux lois positives. Je crois que jamais une loi naturelle ne peut être dénaturée par une loi positive.

Vous nous proposez de réécrire, à la façon d’apprentis sorciers, une loi naturelle…

M. Thomas Thévenoud. Ça n’existe pas !

M. Georges Fenech. …qui, jusqu’à preuve du contraire, commande depuis le début de la création notre destinée d’hommes et de femmes, tous issus d’une rencontre naturelle entre un homme et une femme. Ce que nous voulons préserver, c’est l’altérité, seule condition naturelle d’une parenté paternelle et d’une parenté maternelle.

Je voudrais vous faire part d’une inquiétude qui ne relève plus, à l’heure où nous parlons, d’un simple fantasme : si vous nous conduisez vers la PMA et la GPA, madame la garde des sceaux, pourquoi pas, après-demain, le clonage façon Raël ? (Exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste et GDR et RRDP.)

Vous vous souvenez que nous avons érigé le clonage reproductif humain en crime contre l’espèce humaine, punie de la réclusion criminelle à perpétuité. Comme beaucoup de Français, que vous insultez ce soir à travers les insultes que vous proférez en permanence à notre égard, je suis en droit de m’interroger : jusqu’où irez-vous dans la manipulation au nom d’une pseudo égalité des droits ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Gérald Darmanin, pour soutenir l’amendement n° 2992.

M. Gérald Darmanin. Je suis un grand révolutionnaire, car je pense, madame la garde des sceaux que le mariage est l’union d’un homme et d’une femme, et qu’un enfant naît d’un homme et d’une femme.

Excusez-moi pour cet accès de fièvre révolutionnaire ; j’espère que mes électeurs me le pardonneront. Je le confesse, et j’espère que plus tard la rééducation prodiguée par la police de la pensée me permettra de penser l’inverse.

Je voudrais dire également à M. le président de la commission des lois que l’on a confié à M. Jospin une étude sur le cumul des mandats. Il aurait sans doute été plus avisé de confier à Mme Jospin une étude sur le mariage et l’adoption homosexuels, puisqu’elle a fait il y a quelque temps, contre M. Jack Lang, lequel depuis a été nommé à la présidence de l’Institut du monde arabe – je vois que le Président de la République respecte ses promesses…

Un député du groupe SRC. Allez, accouche !

M. Gérald Darmanin. Cette finesse n’a d’égale que la taille de vos chaussures, cher monsieur !

Il aurait été correct, disais-je, de confier à Mme Jospin ce rapport, afin de nous éclairer sur cette discussion.

Enfin, je souhaite dire à mes collègues de la majorité que, comme un certain nombre de jeunes parlementaires, j’essaye d’être particulièrement assidu – sans doute parce que je suis dans la fleur de l’âge. Dans ma circonscription populaire, mes électeurs – et même souvent les électeurs de François Hollande – demandent pourquoi vous n’étiez pas là pour défendre les heures supplémentaires, pourquoi vous n’étiez pas aussi nombreux pour lutter, avec autant d’empressement, contre le chômage, pourquoi vous n’étiez pas aussi nombreux pour dénoncer la hausse de l’insécurité. Car dans les quartiers populaires, monsieur Roman, ce qui compte, ce n’est pas le mariage homosexuel : ce sont l’emploi et la sécurité. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

M. Bernard Roman. C’est faux : c’est l’égalité !

M. Gérald Darmanin. Nous en reparlerons ! Vous êtes en train de trahir les électeurs populaires qui vous ont fait confiance. Encore une fois, c’est le projet du Gouvernement ; mais ce n’est pas la priorité des Français ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Sylvain Berrios, pour soutenir l’amendement n° 3092.

M. Sylvain Berrios. Quelle que soit l’histoire personnelle des uns et des autres, qu’elle soit douloureuse ou non, nous sommes tous le fruit d’un papa et d’une maman. C’est une réalité ! À l’origine, il y a un homme et une femme, et c’est leur union que le mariage consacre. C’est la raison pour laquelle le mariage doit confirmer l’altérité ; c’est la raison pour laquelle on ne peut pas faire comme si l’égalité venait gommer les différences entre les sexes.

Un homme et une femme peuvent procréer (« Ah bon ? » sur les bancs du groupe SRC), on peut les y aider à procréer, mais deux hommes ou deux femmes ne le peuvent pas.

Quand bien même le voudriez-vous, ce n’est pas possible. C’est la raison pour laquelle cette altérité est nécessaire et qu’il faut la réaffirmer dans le mariage. Avoir un papa et une maman, c’est l’essentiel de nos vies et de notre histoire, et c’est vers eux qu’on se retourne lorsque l’on a besoin de sens, quelle que soit l’histoire de la famille. C’est pourquoi je demande que cet amendement soit voté. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Myard, pour soutenir l’amendement n° 3207. (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC.)

Mes chers collègues, ne montrez pas que vous avez des chouchous, je vous prie. (Sourires.)

M. Jacques Myard. Chers collègues, vous nous parlez beaucoup du principe d’égalité, qui serait la pierre angulaire de votre réforme, mais ce principe n’est pas la réalité ni l’explication du monde. Ne niez pas la réalité : l’humanité s’est développée sur l’altérité, et c’est cela la question fondamentale.

Il est évident que dans les fonctions sociales, les hommes et les femmes sont égaux, et nous luttons pour que cette égalité soit reconnue. Je peux même vous dire que l’homme et la femme sont à cet égard parfaitement interchangeables. J’ai eu deux chefs femmes : elles s’en sont remises ! (Sourires.)

Madame Coutelle, je vais vous faire un aveu : je fais très bien le poulet au champagne,…

Mme Catherine Coutelle. Bravo !

M. Jacques Myard. …mieux que toutes les femmes que j’ai connues, et j’en ai connu quelques-unes ! (Sourires. – Exclamations prolongées sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Seul M. Myard a la parole.

M. Jacques Myard. J’invite Mme Coutelle à venir manger mon poulet au champagne.

En revanche, je ne peux pas enfanter seul, pas plus que les femmes que j’ai connues ne peuvent le faire. C’est cela, la réalité du monde. Cessez donc de bâtir des illusions sociales contraires à la vérité du monde, cessez de vous mentir ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Michel Herbillon, pour soutenir l’amendement n° 3242.

M. Michel Herbillon. Par cet amendement, il s’agit d’indiquer clairement que le mariage est bien l’union d’un homme et d’une femme, car, depuis des siècles, le cadre juridique et social de cette institution structure la société, notamment par les conséquences qu’elle produit en matière de filiation. Le Conseil constitutionnel, nous l’avons rappelé, a clairement jugé, dans sa décision du 28 janvier 2011, non discriminatoire le fait que le mariage soit, en droit français, réservé aux couples hétérosexuels. Le projet du Gouvernement remet en cause ce modèle et va transformer profondément notre société. La conséquence directe du vote de ce texte sera l’ouverture immédiate de l’adoption aux couples homosexuels puis, dans la foulée, comme cela a été annoncé, la procréation médicale assistée et, enfin, la gestation pour autrui, désormais en quelque sorte légalisée par la circulaire de Mme la garde des sceaux.

Il faut mettre un terme à cette fuite en avant qui aura de graves conséquences pour notre société. Nous soutenons, quant à nous, une mesure consensuelle consistant dans la création d’une union civile pour répondre à la demande légitime de reconnaissance sociale et de sécurité juridique des couples homosexuels. Ce serait une amélioration très importante par rapport au régime actuel du PACS, notamment sur le plan juridique, fiscal et successoral. Cependant, à la différence du mariage, cette union civile n’induirait pas la notion de filiation.

Mes chers collègues de la majorité, vous ne pouvez pas rester sourds à l’inquiétude que suscitent chez des millions de Français les conséquences de votre projet. Je vous demande donc de soutenir mon amendement qui vise à réaffirmer les principes de notre Code civil et à proposer une mesure équilibrée.

M. Jacques Myard. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton.

M. Hervé Mariton. Monsieur le président, je sollicite une suspension de séance, car nous devons réunir notre groupe.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt-trois heures trente-cinq, est reprise à vingt-trois heures quarante-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Article 1er (suite)

M. le président. Monsieur Terrier, ce n’est pas parce que c’est votre anniversaire que vous devez distraire vos collègues. (Sourires et applaudissements sur divers bancs.)

La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 3255.

M. Xavier Breton. Par cette série d’amendements identiques, nous souhaitons rappeler que le mariage est l’union d’un homme et d’une femme, car, ce projet de loi a pour objet de supprimer l’altérité et la différence sexuelles en tant que condition nécessaire du mariage. On voit bien, chers collègues de la majorité, que vous êtes incapables d’assurer une articulation entre l’égalité et la différence puisque vous voulez supprimer la seconde au nom de la première. À ce propos, je tiens à rappeler la phrase, qui restera sans doute historique, de Mme la ministre de la famille lors de la réunion de notre commission, le 18 décembre dernier : « Lorsqu’une différence ne donne pas accès aux mêmes droits, j’appelle cela une discrimination. »

Je crois que tout est dit. En fait, pour obtenir l’égalité, vous supprimez artificiellement les différences. Le problème, c’est que les différences naturelles résistent, continuent à exister. Plus généralement, vous êtes incapables de penser la différence, comme le montrent les propos tenus par notre collègue Coutelle. Pour elle, pour vous, une complémentarité implique une hiérarchie, une domination. Vous êtes incapables de penser une complémentarité mutuelle : la femme et l’homme se complètent l’un l’autre. Ce n’est pas toujours facile mais ce n’est pas en niant la différence que vous parviendrez à rétablir une véritable égalité.

En supprimant artificiellement ces différences, vous transgressez obligatoirement des limites, ce qui soulève des questions, notamment celle que j’ai posée plusieurs fois lors des auditions et des réunions de la commission des lois. Si vous ne fondez pas le mariage sur l’altérité sexuelle, un homme et une femme, qu’est-ce qui empêchera de se marier à trois, à quatre ou plus ? (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Répondez à cette question autrement que par des vociférations. Pourquoi un couple, deux personnes ? Parce que c’est un homme et une femme. Si s’agit simplement de s’aimer et d’être capable d’élever des enfants, on peut se mettre à trois.

M. le président. Il faut conclure, monsieur le député.

M. Xavier Breton. Je conclus, monsieur le président. Il faut faire famille, dit Mme Bertinotti. Mais on peut faire famille à trois, à quatre.

M. Jacques Myard et M. Christian Jacob. Très bien !

M. Xavier Breton. Comment justifiez-vous le fait de limiter le mariage à deux ? J’attends toujours la réponse.

M. le président. La parole est à Mme Claude Greff, pour soutenir l’amendement n° 3557.

Mme Claude Greff. Je m’adresse à vous, madame Taubira, parce que je sais que vous êtes attentive et que vous ne connaissez pas l’argument partisan.

Comme je vous l’ai déjà dit, je suis déçue de voir le mélange que vous avez fait dans ce projet de loi, principalement par votre faute. Ce mélange de l’union, l’adoption et la filiation a suscité l’inquiétude, la perturbation et, aujourd’hui, l’obstruction.

En fait, avec ce texte à mes yeux mal ficelé, vous trompez les Français mais également les homosexuels auxquels vous faites croire qu’ils vont avoir un mariage égal à celui des hétérosexuels alors qu’il n’en est rien : ils auront certes la même cérémonie, mais leur livret de famille mentionnera « parents de même sexe » tandis que le nôtre, celui des hétérosexuels, mentionnera « père » et « mère ». D’office, vous créez une inégalité.

Quant aux conséquences de ce projet, elles sont considérables notamment sur trois points : la généalogie parce que vous inscrivez désormais le mot parentalité au lieu de paternité et maternité ; le statut de l’enfant qui devient tout simplement et tout naturellement un objet de droit ; notre identité, donnée naturelle, sera à l’avenir fondée sur notre vie sexuelle et cela me choque considérablement. Quand je m’adresse à une personne, je ne lui demande pas si elle est homosexuelle ou hétérosexuelle ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Arlette Grosskost, pour soutenir l’amendement n° 3686.

Mme Arlette Grosskost. Monsieur le président, je vais être très rapide. Le code civil a toujours sous-entendu l’altérité sexuelle des époux dans un but avéré de structurer la famille et la filiation. Aujourd’hui, vous privilégiez la mise en scène des sentiments. Nous l’approuvons pour les adultes, mais vous ne pourrez jamais changer le sens des mots père et mère. Un enfant aspire à avoir un père, une mère ; un enfant aspire à connaître ses origines.

M. Jacques Myard. Eh oui !

Mme Arlette Grosskost. Il nous appartient de préserver un cadre qui saura répondre à son identification. C’est à la loi de poser les limites. C’est à nous, législateurs, de réfléchir au lendemain, au-delà des désirs individuels et immédiats.

À cette heure avancée, vous me permettrez d’être quelque peu lyrique. Je vous invite à réfléchir à cette phrase de William Carlos Williams : « L’homme a survécu jusqu’ici parce qu’il était trop ignorant pour pouvoir réaliser ses désirs. Maintenant qu’il peut les réaliser, il doit les changer ou périr. » (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Louise Fort, pour soutenir l’amendement n° 3965.

Mme Marie-Louise Fort. Pour ma part, j’aime la définition de cette institution du mariage par le doyen Carbonnier : « C’est la plus vieille coutume de l’humanité et l’état de la plupart des hommes adultes. » Pourquoi y touche-t-on de cette façon ? Est-elle devenue ringarde ? C’est un peu la mode, en effet, d’agresser l’institution et les gens qui la défendent.

Défendre cette institution ne signifie absolument pas s’attaquer à ceux qui n’entrent pas dans le cadre actuel du mariage, mais cela consiste à leur donner un cadre où ils auraient toute égalité. Vous avez l’air d’être pénétrés d’une science infuse et vous refusez d’entendre les voix, y compris de chez vous, qui expriment doute et inquiétude.

