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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2012-2013

Compte rendu
intégral

Séance du lundi 25 mars 2013

SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE

SOMMAIRE


Présidence de Mme Sandrine Mazetier

1. Proclamation de députés

2. Réforme de la biologie médicale

Discussion d'une proposition de loi adoptée par le Sénat

Présentation

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé

Mme Ségolène Neuville, rapporteure de la commission des affaires sociales

Discussion générale

M. Jean-Louis Touraine

Mme Jacqueline Fraysse

Mme Dominique Orliac

M. Arnaud Robinet

M. Philippe Vigier

Mme Véronique Massonneau

Mme Bernadette Laclais

M. Jean-Sébastien Vialatte

M. Gérard Sebaoun

Mme Valérie Boyer

Mme Gabrielle Louis-Carabin

M. Élie Aboud

Mme Marisol Touraine, ministre

Discussion des articles

Article 1er

M. Serge Letchimy

M. Jacques Lamblin

Article 1er bis

Article 2

Amendement no 54

Article 3

Amendements nos 55, 56, 58, 57

Article 4

Amendements nos 7, 59, 50, 9

Présidence de M. Marc Le Fur

Amendements nos 51, 21, 52, 22

Article 5

M. Jacques Lamblin

Amendements nos 10, 20, 11, 53 rectifié

Article 6

Amendements nos 6, 45, 67

Article 7

Amendements nos 60, 12, 44, 61, 23, 24, 62, 25, 26, 27, 28, 29, 30, 31, 47 rectifié, 32, 33, 34, 13, 68, 69, 46, 35, 43, 36, 2

Article 7 bis

Article 7 ter

Amendement no 14

Article 8

Amendements nos 37, 38, 39, 15, 16, 17, 18

Article 9

Amendements nos 40, 64, 70

Article 10

Amendements nos 42 rectifié, 41

Article 10 bis

Amendement no 65

Article 11

M. Serge Letchimy

M. Daniel Gibbes

Amendements nos 66, 48, 49

Explications de vote

M. Jean-Louis Touraine, M. Philippe Vigier, M. Arnaud Robinet, M. François de Rugy

Vote sur l’ensemble

3. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de Mme Sandrine Mazetier
vice-présidente

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à seize heures.)

1

Proclamation de députés

Mme la présidente. Le président a reçu aujourd’hui du ministre de l’intérieur une communication l’informant que, le 24 mars 2013, ont été élus députés : de la deuxième circonscription de l’Oise, M. Jean-François Mancel ; de la circonscription de Wallis-et-Futuna M. Napole Polutélé. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

2

Réforme de la biologie médicale

Discussion d’une proposition de loi adoptée par le Sénat

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, portant réforme de la biologie médicale (n°s 669, 724).

Présentation

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé. Madame la présidente, mesdames, messieurs, ce texte s’inscrit dans le prolongement de la proposition de loi initialement présentée par Valérie Boyer et Jean-Luc Préel. Cette proposition avait été adoptée en première lecture à l’Assemblée nationale il y a un peu plus d’un an et votée conformément aux amendements portés par le groupe socialiste républicain et citoyen, et je salue à cette occasion le travail mené alors par Catherine Lemorton, qui n’était pas encore présidente de la commission des affaires sociales.

Le texte que nous étudions aujourd’hui a été déposé par les membres du groupe socialiste du Sénat, après un nouveau travail approfondi, et je tiens à remercier tout particulièrement la rapporteure, Ségolène Neuville, pour l’engagement qui a été le sien dans la préparation de cette proposition avec son homologue du Sénat, Jacky Le Menn.

Si le Gouvernement fait le choix de soutenir cette proposition de loi, c’est parce qu’il nous revient très clairement de tout mettre en œuvre pour permettre à la biologie médicale française de relever le double défi de la qualité et de l’efficience.

La première exigence, c’est en effet d’assurer la qualité des examens en biologie médicale.

La biologie médicale occupe une place centrale dans le parcours de soins. En ville et à l’hôpital, elle détermine plus de trois diagnostics sur cinq. La fiabilité des résultats est la condition d’une bonne prescription. Le rôle des biologistes médicaux est donc déterminant, ils sont les garants d’une prise en charge réussie.

Les biologistes médicaux sont chaque jour au contact de millions de Français et établissent des relations étroites avec l’ensemble des professionnels de santé. Ce lien est évidemment d’importance. À un moment où la présence de professionnels de santé sur l’ensemble du territoire est pour nous un enjeu majeur, celle des biologistes médicaux l’est tout autant, et ils sont confrontés aux mêmes défis.

La profession a connu des évolutions majeures au cours des années passées. Les biologistes font désormais un usage quotidien des nouvelles technologies. Il leur appartient de se former en continu. Le modèle économique se modifie progressivement et leur impose de prendre des risques et d’investir. Par ailleurs, ils doivent affronter les défis qui s’imposent à l’ensemble du système de santé : la population vieillit, les maladies chroniques se développent, les diagnostics sont de plus en plus complexes et les patients toujours plus exigeants.

Pourtant, en quarante ans, aucune réforme ambitieuse n’a été portée pour permettre à la biologie médicale de faire face à ces nouveaux enjeux. La responsabilité qui est la nôtre, c’est donc de poursuivre la réorganisation de ce secteur. C’est là une exigence absolue, si nous voulons assurer la qualité des examens médicaux et donc la qualité des soins.

L’exigence de qualité n’est pas négociable. Pour assurer la sécurité de nos concitoyens, il nous faut dès lors généraliser l’accréditation. Quel que soit l’examen demandé, et quel que soit le laboratoire qui le pratique, l’accréditation est la garantie donnée au patient de la fiabilité des résultats. Nous devons y être d’autant plus attentifs que les patients sont de façon générale de plus en plus attentifs à la qualité des soins qui leur sont prodigués et des produits de santé.

Il y a près de vingt ans que le guide de bonne exécution des analyses de biologie médicale a été publié. Il est donc urgent que ce référentiel soit mis en œuvre de manière effective au bénéfice de l’ensemble des patients.

Certains biologistes ont rapidement mis en place la procédure d’accréditation. D’autres ont rencontré davantage de difficultés. Il nous faut désormais assurer le déploiement complet de ce processus. C’est pourquoi je souscris pleinement au choix de la commission des affaires sociales : nous devons assurer aux patients qu’à échéance 2020, 100 % des examens seront accrédités.

Bien entendu, les laboratoires devront être accompagnés dans cette dynamique. C’est pourquoi il est indispensable d’instaurer des paliers progressifs dans la démarche qui doit nous permettre d’atteindre cet objectif.

Cet objectif, s’il est ambitieux, ne doit cependant pas empêcher les laboratoires d’innover. C’est pourquoi je suis favorable à la proposition de soustraire les examens innovants de biologie dans leur phase de développement du processus d’accréditation. Dans les CHU et les laboratoires de ville, les biologistes doivent pouvoir continuer d’innover. Toutefois, cela ne doit pas être une raison pour revenir sur le principe même d’une accréditation à 100 %. Faisons confiance aux acteurs de terrain pour ne pas dénaturer l’esprit de la loi et permettons-leur d’instaurer des mécanismes d’adaptation progressive.

Concernant le coût de l’accréditation, le COFRAC, comité français d’accréditation, garantira que les prix sont strictement liés aux coûts réels. L’État y veillera. Des contrôles externes seront réalisés pour nous assurer que cette règle sera bien respectée.

Enfin, je n’oublie pas la situation particulière des patients atteints de maladies rares. Nous devons garantir la même qualité pour tous. Dans le cas de la génétique, discipline à la fois clinique et biologique, la réalisation de diagnostics pour plus 6 000 maladies rares demande de recourir à des compétences spécifiques, nécessitant des techniques de pointe. Dans le même temps, ces patients font aussi des examens de type plus classique. Les examens spécifiques sont exclusivement réalisés dans des laboratoires spécialisés de CHU, mais la législation actuelle ne permet plus aux professionnels issus des disciplines dites mixtes comme la génétique, l’immunologie ou l’hématologie d’exercer pleinement leur mission.

L’article 6 visait à ouvrir à des médecins ou à des pharmaciens déjà recrutés en CHU l’exercice des fonctions de biologiste médical, sous le contrôle d’une commission ad hoc, et ce même s’ils ne sont pas titulaires d’un diplôme de spécialiste en biologie médicale, pour leur permettre de répondre de façon globale à l’ensemble des missions liées à leur activité, et ce uniquement dans le champ de leur spécialité.

Cet article a été supprimé au Sénat. Je sais qu’il suscite un grand nombre d’interrogations. Dans l’intérêt des patients et pour le bon fonctionnement des établissements de santé, le Gouvernement souhaite qu’il soit rétabli.

La seconde exigence, c’est l’efficience du secteur de la biologie médicale.

Ses modèles économique et juridique doivent évoluer pour permettre au secteur de se moderniser. Pour préparer l’avenir, nous devons offrir à nos laboratoires les moyens de se réorganiser, de diminuer leurs coûts et d’investir. Nous devons tout faire pour ne prendre aucun retard et améliorer ainsi l’efficience et la qualité du service rendu aux cliniciens et donc aux patients.

Certes, nul ne l’ignore, la crise que nous traversons nous impose de faire des économies, notamment dans le secteur de la biologie médicale, dans le cadre de l’ONDAM. À cet égard, j’ai entendu le souhait de la profession de s’engager dans un schéma plus négocié et mieux sécurisé. Je n’y suis pas opposée.

Nous partageons tous la préoccupation que le groupement des structures de biologie ne mène pas à un dessaisissement des biologistes. Nous devons ainsi fixer les limites qui garantissent leur responsabilité et leur maîtrise d’un processus qui contribue directement à la santé de nos concitoyens.

Dans le même temps, il est nécessaire de permettre un financement de cette activité sans lequel notre biologie ne pourrait pas se développer et demeurer au tout premier rang mondial. Il nous appartient donc de trouver le juste équilibre entre ces exigences en apparence contradictoires.

J’entends la volonté de certains de limiter davantage encore la participation des structures financières et d’augmenter la part minimale que les biologistes devraient détenir dans leurs sociétés. Je crois néanmoins que, si l’on allait trop loin dans ce sens, les biologistes eux-mêmes seraient pénalisés. Nous risquerions en effet de rendre impossible à des jeunes d’investir dans des laboratoires ou de porter des projets innovants.

Je suis donc convaincue que la proposition de votre rapporteure va dans le bon sens. Elle permettra à la biologie médicale de se structurer économiquement, sans sombrer dans la financiarisation. Les biologistes pourront s’adosser à des acteurs professionnels spécialistes de la structuration, de la gestion des tâches transverses, des négociations avec les industriels, du financement des investissements.

L’article 8 de la proposition de loi en est l’expression. Il impose qu’au moins 50 % du capital et des droits de vote soient détenus par les biologistes exerçant dans le laboratoire. Ceux-ci garderont ainsi la maîtrise de leur instrument de travail. L’article 8 autorise également une mise en conformité progressive, afin de ne pas déstabiliser le secteur. Enfin, il consolide la transparence des conventions et des contrats signés dans le cadre des sociétés d’exercice libéral.

La troisième exigence, c’est la garantie du maintien d’une offre en biologie médicale sur l’ensemble de notre territoire.

Actuellement, le maillage de notre territoire est assuré par de nombreux laboratoires de proximité. Cet atout, nous devons le préserver. Je le disais en entamant cette présentation, la question de la biologie médicale doit se poser dans les mêmes termes que celle de l’offre de santé de manière générale et, de même que nous ne voulons pas assister à une désertification médicale dans certains territoires, nous devons faire en sorte qu’il reste une offre de biologie médicale dans l’ensemble du territoire. Nous devons donc empêcher la constitution de monopoles et protéger le secteur des abus de la financiarisation.

À travers les schémas régionaux d’organisation des soins, les agences régionales de santé devront répondre aux besoins de santé des populations. Elles auront pour mission de garantir à l’ensemble de nos concitoyens qu’ils pourront faire réaliser les examens biologiques dont ils ont besoin. En outre, l’article 4 autorisera le prélèvement par des infirmiers et d’autres professionnels de santé, sous le contrôle et la responsabilité du laboratoire responsable de l’analyse.

C’est à l’échelle des territoires et au plus près des Français que nous gagnerons la bataille contre les inégalités sociales et territoriales de santé. « La même biologie pour tous », tel est l’objectif qui est aujourd’hui le nôtre. C’est le sens de cette proposition de loi.

Mesdames, messieurs, c’est un texte important et la volonté de ratifier l’ordonnance de 2010 paraît quasiment unanime et dépasse largement les clivages politiques et partisans, même si, sur certains points, nous pouvons avoir des appréciations divergentes.

Nous devons envoyer un message fort pour mettre un terme à toute forme d’insécurité juridique et garantir la qualité et l’efficience de la biologie médicale française. Pour toutes ces raisons, je vous appelle tous, quels que soient les bancs sur lesquels vous siégez, à soutenir cette proposition de loi et je vous remercie par avance de votre contribution. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Ségolène Neuville, rapporteure de la commission des affaires sociales.

Mme Ségolène Neuville, rapporteure de la commission des affaires sociales. Madame la présidente, madame la ministre, madame la présidente de la commission, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui la proposition de loi relative à la réforme de la biologie médicale. Nombre de députés sont venus me voir ou m’ont écrit pour me demander pourquoi cette réforme suscitait tant de réactions, et surtout pourquoi elle aura pris tant de temps. Il est vrai que l’histoire de cette réforme a commencé il y a près de trois ans, et je suis heureuse aujourd’hui de pouvoir dire que nous touchons enfin à son terme.

Cette réforme, bien qu’intitulée « réforme de la biologie médicale », ne se limite pas à une profession médicale : elle intéresse tous les Français, car elle est nécessaire pour la qualité des soins et donc la sécurité des patients. Les biologistes médicaux ont participé activement à la rédaction de cette proposition de loi,…

M. Philippe Vigier. C’est vrai !

Mme Ségolène Neuville, rapporteure. …car ils attendent depuis plusieurs années un cadre juridique clair leur permettant d’exercer leur profession.

Mes chers collègues, on ne fait pas cette profession par hasard. Comme pour les autres professions de santé, on choisit d’être biologiste médical, parce que l’on souhaite soigner les gens, parce que l’on souhaite contribuer à notre système de santé, exceptionnel sous bien des aspects, parce que l’on souhaite faire progresser l’accès aux soins pour tous. Le patient est en permanence au cœur des préoccupations de tous les professionnels de santé. Aujourd’hui, ce même patient est au cœur de nos préoccupations de législateur.

La France se distingue par un nombre de biologistes largement supérieur aux autres pays européens : 16,5 pour 100 000 habitants, contre 5,8 en moyenne dans les États membres de l’Union européenne. La biologie médicale française se distingue aussi par un nombre important de structures de proximité, que nous souhaitons préserver. Comparativement aux autres pays européens, les laboratoires sont très nombreux et de plus petite taille ; aujourd’hui, 58 % des laboratoires sont des structures de moins de dix salariés.

Ces quinze dernières années, une diminution du nombre de laboratoires s’est très nettement amorcée, du fait de regroupements et de rachats. Malgré des baisses de tarifs, l’attractivité du secteur reste grande et a provoqué une forme de financiarisation du secteur. C’est aussi contre cette financiarisation que nous légiférons aujourd’hui, car la biologie médicale ne doit pas être considérée comme un commerce. Certes, nous vivons dans une économie libérale, mais la santé n’est pas un bien de consommation. De plus, les laboratoires de biologie sont rémunérés en grande partie avec l’argent de l’assurance maladie ; il n’y a aucune raison pour que cet argent enrichisse des groupes financiers.

Revenons au texte. L’article 1er ratifie l’ordonnance de 2010 et permet d’apporter les modifications nécessaires pour la protection des patients et des biologistes.

L’article 3 précise la définition de l’examen de biologie médicale introduite par l’ordonnance et exclut de la réforme les actes d’anatomie et de cytologie pathologiques.

L’article 4 précise l’encadrement juridique de la phase pré-analytique de l’examen de biologie médicale.

L’article 5 est absolument essentiel : il rétablit l’interdiction des ristournes, comme le faisait l’ordonnance de 2010, afin d’éviter que les établissements de santé aient recours préférentiellement à certains laboratoires privés capables d’accorder des remises sur les tarifs.

L’accréditation de l’intégralité des examens, dont le principe et le calendrier sont fixés par l’article 7, marque une des avancées majeures de cette loi.

Ce texte, et en particulier l’article 7, est avant tout le fruit d’une longue concertation avec les professionnels et d’une réflexion transpartisane. Suite aux nombreuses auditions réalisées lors de la précédente législature, nous avons tenu, avec le Sénat, à rencontrer à nouveau les professionnels pour leur assurer que nous avons un objectif commun : donner à la biologie médicale la place qu’elle mérite. Car un laboratoire de biologie médicale n’est pas un commerce et un biologiste n’est pas un prestataire de service.

M. Philippe Vigier. Très bien !

Mme Ségolène Neuville, rapporteure. L’article 8 de la proposition de loi va dans ce sens : nous réaffirmons qu’il faut limiter la financiarisation du secteur, une financiarisation dangereuse pour les patients, qui, si nous ne faisions rien, se verraient renvoyer vers des plates-formes techniques et perdraient les laboratoires de proximité.

C’est en ce sens également que l’article 9 tend à renforcer la régulation de l’offre de biologie médicale sur les territoires de santé et à préciser les attributions reconnues à ce titre aux Agences régionales de santé.

L’article 10 modifie le régime des autorisations accordées aux ressortissants des États tiers pour l’exercice en France de la pharmacie dans la spécialité de biologie médicale. Il confie le soin de qualifier en biologie médicale des pharmaciens autorisés à exercer en France à une commission en partie composée des professionnels de santé concernés.

L’article 11, introduit lors de la discussion au Sénat, vise à appliquer des modalités spécifiques d’aménagement de la procédure d’accréditation aux territoires de Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon.

Cette proposition de loi a soulevé de nombreuses questions. Certains demanderont : « Pourquoi 100 % d’accréditation alors que 90 % pourrait suffire ? » Je veux dès maintenant leur poser une question : si leurs parents, leurs enfants, eux-mêmes allaient dans un laboratoire faire un examen, accepteraient-ils que leur examen fasse partie des 10 % non accrédités ? Comment faut-il choisir les examens qui ne nécessiteraient pas d’accréditation ? Sont-ce des examens moins importants, moins utiles que d’autres ? Mais, dans ce cas, est-il légitime de faire ces examens ?

Que ceux qui redoutent l’impossibilité de pouvoir développer de nouveaux examens se rassurent : nous avons accordé un statut particulier à ces examens innovants. De plus, nous avons encore repoussé l’échéance du seuil d’accréditation à 100 % à 2020, pour laisser le temps aux structures de s’adapter.

Certains diront encore que cette accréditation est trop coûteuse, et je l’entends, mais pouvons-nous nous permettre de sacrifier la qualité au coût quand il s’agit de santé ?

De plus, l’accréditation est la meilleure façon de réaffirmer le caractère médical de la profession, sans quoi nous risquerions de devoir nous aligner sur les autres pays européens, pour lesquels les actes de biologie sont des prestations de service effectués par de grands groupes. Pour plus de transparence sur le coût de l’accréditation, je soutiens pleinement la proposition du sénateur Jacky Le Menn de faire figurer ce sujet parmi les enquêtes sollicitées auprès de la Cour des comptes.

L’objectif de ce texte, encore une fois, est de poser les bases d’une biologie médicale où l’humain passe avant tout le reste, de réaffirmer le rôle prépondérant du biologiste dans une spécialité de plus en plus automatisée, et ce dans l’intérêt des patients.

En conclusion, je tiens à féliciter toutes celles et tous ceux qui, avant moi, ont travaillé à cette réforme, avec un intérêt commun, celui du patient. Vous les avez cités, madame la ministre : Catherine Lemorton y a travaillé l’année dernière, mais aussi Valérie Boyer, auteure de la proposition de loi, ainsi que la plupart de ceux qui sont aujourd’hui présents et qui l’étaient également l’année dernière, ce qui n’était pas mon cas.

Garantir la qualité des soins, renforcer le caractère médical de la profession, sécuriser les laboratoires, toutes ces mesures ont un point commun : garantir partout et pour tous l’accès à des soins de qualité. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

Discussion générale

Mme la présidente. Dans la discussion générale, la parole est à M. Jean-Louis Touraine.

M. Jean-Louis Touraine. Madame la présidente, madame la ministre, madame la présidente de la commission, mes chers collègues, les examens de biologie sont actuellement un secteur prioritaire de l’activité médicale. De leur exactitude et de leur précision dépendent souvent le juste diagnostic et le traitement approprié. Le suivi de la thérapeutique est lui-même volontiers guidé par les résultats des examens biologiques. C’est dire toute l’importance d’examens de plus en plus fiables, sûrs et exacts. Il en va de la biologie comme de la thérapeutique : les erreurs sont lourdes de conséquences et doivent être à tout prix prévenues.

La loi sur la biologie était, pour ces raisons et beaucoup d’autres, attendue avec impatience. Permettez-moi, en tout premier lieu, au nom du groupe socialiste, de saluer le travail important et de qualité accompli depuis 2009, comme toujours avec une grande détermination, par la présidente de la commission des affaires sociales. L’ensemble de la profession des biologistes reconnaît dans ce texte les fruits de son engagement, et il me paraît juste que cela soit rappelé aujourd’hui dans cette enceinte.

Je salue également le travail rigoureux et minutieux effectué avec enthousiasme par la rapporteure, sur un texte, reconnaissons-le, assez complexe. Elle a su, lors du débat en commission, dépasser d’éventuels clivages partisans pour ne s’attacher qu’à l’intérêt d’une grande réforme en direction des patients et des professionnels.

Après un long parcours législatif un peu tortueux, de multiples rebondissements et surtout des années de vide juridique insupportable pour toute une profession, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui concilie qualité, accessibilité, proximité et indépendance de la biologie médicale française. Par ce texte, nous apportons des réponses équilibrées aux problématiques de l’organisation et de la lutte contre la financiarisation du secteur, nous faisons de la qualité des examens en biologie médicale une priorité, nous consacrons le caractère essentiellement médical, plutôt que commercial, de la profession de biologiste.

Je rappelle également que le texte qui nous est soumis reprend plusieurs dispositions de la proposition de loi Boyer-Préel. Il y a un peu plus d’an, ce texte a pu être voté à l’unanimité. C’est dans la même démarche constructive et transpartisane que nous avons commencé l’examen de cette proposition de loi en commission.

La biologie médicale est au cœur d’une politique de santé ambitieuse. Le développement des connaissances scientifiques lui a donné une place centrale dans le parcours de soins du patient. Les biologistes médicaux jouent un rôle pivot : ils sont quotidiennement au contact de très nombreux Français et assurent la qualité de leur prise en charge. Ils sont également en relation étroite avec l’ensemble des professionnels de santé. Il faut rappeler qu’en ville et à l’hôpital les biologistes médicaux contribuent pour 60 % à l’établissement du diagnostic des pathologies.

Or, ces dernières années, ce secteur a connu de profondes mutations, du fait des progrès médicaux et de l’évolution des technologies, qui ont transformé la pratique de cette profession. La biologie médicale a en effet considérablement progressé, notamment du fait de l’automatisation et de l’informatisation.

Ces évolutions imposent à la fois une formation permanente des professionnels et, c’est vrai, d’assez lourds investissements financiers. Pourtant, depuis 1975, le secteur n’a connu aucune réforme ambitieuse lui permettant de faire face à ces nouveaux enjeux. Pendant presque quarante ans, cette profession a été confrontée à des changements importants des techniques et des pratiques médicales sans pour autant être réorganisée. Il y a donc bien urgence à faire aboutir cette réforme de la biologie médicale, si nous voulons garantir sa pérennité et son excellence.

Quelle que soit la qualité des professionnels qui exercent dans les laboratoires de biologie médicale, leur infaillibilité n’est pas plus garantie a priori que celle des autres professionnels de santé. Il a fallu attendre le rapport de l’IGAS publié en 2006…

M. Philippe Vigier. Excellent rapport !

M. Jean-Louis Touraine. …pour prendre la mesure du problème. Je vous rappelle ce chiffre d’un taux d’erreur dans les résultats d’analyses biologiques d’environ 10 %. Et il a fallu prendre conscience que la moitié des laboratoires de biologie médicale de notre pays n’étaient pas encore en mesure de « remplir les conditions de qualité » normalement exigées.

Nous savons que le nombre d’actes de biologie médicale augmente de façon constante. Pour chacun de ces examens, il importe de garantir aux patients que les conditions d’une grande sécurité sont réunies et que les diagnostics et les traitements prescrits sur la base de ces résultats sont adaptés à leur état pathologique. En effet, pour un patient, pour un professionnel, comment être sûr que les résultats du laboratoire sont exacts, qu’un test de dépistage du sida ou de l’hépatite B a été réalisé avec une rigueur à la hauteur des enjeux médicaux ? Il s’agit bien là d’un enjeu de sécurité sanitaire majeur, car la qualité de l’examen, c’est le bon diagnostic, puis la juste prescription.

Nous savons tous combien nos concitoyens sont, à juste titre, particulièrement sensibles à tout ce qui touche à leur sécurité sanitaire. Il nous faut donc mettre en place un dispositif qui garantisse cette sécurité : c’est tout le sens de l’accréditation, qui permettra de s’assurer de la fiabilité des résultats, quel que soit l’examen pratiqué et quelles que soient la taille et la situation géographique du laboratoire qui le pratique.

Nous avons entendu les inquiétudes, parfois vives, relatives à la mise en place de la démarche d’accréditation, parmi les professionnels. Sans rien gommer de notre exigence de qualité des examens, nous pouvons tous reconnaître que la procédure d’accréditation est aujourd’hui mise en place de façon progressive, avec des paliers réalistes, en introduisant les souplesses nécessaires et en prenant en considération les familles d’examens biologiques.

Nous savons tous que cette procédure d’accréditation est aussi l’occasion d’une modernisation de notre système de soins. Ce texte donne aux laboratoires de biologie médicale des souplesses d’organisation, ainsi que des possibilités juridiques pour se regrouper ou devenir multi-sites tout en échappant à la mainmise des investisseurs financiers.

En effet, la réforme de la biologie médicale se conçoit comme un ensemble cohérent dans lequel, quand on exige le plus haut niveau de qualité des examens, on n’autorise pas en même temps que les ristournes – pour ne pas dire les soldes – deviennent l’arme d’une guerre commerciale entre professionnels de santé.

M. Philippe Vigier. Très bien !

M. Jean-Louis Touraine. Dans cet ensemble cohérent, nous limitons la financiarisation de la biologie médicale afin de préserver notre modèle français d’organisation de la biologie. La biologie médicale française s’est toujours distinguée de celle des autres pays européens par la présence d’un nombre important de structures de proximité, et par des laboratoires plus nombreux et de plus petite taille. Nous devons préserver ce maillage et garantir l’accès de l’ensemble de la population à des examens biologiques de qualité, quel que soit le lieu d’habitation.

Ainsi, en luttant contre la financiarisation et contre les concentrations, en interdisant les ristournes, nous garantissons la pérennité de cette biologie de proximité. En consacrant la possibilité pour les biologistes d’acquérir une part significative voire la totalité du laboratoire dans lequel ils travaillent, nous garantissons également leur indépendance.

Enfin, parce que cette réforme de la biologie médicale se veut cohérente et ambitieuse, il était normal qu’elle prenne en compte l’exercice de la biologie aussi bien dans les laboratoires d’analyse médicale privés qu’au sein des pôles de biologie hospitalo-universitaire.

C’est pourquoi je me félicite de l’initiative du Gouvernement, reprise par des amendements émanant de tous les bancs de cette assemblée, de demander le rétablissement de l’article 6 contenu dans le texte initial que nous sommes nombreux à avoir signé. Il en va de la prise en compte des exigences de la biologie moderne multidisciplinaire : en effet, les pôles de biologie hospitalo-universitaire sont le lieu unique de la confrontation clinico-biologique, laquelle est indispensable pour le développement d’approches innovantes et d’une recherche biologique productive.

La reconnaissance, en particulier dans l’hôpital, du travail des praticiens ayant une double formation clinique et de biologie spécialisée d’une part, et des biologistes titulaires du DES de biologie médicale d’autre part, est une richesse inestimable.

M. Jean-Sébastien Vialatte. Tout cela pour quelques mandarins !

M. Jean-Louis Touraine. La coopération entre des praticiens ayant une double compétence clinique et de biologie spécialisée et ceux issus du DES de biologie médicale constitue le gage d’une biologie riche, compétitive, inventive et innovante au service du patient. Elle évite les rigidités excessives, les hautes barrières absurdes entre clinique et biologie, entre pratique médicale et recherche. Elle va dans le sens d’une médicalisation accrue de la biologie médicale telle que nous la défendons tous ici aujourd’hui.

Pour toutes ces raisons, le texte que examinons cet après-midi ne répond pas à une logique partisane ; au contraire, il répond à l’intérêt premier du patient, notamment à sa sécurité, sans oublier les impératifs des professionnels. Sur ces enjeux, je suis sûr que nous pourrons tous nous retrouver. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. Madame la présidente, madame la ministre, chers collègues, depuis quelques années, le secteur de la biologie médicale connaît une mutation profonde qui nous inquiète, car elle ne répond pas à des motifs d’ordre sanitaire mais financier. Sous couvert de réduction des coûts et sous l’égide de groupements de laboratoires, voire de fonds d’investissement, nous assistons à un vaste mouvement de concentration des laboratoires d’analyse médicale au détriment des laboratoires de proximité.

M. Jean-Sébastien Vialatte. Bravo !

Mme Jacqueline Fraysse. Les groupements ou les fonds d’investissement tels qu’Unilabs, Labco, Duke Street ou Capio sont avant tout attirés par la rentabilité financière de ces laboratoires, dont l’activité prend une place de plus en plus importante dans l’établissement du diagnostic et dont la clientèle – j’emploie ce terme à dessein – est solvabilisée par l’assurance maladie. Pour ce faire, ils contournent sans trop de difficultés la législation actuelle et les règles d’acquisition du capital des laboratoires, grâce à une multiplicité de statuts juridiques permettant des participations croisées.

M. Jean-Sébastien Vialatte. Absolument !

M. Philippe Vigier. Très bien !

Mme Jacqueline Fraysse. Les conséquences de cette mutation sont multiples. Tout d’abord, cette soudaine attractivité financière de la biologie médicale est difficilement compatible avec l’indépendance déontologique des biologistes, pourtant constitutive de cette profession qui ne peut pas être réduite à une discipline uniquement technique, mais doit au contraire être réhabilitée comme une véritable discipline médicale exercée par des médecins biologistes et des pharmaciens biologistes au bénéfice des patients.

