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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2012-2013

Compte rendu
intégral

Première séance du vendredi 22 février 2013

SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE

SOMMAIRE


Présidence de Mme Sandrine Mazetier

1. Élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des délégués communautaires, et modification du calendrier électoral

Suite de la discussion d'un projet de loi

Discussion des articles (suite)

Article 3 (suite)

Amendement no 534

M. Pascal Popelin, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

M. Manuel Valls, ministre de l’intérieur

Article 4

M. Olivier Marleix

M. Jean Lassalle

M. Jacques Lamblin

Amendements nos 173, 731, 238, 238, 732

Article 23

M. Guillaume Larrivé

M. François de Mazières

Mme Frédérique Massat

M. Jacques Lamblin

M. Olivier Marleix

M. Jean Lassalle

M. Lionel Tardy

M. Jean-Jacques Cottel

M. Manuel Valls, ministre

Amendements nos 641, 629, 683, 190, 715, 687, 690, 696, 699, 698, 695, 191, 864, 63, 680 rectifié, 865, 994 rectifié, 28 rectifié, 233, 702, 872 rectifié, 195 rectifié, 770 rectifié

Rappel au règlement

M. Guillaume Larrivé

M. Manuel Valls, ministre

Amendements nos 678, 753, 866, 64, 192, 230, 244, 867, 65, 193, 231, 239, 622, 704, 755, 868, 29, 194, 232, 235, 703, 869, 30

2. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de Mme Sandrine Mazetier
vice-présidente

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1

Élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des délégués communautaires, et modification du calendrier électoral

Suite de la discussion d’un projet de loi

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, rejeté par le Sénat, relatif à l’élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des délégués communautaires, et modifiant le calendrier électoral (nos 631,701).

Discussion des articles (suite)

Mme la présidente. Mercredi soir, l’Assemblée nationale a poursuivi l’examen des articles, s’arrêtant à l’amendement n° 277 à l’article 3.

Je vous informe qu’à la demande du Gouvernement, après l’examen des articles 3 et 4, nous aborderons l’article 23, puis nous reprendrons le cours normal de la discussion.

Article 3 (suite)

Mme la présidente. La parole est à M. Lionel Tardy, pour soutenir l’amendement n° 534.

M. Lionel Tardy. Le rôle et la représentativité des collectivités territoriales sont consacrés par la Constitution de 1958. Le projet de loi présenté par le Gouvernement aboutit, sans la prise en compte de la diversité territoriale, à ce que des pans entiers de la France ne soient plus représentés.

Cet amendement permet d’introduire une plus grande souplesse dans le futur redécoupage des cantons afin de permettre une représentation correcte des territoires ruraux et de montagne.

Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Popelin, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour donner l’avis de la commission sur l’amendement n° 534.

M. Pascal Popelin, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Cet amendement anticipe le débat que nous allons avoir à l’article 23 sur la marge maximum autour de la moyenne de la population cantonale de chaque département.

Je suggère que cet amendement soit retiré dans la perspective de la discussion à l’article 23. Dans l’hypothèse contraire, l’avis de la commission serait défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre de l’intérieur, pour donner l’avis du Gouvernement.

M. Manuel Valls, ministre de l’intérieur. Même avis.

Mme la présidente. Retirez-vous votre amendement, monsieur Tardy ?

M. Lionel Tardy. Oui, madame la présidente

(L’amendement n° 534 est retiré.)

(L’article 3 est adopté.)

Article 4

Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Marleix, inscrit sur l’article 4.

M. Olivier Marleix. Pour que les choses soient claires et ne pas perdre une occasion de les répéter, je maintiens qu’il y a une sorte de confusion permanente autour de deux sujets : l’effectif du nombre de cantons par département ; l’écart à la population.

Avec l’article 3 que l’Assemblée vient d’adopter, vous avez figé une règle qui contrevient au principe d’égalité. Vous qui êtes si attachés aux écarts de plus ou moins 20 % etc., qui nous rappelez que c’est à ce titre que le tableau des effectifs du conseiller territorial avait été censuré, vous avez figé, avec l’article 3, des écarts de ratios entre le nombre d’habitants, le nombre d’élus et le nombre de cantons qui n’ont rien à voir d’un département à l’autre puisqu’ils peuvent aller au-delà d’un à sept d’un département à l’autre.

Cet article 3 pose un vrai problème par rapport au principe d’égalité devant le suffrage et vous amène à une vraie brutalité dans le découpage. Monsieur le ministre, je persiste à penser que vous auriez pu vous affranchir d’inscrire dans la loi quelque chose d’aussi brutal et d’aussi sommaire dans sa définition. Si vraiment vous vouliez inscrire les effectifs des assemblées départementales dans la loi – et j’aurais aimé entendre le rapporteur, qui n’a pas répondu sur ce sujet –, il fallait prendre la peine de redéfinir les critères. Rien ne justifie les écarts constatés entre la Savoie et la Haute-Savoie, par exemple, où le ratio est d’un à deux. C’est indéfendable et vous n’étiez vraiment pas obligés de le faire.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Lassalle.

M. Jean Lassalle. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je répète que je n’ai jamais soutenu le conseiller territorial, je l’ai combattu autant que je vais combattre ce nouveau conseiller départemental.

D’ailleurs, je ne reconnaîtrai jamais cette loi, aussi longtemps que je vivrai. Elle n’aurait jamais dû être votée car il n’y avait pas un nombre de députés socialistes suffisant l’autre soir, nous les avons attendus pendant une heure. Si je ne la reconnais pas, ce n’est pas par fantaisie mais parce qu’elle porte atteinte à la France, à son intégrité.

S’il est un domaine où les choses n’allaient pas trop mal, c’était celui de la participation électorale dans les cantons. Je suis député d’une circonscription de quinze cantons – elle va en avoir quatre à l’arrivée – qui ont tous eu la palme du civisme aux dernières élections, celles de 2007 et de 2012, où les taux de participation ont atteint 70 %. Pour l’élection des conseillers généraux, la participation est à peu près la même, autour de 70 %. Ces électeurs vont être rattachés à des villes et des banlieues où l’on ne vote, hélas, qu’à 25 % ou 30 %.

Je pense qu’il y avait vraiment des sujets beaucoup plus importants à traiter plutôt que de s’attaquer à ce projet particulièrement malvenu, inutile, qui ne pourra jamais fonctionner et qui apporte la mort sur nos territoires, car un territoire qui n’est pas représenté n’a pas de chance de pouvoir vivre.

Après avoir mis le feu aux banlieues – nous y avons tous contribué –, nous allons ramener les bandits de grand chemin sur nos territoires ruraux. C’est inacceptable.

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Lamblin.

M. Jacques Lamblin. Il me semble intéressant de regrouper l’élection des conseillers départementaux le même jour, de façon à avoir une bonne visibilité de ce que sera l’assemblée départementale pendant six ans.

On peut imaginer que, pour accompagner cette mise au même rythme, il y aura un jour un partage des compétences entre conseil régional et conseiller général. Pourquoi, dans ces conditions, avoir supprimé le conseiller territorial, qui avait l’immense avantage à mes yeux de placer un seul responsable, homme ou femme, à la tête d’un territoire donné ? Avec le dispositif que vous prévoyez, nous allons avoir un risque sinon de cacophonie au moins de divergences dans de très nombreux cas. En effet, il y aura au moins deux, voire trois, quatre ou cinq personnes qui seront intéressées plus précisément à l’avenir d’un territoire bien circonscrit.

À la différence de mon collègue Lassalle, je soutenais le conseiller territorial. Je ne vois pas le progrès qu’apporte votre projet pour la représentation des territoires, même si le fait que tous les membres du conseil départemental soient renouvelés en même temps me semble être une avancée intéressante.

Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Marleix, pour soutenir l’amendement n° 173.

M. Olivier Marleix. Défendu.

(L’amendement n° 173, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements, nos 731 et 238, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. François de Mazières pour défendre l’amendement n° 731.

M. François de Mazières. L’article 4 dispose que les conseillers départementaux, élus pour six ans, sont « indéfiniment rééligibles ». À un moment où il est plutôt question de fluidifier, de renouveler, je trouve cette notion curieuse et même assez maladroite. On aurait mieux fait de ne rien mettre du tout parce que, précisément, les gens reprochent aux élus locaux de se rester en place éternellement. Il serait donc intéressant de prendre en compte cet amendement qui propose de supprimer cette mention.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pascal Popelin, rapporteur. Nous n’avons pas innové en la matière, cette phrase existe déjà dans le code électoral. Je comprends votre remarque, mais j’attire l’attention de l’Assemblée nationale sur le signal que donnerait le retrait d’un élément de phrase existant dans le code électoral quant à la volonté du législateur d’indiquer que, désormais, il y a une limitation du cumul des mandats dans le temps. Ce sujet sera peut-être traité autrement, mais je pense qu’il n’est pas opportun de le faire dans le présent texte. Avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Manuel Valls, ministre. Même avis.

Mme la présidente. La parole est à M. Paul Molac, pour soutenir l’amendement n° 238.

M. Paul Molac. Pour les mêmes raisons que notre collègue, nous proposons qu’il soit indiqué que les conseillers départementaux sont « rééligibles une fois ».

L’amendement vise à limiter le cumul dans le temps des mandats de conseiller départemental, en permettant une seule réélection pour chaque conseiller. L’objectif est d’éviter que le mandat de conseiller départemental ne devienne un métier.

Je rejoins ainsi les préoccupations de certains parlementaires et d’un certain nombre de nos concitoyens. Il existe de nombreux autres scrutins – municipaux ou régionaux – ainsi que les mandats parlementaires, grâce auxquels ces personnes, si elles le désirent, pourraient encore exercer leurs talents.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pascal Popelin, rapporteur. Cet amendement est plus précis que le précédent. Ces questions ne peuvent être abordées au travers d’un amendement sur cet article, qui traite uniquement de l’élection des conseillers départementaux.

Si le législateur considérait qu’il est opportun de limiter le cumul des mandats dans le temps, il faudrait le faire de manière cohérente, dans le cadre d’une réflexion sur l’ensemble des mandats.

Il n’est pas opportun à ce stade de retenir un tel amendement. La commission l’a donc repoussé.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Manuel Valls, ministre. Même avis.

Mme la présidente. La parole est à M. François de Mazières.

M. François de Mazières. Le débat est intéressant. Mon amendement propose une clarification afin de vous permettre de mettre de la cohérence entre votre discours et le texte.

Avec cette réforme que nous contestons – nous la trouvons trop radicale, trop politique et politicienne –, vous prétendez vouloir donner leur chance à de nouveaux élus. Mon amendement tend à adresser un petit signe en ce sens sans aller jusqu’à la proposition de notre collègue, que je trouve pour le coup un peu radicale. Vous auriez pu le retenir afin de montrer votre souci de cohérence avec votre discours introductif a cette réforme. Cet amendement est un juste compromis entre la position excessive consistant à autoriser un seul renouvellement et la nécessaire prise de conscience que les électeurs ne veulent plus des élus dont les mandats dépassent un nombre d’années raisonnable.

M. Alain Tourret. C’est une bonne réflexion.

Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Larrivé.

M. Guillaume Larrivé. Quelques mots pour appuyer cet amendement que j’ai cosigné. Tout ce qui n’est pas interdit est autorisé. Par conséquent, si le renouvellement des mandats n’est pas interdit, il est autorisé. La mention du caractère potentiellement infini de la réélection des candidats au conseil départemental est juridiquement inutile.

Au-delà de cette remarque technique, ce serait envoyer un signal assez curieux d’écrire dans la loi que les mandats sont renouvelables de manière presque immortelle quasiment sans fin.

Parce que nous sommes favorables au renouvellement de la vie politique, nous incitons la majorité à faire preuve de progressisme en acceptant de faire disparaître cette mention un peu rétrograde de la loi actuelle.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Lassalle.

M. Jean Lassalle. Je comprends que le débat puisse être lancé. Mais permettez au plus rétrograde d’entre nous de dire qu’il me semble qu’il y a aujourd’hui, compte tenu de la situation de notre pays, urgence plus grande que de traiter de cela.

Nous pourrions peut-être faire confiance aux électeurs, chers amis. Je suis conseiller général. Lors des deux derniers renouvellements, 40 % du conseil général a été remis en cause. Il en va de même pour les élections municipales. Il ne faut pas croire que l’on est élu à vie dans un canton. Il faut le gagner et c’est difficile. Les cantons où l’on vote le plus sont précisément les cantons dans lesquels la vie démocratique est la plus développée.

De grâce, faisons un peu confiance à l’électeur, faisons confiance au citoyen, réengageons-le, ne l’encadrons pas… Il n’en peut plus !

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Tourret.

M. Alain Tourret. Je suis assez sensible à l’argumentation. Le terme indéfiniment me semble assez incompréhensible. Ce terme figurait dans le texte précédent, j’en conviens. Croyez-vous vraiment qu’il faille le maintenir ?

Je suis sensible à l’argument qu’il s’agit d’un mauvais symbole, d’un mauvais signal. En outre, cette mention n’est aucune utilité. Je serai donc favorable à ce qu’elle soit supprimée.

(Les amendements nos 731 et 238, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. La parole est à M. François de Mazières, pour défendre l’amendement n° 732.

M. François de Mazières. Défendu.

(L’amendement n° 732, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

(L’article 4 est adopté.)

Article 23

Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Larrivé.

M. Guillaume Larrivé. Nous en venons à cet article central qui définit les critères du redécoupage de l’ensemble des cantons de tous les départements de France, que vous vous apprêtez à réaliser si cette loi, rejetée par le Sénat, est in fine votée par le Parlement.

Le groupe UMP présentera de nombreux amendements sur cet article autour de deux idées que je voudrais exposer, monsieur le ministre.

La première idée, la première demande porte sur la nécessité d’une plus grande transparence. Nous avouons que nous ne faisons pas entièrement confiance au Gouvernement pour effectuer ce redécoupage de manière complètement indépendante des intérêts du parti au pouvoir, pardon de cette franchise. Nous souhaitons qu’une commission pluraliste, présidée par un parlementaire de l’opposition et dont un parlementaire de la majorité serait le rapporteur, donne son avis sur chacun des projets de redécoupage. Cet avis serait publié au Journal officiel et transmis aux conseils généraux avant qu’ils se prononcent sur le projet de redécoupage envisagé. Nous faisons confiance au Conseil d’État, qui donnera un avis juridique, mais un avis d’opportunité politique est nécessaire. C’est pourquoi nous proposons la création de cette commission pluraliste.

La seconde idée a trait à l’équité territoriale. Nous soutiendrons au travers de nos différents amendements que la règle d’airain des 20 % que vous proposez n’est pas pertinente. Elle est motivée par des considérations démographiques mais exclusivement par celles-ci. Or nous pensons qu’il faut aussi se souvenir de la géographie et de l’histoire : la géographie pour prendre en compte la nécessité de représenter les différentes composantes territoriales des départements, notamment les territoires ruraux, mais aussi l’histoire et les dynamiques des territoires. C’est pour cette dernière raison qu’il faut, selon nous, prendre en compte les limites des circonscriptions et, autant que faire se peut, celles des cantons existants et des intercommunalités. Voilà les deux idées que nous allons développer : plus de pluralisme, plus d’équité dans la représentation des territoires.

Mme la présidente. La parole est à M. François de Mazières.

M. François de Mazières. Je tiens à appuyer ce que vient de dire Guillaume Larrivé. Il est très important aussi que la population comprenne les choix qui sont faits. L’existence d’une commission indépendante permettra d’affirmer que le découpage a été fait en toute transparence politique, que l’intérêt général, et non pas celui d’une majorité déterminée, a été pris en compte.

Nous contestons votre réforme au motif que votre projet d’un canton redéfini avec deux élus sur un mode paritaire est bien complexe et constitue une innovation totalement déplacée à l’heure actuelle. Mais, puisque vous faites cette réforme, vous pourriez la faire porter par une autorité indépendante. Pour vous, c’est sans doute la meilleure des solutions. Vous seriez ainsi dégagés d’une accusation politique que vous récusez. Vous avez à plusieurs reprises réfuté l’idée que cette réforme obéissait à une logique politique. Nous vous offrons un argument supplémentaire.

Nous ne comprenons pas les arguments qui vous empêchent de dire banco à la création de cette commission, sous l’autorité du Conseil d’État. Cela permettrait d’expliquer à la population que le redécoupage a été fait en toute transparence et avec le souci de l’intérêt général afin de parvenir à la meilleure redéfinition possible des cantons. Il y a des déséquilibres très importants entre les cantons dans certains départements ; par exemple, dans le département des Yvelines, certains cantons sont de taille très importante. La solution que nous proposons est bonne et je suis sûr que vous allez l’adopter.

Mme la présidente. La parole est à Mme Frédérique Massat.

Mme Frédérique Massat. Nous espérons, monsieur le ministre, que l’examen de l’article 23 vous permettra de concrétiser certains propos tenus au Sénat et à l’Assemblée nationale.

M. Lionel Tardy. Les élus de la montagne se réveillent !

Mme Frédérique Massat. J’approuve totalement le mode de scrutin et la parité qu’il met en avant. La nécessité du redécoupage est une réalité. Elle l’aurait été également dans le cas du conseiller territorial et avec les mêmes contraintes qui s’imposent au Gouvernement aujourd’hui.

Je souhaite également remercier le rapporteur. Il a auditionné l’Association nationale des élus de la montagne. Nous avons pu lui exposer nos positions et il a pu nous entendre. J’espère qu’il pourra accompagner les avancées du ministre pour répondre aux particularités de la montagne, mais également de l’insularité.

J’ai déposé, avec certains de mes collègues, des amendements sur cet article 23. Je souhaite rappeler que les territoires de montagne sont l’objet d’une loi de 1985 qui fixe le principe d’une adaptation des mesures d’ordre général à la spécificité de la montagne. Il ne s’agit pas de déclencher une guerre entre les territoires urbains et les territoires de montagne, ce n’est pas notre propos.

Je compte beaucoup, monsieur le ministre, notamment pour l’un des amendements, qui concerne la superficie, le relief et l’insularité, sur un avis de sagesse de votre part, à défaut de votre accord.

M. Marc Dolez. La sagesse du ministre est grande.

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Lamblin.

M. Jacques Lamblin. Le Gouvernement a tout à gagner à reprendre la proposition de constituer une commission faite par Guillaume Larrivé. Tout projet de redécoupage, quels que soient les gouvernements, est toujours entaché de suspicion aux yeux du camp d’en face, mais aussi du grand public. Vous entourer de précautions de ce type serait certainement intéressant.

La règle d’airain des 20 %, pour reprendre l’expression de Guillaume Larrivé, est absolument impossible à appliquer. En effet, pour les cantons actuellement peu peuplés, l’alternative est la suivante : il faut soit diluer ce canton dans un secteur urbain, auquel cas les voix des habitants de ce canton ne compteront plus pour rien ; soit regrouper de très nombreux cantons pour en créer un de taille suffisante, ce qui aboutira à une sous-représentation des territoires ruraux. Quel que soit le terme de l’alternative choisi, la solution n’est pas bonne si vous vous en tenez à la règle des 20 %. Il faut absolument apporter plus de souplesse.

Enfin, pour répondre à Mme Massat, en Meurthe-et-Moselle, il y a 44 cantons qui ne seront plus que 22 avec projet. Il en serait resté 37 avec le conseiller territorial. Ce n’est pas tout à fait la même chose !

Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Marleix.

M. Olivier Marleix. Depuis le début de ce débat, monsieur le ministre, vous me faites penser à un célèbre cycliste, car vous nous dites en quelque sorte que vous faites du découpage « à l’insu de votre plein gré » : vous y êtes obligé, c’est la suppression du conseiller territorial qui vous conduit à y procéder.

Je vous rappelle simplement que, pour l’instauration du conseiller territorial, nous gardions 3 500 cantons, le nombre de cantons ne passait pas de 4 000 à 2 000. C’est quand même une énorme différence pour nos territoires !

C’est maintenant le Conseil constitutionnel qui vous obligerait à adopter cette règle d’airain des 20 % maximum d’écart de population par rapport à la population moyenne des cantons du département. Or, je l’ai dit, et je le répèterai lorsque je défendrai les prochains amendements, le Conseil constitutionnel tolère en réalité des écarts plus importants que cela. Dans notre assemblée même, il faut combiner cette règle des plus ou moins 20 % d’écart à l’intérieur d’un département avec la règle de la tranche, l’effectif par département. Ainsi, à l’Assemblée nationale, l’écart va je crois de 1 à 2,33, soit plus ou moins 40 %.

Pourquoi anticiper de manière aussi sévère ce que serait la jurisprudence du Conseil constitutionnel pour les assemblées locales ? D’ailleurs, il faut prendre en compte non seulement la géographie, mais aussi les compétences desdites assemblées. Or gérer des territoires fait partie de celles-ci. Assurer, au-delà de la démographie, une représentation des territoires serait donc un motif parfaitement fondé.

Vous faites donc le choix d’une trop grande sévérité. L’amendement de Mme Massat va évidemment dans le bon sens mais, si vous desserriez cette contrainte des plus ou moins 20 % et optiez pour plus ou moins 40 %, ce qui est l’écart dans notre assemblée, cela offrirait infiniment plus de souplesse, vous en conviendrez.

Dernier point, nous serons extrêmement vigilants quant au fait que vous vous affranchissez des limites des circonscriptions législatives ; cela nous paraît inacceptable. Depuis que des redécoupages de circonscriptions législatives se font, ils se font – je crois que c’est un principe fondamental reconnu par les lois de la République –par agrégation de cantons. Supprimer ce lien entre le canton et la circonscription, c’est vous permettre, demain, de faire des redécoupages législatifs selon votre seul et unique bon plaisir, ce qui serait tout à fait inacceptable.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Lassalle.

