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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2012-2013

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du mercredi 13 février 2013

SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE

SOMMAIRE


Présidence de M. Denis Baupin

1. Modification de l’ordre du jour

2. Séparation et régulation des activités bancaires

Suite de la discussion d'un projet de loi

Discussion des articles (suite)

Article 1er (suite)

Amendement no 312

Mme Karine Berger, rapporteure de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

M. Pierre Moscovici, ministre de l’économie et des finances

Amendement no 290

M. Philippe Kemel, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques

Amendements nos 354 (sous-amendement), 355 (sous-amendement), 356 (sous-amendement), 181, 112, 50, 93, 92, 344, 242, 299, 161 rectifié, 184, 53, 23 rectifié, 96, 52, 275, 57, 279, 185, 136, 59, 277, 166, 282

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

M. Laurent Baumel

Suspension et reprise de la séance

Amendements nos 171, 128 rectifié, 331, 51 rectifié, 95 rectifié

Après l’article 1er

Amendements nos 63, 348, 62

Article 1er bis

Amendements nos 106, 105

Après l’article 1er bis

Amendement no 168

Articles 2 et 3

Article 4

Amendement no 15

Après l’article 4

Amendements nos 60 rectifié, 187 rectifié, 115 rectifié, 64, 65, 117 rectifié, 195, 235

Article 4 bis

M. Éric Alauzet

M. Yann Galut

M Gwenegan Bui

M. Pascal Cherki

M. Dominique Potier

M. Fabrice Verdier

Mme Corinne Narassiguin

M. Christian Paul

Mme Sandrine Mazetier

M. Laurent Furst

M. Jean Launay

Amendements nos 2, 45 deuxième rectification, 12, 297, 309, 358, 307, 129, 116, 55, 197, 200, 283, 54, 131, 199, 130, 285, 56, 201

3. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Denis Baupin
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

1

Modification de l’ordre du jour

M. le président. J’informe l’Assemblée qu’à la demande de la commission des lois, l’ordre de discussion des deux textes inscrits à l’ordre du jour à compter du lundi 18 février est inversé.

L’Assemblée examinera le projet de loi relatif aux élections locales avant le projet de loi organique, ces deux textes faisant l’objet d’une discussion générale commune.

2

Séparation et régulation des activités bancaires

Suite de la discussion d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de séparation et de régulation des activités bancaires (n°s 566,707,661,666).

Discussion des articles (suite)

M. le président. Cet après-midi, l’Assemblée a commencé l’examen des articles, s’arrêtant à l’amendement n° 145 à l’article 1er.

Article 1er (suite)

M. le président. L’amendement n° 145 n’est pas défendu. La parole est à M. Razzy Hammadi, pour soutenir l’amendement n° 312.

M. Razzy Hammadi. L’interdiction édictée par l’alinéa 10 de l’article 1er ne sera efficace que si elle s’accompagne d’une interdiction d’investir dans les OPCVM – organismes de placement collectif – eux-mêmes investis dans des OPCVM proscrits. Autrement dit, l’interdiction sera aisément contournée si nous n’adoptons pas cet amendement : il suffira d’investir dans les OPCVM dont les actifs comprendront des OPCVM interdits. Si l’OPCVM est intégralement investi dans ce type de produit, le risque ne sera pas du tout diminué.

Le seuil sera fixé par arrêté car il convient de ne pas toucher les OPCVM qui seraient incidemment investis, de manière résiduelle, dans ce type de produit.

M. le président. La parole est à Mme Karine Berger, rapporteure de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire pour donner l’avis de la commission sur cet amendement.

Mme Karine Berger, rapporteure de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Je voudrais préciser quelques points qui, sans vouloir vous vexer, monsieur Hammadi, ne me paraissent pas parfaitement clairs dans votre argumentaire.

Il s’agit ici de l’hypothèse où des hedge funds investissent dans des hedge funds de manière majoritaire. Je crois qu’il faut mettre de côté le terme d’OPCVM.

À mon sens, cette hypothèse est déjà bien traitée dans le projet de loi. Mais toujours est-il que votre amendement peut recouvrir des cas particuliers. Dans ces conditions, je m’en remets à la sagesse de l’Assemblée.

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie et des finances pour donner l’avis du Gouvernement.

M. Pierre Moscovici, ministre de l’économie et des finances. Je suis toujours pour la sagesse… La rédaction de l’amendement me paraît pertinente et elle a été améliorée par rapport à ce qui avait été proposé en commission des finances.

Le Gouvernement s’en remet aussi à la sagesse de l’Assemblée, en émettant un avis, disons, sympathique. (Sourires.)

M. Dominique Baert. Le degré d’ouverture est réel !

(L’amendement n° 312 est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Kemel, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, pour soutenir l’amendement n° 290 de la commission des affaires économiques.

Cet amendement fait l’objet de plusieurs sous-amendements, n°s 354,355 et 356 du Gouvernement.

M. Philippe Kemel, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Cet amendement vise à ce que les banques qui ont des relations avec les hedge funds communiquent chaque mois au moins à l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution le montant des engagements souscrits au cours de la période et l’état réel de ces engagements.

Les procédures de contrôle et de régulation sont difficiles à établir, car il y a peu d’informations. Les auditions auxquelles nous avons procédé ont montré que ces informations étaient très parcellisées, par type d’opérateurs notamment, et rarement consolidées.

En amenant les banques à opérer cette consolidation et à transmettre les informations à l’APCR, on instaurera davantage de transparence. Les niveaux de risque pourront ainsi être appréhendés et les modes de régulation mis en œuvre.

M. le président. La parole est à M. le ministre, pour soutenir le sous-amendement n° 354.

M. Pierre Moscovici, ministre. Je m’étais déclaré ouvert tout à l’heure à l’idée de renforcer le contrôle prudentiel sur les expositions des groupes bancaires dans les hedge funds. L’amendement le permet, et ces sous-amendements visent à renforcer encore le suivi de l’APCR.

En combinant les deux, nous obtiendrons un dispositif tout à fait performant.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur les trois sous-amendements et l’amendement ?

Mme Karine Berger, rapporteure. L’amendement de la commission des affaires économiques apporte une réponse à de nombreuses questions qui ont été soulevées aussi bien en commission des finances que dans l’hémicycle concernant la connaissance que nous avons des risques liés aux hedge funds. Nous avions conclu qu’il était important d’améliorer la régulation des hedge funds mais qu’il était extrêmement difficile de traiter ce problème par le biais d’une loi bancaire. Il me semble que l’amendement de la commission des affaires économiques, sous réserve de l’adoption des sous-amendements du Gouvernement, apporte une réponse satisfaisante. Avis donc favorable.

(Les sous-amendements nos 354, 355 et 356 sont successivement adoptés.)

(L’amendement n° 290, sous-amendé, est adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Eva Sas, pour soutenir l’amendement n° 181.

Mme Eva Sas. Avec cet amendement, nous entamons la discussion sur les paradis fiscaux. Je rappelle à cet égard que nous, écologistes, avons toujours été très attentifs à cette question.

Notre proposition est du reste conforme à l’engagement n° 7 du candidat François Hollande : « J’interdirai aux banques françaises d’exercer dans les paradis fiscaux. »

Nous souhaitons que toutes les opérations conclues avec des contreparties dans les paradis fiscaux et les États non coopératifs soient filialisées.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Karine Berger, rapporteure. L’engagement auquel vous faites référence n’est pas celui de filialiser des activités, sauf à faire l’hypothèse que la filialisation amènerait interdiction, ce qui n’est absolument pas l’esprit du projet de loi.

Nous avons là un texte assez révolutionnaire en matière de transparence sur une présence éventuelle dans des pays non coopératifs d’un point de vue fiscal. Avis donc défavorable. (« Oh ! » sur les bancs du groupe écologiste.)

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Pierre Moscovici, ministre. Même avis.

M. le président. La parole est à Mme Eva Sas.

Mme Eva Sas. Il me semble justement que l’engagement de François Hollande était plus large que notre proposition ! Nous ne proposons que la filialisation alors que François Hollande proposait l’interdiction d’exercer dans les paradis fiscaux.

Notre amendement n’est pas contradictoire avec le reporting pays par pays que nous soutenons par ailleurs, et nous vous remercions d’ailleurs d’avoir émis un avis favorable à nos propositions à ce sujet. Je le maintiens donc, car je ne comprendrais pas que l’on ne filialise pas les activités avec une contrepartie dans les paradis fiscaux.

(L’amendement n° 181 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Nicolas Sansu, pour soutenir l’amendement n° 112.

M. Nicolas Sansu. Le marché des produits dérivés agricoles a connu un succès croissant auprès des investisseurs financiers ces dernières années. Les produits de gré à gré négociés directement entre vendeurs et acheteurs ont vu leurs encours multipliés par six entre 2001 et 2008, selon la Banque des règlements internationaux.

L’argent investi dans les indices de matières premières a gonflé de quinze milliards de dollars en 2003 à deux cents milliards de dollars en 2008, comme je l’ai indiqué dans la discussion générale.

De fait, un rapport d’Oxfam précise que seuls 2 % des contrats à terme portant sur des matières premières aboutissent effectivement à la livraison d’une marchandise. Les 98 % restants sont revendus par les spéculateurs avant la date d’expiration. Ces pratiques prédatrices, qui se traduisent inévitablement par une plus grande volatilité et par une hausse des prix des matières premières agricoles, font aujourd’hui craindre à l’ONU que « la situation régnant sur les marchés alimentaires mondiaux voie se reproduire la crise alimentaire de 2007-2008. ». Rappelez-vous des émeutes de la faim !

Notre amendement vise à interdire la spéculation sur les matières premières agricoles car, si le projet de loi interdit la spéculation sur les produits agricoles pour compte propre, il ne touche nullement aux opérations visant à structurer un produit et à le vendre à des clients.

Comme le soulignait Finance Watch, si le texte demeure en l’état, une banque pourra structurer un produit de spéculation sur une matière première agricole et le vendre à un hedge fund aux îles Caïmans. Notre amendement a été rejeté en commission, ce que nous regrettons. On ne peut ignorer l’impact des activités bancaires sur les marchés agricoles alors que le respect du droit à l’alimentation de centaines de millions de personnes est en jeu. Mais je sais que le Gouvernement, dans sa grande sagesse, pourra mettre à profit la navette parlementaire pour proposer une avancée en ce domaine.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Karine Berger, rapporteure. La question de l’intervention de ces fonds dans les marchés des matières premières agricoles est très complexe. Il faut bien voir que les mesures prises pour construire des produits dérivés de matières premières agricoles visaient pour la plupart à stabiliser les prix, à couvrir certains pays soumis à des aléas climatiques majeurs contre le risque d’émeutes de la faim. Vous évoquez les cas où ces structures ont pu, de manière extrêmement marginale, se retourner contre les marchés qu’elles étaient censées protéger. Mais vous passez un peu trop sous silence leur rôle global en matière de couverture des risques.

Je vous avoue que je ne comprends pas bien la distinction que vous établissez, sachant que le projet de loi prévoit déjà l’interdiction de la spéculation sur les matières premières agricoles dans les filiales.

J’ajouterai, pour compléter votre information, que le Gouvernement a déposé un amendement après l’article 1er qui vise à interdire les manipulations des cours des matières premières agricoles et qui répond à vos préoccupations de manière beaucoup plus précise. C’est pourquoi je vous invite à retirer votre amendement à son profit, sans quoi je lui donne un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Pierre Moscovici, ministre. Monsieur Sansu, je partage votre volonté de combattre la spéculation purement financière sur les marchés de produits dérivés agricoles. C’est la raison pour laquelle le projet de loi prévoit déjà une mesure visant à interdire aux banques d’intervenir pour leur propre compte sur ces marchés.

Vous connaissez les raisons pour lesquelles je ne peux pas accepter votre amendement en l’état. Vous avez déclaré que vous faisiez confiance au Gouvernement pour avancer sur ces questions et je confirme à l’instant ce que vient de dire Mme Berger : sans attendre l’issue des travaux européens, le Gouvernement a déposé un amendement après l’article 1er qui donne le pouvoir à l’Autorité des marchés financiers de sanctionner les manipulations des marchés agricoles à partir des produits dérivés. Il traduit notre volonté, qui rejoint la vôtre, de voir sanctionner des pratiques de manipulations condamnables, s’agissant a fortiori de produits à vocation alimentaire, avec les risques que cela induit, comme l’a souligné la rapporteure.

Je vous propose donc de retirer votre amendement pour que nous puissions tous nous retrouver sur l’amendement du Gouvernement après l’article 1er.

M. le président. Retirez-vous votre amendement, monsieur Sansu.

M. Nicolas Sansu. Je le maintiens, quitte à voter l’amendement du Gouvernement si jamais le mien n’était pas adopté…

(L’amendement n° 112 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean Launay, pour soutenir l’amendement n° 50.

M. Jean Launay. À la page 7 du rapport Liikanen, je lis : « La banque de dépôt et l’entité négociatrice légalement séparée pourront opérer au sein d’une structure de holding bancaire. Toutefois, la banque de dépôt devra être suffisamment à l’abri des risques encourus par l’entité négociatrice ». Et j’en déduis que la structuration en holding protège de la faillite en capital de la filiale.

En commission, Mme la rapporteure a affirmé que personne n’avait pu démontrer l’efficacité de cette solution. Je lui répondrai qu’il s’agit aussi d’être plus solidaire que par une détention directe.

Tout le système d’assurance français repose sur la séparation entre assurance-vie et assurance dommage, communément appelée IARD – incendies, accidents et risques divers. Cela permet d’éviter que toute perte subie par l’une des branches ne se répercute sur l’autre. Nous pourrions nous inspirer de ce modèle en décidant de structurer en holding les activités des banques.

Je reviendrai sur ce sujet dans d’autres amendements.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Karine Berger, rapporteure. La séparation opérée au regard du critère de grand risque assure une étanchéité suffisante en matière de liquidités et de fonds propres pour ne pas nécessiter la création d’une structure juridique ad hoc.

Je demanderai donc à mon collègue de retirer son amendement. À défaut j’émettrai un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Pierre Moscovici, ministre. Défavorable également.

(L’amendement n° 50 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean Launay, pour soutenir l’amendement n° 93.

M. Jean Launay. Cet amendement vise à revenir sur le choix de la filialisation opéré par le Gouvernement : c’est plutôt l’option de la scission qui permettrait de doter le projet de loi de toute l’efficacité attendue. Il limite aussi le champ des exceptions et modifie le périmètre de la future société prestataire des services d’investissement, en incluant les services d’investissement à la clientèle et les activités de tenue de marché.

L’amendement n° 92 est dans le même esprit. Comme ils sont de même nature que les précédents, je ne me fais pas d’illusion sur le sort qui leur sera réservé.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Karine Berger, rapporteure. Nous avons en effet à plusieurs reprises indiqué que nous ne souhaitions pas aller vers une scission des établissements. Je ne reprendrai les arguments que j’ai déjà développés. Avis donc défavorable, si les amendements ne sont pas retirés.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Pierre Moscovici, ministre. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Jean Launay.

M. Jean Launay. Je les retire.

(Les amendements n° 93 et n° 92 sont retirés.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Noël Carpentier, pour soutenir l’amendement n° 344.

M. Jean-Noël Carpentier. Je le retire, car il est de même nature que l’amendement n° 126 qui a été repoussé, à mon grand désespoir.

(L’amendement n° 344 est retiré.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement de précision n° 242 de Mme la rapporteure.

(L’amendement n° 242, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour soutenir l’amendement n° 299.

M. Philippe Kemel, rapporteur pour avis. Défendu !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Karine Berger, rapporteure. Avis hélas défavorable. Il n’est pas nécessaire d’aligner strictement les exigences qui s’imposent aux entreprises d’investissement sur celles des établissements de crédit en matière prudentielle.

En outre, comme l’ACPR ne peut pas donner un agrément d’entreprise d’investissement à un établissement dont l’activité serait celle d’un établissement de crédit, il y aurait matière à contourner ce dispositif.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Pierre Moscovici, ministre. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Philippe Kemel , rapporteur pour avis. Je retire mon amendement, monsieur le président.

(L’amendement n° 299 est retiré.)

M. le président. La parole est à M. Jean Launay, pour soutenir l’amendement n° 161 rectifié.

M. Jean Launay. Cet amendement fait suite aux recommandations du rapport Liikanen : il est de même nature que ceux déjà défendus qui visent à imposer une structuration en holding, en s’inspirant du modèle du système des assurances français.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Karine Berger, rapporteure. À vrai dire, je ne comprends pas très bien cet amendement. Il conduit à retirer la filiale du champ de contrôle de l’Autorité de contrôle prudentiel. Je ne pense pas que cela soit le but recherché par M. Launay, que je sais attentif au renforcement des contrôles des établissements bancaires et de leurs filiales. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Pierre Moscovici, ministre. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Jean Launay.

M. Jean Launay. Mme la rapporteure m’avait fait la même réponse en commission et il me semble que nous ne réglerons pas nos problèmes de compréhension au cours de cette séance. Je maintiens mon amendement.

(L’amendement n° 161 rectifié n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Éric Alauzet, pour soutenir l’amendement n° 184.

M. Éric Alauzet. Nous avons proposé plusieurs amendements renforçant, en cas de filialisation, l’étanchéité, qu’elle soit préventive ou curative. C’est sa forme préventive que nous visons ici : nous proposons de conditionner à une autorisation préalable de l’ACPR l’apport de capital de la maison mère à sa filiale.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Karine Berger, rapporteure. Cet amendement nous paraît relever du bon sens : avis favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Pierre Moscovici, ministre. Favorable.

(L’amendement n° 184 est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean Launay, pour soutenir l’amendement n° 53.

M. Jean Launay. Le projet de loi indique que « Pour l’application du ratio de division des risques, les filiales ne sont pas considérées comme appartenant au même groupe que les établissements de crédit, compagnies financières ou compagnies financières holding mixtes qui les contrôlent ».

Nous proposons de préciser que le cantonnement vaut quel que soit le pays, les filiales étant considérées comme une entité unique. Sinon, l’application du ratio « grand risque » pourrait être facilement contournée par la création de plusieurs filiales sans que le risque réel ne soit diminué.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Karine Berger, rapporteure. Le ratio « grand risque » qui permet de rendre étanche la séparation entre maison mère et filiale n’est pas lié à une implantation géographique précise : il s’applique absolument partout. Votre amendement est satisfait. Je vous invite donc à le retirer.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Pierre Moscovici, ministre. Défavorable également.

(L’amendement n° 53 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l’amendement n° 23 rectifié.

M. Charles de Courson. Le texte actuel permet à juste titre de limiter selon les règles habituelles les engagements entre la filiale et le reste du groupe.

Mais il paraît contraire à la directive européenne CRD, en cours de révision, que les établissements n’appartenant pas au groupe considèrent que les risques pris sur les filiales ne sont pas consolidés avec les risques pris sur le reste du groupe au titre des clients liés, tels que l’article 4-45 de la directive 2006-1948 les définit.

Il s’agit soit de deux personnes physiques ou morales, ou plus, qui constituent, sauf preuve contraire, un ensemble du point de vue du risque parce que l’une d’entre elles détient sur l’autre ou sur les autres, directement ou indirectement, un pouvoir de contrôle ; soit de deux personnes physiques ou morales, ou plus, entre lesquelles il n’y a pas de lien de contrôle au sens du cas précédent.

En l’absence d’une telle modification, une banque A qui aurait des risques dans une banque B et dans sa filiale ségréguée de marché pourrait détenir des encours de risques égaux à 25 % de ses fonds propres sur B – vous me suivez tous ? – et de 25 % de ses fonds propres sur sa filiale ségréguée de marché, soit in fine 50 % du groupe B.

