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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2012-2013

Compte rendu
intégral

Première séance du samedi 2 février 2013

SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE

SOMMAIRE


Présidence de M. Claude Bartolone

1. Ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe

Discussion des articles (suite)

Article 1er (suite)

Amendement no 2125

M. Erwann Binet, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux

Amendement no 4745

Rappel au règlement

M. Hervé Mariton

Article 1er (suite)

Amendements nos 58, 205, 220, 298, 346, 460, 595, 765, 654, 1069, 1132, 1187, 1210, 1365, 1460, 1732, 1800, 1945, 2024

Rappel au règlement

M. Michel Terrot

Article 1er (suite)

Amendements nos 2255, 2256, 2347

Rappel au règlement

M. Philippe Gosselin

Article 1er (suite)

Amendement no 2567

Rappel au règlement

Mme Marie-Jo Zimmermann

Article 1er (suite)

Amendement no 3257

Suspension et reprise de la séance

Article 1er (suite)

Amendements nos 3292, 3579, 3694, 3981, 4787

Suspension et reprise de la séance

Rappel au règlement

M. Marc Le Fur

Article 1er (suite)

Amendements nos 2065, 4353

M. Philippe Gosselin

M. Alain Tourret

Mme Marie-George Buffet

Mme Corinne Narassiguin

M. François Rochebloine

M. Sergio Coronado

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée chargée de la famille

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux

Rappel au règlement

M. Christian Jacob

Après l’article 1er

Amendement no 4362

Rappel au règlement

M. Marc Le Fur

Après l’article 1er (suite)

Amendements nos 1447, 55

Rappel au règlement

M. Gérald Darmanin

Après l’article 1er (suite)

Amendement no 17

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois

Suspension et reprise de la séance

2. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Claude Bartolone

M. le président.La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à dix heures.)

1

Ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe

Suite de la discussion d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe. ( nos 344, 628, 581)

Discussion des articles (suite)

M. le président. Hier soir, l’Assemblée a poursuivi l’examen des articles s’arrêtant aux amendements identiques nos 2125 et 4669 à l’article 1er.

Article 1er (suite)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour défendre l’amendement n° 2125.

Mme Marie-Christine Dalloz. Bernanos, lors des conférences compilées dans l’essai La liberté pour quoi faire ?, déclarait que « même le plus optimiste des hommes sait maintenant qu’une civilisation peut devenir dangereuse pour l’humanité. Il suffit qu’elle soit constituée et développée d’après une définition incomplète et même fausse de l’homme ».

Ces paroles nous rappellent à quel point la loi peut être un instrument dangereux lorsqu’elle perd de vue ce qui la fonde, l’intérêt général.

Mme Nathalie Nieson. Cela commence mal.

Mme Marie-Christine Dalloz. Cela commence comme je le souhaite, madame.

M. le président. Allons, allons.

Mme Marie-Christine Dalloz. Aujourd’hui, selon les règles applicables en matière de conflit des lois dégagées par la jurisprudence en droit international privé, les conditions de fond du mariage sont déterminées par la loi personnelle de chacun des époux.

Le projet de loi change la règle pour les couples de même sexe en opérant une codification au sein du code civil afin de prévoir qu’un Français puisse se marier avec un ressortissant étranger du même sexe ou que deux ressortissants étrangers puissent se marier en France, même dans le cas où la loi personnelle de l’un ou de l’autre des futurs époux ne reconnaîtrait pas la validité d’une telle union, dès lors que, pour au moins l’un des époux, soit la loi personnelle, soit la loi de l’État sur le territoire duquel se trouve son domicile ou sa résidence le permet.

Par conséquent, cet amendement vise à supprimer les alinéas 11 à 16 de l’article premier.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Erwann Binet, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Avis défavorable. Vous l’avez rappelé, madame Dalloz, l’application de la règle de conflit de lois permet à un Français d’épouser un étranger dont la loi personnelle ne permettrait pas le mariage avec une personne de même sexe. En l’absence de cette règle, que vous nous proposez de supprimer, la jurisprudence en matière de droit international privé s’appliquerait et les conditions de fond du mariage seraient déterminées par la loi personnelle.

Il est par conséquent indispensable de prévoir un dispositif spécifique garantissant aux Français la possibilité de se marier avec un ressortissant étranger du même sexe ou à deux ressortissants étrangers de se marier en France.

M. le président. Sur l’amendement n° 2125, je suis saisi par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement. Si nous avions omis de prendre ces dispositions, cette loi aurait été en défaut puisque c’est grâce à elles que la loi peut s’appliquer aux couples de nationalités différentes. Ainsi, un Français et un Anglais pourront, par exemple, se marier en France.

Nous avons fait preuve de vigilance en n’oubliant pas d’inscrire ces dispositions dans la loi, aussi le Gouvernement est-il défavorable à cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton.

M. Hervé Mariton. Cet amendement est parfaitement justifié. Nous avons déjà évoqué les risques de contradiction ou de complexité dans l’articulation entre les dispositions nationales et celles des autres pays.

Depuis notre précédente discussion, madame la ministre, j’ai récupéré auprès de professionnels un certain nombre de notes que je vous passerai et qui précisent les risques à venir.

L’édifice juridique que vous proposez est mal calibré en particulier du fait de votre volonté systématique d’offrir un asile conjugal. Par ailleurs la rédaction de l’alinéa 15, qui dispose « toutefois deux personnes de même sexe peuvent contracter mariage », me laisse perplexe : sans doute y reviendrons-nous mais cet alinéa ne serait-il pas discriminant, à certains égards, pour des personnes qui seraient de sexes différents ?

L’approche du Gouvernement, de la commission des lois, du rapporteur, de la majorité, qui consiste, quelles que soient les conditions de l’État d’origine d’une des deux personnes, quelle que soit l’articulation de droit entre la France et le pays étranger, à permettre, dans toutes les circonstances, le mariage de personnes de même sexe en France, nous mènera à un état du droit inextricable.

Vous dites que vous proposez une solution aux personnes de même sexe : vous ne leur créez en vérité que des problèmes. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Corinne Narassiguin.

Mme Corinne Narassiguin. Le groupe SRC ne soutient pas cet amendement car nous souhaitons que l’égalité des droits soit complète sur le territoire français. Les hétérosexuels étrangers ont aujourd’hui le droit de se marier en France lorsqu’ils y résident. Il n’est que justice que les homosexuels puissent le faire également.

Par ailleurs, depuis des années maintenant, des Français peuvent se marier à l’étranger et des Français homosexuels peuvent se marier dans les pays étrangers qui l’autorisent.

La France aujourd’hui ne reconnaît pas ces mariages mais nous en traiterons plus tard dans un autre article.

Ce serait une bonne chose de reconnaître enfin ce droit aux étrangers en France.

M. le président. La parole est à Mme Claudine Schmid.

Mme Claudine Schmid. Au stade où nous en sommes des débats, il n’est pas autorisé, puisque l’Assemblée a refusé hier un amendement, que des Français de l’étranger, qui ne peuvent pas se marier selon la loi locale ni dans les consulats, puissent se marier en France.

Puisque cela a été refusé hier, il n’y a aucune raison pour qu’on rejette notre proposition aujourd’hui.

M. Philippe Gosselin. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Bernard Roman.

M. Bernard Roman. Voilà une étrange manière de poser le problème de l’intérêt général. Comme un amendement n’est pas accepté, un amendement qui règlerait le problème à peu près de la même manière ne devrait pas davantage être accepté.

Vive l’intérêt général !

M. Philippe Gosselin. Si c’est M. Roman qui détermine l’intérêt général, à présent !

M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix l’amendement n°2125.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 181

Nombre de suffrages exprimés 181

Majorité absolue 91

(L’amendement n°2125 n’est pas adopté.)

Plusieurs députés SRC. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Guénhaël Huet, pour soutenir l’amendement n°4745.

M. Guénhaël Huet. Il s’agit là d’un amendement de coordination.

Nous vous avons proposé hier d’adopter le concept juridique d’alliance civile, qui serait une excellente synthèse entre le mariage d’un côté et le PACS de l’autre, étant bien entendu que le groupe UMP souhaite trouver une solution de compromis, une solution de synthèse, afin de respecter les droits des couples homosexuels, notamment en matière successorale et en matière patrimoniale, mais ne souhaite pas, je le répète, que ce projet de loi emporte la filiation, encore moins la PMA et la GPA, comme le prévoit la circulaire de Mme la garde des sceaux.

Cet amendement vise par conséquent à ajouter à l’alinéa 14 la notion d’alliance civile.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Erwann Binet, rapporteur. Avis défavorable, par cohérence.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Même avis, pour les mêmes raisons, puisque l’amendement relatif à l’alliance civile a été rejeté.

M. le président. La parole est à M. Xavier Breton.

M. Xavier Breton. Nous ne pouvons que regretter ce nouveau blocage. Adopter le principe d’une alliance civile serait une solution de compromis, de consensus, qui recueillerait l’agrément de beaucoup de Français et de Françaises. Nous avons vu hier que deux conceptions s’opposent.

M. Bernard Roman. C’est clair !

M. Xavier Breton. C’est normal, c’est dans notre droit, mais dès lors, que faire ? Soit on divise les Français, comme vous le faites, à cinquante contre cinquante.

M. Marcel Rogemont. Non, ce n’est pas vrai !

M. Xavier Breton. On sait qu’ils sont un peu plus nombreux à être favorables au mariage pour tous, mais on sait aussi qu’une majorité de Français sont opposés à l’adoption, que votre texte prévoit.

Une autre solution serait de trouver une solution de compromis mais vous le refusez, ce qui est regrettable.

Cette alliance civile présenterait par ailleurs un intérêt par rapport à la filiation, qui ne serait alors pas prévue. Or, ce n’est pas du tout le mariage qui vous intéresse,….

M. Marcel Rogemont. C’est le projet de loi !

M. Xavier Breton. …mais la filiation qui en découle. Nous aurons l’occasion d’en reparler au moment des articles relatifs à l’adoption.

C’est vrai, des droits peuvent être identiques mais il est une ligne à ne pas franchir, celle de la filiation.

Je regrette que nous ne puissions nouer le dialogue sur un tel sujet.

M. Philippe Gosselin. Impossible d’avoir un dialogue de fond !

M. Xavier Breton. Tous nos amendements reçoivent un avis défavorable. C’est normal quand nos amendements visent à supprimer un article de votre texte, cela l’est moins quand il s’agit d’amendements constructifs. Votre entêtement est regrettable. Nous assistons à un dialogue de sourds qui porte préjudice à la qualité de nos débats.

M. le président. Sur l’amendement n°4745, je suis saisi par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à Mme Corinne Narassiguin.

Mme Corinne Narassiguin. Nous avons déjà eu cette discussion pendant plusieurs heures hier et nous avons déjà longuement expliqué pourquoi l’alliance civile ne nous semblait pas de nature à instaurer l’égalité. Il est inutile d’y revenir et nous ne voterons pas cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Fromantin.

M. Jean-Christophe Fromantin. La majorité des membres du groupe UDI soutient cet amendement qui propose un compromis de nature à neutraliser la filiation et, partant, l’adoption plénière.

M. le président. La parole est à M. Marc Laffineur.

M. Marc Laffineur. Notre collègue vient une nouvelle fois de nous démontrer la philosophie de la majorité en parlant d’égalité face au mariage. Pour notre part, nous nous préoccupons depuis le début de l’égalité entre les enfants et nous ne cessons de faire des efforts pour essayer de trouver un compromis.

Nous vous proposons l’alliance civile, qui permettrait d’accorder les mêmes droits juridiques aux couples homosexuels tout en protégeant l’enfant.

M. Philippe Gosselin. Ils préfèrent heurter, diviser.

M. Marc Laffineur. Ce que nous voulons, c’est l’égalité entre les enfants par rapport aux familles qui les accueilleraient.

M. Philippe Gosselin. Cela ne les intéresse pas !

M. Marc Laffineur. On sait bien ce que vous voulez, au fond : la PMA et la gestation pour autrui. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Mais bien sûr ! La ministre ne l’a-t-elle pas très bien expliqué au travers de la circulaire qu’elle a publiée il y a huit jours ? Et elle l’a rédigée juste avant ce débat pour bien montrer quelle était sa philosophie et ce que vous vouliez faire de ce texte. C’est très clair et nous ne partageons pas du tout votre point de vue, nous qui nous préoccupons avant tout de maintenir l’égalité entre les enfants. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Marcel Rogemont. Pensez-vous !

M. le président. La parole est à M. Pierre Lequiller.

M. Marcel Rogemont. Il y a en a combien à intervenir ?

M. Philippe Gosselin. Cela s’appelle la démocratie !

M. Pierre Lequiller. Sur de tels sujets de société, d’une telle importance, il faut savoir trouver des terrains de rencontre. La proposition d’une alliance civile aurait pu rassembler les uns et les autres, pas forcément dans l’hémicycle, mais au niveau national.

M. Philippe Gosselin. Ce n’est pas leur problème !

M. Pierre Lequiller. Nous aurions pu concilier la volonté d’améliorer le sort des couples homosexuels avec le souci de protéger l’enfant. Mais visiblement, vous ne voulez pas de ce compromis. Dès le début, vous vous êtes engagés sur la voie du mariage avec adoption, avec PMA, avec GPA. Voilà vers quoi vous nous menez ! (Exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

M. Bernard Roman. Arrêtez !

M. Pierre Lequiller. Je regrette vraiment que, sur un sujet de cette importance, vous ne cherchiez aucun compromis. Le Gouvernement aurait pu avoir une position de rassembleur. Las, aujourd’hui, il divise nos concitoyens ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. - Exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

M. le président. Mes chers collègues, calmez-vous ! Cela fait à peine un quart d’heure que nous sommes ensemble. Il ne faut pas commencer à s’énerver, car nous allons être ensemble tout le week-end !

M. Philippe Gosselin. Qui sème le vent…

M. le président. La parole est à M. Michel Vergnier.

M. Michel Vergnier. Monsieur le président, j’ai dit hier dans la soirée, à la suite de l’intervention d’un de nos collègues, que je n’aurais pas aimé dire cela. Je l’ai par exemple entendu parler d’« irrespect ». Je n’ai pas interrompu notre collègue. J’ai simplement dit que je n’aurais pas aimé dire ce qu’il avait dit. Depuis des années, cet hémicycle résonne de débats divers, passionnés, quelquefois un peu enflammés. C’est la République qui se construit ici.

Je voudrais rassurer nos collègues, car je crois qu’ils ont besoin de l’être : nous irons jusqu’au bout de ce texte, car telle est notre intime conviction.

Plusieurs députés du groupe UMP. Hélas !

M. Michel Vergnier. Nous irons jusqu’au bout et nous le voterons largement. Comme d’habitude, comme chaque fois que nous adoptons des grands textes de société,…

M. Christian Jacob. Ce n’est pas un grand texte !

M. Michel Vergnier. …vous ne reviendrez pas, par la suite, sur cette loi. Vous n’êtes pas revenus sur l’abolition de la peine de mort, vous n’êtes pas revenus non plus sur la couverture maladie universelle et pas davantage sur le Pacs. Chaque fois que nous sommes aux affaires, vous attendez de nous que la société avance, que les libertés progressent. Alors, chers collègues, soyez rassurés, nous n’aurons aucune faiblesse et nous ferons voter ce texte important pour la vie des Françaises et des Français. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

M. Philippe Gosselin. Si le progrès, c’est la PMA et la GPA…

M. le président. La parole est à M. Serge Janquin.

M. Serge Janquin. J’aimerais que nos collègues de l’opposition cessent de présenter leur projet d’alliance civile comme un compromis. Ce n’est pas un compromis. Ce que vous nous demandez, c’est une reddition par rapport à notre position et il n’en est pas question.

Je vais citer une superbe phrase de Marguerite Yourcenar : « On ne doit plus craindre les mots lorsqu’on a consenti aux choses. » Nous, nous regardons la société comme elle est, comme elle fonctionne, et nous voulons aboutir dans notre droit au principe de l’égalité. Sachez-le, nous ne céderons pas sur ce principe !

M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix l’amendement n° 4745.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 224

Nombre de suffrages exprimés 224

Majorité absolue 113

(L’amendement n’est pas adopté.)

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour un rappel au règlement. (« Ah ! » sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

M. Philippe Gosselin. Ça vous manquait !

M. le président. Un seul être vous manque et tout est dépeuplé…

M. Hervé Mariton. Mon intervention porte à la fois sur la forme et sur le fond et concerne l’intelligibilité de notre débat.

Je ne sais pas ce qu’il en est pour d’autres collègues, mais, pour ma part, je n’ai rien compris à la première partie du propos de Michel Vergnier. (Rires sur plusieurs bancs du groupe SRC.) Pour que l’Assemblée soit éclairée, il est important que les choses soient dites sans trop de non-dits, sans trop de sous-entendus, et de manière intelligible pour tous. Il faudrait veiller à ce qu’il y ait de vrais échanges et à ce que nous puissions comprendre ce que disent réellement nos collègues. Je pensais être réveillé, pourtant, je n’ai rien compris ! (Rires et exclamations sur les mêmes bancs.)

Par ailleurs, si notre assemblée doit avoir un sens, il serait bon que nos collègues assument le fait que deux visions peuvent être en débat et qu’il n’y a pas, d’un côté, ceux qui, nécessairement, inéluctablement, aujourd’hui et pour l’éternité, auraient raison, voteraient la loi et écriraient l’histoire, et de l’autre, les députés de l’opposition qui, dans l’obscurité, chercheraient simplement à faire obstacle. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Nous avons deux visions qui sont toutes deux recevables, audibles et légitimes. Nous avons l’ouverture et l’intelligence d’entendre que la vôtre peut s’exprimer. Acceptez que la nôtre ait aussi du sens ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Monsieur Mariton, nous ne doutons pas que, comme tous nos collègues dans l’hémicycle, vous comprenez parfaitement les propos de chaque député !

M. Hervé Mariton. Vous êtes trop fort, monsieur le président !

Article 1er (suite)

M. le président. Je suis saisi d’une série d’amendements identiques.

La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 58.

M. Marc Le Fur. L’alinéa 15, que nous voulons supprimer, semble technique, mais il est en fait extraordinairement politique.

Jusqu’à présent, en droit international privé, les choses sont claires, les règles du mariage sont déterminées par la loi personnelle de chacun des époux.

Vous voulez déroger à cette règle constante au bénéfice des couples homosexuels, en particulier dans l’hypothèse où un Français se marie avec un étranger. Si un Français se marie avec un Marocain, par exemple, la loi personnelle de ce dernier ne le lui permet pas, mais vous voulez y déroger. Vous agissez de même pour les couples étrangers : deux Chinois dont la loi personnelle ne permet pas le mariage homosexuel pourront se marier en France.