Mais vous êtes rattrapée par le côté pratique, madame la garde des sceaux : il va y avoir trois livrets de famille. Est-ce l’égalité que vous voulez instaurer au sein de l’institution ? Vous êtes revenue in extremis sur votre volonté d’enlever toute référence aux mots père et mère dans le code civil parce que vous vous êtes rendu compte que cela choquait beaucoup de gens. Vous avez alors fait un amendement balai. Il n’empêche que sur ce fameux livret de famille, nos amis homosexuels n’auront pas tout à fait les mêmes mentions.

Vous refusez de reconnaître que la nature a des droits, ce qui me choque beaucoup. Mais la nature triomphe quand même parce que, jusqu’à plus ample informé et pour encore très longtemps heureusement, il faudra toujours un homme et une femme pour faire un enfant.

M. Jacques Myard. Très bien !

Mme Marie-Louise Fort. Nous sommes en train de ridiculiser cette vieille institution. Je le regrette. J’aurais souhaité que l’on crée un statut identique en droit au mariage, mais avec une autre appellation et avec la faculté de mettre en avant le droit de l’enfant.

M. le président. La parole est à Mme Annie Genevard, pour soutenir l’amendement n° 4638.

Mme Annie Genevard. Je voudrais commencer mon propos par un point de droit : l’altérité sexuelle est bien un principe fondamental reconnu par les lois de la République. Je souhaite aussi verser au dossier une référence issue de la revue Droit de la famille, un article de Bertrand Pauvert intitulé « Sur une disputatio contemporaine et brûlante : considérations sur la reconnaissance de l’altérité sexuelle des époux comme principe fondamental reconnu par les lois de la République. »

Ce point de droit étant fait, je voudrais revenir aux propos de Mme Guigou qui affirmait en 1999 que jamais on ne reviendrait sur la question de l’altérité sexuelle. Si nous avons à plusieurs reprises rappelé ces propos, ce n’est pas pour mette Mme Guigou en face d’une contradiction car, à ce petit jeu, tout le monde peut piéger tout le monde. Il s’agit plutôt de démontrer que les certitudes d’hier peuvent se révéler fragiles et que, selon la formule que je trouve très belle, il faut légiférer d’une main tremblante. Ces certitudes d’aujourd’hui concernant la GPA, qui consiste à s’affranchir de l’altérité sexuelle, que vaudront-elles demain ?

Je vous invite à méditer les faits suivants. Ce soir, une chaîne de grande écoute a donné les résultats d’un sondage que je trouve extrêmement intéressant : 54 % des sympathisants de gauche sont favorables à la GPA et, ce que je trouve un peu troublant, essentiellement des femmes. Comme dans cet hémicycle, ce sont essentiellement des femmes qui prennent la parole pour défendre cette loi.

Pour terminer mon propos, je vous invite à cliquer sur le site internet meres-porteuses.com : vous accéderez très facilement à un vade-mecum qui vous expliquera comment recourir à la GPA.

Eh bien, le meilleur rempart contre la GPA, c’est l’altérité sexuelle, sa reconnaissance comme principe fondamental du mariage. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Gilles Lurton, pour soutenir l’amendement n° 4718.

M. Gilles Lurton. Sur ces amendements beaucoup de choses ont été dites, que je partage. J’ai du mal à comprendre qu’à chaque fois qu’un membre de l’opposition exprime une idée, cela fasse l’objet de vociférations de toutes sortes de la part des membres de la majorité.

Il faut que vous admettiez que ce n’est pas parce que vous êtes majoritaires…

M. Patrick Ollier. Profitez-en, cela ne durera pas !

M. Gilles Lurton. …ou tout simplement parce que vous êtes socialistes que vous avez raison. Il n’y a pas une pensée unique dans ce pays ; d’autres idées que les vôtres ont le droit de s’exprimer et d’être respectées, comme celles qu’ont défendues les 800 000 à un million de personnes qui ont défilé dans les rues le 13 janvier dernier. Ces personnes sont respectables et ont le droit à notre considération.

J’accepte tout à fait qu’il puisse y avoir de l’amour entre deux personnes de même sexe et que l’on trouve toutes les solutions pour légaliser leur situation, leur donner tous les moyens juridiques d’existence. Mais je comprends aussi que des personnes soient attachées à cette institution qu’est le mariage, union d’un homme et d’une femme. C’est pourquoi je défends cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Michel Terrot, pour soutenir l’amendement n° 5053.

M. Michel Terrot. À mon tour, je voulais relayer cette question un peu lancinante de l’opposition qui interroge le Gouvernement depuis ce matin, comme c’est son droit, son devoir, sur l’application de ce texte, s’il venait à être adopté, et sur les projets de loi à venir. Or nous avons beau poser la question, nous n’obtenons ni de la part des ministres ni de la part des membres de la majorité la moindre réponse ou le moindre éclaircissement.

Au risque d’être dans le registre obsessionnel que dénonçait ce matin Mme la garde des sceaux, je voudrais à mon tour rappeler notre opposition à la PMA et à la GPA. Nous souhaiterions avoir des réponses claires de la part des ministres, notamment en ce qui concerne la GPA. C’est le moins que l’on puisse faire ! Les choses seraient moins compliquées, moins confuses si autant de voies socialistes ne se déclaraient éminemment favorables à la GPA.

Ce matin, M. Mariton rappelait que trois ou quatre ministres, sur leurs sites, se sont déclarés favorables à la GPA. L’opposition estime que la moindre des choses est de savoir exactement quelle est la position définitive et unanime du Gouvernement sur une affaire de cette nature.

M. le président. La parole est à M. Guillaume Larrivé, pour soutenir l’amendement n° 5265.

M. Guillaume Larrivé. Mes chers collègues, on raconte qu’au moment de la chute de Constantinople (Rires sur les bancs du groupe SRC), des théologiens byzantins discutaient du sexe des anges. J’ai le sentiment, depuis quelques jours dans cette assemblée, que les députés de la majorité ressemblent à ces théologiens byzantins.

Nous sommes au bord du précipice économique. Les indicateurs sont au rouge, la récession menace. Dans nos permanences, nos compatriotes nous parlent des 1 000 chômeurs de plus que votre action crée chaque jour. Nos compatriotes nous parlent du pouvoir d’achat. Et le Président de la République ne trouve rien d’autre à faire que de diviser les Français en saisissant le Parlement d’un texte hallucinant.

Nous aurions dû, de manière rationnelle et apaisée, convenir de choses qui peuvent nous rassembler. Nous aurions dû convenir que le mariage, c’est en effet l’union d’un homme et d’une femme. Nous aurions dû convenir – peut-être aurions-nous dû le faire avant – qu’une union civile permettait de renforcer les droits et les devoirs des personnes de même sexe. Nous aurions pu construire un consensus. Au lieu de cela, nous nous perdons dans des débats très longs, stériles.

M. Thomas Thévenoud. La faute à qui ?

M. Guillaume Larrivé. Nous sommes en décalage par rapport à l’attente fondamentale de nos compatriotes.

Ce décalage a un seul responsable : le Président de la République qui a fait le choix de la division et de la dispersion.

M. le président. Sur l’amendement n° 57 et les amendements identiques, je suis saisi par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire et par le groupe socialiste, radical et citoyen d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Quel est l’avis de la commission sur l’ensemble de ces amendements ?

M. Erwann Binet, rapporteur. Le Gouvernement propose dans ce projet de loi un nouvel article 143 du code civil définissant le mariage comme l’union d’un couple de même sexe ou de sexe différent. Vous proposez l’inverse ou plutôt vous proposez pour le nouvel article 143 une définition qui réserve le mariage aux couples d’hommes et de femmes. Il s’agit évidemment d’un contre projet. Vous ne serez donc pas surpris de l’avis défavorable de la commission.

Je suis extrêmement étonné qu’à plusieurs reprises, pour justifier vos amendements, vous ayez fait référence à la doctrine constitutionnelle ou aux opinions des constitutionnalistes. Je l’ai dit précédemment, il me semble surprenant que la représentation nationale s’appuie, pour justifier des amendements, davantage sur la doctrine constitutionnelle que sur les avis du Conseil constitutionnel, notamment sur la question prioritaire de constitutionnalité dont nous avons déjà parlé. Je le redis, si le Conseil constitutionnel avait voulu faire de l’altérité sexuelle dans le couple marié une condition, il l’aurait fait à l’occasion de cette question prioritaire de constitutionnalité. Il ne l’a pas fait.

M. Xavier Breton. Ce n’était pas la question.

M. Hervé Mariton. C’est de l’économie de moyens.

M. Erwann Binet, rapporteur. Il n’y a aucune raison qu’il ne l’ait pas fait alors que le sujet s’y prêtait. Il a renvoyé au législateur cette responsabilité. C’est celle que nous exerçons en ce moment.

Deux choses pour finir. Je ne répondrai pas à chacun d’entre vous. Ce n’est pas le rôle du rapporteur. Je veux toutefois vous dire, madame Pons, que j’aurais souhaité que vous ayez été présente lors des auditions, ce qui vous aurait évité de dire qu’un enfant d’homosexuels n’est pas le même enfant que les autres. Un enfant d’homosexuels est un enfant comme les autres ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, GDR et écologiste.) Lors de toutes les auditions, personne, y compris les psychiatres M. Winter, M. Flavigny ou M. Levy-Soussan qui sont pourtant opposés au texte, n’a dit qu’un enfant élevé par un couple de même sexe était un enfant différent.

M. Hervé Mariton. Ce n’est pas la même chose

M. Erwann Binet, rapporteur. Quand vous prononciez ces mots, je regardais l’heure et me félicitais que ces enfants soient couchés et n’entendent pas cela ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Quand on leur dit qu’ils ne sont pas des enfants comme les autres, qu’ils ne sont pas normaux, je trouve cela très violent, il faut que vous vous en rendiez compte.

M. Patrick Ollier. Personne n’a dit cela.

M. Erwann Binet, rapporteur. Et c’est ce qui explique votre volonté de les faire rentrer dans la norme. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Yves Nicolin. C’est de la caricature.

M. Erwann Binet, rapporteur. J’ai entendu à de nombreuses reprises – je vais reprendre vos mots – des allusions à la nature. J’ai noté chez M. Fenech l’expression de loi naturelle ; dans un autre registre, M. Gosselin a rappelé la tradition ; M. Le Fur a parlé de règle naturelle ; M. Myard, de la vérité du monde ; Mme Lauwagie a dit « la loi de la nature a organisé la civilisation » ; pour moi, c’est l’inverse ! Comme je suis Isérois, je vais vous citer Stendhal, Le rouge et le noir, si vous me le permettez, monsieur le président : « il n’y a point de droit naturel. Ce mot n’est qu’une antique niaiserie. Avant la loi, il n’y a que la force du lion ou le besoin de l’être qui a faim, qui a froid, le besoin en un mot ». Notre assemblée ne doit pas entériner la loi naturelle, nous devons faire la loi de la République ! (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes SRC, GDR et écologiste.)

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales. Vous parlez sans cesse, chers collègues, de l’intérêt de l’enfant. Quand nous entendons M. Balkany ou Mme Pons, qui ose dire qu’un enfant dans une famille homoparentale n’est pas le même que les autres, vous nous donnez encore plus d’arguments pour rejeter votre amendement.

Plusieurs députés du groupe UMP. Elle n’a pas dit cela.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis. Si, elle l’a dit : vous regarderez le compte rendu. Ces enfants existent, vous en connaissez, nous en connaissons et ils vont bien. Alors qu’est ce que l’intérêt de l’enfant ? L’intérêt de l’enfant est d’avoir des parents légitimes…

M. Yves Nicolin. Mais oui, des parents « légitimes » !

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis. …aux yeux de la société. Les nombreuses auditions comme les rencontres avec les familles homoparentales et leurs enfants démontrent que le plus à craindre est l’homophobie de la société.

Un député du groupe UMP. Ça recommence !

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis. En reconnaissant que les homosexuels ont les mêmes droits que les hétérosexuels, en faisant en sorte que les parents soient reconnus par la loi, on fait reculer l’homophobie et c’est cela l’intérêt de l’enfant ! Nous rejetterons donc cet amendement. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement, madame la garde des sceaux ?

Plusieurs députés du groupe UMP. Son avis sur la GPA ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le Gouvernement émet un avis favorable (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe UMP), pardon défavorable. Décidément ! Merci à vous d’être aussi réactifs, vous me permettez de corriger ipso facto mes hérésies. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Vous interrogez constamment sur les mêmes choses. Vous voulez absolument faire le débat sur la procréation médicalement assistée, la gestation pour autrui et maintenant sur le clonage. Vous trouverez probablement une quatrième étape, je fais confiance à votre imagination.

M. Philippe Gosselin. Et même une cinquième et une sixième !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je vous crois capable de cela et nous ferons tout ce que nous pourrons pour vous répondre…

Sur la gestation pour autrui, nous vous avons expliqué que la référence à la circulaire n’a aucun sens. Lorsque vous prétendez qu’elle favorise la gestation pour autrui, cela n’a aucun sens.

M. Daniel Fasquelle. Bien sûr que si ! Vous reconnaissez la gestation pour autrui.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Cela n’a absolument aucun sens, ni en logique ni en droit. C’est une circulaire sur la délivrance d’un document administratif pour des enfants qui sont français. Vous pouvez néanmoins continuer à broder sur cela.

Je veux retenir une chose : vous passez beaucoup de temps à dire que la majorité est agressive. C’est évidemment l’affaire de l’Assemblée nationale, le Gouvernement serait mal avisé, compte tenu de son attachement à la séparation des pouvoirs, de porter une appréciation.

M. Christian Jacob. Très bien !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Mais lorsque vous vous adressez au Gouvernement et l’accusez de diviser les Français,…

M. Hervé Mariton. Hélas !

M. Michel Herbillon. Vous les dressez les uns contre les autres !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. …lorsque vous évoquez la crise, le chômage…

Un député du groupe UMP. C’est une réalité.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. C’est une réalité mais est-ce que le fait de faire notre travail empêche ceux qui ont en charge les questions économiques et sociales de faire le leur ? Je ne conteste pas la nécessité de passer du temps sur tous vos amendements. La décision a été prise par le Gouvernement et l’Assemblée nationale depuis début décembre de ne pas recourir au temps programmé.