M. Dominique Baert. Nous avons tout compris !

M. Charles de Courson. Ah bon ?

M. Dominique Baert. Bien sûr ! (Sourires.)

M. Henri Emmanuelli. Non, moi je n’ai pas compris !

M. Charles de Courson. Il est donc indispensable de voter cet amendement si nous voulons éviter ce type de montage.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Karine Berger, rapporteure. Cher collègue, je crains que ce ne soit vous qui ne nous suiviez plus, puisque cet amendement a été intégré au texte en commission des finances. Je vous l’assure, je peux vous lire le texte : il correspond mot à mot à ce que vous proposez de rajouter une seconde fois. Je propose donc que vous vous montriez raisonnable eu égard à la longueur de la loi, et que vous retiriez votre amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Pierre Moscovici, ministre. Mme la rapporteure dit qu’il faut être raisonnable : il faut être raisonnable ! (Sourires.)

M. le président. M. de Courson, serez-vous raisonnable ?

M. Charles de Courson. C’est vrai, j’ai oublié de retirer cet amendement après qu’il a été intégré dans le texte du projet de loi ! (Sourires.)

(L’amendement n° 23 rectifié est retiré.)

M. le président. La parole est à M. Jean Launay, pour soutenir l’amendement n° 96.

M. Jean Launay. Il s’agit toujours de la notion de grand risque.

La directive sur les grands risques date de 1993. Le grand risque est défini – si j’ai bien compris car, comme je l’ai déjà dit, je ne suis pas un spécialiste des questions financières et je ne le revendique surtout pas – comme étant une exposition de 10 % minimum sur les opérations. Mais il ne s’agit pas d’une limite.

En fait, s’il existe une limite, les textes la fixent plutôt à 25 %. Ma question est donc la suivante : que change-t-on au fond en distribuant le grand risque sur plusieurs établissements, chacun demeurant en dessous de 25 % ? La limitation de l’exposition au risque n’est pas réelle. C’est la raison de cet amendement, ainsi que du n° 52 qui suit.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Karine Berger, rapporteure. Ce point mérite toute notre attention. En effet, on peut imaginer qu’un esprit tordu…

M. Jean Launay. Oh ! Cela n’existe pas ! (Sourires.)

Mme Karine Berger, rapporteure. …s’amuse à re-découper les différentes filiales entre elles. Pour autant, votre rédaction et la manière générale dont vous envisagez cette question n’atteignent malheureusement pas votre objectif.

La commission a donc donné un avis défavorable à ces amendements. En revanche, nous avons bien en tête le point que vous soulevez.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Pierre Moscovici, ministre. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Jean Launay.

M. Jean Launay. La réponse de Mme la rapporteure est intéressante : sur le fond, elle admet bien que la question mérite d’être examinée de près. Je le prends comme un compliment de sa part et je maintiens ces amendements.

(Les amendements n° 96 et 52, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à M. Christian Paul, pour soutenir l’amendement n° 275.

M. Christian Paul. Un peu plus tôt aujourd’hui, le ministre nous a invités collectivement à voir plus clair et plus loin. Cet amendement pourrait peut-être, à défaut d’aller plus loin, nous permettre d’y voir plus clair dans les intentions du projet de loi sur la question du trading à haute fréquence.

Le projet de loi, dans la définition qu’il donne de cette activité, fait référence à un article du code général des impôts, qui a d’ailleurs dû être adopté il y a quelques mois. Il est par ailleurs présenté comme ayant pour objet de prohiber ce trading à haute fréquence. Mais le débat d’experts qui entoure cette partie de l’article 1er nous pousse à demander quelques éclaircissements sur l’appréciation de cette interdiction.

Je souhaiterais donc savoir, de la part tant de Mme la rapporteure que de M. le ministre, quelle part réelle du trading à haute fréquence nous entendons prohiber. Cette activité financière est extrêmement déstabilisatrice pour les marchés, pour l’économie et pour l’activité bancaire elle-même, avec tous les risques d’enchaînement que l’on connaît.

Il s’agit donc d’un amendement d’appel à la discussion, afin de préciser ce que l’on entend interdire dans cette loi. La référence à l’article du code général des impôts paraît aujourd’hui insuffisante à tous les signataires de cet amendement. Nous sommes prêts à entendre une démonstration du contraire mais pour l’instant, elle n’est pas faite.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Karine Berger, rapporteure. Nous touchons là à une nouvelle spécificité technique du monde de la finance et j’ai bien entendu, monsieur Paul, qu’il s’agit d’un amendement d’appel.

M. Christian Paul. Pas seulement !

Mme Karine Berger, rapporteure. Ce sont vos propres mots.

M. Christian Paul. Un appel à la discussion !

Mme Karine Berger, rapporteure. Premier point : le texte actuel du projet de loi contient déjà certaines précisions. Il existe en effet une obligation d’information concernant les systèmes de négociation automatisés, qui figure en section IV de l’article 1er bis (nouveau). Cette disposition donne l’assurance d’une réelle information concernant la façon dont ces ordinateurs sont utilisés pour réaliser ce type d’opérations. Cela répond à l’une des questions que vous souleviez dans votre amendement d’appel : pouvoir définir ce qu’est exactement le trading à haute fréquence.

La deuxième question, plus restrictive, porte sur l’opportunité de ce qu’on interdit ou non. De ce point de vue, nous sommes confrontés à la difficulté particulière posée par les outils financiers, qui peuvent intervenir partout en Europe et dans le monde en l’espace de quelques secondes stricto sensu : rien n’est plus simple que de se déplacer par ordinateur, c’est beaucoup plus simple que de déplacer une personne ou un immeuble.

Nous avons au niveau européen – M. le ministre pourra sans doute apporter des précisions sur l’avancement de la négociation – la volonté de trouver un accord global pour, d’une part, définir plus précisément les mécanismes de trading à haute fréquence ou de trading automatisé et pour appliquer d’autre part le maximum de régulation, d’interdiction et de restriction à ces méthodes.

Si aucun accord européen n’est trouvé en la matière, nous serons véritablement dans l’incapacité de réguler unilatéralement ce mécanisme. Nous avons donc mis en place, dans ce projet de loi, les moyens de suivre exactement la façon dont ces systèmes sont utilisés en France. Mais pour ce qui concerne la définition, la limitation et la régulation, nous devons malheureusement attendre la signature d’un accord européen.

Si vous ne souhaitez pas retirer votre amendement, j’émets donc un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Pierre Moscovici, ministre. Je souhaite préciser sur le plan technique ce qui vient d’être excellemment dit.

La pratique des acteurs des marchés financiers repose aujourd’hui presque exclusivement sur une assistance par des ordinateurs chargés de faire fonctionner des algorithmes. Ces opérations se font le plus souvent à grande vitesse, car c’est ce que l’organisation et le fonctionnement des marchés nécessitent. Ces modalités opérationnelles ne sont pas mauvaises en soi : elles font tout simplement partie des marchés et, sauf à considérer qu’il faut supprimer tous les marchés, elles doivent perdurer.

Ce qui en revanche est nuisible, c’est justement ce que l’on appelle le trading à haute fréquence. De quoi s’agit-il ? Ce sont des stratégies particulières et très sophistiquées d’arbitrage qui visent, par des transactions au millième de seconde, et parfois moins encore, à dégager un profit sans apporter de bénéfice pour le marché – le bénéfice apportant de la liquidité au marché, ce qui permet de financer l’économie.

Multiplier des ordres qui, dans leur immense majorité – parfois plus de 99 % – sont annulés avant d’être exécutés, constitue une pratique spéculative qui, pour le coup, brouille le marché et peut perturber gravement son fonctionnement. C’est bien cela que le Gouvernement entend réguler et, dans toute la mesure du possible, interdire. C’est ce que fait le projet de loi pour les banques françaises, sans pour autant, car nous retombons sur des problèmes de frontières, interdire la tenue de marché. Celle-ci en effet, en dépit des limites soulignées au cours de nos débats, permet tout de même un apport de liquidité ; elle peut être parfaitement utile et légitime.

La définition fournie par le code général des impôts – que je propose de maintenir, monsieur Paul – ne doit pas être remise en cause. Elle repose sur des paramètres techniques, tels que la vitesse des ordres ou la part des ordres annulés, qui permettent de capturer très largement les stratégies nuisibles de trading à haute fréquence. Par ailleurs, elle exempte la tenue de marché, ce qui est, comme je vous l’indiquais, souhaitable.

Votre amendement en revanche conduirait à élargir très notablement le champ de l’interdiction à l’essentiel des activités de trading, ce qui n’a jamais été l’objectif recherché et qui risquerait d’aller beaucoup trop loin. Or, s’agissant d’une interdiction, nous devons nous borner à interdire ce qui est nuisible : tel est le principe que nous affirmons dans ce projet de loi.

En outre, plusieurs amendements adoptés en commission des finances sont, selon moi, de nature à répondre aux questions que vous posez. Tout d’abord, la définition de la tenue de marché a été strictement encadrée, ce qui permettra de limiter l’exemption aux seules activités véritablement utiles. De plus, un amendement vise à renforcer le contrôle de l’Autorité des marchés financiers sur les opérations de trading automatisé, qui permettra d’identifier précisément les stratégies de trading à haute fréquence nuisibles et de faciliter les sanctions.

Enfin, l’amendement n° 168, déposé par M. Sansu, a pour objet de permettre à l’Autorité des marchés financiers de sanctionner les tentatives de manipulation de marchés – les plus nuisibles. Cela constitue, me semble-t-il, un complément utile, en particulier pour sanctionner les pratiques nuisibles de trading à haute fréquence. En effet, il est plus facile d’identifier une tentative que la manipulation elle-même.

En bref, il me semble que si l’on combine tous ces éléments – les dispositions du projet de loi initial, les améliorations apportées par la commission ainsi que l’amendement que j’évoquais à l’instant – nous faisons bien la distinction entre ce qui est nuisible et doit être interdit, et ce qui ne l’est pas ou peut ne pas l’être, et qui ne doit pas être prohibé sous peine de créer des problèmes de liquidités et de perturber le bon fonctionnement des marchés.

C’est la raison pour laquelle je me joins à votre rapporteure pour vous demander de retirer votre amendement ; à défaut, j’appelle à ne pas le voter.

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Christian Paul a soulevé un vrai loup.

M. Christian Paul. Je n’avais pas cette prétention !

M. Charles de Courson. Et pourtant !

Pour ceux qui ont participé à ces débats, lorsque nous avons créé l’article 235 ter ZD bis du code général des impôts, c’était pour créer une taxation. Elle fut telle que nous avons tué le trading à haute fréquence en dessous d’une demi-seconde.

Le paradoxe de votre texte, c’est que vous interdisez quelque chose qui, de fait, à cause de la taxation,…

Mme Marie-Christine Dalloz. …n’existe pas !

M. Charles de Courson. …n’existe plus – car elle a existé !

En revanche, le trading à haute fréquence au-delà de 0,5 seconde – qui n’est donc plus considéré comme à haute fréquence – persiste.

C’est donc un vrai loup : on peut se demander à quoi sert l’alinéa 33, puisqu’il interdit quelque chose qui ne peut plus être pratiqué en France du fait de l’existence de la taxation.

Il y a deux solutions pour sortir de cette difficulté : soit supprimer l’alinéa 33 puisqu’il n’aura aucune portée, soit supprimer la référence à l’article 235 ter ZD bis comme l’ont proposé plusieurs amendements, mais il resterait alors à définir la haute fréquence. Bref, l’alinéa 33 pose un problème de rédaction.

M. le président. La parole est à M. Henri Emmanuelli.

M. Henri Emmanuelli. Cette affaire de trading haute fréquence dure depuis trop longtemps. Je rappelle qu’il y a deux ans et demi, une commission d’enquête sur la spéculation financière a abouti à l’unanimité à la conclusion qu’il fallait l’interdire, pour plusieurs raisons. Tout d’abord, nous nous étions aperçus qu’on nous avait beaucoup menti : des opérateurs très importants prétendaient que c’était pour eux une activité marginale, et nous avons appris que pour l’un d’eux ce marginal représentait 35 % des transactions, excusez du peu !

Ensuite, on entendait toujours que le HFT – high frequency trading – était fait pour faciliter la liquidité. C’est toujours l’argument invoqué : les produits dérivés les plus complexes et les plus tordus ont toujours eu pour principale légitimation l’amélioration de la liquidité. Sauf qu’on ne voit pas très bien en quoi le HFT l’améliorerait. Je n’en conclus rien pour ce soir, monsieur le ministre, mais il faut vraiment se pencher sur la question. Les remarques de M. de Courson sont justes. D’autant que cette mécanique nécessite des moyens très importants – pas seulement quelques ordinateurs ! Nous nous sommes aperçus que certains marchés boursiers faisaient des investissements considérables pour ensuite louer leurs installations.

Enfin et surtout, au fur et à mesure que les petits porteurs, les porteurs innocents, ceux qui ne sont pas spécialistes des marchés boursiers, prendront conscience de ce qu’est le HFT, ils comprendront que les marchés boursiers ne sont plus faits pour eux et on verra leur nombre s’étioler au fil des années – quand ils auront constaté que, au bout du bout, puisqu’il faut un gagnant et un perdant sur ces marchés, ce sont les opérateurs haute fréquence qui gagnent et les porteurs de bonne foi qui perdent.

Madame la rapporteure, vous avez dit que nous ne pouvons régler cette question seuls. Il est vrai que le problème est européen, et même mondial, mais ce genre de pratique n’a aucune raison d’être. Nous avons eu à l’époque de la commission d’enquête la surprise de voir un professeur d’université, qui a inventé des produits dérivés et formé des générations de traders, venir nous expliquer que cette pratique était en réalité incontrôlable ! Deux accidents, dont un aux États-Unis, ont montré que c’était vrai : on a frisé la catastrophe. Le sujet mérite donc attention. Je n’en demande pas plus à ce stade.

M. le président. La parole est à M. Pascal Cherki.

M. Pascal Cherki. Dans le prolongement de ce que vient de dire M. Emmanuelli, je constate que cet amendement soulève une vraie question – même si, monsieur le ministre, l’excellent amendement de M. Sansu permettrait en effet d’avancer un petit peu. Deux éléments montrent que le trading à haute fréquence peut être un formidable instrument de manipulations des cours. Le premier, c’est le quote stuffing, une technique éprouvée qui consiste à bourrer la cotation de milliers d’ordres complètement inutiles pour forcer la concurrence à les analyser et donc la ralentir. Le second est une technique encore plus dangereuse : le spoofing. Il s’agit de charger le carnet d’ordres dans un sens ou dans l’autre – achat ou vente – et de retirer les ordres avant leur exécution, la stratégie étant d’attirer le marché en gonflant le volume du carnet d’ordres sans que ce soit fondé sur aucune réalité économique.

L’alinéa en cause, dans sa rédaction actuelle, pose un problème car il fait référence à quelque chose qui n’est pas la véritable question à traiter. C’est pourquoi j’ai déposé un amendement n° 279, cosigné par Henri Emmanuelli et d’autres.

J’entends qu’aujourd’hui, vous estimez que nous ne sommes pas encore arrivés au point où nous pouvons proposer de solution. Mais cette question se pose au-delà de notre assemblée, elle a valeur de symbole. Le Gouvernement doit la prendre à bras-le-corps et ne pas considérer que le projet de loi dans sa rédaction actuelle apporte une solution définitive.

M. Philippe Vigier. On est d’accord.

M. Pascal Cherki. Le débat ne porte pas uniquement sur le rapport entre filiale et maison mère, mais sur le HFT, un instrument devenu aujourd’hui un vrai cancer du fonctionnement des marchés financiers et qu’il faut éradiquer.

M. le président. La parole est à M. Laurent Baumel.

M. Laurent Baumel. Je me demande si, entre la rédaction actuelle et l’amendement de suppression quelque peu radical défendu par Christian Paul, il n’y aurait pas matière à réfléchir, en vue d’une lecture ultérieure, dans la logique de la rapporteure, sur des problématiques de seuils tendant à mieux définir ce qui est visé. Je pense par exemple à la fréquence des opérations – la seconde ? Moins ? – ou encore au pourcentage d’ordres effectivement exécutés. N’y a-t-il pas techniquement possibilité d’arriver à mieux cerner ce que nos collègues cherchent à interdire à travers leurs amendements ?

M. le président. La parole est à M. Joël Giraud.

M. Joël Giraud. Dans la même logique que M. Cherki, je crois que c’est un sujet majeur. On est face à des pratiques qui relèvent de la manipulation de marché : il s’agit de bourrer les cotations, d’envoyer des ordres complètement inutiles pour ralentir la concurrence… J’entends que l’obligation d’information suffirait, mais voici ce qu’a déclaré Jean-Pierre Jouyet, le patron de l’AMF : « Il est quasiment impossible de démontrer d’éventuelles manipulations des cours liées au HFT du fait de sa structure opaque et des manques de données durablement exploitables via le carnet d’ordres. » C’est exactement ce qui vient d’être expliqué. Voilà pourquoi j’ai déposé, au nom du groupe RRDP, un amendement n° 136 tendant à une interdiction à caractère général. On ne peut pas s’en sortir en balayant tout cela d’un revers de la main, c’est un sujet qui n’est pas anodin et qu’il faut traiter dans cette loi. Je rappelle que la durée moyenne de détention d’une action aux États-Unis est de vingt-deux secondes.

M. le président. La parole est à M. Laurent Furst.

M. Laurent Furst. Moment rare : je pense que la position du Gouvernement est sage. Certes, le problème est réel et nos collègues ont parfaitement raison. Mais nous sommes face au nuage de Tchernobyl : on peut adopter une loi, le nuage passe tout de même ! La réponse doit être à la dimension du problème : elle est européenne ou elle n’est pas. On peut prendre une position assez ferme, assez dogmatique, mais cela ne changera rien : on aura des conséquences négatives en termes de pertes d’activité sur le sol national, mais sans avoir en aucun cas réglé le problème.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. C’est vrai !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Pierre Moscovici, ministre. J’entends bien l’ensemble des remarques qui ont été faites et je ne voudrais pas laisser penser, messieurs Emmanuelli, Cherki, Giraud, que le Gouvernement est insensible à ces pratiques. Je suis tenté par le choix de la sagesse suggéré en creux par Henri Emmanuelli : ce soir, il ne faut pas improviser une rédaction qui risquerait de se retourner contre nous. Oui, nous voulons clairement interdire le trading à haute fréquence, mais prenons garde, avant d’avoir tout expertisé, de mordre sur des activités qui, elles, ne sont pas du THF mais, par exemple, des activités de tenue de marché qui apportent des liquidités. Je ne prétends pas du tout que le THF stricto sensu apporte des liquidités, j’ai dit au contraire qu’il était spéculatif. C’est la raison pour laquelle j’entends la volonté d’aller plus loin manifestée par l’Assemblée, et je le dis ici avec force et clarté. Mais en même temps, je constate que nous disposons d’une combinaison – le projet de loi lui-même, les amendements adoptés par la commission des finances et celui de M. Sansu qui vise directement les manipulations – qui justifie que je demande le retrait de l’amendement de M. Paul et des amendements qui vont suivre sur l’alinéa 33, quitte à travailler davantage sur cette question avec toujours la même intention : l’interdiction. Une loi est aussi faite pour vivre et pour aller de l’avant. Je répète que ce texte constitue un cadre.

