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Edition J.O. - débats de la séance

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2012-2013

Compte rendu
intégral

Première séance du mardi 26 mars 2013

SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE

SOMMAIRE


Présidence de M. Claude Bartolone

1. Questions au Gouvernement

Rénovation thermique des logements

M. François de Rugy

Mme Cécile Duflot, ministre de l’égalité des territoires et du logement

Politique de l’emploi

M. Jean-Louis Borloo

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre

Politique de l’emploi

Mme Luce Pane

M. Michel Sapin, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Indépendance de la justice

M. Christian Jacob

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre

Manifestation du 24 mars

M. Philippe Cochet

M. Manuel Valls, ministre de l’intérieur

Situation à Chypre

M. Christophe Sirugue

M. Pierre Moscovici, ministre de l’économie et des finances

Législatives partielles

Mme Michèle Tabarot

M. Alain Vidalies, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement

Indépendance de la justice

M. Dominique Raimbourg

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice

Manifestation du 24 mars

M. Jean-Frédéric Poisson

M. Manuel Valls, ministre de l’intérieur

Laïcité

M. Olivier Falorni

M. Alain Vidalies, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement

Manifestation du 24 avril

M. Bernard Perrut

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée chargée de la famille

Logement

M. Michel Lefait

Mme Cécile Duflot, ministre de l’égalité des territoires et du logement

Reconnaissance de l’État palestinien

M. François Asensi

M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères

Laïcité

M. Paul Salen

M. Manuel Valls, ministre de l’intérieur

Pilules de troisième génération

Mme Sylviane Bulteau

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé

Suspension et reprise de la séance

Présidence de Mme Laurence Dumont

2. Élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers communautaires, et modification du calendrier électoral – Élection des conseillers municipaux, des conseillers communautaires et des conseillers départementaux

Deuxième lecture (discussion générale commune)

Présentation commune

M. Manuel Valls, ministre de l’intérieur

M. Pascal Popelin, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la république

Motion de rejet préalable (projet de loi ordinaire)

M. Guillaume Larrivé

M. Manuel Valls, ministre, M. Pascal Popelin, rapporteur, M. François Sauvadet, M. Paul Molac, M. Alain Tourret, M. Marc Dolez, M. Carlos Da Silva, M. Christophe Guilloteau

Rappels au règlement

M. Guillaume Larrivé

Mme la présidente

M. François Sauvadet

Mme la présidente

M. Guillaume Larrivé

Mme la présidente

Suspension et reprise de la séance

Rappel au règlement

M. Guillaume Larrivé

Mme la présidente

Motion de rejet préalable (projet de loi organique)

M. Charles de La Verpillière

M. Manuel Valls, ministre de l’intérieur, M. Pascal Popelin, rapporteur, M. Alain Tourret, Mme Marie-Anne Chapdelaine, M. François de Mazières

Motion de renvoi en commission (projet de loi ordinaire)

M. Olivier Marleix

M. Manuel Valls, ministre, M. Pascal Popelin, rapporteur, M. François Sauvadet, M. Alain Tourret, M. Sébastien Denaja, M. Gérald Darmanin

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Motion de renvoi en commission (projet de loi organique)

M. Lionel Tardy

M. Pascal Popelin, rapporteur, M. Thierry Benoit, Mme Frédérique Massat, Mme Annie Genevard

Discussion générale commune

M. François Sauvadet

Mme Frédérique Massat

M. Alain Tourret

M. Marc Dolez

M. Carlos Da Silva

3. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Claude Bartolone

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Questions au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Nous commençons par une question du groupe écologiste.

Rénovation thermique des logements

M. le président. La parole est à M. François de Rugy.

M. François de Rugy. Madame la ministre de l’égalité des territoires et du logement, jeudi dernier, pendant que certains écumaient les plateaux de télévision pour contester une décision de justice,… (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Philippe Meunier. Et Manuel Valls, qu’a-t-il fait la semaine dernière ?

M. François de Rugy. …vous avez, avec le Président de la République, présenté un plan d’investissement sur le logement. L’objectif est, pour reprendre les propos du Président, de faire plus simple, d’aller plus vite et d’investir davantage. (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Je constate à nouveau que les questions liées au logement ne vous intéressent pas. (Mêmes mouvements.)