M. Jean Lassalle. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je ne reviens pas sur les propos tenus par Mme Massat, mais je soutiendrai tous les amendements à l’article. D’ailleurs, les amendements déposés par l’UMP et par l’UDI, comme celui de Mme Massat, sont déposés au titre de l’Association nationale des élus de la montagne, dont Mme Massat est la présidente et M. Wauquiez le secrétaire général. Je souhaite de tout cœur, quoique sans trop y croire, que l’on tienne compte, effectivement, de la superficie, du relief et de l’insularité. On pourrait aussi tenir compte du caractère transfrontalier, car il y a beaucoup de choses de notre vie qui peuvent se révéler tragiques dans ce monde globalisé, et qui se jouent dans les territoires transfrontaliers.

Enfin, je veux dire le sentiment d’abandon profond qu’éprouvent les derniers hommes et les dernières femmes qui restent sur ces territoires. Ils ne reçoivent plus aucun message d’encouragement, ils ne reçoivent que des directives, tantôt européennes, tantôt françaises, pour les empêcher de faire ci, pour les empêcher de faire ça, pour enlever les dernières industries, les dernières entreprises qu’ils pouvaient encore espérer garder dans un coin ou un recoin.

M. Jacques Lamblin et M. François de Mazières. Très bien !

M. Jean Lassalle. Il n’y a plus guère d’installations d’agriculteurs, il n’y a plus guère d’installations de petits commerçants et d’artisans ; c’est aussi une réalité, et c’est pour ça que je crains le retour des bandits de grand chemin.

Donnons un signal d’espérance à ces territoires ! Ils n’attendent que ça. Ils souffrent de ce qui se passe dans les banlieues. C’est notre France ! Nous sommes tous du même pays.

Mme la présidente. La parole est à M. Lionel Tardy.

M. Lionel Tardy. Je m’étonne que les élus ruraux, les élus de montagne, les élus insulaires ne se manifestent pas plus à propos de ce projet de loi, notamment à propos de cet article 23, qui traite du remodelage de la carte cantonale. Encore une fois, de quoi va-t-on discuter ? De pas grand-chose.

Je vous avais cité les chiffres qui concernent les département de Savoie et de Haute-Savoie, je vous les redonne, puisque, quoi qu’on fasse avec cet article, on ne réglera pas le problème. Haute-Savoie : 738 000 habitants et 34 conseillers généraux actuellement. Savoie : 415 000 habitants et 38 conseillers généraux actuellement.

Avec votre réforme, on divise bêtement par deux le nombre de cantons, et l’on atterrit à 17 pour la Haute-Savoie et 19 pour la Savoie, alors qu’il y a un écart de plus de 300 000 habitants entre les deux départements. Notre réforme du conseiller territorial, qui, elle, prenait pleinement en compte la notion de démographie, aboutissait à 37 conseillers territoriaux pour la Haute-Savoie et 22 pour la Savoie. Comme je l’ai souligné mercredi soir, cela permettait notamment à certains départements d’envisager leur fusion, ce qui ferait du bien à tout le monde, notamment en termes d’élus et d’économies d’échelle.

On voit donc que, quoi qu’on fasse avec cet article, sous couvert de parité, cela ne réglera pas le problème de base : beaucoup de cantons ruraux vont disparaître alors que la solution que nous apportions, nous, lorsque nous étions la majorité, avec le conseiller territorial, était beaucoup plus intéressante pour la représentativité des cantons ruraux au sein des assemblées départementales.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Jacques Cottel.

M. Jean-Jacques Cottel. Des règles précises et transparentes ont déjà été édictées en matière de cartographie électorale. Je pense à l’intégration entière de toute commune de moins de 3 500 habitants, par exemple. La règle des plus ou moins 20 % est également confortée.

J’insiste sur le fait qu’il n’est pas question d’opposer les territoires ruraux et les territoires urbains. Néanmoins, comme ma collègue Massat, je veux souligner la nécessité d’accorder une attention particulière à nos territoires ruraux, notamment en tenant compte d’un certain nombre de critères, qui peuvent être le nombre de communes ou la distance. Je pense qu’il faudra réfléchir à la représentation de ces territoires ruraux, et éviter un nombre trop important de communes par canton, car ce serait peut-être difficile à gérer. Enfin, il faudra avoir un débat – on ne l’a peut-être pas encore souligné – sur les critères d’attribution du statut de chef-lieu de canton.

M. Jean Lassalle. Très juste !

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Manuel Valls, ministre. Je reviendrai, lors de l’examen des amendements, sur la proposition d’instauration d’une commission indépendante. Je m’arrête pour l’instant sur le débat que les uns et les autres avez évoqué, concernant l’égalité démographique.

Vous le savez, le Gouvernement a trois objectifs.

Les deux premiers sont de mettre un terme à l’exclusion des femmes de la vie politique des départements et de répondre à la nécessité de préserver un lien entre les élus et leur territoire. Au cours de ce débat, je n’ai pas entendu de proposition alternative…

M. Gérald Darmanin. Si !

M. Manuel Valls, ministre. …au scrutin binominal, qui remplit ces deux objectifs, de proposition alternative qui recueille une majorité sur vos bancs.

Le troisième objectif résulte de la situation actuelle des cantons au regard du principe constitutionnel d’égalité démographique. Je veux m’y arrêter.

Rappelons tout d’abord, une nouvelle fois, que le Gouvernement a spécifiquement demandé au Conseil d’État un avis sur les critères qui devraient guider le redécoupage. L’article 23 du projet de loi retranscrit très précisément les termes du texte du Conseil d’État. Dans cet avis, il a eu l’occasion de rappeler sa propre jurisprudence, puisque c’est lui qui examine les projets de décret de redécoupage – naturellement, ceux que nous prendrons lui seront soumis –, et celle du Conseil constitutionnel, lequel aura, je n’en doute pas, l’occasion de se prononcer sur ce texte ; je compte évidemment sur vous. (Sourires.)

M. Lionel Tardy. Oui, vous pouvez !

M. Manuel Valls, ministre. Enfin, si vous ne voulez pas saisir le Conseil constitutionnel, ne le faites pas… (Sourires.)

M. Lionel Tardy. On le fera !

M. Manuel Valls, ministre. Je vous voyais hésiter !

M. Guillaume Larrivé. On le saisira, c’est un point d’accord entre le Gouvernement et l’opposition !

M. Gérald Darmanin. Puisque vous insistez !

M. Manuel Valls, ministre. Le Conseil d’État a été limpide. Le premier critère à respecter lors d’un redécoupage, vous y avez fait allusion, le critère essentiel, selon les termes de la jurisprudence, est celui de l’égalité devant le suffrage. Ce critère est constant et de plus en plus prégnant dans la jurisprudence du juge administratif et du Conseil constitutionnel, jurisprudence qui en fait, vous le savez, une interprétation de plus en plus restrictive. Ce critère est tellement constant que c’est d’ailleurs celui que le précédent gouvernement aurait dû appliquer dans le redécoupage cantonal rendu nécessaire par l’instauration du conseiller territorial.

Je m’étonne que vous oubliiez cette jurisprudence alors que le Conseil constitutionnel lui-même a eu l’occasion de vous la rappeler dans sa décision du 9 décembre 2010 sur le tableau des effectifs des conseils départementaux, qui a censuré la répartition des conseillers départementaux d’une dizaine de régions au motif que la fixation du nombre de conseillers territoriaux dans les départements concernés méconnaissait le principe d’égalité devant le suffrage.

Au vu des arguments avancés depuis le début de l’examen de ce projet de loi, il me semble que je dois rappeler les termes de l’abondante jurisprudence qui entoure le principe d’égalité, et qui devraient vous convaincre qu’il n’est plus possible que, dans certains départements, un électeur urbain pèse quarante-six fois moins qu’un électeur d’une zone rurale. Dire cela, ce n’est pas mettre en cause la représentation des territoires ruraux. C’est partir – je le dis notamment à M. Lassalle – de la réalité et constater cet écart.

Je veux être précis. Tout d’abord, sur le critère démographique, le principe d’égalité devant le suffrage, apprécié dans le périmètre du ressort de l’assemblée délibérante au sein de laquelle siègent les élus, a valeur constitutionnelle, est consacré par le Conseil constitutionnel sur le fondement de l’article 3 de la Constitution – « Le suffrage [...] est toujours universel, égal et secret » – depuis des décisions fondatrices de 1985 et de 1986. Il est également affirmé par le Conseil d’État depuis 1998.

En 1985, le Conseil constitutionnel avait ainsi affirmé que le Congrès de Nouvelle-Calédonie – nous avons d’ailleurs eu un débat à propos de la Nouvelle-Calédonie –, dont le rôle comme organe délibérant ne se limitait pas à la simple administration, devait, pour être représentatif du territoire et de ses habitants dans le respect de l’article 3 de la Constitution, être élu sur des bases essentiellement démographiques. S’il ne s’ensuivait pas que cette représentation devait être nécessairement proportionnelle à la population de chaque région, ni qu’il ne puisse être tenu compte d’autres impératifs d’intérêt général, ces considérations ne pouvaient cependant intervenir – j’y reviendrai – que dans une mesure limitée.

Dès lors, le principe d’égalité devant le suffrage doit constituer la raison d’être d’un redécoupage électoral, puisqu’il est le fondement essentiel de sa constitutionnalité. En application de ce principe, le Conseil constitutionnel et le Conseil d’État ont de façon concordante et constante réaffirmé, après la décision fondatrice de 1985, que tout découpage électoral devait reposer sur des bases essentiellement démographiques. Je suis sûr que nous pouvons nous retrouver sur ce point.

M. François Sauvadet. Non !

M. Manuel Valls, ministre. Le juge, dans sa sagesse, a bien entendu admis des exceptions pour tenir compte de la réalité des territoires. Le Conseil constitutionnel et le Conseil d’État ont admis en effet que pouvaient être pris en considération d’autres impératifs d’intérêt général : le Conseil d’État reconnaît que la délimitation des circonscriptions « peut tenir compte d’autres impératifs d’intérêt général » et peut ainsi « ne pas être strictement proportionnelle à la population ». Toutefois, selon les termes d’une décision du 8 août 1985, « ces considérations ne peuvent cependant intervenir que dans une mesure limitée ». Le Conseil constitutionnel précise que les dérogations doivent être circonscrites aux situations strictement nécessaires et justifiées au cas par cas.

Dans le considérant 38 de sa décision du 9 décembre 2010, relatif aux effectifs des conseillers territoriaux, à laquelle le Conseil d’État a fait explicitement référence dans son avis, le Conseil constitutionnel a ainsi jugé que le tracé de la carte électorale d’une collectivité dans laquelle la population d’une circonscription s’écarte, sauf raison impérieuse, de la moyenne de plus de 20 % méconnaissait ce principe d’égalité devant le suffrage.

En retenant ce seuil, il a repris à son compte pour une élection à l’échelon départemental les limites que le législateur s’était assigné en 1986 puis en 2009 en vue de la réalisation de la délimitation des circonscriptions législatives. En déclarant que, dans six départements – la Meuse, le Cantal, la Haute-Garonne, l’Aude, la Mayenne et la Savoie –, la fixation du nombre de conseillers territoriaux était contraire au principe d’égalité devant le suffrage, le Conseil constitutionnel a consacré le caractère en principe indépassable du seuil de 20 % d’écart à la moyenne alors même que dans trois de ces départements l’écart à ce seuil était inférieur à – je le souligne – un demi-point.

Et je ne parle pas du découpage législatif, mais du découpage concernant l’élection des conseillers territoriaux.

M. Guillaume Larrivé. Du découpage des effectifs du conseiller territorial ! C’est un peu différent !

M. Manuel Valls, ministre. Il s’agit en effet des effectifs : vous avez raison de me corriger. Mais cet élément se serait retrouvé dans le découpage auquel vous auriez dû procéder, au-delà des exceptions sur lesquelles je reviendrai. Le seuil de 20 % est un principe indépassable : vous avez raison de le souligner. Il faut également noter qu’au fil des ans la jurisprudence constitutionnelle et la jurisprudence administrative ont interprété cette exigence de manière de plus en plus restrictive.

J’en viens aux aménagements possibles au critère démographique. Si les assemblées départementales doivent être élues sur des bases essentiellement démographiques, il apparaît qu’il peut être tenu compte d’autres considérations venant tempérer, équilibrer, nuancer la rigueur statistique et juridique de la recherche de cet objectif.

La jurisprudence n’a pas encore donné d’exemple précis des motifs d’intérêt général ou d’ordre géographique qui permettraient de conserver légalement des cantons dont la population ferait apparaître un important écart à la moyenne départementale. Les motifs pouvant justifiant des écarts plus importants par rapport à la moyenne sont néanmoins d’abord et avant tout d’ordre géographique. Sur le plan géographique, pourraient être envisagés des motifs tenant au maintien de l’unité de représentation des populations d’espaces géographiques ou économiques homogènes et isolés, tels qu’une vallée difficilement accessible en zone de montagne ou une île dont la continuité territoriale maritime quotidienne ne serait pas garantie. Ce sujet préoccupe particulièrement le président de la commission des lois, qui est breton ! (Sourires.) Ces considérations pourraient en effet être prises en compte dans la perspective du contact régulier entre les élus et les électeurs qu’ils représentent.

M. Gérald Darmanin. Les électeurs bretons !

M. Manuel Valls, ministre. Non, pas uniquement les Bretons ! Cela peut également concerner les habitants du Nord !

M. François Sauvadet. Les électeurs de toute la France !

M. Manuel Valls, ministre. Bien sûr, monsieur le président Sauvadet, vous avez raison : les électeurs de toute la France. Je ne fais que répondre sur le ton de l’humour à des interpellations amicales, que vous n’avez pu entendre car vous êtes assis trop loin pour les capter. N’ayez crainte, monsieur Sauvadet, je ne vous provoque pas ! (Sourires.)

En dehors des considérations géographiques, les jurisprudences du Conseil constitutionnel et du Conseil d’État montrent que la notion d’impératif d’intérêt général doit être maniée avec prudence et qu’elle doit être regardée comme étant d’interprétation stricte. Notre débat est encadré par le contenu de ces différentes décisions. Dans ses conclusions communes aux affaires Boulanger et Guinde portant sur le département des Bouches-du-Rhône, affaires sur lesquelles le Conseil d’État a rendu sa décision le 21 janvier 2004, le commissaire du Gouvernement a considéré que « le Gouvernement peut légalement tenir compte, lorsqu’il établit la carte cantonale, de considérations territoriales tenant par exemple à la nécessité d’assurer la représentation de telle ou telle partie du département qui, bien que peu peuplée, présenterait une forte spécificité. Le Conseil constitutionnel a en effet jugé que les conseils généraux ont aussi vocation à assurer la représentation des composantes territoriales du département ».

Ces motifs d’intérêt général sont cependant appréciés in concreto par le Conseil d’État. Il a ainsi considéré en 2004 que « les raisons d’intérêt général invoquées par le ministre de l’intérieur et tirées des caractéristiques spécifiques de la Camargue ne font pas obstacle à ce qu’il soit procédé à un nouveau découpage tenant compte des nécessités de représentation de la Camargue, mais plus conforme au principe de l’égalité du suffrage ». Il semble dès lors qu’au sens de cette jurisprudence il ne pourra être argué d’un motif d’intérêt général pour prendre en compte des considérations économiques, sociologiques ou culturelles dont le caractère subjectif ou imprécis pourrait laisser penser qu’il s’agit simplement d’un argument d’opportunité.

Voilà ce que je voulais vous rappeler, après les interventions sur l’article 23, et avant l’examen des amendements sur cet article. Le Gouvernement souhaite procéder à l’élaboration de la nouvelle carte cantonale en respectant le principe d’égalité des suffrages, tout en faisant jouer les marges reconnues par la jurisprudence du Conseil d’État et du Conseil constitutionnel. Après que cette loi aura été examinée par le Conseil constitutionnel, le décret procédant au redécoupage cantonal sera examiné par le Conseil d’État, après consultation des conseils généraux – et donc des élus des départements. Nous utiliserons donc cette marge que nous laisse la jurisprudence pour tenir compte de la réalité de nos territoires. C’est pour cela que le Gouvernement donnera un avis favorable à l’amendement que Mme Frédérique Massat présentera tout à l’heure. En effet, cet amendement intègre les éléments que je viens d’évoquer, tout en sachant que le découpage cantonal lui-même sera examiné par le Conseil d’État.

À titre personnel, monsieur Marleix, s’il était possible, en acceptant des amendements déposés par des parlementaires, d’aller au-delà de la limitation à 20 % des écarts démographiques entre cantons, je le ferais ! J’ai eu l’occasion de le dire au Sénat, et nous en discuterons également avec la Haute assemblée. Mais comprenez que je ne peux courir le risque de l’inconstitutionnalité ! Si la loi que je présente aujourd’hui était censurée, vous pourriez me le reprocher.

M. Olivier Marleix et M. François Sauvadet. Oh non !

M. Manuel Valls, ministre. Si !

Je crois que la richesse de nos débats est profitable, tout comme la navette parlementaire entre l’Assemblée nationale et le Sénat. Je crois surtout à l’importance des marges de manœuvre que nous laissent les décisions du Conseil constitutionnel et du Conseil d’État. Intégrer ces éléments à la loi, au moyen de votre amendement, madame Massat, permettra de desserrer en partie cet étau. Je suis en effet favorable à une meilleure représentation des territoires, tout en imposant la parité et en respectant le principe de l’égalité devant le suffrage, corollaire du suffrage universel.

Voilà, mesdames et messieurs les députés, ce que je voulais vous dire pour préciser la position du Gouvernement. Je répondrai bien volontiers à vos interventions, à vos interpellations, et à vos questions. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. Nous en venons aux amendements.

La parole est à M. Gérald Darmanin, pour soutenir l’amendement n° 641.

M. Gérald Darmanin. Cet amendement de suppression me permet de montrer le principal problème posé par ce projet de loi, et particulièrement par son article 23. Vous envisagez une grande réforme institutionnelle : nous avons cru comprendre que le Président de la République et le Gouvernement souhaitaient qu’un certain nombre de députés soient élus à la proportionnelle. Les circonscriptions législatives seront donc redécoupées. Nous avons du mal à comprendre – ou peut-être comprenons-nous trop bien – pourquoi vous ne vous arrêtez pas au principe selon lequel – comme disait notre excellent collègue Olivier Marleix – les cantons doivent correspondre aux circonscriptions législatives.

Une deuxième question se pose, monsieur le ministre. Dans la perspective d’une application stricte de la règle de non-cumul des mandats, nous comprenons bien pourquoi vous voulez faire sortir les cantons des circonscriptions. Je sais bien, monsieur le président de la commission des lois, que la date d’application de cette règle pose problème. Politiquement, nous comprenons qu’un député qui ne pourrait plus être maire, ou exercer de fonctions exécutives au sein de l’organe élu d’une collectivité territoriale, ait envie de limiter la concurrence aux législatives et fasse ainsi sortir de sa circonscription un ou plusieurs conseillers généraux particulièrement puissants. D’autant plus que les binômes élus dans les cantons pourraient idéalement se présenter aux législatives en tant que candidat et suppléant.

Monsieur le ministre, nous proposons à l’Assemblée nationale la suppression de cet article. En effet, nous ne connaissons pas la réforme institutionnelle que vous entendez mener, ni le redécoupage des circonscriptions qui sera rendu nécessaire par l’introduction d’une dose de proportionnelle aux élections législatives, ni l’ampleur de la règle de non-cumul des mandats que le Gouvernement souhaite appliquer. Il serait donc sage d’attendre d’en savoir plus sur ces différents points avant de voter un tel article.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pascal Popelin, rapporteur. M. le ministre a longuement développé le raisonnement qui a conduit le Gouvernement à proposer la présente rédaction de l’article 23, et ses évolutions possibles.

J’ai moi-même développé ces arguments, de manière moins complète, lors de la réunion de la commission des lois du 6 février dernier. L’avis de la commission est donc défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Manuel Valls, ministre. Nous aurons l’occasion de revenir sur cette question au moment de la discussion des autres amendements.

Je relèverai simplement un point. Je comprends l’impatience avec laquelle vous attendez la présentation des autres textes législatifs que vous avez mentionnés. Pour ce qui est du non-cumul des mandats, vous savez qu’il s’agit d’un engagement du Président de la République. Cette règle devra s’appliquer…

M. François Sauvadet. Après les élections !

M. Manuel Valls, ministre. …en fonction d’un certain nombre de critères. Ce n’est pas là le sujet : nous aurons l’occasion d’en discuter.

Quant à l’introduction d’une dose de proportionnelle aux élections législatives, qui a d’ailleurs été défendue également par Nicolas Sarkozy à l’occasion de son premier grand meeting, à Marseille : errare humanum est

M. Gérald Darmanin. Sed persevare diabolicum !

M. François Sauvadet. C’était différent !

M. Manuel Valls, ministre. Monsieur Sauvadet, je comprends que vous défendiez Nicolas Sarkozy, je rappelais simplement…

M. François Sauvadet. J’étais son ministre !

M. Manuel Valls, ministre. Vous avez raison de le faire. Cela vous honore : il faut toujours défendre le Président de la République pour lequel on a exercé des fonctions importantes.

Je rappelais simplement que Nicolas Sarkozy lui-même a évoqué cette idée. De toute façon, ce n’est pas aujourd’hui une urgence.

Permettez-moi de vous rappeler que 53 cantons ont d’ores et déjà été partagés entre plusieurs circonscriptions.

M. Gérald Darmanin. Sur combien de cantons ?

M. Manuel Valls, ministre. 53 cantons ont été partagés entre plusieurs circonscriptions : ce chiffre est à mettre en regard des 577 circonscriptions législatives et des 4 000 cantons.