Vous voyez bien que ce sujet pose un problème majeur.

Premièrement, vous créez une discrimination au bénéfice des couples homosexuels, alors que la loi personnelle est la règle pour les couples hétérosexuels.

Deuxièmement – j’espère, madame la garde des sceaux, que vous nous rassurerez sur ce point –, cette mesure aura des conséquences sur l’immigration.

Troisièmement, nous organisons le fait de bafouer les règles étrangères de pays amis.

M. Philippe Gosselin. Une espèce de marché !

M. Marc Le Fur. Autrement dit, demain, des homosexuels issus de pays étrangers avec lesquels nous entretenons des relations d’amitié pourront, s’ils ne veulent pas respecter leurs propres règles, venir se marier chez nous.

Nous organisons également une formidable mondialisation du mariage. Regardez ce qui va se passer demain : des étrangers viendront en France se marier en respectant nos règles, mais pas celles de leur pays, et les Françaises et les Français iront organiser PMA et GPA à l’étranger, puisque ceci a été confirmé par la circulaire de Mme la ministre.

Ce n’est donc pas un problème technique que nous posons à travers cet amendement, c’est un problème de fond. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Marc Laffineur, pour soutenir l’amendement n° 205.

M. Bernard Roman. Ces arguments sont incroyables, affligeants !

M. Marc Laffineur. Mon cher collègue, nous avons le droit de prendre la parole, comme les autres. Nous ne vous interrompons pas, et pourtant, Dieu sait que vous dites des bêtises !

M. le président. Défendez votre amendement, monsieur Laffineur.

M. Marc Laffineur. Non, monsieur le président, il faut tout de même un peu de tenue dans nos débats. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Comme vous pouvez le constater, nous nous faisons interrompre en permanence par les députés de la majorité.

J’en viens à l’amendement, que Marc Le Fur vient de défendre excellemment. Permettez-moi de vous dire que vous faites là une discrimination invraisemblable. Vous parlez en permanence d’égalité mais, en réalité, vous ne faites que des textes qui créent la discrimination et restreignent le champ du principe d’égalité. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

Cela va bien avec votre politique d’immigration. Vous allez, avec un texte comme celui-ci, provoquer un appel d’air en faveur de l’immigration.

La moindre des choses, c’est avoir les mêmes droits que les couples hétérosexuels. Il faut donc supprimer cet alinéa, précisément au nom de l’égalité que vous prétendez défendre.

M. le président. La parole est à M. Laurent Marcangeli, pour soutenir l’amendement n° 220.

M. Laurent Marcangeli. Dans le droit-fil de ce qui vient d’être dit par Marc Le Fur et Marc Laffineur, nous voulons supprimer l’alinéa 15.

Je rappelle que l’étude d’impact réalisée dans le cadre de la préparation de cette loi ne s’est pas suffisamment arrêtée sur les risques de flux que peuvent entraîner les dispositions dont nous discutons ce matin.

M. Philippe Gosselin. Elle ne s’est pas arrêtée sur grand-chose !

M. Laurent Marcangeli. Nous proposons donc la suppression de l’alinéa 15 pour éviter de heurter les pays voisins et amis qui, aujourd’hui, n’ont pas ouvert le droit au mariage pour les couples de même sexe. Nous le faisons également pour éviter ce qui pourrait s’apparenter à une forme de tourisme conjugal. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. - Exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

M. Guillaume Bachelay. C’est lamentable !

M. le président. La parole est à M. Christian Jacob.

M. Christian Jacob. Monsieur le président, nous souhaitons que nos collègues évitent de ponctuer chacune des interventions des députés de l’UMP de « ridicule », « lamentable » etc. Autant de noms d’oiseaux qui peuvent être employés ! Il faudrait, chers collègues, que vous vous exprimiez autrement qu’en vociférant. Nous aimerions vous entendre intervenir sur le sujet.

M. Jean-Marie Le Guen. On ne sait pas parler !

M. Christian Jacob. Vous n’intervenez sur rien, vous vous contentez de vociférer, de hurler, d’invectiver. Prenez le micro, défendez vos arguments, qu’on vous entende ! (Exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

M. Sébastien Pietrasanta. Voilà une intervention bien inutile !

M. le président. Ne cédez pas à la tentation, monsieur le député !

Venez-en à votre amendement n° 298, monsieur Jacob.

M. Christian Jacob. Cet amendement traite du sujet que vient d’évoquer M. Marcangeli.

Nous l’avons vu hier, l’étude d’impact a été totalement insuffisante concernant le droit des enfants. Les remarques faites par le Défenseur des droits méritaient d’être entendues. L’étude d’impact n’a pas mesuré toutes les conséquences directes et indirectes que pouvait avoir votre loi. Nombre de recours pourront être intentés, car, sauf erreur de ma part, on crée une vraie discrimination, avec un droit différent pour les couples homosexuels et les couples hétérosexuels, et Mme la ministre n’hésitera pas à me corriger si je me trompe. Si je comprends bien, la loi personnelle continue à s’appliquer pour les couples hétérosexuels et vous faites une exception pour les couples homosexuels. Vous me répondrez tout à l’heure sur ce point, madame la ministre, mais, à mes yeux, c’est une véritable discrimination qui est créée par l’alinéa 15.

Par ailleurs, il y a, dans les lois personnelles, des critères d’âge, et certains pays interdisent le mariage des couples homosexuels. Nous aurons donc des recours venant de ces pays. Mais il y a aussi des critères d’âge. Madame la ministre, vous me répondrez tout à l’heure,…

M. le président. Veuillez conclure, monsieur Jacob.

M. Christian Jacob. …va-t-on toucher aux critères d’âge pour ce qui est de l’adoption ?

On pose le problème du mariage, et il y a des différences d’âge à respecter pour pouvoir adopter dans certains pays. Cela aura-t-il des conséquences avec cette disposition ?

M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement n° 346.

M. Hervé Mariton. Je souhaiterais savoir si le Gouvernement, la commission et la majorité se sont penchés sérieusement sur l’impact de ces dispositions.

L’étude d’impact fournie avec le projet de loi est…

M. Philippe Gosselin. Indigente !

M. Hervé Mariton.…silencieuse ou, plus exactement, elle prend acte qu’il peut y avoir un impact en assumant le fait qu’elle est incapable d’en évaluer sérieusement l’importance.

Le Gouvernement avoue, dans l’étude d’impact, qu’il nous propose de légiférer dans des conditions juridiques particulièrement bancales et non maîtrisées, avec des conséquences physiques et financières. Ces mariages entraîneront des effets qui n’ont pas été évalués tant en termes de finances publiques que de finances de la sécurité sociale. C’est avoué clairement : il y aura un impact, mais on ne sait pas lequel, on fait l’impasse et on continue ! C’est extrêmement grave.

Quand Thierry Mariani pose la question de l’impact sur les flux migratoires, dire qu’ils seront considérables serait totalement démagogique. Mais lorsque nous affirmons qu’il peut y avoir un effet, c’est simplement la conséquence du texte. Assumez le fait que votre texte ait des effets et ayez la gentillesse de nous en indiquer l’ampleur ! Sinon, nous légiférons à l’aveugle. Globalement, nous ne sommes pas d’accord avec votre projet. Nous aimerions comprendre son intelligence point par point. Or, pour l’instant, nous n’avons satisfaction ni sur la stratégie générale ni sur la compréhension des conséquences d’un projet dont vous ne maîtrisez aucunement les effets, et notamment dans cette dimension.

M. le président. La parole est à M. François de Mazières, pour soutenir l’amendement n° 460.

M. François de Mazières. Après le long débat d’hier, la nuit a porté conseil. On voit bien que nous avons deux visions de la société complètement différentes. La nôtre privilégie la protection de l’enfant : nous souhaitons que l’enfant puisse avoir un père et une mère.

Nous pensons que vous créez une inégalité fondamentale. Vous avez hier, monsieur le rapporteur, évoqué le professeur Flavigny. Je suis allé piocher dans ses écrits, dont l’un s’intitule Je veux papa et maman. Il me semble un peu étrange que vous l’ayez évoqué à l’appui de votre démonstration.

On voit bien, et c’est là l’essentiel, que vous avez dû trouver un certain nombre de subterfuges, comme traiter à part le problème de la PMA. En revanche, pour une question très concrète qui nécessite une étude d’impact, les réponses ne sont pas là. Pourquoi n’avez-vous pas pris le temps de la réflexion, en y associant les Français au moyen d’un grand débat que nous n’avons cessé de demander ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement n° 595.

M. Philippe Gosselin. Je voudrais revenir en quelques mots sur l’étude d’impact, qui est vraiment indigente, et ce n’est d’ailleurs pas la première fois. On nous présente comme une évidence l’absence de risque particulier. Mais, en réalité, il existe des risques d’incompatibilité avec des conventions internationales, et des conventions bilatérales pourraient être mises à mal. Rien de tout cela n’a été étudié. Des éléments juridiques appellent des précisions, inexistantes à ce jour. On revient totalement sur le principe de droit commun habituel, en droit civil comme en droit international, selon lequel la règle personnelle s’applique. Cela mérite un examen très approfondi.

Par ailleurs, sans redouter un afflux si exceptionnel que certains veulent bien le dire, il serait tout de même fâcheux que la France devienne une sorte de grand Las Vegas du mariage concentrant un tourisme matrimonial qui irait croissant. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean-Marie Le Guen. C’est bon pour l’activité économique, mon ami !

M. Philippe Gosselin. Je vous concède, monsieur Le Guen, que cela favoriserait l’activité économique. Cela permettrait peut-être de masquer l’indigence de la politique du Gouvernement sur ce point, vous avez parfaitement raison ! C’est l’occasion de rappeler qu’on a davantage besoin à l’heure actuelle de lois protectrices relatives au chômage et à l’économie plutôt qu’à toutes ces questions de société. Vous avez raison de le rappeler, ce matin la vérité vient bien de votre côté !

M. Marcel Rogemont. Et qu’avez-vous fait pendant dix ans ?

M. le président. La parole est à M. Guénhaël Huet, pour soutenir l’amendement n° 765.

M. Guénhaël Huet. La rédaction de cet article montre bien l’incohérence juridique du Gouvernement. Comme l’ont indiqué Marc Le Fur et Marc Laffineur, nous sommes dans une situation discriminatoire entre les couples homosexuels et les couples hétérosexuels, alors même que vous n’avez cessé, au fil des jours, des semaines et des mois, de nous dire que ce texte allait dans le sens de l’égalité. Nous verrons ce que dira le Conseil constitutionnel lorsqu’il sera saisi de cette discrimination que vous créez.

Je voudrais aussi mettre l’accent sur le danger qui existe en termes de flux migratoires. Vous avez beaucoup revendiqué le fait qu’un certain nombre de pays européens avaient adopté le mariage homosexuel, mais il y en a en fait six sur vingt-sept. Là aussi, les masques tombent ! Il y a fort à craindre qu’il n’y ait des flux migratoires très importants relatifs au mariage, comme il y en a d’ailleurs liés à l’aide médicale d’État.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Nous en sommes à l’aide médicale d’État, maintenant !

M. Guénhaël Huet. Je rappelle que vous avez supprimé le forfait d’accès à l’aide médicale d’État, ce qui veut dire qu’aujourd’hui, dans notre pays, les seules personnes qui ne participent pas au financement de la protection sociale, ce sont les personnes étrangères en situation irrégulière ! On en rajoute encore une couche et c’est tout de même assez dommageable.

Cette série d’amendements n’a pas d’autre but, madame la ministre, chers collègues, que de vous faire revenir sur une discrimination eu égard au raisonnement fondé sur l’égalité que vous tenez depuis plusieurs semaines.

M. le président. La parole est à M. Frédéric Reiss, pour soutenir l’amendement n° 654.

M. Frédéric Reiss. Je pense qu’il faut supprimer l’alinéa 15, qui écarte la loi personnelle d’un époux parce qu’elle fait obstacle au mariage de deux personnes de même sexe. C’est pour moi une discrimination à l’égard des couples hétérosexuels.

Par ailleurs, le projet de loi modifiant la règle du mariage au profit des couples de même sexe risque de créer des flux d’étrangers homosexuels désireux de se marier en France. L’étude d’impact, comme cela a déjà été dit, ne rassure nullement sur cet aspect, bon nombre de mes collègues l’ont relevé. Nous souhaitons des précisions sur ce point.

M. le président. La parole est à Mme Anne Grommerch, pour soutenir l’amendement n° 1069.

Mme Anne Grommerch. Madame la garde des sceaux, le Gouvernement a voulu aller très vite et faire passer ce texte dans l’urgence, sans concertation avec les Français.

M. Marc Laffineur. C’est vrai !

Mme Anne Grommerch. Résultat : nous n’avons aujourd’hui aucune étude sérieuse susceptible de nous éclairer sur l’impact qu’aura effectivement ce changement de règle. Il ne faut pas faire tout et n’importe quoi au nom du principe d’égalité qui vous est cher. Il faut savoir prendre le temps de réaliser des études d’impact, car elles sont absolument indispensables. Quelles seront les conséquences de ce changement de réglementation ? Vous ne le savez pas, nous pas davantage. Quelle est la position des autres pays qui n’adoptent pas les mêmes lois que nous en termes de mariage ? Que va-t-il se passer avec eux ? N’aurait-il pas mieux valu prendre un petit peu de temps ? (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Chers collègues, au lieu de vociférer, prenez la parole et exprimez-vous ! C’est très désagréable ! Si vous avez quelque chose à dire, prenez le micro, à moins que l’on ne vous ait interdit de prendre la parole, auquel cas dites-le !

M. Daniel Fasquelle. Où est votre liberté de parole ?

Un député du groupe SRC. On a le droit de parler !

Mme Anne Grommerch. Si vous avez le droit de parler, exprimez-vous s’il vous plaît différemment et sur des choses concrètes ! Il serait quand même beaucoup plus agréable de pouvoir débattre réellement dans cet hémicycle ! Quoi qu’il en soit, j’aimerais beaucoup pour ma part avoir une réponse de la garde des sceaux sur les conséquences réelles de cette décision. Faute de réponse aujourd’hui, je pense que nous devons supprimer l’alinéa 15.

M. Philippe Gosselin. Il s’agit d’aspects techniques et juridiques, nullement politiques !

M. Marcel Rogemont. Occupez-vous déjà de rassembler l’UMP !

M. le président. Je rappelle aux uns et aux autres que nous allons siéger ce samedi et demain dimanche. Cela vaut donc la peine de garder un peu d’énergie pour cette nuit !

M. Philippe Gosselin. Nous en avons, monsieur le président ! Merci tout de même de votre sollicitude !

M. le président. La parole est à M. Paul Salen, pour soutenir l’amendement n° 1132.

M. Paul Salen. Comme cela a déjà été dit, seuls onze pays au monde dont six en Europe ont ouvert le mariage aux homosexuels. Nous allons donc autoriser aujourd’hui deux futurs époux étrangers à venir se marier chez nous dès lors que la loi de leur pays ne permet pas cette union. Ce qui nous est proposé ici est illogique, d’autant plus que l’âge légal du mariage varie d’un pays l’autre. Pour toutes ces raisons, qui relèvent de la simple logique, nous demandons que l’alinéa 15 soit supprimé.

M. le président. La parole est à Mme Sophie Dion, pour soutenir l’amendement n° 1187.

Mme Sophie Dion. Madame la garde des sceaux, mes chers collègues, cela fait quelques jours et nuits que nous passons du temps ensemble. Malheureusement, nous sommes toujours confrontés, aujourd’hui, à deux blocs de prétendus ringards et de prétendus progressistes !

Un député du groupe SRC. Mais vous êtes vraiment des ringards !

Mme Sophie Dion. Savez-vous de quoi on parle ce matin à la radio ? D’une députée qui a pour seule idée de faire changer le nom des écoles maternelles !

M. André Schneider. Eh oui !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. On parle du Mali, aujourd’hui !

Mme Sophie Dion. Avez-vous bien entendu la réaction des Français ? Ils disent que c’est dérisoire ! Ce qui se passe aujourd’hui est dérisoire et n’est ni digne ni conforme à la vision de l’intérêt général que vous prétendez avoir. C’est vrai, monsieur le président, nous allons passer encore quelques heures ensemble et je souhaite qu’en effet nous puissions obtenir des réponses légitimes à nos questions.

Il y a ces questions de droit international, laissées sans la moindre réponse. Il y a la question de savoir quel sera le droit applicable aux unions ainsi célébrées, elle aussi sans réponse aujourd’hui. Seuls six pays en Europe reconnaissent le mariage pour des personnes de même sexe. Quelle sera la solution ? Monsieur le rapporteur a dit tout à l’heure que ce n’est pas grave et qu’il suffit de ne pas répondre. Ce n’est pas dans la loi, laissons cela à la jurisprudence ! Mais pensez-vous que tout renvoyer aux juges est une réponse suffisante, alors qu’il est question de vrais problèmes de droit civil et de droit international ?

M. le président. La parole est à M. Daniel Gibbes, pour soutenir l’amendement n° 1210.

M. Daniel Gibbes. Je voudrais profiter de l’occasion, que je n’ai pas eue hier soir, pour souhaiter à Mme la garde des sceaux un joyeux anniversaire de la part de tous les ultramarins qui siègent du côté droit de l’hémicycle et que je représente.

M. Marcel Rogemont. Nous aussi, nous les représentons ! La République est une et indivisible !

M. Daniel Gibbes. C’est un message de sympathie, chers amis, un peu d’indulgence !

Plus sérieusement, je partage la volonté de mes collègues de ce côté-ci de l’hémicycle de voir supprimer l’alinéa 15 de l’article 1er, pour les raisons qu’ils ont exposées et sur lesquelles je ne reviendrai pas. Je m’interroge en revanche sur la volonté de mes collègues de gauche. En effet, je les ai beaucoup entendus dire qu’ils n’ont fait que voter des lois et dispositifs brillantissimes. Mais pourquoi voter à nouveau des usines à gaz sur des sujets qui nous divisent, nous et plus largement les Français, au lieu d’améliorer dans un premier temps les dispositifs qui existent déjà ?

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n° 1365.

M. Jean-Frédéric Poisson. Tout d’abord, je ne vois pas très bien l’objet de la rédaction que nous proposent aujourd’hui le Gouvernement et la commission.