M. Jacques Lamblin. L’ordre du jour, c’est vous.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Cela signifie que le Gouvernement et l’Assemblée ont convenu qu’il y avait lieu, compte tenu de l’importance du sujet, de prendre le temps d’en discuter. Mais vous ne pouvez pas considérer que ce temps est nécessaire et déposer autant d’amendements permettant l’intervention d’autant de députés pour nous expliquer ensuite que l’Assemblée pourrait s’occuper des questions économiques et sociales. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Il faut de la logique et de la cohérence.

Nous prenons tout le temps nécessaire pour vous répondre et pour répéter aussi souvent que nécessaire.

Je veux vous dire qu’il n’est pas fondé ni sérieux de prétendre, comme vous le faites par votre accusation sourde et insistante, que le Gouvernement diviserait les Français.

Affrontons-nous argument contre argument, conception contre conception, vision contre vision.

M. Patrick Balkany. C’est sûr, on n’a pas la même !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Vous avez contribué à la confusion en prétendant – alors que vous aviez déjà le projet de loi entre les mains, depuis le 7 novembre –, comme vous l’avez fait, madame la ministre Greff, que nous avions programmé la disparition totale des mots « père et mère ».

Mme Claude Greff. C’est la vérité.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Mais non, madame, vous aviez déjà le texte. Revenez à la version du Gouvernement du 7 novembre…

M. Hervé Mariton. Que l’amendement balai a corrigée !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je n’ai rien corrigé du tout. C’est vous qui votez au sein de la commission des lois et avez corrigé. Il n’y a aucune différence entre ce qu’avait écrit le Gouvernement et ce que vous appelez l’amendement balai qui est en fait une disposition interprétative.

M. Hervé Mariton. Alors pourquoi ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je l’ai expliqué en commission des lois, monsieur le ministre Mariton. J’ai rappelé ce qu’est la légistique : un ensemble de règles en vertu desquelles on écrit les textes de loi. Le mode le plus courant d’écriture est le suivant : lorsqu’on prépare une réforme qui modifie principalement un code mais a des conséquences sur d’autres codes, il faut veiller à introduire dans ces derniers les rectifications nécessaires. Le Gouvernement a choisi cette méthode en essayant de faire un travail exhaustif qui permette de repérer les dispositions des codes qui nécessitent d’être modifiées.

M. Hervé Mariton. Et de supprimer partout « père et mère » !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Laissez-moi poursuivre mon raisonnement. Vous l’avez déjà entendu et savez donc que ce que vous dites, avec des tentatives certainement délibérées pour me déstabiliser. (« Non ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP)

M. Charles de La Verpillière. On ne ferait pas une chose pareille.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. À cette heure je tiens encore, c’est l’avantage du régime d’endurance auquel astreint la vie parlementaire. La légistique, le mode d’écriture retenu par le Gouvernement, consistait donc à repérer de manière exhaustive toutes les modifications nécessaires parce que nous voulons faire un texte de loi efficace pour les citoyens.

M. Hervé Mariton. C’est mieux !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Nous voulons éviter d’oublier de modifier une disposition, ce qui pourrait demain compliquer la vie des citoyens. Nous avons donc fait ce travail. Vous savez donc parfaitement, grâce au texte dont vous disposez depuis le 7 novembre, que le titre VII du code civil qui traite de la filiation n’a subi aucune modification. Cela contredit parfaitement, clairement, ce que vous affirmez, à savoir que les mots de « père » et « mère » disparaîtraient du code civil. Et vous avez contribué à inquiéter les Français…

M. Hervé Mariton. À juste titre !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. …à les angoisser, en leur faisant croire d’une part, que « père et mère » disparaîtraient du code civil, d’autre part que « père et mère » disparaîtraient du livret de famille.

Mme Claude Greff. C’est vrai ou ce n’est pas vrai ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. C’est vous qui avez joué à cela ! Vous êtes passés à la vitesse supérieure dès lors qu’a surgi un collectif de la société civile. Ce collectif a commencé une mobilisation que je ne conteste pas, avec une intention assez modeste. Dans sa mobilisation et dans ses alertes, la société civile est en général très utile.

Mme Claude Greff. Là aussi !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Là aussi, il n’y a pas de problème. Vous avez contribué à une mobilisation, que je ne conteste pas, mais sur des éléments inexacts. À la lecture des multiples interviews qui ont été données à l’occasion de la première mobilisation de novembre puis de la seconde de janvier, le Gouvernement a pris acte de l’existence de confusions, de malentendus, et du devoir de pédagogie qui lui incombait.

M. Charles de La Verpillière. Cela a servi à quelque chose alors.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Voilà ce qu’il en est. Il est vrai que si on inquiète les gens, en leur disant que leur univers va s’effondrer brutalement et définitivement, ils réagissent et cela est rassurant.

M. Charles de La Verpillière. Vous avez quand même corrigé le projet de loi.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Non, nous ne l’avons pas corrigé. Je parle à un législateur qui sait parfaitement que le Gouvernement ne peut plus corriger le texte dès lors qu’il l’a déposé. Vous continuez à faire ce que vous avez fait pendant trois mois, vous dites des choses parfaitement inexactes. Le Gouvernement n’a pas corrigé le projet de la même manière qu’il n’a jamais fait disparaître « père et mère » du code civil, ni du livret de famille.

M. Hervé Mariton. La commission a changé le projet.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. La commission, c’est-à-dire vous, a choisi un autre mode d’écriture. Cet autre mode consiste en une disposition interprétative : elle indique que lorsqu’on lit « père et mère », s’agissant d’un couple de même sexe, il faudra comprendre « parents ». Voilà !

Mme Claude Greff. Et alors ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Et alors quoi, madame Greff ? Alors, vous pouvez toujours continuer à échafauder des choses tout à fait mystérieuses, c’est votre liberté, mais la réalité est ainsi, même si nous pouvons continuer, sur les amendements suivants, à raconter des histoires qui n’ont rien à voir avec la réalité.

Je répète donc que l’avis du Gouvernement est défavorable. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

M. Jérôme Guedj. Bravo, madame, et bon anniversaire !

M. le président. Madame la garde des sceaux, je suis sûr qu’une grande majorité de cette assemblée se joindra à moi pour vous souhaiter un joyeux anniversaire, puisque c’est votre anniversaire depuis un quart d’heure. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP, dont de nombreux députés se lèvent – Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes UDI et UMP.)

Au moins, pour des tas de raisons, ce texte restera pour toujours dans votre mémoire !

La parole est à Mme Marie-George Buffet.

Mme Marie-George Buffet. Je suis frappée, dans les interventions de nos collègues de l’opposition, par ce retour à la loi naturelle.

M. Hervé Mariton. C’est l’influence des écolos !

Mme Marie-George Buffet. Le retour à la loi naturelle, cela voudrait dire qu’il faut supprimer la contraception (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs des groupes GDR, SRC, écologiste et RRDP – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.), c’est-à-dire empêcher les femmes de choisir le moment de leur maternité, les priver de la maîtrise de leur corps. Ce serait supprimer l’accouchement sans douleur, parce que, si on revient à la loi naturelle, allons-y, il faut que les femmes souffrent en donnant la vie ! (Mêmes mouvements.)

Mais qu’est-ce que c’est que ce discours qui revient à la loi naturelle, qui dénie que nous sommes des êtres humains, que nous accomplissons des progrès pour les êtres humains ?

M. Yves Nicolin. Arrêtez ce baratin !

Mme Marie-George Buffet. Qu’est-ce que c’est que cette conception du mariage qui est sans arrêt liée à la procréation ? Qu’est-ce que c’est que cette vision de la femme qui se marie pour procréer et point final ?

M. Hervé Mariton. On n’a pas dit ça !

Mme Marie-George Buffet. À quoi êtes-vous revenus, mesdames, messieurs ? (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes GDR, SRC, écologiste et RRDP.)

Deuxième remarque, comment osez-vous, monsieur Balkany, dire que l’on ne serait capable, dans les quartiers populaires, que de parler de chômage ? Oui, on y parle de chômage, c’est votre bilan ! Mais, dans ces quartiers populaires, les hommes et les femmes sont capables de s’intéresser aussi à des problèmes de société, sont capables de se pencher sur des dossiers comme celui que nous traitons ce soir.

M. Sylvain Berrios. Évidemment !

Mme Marie-George Buffet. Vous pensez vraiment qu’ils ne sont pas capables de réfléchir à cela ? (Nouveaux applaudissements sur les mêmes bancs.)

Vous dites que les enfants ne sont pas les mêmes lorsqu’ils sont élevés dans une famille homosexuelle. Les enfants, parfois, en effet, ne peuvent pas grandir de la même façon que les autres, que ce soit dans une famille hétérosexuelle ou homosexuelle, parce qu’ils sont victimes d’inégalités, de privations, voire de violences. La question, c’est que ces enfants soient entourés d’amour, qu’ils reçoivent de l’éducation, qu’ils reçoivent de la protection, et ça, ce n’est pas une question d’orientation sexuelle ! (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes GDR, SRC, écologiste et RRDP dont de nombreux députés se lèvent.)

M. le président. La parole est à M. Marc Le Fur.

M. Marc Le Fur. Madame la garde des sceaux, permettez-moi également de vous souhaiter un bon anniversaire. Vous savez que nous avons, sur les bancs de la droite, une indulgence toute particulière à votre égard puisque nous avons contracté à votre égard une dette il y a de cela onze ans. Cela crée donc une sympathie toute particulière. Vous vous rappelez : en 2002. (« Nul ! » et « Minable ! » sur les bancs du groupe SRC.)

M. Charles de La Verpillière. Au revoir, Jospin !

M. Michel Lefait. Honteux !

Mme Annick Lepetit. Tout petit !

M. Marc Le Fur. Madame la garde des sceaux, monsieur le rapporteur, il y a une objective différence entre la droite et la gauche.

M. Jérôme Guedj. Heureusement, il n’y en pas qu’une !

M. Marc Le Fur. Elle porte sur deux points.

Premièrement, vous assimilez toute différence à une inégalité. Or, une différence, ce n’est pas une inégalité, c’est une chance, c’est une chance dans une rencontre. C’est ça, l’altérité ; c’est ça, la rencontre entre un homme et une femme. C’est pour ça que nous devons rester attentifs à la nécessité de conserver cette altérité, y compris dans le mariage.

Deuxièmement, nous, nous respectons la nature. Elle n’est pas notre guide, elle est simplement notre univers. Nous devons la travailler, la transformer, mais, en même temps, la respecter. Or vous êtes dans une logique quasi prométhéenne : tout est possible à la volonté humaine, tout est possible à la science et au droit. Cela, précisément, peut occasionner des dérives considérables. Montaigne disait : « La nature est un doux guide. » Nous allons désormais obéir à la science et au droit, nous dites-vous. La nature évitait que l’homme n’obéisse à l’homme. Désormais, l’homme va obéir à l’homme sans que l’homme obéisse à quoi que ce soit. Dostoïevski le disait au dix-neuvième siècle. Bernanos l’avait parfaitement compris au temps des grands totalitarismes. C’est parce que nous respectons la nature que nous nous fixons des bornes, que nous fixons également des bornes à nos volontés et à nos lois. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton.

M. Hervé Mariton. Bon anniversaire, madame la garde des sceaux.

Beaucoup, dans la majorité, disent que, ce soir, pendant ces débats, certains enfants souffrent, mais ils souffrent parce que la loi que vous voulez – plutôt que le compromis et le consensus que nous vous proposons – et ces débats que vous provoquez les font souffrir !

Alors, pourquoi sommes-nous défavorables à ce que le mariage change de définition ? Parce que nous voulons respecter le dictionnaire, la langue française !

Un député du groupe SRC. Quel fétichisme !

M. Hervé Mariton. Parce que nous avons aussi un respect de la différence et que la différence n’est pas un stigmate. Dire que des situations sont différentes, qu’un couple est différent d’un autre, ça n’est pas dire que l’un est anormal et l’autre normal, l’un indigne et l’autre digne, c’est simplement reconnaître et respecter les différences. Quand on force l’assimilation artificielle des différences, je ne suis pas sûr que ce soit le plus grand respect que l’on puisse témoigner aux personnes, et, vous le savez, beaucoup de couples homosexuels pensent comme cela.

C’est aussi, mesdames les ministres, mes chers collègues, le respect du bon sens. Quand une loi est à ce point étrangère au sens commun, est-ce qu’il n’y a pas une forme de péril ? Vous dites qu’il faut faire la loi de la République et que la République fait la loi. Oui, mais attention à la prétention. Vos prétentions sont assez paradoxales. Vous dites que votre pouvoir vous permet, vous oblige à autoriser, imaginer, construire ce qui, auparavant, était impossible, et, ce que vous voulez, c’est une forme de toute-puissance.

Il est d’ailleurs assez curieux que nos amis écologistes, si attachés à la nature, si attachés, comme nous le sommes tous dans cet hémicycle, au développement durable, soient favorables à cette loi. (Rires et exclamations sur les bancs des groupes écologiste, SRC, GDR et RRDP.)

M. Guillaume Bachelay. C’est honteux !

M. Hervé Mariton. D’une certaine manière, ils estiment que la nature est plus importante que l’homme… sauf si l’homme s’imagine tout-puissant.

M. le président. Il faut conclure.

M. Hervé Mariton. Oui, nous voulons simplement être attentifs à ne rien accomplir d’irréversible dans la loi. Si cette loi est votée, nous aurons l’audace et le courage de la réécrire,…

M. Guillaume Bachelay. Rendez-nous Guaino !

M. Hervé Mariton. …mais mesurez, mesdames les ministres, mesurez, mes chers collègues, le risque que vous prenez – peut-être serez-vous fiers, nous ne le serons pas –, le risque que…

M. le président. Merci.

M. Guillaume Bachelay. C’est la pensée contre-révolutionnaire, ce discours ! C’est honteux !

M. le président. La parole est à Mme Corinne Narassiguin.

Mme Corinne Narassiguin. Cet amendement, similaire aux précédents, sur lesquels nous avons déjà voté, a été déposé 118 fois. Il s’agit donc, bien évidemment, d’une technique d’obstruction, puisque nous n’avons entendu aucun argument véritablement nouveau (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), du moins aucun qui soit digne d’être retenu.