M. François Sauvadet. C’est marginal !

M. Manuel Valls, ministre. Sur le plan juridique, nous devons nous attacher aux principes.

M. Gérald Darmanin. Mais les règles de droit admettent des exceptions !

M. Manuel Valls, ministre. Certes, il y a des exceptions. Cela nous ramène à ce que je disais tout à l’heure : l’amendement de Frédérique Massat permettra de faire en sorte que cette loi prévoie des exceptions.

Le critère du respect des limites des circonscriptions législatives ne trouve sa source que dans la loi du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales. Cet élément n’existait pas auparavant. De toute façon, le Conseil d’État n’a pas jugé qu’il s’agissait d’un critère absolu.

M. Olivier Marleix. On verra !

M. Manuel Valls, ministre. On verra en effet comment cette question se pose, si une loi introduisant une dose de proportionnelle aux élections législatives est présentée au Parlement. Cela n’est pas, pour l’instant, une urgence. Des principes stricts encadrent par ailleurs le redécoupage des circonscriptions législatives : une commission indépendante y veillera. Il faudra que cette commission soit vraiment indépendante, cette fois-ci.

Je ne compare pas la présente réforme des cantons à celle qu’aurait entraînée la mise en place du conseiller territorial. Cette dernière aurait tout de même dû obéir aux principes que j’ai rappelés. Quoi qu’il en soit, il y aurait eu plus de cantons associant le conseiller territorial, la région et le département !

M. François Sauvadet. Deux fois plus !

M. Manuel Valls, ministre. Je ne le nie pas, mais la taille des cantons aurait été différente, et la question du rapport de ces cantons avec les circonscriptions législatives se serait également posée.

Je tenais à rappeler ces quelques éléments. Je donne, évidemment, un avis négatif à votre amendement, monsieur Darmanin.

Mme la présidente. La parole est à M. François Sauvadet.

M. François Sauvadet. Monsieur le ministre, je comprends bien vos arguments, mais il faut revenir à l’essentiel : ce redécoupage général est lié à la création d’un binôme qui va distendre le lien entre l’élu et son territoire.

M. Lionel Tardy. Bien sûr !

M. François Sauvadet. Vous voulez inscrire dans la loi les limites au redécoupage général des cantons, il ne s’agira donc plus seulement d’une jurisprudence constante du Conseil d’État et du Conseil constitutionnel. Il ne faut pas dissimuler sous des considérations juridiques un redécoupage de la France qui répond à des considérations politiques !

M. Lionel Tardy. Nous sommes d’accord !

M. François Sauvadet. Deuxièmement, je m’étonne que vous inscriviez dans la loi les règles dégagées par la jurisprudence du Conseil d’État, confirmées par le Conseil constitutionnel. Franchement, je voudrais que vous me répondiez sur ce point.

Cette règle était une acceptation de la région par rapport au département. D’ailleurs, quand nous avons débattu de cette question avec le Gouvernement, nous avons augmenté le nombre des élus pour faire en sorte qu’une représentation territoriale soit assurée. La discussion portait donc sur le département par rapport à la région. La moyenne était régionale, ce qui faisait naturellement baisser, pour un certain nombre de territoires ruraux, la moyenne arithmétique et conduisait à la disparition pure et simple de la représentation politique des territoires ruraux.

Je m’étonne donc que vous inscriviez cette règle dans la loi. En revanche, la loi devrait préciser non pas seulement les exceptions, mais la nature de ce que vous voulez faire. Inscrire ces éléments dans la loi est très dangereux. La jurisprudence ne repose que sur l’interprétation du Conseil d’État et du Conseil constitutionnel. Ce qui forge le destin d’un pays, c’est la loi ! La loi doit naturellement respecter la loi fondamentale, mais elle doit aussi fixer un cap, traduire une ambition.

Mes collègues et moi sommes attachés à la représentation territoriale, à ce lien étroit qui unit un territoire et un élu. Vous l’avez distendu en choisissant la formule du binôme, qui introduira une forme de compétition territoriale – je ne reviens pas sur ce sujet. Monsieur le ministre, je crois franchement que vous prenez un risque en décidant d’inscrire dans la loi cette règle limitant les écarts de population entre cantons à plus ou moins 20 % par rapport à la moyenne, et en inscrivant également dans la loi les exceptions à ce principe. Je le pense profondément. Je ne vois pas ce qui, aujourd’hui, justifie cela.

Je vous demande simplement de renoncer à votre texte. Au regard du défi que constitue l’aménagement du territoire, la structure territoriale que vous voulez mettre en place fera disparaître politiquement, puis réellement, les territoires ruraux. Je vous demande donc de bien mesurer les conséquences de vos actes quand vous faites œuvre de législateur, et je sais que vous y êtes attentif. Quand on fait la loi, il faut faire attention à ce qu’on fait. La réforme que vous engagez sera lourde de conséquences pour l’avenir de la France. Je pèse mes mots : ce sera lourd de conséquences. Ne sacralisez donc pas ce principe en l’inscrivant dans la loi !

Je vous ai remercié, non parce que vous nous présentez ce projet de loi que je combats naturellement avec beaucoup de force, mais parce que vous avez pris en compte, en acceptant au tout début du débat un de mes amendements, la dimension des populations qui vivent dans les territoires. Le fait démocratique n’est pas simplement fondé sur le principe d’un homme, une voix – le fait aggloméré l’emportant par conséquent –, mais sur des circonscriptions électorales au sein desquelles s’applique le principe d’un homme égale une voix.

Monsieur le ministre, vous acceptez de reconnaître que les populations vivant dans les territoires doivent être reconnues en tant que telles dans le découpage généralisé, donc dans le charcutage que vous entendez faire. L’avenir du pays se fonde aussi sur la représentation de tous ceux qui vivent dans des territoires moins denses, moins peuplés et qui ont droit à être entendus sans que ne soit, bien sûr, remis en cause le principe constitutionnel.

Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Larrivé.

M. Guillaume Larrivé. Monsieur le ministre, nous avons écouté avec la plus grande attention les arguments juridiques que vous venez d’exposer.

Je crains vraiment que le redécoupage total des cantons, qui n’est que la conséquence du choix du binôme, n’entraîne une sorte de machine infernale. En effet, cela vous soumet au carcan des 20 % qui semble, en réalité, suggéré par une partie de la doctrine et une partie du Conseil d’État. La jurisprudence de la section du contentieux du Conseil d’État est beaucoup plus nuancée que certains des courants qui s’expriment, aujourd’hui. J’en veux pour preuve les arrêts Guinde et Boulanger de 2004 que vous avez-vous-même cités et les conclusions de Sophie Boissard.

Dans la Revue française de droit administratif de 2004, page 506, sous la signature éminente de Laurent Touvet, que vous connaissez par ailleurs, un article passionnant intitulé « Comment procéder à un découpage cantonal ? » donne le mode d’emploi du découpage cantonal de manière beaucoup plus pragmatique. Il ne mentionne absolument pas la règle des 20 % et insiste uniquement sur la nécessité de réduire les écarts démographiques existants.

Si vous aviez choisi de vous en tenir à des redécoupages ponctuels de certains départements où les écarts étaient manifestement excessifs, cette jurisprudence pragmatique aurait trouvé à s’appliquer. En réalité, le choix du redécoupage total expose aux risques d’une logique purement arithmétique, machine infernale qui détruira la représentation des territoires ruraux.

Il est donc encore temps de ne pas se lancer dans cette démarche et de supprimer le critère arithmétique dans la loi pour se réserver une marge de manœuvre,…

M. François Sauvadet. Bien sûr !

M. Guillaume Larrivé. …lorsque seront pris les décrets de redécoupage dans un dialogue pragmatique avec les sections administratives du Conseil d’État, avec les conseils généraux et avec la commission pluraliste que vous ne manquerez naturellement pas d’approuver.

(L’amendement n° 641 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Lionel Tardy, pour soutenir l’amendement n° 629.

M. Lionel Tardy. Cet amendement très simple propose d’organiser une consultation systématique des communes pour la délimitation des cantons par décret en Conseil d’État. Cette consultation m’apparaît être la moindre des choses, les communes et leurs élus étant tout de même très concernés par le sujet dans sa dimension pratique et également – vous l’avez tous bien compris – dans sa dimension symbolique.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pascal Popelin, rapporteur. Dans le droit actuel, rien n’impose de consulter les conseils municipaux. Une jurisprudence du Conseil d’État – et je pense à l’arrêt Lise et Valcin du 21 mai 1986 – confirme qu’il n’est pas nécessaire de consulter les conseils municipaux. En pratique, cette faculté n’a d’ailleurs jamais été utilisée au cours des redécoupages partiels effectués ces dernières décennies. S’il est logique de consulter les conseils généraux, c’est évidemment parce que les cantons correspondent à leurs circonscriptions d’élection. On ne peut pas en dire autant des conseils municipaux. En outre, tous les départements étant concernés par le nécessaire redécoupage, cette procédure serait d’une rare lourdeur et risquerait d’entraîner un non-respect des délais de la procédure de redécoupage. Peut-être est-ce là, d’ailleurs, un des objectifs des auteurs de l’amendement.

La commission a donc donné un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Manuel Valls, ministre. Consulter plus de 36 000 communes est, vous le savez, un exercice totalement impossible. La loi prévoit l’avis des conseils généraux et l’avis du Conseil d’État.

Je prendrai deux minutes pour répondre à MM. Sauvadet et Larrivé.

L’inscription dans la loi des critères de redécoupage existe déjà pour les circonscriptions législatives. C’est surtout une garantie majeure pour l’objectivité du futur redécoupage. Si nous ne prévoyons pas de critère, sur quelle base se fondera le redécoupage ? De toute façon, nous avons déjà demandé, et je l’ai déjà souligné à plusieurs reprises depuis le début de notre discussion, l’avis du Conseil d’État, lequel s’appuie sur une jurisprudence. L’article tout à fait passionnant de M. Touvet ne tient pas compte de deux éléments : d’une part, de l’avis que vient de donner le Conseil d’État et, d’autre part, et je l’assume, du binôme qui amène à une modification du territoire cantonal. Vous faites un procès d’intention en parlant de charcutage. La tradition, c’est très bien, mais seuls les résultats vous donneront tort ou raison. Vous continuez le débat de manière constante et cohérente. En effet, je vous écoute avec beaucoup d’attention, monsieur Sauvadet, vous qui êtes un élu important, président d’un conseil général et élu d’un territoire rural tout à fait significatif et, vous, monsieur Larrivé, qui êtes député d’un département où ces questions se posent et auxquelles je suis évidemment tout à fait sensible. Mais nous devons à la fois respecter le suffrage universel et instaurer la parité. Le binôme permet aussi, et c’est là où nous divergeons, à un canton plus vaste d’avoir deux élus, lesquels feront aussi ce travail de proximité.

Enfin, vous avez fait référence aux critères, ce dont je vous remercie. Les critères retenus par exemple dans l’amendement de Mme Massat sont cohérents avec l’amendement que vous avez déposé, monsieur le président Sauvadet, et qui a été adopté. Le critère de population est un élément fondamental, mais la représentation des territoires doit évidemment être prise en compte. Avec la jurisprudence, la règle des plus ou moins 20 % et les critères que nous intégrerons dans la loi, nous pourrons disposer des éléments permettant de tenir compte de la population et de la spécificité des territoires.

C’est pourquoi nous ne retirons pas ce texte. De plus, tant d’efforts pour en arriver là serait une forme de masochisme à laquelle je ne suis pas encore prêt !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Lassalle.

M. Jean Lassalle. Je remercie M. le ministre d’avoir pris le temps, au cours de ses deux dernières interventions, de nous donner toutes ces explications, ce qui me permet, je dois le reconnaître, d’y voir beaucoup plus clair et de comprendre dans quel contexte le Gouvernement évolue. Mais si je vous suis si reconnaissant, monsieur le ministre, d’avoir pris ce temps pour nous répondre, c’est que je ne pensais pas, avant de vous avoir entendu, que les choses étaient aussi graves et que nous étions allés aussi loin depuis 1985. Je ne pensais pas que, pour le Conseil constitutionnel et le Conseil d’État, seule prévalait la représentation démographique, et que nos textes ne faisaient plus référence aux territoires. S’il est un pays pour lequel le territoire est une notion sacrée, qui lui a permis d’être un État, de rassembler des peuples, des nations, c’est bien le nôtre. Je ne pensais pas que, suite à cette cascade de lois depuis trente ans, le Conseil constitutionnel et le Conseil d’État en étaient arrivés là ! Ces lois avaient toutes la même approche : la France était devenue exclusivement urbaine et citadine. Je ne mène pas un combat contre les citadins. Je me sens très bien à Paris et dans toutes les villes chaque fois que je m’y rends. Toutefois, je crois qu’il n’y a pas que la pensée unique, qu’il y a aussi la pensée de ceux qui vivent dans des territoires et qui y ont des responsabilités.

Je pense donc qu’il y a plus urgent, monsieur le ministre, que de voter ce texte. Il convient de le retirer d’urgence, compte tenu des arguments que vous venez vous-même de donner, et de nous pencher sur la représentativité du Conseil constitutionnel et du Conseil d’État. C’est là que se situe la grande urgence. Si nous débattons à partir de bases aussi fausses, il n’est pas étonnant que nos lois, depuis trente ans, n’aient eu que des effets pervers.

M. Marc Dolez. C’est le gouvernement des juges !

Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Marleix.

M. Olivier Marleix. Monsieur le ministre, nous ne vous reprochons pas d’inscrire dans la loi des critères de redécoupage, mais de vous conduire en bon petit soldat. Vous avez une vision très étriquée du Conseil d’État. En effet, elle est extrêmement éloignée de la jurisprudence qui, jusqu’à présent, se limitait à considérer qu’il ne fallait pas aggraver les écarts.

Quant à la jurisprudence du Conseil constitutionnel, elle ne vous contraint pas à ce tunnel des plus ou moins 20 %.

M. François Sauvadet. Bien sûr !

M. Olivier Marleix. En combinant l’effet tranche et l’effet écart, nous atteignons en réalité les plus ou moins 40 %. Vous nous avez rappelé la décision de 2010 qui a été prise en quelque sorte en deux temps. Elle portait à l’époque sur la répartition des effectifs entre départements d’une même région. L’écart affirmé par le Conseil constitutionnel était effectivement de plus ou moins 20 %. Mais le Conseil constitutionnel avait bien anticipé le redécoupage des cantons au sein de chaque département, avec, selon la vision la plus stricte et étriquée qui puisse être, un nouvel écart de plus ou moins 20 %, ce qui signifie qu’au final les écarts auraient pu atteindre jusqu’à plus ou moins 40 % au sein de la nouvelle assemblée régionale. C’est ce qu’admet en réalité le Conseil constitutionnel pour l’Assemblée nationale.

En adoptant d’entrée de jeu la vision la plus étroite qui soit, vous nous contraignez à faire ce qui n’est pas notre travail de législateur. Si l’on mentionne des principes dans la loi, c’est pour donner au Gouvernement davantage de souplesse face à ce que risquerait de lui objecter le Conseil d’État. Le Conseil constitutionnel pourrait laisser une plus grande souplesse au législateur, comme il était prêt à le faire pour le conseiller territorial : il n’y avait pas de contrainte et les écarts auraient été plus importants.

Mme la présidente. La parole est à M. François Sauvadet.

M. François Sauvadet. J’entends vos arguments, monsieur le ministre. La jurisprudence vous a demandé de réduire les écarts. A chaque modification électorale, elle vérifie que l’on se trouve dans les limites estimées raisonnables pour que soit respecté le principe constitutionnel d’un homme égale une voix. Votre perspective de redécoupage total et l’inscription dans la loi d’une jurisprudence me poussent vraiment à m’interroger sur le rôle du législateur aujourd’hui. Ne doit-on pas précisément indiquer la volonté de la représentation nationale, tout en respectant le principe constitutionnel ? M. le président de la commission des lois songerait évidemment à faire autre chose ! Prétendre que l’inscription dans la loi de la règle des plus ou moins 20 % donne de la justice est un mauvais argument. Cela justifie en fait votre geste politique de redécoupage, donc de charcutage.

Vous semblez partager avec nous l’idée d’une juste représentation des territoires. Dans ce cas, vous ne devez pas inscrire dans la loi la règle des plus ou moins 20 %. Je ne vois en effet pas en quoi cela se justifie. Si l’on suivait votre raisonnement, il faudrait redécouper tous les départements. Comment pouvez-vous accepter que certains d’entre eux comptent 250 000 habitants et d’autres des millions ? Franchement, c’est la négation de la collectivité territoriale.

J’entends vos arguments et je connais votre côté carré de ministre de l’intérieur. Selon vous, les populations doivent être représentées. Je le comprends et je respecte d’ailleurs vos convictions, mais je ne les partage pas. Inscrire dans la loi ce qui est une jurisprudence au lieu de forger le droit par la loi, c’est une curieuse méthode dans un Parlement et dans une démocratie.

M. Jean Lassalle. Il faut redécouper la Chine !

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Manuel Valls, ministre. Nous allons vous envoyer le faire, monsieur Lassalle. Bonne chance ! On ne vous verra pas pendant un certain temps. Avec des instruments anciens, cela mettra du temps.

Le découpage, monsieur Sauvadet, se fait dans le cadre départemental puisque, forts de ce qui a eu lieu dans le passé, nous ne proposons pas d’égaliser. Moi, je ne confonds pas l’égalité et l’égalitarisme, et mon côté carré ne m’empêche pas d’être rond même si cela ne se voit pas. (Sourires.)

S’il n’y a pas de critères, c’est la loi de la jungle. De plus, quoi qu’il arrive, chaque projet départemental sera soumis à l’appréciation du Conseil d’État. Nous lui avons demandé ce qu’il en pensait et c’est lui qui souhaite que nous intégrions les 20 %. Nous sommes logiques et cohérents.

Nous avons donc à la fois une appréciation juridique que nous respectons, forts de la jurisprudence et du Conseil constitutionnel et du Conseil d’État et, en même temps, nous mettons en œuvre le scrutin binominal au nom des principes que j’ai rappelés.

Nous avons fait le choix du scrutin binominal pour privilégier la parité, ce qui est une différence…

M. François Sauvadet. Ah non ! Ce n’est pas une différence !

M. Manuel Valls, ministre. C’est sur le mode d’application de la parité qu’il y a une différence entre nous, je vous le concède, pour ne pas envenimer notre débat.

D’autres solutions étaient possibles. On pouvait tendre vers la parité, c’est là où nous avons un désaccord, ou instaurer un scrutin proportionnel, avec une liste majoritaire, mais cela rompt totalement de notre point de vue, et peut-être même du vôtre,…

M. François Sauvadet. Non !

M. Manuel Valls, ministre. …en tout cas de celui de certains,…

M. Lionel Tardy. Oui !

M. Manuel Valls, ministre. …le lien entre l’élu et l’électeur.

Nous préservons ce lien, nous imposons la parité, et nous redécoupons sur ces critères.

C’est vrai que c’est un redécoupage total, qui concerne tous les départements, tous les cantons, et c’est la raison pour laquelle nous inscrivons dans la loi des critères qui l’encadrent car, sans cette obligation des plus ou moins 20 %, on pourrait redécouper n’importe comment dans chaque département. Nous intégrons en même temps les éléments que j’ai rappelés déjà à plusieurs reprises et qu’on retrouve à la fois dans votre amendement et dans celui de Mme Frédérique Massat.

C’est sur ces bases que nous avons travaillé, précisément pour éviter le charcutage.

M. Lassalle nous a parlé du territoire sacré.

Plusieurs députés des groupes UMP et UDI. Eh oui !

M. Manuel Valls, ministre. Mettons-y un peu de laïcité. Je crois aux territoires. Même dans les territoires urbains, il y a une histoire, mais davantage sans doute dans les territoires ruraux, avec une forte spécificité culturelle, géographique, un lien fort avec les habitants.

M. François Sauvadet. C’est vrai !

M. Manuel Valls, ministre. Ce que nous proposons vise précisément à concilier ces différents éléments, la parité, le suffrage universel et la représentation des territoires.

C’est grâce à cet équilibre que ce sera un scrutin innovant, mais aussi un progrès majeur, avec une meilleure représentation du territoire, la parité et un équilibre nécessaire dans nos départements.

Je récuse évidemment le mot de charcutage et je conteste l’idée que les territoires ne seront pas représentés. Ils seront représentés dans un canton plus vaste, par deux élus, un homme et une femme ou une femme et un homme. C’est un sacré progrès, monsieur Sauvadet. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

(L’amendement n° 629 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements, nos 683, 190 et 715, pouvant être soumis à une discussion commune.

Les amendements n°s 190 et 715 sont identiques.

La parole est à M. François de Mazières, pour défendre l’amendement n° 683.

M. François de Mazières. Vous allez pouvoir nous faire la démonstration de ce que vous venez de nous expliquer, monsieur le ministre.

Le conseil général n’aura que six semaines pour émettre un avis, et, selon votre calendrier, ce sera à peu près pendant la période des vacances. Nous sommes donc dans la contradiction totale par rapport à ce que vous essayez de nous démontrer depuis tout à l’heure, avec talent, certes, en expliquant qu’il s’agit d’avoir des critères plus objectifs, en dehors de tout charcutage.

Nous vous proposons la mise en place d’une commission indépendante qui puisse avec vous assurer que le découpage a été fait selon des critères purement objectifs. Vous refusez, et vous nous annoncez que les conseils généraux, qui sont tout de même directement impliqués, qui sont les meilleurs connaisseurs de la carte du terrain, nous en avons eu plusieurs fois la démonstration ici, seront consultés sur une période réduite de six semaines pendant les vacances. Si, au terme de cette période, ils n’ont pas rendu leur avis, l’avis sera réputé positif.