M. Philippe Gosselin. C’est vrai !

M. Marcel Rogemont. Vous voulez mes lunettes ?

M. Jean-Frédéric Poisson. Ou plutôt, je crois comprendre ce dont il s’agit. Pourquoi faudrait-il à tout prix faire en sorte que les couples étrangers soient concernés également par notre loi ? Je peux entendre votre logique : puisque nous sommes en route vers l’égalité triomphante à marche forcée, eh bien allons-y ! Mais pourquoi aller à ce point à l’encontre du droit international, d’un certain nombre de relations qui nous lient à d’autres pays et prendre nous-mêmes la décision de modifier unilatéralement des dispositions qui sont importantes et anciennes ?

Deuxièmement, nous voyons bien que ce projet de loi a un certain nombre de conséquences qu’au fond vous êtes incapables de maîtriser. Vous ne pouvez pas dire ce qu’elles seront, vous ne les avez même pas envisagées, ce qui vous empêche de nous dire où nous conduiront les décisions que vous prenez une fois qu’elles seront en place. Ce texte, comme celui relatif à la gestation pour autrui, même s’il est moins grave, a des répercussions sur le plan international. Nous voudrions savoir lesquelles.

M. Philippe Gosselin. Nous voulons des réponses juridiques !

M. le président. La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour soutenir l’amendement n° 1460.

Mme Véronique Louwagie. Je voudrais d’abord rappeler que l’alinéa 14 rédige ainsi l’article 202 du Code Civil : « Les qualités et conditions requises pour pouvoir contracter mariage sont régies, pour chacun des époux, par sa loi personnelle ». Je crois que nous aurions pu nous arrêter là, avec cette disposition permettant de prendre en compte la situation de tous les Français sur un plan d’égalité. Or l’alinéa 15 ajoute que la loi personnelle est écartée, ce qui me paraît très grave. Elle n’est pas écartée en fonction d’une situation de fait, mais en fonction de la situation de la personne concernée. Il y a là une discrimination importante : les Français ne sont plus égaux devant la loi.

Dans la mesure où vous avez bâti tout l’argumentaire de ce projet de loi sur l’égalité des Français, l’alinéa 15 constitue un véritable contre-argumentaire, qui remet en cause le projet de loi tel que vous le présentez.

Deuxièmement, pensez-vous que nous serions ravis si des pays voisins agissaient comme nous nous apprêtons à le faire, c’est-à-dire s’ils décidaient d’écarter la loi personnelle d’un ressortissant français pour tel ou tel motif ? La question mérite d’être posée.

Troisièmement, je souhaite moi aussi que nous obtenions une réponse très précise au sujet de l’impact, en termes de flux de personnes venant de pays étrangers pour se marier en France.

M. le président. La parole est à M. Guillaume Chevrollier pour défendre l’amendement n° 1732.

M. Guillaume Chevrollier. Aujourd’hui, les règles applicables en matière de conflit des lois, dégagées par la jurisprudence en matière de droit international privé, veulent que les conditions de fond du mariage soient déterminées par la loi personnelle de chacun des époux.

Le projet de loi dont nous débattons change la règle pour les couples de même sexe, ce qui va permettre à deux ressortissants étrangers de se marier en France. L’étude d’impact n’évalue pas la portée de cette évolution de notre droit, ce qui est inquiétant, car la France ne peut pas accueillir tous les fiancés du monde. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Bernard Lesterlin. Ce ne serait pas mal !

M. Guillaume Chevrollier. De plus, vous nous rappelez sans cesse que votre projet de loi constitue une avancée indispensable dans un domaine où la France serait en retard par rapport à beaucoup d’autres pays. Or seulement onze pays dans le monde ont légalisé le mariage homosexuel, ce qui relativise le retard dont vous faites état.

M. Philippe Gosselin. Seuls six des vingt-sept États de l’Union européenne l’ont fait !

M. Guillaume Chevrollier. Effectivement, la légalisation du mariage homosexuel ne s’est faite que dans six États européens, ainsi que dans quelques États et villes d’Amérique.

Personnellement, je n’ai jamais été un adepte de l’imitation. Chaque pays a ses lois et ses valeurs, et je ne vois pas l’intérêt de singer les autres : comme on me l’a appris, je considère qu’il est préférable de réfléchir avant de s’engager. Je vous invite donc à la réflexion, mes chers collègues, et à la préservation de notre droit en matière de mariage. Le mariage, base de notre société, doit rester l’union d’un homme et d’une femme, sans PMA ni GPA. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Camille de Rocca Serra, pour soutenir l’amendement n° 1800.

M. Camille de Rocca Serra. Monsieur le président, j’estime, moi aussi, qu’il convient de supprimer l’alinéa 15 de l’article 1er, qui ouvre trop de portes et comporte trop de risques, notamment celui de voir apparaître des flux migratoires nouveaux.

D’autres risques sont à craindre. Quel sera le sort du ressortissant étranger qui retournera dans son pays d’origine après avoir contrevenu, en France, à sa loi personnelle ? Que deviendra son union, quelle sera sa légitimité dans la durée en dehors du territoire national ?

Par ailleurs, je ne vois vraiment pas ce qui pourrait faire obstacle, à l’avenir, aux mariages blancs,…

M. Régis Juanico. Quel rapport ?

M. Camille de Rocca Serra. …qui ne sont rien d’autre que des unions sans projet de procréation, servant à masquer des flux migratoires non autorisés.

Vous êtes en train d’enlever au mariage son aspect familial concrétisé par le projet de procréation et, ce faisant, vous laissez les portes ouvertes à tous les vents. Voilà pourquoi cet alinéa 15 est dangereux. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Lamblin, pour soutenir l’amendement n° 1945.

M. Jacques Lamblin. Il est parfois bon de se fier à la sagesse populaire. En l’occurrence, je veux rappeler le dicton selon lequel l’enfer est pavé de bonnes intentions. Alors que vous défendez ce projet de loi en invoquant votre volonté de lutter contre les discriminations, pour l’égalité et la liberté, madame la ministre, avec l’alinéa 15, vous créez une discrimination. Vous instaurez ainsi une inégalité de fait entre les enfants qui ont deux papas, ceux qui ont deux mamans et ceux qui ont un papa et une maman. À la différence de certaines inégalités subies, tels le veuvage ou la séparation, vous allez bel et bien créer une inégalité organisée.

Pour ce qui est de la liberté, vous organisez les choses de façon à ce que n’importe qui puisse, avec son fric, aller acheter un bébé à l’étranger auprès d’une pauvre fille qui a besoin d’argent ! (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Bernard Roman. Arrêtez !

M. Jacques Lamblin. En fait, vous sacrifiez la liberté des uns au prétexte de préserver celle de quelques autres. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Daniel Fasquelle et M. Christian Jacob. Eh oui ! C’est bien ça !

M. le président. Un peu de silence, s’il vous plaît.

La parole est à M. André Schneider, pour soutenir l’amendement n° 2024.

M. André Schneider. Mes chers collègues, nous sommes une fois de plus au cœur du débat.

Sur la forme, je m’étonne de voir la majorité s’exprimer comme si, seule détentrice de la vérité, elle avait tous les droits, tandis que l’opposition aurait, elle, tous les torts : une telle attitude n’est pas acceptable.

Sur le fond, l’alinéa 15 n’est franchement pas au point. Pourquoi diantre voulez-vous l’imposer à toute force, alors qu’à l’évidence il comporte trop d’imprécisions ? Face à votre projet de mariage pour tous, nous avons défendu longuement, hier, notre proposition d’alliance civile – qui n’est pas dépourvue des symboles auxquels vous dites être attachés. Vous n’en voulez pas, et c’est votre droit : puisque vous êtes majoritaires, vous finirez par avoir raison ; après tout, ce n’est pas la première fois que vous affirmez avoir raison parce que vous êtes politiquement majoritaires et, avouons-le, c’est un argument qu’il nous est arrivé d’employer également.

Par ailleurs, nous avons tous à cœur de lutter contre les discriminations qui peuvent toucher les personnes homosexuelles. Mais est-il vraiment opportun de tenter de mettre fin à un type de discrimination en en introduisant d’autres ? Franchement, la sagesse parlementaire que j’évoquais hier soir devrait nous conduire à supprimer cet alinéa ou, à tout le moins, à le retravailler. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Michel Terrot, pour un rappel au règlement.

M. Michel Terrot. Je ne fais que rarement des rappels au règlement, monsieur le président, et celui-ci en est un vrai, fondé sur l’article 58, alinéa 4, de notre règlement, et ayant trait au bon déroulement de nos travaux.

L’opposition a posé un certain nombre de questions tout à fait pertinentes au sujet de l’impact de l’alinéa 15 de l’article 1er, notamment en termes de risques migratoires. Il me semble que nous ne pouvons pas aller plus avant dans la discussion sans entendre à ce sujet le principal ministre concerné, à savoir M. Valls, ministre de l’intérieur.

Je forme donc le vœu, monsieur le président, que vous usiez de votre pouvoir pour faire venir le ministre de l’intérieur devant la représentation nationale – qui, en attendant, suspendra ses travaux. Comme vous le voyez, c’est bien pour un vrai rappel au règlement que j’ai demandé la parole, monsieur le président. (Rires sur les bancs du groupe SRC. - Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Article 1er (suite)

M. le président. La parole est à M. Pierre Lequiller, pour soutenir l’amendement n° 2255.

M. Pierre Lequiller. L’étude d’impact effectuée ne nous permet pas d’apprécier les conséquences physiques et financières de l’alinéa 15 de l’article 1er.

Si nous ne sommes pas d’accord avec ce projet de loi, nous avons tout de même besoin d’obtenir des précisions sur certains points, précisions que nous attendons de la part de Mme la ministre et de M. le rapporteur afin de nous permettre de prendre des décisions objectives, en toute connaissance de cause et non dans la précipitation.

Pour ce qui est des conséquences, je m’interroge au sujet de l’adoption internationale, qui va forcément se trouver modifiée par ce texte. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe UMP.) Certains pays, qui ne reconnaissent pas le mariage homosexuel, vont refuser que des enfants de leur nationalité puissent être adoptés. Le résultat, c’est que la capacité d’adoption des couples hétérosexuels, qui s’élève actuellement à environ 2 000 enfants par an pour la France, va se trouver diminuée.

M. Bernard Roman. L’adoption, c’est après !

M. Pierre Lequiller. Peut-être, mais j’aimerais tout de même savoir si l’alinéa 15 ne va pas avoir pour conséquence de diminuer la capacité d’adoption de nos concitoyens.

M. le président. La parole est à M. Georges Fenech, pour soutenir l’amendement n° 2256.

M. Georges Fenech. Comme mes collègues de l’opposition, j’aimerais savoir, madame la ministre, comment vous justifiez cette discrimination flagrante entre couples homosexuels étrangers et couples hétérosexuels étrangers sur notre sol.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Il n’y a pas de discrimination !

M. Georges Fenech. C’est là une question essentielle, qui sera d’ailleurs nécessairement soumise, à un moment ou à un autre, au Conseil constitutionnel. Il importe donc que vous fassiez valoir dans nos débats votre justification de cette discrimination.

D’autre part, je me demande au nom de quelle légitimité internationale vous pouvez imposer au reste du monde votre vision du mariage, de la famille et de la filiation. Prétendez-vous à l’universalisme de votre vision sur ces questions fondamentales du droit des personnes ? En tout état de cause, nous attendons que vous nous éclairiez sur les conséquences de l’invraisemblable complexité juridique que vous allez créer. Tel État donnera-t-il son exequatur à tel mariage ? Quelles seront les implications des mariages homosexuels en ce qui concerne les enfants, les successions, les droits de secours, les conventions bilatérales ou internationales ? Le bricolage juridique international auquel vous vous livrez mérite des explications.

M. le président. La parole est à M. Charles de La Verpillière, pour soutenir l’amendement n° 2347.

M. Philippe Gosselin. Rappel au règlement, monsieur le président !

M. le président. Je vous donnerai la parole après M. de La Verpillière, monsieur Gosselin.

Vous avez la parole, monsieur de la Verpillière.

M. Charles de La Verpillière. L’alinéa 15 de l’article 1er montre bien, s’il en était besoin, l’incohérence totale du Gouvernement et de sa majorité. En effet, depuis le début de ce débat, vous nous expliquez que votre objectif est de créer une égalité entre les couples homosexuels et les couples hétérosexuels. Avec l’alinéa 15, on voit bien que cela n’est qu’un slogan, un faux-semblant : en réalité, vous vous empressez de recréer artificiellement une inégalité supplémentaire entre les couples hétérosexuels et les couples homosexuels.

Aujourd’hui, les règles applicables en matière de conflit des lois, dégagées par la jurisprudence en matière de droit international privé, veulent que les conditions de fond du mariage – par exemple en matière d’âge – soient déterminées par la loi personnelle de chacun des époux, c’est-à-dire la loi du pays d’origine. Or l’alinéa 15 de l’article 1er change la règle pour les couples de même sexe, et uniquement pour eux.

M. Philippe Gosselin. C’est là qu’est la discrimination !

M. Charles de La Verpillière. Un Français pourra se marier avec un ressortissant étranger du même sexe ; deux ressortissants étrangers pourront se marier en France, même dans le cas où la loi personnelle de l’un ou des futurs époux ne reconnaîtrait pas la validité d’une telle union.

Vous créez donc bien une discrimination, au regard de la possibilité de se marier, entre les couples homosexuels et les couples hétérosexuels.

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Philippe Gosselin, pour un rappel au règlement.

M. Philippe Gosselin. Depuis une demi-heure est évoquée – à juste titre car c’est le cœur de cet alinéa – la place du droit international, des conventions internationales, des accords bilatéraux et tous nous soulevons la grande indigence de l’étude impact sur ce point. Nous ne sommes pas dans le cœur du projet politique ; nous avons suffisamment combattu le projet politique lui-même – nous y reviendrons au cours d’autres séances – et le choix de société imposé par le texte. Il s’agit ici du droit et sur toutes ces questions de droit nous n’avançons pas. L’un de nos collègues vous propose d’inviter à nos travaux le ministre de l’intérieur, monsieur le président ; je pense pour ma part que c’est le ministre des affaires étrangères (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) que nous aurions besoin d’entendre à ce stade, ou même le Premier ministre. (Mêmes mouvements.)

M. Alain Tourret. Il est au Mali !

M. Philippe Gosselin. Il est au Mali, monsieur Tourret ? Dans ce cas, je propose que nous suspendions nos travaux (Rires sur les bancs du groupe SRC) pour attendre son retour, car il me paraît important qu’il soit aujourd’hui dans ce pays. Suspendons par conséquent nos travaux jusqu’à demain.

M. le président. Je vous remercie, monsieur Gosselin : j’apprécie votre volonté d’amuser l’Assemblée.

Article 1er (suite)

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Bouchet, pour soutenir l’amendement n° 2567.

M. Jean-Claude Bouchet. Nous débattons depuis plusieurs jours maintenant et poursuivrons nos débats pendant quelques jours encore sur le projet de loi portant ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe.

Ce matin, nous discutons de la possibilité d’ouvrir ce mariage aux étrangers, ce qui me paraît être une transgression. Cela permettra à certains de détourner la loi de leur pays. Il me semble qu’il s’agit d’une erreur stratégique, d’un détournement du principe de la loi que vous voulez majoritairement voter, chers collègues, et contre laquelle nous nous prononçons.

Je souhaiterais obtenir une étude d’impact plus précise sur une telle mesure. En effet, en tant que maires, nous sommes parfois témoins de mariages douteux – certains ont mentionné les mariages blancs – ou de regroupements familiaux de même nature. Je ne voudrais pas que cette disposition permette de généraliser de tels abus, car il y a des flux migratoires derrière ces pratiques. C’est la raison pour laquelle, par cet amendement, je demande la suppression de l’alinéa 15 de l’article 1er.

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à Mme Marie-Jo Zimmermann, pour un rappel au règlement.

Mme Marie-Jo Zimmermann. J’écoute avec beaucoup d’attention ce qui est dit dans cet hémicycle et je suis quelque peu surprise. Ainsi que je l’avais rappelé lors de mon intervention au cours de la discussion générale, seuls six pays de l’Union européenne ont adopté le mariage pour tous…

M. le président. Chère collègue, vous détournez la procédure. Votre intervention ne constitue en aucun cas un rappel au règlement portant sur le déroulement de la séance.

Mme Marie-Jo Zimmermann. Permettez-moi d’aller au bout de mon propos, monsieur le président. (Exclamations sur quelques bancs du groupe SRC.) Nous examinons aujourd’hui une question que l’on ne retrouve pas dans l’étude d’impact : en tant qu’État membre de l’Union européenne, la France a un devoir…

M. le président. C’est une intervention, madame Zimmermann ; votre propos ne concerne absolument pas le déroulement de la séance ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Marie-Jo Zimmermann. Pas du tout ! Laissez-moi terminer, ne m’interrompez pas ! (Nouvelles exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Philippe Gosselin. Laissez-la parler ! Quelle intolérance !

M. Alain Claeys. Ce n’est pas un rappel au règlement !

M. le président. Mes chers collègues, s’il vous plaît !

Mme Marie-Jo Zimmermann. Vous perdez du temps ! (Rires sur les bancs du groupe SRC.)

M. Philippe Gosselin. C’est de l’obstruction majoritaire !

Mme Marie-Jo Zimmermann. Je souhaiterais, à l’instar de certains de mes collègues, demander l’avis du ministre de l’intérieur et du ministre des affaires étrangères, avis que je ne retrouve pas dans l’étude d’impact.

Article 1er (suite)

M. le président. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 3257.

M. Xavier Breton. Il y a deux types d’amendements : d’une part, les amendements de fond, qui nous permettent d’exprimer la divergence de nos conceptions et, d’autre part, les amendements techniques, dont fait partie celui que je vous présente. J’espère que le Gouvernement et la majorité sortiront de leur aveuglement idéologique et que nous pourrons nous retrouver sur les points techniques.

L’amendement de suppression de l’alinéa 15 de l’article 1er souligne deux caractères du texte : son impréparation et sa prétention.

Premièrement, l’impréparation du texte tient à l’absence d’étude d’impact sérieuse. Nous l’avons notée également au cours des auditions : combien d’autorités indépendantes – à commencer par le Défenseur des droits –, d’autorités administratives, d’autorités professionnelles – celle des professions juridiques, notamment – ont alerté sur la méthode du passage en force en déplorant que ce texte n’ait pas été pensé jusqu’au bout. Il y a un manque criant d’évaluation, le texte est mal préparé.