Après l’encadrement des loyers, la cession gratuite de terrains de l’État pour le logement social, vous déployez une autre phase de votre action. Nous souscrivons notamment à votre orientation qui consiste à éviter le « tout investisseur » qui caractérisait la politique de l’ancienne majorité, laquelle avait tiré les prix vers le haut et fait disparaître une catégorie particulièrement importante : le logement abordable pour celles et ceux qui ne peuvent pas prétendre à un logement social.

Ce plan comprend des mesures que nous attendions, nous écologistes, mais que les professionnels du bâtiment attendaient également. Avec l’application d’un taux de TVA à 5 % pour la construction et la rénovation du logement social, ce secteur connaîtra le plus faible taux de taxation jamais enregistré dans notre pays. C’est un arbitrage particulièrement fort compte tenu de la réforme en cours des taux de TVA. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.)

Par ailleurs, la mise en œuvre d’un plan de rénovation énergétique pour tous les logements permettra de réduire les factures de chauffage des habitants tout en créant de nouveaux emplois non délocalisables et en soutenant le secteur du bâtiment aujourd’hui durement touché par la crise.

Sur tous ces points, madame la ministre, pouvez-vous nous préciser les mesures concrètes que le Gouvernement compte prendre et les délais de mise en œuvre ? (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’égalité des territoires et du logement.

Plusieurs députés du groupe UMP. Allô ! Allô !

M. le président. Je vous en prie !

Mme Cécile Duflot, ministre de l’égalité des territoires et du logement. Monsieur le président François de Rugy, ce que vous soulignez, tout en nous interrogeant avec raison sur sa traduction concrète, c’est la volonté farouche du Gouvernement d’investir pour l’avenir. Investir pour l’avenir, cela signifie investir pour la transition énergétique, afin de réaliser des économies d’énergie, particulièrement dans le logement. Et investir dans le logement, c’est investir dans un secteur qui touche directement la vie de tous nos concitoyens, un secteur éminemment pourvoyeur d’emplois durables et non délocalisables, un secteur qui a souffert de décisions prises parfois brutalement pendant la législature précédente. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Philippe Cochet. Et allez ! Continuez !

Mme Cécile Duflot, ministre. S’agissant plus précisément des mesures concrètes que nous allons prendre, le grand plan de rénovation thermique sur lequel nous avons travaillé avec ma collègue Delphine Batho et que j’ai annoncé ici est devenu une réalité. Plus de deux tiers des Français peuvent dès aujourd’hui bénéficier de 1 350 euros de subventions en plus du crédit d’impôt développement durable et du prêt à taux zéro pour financer des travaux d’économie d’énergie.

Concrètement, l’on pourra, sur une maison de cent mètres carrés, bâtir une extension de cinquante mètres carrés tout en économisant 30 % des dépenses d’énergie. Concrètement, cela veut dire que pour une maison d’une centaine de mètres carrés et un foyer de quatre personnes, on pourra faire baisser de 200 euros par mois la facture de chauffage en remplaçant un chauffage gaspilleur d’énergie par un système économe. Concrètement, voilà ce qu’est la politique du Gouvernement : un investissement pour les familles, un investissement pour le secteur du logement et de la construction, un investissement pour l’avenir, celui de la transition énergétique. C’est une politique volontariste, déterminée, équilibrée, une politique qui portera ses fruits dans les semaines et les mois qui viennent. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

Politique de l’emploi

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Borloo, pour le groupe Union des démocrates et indépendants.

M. Jean-Louis Borloo. Monsieur le Premier ministre, nous vous demandons solennellement de revenir sur les quatre erreurs gravissimes et dramatiques que vous avez commises en matière d’emploi et de chômage.

Quelle folie d’avoir attaqué aussi massivement le secteur du bâtiment et du logement en procédant à une hausse insensée des taux de TVA en augmentant de 100 % la TVA sur les logements sociaux, sur les économies d’énergie et sur les travaux dans l’habitat ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI et sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Certes, la semaine dernière, vous avez reconnu cette première erreur. Reconnaissez maintenant les suivantes de façon que nous puissions créer 100 000 emplois dans ce secteur au lieu d’en démolir 100 000.