Avouez que c’est une contradiction flagrante avec tout ce que vous nous avez expliqué. Vous êtes un homme carré. Il y a vraiment là un problème majeur.

Vous devez donc accepter notre amendement, qui propose non pas six semaines mais trois mois, ce qui est un minimum. Si l’on soumet pendant les vacances à ces conseils généraux de montagne dont parlait M. Lassalle un changement radical des cantons, vous rendez-vous compte de ce que cela signifie symboliquement, de la façon dont ils vont percevoir votre réforme ? Vous allez exactement à l’encontre de ce que vous essayez de nous expliquer en prétendant que ce n’est pas un charcutage.

Vous verrez si ce découpage a été fait pour des raisons purement électorales et si vous avez tort ou raison, avez-vous ajouté tout à l’heure.

M. Jacques Lamblin. Ce sera trop tard !

M. François de Mazières. J’avoue que cela nous fait encore plus peur. Vous envisagez que nous puissions avoir raison, cela nous inquiète encore plus.

Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Marleix, pour défendre l’amendement n° 190.

M. Olivier Marleix. Monsieur le ministre, même si nous ne sommes pas d’accord sur de nombreux points, le démocrate que vous êtes, et nous n’en doutons tout de même pas, ne peut pas ne pas accepter cet amendement.

Il y a certes des urgences de calendrier car les décrets doivent être soumis au Conseil d’État avant mars 2014 pour que la réforme soit applicable lors des prochaines élections cantonales. Le but ultime, nous l’avons bien compris, c’est que vous puissiez en tirer profit dès ces prochaines élections, c’est très important pour vous.

Cela dit, vous devez tout de même respecter un minimum de transparence dans votre démarche. Vous allez envoyer des décrets au fil de l’eau au Conseil d’État. Le rapporteur a précisé que les conseils généraux devraient délibérer entre juin et octobre 2013. Vous rendez-vous compte de ce que cela signifie ? Ils auront six semaines pour délibérer. S’ils reçoivent leur décret le 14 juillet, ils auront jusqu’au 15 août pour se prononcer. Réunir des conseils généraux entre le 14 juillet et le 15 août, ce n’est franchement pas sérieux. Nous sommes aux antipodes de la transparence.

Pour la refonte intercommunale, le législateur a donné, je crois, deux mois aux communes pour se prononcer. Calez-vous sur ce délai, qui est le minimum raisonnable. C’est intéressant, le débat devra avoir lieu dans l’Ariège, le Cantal, il faudra informer les gens et donner aux conseils municipaux l’occasion de se prononcer. Ne donnez pas le sentiment de vouloir cacher les choses et d’agir en catimini pendant l’été. Ce ne serait vraiment pas démocratique et respectueux de notre vie politique.

Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Larrivé, pour défendre l’amendement n° 715.

M. Guillaume Larrivé. Ce que nous voulons, monsieur le ministre, c’est un peu plus de souplesse juridique et plus de transparence politique. L’un des éléments de cette transparence, c’est que, dans chaque département, les conseillers généraux aient un délai raisonnable pour étudier la question. Sinon, il se passera ce qui commence à se dessiner dans certains départements, c’est-à-dire un dialogue entre l’autorité préfectorale, soumise comme c’est la règle au pouvoir, et les élus de l’actuelle majorité.

M. Bussereau a appelé l’attention du groupe UMP sur un fait tout à fait scandaleux. Dans le département de la Charente-Maritime, un certain M. Vallet, président du groupe socialiste au conseil général, a écrit cette semaine à tous les maires de Charente-Maritime pour leur expliquer quel sera selon lui, selon la fédération locale du parti socialiste, le redécoupage dans ce département, et il indique par exemple le nombre de cantons à La Rochelle. Tout cela est assez hallucinant.

Le débat doit avoir lieu devant les conseils généraux de manière calme, sereine, transparente, démocratique, pas à la va-vite entre le 14 juillet et le 15 août.

M. Gérald Darmanin. A-t-on consulté Ségolène ?

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur les trois amendements ?

M. Pascal Popelin, rapporteur. L’objectif de la majorité, c’est de rendre la loi applicable tout en respectant la règle selon laquelle on ne modifie pas les circonscriptions électorales dans l’année qui précède l’élection.

Le droit existant ne comporte aucun délai prescriptif.

M. François Sauvadet. Vous avez raison, c’est un usage.

M. Pascal Popelin, rapporteur. Le délai de six semaines qui est proposé tient compte de l’ensemble d’un calendrier qui doit conduire à prendre tout de même la bagatelle de quatre-vingt-dix-huit décrets en Conseil d’État.

J’ai signalé dans le rapport, mais le Gouvernement nous donnera peut-être plus de précisions, que la période probable était entre juin et octobre et non pas du 15 juillet au 15 août, comme je l’ai entendu.

M. Olivier Marleix. Pour certains si !

M. Pascal Popelin, rapporteur. Même dans les départements où il est le plus complexe de se déplacer en raison de la géographie, je ne pense pas que l’on ait besoin de plus de six semaines pour se rendre au conseil général, et, dans ces territoires, en général, on connaît parfaitement la géographie et les contraintes, et l’on est donc parfaitement capable de se prononcer rapidement pour ou contre les dispositions proposées par le Gouvernement.

La commission a donné un avis défavorable à ces trois amendements.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Manuel Valls, ministre. Le délai laissé aux assemblées départementales pour se prononcer sur le projet de décret s’inscrit dans un calendrier très précis, vous l’avez souligné, qui doit permettre la publication des quatre-vingt-dix-huit décrets au plus tard un an avant le renouvellement général de mars 2015, en respect des dispositions de l’article 7 de la loi du 11 décembre 1990, afin de ne pas porter atteinte à la sincérité du scrutin.

En conséquence, le Gouvernement est défavorable à ces amendements.

Cela dit, je prends ici l’engagement que cela ne se fera pas pendant les vacances. N’ayez crainte : nous respecterons la période des vacances de nos conseillers généraux. C’est un engagement que je prends, sachant évidemment que nous n’enverrons pas les quatre-vingt-dix-huit décrets d’un coup, mais de manière régulière, pour que les conseillers généraux puissent les examiner dans des conditions qu’il leur appartiendra de préparer.

Deuxièmement, le débat aura lieu. Il a même déjà commencé. Ce n’est pas uniquement M. Vallet qui fait le découpage dans son département,…

M. Jacques Lamblin. Il faut le lui dire !

M. Manuel Valls, ministre. …et nous avons eu l’occasion d’assurer le président Dominique Bussereau de notre respect des méthodes et des règles de consultation. Et cela vaudra pour chacun. Le débat a donc déjà commencé…

M. François Sauvadet. Non !

M. Manuel Valls, ministre. Tout le monde ne pense pas que votre force de conviction me fera reculer !

M. François Sauvadet. Hélas !

M. Gérald Darmanin. Le débat a commencé au sein des sections du parti socialiste !

M. Manuel Valls, ministre. Certains ont déjà engagé le débat. C’est la vie politique. Mais il y a des règles et elles doivent être respectées.

Troisièmement, si vous aviez remporté les élections, le travail de redécoupage lié au conseiller territorial aurait au mieux commencé, puisqu’il avait été reculé par le Premier ministre, au mois de septembre 2012, et il se serait achevé en ce moment même, début 2013, c’est-à-dire qu’il y aurait eu moins de six mois, quelques semaines seulement, pour assurer le respect de la loi de 1990. Nous allons, quant à nous, après la promulgation de la loi et son examen par le Conseil constitutionnel, prendre quelques mois supplémentaires pour laisser du temps au débat public, à la consultation des assemblées départementales et à la procédure d’avis du Conseil d’État.

Mme la présidente. Monsieur Lamblin, compte tenu des explications que vient d’apporter M. le ministre, ces amendements sont-ils retirés ?

M. Jacques Lamblin. Bien sûr que non, madame la présidente, malgré votre sourire.

M. Lionel Tardy. Bien tenté !

M. Jacques Lamblin. Monsieur le ministre, vous affirmez que le scrutin que vous proposez a l’avantage de proposer une parité rigoureuse – c’est exact –, en maintenant le scrutin majoritaire – c’est également exact –, mais il engloutit totalement la représentation des territoires. Nous essayons d’y remédier. Même si nous n’approuvons pas votre texte, nous tentons de contourner la difficulté. Or vous ne voulez pas entendre parler d’une amélioration de la règle des 20 %. De même, quand nous vous montrons que vous muselez les conseils généraux, vous essayez de nous expliquer que non. Enfin, si le délai d’un an est la règle, il faut espérer que le Conseil constitutionnel approuvera le travail qui se fait ici : nous ne savons pas au-devant de quoi nous allons, je vous le signale au passage.

Nous avons également beaucoup insisté sur les écarts de représentation entre cantons. C’est l’occasion pour moi de vous communiquer une information lue ce matin sur internet. La différence, c’est l’histoire de notre pays. Il y a en France vingt-neuf communes de moins de dix habitants. J’ai regardé la situation des vingt-neuf plus importantes : elles comptent 8 millions d’habitants, lesquels sont ainsi représentés par vingt-neuf maires. Il y a donc, dans les plus petites communes, 290 habitants qui sont eux aussi représentés par vingt-neuf maires et qui ont vingt-neuf voix aux élections sénatoriales, tout comme les autres, ou pas tout à fait…

M. Pascal Popelin, rapporteur. C’est très fumeux !

M. Jacques Lamblin. Non, c’est la vérité.

M. Pascal Popelin, rapporteur. Il y a deux grands électeurs dans les grands cantons !

M. Jacques Lamblin. Le critère des 20 % auquel vous vous cramponnez est, comme on le voit assez souvent par ailleurs, à géométrie variable.

Mme la présidente. La parole est à Mme Frédérique Massat.

Mme Frédérique Massat. Je souhaite rectifier certains propos que j’ai entendus sur les cantons de montagne. M. Olivier Marleix a évoqué le Cantal et l’Ariège. Je ne me permettrai pas de parler pour le Cantal mais, s’agissant de l’Ariège, nous sommes capables de nous réunir. Si nous avons des montagnes et des vallées, nous avons aussi des voitures et d’autres véhicules qui nous permettent de nous rendre au conseil général. (Rires.) Il faut arrêter de caricaturer, de ridiculiser ces territoires ! Nous sommes capables, en six semaines, de convoquer les élus du conseil général pour qu’ils délibèrent.

M. Olivier Marleix. Ça se fera en catimini !

M. Lionel Tardy. Il n’y aura qu’une réunion, alors ?

(L’amendement n° 683 et les amendements identiques nos 190 et 715, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je suis saisie de sept amendements, les amendements identiques nos 687, 690, 696, 699, et les amendements nos 698, 695 et 191, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Lionel Tardy, pour soutenir l’amendement n° 687.

M. Lionel Tardy. Cet amendement vise à mettre en place une commission indépendante, dont nous prévoyons la composition – députés, conseillers d’État, conseillers à la Cour de cassation, conseillers maîtres à la Cour des comptes –, afin de superviser le découpage.

Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Marleix, pour soutenir l’amendement n° 690.

M. Olivier Marleix. M. Larrivé l’a excellemment expliqué : il faut de la souplesse juridique mais aussi de la transparence politique. La précédente majorité avait donné l’exemple, lors de la réforme constitutionnelle, en prévoyant que le redécoupage des circonscriptions législatives aurait lieu sous le contrôle d’une commission ad hoc, dont l’existence est désormais inscrite dans notre Constitution. Nous vous demandons la même chose pour le découpage des cantons, afin de garantir la transparence.

Mme la présidente. La parole est à M. Gérald Darmanin, pour soutenir l’amendement n° 696.

M. Gérald Darmanin. Nous proposions deux garde-fous. Le premier, la consultation des conseils municipaux, vient d’être refusé, et c’est dommage. Dans mon département, les conseillers généraux, de droite comme de gauche, ont pris l’habitude de réunir des conseils généraux de consultation des communes, où l’intégralité des conseils municipaux délibèrent de manière consultative sur les projets du département.

M. Rémi Pauvros. La gauche le fait très bien !

M. Gérald Darmanin. Il n’y a pas que la gauche, monsieur Pauvros : des conseillers généraux de droite le font aussi. Je sais qu’à Maubeuge vous n’êtes pas habitués à avoir des conseillers généraux de droite, mais il en existe dans mon coin du Nord ! Je ne peux pas être dans l’opposition partout, mais le Gouvernement ayant en préparation des projets de bioéthique, nous pourrons peut-être un jour multiplier les Darmanin.

Le second garde-fou, c’est la commission que propose Guillaume Larrivé, de manière à la fois transparente, démocratique et intelligente.

M. Manuel Valls, ministre. Comme son auteur !

M. Gérald Darmanin. Il est bon de citer les grands auteurs, monsieur le ministre ! Tout le monde ne peut pas citer la jurisprudence administrative comme notre collègue Guillaume Larrivé ; je préfère donc citer Guillaume Larrivé directement. (Sourires.)

Nous ne doutons pas que vous accepterez ces amendements, alors que nous avons salué votre esprit démocrate. Cette commission indépendante garantira à l’opposition que le découpage se fera selon l’intérêt général et non selon les intérêts du parti socialiste.

Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Larrivé, pour soutenir l’amendement n° 699.

M. Guillaume Larrivé. Je crois que nous devrions nous rassembler sur une proposition de cette nature. J’admets que, dans un passé assez lointain, certaines majorités ont pu être tentées, à l’occasion d’un redécoupage, de faire valoir non seulement l’intérêt général mais aussi leur propre intérêt. On est peu à peu sorti de cette logique politicienne. Le précédent découpage législatif a été opéré de manière aussi transparente que possible, sous le contrôle éminent d’une commission présidée par l’ancien président du Conseil constitutionnel, Yves Guéna.

Nous avons intérêt à prendre exemple sur ce modèle, mais aussi à l’améliorer. L’amendement a une logique un peu différente de celle de la commission Guéna, puisque la commission serait présidée par un parlementaire de l’opposition. Depuis quelques années, cette logique de pluralisme est à l’œuvre en matière budgétaire, la commission des finances de l’Assemblée nationale étant présidée par un député de l’opposition. En matière électorale, une démocratie moderne, apaisée, sereine, devrait admettre que les règles du jeu soient définies de manière pluraliste. La signature sera évidemment celle du Premier ministre, avec le contreseing du ministre de l’intérieur, et c’est normal, mais le redécoupage devrait être éclairé par une commission pluraliste.

Nous demandons, madame la présidente, un scrutin public sur ces amendements, afin que chacun prenne ses responsabilités.

M. Arnaud Richard. Très bien !

M. Guillaume Larrivé. Il n’y a rien de scandaleux ou d’anormal à ce qu’une commission pluraliste se prononce sur cette matière sensible pour la démocratie.

Mme la présidente. Sur le vote des amendements nos 687 et identiques, je suis saisie par le groupe UMP d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Quel est l’avis de la commission sur ces amendements ?

M. Pascal Popelin, rapporteur. M. Marleix nous invite à prendre modèle sur l’ancienne majorité et son redécoupage législatif. En matière de découpage électoral, je ne suis pas sûr que nous ayons ce modèle à l’esprit.

M. François Sauvadet. Vous allez faire pire !

M. Pascal Popelin, rapporteur. Dans la loi du 16 décembre 2010 créant les conseillers territoriaux, aucune commission de ce type n’était prévue.

M. Gérald Darmanin. Le changement, c’est maintenant !

M. Pascal Popelin, rapporteur. Vous nous demandez donc d’appliquer des modalités que vous n’aviez pas vous-mêmes prévu d’appliquer.

Le redécoupage aura déjà lieu après l’avis des conseils généraux et celui du Conseil d’État, lequel pourra également être saisi de recours pour excès de pouvoir contre les décrets.

Sur le fond, une commission nationale ne se justifie pas en matière de délimitation de cantons.

M. Guillaume Larrivé. C’est un découpage national !

M. Pascal Popelin, rapporteur. Dans le cas du découpage des circonscriptions législatives, l’objet est l’élection d’une seule assemblée délibérante, l’Assemblée nationale ; il est donc indispensable que le découpage obéisse à des règles communes et strictement homogènes au plan national. En revanche, pour le découpage des cantons, il s’agit d’élire quatre-vingt-dix-huit conseils départementaux différents ; il n’y a donc pas lieu de procéder à des comparaisons entre cantons,…

M. Guillaume Larrivé. C’est une question d’égalité !

M. Pascal Popelin, rapporteur. …ce qu’il faut c’est assurer une parfaite transparence et égalité du suffrage à l’intérieur des départements. Voilà pourquoi la commission a donné un avis défavorable à ces amendements.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Manuel Valls, ministre. Après la mise en cause par M. Marleix du Conseil d’État,…

M. François Sauvadet. Non !

M. Manuel Valls, ministre. …M. Larrivé, ne prévoyant pas de sénateurs dans la commission, met ainsi en cause le Sénat.

M. Gérald Darmanin. M. Jospin l’a fait auparavant !

M. Manuel Valls, ministre. C’est vrai, et cela ne lui a pas porté chance. (Exclamations sur divers bancs.) Nous garderons cela pour nous, car en chaque député dort un futur sénateur – « dort » au sens figuré, bien sûr. (Sourires.)

L’article 23 a pour objet d’inscrire dans la loi ces critères définis pour le remodelage cantonal dont nous débattons depuis deux heures : leur précision doit permettre d’éviter tout arbitraire et de rendre inutile la saisine d’une commission.

Trois critères ont été définis, suite à une demande d’avis expresse au Conseil d’État, et dégagés de la jurisprudence constitutionnelle, plus rigoureuse que la jurisprudence administrative, qui ne concernait jusqu’alors que des redécoupages partiels.

Les critères du remodelage des circonscriptions électorales sont habituellement définis, sous le contrôle du juge, par le Gouvernement : ce dernier a cette fois-ci souhaité qu’ils soient explicitement inscrits dans les dispositions du projet de loi.

M. Olivier Marleix. Mais ce n’est pas la peine !

M. Manuel Valls, ministre. Bien que ces critères, une fois inscrits dans la loi, suffisent par eux-mêmes à garantir l’intégrité des décrets, le Gouvernement a néanmoins tenu à ce que le Conseil d’État puisse rendre un avis sur chaque projet de décret, en en choisissant la forme.

Comme tout acte administratif, ces décrets pourront enfin faire l’objet d’un recours devant le juge administratif, si une personne intéressée s’estimait lésée par la nouvelle délimitation des cantons.

Nul ne pouvant douter de l’absolue indépendance des formations du Conseil d’État dans ses fonctions administratives, le remodelage dispose de suffisamment de garanties pour se dispenser d’en insérer de nouvelles.

Il est curieux que l’opposition nous reproche la rigueur des critères que nous intégrons dans la loi, eu égard à l’avis du Conseil d’État, pour nous demander ensuite la formation d’une commission indépendante dont les critères de travail seraient rien moins que clairs.

Vous souhaitez, messieurs de l’opposition, une commission indépendante mais, dans le même temps, vous voulez ôter du texte de loi les critères énoncés suite à l’avis du Conseil d’État, qui sera amené à examiner le découpage.

Votre proposition, tout intéressante qu’elle soit, est d’abord en contradiction avec vos propos précédents.

M. Guillaume Larrivé. C’est très cohérent !

M. Manuel Valls, ministre. De plus, cela poserait des problèmes de temps et politiserait le débat, ce qui ne saurait se produire s’agissant du Conseil d’État.

La gauche n’a jamais été amenée à procéder à un découpage législatif,…

M. Olivier Marleix. Et c’est tant mieux.

M. Manuel Valls, ministre. Je ne réponds pas aux provocations de M. Marleix.

…ni à l’occasion du premier redécoupage, ni à celle du deuxième. Permettez-moi de trouver ces découpages contestables, et d’autant plus lorsque l’on se rappelle les conditions dans lesquelles ils ont été effectués.

Certes, la commission était tout à fait indépendante ; …

Mme Frédérique Massat. Très impartiale !

M. Manuel Valls, ministre. …mais si je me souviens de l’audition du président Guéna – j’ai la plus grande estime pour l’homme et son parcours politique si peu partisan –, je pense avant tout à l’audition du président du Conseil constitutionnel, qui me semble ne pas avoir fait alors la plus grande preuve de son souci de l’intérêt général.

Pour toutes ces raisons, le Gouvernement demande le rejet de ces amendements.

Mme la présidente. La parole est à M. François Sauvadet.

M. François Sauvadet. Vous me semblez très en forme, monsieur le ministre,…

M. Gérald Darmanin. C’est l’Assemblée !

M. François Sauvadet. …mais vos propos sont au moins contradictoires.

Si j’éveille le sénateur qui sommeille en moi, je peux vous assurer que le meilleur moyen de réveiller le Sénat, cela aurait été de l’écouter.

M. Gérald Darmanin. Tout à fait !

M. François Sauvadet. La loi que vous avez proposée au Sénat a été repoussée par une majorité de gauche.

M. Gérald Darmanin. Il paraît…

M. François Sauvadet. D’autre part, monsieur le rapporteur, lorsque vous évoquez un soutien de l’ensemble de la majorité, c’est un mensonge, puisque seul le parti socialiste porte ce projet de loi.

Hier, le Front de gauche a voté contre le binôme. D’ailleurs, j’ai reçu des témoignages d’élus locaux de ce parti qui nous ont demandé de nous battre.

M. Manuel Valls, ministre. Vous avez de mauvaises fréquentations.

M. François Sauvadet. La main sur le cœur, vous nous promettiez – et M. Hollande le premier – une République irréprochable, enfin tirée de la situation dramatique dans laquelle elle avait été plongée ; et c’étaient mille autres promesses encore.

Dans mon département, vous avez changé tous les hommes en place : un ancien candidat du parti socialiste est même devenu recteur.