Deuxièmement, le projet de loi est prétentieux, parce que vous êtes convaincus de détenir la vérité. Vous avez revendiqué hier être le camp du progrès. (« Oui ! » sur les bancs du groupe SRC.) Il faut s’interroger : que telle ou telle mesure marque une volonté de progrès c’est une chose, mais se présenter comme étant le camp du progrès et se prévaloir d’une telle expression en est une autre. Vous devriez faire un effort de modestie et d’humilité et relire un peu l’histoire.

Cette arrogance, vous l’imposez non seulement aux Françaises et aux Français, dont une majorité est contre l’adoption par les couples de personnes de même sexe, mais vous l’imposez aussi au monde. Vous prétendez être la lumière qui éclaire le monde, au risque de dégrader la qualité des relations de la France avec les autres pays.

M. le président. La parole est à M. Christian Jacob.

M. Christian Jacob. Plusieurs de nos collègues ont à juste titre demandé la présence des ministres qui pourraient également être directement concernés par ce sujet, que ce soit le ministre de l’intérieur, le ministre des affaires étrangères ou le ministre des affaires européennes. J’ai cru comprendre que cela pouvait causer quelques difficultés et je le mesure parfaitement. Mais nous pourrions suspendre la séance pour permettre à Mme la ministre de prendre contact avec ses collègues du Gouvernement et de nous en rendre compte à notre retour dans l’hémicycle. Ce serait très bénéfique pour la sérénité de nos débats.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à onze heures sept, est reprise à onze heures neuf.)

M. le président. La séance est reprise.

Article 1er (suite)

M. le président. La parole est à Mme Bérengère Poletti, pour soutenir l’amendement n° 3292.

Mme Bérengère Poletti. La suspension de séance était un peu courte pour nous permettre de joindre le ministre de l’intérieur et je le regrette. J’espère que nous pourrons dans la journée organiser les choses différemment.

Les conditions du mariage en France sont fondées sur la loi personnelle, qui prévaut. Aujourd’hui, madame la ministre, par votre texte, vous créez une discrimination, avec une étude d’impact d’ailleurs très insuffisante. À cet égard, monsieur le président, je m’étonne qu’avec une telle étude d’impact nous n’ayons pas de réaction de la part de nos collègues pour nous permettre d’être tous éclairés sur ce point. J’ai connu des collègues de gauche beaucoup plus présents sur les textes. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Je suis effarée de les voir aujourd’hui aussi silencieux, aussi peu questionneurs et curieux des choses. Chers collègues, vous étiez pinailleurs et demandiez sans cesse des explications aux ministres, et aujourd’hui on ne vous entend pas ! On a dû vous demander de vous taire. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Madame la ministre, je vous demande de nous expliquer pourquoi vous avez organisé une telle discrimination, où s’arrête celle-ci et ce qu’il en est pour les couples hétérosexuels.

M. le président. La parole est à M. Bernard Perrut, pour soutenir l’amendement n° 3579.

M. Bernard Perrut. Je regrette qu’hier nous n’ayons pas pu trouver ensemble une solution équilibrée fondée sur le projet d’alliance civile que nous vous avons proposé. Il aurait en effet permis d’apaiser le débat en France et d’avoir une solution équilibrée prenant en compte à la fois les attentes des couples homosexuels et les préoccupations de ceux qui sont attachés au mariage en tant qu’union d’un homme et d’une femme et prélude à la fondation d’une famille.

Quant à l’alinéa 15 que nous examinons aujourd’hui, il crée des discriminations. Vous voulez non seulement mettre en application cette réforme dans notre pays mais aussi faire en sorte que l’Europe, que le monde entier puisse bénéficier de ces règles sur le mariage homosexuel.

Mes collègues l’ont rappelé : seuls onze pays dans le monde, dont six pays européens, sont allés dans ce sens ; or vous voulez organiser une immense dérogation et faire en sorte qu’un Français puisse se marier avec un ressortissant étranger du même sexe ou que deux ressortissants étrangers du même sexe puissent se marier en France, même dans le cas où la loi personnelle d’un ou des deux futurs époux ne reconnaîtrait pas la validité de telles unions.

À mon sens, cela va à l’encontre du respect des autres pays, qui sont attachés à leurs propres valeurs, à leur propre conception du droit. Par conséquent, nous ne pouvons très clairement que nous opposer à cet alinéa 15 de l’article 1er.

M. le président. La parole est à Mme Arlette Grosskost, pour soutenir l’amendement n° 3694.

M. Hervé Mariton. Je demande une suspension de séance, monsieur le président.

M. le président. Je considérerai votre demande lorsque tous les intervenants se seront exprimés, monsieur Mariton.

M. Hervé Mariton. La suspension est de droit, monsieur le président !

M. le président. J’ai justement suspendu la séance il y a quelques instants, monsieur Mariton.

M. Hervé Mariton. Ce n’est pas correct !

M. le président. Monsieur Mariton, s’il y a quelqu’un qui ne peut pas employer l’expression « ce n’est pas correct », c’est bien vous, compte tenu du nombre de rappels au règlement que vous avez demandés et obtenus parmi les quatre-vingt-seize rappels qui ont été acceptés depuis le début de nos débats sur ce texte ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Vous avez la parole, madame Grosskost.

Mme Arlette Grosskost. Comme vient de le dire l’orateur précédent, force est de constater que vous vous entêtez à faire comprendre que la loi doit suivre les évolutions sociétales. Vous placez vos idées au rang de valeurs universelles, vous les imposez aux autres pays. C’est là votre credo et vous défendez toujours et encore le primat de l’individu sur le groupe.

Vous conviendrez toutefois qu’une autre réflexion peut exister : celle qui évite de heurter certaines consciences, celle qui privilégie le lien social et la cohésion sociale dans un climat de délitement sociétal. Je demande donc, à l’instar de mes collègues, la suppression de cet alinéa.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Louise Fort, pour soutenir l’amendement n° 3981.

Mme Marie-Louise Fort. Depuis le début de cette discussion, je suis frappée, en vous regardant, chers collègues de la majorité, de voir des physionomies fermées (Rires sur les bancs du groupe SRC) quand on parle de choses qui vous dérangent, et tout à coup de vous entendre tous ensemble rire ou ricaner, ce qui est un comportement indigne d’une grande démocratie.

Nous avons demandé d’entendre M. Valls. Il ne me semble pas que c’était incongru, car l’alinéa 15 pose problème. Vous vous gargarisez d’égalité, vous êtes heureux de cette image de « mariage pour tous ». Mais en réalité cet alinéa créera une discrimination envers les hétérosexuels. Je veux reconnaître les amours homosexuelles, mais aussi, vous me le permettrez, les amours hétérosexuelles.

En outre, que se passera-t-il lorsque deux personnes étrangères, attirées en France par cette loi sur le mariage homosexuel, voudront divorcer, de retour dans leur pays ? Je voudrais, madame la garde des sceaux, que vous répondiez à cette question.

Pour terminer sur une note plus légère, et comme mon collègue Philippe Gosselin a parlé de Las Vegas, je me réjouis que vous ayez trouvé une autre façon d’attirer les étrangers désireux de se marier. Effectivement, les Chinois ne veulent plus convoler à Tours !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Cela déclenche l’hilarité générale.

M. le président. La parole est à Mme Geneviève Levy, pour soutenir l’amendement n° 4787.

Mme Geneviève Levy. On ne dira jamais assez l’importance et la gravité des conséquences de ce projet.

M. Marc Le Fur. C’est le moins que l’on puisse dire.

Mme Geneviève Levy. L’étude d’impact ne répond pas aux questions que nous nous posons.

M. Philippe Gosselin. Elle ne répond à rien.

Mme Geneviève Levy. Le rôle d’une étude d’impact est précisément de permettre à chacun d’entre nous d’avoir une vision la plus large possible sur les conséquences d’un texte que nous étudions.

On le sait, l’adoption et le mariage ne sont pas ouverts aux personnes de même sexe dans la majeure partie des pays. Or ce texte ouvre le mariage aux personnes homosexuelles, non seulement françaises, mais aussi étrangères, avec un risque de conflit des lois.

Par ailleurs, je partage pleinement l’analyse de M. Lequiller sur la question de l’adoption. Certains États pourraient refuser de placer leurs enfants sous l’empire du droit français. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Sur cette série d’amendements identiques, je suis saisi par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Quel est l’avis de la commission sur ces amendements ?

M. Erwann Binet, rapporteur. Deux arguments ont été développés contre cet alinéa qui inscrit cette règle absolument nécessaire concernant le conflit des lois. Ils portent sur les discriminations d’une part et sur les risques de flux migratoires et de tourisme nuptial – je reprends les termes que vous avez employés – d’autre part.

Je dois avouer que je suis moins expert que vous en matière de tourisme nuptial, puisque c’est vous, mesdames et messieurs de l’opposition, qui avez créé cette notion dans notre droit, avec la loi LODEOM de mai 2009 autorisant le tourisme nuptial en Polynésie.

M. Régis Juanico. Voilà !

M. Erwann Binet, rapporteur. Je veux vous rassurer sur le fait que le conflit des lois ne concerne que les conditions de fond au mariage, qui s’attachent aux personnes, et non les conditions de forme.

M. Charles de La Verpillière. Étonnant, comme réponse ! C’est grave.

M. Erwann Binet, rapporteur. Comme vous le savez, les conditions de forme comprennent notamment l’obligation de résidence sur le territoire, pour les Français comme pour les étrangers. Il n’y a donc en aucune façon un risque de flux migratoires.

M. Hervé Mariton. Ce n’est pas ce qui est écrit dans l’étude d’impact.

M. Bernard Roman. Vous ne l’avez pas bien lue !

M. Erwann Binet, rapporteur. Par ailleurs, il ne peut pas y avoir de discriminations entre les couples hétérosexuels et les couples homosexuels. C’est un non-sujet. La loi personnelle, et c’est une évidence, ne s’oppose pas au mariage des couples hétérosexuels. Il ne peut donc y avoir discrimination à leur égard. En revanche, il y aurait discrimination si nous n’adoptions pas cette mesure : un Français pourrait alors se marier avec une étrangère, mais pas avec un étranger dont la loi personnelle s’opposerait au mariage des couples de même sexe. Il faut donc maintenir cette disposition.

M. Philippe Gosselin. Cela montre que l’ensemble du texte est mauvais !

M. Erwann Binet, rapporteur. Avis défavorable donc.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Vous avez été plusieurs à exprimer une crainte concernant des flux migratoires, certains parlant même de flux massifs. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Bernard Roman. Des hordes !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. N’avez-vous pas dit que la France ne pouvait accueillir « tous les fiancés du monde » ? Sur 7 milliards d’habitants, cela en fait quelques-uns !

M. Hervé Mariton. Ce texte n’évoque pas les fiançailles, d’ailleurs !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Vous l’avez dit vous-mêmes, quelques pays européens ont déjà ouvert le mariage et l’adoption aux personnes de même sexe.

M. Philippe Gosselin. Quelques-uns, effectivement.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je ne prends pas les pays européens comme référence pour légiférer. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Nous regardons ce qui se passe ailleurs. Le droit français s’inspire de son histoire, de ses traditions, de ses valeurs, de ses idéaux, de la connaissance et de la curiosité qu’il a sur le monde. Cela ne date pas d’aujourd’hui ! Il a même une tendance, sur la durée, à influencer les autres droits. Mais nous n’en sommes pas là !

Certains pays européens ont donc adopté un texte équivalent il y a plusieurs années et célébré des mariages. Comme la France, ils ont adopté des dispositions concernant la dérogation à l’application de la loi personnelle. Jusqu’à vos interrogations de ce matin, personne, en Belgique, aux Pays-Bas ou en Espagne, ne s’est inquiété d’une quelconque invasion.

Les conditions de droit commun concernant la résidence valent aussi bien pour les couples hétérosexuels que pour les couples homosexuels. Cela est de nature à limiter un peu le tourisme nuptial de personnes qui résideraient dans des hôtels – probablement de grands hôtels –, mais ce sont là des spéculations qui ne présentent aucun intérêt.

M. Philippe Gosselin. Cela limite un peu la cohérence de votre réponse.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Dans ces pays-là, la dérogation à la loi personnelle n’a provoqué aucun afflux migratoire.

M. Guénhaël Huet. Les Français jugeront !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je pense par ailleurs que le travail dissimulé, la connivence, la complicité entre des chefs d’entreprise et des passeurs, provoquent des flux migratoires plus importants que cette dérogation à la loi personnelle ! (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.) Il serait bon que vous vous en inquiétiez, ce que vous vous êtes assez largement privés de faire ces dix dernières années. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

Monsieur Mariton, vous nous dites que vous avez été alerté par d’éminents professionnels quant à une possible discrimination à l’égard des couples hétérosexuels. Mais il n’y a aucune discrimination ! Il n’y a pas besoin de dérogation à la loi personnelle pour les couples hétérosexuels, tout simplement parce que, dans la plupart des démocraties du monde, le mariage hétérosexuel figure dans le droit.

M. Guénhaël Huet. Quel angélisme !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Pour ce qui est des couples homosexuels, la dérogation à la loi personnelle signifie que le droit français s’appliquera. Reconnaissons que, pour les libertés, le droit français est protecteur. Ainsi, en dérogation à la loi personnelle, les conditions d’âge ne doivent pas permettre un mariage en deçà de 18 ans et le consentement est obligatoire – cela nous change du mariage forcé ! Nous avons toutes les raisons de nous réjouir d’avoir pensé à introduire cette disposition dans notre texte.

M. Bernard Roman. Très bien !

M. Guénhaël Huet. C’est le meilleur des mondes.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je rappelle à nouveau que les conditions de résidence sont impératives.

Vous prétendez que nous aurions de l’arrogance à imposer au reste du monde notre vision des choses et notre droit. C’est ignorer totalement la hiérarchie des normes. Que cela soit inscrit ou non dans la loi, les traités internationaux, les conventions internationales, les conventions multilatérales ou bilatérales s’imposent au droit interne.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Exactement !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Vous ne pouvez donc nous accuser de prétendre imposer notre droit au reste du monde ou d’introduire unilatéralement une modification dans les traités internationaux. C’est tout simplement impossible du point de vue du droit !

M. Bernard Roman. Article 55 de la Constitution.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Par conséquent, il n’y a aucune modification, aucune remise en cause.

M. Philippe Gosselin. C’est donc du droit cosmétique !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Il existe exactement treize conventions bilatérales qui précisent qu’il ne peut y avoir de dérogation à la loi personnelle. Indépendamment des dispositions inscrites dans notre droit, ces treize conventions s’imposeront. Pour ces ressortissants-là, la dérogation à la loi personnelle ne pourra pas fonctionner.

Je dois vous avouer qu’en vous écoutant, il m’est revenu une très belle pensée de René Char : « Imite le moins possible les hommes dans leur énigmatique maladie de faire des nœuds ». (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

M. Philippe Gosselin. Voilà une énigmatique façon de répondre !

M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton.

M. Hervé Mariton. Monsieur le président, lorsque le président de notre groupe a demandé une suspension de séance, la première de la journée, vous l’avez généreusement accordée pour deux minutes. Je ne suis pas certain qu’il soit fréquent, ni heureux pour le déroulement de nos travaux, que la toute première demande de la journée reçoive une telle réponse.

M. le président. Monsieur Mariton, depuis le début de nos travaux, il y a eu dix-sept suspensions de séance.

M. Hervé Mariton. Ce n’est pas grand-chose !

M. le président. Un minimum de cohérence s’impose. Comme il restait trois interventions avant de clore l’examen des 103 amendements identiques, j’ai pensé qu’il était bon d’aller au bout de cette discussion. Après ce vote, nous suspendrons la séance pendant cinq minutes afin que les uns et les autres puissent reprendre leurs esprits.

M. Hervé Mariton. Les demandes de suspension sont de droit. Je ne sais pas sur quelle base vous vous fondez pour les refuser.

M. le président. Je viens de vous l’expliquer.

M. Hervé Mariton. Je parle du règlement, monsieur le président, qui nous engage tous.

Ce qui me frappe, madame la ministre, c’est qu’il y a en effet un problème de nœuds ! Les propos que nous avons entendus révèlent des contradictions évidentes entre le Gouvernement et la commission. Tandis que le rapporteur nous dit qu’il n’y a aucune conséquence sur les flux migratoires, la ministre, elle, accepte de considérer le sujet et parle, comme elle l’avait fait en commission, de conséquences qui ne seront pas considérables, sans contester, donc, que cette disposition aura des effets. Le problème, c’est que nous n’avons aucune évaluation sérieuse. C’est là le premier nœud : un rapporteur qui dit une chose, une ministre qui en dit une autre, ce qui n’éclaire pas l’Assemblée.

Par ailleurs, si tout ceci était aussi limpide, je ne comprends pas pourquoi il existe, pour l’alinéa 15, une rédaction du Gouvernement, qui possède sa propre cohérence, et une rédaction de la commission, qui s’en écarte significativement, ce qui constitue une seconde contradiction.

M. Bernard Roman. Mais non ! C’est ridicule !

M. Hervé Mariton. Je répète que les carences de l’étude d’impact quant à cet article sont invraisemblables ! Votre évaluation ne nous propose aucune réponse solide en matière de coût pour les finances publiques. Nous n’avons aucune donnée chiffrée ; le rapporteur se contente d’un « Circulez, il n’y a rien à voir ! ». Silence. De manière plus intelligente, le Gouvernement admet le problème (Protestations sur les bancs du groupe SRC), mais reconnaît qu’il n’est pas capable de l’évaluer.

Comment, dans ces conditions, pouvez-vous penser que nous ne présentions pas notre amendement ? Au-delà des clivages entre la majorité et l’opposition, c’est un amendement de salubrité publique, qui fait en sorte que la loi que nous votons soit cohérente, claire, et que le Parlement puisse se prononcer de manière rationnelle. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Bernard Roman. Ça patauge !

M. le président. La parole est à Mme Marie-Anne Chapdelaine.

Mme Marie-Anne Chapdelaine. Je voudrais revenir sur une phrase qui m’a choquée : « La France ne peut pas accueillir tous les fiancés du monde. » Mais de quoi avez-vous peur ? De hordes de fiancés qui viendraient nous envahir ? Soyons raisonnables ! Il s’agit juste de permettre le mariage à des personnes, dont certaines sont persécutées dans leur pays du fait de leur orientation sexuelle. Ces personnes, vous êtes les premiers à les défendre, mais lorsqu’elles sont ailleurs et qu’on ne les voit pas ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Laissons-les donc se marier.

Je ne peux par ailleurs m’empêcher de faire un parallèle avec ce qui se passait sous le précédent gouvernement. Lorsque des enfants étaient en centre de rétention, derrière des barbelés, ça ne vous choquait pas, et vous n’aviez que faire du droit des enfants ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Vous n’étiez pas là pour invoquer les droits de l’homme, alors qu’il aurait suffi, comme l’a fait Manuel Valls, d’assigner les parents à résidence dans un hôtel.