S’agissant des services à la personne, quelle folie d’avoir attaqué le secteur le plus utile à notre pays, celui qui a créé le plus d’emplois, soit 100 000 par an, au cours des cinq dernières années ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI et sur de nombreux bancs du groupe UMP.) Vous allez en détruire 100 000 ou 120 000. Rectifiez cette erreur, en revenant sur la suppression du forfait, sur la réduction des aides fiscales et sur la fermeture de l’agence nationale des services à la personne !

Quant aux heures supplémentaires la fin de leur défiscalisation n’a pas créé d’emplois. Au contraire, elle les a réduits, parce qu’elle a réduit la compétitivité et la souplesse de nos entreprises. Au nom des 9 millions de salariés du public et du privé, nous vous demandons de rétablir ce dispositif exceptionnel. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)

Enfin, monsieur le Premier ministre, après le matraquage fiscal du mois de juillet, les Français veulent savoir si c’est pour solde de tout compte. Ils ont arrêté d’investir à titre individuel. Engagez-vous sur l’honneur à ce qu’il n’y ait plus d’augmentation des prélèvements obligatoires !

Tout ce que je viens de vous dire, c’est, en moins, 300 000 ou 400 000 chômeurs et de l’ordre de 10 milliards de déficit public. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI et sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre. (« Aux abris ! » sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Comme vous, monsieur le président Borloo, je suis préoccupé par la situation de l’emploi. (Exclamations sur les bancs des groupes UDI et UMP.) Vous le savez bien, malheureusement le chômage augmente dans notre pays depuis juillet 2008. C’est une situation inquiétante pour ceux qui la subissent. Il faut donc une mobilisation générale. En me posant votre question, vous me donnez ainsi l’occasion de rappeler la politique du Gouvernement.

J’appelle, comme je l’ai fait hier en allant sur le terrain, à Pantin, en visitant une agence de l’emploi (Rires et exclamations sur les bancs des groupes UDI et UMP) et une PME, à la mobilisation générale pour l’emploi !

J’ai rencontré un jeune (« Bravo ! » sur de nombreux bancs du groupe UMP) qui bénéficie aujourd’hui d’un emploi d’avenir ; 15 000 d’entre eux ont signé un contrat. L’objectif est d’atteindre 100 000 contrats à la fin de l’année. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC.)

J’appelle les collectivités locales, les associations, le monde de l’économie sociale et solidaire à se mobiliser. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. — Exclamations sur les bancs des groupes UDI et UMP.) Les Français ne veulent pas de proclamations, ils veulent des actes et des engagements concrets. Monsieur Borloo, je suis sûr que vous nous soutiendrez.

M. Claude Goasguen. Vous rêvez !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Comme je viens de le dire, j’ai visité une petite et moyenne entreprise et j’ai assisté à la signature d’un contrat de génération – les décrets d’application viennent de sortir. Ce contrat permettra le maintien dans l’emploi de 500 000 seniors, l’embauche en CDI de jeunes, la transmission du savoir et la pérennité d’une activité, celle des petites et moyennes entreprises, lesquelles créent des emplois.

J’appelle à la mobilisation toutes les entreprises de notre pays pour qu’elles utilisent ce que vous avez voté, mesdames et messieurs les députés (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste) et qui est issu – je sais, monsieur Borloo, que vous y serez attentif – d’une des négociations unanimes des partenaires sociaux.

J’appelle aussi les entreprises de notre pays à utiliser ce que le Parlement a voté, à savoir, dans le cadre du pacte de compétitivité, le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, qui entraînera une baisse du coût du travail – vous y avez fait allusion – de 4 % dès cette année et de 6 % l’année prochaine. C’est un soutien formidable pour redonner, principalement à nos PME, des marges de manœuvre pour investir, pour innover et pour embaucher.

L’État par ailleurs veut donner l’exemple, et je vous invite à le faire aussi, en favorisant la négociation entre les partenaires sociaux, qui a abouti à un accord majoritaire sur la sécurisation des parcours professionnels. La semaine prochaine, mesdames et messieurs les députés, vous aurez à transcrire dans la loi un projet de loi pour l’emploi. Il faut en finir avec cette mauvaise habitude française qui fait que, chaque fois qu’il y a un problème dans une entreprise, on licencie.

Cet accord sera une avancée pour les entreprises et pour les salariés, et je ne doute pas, monsieur Borloo, que vous serez l’un de ceux qui soutiendront cette avancée.