M. le président. La parole est à M. Christian Paul.

M. Christian Paul. Je le dis à l’attention du président de séance : nous ne sommes pas dans une chasse au loup ! (Sourires.) Nous essayons de réussir un exercice très difficile, celui de la construction d’un modèle de régulation qui comporte des interdictions et, s’agissant de leur sens et de leur portée, il est essentiel que la loi soit non seulement précise mais totalement en phase avec les objectifs qu’ensemble nous recherchons. Nous, les signataires de cet amendement – et d’autres voix se sont exprimées dans le même sens – croyons qu’il est important de tracer les contours de cette activité nuisible car c’est bien elle que nous entendons interdire, le ministre l’a confirmé à l’instant.

Par conséquent, je crois qu’il faut en rester à une approche assez modeste à ce stade. La rapporteure a rappelé que ce n’est pas une affaire franco-française et qu’il est difficile de poser une interdiction. Disons alors que la rédaction de l’alinéa 33 n’est pas suffisante pour interdire réellement le THF, y compris dans l’espace national, mais qu’elle n’est pas définitive. Je plaide pour un travail d’écriture plus précis, et je m’adresse à cet effet au Gouvernement comme à mes collègues – Laurent Baumel l’a également proposé à l’instant – moyennant quoi je suis tout à fait disposé à retirer cet amendement. Il faut travailler la rédaction d’ici au retour du texte devant l’Assemblée nationale.

Il y a beaucoup d’avancées dans le projet de loi dont nous débattons, mais là où elles ne sont pas suffisantes, pas assez fermes ou précises, il vaut mieux dire qu’on n’est pas complètement prêt et continuer à travailler.

(L’amendement n° 275 est retiré.)

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements, nos 57, 279, 185 et 136, pouvant être soumis à une discussion commune. Les deux premiers sont identiques.

La parole est à M. Jean Launay, pour soutenir l’amendement n° 57.

M. Jean Launay. Mon amendement n’a pas été mis en discussion commune avec celui Christian Paul pour des raisons rédactionnelles, mais le fond est identique puisque nous partageons le même exposé des motifs. Pour les raisons qu’il a exprimées, je le retire, sous les mêmes conditions.

(L’amendement n° 57 est retiré.)

M. le président. La parole est à M. Pascal Cherki, pour soutenir l’amendement identique n° 279.

M. Pascal Cherki. Je me réjouis de l’engagement politique très ferme pris par M. le ministre. Je considère que c’est une avancée parce que, même si nous avions progressé au cours des débats à la commission des finances et ensuite avec l’amendement de M. Sansu, il est bon de prendre acte que nous n’en avons pas terminé avec ce problème, que nous ne sommes pas au bout de la route mais à mi-chemin. Je comprends que le ministre demande un peu de temps pour travailler techniquement sur un sujet à propos duquel nous sommes arrivés politiquement à un point d’accord. Pour ces raisons, je retire mon amendement.

(L’amendement n° 279 est retiré.)

M. le président. La parole est à M. Éric Alauzet, pour soutenir l’amendement n° 185.

M. Éric Alauzet. Je partage l’opinion de mes collègues sur la dangerosité et la nocivité de ces produits dont on ne sait pas encore exactement mesurer le pourcentage qu’ils représentent dans le total des activités financières. Le projet de loi les assimile à des activités spéculatives, le ministre vient de le rappeler. Mais, s’il affiche une ambition très forte à leur égard, il n’élimine en fait que 10 % à 20 % du THF. Les 80 % à 90 % restants pourraient encore mener à la catastrophe. Mais je me résous, comme mes collègues, à retirer mon amendement et à participer à la discussion d’approfondissement.

(L’amendement n° 185 est retiré.)

M. le président. La parole est à M. Joël Giraud, pour soutenir l’amendement n° 136.

M. Joël Giraud. Je le retire, pour les mêmes raisons et dans les mêmes conditions que mes prédécesseurs, tenant compte du fait que la navette avec le Sénat ne laisse qu’un calendrier réduit pour la réécriture de cet alinéa – lequel en l’état, comme l’a démontré Charles de Courson, est juridiquement inutile.

(L’amendement n° 136 est retiré.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 59 et 277, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Jean Launay pour soutenir l’amendement n° 59.

M. Jean Launay. Nous abordons ici la question des matières premières agricoles et plus spécifiquement les opérations à terme sur les marchés agricoles dans la filiale, ce que le projet de loi interdit.

Le fait est que l’essentiel de la spéculation restera réalisé dans la maison mère puisque toutes les activités menées pour le compte de clients sont définies dans le projet de loi comme étant « utiles ». Voilà le débat fondamental du début de notre discussion. Au prétexte de leur utilité, elles ne seraient donc pas concernées par la filialisation quand bien même ces activités seraient par nature spéculatives.

Le sujet des marchés de matières premières agricoles est sensible et les activités spéculatives ont un impact direct sur la sécurité alimentaire mondiale. S’il en était besoin, l’actualité des jours récents nous le rappelle. Dans cette affaire qu’on ne sait comment appeler – Findus, Spanghero ou autre – le ministre de la consommation, Benoît Hamon, a déclaré avant-hier que Spanghero et sa maison mère Pujol sont passés par l’intermédiaire d’un trader chypriote qui avait sous-traité la commande à un trader situé aux Pays-Bas. Cette architecture relevait avant tout d’une logique financière. Nous sommes encore dans l’expectative sur les montants en jeu.

Je veux poser une question, et je ne serai certainement par le seul : est-ce utile que des traders de nos banques spéculent sur le cours du pétrole ou de la viande de cheval, qui éventuellement rallonge ou se substitue à la viande de bœuf ? Voilà l’éclairage fourni par l’actualité sur ce débat concernant les matières premières agricoles.

Ce type de mécanismes m’inspire de l’incompréhension. Mais je suis convaincu que nos concitoyens, eux, comprennent que l’on se moque d’eux et que l’on s’enrichit sur leur dos, voire au détriment de leur santé.

M. le président. La parole est à M. Christian Paul, pour soutenir l’amendement n° 277.

M. Christian Paul. Si le domaine est tout à fait différent du précédent, il s’agit aussi d’un amendement de prohibition et d’interdiction d’une activité qui est jugée à risque pour ceux qui l’entreprennent, mais surtout extrêmement déstabilisatrice pour des marchés : la spéculation sur les matières premières agricoles.

Je ne reviens pas sur l’aspect substantiel et essentiel de ces questions dont Dominique Potier a très bien parlé hier dans la discussion générale. Nous avons besoin de voir plus clair dans la rédaction actuelle qui apparaît aux yeux de beaucoup d’acteurs, familiers de ces opérations spéculatives sur les matières premières, comme insuffisante pour fonder une prohibition réelle.

Toutes les opérations assimilables à une activité de négoce sur les marchés de matières premières agricoles ne sont pas en cause, notamment celles qui relèvent d’un besoin de couverture de risques. Cependant, certains établissements bancaires et financiers conseillent à leurs clients d’investir dans les matières premières agricoles comme dans un portefeuille d’actifs, dans un but spéculatif.

La ligne de partage entre ce qui est admissible et ce qui est nuisible gagnerait à être plus précisément définie, probablement avec un certain écart par rapport à la rédaction initiale.

Considérez que cet amendement, dans la forme et dans la démarche, participe du même souhait que celui qui nous animait dans l’épisode précédent. Nous voulons que la rédaction actuelle soit plus claire et nous souhaitons aller un peu plus loin, dès ce soir si nous le pouvons ou, à défaut, lors d’une lecture à venir de ce texte, car nous n’entendons pas improviser des rédactions sans avoir de réels échanges.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Karine Berger, rapporteure. Les appels de nos collègues ont d’ores et déjà été entendus et certains points sont en train d’évoluer sur ce sujet sensible.

Si l’affaire Findus évoquée par M. Launay est effectivement très grave, elle ne tient pas à l’utilisation de fonds de matières premières mais à des mensonges sur des échanges, à de la triche.

Reste à savoir ce qui relève ou non d’une bonne couverture de risques agricoles. À ce stade, les propositions nous envoient dans une autre direction : la définition des besoins de couverture légitimes des risques, ce qui est le cœur du problème. Nous ne résolvons pas le problème en faisant mention de ces besoins de couverture légitimes des risques.

Toujours est-il que votre appel est entendu, que la question est importante. J’ai déjà mentionné l’amendement n° 348 du Gouvernement sur la lutte contre les manipulations de cours dans ce domaine. Progressons ensemble. À ce stade, n’essayons pas d’écrire quelque chose qui, de toute façon, n’est pas encore stabilisé. Essayons plutôt d’arriver à une définition plus précise des produits dérivés sur matières premières agricoles qui sont nécessaires et de ceux qui ne le sont pas.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable à ces deux amendements s’ils ne sont pas retirés.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Pierre Moscovici, ministre. Nous avons eu ce même échange il y a quelques instants et je renouvelle mon appel à retirer ces amendements, tout en précisant à nouveau qu’après l’article 1er, un amendement du Gouvernement prévoit de prohiber les manipulations sur ce type d’opérations. Il va tout à fait dans le sens des préoccupations qui se sont exprimées. Comme nous avons déjà eu ce débat, je propose la même conclusion.

M. le président. La parole est à M. Éric Alauzet.

M. Éric Alauzet. On voit bien que les matières premières agricoles sont un sujet extrêmement sensible.

Monsieur le ministre, je vous ai interrogé hier sur l’histoire de Findus et, contrairement à vous, madame la rapporteure, je ne suis pas sûr qu’il n’y ait pas une affaire de fond. Trois des pays que je citais hier comme participant à ces circuits tortueux – Chypre, le Luxembourg et les Pays-Bas – peuvent être qualifiés de paradis fiscaux, ou du moins accordent des avantages fiscaux énormes. Un quatrième, l’Angleterre, s’y est ajouté aujourd’hui. Tout cela mériterait des approfondissements et signifie qu’il faut prêter attention à cette question.

Monsieur le ministre, j’aimerais que vous m’apportiez une précision : j’avais compris que l’interdiction portait sur les activités sur fonds propres des banques, mais celles-ci peuvent prêter à des clients qui spéculent sur les matières premières agricoles. Nous ne sommes pas rassurés de ce côté-là.

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Il y avait déjà un consensus sur une idée simple exposée par Christian Paul : il faut distinguer les opérations de couverture liées à l’activité, agricole ou industrielle d’ailleurs, opérations dans lesquelles il y a une véritable contrepartie, des opérations de spéculation pure, qu’il s’agit d’interdire.

La grande difficulté est de distinguer ces deux types d’opérations. En sommes-nous capables techniquement ? Mme la rapporteure pourra peut-être s’exprimer sur ce sujet, mais il semble que ce ne soit pas simple.

Pour autant, ne faudrait-il pas voter cet amendement afin de faire avancer la discussion ?

M. Jean Launay. Ah !

M. Charles de Courson. Le Gouvernement aura le temps, pendant la navette entre l’Assemblée nationale et le Sénat, de peaufiner et de déposer un amendement d’ajustement. Le problème est réel : tout le monde voit que l’alinéa précédent est inopérant, dont acte, tandis que la deuxième interdiction, à l’inverse, va trop loin. Ne serait-ce pas cela la sagesse ?

M. le président. La parole est à M. Pouria Amirshahi.

M. Pouria Amirshahi. Dans le prolongement des arguments présentés par M. Paul, je voudrais attirer l’attention du ministre sur la nécessité d’adopter une stratégie cohérente par rapport à ce qui se passe en Afrique subsaharienne et au Mali.

Dès le début de son intervention, la France s’est engagée en faveur d’une stratégie de développement. En effet, le Niger et le Mali ont vécu des émeutes de la faim. Dans ces pays, il faut absolument avoir une stratégie concertée, coordonnée, évidemment dans le cadre de politiques internationales, de limitation voire d’interdiction de toutes les activités spéculatives sur les matières premières agricoles. L’étape suivante sera de permette la souveraineté alimentaire de chacun de ces pays.

M. Jean Launay. Cela fait partie de l’après Mali, il a raison !

M. Pouria Amirshahi. Or des avertissements nous sont déjà adressés notamment par le Niger, qui a bien du mal à mettre en œuvre son plan NNN – les Nigériens nourrissent les Nigériens – précisément à cause de ces activités spéculatives.

Nous devons donc réfléchir aux meilleurs instruments, y compris financiers – en tout cas aux réglementations les plus utiles et pertinentes pour empêcher ce type de spéculations. Certes la spéculation sur les matières premières agricoles se combat à l’échelle mondiale, mais il faut donner l’exemple avec les établissements de crédits français, instaurer un dispositif global cohérent et qui corresponde aux objectifs que nous nous sommes fixés, dans le cadre de notre intervention et au-delà.

M. le président. La parole est à M. Dominique Potier.

Mme Marie-Christine Dalloz. Monsieur le président, je demande la parole depuis très longtemps !

M. Dominique Potier. La question que pose Christian Paul est trop importante pour que l’on y réponde par la promesse de création d’un éventuel groupe de travail. Lorsque le texte reviendra en deuxième lecture, il devra être enrichi d’éléments probants.

En ce qui concerne les paradis fiscaux, la première étape avait été de demander aux établissements bancaires de devenir transparents. Sur les questions de transactions alimentaires illicites, immorales, ayant des conséquences graves, nous pourrions pour le moins, à défaut de pouvoir interdire, commencer à avancer sur des critères de transparence qui mettent les problèmes en évidence et préparent le terrain de l’interdiction future.

En tout cas, il faut être dans le dur, avancer, faire des propositions concrètes car le sujet est très grave, comme nous l’avons largement développé dans la discussion générale.

M. le président. Madame Dalloz, je croyais que votre demande portait sur d’autres amendements. Vous avez la parole.

Mme Marie-Christine Dalloz. Merci, monsieur le président. Il est vrai que nous avons un peu l’impression de nous immiscer dans un débat interne à la majorité plurielle, excusez-nous… (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

Plusieurs députés du groupe SRC. Vos bancs sont quasiment vides !

M. Christian Eckert. Ils ne sont pas là en commission, pas là en séance…

Mme Marie-Christine Dalloz. À vous entendre depuis quelques dizaines de minutes, on comprend bien que ces alinéas 33 et 34 de l’article 1er, qui traitent du trading haute fréquence et des opérations sur instruments financiers à terme portant sur les matières premières agricoles, ne sont pas totalement aboutis.

M. Christian Paul. Faites des propositions !

Mme Marie-Christine Dalloz. Je veux bien entendre et je partage les bonnes intentions que le Gouvernement affiche. Encore faudrait-il que, lorsqu’on nous propose un texte, il soit terminé. Mme la rapporteure nous conseille de l’adopter, comme une rédaction a minima, en nous disant que nous l’affinerons ensuite, s’il y a une deuxième lecture après le passage au Sénat. Ce n’est pas sérieux ! Nous ne sommes pas dans de l’affichage politique.

M. Christian Eckert. Il faudrait savoir, vous avez dit le contraire tout à l’heure, que c’était un texte d’affichage politique !

Mme Marie-Christine Dalloz. Ce texte est sérieux, il engage. Nous devons savoir ce que vous intégrez dans les alinéas 33 et 34 avant de nous positionner sur un texte définitif. Nous n’avons jamais vu faire voter un texte en disant : on verra plus tard ! C’est complètement ubuesque.

M. le président. Mes chers collègues, vous êtes encore nombreux à demander la parole. Toutes les sensibilités politiques se sont déjà exprimées. Il faudra à un moment ou un autre passer au vote.

La parole est à M. Jean-François Lamour.

M. Jean-François Lamour. Je crois que nous sommes au cœur du sujet. Je comprends qu’un texte puisse évoluer au cours des débats. Mais cet amendement pose le vrai problème d’un sujet qui par nature dépasse nos frontières.

Pour ce qui est du trading haute fréquence et de la question du négoce de matières premières agricoles, il est possible de régler le problème à l’intérieur du périmètre français. Il suffit d’interdire le THF entre nos banques sur le marché français. On peut le faire également pour le négoce des matières premières agricoles.

Tout se complique dès lors qu’on passe la frontière. En matière de trading à haute fréquence, il y a un point de départ et un point d’arrivée et ces points dépassent les frontières : les matières qui sont utilisées dans le THF, qu’il s’agisse de devises ou d’actions, partent d’un marché pour arriver sur un autre, en France ou hors de nos frontières. C’est la même chose pour les produits agricoles : on peut avoir un point d’entrée ou un point de sortie en France, ou alors un circuit entièrement à l’étranger.

C’est bien là que se pose le problème. Monsieur le ministre, vous reconnaissez que vous n’avez pas de solution. Je crains que vous n’en ayez pas plus dans un mois. Je ne vois pas comment vous allez pouvoir traiter ces problèmes de trading haute fréquence au seul niveau français sans une mise en cohérence au moins au niveau européen, si ce n’est mondial.

M. Razzy Hammadi. Il y a une directive européenne.

M. Jean-François Lamour. Mais elle n’est pas aboutie, vous le savez. Nous en avons parlé longuement hier. Nous ne savons pas quelle sera la date d’application du dispositif.

C’est là le problème le plus important que pose ce projet de loi : il est applicable en France mais il ne tient pas la route malheureusement au niveau international. Nous avons essayé de vous le dire hier. Nous voyons là les limites de l’exercice. Ce n’est pas la navette avec le Sénat qui réglera le problème, j’en suis intimement convaincu.

M. le président. La parole est à Mme Valérie Rabault.

Mme Valérie Rabault. Je crois que l’amendement proposé par le Gouvernement répond à l’objectif de ne pas voir se répéter la situation de mars, lorsque le prix du riz a augmenté de 30 %. Monsieur Lamour, je ne partage absolument pas votre point de vue sur le trading haute fréquence. Pour les actions du CAC 40 qui font l’objet de ce procédé, la moitié des ordres sont passés par des sociétés étrangères. Le Gouvernement et la rapporteure ont parfaitement raison sur ce point : cela doit être contrôlé aux niveaux européen et mondial. Je le répète, la moitié du trading sur les actions du CAC 40 est traitée par des sociétés étrangères.

M. Jean-François Lamour. Nous disons exactement la même chose.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Pierre Moscovici, ministre. J’ai souhaité que ce débat aille à son terme afin que tous les arguments soient échangés.

Une chose doit être claire : nous partageons la même intention de combattre la spéculation purement financière sur les marchés dérivés de matières premières agricoles. C’est la raison pour laquelle le projet de loi comporte déjà, il faut le rappeler, une mesure interdisant aux banques d’intervenir pour leur propre compte sur ces marchés.

L’amendement présenté propose d’interdire toute opération sur des dérivés dont le sous-jacent est une matière première agricole et tout investissement dans un fonds indexé sur des matières premières agricoles. Je suis obligé de reprendre une partie de votre argumentation monsieur Lamour, vous ne m’en voudrez pas j’espère, parce que si nous allons dans le sens de l’amendement, il me semble que des effets pervers pourraient se retourner contre nous. Je vais essayer de le démontrer.

Faire la distinction entre les bonnes et les mauvaises interventions sur ce type de marchés est très délicat.

M. Charles de Courson. Est-ce possible ?

M. Pierre Moscovici, ministre. Il faut retenir un critère, consistant à déterminer qui est le client final.

Cette question a été posée en commission des finances. L’interdiction très large, quasi absolue, qui est proposée rendrait très difficile la poursuite de leurs activités pour les banques françaises, y compris pour le compte de clients non financiers qui sont précisément ceux que nous souhaitons par ailleurs préserver.

En outre, ces interdictions pourraient assez facilement être contournées par des acteurs enregistrés ailleurs qu’en France. Une interdiction totale et unilatérale française n’empêcherait pas les opérateurs étrangers de commercialiser ce type de produits en France. Nous serions donc face à un double effet pervers : perte de souveraineté et risque de desservir les intérêts de certains clients.