Par ailleurs, les laboratoires indépendants et de proximité tendent à disparaître au profit d’une concentration de l’activité sur des plateaux techniques. Cette réduction du maillage territorial, qui accentue l’inégalité d’accès aux soins, devient préoccupante, particulièrement dans les zones périurbaines et rurales.

Enfin, la politique agressive des groupements de laboratoires et des fonds d’investissement pousse les biologistes à vendre à prix d’or leur laboratoire d’analyse médicale, alimentant ainsi une bulle spéculative qui rend de plus en plus difficile leur reprise par des jeunes biologistes.

Face à cette situation, et pour tenir compte du règlement européen du 9 juillet 2008 qui impose un organisme d’accréditation unique dans chaque pays, le rapport Ballereau de septembre 2008 a fixé les objectifs et tracé les contours d’une vaste réforme de la biologie médicale dans notre pays. Prétextant que le contenu de cette réforme était trop technique pour les parlementaires – ce qui témoigne de la haute considération dans laquelle il tenait la représentation nationale –, le précédent gouvernement a tout d’abord introduit dans la loi HPST la possibilité de recourir à des ordonnances. À l’époque, nous avions vivement dénoncé ce procédé. Et nous avions raison : l’ordonnance n’ayant jamais été ratifiée, elle est appliquée de manière réglementaire et non législative, ce qui laisse la possibilité d’un recours devant un tribunal et crée ainsi une insécurité juridique préjudiciable aux laboratoires que l’on cherchait pourtant à protéger.

Par la suite, les principales dispositions de cette ordonnance ont été subrepticement introduites, par voie d’amendements, dans la proposition de loi Fourcade modifiant certaines dispositions de la loi HPST. Pas plus que nous, le Conseil constitutionnel n’a goûté ce cavalier législatif qu’il a donc censuré.

La réforme a alors fait l’objet d’une proposition de loi de notre collègue Jean-Luc Préel, adoptée en janvier 2012 par l’Assemblée nationale. Pour nous, ce texte n’apportait qu’une réponse très partielle aux problèmes posés et ne permettait pas de lutter contre la financiarisation de la profession : c’est pourquoi nous avions voté contre. Ce texte n’a jamais été transmis au Sénat.

Le texte qui nous est présenté aujourd’hui se veut l’aboutissement de ce long processus. Nous en partageons les objectifs, qui sont d’harmoniser les dispositions applicables aux laboratoires de biologie médicale, de mieux garantir la qualité des examens de biologie médicale – en mettant notamment en place une procédure d’accréditation –, de définir les missions du biologiste pour renforcer la médicalisation de la profession, et de lutter contre la financiarisation de la biologie médicale.

Les modifications apportées par nos collègues sénateurs ont permis d’améliorer le texte initial, notamment en ce qui concerne la financiarisation, mais certains points nous posent encore problème.

Sur la forme, tout d’abord, même si je vous accorde que cette remarque est secondaire, je m’interroge sur la démarche du Gouvernement qui consiste à commencer par ratifier, à l’article 1er, une ordonnance que les articles suivants s’attachent à modifier. Mais ce n’est pas d’une très grande importance.

Je suis davantage préoccupée par la question de la financiarisation car je crains, malgré les améliorations apportées par le Sénat, que les règles soient contournées : dans ce domaine, l’imagination des financiers est en effet sans limite.

Je souhaite également formuler des remarques concernant la médicalisation de la profession. Je conçois tout à fait que cette médicalisation passe par l’interdiction des ristournes qu’un laboratoire peut consentir à un établissement de santé dans le cadre de contrats de collaboration. En effet, nous ne parlons pas ici de biens de consommation ou de prestations de services quelconques, mais de santé, ce qui implique le respect du principe de la tarification des actes médicaux.

Cependant, cette interdiction causera en réalité des difficultés aux établissements de santé qui bénéficiaient de telles ristournes. Je pense notamment aux centres de santé et aux hôpitaux publics, qui se sont vu fixer cette année encore un objectif de dépenses inférieur à l’évolution prévisible de leur budget liée à l’augmentation des salaires dans la fonction publique et à l’augmentation du prix des médicaments et de l’énergie, autant de dépenses dont les directeurs d’hôpitaux n’ont pas la maîtrise. La seule chose qu’ils peuvent faire pour compenser ces hausses de dépenses est de réduire toujours plus leur masse salariale, donc les emplois, ce qui n’est plus possible sauf à porter gravement atteinte au fonctionnement hospitalier. Il conviendrait donc que le Gouvernement prévoie une enveloppe budgétaire pour compenser, au cas par cas, le coût de cette interdiction des ristournes pour les hôpitaux et les centres de santé.

Enfin, j’ai quelques réserves et interrogations au sujet de l’accréditation des laboratoires. Bien sûr, j’approuve sans aucune réserve l’impératif de renforcement de la qualité : il est tout à fait légitime d’exiger une accréditation pour le maximum d’actes et de parvenir à l’objectif de 100 % dans les meilleurs délais, car la qualité des examens ne saurait être négociée. En revanche, eu égard aux tarifs pratiqués par le comité français d’accréditation – le COFRAC –, davantage de transparence m’apparaît nécessaire.

M. Philippe Vigier. Très bien !

Mme Jacqueline Fraysse. Où et comment le niveau des exigences posées par le COFRAC est-il débattu et arrêté ? Avec qui ? Sur quelles bases ? Les mêmes questions se posent à propos des tarifs pratiqués par le COFRAC…

M. Jean-Sébastien Vialatte. Prohibitifs !

Mme Jacqueline Fraysse. …alors qu’il est en situation de monopole. Tant le niveau d’exigences que les tarifs doivent être motivés et vérifiés de manière collégiale. À ce titre, le rapport de la Cour des comptes nous sera bien sûr utile, mais des dispositions devraient d’ores et déjà être prises pour éviter les abus qui pénaliseraient les petits laboratoires, ouvrant de facto à la financiarisation une porte que l’on tente par ailleurs de refermer.

M. Jean-Sébastien Vialatte. Très bien dit !

Mme Jacqueline Fraysse. Ce texte marque quelques progrès que je veux souligner. Cependant, compte tenu des observations que je viens de formuler, les députés du Front de gauche s’abstiendront.

M. Jean-Sébastien Vialatte. Ça, c’est moins bien !

Mme la présidente. La parole est à Mme Dominique Orliac.

Mme Dominique Orliac. Madame la présidente, madame la ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, madame la rapporteure, mes chers collègues, après l’adoption par le Sénat, le 5 février 2013, de la proposition de loi portant réforme de la biologie médicale déposée par notre collègue sénateur Jacky Le Menn et ses collègues du groupe socialiste, il nous revient d’examiner ce texte en séance publique ce lundi après-midi.

Cette proposition de loi vient enfin réformer la biologie médicale, qui pâtissait d’une réglementation obsolète. En effet, la dernière modification de fond du régime juridique applicable à la profession remonte à la loi du 11 juillet 1975 relative aux laboratoires d’analyses de biologie médicale et à leurs directeurs et directeurs adjoints. Depuis, la question était revenue cinq fois devant le Parlement sans jamais aboutir à une quelconque réforme.

Une ordonnance du 13 janvier 2010, issue du rapport Ballereau et non encore ratifiée, avait pour objet de mettre en place une accréditation obligatoire des laboratoires de biologie médicale, de les responsabiliser tout en maîtrisant les dépenses de santé, et de mieux organiser l’offre de soins en fonction de l’intérêt du patient.

Ce texte organisant la profession n’a jusqu’ici que valeur réglementaire et la proposition de loi vise, en premier lieu, à mettre fin à cette insécurité juridique en ratifiant ladite ordonnance. Ainsi, outre l’harmonisation des dispositifs applicables aux laboratoires publics et privés, et la meilleure garantie de la qualité des examens de biologie médicale, les missions du biologiste, du laboratoire de biologie médicale et du personnel technique dans le cadre du parcours de soins auront désormais valeur législative.

Il sera désormais obligatoire que les laboratoires de biologie médicale privés soient exploités en nom propre ou sous la forme d’organismes à but non lucratif, de SCP ou de sociétés d’exercice libéral, voire de sociétés coopératives. Pour reprendre l’expression de mon collègue sénateur Gilbert Barbier, il s’agit ni plus ni moins de « remédicaliser » une frange importante du parcours de soins laissée à la merci de puissants groupes financiers, et l’enjeu de cette proposition de loi est de réaffirmer l’indépendance des professionnels par rapport aux pratiques tout en préservant un maillage territorial qui s’est restreint dans d’importantes proportions depuis quelques années du fait de regroupements résultant de rachats de laboratoires par des groupes financiers, phénomène qui touche d’ailleurs l’ensemble du secteur de la santé dans des proportions inquiétantes. La préservation de laboratoires indépendants et de proximité est un objectif indissociable de la politique que soutient le groupe RRDP.

En ce qui concerne le renforcement de la médicalisation de la profession, abordée par les articles 2 à 6 de la proposition de loi, nous formulons plusieurs remarques.

L’article 4 modifie l’encadrement juridique de la phase pré-analytique de l’examen de biologie médicale afin de permettre l’intervention des infirmiers libéraux et d’autres professionnels de santé, sous le contrôle et la responsabilité du laboratoire chargé de l’analyse. La commission des affaires sociales, à l’initiative de Mme la rapporteure par son amendement 49, a tenu à préciser que la phase pré-analytique comprend le prélèvement et le traitement jusqu’à son analyse, afin d’éviter de déposséder les biologistes d’une part trop importante de leur travail. En effet, et notre collègue sénateur Gilbert Barbier s’en était ému, limiter la partie hors laboratoire aux prélèvements est beaucoup trop restrictif : il est très courant que les professionnels de santé, notamment les infirmiers, soient conduits à transporter directement au laboratoire les prélèvements qu’ils effectuent. La clarification de leur prise en charge par les auxiliaires médicaux quel que soit le lieu de prélèvement, opérée à l’initiative de notre collègue Jean-Pierre Door en commission, complète le dispositif et le rend cohérent. Les responsabilités respectives du professionnel de santé et du biologiste médical devraient ainsi être mieux cernées. Les débats auxquels a donné lieu la discussion de cet article au Sénat sont révélateurs de la difficulté de s’accorder sur une interprétation univoque du texte : la question de la responsabilité dans le cadre d’une analyse médicale doit être tranchée.

L’article 6, qui permettait le recrutement, dans les CHU, de praticiens hospitaliers non titulaires du diplôme d’études spécialisées de biologie médicale – le DES – à condition qu’ils soient médecin ou pharmacien et d’avoir exercé dans un laboratoire médical pendant plus de trois ans dans des domaines tels que la biochimie, la biologie moléculaire, l’hématologie, l’infectiologie ou la virologie, a été supprimé au Sénat, et la commission des affaires sociales a maintenu sa suppression. Les élus du groupe RRDP s’en félicitent. En effet, il n’y a pas de raisons objectives de créer une voie dérogatoire nouvelle pour l’exercice de la biologie médicale…

M. Jean-Sébastien Vialatte. Très bien !

Mme Dominique Orliac. …car différentes voies sont d’ores et déjà prévues par l’ordonnance que le texte de loi ratifie à juste titre : dérogation pour les médecins et les pharmaciens non titulaires du DES de biologie médicale, après obtention de la qualification en biologie médicale par les ordres respectifs ; possibilité pour les personnels enseignants et hospitaliers des CHU de continuer à réaliser des activités d’enseignement et de recherche fondamentale et appliquée après nomination par le CNU – le Conseil national des universités ; exercice de la biologie médicale dans un domaine de spécialisation par les biologistes non titulaires du DES. Nous sommes attachés à la pratique hospitalo-universitaire fondée sur le triptyque soins-enseignement-recherche ; les soins ne doivent pas être relégués.

Certains acteurs de la biologie médicale hospitalo-universitaire, tels que la conférence des doyens des UFR de médecine et de pharmacie ou la conférence des présidents de commission médicale d’établissement des centres hospitaliers, ont contesté la suppression de l’article 6 dans un courrier daté du 16 mars et que l’ensemble des députés a reçu. À cet égard, je rejoins ce qu’a exprimé la rapporteure en commission : il convient de trouver un compromis satisfaisant qui tienne compte de la nécessité de soutenir une recherche d’excellence dans les établissements de santé tout en respectant l’objectif de valorisation de la biologie médicale comme une véritable spécialité.

Je dirai enfin quelques mots sur l’article 9 de la proposition de loi. Il vise à renforcer la régulation de l’offre de biologie médicale sur le territoire et à préciser les attributions reconnues à ce titre aux agences régionales de santé. Le dispositif, qui complète les dispositions du code de la santé publique posant le principe de l’interdiction pour un investisseur de prendre part au capital d’une société de biologie médicale lorsque cette opération lui permettrait de contrôler plus de 33 % de l’offre de biologie médicale sur un même territoire de santé, semble satisfaisant. Il s’agit d’affirmer plus fortement l’indépendance des professionnels et de préserver le maillage territorial face aux regroupements imposés. Les intérêts financiers ne doivent pas avoir un champ d’application illimité, en particulier dans le domaine de la santé ! En la matière, le mieux n’est pas forcément l’ennemi du bien.

Pour conclure, les députés du groupe RRDP, s’ils se félicitent que le cadre juridique de la biologie médicale soit enfin actualisé et sécurisé, n’en expriment pas moins leur circonspection vis-à-vis d’un texte peut-être quelque peu insuffisant, et leur vote sera fonction de la version qui en ressortira de nos travaux.

Mme Véronique Massonneau et M. Gérard Sebaoun. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Arnaud Robinet.

M. Arnaud Robinet. Madame la présidente, madame la ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, madame la rapporteure, mes chers collègues, si 1975 marquait une première réforme relative aux laboratoires d’analyses de biologie médicale et à leurs directeurs et directeurs adjoints, et si, par la suite, près de quarante ans s’étaient écoulés sans que de nouvelles modifications ni des changements réels ne soient apportés, le texte examiné aujourd’hui est le cinquième concernant la biologie médicale à avoir été inscrit à l’ordre du jour du Sénat en quatre ans. Pourquoi ? Parce que le rapport commandé par le précédent gouvernement à Michel Ballereau a démontré que l’évolution rapide des connaissances scientifiques et technologiques de ces dernières années appelait à des adaptations et à des modifications.

S’en est suivie l’ordonnance n° 2010-49 permettant deux grandes avancées principales : la médicalisation, qui réaffirme le rôle du biologiste médical au sein du parcours de soins ; l’accréditation, qui transforme les exigences de qualité des examens qui doivent répondre à des impératifs de preuve et de traçabilité de leur réalisation. Ces deux mesures ont des conséquences importantes, tant sur la réorganisation territoriale des laboratoires de biologie médicale que sur leur réorganisation interne, et de nombreuses difficultés sont apparues dans la mise en application de l’ordonnance. Celle-ci n’a donc pas été ratifiée. À l’époque, le groupe UMP avait, dans le cadre de la loi Fourcade de 2011, voté un article portant ratification de l’ordonnance, mais en y apportant de nombreuses modifications, proposées notamment par les biologistes, entre autres la réintégration des cabinets infirmiers dans les lieux de prélèvement pré-analytique autorisés et le report de la date d’accréditation par le COFRAC. Il s’agissait également de répondre au risque de financiarisation de la profession de biologiste en interdisant la détention d’actions par des actionnaires non-biologistes susceptible de leur assurer une position dominante dans la société. En d’autres termes, il fallait protéger la profession en la laissant dans la main de professionnels, question de qualité et de transparence de santé publique sur laquelle notre groupe s’engageait. L’ordonnance ayant été, non pour des raisons de forme, invalidée par le Conseil constitutionnel, Valérie Boyer et notre ex-collègue Jean-Luc Préel avaient déposé une proposition de loi reprenant l’essentiel de ses dispositions ; votée en première lecture à l’Assemblée nationale, elle était en attente au Sénat.

Ce rappel montre combien une réforme de la biologie médicale est nécessaire, mais également attendue par l’ensemble de la profession. C’est pourquoi je me félicite que la proposition de loi présentée par le groupe socialiste soit pour l’essentiel tirée de celle présentée en son temps par le groupe UMP, même si l’essentiel n’est pas la totalité et que nous considérons que ce texte peut être encore complété et améliorée, notamment s’agissant de la suppression maintenue de l’article 6.

M. Philippe Vigier. Ah !

M. Arnaud Robinet. À cet égard, je me réjouis de la volonté du Gouvernement, madame la ministre, de rétablir cet article. Il ne faut pas se tromper de débat : sa suppression mettrait à mal le fonctionnement des services hospitaliers, notamment des services de biologie.

M. Jean-Sébastien Vialatte. Ce n’est pas vrai !

M. Arnaud Robinet. N’oublions pas le triptyque de la mission hospitalo-universitaire : la recherche, l’enseignement et la clinique. Mais n’oublions pas non plus que les hospitalo-universitaires sont recrutés par le Conseil national des universités et par spécialité alors qu’il n’existe pas de spécialité « biologie médicale » au sein de cette instance. Nous avons affaire à des pharmacologues, à des biologistes spécialisés en hématologie, en biologie cellulaire ou en biochimie qui ont une importance fondamentale dans le bon fonctionnement des services hospitalo-universitaires, et il me semble tout à fait normal que les praticiens hospitaliers soient titulaires du DES de biologie médicale, de même que les chefs de service dans certains cas. Mais si nous ôtons à ces derniers la possibilité de recruter des médecins ou des pharmaciens non titulaires de ce diplôme alors même qu’ils ont une mission complémentaire de celle des biologistes médicaux, nous mettons à mal le bon fonctionnement de ces services. Ou bien alors allons plus loin : revoyons le statut de l’hospitalo-universitaire, qui date déjà d’un certain temps.

M. Jean-Sébastien Vialatte. Voilà !

M. Philippe Vigier. Ça, c’est mieux !

M. Arnaud Robinet. Mais ce n’est pas le sujet du jour et je pense qu’il serait extrêmement dangereux pour le bon fonctionnement de la biologie médicale au sein des établissements publics de santé de remettre en cause la possibilité pour les chefs de service de recruter des biologistes éminemment spécialisés dans des disciplines très spécifiques.

Mme Véronique Massonneau et M. Gérard Sebaoun. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Vigier.

M. Philippe Vigier. Madame la présidente, madame la ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, madame la rapporteure, mes chers collègues, nous sommes aujourd’hui amenés à légiférer sur un texte qui a suivi un long cheminement depuis quatre ans : rappelons le travail formidable accompli par Michel Ballereau sur un sujet éminemment technique et qui a abouti à l’ordonnance qu’il nous est proposé de ratifier ; quant à la contribution de Valérie Boyer et de Jean-Luc Préel, elle a été évoquée par les uns et par les autres. D’entrée de jeu, je souhaite vous dire que le groupe UDI est favorable à cette ratification. Il aurait fallu évidemment le faire plus tôt. Néanmoins nous avons déposé un certain nombre d’amendements.

La biologie médicale, Arnaud Robinet l’a dit à l’instant, est une discipline nouvelle, elle n’a pas quarante ans : il y a eu la loi de 1975, l’ordonnance de 2010, et cette proposition de loi en 2013. Il faut bien comprendre que la biologie représente maintenant 70 % du diagnostic. Elle est donc devenue indispensable pour poser le diagnostic mais également pour suivre les traitements. L’étendue des connaissances nécessaires en biologie médicale a augmenté de façon considérable depuis vingt ans. Les besoins en termes de fiabilité sont sans commune mesure avec la situation antérieure : à l’époque, la biologie médicale consistait en des examens complémentaires ; maintenant, c’est une spécialité médicale à part entière. Ce constat est le fondement de cette ordonnance, devenue proposition de loi au fil du temps.

J’en viens à l’évaluation. Beaucoup a été dit sur l’accréditation et, à nos yeux, un vrai regard des professionnels sur cette profession médicale est indispensable, c’est par les pairs que l’on doit savoir si les pratiques sont de bonnes pratiques. C’est pourquoi a été instituée la procédure de l’accréditation au niveau européen. Je note que c’est la seule discipline médicale qui suive un tel processus d’accréditation. On devrait réfléchir une seconde à ce que cela demande aux professionnels, même s’il y a certes le COFRAC – qui mériterait à mes yeux de devenir un établissement public.

Madame la ministre, nous avons vécu ces dernières années des accidents importants dans le domaine de la santé, je pense aux irradiés d’Épinal, et ce qui s’est passé plus récemment pour des médicaments explique que l’accréditation soit un passage indispensable pour cette discipline médicale à part entière. L’État serait coupable de ne pas faire évoluer l’évaluation des pratiques médicales car celle-ci va être une exigence des prochaines années. « Diplôme un jour, diplôme toujours », une telle idée ne peut plus exister.

Certaines évolutions étaient nécessaires. S’agissant de l’accréditation, la souplesse mise en place permet de trouver une graduation au fil du temps. Si l’objectif d’une application à 100 % en 2020 de l’obligation d’accréditation peut paraître un délai un peu court, cela montre qu’on est obligé de viser l’objectif des 100 % même si certains examens innovants, sous le contrôle des chercheurs, devenus accessibles aux praticiens et aux biologistes, devraient y échapper tant qu’ils ne sont pas entrés dans la pratique courante.

Mais, madame la ministre, il me paraît important que ces examens ne basculent pas toujours hors nomenclature comme c’est trop souvent le cas pour les nouveaux outils de diagnostic.

Cette accréditation, nous la devons à nos concitoyens pour qu’ils soient le plus sûrs possible du diagnostic posé, la biologie médicale étant devenue l’élément décisif d’aide au médecin dans sa pratique quotidienne.

Comment se fait-il que l’on laisse le flou s’installer en ce qui concerne les anatomopathologistes ? En commission, on nous a dit qu’il y aurait un jour une accréditation. Que se passera-t-il, madame la ministre, au premier accident qui surviendra, par exemple, sur le diagnostic du papillomavirus ? Celui-ci pourra être fait dans un laboratoire d’anatomopathologie non accrédité et dans un laboratoire de biologie médicale. Qui pourra expliquer que le même examen pourra être fait dans des conditions différentes ? Cela n’est pas tolérable et c’est pour corriger cela que j’ai déposé un amendement, notamment avec Jean-Sébastien Vialatte.

La proposition de loi prévoit le retour au tarif réglementé, ce qui a été salué par de nombreux collègues comme une avancée importante. Comment une spécialité médicale à part entière pourrait-elle être monnayable ? Comment pourrait-on en négocier les tarifs ? C’est la négation de toute médicalisation d’une spécialité. Nous avons fait beaucoup d’efforts pour qu’établissements publics et établissements privés ne puissent plus faire ces ristournes, ce qui est aussi un gage de qualité.

Pourquoi les hôpitaux auraient-ils pu continuer à faire des ristournes sous prétexte qu’ils allaient faire quelques dizaines de millions d’euros d’économies ? Les hôpitaux sont tout à fait à même de s’organiser, de se structurer, d’apporter la qualité, une biologie véritablement médicalisée qui ne soit pas une prestation de service, mais une vraie discipline médicale.

Venons-en à ce fameux article 6 dont on se demande ce qu’il fait dans la proposition de loi et qui provoque le déchaînement des lobbies : les téléphones ont beaucoup sonné aux cours des dernières heures. Ces mêmes lobbies nous ont expliqué que, s’il n’y avait pas une voie de qualification en biologie pour les hospitalo-universitaires des autres spécialités, nous allions assister à la mort de la biologie hospitalo-universitaire. C’est aussi ce que vient d’affirmer Arnaud Robinet qui n’est d’ailleurs pas majoritaire au sein du groupe UMP.

De qui se moque-t-on ? Compte tenu de cette souplesse que nous réclamons, nous pouvons comprendre que certains aient la tentation d’aller vers la biologie médicale mais ils doivent au moins avoir le diplôme d’études spécialisées de biologie médicale, créé par une loi de 1990.

Madame la ministre, un agrégé de sciences économiques pourrait-il prendre le poste d’un agrégé de droit ? Certainement pas. Le corps est tellement complexe et il y a tant de spécialités médicales ! Un généraliste, même s’il est omnipraticien, ne peut pas tout connaître de la dermatologie, de la gynécologie, de la rhumatologie. Je ne comprends donc pas cette volonté de créer une passerelle.

En entendant Arnaud Robinet je me demandais : pourquoi ne pas faire l’inverse ? La biologie médicale étant le parent pauvre, il y a des postes vacants qui sont convoités par certains mandarins. Dans ces conditions, faisons une validation des acquis de l’expérience qui permette de faire une communication de part et d’autre. Approfondissons plutôt cette idée.

Au moment où nous rendons encore plus médicale cette discipline de biologie médicale, comment pourrait-on comprendre que l’on démonétise ce diplôme ? Ce serait envoyer aux jeunes un message très négatif.

Vous parliez d’accès aux soins, madame la ministre. C’est vrai qu’avec cette proposition de loi nous sommes au cœur de l’accès au soin, de la proximité, de la possibilité pour nos concitoyens de se faire soigner. Croyez-vous que nous allons encourager les jeunes à passer leur internat et à embrasser la biologie médicale, sachant qu’à un moment ou un autre un poste fort convoité dans un CHU pourra leur passer sous le nez au bénéfice d’un médecin d’une autre spécialité ? Certainement pas ! Prenons garde à l’attractivité de ces professions.

L’objet de cet amendement est de permettre à ces praticiens issus de disciplines mixtes – on y met ce qu’on veut – et exerçant en CHU, médecins ou pharmaciens non titulaires du diplôme, d’exercer cette biologie hospitalière spécialisée. Cela revient à autoriser n’importe qui car toutes les disciplines médicales sont plus ou moins mixtes. Mais être généticien, ce n’est pas tout à fait la même chose que faire du diagnostic dans un laboratoire de génétique. De même, le praticien hématologue ne fait pas la même chose que celui qui travaille en laboratoire d’hématologie et y réalise des diagnostics, des ponctions et des biopsies.

Dans sa sagesse, le Parlement a déjà débouté par trois fois ce type de disposition. En faudra-t-il une quatrième pour qu’enfin cette biologie médicale soit consacrée comme une vraie spécialité ?

Enfin, je voudrais dire deux mots sur les établissements français du sang qui ont connu beaucoup d’évolutions au fil du temps. Madame la rapporteure, je souhaite de tout cœur que vous parveniez à me convaincre au cours de la discussion, mais je ne comprends vraiment pas vos amendements successifs.

L’ordonnance Ballereau offre la possibilité d’accorder une dérogation territoriale s’il est prouvé que l’accès aux soins pose des difficultés. C’est la même chose pour les EFS. Et à présent, on va un peu plus loin. Après l’épisode de la commission des affaires sociales du Sénat en matière de dérogation, nous avons tous les éléments permettant la qualification biologique du don. Ensuite, le Gouvernement a voulu aller un peu plus loin et inclure l’hématologie, l’immuno-hématologie. Si vous faites tout cela, vous allez transiger une fois de plus sur l’accréditation, ce champ qui avait été donné de trois territoires de santé. Rappelons que l’article L. 6222-5 du code de la santé publique explique déjà la nature des dérogations possibles.

Attention aux examens de transfusion sanguine, aux qualifications biologiques du don. Ce sont des actes d’hématologie, d’immuno-hématologie qui exigent plus que tous les autres encore de la rigueur. Cette mesure ouvrirait une faille préjudiciable.

Si l’on maintient ces exceptions injustifiées, nous allons donner un peu de revenus à l’EFS, disons-le, mais l’Union européenne verra une faille : nous aurons donné une dérogation pour de grands laboratoires qui vont s’infiltrer. Que se passera-t-il ? Tout ce que l’on avait pu obtenir de l’Union européenne, en décembre 2009, c’est-à-dire obtenir que la biologie soit un peu à part en France, comme vous l’avez rappelé, madame la rapporteure, deviendra caduc.

Nous approuverons ce texte important, car il y a une grande insécurité juridique. Il en va de l’avenir de cette profession, de l’avenir des jeunes, de la sécurité des patients qui ont le droit de savoir quels sont les soins pratiqués. Cela étant, ce texte mérite encore quelques amendements sur lesquels, j’en suis persuadé, nous essayerons de dégager la majorité la plus large sur tous ces bancs.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à Mme Véronique Massonneau.

Mme Véronique Massonneau. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de loi portant réforme de la biologie médicale que nous examinons aujourd’hui fait suite à de nombreux débats législatifs.

Depuis 2008 et le rapport Ballereau qui préconisait cette réforme de la biologie médicale, la question est revenue à cinq occasions devant le Parlement.

Ainsi, il y a eu l’examen de la loi HPST, la loi relative à la bioéthique, à l’occasion de laquelle certains ont tenté d’abroger l’ordonnance prise par le gouvernement d’alors. Ensuite, ce fut la loi relative aux activités immobilières des établissements d’enseignement supérieur, lorsqu’il a été question de permettre aux personnels enseignants et hospitaliers des CHU non titulaires de la formation qualifiante d’exercer dans ces centres comme biologistes médicaux et d’assumer la responsabilité des pôles de laboratoire. Puis il y eut la loi Fourcade, partiellement annulée par le Conseil constitutionnel et, enfin, la loi Boyer, adoptée à l’Assemblée nationale en janvier 2012.

Pourquoi cette question est-elle autant revenue devant nous ? La biologie médicale est une spécialité médicale extrêmement importante. Consistant en l’exécution d’analyses sur les liquides biologiques et en l’interprétation médicale des résultats dans le but de caractériser l’origine physiopathologique d’une maladie, elle est devenue un élément central du parcours de soins des patients, déterminant pour l’élaboration d’environ 60 % des diagnostics.

Nous sommes passés de 4084 à 3853 laboratoires de biologie médicale entre 2000 et 2011 et la financiarisation du secteur s’accélère.

En effet, de plus en plus de grands groupes financiers, notamment des fonds de pension, rachètent les parts des médecins biologistes partant à la retraite. Les petits – si j’ose dire –, laboratoires familiaux se font, quant à eux, de moins en moins nombreux. Cela s’explique par un combat totalement déséquilibré face aux gros groupes, lors du rachat des parts nécessaires. Le seul choix s’offrant à eux est alors de postuler auprès desdits grands groupes, quitte à sacrifier leur indépendance.