Votre République irréprochable, jurée la main sur le cœur, est comme la loi relative au cumul des mandats : vous ne voulez plus de cumul en effet, mais vous repoussez la loi après les élections.

M. Pascal Popelin, rapporteur. Vous la voulez avant ?

M. François Sauvadet. Quand vous parlez de République irréprochable, ne vous appuyez pas sur ce que vous qualifiez de turpitudes du passé pour vous livrer à pire.

Avoir recours à la règle des plus ou moins 20 % pour garantir l’intégrité du redécoupage, permettez-moi d’en rire, monsieur le ministre.

Vous nous dites qu’il faut appliquer cette règle afin d’assurer l’équité, tout en cherchant une délégation pour représenter les territoires ruraux : ne nous prenez pas pour des perdreaux de l’année.

Au contraire, assumez clairement que ce projet est celui du parti socialiste, qui veut opérer seul un redécoupage à sa guise. Remarquez combien il est rare que tous les partis, à l’exception du vôtre, s’opposent à cette loi, d’autant qu’il s’agit d’une loi organique.

M. Lionel Tardy. C’est incroyable.

M. le président. La parole est à M. Gérald Darmanin.

M. Gérald Darmanin. Je m’étonne, monsieur le ministre, que l’annonce du scrutin public ne vous ait pas fait comprendre l’importance de la situation actuelle et changer d’avis par rapport à la commission.

Par ailleurs, monsieur le rapporteur, votre argument selon lequel une commission nationale n’aurait rien à voir dans un découpage cantonal ou départemental me semble un peu spécieux.

Ne s’agit-il pas pourtant d’un découpage général, donc national, des cantons ?

C’est un peu comme si vous disiez à la commission des comptes de campagne : « Ne vous occupez pas des élections partielles, ni des élections cantonales, vous êtes une commission nationale, il revient donc à une commission départementale d’être juge des comptes. » Voilà un argument juridique quelque peu ténu.

Si la gauche n’a pas eu le loisir, qu’elle aura bientôt, de découper les circonscriptions, elle a fait mieux en 1986, en changeant le scrutin, ce qui permettait effectivement de se poser moins de questions sur le redécoupage. Nous portons ainsi une attention toute particulière à votre argument, puisqu’il semblerait que vous allez bientôt redécouper les circonscriptions.

Vous nous dites en effet que cela est hors de propos, mais vous allez tout de même créer, si le Président tient, comme je n’en doute pas, toutes ses promesses électorales, des élections législatives à la proportionnelle, ce qui vous obligera à redécouper les circonscriptions pour les élections de 2017, à supposer qu’il n’y ait pas de dissolution d’ici là.

Monsieur le ministre, vous attaquez M. Larrivé avec une rare violence, alors qu’il n’est qu’un jeune député qui sera peut-être un jour un jeune sénateur – espérons qu’il aura eu le temps de se faire réélire député pour 44 ans de mandat, comme son prédécesseur.

Vous auriez pu proposer un sous-amendement avec la mise en place de deux sénateurs, si c’était vraiment cette question qui vous gênait le plus. D’ailleurs, peut-être pouvons-nous demander une suspension de séance afin de vous laisser l’occasion de sous-amender ; mais comme le groupe socialiste semble désormais majoritaire dans l’hémicycle, nous n’allons pas manquer de passer au vote...

Nous pensions que votre argument, monsieur le rapporteur, du « Vous ne l’avez pas fait, pourquoi le ferions-nous ? » ne valait plus pour un parti qui déclarait « Le changement, c’est maintenant ».

Malheureusement, s’il n’y a pas de changement économique, il n’y en a pas plus en matière de découpage électoral. Je ne vous savais pas ce conservatisme, monsieur le rapporteur : non seulement, vous voulez cumuler, mais vous êtes aussi un conservateur réactionnaire. Comme j’ai bien fait de revenir ce vendredi de ma circonscription pour vous entendre !

Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Larrivé, pour soutenir l’amendement n° 698.

M. Guillaume Larrivé. Défendu.

Mme la présidente. La parole est à M. Gérald Darmanin, pour soutenir l’amendement n° 695.

M. Gérald Darmanin. Défendu.

Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Marleix, pour soutenir l’amendement n° 191.

M. Olivier Marleix. Défendu.

Mme la présidente. Je vais maintenant mettre aux voix les amendements identiques nos 687, 690, 696 et 699.

(Il est procédé au scrutin.)

Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 55

Nombre de suffrages exprimés 54

Majorité absolue 28

(Les amendements identiques nos 687, 690, 696 et 699 ne sont pas adoptés.)

(Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Gérald Darmanin. La transparence, c’est maintenant !

(Les amendements nos 698, 695 et 191, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

M. Gérald Darmanin. La réaction a gagné.

Mme la présidente. La parole est à M. Arnaud Richard, pour soutenir l’amendement n° 864.

M. Arnaud Richard. Le Gouvernement a refusé de prendre l’avis des communes, sous prétexte que cela aurait été trop long : voilà la preuve d’une grande ouverture à l’égard des élus locaux.

Vous avez refusé la proposition brillante de M. Larrivé, relative à la création d’une commission pluraliste, transparente et indépendante. Vous vous êtes coincés dans la règle des plus ou moins 20 %, qui relève d’une vision purement arithmétique des conseils généraux. Enfin, vous ne souhaitez pas laisser le temps à ces mêmes conseillers généraux de délibérer, pour vous résumer.

Cet amendement dispose qu’une majorité nette de cette institution départementale valide aux trois-cinquièmes les modifications que vous feriez sur les limites, les créations, les suppressions ou le transfert des sièges des chefs-lieux de ces cantons.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pascal Popelin, rapporteur. L’avis que rendront les conseils généraux est un avis simple : mettre une condition de majorité des trois-cinquièmes est inopérant. La commission émet donc un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Manuel Valls, ministre de l’intérieur. Même avis.

Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Larrivé.

M. Guillaume Larrivé. Le groupe UMP apporte par ma voix son soutien à cet excellent amendement du groupe UDI.

Dans une logique pluraliste de transparence, il est sain de recueillir l’avis le plus large possible des conseils généraux, afin qu’il soit transpartisan.

Il faut choisir : les règles du jeu électorales sont définies soit par des majorités partisanes, soit par la perspective du bien commun de la démocratie.

Mme la présidente. La parole est à M. François Sauvadet.

M. François Sauvadet. Je voudrais saluer, madame la présidente, votre organisation des débats.

M. Lionel Tardy. Très bien !

M. François Sauvadet. On critique parfois les présidents lorsqu’ils ne laissent pas le débat se faire ; mais je voulais vous féliciter publiquement pour votre manière de présider l’Assemblée.

M. Gérald Darmanin. Cela change de Mme Dumont.

M. François Sauvadet. Monsieur le ministre, j’aurais aimé que vous vous expliquiez sur le fait que nous pourrions rechercher un consensus ou, tout du moins, une vision partagée, autour de ce redécoupage. Vous aviez dit la main sur le cœur que vous souhaitiez préserver les grands principes républicains, mais nous avons peine à vous croire.

La règle selon laquelle nous pourrions rejeter ou accepter à la majorité des trois-cinquièmes le redécoupage permettrait d’en garantir la légitimité républicaine : vous venez de balayer cette possibilité d’un revers de la main.

Je souhaiterais, si vous l’acceptez, monsieur le ministre, que vous répondiez au groupe UDI sur des arguments de fond, au lieu de repousser la discussion à plus tard. Pourquoi rejetez-vous cette vision partagée d’un redécoupage qui permettrait d’assurer une certaine intégrité ou, tout du moins, une vision républicaine ? Éclairez la représentation nationale et le pays avec elle !

(L’amendement n° 864 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements, nos 63 et 680 rectifié, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Jacques Lamblin, pour soutenir l’amendement n° 63.

M. Jacques Lamblin. Nous défendons pied à pied notre point de vue à chaque occasion, c’est la démocratie. Il s’agit ici, puisque vous avez décidé, monsieur le ministre, de fusionner les cantons dans des proportions considérables, d’obtenir au moins que vous respectiez les périmètres des cantons antérieurs. En effet, ces cantons, dont on a dit à l’envi qu’ils étaient là depuis deux siècles, ont une histoire, des chefs-lieux, des collèges électoraux, et il est donc impossible d’organiser cette fusion au mépris du passé et de son héritage. Nous demandons que ce qui existe aujourd’hui soit pris en compte dans le redécoupage et non pas les seuls intérêts du redécoupeur, quels que soient les serments de bonne foi qu’il nous délivre en permanence.

Mme la présidente. La parole est à M. Lionel Tardy, pour soutenir l’amendement n° 680 rectifié.

M. Lionel Tardy. Le présent amendement vise à préciser que toutes les modifications des limites territoriales des cantons seront effectuées en tenant compte des spécificités géographiques, des spécificités de répartition de la population et des aménagements des territoires, ce qui semble logique.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements ?

M. Pascal Popelin, rapporteur. Il est bien évident qu’en pratique, le nouveau découpage cantonal ne pourra pas se faire comme si on partait d’une feuille blanche. Mais le législateur ne peut pas juridiquement introduire une référence à la situation actuelle pour guider le pouvoir réglementaire car une telle disposition serait probablement inconstitutionnelle. Je rappelle que, dans le commentaire de sa décision du 9 décembre 2010 relative aux tableaux des effectifs des conseillers territoriaux par département, le Conseil constitutionnel a indiqué que « l’objectif invoqué de ne pas bouleverser de façon trop importante la structure cantonale existante et le nombre de conseillers élus dans certains départements ne pouvait constituer un impératif d’intérêt général. Eu égard à l’importance de la réforme qui procède à une refonte totale du système de représentation […] la conservation de l’état antérieur ne pouvait constituer un impératif d’intérêt général ». C’est la raison pour laquelle la commission a émis un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Manuel Valls, ministre. Il n’est pas exclu qu’il y ait une contradiction entre le respect du critère démographique des plus ou moins 20 % et la prise en compte des limites cantonales actuelles, le critère démographique devant de toute façon être privilégié. La réalité sociologique ou géographique a pu faire évoluer de manière différente des communes qui appartiennent à un même canton et il est légitime d’en tirer les conséquences, par exemple si une commune d’un canton s’est depuis longtemps intégrée à un bassin économique et social n’appartenant pas à son entité administrative actuelle. C’est pourquoi le Gouvernement est défavorable à ces amendements.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Lassalle.

M. Jean Lassalle. Madame la présidente, vous présidez remarquablement…

M. Alain Tourret. Quel charmeur ! (Sourires.)

Un député du groupe UMP. Je crois qu’il a un truc à demander !

M. Jean Lassalle. … et vous tenez compte des minorités.

M. François Sauvadet. Voilà !

M. Jean Lassalle. Je fais observer à M. le ministre, pour qui j’ai beaucoup de respect, non pas parce qu’il est ministre mais parce que c’est une personnalité qui a une carrière remarquable et qui ira très loin, j’en suis certain…

M. François Sauvadet. Il restera tout de même le ministre de la fracture territoriale !

M. Jean Lassalle. …que si j’ai employé le terme « sacré », je suis aussi un républicain ardent et un laïque qui n’a pas de leçon à recevoir. Si j’essaye de me battre autant sur ce texte, c’est justement parce qu’il est d’essence très républicaine. Pour une fois, on peut parler des territoires d’exception, en l’occurrence des territoires montagnards, sans que je me sente caricaturé. On pourrait faire le décompte du nombre d’heures que l’on passe à évoquer ces territoires. Ce qu’en a dit une de nos collègues ne m’a pas paru très bienvenu.

Mais je ne sais par quel miracle, il y a cinq minutes, alors qu’il y avait treize députés socialistes, radicaux de gauche et verts dans l’hémicycle, ils ont produit trente-six voix.

M. Gérald Darmanin. Ce n’est pas la multiplication des pains, c’est la multiplication des votes !

M. Jean Lassalle. Je ne pense pas que ce soit un miracle, mais un effet d’optique.

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Ça s’appelle la délégation de vote !

Mme la présidente. Monsieur Lassalle, malgré les gentillesses que vous avez eues à mon égard, vos propos pourraient être considérés comme une remise en cause de la présidence,…

M. Jean Lassalle. Oh non !

Mme la présidente. …alors que celle-ci est extrêmement attentive au bon déroulement des votes. Il arrive que des groupes bien organisés procèdent correctement à des délégations de vote. J’ajoute que vous avez mal compté le nombre de députés du groupe SRC, car vous avez probablement omis le rapporteur et le président de la commission des lois.

La parole est à M. Guillaume Larrivé.

M. Guillaume Larrivé. Il est important de tenir compte autant que possible, dans ce redécoupage cantonal, des limites existantes des cantons.

M. Gérald Darmanin. Eh oui !

M. Guillaume Larrivé. Monsieur le rapporteur, quand on cite le commentaire d’une décision publié dans Les nouveaux cahiers du Conseil constitutionnel, il faut citer entièrement le paragraphe et ne pas omettre, comme vous l’avez fait avec un brin de mauvaise foi, un morceau de phrase : « En deuxième lieu, le Conseil a estimé que l’objectif invoqué de ne pas bouleverser de façon trop importante la structure cantonale existante et le nombre de conseillers élus dans certains départements ne pouvait constituer un impératif d’intérêt général. Eu égard à l’importance de la réforme qui procède à une refonte totale du système de représentation dans les conseils des départements et des régions » – ce que vous aviez omis de citer –, « la conservation de l’état antérieur ne pouvait constituer un impératif d’intérêt général. » Cela change fondamentalement le sens de la décision : le raisonnement du Conseil, c’est de considérer que quand on procède à un redécoupage des départements et des régions, les cantons ne peuvent être une référence objective puisqu’ils ne sont qu’une subdivision départementale et non pas régionale. Mais ce n’est pas du tout le cas ici : nous sommes dans un redécoupage purement départemental. Il n’y a dès lors rien d’anormal à demander le respect, autant que possible, des limites des cantons existants.

M. Pascal Popelin, rapporteur. Je n’ai pas dit le contraire.

M. Guillaume Larrivé. Il s’agit de ne pas oublier l’histoire et la géographie. Des dizaines de milliers de nos compatriotes sont attachés au périmètre actuel de leur canton parce que cela a beaucoup de conséquences pratiques s’agissant des collèges, des écoles et, monsieur le ministre de l’intérieur, du maintien des brigades de gendarmerie. Il nous paraît important, contrairement à vous, de ne pas rayer d’un trait de plume ces deux siècles d’histoire. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

(Les amendements nos 63 et 680 rectifié, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. La parole est à M. Arnaud Richard, pour soutenir l’amendement n° 865.

M. Arnaud Richard. Nos collègues de la majorité ne peuvent que nous suivre sur cet amendement puisqu’il s’agit de mettre en cohérence la modification des limites territoriales des cantons avec les solidarités géographiques et humaines. Lors du dernier redécoupage des circonscriptions législatives, effectué sous la précédente législature, le Gouvernement était passé outre dans quelques départements à l’avis négatif de la commission consultative sur le redécoupage, puis à l’avis négatif du Conseil d’État. Le Conseil constitutionnel avait ensuite constaté à son tour des anomalies liées à certains découpages, en citant l’exemple de la Moselle et du Tarn. Toutefois, il n’avait pas censuré la loi au motif que sa seule compétence était de vérifier le respect des critères démographiques. L’objet de l’amendement est donc de donner explicitement pour mission au Conseil d’État de censurer tout redécoupage géographiquement incohérent.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pascal Popelin, rapporteur. Tout le monde peut bien sûr partager l’objectif de cet amendement et je ne doute pas que le pouvoir réglementaire tiendra compte des solidarités géographiques et humaines, mais ce que vous proposez, monsieur Richard, n’est pas une disposition normative, car vous employez dans votre amendement l’expression vague « autant que possible ». Il ne peut donc pas trouver sa place dans la loi. Avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Manuel Valls, ministre. Même avis.

Mme la présidente. Monsieur Richard, maintenez-vous cet amendement ?

M. Arnaud Richard. Oui, madame la présidente. Le rapporteur vient de dire qu’il était d’accord avec ce que propose l’amendement, considérant seulement qu’il n’était pas assez précis. Je peux entendre cet argument, mais ce serait déjà un pas en avant.

(L’amendement n° 865 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de sept amendements, nos 994 rectifié, 28 rectifié, 233, 702, 872 rectifié, 195 rectifié et 770 rectifié, pouvant être soumis à une discussion commune. Les amendements n°s 233 et 702 sont identiques.

La parole est à M. Guillaume Larrivé, pour soutenir l’amendement n° 994 rectifié.

M. Guillaume Larrivé. Certains cosignataires de cet amendement sont éminents, tel l’ancien Premier ministre François Fillon, ce qui en souligne l’importance. La délimitation des nouveaux cantons doit respecter les limites des circonscriptions pour l’élection des députés. Par deux fois, en 1986 et en 2009, ce fut le choix du Parlement, imposant au redécoupage des circonscriptions législatives de respecter les limites des circonscriptions cantonales, à l’exception de celles comptant plus de 40 000 habitants. Le Conseil constitutionnel a souligné, notamment dans ses décisions des 1eret 2 juillet 1986 et du 8 janvier 2009, que cette règle permettait d’éviter des délimitations arbitraires. Il serait à tout le moins paradoxal que les limites des nouveaux cantons, dessinées par décret, c’est-à-dire décidées par le Premier ministre, ne soient pas assujetties au respect des limites des circonscriptions législatives qui résultent de la loi. L’insertion des nouveaux cantons dans le tracé des actuelles circonscriptions, délimitées il y a quelques années seulement et validées par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 18 février 2010, nous paraît tout à fait nécessaire.

J’irai même plus loin que cette argumentation juridique : nous ne comprenons pas bien, ou plutôt nous ne comprenons que trop les raisons pour lesquelles vous souhaitez, monsieur le ministre, rendre le redécoupage cantonal complètement indépendant du redécoupage législatif. En effet, après vous être enfermé dans le carcan des 20 %, vous cherchez à pouvoir manipuler en totale liberté les ciseaux lorsqu’il s’agira de redécouper les circonscriptions des députés.

Mme la présidente. La parole est à M. François de Mazières, pour soutenir l’amendement n° 28 rectifié.

M. François de Mazières. Cet amendement est le pendant de celui que vient de défendre l’excellent Guillaume Larrivé. Monsieur le ministre, vous nous avez dit que les délais très courts pour la consultation des conseils généraux justifiaient une mise en place rapide de votre réforme, mais que l’important était de définir un cadre précis, avec un certain nombre de règles. En l’espèce, il y a une règle simple à mettre en œuvre au nom de l’efficacité dont vous vous réclamez, même si nous regrettons que vous ayez supprimé le conseiller territorial, qui établissait enfin une articulation entre les conseils régionaux et les conseils généraux. Mais vous avez aujourd’hui le moyen de rendre votre découpage plus efficace puisque ces amendements établissent une correspondance entre les circonscriptions législatives et les cantons. Il serait bon que vous les adoptiez.

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Lamblin, pour soutenir l’amendement n° 233.

M. Jacques Lamblin. Le législateur, dans sa grande sagesse, avait décidé que les circonscriptions législatives devaient être des agglomérats de cantons, en respectant strictement les limites de ceux-ci. Le principe était qu’il ne faut pas tenter le diable. Cette règle empêchait que les périmètres des circonscriptions législatives n’évoluent au gré de celui qui organisait le redécoupage. On voit bien quel risque sa suppression entraînerait.

En outre, dans la mesure où le scrutin législatif devrait prochainement comporter une part de proportionnelle, on peut se demander si ce redécoupage ne serait pas la préfiguration des futures circonscriptions législatives.

M. François Sauvadet. Bien sûr !

M. Jacques Lamblin. L’autre hypothèse serait qu’un redécoupage reste indépendant de l’autre. Mais alors, c’est la liberté du renard dans le poulailler que vous revendiquez, et ce n’est pas la meilleure des libertés !

M. François Sauvadet. Tout à fait !

M. François de Mazières. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Lionel Tardy, pour soutenir l’amendement n° 702.

M. Lionel Tardy. Alors que 27 députés se retrouvent ici à discuter de tripatouillage électoral, les chiffres viennent de tomber : Bruxelles prévoit une croissance de 0,1 % en France en 2013, qui sera certainement corrigée – on parlera alors de récession –, contre les 0,8 % annoncés par le Gouvernement, et un déficit de 3,7 % du PIB, alors que le Gouvernement jurait de le ramener à 3 %. Je ne dirai pas : « Le mensonge, c’est maintenant ! ». Mais il serait temps de s’occuper d’économie.

M. Rémi Pauvros. Vous êtes frappé d’amnésie ? Soyez un peu plus modeste.

M. Lionel Tardy. Pour revenir au texte, il nous semble indispensable que les limites des circonscriptions législatives soient respectées lors des opérations de délimitation des cantons. Tel est le sens de cet amendement.

M. le président. La parole est à M. François Sauvadet, pour soutenir l’amendement n° 872 rectifié.

M. François Sauvadet. Monsieur le ministre, vous vous êtes élevé contre l’utilisation de mots tels que « tripatouillage » ou « charcutage ». Mais c’est bien ce que vous vous apprêtez à faire, et vous légitimez l’opération par l’application de la règle des 20 %, qui tuera les territoires ruraux.

Dire que vous agissez pour l’équité, sans mauvaises intentions électoralistes, n’est pas sérieux. Vous êtes en train de vous livrer à un véritable tripatouillage électoral.

Quelles sont les règles que vous vous fixez ? Au lieu de respecter l’histoire des cantons, leur tradition de travail en commun, qui a fondé beaucoup de démarches intercommunales, vous les démembrez, ce qui est paradoxal à l’heure où, dans les commissions départementales de la coopération intercommunale – les CDCI –, on interdit la sortie d’une commune dans un périmètre donné. Tout cela n’est pas sérieux.