M. Claude Goasguen. Vous rêvez !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Enfin, j’ai annoncé hier, comme en juillet, l’augmentation des moyens de Pôle emploi, avec 2 000 emplois supplémentaires en contrat à durée indéterminée (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs du groupe écologiste) afin que chaque chômeur qui viendra à Pôle emploi soit désormais suivi personnellement, pas simplement de façon mécanique par un outil statistique. Chacun a le droit de retrouver la confiance et l’espoir d’accéder à une formation et à un emploi qualifié.

Nous sommes engagés dans une bataille. J’ai besoin non seulement de la majorité, mais de toutes les forces vives du pays. (Mmes et MM. les députés du groupe SRC se lèvent et applaudissent. – Huées sur les bancs du groupe UMP.)

M. Paul Molac. Très bien !

Politique de l’emploi

M. le président. La parole est à Mme Luce Pane, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

Mme Luce Pane. Monsieur le Premier ministre, le gouvernement de gauche, sous votre responsabilité, a fait le choix résolu de l’action pour l’emploi (Rires et exclamations sur les bancs du groupe UMP), à l’inverse de vos prédécesseurs qui goûtaient – et goûtent toujours – les débats théoriques, multipliant les assertions oiseuses sur les 35 heures, la compétitivité et la fiscalité.

Puisque les jeunes peinent à trouver un premier emploi, nous avons lancé les emplois d’avenir : 150 000 seront signés au cours des trois prochaines années.

Puisque le taux de chômage des jeunes et des seniors atteint des niveaux préoccupants, que le passage des savoirs et des compétences est menacé, nous avons voté les contrats de génération : 500 000 contrats lieront le destin d’un senior à celui d’un jeune.

Puisque notre compétitivité a été affaiblie par dix années d’immobilisme, nous avons engagé le pacte de compétitivité, investissant 20 milliards d’euros pour remobiliser notre appareil productif et gagner des parts de marché en France et à l’étranger. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Un peu de calme, s’il vous plaît !

Mme Luce Pane. Puisque notre industrie est sinistrée et accablée par la multiplication des fermetures d’usines, nous avons engagé une politique courageuse et novatrice de redressement productif.

Monsieur le Premier ministre, pour remporter la bataille pour l’emploi, la mobilisation de tous les acteurs est indispensable. Le service public de l’emploi, abîmé par la précédente majorité, en est un maillon essentiel.

Nous saluons particulièrement votre décision de renforcer en quelques mois, pour la deuxième fois en des temps difficiles, les effectifs de Pôle emploi avec la création de 2 000 nouveaux postes.

M. Claude Goasguen. Ce n’est pas une question !

Mme Luce Pane. Monsieur le Premier ministre, alors que les chiffres du chômage doivent être publiés aujourd’hui, pouvez-vous revenir sur le sens de la stratégie volontariste du Gouvernement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. - Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. (« Et du chômage ! » sur les bancs du groupe UMP.)

M. Michel Sapin, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Madame la députée, quels que soient les bancs sur lesquels nous siégeons, la question du chômage nous concerne tous. Elle ne date pas de ce mois-ci ou d’il y a neuf mois, chacun devrait s’en souvenir. Depuis le mois de juillet 2008, chaque mois, il y a des chômeurs en plus. Et c’est cela qui crée la difficulté pour l’ensemble des Français. Car ils voient le nombre des chômeurs augmenter chaque mois depuis maintenant plus de cinq ans.

Plusieurs députés du groupe UMP. Le changement, c’est maintenant !

M. le président. S’il vous plaît, chers collègues !

M. Michel Sapin, ministre. Comme vous l’avez décrit, madame la députée, c’est à cela que nous nous attaquons et c’est pour faire reculer le chômage que nous mettons en œuvre les outils que vous avez votés à une large majorité dans cet hémicycle : les emplois d’avenir. Il faut maintenant en faire une réussite. C’est commencé, avec la création de 15 000 emplois d’avenir. Nous atteindrons notre objectif de 100 000 emplois d’avenir, mais chacun doit se mobiliser, comme l’a dit le Premier ministre.

Quant aux contrats de génération, les décrets d’application sont parus la semaine dernière, et l’on nous demande déjà des comptes.