L’objet de la présente proposition de loi est ainsi à la fois restreint et ambitieux. Il s’agit de garantir la qualité et la sécurité des examens par l’accréditation et de limiter la financiarisation du secteur libéral, dont les bénéfices attirent des investisseurs extérieurs aux professions de santé.

Le premier objectif est ainsi d’assurer une qualité des examens. Le nombre d’actes de biologie médicale augmente de façon constante depuis 1998. Il faut donc garantir aux patients que les examens qu’ils subissent seront pratiqués de sorte que les diagnostics et traitements prescrits sur leur fondement soient adaptés à leur pathologie.

Le système de contrôle antérieur à l’ordonnance précitée comportait des limites importantes. En moyenne, et selon les départements, un laboratoire ne faisait l’objet d’une visite d’inspection que tous les vingt ou quarante ans, ce qui ne permettait pas de garantir aux patients la qualité des examens. Or malgré ce petit nombre d’inspections, en France, sur un total d’environ 4 000 laboratoires de biologie médicale privés, dix à quinze sont fermés chaque année par les autorités sanitaires. On peut donc craindre que des laboratoires n’offrant pas toutes les garanties de qualité ne soient encore en exercice.

Par ailleurs, le renouvellement constant des technologies impose un effort continu de formation et d’adaptation de la part des laboratoires et des investissements lourds en capital.

À ces éléments s’ajoute le fait que la biologie médicale est particulièrement présente sur notre territoire : près de 10 500 biologistes, soit 16,5 pour 100 000 habitants, alors que la moyenne communautaire est de 5,8.

À la suite d’un rapport particulièrement sévère de l’Inspection générale des affaires sociales, de 2006, les pouvoirs publics ont confié à Michel Ballereau, conseiller général des établissements de santé, l’élaboration d’une réforme du secteur.

Celle-ci, conduite en 2010, s’est appuyée sur plusieurs constats dressés dans le rapport qu’il a remis à la ministre de la santé de l’époque.

Tout d’abord, certains laboratoires de biologie médicale avaient une activité trop faible pour pouvoir s’adapter aux techniques d’analyse les plus modernes et ils présentaient le plus grand nombre de défauts au contrôle national de qualité.

Ensuite, il y avait nécessité de lutter contre les situations monopolistiques, notamment en raison des risques qu’elles font peser sur l’organisation de l’offre de soins.

Enfin, il était nécessaire de choisir entre une biologie analytique, plus coûteuse et de moindre efficacité pour les patients, et une biologie médicale, davantage attachée à la fiabilité des examens et à l’efficience des pratiques. C’est cette dernière voie qui a été retenue dans la présente proposition de loi, dans la ligne de l’ordonnance de 2010.

Ce que l’on appelle généralement la médicalisation de la biologie médicale découle d’une double volonté : d’une part, garantir le plus haut niveau de qualité pour les examens, quelle que soit la structure publique ou privée qui les pratique ; d’autre part, limiter la possibilité pour des investisseurs, légitimement motivés d’abord par le taux de retour sur leur capital, de contrôler cette activité de plus en plus importante en volume.

Le second objectif est de lutter contre la financiarisation. Sans porter de jugement sur l’éthique des entreprises d’actionnaires détenant plusieurs laboratoires, l’indépendance des biologistes de laboratoire est mieux garantie s’ils ont la possibilité d’acquérir une fraction, voire la totalité du laboratoire dans lequel ils travaillent.

C’est le cas pour 85 % des laboratoires, et cette proportion devrait rester stable ou augmenter du fait de l’application des dispositions des articles 8 et 9 de la proposition de loi, qui limitent les formes juridiques que sont susceptibles de prendre les laboratoires de biologie médicale. Le fait que des fonds de pension ou d’autres investisseurs spéculent ainsi sur des établissements à vocation sanitaire est en effet choquant dans le domaine de la biologie médicale comme dans d’autres spécialités, soit dit en passant.

L’article 8 vise ainsi à rétablir le principe d’une détention majoritaire du capital des sociétés d’exercice libéral par les biologistes exerçant au sein de cette société. Cela marque une avancée substantielle dans cet objectif. Partant du constat préalable, concernant l’indépendance des biologistes de laboratoire mieux assurée par la possibilité pour eux d’acquérir une fraction, voire la totalité du laboratoire dans lequel ils travaillent, les sénateurs écologistes avaient proposé un amendement visant à faire passer de « plus de la moitié » à « plus de 60 % » la part du capital et des droits de vote d’un laboratoire de biologie médicale devant obligatoirement être détenue par des biologistes en exercice au sein de la société.

Celui-ci n’a malheureusement pas été adopté. Saluons en revanche l’amendement de ma collègue sénatrice Aline Archimbaud à l’article 8, qui a été voté et qui permet que soient rendus publics, à la demande de l’un des détenteurs de capital, l’ensemble des contrats et conventions signés dans le cadre des sociétés d’exercice libéral.

Bien sûr, il persiste un risque qu’en l’état le dispositif prévu ne suffise pas et puisse être contourné par certaines structures, notamment au moyen de clauses extrastatutaires. Plusieurs organisations représentatives du secteur nous ont alertés à ce sujet et il convient de prendre en considération ces craintes. Aussi, il nous faudra rester vigilants sur les suites de cette proposition de loi et veiller à sa bonne application.

Selon les laboratoires les plus modestes, l’un des facteurs aggravants de la financiarisation de la spécialité est le processus d’accréditation en cours depuis plusieurs années : on demande aux laboratoires de biologie médicale d’accréditer leurs procédures, les machines d’analyse, etc… Sur ce sujet, la proposition qui est faite nous paraît équilibrée. Un quasi-consensus semble d’ailleurs avoir émergé. Il faut bien l’avouer, l’accréditation est difficile à critiquer sur le fond : elle permet en effet, si les conditions de travail sont convenables, d’assurer la permanence des procédures, d’améliorer l’information et la communication interne ainsi que d’améliorer globalement la qualité, la traçabilité et la transparence – ce que les écologistes défendent sur nombre d’autres sujets !

Nous ne sommes pas pour autant naïfs. Il ne fait aucun doute que les laboratoires les plus puissants ont valorisé au maximum l’accréditation aux yeux des pouvoirs publics, pas uniquement pour des raisons vertueuses mais également parce qu’ils savaient pouvoir l’assumer plus facilement que d’autres.

Il est vrai que l’accréditation des laboratoires a, dans un premier temps, soulevé le mécontentement et l’inquiétude de certains biologistes, comme je le disais, car elle est onéreuse et chronophage. En outre, elle peut les éloigner de leur cœur de métier lorsqu’ils ne sont pas en situation de déléguer cette tâche à un nouveau salarié. Mais force est de constater que le processus est aujourd’hui enclenché et que l’accréditation a déjà été obtenue, ou est en cours d’obtention, par un grand nombre d’établissements.

Aussi, vous l’aurez compris, notre groupe soutiendra cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Bernadette Laclais.

Mme Bernadette Laclais. La biologie médicale constitue un pan important de la politique de santé publique et elle mérite toute notre attention. Depuis la loi de 1975, ce domaine a considérablement évolué, dans ses techniques comme dans les pratiques médicales. Il était devenu indispensable qu’un nouveau texte de loi vienne prendre en compte ces évolutions.

En l’absence de ratification, les dispositions législatives de l’ordonnance de 2010 étaient fragilisées juridiquement. Le besoin d’une loi s’imposait à tous. Nos collègues de la précédente législature ont d’ailleurs déjà beaucoup travaillé sur cette question mais, le processus législatif n’étant pas arrivé à son terme, il nous revenait de remettre l’ouvrage sur le métier.

Nous devons donc aujourd’hui permettre l’adoption d’un texte ambitieux, d’une véritable réforme de la biologie médicale, et ce sans délai. Le choix d’engager la procédure d’urgence était en l’occurrence particulièrement judicieux car, comme beaucoup l’ont rappelé, ce texte est attendu par la profession.

Le texte proposé est issu de débats riches, menés au sein de la commission des affaires sociales, et je tiens à saluer le travail de notre rapporteure Ségolène Neuville. Garantir la sécurité des examens et limiter la financiarisation du secteur libéral comptent parmi les principaux objectifs de cette proposition de loi.

Avec ce texte, le choix est fait d’une biologie médicale de proximité, qui implique un biologiste médical disponible – face au risque du développement d’une biologie de tout autre nature.

Dans le même esprit de préservation du caractère médical de la profession, il convient de ne pas découper ni externaliser une partie des actes de biologie médicale. L’article 4 dans la rédaction issue du travail en commission, qui substitue le terme « prélèvement » au terme « phase pré-analytique », répondra à cette attente. La présence d’un biologiste sur chaque site va aussi dans ce sens. Car comment garantir qualité et accompagnement du patient si aucun biologiste ne se trouve dans le laboratoire de proximité ?

La biologie médicale concerne de façon croissante l’ensemble de nos concitoyens. Ainsi le nombre d’actes réalisés est en augmentation constante depuis 1998.

M. Jean-Sébastien Vialatte. C’est vrai !

Mme Bernadette Laclais. Les examens de biologie médicale sont à l’origine de 60 % des diagnostics de pathologie des malades. L’importance de ce pourcentage montre le rôle crucial joué par cette discipline et l’exigence qui doit la caractériser. D’où la nécessité de chercher à atteindre l’excellence dans sa pratique.

L’obligation d’accréditation prévue dans l’article 7 de la loi sera un élément de garantie de cette qualité. Je crois que personne ne le remet en cause. L’objectif fixé est optimal, avec 100 % d’accréditations à terme. Pour autant, les modalités de sa mise en œuvre, par paliers me semblent heureusement de nature à prendre en compte les réalités vécues par nos laboratoires.

En effet, le calendrier annoncé prévoit un développement progressif de l’accréditation, qui évitera un phénomène de couperet qui aurait été particulièrement préjudiciable aux laboratoires indépendants. Il ne s’agit pas par cette loi de mettre en péril l’existence de certains laboratoires ! Car, précisément, la question du maillage territorial des laboratoires de biologie médicale est un enjeu essentiel pour nos concitoyens.

Nous devons veiller à permettre la présence de laboratoires de qualité et de proximité sur l’ensemble du territoire, avec la même exigence pour tous, car il est difficile d’envisager des territoires à deux vitesses. Si des assouplissements devaient intervenir, ils devraient concerner tout le monde.

Élue d’un territoire diversifié, qui allie zones rurales et zone très urbanisée classée en ZUS, je peux témoigner que, dans l’un comme dans l’autre de ces environnements très contrastés, le besoin et l’attente en la matière sont importants. Pour des raisons diverses, nos concitoyens habitant ces secteurs sont souvent pénalisés par une absence de mobilité et une plus grande fragilité.

Très souvent autour du laboratoire de biologie médicale – ou laboratoire d’analyse comme l’appellent plus communément nos concitoyens – l’officine de pharmacie et le cabinet médical constituent un pôle indispensable, un pôle où les différents acteurs de proximité du monde de la santé bénéficient d’une complémentarité professionnelle bénéfique à chacun et surtout favorable aux patients.

Voilà l’éclairage qu’en complémentarité de mes collègues je souhaitais apporter à l’occasion de cette discussion.

Nous savons qu’il reste des débats importants, après ceux qui ont pu avoir lieu en commission, et particulièrement autour de l’article 6. Même si beaucoup d’entre nous ont souligné le consensus qui se dégage, cet article continue à faire débat. Quelle que soit l’issue du vote, il y aura forcément des inquiets, d’un côté ou de l’autre. Puissions-nous, dans cet hémicycle et par votre voix, madame la ministre, les rassurer.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Sébastien Vialatte.

M. Jean-Sébastien Vialatte. La proposition de loi qui nous est soumise aujourd’hui est consacrée à la réforme de la biologie médicale et à son avenir. Elle arrive au terme d’un long processus engagé depuis 2006 avec les travaux de Michel Ballereau, puis l’ordonnance de 2010 et un certain nombre de textes législatifs qui n’ont malheureusement pas été à leur terme.

Les enjeux de cette proposition sont majeurs : il s’agit de mettre fin à une instabilité juridique, de répondre aux évolutions scientifiques et technologiques et surtout d’affirmer le rôle accru des biologistes médicaux dans le parcours de soins et le maillage territorial.

L’un des objectifs essentiels de ce texte, rappelé à l’article 1er bis, est d’affirmer et de renforcer la médicalisation de la biologie médicale dans l’intérêt des patients. Il trouve son corollaire à l’article 7 bis qui vise à sécuriser la permanence des soins au plus près des patients, en organisant les réponses à apporter dans les situations d’urgence.

Dans les deux cas, la clef de voûte de cette médicalisation réussie est le biologiste médical, avec une formation adaptée et qualifiante dont le principe est réaffirmé par l’ordonnance de 2010. C’est pourquoi le Sénat, dans sa grande sagesse, rejoint ensuite par la commission des affaires sociales de l’Assemblée, a supprimé l’article 6 et réaffirmé la nécessité pour les biologistes hospitaliers de posséder les diplômes adéquats.

Les alinéas 1 à 3 de l’article 4 ouvrent une dérogation spécifique à l’Établissement français du sang, dérogation dont on ne comprend pas bien l’utilité si ce n’est pour essayer de résoudre ses difficultés financières. Aucun autre laboratoire ne pourra bénéficier d’une telle entorse. Cela va à l’encontre de l’objectif de médicalisation de la biologie médicale porté par la présente proposition de loi. De surcroît, cet article est porteur de danger. Rien ne justifie cette exception au regard du droit, tant national que communautaire, de la concurrence. Elle va entraîner à terme le développement d’un contentieux formé par la biologie industrielle, qui ne manquera pas de réclamer la même dérogation – et qui obtiendra certainement gain de cause.

M. Philippe Vigier. Il a raison !

M. Jean-Sébastien Vialatte. L’évolution du secteur aboutit à une organisation en laboratoires de biologie médicale multisites, avec le risque d’une dérive en cas de trop forte concentration. Pour ne pas dénaturer la mission des laboratoires de biologie médicale au sein de l’organisation de la chaîne de soins, il est impératif, en particulier pour répondre aux situations d’urgence, de réaffirmer la nécessité d’un biologiste par site. Je me félicite que la commission ait rejeté un amendement contraire. Le référentiel du COFRAC mentionne d’ailleurs cette présence. Il ne s’agit pas qu’un biologiste soit présent lors de chaque prélèvement, mais qu’il y en ait un sur place, capable de répondre à une question posée par une infirmière, un technicien ou le patient lui-même. En outre, on est en droit de se demander comment serait réalisée la fameuse médicalisation de la profession sans cette mesure…

L’objectif d’accréditation fixé à 100 % introduit tout de même une rigidité supplémentaire dans une procédure déjà complexe. Lors de leur audition, les représentants du COFRAC nous ont signalé que la France serait le seul pays au monde à exiger un tel taux. Cet objectif sera difficilement atteint compte tenu des évolutions permanentes des techniques et des délais de leur validation. Il pourrait être remplacé par un objectif à 90 % : ce serait un objectif réaliste, qui permettrait aux laboratoires de biologie médicale d’atteindre les normes de qualité imposées pour l’accréditation. En conservant ce taux illusoire de 100 % que rien ne justifie en terme de santé publique, il serait nécessaire à l’avenir, afin de tenir compte de l’évolution des techniques et procédures, de multiplier les dérogations.

Autre sujet d’inquiétude soulevé par ce texte : le risque de financiarisation de la profession. L’article 8 marque une timide avancée, par l’instauration de certains principes permettant aux biologistes exerçant, et en particulier les plus jeunes, d’accéder au capital des laboratoires. Mais il convient de rester vigilants et d’aider les biologistes à conserver le contrôle de ce capital.

Pour donner force à la volonté exprimée de lutter contre cette financiarisation et de promouvoir la transparence, il faut adopter un véritable mécanisme de transparence rendant obligatoire la communication de l’ensemble des conventions extrastatutaires aux ordres compétents, qui devront les analyser comme si elles étaient déjà appliquées. C’est pourquoi je présenterai un amendement visant à imposer que soient rendues publiques également les clauses des contrats déjà signés.

Mme la présidente. Il faut conclure, monsieur Vialatte.

M. Jean-Sébastien Vialatte. De jeunes biologistes ont signé, au sortir de la faculté, des clauses cachées les obligeant par exemple à vendre leurs parts si le groupe financier vendait les siennes. Ils s’aperçoivent maintenant qu’ils ne sont propriétaires de rien, qu’ils ne peuvent refuser de vendre ni décider du moment où le faire. C’est pourquoi il faut impérativement que toutes les conventions soient transparentes.

M. Philippe Vigier et M. Élie Aboud. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Sebaoun.

M. Gérard Sebaoun. Les sénateurs ont repris le flambeau de la proposition de loi portant réforme de la biologie médicale. Cette loi est attendue par les professionnels, même si certains de ses articles font encore manifestement débat.

Les grandes lignes de ce nouveau texte sont connues. Il s’agit de réaffirmer la spécificité et la médicalisation de la profession de biologiste, lequel est un acteur de santé publique pleinement intégré à la chaîne des soins, d’assurer la qualité des analyses biomédicales partout sur le territoire grâce au processus de l’accréditation, sur lequel je vais centrer mon intervention, et enfin de stopper la concentration financière du secteur.

Le Gouvernement soutient cette proposition de loi ainsi que la procédure d’accréditation visant à instaurer la confiance, indispensable, dans les examens réalisés au sein de nos laboratoires de biologie médicale, dans le seul intérêt des patients.

L’accréditation est un parcours exigeant qui permet la reconnaissance de la compétence du laboratoire de biologie médicale. Elle est fondée sur une évaluation des pratiques par les pairs avec le soutien de qualiticiens, l’objectif étant de garantir la fiabilité des examens pratiqués et la qualité des prestations offertes.

Le COFRAC est reconnu comme l’instance nationale d’accréditation, et seul habilité à délivrer des certificats d’accréditation aux organismes d’évaluation tant dans le secteur réglementaire que dans le secteur volontaire. Le COFRAC assure une mission de service public dans le respect des normes françaises, européennes et internationales. C’est un organisme indépendant, sans but lucratif, soumis au contrôle économique et financier de l’État, dont le conseil d’administration compte plusieurs représentants des ministères et qui prend des décisions impartiales en toute transparence.

Pour atteindre le plus haut niveau d’exigence, il fallait poser le principe d’une accréditation à 100 % sur les examens réalisés, sauf à admettre qu’une partie de l’activité des biologistes ne nécessiterait pas cette garantie.

Restait à fixer un calendrier pour atteindre cet objectif et évaluer son coût pour les laboratoires.

On assiste en effet à une sorte de valse-hésitation sur le calendrier depuis le vote, en 2012, d’une proposition de loi dont plusieurs de nos collègues de l’UMP et de l’UDI ici présents étaient les signataires. Était initialement prévue une accréditation sur 80 % des examens réalisés au 1er novembre 2018.

Quand la proposition de loi a été reprise au Sénat au début de cette année, elle visait un objectif ambitieux de 100 %, mais, en raison d’un amendement adopté contre l’avis du Gouvernement et du rapporteur, l’objectif a été ramené à 90 % en 2020.

À l’Assemblée, en commission, nos collègues de l’opposition ont défendu plusieurs amendements : un amendement de Jean-Pierre Door tendait à instaurer un objectif de 80 % en 2020, un autre de Jean-Sébastien Vialatte un objectif de 95 %, tandis que notre collègue Vigier proposait un objectif de 90 % en 2020 et 100 % en 2025.

C’est un amendement de la rapporteure Ségolène Neuville, adopté en commission, qui a fixé le principe d’une montée en charge progressive :…

M. Philippe Vigier. C’est très bien !

M. Gérard Sebaoun. …50 % au moins des examens devront, le 1er novembre 2016, être accrédités ; 70 % en 2018 ; 100 % en 2020.

M. Philippe Vigier. C’est la voix de la sagesse !

M. Gérard Sebaoun. Mettons peut-être un bémol toutefois, à propos des outre-mer, dont les spécificités justifient des inquiétudes. Ma collègue Louis-Carabin en parlera certainement.

Notons aussi que l’alinéa 76 de l’article 7 prévoit par ailleurs une dérogation pour les examens de biologie médicale innovants hors nomenclature.

Disons quelques mots du problème du coût qu’auront à supporter les laboratoires pour respecter la loi. En-dehors de celle du COFRAC lui-même, je n’ai pu trouver en ligne qu’une évaluation du mois de mai 2011, qui émane du syndicat national des médecins biologistes. Celui-ci estime à plusieurs centaines de milliers d’euros les dépenses liées à l’accréditation de la totalité des analyses d’un laboratoire. L’accréditation coûterait – j’insiste sur le conditionnel – 410 millions d’euros par an aux laboratoires français si la dépense était lissée sur cinq ans.

Cette évaluation, il faut le savoir, a précédé de peu une enquête téléphonique réalisée au mois de juin 2011 à la demande du même syndicat auprès de plus de 200 biologistes, dont une large proportion s’est, à l’époque, révélée hostile à la réforme : 58 % la désapprouvaient, 53 % étaient défavorables à l’accréditation, dont 22 % très défavorables, et 89 % jugeaient que le coût de l’accréditation n’était pas justifié au regard du service médical rendu.

Sans contester a priori le montant exorbitant avancé par ce syndicat, ici juge et partie, j’imagine aisément qu’il a pu influencer, en un sens défavorable à l’accréditation, les biologistes qui ont répondu à l’institut CSA.

La rapporteure et notre collègue Vialatte ont considéré en commission que les montants avancés étaient disproportionnés et tout à fait exagérés ; ce sont leurs termes. Peut-être Mme la ministre et Mme la rapporteure pourront-elles nous éclairer sur l’impact financier moyen de la réforme pour les laboratoires.

Pour conclure, mes chers collègues, je peux l’affirmer sans risque, nous souscrivons tous ici à l’objectif d’une biologie médicale du plus haut niveau et l’accréditation des examens pratiqués est constitutive de la garantie indispensable à la sécurité des patients.

C’est pourquoi je vous invite tous à voter cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Valérie Boyer.

Mme Valérie Boyer. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui la proposition de loi portant réforme de la biologie médicale.

Comme de précédents orateurs, je rappellerai que les fondations de la réforme française reposent sur le rapport Ballereau de 2008. Puis les premières pierres ont été posées avec l’ordonnance du 13 janvier 2010 relative à la biologie médicale, après que la loi HSPT du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires avait permis au Gouvernement de réformer la biologie médicale par voie d’ordonnance.

La construction de l’édifice législatif et réglementaire s’est accélérée en 2011 avec l’examen de la proposition de loi modifiant certaines dispositions de la loi du 21 juillet 2009, dans laquelle, en tant que, rapporteure de la commission des affaires sociales, j’avais introduit des dispositions portant ratification de l’ordonnance « Ballereau », assorties de quelques corrections demandées par les syndicats de biologistes. Cela faisait suite à de vraiment très nombreuses heures de négociations ou, du moins, d’auditions.

Le Conseil constitutionnel a censuré ces dispositions adoptées par l’Assemblée nationale et par le Sénat, pour des questions de forme et non de fond. Ainsi participons-nous à cette instabilité juridique qui est préjudiciable à l’ensemble de la profession, et, d’ailleurs, à l’ensemble des patients.

Face à la nécessité de réformer une profession en pleine évolution et de la doter d’un cadre juridique stable sur lequel s’appuyer, nous avions, mon collègue Jean-Luc Préel et moi, déposé au mois de novembre 2011 une proposition de loi visant à renforcer son caractère médical, notamment par l’instauration d’un dialogue entre le biologiste et le clinicien sur les examens à réaliser en fonction des éléments cliniques, ainsi que sur l’interprétation des résultats. Ce qui faisait le cœur de ce texte, c’est notre volonté de préserver une biologie médicale, non pas telle que nous l’avons connue, car tous les métiers changent, mais en tant que discipline moderne, exercée par des professionnels de santé accessibles sur l’ensemble du territoire et non des industriels détachés des patients. Adoptée par l’Assemblée nationale le 26 janvier 2012, puis transmise au Sénat, notre proposition de loi fut rattrapée par le calendrier électoral et elle ne put être inscrite à l’ordre du jour du Sénat avant la fin de la législature.

La nouvelle majorité, pourtant à l’origine de la saisine du Conseil constitutionnel, se propose aujourd’hui de mettre fin à l’insécurité juridique qui menace la profession des biologistes médicaux. J’espère que nous y arriverons, mais, si l’intention est louable, un certain nombre de points ne sont pas satisfaisants.

Je ne parlerai pas de l’article 6. En revanche, je propose notamment de mettre fin à la différence de traitement qui existe entre les laboratoires de biologie médicale libéraux et les laboratoires de biologie médicale des établissements publics de santé, les premiers pouvant facturer aux patients les actes hors nomenclature qu’ils réalisent, alors que ces mêmes actes, lorsqu’il sont réalisés dans les mêmes conditions, à la suite d’une transmission d’échantillons biologiques, ne peuvent pas être facturés par les établissements publics de santé. Ainsi, ces établissements pourront sans conséquence sur l’équilibre des régimes sociaux, percevoir une juste rémunération de leur diligence et disposer ainsi d’une ressource financière nouvelle.

J’espère, mes chers collègues, que nous parviendrons enfin à clarifier la situation juridique des laboratoires. L’instabilité actuelle est vraiment préjudiciable à l’avenir de la profession, dans le secteur hospitalier et, surtout, dans le secteur libéral. Il faut aujourd’hui mettre, enfin, un terme à cette insécurité juridique, à laquelle, je dois le dire, le Parlement a très largement participé, puisqu’il a fait en sorte que cette réforme connaisse les vicissitudes que je viens d’évoquer.

M. Philippe Vigier. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à Mme Gabrielle Louis-Carabin.

Mme Gabrielle Louis-Carabin. Madame la présidente, madame la ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, madame la rapporteure, chers collègues, la proposition de loi portant réforme de la biologie médicale relance le processus législatif pour combler un vide juridique préjudiciable aux patients. L’initiative parlementaire s’inscrit donc pleinement dans une démarche de qualité renforcée de l’offre de soin.

Il nous faut donc souligner les atouts de ce texte : il sécurise et rassure un patient qui le demande de plus en plus, il facilite l’accès aux soins pour accompagner l’évolution de la biologie médicale, il lutte contre la financiarisation et ses conséquences, il encadre la participation au capital des laboratoires de biologie médicale. L’harmonisation des règles de fonctionnement des laboratoires de biologie médicale publics et privés par l’ordonnance du 13 janvier 2010 ratifiée par la proposition de loi, doit être saluée, car, dans les outre-mer, secteur public et privé travaillent de concert pour que les conditions d’exercice correspondent aux risques encourus par le patient.

Avec la procédure d’accréditation, le législateur sécurise la qualité des examens biologiques, ce qui est inévitablement bénéfique pour la santé des patients et contribue à une meilleure organisation de la biologie médicale et des professionnels.

C’est donc au nom de mes collègues de l’outre-mer, singulièrement ceux de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique et de Mayotte, qu’il me revient, madame la ministre, d’appeler votre attention sur l’application de la procédure d’accréditation. Nous ne demandons pas de sortir nos laboratoires du système d’accréditation, nous demandons une adaptation de la procédure, pour mieux garantir le même niveau de qualité des examens, et d’accès aux soins. Nous demandons non pas une santé à deux vitesses mais une santé de proximité sécurisée.

Madame la ministre, la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique et Mayotte ont les mêmes spécificités que Saint-Pierre et Miquelon, Saint-Martin, Saint-Barthélémy. Je dois d’ailleurs rappeler que ces deux dernières îles, avant qu’elles ne deviennent collectivités territoriales, étaient des îles de la Guadeloupe au même titre que la Désirade, Marie-Galante et les Saintes. Vous avez reconnu au Sénat, par voie d’amendement, qu’il fallait prendre en compte les spécificités insulaires de ces régions, car elles rendent la procédure d’accréditation plus coûteuse et plus complexe à organiser qu’en métropole. Nous vous approuvons, car vous avez parfaitement mesuré l’impact de la réforme. Les contraintes auxquelles nous sommes soumis sont fortes. Elles conduiront à faire disparaître des laboratoires de biologie médicale et frapperont ainsi de plein fouet le maillage territorial de l’accès aux soins en outre-mer.

À titre d’exemple, le caractère archipélagique de la Guadeloupe est un frein aux exigences de l’accréditation selon la norme prévue par le COFRAC, car il en accroît la complexité. Ce handicap est lié aux conditions de transport entre les îles et la Guadeloupe dite continentale ; ce transport est uniquement maritime. Un prélèvement fait chez un patient de l’une de ces îles – Marie-Galante, les Saintes ou la Désirade – à cinq heures du matin, déposé au bateau à six heures, ne sera pas au laboratoire avant huit heures ; c’est incompatible avec les exigences du COFRAC.

Quant aux patients de ces mêmes îles qui doivent réaliser leurs examens sur la partie continentale de ma région de Guadeloupe, ils doivent prendre toute une journée, compte tenu de l’horaire des bateaux, avec un départ à six heures du matin et un retour entre seize et dix-sept heures, pour un tarif compris entre 22 et 42 euros.

En Martinique, comme en Guadeloupe, en Guyane et à Mayotte, la défaillance des transports urbains et interurbains et la proportion importante de la population qui ne dispose pas de moyens de déplacement font que les délais et conditions de transport sont encore bien loin de remplir les exigences de l’accréditation des examens, selon les normes du COFRAC. De plus, l’insularité et l’éloignement de ces régions de la France métropolitaine impliquent des effets d’isolement et d’étroitesse de marché, ce qui limite l’ampleur des regroupements possibles. Les regroupements sont pourtant indispensables pour respecter la nouvelle réglementation et faire les investissements qu’elle impose.

La formation continue obligatoire et encadrée dans la norme, se révèle difficile car aucun organisme agréé n’est présent dans ces régions.

Par ailleurs, les laboratoires ont recours à des consultants externes pour les accompagner dans leurs démarches en vue des objectifs de 2020 et pour mettre en place l’accréditation telle que prévue. Or on ne trouve pas de tels spécialistes dans les départements et collectivités d’outre-mer.

Vous l’aurez donc compris, madame la ministre : l’absence d’adaptation de l’accréditation aux spécificités de l’outre-mer nous exposera au risque d’une fermeture des laboratoires de proximité, de la création de déserts biologiques, d’une inégalité de nos concitoyens devant les soins qui leur sont offerts, avec un retard de médicalisation très préjudiciable dans nos régions, en raison notamment de la prévalence de certaines pathologies comme le cancer de la prostate, le diabète, l’hypertension, et j’en passe. Les dépenses de santé s’en trouveront majorées en raison des retards de prise en charge du patient.