Qui défend le droit des enfants ? Vous ne cessez de le revendiquer depuis le début de nos discussions, mais qui a défendu le droit de ces enfants-là ? Ou y aurait-il, selon vous, de bons et de mauvais enfants ? De bons et de mauvais homosexuels ? (Mêmes mouvements.)

Je vous le dis, je suis fière de cet alinéa, qui permettra à des personnes persécutées – l’homosexualité est encore un délit dans certains pays – de pouvoir se marier. (Mêmes mouvements.)

M. le président. La parole est à M. Daniel Fasquelle.

M. Daniel Fasquelle. Je voudrais vous donner lecture de quelques extraits d’une étude, réalisée par un professeur de droit de Lyon-III, Hugues Fulchiron, qui va vous prouver que nos critiques, notamment sur le plan technique, sont partagées par beaucoup, y compris par des gens sans engagement politique. « Cette règle, écrit-il, qui serait applicable aussi bien à la célébration en France d’un mariage entre personnes de même sexe qu’à la reconnaissance en France des unions célébrées à l’étranger pose autant de problèmes qu’elle en résout. Elle risque surtout de multiplier les mariages boiteux. » Voilà ce que disent les universitaires qui s’intéressent à votre projet…

M. Marcel Rogemont. Un universitaire, pas les universitaires !

M. Bernard Roman. Il est seul et il n’est pas bien grand !

M. Daniel Fasquelle. Dès que l’on présente une objection à vos positions, vous vous mettez à vociférer. Prenez donc la parole, monsieur Roman, au lieu de nous invectiver en permanence. Ce n’est pas digne d’un questeur !

Cet universitaire ajoute : « Une des principales critiques que l’on peut faire à l’article 202-1, tel que proposé, est de vouloir traiter par une seule règle deux questions différentes, celle de la célébration du mariage par une autorité française et celle de la reconnaissance en France des mariages célébrés à l’étranger. » Puis : « Par ailleurs, on peut s’interroger sur l’opportunité d’édicter une règle spécifique pour le mariage entre personnes de même sexe et surtout de faire intervenir, directement ou indirectement, l’ordre public pour en assurer la validité. » Il se demande enfin si la solution passe par une harmonisation au niveau européen des règles de compétences législatives et de reconnaissance – ce qui nous conforte dans le souhait que nous exprimions d’avoir ici ce débat, en présence du ministre des affaires européennes. « Encore faudrait-il, conclut-il, que les États s’abstiennent d’ici là de tout dumping législatif, tendant à imposer aux autres États leurs choix législatifs en matière familiale. Ne peut en résulter qu’incertitudes pour les couples et insécurité pour les tiers. Quant aux enfants… » Cela confirme bien que vous êtes définitivement fâchés avec les règles du droit international privé, qu’il s’agisse de la circulaire sur la gestation pour autrui ou de cette disposition.

M. le président. La parole est à Mme Marie-George Buffet.

Mme Marie-George Buffet. Chers collègues, pendant cinq ans, vous avez sans cesse invoqué les flux migratoires et la peur des immigrés. Vous nous avez parlé de mariage blanc, puis de mariage gris, pour jeter la suspicion sur des hommes et des femmes qui s’aimaient, même s’ils n’étaient pas de la même origine ou du même pays.

Aujourd’hui, vous nous parlez de tourisme matrimonial et conjugal, et nous expliquez que l’on ne peut accueillir tous les fiancés du monde. C’est-à-dire qu’à la peur de l’étranger vous ajoutez la peur de l’homosexuel étranger. De pareils discours sont réellement très inquiétants.

M. Philippe Gosselin. L’amalgame est bien fait !

Mme Marie-George Buffet. Mme la ministre vous a répondu avec beaucoup de force, en prenant l’exemple des pays qui ont déjà ouvert cette liberté au mariage, sans que cela provoque d’afflux migratoire.

Ne pourriez-vous donc pas prendre les choses dans l’autre sens et considérer qu’il est formidable que notre pays, la France, à travers cette loi, donne à voir au monde entier sa conception de la liberté et de l’égalité ? Ne pouvez-vous pas penser un instant que le vote de cette loi et le fait que des hommes et des femmes venus d’ailleurs se marient chez nous va montrer au monde que l’on peut vivre autrement que dans la répression et le harcèlement des homosexuels ? La France peut rayonner comme elle l’a fait sur d’autres sujets touchant à la liberté et à l’égalité : saisissez-vous de cette chance au lieu de nous faire peur ! (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

M. le président. La parole est à M. Édouard Fritch.

M. Édouard Fritch. Je voudrais rebondir sur l’intervention de notre rapporteur, qui parlait de tourisme nuptial en Polynésie française. C’est aussi le cas en Nouvelle-Calédonie et dans d’autres collectivités d’outremer. Nous sommes en effet « victimes » d’une demande forte de couples japonais et asiatiques qui souhaitent se marier les pieds dans l’eau. Il a bien fallu adapter les règles du mariage à ces personnes, car il s’agit naturellement pour la Polynésie d’un enjeu économique, dans la mesure où le tourisme est la première ressource de nos territoires.

Notre discussion d’aujourd’hui a le mérite de mettre en lumière la rigidité de notre droit, que nous sommes obligés d’adapter pour répondre à la demande de ces personnes. Nous avons parlé de l’alliance ou de l’union civiles, pourquoi ne pas créer un dispositif spécifique pour ces personnes, qui ne viennent pas chez nous pour bénéficier des droits français mais pour des raisons purement touristiques ? Le sujet mérite que l’on y réfléchisse.

M. le président. La parole est à M. Patrick Ollier.

M. Patrick Ollier. J’ai entendu s’exprimer avec talent Mme Chapdelaine et Mme Buffet. Même si ce n’est pas le cas, admettons que nous soyons tous d’accord avec leurs envolées politiques et lyriques ; ce qui m’importe, c’est le droit : nous sommes ici réunis pour faire la loi.

Le rapporteur a répondu à M. Mariton sur des problèmes de forme, il n’a pas répondu sur le fond. Or nous voudrions des réponses au fond. Nous posons des questions de droit et voudrions avoir des réponses en droit, pas des réponses politiques.

J’ignore si M. René Char était spécialiste des nœuds gordiens, mais nous avons en droit un nœud gordien, madame la garde des sceaux. Comment allons-nous le dénouer ? Vous avez certes fait état des conventions internationales, mais seuls seize États font partie de la Commission internationale de l’état civil, et six États européens seulement sur vingt-sept ont un régime matrimonial identique. Partant, cet alinéa va évidemment ouvrir des conflits de droit.

Je souhaite donc que le Conseil constitutionnel puisse étudier ce problème avec sérieux, et je vous renvoie aux pages 28 et 29 du rapport, qui traitent des aspects internationaux de la question, détaillent les procédures étrangères mais ne font nulle mention des conséquences qu’aura le texte, notamment en termes de « mariages boiteux », comme le disait M. Fasquelle.

Monsieur le rapporteur, je vous ai vu tout à l’heure opiner du chef lorsqu’on a abordé ce problème. Nous aimerions donc connaître votre avis et celui du Gouvernement sur les conséquences en termes d’immigration de cette disposition qui risque de faciliter les mariages blancs.

M. Philippe Gosselin. Vraie question !

M. le président. La parole est à M. Olivier Dussopt.

M. Olivier Dussopt. Quelques mots pour expliquer pourquoi nous allons rejeter ces amendements. La garde des sceaux a rappelé la hiérarchie des normes d’abord, le fait ensuite que les conditions de résidence continuent à s’appliquer, le fait enfin que ces mariages devront nécessairement intégrer dans le couple une personne de nationalité française, contrairement à ce que certains intervenants ont laissé entendre.

Au-delà, nous souhaitons une dérogation à la loi personnelle pour la bonne et simple raison que vous ne trouverez aucun pays dans le monde où le mariage hétérosexuel et l’hétérosexualité soient condamnés ou prohibés. En revanche, aujourd’hui certains pays prohibent et condamnent l’homosexualité, parfois passible de la peine de mort. C’est la raison principale qui motive notre volonté d’instaurer une dérogation à la règle de la loi personnelle – soit dit en passant, la règle de la loi personnelle fait déjà l’objet de dérogations dans bien d’autres pays et sur bien d’autres sujets –, pour les personnes qui vivent sur notre sol et doivent pouvoir bénéficier des mêmes droits.

Vos amendements témoignent d’une forme de peur.

M. Jean-Frédéric Poisson. Ça recommence !

M. Olivier Dussopt. Trente ans après, la peur des chars russes a été remplacée par la peur des chars de la Gay Pride. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Philippe Gosselin. La peur du char de l’État conduit par une telle majorité !

M. Olivier Dussopt. Vous rêvez sans doute de cortèges de voitures enrubannées en train de klaxonner à nos frontières, en attendant de se précipiter dans nos salles de mariage.

Un amendement identique à celui que vous venez de défendre à de nombreuses reprises a été déposé par les députés d’extrême droite qui, absents, vous ont laissé le soin de le défendre. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean-François Copé. Ce n’est pas acceptable !

M. Olivier Dussopt. Tout ceci témoigne d’une peur et d’un rejet de l’autre. Des expressions comme « flux d’étrangers », « tourisme nuptial », « afflux d’immigration » établissent un lien entre les positions que vous avez défendues à l’occasion des textes sur l’immigration et celles que vous manifestez aujourd’hui à propos du mariage pour tous. (Protestations sur les mêmes bancs. – Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Philippe Gosselin. Agitateur !

M. Patrick Ollier. Provocateur !

M. le président. La parole est à M. Sergio Coronado.

M. Sergio Coronado. Je pensais que la nuit apporterait repos et sérénité, mais j’ai l’impression que mes collègues de l’opposition sont en pleine confusion puisque hier Mme Schmid, députée des Français de l’étranger, a présenté un amendement allant dans notre sens, qui visait non pas à favoriser le tourisme nuptial et l’arrivée massive d’homosexuels étrangers en France, mais à défendre une liberté fondamentale en permettant à tout Français, lorsqu’il n’habite pas en France, de se marier avec quelqu’un dont la loi personnelle l’en empêche.

Les situations dont nous parlons sont parfois dramatiques. Comme l’a rappelé mon collègue Dussopt, l’homosexualité est passible de poursuites pénales dans beaucoup de pays du monde, voire de la peine de mort dans certains d’entre eux. La disposition que ces amendements proposent de supprimer ne vise pas à ouvrir les frontières. Je peux vous rassurer, et c’est d’ailleurs l’une des raisons de l’amendement du groupe écologiste : quand on souhaite venir en France pour s’y marier, les consulats ne facilitent pas la vie de quiconque, que l’on soit homosexuel ou hétérosexuel. Aucune tentative n’est faite, même sous ce gouvernement, et en tout cas pas par Manuel Valls, pour faciliter la liberté de circulation de nos concitoyens et de leurs futurs conjoints.

L’amendement qui a été adopté en commission à l’initiative du rapporteur vise simplement à garantir une liberté, celle qu’a tout Français de contracter un mariage. Si vous souhaitez qu’un couple homosexuel soit dans la même situation qu’un couple hétérosexuel, il s’agit simplement d’assurer cette liberté-là. C’est aujourd’hui une réalité : il y a énormément de Français qui résident à l’étranger ou qui souhaitent se marier avec quelqu’un qui n’a pas la nationalité française. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.)

M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix les amendements identiques nos 3292, 3579, 3694, 3981 et 4787.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 335

Nombre de suffrages exprimés 335

Majorité absolue 168

(Les amendements identiques nos 3292, 3579, 3694, 3981 et 4787 ne sont pas adoptés.)

(Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

M. le président. La parole est à M. Christian Jacob.

M. Christian Jacob. Monsieur le président, je vous ai demandé tout à l’heure une suspension de séance. Vous m’avez accordé une suspension d’une minute, qui ne permettait pas à mon groupe de se réunir. Je vous demande maintenant une vraie suspension de séance, pour pouvoir réunir mon groupe dans des conditions normales.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à onze heures cinquante, est reprise à douze heures.)

M. le président. La séance est reprise.

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Marc Le Fur, pour un rappel au règlement.

M. Marc Le Fur. Le propre d’un débat parlementaire, c’est qu’il doit aboutir à la clarté ; or, pour moi, les choses ne sont pas claires.

M. Régis Juanico. Comme d’habitude !

M. Marc Le Fur. M. Dussopt nous dit que deux personnes homosexuelles étrangères ne pourront pas contracter mariage sur notre sol.

M. Bruno Le Roux. Ce n’est pas un rappel au règlement !

M. Marc Le Fur. Il suffit pourtant de lire le texte tel qu’il est rédigé : « Toutefois, deux personnes de même sexe peuvent contracter mariage lorsque, pour au moins l’une d’elles, soit sa loi personnelle, soit la loi de l’État sur le territoire duquel elle a son domicile ou sa résidence le permet.… »

M. le président. Monsieur Le Fur, il s’agit d’un détournement de la procédure ; votre intervention n’est pas un rappel au règlement et je me dois de vous couper la parole.

Article 1er (suite)

M. le président. Sur le vote de l’article 1er, je suis saisi par le groupe SRC d’une demande de scrutin public. Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée.

La parole est à M. Sergio Coronado, pour soutenir l’amendement n° 2065.

M. Sergio Coronado. J’espère bien que des étrangers qui vivent légalement en France pourront célébrer leur mariage s’ils le souhaitent ; je ne vois pas pourquoi on leur interdirait de passer devant le maire, monsieur Le Fur.

Cet amendement vise à interpeller le Gouvernement sur une question évoquée hier par Mme Schmid. La situation internationale n’est pas toujours très favorable aux unions de couples de personnes de même sexe, l’homosexualité restant même passible de la peine de mort dans certains pays. Il s’agit donc d’écarter la loi nationale pour permettre la célébration de mariages impliquant une personne de nationalité française non-résidente en France, ce qui est le cas des Français de l’étranger que nous représentons ici.

J’ai bien lu l’amendement de notre collègue Corinne Narassiguin, mais il ne règle pas tous les problèmes : certaines situations sont tout à fait particulières, concernant des Français qui vivent depuis plusieurs générations à l’étranger et qui, n’ayant pas de résidence en France, ne peuvent par conséquent pas revenir aussi facilement.

De plus, contrairement à ce que prétend l’opposition, la politique migratoire de la France demeure très difficile, même, aujourd’hui, pour des couples hétérosexuels qui souhaitent se marier, puisque les consulats ne délivrent pas facilement un visa pour aller célébrer un mariage ou un visa long séjour pour quelqu’un qui a déjà pu faire valoir son mariage auprès du consulat.

Il s’agit donc simplement d’obtenir des réponses très précises sur cette question de la part du rapporteur ou de la garde des sceaux afin de s’assurer que les agents consulaires puissent partout célébrer des mariages qui engagent un Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Erwann Binet, rapporteur. Le souci de M. Coronado rejoint celui exprimé par Mme Schmid, le même que fera valoir tout à l’heure Mme Narassiguin. Votre amendement présente des difficultés juridiques, car sa rédaction est sans doute contraire à l’article 5 de la Convention de Vienne sur les relations consulaires : celui-ci précise que « les fonctions consulaires consistent à (…) agir en qualité de notaire et d’officier d’état civil et exercer des fonctions similaires, ainsi que certaines fonctions d’ordre administratif, pour autant que les lois et règlements de l’État de résidence ne s’y opposent pas ».

J’ajoute que l’amendement de Mme Narassiguin répond très largement à votre inquiétude puisqu’il vise à étendre la possibilité pour les Français installés à l’étranger de se marier dans la commune de la dernière résidence ou, à défaut, dans une commune de leur choix. (Murmures sur les bancs du groupe UMP.)

Pour cette raison, je vous suggère de retirer votre amendement, faute de quoi la commission émettra un avis défavorable.

M. le président. Retirez-vous votre amendement, monsieur Coronado ?

M. Sergio Coronado. Après discussion avec les collègues de mon groupe, même si l’amendement de notre collègue socialiste ne répond qu’en partie à la question que nous posons, nous avons décidé de retirer notre amendement. Mais nous resterons très vigilants sur ce sujet, qui d’ailleurs sera de nouveau examiné dans le cadre de la réforme de la loi CESEDA. Il s’agit pour nous d’assurer la liberté de se marier pour les Français de l’étranger.

(L’amendement n° 2065 est retiré.)

M. le président. La parole est à M. Alain Tourret, pour soutenir l’amendement n° 4353.

M. Alain Tourret. Cet amendement important vise à substituer au régime de la communauté réduite aux acquêts le régime de la séparation de biens comme régime matrimonial de droit commun. Avec le PACS, en 1998, nous avions opté pour le régime de l’indivision. Or on s’est rendu compte que ce régime présentait d’extraordinaires difficultés au moment de sa liquidation en cas de séparation. Le régime de la séparation de biens a dès lors prévalu pour le PACS.

Si bien qu’actuellement, quand deux personnes homosexuelles pacsées décident de se marier, elles passent du régime de la séparation de biens, régime de plein droit, à celui de la communauté réduite aux acquêts. Or j’estime, en particulier pour les femmes, qu’il s’agit d’une régression : la protection, ce n’est pas la communauté réduite aux acquêts, c’est la séparation de biens. On le voit bien, en cas de déconfiture du mari, dans le cas de la communauté réduite aux acquêts, qui permet de poursuivre sur les biens du ménage.

C’est pourquoi j’ai pensé qu’il serait bon d’établir la séparation de biens comme régime de droit commun. On me répondra qu’il est possible, naturellement, dans le cadre du mariage, de passer un contrat de mariage. Mais vous savez très bien que ce n’est le cas, en moyenne, qu’une fois sur dix – j’ai procédé à toutes les vérifications dans un certain nombre de mairies – et la plupart des personnes qui se marient choisissent le régime de droit commun parce que c’est plus simple et parce que passer devant le notaire coûte de l’argent.

Aussi, en termes de liberté comme de protection des femmes, faire de la séparation de biens le régime de droit commun serait un grand progrès.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Erwann Binet, rapporteur. Nous avons déjà eu cette discussion en commission et nous connaissons votre motivation sur le sujet, monsieur Tourret. Reste que votre amendement ne répond pas à une demande des Français. Nous savons tous ici que le régime de droit commun est très largement adopté par nos compatriotes alors qu’ils ont la possibilité de choisir un autre régime.

Adopter cet amendement conduirait à introduire une confusion, sans doute, dans la manière d’appréhender la vie de couple. En effet le régime de la communauté correspond aussi au sens, à la logique du couple marié, qui s’engage à une communauté de vie et donc à une contribution commune aux charges du foyer et aux acquisitions.