Un député du groupe UMP. Et ce n’est pas fini !

M. Michel Sapin, ministre. Cela étant, je le comprends parce qu’il s’agit de faire réussir les jeunes, tout en maintenant les plus anciens dans l’entreprise. Chacun doit se mobiliser pour que toutes les entreprises de France, en particulier les plus petites et les moyennes utilisent ce nouvel outil en faveur des jeunes et des plus âgés.

Enfin, nous ne renforçons pas Pôle emploi pour le plaisir. Mais renforcer Pôle emploi, où vous aviez, mesdames et messieurs de l’opposition, supprimé des postes alors que le chômage augmentait, c’est permettre à des jeunes et à des moins jeunes, aujourd’hui chômeurs, de retrouver un emploi. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Car un chômeur, c’est un homme ou une femme, un individu. Chacun est différent de l’autre, chacun a des problèmes différents, chacun a besoin d’un accompagnement personnalisé. C’est ce que ces 2 000 emplois supplémentaires – soit 4 000 en un an – vont permettre de faire. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste. - Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Indépendance de la justice

M. le président. La parole est à M. Christian Jacob, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Christian Jacob. Ma question s’adresse à M. le Premier Ministre. Elle aurait pu s’adresser au chef d’un gouvernement qui subit l’inexorable montée du chômage les bras ballants…

Plusieurs députés du groupe UMP. Eh oui !

M. Christian Jacob. Elle aurait pu s’adresser au chef d’un gouvernement qui a perdu une élection législative partielle pour la cinquième fois consécutive. Je salue à cette occasion notre collègue Jean-François Mancel qui est de retour dans l’hémicycle. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Ma question aurait pu s’adresser au chef d’un gouvernement qui demande à son ministre de l’intérieur d’utiliser les gaz lacrymogènes contre les familles. (« Hou ! Hou ! » sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Elle s’adressera au chef d’un gouvernement qui a tenu vendredi dernier des propos blessants et offensants à notre égard. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Thomas Thévenoud. Zéro !

M. Christian Jacob. Vous avez estimé, monsieur le Premier Ministre, que des femmes et des hommes politiques issus de nos rangs n’avaient pas été dignes de la République.

M. Philippe Cochet. C’est scandaleux !

M. Christian Jacob. Est-ce être indigne de la République de témoigner sa confiance au Président Sarkozy ? Est-ce être indigne de la République de rappeler que Nicolas Sarkozy doit être traité comme tout citoyen, ni mieux ni moins bien ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Un député du groupe UMP. Comme Sylvie Andrieux !

M. Christian Jacob. Est-ce indigne de la République de respecter l’indépendance de la justice, mais de s’indigner si elle venait à être menacée ? (Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Monsieur le Premier ministre, vous êtes le plus mal placé pour nous donner des leçons de morale ! (Approbations sur plusieurs bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président.Écoutez la question !

M. Christian Jacob. Nous pensions, à tort, que vous aviez retenu la leçon de respect que nous vous avions donnée lors de l’affaire qui a mis en cause votre collègue Jérôme Cahuzac. Mais il n’en est rien ! Rappelez-vous, monsieur le Premier ministre, votre passé dans cet hémicycle et votre comportement odieux ! Vous avez jadis attaqué notre collègue Éric Woerth à dix-neuf reprises, bafouant la présomption d’innocence comme l’indépendance de la justice ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Ma question est simple, monsieur le Premier ministre : croyez-vous vraiment faire preuve d’un comportement républicain ? (Exclamations sur les bancs du groupe SRC. – Les députés du groupe UMP se lèvent et applaudissent.)

M. le président. Je vous prie maintenant de vous asseoir et d’écouter la réponse.

La parole est à M. le Premier ministre.

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Mesdames et messieurs les députés, monsieur le président Jacob, je crois qu’il faut revenir et en rester à des choses simples : nous sommes dans un État de droit, dans une République.