De plus, ce secteur d’activité s’en trouvera fragilisé avec une perte de 20 % des emplois, particulièrement des emplois qualifiés.

Pour garantir le même niveau de qualité et les mêmes chances de succès aux laboratoires ultramarins dans leurs démarches en vue de l’accréditation, des dispositions transitoires se révèlent nécessaires. Par conséquent, il faudrait que le décret en Conseil d’État prévu à l’article 11 de ce texte, définisse aussi, pour la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique et Mayotte, des modalités spécifiques d’aménagement de la procédure d’accréditation des laboratoires de biologie médicale.

Madame la ministre, j’attends votre réponse.

M. Serge Letchimy. Très bien.

Mme la présidente. La parole est à M. Élie Aboud.

M. Élie Aboud. Madame la présidente, madame la ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, madame la rapporteure, mes chers collègues, suite au rapport Ballereau, l’ordonnance du 13 janvier 2010 relative à la biologie médicale a permis deux grandes avancées.

D’abord, la médicalisation a réaffirmé le rôle du biologiste médical dans le parcours de soins. Ensuite, l’accréditation a mis l’accent sur trois aspects : l’exigence de qualité des examens, l’exigence de preuve, et la traçabilité de leur réalisation. Ces deux mesures ont des conséquences importantes tant sur l’organisation interne des laboratoires de biologie médicale que sur leur répartition au sein des territoires.

Comme cela a déjà été dit par mes collègues, à l’occasion de la discussion de la loi du 10 août 2011 dite loi Fourcade, le groupe UMP avait voté un article portant ratification de l’ordonnance, assorti d’autres articles reprenant des modifications attendues par les biologistes médicaux. Ces modifications comprenaient notamment la réintégration des cabinets infirmiers dans les lieux de prélèvements pré-analytiques autorisés et le report de la date d’accréditation auprès du Comité français d’accréditation, le COFRAC. Le Conseil constitutionnel avait censuré ces articles pour de pures raisons de forme.

Alors que nous abordons l’examen de cette proposition de loi, je dois dire qu’elle comprend plusieurs avancées notables. Tout d’abord, l’article 7 assouplit l’entrée en vigueur de l’obligation d’accréditation. Ensuite, l’article 5 supprime les ristournes : c’est une très bonne chose. Enfin, la médicalisation de la profession est également une bonne nouvelle : heureusement, l’exécutif a été attentif à la notion de prescription, qui est la pierre angulaire de cette profession.

M. Philippe Vigier. Très bien !

M. Jean-Sébastien Vialatte. Vous avez tout compris !

M. Élie Aboud. Je ne sais pas si j’ai tout compris, mon cher collègue, mais je sais que des interrogations demeurent.

Premièrement, l’organisation des établissements de transfusion sanguine et les conditions de réalisation de la phase pré-analytique des examens de biologie médicale posent problème. Cette dérogation instaure une situation d’insécurité juridique : rien ne justifie que les Établissements français du sang bénéficient de ce traitement dérogatoire.

M. Philippe Vigier et M. Jean-Sébastien Vialatte. Bravo ! Très bien !

Mme Ségolène Neuville, rapporteure. Quel acharnement !

M. Élie Aboud. La deuxième interrogation a trait aux dispositions de l’article 4 relatives à la phase pré-analytique. Selon une mesure adoptée par le Sénat, la phase pré-analytique ne relèvera plus de la compétence exclusive du biologiste médical. Pourtant, un compromis pragmatique avait été trouvé sur le seul acte du prélèvement.

Une troisième interrogation porte sur la protection de l’indépendance professionnelle. Je sais que l’intention des auteurs de cette proposition de loi est bonne et que l’article 8 constitue un outil de lutte contre la financiarisation de la biologie médicale. Mais attention, il ne faut pas que tout cela soit contourné ! Nous devons être sûrs que le capital des laboratoires et les droits associés soient bien détenus en majorité par les biologistes en exercice.

Enfin, nous aurons l’occasion de reparler de la facturation unique.

Un mot pour finir, madame la ministre, à propos de l’article 6, qui a été repoussé quatre fois. Permettez-moi de citer une grande femme politique – cela va vous faire plaisir – qui a joué un rôle important dans la vie publique, et joue peut-être même toujours un rôle considérable. Elle disait : « quand c’est flou, c’est qu’il y a un loup. »

M. Arnaud Robinet. Qui disait cela ?

M. Élie Aboud. Je ne dirai pas qui c’est !

M. Gérard Bapt. C’est Martine Aubry !

M. Élie Aboud. Madame la ministre, adopter les amendements déposés sur l’article 6 reviendrait tout simplement à disqualifier le diplôme d’études spécialisées de biologie médicale. Vous donneriez ainsi un mauvais signal. Le législateur doit reconnaître cette expertise médicale sans laisser planer le moindre doute sur de possibles passe-droits. La biologie médicale n’est pas une prestation : c’est un acte médical. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

M. Philippe Vigier et M. Jean-Sébastien Vialatte. Bravo !

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marisol Touraine, ministre. Je remercie chacun des intervenants de cette discussion générale pour la qualité de leurs propos. Je pense que les sujets de discussion sont assez bien identifiés. Il est donc sans doute plus simple d’approfondir le débat à l’occasion de l’examen des articles concernés et des amendements correspondants, plutôt que de le faire dès à présent.

Mme la présidente. Merci, madame la ministre. Je suis bien d’accord avec vous !

La discussion générale est close.

Discussion des articles

Mme la présidente. J’appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles de la proposition de loi.

Article 1er

Mme la présidente. La parole est à M. Serge Letchimy, inscrit sur l’article.

M. Serge Letchimy. Madame la présidente, j’exprime tout mon soutien, de manière très directe, à Mme Louis-Carabin, et aux propos qu’elle a tenus. Pardonnez-moi de céder au localisme !

Je souhaite que ces débats se déroulent rapidement, et qu’ils soient clairs. Cette discussion présente un caractère très ouvert. Ce texte est attendu depuis longtemps. L’absence d’une loi de réforme de la biologie médicale a été palliée par l’ordonnance du 13 janvier 2010. Une première proposition de loi de réforme de la biologie médicale a été déposée en novembre 2011, mais est restée sans suites.

Personne n’est contre une meilleure organisation de la biologie médicale. Personne ne s’oppose au contrôle de la qualité et de la traçabilité, aux mesures visant à éviter la financiarisation des actes médicaux, ni à l’accréditation au COFRAC, qui doit permettre de contrôler tout cela. Personne ne désapprouve l’organisation de la profession de biologiste médical, qui affirme le caractère médical des actes réalisés. Personne ne conteste la nécessité de faire évoluer une législation qui date de 1975.

La problématique est très différente dans l’outre-mer. Mme Louis-Carabin a donné l’exemple de la Guadeloupe, mais on pourrait également parler de la Guyane, ou de la Martinique. Les contraintes prévues par la loi y conduiront nécessairement à des surcoûts. À mon avis, cela risque de conduire à une forme de désertification de la biologie médicale – si vous m’autorisez cette formule. En effet, ces surcoûts risquent de conduire plusieurs laboratoires de proximité à fermer.

Nous voulons éviter la concentration, la financiarisation et la désertification. Or c’est précisément ce qui risque d’arriver ! C’est pour cela que je vous remercie, madame la ministre, d’avoir fait adopter par amendement au Sénat, un article aux termes duquel un décret en Conseil d’État prévoit les modalités d’application de la procédure d’accréditation pour Saint-Barthélémy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon.

Quant aux départements d’outre-mer, il ne s’agit pas de les exclure du champ d’application de cette loi. Au contraire, nous voulons qu’elle y soit appliquée. Nous souhaitons simplement qu’un conseiller d’État précise les modalités d’application de l’accréditation auprès du COFRAC en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique et à Mayotte, de manière à tenir de compte des contraintes spécifiques à ces collectivités.

Je le répète, qu’on ne voie surtout pas dans notre demande une tentative des laboratoires d’analyses médicales martiniquais, guadeloupéens, guyanais et mahorais d’échapper à cette procédure. Ce n’est pas du tout le cas, si c’est cette idée qui motive le dépôt d’amendements de suppression de l’article 11.

Permettez-moi de vous donner un chiffre. 100 % des laboratoires des départements de Martinique et de Guadeloupe sont certifiés par l’association Bio Qualité, contre 56 % en métropole. Nous sommes donc déjà en avance !

Nous souhaitons vraiment que cette réorganisation soit opérée. C’est pour cela que je serais très heureux si vous donniez un avis favorable à l’amendement à l’article 11 que je présenterai tout à l’heure. À défaut, je vous remercierais de vous en remettre à la sagesse de cette honorable assemblée.

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Lamblin.

M. Jacques Lamblin. Madame la ministre, j’ai écouté attentivement les différentes interventions au cours de la discussion générale. Il me semble que les avancées principales pour les patients sont d’une part l’accréditation, qui s’imposera au fil du temps, et d’autre part la présence obligatoire d’un biologiste par site.

En revanche, je suis beaucoup plus sceptique quant aux mesures s’opposant à la financiarisation du secteur. Nous reviendrons sur cette question au moment de la discussion de l’article 5.

L’article 1er a pour objet de ratifier l’ordonnance du 13 janvier 2010. Or l’article 9 de cette ordonnance supprime le droit à la formation de biologiste médical pour les vétérinaires. Nous y reviendrons au moment de la discussion de l’article 7. Que l’on retire à cette profession le droit à l’exercice de la biologie médicale, je veux bien le comprendre. Cela était pourtant possible jusqu’à maintenant, mais pour des raisons d’ordre psychologique, il est délicat de maintenir cette possibilité. En revanche, supprimer leur droit à la formation en la matière est une grave erreur. En effet, la profession vétérinaire devra organiser une filière de formation spécifique, dans une période où les moyens sont rares.

C’est d’autant plus regrettable que, par surcroît, la frontière entre la médecine humaine et l’art vétérinaire est ténue. Les récents événements en matière de santé publique le montrent. On l’a vu également au cours des années passées. Il me semble donc que vous devriez considérer avec bienveillance notre proposition de maintenir la possibilité pour les vétérinaires de suivre cette formation.

(L’article 1er est adopté.)

Article 1er bis

(L’article 1er bis est adopté.)

Article 2

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Vigier, pour soutenir l’amendement n° 54.

M. Philippe Vigier. Madame la ministre, mes chers collègues, cet amendement a pour objet de supprimer un défaut de cohérence interne du texte. Nous avons beaucoup parlé, au cours de la discussion, de la véritable médicalisation de la biologie médicale que cette proposition de loi doit permettre.

Permettez-moi de vous rappeler que l’article L 6212-1 du code de la santé publique stipule que les examens de biologie médicale sont réalisés dans des laboratoires de biologie médicale. Or l’Ordre des pharmaciens ne peut enregistrer des pharmaciens qui exercent la biologie médicale en dehors des obligations légales. Il serait tout de même étonnant que l’Ordre des pharmaciens accepte en son sein, notamment dans la section G, des biologistes ne pratiquant pas la biologie médicale dans des laboratoires.

Actuellement, une section de cet ordre regroupe les pharmaciens biologistes exerçant dans les laboratoires de biologie médicale publics et privés. Le texte qui nous est soumis, tel qu’il est rédigé, autoriserait les pharmaciens à exercer des activités de biologie médicale dans d’autres établissements que les laboratoires.

L’objectif de cet amendement de cohérence est donc simple. Il vise à ce que les pharmaciens biologistes inscrits en section G, exercent obligatoirement, sous quelque forme que ce soit, dans un laboratoire de biologie médicale. D’autres sections de l’Ordre peuvent accueillir ceux d’entre eux qui exercent dans une autre structure.

Alors que nous insistons sur la médicalisation de la biologie médicale, cet amendement rendrait le texte plus cohérent.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Ségolène Neuville, rapporteure. Cette discussion a déjà eu lieu lors des travaux en commission. Monsieur Vigier, je ne comprends pas votre acharnement sur ce sujet. Nous sommes d’accord sur un certain nombre de points.

Je comprends d’autant moins votre attitude que vous aviez voté pour cette disposition au cours de l’examen de la précédente proposition de loi de réforme de la biologie médicale. Cela me laisse perplexe !

Encore une fois, il ne s’agit pas d’autoriser des personnes qui n’ont pas le DES de biologie médicale à l’exercer. Il s’agit simplement de clarifier la situation au sein de l’Ordre des pharmaciens. Un certain nombre de professionnels exerçant des spécialités proches de la biologie médicale, comme par exemple la toxicologie ou la pharmacologie, sont pour l’instant regroupés dans une autre section de l’Ordre des pharmaciens, la section D . elle est un peu un fourre-tout…

M. Philippe Vigier. Eh oui !

M. Jean-Sébastien Vialatte. C’est bien là le problème !

Mme Ségolène Neuville, rapporteure. Cette section comprend également des pharmaciens d’officine.

Tout compte fait, il est donc plus logique que ces professionnels soient regroupés avec des pharmaciens exerçant une spécialité plus proche de la leur. Il n’y a là vraiment aucun risque. L’avis de la commission est donc défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Vigier.

M. Philippe Vigier. Madame la rapporteure, vous avez rappelé que j’avais voté cette disposition en l’état. Tout le monde peut se tromper ! Je n’avais pas complètement réfléchi aux conséquences.

Comme je l’ai dit au cours de mon propos introductif, nous avons pu constater que le texte de l’ordonnance de 2010 que nous nous apprêtons à ratifier s’est amélioré au cours du temps : il s’est bonifié pour différentes raisons.

En l’espèce, nous discutons des problèmes liés à l’accréditation. Celle-ci est très encadrée, nous y reviendrons à propos des Établissements français du sang. L’accréditation des pharmaciens relevant de la section G de l’Ordre des pharmaciens pose problème. Les examens de biologie médicale doivent être réalisés dans des laboratoires de biologie médicale – ce n’est pas moi qui le dis, mais l’article L 6212-1 du code de la santé publique. Je comprends bien le problème qui se pose pour les pharmacologues. Ils sont inscrits en section G. Mais s’ils exercent la pharmacologie dans un laboratoire qui n’est pas un laboratoire de biologie médicale, ils ne relèvent pas de cette section. Il ne s’agit pas de les dévaloriser, mais de réserver une section spécialisée à la biologie médicale. Nous sommes en train de faire de cette profession une spécialité à part entière. Je vous en supplie : allons jusqu’au bout !

L’ordonnance de 2010 n’était pas ratifiée. Ce soir, au terme de notre discussion, nous allons enfin mettre fin à cette insécurité juridique.

Mme la présidente. La parole est à M. Élie Aboud.

M. Élie Aboud. Comme j’ai eu l’occasion de le préciser à Mme la présidente de la commission, nous étudions, pour une fois, un texte sans dogme. Il n’y a pas, en effet, d’un côté la santé publique dans le public et, de l’autre, dans le privé. Nous sommes tous d’accord sur le fond, donc pour qu’il y ait la notion d’expertise médicale de la biologie médicale. Pourquoi, alors, introduire à ce niveau un petit doute ? Nous n’avons rien contre les chercheurs en pharmacie, mais certains n’ont jamais exercé la biologie médicale. Au nom de quoi voudriez-vous que l’on fasse une telle confusion ?

L’amendement est logique et je suis désolé que vous y soyez défavorables.

(L’amendement n° 54 n’est pas adopté.)

(L’article 2 est adopté.)

Article 3

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Vigier, pour soutenir l’amendement n° 55.

M. Philippe Vigier. J’ai déposé, sur cet article, quatre amendements de même nature et dont les exposés sommaires sont identiques, je les défendrai, par conséquent en même temps, si vous me le permettez, madame la présidente.

Mme la présidente. Vous avez, en effet, également déposé trois autres amendements, n°s 56, 58 et 57 et c’est, donc, avec beaucoup de plaisir que je vous donne la parole pour les défendre !

M. Philippe Vigier. J’ai évoqué brièvement ce point précédemment.

Ces amendements concernent l’anatomo-pathologie. En France, certains laboratoires de biologie médicale ont un département d’anatomo-pathologie au sein duquel des biologistes qui ont la compétence d’anatomo-pathologiste peuvent travailler. Mais, parallèlement, à ces laboratoires de biologie médicale qui comptent un service d’anatomopathologie, il existe des laboratoires d’« anapath » dans lesquels travaillent des anatomo-pathologistes. Quel est le problème ? Des examens identiques peuvent alors être effectués dans un laboratoire de biologie médicale et dans un laboratoire d’« anapath ». J’ai, tout à l’heure, pris l’exemple du papillomavirus. C’est, semble-t-il, tout de même un examen important !

Mme Ségolène Neuville, rapporteure. Est-ce qu’il y a un autre exemple ?

M. Philippe Vigier. N’est-ce pas l’examen qui permet de diagnostiquer un cancer du col de l’utérus, madame la rapporteure ? Comment allez-vous expliquer aux femmes qu’elles devront se rendre dans deux types de laboratoires : ceux qui sont accrédités et ceux qui ne le sont pas ? Cela pose une petite difficulté ! Or nous avons ensemble évolué sur la question de l’accréditation, considérant qu’il faudrait parvenir à un taux de 100 % d’accréditations en 2020. Apposera-t-on, alors, une étiquette à l’entrée du laboratoire avec la précision : « Ici, la garantie est assurée » ou « Ici, la garantie n’est pas assurée » ? Je ne remets absolument pas en cause la qualité des anatomo-pathologistes, mais on ne peut, au sein d’une même structure et pour des examens similaires, imposer des qualifications différentes aux uns et aux autres.

Il est essentiel d’y réfléchir, madame la ministre. Je tiens tout de même à préciser que les anatomopathologistes ont été, me semble-t-il, associés à l’élaboration de l’ordonnance Ballereau, même s’il est vrai qu’il n’y a pas eu d’ordonnance traitant spécifiquement de l’anatomo-pathologie. Mais en attendant qu’il y ait une accréditation pour les anatomo-pathologistes, voire, peut-être, pour d’autres disciplines médicales, ce que j’appelle en tout cas de mes vœux, il conviendrait au moins que, pour des examens identiques, il y ait le même niveau d’exigence.

C’est ce que je demande dans ces quatre amendements. Je ne vois, en effet, pas comment on pourrait voter ce texte en maintenant ce vide juridique et cette insécurité sanitaire.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ces quatre amendements ?

Mme Ségolène Neuville, rapporteure. Nous avons eu cette discussion en commission. Ces quatre amendements visent, finalement, à inclure la spécialité « anatomo-pathologie » dans cette réforme, alors qu’elle en est volontairement exclue par cet article 3. C’est, en effet, une spécialité différente, même si, comme vous l’avez souligné, quelques rares examens sont communs. J’aimerais d’ailleurs qu’un jour vous nous citiez un autre exemple que celui de papillomavirus ! Il n’y a pas eu encore de concertation avec les professionnels de santé que sont les anatomo-pathologistes, alors que la concertation a été fort longue avec les biologistes depuis 2010. Pour cette raison, nous ne souhaitons pas, aujourd’hui, faire figurer les anatomo-pathologistes dans ce texte. Cela viendra lorsque la concertation aura eu lieu. Les inclure maintenant aurait pour conséquence de retarder cette réforme, parce que les anatomo-pathologistes protesteraient, ce que je comprendrais.

Pour toutes ces raisons, la commission a donné un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Le Gouvernement est défavorable à ces amendements.

De quoi s’agit-il ? Nous traitons de deux disciplines distinctes. En avril 2012, un groupe de travail a élaboré un rapport sur la discipline qu’est l’« anapath ». Ce groupe de travail a rassemblé des spécialistes d’horizons divers, puisque des représentants ont été désignés par le Conseil national professionnel des pathologistes, par le Conseil national de l’Ordre des médecins et par la Caisse nationale d’assurance maladie. Il a alors été bien mis en évidence qu’il convenait de distinguer ces deux spécialités, ce qui ne signifiait pas qu’il ne fallait pas définir deux mécanismes d’accréditation. Par conséquent, l’enjeu n’est pas de savoir s’il convient de garantir aux actes d’« anapath » une accréditation de même qualité que pour les actes de biologie médicale, mais s’il faut que ce soit la même accréditation. Il se trouve que, pour des raisons de calendrier, nous ne sommes pas, aujourd’hui, prêts à définir le cadre d’une accréditation pour l’« anapath ». Cela viendra et cela se traduira, très concrètement, par des modifications substantielles dans le cadre du code de la santé publique, puisque des dispositions spécifiques s’appliqueront à l’« anapath ». « Que fait-on, en attendant ? », me répondrez-vous, et ce même si le « en attendant » ne porte pas sur une période très longue. Je tiens à vous indiquer que 90 % des actes d’« anapath » sont réalisés dans des cabinets de pathologie privés et non dans des laboratoires de biologie médicale. Cette situation nous permet donc d’affirmer qu’il existe deux spécialités et qu’il ne s’agit pas de brouiller les messages, mais que nous devons reconnaître la spécificité de ces deux spécialités. Une accréditation est proposée, aujourd’hui, pour la biologie médicale, une accréditation spécifique le sera pour les actes d’« anapath ». Toutefois, mélanger les deux disciplines reviendrait, aujourd’hui, à brouiller les cartes, ce qui n’est pas souhaitable et ne serait pas compris des spécialistes de cette profession.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Sébastien Vialatte.

M. Jean-Sébastien Vialatte. Il ne s’agit pas d’affirmer qu’il n’existe pas deux spécialités différentes ! Mais il se trouve qu’un certain nombre d’actes sont effectués soit par des « anapath », soit par des biologistes médicaux. Nous réclamons simplement que les actes effectués dans le cadre de la biologie médicale et qui nécessitent une accréditation entraînent une accréditation, même partielle, lorsqu’ils sont effectués par les « anapath ».

Je suis, d’ailleurs, très surpris que l’on soit arc-bouté sur les 100 % d’accréditation, considérant qu’il ne saurait y avoir d’actes de biologie médicale qui ne soient pas accrédités, et que l’on accepte que les mêmes actes ne le soient pas lorsqu’ils sont effectués par des « anapath ».

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Vigier.

M. Philippe Vigier. Notre collègue Vialatte a fort bien résumé la situation dans sa dernière phrase.

Madame la ministre, dans les laboratoires de biologie médicale, il existe, parfois, un département d’anatomopathologie. Des femmes et des hommes ont la double compétence. Expliquez-moi comment, pour une recherche du papillomavirus effectué dans la partie ouest du laboratoire…

Mme Ségolène Neuville, rapporteure. Encore !

M. Philippe Vigier. C’est la vérité ! Le papillomavirus parle aux femmes ! Nous sommes donc d’accord, madame la rapporteure !

Mme Ségolène Neuville, rapporteure. Citez un autre exemple !

M. Philippe Vigier. Expliquez-moi comment vous allez demander, d’un côté, une accréditation à 100 % et pas de l’autre ? Je vous ai bien écoutée, madame la ministre. Il n’est pas question de mélanger les deux spécialités, mais il s’agit de préciser qu’il ne peut y avoir deux niveaux de prise en charge en cas d’examens identiques.

Lorsque l’on connaît les laboratoires d’« anapath », on sait que la préparation des lames, qu’il s’agisse des lames d’hémato-pathologie en biologie médicale ou des lames d’anatomo-pathologie, comporte des phases quasiment identiques. De grâce, ne dites pas que nous mélangeons les spécialités ! Ce n’est pas vrai ! Nous faisons bien la distinction, mais nous vous expliquons qu’il ne peut y avoir deux procédures différentes pour des examens communs !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Louis Touraine.

M. Jean-Louis Touraine. Je rejoins la position de Mme la ministre et je dis à nos collègues qui viennent de reconnaître qu’il s’agit de deux activités distinctes, que ces professionnels ont des formations différentes, des pratiques différentes et réalisent des tests différents. Nous sommes, bien évidemment, aussi exigeants en termes de qualité, car les erreurs de diagnostic sont largement aussi graves dans le domaine de l’« anapath » que dans celui de la biologie. Là encore, il nous faut atteindre la plus grande excellence. Puisque vous avez parlé de la période de l’accréditation à 100 %, je vous rappelle, mes chers collègues, que nous devons y parvenir à l’horizon 2020. Nous pouvons, je le crois, avoir confiance dans la détermination de l’actuel gouvernement pour que, d’ici à 2020, l’« anapath » ait cette accréditation.

Mme Ségolène Neuville, rapporteure. Très bien !

M. Jean-Louis Touraine. Par conséquent, et nous pouvons nous rejoindre sur ce point, nous devons progressivement parvenir, dans les prochaines années, à une accréditation totale tant pour la biologie et que pour l’« anapath ».

(L’amendement n° 55 n’est pas adopté.)

(L’amendement n° 56 n’est pas adopté.)

(L’amendement n° 58 n’est pas adopté.)

(L’amendement n° 57 n’est pas adopté.)

(L’article 3 est adopté.)

Article 4

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 7 et 59.

La parole est à M. Jean-Sébastien Vialatte, pour présenter l’amendement n° 7.

M. Jean-Sébastien Vialatte. Comme je l’ai indiqué, lors de la discussion générale, nous réaffirmons, par cet amendement, que l’Établissement français du sang ne peut pas avoir de dérogation. On ne peut pas écrire une loi ayant pour vocation de réaffirmer la qualité des examens et accorder une dérogation à un établissement qui devrait, justement, être le premier à entrer complètement dans les clous de l’accréditation.

Nous pressentons que cet article a été introduit pour essayer de résoudre une partie des problèmes financiers rencontrés par l’EFS, mais tel n’est pas le sujet de cette proposition de loi.

Il convient, par conséquent, de supprimer ces alinéas 2 et 3 de l’article 4. L’EFS n’a, en effet, pas, je le répète, vocation à avoir de dérogation.

Mme la présidente. Sur les amendements identiques, n°s 7 et 59, je suis saisie par le groupe Union des démocrates et indépendants d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Philippe Vigier, pour présenter l’amendement n° 59.

M. Philippe Vigier. Nous sommes des biologistes qui pratiquent encore et nous savons à quel point ce sujet est essentiel. L’Établissement français du sang gère l’activité de qualification du don de sang. L’ordonnance Ballereau, telle qu’elle a été établie, permet une dérogation au-delà des trois territoires de santé, si le besoin s’en fait sentir. Je rappelle que c’est de la responsabilité des patrons des agences régionales de santé.

Comme je l’ai précisé lors de la discussion générale, il y a eu une succession de dérogations. Il n’y a aucune raison d’aller plus loin s’agissant des examens d’immuno-hématologie, ce que l’on appelle la compatibilité avec le receveur, l’hématologie, l’immunologie, les examens d’hémostase. Entrer dans ce système de dérogations, c’est ouvrir une brèche. Les grands laboratoires s’interrogeront alors sur la raison pour laquelle l’EFS a une dérogation pour effectuer des examens de biologie médicale qui ne relèvent donc pas directement de la qualification du don. Faire en sorte que le don de sang soit compatible n’est pas un examen de biologie médicale.

J’insiste sur ce point. La loi ne doit pas aller dans ce sens. Je rappelle, en effet, qu’un article s’impose à tous : c’est l’article L. 6222-5 du code de la santé publique qui prévoit la possibilité de dérogation territoriale. Il est possible de déroger sous la responsabilité de l’ARS ou du ministre dans le cadre territorial, en matière de qualification du don, mais non pour des examens de biologie médicale, car reproche nous en serait fait. Nous ne pouvons également pas nous le permettre vis-à-vis de l’Union européenne. Voyons d’où nous venons depuis 2009. S’il n’y avait pas eu toutes les discussions du gouvernement précédent en 2009, la biologie serait, aujourd’hui, considérée comme un service, donc jetée en pâture. Il n’y a donc pas de raison que ces dérogations successives entrent en ligne de compte.

Nous vous proposons, pour cette raison, de revenir à la situation antérieure qui autorise les dérogations que j’ai évoquées mais empêche toute dérive. Il est très important qu’au moment d’accréditer cette profession, nous ne laissions pas ouvertes des brèches dans lesquelles pourraient s’engouffrer les grands groupes.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Ségolène Neuville, rapporteure. Nous devons ici recentrer le débat sur ce qui nous préoccupe : l’intérêt des patients. Pourquoi imposer, dans le texte, des limites territoriales aux laboratoires ? Là est la vraie question. Nous ne nous demanderons qu’ensuite pourquoi il n’est pas forcément souhaitable de les imposer à l’Établissement français du sang. Les limites territoriales permettent des restructurations tout en garantissant le maintien de sites de proximité puisqu’un laboratoire ne pourra plus avoir de sites que sur trois territoires de santé limitrophes. Cette mesure permet d’éviter des regroupements trop importants. Un laboratoire parisien ne pourra pas, ainsi, installer des sites dans toute la France.

Pourquoi créer une dérogation pour l’Établissement français du sang ? Cet établissement public remplit des missions de service public et obéit déjà à ses propres règles de territorialité. En instaurant d’autres règles pour l’Établissement français du sang, on ne fait que lui créer des complications. Nous connaissons l’importance de cet établissement puisque la transfusion est l’un des actes médicaux qui nécessite le plus de sécurité sanitaire, comme les antécédents en la matière en témoignent. Nous tenons, en effet, à le conserver tel qu’il est et cette dérogation va dans ce sens : permettre à l’Établissement français du sang de continuer à exercer ses missions. Aucune concurrence n’est à craindre avec les laboratoires puisque la dérogation ne concerne pas l’ensemble des examens mais seulement ceux relatifs à la qualification du don, qui relève de la mission de l’Établissement français du sang. Nous avons cependant précisé en commission que cette mesure pourrait également concerner certains examens pour les personnes qui vont recevoir les transfusions. Je sais bien que les autres laboratoires peuvent y procéder pour les patients receveurs mais il paraît souhaitable que les examens pour le don comme pour les receveurs soient réalisés dans le même laboratoire. Quoi de mieux que l’Établissement français du sang ? La sécurité serait ainsi assurée sur toute la chaîne puisque c’est le même établissement qui réaliserait les examens pour le don et pour le receveur.

S’agissant de vos arguments sur les finances de l’Établissement français du sang, ils sont totalement hors sujet. Nous défendons une mission de service public or, comme vous le savez, les établissements publics ne sont pas là pour réaliser des bénéfices mais pour remplir leur mission. Seul l’intérêt des patients, leur sécurité lors des transfusions, doit nous guider.