Vous avez une vision politique et politicienne du redécoupage de la France, que vous assumerez avec le parti socialiste, le seul à porter cette loi.

Sortir des limites des circonscriptions, c’est considérer que le député n’a pas d’ancrage territorial, contrairement à ce que vous répétez depuis le début de ce débat. Oui, l’élu local, mais aussi l’élu national est un animateur de son territoire. Considérer que le redécoupage ne doit pas tenir compte de l’histoire des circonscriptions, c’est fonder votre démarche sur la seule représentation démographique.

Vous pourrez user de tous les arguments que vous voudrez, vous ne tromperez personne. Nous sommes des membres de la représentation nationale, mais aussi des animateurs du territoire lorsque nous exerçons notre mandat au quotidien.

S’affranchir de toute règle, hormis celle des 20 %, c’est signer la mort des territoires ruraux. Voilà le forfait que vous êtes en train de commettre. Vous ouvrez une nouvelle ère, celle où le tripatouillage sera la seule règle qui présidera au redécoupage.

Mme Pascale Crozon, rapporteure de la délégation aux droits des femmes. Ce n’est pas vraiment une nouvelle ère…

Mme la présidente. Sur les amendements identiques nos 233 et 702, je suis saisie par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.

Sur l’amendement n° 872 rectifié, je suis saisie par le groupe Union des démocrates et indépendants d’une demande de scrutin public.

Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Olivier Marleix, pour soutenir l’amendement n° 195 rectifié.

M. Olivier Marleix. Monsieur le ministre, le sujet dont nous parlons est très grave, et je modère mon propos. Je sais très bien que vous direz, comme l’explique la fiche – excellente au demeurant – de la direction de la modernisation et de l’action territoriale, que le lien entre cantons et circonscriptions législatives n’a été inscrit dans la loi qu’en 1986 ou en 2009 et que sa valeur n’est que très relative.

Nous pensons au contraire que ce lien a une réalité beaucoup plus ancienne. Je vous invite à vous pencher sur l’histoire du scrutin majoritaire dans notre pays. Sous la Troisième République, où il permettait de désigner les élus de l’Assemblée nationale, la détermination des circonscriptions législatives se faisait déjà en procédant par agrégation de cantons.

Vous proposez purement et simplement de vous affranchir de cette contrainte : c’est la porte ouverte à un arbitraire tout à fait nouveau. S’il y a en matière de redécoupage électoral – je me suis un peu intéressé à ce sujet – une contrainte qui s’impose aux gouvernements, c’est bien de respecter ces entités que sont les cantons.

Nous entrons dans un nouveau monde. Vous pensez que vos petites modifications – calendrier des élections régionales et cantonales, collège électoral sénatorial, mode de scrutin pour les sénatoriales, mode de scrutin pour les cantonales – passent inaperçues. Un jour, cette politique des petits pas finira par se voir dans l’opinion. Franchement, ce que vous faites est très grave. Vous ne pouvez faire fi du lien entre les cantons et les circonscriptions législatives, un élément fondamental de l’organisation de notre démocratie et de la détermination des circonscriptions depuis que le scrutin majoritaire existe. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur quelques bancs du groupe UDI.)

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Tourret, pour soutenir l’amendement n° 770 rectifié.

M. Alain Tourret. Les seize députés de notre groupe ont tenu à signer cet amendement. Il engage donc le parti radical de gauche que je représente.

Il y a un principe, et quelques exceptions. Le principe est que les cantons correspondent aux limites des circonscriptions législatives. Vous avez expliqué qu’il existait actuellement une cinquantaine d’exceptions. Faut-il renforcer l’exception, ou le principe ? Là est la question.

Nous sommes pour renforcer le principe. Dans l’exercice très complexe qui sera le vôtre, monsieur le ministre, à savoir de redécouper en laissant le souvenir de quelqu’un de juste, les choses seront plus faciles pour vous si vous vous imposez des règles que si vous vous laissez la faculté de passer outre et de tendre à l’exception.

Si le ministre de l’intérieur était membre du parti radical, tiendrais-je les mêmes propos ? Oui ! Je vous demande de tenir compte de la position du parti le plus fidèle au Gouvernement, qui n’a jamais remis en cause quoi que ce soit.

M. Jean Lassalle. C’est vrai !

M. Alain Tourret. Mais là, nous vous disons de faire attention, monsieur le ministre, et de conserver ce principe républicain. Vous n’en sortirez que grandi. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)

M. Jean Lassalle. Très bien !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pascal Popelin, rapporteur. Il convient de distinguer l’objectif et la règle de droit.

Un député UMP. L’objectif, on l’a deviné !

M. Pascal Popelin, rapporteur. Il est évident que la coïncidence des cantons avec les circonscriptions d’élection des députés est souhaitable. Toutefois, je rappelle qu’elle n’a jamais été une exigence pour le juge constitutionnel.

En 1986, le Conseil constitutionnel a admis que les circonscriptions législatives pouvaient être définies sans respecter les limites cantonales dans les départements comprenant des cantons dont le territoire n’était pas continu ou dont la population était supérieure à 40 000 habitants.

En 2009, le Conseil constitutionnel a de nouveau admis que les circonscriptions législatives pouvaient être définies sans respecter les limites cantonales lorsque les cantons comptent plus de 40 000 habitants, ce qui, en pratique, concerne environ 120 cantons sur un total de 4 000.

M. Olivier Marleix. Cela demeure une exception !

M. Pascal Popelin, rapporteur. Ainsi, lors des dernières élections législatives, 53 cantons ne respectaient pas les limites des circonscriptions d’élection des députés. 42 d’entre eux étaient situés dans les départements issus du redécoupage de 2009.

M. François Sauvadet. Ce sont les comptages du ministère de l’intérieur !

M. Pascal Popelin, rapporteur. J’ajoute que le tableau des effectifs des conseillers territoriaux, annexé à la loi de réforme des collectivités territoriales du 16 décembre 2010, ne définissait pas un nombre de cantons par département qui aurait été l’exact multiple des circonscriptions législatives existantes.

M. François Sauvadet. Cela n’a rien à voir.

M. Pascal Popelin, rapporteur. Le Conseil constitutionnel n’avait rien trouvé à y redire. L’exigence d’une coïncidence absolue entre circonscriptions législatives et découpage cantonal ne figure dans la loi que depuis la loi du 10 décembre 2010, relative à la réforme des collectivités territoriales.

M. Olivier Marleix. Il s’agit d’une tradition républicaine !

M. Pascal Popelin, rapporteur. Cette exigence était censée trouver sa concrétisation dans le découpage cantonal, mais celui-ci n’a jamais eu lieu.

Lors de l’examen par l’Assemblée nationale le 20 décembre 2012 de la proposition de loi abrogeant le conseiller territorial, la disposition a été abrogée. Cette abrogation est de nouveau proposée à l’article 25 du projet de loi, qui abroge l’article 3 de la loi de 2010.

La coïncidence des cartes départementale et législative est bien sûr un objectif, mais elle ne peut être une contrainte absolue, sauf à rendre plus difficile encore le découpage cantonal qui sera réalisé. De surcroît, elle obligerait, à l’avenir, à faire évoluer simultanément les deux types de circonscriptions : un redécoupage législatif entraînerait mécaniquement un redécoupage cantonal et inversement. La commission a émis un avis défavorable pour l’ensemble de ces amendements.

M. François Sauvadet. C’est laborieux !

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Manuel Valls, ministre. Je me retrouve dans les propos du rapporteur ; il a donné une explication extrêmement lumineuse, qui me permet de répondre au président Tourret. Après tous les compliments que vous m’avez adressés, monsieur le député, je prends entièrement à mon compte le brevet de radicalisme dont je fais l’objet, car je pourrais en effet être radical, radical socialiste bien sûr !

M. François Sauvadet. Vous êtes radical dans votre position, monsieur le ministre ! (Sourires.)

M. Manuel Valls, ministre. Vous aussi, du coup ! Chacun d’entre nous est radical, d’une certaine manière…

M. Marc Dolez. À chacun sa radicalité !

M. Manuel Valls, ministre. Tout à fait ! Vous aussi, monsieur Dolez, vous êtes radical ! À chacun sa forme de radicalité ! Reste à savoir laquelle…

Nous ne pouvons pas nous enfermer de la sorte, dès lors que nous allons accepter dans quelques instants des critères permettant de déroger aux 20 %. Il y a déjà des exceptions, vous l’avez rappelé, ainsi que le rapporteur. Si nous inscrivons dans le texte de loi l’exigence d’intégrer les circonscriptions, nous n’arriverons pas à opérer un découpage juste et équilibré.

Le rapporteur a eu raison de le dire, il faut bien sûr essayer de respecter cette tradition. Nous le ferons dans le cadre du découpage, mais nous savons pertinemment qu’il y aura des exceptions. Elles sont aujourd’hui au nombre de cinquante-trois et, avec le nouveau redécoupage, la taille des cantons et les critères rappelés tout au long de nos débats, cela serait strictement impossible si nous gravions cette règle dans le marbre. Je peux m’engager auprès de la représentation nationale à respecter cette tradition ; mais, du fait qu’elle a été intégrée dans la loi depuis peu de temps, comme nous l’avons rappelé avec Pascal Popelin, nous ne pouvons pas accepter cet amendement qui empêcherait un découpage cantonal juste et équilibré.

Mme la présidente. Sur l’amendement n° 770 rectifié, je suis saisie par le groupe Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

M. Gérald Darmanin. J’ai l’impression de ne pas avoir lu le dernier compte rendu du Conseil des ministres où les trente députés que nous sommes ont tous été nommés au Conseil d’État ! Car en réalité, monsieur le rapporteur, nous ne cessons de faire du droit, d’étudier la jurisprudence ; nous nous imposons des règles issues des jurisprudences du Conseil d’État… Je ne voudrais pas que l’Assemblée nationale devienne aujourd’hui, même si nous sommes vendredi et qu’il y a peu de monde dans cet hémicycle, une sous-section du Conseil d’État !

Nous faisons de la politique, et je crois, monsieur le rapporteur, que le texte présenté par le ministre de l’intérieur est un texte politique.

M. Olivier Marleix et M. François Sauvadet. Oh oui !

M. Gérald Darmanin. S’agissant du redécoupage des cantons, vous ne pouvez pas répondre à chaque question de l’opposition en vous réfugiant derrière la jurisprudence. Certes, cette littérature administrative est très intéressante, et nous la lisons comme vous. Mais vous ne cessez de répondre : « Ce n’est pas possible ! Que dirait le conseil d’État dans sa grande sagesse ? »

Nous faisons de la politique. La politique, bien sûr, peut forcer un peu la jurisprudence, car comme l’a dit notre excellent collègue Sauvadet, c’est tout de même la loi qui prévaut sur la jurisprudence, y compris celle du Conseil d’État.

M. François Sauvadet. Absolument !

M. Gérald Darmanin. Se fonder sur des jurisprudences du Conseil d’État pour justifier le travail du législateur est un peu limite au regard de la volonté du peuple, car, si je ne me trompe, c’est pour exprimer cette volonté que nous avons été élus…

Je le sais, je suis un jeune parlementaire, mais je suis sûr que le président de la commission des lois…

Mme Estelle Grelier. Arrêtez avec ça !

M. Gérald Darmanin. J’ai le droit de dire ce que je veux, madame !

Mme la présidente. Surtout dans le temps qui vous est imparti, si vous le voulez bien, monsieur Darmanin. Ne vous laissez pas interrompre et poursuivez !

M. Gérald Darmanin. C’est que j’ai le souci de la galanterie, madame la présidente !

Monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, vous n’avez pas répondu aux deux questions politiques que nous vous avons posées et qui sont tout à fait justifiées.

Première question. Le redécoupage des cantons en dehors des circonscriptions, l’exception devenant le principe – pour reprendre la distinction de notre collègue Tourret –, présage-t-il, dans la réforme institutionnelle que vous allez nous proposer – ou alors peut-être, monsieur le ministre, allez-vous nous dire « non, il n’y aura plus de réforme institutionnelle » ? – le redécoupage des circonscriptions, notamment pour créer les cinquante-sept députés élus à la proportionnelle ?

Deuxième question. On peut comprendre que politiquement, si vous appliquez strictement le non-cumul des mandats, vous n’ayez pas envie qu’il y ait, dans une circonscription, des conseillers généraux forts, d’autant plus que vous allez créer des binômes, qui pourront se présenter politiquement à des élections législatives, et que votre volonté d’éclater les cantons des futurs conseillers départementaux est une manière de limiter leur poids politique pour se présenter contre les députés qui seront élus sans cumul des mandats lors des élections législatives prochaines.

Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, ce sont deux questions extrêmement claires. N’y voyez aucune malice ! Vous n’y avez toujours pas répondu. Vous n’avez fait que citer les jurisprudences du Conseil d’État et du Conseil constitutionnel. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. François Sauvadet. Bravo !

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Dolez.

M. Marc Dolez. À ce stade de notre discussion, j’ai envie de rappeler à nos collègues qu’il y a un moyen simple d’éviter toutes les difficultés inhérentes à un redécoupage, un moyen qui garantit la parité et la juste représentation de chacun : c’est le mode de scrutin de liste à la proportionnelle et au niveau départemental que nous avons proposé…

Cela dit, par rapport au débat qui nous occupe, la coïncidence entre la carte législative et la carte cantonale est souhaitable. Mais à l’heure où nous parlons, il y a une grande incertitude sur la future carte législative…

M. Olivier Marleix. C’est le problème !

M. Marc Dolez.…car si l’on suit le rapport Jospin, il y aura cinquante-sept circonscriptions de moins pour permettre la proportionnelle. Si l’on suit les propositions du candidat Hollande pendant sa campagne, ce sera un peu plus puisqu’il avait évoqué 15 % d’élus à la proportionnelle. Et si, comme on le lit dans les gazettes, le nombre de députés devait être diminué, ce sera dans des proportions encore plus importantes.

Aussi, monsieur le ministre, j’ai deux questions à vous poser. Premièrement, pouvez-vous nous dire, avec le découpage tel qu’il est envisagé, combien il y aura de cantons de plus de 40 000 habitants ?

M. Jean Lassalle. Très bonne question !

M. Marc Dolez. Deuxièmement, le propos que vous avez tenu tout à l’heure – dans le contexte d’aujourd’hui et sous réserve de ce que je viens de dire – signifie-t-il qu’un canton de moins de 40 000 habitants pourrait ne plus être inclus dans la même circonscription ?

M. François Sauvadet et M. Jean Lassalle. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Larrivé.

M. Guillaume Larrivé. Nous avons écouté avec la plus grande attention le ministre de l’intérieur répondant sur l’amendement n° 770 rectifié.

Vous avez dit, monsieur le ministre, qu’autant que faire se peut, vous tiendriez compte des limites des circonscriptions législatives pour la délimitation des nouveaux cantons. Pour que les choses soient parfaitement claires, un sous-amendement du Gouvernement à l’amendement du groupe RRDP serait bienvenu. Il suffirait d’ajouter les mots « autant que possible » après le mot « respectent » pour rendre compte de la volonté affichée par le Gouvernement de respecter autant que faire se peut les limites des circonscriptions législatives.

M. Gérald Darmanin. C’est très juste et très intelligent !

M. Guillaume Larrivé. J’avais envisagé de déposer moi-même ce sous-amendement, mais le service de la séance m’a indiqué que je n’en avais pas le pouvoir. J’invite donc le Gouvernement, s’il veut être cohérent avec sa propre annonce, à déposer ce sous-amendement qui serait naturellement voté, avec l’amendement de M. Tourret, par le groupe UMP.

Mme la présidente. La parole est à M. Emeric Bréhier.

M. Emeric Bréhier. Je voulais, à ce stade du débat, faire part à mes excellents collègues de l’UMP de ma surprise en entendant leurs arguments.

Chers collègues, vous semblez vouloir transmettre au Gouvernement l’expérience de vos propres turpitudes lors du dernier découpage ! M. le rapporteur et M. le ministre l’ont rappelé, un peu moins de 10 % des circonscriptions comprennent aujourd’hui des bouts de cantons correspondant à la jurisprudence du Conseil constitutionnel qui permet que des cantons de plus de 40 000 habitants soient répartis sur deux circonscriptions.

J’appelle votre attention, mes chers collègues, sur un exemple qui vous a certainement échappé : en Seine-et-Marne, ce sont six circonscriptions sur onze qui comprennent différents cantons. Vous nous accusez par avance de turpitudes qui ont été les vôtres lors du redécoupage pour les élections législatives : six circonscriptions sur onze comprennent des bouts de cantons…

M. Gérald Darmanin. Vous généralisez !

M. Emeric Bréhier. Voyez comme vous avez respecté les règles que vous nous demandez d’appliquer !

(L’amendement n° 994 rectifié n’est pas adopté.)

(L’amendement n° 28 rectifié n’est pas adopté.)

Rappel au règlement

Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Larrivé, pour un rappel au règlement.

M. Guillaume Larrivé. Mon rappel au règlement se fonde sur l’article 58.

Nous serions honorés que le ministre de l’intérieur veuille bien répondre à la question que nous avons posée concernant le dépôt d’un sous-amendement. Oui ou non, le Gouvernement est-il prêt à écrire expressément dans la loi qu’il sera tenu compte, autant que possible, pour ce redécoupage cantonal, des limites des circonscriptions législatives ?

Mme la présidente. Monsieur Larrivé, je propose de procéder au scrutin public et de donner ensuite la parole au ministre. Comme votre question porte sur l’amendement suivant, nous allons faire les choses dans l’ordre.

Je vais maintenant mettre aux voix les amendements identiques n°s 233 et 702.

(Il est procédé au scrutin.)

Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 57

Nombre de suffrages exprimés 56

Majorité absolue 29

(Les amendements n°s 233 et 702 ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Manuel Valls, ministre. Pour répondre à M. Dolez sur le nombre de cantons de plus de 40 000 habitants, une estimation est en cours. Elle sera donnée, si c’est possible, dans la journée. On doit prendre comme postulat le nombre de cantons par département tel qu’issus de l’article 3 que nous avons voté il y a un instant.

Pour répondre à M. Larrivé, la formule « autant que faire se peut »n’a aucune valeur juridique. Le juge pourra se référer à mes propos qui sont notés au Journal officiel. Je ne suivrai donc pas la proposition de sous-amendement que vous nous faites pour les raisons que je viens d’indiquer.

M. Jean Lassalle. C’est décevant !

Mme la présidente. Je vais maintenant mettre aux voix l’amendement n° 872 rectifié.

(Il est procédé au scrutin.)

Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 61

Nombre de suffrages exprimés 61

Majorité absolue 31

(L’amendement n° 872 rectifié n’est pas adopté.)

(L’amendement n° 195 rectifié n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je vais maintenant mettre aux voix l’amendement n° 770 rectifié.

(Il est procédé au scrutin.)

Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 59

Nombre de suffrages exprimés 59

Majorité absolue 30

(L’amendement n° 770 rectifié n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements, nos 678 et 753, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Lionel Tardy, pour soutenir l’amendement n° 678.

M. Lionel Tardy. L’expérience des territoires montre que les citoyens des petites villes souhaitent avoir les mêmes représentants à l’assemblée départementale, comme au conseil municipal. Aujourd’hui, les petites villes à cheval sur deux cantons ont deux conseillers généraux. Cette situation est déjà compliquée pour les citoyens, en particulier pour ceux qui n’ont pas le même conseiller général que leur voisin de résidence. Découper des communes rurales par rues voire par ruelles selon qu’on y réside du côté des numéros pairs ou impairs est considéré comme une anomalie. Demain, avec le scrutin binominal, une commune de 4 000 habitants pourra avoir quatre conseillers départementaux. Pour la majorité des citoyens concernés, cette situation sera surréaliste. C’est pourquoi cet amendement vous propose d’augmenter le seuil de 3 500 à 10 000 habitants.

Mme la présidente. La parole est à M. François de Mazières, pour soutenir l’amendement n° 753.

M. François de Mazières. Je reprends à mon compte les arguments développés par notre collègue Lionel Tardy. Vous allez créer des cantons très peuplés. Dans le département des Yvelines, la moyenne sera de 60 000 habitants environ. Nous aurons des cantons très importants sans correspondance régulière avec le découpage municipal. Cela nous paraît très dommageable, conformément à notre souci constant d’efficacité de l’organisation administrative, qui est bien l’enjeu de ce débat.

Votre réforme est destinée à améliorer l’articulation des collectivités territoriales entre elles. Tel est du moins le principe qui devrait la guider. Ceux qui sont explicitement les vôtres sont la parité et la représentation territoriale. Si vous voulez une représentation territoriale équilibrée et efficace, il faut que les limites que vous fixez soient les bonnes. Voilà ce dont nous débattons ce matin.

Vous nous avez dit, monsieur le ministre, vouloir aller vite en inscrivant des limites dans la loi, de sorte qu’elle sera objective et ne pourra prêter le flanc à l’accusation de charcutage électoral. Nous vous demandons pour notre part de fixer les bonnes limites, qui sont les circonscriptions législatives existantes et les limites des communes. Chaque fois que nous vous offrons un moyen d’échapper à l’accusation de découpage politique, vous l’ignorez.

M. François Sauvadet. C’est vrai !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pascal Popelin, rapporteur. M. de Mazières a bien résumé la situation. Nos collègues de l’opposition récusent les contraintes fixées par la loi au Gouvernement pour procéder au futur découpage et proposent d’autres contraintes que la majorité récuse, car elles ne sont pas opérationnelles en vue d’un découpage de l’ensemble du territoire correspondant aux principes constitutionnels déjà évoqués. C’est la raison pour laquelle la commission a donné à ces amendements un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Manuel Valls, ministre. J’ajoute à ce qui vient d’être dit que ce critère était prévu dans la loi de décembre 2010.