Enfin, le présent texte prévoit le mariage pour les couples de personnes de même sexe et votre amendement va très largement au-delà, il est « hors champ » a-t-il semblé à la commission qui l’a donc repoussé.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. La question que vous posez, monsieur le député, est tout à fait légitime et j’entends bien votre souci de vouloir protéger au mieux les deux époux et en particulier les femmes. Il n’en demeure pas moins vrai que vous entendez modifier les régimes matrimoniaux et que, dans le cadre du présent texte, votre amendement, pour reprendre l’expression du rapporteur, est hors champ. Néanmoins, j’entends bien votre interrogation qui pourrait être abordée lors de l’examen de la future loi sur la famille.

M. Philippe Gosselin. Oh là, la fameuse loi famille !

M. Jean-Marie Sermier. Je crains le pire !

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Je vous suggère par conséquent de retirer votre amendement. À défaut, le Gouvernement émettra un avis défavorable.

M. le président. Maintenez-vous votre amendement, monsieur Tourret.

M. Alain Tourret. Je suis conscient qu’il y a un risque de cavalier législatif. Compte tenu de l’engagement du Gouvernement de reprendre cette question lors de la discussion de la loi famille, je considère que mon amendement était un amendement d’appel et je le retire. (Applaudissements sur les bancs des groupes RRDP, SRC et écologiste.)

(L’amendement n° 4353 est retiré.)

M. le président. Dans les explications de vote sur l’article 1er, la parole est à M. Philippe Gosselin, pour le groupe UMP.

M. Philippe Gosselin. Avec cet article, nous sommes au cœur…

M. Marcel Rogemont. Vous, vous n’avez pas de cœur !

M. Philippe Gosselin. …du projet de transformation important de la société souhaité par le Gouvernement et la majorité. Nous avons essayé, en toute bonne foi, tenant compte des évolutions de la société, de rassembler, autour d’un projet d’alliance, d’union, qui avait l’assentiment d’une large partie de nos concitoyens. La majorité, pour des raisons politiques…

M. Marcel Rogemont. Et votre proposition d’alliance, elle n’avait aucun fondement politique ?

M. Philippe Gosselin. …– et le rapporteur l’a reconnu à plusieurs reprises : il n’y avait aucune discrimination au sens juridique, cela a été dit et redit, dans notre proposition –, a fait un choix de société que nous ne partageons pas.

Une fois encore, nous voudrions dénoncer l’effet de domino ; voilà pourquoi nous avons lutté contre cet article 1er : aujourd’hui le mariage, l’adoption – encore que le titre du projet de loi n’y fasse nullement référence –, demain la procréation médicalement assistée (Protestations sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP)

M. Nicolas Bays. Mensonge !

M. Philippe Gosselin. …et la question, toujours pendante, des mères porteuses. (Mêmes mouvements.)

M. Nicolas Bays. Menteur !

M. le président. Je vous en prie, mes chers collègues.

M. Philippe Gosselin. La concomitance de nos débats avec la publication d’une circulaire autorisant implicitement la gestation pour autrui (« Faux ! » et vives exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR) est la démonstration qu’il y a une vraie ambiguïté, une ambiguïté que le Gouvernement entretient. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP. – Protestations sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

M. le président. La parole est à M. Alain Tourret, pour le groupe RRDP, toujours dans le cadre des explications de vote sur l’article 1er.

M. Alain Tourret. Nous apportons notre soutien total à l’adoption de cet article.

M. Henri Jibrayel. Bravo !

M. Alain Tourret. C’est l’article majeur de ce texte. Le projet d’alliance de l’opposition aurait provoqué des complications sans fin…

M. Christian Jacob. Ce n’est pas le cas de la GPA ?

M. Alain Tourret. …car elle créerait un nouveau système alors nous avons une volonté de simplification et d’unité de deux systèmes : celui prévu pour les homosexuels et celui prévu pour les hétérosexuels.

Enfin, je ne peux admettre la référence permanente à la GPA que nous-mêmes condamnons totalement, et contre laquelle j’ai demandé que la France prenne un certain nombre d’initiatives sur le plan international.

Nous voterons donc sans la moindre hésitation l’article 1er. (Applaudissements sur les bancs des groupes RRDP, SRC, écologiste et GDR.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-George Buffet, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

Mme Marie-George Buffet. C’est un moment important que nous allons vivre dans quelques secondes. Alors que nos collègues de l’opposition nous proposent une sorte de sous-mariage avec leur projet d’alliance civile, en votant l’article 1er, nous allons ouvrir, de façon pleine et entière…

M. Philippe Gosselin. La GPA !

Mme Marie-George Buffet. …le mariage à tous les hommes et à toutes les femmes qui le souhaitent. C’est un grand moment. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, SRC, écologiste et RRDP.)

M. le président. La parole est à Mme Corinne Narassiguin, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

Mme Corinne Narassiguin. Le vote sur l’article 1er, auquel nous allons procéder, est historique… (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Daniel Fasquelle. Ouvrir la porte à la PMA et à la GPA, c’est historique, vous avez raison !

M. le président. Monsieur Fasquelle, s’il vous plaît !

Mme Corinne Narassiguin. …puisque cet article ouvre le mariage aux couples de personnes de même sexe.

C’est pour voter cet article que nous sommes tous réunis et mobilisés, en ce samedi matin. Nous avons bien entendu les arguments développés par l’opposition, d’abord pour supprimer cet article, puis pour inventer une nouvelle alliance, qui ferait des homosexuels une catégorie à part. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Selon nous, il ne peut pas y avoir d’égalité dans la séparation. Nous voulons que tous les citoyens soient véritablement égaux devant le code civil, quelle que soit leur orientation sexuelle, et c’est bien l’objet de cet article.

M. Jacques Lamblin. Et les droits des enfants ?

Mme Corinne Narassiguin. C’est donc avec conviction et enthousiasme que le groupe SRC s’apprête à voter cet article dans les minutes qui viennent. (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs des groupes SRC, GDR, écologiste et RRDP.)

M. le président. La parole est à M. François Rochebloine, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

M. François Rochebloine Vous ne serez pas surpris d’entendre que la très grande majorité du groupe UDI s’opposera à l’article 1er de ce projet de loi. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Thomas Thévenoud et M. Nicolas Bays. Où est M. Borloo ?

M. François Rochebloine. J’ai dit « la très grande majorité » ! Nous, nous avons la liberté de vote, et vous, vous ne l’avez pas ! C’est cela qui importe ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Nous vivons un moment historique, comme vous venez justement de le dire ! C’est absolument inacceptable !

M. le président. Du calme, du calme !

M. François Rochebloine. Tout a été dit, et bien dit, tout à l’heure. (« Borloo ! Borloo ! » sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. S’il vous plaît ! Où vous croyez-vous ?

M. François Rochebloine. Merci, monsieur le président. Étant agressé, il était normal que je réponde.

M. le président. Bien, maintenant retrouvez votre calme.

M. François Rochebloine. Je suis très calme, monsieur le président, je vous remercie.

Je crois que la démonstration vient d’être faite que la majorité refuse de nous écouter. Elle nous reproche d’avoir déposé trop d’amendements : je rappellerai simplement aux plus anciens d’entre nous qu’il est déjà arrivé, sur d’autres projets de loi, que de très nombreux amendements soient déposés, et les choses se sont passées de la même manière. Monsieur le président, vous êtes bien placé pour le savoir. Si seulement la majorité pouvait nous écouter et prendre en considération les éléments qu’ont apportés nos amis de l’UMP et notre collègue Jean-Christophe Fromantin !

Notre position est très claire : ne vous en déplaise, la très grande majorité de l’UDI, qui reconnaît la liberté de vote, rejettera l’article 1er. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. S’il vous plaît ! C’est un moment important, qui nécessite un peu de calme.

La parole est à M. Sergio Coronado, pour le groupe écologiste.

M. Sergio Coronado. C’est en effet un moment important, monsieur le président. L’article 1er constitue le cœur de ce projet de loi ouvrant le mariage civil et l’adoption aux couples de personnes de même sexe. C’est donc avec beaucoup de fierté que nous pouvons procéder au vote de cet article.

Nous avons beaucoup débattu, mais je voudrais dire aux collègues de l’opposition qu’il aurait sans doute été plus sage et plus intéressant de débattre de cet article, plutôt que de dispositions telles que la PMA et la GPA, qui ne figurent pas dans le projet de loi qui vous est soumis aujourd’hui. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Puisque la GPA vous intéresse beaucoup, vous pourriez, comme je vous l’ai déjà suggéré hier, prendre langue avec les vingt et un sénateurs de l’UMP et du centre qui ont déposé une proposition de loi sur ce sujet. L’Assemblée nationale pourrait même prendre l’initiative de lancer une mission d’information commune sur ce débat qui semble vous passionner. Je crois effectivement que cette question mérite que l’on s’y attarde et que l’on en discute de manière raisonnable.

J’ai compris que ce qui nous différencie…

M. Philippe Gosselin. La GPA ?

M. Sergio Coronado. Alors que vous n’avez pas cessé, au cours de ces débats, de faire référence à la loi naturelle, permettez-moi de vous dire que, pour notre part, nous lui préférons la volonté des hommes, l’État de droit, et donc l’égalité des droits. (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste, SRC, RRDP et GDR.)

Comme je sais qu’il peut nous arriver, à nous aussi, de tomber dans la caricature, je veux croire que dans la France de 2013, l’opposition a plutôt le visage d’un Franck Riester, d’un Jean-Louis Borloo, même s’il n’est pas présent sur nos bancs, ou d’un Benoist Apparu. C’est la réalité de ce pays : ce ne sont pas ceux qui se font les apôtres de la loi naturelle et de l’inégalité entre hétérosexuels et homosexuels qui représentent ce pays.

M. Christian Jacob. Et ceux qui, chez vous, voudraient voter contre, où sont-ils ?

M. Sergio Coronado. C’est donc avec la plus grande détermination que nous voterons l’article 1er, qui constitue le cœur de ce projet de loi.

Je tenais, pour finir, à féliciter mesdames les ministres, qui sont là depuis le début, pour la détermination dont elles ont fait preuve. Je crois, chers collègues, que nous pouvons être fiers de ce vote. (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste, SRC, GDR et RRDP.)

M. le président. Nous allons justement entendre le Gouvernement.

La parole est à Mme Dominique Bertinotti…

M. François Rochebloine. Ministre « de la famille »…

M. Hervé Mariton. Ministre des familles !

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée chargée de la famille. Nous vivons un moment important et je sais qu’en adoptant cet article, vous allez dire non aux peurs qui sont véhiculées depuis quarante-huit heures. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Hervé Mariton. Enfin !

M. Camille de Rocca Serra. Nous ne véhiculons aucune peur, soyez raisonnable ! C’est vous qui faites peur aux Français !

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Des expressions telles que « tourisme reproductif » ou « tourisme matrimonial », qui ont été allègrement employées hier et aujourd’hui, font peser la suspicion sur le sérieux et l’engagement des couples homosexuels et des familles homoparentales. Vous allez dire non à une vision anxiogène de la société…

M. Hervé Mariton. C’est votre texte qui est anxiogène !

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. …qui laisse à penser que cette loi va détruire notre société…

M. François Rochebloine. C’est pourtant vrai !

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. …et qui empêche nos concitoyens de regarder avec sérénité la réalité de la diversité des familles.

M. Hervé Mariton. Je disais bien : Madame la ministre des familles !

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Permettez-moi de vous poser une question : pensez-vous vraiment rendre service à l’ensemble des Français, en jouant sur ces peurs ?

M. Hervé Mariton. Nous ne jouons pas sur les peurs !

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Adopter cet article, c’est dire oui à une vision généreuse et ouverte de la famille…

M. François Rochebloine. Quelle provocation !

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. …c’est dire oui à l’égalité, c’est dire oui à la protection juridique des enfants qui vivent dans ces familles homoparentales…

Plusieurs députés du groupe UMP. C’est dire oui à la GPA !

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. …et dont vous ne vous préoccupez pas vraiment…

M. Hervé Mariton. Si ! Et davantage que vous !

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. …alors que vous avez toujours l’intérêt supérieur de l’enfant à la bouche !

Et puis vous nous dites que vous êtes prêts à accepter le mariage, ou plus exactement le sous-mariage, comme l’a bien dit Marie-George Buffet, mais l’adoption, jamais.

M. Hervé Mariton. Quel mépris !

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Monsieur Mariton, vous qui évoquez régulièrement les sondages, vous devriez les lire attentivement !

M. Gérald Darmanin. Référendum !

Mme Anne Grommerch. Vous avez peur des Français !

M. Jean-François Copé. Ça ne marche pas toujours, les sondages !

M. le président. S’il vous plaît !

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Si vous aviez regardé attentivement les sondages, vous auriez remarqué ce fait sur lequel je me permets d’attirer votre attention, c’est que les personnes de moins de cinquante ans sont très majoritairement favorables au mariage et à l’adoption. Elles se disent même favorables à la procréation médicalement assistée. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Hervé Mariton. Et à la GPA ?

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. On ne peut pas faire fi de ces générations qui incarnent l’avenir ! L’article que vous vous apprêtez à voter est un article pour l’avenir de nos familles ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, GDR, écologiste et RRDP.)

M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, nous arrivons au terme d’une discussion de trois jours et trois nuits qui a été d’une grande richesse. Cette richesse et cette diversité, nous les devons à des interventions de très grande qualité, témoignant d’une très grande maîtrise…

Mme Anne Grommerch. Et pourtant la gauche est restée muette !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. …des interventions qui ont plaidé pour l’institution du mariage, qui est à la fois un contrat entre deux personnes et une institution qui produit des effets d’ordre public. Le régime du mariage définit en effet les conditions d’âge à partir duquel celui-ci peut être célébré, les conditions de consentement, qui vérifient la volonté de chacun des conjoints, ainsi que les conditions de prohibition, qui sont très clairement exposées dans notre code civil et qui concernent essentiellement l’inceste et la polygamie – ces conditions n’ont pas été modifiées, mais adaptées à la réalité induite par des mariages de couples homosexuels.

Cette institution produit également des obligations de solidarité, d’assistance et de fidélité au sein des couples. Le mariage, en tant qu’institution, assure une protection juridique à chaque membre du couple, ainsi qu’aux enfants.

La décision de se marier relevant d’un choix individuel, c’est bien une liberté individuelle que nous consacrons avec cet article 1er : la liberté pour chacune et chacun, dans ce pays, de choisir sa ou son partenaire, de décider ensemble de construire une vie, de décider ensemble de se tracer un avenir commun…

M. Henri Jibrayel. Bravo, Madame !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. …où chacune et chacun sait qu’il pourra s’appuyer sur l’autre en cas de difficulté, en cas de doute, en cas d’accident de la vie. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Il n’y avait aucune raison que l’État n’offre pas, jusqu’ici, la protection que garantit l’institution du mariage aux couples homosexuels qui, eux aussi, sont une réalité de notre société depuis des siècles, qui, eux aussi, construisaient ce projet de vie, qui, eux aussi, construisaient un partenariat solide ; il n’y avait aucune raison que l’État n’offre pas de protection à ces couples qui décidaient de s’engager dans l’éducation d’enfants, de consacrer du temps à ces enfants, de veiller à leur épanouissement et à leur destinée personnelle…

C’est ce que nous faisons, en leur ouvrant cette institution qui a vu le jour en 1804, avec le mariage civil et laïque, qui, après la reconnaissance du pluralisme religieux, s’est ouvert à tous. Mais le texte de 1804 comportait un article, le n° 213, qui disposait que l’homme devait protection à sa femme…

Mme Catherine Coutelle. Eh oui !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. …et que la femme devait protection – je veux dire obéissance – à son mari. (Sourires) J’ai eu du mal à le dire ! J’admets qu’« obéissance au mari », ça a un peu de mal à sortir ! (Applaudissements prolongés sur les bancs des groupes SRC, GDR et écologiste.)

Cette institution n’a cessé d’évoluer, elle n’a cessé de progresser, pour épouser les valeurs de la République. Elle n’a cessé d’habiter la laïcité dans ce pays, elle n’a cessé de donner corps et force, de donner des ailes aux libertés individuelles. Cette institution n’a cessé d’avancer vers l’égalité : elle l’a fait pour les femmes, elle l’a fait pour les enfants.

M. Henri Jibrayel et M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Bien sûr !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Depuis une quarantaine d’années, obstinément, le législateur fait régresser les discriminations inscrites dans le droit entre les enfants.

M. Hervé Mariton. Ce fut souvent le fruit d’un consensus !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Depuis une quarantaine d’années, le législateur, dans ce pays, s’obstine à faire en sorte que les enfants soient égaux.

M. Hervé Mariton. Dans le respect du consensus !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Il a commencé par interdire la discrimination entre les enfants légitimes et les enfants naturels ; ensuite, il fait disparaître du droit la notion même d’enfant légitime et d’enfant naturel. Entre-temps, il a été contraint de mettre un terme à la discrimination qu’il infligeait aux enfants adultérins. Cette institution n’a cessé de progresser, et elle continue de le faire.

Voltaire disait que les progrès de la raison sont lents et les racines des préjugés profondes. Nous savons qu’il faut lutter contre les préjugés, nous savons qu’il faut lutter contre les représentations, nous savons que l’institution du mariage est chargée de représentations, qu’elle est chargée de force symbolique, pour la raison simple qu’elle transporte toute son histoire, et principalement l’histoire de la République, puisque le mariage civil a été instauré par la Ie République. Nous sommes sensibles à ces représentations. Sur leur fondement, certains s’interrogent sur le fait que l’institution du mariage puisse être ouverte aux couples de même sexe. Mais la réponse est oui, car il s’agit du mariage civil, et de liberté individuelle.

Nous sommes donc extrêmement heureux et fiers d’aboutir à cette première grande et belle étape : l’ouverture du mariage et l’adoption pour les couples de même sexe. Et nous savons que nous faisons belle œuvre pour les enfants de ce pays. (Les membres des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP se lèvent et applaudissent longuement.)

M. Guillaume Bachelay. Bravo !

M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix l’article 1er.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 348

Nombre de suffrages exprimés 346

Majorité absolue 174

(L’article 1er est adopté.)

(Les membres des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP se lèvent et applaudissent longuement. « Égalité ! Égalité ! » sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Christian Jacob, pour un rappel au règlement.