Je crois qu’il faut poursuivre en ayant à l’esprit que le bon niveau de réglementation est européen. Je parlais avec mon collègue Pascal Canfin de la situation que vous évoquez M. Amirshahi, la situation au Sahel après l’intervention au Mali. Nous sommes prêts à travailler sur ces questions.

La bonne technique, monsieur de Courson, n’est pas de voter un amendement auquel on ne croit pas pleinement pour ensuite le détricoter. Elle est plutôt de le retirer et d’y travailler. Je suis prêt à m’engager à ce que le Gouvernement présente un amendement qui s’efforce de traiter ces questions dans la suite du processus législatif. J’ajoute qu’après l’article 1er, un amendement du Gouvernement donne le pouvoir à l’Autorité des marchés financiers de sanctionner les manipulations de marchés. Faisons ce soir un premier pas avec cet amendement gouvernemental, continuons à travailler – nous avons encore la lecture au Sénat et d’autres échanges entre nous – pour essayer d’avancer le plus loin possible. N’improvisons pas quelque chose qui risquerait d’avoir des effets pervers et d’empêcher de parvenir aux objectifs que nous poursuivons en commun. Je me propose d’y travailler avec Pascal Canfin, ministre délégué chargé du développement.

Voilà pourquoi je demande que cet amendement soit retiré, non pas pour oublier la question mais avec la ferme intention d’y revenir.

M. le président. La parole est à Mme Karine Berger.

Mme Karine Berger, rapporteure. Je n’ai pas grand-chose à ajouter, sauf à rappeler que c’est à la suite d’une information erronée, d’une expression un peu trop rapide de la FAO que s’est déclenchée la crise du riz de 2007-2008. Ainsi que Valérie Rabault l’a rappelé, le prix du riz a augmenté de 30 % sur l’année – et de 90 % en trois trimestres ! Et c’était suite à une déclaration trop rapide de la FAO ! Toute décision en la matière qui ne serait pas suffisamment précise, préparée, éclairée et calibrée, pourrait donc être de nature à déstabiliser les marchés. C’est pourquoi je répète l’avis défavorable sur ces amendements à ce stade.

M. le président. Monsieur Launay, l’amendement n° 59 est-il maintenu ?

M. Jean Launay. Je remercie le ministre et la rapporteure pour leur réponse mais je vais maintenir cet amendement. Je veux rapidement en donner la raison.

Le projet de loi, dans son alinéa 34, pose une interdiction pour certaines opérations sur les matières premières agricoles. Il est anormal que ni le volume total actuel de ces opérations, ni le volume qui sera supprimé si cet alinéa est voté ne soient précisés. Cela renvoie une fois de plus aux insuffisances de l’étude d’impact.

Lors de la discussion en commission, Jérôme Chartier a admis le détournement de certains instruments financiers, pratiques par ailleurs, le ministre a dit – et il l’a confirmé ce soir – que cet amendement reposait sur une idée fondamentalement juste mais qu’il ne pouvait pas en mesurer les effets s’il était adopté, et la rapporteure a confirmé l’importance du sujet. Je pense que nous avons déjà eu un beau débat, mais qu’il doit être poursuivi. On a évoqué une mission parlementaire, un amendement du Gouvernement… M. de Courson me reprochait lors de la suspension de la séance d’être gauchiste au vu des amendements que j’avais présentés jusque-là.

M. Jean-Luc Laurent. De la part de M. de Courson, c’est un compliment !

M. Jean Launay. Or, je constate qu’il trouve quelque intérêt à celui dont nous discutons maintenant.

Monsieur le ministre, j’ai bien entendu vos arguments. Mme la rapporteure m’a répondu que je n’avais peut-être pas tout à fait compris le mécanisme et c’est conscient de ma faible compétence en matière financière, surtout au regard de la sienne, que je répète mon incompréhension. Je pense qu’il est utile de maintenir cet amendement. En référence à une vielle chanson de Gilles Vigneault qui disait « ils entendirent l’appel et ils la prirent », prenez l’appel, monsieur le ministre, creusez le sujet ! En attendant, je maintiens mon amendement.

M. le président. Monsieur Paul, l’amendement n° 277 est-il maintenu ?

M. Christian Paul. M. Launay a lancé la musique, essayons d’écrire les paroles !

L’exercice est difficile parce que la matière est terriblement complexe, la rapporteure l’a rappelé. Sur la définition d’une interdiction des spéculations sur les matières premières agricoles, le texte peut et doit progresser. Le ministre a annoncé, dès cette première lecture, un ou plusieurs amendements sur cet article ou sur d’autres qui suivront. J’ai confiance dans la volonté du Gouvernement d’améliorer son texte. Je suis d’ailleurs reconnaissant au ministre de ne pas avoir repris la totalité des arguments de M. Lamour parce que c’était un plaidoyer pour l’inaction, comme l’a fait hier M. Baroin : « Nous ne sommes pas l’Europe à nous tous seuls donc il ne faut rien faire » ! Vous avez bien compris que ce n’était l’intention ni du Gouvernement, ni de la majorité. Nous pensons que nous pouvons réguler ces activités et que nous pouvons contribuer à ce que l’Europe les régule plus et mieux. C’est là toute l’importance de ce texte.

Je suis prêt, monsieur le ministre, conformément à votre souhait, à amender le texte en première lecture dans le sens que vous allez proposer. Je souhaite également que nous travaillions, au sein de notre groupe et avec les autres composantes de la majorité, avant la prochaine lecture car, sur cette question, comme sur les précédentes, la rédaction initiale ouvre la porte mais n’est pas suffisante. Il nous faut faire davantage. L’amendement est retiré.

(L’amendement n° 277 est retiré.)

(L’amendement n° 59 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Laurent, pour soutenir l’amendement n° 166.

M. Jean-Luc Laurent. Cet amendement s’inscrit dans le débat sur la nécessité de préciser et de clarifier certains points concernant les activités considérées comme nuisibles et de fixer des interdictions.

Nous venons de débattre longuement sur les matières premières agricoles, et la proposition du ministre semble empreinte de sagesse. Mon amendement propose d’aller au-delà des seules matières premières agricoles. J’aimerais avoir des éclaircissements afin que nous puissions mesurer ce qui doit être cantonné et ce qui ne doit pas l’être.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Karine Berger, rapporteure. Cet amendement élargit de manière très conséquente l’interdiction prévue par le projet de loi. Nous passons des matières premières agricoles à l’ensemble des matières premières. Je pense que la couverture des risques sur les prix du pétrole, de l’aluminium ou du cuivre ne mérite pas le même traitement que le sujet très important dont nous avons débattu précédemment, qui touche à la vie, à la nourriture, à la réalité de la vie quotidienne et de la survie de populations. Ce n’est pas la même chose ! Je vous propose donc de retirer cet amendement, sans quoi j’émets un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Pierre Moscovici, ministre. Même avis.

M. Jean-François Lamour. Vous me donnez l’occasion de répondre à M. Paul. Nous ne sommes pas opposés à ce type de régulation mais nous ne comprenons pas comment il est possible d’adopter des règles très fermes, trop fermes pour certains, compte tenu de l’environnement européen et international.

Ce n’est pas que nous ne voulons pas agir, c’est que nous souhaitons que le dispositif soit réellement efficace sans pour autant nous affaiblir sur un certain nombre de marchés ou sur des prises de position. Le trading existera toujours, il ne faut pas qu’il reste hors de portée de nos propres intérêts, que ce soit dans le domaine agricole ou, puisque c’est l’objet de cet amendement, pour l’ensemble des matières premières.

Je me permets juste une remarque sur une tout autre matière, la lutte contre le dopage, où nous avons connu la même situation à la fin des années 90. Nous avons voté une très bonne loi, extrêmement performante, très en avance sur son temps et il a fallu dix ans – dix ans ! – pour que nous soyons à peu près en cohérence avec le reste de l’Europe et du monde. Dix ans, en matière de dopage, ce n’est pas bien grave ; en matière économique ou financière, ou en ce qui concerne les matières premières agricoles, et les matières premières tout court, je pense que c’est un peu trop long.

(L’amendement n° 166 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Pascal Cherki, pour soutenir l’amendement n° 282.

M. Pascal Cherki. Cet amendement avait suscité la perplexité de la rapporteure et du ministre en commission. Comme la réponse qui m’avait été donnée m’avait moi-même laissé perplexe, je me permets de le présenter de nouveau. C’est l’intérêt du débat en séance : il peut permettre de progresser.

L’objectif de cet amendement est tout simple. Il s’agit, alors que le projet de loi a pour but de circonscrire les activités de spéculation inutiles à l’économie réelle au sein des filiales, de faire en sorte que l’État ne soit pas susceptible d’être appelé en garantie ou d’apporter son concours sous quelque forme que ce soit à l’une de ces filiales au cas où elle connaîtrait des difficultés.

Pourquoi donc ? C’est le problème de la cascade. Un processus de filialisation est prévu, de même qu’un processus de résolution, avec un testament. Mais, même si le cordon ombilical est coupé en fait et en droit, un problème se pose, que l’on ne peut éluder : si une filiale est en crise, si elle est obligée de fermer, une partie des marchés financiers peuvent se tourner vers la maison mère en lui posant la question de la garantie de sa signature et de sa crédibilité. Il peut y avoir une pression du marché pour l’obliger d’une certaine manière à recapitaliser cette filiale. Le problème auquel on peut ensuite être confronté est le suivant : que fera l’État si la maison mère elle-même est attaquée ?

Nous instaurerions une protection supplémentaire, en plus de la séparation instaurée par la loi entre la filiale et la maison mère, en disposant que « l’État ni aucune autre personne publique contrôlée directement ou indirectement par l’État ne peut souscrire à un titre, ni prendre aucun engagement financier nouveau au bénéfice de cette filiale dès lors que celle-ci fait l’objet d’une des mesures mentionnées à l’article L. 613-31-16 ».

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Karine Berger, rapporteure. Si j’ai laissé M. Cherki dans la perplexité la semaine dernière, je crois que je vais recommencer.

Je ne comprends pas très bien, mais mon incompréhension n’est peut-être pas partagée par tous, pourquoi vous envisagez que l’État puisse avoir une participation dans une filiale qui, par essence, est une filiale spéculative, organisée de manière à ce que, si nécessaire, nous puissions la couper immédiatement au cas où la banque rencontrerait un problème amenant à une résolution. Quel État voudrait prendre une participation ou avoir des liens avec cette filiale ?

La position de la commission des finances n’a donc pas changé. Je ne comprends pas le cas de figure que vous évoquez.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Pierre Moscovici, ministre. Nous avions déjà eu cet échange en commission et j’avais déjà avoué une double perplexité. N’y voyez pas une opposition particulière à cet amendement, ni à la percée conceptuelle qu’il pourrait représenter. Mais dans le même temps, je comprends les remarques de la rapporteure. Je m’en remets donc à la sagesse de l’Assemblée nationale, comme je l’avais fait en commission.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Voilà une position intéressante de la part du ministre.

L’amendement de M. Cherki me paraît assez logique. Pourquoi créer une filiale ? Pour supprimer tout risque d’aléa moral, éviter que, de fil en aiguille, le contribuable, l’État ne soient conduits à venir à la rescousse de ladite filiale. Cet amendement consiste tout simplement à traduire au plan juridique la philosophie profonde, l’essence même de l’article 1er.

D’une certaine manière, c’est aussi un amendement de défiance. En réalité, ce qu’il nous dit, c’est que l’on aura beau créer des cloisonnements étanches, filialiser, faire en sorte, au titre du ratio grand risque, que la mère puisse ne pas investir plus 10 % de ses fonds propres – que l’on aura beau supprimer tous les liens de garantie directs et indirects, il n’en reste pas moins possible qu’un jour la filiale rencontre des difficultés telles que malgré tout, malgré toutes les précautions prises en amont, l’on soit obligé de venir à sa rescousse.

Je comprends donc parfaitement la logique de cet amendement, mais ne va-t-il pas un peu trop loin ? Il a en tout cas raison de poser le problème en ces termes.

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Le but de tout le texte est d’éviter que les fonds publics ne doivent un jour venir combler le passif d’opérations spéculatives désastreuses. Tel est, tout de même, l’idée de ce cantonnement. Cet amendement ne dit rien d’autre. Je pense que ce n’est pas mal !

À l’UDI, nous pensons qu’il faut responsabiliser les dirigeants d’entreprise. Si l’on ne dit pas à ceux qui leur prêtent et à leurs actionnaires que s’ils se plantent, il n’y aura pas un sou d’argent public, ils penseront toujours qu’en cas d’effondrement, l’État craquera. Cette disposition nous paraît donc aller dans le sens d’une responsabilisation des acteurs, une idée que nous avons toujours essayé de défendre. Nous sommes donc plutôt favorables à cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Laurent Baumel.

M. Laurent Baumel. Je demande une suspension de séance.

M. le président. Elle est de droit.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt-trois heures cinq, est reprise à vingt-trois heures quinze.)

M. le président. La séance est reprise.

Nous poursuivons l’examen de l’amendement n° 282.

La parole est à M. Laurent Baumel.

M. Laurent Baumel. Le Gouvernement a dit s’en remettre à la sagesse de notre assemblée pour décider de l’adoption ou du rejet de cet amendement n° 282, présenté par notre collègue Pascal Cherki. Eh bien, le groupe SRC se montre favorable à son adoption dans la mesure où il précise le dispositif, permettant ainsi de réaliser de manière plus approfondie l’objectif initial de ce projet de loi.

M. le président. La parole est à M. Gilles Carrez, président de la commission des finances.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Je suis très heureux de voir le Gouvernement adopter cette position. Cela signifie que si, d’aventure, il souhaitait renflouer une filiale, il devrait auparavant obtenir l’accord du Parlement.

M. Charles de Courson. Eh bien oui !

M. le président. La parole est à M. Jean-François Lamour.

M. Christian Paul. Ah ! On n’attendait plus que vous !

M. Jean-François Lamour. Monsieur Paul, ne soyez pas toujours si ironique !

M. Christian Paul. Je disais cela sans ironie.

M. Jean-François Lamour. J’essaye simplement de discuter. Ne vous foutez pas toujours du monde, faites autre chose ! Je pense, pour ma part, être plutôt sérieux.

M. Christian Paul. Restez correct !

M. Jean-François Lamour. C’est plutôt vous qui devriez rester correct, monsieur Paul. Je ne vous ai pas agressé ; je vous ai même répondu poliment. Il est déjà tard : soyez poli, on ne s’en portera pas plus mal !

Cet amendement pose quand même un vrai problème de fond. Nous venons d’en examiner plusieurs qui portaient sur le trading à haute fréquence et les matières premières agricoles. Nous examinons à présent un amendement relatif au cloisonnement entre les activités de marché et les autres activités bancaires. Monsieur le ministre, madame la rapporteure, vous nous disiez que ce cloisonnement est efficace, qu’il n’est pas du tout poreux. Le fait que vous acceptiez, en fin de compte, l’amendement présenté par notre collègue Cherki démontre qu’il n’en est rien !

Il faut, selon l’expression consacrée, des bretelles et une ceinture pour se protéger des possibilités de contamination d’une maison mère par sa filiale. En tout cas, c’est ainsi que je comprends le débat. Cet amendement relève donc, finalement, du bon sens. Il contribue cependant à montrer que ce texte ne réalise pas un cantonnement et un cloisonnement suffisants. Pourquoi ne pas l’adopter, en définitive, puisque même M. le président de la commission des finances le propose ?

Ce texte ne correspond pas à la réalité actuelle. J’ai déjà abordé ce point hier, en défendant la motion de rejet préalable du groupe UMP : nous nous en rendons compte à l’occasion de la discussion de chaque amendement. En effet, cet amendement, déposé par un de nos collègues socialistes et ayant reçu l’assentiment de l’ensemble du groupe SRC, tend à démontrer que ce dispositif n’est pas suffisant !

M. le président. La parole est à M. Pascal Cherki.

M. Pascal Cherki. Je ne peux pas, monsieur Lamour, vous laisser dire cela. Il est dommage que vous n’ayez pas assisté aux travaux de la commission des finances : vous auriez vu l’ampleur du travail accompli.

Le Gouvernement entreprend une réforme pour laquelle la France est pionnière : il s’agit, en attendant que l’Union européenne mène elle-même sa réforme, de mieux encadrer et de mieux réguler les activités bancaires, en les séparant et en les filialisant. Il est donc évident que ce processus tourne la page de trente ans de dérégulation des marchés financiers. Cela prendra du temps, car il n’y a pas de vérité révélée. Nous construisons les choses petit à petit : c’est un chantier qui reste ouvert.

M. Razzy Hammadi. C’est la démocratie !

M. Pascal Cherki. Il ne faut donc pas interpréter nos débats comme témoignant d’une quelconque faiblesse. Ils prouvent au contraire que nous travaillons sérieusement.

J’aurais préféré, monsieur Lamour, que vous – et d’autres – participiez aux débats de la commission des finances. Vous auriez vu à quel point nos travaux sont sérieux et approfondis.

(L’amendement n° 282 est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean Launay, pour soutenir l’amendement n° 171.

M. Jean Launay. Je le retire.

(L’amendement n° 171 est retiré.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Noël Carpentier, pour soutenir l’amendement n° 128 rectifié.

M. Jean-Noël Carpentier. Il s’agit d’un amendement de précision. Il sera possible de prendre des sanctions contre les établissements qui sollicitent l’agrément. Qu’en sera-t-il pour les banques déjà agréées ? Nous proposons tout simplement de préciser qu’en cas de non-respect de la loi des sanctions pourront être prises contre les institutions bancaires disposant déjà d’un agrément.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Karine Berger, rapporteure. Cet amendement est déjà satisfait, puisque, aux termes du projet de loi, l’ACPR peut sanctionner toute entité qui enfreint une disposition législative ou réglementaire au respect de laquelle l’autorité a pour mission de veiller. Je vous engage donc à retirer cet amendement, à défaut de quoi l’avis de la commission sera défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Pierre Moscovici, ministre. Cet amendement est en effet déjà satisfait. Avis défavorable.

M. le président. Monsieur Carpentier, retirez-vous cet amendement ?

M. Jean-Noël Carpentier. Oui, je le retire.

(L’amendement n° 128 rectifié est retiré.)

M. le président. La parole est à M. Razzy Hammadi, pour soutenir l’amendement n° 331.

M. Razzy Hammadi. Je le retire, monsieur le président.

(L’amendement n° 331 est retiré.)

M. le président. La parole est à M. Jean Launay, pour soutenir l’amendement n° 51 rectifié.

M. Jean Launay. Cet amendement pose la question de la gouvernance des équipes de gestion, à la fois dans les établissements de crédit et dans leurs filiales.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Karine Berger, rapporteure. La question de la gouvernance a déjà été réglée en commission des finances. Par ailleurs, le ratio de grands risques répond à la préoccupation de notre collègue. Je demande donc le retrait de cet amendement, faute de quoi l’avis de la commission sera défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Pierre Moscovici, ministre. Même avis.

M. le président. L’amendement est-il maintenu ?

M. Jean Launay. Je le retire.

(L’amendement n° 51 rectifié est retiré.)

M. le président. La parole est à M. Jean Launay, pour soutenir l’amendement n° 95 rectifié.

M. Jean Launay. Il est défendu.

(L’amendement n° 95 rectifié, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

(L’article 1er, amendé, est adopté.)