M. Philippe Cochet. On se le demande !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Si nous voulons que les citoyens aient confiance dans les institutions de la République, il faut les respecter, et tout particulièrement une : l’autorité judiciaire. Et respecter l’autorité judiciaire, c’est respecter son indépendance. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Si j’ai fait la semaine dernière la déclaration à laquelle vous faites allusion, ce n’est pas pour nier à personne le droit de se défendre et de réclamer le respect de la présomption d’innocence : M. Sarkozy, M. Cahuzac ou M. Woerth ont droit, comme chaque citoyen même modeste, au respect de la présomption d’innocence. Ils ont donc le droit de se défendre. Mais en même temps, j’étais fort étonné, je l’ai dit et je l’assume, d’entendre M. Guaino ici présent, qui n’a de cesse de donner de grandes leçons en République, se permettre d’attaquer avec autant de violence un magistrat ayant pris ses décisions en toute indépendance. (Les députés des groupes SRC et écologiste se lèvent et applaudissent. – Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Mes chers collègues, si vous voulez bien vous asseoir et vous calmer !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. N’attendez pas du Gouvernement qu’il s’immisce dans les affaires ni dans le fonctionnement de la justice ! Mme la garde des sceaux s’y est engagée et se tient chaque jour à son engagement. Jamais et en aucun cas le Gouvernement ne s’immiscera dans les instructions judiciaires. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Mais je vous donne rendez-vous au Congrès, mesdames et messieurs les députés de la majorité comme de l’opposition, pour proclamer encore plus fort l’indépendance de la justice en votant la réforme du conseil supérieur de la magistrature qui la consacrera dans la loi fondamentale ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Plusieurs députés du groupe UMP. Guaino ! Guaino !

Manifestation du 24 mars

M. le président. La parole est à M. Philippe Cochet, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Philippe Cochet. Votre réponse, monsieur le Premier ministre, est scandaleuse ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Vous n’avez pas à attaquer un parlementaire dont l’expression est libre !

C’est justement à vous, monsieur le Premier Ministre, que ma question s’adresse. Honte à vous et au Gouvernement ! Nous étions ce dimanche à Paris 1,4 million de personnes pour défiler contre le projet de loi inique que vous défendez. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Le peuple gronde et vous ne l’écoutez pas. Combien de vitrines ont été cassées ? Zéro ! Combien de voitures ont été dégradées ? Zéro ! Face à ce succès auquel vous ne vous attendiez pas, vous avez pris peur et fait sur-réagir les forces de l’ordre qui ont gazé, mes chers collègues, des enfants, des familles et des femmes enceintes qui regagnaient leur domicile ! (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Honte à vous et à votre gouvernement ! Vous avez été incapable d’anticiper ce succès populaire. Votre responsabilité et celle de votre ministre de l’intérieur sont pleinement engagées. Je rends hommage aux organisateurs que M. Valls a injuriés. Nous sommes passés à côté d’un drame, car vous avez parqué le peuple de France en lui refusant la possibilité de défiler. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC. – « Valls, démission ! » sur les bancs du groupe UMP.)

Monsieur le Premier ministre, réveillez-vous enfin ! Jusqu’à quand allez-vous mépriser le peuple de France ? Vous ne mesurez pas l’exaspération de nos compatriotes. Vous abîmez la France et vous maltraitez les Français ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.

M. Manuel Valls, ministre de l’intérieur. Monsieur le député, le lieu de ce rassemblement n’a été décidé que jeudi dernier en raison de l’absence de toute coopération des organisateurs. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Dans ce laps de temps très court, la préfecture de police a tout mis en œuvre pour assurer la sécurité des manifestants. Mais les organisateurs ont été débordés par des extrémistes. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Plusieurs députés du groupe UMP. C’est faux !

M. Manuel Valls, ministre. De nombreux messages ont appelé à ne pas respecter l’arrêté interdisant le secteur des Champs-Élysées. Les débordements étaient donc prémédités. Les forces de l’ordre les ont fait cesser. Ils sont le fait de quelques centaines d’individus extrémistes et déterminés que je ne confonds pas avec les simples manifestants entraînés malgré eux. Il n’y a eu aucun tir de grenade et parler d’enfants gazés est à tout le moins un amalgame douteux et scandaleux que l’on n’a pas le droit de faire dans cet hémicycle. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

On trouvait sur place des militants du bloc identitaire, des jeunesses nationalistes, du Renouveau français, du GUD et d’Europe jeunesse.

Plusieurs députés du groupe UMP. Non ! Non !