Pour toutes ces raisons, avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Avis défavorable. Monsieur Vigier, j’ai été étonnée de vous entendre proclamer, au début de votre intervention : « Nous les biologistes, nous savons que… ». J’imagine pourtant que vous vous exprimez ici au nom de l’intérêt général. (Exclamations de M. Philippe Vigier). Je vous le dis tout simplement, au passage, parce que vos propos m’ont frappée.

Pourquoi sommes-nous défavorables à votre amendement ? Sur le fond, notre mesure tend à permettre à l’EFS de déroger à la règle de territorialité en raison de son mode d’organisation. Ses établissements de transfusion sanguine se positionnent en général sur plus de trois territoires de santé limitrophes, voire même sur deux régions limitrophes.

Dans le cadre de leur activité de biologie médicale, les laboratoires de l’EFS réalisent des examens en immuno-hématologie que l’on dit « receveur », avant toute transfusion, et des examens d’immuno-hématologie complexes, comme l’identification d’anticorps irréguliers ou le dépistage, chez la femme enceinte, d’éventuelles incompatibilités entre le fœtus et la mère afin de les prendre en charge.

Concrètement, qui réalise aujourd’hui ces examens ?

M. Philippe Vigier. Nous allons voir cela !

Mme Marisol Touraine, ministre. Selon les dernières données connues, s’agissant des examens d’immuno-hématologie dits « receveur », si les laboratoires de biologie médicale privés réalisent un peu moins de 60 % des actes, l’immense majorité d’entre eux ne réalisent que les analyses simples et transfèrent les tubes aux laboratoires de l’EFS, notamment lorsque le besoin en produits sanguins labiles est urgent ou qu’un examen est demandé la nuit ou le week-end, puisque les laboratoires des établissements de transfusion sanguine sont en mesure d’y répondre en permanence. Surtout, plus de 60 % des analyses d’identification des anticorps irréguliers et 82 % des phénotypes érythrocytaires étendus sont réalisés par les laboratoires des établissements de transfusion sanguine.

Il nous paraît important de garantir que ces laboratoires pourront continuer à répondre à ces divers types de demandes d’examen dans les meilleures conditions possibles au regard de l’urgence et de la proximité.

Pour toutes ces raisons, je suis défavorable à votre amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. Élie Aboud.

M. Élie Aboud. Madame la ministre, je vous ai trouvée dure à l’égard de notre collègue. Heureusement que certains députés peuvent continuer à exercer une profession et rester ainsi sensibles au quotidien des Français. Mais vous avez raison, nous nous exprimons ici en tant que députés.

Pour revenir à notre sujet, je m’étonne que Mme la rapporteure ait pu prétendre que la situation financière de l’EFS ne posait aucun problème. Nous savons tous, Mme la ministre en est informée, que l’EFS et la fédération française des donneurs de sang sont confrontés à des difficultés, avec des fermetures de centre. Ne nous dites pas qu’il n’y a pas de problème de financement. Vous avez même essayé, madame la rapporteure, de déposer en commission un amendement pour limiter, encadrer cette disposition dérogatoire. Vous avez tout de même ouvert une brèche en prenant cet acte dérogatoire injuste pour les laboratoires de biologie médicale.

Mme la présidente. Sans acrimonie, je voudrais rappeler que l’ensemble de nos collègues qui ont renoncé à toute activité professionnelle pour exercer à plein temps leur mandat de député sont parfaitement conscients du quotidien de leurs concitoyens.

M. Élie Aboud. C’est mon cas, madame la présidente.

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Vigier.

M. Philippe Vigier. Bien sûr qu’un député, au sein de l’hémicycle, s’exprime en tant que parlementaire. Doit-il pour autant renier sa formation ? Voyez-vous, j’ai servi les armes de la France dans l’hôpital d’instruction des armées du Val de Grâce, je me suis occupé pendant un an de la banque du sang, ce qui m’a permis d’acquérir un minimum de compétences sur ce sujet. Quand on a été confronté aux drames de la transfusion, il n’est pas inutile de poser un œil particulièrement exercé sur ces questions. N’en déplaise à certains, l’on ne renie pas la formation que l’on a reçue et l’expérience professionnelle peut aussi nous aider à remplir notre mission de parlementaire.

Vous ne nous avez pas convaincus une seconde. M. Aboud vient de très bien le dire : les établissements de transfusion sanguine sont évidemment confrontés à des problèmes financiers ; il faut avoir le courage de le reconnaître. C’est la vérité, c’est ainsi. Preuve en est, le pourcentage d’actes qui pourraient être transmis seraient au-delà des 10 à 20 % prévus dans le texte de loi.

Je suis pour la similitude, madame la ministre, le parallélisme des formes, la cohérence. C’est un mot que vous employez souvent mais en l’espèce, la cohérence aurait commandé que l’accréditation s’applique à tout le monde. Des systèmes dérogatoires sont prévus : appliquons-les !

Enfin, comment se passent les tests « receveur » dans les centres hospitaliers où des transfusions sont pratiquées ? Où sont-ils réalisés ? Dans des hôpitaux publics, dont vous prétendez vouloir renforcer le maillage de proximité. Or, en déléguant aux établissements de transfusion sanguine la responsabilité de la totalité de la chaîne, vous affaiblissez ces hôpitaux publics. Pour toutes ces raisons, j’insiste sur la nécessité de voter cet amendement.

Mme la présidente. Je vais maintenant mettre aux voix les amendements identiques nos 7 et 59.

(Il est procédé au scrutin.)

Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 46

Nombre de suffrages exprimés 44

Majorité absolue 23

(Les amendements identiques nos 7 et 59 ne sont pas adoptés).

Mme la présidente. La parole est à Mme Valérie Boyer, pour soutenir l’amendement n° 50.

Mme Valérie Boyer. Nous allons rouvrir le débat que nous venons de clore par le vote. Les établissements de transfusion sanguine ont en charge l’organisation du service public de la transfusion sanguine et de ses dérivés. Il est normal que pour la bonne organisation de ce service public, hors du secteur marchand, ils puissent procéder à la qualification biologique du don de sang sans être contraints par les limites territoriales propres aux autres examens de biologie médicale.

En revanche, pour les autres activités, qui sont hors du champ de leur mission de service public d’organisation de la transfusion sanguine, rien ne justifie qu’une dérogation territoriale leur soit accordée.

En effet, ces autres activités sont réalisées dans le secteur concurrentiel. Dès lors, au regard des contraintes du droit de la concurrence, tant national que communautaire, rien ne justifie que cette dérogation aux territoires de santé soit réservée aux seuls établissements de transfusion sanguine. Certains laboratoires qui réalisent sur des plateaux techniques concentrés les mêmes examens que les laboratoires des établissements de transfusion pourront à juste titre réclamer qu’il soit mis fin à cette discrimination.

Le débat est le même mais avec davantage de précisions. J’espère que cet amendement sera adopté.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Ségolène Neuville, rapporteure. Pour les raisons précédemment exposées, avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Même avis. De toutes façons, l’activité de l’EFS qui tient à sa mission de service public ne relève pas de l’ordonnance de biologie médicale et n’est donc pas soumise à la règle de territorialité. Notre mesure ne concerne que les actes réalisés par l’EFS qui ne sont pas consubstantiels à sa mission de service public. Dès lors que la mission relève du service public, des règles particulières sont imposées. Mais ce n’est pas le cas en l’occurrence.

(L’amendement n° 50 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Sur l’article 4, je suis saisie par le groupe Union des démocrates et indépendants d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Jean-Sébastien Vialatte, pour soutenir l’amendement n° 9.

M. Jean-Sébastien Vialatte. Cet amendement est semblable à celui qui vient d’être rejeté mais je vais tout de même m’attacher à le défendre, ce qui est un peu curieux.

Il s’agit tout simplement d’un amendement rédactionnel car le texte n’est pas assez précis. Pardonnez-moi, madame la ministre, mais je m’adresserai à vous en tant que biologiste, même si je suis aussi député. Le terme « examen complexe d’immuno-hématologie » est si vague qu’il modifier la rédaction.

De même, les examens d’immuno-hématologie dits « receveur » sont hors du champ de la mission de service public de l’EFS et rien ne justifie la dérogation territoriale qui leur est accordée.

Enfin, pour les mêmes raisons, rien ne justifie que soit accordé un traitement dérogatoire au profit des laboratoires de l’Établissement français du sang en cas de transmission d’échantillons biologiques par des établissements de santé pour des examens qui ne relèvent pas de la mission de service public de l’EFS.

(M. Marc Le Fur remplace Mme Sandrine Mazetier au fauteuil de la présidence.)

Présidence de M. Marc Le Fur
vice-président

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Ségolène Neuville, rapporteure. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. Arnaud Robinet.

M. Arnaud Robinet. Je souhaite faire une remarque suite à l’intervention faite à l’encontre de nos collègues biologistes.

Pour information, les biologistes parlementaires – ou les parlementaires biologistes – ont reçu une lettre de la déontologue de l’Assemblée nationale leur précisant qu’il serait préférable qu’ils précisent lors du débat qu’ils sont biologistes de profession. C’est ce qu’a fait notre collègue Philippe Vigier. Je tenais seulement à faire cette mise au point.

M. Philippe Vigier. Un peu de transparence et d’honnêteté, ça ne fait pas de mal ! (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme Dominique Orliac.

Mme Dominique Orliac. Je rappelle qu’en son temps, le président Accoyer avait tancé un député qui s’était exprimé en tant que professionnel de santé. Il lui avait dit qu’il ne devait s’exprimer qu’en tant que député.

M. le président. Mes chers collègues, chacun vient ici avec son itinéraire, sa formation et ses caractéristiques.

(L’amendement n° 9 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Valérie Boyer, pour soutenir l’amendement n° 51.

Mme Valérie Boyer. En application des dispositions des articles L. 6211-2 et suivants du code de la santé publique, le biologiste médical est responsable de la totalité de l’examen de biologie médicale, notamment de la phase pré-analytique.

L’accréditation du laboratoire porte sur les trois phases de l’examen de biologie dont le biologiste a la responsabilité. Il serait donc tout à fait anormal de confier au biologiste la responsabilité de la phase pré-analytique qui serait réalisée par un autre professionnel de santé en dehors de son laboratoire.

L’analyse de la prescription, sa conformité aux bonnes pratiques, l’analyse des éléments cliniques qui font intégralement partie de la phase pré-analytique, selon le texte même de l’ordonnance, ne peuvent être réalisées que par un biologiste médical.

De plus, des considérations de santé publique s’opposent à ce que la totalité de la phase pré-analytique puisse être réalisée en dehors du laboratoire. À ce titre, il convient de noter qu’une telle disposition serait difficilement compatible avec les avancées qualitatives de la médicalisation de la biologie médicale, et donc viendrait contredire ce que nous sommes en train de faire.

En l’état, la répartition des laboratoires et de leurs sites sur le territoire national leur permet de réaliser la phase pré-analytique dans des conditions de sécurité et de qualité.

Cependant, pour des raisons évidentes tenant à l’état de santé ou à l’éloignement du patient, le prélèvement doit parfois être réalisé hors du laboratoire ou d’un établissement de santé par un autre professionnel de santé.

C’est pourquoi il convient de supprimer les termes : « la totalité ou une partie de la phase pré-analytique d’un examen de biologie médicale » et de les remplacer par les termes : « le prélèvement d’un échantillon biologique ».

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Ségolène Neuville, rapporteure. Nous sommes en partie d’accord avec cette analyse.

Nous avons d’ailleurs modifié le texte en commission. En effet, l’expression : « phase pré-analytique » a été remplacée par le mot : « prélèvement », pour toute une série de raisons, et notamment pour ne pas confier l’ensemble de la phase pré-analytique à des professionnels qui ne seraient pas biologistes. On évite aussi de s’exposer au risque que la phase pré-analytique soit faite en dehors d’un laboratoire de biologie médicale, à l’exception des prélèvements, qui peuvent bien sûr être faits au domicile des patients par des professionnels de santé spécialisés dans les prélèvements.

Dans ce cas, le prélèvement – comme toujours quand il est fait par un professionnel de santé – est fait sous la responsabilité du professionnel qui prélève. En revanche, le reste de la phase pré-analytique est sous la responsabilité du biologiste, notamment le recueil des éléments cliniques et l’indication de l’examen.

Par conséquent, madame Boyer, votre amendement est déjà satisfait.

Mme Valérie Boyer. C’est parfait.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Même avis que celui de la commission.

Comme l’a dit Mme la rapporteure, le Sénat ayant exprimé des inquiétudes à propos de la rédaction initialement proposée, des travaux ont été engagés.

Pourquoi avions-nous proposé cette rédaction ?

Nous avions initialement considéré que la rédaction de l’article que vous avez évoqué posait un problème de répartition des responsabilités. Le Gouvernement avait donc, en lien avec les rapporteurs, souhaité clarifier cette répartition des compétences. D’où une rédaction, présentée au Sénat, qui aboutissait à distinguer l’ensemble de la phase pré-analytique du reste.

Des inquiétudes se sont exprimées, qui rejoignent celles dont vous venez de nous faire part, sur le fait même de permettre la réalisation, hors d’un laboratoire, de toute la phase pré-analytique et sur le fait que la responsabilité doit rester celle du biologiste responsable du laboratoire.

Votre commission des affaires sociales a engagé un travail pour concilier ces deux aspirations : clarifier les responsabilités, tout en faisant en sorte que cette volonté de clarification n’aboutisse pas, à l’inverse, à une séparation trop nette entre l’ensemble de la phase pré-analytique et le reste.

Je salue les travaux menés en commission, qui ont permis d’aboutir à une distinction plus précise : désormais, seul le prélèvement relève d’un acte identifié comme tel et il est de la responsabilité de celui qui effectue l’acte de prélèvement. Car il est assez fréquent que des actes doivent être réalisés en dehors du laboratoire lui-même – je pense aux prélèvements réalisés à domicile. À l’inverse, l’ensemble, le reste de la chaîne, si j’ose dire, sera sous la responsabilité du biologiste.

Il me semble donc, madame Boyer, que votre préoccupation, qui rejoint celle du Sénat, est satisfaite. Elle trouve une réponse dans la nouvelle rédaction élaborée en commission.

Mme Valérie Boyer. Je suppose qu’il en est de même pour l’amendement n° 52…

M. le président. La parole est à M. Élie Aboud.

M. Élie Aboud. Je voudrais rappeler la chronologie des faits. Des travaux tout à fait intelligents ont été menés au sein de la commission, mais je tiens à rappeler que ce sont mes collègues Jean-Sébastien Vialatte, Jean-Pierre Door et moi-même qui avions proposé l’amendement ayant abouti à la rédaction actuelle du texte. Mme la rapporteure a ensuite manifesté son accord avec nous.

Mme Ségolène Neuville, rapporteure. Peu importe ! Nous étions d’accord !

M. le président. La parole est à Mme Valérie Boyer.

Mme Valérie Boyer. Je retire l’amendement.

(L’amendement n° 51 est retiré.)

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure, pour soutenir l’amendement n° 21.

Mme Ségolène Neuville, rapporteure. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Favorable.

(L’amendement n° 21 est adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Valérie Boyer, pour soutenir l’amendement n° 52.

Mme Valérie Boyer. J’imagine qu’il est également satisfait. Par conséquent, je le retire.

(L’amendement n° 52 est retiré.)

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure, pour soutenir l’amendement n° 22.

Mme Ségolène Neuville, rapporteure. C’est un amendement rédactionnel.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Favorable.

(L’amendement n° 22 est adopté.)

M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix l’article 4, tel qu’il a été amendé.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 44

Nombre de suffrages exprimés 42

Majorité absolue 22

(L’article n° 4, amendé, est adopté.)

Article 5

M. le président. La parole est à M. Jacques Lamblin, inscrit sur l’article.

M. Jacques Lamblin. Cet article a pour objet de mettre fin à la financiarisation de la profession.

Sur le principe, tout le monde peut comprendre le raisonnement qui consiste à dire qu’un acte médical est non négociable et que le prix est le prix.

Toutefois, il me semble que les mesures qui sont dans la loi – l’accréditation, un biologiste par site, la territorialisation – sont en elles-mêmes des mesures antidumping de nature à empêcher un laboratoire d’analyses d’aller braconner sur les terres d’autrui.

En qualité de président du conseil de surveillance d’un hôpital, je dirai que cette mesure qui vise à interdire les ristournes – et dont je sais qu’elle fait consensus – peut produire des effets pervers. Je m’explique. Je pars du principe qu’aucun entrepreneur, aucun libéral ne prend de décisions contraires à ses intérêts. Aussi, lorsqu’un laboratoire fait une ristourne, c’est qu’il estime qu’il a intérêt à le faire, parce que l’hôpital est à proximité, parce que le personnel qui va s’occuper des analyses a une activité plus dense, etc. On peut donc justifier des ristournes. En gros, c’est un système gagnant-gagnant.

Dans ma ville, il y a un gros laboratoire qui fait partie des 1,2 % de laboratoires de plus de cinquante personnes et il y a un hôpital important. L’hôpital perd beaucoup d’argent depuis qu’il n’y a plus de ristournes. Avec le CHU et d’autres hôpitaux, ils envisagent de créer un laboratoire public d’analyses médicales. Résultat des courses : d’ici peu, le laboratoire privé va probablement devoir licencier du personnel, puisqu’il va perdre de l’activité. Et il reste à prouver qu’au fil des ans, le laboratoire public sera, sur le plan financier, plus intéressant que le laboratoire privé. C’est un pari que l’on peut faire, mais qui n’est pas forcément gagné sur le long terme.

Je crains qu’avec ce système de lutte contre la financiarisation, on ne prenne le risque de louper la cible que l’on était censé atteindre.

M. le président. La parole est à M. Jean-Sébastien Vialatte, pour soutenir l’amendement n° 10.

M. Jean-Sébastien Vialatte. Il s’agit d’un amendement de précision.

Ainsi que l’ont très justement noté le rapporteur au Sénat et Mme Ségolène Neuville, rapporteure à l’Assemblée nationale, la nouvelle rédaction de l’article L. 6211-21 vise à interdire les ristournes en imposant de facturer les examens au tarif de la nomenclature des actes de biologie médicale, tout en prévoyant une dérogation pour les coopérations non marchandes entre établissements de santé. Mon amendement propose de préciser qu’il s’agit des établissements publics.

Le maintien de la rédaction actuelle permettrait en effet aux autres laboratoires, en particulier ceux détenus par les tenants d’une biologie industrielle et financière, de faire invalider en justice le principe précité de l’interdiction des ristournes. En effet, étendre à ces derniers cette faculté reviendrait à rétablir le principe des ristournes.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Ségolène Neuville, rapporteure. Je pensais que nous étions tous d’accord pour éviter les ristournes. Aussi, je m’étonne que vous reveniez sur ce point dans votre amendement.

Dans le texte tel qu’il est rédigé actuellement, les dérogations sont extrêmement bien encadrées. Je cite : « Sous réserve des coopérations […] entre des établissements de santé dans le cadre de conventions, de groupements de coopération sanitaire ou de communautés hospitalières de territoire ». On voit donc bien que ces dérogations ne sont faites que pour faciliter les coopérations entre établissements de santé sur un même territoire. Pourquoi les limiter au public ? Dans votre rédaction, on exclut de fait les établissements privés à but non lucratif. Je ne vois pas l’intérêt de les exclure. Dans certains territoires, il y a des établissements de santé privés, à but lucratif ou à but non lucratif, qui peuvent participer aux missions de service public et qui peuvent être membres d’un groupement de coopération sanitaire avec d’autres établissements.

Pour toutes ces raisons, la commission a émis un avis défavorable à votre amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Avis défavorable. Je ne vois pourquoi il faudrait renoncer par principe à des coopérations, sur un même territoire, entre établissements de statuts différents.

(L’amendement n° 10 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Sébastien Vialatte, pour soutenir l’amendement n° 20.

M. Jean-Sébastien Vialatte. Il s’agit de prévoir que « les contrats en cours qui prévoyaient des ristournes sur les tarifs de la nomenclature des actes de biologie médicale et qui continuent à produire leurs effets prendront fin au 31 décembre 2013. »

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Ségolène Neuville, rapporteure. Vous formulez là une proposition délicate, monsieur le député, en raison du nécessaire respect des contrats qui ont été signés. On peut difficilement mettre un terme par la loi à des contrats conclus juste avant sa promulgation. La commission a repoussé cet amendement. Les contrats prendront fin à leur terme normal, après quoi il n’y aura plus de ristournes. Il faut, me semble-t-il, laisser à chacun le temps de s’adapter. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Même avis, pour les mêmes raisons.

(L’amendement n° 20 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 11 et 53 rectifié.

La parole est à M. Jean-Sébastien Vialatte, pour soutenir l’amendement n° 11.

M. Jean-Sébastien Vialatte. Cet amendement vise à compléter les dispositions adoptées à l’article 5 et à les mettre en cohérence avec celles du code de la sécurité sociale.

Il a pour objet de mettre fin à la différence de traitement entre les laboratoires de biologie médicale libéraux et ceux des établissements publics de santé. Les premiers peuvent facturer aux patients les actes hors nomenclature qui, réalisés dans les mêmes conditions à la suite d’une transmission d’échantillons biologiques, ne peuvent pas l’être par les établissements publics de santé. Ainsi, ces établissements pourront, sans aucune conséquence sur l’équilibre des régimes sociaux, accéder, via une juste rémunération de leurs diligences, à une ressource financière nouvelle.

Cet amendement, dans l’esprit de l’ordonnance de 2010, procède également à une harmonisation des règles de facturation des examens de biologie médicale réalisés à la demande des laboratoires de première intention par ceux de seconde intention, qu’ils soient publics ou privés.

Enfin, il réaffirme un principe clair : « c’est le professionnel de santé qui réalise l’acte qui le facture. » Ce faisant, il s’inscrit dans la continuité de la position française soutenue devant les juridictions communautaires, permettant à la biologie médicale d’être reconnue comme une profession médicale et non comme une profession de prestation de services, qui serait alors soumise au droit commun. S’écarter de ce principe central revient à faire des biologistes des commerçants pouvant acheter, pour les revendre, des actes de biologie médicale, et serait de nature à remettre en cause les fondements de l’ordonnance de 2010. Ce serait également livrer la biologie médicale française au monde marchand, et donc aux seuls financiers.

Cet amendement prévoit un nécessaire aménagement pour tenir compte des contrats de coopération qui permettent l’accès à une biologie moderne sur l’ensemble du territoire.

M. le président. La parole est à Mme Valérie Boyer, pour soutenir l’amendement n° 53 rectifié.

Mme Valérie Boyer. Il est défendu, monsieur le président.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Ségolène Neuville, rapporteure. Je crois qu’il faut nous recentrer sur l’intérêt du patient. En fin de compte, cet amendement tend bel et bien à rétablir la double facturation : le laboratoire facture les examens qu’il effectue et transfère les autres à un autre laboratoire, duquel le patient recevra ultérieurement les factures.

M. Jean-Sébastien Vialatte. Avec le tiers payant généralisé, il ne reçoit rien !

Mme Ségolène Neuville, rapporteure. Cela dépend des situations.

Je crois que la facturation unique est beaucoup plus simple pour le patient.

M. Jean-Sébastien Vialatte. Mais pas plus transparente !

Mme Ségolène Neuville, rapporteure. En outre, si l’on s’attache à la médicalisation de la profession, il faut tenir compte du fait que le seul biologiste qui a un contact direct, un contact humain avec le patient, c’est quand même celui qui le reçoit dans son laboratoire. C’est lui qui est au courant de l’indication posée par le prescripteur. C’est lui qui est au courant des signes cliniques. Il est donc bien légitime qu’il facture l’ensemble des examens. Ou alors, cela devient un commerce : on envoie un examen quelque part, les biologistes ne savent pas de qui il s’agit, mais ils facturent quand même.

Vos arguments ne me semblent pas légitimer vos amendements. Quoi qu’il en soit, la facturation unique est plus simple pour le patient. Et ce qui doit nous guider, c’est l’intérêt du patient, et non celui des professionnels. D’ailleurs, l’intérêt des professionnels, c’est d’abord et avant tout de bien soigner leurs patients. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Même avis. J’ajoute que la facturation distincte représenterait une difficulté concrète bien réelle pour les établissements publics.

M. le président. La parole est à M. Philippe Vigier.

M. Philippe Vigier. Vous parlez, madame la ministre, de facturation distincte. Mais dans l’immense majorité des cas, le patient ne voit aucune facturation. Le régime du tiers payant aboutit à la constitution de deux dossiers, l’un dans le laboratoire « central », l’autre dans un laboratoire spécialisé relevant par exemple d’un établissement de santé. Mais tout cela est parfaitement invisible pour le patient, qui ignore le coût comme le nombre des facturations.

Vous évoquez, madame la rapporteure, un contact entre le biologiste et le patient. Il existe dans un cas sur deux. Dans 50 % des cas, les prélèvements sont réalisés par des cabinets infirmiers sans aucun contact direct entre le patient et le biologiste.

Plus étonnant encore, certains laboratoires hospitaliers de CHU font déjà des facturations. Dès lors, pourquoi exclure de la double facturation un dossier relevant en partie d’un laboratoire de biologie médicale de proximité et en partie d’un laboratoire spécialisé ? Cette double facturation serait, en outre, une immense simplification, au quotidien, pour les laboratoires de biologie médicale. Il faut voir un peu la complexité des choses !

Mme Valérie Boyer. Tout à fait !

M. Philippe Vigier. Enfin, certains examens présentent de vraies difficultés, par exemple les diagnostics de trisomie. Concrètement, comment cela se passe ? Quand il y a de fortes chances pour que l’on soit devant un cas de trisomie, c’est le biologiste du laboratoire spécialisé qui appelle le médecin traitant. Telle est la vérité au quotidien.

Voilà quelques éléments médicaux, qui s’ajoutent à l’exigence de transparence à laquelle nous faisions référence tout à l’heure, sans oublier que le patient voit très peu de facturations puisque 95 % des feuilles, comme chacun sait, sont directement réglées par la sécurité sociale ou les mutuelles complémentaires.

Mme Valérie Boyer. En outre, il est bon que le professionnel réalisant l’acte soit celui qui le facture.

(Les amendements identiques nos 11 et 53 rectifié ne sont pas adoptés.)

(L’article 5 est adopté.)

Article 6

M. le président. La commission a maintenu la suppression de l’article 6.

Je suis saisi de trois amendements, nos 6, 45 et 67, tendant à rétablir l’article 6 et pouvant être soumis à une discussion commune.

Les amendements nos 6 et 45 sont identiques. Sur le vote de ceux-ci, je suis saisi par le groupe UDI d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à Mme la ministre, pour soutenir l’amendement n° 6.

Mme Marisol Touraine, ministre. Nous en venons là aux dispositions qui ont sans doute provoqué le plus de discussions et de débats passionnés. Je souhaite que nous puissions aborder cette question de la manière la plus apaisée et la plus tranquille possible. Il n’y a pas d’un côté ceux qui s’exprimeraient au nom de l’intérêt général et de l’autre ceux qui seraient les défenseurs d’un lobby. On entend ces propos de part et d’autre. Il me semble que nous pouvons considérer la question de façon aussi tranquille et dépassionnée que possible, quelles que soient nos convictions.

Je voudrais commencer par dire qu’il ne s’agit en aucun cas de mettre en cause les exigences de la formation et de la qualification de biologiste médical. Le DES sera maintenu et restera la norme et l’élément principal de la formation des biologistes médicaux.

Il ne s’agit pas non plus, car ce serait tout à fait dommageable, d’opposer entre elles les différentes modalités d’exercice des praticiens, en CHU ou dans d’autres types d’établissements. Nous avons besoin de formes et de pratiques diverses de la biologie médicale pour faire face à la diversité des situations et des actes.

Cet amendement ne vise nullement à substituer à des biologistes médicaux des PU-PH qualifiés dans un domaine autre que la biologie médicale. Il ne s’agit pas de dire qu’un PU-PH en hématologie ou en immunologie pourrait se substituer à un biologiste médical pour la totalité des actes que celui-ci réalise. Tel n’est absolument pas l’enjeu.

Il s’agit de faire en sorte que, dans des CHU – et exclusivement dans des CHU – où des PU-PH ont déjà été recrutés et où ils exercent des fonctions spécialisées et pratiquent des actes spécialisés, ils soient autorisés à exercer dans les domaines liés à leur spécialité et à la compétence pour laquelle ils sont reconnus. En l’état actuel du droit, ils ne peuvent valider eux-mêmes les actes qu’ils réalisent dans toute une série de secteurs liés à leur spécialité. Il faut mettre fin à cette situation, dont il faut reconnaître que, dans les plus grands CHU, elle a conduit à la mise en place de dispositifs de contournement. En effet, des spécialistes réalisent des actes absolument nécessaires mais ne peuvent en assumer la responsabilité sous leur signature. Des organisations ont donc été mises en place pour que d’autres viennent valider des actes qu’ils réalisent. Il n’est pas satisfaisant, il n’est pas sain que des professionnels réalisant des actes ne puissent en obtenir la reconnaissance.

Prenons l’exemple des fameuses compétences mixtes. Il s’agit de généticiens prenant en charge des maladies génétiques rares. On estime que le diagnostic, pour plus de 6 000 d’entre elles, nécessite de recourir à des compétences spécifiques et à des techniques de pointe. Les laboratoires dans lesquels sont réalisés ces examens sont hautement spécialisés. Il s’agit donc de permettre aux PU-PH de réaliser des actes et de les valider jusqu’au bout de la chaîne, dans leur domaine de compétence. Ne pas les y autoriser ne donnera pas plus d’espace aux biologistes médicaux, dont les PU-PH ne demandent pas à prendre la place, si vous me passez cette expression un peu triviale.

M. Jean-Sébastien Vialatte. Mais de fait, ils la prennent !

Mme Marisol Touraine, ministre. Les biologistes médicaux ont évidemment toute leur place, dans leur rôle et avec leur compétence, en matière de biologie médicale généraliste, absolument indispensable dans les CHU comme ailleurs.

Les dérogations, estimées à environ une centaine par an, sont strictement encadrées. Elles supposent en effet un certain nombre d’années de pratique des PU-PH, ainsi que l’agrément d’une commission spécialisée.

Je souhaite donc, au nom du Gouvernement, que nous puissions réintroduire dans le texte ces dispositions qui faciliteront l’exercice d’une biologie hautement spécialisée dans des CHU où elle est nécessaire et réalisée. Elle continuera de l’être, mais dans des conditions plus satisfaisantes et mieux assurées sur le plan juridique.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Déaut, pour soutenir l’amendement identique n° 45.