Je vous renverrai donc simplement à l’admirable discours sur l’évolution du mariage qu’a prononcé mardi la garde des sceaux et à l’excellente intervention de Catherine Coutelle tout à l’heure, sur la différenciation des sexes. Je pense qu’il n’y a rien à ajouter sur ce sujet, même si je sais que vous allez encore y revenir dans pas très longtemps.

Je pense que tous ceux qui nous écoutent, qui nous regardent, à cette heure tardive, ont très envie que l’on fasse avancer le débat. Il semblerait que même M. Mariton en soit d’accord, puisqu’il vient de s’évertuer à avoir avec la garde des sceaux une discussion sur l’article 4. J’espère que vous avez peut-être, vous aussi, sur les bancs de l’opposition, envie d’accélérer la cadence et d’apporter de nouveaux éléments à ce débat. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Christian Jacob.

M. Christian Jacob. Je viens d’entendre que nos arguments n’étaient pas dignes. Si tel est le cas, je vous en donnerai d’autres, ceux du défenseur des droits et ceux du Conseil supérieur de l’adoption. Que dit le premier à propos de la procédure suivie pour élaborer ce projet de loi ? « La procédure suivie pour l’élaboration du projet de loi qui vous est soumis présente à cet égard une évidente lacune. En effet, l’étude d’impact qui accompagne le projet ignore totalement la convention internationale des droits de l’enfant. Pas une page, pas une ligne ne lui est consacrée. »

M. Charles de La Verpillière. Et voilà ! Tout est dit !

M. Christian Jacob. Ce ne sont pas là des arguments de l’opposition, ce sont les arguments du défenseur des droits.

J’en viens aux arguments du Conseil supérieur de l’adoption. Dans son avis du 23 octobre dernier, il « fait état de son inquiétude devant la difficulté de concilier un objectif d’égalité des droits au bénéfice des personnes de même sexe et le caractère prioritaire de l’intérêt de l’enfant, dans le cas d’adoption ». Ce n’est pas l’opposition qui le dit, c’est le Conseil supérieur de l’adoption.

Le défenseur des droits poursuit, sur un autre sujet, la filiation : « l’ouverture du mariage et du droit à l’adoption pour les couples de même sexe va se heurter à la rareté des enfants adoptables. Cette situation incitera ces couples à avoir recours à des méthodes de procréation interdites en France mais accessibles à l’étranger. » Cela me ramène à la question qui a été posée tout à l’heure, madame la garde des sceaux : quel est votre avis sur la procréation médicalement assistée pour convenance personnelle ? Nous n’avons pas entendu votre avis sur ce sujet.

Dernier point, j’ai entendu Mme Buffet faire allusion à la contraception, à l’avortement. Ce sont là des sujets d’unité, d’union. Madame Buffet, cette grande loi sur l’avortement a été portée par le gouvernement de Jacques Chirac ! (Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jérôme Guedj. Quelle réécriture de l’histoire !

M. Christian Jacob. Madame Buffet, souscrivez-vous aussi, dans le même élan, à la suite de la circulaire de la garde des sceaux, à la reconnaissance et à la légalisation de la gestation pour autrui ? Est-ce que vous reconnaissez le fait que l’on puisse payer le ventre d’une femme, le louer ? (Vives exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.) C’est de cela qu’il s’agit !

M. le président. Merci.

M. Christian Jacob. Quand on reconnaît la GPA à l’étranger, cela veut dire qu’on accepte le fait que l’on puisse payer pour la location du ventre d’une femme. C’est ça, la réalité, madame Buffet !

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Fromantin.

M. Jean-Christophe Fromantin. Contrairement à ce qui vient d’être prétendu, je n’ai pas l’impression d’avoir entendu dire et redire encore et toujours les mêmes arguments, comme un refrain, à l’occasion de l’examen de ces amendements identiques.

Mme Catherine Coutelle. C’est l’art de la répétition !

M. Jean-Christophe Fromantin. Je crois, bien au contraire, que le bon sens s’est exprimé ce soir, avec des expressions différentes, avec des émotions différentes, avec des regards différents. Honnêtement, je ne pensais pas que l’on passerait toute une journée à expliquer qu’un homme et une femme ça a du sens. Beaucoup de Français qui sont en train de nous regarder doivent se demander : « Qu’est-ce qu’ils sont en train de faire ? De quoi sont-ils en train de parler ? »

M. Patrick Bloche. Nous parlons du mariage pour tous !

M. Jean-Christophe Fromantin. J’ai beaucoup de mal à comprendre que l’on soit obligé de déployer une telle énergie pour dire qu’il faut défendre le fait qu’une famille se construit sur l’union d’un homme et d’une femme.

Je voterai ces amendements parce que je les crois tout simplement inspirés par le bon sens. Je les soutiens et j’admire tous ceux qui ont eu l’audace de les soutenir, quitte à ce que la plupart d’entre vous, chers collègues de la majorité, leur intentent un procès en ringardise. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Je termine sur une note positive en vous souhaitant, madame la garde des sceaux, un très bon anniversaire.

M. Alain Tourret. Très chère amie Christiane Taubira, tous mes vœux pour cet anniversaire. Qu’il vous apporte beaucoup de bonheur et un beau texte voté, qui fera date dans les annales de la République ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

L’éducation des enfants par des couples homosexuels ne correspond-elle pas à un certain nombre des critères présents chez les couples hétérosexuels ? Telle est la question qui se pose à ce stade de nos débats. Comme M. le rapporteur l’a fort bien dit, nous avons entendu des sociologues, des spécialistes, des parents, des médecins, etc. À aucun moment, chers amis, il n’a été dit que la moindre différence – positive ou négative – existe entre l’éducation des enfants par des couples homosexuels et des couples hétérosexuels.

Certaines questions ont été posées : être élevé par un couple homosexuel entraînerait-il les enfants vers une tendance homosexuelle ? Jamais ! Rien de tout cela ! Pour moi, la définition de l’homophobie est la suivante : est homophobe le fait d’affirmer que les enfants de couples homosexuels sont moins bien élevés que les enfants de couples hétérosexuels. (Applaudissements sur les bancs des groupes RRDP et SRC.)

M. le président. La parole est à M. Eduardo Rihan Cypel.

M. Eduardo Rihan Cypel. Monsieur le président, mes chers collègues, je crois que la durée de nos débats nous a permis d’avancer au moins sur un point : la compréhension des motifs de votre opposition. Depuis tout à l’heure, comme cela a été rappelé par Erwann Binet et par Marie-Georges Buffet, votre seul argument réside dans les lois de la nature et le biologisme.

M. Hervé Mariton. Il est de taille !

M. Eduardo Rihan Cypel. Le naturalisme est le seul fondement de votre refus du mariage pour tous les couples.

M. Philippe Gosselin. C’est réducteur !

M. Eduardo Rihan Cypel. En refusant cela, et en fondant votre réflexion sur la nature, vous refusez la liberté ! La nature, ce sont des lois déterministes, or nous croyons à la liberté. Mais la liberté n’est rien sans l’égalité, et nous pensons que l’égalité exige aujourd’hui de permettre à tous les couples qui le souhaitent de se marier ! C’est cela, la liberté ! Ce n’est pas une loi de la nature ! Vous êtes à l’image de ce personnage du Gorgias de Platon, Calliclès, pour qui c’est la loi du plus fort qui doit dominer la cité.

Pour notre part, nous croyons aux institutions et aux lois de la République. Nous pensons que l’institution est supérieure aux lois de la nature, qui sont parfois totalement inégalitaires.

M. Hervé Mariton. Ce que vous dites est parfois vrai, parfois prétentieux.

M. Eduardo Rihan Cypel. Lorsque la loi du plus fort règne, les gros poissons mangent les petits et le lion mange les autres petits êtres de la nature : ce n’est pas cela que nous voulons ! Nous croyons qu’il est de notre droit d’avancer et que la convention des êtres humains peut agir dans le sens de l’égalité pour tous. Si votre seul fondement est naturaliste et biologiste, votre réflexion ne permet malheureusement pas d’avancer. Nous différons véritablement, mais je crois que l’égalité est de notre côté. Nous œuvrons pour que l’égalité soit celle des couples qui peuvent se marier, et que la liberté soit aussi l’égalité pour tous. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et GDR.)

M. le président. La parole est à M. Sergio Coronado.

M. Sergio Coronado. Je serai bref, car l’heure avance. Comme beaucoup d’entre vous, je voudrais souhaiter un joyeux anniversaire à Mme la garde des sceaux, en cette soirée de débats qui restera sans doute dans l’histoire.

Plusieurs députés du groupe UMP. Oui, oui, c’est cela : il faut suspendre la séance pour souhaiter un bon anniversaire à Mme la ministre !

M. Sergio Coronado. Je tiens à souligner que l’opposition, grâce à la quantité très importante d’amendements qu’elle a déposés, nous offre l’occasion de revenir à chaque fois sur les mêmes arguments : je ne m’y attarderai pas. Je crois néanmoins que nous différons vraiment sur un point : nous n’avons pas la même conception de ce qu’a entendu faire le législateur, en 1804, en adoptant le code civil.

À l’état de nature, il a opposé la volonté humaine, qui est une force extrêmement puissante. Le législateur a ainsi décidé qu’on ne naissait pas de ses parents, mais de l’institution maritale, ce qui explique que les enfants hors mariage n’étaient pas considérés comme des enfants légitimes. Une importante évolution a eu lieu par étapes successives. Nous en accomplissons une nouvelle en ouvrant le mariage aux couples de même sexe. La loi ne crée rien : elle prend en compte des situations existantes. Sincèrement, je ne comprends pas ce qui vous fait peur : en Belgique, en Argentine et dans certains États des États-Unis, cette modification a été effectuée, sans qu’il s’ensuive un retour du chaos ou la fin du monde. Il n’y a donc pas lieu d’invoquer le principe de précaution.

Je m’étonne que vous fassiez toujours référence à la nature, comme si elle était totalement respectueuse de ce que nous devrions appliquer dans la société.

M. Hervé Mariton. Pour un écologiste, c’est plutôt paradoxal !

M. Sergio Coronado. Je rappelle que vous refusez une législation sur les OGM, que vous êtes partisans du nucléaire et que, lorsque nous débattons de ces questions-là, vous êtes plutôt du côté de ceux qui s’opposent à la nature. Il est donc assez surprenant de vous voir défendre la toute-puissance de la nature !

M. Philippe Gosselin. C’est un débat à fronts renversés !

M. le président. Il faut conclure, monsieur le député.

M. Sergio Coronado. Je vous dirai simplement que les écologistes préfèrent l’état de droit à l’état de nature ! (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix les amendements identiques n° 57, 218, 294, 341, 459, 517, 594, 650, 651, 759, 784, 1003, 1061, 1124, 1229, 1319, 1459, 1730, 1880, 1944, 2020, 2245, 2992, 3092, 3207, 3242, 3255, 3557, 3686, 3965, 4638, 4718, 5053 et 5265.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 287

Nombre de suffrages exprimés 287

Majorité absolue 144

(Les amendements n° 57, 218, 294, 341, 459, 517, 594, 650, 651, 759, 784, 1003, 1061, 1124, 1229, 1319, 1459, 1730, 1880, 1944, 2020, 2245, 2992, 3092, 3207, 3242, 3255, 3557, 3686, 3965, 4638, 4718, 5053 et 5265 ne sont pas adoptés.)

(Vifs applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et GDR.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Bompard, pour soutenir l’amendement n° 4661.

M. Jacques Bompard. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, il s’est déjà écoulé un certain temps depuis que nous avons entamé ce débat en commission des lois. Il est remarquable de voir à quel point c’est un dialogue de sourds. La majorité ne se fait pas comprendre de l’opposition et l’opposition ne comprend pas la majorité.

Il me semble que la communication pourrait mieux s’établir si l’on recourait à un mode de raisonnement plus mathématique. Une des causes de notre incompréhension réside dans le fait qu’au fil des républiques, nous sommes passés de l’égalité des droits et des devoirs à une notion d’égalité détachée des autres réalités. Vos postulez que l’égalité est supérieure à l’altérité, avec pour corollaire la théorie du genre, qui nie l’altérité et la différence des sexes.

En mathématiques, un mode de raisonnement permet de trancher : le raisonnement par l’absurde. Je propose quelques amendements fonctionnant sur ce principe. Votre loi fait reposer le mariage sur l’amour et non sur la différence des sexes. Je présente un certain nombre de conséquences emportées par ce postulat, qui ont semblé vous surprendre et même vous irriter, alors même qu’elles sont strictement conformes à la logique de vos maîtres à penser. J’ai feuilleté le journal Têtu, qui décrit comment l’on peut s’aimer à trois et à quel point c’est bien. Votre maître à penser… (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Yann Galut. Nous n’avons pas de maître, nous !

M. Jacques Bompard. …votre égérie, Mme Mécary, soutient qu’il faut supprimer l’obligation de fidélité et la présomption de paternité, y compris pour les couples hétérosexuels : de cette manière, il ne restera plus rien du mariage ! Elle avance également qu’il faut réformer l’adoption, en l’ouvrant à tous les couples, mariés au non. Cela répond aux questions de l’opposition.