Après l’article 1er

M. le président. La parole est à M. Jean Launay, pour soutenir l’amendement n° 63.

M. Jean Launay. Je serai à nouveau très bref.

Cet amendement crée un droit nouveau pour les entreprises cotées : elles pourront d’obtenir des informations supplémentaires sur leur actionnariat, plus précisément à propos de la date d’acquisition des actions.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Karine Berger, rapporteure. Je crois que les éléments demandés sont trop précis : ils n’existent tout simplement pas ! Je propose donc à notre collègue de retirer son amendement. S’il le maintenait, l’avis de la commission serait défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Pierre Moscovici, ministre. Même avis.

M. le président. Monsieur Launay, maintenez-vous cet amendement ?

M. Jean Launay. Je le maintiens, car le diable est dans les détails !

(L’amendement n° 63 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. le ministre, pour soutenir l’amendement n° 348.

M. Pierre Moscovici, ministre. Cet amendement a déjà été évoqué à plusieurs reprises. Les débats qui ont eu lieu en commission des finances, ainsi que la teneur des amendements défendus ce soir, témoignent de l’intérêt de l’Assemblée nationale pour la question de la spéculation sur le cours des matières premières, notamment agricoles. Plusieurs initiatives ont été prises, notamment dans le cadre du G20, pour améliorer la transparence de ces marchés. La directive sur les marchés financiers, la MIF, actuellement en cours de négociation, devrait permettre de concrétiser ces engagements au niveau européen.

Je vous propose à présent de confier aux autorités de régulation des marchés, ainsi qu’au juge pénal, le pouvoir de contrôler et de sanctionner les manipulations de marché croisées, qui combinent un instrument financier et un contrat portant sur des matières premières. Cette mesure permettrait de sanctionner tout comportement ayant pour but de manipuler les cours de matières premières dont le blé, le colza, etc., sur les marchés physiques, à partir des marchés financiers qui en dérivent.

Je répète que je n’imagine pas que ce problème sera définitivement résolu ! Je prends note de tout ce qui a été dit au cours des débats : nous aurons l’occasion d’y revenir. Néanmoins, cet amendement me paraît apporter un progrès tangible qu’il convient d’entériner.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Karine Berger, rapporteure. J’avais déjà pris un peu d’avance en annonçant que je donnerai un avis favorable à cet amendement du Gouvernement. Il répond en effet d’ores et déjà à beaucoup d’interrogations de nos collègues.

M. le président. La parole est à M. Dominique Potier.

M. Dominique Potier. Permettez-moi de dire tout le bien que je pense de cette initiative gouvernementale. Je la salue : elle répond effectivement à nos attentes. Il faut néanmoins en souligner quelques limites : les opérations de spéculation ne passent pas toutes par des délais d’initiés, qui peuvent être détectés par l’Autorité des marchés financiers. De plus, la notion de manipulation des cours est elle-même mal définie dans le code monétaire et financier. Comme l’a dit M. le ministre, cette affaire n’est donc pas terminée.

Cette proposition ne permettra pas de combattre la volatilité de l’ensemble des cours, mais elle y contribuera. Nous saluons cette première étape.

(L’amendement n° 348 est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean Launay, pour soutenir l’amendement n° 62.

M. Jean Launay. Cet amendement est important : il vise à rendre plus transparente la composition de l’actionnariat des entreprises cotées, en précisant son ancienneté. Cela permettrait de suivre plus finement, au cours du temps, la composition de l’actionnariat. Il n’y a pas là d’atteinte au secret des affaires, car cela ne conduirait pas à la divulgation d’informations nominatives mais uniquement à la publication d’une simple statistique agrégée qui permettrait tant aux actionnaires qu’aux analystes et au public de mieux appréhender l’influence de la composition de l’actionnariat sur la gouvernance de l’entreprise.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Karine Berger, rapporteure. La commission a rendu un avis défavorable car les informations visées par cet amendement ne sont pas directement liées aux activités des banques, puisqu’il ne s’agit que de la structure de leur actionnariat. Par ailleurs, les informations demandées par notre collègue seraient particulièrement difficiles à cibler. Je l’invite donc à retirer son amendement.

(L’amendement n° 62, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Article 1er bis

M. le président. Je suis saisi de deux amendements rédactionnels, nos 106 et 105, de Mme la rapporteure.

(Les amendements nos 106 et 105, acceptés par le Gouvernement, sont successivement adoptés.)

(L’article 1er bis, amendé, est adopté.)

Après l’article 1er bis

M. le président. La parole est à M. Nicolas Sansu, pour soutenir l’amendement n° 168.

M. Nicolas Sansu. Nombre de nos collègues l’ont dit au cours de la discussion générale, le trading à haute fréquence est devenu l’un des symboles des excès de la finance. Henri Emmanuelli l’a rappelé, ce qui représentait 1 % des ordres il y a sept ou huit ans, en représente aujourd’hui quasiment le tiers. En 2010, la commission d’enquête de l’Assemblée nationale sur les mécanismes de spéculation a souligné que ces mécanismes de passation automatique des ordres à grande vitesse posent de nouveaux risques « en contribuant à rendre le marché illisible, tant pour le régulateur que pour les investisseurs eux-mêmes, et en permettant à certaines opérations spéculatives comme la manipulation des carnets d’ordres de prendre un caractère quasi industriel. »

Le trading à haute fréquence est à l’origine d’incidents à répétition sur les marchés, qui ont entraîné des pertes de l’ordre de plusieurs centaines de millions d’euros en 2010 et en 2012. Elles étaient, pour la plupart, liées à des tentatives de manipulation des cours, ou à la diffusion de fausses informations.

L’objet du présent amendement n’est pas d’interdire le trading haute fréquence. Mais nous avons entendu, ce dont nous en sommes très heureux, que le Gouvernement souhaitait parvenir à interdire ces pratiques inadmissibles. En effet, l’interdiction du THF ne peut, bien entendu, se concevoir qu’à l’échelle européenne. Cet amendement prévoit plus prosaïquement un régime de sanction des tentatives de manipulation de cours qui tirent parti du trading haute fréquence pour fausser volontairement le cours d’un titre et en retirer un gain d’arbitrage. La sanction permettra d’analyser l’algorithme pour y détecter la volonté de manipuler le marché sans avoir à identifier les ordres correspondants, sachant que le seul examen des ordres transmis reste, le plus souvent, insuffisant pour détecter la tentative de manipulation.

C’est un peu le pendant de l’amendement n° 348 portant sur les contrats de matières premières, puisque ce premier pas, permis grâce à l’adoption de l’article 1er bis relatif à l’obligation d’information sur les systèmes de négociation automatisés, complète la législation actuelle sur l’abus de marché.

Je vous invite donc à adopter cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Karine Berger, rapporteure. Nous avons discuté des problématiques créées par les structures des banques, le risque systémique et, de manière générale, l’établissement ou l’activité de l’établissement lui-même.

Notre collègue propose de se tourner vers une autre problématique très importante des crises financières : la manipulation de marché, donc là où il y a une ou un responsable à la clé. De ce point de vue, je pense que le renforcement des sanctions ou, en tout cas, du contrôle est essentiel et utile dans de très nombreux cas. La commission a donc donné un avis favorable à cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Pierre Moscovici, ministre. J’ai fait connaître mon avis par avance puisque j’ai dit que l’amendement de M. Sansu tendant à sanctionner ces activités me paraît aller tout à fait dans le bon sens. Vous n’étiez pas présent quand j’ai répondu aux orateurs intervenus dans le débat général, mais j’ai eu l’occasion de dire, monsieur Sansu, et je vous le répète maintenant, à quel point j’ai apprécié, hier, vos interventions. Je note, au passage, que les principaux amendements que vous avez présentés ont été adoptés. Je dis cela comme ça ! (Sourires.)

Je suis donc vraiment très favorable à cet amendement.

(L’amendement n° 168 est adopté.)

Articles 2 et 3

(Les articles 2 et 3 sont successivement adoptés.)

Article 4

M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l’amendement n° 15.

Mme Marie-Christine Dalloz. Cet article fixe le calendrier de la filialisation des activités telles qu’elles sont définies à l’article 1er.

L’article 4 prévoit deux dates : le 1er juillet 2015 pour le transfert effectif des activités et le 1er juillet 2014, pour l’identification des activités confiées à une filiale. Ce sont, bien entendu, des dates limites.

Au moment où une réflexion s’engage dans certains pays européens, dont l’Allemagne, et alors que la Banque centrale européenne reste mesurée et que Michel Barnier souhaite que soit réalisée une étude d’impact des propositions du rapport Liikanen remis à la Commission européenne en octobre dernier, il semble prudent de fixer à 2017 la date de passage officiel à la filialisation et à 2016 celle du référencement de toutes les activités devant être intégrées à une filiale.

Nous proposons donc d’allonger légèrement le délai d’application qui vous est ici proposé.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Karine Berger, rapporteure. Je dois admettre que je ne comprends plus si nos collègues de l’opposition souhaitent accélérer la régulation contre les risques d’une crise financière ou les ralentir ! En effet, au cours des premiers échanges, il nous a été reproché de ne pas aller assez loin et assez vite et de ne pas être assez précis. Or vous nous invitez, maintenant, à ne pas appliquer immédiatement ces mesures pour une activité qui commence à se mettre en place et à les repousser à une date ultérieure. Nous n’en comprenons d’ailleurs pas très bien les raisons.

La commission est, par conséquent, très défavorable à cet amendement. Si on choisit, en effet, de réguler la finance et de tenter d’éviter que la crise financière de 2008 ne se reproduise, il ne sera jamais assez tôt pour le faire !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Pierre Moscovici, ministre. J’éviterai, pour ma part, de donner un avis « très » défavorable et je me contenterai d’émettre un avis défavorable (Sourires.). Cela ne me paraît, en effet, pas raisonnable. Nous donnons, d’une part, un délai suffisant aux banques pour s’adapter à la loi. Nous avons, d’autre part, voté l’amendement proposé par le président de la commission des finances qui fixait le moment d’une étude d’impact. Je vous invite donc à retirer votre amendement et à vous inscrire dans notre rythme ainsi consolidé !

M. le président. Cet amendement est-il maintenu ?

Mme Marie-Christine Dalloz. Oui, monsieur le président !

(L’amendement n° 15 n’est pas adopté.)

(L’article 4 est adopté.)

Après l’article 4

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 60 rectifié et 187 rectifié, portant articles additionnels après l’article 4.

La parole est à M. Jean Launay, pour soutenir l’amendement n° 60 rectifié.

M. Jean Launay. Je propose de supprimer, dans les banques, les stocks-options qui sont la source d’incitations perverses et de bénéfices injustifiés. M. le ministre comprendra qu’en évoquant cet amendement, chante encore dans ma mémoire le discours de Rouen du 15 février 2012 du candidat président qui annonçait son intention de supprimer les stocks-options. Je considère que les stocks-options dans les groupes bancaires sont des facteurs d’augmentation de prises de risques et d’enrichissement dont la cause est discutable, car liée à des performances boursières générales et non pas forcément à une performance de l’entreprise. Je veux bien admettre, parce que je me doute que l’argument va m’être opposé, que les stocks-options peuvent être utiles pour de très petites entreprises qui se créent, car on rémunère souvent très peu par le salaire et les dirigeants font le pari du succès. Mais c’est inacceptable pour des grandes entreprises financières puisque le cours de l’action dépend surtout de l’évolution du marché boursier et que la profession financière dispose de beaucoup plus de moyens pour doper artificiellement son cours de bourse grâce à des acrobaties comptables au niveau des produits ou dans la prise de risques.

Je me souviens que la rapporteure m’a dit, en commission, souhaiter traiter globalement la rémunération. Or, si on ne le fait pas maintenant, madame la rapporteure, quand le fera-t-on ?

M. le président. La parole est à M. Éric Alauzet, pour soutenir l’amendement n° 187 rectifié.

M. Éric Alauzet. Cet amendement concerne une part de la rémunération des banquiers et les types de rémunérations qui, malheureusement, poussent au crime. Nous avons laissé de côté, à l’occasion de cette discussion, les bonus des traders…

M. Jean Launay. Nous discutons des stocks-options, pour les bonus, ce sera après !

M. Éric Alauzet. …puisque nous en traiterons dans le cadre d’une réflexion européenne.

Nous débattons donc des stocks-options, objet de déclarations de la part du candidat président qui s’était, alors, engagé à les supprimer.

Il est vrai que ces stocks-options, souvent comme les bonus, poussent, malheureusement, un certain nombre de banquiers à la spéculation. Ils ont intérêt à la volatilité des cours, car plus il y a de volatilité, plus les cours font du yoyo, plus ils peuvent réaliser des bénéfices importants. Nous proposons donc de supprimer ces stocks-options. Cela paraît, sans doute radical, mais la question mérite largement d’être posée, d’autant qu’à l’origine, ces stocks-options s’adressaient aux jeunes entreprises afin de les dynamiser. Elles ont été malheureusement détournées de leur but originel. Il est vrai que cela ne concerne pas que les banquiers, mais ils sont l’objet de notre discussion d’aujourd’hui.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements identiques ?

Mme Karine Berger, rapporteure. La commission a émis un avis défavorable à ces amendements. Nous en avons, en effet, discuté en commission des finances, la question essentielle de la rémunération des opérateurs de marché ne peut pas se réduire au seul instrument des stocks-options. M. Alauzet a fait valoir à raison que c’est la question du bonus, donc de la rémunération au regard des risques pris, qui doit être traitée. Le seul outil des stocks-options ne règle absolument pas la problématique générale des bonus. Si nous interdisons les stocks-options, je suis persuadée que les DRH trouveront d’autres moyens pour verser des bonus plus ou moins raisonnables à leurs opérateurs de marché. Comme en commission des finances, nous considérons que c’est la totalité de la rémunération des opérateurs de marché qui doit être régulée. Nous discuterons de ces éléments tout à l’heure. Mais il ne faut pas viser que les stocks-options qui ne sont que l’outil et non l’objectif.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Pierre Moscovici, ministre. Avis défavorable, pour les mêmes raisons.

(Les amendements identiques, nos 60 rectifié et 187 rectifié, ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements, nos 115 rectifié, 64 et 65, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Nicolas Sansu, pour défendre l’amendement n° 115 rectifié.

M. Nicolas Sansu. Cet amendement propose de plafonner à un niveau pour le moins raisonnable – à 100 % de la rémunération fixe – la part variable des rémunérations des traders et des dirigeants des établissements bancaires.

Christophe Caresche nous le rappelait en commission, le paquet CRD 4, en cours de négociation, inclut la transcription, au niveau européen, des normes de Bâle III, mais il concerne aussi les rémunérations pour lesquelles le Parlement européen souhaite établir une stricte parité entre la part variable et la part fixe.

Il est plus que temps de prendre des mesures significatives en ce sens. L’étude, publiée en 2011, d’Olivier Godechot de l’École d’économie de Paris sur les inégalités de revenus en France a, en effet, mis en évidence que, parmi les 0,01 % les plus riches, 24 % appartiennent au secteur de la finance, contre 8 %, il y a trente ans. Le constat est encore plus net quand on s’intéresse à leur poids dans l’augmentation de la masse salariale totale du « top 0,01 % » intervenue depuis 1996. Cette augmentation est due pour 48 % aux rémunérations des salariés les mieux payés de la finance, pour 23 % à ceux du secteur des services aux entreprises et pour 8 % seulement à ceux du secteur du divertissement : sport culture…

Avec cet amendement, nous proposons que la France prenne une longueur d’avance sur ses partenaires européens. Si nous voulons un texte précurseur, la question des rémunérations ne saurait être tenue pour anodine. Elle est au cœur de la folie spéculative et porteuse de risques évidents.

M. le président. La parole est à M. Jean Launay, pour soutenir l’amendement n° 64.

M. Jean Launay. Je défendrai les amendements n°s 64 et 65.

Mme la rapporteure nous a, tout à l’heure, incités à avoir une vision globale.

L’amendement n° 60 rectifié portait sur les stocks-options, l’amendement n° 64 traite des bonus des traders et l’amendement n° 65 est relatif aux bonus des dirigeants. Le candidat président s’est engagé à supprimer les stocks-options et à encadrer les bonus : la vision globale est là et justifie ces deux amendements.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces trois amendements ?

Mme Karine Berger, rapporteure. C’est un sujet toujours délicat et rien n’a changé depuis l’examen du premier amendement !

Nous devons, bien évidemment, nous pencher sur la question de la rémunération des opérateurs de marché. Pour autant, si nous ne trouvons pas un accord au niveau européen sur cette question, il est absolument certain que nous ne réglerons rien. En effet, le versement des salaires dans la finance s’effectue, d’ores et déjà, sur des comptes qui ne sont pas forcément situés en France. La question de la régulation directe des rémunérations des opérateurs de marché ne peut pas être traitée au niveau franco-français. J’espère que des accords seront trouvés à l’échelle européenne. M. Sansu a fait référence à la tentative d’accord via la proposition CRD 4. Je ne sais pas quelle est la position française sur le sujet, mais je crois que M. le ministre nous éclairera sur ce point.

En tout cas, à ce stade, la commission est défavorable à ces trois amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Pierre Moscovici, ministre. La réglementation bancaire en matière de rémunération a été considérablement renforcée ces dernières années avec l’adoption des principes et standards du Conseil de stabilité financière en 2009, puis la transposition dans le cadre de la directive CRD 3 et, comme l’a récemment relevé la Cour des comptes, la France l’applique déjà de façon beaucoup plus ambitieuse que ses voisins, même européens, retenant en particulier un champ plus large de personnes couvertes par ces règles.

Il faut aller plus loin. Des débats sont en cours à Bruxelles dans le cadre d’une directive CRD 4 qui va transposer les accords de Bâle III. La question du plafond a été mise sur la table des négociations par le Parlement européen. Comme j’ai eu l’occasion de le souligner en commission des finances, la France en fait l’une de ses priorités et souhaite qu’un accord ambitieux soit trouvé.

Je partage donc totalement votre objectif. Lors du dernier conseil ECOFIN, il y a eu un échange sur CRD 4. Je pense que nous irons vers une conclusion assez rapide et j’ai l’espoir que cela inclura ce principe du plafonnement.

Cela dit, pour les raisons évoquées par Mme la rapporteure, je ne souhaite pas que nous prenions une initiative unilatérale. Cela poserait des problèmes évidents de concurrence à nos établissements, auxquels les règles s’appliquent d’ailleurs avec un peu plus de rigueur qu’ailleurs. Nous devons attendre que la démarche européenne nous permette de parvenir à une solution, ce qui ne sera pas long.

Je souhaite donc que ces amendements soient retirés. À défaut, j’y suis moi aussi défavorable. Encore une fois, évitons de nous tirer des balles dans le pied et de nous faire mal. L’objectif, ce n’est pas de nous faire mal, c’est de faire mieux et, quand l’Europe intervient, et elle s’apprête à le faire, de l’attendre.

M. le président. La parole est à M. Laurent Furst.

M. Laurent Furst. Je ne peux que louer la sagesse de vos propos, monsieur le ministre. Dans ce type de décisions, il y a une intention politique, que nous pouvons à certains égards partager, et une réalité économique de marché ouvert. L’économie est mobile dans un espace géographique qui dépasse largement l’espace national, et nous devons aller dans le sens de l’intérêt économique de la nation et de la conservation des emplois sur notre territoire, même quand ils sont en petit nombre, et c’est ce que vous avez souligné.