M. Manuel Valls, ministre. Les faits reprochés à ces individus sont graves : agression physique des forces de l’ordre, dégradation de bien public, jet de boulons. Ces actes, comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire, sont intolérables. Aucune exception ne peut les justifier. Je suis cohérent, le Gouvernement est cohérent, mais vous, vous ne l’êtes pas ! Je salue enfin la maîtrise, le sang-froid et le professionnalisme du préfet de police, des policiers et des gendarmes qui ont dû garantir l’ordre républicain et évité tout drame, tout simplement parce que les organisateurs n’avaient pas bien préparé leur rassemblement. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Plusieurs députés du groupe UMP. Démission ! Démission !

Situation à Chypre

M. le président. La parole est à M. Christophe Sirugue, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Christophe Sirugue. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’économie et des finances.

Monsieur le ministre, Chypre est le nouvel épicentre de la crise financière qui secoue la zone euro. Une nouvelle fois, la solidité de l’Union européenne, de ses institutions et de ses pratiques, est mise à l’épreuve par une réalité difficile. Une nouvelle fois, nous constatons la fragilité de nos nations, créée par la déconnection entre l’économie réelle et l’économie financière. Une nouvelle fois, nous éprouvons la pertinence de la réorientation de la construction européenne, voulue par le Président de la République et portée par le Gouvernement.

Nous savons, sur ces bancs, quelle énergie est déployée depuis des mois pour défendre ces positions françaises, même si d’importants combats restent à mener, et rien ne peut affaiblir la force de cette évidence.

Vous avez, monsieur le ministre, tout notre soutien dans l’accomplissement de votre mission difficile. La France sait défendre ses intérêts et ses valeurs en Europe, et les propos outranciers et indignes de quelques-uns n’y changeront rien. (« Ceux de Mélanchon ? » sur les bancs du groupe UMP.) À Bruxelles, à Strasbourg, à Luxembourg et partout ailleurs, la voix de la France est fidèle à ce que nous sommes et au sens de l’engagement de notre nation dans la construction européenne.

Monsieur le ministre, pouvez-vous revenir sur les contours de l’accord sur l’assistance financière décidé par l’Eurogroupe dans la nuit de dimanche à lundi et rappeler la position constante de la France pour venir en aide à Chypre et aux Chypriotes ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie et des finances. (« Et des impôts ! » sur les bancs du groupe UMP.)

M. Pierre Moscovici, ministre de l’économie et des finances. Monsieur le député, comme vous l’avez dit, dans la nuit de dimanche à lundi, un accord d’assistance financière pour 17 milliards d’euros a été signé avec la Grèce, en liaison constante avec les autorités chypriotes.

Avant d’expliquer ce dont il s’agit, je voudrais rappeler une chose à ceux qui en doutaient : il fallait agir. Nous étions confrontés à une situation unique, qui ne pouvait perdurer, celle de ce que j’ai appelé « une économie casino », avec une plateforme financière offshore, des bilans bancaires sans rapport avec le PIB, une forte présence de non-résidents parmi les déposants, des anomalies dans les conditions de rémunération et des soupçons de blanchiment. Pour toutes ces raisons, il fallait agir, car le système menaçait de s’effondrer.

Nous sommes parvenus – après, il est vrai, des péripéties que nous aurions pu éviter – à un accord que je considère comme global et juste. Il est global, parce qu’il passe par la restructuration des banques chypriotes, parce qu’il augmente l’impôt sur les sociétés dans ce pays, parce qu’il permet de vérifier l’application des conventions anti-blanchiment de l’Union, ce qui était nécessaire, enfin, parce qu’il implique la mise en résolution d’une banque, appuyée sur l’autre grande banque de l’île.

L’accord est juste, parce qu’il épargne les déposants titulaires de dépôts modestes et moyens, c’est-à-dire inférieurs à 100 000 euros. Cela a été la position constante de la France, celle que j’ai défendue dès le départ, celle du Président de la République, et c’est une cause qui nous tient à cœur que de faire respecter, à Chypre comme ailleurs, la garantie des dépôts.

J’ajoute que nous devons allons plus loin dans la réorientation de la construction européenne. Si nous voulons éviter d’être à nouveau confrontés à une telle situation, il faut construire l’union bancaire et recapitaliser les banques de manière directe. Comme vous le voyez, plusieurs combats sont encore devant nous ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Législatives partielles

M. le président. La parole est à Mme Michèle Tabarot, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

Mme Michèle Tabarot. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre. (« Il n’y en a plus ! » sur les bancs du groupe UMP.)