M. Jean-Yves Le Déaut. Tout comme Mme la ministre, je souhaite intervenir de façon dépassionnée sur ce sujet important, qui concerne la garantie des soins à tous les patients.

Pour confirmer les propos de Mme la ministre, le système que nous proposons aujourd’hui ne cherche pas à dévaloriser la formation de DES de biologie médicale. Cette formation en quatre ans demande une spécialisation en biochimie, en hématologie, en bactériologie, ainsi que dans une autre spécialité en fin de formation.

Cette formation est longue et compliquée. Si un biologiste médical souhaite ensuite aller à l’université, il devra en outre faire une thèse de science, dans quasiment tous les cas, car il devra se spécialiser – Jean-Sébastien Vialatte le sait – dans une discipline autre que les quatre qu’il aura étudiées lors de sa formation en biologie médicale.

On ne peut donc pas opposer une formation de spécialisation de haut niveau avec la biologie médicale, qui est nécessaire. Le système proposé par le présent amendement va dans le bon sens.

Je souhaite citer un exemple tiré d’une étude que j’ai menée sur le chlordécone aux Antilles, au cours de laquelle j’ai du reste rencontré notre collègue Letchimy. Pour détecter le chlordécone chez nos patients aux Antilles, il faut avoir la possibilité de réaliser des tests sanguins. Or, ces tests sont aujourd’hui effectués au Canada, car nous ne sommes pas encore capables de les faire. Nous n’arriverons à former une équipe capable de réussir ce test que lorsque nous disposerons des compétences complètes dans les domaines des sciences, de la pharmacie et de la médecine.

Mme la ministre vient de rappeler que les spécialités ont évolué dans le domaine du diagnostic préimplantatoire, de la génétique, de la biologie moléculaire. Avant de devenir parlementaire, j’étais assistant de faculté et assistant des hôpitaux – alors que je n’étais pas médecin – ; je faisais les gardes, je détectais les pancréatites, mais je ne les signais pas. J’estime normal d’être en capacité de former des équipes pluridisciplinaires.

L’argument de la suppression des postes n’est pas recevable car la plupart des jeunes en DES de biologie médicale s’orientent vers le secteur libéral, et c’est bien compréhensible. Ils ne sont pas assez nombreux, aujourd’hui, dans nos universités. Si nous ne votons pas cet amendement, nous ferons face à une pénurie de personnes pourtant nécessaires au développement de nos universités et de la formation dans certaines de ces disciplines.

Dès lors, il ne faut pas nous opposer, mais affirmer au contraire que ce sont l’enseignement et la recherche, la clinique et le fondamental qui nous permettront de faire progresser notre pays.

M. le président. La parole est à M. Arnaud Robinet, pour soutenir l’amendement n° 67.

M. Arnaud Robinet. Tout comme Mme la ministre et notre collègue Le Déaut, je pense qu’il faut dépassionner le débat, et en aucun cas opposer les médecins ou pharmaciens titulaires du DES de biologie médicale à ceux qui se sont spécialisés, dans le cadre d’une thèse d’université, dans des domaines bien spécifiques tels que la pharmacologie – notamment fondamentale –, la biochimie, la biologie moléculaire, la biologie cellulaire, l’histologie, la physiologie, etc.

L’article 6 permet aux biologistes hospitalo-universitaires titulaires d’un autre DES, ou non titulaires du DES de biologie médicale, d’être recrutés par les CHU et d’exercer ces fonctions de biologistes médicaux dans le champ restreint de leur spécialité hospitalo-universitaire, et ce sur proposition des sections médicales et pharmaceutiques du Conseil national des universités qui ne présente pas de spécialité biologie médicale mais des spécialités dites « de discipline ». Après avis favorable de cette commission, ils peuvent donc être recrutés en tant qu’hospitalo-universitaires.

Autre point important : les pôles de biologie hospitalo-universitaires sont des lieux uniques permettant de confronter la partie clinique et la partie biologique, de développer des approches innovantes issues de la recherche fondamentale et de la recherche clinique. Cette complémentarité des services de biologie au sein des CHU est à prendre en compte. Elle permet une meilleure prise en charge du patient.

De plus, la faculté de recruter des biologistes médecins et pharmaciens permet de maintenir un nombre de candidatures adapté au recrutement sur les postes hospitalo-universitaires en biologie médicale, pour préserver les activités de biologie très spécialisée des laboratoires de biologie des CHU.

Selon les chiffres qui m’ont été communiqués – je ne sais pas s’ils sont exacts ou pas –, seule une quarantaine des 240 biologistes titulaires du DES se prépare à une carrière hospitalo-universitaire. Les exigences de la biologie moderne multidisciplinaire, la difficulté du parcours de préparation à une carrière hospitalo-universitaire et l’attrait de l’exercice en secteur libéral expliquent que les internes ne soient pas toujours intéressés par une carrière hospitalo-universitaire.

M. Jean-Sébastien Vialatte. La porte leur est fermée : voilà la démonstration même !

M. Arnaud Robinet. Puisque nous évoquons chacun nos expériences respectives, je prendrai l’exemple de mon laboratoire de pharmacologie et de toxicologie : il ne comprend pas à ce jour d’interne en biologie, ce qui pose de véritables difficultés.

Par ailleurs, ce recrutement permet également de maintenir l’enseignement de nos spécialités. N’oublions pas les missions de l’hospitalo-universitaire : enseignement, recherche et, bien sûr, clinique.

Enfin, je souhaiterais poser une question à Mme la ministre : nous parlons des pharmaciens et des médecins, mais il existe également une autre population, que nous n’avons pas mentionnée, recrutée sur des postes d’hospitalo-universitaires. Ils sont très peu – nous sommes très peu, devrais-je dire en toute transparence, car je suis dans ce cas : quid, donc, des scientifiques, qui apportent une véritable complémentarité dans les services techniques ?

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements ?

Mme Ségolène Neuville, rapporteure. Je m’en remets à la sagesse de l’Assemblée.

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Touraine.

M. Jean-Louis Touraine. En réponse aux propos tenus par Mme la ministre et nos deux collègues, je tiens à préciser que nous devons tous conserver à l’esprit l’idée qu’il y a là deux métiers. Ces deux pratiques – toutes deux éminemment respectables – supposent une formation importante. Ces deux exercices, l’un et l’autre indispensables, sont distincts. Comme l’a dit Mme la ministre, la diversité des actes et des activités nécessite l’existence de ces formations parallèles.

D’un côté, certains exercent dans des laboratoires d’analyse médicale et réalisent une grande diversité d’examens, en biochimie, en bactériologie, en immunologie, etc.

De l’autre côté, dans certains hôpitaux, exercent des spécialistes ayant une spécialité très étroite, quelquefois mixte. Dans le cadre de cette spécialité, ils développent alors des activités d’examens, les unes de routine, les autres de recherche ou d’avenir, permettant ainsi de développer la biologie de demain.

Limiter cette possibilité nous placerait malheureusement en dehors du concert des nations comparables, qui toutes ont mis en place ce double système. Cela signifierait également abandonner ce que nous avons développé au bénéfice de l’hôpital public depuis la loi de 1958.

Cela constituerait donc une régression dommageable pour l’exercice de ces deux métiers et la réalisation de ces examens, ainsi que pour les établissements hospitaliers eux-mêmes, qui seraient entravés dans leur fonctionnement. Ce serait dommageable également pour la recherche, car qui développerait alors les examens biologiques du futur ? Ce serait dommageable, surtout, pour nos patients, qui ne pourraient plus bénéficier que d’une seule variété d’examens et seraient ainsi privés d’examens de pointe.

Pour conclure, limiter à une seule formation, une seule possibilité, un exercice aussi complexe et en devenir créerait une rigidité excessive et un cloisonnement un peu absurde. Cela ne permettrait pas de répondre aux besoins non seulement présents mais également à venir, tant la biologie médicale progressera dans les prochaines années.

M. le président. La parole est à M. Élie Aboud.

M. Élie Aboud. Madame la ministre, vous avez cité le cas des médecins et des pharmaciens de disciplines mixtes, qui seraient un gage de qualité et de sécurité, pour reprendre vos propres termes. Je pourrais vous dire qu’après tout, tout biologiste médical aurait aussi le droit d’exercer dans n’importe quelle discipline ; c’est un peu exagéré, mais cela revient un peu à cela.

Vous avez évoqué les exemples des pharmacologues, des immunologues et des généticiens. Or, à ma connaissance, un généticien fait la consultation et prescrit des examens ; puis, le biologiste médical cytogénéticien réalise les examens, fait le diagnostic et transmet les résultats au généticien.

Vous avez évoqué les pharmacologues. Pour ma part, je n’en ai jamais vus faire des astreintes la nuit et répondre aux besoins. C’est comme ça !

M. Arnaud Robinet. Ils sont soumis aux astreintes !

M. Élie Aboud. Certes, ils sont soumis aux astreintes, mais ils ne pourront jamais remplacer un biologiste d’astreinte ! C’est un problème de santé publique, tout le monde le sait !

Après tout, nous n’avons qu’à voter un amendement supprimant le DES de biologie médicale !

M. le président. La parole est à M. Philippe Vigier.

M. Philippe Vigier. Ce sujet est important, et vous aviez raison, madame la ministre, de dire qu’il fallait le dépassionner.

Tant au Sénat qu’à l’Assemblée nationale, la sagesse nous avait conduits, à quatre reprises, à supprimer la disposition qui nous est proposée ici. À l’issue de l’examen de la présente proposition de loi par la commission, la suppression de l’article 6 était maintenue.

J’ai soulevé un peu plus tôt une première question : quelle image allons-nous donner aux jeunes biologistes qui ont fait leur internat et leur DES de biologie médicale ? Cette formation de quatre années est longue, ainsi que notre collègue Le Déaut l’a rappelé. Or, 40 à 50 postes seront attribués à des hommes et des femmes qui n’auront pas le même champ de compétences.

Cela me gêne pour une raison particulière, que j’ai rappelée lors de la discussion générale. Si l’on créait une passerelle réversible, avec une validation des acquis de l’expérience, un radiologue qui a fait trois ans de biologie pourrait à terme devenir chef de service. Pourquoi pas ? Mais alors, pourquoi le biologiste ne pourrait-il pas, à l’inverse, devenir radiologue, après plusieurs validations des acquis de l’expérience ? Or en l’occurrence, il n’existe aucune réciprocité.

Avec le rétablissement de l’article 6, vous êtes en train de prendre en otage cette discipline médicale – dont nous consacrons définitivement l’existence aujourd’hui, car c’est en effet une véritable discipline médicale, avec toute l’exigence que cela suppose. Avec cette ouverture, vous ne pouviez envoyer de plus mauvais signal pour cette discipline et pour l’attractivité de la carrière.

Deuxième exemple : l’hématologue. Lorsque vous avez une maladie du sang, vous consultez un hématologue. Mais est-ce lui qui réalise les ponctions et les biopsies, puis analyse les lames ? Non ! En pratique, vous vous rendez aux urgences, où un hématologue fait la consultation et prescrit quelques examens ; ensuite, la cytoponction et le cytomarquage se font au laboratoire ; enfin, deux spécialistes confrontent leurs analyses.

Demain, avec le texte que vous nous soumettez, l’hématologue en consultation devient chef de service du laboratoire. Dans ce cas, il signe les résultats, mon cher collègue Le Déaut, et signer les résultats suppose une traçabilité, une exigence, un niveau de qualification. Non pas que l’hématologue ne soit pas qualifié, mais cela reviendrait à confier des consultations en hématologie à un non spécialiste. Ce n’est pas possible : à chacun ses compétences !

J’invite chacun à réfléchir sur ce point essentiel. J’espère que nous voterons tous ce texte cet après-midi, car il permet de sortir du vide juridique. Mais il est vraiment dommage que ce texte, qui constitue une avancée considérable, soit ainsi entaché.

M. le président. La parole est à Mme Anne-Yvonne Le Dain.

Mme Anne-Yvonne Le Dain. Le sujet dont nous discutons est à l’évidence difficile et complexe, parce que le métier de biologiste médical et les pratiques qui y sont associées évoluent considérablement, du fait du changement des techniques. Ces dernières sont désormais extrêmement sophistiquées et des spécialistes issus de divers champs disciplinaires aux compétences extrêmement variées se les approprient.

Aujourd’hui, on ne fait pas seulement de la génétique : on fait de la génomique. Les plateaux techniques sont de plus en plus puissants. Dans la plupart des CHU, des unités mixtes de recherche associent des hospitalo-universitaires, des professeurs de science, des chercheurs du CNRS ou de l’INSERM, et ces compétences sont de plus en plus partagées. On sait qu’en pratique, les analyses ne sont pas faites uniquement par les biologistes médicaux : de plus en plus fréquemment, ce sont d’autres praticiens qui les effectuent et les biologistes médicaux ne font que les certifier.

Avec cet amendement, on ouvre une nouvelle voie, on explore un possible.

M. Jean-Sébastien Vialatte. Il faut refaire la loi, dans ce cas !

Mme Anne-Yvonne Le Dain. En particulier, cette voie pourrait par exemple être ouverte, non pas aujourd’hui mais à l’avenir, à des scientifiques ayant passé leur habilitation à diriger des recherches. C’est important car ces champs disciplinaires – la biologie médicale, la génomique, l’hématologie – évoluent rapidement. Il serait regrettable de restreindre l’exercice de cette activité aux seuls titulaires d’un diplôme d’études spécialisées de biologie médicale. Par cette ouverture, on rend lisibles des pratiques réelles.

M. Jean-Sébastien Vialatte. C’est le contraire même de la loi que nous sommes en train d’examiner !

Mme Anne-Yvonne Le Dain. On envoie, dans cet hémicycle, dans cette assemblée, un signal pour donner à cette réalité des pratiques une existence juridique. Je plaide pour que nous allions dans ce sens et pour qu’on cesse de « protéger » une discipline et un diplôme qui ne sont pas en danger.

M. Philippe Vigier. On protège quelques mandarins ! Voilà la réalité !

Mme Anne-Yvonne Le Dain. Nous pouvons les faire évoluer ; c’est la raison pour laquelle il faudrait ouvrir l’exercice de ces fonctions à des scientifiques qui ne seraient ni médecins ni pharmaciens. Cet amendement vise à rendre possible une telle ouverture, qui est importante.

M. le président. La parole est à M. Jean-Sébastien Vialatte.

M. Jean-Sébastien Vialatte. Je voudrais une nouvelle fois rappeler l’historique de cette disposition, qui est venue en discussion x fois devant cette assemblée.

Elle a d’abord été discutée dans le cadre de deux propositions de lois, l’une de notre collègue Olivier Jardé, l’autre de Mme Boyer. À deux reprises, elle a été supprimée par la commission des affaires sociales et dans cet hémicycle.

Ensuite, dans le cadre de l’examen de la présente proposition de loi, elle a été supprimée par le Sénat puis par la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale. Elle est de nouveau présentée aujourd’hui sous la pression, il faut le dire, de quelques praticiens hospitaliers qui défendent leur pré carré.

M. Jean-Louis Touraine et Mme Anne-Yvonne Le Dain. Pas du tout !

M. Jean-Sébastien Vialatte. L’intervention de Mme Le Dain était très intéressante. Elle nous a en effet décrit une nouvelle organisation de la biologie qui est exactement le contraire de ce qui est inscrit dans le présent texte de loi, qui dispose que la biologie est une spécialité médicale à part entière, dont l’exercice doit être pratiqué par des biologistes titulaires de certains diplômes et examens. Puisque vous vous empressez de nous démontrer l’inverse, chère collègue, écrivons un autre texte !

Parce qu’une telle disposition détruirait en partie ce que nous avons écrit précédemment, je suis absolument opposé au rétablissement de l’article 6.

M. Élie Aboud. Bien sûr !

M. Jean-Sébastien Vialatte. Permettez-moi de rebondir également sur les propos tenus par notre collègue Jean-Louis Touraine, selon lequel très peu d’internes en biologie sont aujourd’hui intéressés par la carrière hospitalière et que peu d’entre eux envisagent d’aller à la faculté de sciences ou de faire une thèse de sciences. J’ai une fille qui est interne en biologie et qui souhaite vivement faire une thèse d’université. Elle travaille aujourd’hui à l’hôpital de Marseille, dans un grand service de bactériologie dont le chef de service n’est pas biologiste. Même si elle fait une thèse très brillante, elle n’a aucune chance de faire une carrière dans ce service,...

M. Philippe Vigier. Eh oui ! C’est comme ça que ça se passe !

M. Jean-Sébastien Vialatte. …parce que c’est réservé à quelques praticiens qui ne sont pas titulaires du DES de biologie médicale.

Mme Anne-Yvonne Le Dain. Mais justement, il faut ouvrir le recrutement ! Nous sommes d’accord !

M. le président. La parole est à M. Arnaud Robinet.

M. Arnaud Robinet. Nous en arrivons ici au « délit de sale gueule » des médecins ou pharmaciens qui n’ont pas de DES de biologie médicale. À cet égard, l’intervention de mon collègue – et néanmoins ami – Élie Aboud montre la confusion qui existe aujourd’hui. Il disait qu’on n’avait jamais vu un pharmacologue faire ses astreintes ou ses gardes à l’hôpital.

M. Élie Aboud. Cela dépend des hôpitaux !

M. Arnaud Robinet. Or, à l’hôpital, il y a non pas un mais plusieurs services de biologie médicale : il y a un service de pharmacologie, un service de biochimie, etc. Et le pharmacologue, comme tout autre praticien hospitalier, qu’il soit praticien hospitalier ou hospitalo-universitaire, fait ses astreintes la semaine et le week-end lorsqu’on le lui demande et lorsque c’est son tour.

Par ailleurs, j’ai du mal à saisir pourquoi il est question de l’instauration d’une nouvelle disposition quant au recrutement des hospitalo-universitaires. Un tel recrutement existe depuis le début, depuis la mise en place de ce statut. Rendez-vous dans les services hospitalo-universitaires : vous verrez le nombre de médecins ou de pharmaciens, titulaires ou non du DES de biologie médicale, qui exercent cette discipline. Il y a également quelques scientifiques, très peu. Pour autant, a-t-on remis en cause l’efficience, l’efficacité, le sérieux du travail accompli et la validité des analyses effectuées par ces services de biologie médicale au sein des CHU ? Je ne le crois pas.

L’amendement n° 67 vise simplement à réaffirmer la spécificité de ces laboratoires hospitalo-universitaires et de leurs missions, qui reposent sur l’enseignement, la recherche et la clinique. Nous devons conserver, sauvegarder cette complémentarité qui fait du CHU un établissement public de santé bien spécifique.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marisol Touraine, ministre. Je ferai plusieurs observations.

Tout d’abord, les titulaires d’un DES de biologie médicale sont loin d’être défavorisés dans leur accès à des emplois hospitalo-universitaires. Sur 240 internes de médecine et de pharmacie inscrits dans les DES de biologie médicale chaque année, 70 internes sont nommés à des postes hospitalo-universitaires ; on a donc 25 % d’une promotion qui accède à des postes de PU-PH, une proportion qu’on ne retrouve pas dans d’autres spécialités.

Ensuite, il n’est pas question d’instaurer des passe-droits permettant à certains spécialistes d’exercer une autre spécialité ou un métier qui n’est pas le leur au départ. Il s’agit simplement de reconnaître la diversité des métiers, ce qu’avait fait notre assemblée, contrairement à ce que vous dites, messieurs les députés de l’opposition, lors de l’examen de la proposition de loi de Mme Valérie Boyer et M. Jean-Luc Préel portant réforme de la biologie médicale, en janvier 2012. L’article 5 de ce texte comportait des dispositions identiques à celles qui vous sont proposées ce soir par voie d’amendement. Il est donc faux d’affirmer que de telles dispositions ont été chaque fois refusées.

J’ajouterai deux autres remarques.

Premièrement, cela a déjà été évoqué, la permanence des soins s’applique aussi à ces professionnels-là. Dans les CHU, une commission est chargée d’organiser la permanence des soins, qui s’effectue en général selon plusieurs étages, certains pour les biologistes généralistes et d’autres pour les biologistes plus spécialisés.

Deuxièmement, l’évolution de notre système de santé – non seulement au sein de l’hôpital mais aussi dans l’ensemble du monde médical – nous porte aujourd’hui à penser en termes de décloisonnement et de lien entre les professionnels, à réfléchir à la manière dont certains professionnels pourraient effectuer des tâches qui initialement ne pouvaient être réalisées que par d’autres professionnels aux niveaux de qualification très différents – médecins, infirmières, kinésithérapeutes. Au moment où nous réfléchissons à cette approche, je trouve un peu étonnant que, s’agissant des biologistes, on s’engage dans une démarche strictement opposée qui consisterait à ériger des murs infranchissables au nom de la formation initiale.

M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix les amendements identiques nos 6 et 45.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 38

Nombre de suffrages exprimés 36

Majorité absolue 19

(Les amendements identiques nos 6 et 45 sont adoptés et l’article 6 est rétabli. L’amendement n° 67 tombe.)

Article 7

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 12 et 60.

La parole est à M. Philippe Vigier, pour soutenir l’amendement n° 60.

M. Philippe Vigier. Je voudrais rappeler que l’article L. 6213-2 du code de la santé publique tel que modifié par l’ordonnance du 13 janvier 2010 relative à la biologie médicale fixe clairement les conditions d’exercice de la biologie médicale. Ses dispositions prévoient qu’à compter de la date de publication de l’ordonnance, « une personne qui remplit les conditions d’exercice de la biologie médicale dans un laboratoire d’analyses de biologie médicale, ou une personne qui a exercé la biologie médicale dans les établissements publics de santé soit à temps plein, soit à temps partiel pendant une durée équivalente à deux ans à temps plein au cours des dix dernières années » peut exercer les fonctions de biologiste médical.

Cet article prévoit toutefois que « lorsque cette personne n’a exercé la biologie médicale que dans un domaine de spécialisation déterminé, elle ne peut exercer la fonction de biologiste médical que dans ce domaine de spécialisation ». Tel était l’esprit de l’ordonnance.

Or, madame la rapporteure, la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale a modifié l’équilibre de ce dispositif en prévoyant que ces dispositions s’appliqueraient non plus à compter de la date de publication de l’ordonnance mais à partir de la date d’entrée en vigueur de la présente proposition de loi.

Cette possibilité qui était donnée aux personnes ayant exercé la biologie médicale dans les établissements de santé d’intérêt collectif ou dans un établissement de transfusion sanguine, sous réserve d’avoir exercé pendant deux ans, est ainsi étendue. Puisque trois ans se sont écoulés depuis 2010 et que la date de référence est celle de l’entrée en vigueur de la proposition de loi, la période de validité du statut dérogatoire passe de deux années à cinq années, ce qui modifie complètement l’équilibre de départ.

Les règles sont donc transformées en cours de jeu, madame la ministre, et entrent désormais en contradiction avec l’objectif de renforcement de la médicalisation de la profession de biologiste médical, un sujet qui est au cœur de nos débats cet après-midi.

Par conséquent, cet amendement vise à rétablir la rédaction initiale de l’article 7, afin que ces distorsions de concurrence n’interviennent plus et que les conditions d’exercice de la biologie médicale soient dans l’esprit et la lettre de l’ordonnance Ballereau.

M. le président. La parole est à M. Jean-Sébastien Vialatte, pour soutenir l’amendement n° 12.

M. Jean-Sébastien Vialatte. Il est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements identiques ?

Mme Ségolène Neuville, rapporteure. On ne peut, sous prétexte qu’une nouvelle loi entre en vigueur, interdire du jour au lendemain aux personnes qui exerçaient la biologie médicale avant la promulgation de l’ordonnance d’exercer leur profession. Avec les alinéas 9 et 10 de cet article 7, il ne s’agit en aucun cas d’établir une dérogation pérenne. Il s’agit seulement de régler la situation d’un très petit nombre de personnes. C’est pourquoi la commission a émis un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Même avis, pour les mêmes raisons.

Nous nous retrouvons dans une situation que nous connaissons bien : lorsque la loi évolue, il arrive que des catégories limitées de personnes pâtissent du passage d’une disposition législative à une autre. Il s’agit de faire en sorte que les hommes et les femmes qui exercent aujourd’hui le métier de biologiste médical ne soient pas marginalisés du fait du vote de cette proposition de loi, qui, par ailleurs, ne cherche absolument pas à dévaluer quelque compétence que ce soit ni à inscrire une telle dérogation de façon pérenne.

M. le président. La parole est à M. Philippe Vigier.

M. Philippe Vigier. J’entends bien ce qu’a dit la ministre, mais ces personnes-là pouvaient aussi passer des concours à un moment ou à un autre, sachant ce que serait l’évolution de la loi. Ce qui me gêne, c’est qu’elles savaient parfaitement qu’on était dans une phase transitoire et que la proposition de loi était en préparation. Il n’était pas question de les laisser ensuite sur un chemin sans avenir. Avec cette disposition, vous introduirez une distorsion de concurrence par rapport aux jeunes qui n’avaient pas le DES de biologie médicale mais qui exerçaient en tant que biologiste médical depuis quelques années dans ces structures.

(Les amendements identiques nos 12 et 60 ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à M. Arnaud Robinet, pour soutenir l’amendement n° 44.

M. Arnaud Robinet. Cet amendement tend à permettre aux personnes postulant au statut de biologiste médical et ayant commencé à exercer la biologie médicale entre le 13 janvier 2008 et le 13 janvier 2010 de valider leurs deux années d’exercice, ainsi que le prévoit l’ordonnance du 13 janvier 2010.

(L’amendement n° 44, accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Vigier, pour soutenir l’amendement n° 61.

M. Philippe Vigier. Il s’agit d’un amendement de cohérence.

(L’amendement n° 61, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements rédactionnels, nos 23 et 24, présentés par la rapporteure.

(Les amendements nos 23 et 24, acceptés par le Gouvernement, sont successivement adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 62, de M. Philippe Vigier. Il s’agit d’un amendement de cohérence.

(L’amendement n° 62, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de onze amendements rédactionnels, nos 25, 26, 27, 28, 29, 30, 31, 47 rectifié, 32, 33 et 34, présentés par la rapporteure.

(Les amendements nos 25, 26, 27, 28, 29, 30, 31, 47 rectifié, 32, 33 et 34, acceptés par le Gouvernement, sont successivement adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 13 et 68.

La parole est à M. Jean-Sébastien Vialatte, pour défendre l’amendement n° 13.

M. Jean-Sébastien Vialatte. Il s’agit de remplacer, à l’alinéa 75, le taux d’accréditation requis de 100 % par le taux de 90 %.

Je propose de donner ainsi un peu de souplesse à un dispositif qui est extrêmement contraignant, sans que cela ne soit justifié par des impératifs de santé publique. Il faut pouvoir tenir compte de l’évolution des techniques et des procédures. Si le taux était maintenu à 100 %, il serait de toute façon nécessaire d’accorder des dérogations.

Comme nous l’avons déjà expliqué, un certain nombre d’examens identiques à ceux pratiqués dans les laboratoires de biologie médicale mais réalisés hors de ceux-ci, notamment ceux réalisés par les anatomo-pathologistes, ne nécessiteraient pas d’accréditation. Cela montre que ce taux de 100 % est inutile, contraignant, et qu’il peut être remplacé par un taux de 90 % sans aucun préjudice pour la santé publique, ce qui apporterait un peu de souplesse.

M. le président. M. Robinet m’indique que l’amendement n° 68 est défendu.

Quel est l’avis de la commission sur ces amendements identiques ?

Mme Ségolène Neuville, rapporteure. Je m’étonne que vous reveniez à nouveau sur l’accréditation à 100 %.

Le débat doit être recentré sur le patient. Comment imaginer qu’une catégorie d’examens, dans une proportion de 5, 10, 20 ou 25 %, pourrait ne pas être accréditée ? Vous-même, si vous deviez subir un examen, souhaiteriez-vous qu’il ne soit pas accrédité ?

En commission, j’ai été très étonnée lorsque M. Door a déclaré, sur cette question, que les examens pré-opératoires pourraient ne pas être accrédités. Je m’inquiéterais pour la sécurité des patients en pré-opératoire si cela était permis.

Je pense que nous devons maintenir cet objectif de 100 %. Monsieur Vialatte, vous étiez présent lors des auditions, vous avez donc entendu le comité français d’accréditation nous parler des accréditations flexibles. Elles permettent, lorsqu’une famille d’examens est déjà accréditée et qu’un laboratoire souhaite faire de nouveaux examens qu’il ne réalisait pas auparavant mais qui appartiennent à cette famille, d’en obtenir automatiquement l’accréditation.

De plus, si un laboratoire souhaite innover et réaliser des examens qui n’étaient pas faits jusqu’à présent et qui entrent dans un domaine d’innovation en médecine, nous avons instauré une dérogation pour ces examens innovants.

Toutes les conditions me semblent donc réunies pour garantir une sécurité sanitaire satisfaisante aux patients tout en offrant une souplesse suffisante aux laboratoires de biologie.

Enfin, nous avons entendu les difficultés des laboratoires, et c’est pour cette raison que nous avons échelonné le calendrier afin que cet objectif de 100 % soit repoussé à 2020. Les laboratoires auront donc sept ans, sachant qu’ils étaient informés de cette obligation d’accréditation depuis l’ordonnance de 2010. Il se sera donc écoulé dix ans entre l’ordonnance annonçant l’obligation d’accréditation et la mise en œuvre de cet objectif de 100 %. Ce délai semble tout à fait raisonnable.

Pour l’ensemble de ces raisons, la commission a émis un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. L’analyse de la rapporteure sur cet amendement est excellente, et l’avis du Gouvernement est également défavorable.

L’accréditation est au cœur de cette proposition de loi. Elle a pour objectif de prouver la qualité, c’est-à-dire d’établir un label de qualité prouvée pour les actes réalisés. Que signifierait, notamment en cas d’accident, le fait d’accepter que 10 % des actes ne soient pas d’une qualité prouvée ? Cela reviendrait à reconnaître qu’une partie des actes ne serait pas de même qualité, parce qu’ils ne seraient pas accrédités.

C’est effectivement une démarche assez étrange, comme l’a dit la rapporteure. Ajoutons qu’en cas d’accident, les questions de responsabilité seraient assez difficiles à trancher. Enfin, il a été prévu un délai plus long pour obtenir l’accréditation, puisqu’elle ne doit être réalisée qu’à l’horizon 2020, et non en 2016 comme initialement prévu. Cela laisse le temps à chacun de se préparer.