Vous avez parlé de la part variable de rémunération, que vous souhaitez plafonner à 100 %. Je ne sais pas si l’on peut appliquer une telle mesure à une profession précise ou s’il faut avoir une vision générale pour l’ensemble des corps professionnels. Dans la fonction publique, il y a des parts variables de rémunération qui dépassent 100 % de la part fixe. C’est un exemple cocasse, allais-je dire.

M. le président. La parole est à M. Nicolas Sansu.

M. Nicolas Sansu. Monsieur le ministre, mon amendement ne sera pas adopté mais il est important pour le groupe que j’ai l’honneur de représenter ce soir. Il est dommage que le Gouvernement ne cherche pas à rédiger une disposition permettant de montrer sa volonté d’aller vers une telle solution. Il reste quelques semaines d’ici à l’examen du texte au Palais du Luxembourg. Il serait bien qu’une rédaction en ce sens soit trouvée.

M. le président. La parole est à M. Jean Launay.

M. Jean Launay. J’ai entendu la demande de la rapporteure et du ministre et, comme je suis les deux pieds dans la majorité, je vais retirer mes amendements.

Je voulais tout de même préciser qu’ils n’entraîneraient pas forcément une baisse des rémunérations puisqu’il est possible d’augmenter les parts fixes. Il s’agissait simplement de limiter la variabilité, délétère, de ces parts variables. Je vous rappelle, monsieur le ministre, et je vous prodigue tous mes encouragements pour la négociation européenne, que cette saine proposition avait déjà été acceptée par le Parlement européen en 2009 avant d’être abandonnée dans des négociations qu’a évoquées Nicolas Sansu tout à l’heure.

Je retire donc mes amendements par discipline, mais à regret.

(Les amendements n°s 64 et 65 sont retirés.)

(L’amendement n° 115 rectifié n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Nicolas Sansu, pour soutenir l’amendement n° 117 rectifié.

M. Nicolas Sansu. Le texte que nous étudions ce soir tend à sécuriser le financement de l’économie réelle de nos PME, de nos TPE et de nos ETI. En ce sens, il a un peu le même objet que les dispositions relatives à la banque publique d’investissement et aura sans doute le même objet que celles qui concerneront l’épargne longue.

Depuis la modification des règles de centralisation de l’épargne réglementée, les banques commerciales sont autorisées à détenir 35 % des dépôts collectés au titre du livret A et du livret de développement durable, soit près de 120 milliards d’euros. Or elles n’ont depuis lors fourni aucun élément permettant de conclure au respect de leurs obligations en matière de financement des petites et moyennes entreprises. Nous entendons tous encore tonner Henri Emmanuelli réclamant ce rapport à cor et à cri, à la commission des finances.

Nous proposons donc qu’une part de cette épargne non centralisée vienne renforcer les moyens d’intervention de la banque publique d’investissement, qui nous semble davantage à même que les banques de réorienter le crédit vers l’emploi et l’investissement productif.

Cet amendement nous semble d’autant plus utile qu’en dépit des quelques avancées que comporte le texte, il y a fort à craindre que les banques ne modifient pas en profondeur leur comportement et que, par-delà le travail utile réalisé grâce à ce projet, la question de l’accroissement de leur contribution au financement de l’économie reste entière.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Karine Berger, rapporteure. Monsieur Sansu, vous abordez un sujet qui me passionne jour et nuit, avec l’excellent Dominique Lefebvre. Je pourrais vous en parler des heures mais je crois que ce texte n’en est pas l’occasion.

L’argent du livret A est revendiqué par beaucoup de gens, à de nombreux titres. De manière générale, le financement de l’économie française, heureusement d’ailleurs, ne se résume pas au livret A et au LDD. Le financement en fonds propres et en crédit des PME et des TPE est un sujet crucial, qui mérite une grande attention du Gouvernement, et peut-être des réformes, mais il ne peut pas être réglé par le fait de donner une part fixe du livret A, qui, je le rappelle, doit être une épargne solide, sécurisée et liquide.

Je vous propose donc de retirer cet amendement et je vous promets que cette question sera abordée longuement dans les semaines et mois qui viennent.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Pierre Moscovici, ministre. J’attends le résultat des cogitations qui, jour et nuit, réunissent Karine Berger et Dominique Lefebvre (Sourires) et je propose à l’Assemblée de faire de même. Je vous suggère donc, monsieur Sansu, de retirer votre amendement car il rigidifie peut-être un peu prématurément les choses alors qu’il y a des solutions à apporter. Je suis maintenant impatient.

M. le président. Monsieur Sansu ?

M. Nicolas Sansu. Je retire mon amendement.

(L’amendement n° 117 rectifié est retiré.)

M. le président. La parole est à M. Éric Alauzet, pour soutenir l’amendement n° 195.

M. Éric Alauzet. Ce projet de loi, qui veut protéger les déposants et le contribuable, veut aussi destiner l’argent de ces déposants à l’économie, aux entreprises. On sait que 80 % des PME sont financées par les activités commerciales des banques, mais elles pâtissent de l’évolution du secteur bancaire, qui, souvent, a donné la priorité aux activités de marché, à rentabilité de court terme plus élevée, aux dépens, malheureusement, de l’activité économique, cela associé à un affaiblissement de la mesure du risque et de l’accompagnement.

Néanmoins, le financement de l’économie est l’une des fonctions majeures des banques et c’est pour cette action d’intérêt général qu’elles bénéficient de la garantie bancaire.

Nous souhaitons donc avoir les éléments de retour nous permettant de voir en quoi les banques mènent une telle action et cet amendement les oblige à rendre annuellement un rapport sur les financements accordés aux entreprises.

Vous aurez remarqué, madame la rapporteure, que, pour tenir compte de vos objections en commission, il faut qu’il y ait au moins deux agences bancaires sur le territoire pour que cela s’applique.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Karine Berger, rapporteure. Je vous remercie d’avoir essayé de répondre aux arguments que j’avais avancés en commission des finances, mais je demeure néanmoins défavorable à votre amendement.

Nous entrons vraiment dans un très haut niveau de spécification et de connaissance de la stratégie d’un établissement bancaire et, même s’il y a un second établissement, les chiffres mis sur la place pourraient vraiment être préjudiciables au secret des affaires du système bancaire.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Pierre Moscovici, ministre. Comme je l’avais indiqué en commission des finances, je ne suis pas opposé à une telle idée mais je suis réservé quant à l’opportunité d’intégrer cette disposition dans la loi. Des expérimentations sont en cours, à l’initiative de certaines régions, et il est donc prématuré de légiférer à ce sujet.

Je sais que l’une des qualités du groupe écologiste est de souhaiter laisser vivre les expérimentations, laissons-les donc se développer. Aussi, je vous propose d’en rester à ce que nous nous étions dit en commission. La sagesse voudrait donc que vous retiriez cet amendement.

(L’amendement n° 195 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Sandrine Mazetier, pour soutenir l’amendement n° 235.

Mme Sandrine Mazetier. Il existe depuis 2009 dans le code général des impôts une définition des États que nous considérons comme non coopératifs. Plusieurs définitions et plusieurs listes se recoupent, mais jamais totalement et toujours imparfaitement, l’objectif était toujours peu ou prou de lutter contre les paradis fiscaux et, surtout, ce qui s’y passe et les conséquences sur nos économies, notamment celles des pays désespérément en voie de développement.

Cet amendement propose donc tout simplement que soit organisé chaque année, en présence du ministre des finances, un débat associant la commission des finances et la commission des affaires étrangères, puisque l’établissement d’une telle liste relève non pas seulement des finances mais aussi des relations extérieures de la France pour avancer vers un rapprochement de ces listes, voire modifier la définition donnée par le code général des impôts.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Karine Berger, rapporteure. Je comprends le souci de nos collègues que cette question soit examinée de manière très précise par l’Assemblée, notamment, par la commission des finances. Toutefois, l’examen du projet de loi de finances annuel doit normalement être l’occasion d’organiser un tel débat.

J’aurais donc plutôt tendance à suivre l’avis de la commission des finances qui est défavorable, même s’il est effectivement nécessaire de travailler à la question des paradis fiscaux jusqu’à ce que nous arrivions vraiment à supprimer ce comportement de fuite fiscale.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Pierre Moscovici, ministre. Nous avons eu ce débat devant la commission des finances. Comme j’ai eu l’occasion de le souligner à plusieurs reprises, la lutte contre les paradis fiscaux est évidemment une priorité partagée par le Gouvernement et le Parlement.

La question qui est posée, et je me souviens que les avis étaient partagés lors de l’examen de cette proposition par la commission des finances, c’est s’il faut formaliser ce débat, l’isoler, ou bien l’inscrire dans le cadre des discussions normales, évidentes, devant cette commission.

Je suis pour ma part plutôt tenté par l’idée de ne pas trop rigidifier le sujet mais je conçois qu’on puisse faire l’inverse. C’est la raison pour laquelle – il faut inventer des formules – j’émettrai un avis de sagesse qui incite plutôt au retrait, mais sans virulence. (Sourires.)

M. le président. La parole est à Mme Sandrine Mazetier.

Mme Sandrine Mazetier. Puis-je me permettre, avec la même douceur, monsieur le ministre, de plaider pour l’échange fourni que nous pourrions avoir avec vous et les membres des commissions des affaires étrangères de l’Assemblée et du Sénat ? Le projet de loi de finances peut certes permettre un tel échange, mais il absorbe déjà tout ce que nous avons à dire sur les recettes et les dépenses, ainsi que sur beaucoup d’autres sujets, avec de nombreux collègues déterminés à faire avancer leurs dossiers, ce que l’on peut comprendre ; les débats, sans être escamotés – le mot est trop fort –, n’auraient pas la même portée qu’un rendez-vous annuel permettant solennellement de montrer la détermination des assemblées et du Gouvernement d’avancer. Cela permettrait aussi au Parlement d’accompagner le Gouvernement dans les négociations, qu’il assume avec courage, avec nos partenaires européens et ceux de l’OCDE.

(L’amendement n° 235 est adopté.)

Article 4 bis

M. le président. La parole est à M. Éric Alauzet, premier orateur inscrit sur l’article 4 bis.

M. Éric Alauzet. Nous sommes encore loin de la fin de ce débat mais, au moment d’aborder l’article 4 bis, je souhaite signaler l’importance de ce que nous avons décidé en commission. L’instauration de la transparence pour l’ensemble des activités bancaires des filiales de banques françaises dans tous les pays, sans stigmatiser aucun d’entre eux, est une avancée colossale, que nous pouvons tous saluer sur ces bancs, en tout cas à gauche.

J’insiste sur la dimension collective de notre action. Vous n’avez pas seulement accepté cette transparence, monsieur le ministre : je sais que vous y étiez sensible et que vous auriez pu, dans d’autres circonstances, faire vous-même cette proposition. C’est une avancée commune. Je pense que vous pourrez la faire valoir au niveau de l’Europe ; elle se renforcera si nos partenaires européens empruntent le même chemin.

Comme nous avons beaucoup d’appétit, nous n’en resterons pas là et nous essaierons d’aller un peu plus loin, en espérant ne pas vous donner de regrets. Nous avons tous conscience que les paradis fiscaux sont une cause majeure de la difficulté des pays occidentaux ; cette évasion fiscale est pour une large part à l’origine de l’austérité dans nos pays. C’est parce que cet argent manque à notre économie et à nos entreprises que nous avons envie d’aller aussi loin que possible et que nous ferons de nouvelles propositions au cours du débat.

M. le président. La parole est à M. Yann Galut.

M. Yann Galut. Pour la première fois dans notre histoire politique, nous allons introduire dans notre droit un contrôle de l’activité des banques françaises dans les paradis fiscaux. Il s’agit d’une avancée considérable dont nous devons mesurer la portée. Au moment où nous demandons à chaque Français de participer à l’effort national, nous ne pouvons rester sans réaction face aux paradis fiscaux qui pillent nos ressources en toute impunité. Comment peut-on continuer à accepter que 30 à 60 milliards de la richesse de la France soient transférés illégalement, avec la complicité de banques et d’entreprises, dans ces paradis fiscaux ?

Les chiffres de l’évasion fiscale donnent en effet le tournis. Si elle a été évaluée à 30 milliards d’euros en 2007 par la Cour des comptes, la commission d’enquête parlementaire du Sénat avance à présent le chiffre de 60 milliards. Ce chiffre doit être rapproché des 40 milliards annuels d’intérêts de notre dette : sans l’évasion fiscale, le poids de la dette ne serait pas de 90 mais de 60 % du PIB. Au niveau européen, cette évasion est estimée à 200 milliards d’euros par an, soit deux fois le budget de l’Union ! Au niveau mondial, on estime que 10 000 à 12 000 milliards d’euros disparaissent dans les paradis fiscaux !

Les paradis fiscaux reviennent à loger les bénéfices dans les pays tiers et à laisser les coûts dans les pays à forte fiscalité. C’est inacceptable. De même, on peut s’interroger sur l’installation de filiales dans des paradis fiscaux pratiquée par certaines entreprises françaises : BNP-Paribas y posséderait 150 établissements, France Télécom soixante-trois, Carrefour trente-deux, Michelin vingt-sept, pour ne citer que ces exemples.

Le Gouvernement a accepté en commission un amendement qui fera date, obligeant les banques à déclarer le nom et la nature de leurs activités, leur produit net bancaire et leurs effectifs. C’est un premier pas, que nous devons amplifier. Ne pourrions-nous exiger des banques qu’elles communiquent aussi les bénéfices réalisés ainsi que les impôts versés au Gouvernement dans chaque lieu d’activité ? Ces deux autres critères permettraient de mieux déterminer le volume de l’évasion fiscale, pour mieux lutter contre ce phénomène.

En conclusion, monsieur le ministre, je tiens à saluer cette première avancée extrêmement importante – que l’on pourrait même qualifier d’historique – mais je souhaite que nous envisagions d’aller plus loin.

M. le président. La parole est à M. Gwenegan Bui.

M Gwenegan Bui. Cet article 4 bis annonce le principe de la transparence pour les paradis fiscaux. Obtenir le nom et la nature de l’activité, les effectifs ainsi que le produit net bancaire est une belle avancée. C’est une réforme bienvenue et qui vient de loin. En 2000, les députés Vincent Peillon et Bruno Montebourg…

M. Dominique Baert. Des députés prometteurs… (Sourires.)

M Gwenegan Bui. …avaient déjà appelé l’attention de la représentation nationale sur la nécessité de légiférer dans ce sens.

C’est aussi le résultat des leçons que nous avons collectivement tirées de la crise de 2007-2008. Prenons l’exemple de Northern Rock, cinquième banque du Royaume-Uni, qui a fait faillite en quatre jours, à la suite d’un reportage de la BBC mettant en cause sa résistance financière, eu égard à la crise des subprimes mais aussi à son exposition trop forte au risque en raison de l’installation de sa filiale Granite à Jersey, paradis fiscal sans contrôle ni impôts. Les leçons que nous en tirons, c’est, d’une part, que même les grosses banques sont fragiles, d’autre part, que la logique bancaire est toujours la même : il s’agit toujours de se demander quel est le meilleur endroit pour réaliser une optimisation fiscale, pour camoufler ses marges bénéficiaires et en tirer un profit maximal.

Pour citer un autre exemple, la BNP-Paribas compte aujourd’hui 300 filiales dans des paradis fiscaux, dont vingt-quatre rien que dans les îles Caïmans. C’est beaucoup. L’opacité est le pire adversaire de la stabilité financière. Toute cette ingénierie juridique et financière pour camoufler des bénéfices. Tant d’argent dépensé à cette fin, c’est proprement scandaleux et cela appelle des réponses de la part des pouvoirs publics. Ces réponses sont apportées aujourd’hui par le Gouvernement. Plus de transparence, plus de contrôle, c’est aussi plus de démocratie.

M. le président. La parole est à M. Pascal Cherki.

M. Pascal Cherki. Pour compléter les propos qui viennent d’être tenus et que je partage, je dirai que nous sommes au pied d’une montagne élevée qu’il nous faut gravir. Nous apercevons le sommet, nous avons tracé la route, en prenant le bon chemin. Ce que nous faisons est une première. La bataille ne fait que commencer et elle sera rude.

Nous sommes au cœur du débat sur le conflit entre le travail et le capital. Le phénomène n’est pas nouveau, mais son ampleur et sa sophistication n’ont cessé de croître depuis les années soixante. Quand de grandes entreprises se sont transformées en firmes multinationales, déconnectant le lieu de leur siège social de la multiplicité des territoires où elles interviennent, la question du rapatriement des profits est devenue pour elles un enjeu stratégique. Le phénomène est parti des États-Unis ; comme la législation fiscale américaine était à juste titre très coercitive, ces entreprises ont cherché les moyens de ne pas rapatrier leurs profits.

Nous ne sommes pas face à un simple problème d’évasion fiscale ; c’est un problème d’optimisation fiscale ! Beaucoup d’entreprises se servent des techniques du droit dans le but de contourner l’impôt. Et le problème ne se pose pas qu’à la France ; de multiples pays y sont confrontés. Il faut aujourd’hui des instruments politiques pour qu’un mouvement d’opinion se développe à l’échelle mondiale afin d’inverser le rapport de force. Ce que nous accomplissons ce soir est précurseur et j’espère que nous ferons boule de neige.

La problématique était la même pour la taxe sur les transactions financières. C’est parce que des ONG ont porté ce débat, l’ont mis en lumière, ont créé un point d’appui afin qu’une bataille ait lieu, que, plusieurs années plus tard, nous avons pu, au moins en Europe, créer l’embryon d’une première taxe dont nous espérons qu’elle va grandir et produire des ressources propres pour l’Europe, en freinant la spéculation financière.

C’est le même débat qui est posé sur les paradis fiscaux, et nous avons une question à ce sujet, monsieur le ministre. Nous avons introduit trois critères ; les ONG en demandent deux autres, que nous avons également soutenus, pendant des années, quand nous étions dans l’opposition : les impôts et le bénéfice. Pourquoi le Gouvernement nous dit-il aujourd’hui que la situation n’est pas mûre pour ces deux critères ?

M. Nicolas Sansu. Très bonne intervention !

M. le président. La parole est à M. Dominique Potier.

M. Dominique Potier. Nous allons gagner du temps car j’ai déjà tout donné hier, et je crois avoir touché M. le ministre sur ces questions. Je ne vais donc pas en rajouter mais j’évoquerai un prochain rendez-vous législatif, au-delà de ce combat qui a, il est vrai, un caractère historique. Dans la discussion générale, j’ai quelque peu amalgamé la question des banques et celle des filiales des multinationales en général. Je fais amende honorable, mais le lien juridique entre les filiales et la maison mère est un vrai sujet législatif, ce sera un prochain rendez-vous pour notre Parlement, dans la continuité de notre présente action de justice, en France et ailleurs dans le monde.

M. le président. La parole est à M. Fabrice Verdier.

M. Fabrice Verdier. Grâce au travail des groupes de la majorité et à la volonté du Gouvernement, le nouvel article 4 bis du projet de loi instaure une salutaire obligation de transparence. C’est une première avancée considérable – je crois que nous partageons tous ici cet avis. Elle est dans la lignée de travaux parlementaires récents qui doivent nous inciter à aller progressivement plus loin dans cette exigence de transparence et de traçabilité.

Le rapport des députés Didier Migaud et Gilles Carrez, dans le cadre de la mission d’information sur les paradis fiscaux, en 2008, indiquait que la disparition des zones d’ombre de la finance passait par la combinaison de quatre vecteurs : une évolution des paradis fiscaux vers plus de régulation et de transparence permettant d’identifier les personnes, d’appréhender les activités réelles, de tracer les flux et d’analyser les risques ; une ouverture des paradis fiscaux par l’application de procédures performantes d’échanges et de renseignements ; le contournement des États et territoires non coopératifs par la mise en place de procédures directement avec les entités qui y sont établies ; enfin, le durcissement de la rétorsion en direction des États et territoires non coopératifs, particulièrement concernant les flux et opérations affectant les entreprises.