On peut même aller plus loin : Le Nouvel Observateur relate une relation incestueuse entre un père, sa femme et ses deux filles, en nous disant que, ma foi, ce sont des choses qui arrivent ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Il est bien évident que si l’on ne base le mariage que sur l’amour, ces logiques-là se développeront…

M. le président. Monsieur Bompard, il faut conclure.

M. Jacques Bompard. Je conclus, monsieur le président. À ce moment-là, les citoyens français, de gauche comme de droite, se rendront compte de l’escroquerie que l’on commet en transformant ainsi nos institutions.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Erwann Binet, rapporteur. Monsieur Bompard, nous avons cru un moment que vous ne seriez pas présent pour défendre vos amendements, à tous le moins le premier d’entre eux. Cela aurait certes manqué à la dignité de notre assemblée… Après la polygamie, vous défendrez successivement des amendements légalisant l’inceste, la pédophilie, et attribuant, en cas de désaccord entre les parents, le nom de l’officier d’état-civil aux enfants. Monsieur Bompard, tout cela ne prête pas à rire !

Mme Danièle Hoffman-Rispal. C’est honteux !

M. Erwann Binet, rapporteur. Aujourd’hui, à l’Assemblée nationale, après des décennies de combats, menés par des hommes et des femmes, pour l’égalité et le respect des personnes homosexuelles, nous en sommes quasiment au point final. Il y a des dizaines et des dizaines d’années, parfois au risque de leur vie ou de leur intégrité physique, ces militants se sont battus pour la cause et les droits des homosexuels, comme Harvey Milk aux États-Unis ; ils ont subi l’opprobre pendant des années et ont souvent été rejetés, séparés de leur famille. Alors que nous gravissons la dernière marche, que nous atteignons l’égalité, vous raisonnez par l’absurde et vous nous présentez ces amendements.

M. Hervé Mariton. C’est la fin de l’Histoire, alors ? Il ne reste plus de combats ?

M. Erwann Binet, rapporteur. Il est inutile de préciser que la commission a rejeté ces amendements. Plus que par l’absurde, monsieur Bompard, vous raisonnez par le ridicule !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le Gouvernement est habitué à plus de révérence vis-à-vis de la loi, dans cette maison. Il est, bien évidemment, défavorable à cet amendement.

(L’amendement n° 4661 est retiré.)

M. le président. La parole est à M. Christian Jacob.

M. Christian Jacob. Monsieur le président, je demande une suspension de séance pour réunir mon groupe.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue le samedi 2 février 2013 à zéro heure quarante-cinq, est reprise à zéro heure cinquante.

M. le président. La séance est reprise.

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour un rappel au règlement.

M. Hervé Mariton. J’aborderai deux points, monsieur le président.

S’agissant, premier point, de l’organisation de nos débats, l’article 50-4 du règlement précise que l’Assemblée se réunit de vingt et une heures trente à une heure le lendemain et il prévoit, également, la procédure selon laquelle l’Assemblée peut décider de prolonger ses séances. Je souhaiterais, donc, que vous nous éclairiez, puisque nous approchons d’une heure du matin, sur les conditions dans lesquelles vous envisageriez de prolonger la séance.

M. Bernard Roman. Nous avons le temps !

M. Hervé Mariton. Je tenais, et ce sera mon second point, à noter sans amertume que, si nombre de nos collègues socialistes ne rejoignent leurs bancs qu’un peu tard à la reprise de cette séance, c’est parce qu’ils ont décidé, avec quelque peu d’anticipation, de boire le champagne pour fêter le vote de l’article. Il n’y a aucune jalousie de ma part, mais j’ai simplement le curieux sentiment qu’un zeste d’assurance, un peu de prétention (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) et pas mal de mépris du vote lui-même les amènent à fêter l’adoption de l’article avant même que l’Assemblée ne se soit prononcée ! Peut-être l’Assemblée votera-t-elle l’article, c’est probable, direz-vous. Mais un peu de décence eut supposé d’attendre quelques minutes ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Vous faites preuve de vraiment beaucoup, beaucoup d’assurance !

M. Bernard Roman. Certains de vos collègues en boivent aussi !

M. le président. Je consulte la commission et le Gouvernement. Nous pourrions poursuivre la séance jusqu’à l’heure limite qui nous permettrait de reprendre, demain, à dix heures.

Plusieurs députés du groupe SRC. Très bien !

M. le président. Je vous propose de lever la séance aux alentours de deux heures, deux heures trente.

La parole est à M. Christian Jacob.

M. Christian Jacob. Monsieur le président, nous devons travailler dans de bonnes conditions. Je pense que la séance doit se terminer au plus tard à deux heures, en aucun cas au-delà.

M. le président. Nous suspendrons nos travaux à deux heures, sauf s’il ne nous reste que quelques amendements à examiner avant de voter.

M. Christian Jacob. Il restera toujours quelques amendements à examiner…

M. le président. Nous ferons donc le point à deux heures.

Article 1er (suite)

M. le président. Je suis saisi d’une série d’amendements identiques.

La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n° 1362.

M. Jean-Frédéric Poisson. Cet amendement est dans le droit fil de ceux dont nous venons de débattre. Cela permettra d’insister de nouveau sur quelques points que nous avons déjà abordés.

Je voudrais vous faire part de mon étonnement devant un certain nombre d’imprécisions. Nos collègues de la majorité s’étonnent, en effet, depuis tout à l’heure, de manière parfois un peu énergique que nous fassions, de ce côté de l’hémicycle, référence au droit naturel ou à la loi naturelle.

Mme Marie-George Buffet. Ce n’est pas la même chose !

M. Jean-Frédéric Poisson. Je rappellerai deux choses à ce sujet.

Premièrement, la notion de droit naturel est inscrite à l’article 2 de la Déclaration des Droits de l’Homme qui évoque les droits naturels et imprescriptibles de l’homme. Et je ne dis pas, madame Buffet, que droit naturel et loi naturelle soient identiques.

Deuxièmement, soyons raisonnables, on ne peut considérer que la référence à la loi naturelle ou au droit naturel relève du biologisme ou du naturalisme : personne n’a, en effet, envie d’être dans une totale soumission à la férocité brute de la nature ! Il ne s’agit pas de cela ! Quant à appeler au secours Stendhal, monsieur le rapporteur, je n’ai pas l’impression qu’il ait été un très grand juriste, même s’il a beaucoup étudié les Lumières et l’état de nature ! Très franchement, nous rappelons ici simplement que nombre des réalités des droits humains s’enracinent dans l’homme, être biologique et spirituel. C’est cette dualité, à l’origine de sa nature, que les droits doivent organiser. C’est au nom de cette double dimension que nous réclamons le maintien de l’altérité comme la référence ultime du mariage entre un homme et une femme.

C’est la raison d’être de cet amendement.

M. Xavier Breton. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Guillaume Chevrollier, pour soutenir l’amendement n° 1776.

M. Guillaume Chevrollier. Le mariage est l’institution qui articule l’alliance de l’homme et de la femme avec la succession des générations et la lisibilité de la filiation. Le droit ne peut ni ignorer ni abolir la différence entre les sexes qui est constitutive, non seulement de la pérennité d’une société, mais de l’identité de l’enfant qui ne peut se construire que face à un modèle d’altérité sexuelle. C’est du bon sens. Par ailleurs, l’altérité sexuelle dans le mariage est un principe fondamental de la Constitution française, reconnu dans de nombreuses lois de notre corpus législatif. L’argument du mariage pour tous ceux qui s’aiment ne tient pas. Ce n’est pas parce que des gens s’aiment qu’ils ont systématiquement le droit de se marier, qu’ils soient hétérosexuels ou homosexuels. Au nom de l’égalité, de la tolérance, de la lutte contre les discriminations et de tant d’autres principes, on ne peut pas donner droit au mariage à tous ceux qui s’aiment. N’est pas en cause, ici, la sincérité d’un amour, même s’il est compréhensible que des personnes amoureuses souhaitent voir leur amour reconnu. Des règles strictes délimitent, aujourd’hui, et continueront, demain, de délimiter les alliances autorisées et les alliances interdites au mariage. En ce sens, le mariage pour tous est uniquement un slogan, car l’autorisation du mariage homosexuel maintiendrait des inégalités et des discriminations à l’encontre de tous ceux qui s’aiment, mais dont le mariage continuerait d’être interdit. L’argument du mariage pour tous occulte que le mariage n’est pas uniquement la reconnaissance d’un amour. C’est l’institution qui articule l’alliance de l’homme et de la femme avec la succession des générations.

M. le président. La parole est à M. Patrick Ollier, pour soutenir l’amendement n° 1828.

M. Patrick Ollier. Je tiens, d’abord, à dénoncer la pratique de la dérision dans la majorité. En effet, depuis le début de la soirée, vous pratiquez en permanence la dérision face aux arguments que nous développons. (Sourires sur divers bancs.) Oui, monsieur Bays, continuez, ne vous gênez pas, puisque vous agissez ainsi depuis vingt et une heure trente !

Mme Julie Sommaruga. Depuis bien avant !

M. Patrick Ollier. Or nous estimons que les arguments que nous développons sont aussi légitimes que les vôtres. (Mouvements divers.)

Vous pratiquez, vous aussi, la dérision avec talent, monsieur Tourret ! Nous sommes ici pour débattre et nous avons parfaitement le droit de donner nos arguments.

Vous faites une grande sortie sur les lois de la nature, madame Buffet, mais nous parlons du naturel, pas des lois de la nature. Que vous le vouliez ou pas, un enfant naît d’un homme ou d’une femme. C’est peut-être une loi de la nature, mais c’est en tout cas naturel. Sans les gamètes d’un homme et sans une femme, on ne peut pas créer un enfant.

Nous avons le droit de le répéter, parce que c’est une vérité. Ce n’est pas parce que certains d’entre vous ont fait preuve de beaucoup d’arrogance et de mépris (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) à l’égard de mes collègues qui ont pris la parole que cela vous donne forcément raison.

M. Eduardo Rihan Cypel. Lesquels ?

M. Patrick Ollier. À commencer par vous tout à l’heure.

Dites-vous bien que les mots que vous prononcez choquent autant de Français que ceux que nous pourrions éventuellement prononcer. Je ne prétends pas que nous sommes majoritaires, je suis objectif. Admettons qu’il y ait une moitié du pays qui soit pour et une moitié qui soit contre. À chaque fois que vous pratiquez l’arrogance et la dérision, une moitié du pays a le droit de s’étonner et de souffrir des propos que vous tenez.

Je souhaiterais donc que nous poursuivions le débat en argumentant de manière constructive et que vous admettiez que nous puissions être pour le maintien du mariage dans l’expression qui est la sienne dans le code civil. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Charles Taugourdeau, pour soutenir l’amendement n° 2172.

M. Jean-Charles Taugourdeau. En fait, la République n’a fait que respecter la nature, et je suis tout de même émerveillé de voir avec quel brio, ce soir, le rapporteur, le groupe écologiste et le groupe communiste nous démontrent qu’il n’y a pas de loi naturelle, que seules comptent les lois de la République.

Dans la nature, dans le règne végétal, il y a de la fécondation anémophile, de la fécondation entomophile, et les plantes peuvent donc se féconder sans se rencontrer, mais, dans le genre humain, je suis désolé, pour se reproduire, il faut qu’il y ait une rencontre entre un homme et une femme.

Mme Buffet et M. Coronado nous ont expliqué qu’il fallait suivre l’évolution du monde, l’évolution de la société. J’espère, madame Buffet, que vous mettrez la même énergie pour expliquer à vos camarades de la CGT qu’il faut savoir évoluer (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR) et ne pas bloquer des restructurations d’usine. Nous parlons des enfants à l’occasion de l’examen de ce projet de loi, mais quel travail auront-ils demain dans la société que vous êtes en train de leur préparer parce que vous êtes contre toute évolution du code du travail comme dans les autres pays ? (Mêmes mouvements.)

La France n’est pas seule au monde, mais c’est ainsi que vous réagissez en matière économique, dans vos prés carrés d’acquis sociaux à préserver.

M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement n° 2580.

M. Hervé Mariton. Chers collègues, vous vous croyez libres, vous êtes en réalité prisonniers de vos enchaînements, de vos déterminismes, et enfermés dans le sens de l’Histoire, qui vous contraint.

M. Arnaud Leroy. Nous ne sommes pas dans le formol !

M. Hervé Mariton. Au fond, vous êtes simplement les notaires de la science. La science est importante mais elle mérite mieux,…

M. Bernard Roman. Vous êtes les fossoyeurs du progrès !

M. Hervé Mariton. …et vous êtes les comptables de l’état des mœurs. Rien de tout cela n’est méprisable. Simplement l’engagement politique, ce n’est pas simplement ces actes qui vous conduisent en fait non pas à vouloir changer la loi mais à subir le changement de la loi.

Bien sûr, il faut avoir conscience de la réalité, mais nous ne sommes pas des inconscients. La différence, c’est que nous n’avons pas tout à fait la même vision de valeurs, ou, plus exactement, que nous n’avons pas tout à fait les mêmes valeurs.

Plusieurs députés du groupe SRC. Ça, c’est clair !

M. Gwendal Rouillard. C’est sûr !

M. Hervé Mariton. Nous essayons, sans jamais être sûrs d’y parvenir, d’avoir une certaine vision quand vous faites tourner des mots que vous videz assez largement de sens, avec le recours à la novlangue, à des expressions que l’on entend souvent : « faire famille », « faire enfant », « faire société », « faire couple ». La torture que vous imposez à la langue démontre en réalité le malaise qui est le vôtre.

Je vous l’ai dit dans la discussion générale, je vous le répète, libérez-vous, vous méritez mieux que cela. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 3423.

M. Xavier Breton. On voit bien effectivement qu’il y a un clivage entre nous. C’est normal, chacun exprime ses convictions, et il faut aller jusqu’au bout. Pour vous, tout déterminisme, toute contrainte doit totalement disparaître, et le corps, dans sa réalité, notamment sexuée, est vécu comme une contrainte.

Ce corps, nous ne le choisissons pas. C’est lui qui imposera aux femmes d’être mères et aux hommes d’être pères, quoi que vous puissiez faire, et, pour vous libérer de ces contraintes, vous niez purement et simplement la réalité.

Notre chemin, c’est vrai, est plus compliqué, parce que nous cherchons à faire avec cette réalité, à vivre avec. Pour nous, le corps fait partie de l’unité d’une personne et ce n’est pas quelque chose que l’on peut mettre de côté.