Mme la présidente. La parole est à M. François de Mazières.

M. François de Mazières. Ce qui est frappant, c’est votre volonté constante de faire table rase. L’histoire nous montre pourtant que la sagesse vient avec les ans. Nous avons derrière nous deux cents ans d’histoire. Il est trop dommage de vous priver de toute cette expérience et de tout ce vécu des cantons, fort bien défendu par mes collègues Sauvadet et Lassalle qui ont fait part à plusieurs reprises de leur expérience de terrain.

Il est très dommage que vous ne preniez pas en compte l’histoire du pays que vous gouvernez. Comme si vous étiez capables, en quelques mois, de récrire l’histoire de l’administration française d’un trait de plume ! C’est cela, fondamentalement, que nous vous reprochons.

M. Serge Janquin. En bons conservateurs !

Mme la présidente. La parole est à M. François Sauvadet.

M. François Sauvadet. Vous faites référence à votre convenance, monsieur le ministre, à la loi de 2010 que vous avez récusée et dont vous souhaitez abroger l’essentiel. J’aimerais pour ma part que vous exposiez à la représentation nationale l’argument qui est le vôtre, comme représentant du gouvernement de la France, justifiant le seuil de 3 500 habitants plutôt que 5 000. J’aimerais entendre vos arguments et pas seulement une référence à une loi que vous avez combattue et que vous entendez abroger. Pourquoi ce seuil de 3 500 habitants ? Quelles en sont pour vous les conséquences et les avantages ?

Je penche pour ma part pour un seuil de 5 000 voire 10 000 habitants. Avec un découpage dans une commune de 3 500 habitants, les gens auront comme interlocuteurs non plus deux mais quatre conseillers territoriaux. Vous irez expliquer cela sur le terrain, monsieur le ministre ! J’aimerais entendre vos arguments et j’espère que vous allez nous répondre.

(Les amendements nos 678 et 753, repoussés par la commission et le Gouvernement, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. La parole est à M. François Sauvadet, pour soutenir l’amendement n° 866.

M. François Sauvadet. Il est défendu.

(L’amendement n° 866, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. François Sauvadet. Monsieur le ministre a du mal à s’expliquer ! Il est un peu sectaire ! Merci pour vos arguments, monsieur le ministre !

Mme la présidente. Je suis saisie d’une série d’amendements pouvant être soumis à une discussion commune, dont trois séries d’amendements identiques.

Nous abordons la première série d’amendements identiques.

La parole est à M. Gérald Darmanin, pour soutenir l’amendement n° 64.

M. Gérald Darmanin. Le tunnel des 20 %, monsieur le ministre, est trop arithmétique. On a dit que nous donnions trop dans le juridisme, on peut dire aussi que nous faisons trop d’arithmétique. Je vous propose donc 50 %.

Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Marleix, pour soutenir l’amendement n° 192.

M. Olivier Marleix. On ne peut pas croire, monsieur le ministre, que vous ne serez pas amené à évoluer, à un moment ou à un autre, sur la règle des 20 %. Vous vous rendez bien compte que le rejet de votre texte par le Sénat traduisait entre autres un refus d’une vision extrêmement rigide qui portera atteinte aux territoires ruraux et fera disparaître les cantons ruraux de notre pays.

J’ai prêté attention au discours de François Hollande pendant la campagne présidentielle et cru comprendre qu’il se présentait alors comme le défenseur des territoires ruraux et de la France rurale, dont il déplorait qu’elle ait été malmenée. Regardez la réalité en face : vous êtes aujourd’hui aux antipodes de ce discours. Ce que vous proposez est une atteinte profonde à nos territoires et n’est vraiment pas défendable.

Vos arguments consistant à dire que la jurisprudence du Conseil Constitutionnel vous contraint sont inexacts. Vous en faites une interprétation exagérée, en toute conscience, puisqu’une fois encore la seule décision qui fasse référence vaut pour les assemblées régionales. Le Conseil Constitutionnel savait très bien qu’il y aurait des écarts entre deux cantons d’une même région allant au-delà de 20 %. Vous savez que vous avez la possibilité juridique de dépasser ce seuil de 20 %. Il faudra bien que vous nous entendiez, aujourd’hui ou demain. Vous mettez trop à mal la France rurale pour que nous vous laissions faire sans réagir.

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Lamblin, pour soutenir l’amendement n° 230.

M. Jacques Lamblin. La réforme du scrutin que vous proposez, monsieur le ministre, engloutit la représentation des territoires ruraux. Nous ne cessons de vous le dire. J’y voyais jusqu’à maintenant un dommage collatéral de votre volonté d’instituer la parité dans les conseils départementaux. Mais ce n’est pas le cas. C’est de propos délibéré que vous engloutissez la représentation des territoires ruraux. Votre refus de faire le moindre pas en direction des propositions que nous avançons en est la preuve.

Le maire d’une commune rurale d’un secteur reculé de ma circonscription me disait il y a quelques jours qu’on ne s’intéresse aux ruraux qu’à l’ouverture de la chasse. Eh bien ! Voilà précisément ce qui attend les territoires ruraux avec la réforme que vous mettez en œuvre, car comme le disait très nettement Jean Lassalle, la mort politique d’un territoire précède inéluctablement sa mort économique.

M. François Sauvadet. Absolument !

M. Jacques Lamblin. On sait aujourd’hui que les territoires ruraux sont un gisement de développement pour notre nation, mais il ne peut être exploité sans volonté politique avérée de le faire. Et sans représentation politique, point de volonté politique.

M. Jean Lassalle. Très bien !

M. Jacques Lamblin. Voilà pourquoi nous vous demandons instamment, monsieur le ministre, de revoir cette règle dont l’intangibilité nous semble assez illusoire. Nous vous proposerons 50 %, 40 %, 30 % et nous nous battrons jusqu’au bout.

Mme la présidente. La parole est à M. Lionel Tardy, pour soutenir l’amendement n° 244.

M. Lionel Tardy. Lors des opérations de redécoupage des cantons, la population d’un canton prise en compte doit rester proche de la moyenne de la population de chaque canton du département, comme l’ont souligné mes collègues. Il semble qu’un écart à la moyenne de 40 % en plus ou en moins permette de procéder avec plus de souplesse au redécoupage. Le conseil d’État ne fixe aucun écart chiffré strict, comme cela a été souligné. Les écarts de représentation doivent simplement se situer dans une fourchette moyenne. Cet amendement qui propose d’élargir à 50 % l’écart à la moyenne permet de mieux le concilier avec la double fonction des cantons qui incarnent par principe non seulement des territoires mais aussi des populations très attachées à leur identité.

Mme la présidente. La parole est à M. François Sauvadet, pour soutenir l’amendement n° 867.

M. François Sauvadet. Monsieur le ministre, j’ai souhaité attirer votre attention sur le risque que vous prenez en inscrivant dans le marbre de la loi un pourcentage qui n’est qu’une recommandation, puisque le Conseil constitutionnel souhaite uniquement que les écarts soient réduits.

Si, en outre, vous retenez un taux de 20 %, c’est la mort assurée des territoires ruraux. Actuellement, ma circonscription comprend 17 cantons. Si l’on applique votre règle, elle n’en comptera plus que quatre et, dans mon département, 500 communes seront représentées par cinq cantons. Est-ce bien raisonnable ? Comment pouvez-vous nous dire, la main sur le cœur, qu’il faut prendre en compte les populations résidant sur les territoires ? Cette réforme, je le répète, est la mort annoncée de la représentation des territoires ruraux. Assumez-le !

Monsieur le ministre, l’aménagement du territoire est un des plus grands défis que notre pays aura à relever dans les années qui viennent. Or, vous prenez le risque que le phénomène d’urbanisation se poursuive et s’accompagne de la désertification de certaines de nos campagnes, de sorte que vous apparaîtrez comme le ministre de la fracture territoriale (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), celui qui aura supprimé la représentation de nos territoires ruraux.

Vous faites primer le fait aggloméré, la population, sur les territoires. Ce faisant, vous mettez en péril l’idée que nous devons avoir en partage d’une France dont la vie irrigue chacun des territoires, chacune des communes. À chaque fois que nous vous interrogeons, vous répondez à côté de la plaque, en oubliant, ou en feignant d’oublier, le sujet essentiel : il ne s’agit de représenter, non pas des populations, mais des populations vivant sur des territoires. Nos collectivités ne sont-elles pas des collectivités « territoriales » ?

Demain, les politiques publiques connaîtront un changement profond – et certains, au parti socialiste, en ont d’ailleurs convenu. Vous êtes en train de redécouper, de charcuter notre pays. Cette opération laissera des plaies béantes dans la future organisation territoriale.

M. Jean Lassalle. Très bien !

Mme la présidente. Nous en venons à la deuxième série d’amendements identiques.

La parole est à M. Gérald Darmanin, pour soutenir l’amendement n° 65.

M. Gérald Darmanin. Défendu !

Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Marleix, pour soutenir l’amendement n° 193.

M. Olivier Marleix. Monsieur le ministre, votre étude d’impact comprend très peu d’éléments sur la France d’après, celle que vous êtes en train de dessiner ; il n’y a rien, du reste, dans cette étude d’impact. Quant au rapport de M. Popelin, il ne dit pas grand-chose des conséquences de l’application de la règle des 20 % et de ce redécoupage strict de nos territoires.

Que signifie, très concrètement, le rééquilibrage qui interviendra au sein de chaque assemblée départementale, sinon que ce sont les élus des zones urbaines qui prendront le pouvoir ? La ville primera sur les territoires ruraux qui les entourent. Ceux-ci ne seront plus considérés, conformément à la vision traditionnelle qu’en ont les écologistes et les socialistes, que comme le jardin de la ville, qu’elle doit pouvoir aménager à son gré, pour y installer par exemple un grand aéroport, comme en Loire-Atlantique, ou un terrain d’accueil des gens du voyage, que la ville ne veut pas chez elle, ou encore un centre d’enfouissement de déchets... Voilà l’organisation du territoire que vous dessinez. Pour nous, je le répète, c’est inacceptable !

M. Jean Lassalle. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Lamblin, pour soutenir l’amendement n° 231.

M. Jacques Lamblin. Défendu !

Mme la présidente. La parole est à M. Lionel Tardy, pour soutenir l’amendement n° 239.

M. Lionel Tardy. Défendu !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Lassalle, pour soutenir l’amendement n° 622.

M. Jean Lassalle. Défendu.

Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Larrivé, pour soutenir l’amendement n° 704.

M. Guillaume Larrivé. Monsieur le ministre, ce que vient de dire Olivier Marleix est extrêmement important. Dès lors que vous faites le choix de maintenir le département – d’autres choix pourraient être discutés dans un autre cadre, le moment venu –, il vous faut préserver un lien organique, presque charnel, avec la ruralité.

Je saisis, du reste, cette occasion pour répondre à Mme Massat, qui nous a interrogés sur notre vision de la ruralité. Celle-ci est évidemment dynamique, positive. Les territoires ruraux sont des territoires où s’inventent chaque jour de nouvelles pratiques agricoles, artisanales, industrielles, associatives. Parce que nous croyons en l’avenir de la ruralité, nous souhaitons qu’elle soit représentée au sein des futurs conseils départementaux. Que se passera-t-il en Côte-d’Or, dans l’Yonne et dans les autres départements bourguignons ? Les villes, les agglomérations, seront surreprésentées, au détriment des cantons ruraux. C’est la triste conséquence de la logique arithmétique que vous vous obstinez à privilégier.

Mme la présidente. La parole est à Mme Frédérique Massat, pour soutenir l’amendement n° 755.

Mme Frédérique Massat. Tout à l’heure, M. le ministre a pris le temps de répondre longuement aux orateurs inscrits sur l’article 23 et il a indiqué très clairement qu’il accepterait les amendements incluant la superficie, le relief et l’insularité dans les critères permettant de déroger à la règle des plus ou moins 20 %. Je précise que ces amendements identiques sont au nombre de sept et qu’ils devraient donc recueillir une large approbation de notre assemblée, bien au-delà, je l’espère, des bancs de la majorité. Compte tenu de l’engagement du ministre et des risques que comporterait l’inscription dans la loi d’une marge différente de celle des 20 %, je retire l’amendement n° 755.

(L’amendement n° 755 est retiré.)

Mme la présidente. La parole est à M. François Sauvadet, pour soutenir l’amendement n° 868.

M. François Sauvadet. Défendu !

Mme la présidente. Nous en venons à la troisième et dernière série d’amendements identiques au sein de la discussion commune.

La parole est à M. François de Mazières, pour soutenir l’amendement n° 29.

M. François de Mazières. Il est défendu.

Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Marleix, pour soutenir l’amendement n° 194.

M. Olivier Marleix. Je regrette infiniment que Mme Massat ait retiré l’amendement n° 755, car, quoi qu’ait dit le ministre, la prise en compte de la superficie ne fera qu’atténuer la brutalité de l’application des 20 %. Or, je suis persuadé que le Conseil constitutionnel accepterait que la loi autorise ab initio le Gouvernement à procéder au redécoupage en prévoyant un écart de plus ou moins 40 %, sachant, une fois encore, qu’il s’agit d’assemblées départementales qui ont pour mission de gérer des territoires, ce qui n’est pas le cas de l’Assemblée nationale.

Je regrette donc, madame Massat. que vous ayez retiré votre amendement. Il aurait pu recueillir l’approbation unanime de notre assemblée, car il nous aurait permis de franchir un pas important dans l’amélioration de ce texte qui, dans sa rédaction actuelle, condamne le monde rural. Certes, le Gouvernement, j’en suis convaincu, finira par céder ; je regrette que, pour des raisons de tactique parlementaire, il l’envisage dans le cadre de négociations avec le Sénat. Mais l’important est qu’il finisse par céder.

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Lamblin, pour soutenir l’amendement n° 232.

M. Jacques Lamblin. Je souhaiterais revenir sur le rôle du conseiller départemental dans la représentation du territoire dont il est l’élu. Sachant que le département a pour compétences la gestion des routes départementales, des transports en commun ou des collèges, il est évident que, si les territoires ruraux sont sous-représentés, tous les investissements nécessaires dans ces secteurs seront oubliés ou repoussés au profit des secteurs urbains, surtout quand les moyens financiers sont en baisse.

M. Olivier Marleix. Bien sûr !

M. Jacques Lamblin. Enfin, lorsqu’on fixe une règle comme celle des 20 %, à laquelle vous semblez tenir, on prend le risque de voir le découpage annulé si ces 20 % sont dépassés ne serait-ce que de 0,001 %. Il vous faut donc vraiment revoir votre position, dans l’intérêt de nos territoires ruraux.

Mme la présidente. La parole est à M. Lionel Tardy, pour soutenir l’amendement n° 235.

M. Lionel Tardy. En tant que membre de l’Association nationale des élus de montagne, je soutiens tous les amendements qui proposent un tunnel de 30 %.

Mme la présidente. La parole est à Mme Claudine Schmid, pour soutenir l’amendement n° 703.

Mme Claudine Schmid. Je m’étonne que le Gouvernement propose cette règle des 20 %, compte tenu des écarts de population qui peuvent exister entre certaines circonscriptions législatives. Pour ce qui est de la représentation des Français de l’étranger, par exemple, on a appliqué au découpage des circonscriptions une règle de plus ou moins 30 %. Ainsi, certaines circonscriptions comptent 90 000 résidents et d’autres 160 000. Il est parfois possible d’envisager les choses de manière intelligente.

Mme la présidente. La parole est à M. François Sauvadet, pour soutenir l’amendement n° 869.

M. François Sauvadet. Ainsi que je l’ai indiqué, il me semble que le Gouvernement prend un risque considérable en inscrivant cette règle des 20 % dans la loi.

Par ailleurs, je comprends bien, madame la présidente, que ces différents amendements soient en discussion commune, mais il conviendrait que le ministre s’exprime sur chacun des pourcentages que nous proposons. Loin de moi l’idée de ralentir nos débats, mais 50 %, 40 % ou 30 %, ce n’est pas la même chose. Si le ministre exposait ses arguments, plutôt que de rejeter nos amendements en bloc, nous pourrions lui répondre.

En tout cas, je redis ici solennellement, que la règle des 20 % sera lourde de conséquences sur la représentation des territoires ruraux. J’ai évoqué le cas de la Côte-d’Or, mais mon collègue Marleix a cité tous les départements de France où le fait aggloméré est extrêmement important ; il est évident que certaines circonscriptions cantonales seront immenses.

Franchement, quand vous nous dites que votre réforme préservera le lien avec les territoires, vous proférez un mensonge absolu qui ne résistera pas à l’épreuve des faits. Ce lien sera distendu, car vous organisez la sous-représentation politique des territoires ruraux. C’est, du reste, un choix délibéré de votre part. En effet, deux conceptions s’opposent, ici, sur le destin du pays. Vous, vous avez fondé son développement sur le seul fait aggloméré ; nous, nous pensons que, dans un grand pays comme la France, ces paysages, ces communes, ces intercommunalités sont une grande chance pour la croissance de demain. En misant tout sur le fait urbain (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), vous faites courir un grand risque à notre pays, dont la superficie, je le rappelle, est plus grande que celle de l’Allemagne et du Portugal réunis. Vous devrez l’assumer politiquement, dans tous les territoires de France. C’est très grave, pour notre pays, dont l’ensemble des territoires doivent participer au développement.

M. le président. La parole est à M. François de Mazières, pour soutenir l’amendement n° 30.

M. François de Mazières. Il est défendu.

Mme la présidente. Sur l’amendements no 65 et les amendements qui lui sont identiques, je suis saisie par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Quel est l’avis de la commission ?

M. Pascal Popelin, rapporteur. Je serai bref, d’autant que ce sujet occupe l’ensemble des esprits, en particulier ceux de nos collègues de l’opposition, qui ne cessent d’y faire référence depuis l’ouverture du débat : lors de l’examen de la motion de rejet préalable, de la discussion générale, et même lors du débat sur des articles portant sur tout autre chose. Les multiples échanges qui ont déjà eu lieu nous ont déjà donné l’occasion de préciser la position de la commission par rapport aux propositions consistant à retenir un écart de population de 25 %, 30 % ou 40 % : elle n’a pas souhaité déroger à la règle des plus ou moins 20 % d’écart. Je précise que nous avons cependant travaillé sur des amendements prévoyant des exceptions permettant d’aller au-delà du chiffre de 20 % – lui-même considéré par le juge comme une exception au principe d’égalité du suffrage. Pour les raisons que je viens d’évoquer, la commission émet un avis défavorable à l’ensemble des amendements.

M. François Sauvadet. C’est grave !

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Manuel Valls, ministre. L’excellent rapporteur de votre assemblée vient de dire l’essentiel. J’ai déjà indiqué que, par rapport aux propositions consistant à retenir un écart de population différent de 20 %, nous nous référions par principe à l’avis du Conseil d’État, que nous avions interrogé à ce sujet. Ne faites donc pas comme si cela n’existait pas ! Je le répète également, il y aura un certain nombre d’exceptions à ce principe. Je remercie Mme Massat d’avoir retiré son amendement. Si elle l’a fait – je m’adresse en particulier aux élus de la montagne –, c’est parce qu’elle sait que les exceptions que nous allons introduire dans le texte doivent permettre d’intégrer la représentation d’un certain nombre de territoires.

Par ailleurs, monsieur Larrivé, je tiens compte du fait que les débats ne sont pas terminés, notamment au Sénat – non que je souhaite « faire une fleur » au Sénat : en réalité, je compte sur la dynamique et l’évolution des discussions. Je suis convaincu que, lorsque le Conseil d’État va examiner les différents décrets relatifs au découpage par département, il s’appuiera davantage, pour accepter des exceptions, sur l’amendement qui sera présenté tout à l’heure, et donc intégré à la loi, que sur un amendement retenant un écart de 30 %, 40 % ou 50 %, qui remettrait en cause les principes qu’il a lui-même édictés. Pour la représentation des territoires que vous défendez, je considère que l’amendement de Mme Massat est beaucoup plus fort, sur le plan juridique et politique (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), que les amendements que vous présentez.

Par ailleurs, vous avez tout à fait le droit de ne pas être d’accord, monsieur Sauvadet, mais je vous dis très fermement que je n’accepte pas le procès insupportable – pour employer les mêmes mots que vous – que vous nous faites.

M. Jacques Lamblin. C’est le résultat qui sera insupportable !

M. Manuel Valls, ministre. Je n’accepte pas de vous entendre dire qu’il y aurait, d’un côté, ceux qui défendent la ruralité, la France sacrée et éternelle et, de l’autre, ceux qui ne défendraient que le fait urbain. Ce n’est pas vrai ! Comme je l’ai déjà dit à M. Marleix, il y a sur les bancs de la majorité des élus tout aussi représentatifs que vous de la ruralité. (Exclamations sur les bancs du groupe UDI.)

M. Jean Lassalle. Qu’ils le montrent !

M. Manuel Valls, ministre. Les départements des Pyrénées-Orientales et du Gard sont dirigés par des élus socialistes, alors que les villes de ces départements, que ce soit Nîmes ou Perpignan, ont à leur tête des maires de droite. Je vous prierai donc de ne pas nous donner de leçons sur ce sujet. D’ailleurs, vous qui avez été ministre de la fonction publique, monsieur Sauvadet, vous savez très bien que c’est la RGPP qui a parfois mis en cause la présence de l’État et des services publics dans ces territoires ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. François Sauvadet. J’ose espérer que vous plaisantez !

M. Manuel Valls, ministre. Je vous le répète, vous n’avez donc pas de leçons à nous donner sur la manière d’agir en faveur des territoires ruraux et sur leur mode de représentation.