L’article 4 bis est un premier signal fort, une avancée réelle qui doit nous encourager à aller beaucoup plus loin, à moyen terme, dans un cadre national et européen.

M Gwenegan Bui. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Corinne Narassiguin.

Mme Corinne Narassiguin. Cet article 4 bis est lui aussi un enrichissement de la commission des finances, et j’en remercie particulièrement Dominique Potier, son instigateur. Cet article, s’il est adopté, sera une arme contre la fraude et l’évasion fiscale via les paradis fiscaux. Ce sont de véritables trésors de guerre qui sont dissimulés dans ces territoires, et nous savons le rôle que ceux-ci ont joué dans la crise financière de 2008.

Il nous faut lutter contre les paradis fiscaux parce que les sommes qui y sont transférées représentent une perte de recettes fiscales considérable. Lorsque, dans notre construction du budget de l’État, nous peinons à trouver quelques millions supplémentaires pour boucler tel ou tel programme, comment ne pas s’insurger à la pensée des centaines de milliards d’euros de revenus fiscaux qui disparaissent dans ces trous noirs de la finance mondiale ?

Un récent rapport du Sénat estime que 40 à 50 milliards d’euros manquent au budget de l’État en raison de ces fuites. Mais il ne faut pas oublier que les paradis fiscaux sont également des facteurs importants de déstabilisation du système financier international. Ils font partie de ce « système bancaire fantôme » dont parle Christian Chavagneux et qui a permis aux emprunts toxiques de se développer. Ce problème est donc une priorité absolue, et le projet de loi complété de cet article 4 bis constitue une partie de la solution.

M. le président. La parole est à M. Christian Paul.

M. Christian Paul. « Un combat à poursuivre » : tel était le titre du rapport de la mission d’information Peillon-Montebourg en 2002 – ce combat contre les paradis fiscaux, nous avions fait le serment de le mener avec beaucoup de celles et ceux qui sont aujourd’hui sur les bancs de la majorité.

Les paradis fiscaux sont le trou noir de la finance mondiale ; d’ailleurs, monsieur Carrez, vous avez écrit à leur sujet. Ils sont également bien souvent des paradis bancaires et judiciaires : c’est dire les défauts qu’ils cumulent.

On n’y fait pas seulement de l’optimisation fiscale, mais également de la fraude, puisqu’ils sont le refuge de la corruption et de la délinquance financière. Les Français ne peuvent entendre que les grandes banques françaises, dont on a par ailleurs vanté la robustesse et l’importance pour l’économie nationale, possèdent des centaines de filiales dans les paradis fiscaux. Nous devons nous attaquer à ce type de pratiques, d’autant plus à un moment où l’on demande des efforts dans tous les domaines à l’ensemble de nos concitoyens.

Cette loi ne pourrait être comprise si l’on n’y trouvait pas l’amorce résolue et vigoureuse d’une sortie progressive des banques françaises des paradis fiscaux.

Nous croyons à la méthode de la transparence, puisque celle des listes – qui allaient en se réduisant – a largement montré ses limites. Cette méthode va marquer ce soir des points : il restera à approfondir les critères de ce reporting des banques, comme l’ont redit Dominique Potier et Pascal Cherki ce soir.

Nous tenons là un outil redoutable, et qui doit être redouté ; mais au-delà de la transparence, nous aurons également besoin de la pression citoyenne et de la mobilisation politique. Le combat reste à poursuivre.

M. le président. La parole est à Mme Sandrine Mazetier.

Mme Sandrine Mazetier. Ce combat reste bien à poursuivre mais nous ne boudons pas notre plaisir d’être les premiers, grâce à Pierre Moscovici, qui a donné un avis favorable aux nombreux amendements déposés par la gauche.

Notre combat doit être un point d’appui et un point de départ pour d’autres opinions publiques, pour d’autres parlementaires. La rapporteure citait Shakespeare dans son propos liminaire ; je voudrais pour ma part que nous signalions ce soir à tous nos partenaires européens et aux parlements de l’OCDE, qui se penchent sur les listes des paradis fiscaux et la question de la fraude et de l’optimisation fiscales, que la transparence est possible. Dès qu’il y aura transparence, dans l’exercice budgétaire 2013, des activités de nos grands établissements financiers, ce sera alors à la City, puis à tous les grands établissements financiers européens de nous emboîter le pas.

Vous pouvez agiter vos bras, monsieur Furst, qu’avez-vous fait, vous, quand le groupe UMP était majoritaire, …

M. Laurent Furst. Rien, c’est bien connu…

M. Yann Galut. Rien de concret ! Que du vent !

Mme Sandrine Mazetier. …alors que notre ministre fait dans la majorité ce qu’il avait dit qu’il ferait quand il était dans l’opposition ? La voilà, la différence entre vous et nous !

M. le président. La parole est à M. Laurent Furst.

M. Laurent Furst. Tout à l’heure, je me sentais très proche des propos du ministre, je serai désormais moins dithyrambique.

Il y a dans ce texte beaucoup d’intentions qui ne nous choquent pas et qui partent d’une analyse qui n’est pas erronée : nous n’allons pas défendre les paradis fiscaux… Toutefois, lorsque l’on fixe des règles qui s’appliquent à des entreprises françaises et que, de l’autre côté de la frontière, on trouve d’autres règles,…

M. Nicolas Sansu. Vive les paradis fiscaux !

M. Laurent Furst. …je ne suis pas certain que l’on soutienne la dynamique économique de notre pays.

M. Yann Galut. Il faut bien qu’un pays commence. C’est comme pour la taxe Tobin !

M. Laurent Furst. Un pays qui commence ? Je vais vous donner un exemple : où est le siège mondial de Renault Nissan aujourd’hui ? Lorsque vous aurez répondu à cette question, vous saurez qu’il existe un principe de réalité. Bien souvent les belles intentions ne sont malheureusement qu’illusions.

M. Yann Galut. On en parlera dans quelques années…

M. le président. La parole est à M. Jean Launay.

M. Jean Launay. Le débat porte ici sur la question de la transparence : mes collègues précédents ont bien fait, à ce propos, de rappeler les travaux passés de Vincent Peillon et d’Arnaud Montebourg.

Lorsque l’on évoque la stratégie en matière bancaire, souvent cette stratégie relève de l’évasion fiscale ; ainsi, quand on examine la liste, aujourd’hui réduite, des pays considérés par la France comme non coopératifs, nous avons affaire à un vrai sujet qu’il convient de porter au niveau européen.

Il y a un ratio simple qu’il faut considérer comme une information publique dans les pays développés : les parts de marché, soit le rapport entre le chiffre d’affaires et les résultats. Aussi tous les amendements à venir vont-ils dans ce sens.

M. le président. Nous en venons aux amendements à l’article 4 bis.

La parole est à M. le président de la commission des finances, pour soutenir l’amendement no 2.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Si vous le permettez, monsieur le président, je présenterai également l’amendement n° 12, que nous examinerons dans un instant.

MM Galut, Bui, Verdier, Paul, Launay, Mmes Narassiguin et Mazetier,…

M. Pouria Amirshahi. Pas moi ?

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Non, pas vous, non plus que M. Alauzet ! Aux autres, j’adresse cette question : l’Allemagne est-elle pour vous un paradis fiscal ?

Mme Marie-Christine Dalloz. Très bonne question !

M. Pascal Cherki. Ça dépend pour qui…

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Lisez le texte de l’article 4 bis, qui consiste à exiger des informations dans tous les pays.

Vous m’avez déçu, monsieur le ministre, pendant les travaux menés dans le cadre des commissions : sur ce point en effet, j’ai eu l’impression que vous perdiez le sens de l’intérêt général,…

M. Dominique Baert. Lui ? jamais !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. …et le fil de votre texte, pour donner satisfaction à telle ou telle partie de la majorité.

D’ailleurs, cet article 4 bis, qui, à minuit et demi, a fait intervenir presque la moitié de la majorité, ne figurait pas dans le texte initial. Nous pouvons nous demander ce qui s’est passé.

Dans un premier temps, nous sommes tombés d’accord pour estimer qu’il était normal d’exiger des informations des banques françaises présentes dans les paradis fiscaux ; puis est arrivé un amendement de M. Alauzet qui a dit, repris ensuite par M. Cherki, que le problème consistait à contrôler l’activité de nos banques dans le monde entier, parce qu’il peut y avoir des problèmes d’optimisation, de manières diverses, dans tous les pays – qu’il s’agisse des prix de transfert ou d’autres avantages, y compris dans l’Union européenne ou pis, dans la zone euro, où nous ne sommes pas parvenus à évoluer dans le sens d’une harmonisation fiscale.

Vous avez accepté, monsieur le ministre, un dispositif qui, pour reprendre votre expression, vous tire une balle dans le pied.

À partir du moment en effet où l’on donne dans chaque pays des informations relatives au chiffre d’affaires, au produit net bancaire, aux effectifs ou à la dénomination des activités et quand on voit comment le monde de la banque a modifié ses structures au cours des dernières décennies, comment, dès lors, la stratégie de consolidation de nos banques françaises – qui s’est faite grâce à un développement essentiellement européen : pensons à BNP Paribas qui a acheté une banque italienne ou, plus récemment, une banque belge, à la Société générale qui se développe en Russie – ne serait-elle pas mise à mal ?

M. Christian Paul. Alors, on ne fait rien…

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. En exigeant des informations sensibles, que seules les banques françaises auront à donner, la concurrence aura tout loisir de contrer leurs stratégies de développement.

Examinons ensemble l’exemple inverse. Supposons une banque française installée dans un pays qui n’est pas un paradis fiscal ; cette banque se rend compte qu’il commence à y avoir, pour telle ou telle raison, un risque pays ; face à ce risque, elle envisage de réduire la voilure, sans toutefois pouvoir le faire ouvertement, à cause des relations diplomatiques, des relations commerciales qui existent avec ce pays : cette banque va alors conserver sa façade et son siège, tout en réduisant petit à petit ses engagements.

M. le président. Il faut conclure ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Je puis quand même dire quelques mots sur un tel sujet ! Je suis président de la commission des finances et je ne me suis guère exprimé jusque-là, ne prenant pas part à un débat interne à la majorité !

Cela se fait, votre système le révélera, par le biais du PNB bancaire et de l’évolution des effectifs. Ainsi, nous sommes en train de construire les armes qui fragiliseront et pénaliseront notre industrie bancaire.

Monsieur le ministre, nous sommes d’accord avec vous sur les paradis fiscaux et sur le non-sens de la liste ETNC – huit pays en font partie, dont la moitié sont des îles exotiques. Notre amendement est simple, puisqu’il consiste à prendre, à côté de cette liste ETNC, la liste du Groupe d’action financière, le GAFI, révisée chaque année. Aujourd’hui elle comporte une vingtaine de pays, dont la Turquie, l’Indonésie, la Thaïlande ou d’autres pays importants qui ont pour caractéristique de disposer de juridictions financières ou d’administrations fiscales qui ne sont pas dans la norme, et avec lesquelles nous ne pouvons pas avoir de conventions fiscales garantissant les échanges de renseignements.

Le texte doit être rédigé par rapport aux paradis fiscaux et non par rapport à l’Allemagne, à l’Italie ou à l’Espagne. Vous prendrez une décision très grave si vous choisissez de ne pas adopter cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Karine Berger, rapporteure. Votre inquiétude m’étonne, monsieur le président Carrez.

Vous êtes peut-être celui qui, dans cette Assemblée, a le plus travaillé sur la question des prix de transfert au sein des groupes internationaux. Vous êtes le spécialiste de la question de l’assiette de l’impôt sur les sociétés pour les multinationales. Vous êtes donc le mieux placé pour savoir que la question de l’optimisation fiscale des groupes internationaux…

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Ce n’est pas le même sujet !

Mme Karine Berger, rapporteure. Si, c’est le même sujet ! Il faut franchir le gué, c’est-à-dire admettre que pour aborder la question de l’assiette de l’impôt sur les sociétés pour les groupes multinationaux il faut passer par l’ensemble des pays concernés. En tant que spécialiste du sujet, vous devez comprendre la logique de ce projet de loi.

Il se trouve que, dans une vie antérieure, j’ai été responsable d’un département financier qui faisait du risque pays. Je peux vous assurer que ce n’est pas quelque chose que l’on fait de manière cachée. L’évolution de l’exposition d’un groupe financier en fonction du risque pays est immédiatement communiquée à ses clients et à ceux qui demandent l’exposition, sinon on est en situation de faute contractuelle, en tout cas de dissimulation d’informations vis-à-vis des clients. L’argument du risque pays n’est donc pas recevable.

Vous évoquez par ailleurs la liste GAFI. Là encore, mon expérience dans une entreprise privée m’oblige à vous dire que cette liste ne contient pas les pays dans lesquels certaines entreprises vont placer leurs profits à des fins fiscales. Je ne peux pas vous en dire plus, sauf à me trouver en situation personnelle difficile. Mais je peux vous assurer que, parmi les dix pays mentionnés dans la liste GAFI, ne figurent pas ceux dans lesquels une entreprise va faire de l’optimisation fiscale.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Vous voulez dire que l’Allemagne ne figure pas sur cette liste ?

Mme Karine Berger, rapporteure. M. Paul a évoqué le rapport Montebourg-Peillon. À l’époque, je ne faisais pas partie des Horaces qui ont prêté serment mais je me rappelle très bien d’un dîner auquel assistait un ministre des finances d’un pays touché par la liste explorée par nos ex-collègues ou actuels membres du Gouvernement : il m’en a parlé tout au long du dîner !

La question de la liste des pays est hautement diplomatique et elle peut mettre à mal les relations entre notre pays et ceux qui pourraient figurer sur cette liste. Je ne recommande donc absolument pas au Gouvernement de dresser sa propre liste des paradis fiscaux, et c’est l’esprit de l’amendement tel qu’il a été adopté en commission des finances. Nous ne voulons pas créer de crise diplomatique grave avec certains pays. Nous invitons nos banques à faire preuve de transparence et à s’exprimer pour l’ensemble des pays.

Pour toutes ces raisons, je donne un avis défavorable à cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Pierre Moscovici, ministre. Je répondrai en une seule fois à tous les orateurs.

Je demande aux uns et aux autres de respecter l’équilibre auquel nous sommes parvenus. Le travail que nous avons accompli a permis des avancées significatives. Aller au-delà serait imprudent, revenir en deçà serait un recul.

Monsieur Carrez, il n’y a pas d’un côté ceux qui défendent l’intérêt général et de l’autre ceux qui défendent l’intérêt des banques. Un ministre n’oublierait pas l’intérêt du financement de l’économie au nom de telle ou telle concession idéologique ou politique à des groupes. Le ministre cherche à aboutir à une réforme ambitieuse, novatrice, précurseur tout en respectant le financement de l’économie française. C’est cette démarche que Laurent Baumel a qualifiée hier de réformiste et que j’assume pleinement. Je crois en effet qu’il faut être dans une stratégie qui permet d’engranger progressivement des acquis en évitant d’un côté le maximalisme, de l’autre des approches qui seraient beaucoup trop minimalistes.

Je demande aux uns et aux autres d’être conscients de ce que nous avons déjà fait et de ce que nous risquons de défaire, soit en allant trop loin, soit en revenant en arrière.

Vous aurez la probité de reconnaître que lorsque j’ai présenté ce texte, le 19 décembre dernier, j’ai dit que je serai ouvert à un travail approfondi et honnête sur les paradis fiscaux.

Mme Sandrine Mazetier et M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. C’est vrai !

M. Pierre Moscovici, ministre. Ce travail m’a conduit à accepter l’amendement écologiste et socialiste en élargissant la focale aux pays qui figurent sur la liste des pays non coopératifs mais aussi à l’ensemble des pays. J’ai également souhaité restreindre un certain nombre de critères.

Monsieur Potier, je vous ai écouté hier attentivement. Oui, vous nous avez touchés, oui nous sommes parvenus à un équilibre et je demande qu’on y reste. Aussi, je souhaite que tous les amendements déposés à l’article 4 bis soient retirés, à l’exception de l’amendement n° 129 et des amendements rédactionnels.

Je suis dans une approche de moralisation, celle de la loi, mais je ne suis pas dans une croisade. Je suis pragmatique, je veux tout simplement que les banques puissent s’expliquer quand leurs activités ne correspondent pas aux effectifs présents. Avec l’amendement n° 129, il est proposé de calculer les effectifs en équivalents temps plein, ce qui est une bonne chose puisque cela nous permet de nous appuyer sur une comparaison utile.

M. Christian Paul. Très bien !

M. Pierre Moscovici, ministre. Je ne vois pas ce qu’apporterait, à ce stade, l’amendement relatif à la masse salariale agrégée. Il nous permettrait seulement de vérifier ce que nous savons déjà, à savoir que le salaire moyen est plus élevé en France qu’en Italie par exemple.

Nous devons donc en rester à des informations utiles à la lutte contre les dérives que sont le blanchiment et les activités prohibées ailleurs.

Pour le reste, ne perdons pas de vue que nous agissons dans un environnement mondialisé et n’oublions pas que l’industrie bancaire représente 400 000 emplois. Il ne s’agit pas non plus de se tirer ni une balle dans le pied ni de se créer un handicap supplémentaire.

C’est la raison pour laquelle je veux dire au président de la commission des finances qu’il ne me paraît pas raisonnable – ce n’est pas la logique du Gouvernement – d’avoir une liste restreinte. Je ne crois pas non plus qu’il soit raisonnable de différer d’un an l’application de la mesure qui a été votée en commission des finances. Je le dis d’autant que j’ai moi-même soulevé des obstacles techniques éventuels quant à la collecte des données.

Je veux aussi dire aux auteurs des amendements déposés à l’article 4 bis que le Gouvernement, à travers moi, a accepté cette avancée qui n’allait pas de soi. On aurait pu être dans une autre logique. Il ne faut pas avoir les yeux plus gros que le ventre mais savoir tirer profit de ce progrès sans pour autant aller plus loin.

Je vous suggère tout simplement de vous en tenir à l’équilibre qui a été trouvé, et de ne retenir peut-être que l’amendement n° 129 qui permet une précision utile.

J’ai dit dans la discussion générale que les banquiers n’étaient pas satisfaits de cette loi. Je vous assure, monsieur le président de la commission des finances, que c’est la vérité. Oui, cette réforme est nécessaire ; oui elle induit un vrai changement ; oui le changement bouscule des habitudes ; oui ce changement induit une perte de confort pour certains. Mais il faut que les banques puissent vivre avec. Pour en avoir discuté avec elles, je peux dire qu’à l’évidence personne, dans l’univers français, n’est satisfait de cet amendement. Beaucoup le redoutent, mais on peut vivre avec. Je suis persuadé que, tel qu’il est calibré, il est précurseur. C’est une avancée réaliste. Je vous demande donc, mesdames, messieurs les députés, de vous y tenir et de ne pas allonger nos débats puisque nous avons déjà fait ce travail ensemble. N’en rajoutons pas ; nous risquerions de détricoter le texte ou de paraître insatisfaits de l’avancée très importante à laquelle nous sommes d’ores et déjà parvenus. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et Écologiste.)