Un Anglais a prétendu que le Parlement anglais pouvait tout faire sauf changer un homme en femme – ou une femme en homme, pourrait-on ajouter. Méditez cette phrase.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Barbier, pour soutenir l’amendement n° 3697.

M. Jean-Pierre Barbier. En début de semaine, le président de la commission des lois citait Talleyrand en disant que tout ce qui était excessif était insignifiant.

Plusieurs députés du groupe SRC. Eh oui !

M. Jean-Pierre Barbier. Je regrette que nos collègues de la majorité ne l’aient pas suffisamment écouté.

Quand Mme Buffet parle des progrès de la médecine et de la question de savoir où l’on doit mettre les limites et les bornes, c’est une bonne question, mais tout est tranché dans notre pays par les lois de bioéthique

M. Bernard Roman. Cela n’a rien à voir !

M. Jean-Pierre Barbier. Avec tout ce dont nous débattons en ce moment, nous sommes à la limite des lois de bioéthique.

M. Bernard Roman. Que vient faire Talleyrand là-dedans ?

M. Jean-Pierre Barbier. Pour moi en tout cas, la limite qui ne doit pas être franchie, c’est qu’un enfant doit naître de l’union d’un homme et d’une femme. Quand vous nous dites, madame Buffet, que nous avons une vision étriquée du mariage, comme si nous voulions absolument qu’il ne soit là que pour faire des enfants, que signifie pour vous le mariage pour tous ? Vous voulez que les couples homosexuels aussi fassent famille. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Bernard Roman. Parce que, pour vous, ils n’en ont pas le droit ?

M. Jean-Pierre Barbier. C’est bien vous qui avez cette vision du mariage.

Quand on vous écoute, on entend des choses vraiment un peu extraordinaires. Pour justifier la PMA, vous comparez des couples stériles à des couples homosexuels. Permettez-moi de vous dire que vous n’avez peut-être pas rencontré suffisamment de couples hétérosexuels stériles, qui vivent une véritable douleur quand ils découvrent leur stérilité. Un couple homosexuel, lui, au moins, sait qu’il ne peut pas avoir d’enfant, parce que c’est une loi de la nature. (Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Daniel Goldberg et M. Henri Jibrayel. C’est ridicule !

M. Yann Galut. Lamentable !

M. Pouria Amirshahi. Honteux !

M. le président. Laissez conclure M. Barbier.

M. Jean-Pierre Barbier. Les députés du groupe écologiste prétendent que les lois de la nature doivent se plier aux lois de la République. Essayons de faire un peu d’écologie sociétale. Peut-être que nos sociétés seraient plus durables, plus vivables. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Bompard, pour soutenir l’amendement n° 4660.

M. Jacques Bompard. J’ai plaisir à tirer un coup de chapeau à deux élus socialistes qui ont développé mot pour mot les mêmes idées que celles qui sont défendues sur les bancs de la droite, Mme Guigou et M. Bruno Nestor Azerot.

Un psychiatre américain raconte dans son livre une histoire qui devrait vous intéresser sur les bancs de la gauche. Il a eu à étudier un enfant élevé par deux homosexuels mâles (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.), qui prenait la femme de ménage pour sa maman.

Mme Colette Capdevielle. Allons bon !

M. Jacques Bompard. C’était peut-être une solution, mais elle n’a pas plu au couple d’homosexuels, qui a mis à pied la « maman ». Comme ce n’est pas en France, c’est plus facile. À ce moment-là,…

M. Arnaud Leroy. La police est venue et la maison a brûlé !

M. Jacques Bompard. …l’enfant a été pris en main par le psychiatre parce qu’il avait un problème. Son problème, c’est qu’il faisait des économies pour pouvoir acheter une maman.

M. Pascal Deguilhem. On ne comprend rien !

M. Jacques Bompard. C’est bien beau de dire que, dans un couple d’homosexuels, il ne va pas y avoir un tremblement de terre, que tout ne sera pas chamboulé. C’est vrai, la société ne sera pas follement chamboulée. Ce qui sera chamboulé, c’est l’âme de ces enfants, qui vont chercher soit leur mère soit leur père et ne pas les trouver. Se moquer de la psychologie de l’enfant dont on a la responsabilité, pour moi, c’est un crime.

M. le président. La parole est à M. Paul Salen, pour soutenir l’amendement n° 4267.

M. Paul Salen. M. Chevrollier disait tout à l’heure que le droit ne peut ni ignorer ni abolir la différence entre les sexes, qui est constitutive non seulement de la pérennité d’une société mais de l’identité de l’enfant, qui ne peut se construire que face à un modèle d’altérité sexuelle.

Un enfant a le droit et le besoin de pouvoir s’identifier à toutes les dimensions masculines et féminines. Tout enfant qui bute sur le mystère de sa conception ressent une excitation perturbante face à cette énigme. Tout enfant a besoin de pouvoir se représenter une origine crédible,…

Mme Catherine Coutelle. Non !

M. Paul Salen. …une scène fondatrice de son existence. Je vous invite à regarder demain à dix-huit heures sur M6 des jeunes adultes qui viendront témoigner. Peut-être que, demain soir, votre avis sur ce point sera différent.

M. Pascal Deguilhem. Demain soir, nous serons ici…

M. Paul Salen. En conclusion, pourquoi le principe de précaution, si souvent mis en avant et dans tous les domaines, y compris à propos du maïs transgénique, ne devrait-il pas s’appliquer à ce projet ?

M. le président. La parole est à M. Henri Guaino, pour soutenir l’amendement n° 4760.

M. Henri Guaino. Il est défendu.

M. le président. La parole est à M. François de Mazières, pour soutenir l’amendement n° 4764.

M. François de Mazières. Monsieur le rapporteur, vous avez cité tout à l’heure le professeur Flavigny, pédopsychiatre très connu, qui n’a pas constaté que les parents homosexuels élevaient plus mal les enfants. Je l’ai entendu dire la même chose.

Ce que vous avez oublié d’ajouter, c’est que ce pédopsychiatre est extrêmement mobilisé contre ce projet parce qu’il a observé pendant toutes ces années que les enfants avaient besoin de s’intégrer dans une généalogie familiale. C’est un élément fondamental que l’on n’a pas du tout évoqué. Vous l’avez certainement entendu puisque vous l’avez auditionné. Je l’ai entendu plusieurs fois parce que, tout de même perturbé par ce texte, j’ai voulu voir ce que disait un grand spécialiste de l’impact sur les enfants. Cela, vous ne pouvez pas le nier.

Il y a un point sur lequel nous devons réfléchir ensemble, c’est que, quelque part, c’est le désir d’un adulte que vous mettez en avant. Or la loi doit aussi mettre des bornes aux dérapages des adultes.

Il y a des risques. Vous savez, par exemple, ce qui s’est passé avec le Distilbène.

Plusieurs députés du groupe SRC. Quel rapport avec le texte ?

M. François de Mazières. Voulez-vous me laisser parler ?

Le Distilbène est un médicament épouvantable qui a rendu malheureuses des centaines de milliers de femmes qui voulaient, avec ce médicament, avoir des enfants.

M. le président. Il faut conclure.

M. François de Mazières. Si je rappelle cela, c’est que, dans la logique de la PMA ou de la gestation pour autrui, il y a des dangers, et les médecins le savent. Nous avons donc un devoir de protection.

M. Xavier Breton. Très bien !

M. le président. Mes chers collègues, sur le vote de l’amendement n° 1362 et des amendements identiques, je suis saisi par le groupe UMP d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Quel est l’avis de la commission sur ces amendements ?

M. Erwann Binet, rapporteur. Ce sera très rapide. Ces amendements récrivent l’article 143 dans un sens absolument identique aux 119 amendements qui nous ont été soumis précédemment. C’est une façon différente d’imposer le mariage des seuls couples d’hommes et de femmes.

Sans qu’il soit besoin de développer davantage, j’indique donc que la commission y a donné un avis défavorable.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée à la famille, pour donner l’avis du Gouvernement.

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée chargée de la famille. Pour que la répétition infinie des mêmes arguments ne finisse par lasser, je vais essayer, mesdames et messieurs les députés de l’opposition, d’apporter un élément à votre réflexion.

Le grand anthropologue Maurice Godelier, à l’heure actuelle directeur à l’École des hautes études en sciences sociales, est l’auteur d’un très bel ouvrage, Métamorphoses de la parenté, dans lequel il dit deux choses. Tout d’abord, l’humanité n’a cessé d’inventer de nouvelles formes de mariage et de descendance. Et elle est toujours là ! Ensuite, la volonté de transmettre à travers la descendance est universelle. Je le dis parce que je ne suis pas sûre que vous rendiez un grand service aux enfants qui vivent aujourd’hui dans des familles homoparentales avec les propos que vous tenez ce soir.

Ces enfants demandent une seule chose. Ils sont le plus souvent élevés avec beaucoup d’amour et d’affection. Le plus grand bonheur que l’on pourrait leur donner, c’est l’indifférence à l’égard de leurs parents, et cela passe par l’égalité.

M. Hervé Mariton. L’altérité !

M. le président. La parole est à M. Philippe Gosselin.

M. Philippe Gosselin. Je crois qu’il faut défendre avec force l’altérité, soumise ces derniers mois à une offensive sans précédent, notamment de la part de membres du Gouvernement dans certains magazines. Je pense ainsi aux déclarations de Najat Vallaud-Belkacem dans Têtu, qui veut réécrire l’histoire de France avec une lecture – sic – LGBT. L’acronyme LGBT devient ainsi un nom commun.

Citons également, puisqu’il en a été question à plusieurs reprises aujourd’hui, la question écrite de notre collègue Sandrine Mazetier, au Journal officiel du 18 décembre 2012 – page 7480, question n° 13751, tout le monde aura ainsi la référence. Cette question témoigne de l’influence inquiétante et assez radicale des adeptes les plus farfelus de la théorie du genre. Négatrice de l’altérité, Mme Mazetier pense qu’il faut rebaptiser les écoles maternelles, (Exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP) car le terme de « maternelle », je cite la question, est un terme qui « véhicule l’idée d’une école dont la fonction serait limitée à une garderie » et à un univers qui serait trop « l’apanage des femmes ».

M. Philip Cordery. Quel rapport avec le texte ?

M. Philippe Gosselin. Ainsi, « maternelle », pour Mme Mazetier, cela veut dire « garderie », ce n’est pas bon, c’est dévalorisant, et il faut trouver un terme plus neutre. La négation de l’altérité est de plus en plus insidieuse. Cela commence par les termes de l’école de la République et cela se poursuit par le mariage, institution républicaine.

M. le président. La parole est à M. Pascal Cherki.

M. Pascal Cherki. Je voudrais dire à nos collègues de droite qu’il est évidemment légitime qu’ils défendent leurs idées.

M. Philippe Gosselin. Merci ! Ça commence bien !

M. Pascal Cherki. Ce n’est pas cela qui est en cause.

Vous avez dit, chers collègues, que nous avions un conflit de valeurs ; je pense que nous avons une différence politique fondamentale, c’est que vous considérez que le droit de la famille doit être intangible, en quelque sorte éternel. Or notre conception est différente : nous croyons à une contingence du droit. Le droit évolue de siècle en siècle. Il y a quelques siècles, la conception légitime et majoritaire du mariage qui prévalait en France était articulée autour de l’Église, qui en avait le monopole et tenait les registres. En vous écoutant, j’ai le sentiment que c’est cette conception que vous entendez défendre. Elle est tout à fait respectable, et il n’est pas impossible à ceux qui y adhèrent de se marier en y croyant, car on ne demande pas aux gens leurs motivations lorsqu’ils se marient.

Cependant, considérer qu’au vingt et unième siècle, cette conception vieille de cinq cents ans devrait s’imposer à l’ensemble de la société française me paraît être réactionnaire, au sens étymologique du terme : un retour en arrière. C’est un garde des sceaux de droite qui, en son temps, a cassé la centralité du mariage en établissant l’égalité des filiations naturelles et légitimes. Nous sommes même allés jusqu’à reconnaître la filiation contre le mariage puisque nous avons reconnu l’égalité des filiations légitimes et adultérines. Aujourd’hui, une majorité d’enfants sont nés hors mariage.

Enfin, si le lien entre le mariage et la procréation était si central, s’il existait entre les deux un lien juridique principal et principiel, nous n’autoriserions pas des femmes qui ont passé l’âge de la fécondité à se marier. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Et quelle famille le droit peut-il bien viser quand il permet le mariage in extremis, c’est-à-dire avec une personne qui va mourir dans les heures suivantes ? En réalité, le droit embrasse aujourd’hui une pluralité de relations de mariage ; c’est l’intelligence du droit de pouvoir être fédérateur par la prise en compte de cette pluralité.

Si une évolution apaisée est aujourd’hui possible sur le mariage homosexuel, c’est parce que le fait percute le droit. Quand cela se produit, le droit, s’il ne veut pas perdre sa légitimité, doit englober le fait, ce qui n’était pas possible il y a deux siècles ni même il y a cinquante ans, parce qu’il fallait d’abord dépénaliser les relations homosexuelles et reconnaître la légitimité de cette sexualité. Nous avons évolué sur ce point depuis trente ou quarante ans.

Le droit évoluera sans doute encore. Certaines parties du droit sont intangibles, par exemple le refus de la peine de mort ; il s’agit du droit naturel. Mais l’organisation sociale de la vie des gens, notamment la question du mariage, repose sur des notions relatives et contingentes. Cela ne veut pas dire qu’elles soient dépourvues de force au moment où elles s’expriment, mais on ne peut considérer qu’elles soient éternelles. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

M. Jérôme Guedj. Cela élève le niveau !

M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix les amendements identiques nos 1362, 1776, 1828, 2172, 2580, 3423, 3697, 4660, 4267, 4760 et 4764.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 237

Nombre de suffrages exprimés 237

Majorité absolue 119

(Les amendements identiques nos 1362, 1776, 1828, 2172, 2580, 3423, 3697, 4660, 4267, 4760 et 4764 ne sont pas adoptés.)

(Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement n° 4706.

M. Hervé Mariton. Plutôt que le clivage, plutôt que la révolution que vous proposez, et dont vous êtes sans doute fiers,…

M. Sergio Coronado. Oui !

M. Hervé Mariton. …avec l’introduction du mariage de personnes de même sexe, nous pensons que la bonne solution est l’alliance civile « contractée par deux personnes de même sexe ouvrant aux mêmes droits que le mariage en dehors de la filiation ». Cela dit bien l’objectif poursuivi.

La donnée de base de notre débat, c’est que, sans doute avec une certaine sagesse, la majorité des Français, de manière assez solide, est favorable au mariage des personnes de même sexe et en même temps, de manière assez solide également, hostile à la filiation et à l’adoption. Il y a là une contradiction puisque le mariage tel qu’on l’entend conduit à la filiation et à l’adoption. Il faut résoudre cette contradiction et, pour cela, je pense qu’il serait bon de ne pas mépriser le peuple, y compris tel qu’il apparaît dans les mesures d’opinion.

Nous l’avons dit, il y a pour cela deux voies. L’une serait celle du référendum ; elle reste possible, et nous essaierons de la réaliser avec le référendum d’initiative populaire. L’autre, c’est la synthèse, la proposition pragmatique que nous faisons avec l’alliance civile, car nous ne désespérons pas que vous choisissiez, plutôt que l’idéologie, une réponse opérationnelle et concrète. La vôtre posera plus de problèmes qu’elle n’apportera de solutions, la nôtre apporte plus de solutions qu’elle ne pose de problèmes. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Erwann Binet, rapporteur. Défavorable, en cohérence avec le rejet des amendements précédents concernant l’alliance civile.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Défavorable, pour les mêmes raisons.

M. le président. La parole est à M. Guillaume Larrivé.

M. Guillaume Larrivé. Je suis convaincu que, si le débat avait été pris différemment, il aurait pu apporter une bonne réponse à une question légitime. Cette question, c’est celle de la prise en compte des droits et devoirs des personnes de même sexe vivant en couple. Je pense que la bonne réponse, c’est l’alliance civile que vous vous obstinez à rejeter. Je voterai donc le présent amendement.

Je voudrais, pour ceux qui, comme le rapporteur, font une lecture quelque peu partielle des décisions du Conseil constitutionnel, rappeler un considérant de la décision du 28 janvier 2011, à la suite de la QPC. Cette décision porte en partie sur le principe d’égalité – nous en avons longuement parlé – mais aussi sur le droit à la vie familiale normale. Parce que, mesdames et messieurs de la majorité, la vie familiale normale est un concept qui existe dans la Constitution et qui figure comme tel dans la décision du Conseil constitutionnel,…

M. Jean-Frédéric Poisson. C’est exact !

M. Guillaume Larrivé. …au paragraphe 8, que je cite : « Le droit de mener une vie familiale normale n’implique pas le droit de se marier pour les couples de même sexe. »

Un député du groupe SRC. Et alors ?

M. Jean-Patrick Gille. Pour les autres non plus !

M. le président. La parole est à M. Christian Assaf.

M. Christian Assaf. Nous allons bien sûr voter contre cet amendement, dont la philosophie est à l’opposé du projet de loi. Pour nous, cette alliance civile est, nous l’avons dit, une forme de ghettoïsation. Or à l’exclusion nous préférons l’inclusion. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

(L’amendement n° 4706 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 4 et 4663.

La parole est à M. Daniel Fasquelle, pour soutenir l’amendement n° 4.

M. Daniel Fasquelle. Cet amendement vise à supprimer les alinéas 4 et 5 de l’article 1er.

Je souhaite revenir sur ce qui a conduit le Gouvernement à écarter le référendum. Vous avez avancé l’argument du contenu de l’article 11, un argument qui ne tient pas une seule seconde et vous le savez très bien. Cela peut-être aussi une question de tradition : on nous a qualifiés de bonapartistes, mais votre propre tradition – je pense à Mitterrand – a également recouru au référendum.

Si vous n’avez pas voulu organiser un référendum, c’est en réalité que vous aviez peur de perdre, parce que, si les Français sont attachés à une forme de reconnaissance des couples homosexuels – nous avons proposé l’alliance civile, vous proposez le mariage : à la limite, il n’y a pas de débat, nous sommes tous d’accord –, en revanche, ils sont hostiles aux conséquences en matière de filiation que vous tirez du mariage et à la suppression de la référence à l’altérité.

Je reviens un instant sur ce point, que nous aborderons à nouveau plus loin, car, à cause de l’adoption plénière, de la PMA et de la GPA, déjà favorisée à l’étranger par votre texte et la circulaire, nous constatons que si vous réglez quelques problèmes, en accordant certains droits à ces enfants de couples homosexuels, vous leur retirez aussi des droits, comme celui de connaître leur origine.

Il y a un vrai mouvement de fond de notre société que vous ignorez. S’il existe en effet un mouvement en faveur de la reconnaissance des couples homosexuels, il en existe un autre de la part de ceux qui veulent mieux connaître leurs origines, leur père ou leur mère biologique afin de pouvoir établir une relation de filiation. Or vous allez les priver de cette connaissance, ce qui est très grave. Vous n’avez pas conscience des conséquences du texte que vous proposez, qui n’a rien d’un texte d’équilibre mais qui, comme M. Mariton l’a très bien dit, va soulever plus de problèmes qu’il n’en règle.

Nous restons sur notre position, affirmant que nous pouvons, avec l’alliance civile et certains amendements qui restent à examiner, améliorer les droits des enfants dans les couples homosexuels et trouver une solution équilibrée qui ne les prive pas des droits auxquels ils peuvent légitimement aspirer.

M. le président. La parole est à M. Jacques Bompard, pour soutenir l’amendement n° 4663.

M. Jacques Bompard. Cette loi, qui divise profondément la société française, a essentiellement pour but de flatter les communautarismes. Or, en les flattant – ce qui est d’autant plus surprenant que le Parti socialiste se fait une religion de lutter contre les communautarismes –, vous faites éclater la société.

Il faut que vous vous rendiez compte de ce que vous faites et que vous reveniez en arrière. Cette communautarisation de la société est un suicide.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Erwann Binet, rapporteur. Le projet de loi propose une modification de l’article 144 qui dispose que l’homme et la femme ne peuvent contracter mariage avant dix-huit ans révolus. L’ouverture du mariage aux personnes de même sexe nécessite évidemment le maintien de cette restriction, en en changeant la formulation. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Défavorable pour les mêmes raisons.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Si l’on comprend bien l’amendement que vous n’avez pas trop explicité, il revient à vouloir supprimer l’âge légal du mariage – qui avait été porté à dix-huit ans après un certain nombre d’évolutions – au motif que le mariage ne concernerait plus seulement un homme et une femme.

Mais ce n’est pas un mariage au rabais que nous sommes en train de construire. Au contraire, nous conservons le mariage dans toute son intégrité. Pour se marier, même entre personnes du même sexe, il faudra disposer de la capacité de le faire, être libre de l’intention, donner un consentement libre, posséder une véritable intention matrimoniale. Telles sont les conditions légales du mariage actuel et telles sont celles que nous comptons maintenir dans un mariage entre personnes du même sexe, si bien que l’ensemble des conditions pour accéder au mariage doivent être maintenues.

M. Daniel Fasquelle. Il n’a rien compris, il faut que je lui réponde !

M. le président. La parole est à M. Daniel Fasquelle.

M. Daniel Fasquelle. M. Le Bouillonnec n’a pas compris le sens de l’amendement, ce qui me surprend de sa part, même si cela doit s’expliquer par l’heure tardive. L’amendement a pour seul but de maintenir la rédaction actuelle du Code civil, qui prévoit que l’on doit avoir dix-huit ans. Le seul point divergent, c’est que le Code civil fait référence à l’homme et à la femme, quand vous supprimez cette référence à l’altérité. Avec mon amendement, nous conservons bien sûr l’obligation des dix-huit ans pour pouvoir se marier.

(Les amendements identiques nos 4 et 4663 ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Bompard, pour soutenir l’amendement n° 4662.

M. Jacques Bompard. Je le retire, de même que les amendements nos 4664 et 4667.

(Les amendements nos 4662, 4664 et 4667 sont retirés.)

M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement n° 4738.

M. Pascal Deguilhem. Il est retiré ? (Sourires.)

M. Hervé Mariton. Nous tiendrons bon, rassurez-vous !

Plusieurs députés du groupe SRC. Nous aussi !

M. Yann Galut. Nous sommes une centaine, vous êtes vingt-deux !

M. Hervé Mariton. Nous ne désespérons pas de vous convaincre, quand bien même il nous faudrait répéter nos arguments – une première lecture, celle au Sénat, une deuxième lecture : à un moment, vous entendrez que les Français se lassent un peu de cela.

Plusieurs députés du groupe SRC. Non, c’est de vous !

M. Hervé Mariton. Nous ne désespérons pas de vous convaincre : il faut savoir se fixer des objectifs ambitieux mais utiles. Les Français non plus ne manqueront pas de vous convaincre. Nous tentons d’être des précurseurs,…

M. Philippe Gosselin. Des éveilleurs de conscience.

M. Hervé Mariton. …des éveilleurs de conscience, des lanceurs d’alerte afin de montrer que mieux vaut l’alliance civile et, en coordination avec notre proposition, nous proposons ici aussi d’introduire l’alliance civile, qui est un projet pragmatique et rassembleur, plutôt que votre projet dogmatique, bancal et diviseur.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Erwann Binet, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. Philippe Gosselin.

M. Philippe Gosselin. Nous sommes au XXIe siècle, en 2013… (Rires)

Plusieurs députés du groupe SRC. Bravo ! Merci pour le scoop !

M. Philippe Gosselin. …tout le monde a bien compris… Jusque-là je ne vous apprends rien, mais vous suivez, voilà qui est déjà réjouissant ! Cela permet de réveiller les dormeurs.

Nous sommes en 2013 et tout le monde a bien compris qu’il était légitime de vouloir protéger son conjoint, quel que soit son sexe, en cas de difficulté, ou de décès, afin de lui garantir une dignité dans toutes les situations. C’est pourquoi nous proposons un texte qui au lieu de cliver, de diviser, de choquer la société, est celui de l’alliance, partagé par un grand nombre de pays européens. Il ne s’agit pas, comme je l’ai entendu tout à l’heure, d’un sous-mariage ou d’un mariage au rabais : c’est une autre forme d’institution.

À partir du moment où nous reconnaissons qu’il existe différentes possibilités pour établir des couples, avoir des conjoints, construire des familles – je n’ai pas dit « faire famille », car nous l’avons suffisamment entendu ce soir et je ne voudrais pas vous « faire suer » – et que nous attendons ces évolutions, l’alliance se montre un sujet beaucoup plus consensuel qui permettrait de réunir.

Pourquoi vouloir à tout prix cliver, alors que nous pourrions avoir le sens de l’unité ?

M. le président. La parole est à M. Bernard Roman.

M. Bernard Roman. Je veux simplement dire en deux phrases que notre projet n’a rien de clivant ; au contraire, nous proposons l’égalité pour tous, le mariage pour tous, quand vous proposez une quatrième forme d’union de couple spécifiquement réservée aux homosexuels. Nous disons, nous, que les homosexuels sont des gens comme tout le monde, qui doivent avoir accès comme tout le monde aux mêmes droits, aux mêmes types d’union – le concubinage, le PACS, le mariage – et pas à un sous-mariage ou à une catégorie qu’on finirait par ficher, puisque tous ceux qui relèveraient de ce type d’union seraient par définition des homosexuels. Nous refusons une telle proposition et réaffirmons notre désir d’égalité. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et GDR.)

(L’amendement n° 4738 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement n° 4743.

M. Hervé Mariton. Notre collègue parle de fichage. Je ne sais si c’est une logique policière qui vous inspire… Une question de fond : quand il y aura mariage entre deux personnes de même sexe, avez-vous l’intention de les ficher, supposant ainsi leur orientation sexuelle ?

M. Bernard Roman. Non !

M. Hervé Mariton. Entre l’alliance civile, que nous proposons et que cet amendement rappelle, qui ne provoquerait aucun fichage de cette nature, et le simple fait de constater que deux personnes de même sexe se marieraient, il faudra m’expliquer la différence en terme de fichage. Les intentions malicieuses disent toujours la noirceur de l’esprit : nous n’avons pas pensé au fichage ni n’en avons parlé, quand vous avez eu la franchise d’en parler et d’y penser.

M. Bernard Roman. Et votre amendement ?

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Erwann Binet, rapporteur. Défavorable par cohérence.

(L’amendement n° 4743, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n° 2987.

M. Jean-Frédéric Poisson. Cet amendement vise à abroger l’article 164 du Code civil qui dispose que, dans certains cas d’incompatibilité qu’il décrit, relatifs à l’interdiction pour les personnes d’une même lignée familiale de se marier entre elles – je renvoie mes collègues aux articles 161 et 162 du Code civil –, le Président de la République peut lever en cas de circonstances graves les prohibitions aujourd’hui inscrites dans le droit. Je considère que c’est là un pouvoir abusif et que les tribunaux pourraient être saisis utilement pour en juger – par exemple, un président de tribunal de grande instance, compétent pour ce genre d’affaire. Ainsi, à la suite de M. de Courson en commission, je défends cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Erwann Binet, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le Gouvernement est également défavorable à cet amendement.

Je veux rappeler le contenu et l’intention de cet amendement, puisque vous l’avez fait sommairement monsieur Poisson.

Le régime de prohibition lié au mariage a été adapté pour les couples de même sexe. Vous considérez que toutes les prohibitions peuvent être levées. Or elles ne peuvent pas l’être entre ascendants et descendants. Elles peuvent être levées dans quelques cas, systématiquement dans l’intérêt de l’enfant, en général lorsque l’un des parents est décédé. Depuis 2010, sur dix-sept demandes, onze cas de dispenses ont été accordés par le chef de l’État.