M. Christian Jacob. Monsieur le président, j’interviens sur le fondement de l’article 58 alinéa 4 de notre règlement.

La ministre déléguée chargée de la famille vient de tenir des propos pour le moins ambigus. Tout au long du débat, on nous a expliqué qu’il n’y avait pas de légalisation de la gestation pour autrui par la reconnaissance des situations à l’étranger.

Or nous sommes convaincus du contraire, car je ne vois pas comment on pourrait accepter de légaliser la GPA à l’étranger, c’est-à-dire pour ceux qui ont la capacité de dépenser 80 000 ou 100 000 dollars, mais pas pour ceux qui restent en France. C’est un premier problème.

Mais l’ambiguïté de son discours porte également sur la PMA. La ministre vient de nous dire qu’une majorité des Français, notamment les moins de cinquante ans, y étaient favorables. Vous sous-entendez sans doute que ceux qui ont plus de cinquante ans ne font pas partie des Français et ne comptent pas à vos yeux, et que leur avis ne devrait pas être pris en compte ! Quel mépris pour une partie de la population !

Cela traduit votre vision sectaire de la société : il y a d’un côté ceux qui détiennent la vérité, et les autres qui doivent être traités par le mépris.

Je souhaiterais, puisque la garde des sceaux n’a toujours pas clairement donné sa position, en dépit de nos questions, sur la PMA pour convenance personnelle, qu’elle nous dise si elle y est favorable.

M. Sébastien Denaja et M. Luc Belot. Ce n’est pas un rappel au règlement !

M. Christian Jacob. La ministre de la famille vient d’y faire référence. Elle doit s’expliquer, et elle est ici à la disposition des parlementaires, pour répondre à nos questions. Pas pour faire des discours de morale !

Madame la ministre, êtes-vous oui ou non favorable à la PMA ?

Après l’article 1er

M. le président. Nous en venons aux amendements portant articles additionnels après l’article 1er. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Christian Jacob. Et la réponse de la ministre !

M. le président. Le Gouvernement prend la parole quand il le souhaite. Vous avez posé votre question, les ministres interviendront quand elles le voudront.

La parole est à M. Alain Tourret, pour soutenir l’amendement n° 4362.

M. Alain Tourret. Je pense que cet amendement va apporter un peu de sérénité.

Je propose qu’après l’article 34 du code civil soit inséré un article 34-1 ainsi rédigé : « Les actes de l’état civil sont établis par les officiers de l’état civil. Ces derniers exercent leurs fonctions sous le contrôle et la surveillance du procureur de la République. ».

En effet, l’officier d’état civil, le maire, agit comme responsable de l’état civil dans le cadre de la délégation de l’État, en particulier pour le contrôle et la rédaction des actes d’état civil.

Malgré toutes les fonctions qui sont les siennes, il doit être soumis, chacun le comprend bien, à un contrôle dans le cadre de cette mission essentielle.

À qui faut-il confier cette mission de contrôle et de surveillance des officiers d’état civil ? À l’évidence, au procureur de la République, car celui-ci représente l’État pour tout ce qui concerne l’ordre public civil.

Alors que certains, infiniment peu nombreux, envisagent de ne pas respecter la loi et par là même de s’opposer à des demandes de citoyens, il est donc essentiel de donner ce pouvoir de contrôle au procureur de la République.

Le rôle du procureur doit donc être rappelé dans le code civil pour tous les actes de l’état civil, à un moment essentiel de la rédaction du code civil, c’est-à-dire après l’article 34.

C’est une garantie et une liberté, et je ne doute pas que nous soyons tous d’accord sur cette loi de liberté.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Erwann Binet, rapporteur. Avis favorable. M. Tourret a raison, c’est une utile consécration législative du rôle du procureur de la République en matière d’état civil.

Il est vrai qu’en l’état actuel du droit, plusieurs articles portent sur le rôle dévolu au procureur de la République. Par exemple, vérifier l’état des registres d’état civil lors de leur dépôt au greffe, ou bien lorsqu’il est saisi par l’officier d’état civil d’un doute, au nom de l’intérêt supérieur de l’enfant, sur la décision des parents de lui attribuer tel ou tel prénom.

Il s’agit donc d’une proposition utile, permettant d’intégrer dans notre code civil un article général reconnaissant cette compétence au procureur de la République.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Monsieur Tourret, le Gouvernement émet également un avis favorable. En général, vos amendements sont de très grande qualité et concernent des sujets importants. Celui-là ne déroge pas à la règle.

L’état civil est en effet placé sous l’autorité du service public judiciaire. Au quotidien, les officiers d’état civil doivent solliciter le parquet pour toute une série de problèmes concernant la rédaction d’actes, lorsqu’il s’agit par exemple d’attribuer un nom à un enfant, lorsqu’il y a une difficulté dans l’élaboration d’un dossier de mariage et un risque éventuel d’annulation de mariage. De même lorsqu’il existe une suspicion de mariage blanc, les dispositions des articles 171 et 175 du code civil s’appliquent, et elles demeurent identiques pour les couples hétérosexuels et homosexuels.

Par conséquent, il y a lieu de consacrer ce rôle du parquet, et donc de replacer le procureur de la République dans l’autorité de contrôle et de surveillance qu’il exerce quotidiennement au regard des nombreuses dispositions du code civil.

Pour ces raisons, le Gouvernement est favorable et vous remercie même de cet amendement qui permet de consacrer solennellement ce rôle dans notre code civil.

M. le président. Sur l’amendement n° 4362, je suis saisi par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Hervé Mariton.

M. Hervé Mariton. Je commencerai par répéter, après notre président Christian Jacob, que les propos de la ministre chargée de la famille sont inacceptables. Elle a voulu disqualifier une partie du corps électoral, considérant qu’il y avait deux catégories de Français : ceux de moins de cinquante ans dont l’opinion importe, et les plus de cinquante ans dont l’opinion est indifférente. Les uns et les autres forment notre nation.

M. Philippe Gosselin. C’est de la discrimination !

M. Hervé Mariton. S’agissant de l’amendement de M. Tourret, il n’est peut-être pas mauvais en lui-même, mais il renvoie cruellement aux lacunes du texte, et aux questions non résolues posées à la page 26 de l’étude d’impact.

Il nous est dit hypocritement que la réforme envisagée n’aura pas de conséquences sur les actes d’état civil ; mais on nous renvoie immédiatement après à l’instruction générale relative à l’état civil dont le travail de refonte est actuellement en cours. Il n’y aurait pas de conséquences, mais l’on refait tout ?

Il nous est par ailleurs indiqué, et la ministre l’a rappelé, qu’un nouveau modèle de livret de famille sera adopté par arrêté afin de l’adapter à la situation des couples de personnes de même sexe. Pourquoi tout cela ? Un mariage unique, mais malgré tout, parce que les réalités s’imposent, deux livrets de familles distincts. N’est-ce pas discriminant ?

On nous dit : « Dormez, bonnes gens », mais l’essentiel est à venir par voie réglementaire. Vous n’avez rien réglé s’agissant du livret de famille. La ministre a même reconnu, avec une certaine honnêteté, que les mots à utiliser n’étaient pas connus aujourd’hui, parce qu’ils sont évidemment difficiles à définir, et que tout avait été renvoyé à un arbitrage du Premier ministre.

Vous avez voté un article sans en connaître les conséquences ; peut-être pouvez-vous nous éclairer sur les conséquences réglementaires si, par malheur, la loi était votée. Car l’article 1er a été voté, mais pas la loi !

M. le président. La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer. Cet amendement interpelle tous les élus que nous sommes. Il touche au bon fonctionnement et à la liberté d’exercice du mandat des élus. L’amendement prévoit en effet que ceux-ci, en tant qu’officiers d’état civil, exerceraient leurs responsabilités sous le contrôle et la surveillance des procureurs de la République.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. C’est la loi !

M. Bernard Accoyer. Tous les élus locaux de France exercent déjà leur mandat, évidemment, dans le respect de notre législation.

Cet amendement, à cet instant de nos débats, vise à contraindre les maires et les élus locaux à exercer, sous le contrôle et la surveillance du procureur, les nouvelles responsabilités qui leur incomberaient si le texte en cours était voté. Il concerne notamment la déclaration du Président de la République devant le congrès national des maires de France, qui était certainement sincère, sur la liberté de conscience des maires pour prononcer le mariage de deux personnes de même sexe. L’amendement traduit en réalité une volonté de contraindre des élus qui, d’ores et déjà, exercent leurs responsabilités dans le cadre de la loi.

Que dirait notre collègue Mamère, lui qui avait célébré un tel mariage à titre de provocation il y a quelques années? D’ailleurs, la justice avait été saisie et avait annulé cet acte d’état civil, ce qui prouve bien qu’il y a déjà tout ce qu’il faut dans la loi pour que les élus locaux, en leur qualité d’officier d’état civil, puissent respecter les dispositions légales.

Cet amendement est inutile, il a un caractère de provocation, mais surtout il a un relent de contrainte, de surveillance et de contrôle des élus locaux qui soulève un problème majeur pour les démocrates que nous sommes tous ici. Évidemment, nous voterons contre.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Il est exact que cet amendement confirme la réalité actuelle. Mais il la fait entrer dans le code civil, ce qui n’est pas rien.

Figurez-vous, chers collègues, que le principe selon lequel l’officier d’état civil agit pour tous les actes d’état civil sous l’autorité du procureur est un principe intangible.

S’agissant du mariage en particulier, un maire ne peut pas refuser de célébrer un mariage. S’il a une question ou un doute sur le consentement ou la capacité, il doit saisir le procureur, car c’est l’autorité judiciaire qui est seule compétente pour autoriser la célébration ou la refuser.

Ce texte ne concerne d’ailleurs pas seulement le mariage, mais tous les actes d’état civil. Au-delà de la question posée par Bernard Accoyer, il vise l’ensemble des responsabilités confiées par la loi à un officier d’état civil.

M. Marc Le Fur. Rappel au règlement, monsieur le président !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Il est très important d’inscrire dans la loi…

M. Gérald Darmanin. Votre texte ne passera pas au Sénat !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. …l’autorité exercée par le procureur de la République sur les officiers d’état civil, parce que la plupart de nos concitoyens ignorent ce principe. En inscrivant clairement ce dernier dans le code civil, on conforte la réalité selon laquelle le maire assume toutes ses responsabilités sous l’autorité du pouvoir judiciaire lorsqu’il est officier d’état civil, de la même façon qu’il agit sous la double autorité du préfet et du procureur de la République quand il est officier de police judiciaire.

M. Marc Le Fur. Monsieur le président, je souhaite faire un rappel au règlement sur le fondement de l’article 58 !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Au-delà des problèmes du mariage – car ce dispositif ne concerne pas uniquement le mariage –, l’inscription de ce principe dans le code civil sera utile à nos concitoyens. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC et du groupe RRDP.)

M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix l’amendement n° 4362.

M. Marc Laffineur. Et les explications de vote ? (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 294

Nombre de suffrages exprimés 294

Majorité absolue 148

(L’amendement n° 4362 est adopté.)

(Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, RRDP et GDR.)

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Marc Le Fur, pour un rappel au règlement.

M. Marc Le Fur. Monsieur le président, je vous avais demandé la parole pour un vrai rappel au règlement : je n’avais pas du tout l’intention d’intervenir sur le fond, pour déclarer que j’étais contre cet amendement et que cette idée était insultante pour les élus, comme d’autres l’ont dit avant moi.

Je souhaite intervenir sur un aspect de procédure. Nous avons discuté d’un amendement déposé par notre collègue Alain Tourret ; or je traite le sujet, très différemment sur le fond, dans l’amendement n° 59 qui sera appelé un peu plus tard.

M. Bernard Roman. Et alors ?

M. Marc Le Fur. Je suis surpris que l’organisation de nos débats n’ait pas prévu de lier la discussion de ces amendements, afin que chacun puisse s’exprimer et que nous obtenions une réponse globale. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Bernard Roman et M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Il fallait le dire avant !

M. Marc Le Fur. Chacun en conviendra : en délitant notre débat, nous atténuons la nécessaire clarté de nos échanges ! (Mêmes mouvements.)

Après l’article 1er (suite)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 1447 et 55, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Jean-Marie Sermier, pour soutenir l’amendement n° 1447.

M. Jean-Marie Sermier. Cet amendement donne aux couples le droit de célébrer leur mariage civil dans toutes les communes de France.

Les articles 74 et 165 du code civil prévoient que le mariage est célébré dans la commune où l’un des époux a son domicile ou sa résidence. Les habitants de cette commune et, le cas échéant, ceux de la commune où l’autre époux réside, sont informés du mariage à venir par le biais de la publication des bans, en vertu des articles 63 et 166 du code civil. Cette publication vise à faire connaître le mariage à tous, afin que toute personne soit à même de s’y opposer, en démontrant d’éventuels empêchements ; elle est aussi censée contribuer à limiter le risque de mariages de complaisance.

Eu égard à ces considérations, cet amendement permet donc de célébrer un mariage dans toutes les communes de France, tout en maintenant la règle de la publication des bans dans les communes de résidence des futurs époux, en plus de sa publication dans la commune de célébration du mariage.

M. le président. La parole est à M. Gérald Darmanin, pour soutenir l’amendement n° 55.

M. Gérald Darmanin. Cet amendement nous permet de revenir sur un fait sans doute sans précédent dans l’histoire de la Ve République. Le Président de la République s’est rendu au congrès des maires de France…

Un député du groupe SRC. Il y va, lui, au moins !

M. Gérald Darmanin. …pour annoncer, la main sur le cœur, l’instauration d’une liberté de conscience. Il s’y est fait applaudir, avant de recevoir le lendemain, en catimini – et non à la loge comme certains parlementaires de cette assemblée –, des associations et lobbies pour leur dire qu’il reviendra sur sa position et laissera sans doute au Parlement le soin de décider.

Nous aurions dû écouter Martine Aubry ! Peut-être le parti socialiste aurait-il dû aussi écouter davantage Martine Aubry ! Il y avait effectivement du flou dans la politique et les convictions du Président de la République ! Quel crédit peut-on accorder à sa parole, lorsqu’il promet à des milliers de maires d’instaurer une liberté de conscience, avant de dire le contraire le lendemain et de laisser ensuite le Gouvernement et la majorité parlementaire revenir sur ses déclarations ?

Monsieur le président, je souhaite souligner l’étrangeté de l’avancée de nos travaux. À l’heure où nous parlons d’un acte III de la décentralisation et où nous accordons de plus en plus de confiance aux élus locaux, nous voulons contrôler leurs actions. Finalement, ce n’est pas l’amour qui n’exclut pas le contrôle, mais le contrôle qui exclut l’amour que l’exécutif et la majorité parlementaire ont envers les élus locaux.

Monsieur Tourret, je ne fais pas beaucoup de cas de votre amendement n° 4362 au Sénat. Nous en reparlerons sans doute dans les prochaines semaines, quand le texte reviendra dans notre assemblée.

Finalement, l’amendement que je soutiens est un amendement socialiste, « hollandiste », ce qui fera plaisir à un certain nombre d’entre vous. Il vise à concrétiser la promesse du Président de la République à tous les maires de France. Le respect de la parole donnée vaut aussi pour le Président de la République ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Erwann Binet, rapporteur. L’amendement n° 1447 autorise la célébration du mariage dans la commune choisie par les époux. Mais l’aspect symbolique du mariage célébré au milieu de sa communauté, dans la commune où l’on vit, est extrêmement important en termes de reconnaissance sociale. Nous l’avons déjà dit à plusieurs reprises, notamment au cours de la discussion générale : la charge symbolique est fondamentale ! C’est la raison pour laquelle – vous l’avez d’ailleurs vous-mêmes suggéré – les bans sont publiés sur les frontons de nos mairies. Il y a donc une contradiction dans votre proposition qui n’a qu’un seul but : permettre aux maires de refuser de célébrer le mariage d’un couple de personnes de même sexe. L’ancrage géographique est symboliquement fondamental.

Quant à l’amendement n° 55, sa rédaction laisse entrevoir tous les motifs de refus laissés à la libre appréciation du maire. On pourrait donc imaginer que le refus soit motivé par des raisons fondées sur la nationalité, sur la religion, ou sur d’autres motifs. Ce n’est évidemment pas acceptable.

M. Gérald Darmanin. C’est pourtant un amendement Hollande !

M. Erwann Binet, rapporteur. C’est la raison pour laquelle la commission a repoussé ces deux amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Il est également défavorable. Cet amendement est un simple contournement.

M. Gérald Darmanin. C’est l’amendement du Président de la République !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Nous connaissons votre demande : vous l’avez formulée à plusieurs reprises, nous l’avons entendue et nous y avons répondu. Il existe déjà des dispositions juridiques relatives aux situations dans lesquelles le maire, agissant en qualité d’officier d’état civil, refuserait de célébrer un mariage ; ces dispositions concernaient déjà les couples hétérosexuels.

Toutes les propositions de contournement que vous présenterez recevront un avis défavorable du Gouvernement. Il n’est pas question de concevoir, sous une forme ou sous une autre, ce que vous appelez une clause de conscience.

M. le président. La parole est à M. Sébastien Pietrasanta.

M. Sébastien Pietrasanta. La série d’amendements que vous présentez, dont certains sont d’ailleurs cosignés par les députés du Front national (Exclamations sur de nombreux bancs du groupe UMP),…

M. Yann Galut. Eh oui !

M. Sébastien Pietrasanta. …et qui invoque la liberté de conscience des maires pour que ceux-ci puissent déléguer la célébration des mariages de couples de personnes de même sexe (Mêmes mouvements),…

M. Yann Galut. C’est la réalité ! Vous signez des amendements avec les députés du Front national !

Un député du groupe SRC. C’est l’alliance morale !

M. Christian Jacob. Amalgame !

M. Sébastien Pietrasanta. …est à la fois hypocrite, antirépublicaine et discriminatoire.

M. Hervé Mariton. Vous êtes dur à l’égard de François Hollande !

M. Sébastien Pietrasanta. Elle est hypocrite, parce que la loi permet déjà à un maire de déléguer la célébration d’une union à ses adjoints (Mêmes mouvements),…

M. le président. S’il vous plaît, mes chers collègues…

M. Sébastien Pietrasanta. …voire à certains des conseillers municipaux sous certaines conditions.

Elle est antirépublicaine, parce que le maire qui célèbre une union en qualité d’officier d’état civil, sous le contrôle du procureur de la République, n’a plus le visage de l’élu à la tête de sa commune, mais celui d’un agent de l’État tenu à une obligation de neutralité…

M. Yann Galut. Exactement !

M. Sébastien Pietrasanta. …qui incarne et personnifie la République aux yeux des citoyens.

En vérité, le maire ne peut seul se refuser à marier un couple.