M. le président. La parole est à M. Jean-Sébastien Vialatte.

M. Jean-Sébastien Vialatte. Puisque la rapporteure fait référence à l’audition du comité français d’accréditation, ce dernier nous y a expliqué que, d’une part, cette accréditation à 100 % était inutile et que, d’autre part, nous serions le seul pays du monde à l’exiger des laboratoires de biologie médicale.

L’accréditation, c’est un état d’esprit, c’est une démarche qui concerne la totalité du laboratoire. On ne peut pas imaginer qu’un laboratoire qui serait accrédité à 90 ou 95 % s’amuserait à faire 5 % de ses actes n’importe comment. Le laboratoire qui aura fait la démarche d’être accrédité à 90 % fera en sorte que la totalité des examens qu’il va réaliser soit de bonne qualité, comme cela se fait déjà aujourd’hui sans accréditation.

L’accréditation à portée flexible existe bien, mais lorsque de nouvelles méthodes sont introduites pour réaliser avec des techniques différentes des examens qui entrent déjà dans la pratique courante, il faut un peu de temps pour les accréditer. L’un des critères du COFRAC pour accorder l’accréditation est la justesse. Cette justesse consiste à se confronter aux autres laboratoires qui font les mêmes examens dans d’autres régions, sur une série de contrôles réalisés sur plusieurs mois. Il n’est donc pas possible d’accréditer une technique du jour au lendemain, il faut être confronté à ses pairs pendant au moins dix mois et avoir dix confrontations d’un examen pour réaliser le test de justesse et obtenir l’accréditation. Ce que nous proposons, c’est simplement d’accorder un peu de temps et de souplesse.

M. le président. La parole est à M. Gérard Sebaoun.

M. Gérard Sebaoun. Je suis favorable à l’objectif d’une accréditation à 100 % dans un délai de sept ans, mais je voudrais revenir à la question que j’ai soulevée lors de la discussion générale, portant non pas sur le coût de l’accréditation, mais sur les conséquences qu’elle peut avoir sur les laboratoires.

Des chiffres exorbitants circulent, faisant état de centaines de milliers d’euros, et je voulais avoir l’avis de la rapporteure et du Gouvernement sur cette question. Notre collègue Vialatte, qui connaît bien le sujet, avait déclaré en commission que ces chiffres semblaient excessifs. Existe-t-il une étude d’impact financier ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marisol Touraine, ministre. Monsieur Sebaoun, vous avez fait état de montants assez élevés. La difficulté, c’est que ces montants sont proportionnels aux chiffres d’affaires. Plus le chiffre d’affaires est élevé, plus les sommes engagées pour l’accréditation seront élevées en valeur absolue, mais leur valeur relative a tendance à décroître.

Concrètement, le coût de l’accréditation est estimé entre 0,25 et 0,5 % du chiffre d’affaires d’un laboratoire de biologie médicale, privé ou public.

Ce n’est pas insignifiant. Le coût sera plutôt de 0,5 % au début, pour progressivement se réduire jusqu’à 0,25 % Ces sommes ne sont pas négligeables, et c’est une des raisons pour lesquelles nous prévoyons un délai d’adaptation, étant entendu que l’objectif d’une qualité certifiée pour tous doit être atteint.

M. le président. La parole est à M. Philippe Vigier.

M. Philippe Vigier. Madame la ministre, vous savez que je suis favorable à une certification à 100 %, en laissant un peu de souplesse pour les examens innovants.

Pour répondre à notre collègue sur les coûts, les chiffres qui ont été avancés ne correspondent pas à la réalité. Mais derrière ces coûts, il y a une démarche, un travail considérable et une révolution générale pour les laboratoires de biologie médicale.

Il va falloir réfléchir très sérieusement au niveau de complexité administrative dans le cadre des dossiers d’accréditation. Madame la ministre, j’attire votre attention sur ce point, car nous souhaitons libérer les énergies dans ce pays, en médecine comme dans d’autres disciplines, mais nous avons atteint un niveau de complexité qui a rarement été égalé. Trop d’administration tue l’administration, et nous nous écartons bien souvent, au cours du processus d’accréditation, de l’objectif final qui est de faire que les techniques soient les plus randomisées possible, les plus fiables possible, avec les technologies les plus évidentes possible.

Notre collègue Vialatte a raison sur la question des examens innovants. Il faut faire des contrôles interlaboratoires, voir comment cela se passe dans les autres pays de l’Union européenne, parce que pour les mêmes diagnostics, il peut parfois exister deux ou trois technologies différentes. C’est la confrontation de tout cela qui fait que l’on arrive à la justesse, au point idéal.

Cet objectif de 100 % est juste, et le coût n’est pas celui qui a été annoncé, bien qu’il soit loin d’être anodin. Il faudra recourir à des compétences nouvelles, insuffisantes actuellement. Et il faudra tenir compte de la surcharge administrative, loin de la biologie médicale et de la médicalisation de cette profession.

M. le président. La parole est à M. Jean-Sébastien Vialatte.

M. Jean-Sébastien Vialatte. Effectivement, l’accréditation a un coût : celui du comité français d’accréditation, celui des conseils que l’on doit aller chercher à l’extérieur puisqu’il faut faire appel à des sociétés de conseil, celui des audits qu’il faut commander, celui de la multiplication des contrôles.

Les chiffres annoncés sont certainement très exagérés et certains d’entre eux doivent prendre en compte le renouvellement du matériel que, de toute façon, n’importe quel biologiste digne de ce nom réalise dans son laboratoire. Si l’on ajoute tout cela, évidemment, le coût peut sembler très élevé.

Mais le processus d’accréditation peut aussi avoir un certain avantage en mettant en place des procédés qui permettent des économies d’échelle et l’introduction de dispositifs plus efficaces. Il faut donc faire la balance entre les coûts réels et les avantages procurés par cette accréditation.

(Les amendements identiques nos 13 et 68 ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à M. Arnaud Robinet, pour soutenir l’amendement n° 69.

M. Arnaud Robinet. Il est défendu.

(L’amendement n° 69, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 46 a été défendu par M. Vialatte.

(L’amendement n° 46, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Vigier, pour soutenir l’amendement n° 63.

M. Philippe Vigier. La rapporteure sera satisfaite de constater que mon amendement va dans le sens des travaux de la commission. Il propose cependant une rédaction un tout petit peu différente. L’accréditation à 100 % s’imposera en 2020, mais il faut laisser un certain délai pour les examens innovants.

Surtout, il ne faut pas faire référence aux problèmes de remboursement ou de nomenclature. Certains examens sont devenus hors nomenclature, et pourtant ils sont indispensables, soit pour le suivi thérapeutique, soit pour le diagnostic. Mais étant hors nomenclature, ils ne sont pas remboursés, ce qui constitue une rupture d’égalité devant les soins.

(L’amendement n° 63, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement rédactionnel n° 35 de Mme Neuville. La commission y est favorable.

(L’amendement n° 35, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement de cohérence n° 43 de Mme Neuville. La commission y est favorable.

(L’amendement n° 43, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement rédactionnel n° 36 de Mme Neuville. La commission y est favorable.

(L’amendement n° 36, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Lamblin, pour soutenir l’amendement n° 2.

M. Jacques Lamblin. One world, one health. Je sais que mon anglais n’est pas très bon, madame la ministre, mais mon français l’est encore moins. (Sourires.) Vous me pardonnerez donc d’utiliser l’idiome de la perfide Albion dans le temple de la République. Cette formule, « un seul monde, une seule santé », ce n’est pas moi qui l’ai inventée. Elle est utilisée aussi bien par l’OMS que par l’Office international des épizooties, l’OIE.

Le distinguo entre biologie et médecine humaines et biologie et médecine animales est de plus en plus difficile à défendre. Vous évoquiez tout à l’heure la nécessité de décloisonner. Cela s’impose ici. Les deux plus grands drames sanitaires que nous avons connus ces vingt dernières années en Europe, la grippe aviaire et la crise de la vache folle, ont été provoqués par un virus passé de l’animal à l’homme. Par ailleurs, des maladies que nous pensions éradiquées réapparaissent, comme la tuberculose ou la trichinose : ces maladies essentiellement animales redeviennent humaines.

Cet amendement vise à redonner aux vétérinaires la possibilité d’acquérir une formation en biologie médicale. Il n’est pas question qu’ils exercent dans un laboratoire de biologie médicale comme ils pouvaient le faire auparavant, mais simplement qu’ils soient en mesure d’acquérir une formation qui peut leur être utile, soit dans l’exercice de leur profession sur le terrain, soit dans la formation de leurs futurs confrères.

Je ne vous demande rien de plus que de rétablir une passerelle, ce qui serait sans conséquence pour la profession de biologiste médical et permettrait de réaliser des économies, à une époque où l’on cherche plutôt des économies que des dépenses nouvelles.

Je fais moi aussi mon coming out : comme vous l’avez certainement deviné, j’ai été vétérinaire. Je partage ce privilège avec une consœur de la majorité, Geneviève Gaillard. Si vous n’adoptez pas cet amendement pour moi, faites-le pour elle ! (Sourires.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Ségolène Neuville, rapporteure. Vous expliquez que les vétérinaires souhaitent bénéficier de cette formation d’excellence qu’est le DES de biologie médicale, sans vouloir exercer la biologie médicale par la suite.

Il faut que chacun ici sache ce que recouvre une telle formation : suivre le DES signifie que l’on est interne à l’hôpital public et que l’on pratique les examens dans les laboratoires des établissements de santé. La prise en charge des patients revenant souvent aux internes, qui effectuent aussi la majeure partie des gardes, je ne pense pas qu’il soit possible de confier à des vétérinaires, qui n’ont jamais fait de médecine ou de pharmacie, les examens des personnes hospitalisées. Souhaiteriez-vous, si vous étiez admis en cardiologie ou en réanimation pour un infarctus, que vos prélèvements sanguins soient traités par un vétérinaire au laboratoire ? Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Si un vétérinaire était admis à s’inscrire en vue de la préparation du DES de biologie médicale, il sauterait le deuxième cycle des études médicales, ce qui constituerait une accélération très rapide du cursus !

Avant 2010, cette passerelle existait. Il est donc intéressant de se demander si elle a suscité beaucoup d’intérêt chez les vétérinaires. Or, comme vous semblez le savoir, monsieur le député, vos confrères ont manifesté très peu d’appétence pour cette formation, puisqu’ils ont été moins de cinq par an, entre 1975 et 2010, à accéder au DES de biologie médicale. Avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Élie Aboud.

M. Élie Aboud. Madame la rapporteure, j’ai trouvé votre réponse brillante. Mais le compte rendu montrera que vous venez de dire exactement le contraire de tous les arguments que vous avez développés pour justifier le rétablissement de l’article 6. Vous avez un art extraordinaire !

M. le président. La parole est à M. Jacques Lamblin.

M. Jacques Lamblin. Comme l’a rappelé Mme la ministre, cette passerelle existait avant l’ordonnance de 2010. Et les choses se sont bien passées. Je l’ai dit moi-même : fort peu de professionnels choisissent de suivre cette formation car elle n’intéresse que les personnes qui souhaitent faire carrière dans l’enseignement universitaire ou dans les écoles de formation. Cet amendement leur permettrait d’acquérir les meilleures connaissances possibles.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Déaut.

M. Jean-Yves Le Déaut. Monsieur Aboud, la rapporteure n’a pas dit le contraire de ce qu’elle avait développé à propos de l’article 6. Ce que nous avons voulu, avec le rétablissement de l’article 6, c’est que des personnes de formation différente puissent continuer à travailler ensemble. Car nous mourons, en France, d’un système où les disciplines sont cloisonnées.

Pour autant, ouvrir ces disciplines ne signifie pas que nous devions autoriser des vétérinaires à prendre en charge des patients dans le cadre d’une garde qu’ils seraient contraints d’assumer au même titre que les autres étudiants de DES.

Nous devons permettre à des équipes de travailler ensemble. En mettant les gens dans des cases sans organiser de passerelles, on arrive à un gâchis comme celui de la première année commune des études de santé, la PACES, un gâchis auquel il nous faudra un jour réfléchir.

M. le président. Nous nous éloignons quelque peu du sujet, cher collègue.

M. Jean-Yves Le Déaut. Non, pas du tout. Il faut que médecins, pharmaciens, vétérinaires, scientifiques, puissent travailler ensemble au service des patients.

M. le président. La parole est à M. Jacques Lamblin

M. Jacques Lamblin. La profession vétérinaire paraît empirique et obscure à quelques-uns ici. Je précise que les étudiants passent par les classes préparatoires et étudient ensuite cinq années. Et l’on trouve parmi les médecins et les pharmaciens énormément de vétérinaires contrariés.

(L’amendement n° 2 n’est pas adopté.)

(L’article 7, amendé, est adopté.)

Article 7 bis

(L’article 7 bis est adopté.)

Article 7 ter

M. le président. La commission a maintenu la suppression de l’article 7 ter.

La parole est à M. Jean-Sébastien Vialatte, pour soutenir l’amendement n° 14 tendant au rétablissement de l’article 7 ter.

M. Jean-Sébastien Vialatte. Il s’agit de rétablir cet article dans la rédaction suivante :

« À l’article L. 6211-9 du même code, les mots : " assure la conformité des examens de biologie médicale réalisés à ces recommandations " sont remplacés par les mots : " les prend en compte pour réaliser les examens de biologie médicale ". ».

En effet, l’article L. 6211-8 permet déjà d’assurer une adaptation de la prescription sans verser dans une norme systématique – ce serait la négation de la médicalisation – et inapplicable.

Cette rédaction permet de prendre en compte les recommandations de la Haute autorité de santé lorsque les éléments médicaux le permettent, sans risque pour le patient.

L’obligation de résultat qui pèse sur le biologiste médical est aussi contraire aux règles usuelles de la responsabilité médicale. Supprimer systématiquement et obligatoirement des examens prescrits représente un risque pour la santé du patient. Recueillir l’avis contraire du prescripteur est, dans les faits, une protection tout à fait illusoire.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Ségolène Neuville, rapporteure. Je suis très étonnée.

M. Jean-Sébastien Vialatte. Vous êtes toujours étonnée !

Mme Ségolène Neuville, rapporteure. Oui, car nous sommes d’accord sur un certain nombre de choses, et, alors que vous ne faites que défendre la qualité des examens et la biologie médicale, vous déposez ensuite des amendements qui vont dans le sens contraire.

M. Jean-Sébastien Vialatte. Pas du tout !

Mme Ségolène Neuville, rapporteure. Bien entendu, les professionnels doivent suivre les recommandations de bonnes pratiques, sauf avis contraire du prescripteur – ce qui n’est pas du tout une protection illusoire.

S’il n’y avait pas obligation de suivre les recommandations de bonnes pratiques, vous rendez-vous compte de ce à quoi cela conduirait ? Pour d’excellents biologistes tels que vous, monsieur Vigier, cela ne poserait pas de problème,…

M. Philippe Vigier. Merci !

Mme Ségolène Neuville, rapporteure. …mais l’on peut imaginer que dans des laboratoires tenus par des groupes financiers, leur intérêt soit d’effectuer le plus d’examens possible, au tarif le plus élevé possible. Si l’on n’oblige pas les biologistes à suivre les recommandations de bonnes pratiques, l’on ouvre la porte à des dérives où l’intérêt financier, plutôt que l’intérêt du patient, commanderait de pratiquer des examens qui, en l’occurrence, seraient plus chers.

Je pense donc que vous avez probablement déposé cet amendement par étourderie. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Même avis. La HAS fait des recommandations de bonnes pratiques. On ne peut pas imaginer que dans un domaine tel que celui-ci, tout à fait décisif pour notre système et pour la qualité des soins, on puisse accepter d’y déroger.

J’ajoute que nous sommes dans une période où nos concitoyens s’interrogent beaucoup sur la manière dont sont appliquées les recommandations de la HAS.

M. Gérard Bapt. Eh oui ! Hélas !

Mme Marisol Touraine, ministre. Ils se demandent si la HAS en fournit suffisamment, ou suffisamment à temps. Laisser des actes de biologie médicale sortir du champ de la Haute autorité de santé serait un message tout à fait négatif.

Pour toutes ces raisons, l’avis du Gouvernement est défavorable.

M. le président. La parole est à M. Jean-Sébastien Vialatte.

M. Jean-Sébastien Vialatte. Je m’étonne de votre étonnement madame la rapporteure, car j’ai proposé non pas d’ajouter des examens mais de ne pas en supprimer.

Mme Ségolène Neuville, rapporteure. Vous jouez sur les mots !

M. Jean-Sébastien Vialatte. On demande au biologiste médical de supprimer des examens qui ne seraient pas conformes aux recommandations de la Haute autorité de santé et d’engager ainsi sa responsabilité.

Quant à nous dire qu’on peut joindre le prescripteur, tous les biologistes savent bien que, dans la pratique courante, il n’est pas toujours simple de le trouver au moment où l’on en a besoin.

M. Philippe Vigier. Très bien !

(L’amendement n° 14 n’est pas adopté et l’article 7 ter reste supprimé.)

Article 8

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure, pour soutenir l’amendement n° 37.

Mme Ségolène Neuville, rapporteure. C’est un amendement rédactionnel.

(L’amendement n° 37, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure, pour soutenir l’amendement n° 38.

Mme Ségolène Neuville, rapporteure. Rédactionnel.

(L’amendement n° 38, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. L’amendement n° 39 de Mme la rapporteure est encore un amendement rédactionnel.

(L’amendement n° 39, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Sébastien Vialatte, pour soutenir l’amendement n° 15.

M. Jean-Sébastien Vialatte. C’est un amendement rédactionnel qui permet de ne viser que les acquéreurs potentiels autorisés par la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 précitée à investir dans des laboratoires de biologie médicale

(L’amendement n° 15, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Sébastien Vialatte, pour soutenir l’amendement n° 16.

M. Jean-Sébastien Vialatte. C’est une disposition qui vient compléter le dispositif légal et poursuit l’objectif de l’article 8 en encadrant les sociétés exploitant des laboratoires de biologie médicale et en imposant une transparence sur les conventions extrastaturaires.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Ségolène Neuville, rapporteure. Nous avons eu cette discussion en commission, et nous avons adopté un amendement qui améliore déjà la transparence. Je comprends donc bien votre intention, cher collègue.

Néanmoins, il n’y a aucune raison que les ordres se fassent communiquer les clauses extrastatutaires. La rédaction que vous proposez pose donc problème et la commission y est défavorable.

(L’amendement n° 16, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Sébastien Vialatte, pour soutenir l’amendement n° 17.

M. Jean-Sébastien Vialatte. Cet amendement vise à faire disparaître le statut d’associé quasi fictif ou ultra-minoritaire dans les laboratoires de biologie médicale.

La législation sur les sociétés d’exercice libéral de biologistes est détournée par certains investisseurs qui ne proposent qu’une part infime des parts sociales, le plus souvent une seule, aux nouveaux entrants ou qui, par des dispositions, souvent extrastatutaires, les dépossèdent contractuellement du contrôle effectif des parts sociales ou actions qu’ils ont acquises.

Ainsi, à titre d’illustration, sur simple notification des investisseurs financiers, le biologiste doit céder ses parts ou actions à l’acheteur désigné par ces derniers. C’est ce qu’on appelle la clause d’entraînement ou de drag along.

Dans les faits, ce sont donc souvent les investisseurs financiers qui contrôlent la part des biologistes dans le capital et, plus généralement, l’intégralité du capital des laboratoires dans lesquels ils ont investi.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Ségolène Neuville, rapporteure. L’article 8 nous semble suffisamment protecteur dans l’état actuel. En revanche, la rédaction que vous proposez nous semble risquée. La commission est donc défavorable à votre amendement.

(L’amendement n° 17, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Sébastien Vialatte, pour soutenir l’amendement n° 18.

M. Jean-Sébastien Vialatte. Il est défendu.

(L’amendement n° 18, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

(L’article 8, amendé, est adopté.)

Article 9

M. le président. L’amendement n° 40 de Mme la rapporteure est un amendement rédactionnel.

(L’amendement n° 40, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Vigier, pour soutenir l’amendement n° 64.

M. Philippe Vigier. C’est un amendement d’une grande portée, qui prévoit que le laboratoire de biologie médicale d’un établissement de santé publique est unique.

C’est à nos yeux une nécessité de sécurité sanitaire. Chaque biologiste médical a accès à l’ensemble du dossier biologique. L’unicité de la procédure d’assurance qualité est un élément de simplification et de sécurité. Elle diminue tous les risques dus à la duplication des procédures d’identification. Si le laboratoire est découpé en tranches, il y aura à chaque fois une identification et donc un risque.

C’est également un facteur d’économie car, s’il y a sous-traitance, la nomenclature prévoit un forfait administratif.

Une telle disposition ne figurait pas dans l’ordonnance de 2010. C’était un oubli que cet amendement a pour but de combler pour améliorer la traçabilité et la prise en charge par un laboratoire unique des examens confiés par les patients.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Ségolène Neuville, rapporteure. La rédaction actuelle de l’article L. 6222-4 est déjà suffisamment précise puisqu’elle prévoit qu’un établissement de santé ne peut compter en son sein qu’un laboratoire de biologie médicale. La commission a repoussé cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Défavorable, pour deux raisons.

Même s’il n’y a qu’un établissement, il peut y avoir plusieurs sites et il n’y a pas de raison de limiter une telle implantation, comme nous l’avons d’ailleurs vu lors de la discussion.

Par ailleurs, il n’y a aucune raison d’établir une différence entre les établissements privés et les établissements publics, ce à quoi aboutirait votre amendement. Puisqu’il concerne les établissements publics, cela signifierait a contrario que les structures privées pourraient avoir de multiples établissements alors que, pour les structures publiques, la rédaction adoptée par la commission prévoit une autorisation de l’Agence régionale de santé.

M. le président. La parole est à M. Philippe Vigier.

M. Philippe Vigier. Pardonnez-moi de vous contredire, madame la ministre. Actuellement, une société d’exercice libéral peut avoir cinq laboratoires. Lorsqu’elle fait sa procédure d’accréditation, le dossier déposé au COFRAC est un dossier unique avec plusieurs sites.

Ce n’est donc pas du tout un problème de distorsion de concurrence entre le public et le privé. Cet amendement, c’est d’abord simplement, comme je vous l’ai expliqué, un gage d’économie, ce que vous passez sous silence, et nous en prenons acte. Ensuite, c’est une question de sécurité car, en découpant un dossier en tranches, avec, à chaque fois, une identification administrative, vous multipliez les risques. C’est simplement ce sur quoi je voulais insister.

Il aurait donc été bien de rappeler que c’est un laboratoire unique. Les ARS le considèrent d’ailleurs ainsi dans le suivi d’accréditation. Ce que vous me dites est donc intéressant, cela permettra de répondre aux ARS.

(L’amendement n° 64 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Arnaud Robinet, pour soutenir l’amendement n° 70.

M. Arnaud Robinet. La région Île-de-France présente la particularité d’avoir une très forte densité urbaine, une forte densité de l’offre et une population très mobile dans une zone géographique restreinte.

Les deux grands projets, le « Grand Paris » et le schéma directeur de la région Île-de-France, ont des objectifs majeurs d’aménagement dans de multiples domaines, dont l’activité économique et l’organisation des transports, éléments déterminants dans la construction de la réponse aux besoins de santé.

L’organisation future du Grand Paris et du schéma régional d’urbanisme tendant à favoriser la rupture d’une évolution concentrique de la région, cela devrait optimiser et rééquilibrer l’offre de soins entre le centre et la périphérie.

La biologie médicale a une grande composante technique et la limitation à trois territoires de santé sur la région Île-de-France rend difficile une mutualisation efficiente, surtout du fait de l’encerclement de la ville de Paris par les départements de la petite couronne.

L’ordonnance de janvier 2010, à l’article 7 du chapitre III – dispositions transitoires et finales –, avait élargi les critères de territorialité à la région Île-de-France.

Cette disposition transitoire serait rendue pérenne afin de présenter un potentiel plus fort pour la construction d’une politique de santé en biologie médicale adaptée aux enjeux et caractéristiques de l’Île-de-France.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Ségolène Neuville, rapporteure. Il paraît difficile d’entériner une différence pour la région Île-de-France, une dérogation en quelque sorte. Ce serait créer des inégalités de fait sur l’ensemble du territoire de la République.

On voit bien, en plus, qui cela pourrait avantager. Si l’on a le droit d’installer autant de sites que l’on veut en région parisienne, on voit bien que ce sont de grands laboratoires de grands groupes financiers qui vont installer un laboratoire à Paris avec des sites dispersés partout en Île-de-France, parce que ce sera une opération extrêmement rentable pour eux.

M. Arnaud Robinet. J’entends bien.

Mme Ségolène Neuville, rapporteure. Eh bien alors, je vous encourage à retirer votre amendement. En tout cas, la commission y est défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Si M. Robinet ne retire pas son amendement, ce qu’il est presque sur le point de faire (Sourires), je lui donnerai un avis défavorable.

Le directeur général de l’Agence régionale de santé a déjà la possibilité d’accorder des dérogations. Rien ne justifie donc un régime dérogatoire général, alors même que des dérogations particulières pourront être accordées en fonction du schéma régional d’organisation de l’offre de soins.

M. le président. La parole est à M. Philippe Vigier.

M. Philippe Vigier. Je suis heureux de la sagesse de la ministre et de la rapporteure.

Il y a huit régions limitrophes de l’Île-de-France, ce qui représenterait en tout 60 % de la biologie française. On aurait ainsi un grand système dérogatoire. Heureusement, la ministre a rappelé que l’ARS avait, le cas échéant, la possibilité d’accorder une dérogation.

Il ne faut vraiment pas aller sur cette voie. Les grands laboratoires seront un peu déçus. Le statut d’associé ultra-minoritaire a malheureusement été écarté tout à l’heure d’un revers de main alors que des biologistes avec une part en sont réduits quelque part à être des exécutants au quotidien.

M. le président. La parole est à M. Arnaud Robinet.

M. Arnaud Robinet. Les arguments de Philippe Vigier et, bien sûr, ceux de la ministre et de la rapporteure m’ont convaincu. Je retire l’amendement. (Applaudissements sur de nombreux bancs.)

(L’amendement n° 70 est retiré.)

(L’article 9, amendé, est adopté.)

Article 10

M. le président. L’amendement n° 42 rectifié de la rapporteure tend à corriger une erreur matérielle.

(L’amendement n° 42 rectifié, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. L’amendement n° 41 de la rapporteure est rédactionnel.

(L’amendement n° 41, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

(L’article 10, amendé, est adopté.)

Article 10 bis

M. le président. La commission a supprimé l’article 10 bis.

La parole est à M. Philippe Vigier, pour soutenir l’amendement n° 65, tendant à rétablir cet article.

M. Philippe Vigier. Nous avons beaucoup parlé de l’accréditation du COFRAC. J’ai expliqué tout à l’heure que les tarifs annoncés par le Syndicat national des médecins biologistes n’étaient pas en phase avec la réalité. Cet amendement vise simplement à réglementer les tarifs pratiqués par le COFRAC, ce qui me paraît important.

En amont ou en aval du COFRAC, interviennent dans le cadre des procédures d’accréditation un certain nombre de sociétés dont les tarifications, que l’on a vu évoluer ces dernières années, et en particulier ces derniers mois, sont pour le moins inquiétantes.

Il serait donc bien, d’une part, que soient réglementés les tarifs pratiqués par le COFRAC et, d’autre part, que l’on se penche très sérieusement sur ces sociétés qui accompagnent l’accréditation dans les laboratoires de biologie médicale, qui ne font l’objet d’aucun encadrement, ce qui entraîne une envolée des tarifications.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Ségolène Neuville, rapporteure. Le COFRAC est un organisme indépendant, pourvu d’un conseil d’administration. Dans toutes les structures ayant un conseil d’administration, c’est lui qui décide, et c’est donc ce conseil d’administration qui décide des tarifs.

Néanmoins, nous sommes tous conscients des dérives potentielles. C’est la raison pour laquelle nous soutenons totalement la proposition du rapporteur du Sénat, Jacky Le Menn, de demander un rapport de la Cour des comptes sur le COFRAC pour permettre à la représentation nationale de se faire une idée extrêmement précise à la fois de son travail et de ses tarifs.

La commission est défavorable à l’amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Même avis. Les tarifs pratiqués par le COFRAC sont fixés annuellement à prix coûtant sur la base des dépenses inscrites à son budget. C’est son conseil d’administration qui est chargé de fixer ces tarifs et de les vérifier ; les pouvoirs publics y siègent, aussi bien le ministère de la santé que le ministère du redressement productif, qui disposent d’un droit de veto lorsque des propositions leur paraissent contraires à l’intérêt général. Pour autant, il faut des procédures d’évaluation, et j’ai eu l’occasion de dire, au Sénat, que je trouvais légitime le souhait des parlementaires de voir réaliser un audit par la Cour des comptes, ce qui permettra de voir en toute transparence comment évoluent ces tarifs.

M. le président. La parole est à M. Philippe Vigier.

M. Philippe Vigier. Je conçois l’intérêt d’un rapport de la Cour des comptes, mais ces rapports, comme vous le savez, s’ils sont très souvent d’excellente qualité, ne sont pas toujours suivis d’effet. J’ai indiqué que je souhaitais que le COFRAC devienne une vraie structure publique. Comme il a, ainsi que l’a signalé Mme Fraysse, un monopole absolu, nous aurions pu, en attendant le rapport de la Cour des comptes, encadrer ces tarifs, de manière conservatoire, quitte à ce que, par la suite, en fonction du rapport soumis à la représentation nationale, une nouvelle tarification soit envisagée.

M. le président. La parole est à M. Gérard Sebaoun.

M. Gérard Sebaoun. Les rapports du COFRAC se trouvent sur internet et, son budget étant équilibré, il ne fait pas de bénéfices ; la difficulté n’est pas là. En revanche, Philippe Vigier évoque également des intermédiaires qui, selon les informations qu’il possède et qui sont certainement fondées, dérapent et sont extrêmement coûteux. Ce n’est pas tant le COFRAC que les éléments que M. Vigier apporte au débat qui posent question.

(L’amendement n° 65 n’est pas adopté.)

Article 11

M. le président. La parole est à M. Serge Letchimy, premier orateur inscrit à l’article 11.

M. Serge Letchimy. Je défendrai par la même occasion l’amendement n° 48, monsieur le président, pour que nous gagnions du temps.