M. le président. La parole est à M. Christian Paul.

M. Christian Paul. Monsieur Carrez, je connais vos états de service sur l’optimisation fiscale ainsi que sur les paradis fiscaux. Je serais désolé que l’histoire de ce texte retienne que vous êtes opposé à notre démarche volontariste. J’aurais trouvé normal que vous consacriez autant d’indignation à vous étonner que BNP-Paribas compte 334 filiales dans les paradis fiscaux qu’à mettre en cause la démarche que nous engageons.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Mon amendement consiste à dresser la liste des paradis fiscaux !

M. Christian Paul. Puisque notre désaccord est peut-être technique, à moins qu’il soit politique, je vous répondrai que la liste des pays non coopératifs ne suffit pas à combattre les paradis fiscaux, et Mme la rapporteure l’a fort bien démontré.

Nous vous proposons une transparence sur l’activité des banques dans l’ensemble des États du monde afin qu’il soit possible de rapprocher leur chiffre d’affaires et les emplois qui sont affectés à ces filiales. Cela nous permettrait de voir s’il y a des coquilles vides qui sont là à des fins que nous ne pouvons pas encourager, notamment l’optimisation fiscale c’est-à-dire la création de valeurs dans des conditions moralement répréhensibles mais aussi économiquement extrêmement contestables. Voilà pourquoi nous avons besoin d’une liste qui ne s’arrête pas au recensement qui a été fait au cours des années récentes et que tout le monde a contesté, probablement aussi dans vos rangs.

Qu’est-ce qui est pire pour l’intérêt général ? De n’avoir obtenu aucun résultat sur ce terrain pendant dix ans ou bien d’essayer d’amorcer une véritable régulation face aux paradis fiscaux ?

M. le président. La parole est à M. Éric Alauzet.

M. Éric Alauzet. Monsieur Carrez,…

M. Jean Lassalle. On prononce le « z », M. Carrez est béarnais !

M. Éric Alauzet. …on sait très bien que les listes, ça ne fonctionne pas. Quant à la liste GAFI, elle subira le même sort que les autres, elle évoluera. Vous connaissez sans doute les pays concernés par la liste GAFI. Je cite : Iran, Corée du Nord, Bolivie, Cuba, Équateur, Éthiopie, Indonésie, Kenya, Nigeria, Pakistan, Sri Lanka, Syrie, Tanzanie, Albanie, Algérie, Angola, Argentine, etc. Aucun pays européen n’y figure. Pourtant, la Suisse, le Luxembourg, les îles Jersey, ces pays doivent sans doute vous dire quelque chose.

Savez-vous que BNP-Paribas publie chaque année la liste et le bénéfice de l’ensemble de ses filiales qui pèsent plus de 1 % des actifs ? Le bénéfice est un critère bien plus stratégique que celui que nous avons retenu dans notre amendement qui ne fait état que du chiffre d’affaires. La liste de celles qui pèsent moins de 1 % n’est pas publiée et n’y figurent pas les 60 filiales de BNP à Jersey. Vous le voyez, vous agitez des peurs et vous dramatisez la situation, ce qui n’a pas lieu de l’être.

M. le président. La parole est à M. Jean-François Lamour.

M. Jean-François Lamour. J’aimerais appeler votre attention monsieur le ministre sur un cas particulier qui concerne le développement de nos banques dans certains continents et certains pays. Je pense en particulier à la Chine. On le sait, ces pays acceptent l’implantation de nos banques à condition qu’elles mettent en place des joint ventures. Je vois mal comment la partie chinoise accepterait de voir présenter au public des secrets de fabrication du développement de ses banques.

Je vais prendre, à l’inverse du président Carrez, la situation d’une banque française qui veut se développer à l’étranger : non qu’elle se positionne parce qu’il y a un risque pays, mais parce que justement elle veut, à partir d’une stratégie bien établie, se développer dans un certain nombre de continents et certains pays. Si elle est dans l’obligation de signer des accords avec des banques existantes, pensez-vous vraiment que ces banques vont accepter de voir leurs comptes publiés au travers de la filiale franco-chinoise ? Je ne le pense pas.

Cela affaiblirait encore une fois la compétitivité de nos établissements bancaires et on sait que, dans la zone Asie-Pacifique, la concurrence fait rage. Si la conclusion de tout cela est que nos banques françaises ne trouvent pas de partenaires locaux, cela affaiblira nos positions dans ces pays alors que l’on sait que c’est un facteur de développement important.

M. Yann Galut. Pour qui ?

M. Jean-François Lamour. Pour nos établissements bancaires. On a évoqué les chiffres que peut représenter sur notre territoire l’activité bancaire de notre réseau.

M. Yann Galut. Ça n’a rien à voir !

M. Jean-François Lamour. Pour conclure, je pense qu’il vaut mieux se limiter à la liste GAFI ainsi qu’à celle des paradis fiscaux, pour chacune des filiales de nos banques : là est la vraie transparence.

M. Pascal Cherki. La liste GAFI vise le blanchiment, pas l’optimisation fiscale !

M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz.

Mme Marie-Christine Dalloz. Pour éclairer mon propos, je voudrais faire une comparaison, monsieur le ministre. Dans le Haut Jura, il y a des entreprises de fabrication de lunettes. Nous avons un problème : chaque année, les entreprises doivent déposer leurs comptes annuels au greffe du tribunal, eh bien, j’ai découvert depuis quelques années que certaines acceptaient d’être dans l’illégalité et de payer une amende forfaitaire parce qu’elles ne déclarent pas leurs comptes. En effet, elles se sont rendu compte que tous leurs concurrents étrangers venaient télécharger leurs résultats précis et leur montant de recherche et développement. Voilà, c’est cela la concurrence internationale : il y a des réalités.

J’entends M. Cherki parler d’une bataille rude, d’un mouvement d’opinion à l’échelle mondiale… Je suppose qu’il fait référence aux Indignés ?

M. Pascal Cherki. Depuis Seattle en 1995, madame !

Mme Marie-Christine Dalloz. M. le ministre nous dit que nous ne partons pas en croisade, mais je vous sens quand même devenir de preux chevaliers qui enfourchez votre cheval pour combattre la finance…

M. Razzy Hammadi. On arrête avec le cheval ! (Sourires.)

Mme Marie-Christine Dalloz. Pour ménager des équilibres précaires dans votre majorité composite, vous êtes passés de la notion de paradis fiscaux au monde entier, et c’est là la difficulté.

Sur les paradis fiscaux, il pouvait y avoir consensus. Quand vous passez des paradis fiscaux au monde entier, cela change. Il y a une concurrence qui est rude. Être précurseur aujourd’hui, c’est affaiblir l’ensemble de notre système bancaire français et ce n’est pas un très bon signe pour l’industrie bancaire française.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Je le dis pour M. Paul, le différend que nous avons ne porte pas sur les paradis fiscaux : nous sommes d’accord pour vous accompagner dans la démarche qui consiste à demander des éléments sur les banques implantées dans les paradis fiscaux.

Moi, je serais même prêt à suivre notre collègue Alauzet pour dire que dans ces paradis fiscaux il faudrait avoir autre chose que le produit net bancaire et les effectifs.

Ce qui me choque profondément, c’est qu’on va demander ces renseignements à tous les pays, y compris ceux de la zone euro. D’ailleurs, je vais accomplir une démarche simple : dès que le texte aura été promulgué, j’écrirai à mon homologue, le président de la commission des finances du Bundestag, je lui expliquerai ce qui se passe et je lui demanderai ce qu’il en pense et si lui, au Bundestag, serait prêt à proposer que l’Allemagne se dote d’une législation imposant aux banques allemandes, à la Deutsche Bank ou autres, de présenter le suivi de leurs activités dans notre pays par exemple. (Interruptions sur les bancs du groupe SRC.)

Il faut vous rendre compte de la gravité de ce que vous proposez. Moi, ce que je reproche au ministre, c’est qu’il y avait un accord complet pour traiter la question des paradis fiscaux. Et puis, au motif qu’il fallait prendre un amendement du groupe écologiste, on a complètement dénaturé la mesure. Je trouve cela extrêmement grave, monsieur le ministre.

(L’amendement n° 2 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Yann Galut, pour soutenir l’amendement n° 45 deuxième rectification. (« Il est retiré ! » sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. Yann Galut. Avant de le retirer, je veux quand même avoir l’avis du ministre.

Monsieur le ministre, j’étais déjà intervenu sur cette problématique en commission. Il s’agit d’un amendement de précision. Le texte que vous avez accepté est une excellente avancée et je suis d’accord avec l’équilibre que vous nous proposez : le Gouvernement a fait un pas important en acceptant les différents amendements qui émanaient du groupe écologiste, mais aussi de nombreux amendements du groupe SRC et de tous les groupes de gauche.

J’ai juste un petit problème. Je suis, monsieur le ministre, de formation juridique et je fais très attention aux mots. Ce qui me gêne, c’est d’écrire : « À compter de l’exercice 2013 et pour publication à partir de 2014, les établissements de crédit, compagnies financières et compagnies financières holding mixtes publient en annexe à leurs comptes annuels des informations sur leur implantation et leur activité dans chaque État. »

Je préférerais qu’on dise qu’elles publient « l’ensemble des informations » sur toutes leurs implantations, parce que je trouve cette phrase imprécise et j’ai peur qu’il y ait une interprétation restrictive. Si vous me rassurez en me disant que l’interprétation que vous en faites vous-même est stricte dans son application, bien entendu je retirerai mon amendement. Plus vous précisez les choses, mieux c’est dans ce contexte.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Karine Berger, rapporteure. Avis défavorable. Nous donnons des éléments très précis quant à ce qui est attendu comme informations.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Pierre Moscovici, ministre. Je demande le retrait de cet amendement. Je ne vais pas recommencer mon intervention précédente. Je pourrais répondre amendement par amendement, mais je vous demande de comprendre : il s’agit d’identifier les informations qui sont rendues publiques et pas de rendre publiques toutes les informations. Restons sur le fil à plomb de nos accords.

M. Yann Galut. Je retire mon amendement.

(L’amendement n° 45 deuxième rectification est retiré.)

M. le président. L’amendement n° 12 de M. Gilles Carrez a été défendu.

(L’amendement n° 12, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.) M. Gilles Carrez.

M. le président. La parole est à M. Dominique Potier, pour soutenir l’amendement n° 297.

M. Dominique Potier. C’est un amendement rédactionnel.

(L’amendement n° 297, accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Dominique Potier, pour soutenir l’amendement n° 309.

M. Dominique Potier. Il est également rédactionnel.

(L’amendement n° 309, accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Yann Galut, pour soutenir l’amendement n° 358.

M. Yann Galut. Il est retiré.

(L’amendement n° 358 est retiré.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 307 et 129, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Dominique Potier, pour soutenir l’amendement n° 307.

M. Dominique Potier. Il avait un intérêt pour la masse salariale, mais je respecte le contrat et je le retire.

(L’amendement n° 307 est retiré.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Noël Carpentier, pour soutenir l’amendement n° 129.

M. Jean-Noël Carpentier. Cet amendement constitue donc la ligne de crête, nous en sommes très contents et le groupe RRDP se félicite de cette très forte avancée sur les paradis fiscaux.

Cela nous ramène quelques années en arrière, monsieur Lamour et madame Dalloz, lorsque l’ancien président de la République disait : « Les paradis fiscaux j’en fais mon affaire ! » Quand on vous écoute ce soir, on voit bien que vous essayez de les protéger par toutes sortes d’arguties. Je suis fier de l’avancée que représente ce texte. Nous pourrions être tentés d’élever cette ligne de crête, mais nous verrons plus tard.

(L’amendement n° 129, accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de huit amendements, nos 116, 55, 197, 200, 283, 54, 131 et 199, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Nicolas Sansu, pour soutenir l’amendement n° 116.

M. Nicolas Sansu. Je vais sans doute respecter le contrat, mais vous me permettrez de prendre la parole, ce que je n’ai pas encore fait sur ce sujet.

Nous appuyons le texte de la commission issu de l’amendement du groupe écologiste, mais je voudrais juste vous donner quelques éléments assez drôles. Aux îles Caïmans, on compte 18 857 sociétés enregistrées. Obama a dit : « Soit il s’agit du plus grand immeuble du monde, soit de la plus grande escroquerie fiscale au monde. » La question est aujourd’hui posée comme cela.

L’amendement proposé par le groupe écologiste ne vise pas seulement les paradis fiscaux, c’est vrai, mais il vise l’optimisation fiscale et pas seulement le blanchiment. Le sujet est celui-là.

Notre amendement proposait d’élargir les critères. À mon humble avis, il serait extrêmement opérant, s’agissant des paradis fiscaux, d’élargir ces critères et je crois que le président Carrez l’a dit. Le critère du résultat avant impôt, le détail du montant des impôts versés au gouvernement du lieu d’activité et des capitaux propres affectés à l’activité pourraient entrer dans l’amendement que vous avez présenté tout à l’heure. Je suppose qu’au Sénat, monsieur le président Carrez, le groupe UMP et notre groupe pourraient se retrouver pour proposer un amendement relatif aux paradis fiscaux et au blanchiment, qui ferait l’unanimité.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Vous avez raison d’espérer.

M. Nicolas Sansu. S’agissant de l’évasion et de l’optimisation fiscales, ce qui est proposé dans la loi me paraît un très bon compromis.

Je retire l’amendement.

(L’amendement n° 116 est retiré.)

M. le président. La parole est à M. Jean Launay, pour soutenir l’amendement n° 55.

M. Jean Launay. Je le retire.

(L’amendement n° 55 est retiré.)

M. le président. La parole est à M. Éric Alauzet, pour soutenir l’amendement n° 197.

M. Éric Alauzet. Il est retiré, ainsi que les amendements 200 et 199.

(L’amendement n° 197 est retiré, de même que l’amendement n° 200.)

M. le président. La parole est à M. Pascal Cherki, pour soutenir l’amendement n° 283.

M. Pascal Cherki. Je voudrais quand même dire un mot pour répondre à M. Carrez. On ne peut pas tracer une frontière étanche entre blanchiment, évasion et optimisation.

La liste à laquelle vous faites référence est une liste internationale relative à la lutte contre la criminalité issue du trafic de stupéfiant et du blanchiment d’argent. C’est la liste GAFI.

Mais, monsieur Carrez, nous parlons d’autre chose : de l’optimisation fiscale qui a lieu dans des États qui siègent avec nous au G20 et qui luttent avec nous contre le blanchiment.

Vous pouvez très bien faire à la fois du blanchiment et de l’optimisation : les deux piliers de cela, ce sont les cabinets d’avocat et ce sont les banques. Vous lirez le rapport Tracfin et vous verrez que, parmi les professions assujetties à l’obligation de déclaration de soupçon, les avocats n’ont fait que deux déclarations ! Vous verrez que les banques, dans les déclarations de soupçon, parlent de beaucoup de choses, sauf des fusions-acquisitions…

Oui, il y a le combat contre le blanchiment et des amendements ont été déposés, mais il y a aussi la bagarre contre l’optimisation fiscale, parce que la plus grande partie des recettes qui échappent aux États et aux citoyens provient de l’optimisation fiscale.

J’entends ce que dit le ministre, nous avons fait un pas significatif, il y a un rapport de forces à construire, nous sommes au début d’un mouvement, c’est une bataille d’opinion mondiale, et moi je retire mon amendement.

(L’amendement n° 283 est retiré.)

M. le président. La parole est à M. Jean Launay, pour soutenir l’amendement n° 54.

M. Jean Launay. Il est retiré.

(L’amendement n° 54 est retiré.)

M. le président. La parole est à M. Joël Giraud, pour soutenir l’amendement n° 131.

M. Joël Giraud. Ce que vient de dire M. Cherki est tout à fait exact. Je ne reviendrai pas sur un passé qui me concerne puisque, jusqu’en 2002, j’ai travaillé dans une agence publique de l’État qu’il a citée. J’insisterai en revanche sur le fait qu’il me paraît vraiment important qu’à l’occasion de la navette parlementaire les choses soient précisées. Les impôts versés localement dans les différents pays constituent des éléments d’investigation qui nous permettraient de moraliser toutes les activités bancaires qui se déroulent dans des paradis fiscaux.

Les amendements convergents que nous sommes en train d’examiner sont destinés à alerter le Gouvernement sur ce sujet crucial. Je retire mon amendement en contrepartie des engagements pris tout à l’heure. Il reste que, j’y insiste, il est très important que nous parvenions à une solution grâce à laquelle l’examen de tous les impôts versés – et pas seulement ceux qui le sont à l’État mais aussi aux collectivités territoriales, sans oublier toutes les taxes – nous éclairera sur l’activité des banques dans des paradis fiscaux.

(L’amendement n° 131 est retiré.)

M. le président. M. Éric Alauzet a déjà indiqué qu’il retirait l’amendement n° 199.

(L’amendement n° 199 est retiré.)

M. le président. Retirez-vous l’amendement n° 130, monsieur Carpentier ?

M. Jean-Noël Carpentier. Oui, monsieur le président.

(L’amendement n° 130 est retiré.)

M. le président. Maintenez-vous l’amendement n° 285, monsieur Potier ?

M. Dominique Potier. Il indique l’horizon, mais à court terme. Je le retire, monsieur le président.

(L’amendement n° 285 est retiré.)

M. le président. Qu’en est-il de l’amendement n° 56, monsieur Launay ?

M. Jean Launay. Retiré.

(L’amendement n° 56 est retiré.)

M. le président. La parole est à M. Dominique Potier, pour soutenir l’amendement n° 291, qui fait l’objet d’un sous-amendement n° 361.

M. Dominique Potier. Cet amendement concerne la détection des pratiques délétères en matière de transactions sur les matières agricoles et leurs dérivés. Je suggère que, dans les perspectives de travail ouvertes par le ministre tout à l’heure, cette hypothèse, à défaut de mieux, soit étudiée et qu’au moins, en critères de transparence, les banques, à court terme, identifient leurs pratiques et leur capacité à séparer le bon grain de l’ivraie en matière de commerce agricole. Cette piste de travail permettrait au moins de se saisir de ce critère et d’entrer dans ce cercle vertueux entre entreprises, citoyens et État que nous évoquions hier.

Nous avons confiance dans le travail que vous engagez avec M. Canfin, monsieur le ministre, et vous assurons de toute notre disponibilité pour l’accompagner afin que, dans un ou deux mois, nous soyons parvenus à un meilleur résultat qu’aujourd’hui. Aussi retirons-nous notre amendement.

(L’amendement n° 291 est retiré.)

M. le président. Le sous-amendement n° 361 est par conséquent sans objet.

La parole est à Mme Eva Sas, pour soutenir l’amendement n° 201.

Mme Eva Sas. Je remercie M. Moscovici d’avoir accepté notre proposition et d’avoir ainsi opté pour un compte rendu pays par pays et non, comme le préconisait Gilles Carrez, pour une liste noire ou grise dont on sait qu’il s’agissait d’un piège dans lequel il ne fallait pas tomber.

J’entends que vous ne souhaitiez pas aller plus loin pour l’instant. Je trouve néanmoins dommage que mon amendement, qui visait à donner la faculté au ministre de l’économie de compléter cette liste d’indicateurs par arrêté, et donc lui donnait la possibilité d’aller plus loin au fur et à mesure que le débat se serait décanté, n’ait pas reçu un avis favorable. Toutefois, je le retire.

(L’amendement n° 201 est retiré.)

(L’article 4 bis, amendé, est adopté.)

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

3

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, jeudi 14 février à neuf heures trente :

Discussion sur le rapport de la commission mixte paritaire du projet de loi portant création du contrat de génération ;

Suite de la discussion du projet de loi de séparation et de régulation des activités bancaires.

La séance est levée.

(La séance est levée, le jeudi 14 février 2013, à une heure cinq.)