M. Yann Galut. Vous avez signé cet amendement avec le FN : c’est un scandale !

M. Sébastien Pietrasanta. Vos amendements sont également discriminatoires, car vous instrumentalisez le recours à la liberté de conscience du maire à double titre.

M. Philippe Vitel. Mais c’est le Président de la République qui le dit !

M. Sébastien Pietrasanta. Vous refusez une évolution sociétale souhaitée par une majorité de citoyens.

M. Jean-Frédéric Poisson. Il faut le dire au Président de la République !

M. Sébastien Pietrasanta. En empêchant l’application de la loi sur l’ensemble du territoire national, l’institution d’une liberté de conscience pour les maires constituerait une atteinte majeure au principe d’égalité des citoyens devant la loi garanti par la Constitution.

Par l’octroi d’une prétendue liberté de conscience aux maires, on empêchera demain nos concitoyens de bénéficier de droits identiques dans toutes les communes de France. On contraindra certains à partir dans une autre commune pour se marier. Imaginez un couple d’homosexuels nés, vivant et travaillant dans leur commune, à qui on dirait : « Non, le maire ne veut pas vous marier : allez d’ailleurs, on ne célèbre pas de mariage homosexuel dans la commune. » C’est scandaleux !

Sous l’apparence d’une liberté, vous instituez une discrimination inacceptable.

M. Jean-Marie Sermier. C’est faux !

M. Sébastien Pietrasanta. Allez jusqu’au bout de votre raisonnement ! Que dire si un maire refuse de célébrer une union pour des motifs tenant à la personnalité du couple, à sa condition sociale ou à ses opinions ?

M. Christian Jacob. Rien à voir !

M. Jean-Marie Sermier. Vous n’avez pas lu l’amendement !

M. Sébastien Pietrasanta. Au nom d’une prétendue liberté de conscience du maire, on masque en réalité un refus de se conformer aux principes fondamentaux. C’est, en définitive, la République elle-même qui s’en trouverait affaiblie.

Comme je suis persuadé que l’UMP compte aussi des républicains qui refusent de nouer des alliances avec le Front national mais sont attachés à nos principes républicains fondamentaux,…

M. Gérald Darmanin. Comme François Hollande !

M. Sébastien Pietrasanta. …je les appelle à voter contre ces amendements.

M. le président. Sur les amendements nos 1447 et 55, je suis saisi par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Hervé Mariton.

M. Hervé Mariton. Monsieur le président, je me permets de vous faire observer que la jonction de ces deux amendements est assez critiquable,…

M. Christian Jacob. Exactement !

M. Hervé Mariton. …car ils n’ont franchement pas le même objet.

J’ai évoqué l’amendement n° 1447 en commission. À cette occasion, le président de la commission m’a même demandé d’entonner une chanson de pionnier soviétique : je ne veux pas vous l’infliger de nouveau ici. (Sourires.)

M. Christian Jacob et M. Marc Le Fur. Les deux amendements doivent faire l’objet de deux votes séparés !

M. Hervé Mariton. Je crois que l’amendement proposé par nos collègues n’est pas une bonne idée. Il est important de garder une notion d’enracinement dans le mariage ; or la proposition de pouvoir célébrer le mariage dans n’importe quel lieu du territoire abîme cette idée. Notre société a besoin d’enracinement : la famille et le mariage y contribuent, et il est important que des critères de domicile ou de résidence – au demeurant mis en œuvre avec une certaine intelligence pratique sur l’ensemble du territoire national – permettent de maintenir ce lien entre les conjoints et le territoire.

L’amendement n° 55 est tout simplement une tentative de traduction des engagements du Président de la République. Monsieur le président, il existe dans notre règlement des dispositions qui permettraient de sanctionner les insultes graves au chef de l’État que nous venons d’entendre…

M. Jean-Frédéric Poisson. Exactement !

M. Hervé Mariton. …à propos de l’hypocrisie et du caractère antirépublicain et discriminatoire de ces idées !

M. Jean-Frédéric Poisson. Il est scandaleux d’insulter le chef de l’État !

M. Philippe Gosselin. C’est incroyable !

M. André Schneider. C’est même curieux !

M. Hervé Mariton. Peut-on à ce point, dans notre assemblée, traiter impunément le Président de la République d’hypocrite, d’antirépublicain et de partisan des discriminations ? (Protestations sur les bancs du groupe SRC.) On ne peut pas considérer, dans une démocratie, que le chef de l’État s’exprime devant le congrès des maires et que tout cela ne vaut rien ! On ne peut pas considérer que l’on peut insulter le Président de la République de cette manière dans notre hémicycle (Mêmes mouvements), et que les députés et les Français n’auraient qu’à passer leur chemin ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Bernard Accoyer. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Jacques Lamblin.

M. Jacques Lamblin. Je reviens sur l’amendement n° 1447. Les mots ont un sens, et cet amendement prévoit bien que le mariage peut être célébré dans la commune choisie par les époux.

Je ne suis pas d’accord avec Hervé Mariton sur ce sujet. Comme beaucoup d’entre vous ici, je suis maire. Nous voyons très souvent des jeunes gens issus de notre commune mais l’ayant quittée depuis bien longtemps qui aimeraient s’y marier. Dans ce cas, on déclare qu’ils sont résidents parce que leurs parents vivent encore dans la commune, mais ce n’est quand même pas tout à fait la vérité. L’amendement n° 1447 permettrait donc de faire entrer dans la légalité une pratique relativement courante. Souffrez, chers collègues, d’entendre cette proposition !

M. Philippe Vitel. Il a raison.

M. Jacques Lamblin. Je vais vous faire un aveu : je cumule les mandats ! (Exclamations et sourires.) Je suis votre pair et je suis maire. Je suis l’un des derniers « hétéro-élus »... (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Alors, je vous en prie, essayez de nous écouter !

M. Pascal Popelin. Très mauvais !

M. Bernard Roman. Quelle finesse !

M. le président. La parole est à M. François Rochebloine.

M. François Rochebloine. Je souhaite revenir sur les propos de Mme la ministre de la famille.

M. Hervé Mariton. Des familles !

M. Christian Jacob. Et de la GPA !

M. François Rochebloine. S’appuyer sur des sondages concernant une partie seulement de la population est grave et relève aussi de la discrimination.

Pour ma part, je suis très favorable à ces deux amendements comme la très grande majorité du groupe de l’UDI, même s’ils ne sont pas présents aujourd’hui. (Rires sur les bancs du groupe SRC.)

Plusieurs députés du groupe SRC. Où sont-ils ?

M. Patrick Bloche. Vous êtes tout seul !

M. François Rochebloine. Rappelez-vous, chers collègues, de votre attitude lorsque vous étiez dans l’opposition ! De grâce, pas de leçons ! Car nous pourrions vous les renvoyer. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Lors du congrès des maires de France, le Président de la République a été très clair lorsqu’il a évoqué la clause de conscience. C’est important. Certes, il est dit que les maires peuvent se faire remplacer par les adjoints ou les conseillers municipaux, par délégation.

M. Pascal Popelin. Ce n’est pas ce que le Président a dit.

M. François Rochebloine. Mais que se passe-t-il s’ils refusent tous ? Il faudra s’en remettre aux procureurs. Pour ma part, je préfère m’en remettre à la proposition du Président de la République sur la clause de conscience. Nous voterons donc ces deux amendements.

M. Marc Le Fur et M. Christian Jacob. Très bien.

M. le président. La parole est à Mme Brigitte Bourguignon.

Mme Brigitte Bourguignon. Je souhaite intervenir sur l’amendement n° 55 pour deux raisons essentielles.

D’abord, il n’est pas question pour moi de banaliser le fait que des députés UMP aient cosigné un amendement avec M. Bompard. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC) dont on a pu mesurer la haute estime qu’il avait pour le travail parlementaire, à la lecture des amendements édifiants qu’il a déposés, ainsi que la haute opinion qu’il a des personnes homosexuelles.

M. Matthias Fekl. En effet !

Mme Brigitte Bourguignon. Il me semble que les barrières idéologiques tombent un peu trop facilement sous couvert du travail parlementaire ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Plusieurs députés du groupe SRC. Eh oui !

Mme Brigitte Bourguignon. Ensuite, depuis des semaines, nous nous battons en faveur de l’égalité des droits et de l’ouverture du mariage aux couples homosexuels. Aussi, botter en touche en invoquant la liberté de conscience est un peu facile !

M. Jean-Frédéric Poisson et M. André Schneider. Dites-le au Président de la République.

Mme Brigitte Bourguignon. Cela prouve au contraire, chers collègues, notre grande liberté d’expression dans cet hémicycle.

M. Bernard Roman. Très bien.

Mme Brigitte Bourguignon. La notion de la liberté de conscience ; c’est introduire de fait une nouvelle discrimination car, malgré leur droit nouveau, enfin obtenu, à se marier, les couples homosexuels se verraient, au final, fermer les portes de leurs mairies, face aux maires qui refuseraient d’appliquer la loi. Il convient de rappeler qu’un maire est d’abord et avant tout un élu de la République, élu par et pour le peuple.

M. Philippe Gosselin. Le maire est élu par le conseil municipal, pas au suffrage universel.

Mme Brigitte Bourguignon. À ce titre, il a la double responsabilité d’être à la fois l’exécutif de sa commune, mais aussi un agent de l’État dans sa fonction d’officier d’état-civil.

M. Marc Laffineur. Dites-le au Président de la République.

Mme Brigitte Bourguignon. Il se doit donc de mettre de côté ses propres convictions, politiques ou religieuses, pour appliquer la loi et seulement la loi. Les maires, en toute responsabilité, en ont d’ailleurs parfaitement conscience et peu d’entre eux s’en affranchiraient.

Cet amendement est encore une manière de refuser l’égalité des droits et le mariage pour tous. Il convient donc de le rejeter. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, GDR et écologiste.)

M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix l’amendement n°1447.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 263

Nombre de suffrages exprimés 253

Majorité absolue 127

(L’amendement n°1447 n’est pas adopté.)

(Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, GDR et écologiste.)

M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix l’amendement n° 55.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 242

Nombre de suffrages exprimés 237

Majorité absolue 119

(L’amendement n° 55 n’est pas adopté.)

(Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, GDR et écologiste.)

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Gérald Darmanin, pour un rappel au règlement. Vous avez promis de faire un « vrai » rappel au règlement, monsieur Darmanin.

M. Gérald Darmanin. En effet, monsieur le président. Je tiens toujours mes promesses. Mon épouse pourrait vous le confirmer ! (Sourires.)

Je souhaite réagir, en me fondant sur l’article 58, aux interpellations de M. Pietrasanta et de Mme Bourguignon. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Bruno Le Roux. Vous n’avez pas à y réagir !

Mme Catherine Lemorton. Ce n’est pas un rappel au règlement !

M. le président. Je vous en prie, chers collègues.

M. Gérald Darmanin. Leur intervention a en effet une conséquence sur le déroulement de nos débats.

En affirmant qu’il y aurait deux catégories de parlementaires, ceux qui cosignent des amendements et ceux qui ne le font pas.

M. Bernard Roman. Avec le Front national !

M. Gérald Darmanin. Je suis né en 1982 – cela peut faire rougir un certain nombre d’entre vous – (Exclamations et sourires sur les bancs du groupe SRC.) et je fais donc partie de la génération Mitterrand. Je vous rappelle que s’il y a eu un groupe Front national à l’Assemblée, c’est grâce à M. Mitterrand, dont vous souteniez la majorité, qui avait accepté la proportionnelle. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Yann Galut. Rien à voir !

M. Gérald Darmanin. Et si Mme Marion Maréchal-Le Pen siège aujourd’hui sur ces bancs, c’est parce que la candidate socialiste a refusé de se retirer au second tour. (Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Michel Vergnier. Cela ne se reproduira pas !

M. Gérald Darmanin. Je rappellerai enfin que j’habite une ville où par quatre fois, le maire socialiste a été élu grâce à une triangulaire. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Est-ce vraiment un rappel au règlement ?

M. Gérald Darmanin. Les parlementaires sont élus et représentent le peuple. Aux prochaines élections, il vous appartiendra de les faire battre ! (Claquements de pupitres sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jacques Lamblin. Il a raison.

M. Yann Galut. M. Jacob ne répond pas !

M. le président. Monsieur Galut ! Quelle énergie !

Après l’article 1er (suite)

M. le président. La parole est à Mme Annie Genevard, pour soutenir l’amendement n° 17.

Mme Annie Genevard. Cet amendement résulte d’une demande du président des maires de France. En février 2011, il avait saisi le garde des sceaux afin d’introduire une modification qui permette à de futurs époux de se marier à la mairie du lieu de résidence des parents. Comme l’a dit mon collègue Jacques Lamblin, il s’agit d’une demande assez fréquente, et qui avait fait l’objet d’un amendement gouvernemental. Mais le Conseil constitutionnel l’a retoqué au motif qu’il s’agissait d’un cavalier législatif, donc pour une question de forme.

Aussi, nous souhaitons profiter de ce projet de loi pour permettre de répondre aux préoccupations de nombreux maires, mais aussi de nombreuses familles.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Erwann Binet, rapporteur. Il s’agit en effet la reprise d’un amendement qui avait été censuré par le Conseil constitutionnel en décembre 2011 au motif que c’était un cavalier législatif.

M. Philippe Gosselin. En l’occurrence, notre amendement n’est pas un cavalier législatif.

M. Erwann Binet, rapporteur. Néanmoins, on peut douter de l’opportunité de réintroduire un tel dispositif dans ce texte. Nous sommes dans le cadre d’un texte très précis qui ouvre le mariage aux couples de personnes de même sexe. Or votre proposition s’applique à tous les mariages, à tous les couples.

En outre, vous pourriez laisser croire que c’est un moyen pour les maires de refuser de célébrer un mariage. La majorité a le souci de ne pas envoyer ce type de message dans le cadre de ce texte. Avis défavorable donc.

M. Hervé Mariton. Je ne vois pas où il y a un tel message !

Mme Arlette Grosskost. Non, vous faites un contresens.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Au vu de vos contestations, j’ai un doute.

Il s’agit bien de l’amendement n° 17 de M. Pélissard ?

M. le président. Oui, madame la garde des sceaux.

Plusieurs députés du groupe UMP. Oui !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je fais preuve d’une prudence inhabituelle par rapport à mon tempérament… mais il est plus sage de savoir sur quel amendement on parle (Sourires).

L’avis du Gouvernement est défavorable. En ouvrant le mariage et l’adoption aux couples de même sexe, le Gouvernement estime faire œuvre d’égalité républicaine. C’est au nom de cette égalité républicaine qu’il n’est pas concevable qu’en un point quelconque du territoire, un couple ne puisse pas se marier…(Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Hervé Mariton. Ce n’est pas le message de l’amendement.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Nous parlons du lieu. D’accord ?

Il n’est pas concevable qu’en un point quelconque du territoire, un couple ne puisse pas se marier dans le lieu prévu actuellement par le code civil. Ce lieu est la résidence du couple ou des parents…(Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Il faudrait peut-être éclaircir les choses, monsieur le président, pour éviter de parler de choses différentes.

M. le président. Nous examinons bien l’amendement n° 17. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Bernard Accoyer. Le rapporteur nous a induits en erreur.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Nous sommes en train d’examiner l’amendement n° 17 présenté par M. Pélissard, Mme Kosciusko-Morizet, M. Apparu, M. Alain Marleix, M. Chartier, Mme Genevard, qui l’a défendu, M. Abad, M. Decool, M. Philippe Gosselin, M. Gérard, M. Olivier Marleix et M. Mariton.

M. le président. C’est cela, madame la garde des sceaux. (Sourires.)

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. J’ai le droit, monsieur le président, de faire une belle manière à l’opposition !

M. le président. En effet !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. S’il y avait eu cent noms, je m’en serais dispensée, mais là c’était possible... (Sourires.)

Les auteurs de cet amendement proposent d’insérer après l’article 1er l’article suivant : « À l’article 74 du code civil, après le mot : "époux", sont insérés les mots : ", ou le ou les parents de l’un des deux époux,". »

M. Hervé Mariton. Oui.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Dans l’exposé sommaire, il est dit qu’il s’agit de donner la possibilité légale aux futurs époux de se marier à la mairie du lieu de résidence des parents des époux, pour des motifs à la fois d’ordre sentimental ou pratique.

M. Hervé Mariton. Où est le problème ?

M. Philippe Gosselin et M. Bernard Accoyer. En pratique, cela se fait déjà.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le Gouvernement voit dans cet amendement une possibilité de ne pas être marié dans la mairie…(« Non ! » sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Annie Genevard. Pas du tout, madame la garde des sceaux.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Alors explicitez votre amendement. Indépendamment de ce que vous pensez..

M. Philippe Gosselin. Il n’y a pas de polémique.

Mme Annie Genevard. Faisons une suspension de séance.

M. Bernard Accoyer. On souffre tous d’un peu d’hypoglycémie. Faisons une pause !

M. le président. Madame Genevard, je vous redonne la parole pour une nouvelle explication afin de clarifier le débat.

La parole est à Mme Annie Genevard.

Mme Annie Genevard. Madame la garde des sceaux, nous sommes très souvent sollicités par des jeunes gens qui veulent se marier dans la commune de résidence de leurs parents…

M. Bernard Accoyer. Voilà !

Mme Annie Genevard. …là où ils ont grandi, là où ils ont leurs amis. Très souvent, nous acceptons, et nous régularisons la situation en indiquant qu’il s’agit d’une adresse de résidence. Il s’agit donc de mettre en conformité la loi avec l’usage et de permettre à des jeunes gens de se marier dans leur commune d’origine. Il ne s’agit pas de tricher, madame la garde des sceaux : nous voulons prendre en compte un état de fait. L’un des motifs de votre projet de loi n’est-il pas précisément de mettre en conformité la loi avec la réalité des usages ? Dans notre amendement, il ne s’agit pas d’autre chose que cela. Nous ne voulons pas biaiser avec la loi ou ouvrir déraisonnablement les procédures ; nous voulons simplement étendre les possibilités, de manière tout à fait encadrée, en permettant à des jeunes gens de se marier dans la commune où ils ont grandi et où leurs parents résident encore.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Monsieur le président, je demande une courte suspension de séance de manière que nous puissions discuter de ces éléments.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à treize heures quinze, est reprise à treize heures vingt-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

La commission des lois souhaitant disposer de davantage de temps pour étudier cet amendement, je vais lever la séance.

Plusieurs députés du groupe UMP. Jusqu’à 16 heures !

2

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures trente :

Suite de la discussion du projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe.

La séance est levée.

(La séance est levée à treize heures vingt-cinq.)