C’est une disposition du code civil dont la lecture est effectivement choquante puisque nous sommes tous attachés au régime de prohibition du mariage. Mais nous voyons bien qu’il y a des situations particulières où l’intérêt de l’enfant appelle le Président de la République à se prononcer en faveur de la levée de la prohibition.

Pour cette raison utile, compte tenu du faible nombre de cas, et du fait que le Président de la République ne donne pas systématiquement son accord, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson.

M. Jean-Frédéric Poisson. Madame la ministre, cette réponse ne me surprend pas, mais que l’on se comprenne bien : je n’entends ni supprimer le régime des prohibitions, ni l’étendre.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. J’ai bien compris !

M. Jean-Frédéric Poisson. Ce qui me pose problème, c’est que le Président de la République puisse lever les prohibitions. Je m’interroge sur la pertinence d’un tel dispositif, compte tenu de la nature de la décision. J’estime qu’elle pourrait être prise ailleurs.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Nous avons déjà eu cette discussion en commission et nous avions bien compris que ce n’était pas la faculté d’autoriser qui était en cause mais le fait que le Président de la République puisse lever les prohibitions. Le caractère exceptionnel avait été manifestement admis par tout le monde.

Il faut établir un parallèle avec le droit de grâce. Il y a trois ou quatre ans, lors du débat constitutionnel que nous avons eu, nous avons reconnu que le corps social ne peut pas ne pas avoir des instruments pour régler des situations extraordinaires, situations extraordinaires qui ne peuvent pas être réglées dans des processus juridictionnels. C’est pourquoi le droit de grâce a été laissé à la forme de l’autorité la plus haute de l’État, à savoir le Président de la République. De même, le mariage à titre posthume peut être autorisé par le chef de l’État et il peut lever les prohibitions liées au mariage inscrites dans le droit.

Je pense que ce système et nécessaire dans un corps social mais qu’il ne peut pas être juridictionnalisé. Voilà pourquoi il importe de le laisser entre les mains du chef de l’État. Chaque fois que le problème a été posé, c’est la même analyse qui a été faite. Nous sommes un peu loin du débat sur le mariage pour tous, mais nous sommes dans une réalité juridique qu’il semble imprudent de modifier actuellement.

(L’amendement n° 2987 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton.

M. Hervé Mariton. Monsieur le président, je souhaite faire un rappel au règlement, même si je comprends que notre débat doit avancer.

La question que je veux poser à Mme la ministre est importante – je vous concède que je suis à la limite du rappel au règlement. Imaginons que deux femmes mariées dans l’hypothèse de la loi aient un enfant...

M. le président. Monsieur Mariton, ce n’est pas un rappel au règlement ! Pour poser votre question, vous n’aurez qu’à vous appuyer sur un amendement. Un peu d’ordre tout de même !

M. Philippe Gosselin. C’était pourtant une question intéressante !

M. le président. La parole est à Mme Claudine Schmid, pour soutenir l’amendement n° 5290.

Mme Claudine Schmid. Je tiens à ce que la loi, si elle devait être adoptée, soit vraiment complète. Et puisque j’entends parler ici d’égalité, j’espère que les rédacteurs de la loi et tous ceux qui la soutiennent me suivront.

Le présent texte ne tient pas compte des Français de l’étranger qui vivent dans un pays où le mariage homosexuel n’est pas autorisé et où le Consul n’est pas autorisé à officier en tant qu’officier d’État civil. C’est le cas notamment du pays qui accueille la plus grande communauté de Français.

Puisque nous parlons d’égalité pour tous, je suggère que ces personnes puissent se marier en France dans la commune sur la liste électorale de laquelle elles sont inscrites.

Les articles L. 11, L. 12 et L. 14 du code électoral prévoient quelles sont les conditions requises pour que les Français établis hors de France s’inscrivent sur une liste électorale. Par exemple, il leur est possible d’être inscrits dans la commune sur la liste électorale de laquelle est inscrit ou a été inscrit un de leurs parents jusqu’au quatrième degré. Le fait d’être inscrit sur la liste électorale d’une commune leur permet aussi de se faire inhumer dans cette commune. On n’a jamais vu, je crois, un Français de l’étranger ne pas pouvoir se faire inhumer en France parce qu’il n’était pas inscrit sur une liste électorale.

Permettre à un Français de l’étranger de se marier en France quand il ne peut pas le faire dans son pays de résidence relèverait de l’égalité pour tous.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Erwann Binet, rapporteur. Madame Schmid, vous posez un vrai problème sur lequel nous reviendrons plus tard.

M. Philippe Gosselin. Mais c’est maintenant que nous discutons de l’amendement !

M. Erwann Binet, rapporteur. Votre amendement ne paraît pas opportun pour deux raisons.

Tout d’abord, vous subordonnez la présence sur les listes électorales. Or on ne peut pas subordonner un droit, celui de se marier, à une faculté, celle de s’inscrire ou pas sur les listes électorales. Vous n’envisagez pas non plus le cas des personnes qui n’avaient pas de résidence en France auparavant et qui pourraient être concernées par cette loi.

La commission a donné un avis défavorable à cet amendement car il est satisfait par l’amendement n° 5039 de Mme Narassiguin portant article additionnel après l’article 1er, que nous examinerons ultérieurement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Madame la députée, vous soulevez là un problème réel sur lequel Mme Corinne Narassiguin, responsable du texte pour le groupe socialiste, nous a alertés au mois de juillet dernier.

Votre amendement vise à apporter une solution qui permettrait aux Français qui vivent à l’étranger de pouvoir accéder à ce droit que nous ouvrons par la loi. Si je partage votre préoccupation, la disposition que vous proposez n’est pas la plus satisfaisante et sa rédaction n’est pas acceptable.

Nous reviendrons sur cette discussion ultérieurement, et vous aurez, bien évidemment, l’opportunité de vous exprimer. Je vous propose donc de retirer votre amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.

M. le président. Madame Schmid, acceptez-vous cette invitation ?

Mme Claudine Schmid. Pas du tout !

On me dit qu’un amendement sera présenté ultérieurement, mais je ne sais pas quand. De plus, je n’en connais pas la teneur.

M. Bernard Roman. Il est dans la liasse !

Mme Claudine Schmid. Si vous proposez qu’un Français de l’étranger puisse se marier dans n’importe quelle commune, vous créerez une inégalité de traitement. Au nom de quoi un Français de l’étranger qui viendrait contracter un mariage homosexuel pourrait-il choisir sa commune de résidence en France, tandis qu’un couple hétérosexuel ne le pourrait pas ? Il y a des communes qui seraient plus intéressantes que d’autres, par exemple celles situées le long de la frontière où celles dont la mairie ressemble plus à un château qu’à un hangar. J’ajoute que les Français de France ne peuvent pas se marier où ils veulent mais seulement dans leur commune de résidence.

Les Français de l’étranger ne demandent qu’une chose : l’égalité.

On peut se faire inhumer dans la commune sur la liste électorale de laquelle on est inscrit. Pourquoi ne pas appliquer le même principe au mariage ?

M. le président. La parole est à M. Sergio Coronado.

M. Sergio Coronado. Le souci exprimé par Mme Schmid à travers son amendement est partagé par l’ensemble des élus qui représentent les Français établis hors de France. Il met l’accent sur une difficulté majeure qui avait été abordée en commission et qui a conduit le rapporteur à déposer un, mais qui ne règle toutefois pas tout.

Pour ma part, je considère que l’inscription sur la liste électorale d’une commune ne règle pas le problème, le rapporteur ayant souligné la difficulté d’adopter ce type de rédaction. Il aurait été mieux avisé de permettre aux Français établis hors de France de s’inscrire sur les listes consulaires. On existe quand on se déclare auprès du consulat ce qui ne veut pas dire qu’on souhaite être électeur sur place.

J’espère que le Gouvernement nous apportera des réponses très précises sur cette question. Corinne Narassiguin et moi-même, au nom du groupe écologiste, avons déposé des amendements dans ce sens. Toutefois, je le répète, je partage les préoccupations exprimées par Mme Schmid.

M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Effectivement, madame Schmid, nous partageons votre préoccupation quant à l’inégalité. Nous y reviendrons lors de l’examen de l’amendement n° 5039 portant article additionnel après l’article 1er, qui devrait déjà être dans la liasse. Cet amendement prévoit que le mariage pourra être célébré dans la dernière commune de résidence ou dans la commune de résidence des parents.

Mme Claudine Schmid. Mais s’ils sont morts ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. En tout état de cause, le régime serait le même pour les couples hétérosexuels et pour les couples homosexuels.

Je le répète, le Gouvernement est défavorable à votre amendement, madame Schmid.

M. le président. La parole est à Mme Corinne Narassiguin.

Mme Corinne Narassiguin. Effectivement, je présenterai ultérieurement un amendement qui a été déposé par les députés du groupe SRC qui représentent les Français de l’étranger et qui est soutenu par tout notre groupe.

J’invite Mme Schmid à se joindre à nous parce que, comme l’ont souligné le rapporteur et la garde des sceaux, la possibilité d’être inscrit sur une liste électorale en France n’est pas complètement exhaustive – il existe des cas où il n’y a pas de possibilité réelle de s’inscrire, même s’ils sont rares. Par ailleurs, on ne doit pas lier un droit, celui de se marier, à une faculté, celle de s’inscrire sur une liste électorale. Les Français de l’étranger ont aussi le droit de choisir de n’être inscrits qu’à l’étranger. C’est une liberté fondamentale qu’il faut préserver.

M. le président. La parole est à Mme Claudine Schmid.

Mme Claudine Schmid. Puisque, apparemment, tout le monde est d’accord sur le fait qu’il y a un problème, pourquoi en discuter plus tard et pourquoi ne présenterait-on pas un sous-amendement ?

M. le président. Je propose que nous passions au vote. De toute façon, cette préoccupation reviendra dans notre débat.

(L’amendement n° 5290 n’est pas adopté.)

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Christian Jacob, pour un rappel au règlement.

M. Christian Jacob. Merci, monsieur le président. J’avais demandé ce rappel au règlement tout à l’heure : il était deux heures moins le quart. Comme nous arrivions à une centaine d’amendements en discussion commune, c’était pour vous proposer que nous puissions arrêter à deux heures moins le quart, mais il est maintenant deux heures : la question ne se pose plus, elle correspond à l’accord que nous avions passé.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Monsieur le président, il nous reste cent huit amendements qui ont été déposés pour l’essentiel par les députés de la majorité. Je pressens que les cent huit ne sont pas là. Je souhaite que nous puissions voter de l’article 1er ce soir, donc que nous allions jusqu’au bout de la discussion de ces amendements. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Christian Jacob.

M. Christian Jacob. Non, monsieur le président, c’est hors de question. Je crois que nous nous sommes mis d’accord tout à l’heure. (Interruptions sur les bancs du groupe SRC.)

Peu importe votre avis ! (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Moi, je veux bien : on va entrer dans un autre climat, aller de suspension de séance en suspension de séance… (Mêmes mouvements.)

Nous faisons un travail différent : nous, nous légiférons, nous défendons des amendements, nous débattons ; vous, vous attendez que ça se passe. C’est différent, comme attitude. Vous pourriez intervenir. Où sont les amendements de la majorité ? Je pense qu’il est beaucoup plus sérieux d’arrêter là et de reprendre à dix heures du matin : c’est ce qui a été convenu tout à l’heure entre les présidents de groupe et on ne va pas remettre cela en cause. C’est ce qui était prévu, monsieur le président !

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Monsieur le président, mes chers collègues, nous travaillons depuis longtemps, nous essayons d’avoir un principe de cohérence. Il y a beaucoup d’articles, il y a beaucoup d’amendements : plus de cinq mille. La majorité respecte parfaitement les droits de l’opposition, tous les députés présents ont pu défendre leurs amendements avec la générosité que je salue de la présidence.

M. Christian Jacob. Heureusement !

M. Philippe Gosselin. C’est le B. A. BA !

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Mes chers collègues, pour avoir été dans l’opposition pendant cinq ans, vous me permettrez de rappeler que l’on a deux minutes de temps de parole pour défendre un amendement, que vous avez systématiquement eu plus de deux minutes : personne n’a rien dit, puisque cette majorité a décidé de respecter pleinement les droits de l’opposition. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Nous n’avons pas fait, jusqu’à présent, usage de différents articles du règlement que vous aviez inventés et qui auraient permis de clore le débat de manière beaucoup plus rapide.

Maintenant il est deux heures, il nous reste un amendement répétitif que vous avez déposé cent huit fois ; vous avez chacun deux minutes pour le défendre. Tous les députés présents pourront le défendre. Mais pour une raison de cohérence, de façon que demain nous puissions examiner d’autres articles, je confirme que nous souhaitons aller au vote sur l’article 1er. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Christian Jacob.

M. Christian Jacob. Nous avons pris cet accord tout à l’heure avec le président de l’Assemblée et votre président de groupe. Nous avons des collègues qui sont partis parce que l’accord que nous avions passé était d’arrêter à deux heures. (Interruptions sur les bancs du groupe SRC.)

M. Pascal Deguilhem. Ils n’ont qu’à être là !

M. Christian Jacob. Vous pouvez vociférer autant que vous voudrez ! Essayez d’avoir un argument, une fois, sur quelque chose, au lieu de hurler, de brailler. Essayez d’argumenter ! (Nouvelles interruptions.)

Mais oui, continuez à brailler ! Prenez le micro ! Nous avons des collègues qui sont rentrés parce qu’on avait prévu d’arrêter à deux heures du matin, donc on tient les engagements. C’est sans doute quelque chose qui vous est étranger, de tenir les engagements. Nous, nous y sommes attachés ! Ayez un peu l’honneur de la parole, respectez les engagements. Il est hors de question d’aller plus loin !

2

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, samedi 2 février à dix heures :

Suite de la discussion du projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe.

La séance est levée.

(La séance est levée, le samedi 2 février 2013, à deux heures cinq.)