M. Jacques Lamblin. Ce n’est pas une leçon, c’est un pronostic !

M. Manuel Valls, ministre. Tirant les leçons du passé, je ne crois pas un seul instant qu’un découpage puisse se traduire par le fait qu’un électeur émette un avis positif ou négatif sur l’action du Gouvernement ou des élus sur le plan local. Comme je n’ai cessé de le marteler, ce que nous avons voulu, c’est faire en sorte de revenir sur des déséquilibres tels qu’un ratio de 1 à 47 entre deux cantons d’un même département, et imposer la parité. Je suis fier que notre texte porte l’instauration de la parité partout, car nous ne pouvions plus accepter que seulement 13,5 % des conseillers généraux soient des femmes.

Il y a eu des évolutions ces dernières années, notamment avec le rôle et le pouvoir accrus des communes, grâce aux lois Defferre, mais aussi avec l’intercommunalité. J’espère qu’il me pardonnera de le citer en son absence, mais je me souviens que le président du groupe communiste, qui défendait, lors d’une discussion, l’idée de la proportionnelle au niveau départemental, estimait que le canton n’avait plus aujourd’hui le même rôle que celui qu’il tenait il y a quelques années.

M. Paul Molac. C’est vrai !

M. Manuel Valls, ministre. Les communautés de communes, l’intercommunalité, les syndicats mixtes ont fait évoluer les solidarités, c’est là une réalité que personne ne songe, sans doute, à contester. Le département lui-même, depuis trente ans, a un rôle important malgré les difficultés qu’il peut connaître dans sa cohabitation avec la région, ou les difficultés financières auxquelles sont confrontés les conseils généraux. Je n’ai jamais été élu d’un conseil général, mais j’ai écouté, au cours des derniers mois, les arguments échangés lors des débats.

Le Président de la République lui-même, qui a porté ce projet, est très attaché au département et au conseil général. Il a lui-même été président d’un conseil général rural au cœur du pays, dans une région qui nous a donné plusieurs chefs d’État de grande qualité. (Sourires)

M. Lionel Tardy. Seule l’histoire le dira !

M. François Sauvadet. Il y a eu aussi d’excellents Auvergnats !

M. Manuel Valls, ministre. Cela montre bien que la majorité et le Gouvernement sont très attachés aux départements.

M. Jacques Lamblin. Cela ne se voit pas !

M. Manuel Valls, ministre. Pour autant, nous avons voulu garder le lien entre l’élu et le citoyen, ce qui n’était pas la position de tous au sein de la majorité – mais il y a, bien évidemment, un débat au sein de la majorité (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) N’avez-vous pas eu, vous aussi, un débat sur le conseiller territorial, y compris en Conseil des ministres ? C’est ainsi, mesdames et messieurs les députés, et nous pouvons nous en féliciter : cela vaut mieux, vous en conviendrez, que de se prononcer avec un pistolet sur la tempe !

Nous tenons, je le répète, à ce lien entre l’élu et le citoyen, que nous avons voulu replacer dans le cadre d’un canton renouvelé, redécoupé et paritaire, avec des critères de représentation. Certes, nous pouvons être en désaccord sur la manière de mettre en œuvre la parité, sur le mode de scrutin, sur la taille des cantons, mais en appliquant un certain nombre de critères constitutionnels – d’ailleurs rappelés par le Conseil constitutionnel et, à notre demande, par le Conseil d’État –, et en instaurant la parité tout en sauvegardant la représentation des territoires, nous rendons service à la démocratie et nous renforçons le rôle du département, notamment en matière de politiques de solidarité avec les territoires ruraux.

En fin de compte, vous verrez, mesdames et messieurs de l’opposition, que c’est ce mode de scrutin qui permettra de sauvegarder les territoires ruraux, au sujet desquels je suis inquiet…

M. Lionel Tardy. C’est la parité contre la ruralité !

M. Manuel Valls, ministre. Ce n’est pas ce que disait M. Sauvadet. Attention à la manière dont certains d’entre vous défendent les territoires ruraux, y compris quand ils évoquent la question de la parité !

Je suis parfois inquiet pour l’avenir des territoires ruraux ou périurbains, notamment en raison du retrait des services publics. Les débats relatifs au transfert de zones de police ou de gendarmerie laissent transparaître la même inquiétude chez nos concitoyens, par exemple à Saint-Gaudens, suite à l’annonce du redéploiement en zone gendarmerie. La population et les élus ont le sentiment qu’après avoir perdu leur tribunal, la poste et d’autres services publics, ils risquent de perdre encore davantage avec les changements qui leur sont annoncés – même s’ils n’ont rien par principe contre le changement.

Le mode de scrutin et le découpage ne doivent pas cacher l’essentiel, à savoir les difficultés rencontrées par ces territoires. Le rôle de l’État, protecteur des politiques publiques, et de ses représentants, doit être d’aider et de soutenir ces territoires. Pour ma part, je suis convaincu que le mode de scrutin que nous proposons le permet. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Larrivé.

M. Guillaume Larrivé. Monsieur le ministre, au-delà des mots – prononcés avec éloquence –, il y a la vérité des faits et des votes. Les faits, c’est que, depuis que le gouvernement actuel est aux affaires, il attaque la ruralité. J’en veux pour preuve la diminution sans précédent, mesdames et messieurs les députés de la majorité, des dotations aux collectivités locales.

M. Gérald Darmanin. Eh oui !

Mme Pascale Crozon, rapporteure de la délégation aux droits des femmes. Quelle mauvaise foi !

M. Guillaume Larrivé. Le Président de la République avait annoncé le maintien des dotations pendant la campagne électorale des dernières législatives, et tous les candidats du parti socialiste inondaient les boîtes aux lettres de tracts indiquant qu’ils maintiendraient les dotations au niveau actuel. En réalité, ces dotations vont diminuer de 4,5 milliards d’euros d’ici à 2015.

M. Gérald Darmanin. Eh oui ! On en reparlera aux municipales !

M. Guillaume Larrivé., Pardon de le dire, monsieur le ministre de l’intérieur, mais la vérité des faits, c’est aussi des réorganisations d’une ampleur inégalée dans la gendarmerie.

M. Manuel Valls, ministre. Ah non, ça suffit !

M. Guillaume Larrivé. Ainsi, dans ma circonscription, en Puisaye, vous vous apprêtez à fermer les brigades de gendarmerie de Bléneau et de Saint-Sauveur-en-Puisaye, que le précédent gouvernement s’était, au contraire, employé à maintenir. Toujours dans ma circonscription, le ministre de l’éducation nationale s’apprête à fermer une classe dans l’école de Mézilles, dans le canton de Saint-Fargeau, alors que le précédent gouvernement veillait à maintenir les équilibres. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Pascal Popelin, rapporteur. Des arguments cousus de fil blanc !

M. Guillaume Larrivé. Chacun d’entre nous pourrait, hélas, multiplier les exemples démontrant par les faits que le gouvernement de M. Ayrault s’attaque à la ruralité.

Après la vérité des faits, il y a celle des votes, c’est pourquoi nous soumettons au scrutin public l’amendement n° 704. Mme Massat, en sa qualité de députée, mais aussi de présidente de l’Association nationale des élus de montagne, votera, j’imagine, l’amendement n° 704, en tout point identique à l’amendement n° 755 qu’elle vient de retirer sur instruction du ministre de l’intérieur. (Murmures sur les bancs du groupe SRC.)

Pour toutes ces raisons, nous sommes, je dois le reconnaître, toujours autant déterminés à lutter contre ce nouveau mode de scrutin et ce redécoupage qui constituent, hélas, une espèce de requiem pour la ruralité. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Lassalle.

M. Jean Lassalle. Monsieur le ministre, avec le talent que l’on vous connaît, et la stature d’homme d’État qui est la vôtre, vous n’avez pas besoin de me caricaturer – d’autant que, si je mérite sans doute d’être caricaturé à certains égards, rien ne justifie que je le sois quand je parle de la ruralité. C’est vrai, il m’est arrivé de parler de la France sacrée et éternelle, et au fond pourquoi ne pas en être fiers ? Mais je puis vous assurer que dans mon cœur, il y a aussi la France de la République, la France laïque, et l’école de la République, sans laquelle je ne serais rien – même si je suis finalement peu de chose. De ce point de vue, nous sommes un peu pareils, monsieur le ministre.

M. François Sauvadet. Pareils, mais différents !

M. Jean Lassalle. Vous dites qu’il faut rééquilibrer parce que le Conseil d’État et le Conseil constitutionnel l’ont dit. Mais pourquoi avons-nous besoin de toujours amplifier ce que je perçois comme une onde mauvaise, une onde de malheur ? Pourquoi ne pouvons-nous pas anticiper, amorcer ce qui devrait être un mouvement de rééquilibrage, permettant de redonner toutes leurs chances à nos territoires, sur lesquels nous pourrions redéployer une population malheureuse ? À certains endroits, nos concitoyens sont empilés jusqu’à ne plus pouvoir respirer, tandis que d’autres secteurs se dessèchent et désespèrent dans la solitude. C’est cela, le grand enjeu ! Je ne sais pas comment le dire, je voudrais trouver les mots dans mon cœur pour exprimer une réalité qui devrait sauter aux yeux de tous.

Au reste, je ne comprends pas que Mme Massat retire son amendement alors que, en tant que présidente de l’Association nationale des élus de la montagne, elle a été mandatée par tous ses adhérents pour le déposer.

Mme Frédérique Massat. Non !

M. Guillaume Larrivé. Oui ! C’est une trahison !

M. Jean Lassalle. Pour ma part, je voterai cette série d’amendements identiques. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)

M. Guillaume Larrivé. D’ailleurs, nous reprendrons cet amendement !

Mme la présidente. La parole est à M. François Sauvadet.

M. François Sauvadet. Monsieur le ministre, j’ai bien entendu votre ode à la France, mais en même temps que vous faites l’éloge de notre pays, vous le démembrez. Votre engagement est traversé par une véritable fracture : d’une part, vous affirmez que la France doit réconcilier villes et campagnes et se développer harmonieusement ; et dans le même temps vous proposez un texte – que vous défendez avec beaucoup de conviction, je vous en donne acte – qui organise le démembrement de la France. Les mots les plus justes sont ceux de notre collègue M. Lassalle, qui a évoqué à ce sujet la mort politique des territoires ruraux. Vous ne ferez croire à personne qu’en organisant ce redécoupage général vous garantirez une juste représentation des territoires.

Je n’entrerai pas dans le débat sur la sensibilité politique des campagnes. Ce qui m’importe surtout, c’est l’aménagement du territoire. Alors que le phénomène d’agglomération se généralise, vous voulez instaurer un mode de représentation qui donnera une surprime à ceux qui vivent déjà en milieu urbain dans les décisions relatives à l’aménagement du territoire. Au reste, vous fondez votre raisonnement sur une escroquerie politique. Vous avez abondamment critiqué le conseiller territorial en vous appuyant essentiellement sur un argument : la mort annoncée des territoires ruraux ; mais ce que vous faites est deux fois pire ! Vous mettez en place un véritable démembrement !

Monsieur le ministre, ayant été moi-même ministre de la fonction publique, je peux vous dire que pendant la mise en œuvre de la RGPP, nous avons garanti une présence territoriale des services au public.

M. Michel Pouzol. Pas du tout ! Vous les avez démantelés !

M. François Sauvadet. C’est au contraire son démembrement que vous organisez avec vos grands cantons. C’en est fini aujourd’hui de nos gendarmeries cantonales, c’en sera fini demain de la présence de nos collèges territoriaux, de la poste, des perceptions. Ces dernières étaient organisées autour du chef-lieu de canton, un concept qui avait gardé toute sa modernité et tout son sens même si nous organisions des coopérations légitimes et nécessaires dans des espaces plus vastes.

Ce que vous organisez n’est que la traduction de votre vision de la France : quoi que vous en disiez, vous ferez pire que la RGPP, vous fermerez des gendarmeries, des sous-préfectures. Pour notre part, nous nous y sommes toujours opposés et la poursuite de l’objectif d’équilibre des comptes publics au moyen de la révision générale des politiques publiques ne s’est pas faite en sacrifiant les territoires ruraux. C’est au contraire ce que vous organisez, c’est ce que préfigure votre projet de loi et vous resterez dans l’histoire de la République – non pas personnellement, mais en tant que ministre de l’intérieur – comme le ministre de la fracture territoriale. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI.)

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Dolez.

M. Marc Dolez. Monsieur le ministre, vous avez exprimé il y a quelques minutes votre inquiétude, votre préoccupation quant à l’avenir des territoires ruraux. Je ne partage évidemment pas votre analyse sur le mode de scrutin que vous présentez, mais je ferai une remarque plus générale : si on suit votre raisonnement sur ce point, qui est évidemment très important pour l’avenir du pays et l’aménagement du territoire, on s’aperçoit que le calendrier que vous avez retenu n’est pas le bon. Avant de nous faire discuter des modes de scrutin, il fallait nous présenter l’acte III de la décentralisation, (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP) texte dans lequel, d’après ce que nous en connaissons, il y a deux grands absents : l’État et les territoires. (Mêmes mouvements.)

M. Guillaume Larrivé. Quelle lucidité !

Mme la présidente. La parole est à M. Paul Molac.

M. Paul Molac. Monsieur le ministre, j’entends bien vos arguments sur la parité, le redécoupage, le caractère obsolète du canton et nous vous soutiendrons sur tous ces sujets.

En revanche, j’entends beaucoup parler du Conseil constitutionnel et du Conseil d’État et j’appelle l’attention du législateur sur ce point : qui fait la loi ? Sont-ce les députés ou les cours souveraines ? (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)

M. Jean Lassalle. Voilà !

M. Paul Molac. Je pose la question sans forcément y répondre. Toutefois, s’il est vrai que des mécanismes de régulation sont nécessaires, on constate dans d’autres domaines que les cours souveraines font plus la loi que nous.

M. Gérald Darmanin. La technocratie est en marche !

M. Paul Molac. Quant à la menace qui pèse sur les territoires ruraux, je serai certainement beaucoup plus nuancé que mes collègues de l’opposition. J’ai toutefois entendu dire que certains territoires ruraux seraient abandonnés car il vaut mieux concentrer les moyens et la population dans les métropoles. Celles-ci seraient soumises à une forte concurrence internationale et seraient amenées à se livrer une espèce de joute, voire de guerre visant à déterminer quelle sera la plus puissante, et ce au détriment de ce qu’on appelle l’aménagement du territoire. Un certain nombre de géographes, et non des moindres, ont récemment publié des ouvrages sur ce sujet et affirment que les ruraux sont les laissés-pour-compte du monde d’aujourd’hui.

M. Olivier Marleix. C’est vrai !

M. Paul Molac. J’appelle votre attention sur ce point car nous n’avons pas trouvé en France l’équilibre permettant une juste représentation des territoires et il faudrait y penser.

En outre, une organisation a été un peu oubliée : les EPCI. Parce qu’ils représentent les organisations de demain, les futurs remplaçants du canton, il aurait été bon d’en tenir compte dans le nouveau découpage.

Le tunnel de 20 % me paraît enfin un peu étroit et j’aurais préféré que l’on retienne un chiffre supérieur. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Lamblin.

M. Jacques Lamblin. Monsieur le ministre, nous n’avons pas cherché à vous donner de leçons ; nous faisons un pronostic sur ce qui va arriver, ce qui n’est pas tout à fait la même chose.

En résumé, puisque nous discutons maintenant depuis quelques heures de ce sujet, il y a opposition entre, d’une part, l’égalité entre les citoyens et, d’autre part, l’égalité entre les territoires ; tel est le débat. Pour respecter l’égalité entre les citoyens, vous nous infligez la règle des 20 %. Au passage, permettez-moi de vous faire remarquer que vous institutionnalisez cet écart, vous l’inscrivez dans la loi, alors même qu’il ne permet pas d’égalité stricto sensu entre les citoyens.

Quant à l’égalité entre les territoires, elle n’existe pas. Puisque vous nous imposez la règle des 20 %, nous souhaitons au moins sauver cette égalité-là en plaçant le curseur un peu plus haut.

Pour l’heure, il n’y a égalité ni entre les territoires ni entre les citoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI.)

M. Jean Lassalle. Très bien.

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Calmette.

M. Alain Calmette. Que d’exagérations j’entends sur les bancs du groupe UMP sur la fin du monde rural, le démembrement de la France, la mort des territoires ruraux, la fracture irréversible…bref, la fin du monde !

M. Jacques Lamblin. On verra !

M. Alain Calmette. En tant qu’élu rural,…

M. Olivier Marleix. D’une grande ville !

M. Alain Calmette. …je ne pense pas que les difficultés particulières rencontrées par les territoires ruraux, qui souffrent, puissent venir d’un mode de scrutin ou d’un autre. Elles proviennent notamment de la politique que vous avez menée en termes d’aménagement du territoire ces dernières années.

Monsieur Sauvadet, vous affirmez que la RGPP a été indolore pour les territoires ruraux, mais je peux vous dire – et je suis bien placé pour le savoir – que c’est totalement faux.

M. François Sauvadet. Je vais venir chez vous !

M. Alain Calmette. Quand un même territoire subit en parallèle la carte scolaire, la carte judiciaire, la suppression des services publics,…

M. Bernard Gérard. Vous revenez dessus !

M. Alain Calmette. …votre politique a considérablement fragilisé les territoires ruraux.

M. Bernard Gérard. Vous faites la même chose !

M. Alain Calmette. Il faudra que le Gouvernement rétablisse cet équilibre et je formule le vœu que l’aménagement du territoire redevienne une priorité ; j’espère que ce sera le cas dans les prochains mois et les prochaines années.

Quant à la règle des 20 %, le ministre et le rapporteur ont assez longuement indiqué la raison pour laquelle ce tunnel était préconisé. Des exceptions permettront, je l’espère, de prendre en compte les difficultés particulières. Ce nouveau mode de scrutin, en introduisant la parité, sera un accélérateur du renouvellement et du rajeunissement des nouveaux conseils départementaux, qui donneront des territoires, y compris ruraux, une image plus dynamique, plus moderne et plus constructive. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. François Sauvadet. Et Aurillac obtiendra la présidence du conseil départemental !

Mme la présidente. La parole est à Mme Frédérique Massat.

Mme Frédérique Massat. Je ne souhaite pas être l’otage d’un certain nombre d’élus qui ici m’accusent de ne pas défendre dignement les territoires de la montagne.

M. Gérald Darmanin. C’est un fait personnel !

Mme Frédérique Massat. Je suis bien sûr très attachée à ces territoires de la montagne et aux territoires ruraux, mais je le suis tout autant à l’objectif de parité, que ce texte permet d’atteindre. En outre, mes chers collègues, il n’y a aucune raison pour que les femmes ne puissent siéger dans ces territoires.

M. Jacques Lamblin. Ça n’a rien à voir !

Mme Frédérique Massat. Et nous ne parviendrons à un tel résultat qu’en adoptant la solution du binôme. D’autres possibilités ont été défendues sur ces bancs : la proportionnelle pour les uns, le conseiller territorial pour les autres. Nous n’avons pas les mêmes objectifs. Pour être franche, je ne souhaite pas que ce texte soit censuré parce que certaines de ses dispositions dérogeraient aux règles qui ont été arrêtées.

M. François Sauvadet. Vous expliquerez cela aux élus de la montagne !

Mme Frédérique Massat. Au demeurant, M. le ministre s’est engagé tout à l’heure à donner un avis favorable sur les critères de superficie, d’insularité, de relief, ce qui permettra de déroger à la règle des 20 %. Je rappelle en outre que sept amendements identiques ont été déposés sur le sujet.

M. Olivier Marleix. Pas complètement ! La dérogation ne se fera qu’à la marge !

Mme Frédérique Massat. J’ai donc retiré mon amendement n° 755 et je ne voterai pas les autres amendements identiques.

Mme la présidente. La parole est à M. Serge Janquin.

M. Serge Janquin. Le débat est tout à fait intéressant mais, autant il charrie des représentations nostalgiques, autant il évite l’observation des vraies réalités de la France d’aujourd’hui. L’affrontement entre les territoires ruraux et les territoires urbains n’existe pas.

M. Jacques Lamblin. Pour le moment !

M. Serge Janquin. Un phénomène est venu faire exploser tout cela, c’est le développement du périurbain. Plutôt que d’opposer sans cesse une vision nostalgique et une vision de projet,…

M. François Sauvadet. Ce n’est pas nostalgique !

M. Serge Janquin. …il vaut mieux mettre en coopération. À quoi servent les intercommunalités, dans lesquelles les territoires ruraux sont très actifs, très vivants, très revendicatifs ?

M. François Sauvadet. Elles n’ont plus d’argent, les intercommunalités !

M. Serge Janquin. Elles permettent, au titre du développement partagé, non pas l’affrontement mais le lien entre les territoires ruraux et les territoires périurbains et urbains.

M. François Sauvadet. C’est incroyable !

(Les amendements identiques nos 64, 192, 230, 244 et 867 ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je vais maintenant mettre aux voix les amendements identiques nos 65, 193, 231, 239, 622, 704 et 868, repoussés par la commission et le Gouvernement.

(Il est procédé au scrutin.)

Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 52

Nombre de suffrages exprimés 50

Majorité absolue 26

(Les amendements identiques nos 65, 193, 231, 239, 622, 704 et 868 ne sont pas adoptés.)

(Les amendements identiques nos 29, 194, 232, 235, 703 et 869 ne sont pas adoptés.)

(L’amendement n° 30 n’est pas adopté.)

2

Ordre du jour de la prochaine séance

Mme la présidente. Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures quinze :

Suite du projet de loi relatif à l’élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des délégués communautaires, et modifiant le calendrier électoral, et du projet de loi organique relatif à l’élection des conseillers municipaux, des délégués communautaires et des conseillers départementaux.

La séance est levée.

(La séance est levée à treize heures quinze.)