Afin de compléter ce qu’a dit Mme Louis-Carabin ainsi que mes propres propos, j’insiste sur le fait que l’article 11 est pleinement justifié et je tiens à en remercier de nouveau Mme la ministre. On pourrait évoquer l’article 73 de la Constitution, qui permet à l’Assemblée d’adapter directement un texte de loi aux départements et régions d’outre-mer, ou encore l’article 349 du traité de Lisbonne, mais c’est une question de bon sens. Le texte est fondamental pour la qualité et le suivi des analyses de biologie médicale ; il convient toutefois de tenir compte des problématiques spécifiques à l’outre-mer, telles que les liaisons maritimes ou fluviales. On a parlé tout à l’heure des distances en Guyane. Mme Louis-Carabin a également évoqué le caractère d’archipel de la Guadeloupe. Nous pourrions encore relever la faible densité de laboratoires : à Mayotte, il n’en existe qu’un.

Par ailleurs, les surcoûts présentent un double aspect. Tout d’abord, il y a la distance, avec notamment des problèmes liés à l’évaluation de la métrologie interne. Un laboratoire en outre-mer, pour son équipement, pipettes, sondes et autres, doit, en raison de la distance, prévoir deux fois plus de moyens et constituer des stocks deux fois plus importants qu’un laboratoire situé dans l’Hexagone. De même, pour les audits, il faut prendre les personnes en charge – ainsi, les frais de déplacement des membres du COFRAC sont assumés par les laboratoires –, et les billets d’avion sont beaucoup plus chers. Ces surcoûts entraîneront des concentrations, notamment, ce que nous ne souhaitons pas, dans une logique de financiarisation.

Il y a en outre les surcoûts internes. Quand, pour se rendre à un laboratoire, un habitant de Guadeloupe doit passer d’une île à une autre, cela ne lui prend pas moins d’une journée ; c’est une perte financière d’une journée pour une famille. Je ne parle même pas – Mme Berthelot est ici présente – du déplacement de Maripasoula à Cayenne : c’est encore plus compliqué.

Mon amendement n° 48 est donc de bon sens. Il va, madame la ministre, dans le même sens que votre amendement adopté au Sénat, pour affiner les procédures et éviter ainsi de créer des déserts biologiques et de mettre des familles en difficulté. Car votre texte est un bon texte.

M. le président. La parole est à M. Daniel Gibbes.

M. Daniel Gibbes. Dans le cadre de la procédure accélérée, le Sénat a adopté, le 5 février dernier, en première lecture, avec modifications, la proposition de loi portant réforme de la biologie médicale qui vient cette semaine devant notre assemblée.

La commission des affaires sociales du Sénat a introduit, par un amendement du Gouvernement, un nouvel article à cette proposition de loi, permettant de garantir la permanence et la qualité de l’offre de biologie médicale dans les collectivités d’outre-mer de Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon.

Cet article 11, adopté sans modification par la commission des affaires sociales de l’Assemblée, dispose ainsi qu’un décret en Conseil d’État prévoit pour ces trois collectivités d’outre-mer des modalités spécifiques d’aménagement de la procédure d’accréditation des laboratoires de biologie médicale prévue à l’article L. 6221-1, dans le respect de l’exigence de qualité.

Cet article vise à prendre en considération les particularités, en matière d’organisation, de l’offre de biologie médicale dans ces trois territoires. En effet, l’insularité, voire la double insularité, et l’éloignement de ces collectivités d’outre-mer rendent l’accréditation bien plus complexe que dans l’Hexagone ou que dans d’autres territoires des outre-mer.

Le rythme mais aussi le coût de la procédure d’accréditation proposés par la présente réforme représentent pour les laboratoires de biologie médicale de Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon une charge insurmontable, qui entraverait fortement leur fonctionnement, voire signerait purement et simplement leur disparition.

Le régime dérogatoire proposé par cet article 11 ne relève donc aucunement d’une quelconque volonté pour ces trois collectivités d’outre-mer d’échapper à l’obligation d’accréditation ; il est la seule garantie pour ces territoires particuliers, du maintien de la qualité et de la sécurité des soins qui sont prodigués dans ces territoires.

Nos collègues ultramarins Gabrielle Louis-Carabin et Serge Letchimy proposent d’étendre le régime dérogatoire de l’article 11 à leurs territoires. Je partage leurs inquiétudes parfaitement justifiées pour des îles comme Marie-Galante ou les Saintes, dont la situation est assez similaire. Je suis donc solidaire de leur démarche et favorable à une nouvelle rédaction de l’article.

M. le président. Nous en venons aux amendements à l’article 11.

La parole est à M. Philippe Vigier, pour soutenir l’amendement n° 66 tendant à la suppression de cet article.

M. Philippe Vigier. J’ai entendu le plaidoyer de nos collègues mais je vois mal comment on pourrait mettre en place un régime dérogatoire. Je connais un peu la Guyane : pourquoi serait-il plus difficile de mettre en place l’accréditation en Guyane, avec le maillage de laboratoires d’analyses médicales qui est le sien, que dans la Creuse ou en Corrèze ?

D’autre part, s’agissant de l’accréditation, nous avons été rigides sur les 100 %. Pourquoi, maintenant, une dérogation pour certaines collectivités ? On parle souvent des niches fiscales, des niches sociales ; il existe de nombreux systèmes incitatifs par lesquels nous essayons d’accompagner nos amis d’outre-mer, mais alors que nous voulons lutter contre la financiarisation, je le dis à nos collègues, demain, avec un régime dérogatoire dans les départements et territoires d’outre-mer, les gros laboratoires s’engouffreront dans la brèche et créeront un système qui, partant de leurs territoires, échappera à l’accréditation. On ne peut pas laisser faire ça !

Si vous aviez demandé deux ans de plus, chers collègues, une solution aurait été possible. Mais vous voulez aller beaucoup plus loin : vous demandez que cette accréditation, qualification médicale de la biologie, cet avantage offert aux biologistes, ne s’applique pas à l’ensemble du territoire.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Ségolène Neuville, rapporteure. Cet article a été introduit par le Sénat pour des raisons précises. On comprend bien qu’à Saint-Pierre-et-Miquelon, qui compte environ 3 000 électeurs, soit très peu d’habitants, les conditions ne sont pas les mêmes qu’en métropole.

Je m’interroge sur le contenu de l’exposé sommaire de l’amendement. Vous allez jusqu’à parler, cher collègue, d’évasion fiscale !

M. Philippe Vigier. Oui !

Mme Ségolène Neuville, rapporteure. Pensez-vous vraiment que les laboratoires s’installeront pour des motifs d’évasion fiscale à Saint-Pierre-et-Miquelon, Saint-Martin ou Saint-Barthélemy ? Qu’ils veuillent éventuellement s’y installer pour échapper à l’accréditation, je peux l’entendre, mais je doute que des laboratoires qui font partie de grands groupes financiers choisissent de s’implanter à Saint-Pierre-et-Miquelon, où le nombre d’examens sera forcément réduit, compte tenu du faible nombre d’habitants et donc de patients.

M. Philippe Vigier. Et l’avion ?

Mme Ségolène Neuville, rapporteure. C’est un article issu du Sénat. J’ai tendance à penser que l’autre assemblée est extrêmement sage.

M. Jean-Sébastien Vialatte. Quand ça vous arrange !

Mme Ségolène Neuville, rapporteure. Je suis tout à fait d’accord avec cet article et je donne donc un avis défavorable à votre amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Défavorable, logiquement, car c’est par un amendement du Gouvernement que cet article a été introduit au Sénat. J’ai entendu les préoccupations exprimées par certains sénateurs et il m’a paru souhaitable de tenir compte des caractéristiques de ces territoires, en termes d’activité économique, d’éloignement, d’insularité. À l’évidence, les conditions du passage à l’accréditation devaient être redéfinies par rapport au droit commun. J’ai souhaité qu’il soit tenu compte de cette spécificité, et je ne vois pas de raison de revenir sur l’analyse que j’ai faite alors.

M. le président. La parole est à M. Serge Letchimy.

M. Serge Letchimy. Je ne pense pas que ce soit intentionnel de la part de Philippe Vigier, mais je ne peux que regretter, comme Mme la rapporteure, l’amalgame que l’on fait entre l’outre-mer et l’évasion fiscale. C’est quelque chose de très désobligeant.

Notre collègue Vigier n’a pas très bien saisi la pertinence de nos propos. Mme Louis-Carabin a été très claire sur ce point à la tribune : nous ne nous opposons pas à la mise en place du dispositif, notamment de l’accréditation. Il ne faudrait pas penser que, loin de la République, nous soyons en train de faire des entorses à la déontologie, à l’éthique de la biologie médicale. Que cela soit clair.

Ensuite – vous verrez, cher collègue, que vous retirerez votre amendement après ces arguments –, si nous ne supprimons pas la double peine en matière de surcoût, l’ensemble des laboratoires existants disparaîtront, parce que les multinationales, justement, profiteront de leur affaiblissement pour restructurer et regrouper, sans financiarisation publique, sans défiscalisation, mais avec leurs propres moyens financiers.

C’est exactement à ce type de pillage, sur ce que l’on appelle la « pharmacopée locale », que nous assistons. Il existe en effet des usages particuliers et des richesses locales liés à cette pharmacopée ; son exploitation dépend non seulement de l’intelligence de l’utilisation qui en est faite, mais aussi de la capacité financière investie dans la recherche et la production. Nous devons construire les résiliences qui nous permettront d’organiser nos propres marchés. C’est en ce sens que je considère qu’il existe pour nous une peine supplémentaire : vous allez trouver des solutions, considérées comme optimales, qui pénaliseront toutefois les populations à cause d’un surcoût qui se répercutera sur le fonctionnement des services et partant sur les habitants. C’est pourquoi je demande le rejet de cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Philippe Vigier.

M. Philippe Vigier. Monsieur Letchimy, je vous entends bien, mais le problème du coût existe partout. Lorsque vous habitez dans les Alpes ou le Massif Central, le coût est également important.

M. Serge Letchimy. Vous connaissez le prix d’un billet aller-retour ?

M. Philippe Vigier. Si j’ai parlé des Antilles françaises, c’est que j’imagine que vous connaissez comme moi le régime fiscal de Saint-Barthélemy ; sinon, je me ferai un plaisir de vous exposer son fonctionnement.

M. Serge Letchimy. Ce n’est pas vrai ! Cette stigmatisation est totalement infondée !

M. le président. La parole est à M. Jean-Sébastien Vialatte.

M. Jean-Sébastien Vialatte. Puisque nous évoquons le coût de l’accréditation, je voudrais rétablir une vérité. Le COFRAC s’engage à confier les audits d’accréditation aux personnes qui sont les plus proches du laboratoire à accréditer. Nous pouvons ainsi imaginer que, s’agissant des laboratoires antillais, les accréditeurs soient eux-mêmes des Antilles. Il n’y a pas de raison que l’on se déplace de Paris jusqu’aux Antilles pour accorder une accréditation.

(L’amendement n° 66 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 48 et 49, pouvant être soumis à une discussion commune.

L’amendement n° 48 a déjà été défendu par M. Serge Letchimy.

La parole est à M. Jean-Philippe Nilor, pour soutenir l’amendement n° 49.

M. Jean-Philippe Nilor. Il est vraiment urgent qu’un certain nombre de parlementaires sortent d’une logique systématique de stigmatisation, dès lors qu’il s’agit d’évoquer les spécificités des départements dits d’outre-mer.

M. Philippe Vigier. Pourquoi les stigmatiserait-on ?

M. Jean-Philippe Nilor. Que de caricatures ! Nous ne sommes pas des paradis fiscaux ! Nous sommes confrontés à de vraies difficultés et à des problématiques particulières. La distance et la micro-insularité rendent caduques les comparaisons, dont vous prenez plaisir à nous gaver, avec des régions de France hexagonale.

J’en viens à l’amendement n° 49. Tout en garantissant un même niveau de qualité des examens et conformément aux dispositions prévues aux articles 349 et 355 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, il a pour objectif d’arrêter des mesures spécifiques d’adaptation pour les départements et régions d’outre-mer, en élargissant le champ de l’article 11 et en confiant au Conseil d’État la capacité de prendre des mesures justes, adaptées et évolutives.

Il convient en effet de ne pas oublier, dans le dispositif prévu par cet article, en sus des collectivités d’outre-mer régies par l’article 74 de la Constitution, les spécificités de situations des départements et régions d’outre-mer, qui sont reconnues par l’Union européenne et inscrites formellement dans le traité européen. Or la situation des biologistes dans ces collectivités d’outre-mer est particulière, du fait de l’éloignement lié à l’insularité et des blocages de développement. Ils souffrent notamment de l’exigence d’une accréditation obligatoire par le COFRAC, avec des échéances souvent trop courtes, et un calendrier particulièrement contraint. Tout cela a un coût excessif, qui favorise les grands groupes financiers et surtout fragilise les laboratoires insulaires souvent installés en zones rurales. Les frais engendrés en outre-mer sont, en conséquence, multipliés par deux ou trois par rapport aux coûts moyens en métropole.

M. Jean-Sébastien Vialatte. C’est faux !

M. Jean-Philippe Nilor. D’autre part, le risque d’apparition ou d’aggravation des déserts médicaux est réel. L’accès aux analyses médicales se verrait restreint et les conséquences seraient particulièrement graves dans un contexte déjà très vulnérable.

Enfin, 20 % des quelque 300 emplois du secteur des analyses médicales en Martinique sont déjà menacés par ce dispositif, dans un contexte de chômage qui n’a rien de commun avec celui de la métropole.

M. Jean-Sébastien Vialatte. C’est la même chose en métropole !

Mme Gabrielle Louis-Carabin. Non, ce n’est pas pareil !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Ségolène Neuville, rapporteure. Tout à l’heure, la commission a repoussé ces amendements. Toutefois, à titre personnel, je m’en remets une fois de plus à la sagesse de cet hémicycle.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, nous venons de voir que l’article 11 permet d’aménager selon des modalités spécifiques la procédure d’accréditation pour Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon, compte tenu des caractéristiques que nous avons évoquées, très particulières et très éloignées de celles que l’on trouve dans l’Hexagone.

Faut-il aller plus loin et considérer que l’ensemble des départements d’outre-mer devraient faire l’objet d’une régulation particulière ? Il n’est évidemment pas possible de comparer les trois îles que je viens d’évoquer avec le reste des départements d’outre-mer. Par exemple, il n’existe qu’un laboratoire à Saint-Barthélemy ou à Saint-Pierre-et-Miquelon, quand la Martinique en possède vingt-six. On ne peut donc pas considérer que les mêmes règles dérogatoires doivent s’appliquer à l’ensemble de ces départements.

N’existerait-il alors que le droit commun hexagonal et des dérogations, telles qu’elles s’appliqueront pour les trois îles que j’ai citées, une fois qu’elles auront été déterminées dans le cadre d’un décret en Conseil d’État ? Nous pouvons admettre le raisonnement défendu par certains, selon lequel il y aurait des caractéristiques particulières d’éloignement qui rendent nécessaire de pouvoir décliner de manière plus fine les conditions d’accréditation dans ces départements.

Je m’en remets à la sagesse de votre assemblée pour déterminer si, dans le cadre du décret qui sera pris de toute manière en Conseil d’État pour traiter de la situation des trois territoires évoqués, il faut aussi prévoir des dispositions particulières, et qui seraient différentes, pour les autres départements d’outre-mer.

M. le président. La parole est à Mme Chantal Berthelot.

Mme Chantal Berthelot. Madame la ministre, vous vous en remettez à la sagesse de l’Assemblée et je vous en remercie. Je m’adresse donc à mes collègues : j’appuie les propos des députés qui sont intervenus sur cet amendement. Toutefois, je voudrais revenir sur deux points.

Premièrement, puis-je véritablement comparer Tulle et Guéret à Maripasoula ?

M. Jean-Sébastien Vialatte. À Fort-de-France, vous pouvez.

Mme Chantal Berthelot. Je réponds sur le cas de la Guyane, puisque M. Vigier a dit qu’il connaissait la Guyane. Peut-on comparer la Corrèze et la Creuse à la Guyane ? Prenons un exemple précis : la semaine dernière, dix sinon vingt gariperos sont arrivés au centre de santé de Maripasoula, sujets à des troubles importants. Or il a fallu plus d’une semaine pour que des échantillons prélevés sur place et affrétés par avion militaire arrivent à l’hôpital de Cayenne pour des analyses. Pendant ce temps, la population, privée d’informations, s’est inquiétée et a craint une épidémie. Après une semaine, nous avons appris que ces sujets souffraient d’une gastro-entérite et d’une grippe H1N1.

Est-il besoin, dans la France hexagonale chère à tous nos cœurs, d’attendre une semaine pour analyser un échantillon et faire un diagnostic ?

M. Philippe Vigier. Mais la dérogation ne changera rien !

M. Serge Letchimy. Ce n’est pas une dérogation que nous demandons !

Mme Chantal Berthelot. La question n’est pas celle de la dérogation. Chers collègues, nous n’avons pas demandé une dérogation mais une adaptation des mesures qui seront prises à la réalité de nos territoires. Il y a un seul laboratoire à Saint-Pierre-et-Miquelon, dites-vous, mais il faut tenir compte de la superficie réduite de l’île, quand en Guyane, nous n’avons que cinq laboratoires sur près de 90 000 kilomètres carrés et pour 200 000 habitants. Nous devons prendre en compte la diversité géographique de la République française et adapter ses lois sur l’ensemble du territoire. J’espère, chers collègues, que vous saurez faire preuve de sagesse, et je n’en doute pas.

M. le président. La parole est à M. Jean-Sébastien Vialatte.

M. Jean-Sébastien Vialatte. Vous me voyez extrêmement surpris. Depuis le début, en effet, on nous explique que cette loi est faite pour assurer une qualité identique sur l’ensemble du territoire national ; or on n’arrête pas de faire des dérogations – pour l’EFS, puis pour l’hôpital, et maintenant pour l’outre-mer. Il me semble que les territoires ultra-marins méritent le meilleur…

Mme Marisol Touraine, ministre. Bien sûr !

M. Jean-Sébastien Vialatte. …et qu’il n’existe aucune raison pour que les laboratoires ultra-marins n’aient pas les mêmes qualifications que les laboratoires de métropole. Si nous devons adopter cet amendement, j’en proposerai un pour le Cantal, pour la Creuse, pour la Lozère… Parfois, en effet, depuis le plateau d’Allanche, il faut, pour rejoindre le laboratoire, autant de temps que sur vos îles, lorsqu’un mètre de neige empêche de circuler. Il faut donc adapter la législation à un certain nombre de départements métropolitains.

On peut lire dans l’exposé sommaire de l’amendement n° 48 qu’il y a vingt-six laboratoires en Martinique.

M. Serge Letchimy. Absolument !

M. Jean-Sébastien Vialatte. Et vingt-six laboratoires ne pourraient pas s’organiser ? Voulez-vous me faire croire que le laboratoire de Fort-de-France est un petit laboratoire sans moyens pour s’accréditer ? C’est une vaste plaisanterie !

M. le président. La parole est à M. Serge Letchimy.

M. Serge Letchimy. Cette discussion pourrait durer longtemps ! Par respect pour mes collègues, je serai bref. Nous n’avons jamais demandé à Mme la ministre de ne pas faire partie de la procédure d’accréditation relative à l’acte de biologie médicale. Je voudrais que vous intégriez cela une bonne fois pour toutes ! Ne faites pas croire que nous cherchons un avantage quelconque. Vous avez vous-même relevé, monsieur Vigier, dans une précédente intervention, que l’accréditation est très « complexe ».

M. Philippe Vigier. Oui.

M. Serge Letchimy. Or, si elle est complexe, elle l’est pour tout le monde.

M. Philippe Vigier. Oui.

M. Serge Letchimy. Vous avez ajouté qu’il fallait des systèmes de contrôle, des audits. Nous allons être confrontés à un problème de surcoûts.

M. Philippe Vigier. Non !

M. Serge Letchimy. Vous me dites que non, mais je vous affirme que si. Laissez-moi vous expliquer pourquoi. Ce que vous êtes en train de défendre, c’est la concentration, qui est contraire au principe qui inspire le texte dont nous discutons. Vous prenez l’exemple de Fort-de-France. Cela montre bien que vous ne connaissez pas la Martinique, et encore moins la Guyane, qui nécessite une attention particulière, à cause des problèmes de surcoûts. Aujourd’hui les petits laboratoires ferment. Par exemple, les habitants de Saint-Pierre se verront obligés d’aller à Fort-de-France.

M. Jean-Sébastien Vialatte. Mais chez nous aussi ! Dans le Gard, par exemple.

M. Serge Letchimy. Certainement que chez vous aussi, mais le contexte est différent. Je demande à nos collègues socialistes de bien vouloir nous suivre et, après avoir voté contre l’amendement de suppression, de voter en faveur du nôtre.

Je tiens à préciser que si notre amendement se rapproche de celui qui a été présenté par M. Nilor, nous avons toutefois choisi de ne pas y intégrer La Réunion qui ne le souhaitait d’ailleurs pas, car, du fait de son million d’habitants, elle possède une autre forme d’organisation. Je tenais à préciser ce point à l’attention de M. Nilor.

M. le président. La parole est à M. Philippe Vigier.

M. Philippe Vigier. Une fois encore, j’ai bien entendu M. Letchimy. Cependant, les accréditeurs du COFRAC sont des biologistes qui pourraient, après leur formation, irriguer l’ensemble des territoires, depuis la Guadeloupe et la Martinique. Il y a vingt-six laboratoires en Martinique. Savez-vous combien en compte la Lozère ?

Il y a actuellement des difficultés partout, dans l’Hexagone comme en outre-mer, et la qualité va dorénavant s’élever pour tout le monde. En rester à un minimum de dérogations, mes chers collègues ultramarins, permettra à vos territoires d’avoir accès à une plus grande qualité partout.

Je suis surpris que vous nous reprochiez le surcoût du dispositif de droit commun, car quand j’ai proposé d’encadrer le coût du COFRAC, vous avez voté contre.

M. le président. La parole est à M. Jean-Philippe Nilor.

M. Jean-Philippe Nilor. Un exemple démontre la particularité de la problématique chez nous, dans les départements dits d’outre-mer : je ne crois pas que la comparaison avec la Lozère soit pertinente, parce qu’il n’y a pas dans ce département les embouteillages et les autres difficultés de transport qui existent en Martinique.

M. Jean-Sébastien Vialatte. Connaissez-vous la Lozère, mon cher collègue ?

M. Jean-Philippe Nilor. Oui, je la connais. Comme vous vous vantez de connaître la Martinique et la Guyane, je peux, moi aussi, très bien connaître la Lozère. Je le répète : je ne crois pas qu’il y ait les mêmes difficultés de déplacement. Or pour l’accès à ce type de services, les conditions de transport sont essentielles ! La fermeture annoncée des laboratoires de proximité sera un recul de vingt-cinq ans pour un territoire comme la Martinique. À cette difficulté s’ajoute un taux de motorisation qui dépasse l’entendement et qui rend pratiquement impossible de circuler dans des conditions satisfaisantes.

C’est pourquoi je vais voter l’amendement n° 48 présenté par mes collègues du groupe SRC : il défend la même position et la même argumentation que le nôtre – à La Réunion près –, au nom de l’intérêt supérieur des patients, y compris de tous les diabétiques, beaucoup plus nombreux chez nous, et en tenant compte de toutes les maladies locales. Au nom de l’accès nécessaire aux soins, je vais voter des deux mains, avec beaucoup de détermination, de conviction et d’espoir, l’amendement de Serge Letchimy.

M. le président. Dois-je en conclure que vous retirez votre amendement, mon cher collègue ?

M. Jean-Philippe Nilor. Oui, monsieur le président. Je me rallie à l’amendement n° 48.

(L’amendement n° 49 est retiré.)

(L’amendement n° 48 est adopté.)

(L’article 11, amendé, est adopté.)

Explications de vote

M. le président. Dans les explications de vote, la parole est à M. Jean-Louis Touraine, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Jean-Louis Touraine. Je remercie tous ceux qui durant les semaines écoulées, et aujourd’hui encore, ont permis de peaufiner un texte qui apparaît maintenant tout à fait équilibré. Bien sûr, il y a quelques points de vue divergents et des intérêts spécifiques à prendre en compte, mais le résultat fait montre d’un équilibre bénéfique ; il comble un vide juridique et met fin à un attentisme exagéré. Cette proposition de loi permettra d’assurer le maintien du système français de la biologie avec un maillage de tout le territoire. Elle ajoute une exigence supérieure de qualité. Elle prévient les excès de financiarisation. Et puis elle assurera un bon fonctionnement de la biologie médicale, autant dans les laboratoires d’analyse médicale de ville que dans les hôpitaux et les centres hospitalo-universitaires, et ce qu’il s’agisse des examens de routine ou de ceux proches de la recherche.

On a entendu dans notre débat d’aujourd’hui des points de vue intéressants, ainsi que le désir réitéré de plus de souplesse – d’où le report de la date d’accréditation à 2020. Prévoir un délai de sept ans permettra à chacun de s’adapter.

Il est de même souhaitable d’éviter les cloisonnements excessifs entre les spécialités ou entre les modes d’exercice, s’écartant ainsi de la rigidité qui entraverait l’application de cette biologie dans tous les secteurs, ceux du présent comme ceux de l’avenir, puisque la recherche est extrêmement intensive dans ce domaine. On se rend souvent compte que le plus intéressant se trouve à la frontière entre les disciplines. Le fait de maintenir des pratiques qui se situent aux frontières des disciplines biologiques et cliniques et des différentes variétés d’exercice de la biologie représentera un bon modèle pour les autres activités de santé. Je rejoins Mme la ministre : je pense qu’on s’engage résolument dans une voie de décloisonnement de toutes les professions de santé.

Maintenant que ce texte bénéfique va pouvoir être promulgué, il va nous falloir faire un peu de pédagogie pour expliquer à tous les intéressés qu’il s’agit d’une loi d’équilibre. Personne n’y trouvera entière satisfaction, mais personne ne pourra dire que l’on n’a pas évolué très positivement dans le domaine de la biologie médicale grâce, enfin, à cette loi attendue depuis près de quarante ans. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Vigier, pour le groupe Union des démocrates et indépendants.

M. Philippe Vigier. Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission, madame la rapporteure, j’ai été très clair en déclarant, dès la discussion générale, que je voterai ce texte. Par-delà les clivages, nous ne sommes pas dans la posture politique. Je ne peux pas avoir rappelé tout à l’heure qu’il y avait depuis trois ans un vide juridique et ne pas reconnaître que l’on avance sur ce point.

Je regrette, en revanche, que la capacité d’écoute n’ait pas toujours été au rendez-vous et j’ai relevé des incohérences. Ainsi, madame la ministre, je vous l’ai dit s’agissant de l’anatomo-pathologie : vous verrez qu’un jour on aura un problème parce qu’il y aura des examens accrédités et d’autres non, et j’espère que l’on n’aura pas, à un moment ou à un autre, à regretter cette décision. En tout cas, je vous aurai dit quelle était notre position.

En ce qui concerne l’accréditation, l’objectif des 100 % est exigeant et passe par un assouplissement administratif – vous ne m’avez pas répondu sur ce point, madame la ministre –, et il faut être à cet égard à l’écoute des biologistes.

Sur l’article 6, je suis en désaccord total avec M. Touraine et je m’aperçois que les lobbyistes ont bien fait leur travail : la Haute Assemblée, dans un élan de sagesse, avait jugé qu’il ne fallait pas revenir sur sa suppression, mais ils ont exercé une telle pression sur les députés, sur les membres du Gouvernement, que cet article est revenu dans la proposition de loi. Il ne s’agit pas pour moi d’opposer les uns aux autres, je vous ai même fait une ouverture, madame la ministre, en disant que le décloisonnement devait être fait dans les deux sens, mais vous ne m’avez jamais répondu. Pas un mot, pas une proposition de votre part.

Enfin, s’agissant de nos amis ultramarins, ils ont bien compris que je ne considère pas qu’il y ait deux France. Je considère qu’il n’y a qu’une seule France, et les habitants de tous les territoires doivent pouvoir avoir accès aux soins dans les meilleures conditions et dans le cadre d’une accréditation. Alors que l’on essaye de revaloriser l’image de la France dans le monde, cette exception française s’agissant de l’accréditation, notamment dans la biologie, sera un élément important à prendre en compte.

Un tout dernier mot, en liaison avec l’article 6, sur la désertification médicale. Chacun sait qu’il n’y a plus qu’un médecin sur dix qui s’installe en libéral. Je ne suis pas persuadé qu’avec ce qu’on a voté ce soir, on incite plus encore les jeunes biologistes à embrasser cette carrière médicale pourtant belle et passionnante dont a pu voir que, depuis les années 60 et la loi de 1975, elle a connu une véritable révolution qui doit nous rendre fiers de notre biologie.

M. le président. La parole est à M. Arnaud Robinet, pour le groupe Union pour un mouvement populaire.

M. Arnaud Robinet. Oui, nous pouvons être fiers de notre biologie, pour reprendre les propos de mon collègue Vigier.

La proposition de loi dont nous débattons ce soir a de bonnes intentions. Elle reprend en partie les dispositions qui figuraient dans la proposition de loi Préel et Boyer, et, de ce fait, nous n’allons pas nous renier en votant, pour des raisons de politique politicienne, contre un texte que nous aurions pu présenter il y a quelques mois.

Certains des collègues de mon groupe pensent que ce texte comporte un peu trop de dérogations. Je peux comprendre qu’on puisse se poser des questions à ce sujet, même si j’ai défendu ardemment, à titre personnel, le rétablissement de l’article 6. Mais, au-delà de la question des dérogations, ce texte va dans le bon sens. Il était attendu par l’ensemble de la profession. Il comble un vide juridique. De ce fait, le groupe UMP, dans sa majorité, votera bien sûr la proposition de loi.

M. le président. La parole est à M. François de Rugy, pour le groupe écologiste.

M. François de Rugy. Je serai très bref : le groupe écologiste votera ce texte car, comme l’a dit ma collègue Véronique Massonneau dans la discussion générale, il permettra de sécuriser la biologie médicale et, au-delà de cette profession, les patients, ce qui est sans doute le plus important.

Vote sur l’ensemble

M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi.

(La proposition de loi est adoptée.)

3

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, mardi 26 mars à quinze heures :

Questions au Gouvernement ;

Discussion, en deuxième lecture, du projet de loi et du projet de loi organique relatifs à l’élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers communautaires, et modifiant le calendrier électoral.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures cinquante-cinq.)