Avant toute chose, je tiens à saluer chaleureusement les victoires remportées ce dimanche par deux candidats soutenus par l’UMP, nos collègues Napole Polutélé et Jean-François Mancel. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Depuis la présidentielle, ce sont cinq élections législatives partielles qui ont été remportées par l’UMP et perdues par le parti socialiste.

M. Gérald Darmanin. Eh oui ! (« Cinq à zéro ! » sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Michèle Tabarot. Ces défaites à répétition devraient vous interpeller sur l’exaspération et le rejet qu’inspire la politique de votre majorité. Pour cela, vous devez entendre le message que vous ont adressé les Français.

Vous devez entendre les Français, qui ne croient plus que vous pourrez enrayer l’envolée du chômage. Vous devez entendre les Français, qui n’en peuvent plus de vos messages de laxisme alors que la délinquance explose.

M. François Rochebloine. Eh oui !

Mme Michèle Tabarot. Vous devez aussi entendre les Français, qui se sont rassemblés dimanche pour vous demander de ne pas faire voler en éclat l’institution de la famille.

Ces défaites, vous en portez la responsabilité, vous et votre majorité !

Vous portez également la responsabilité de vos alliances avec les extrémistes du Front de gauche, ce parti qui, ce week-end, a franchi une étape supplémentaire en envoyant des messages intolérables aux Français, en traitant de « salopards » les dix-sept ministres des finances de la zone euro, sans que vous ne réagissiez, et en allant jusqu’à insulter d’une manière détestable votre propre ministre de l’économie, sans que vous ne réagissiez.

Un député du groupe UMP. Il ne réagit jamais !

Mme Michèle Tabarot. Monsieur le Premier ministre, vous ne pouvez plus garder ce silence complaisant.

Par votre attitude, vous cautionnez des propos qui discréditent la classe politique. Allez-vous enfin, vous qui donnez tant de leçons de morale, refuser les alliances avec l’extrême gauche, qui nuisent terriblement à notre pays ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement. (« Et Ayrault ? » sur les bancs du groupe UMP.)

M. Alain Vidalies, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement. Madame la députée, vous vous interrogez, à juste titre, sur les résultats des élections. Soyez certaine que le Gouvernement est aussi attentif que vous à l’expression des Français dans cette situation de crise.

Recourant à un procédé que nous ne connaissons malheureusement que trop, vous tentez de stigmatiser les alliances traditionnelles des républicains à gauche pour mieux détourner l’attention de vos propres alliances avec l’extrême droite sur le terrain. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.) Car, vous le savez très bien, ce que vous êtes en train de préparer, c’est l’alliance avec l’extrême droite, ce qui gêne d’ailleurs certains de vos propres collègues qui protestent ici en séance tout en affirmant dans la presse ne pas se reconnaître dans mes propos.

Il faudra un jour clarifier tout cela, mais ce n’est pas avec des questions d’aussi basse politique, consistant à stigmatiser ce dont nous sommes fiers historiquement, que vous y réussirez. Oui, nous sommes fiers d’avoir été présents au rendez-vous du rassemblement de la gauche lors de chaque grand moment de l’histoire, afin de construire une autre société – ce qui reste, aujourd’hui encore, notre volonté. Nous assumons nos engagements, assumez les vôtres, cela permettra aux Français d’y voir plus clair sur votre projet politique ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

Indépendance de la justice

M. le président. La parole est à M. Dominique Raimbourg, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Dominique Raimbourg. Ma question s’adresse à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice. Le sujet a déjà été partiellement évoqué, mais je voudrais à présent essayer de dépasser le fait divers.

La semaine dernière, l’ancien Président de la République a été mis en examen par un juge d’instruction bordelais. Comme tout mis en examen, il doit bénéficier d’une présomption d’innocence. On peut considérer avec indulgence la colère qu’il a ressentie et exprimée à l’occasion de cette mise en examen, comme on le ferait pour tout autre mis en cause. En revanche, on doit juger avec beaucoup de sévérité les voix qui se sont élevées pour critiquer, parfois avec une extrême virulence, la décision de justice. Cette virulence a d’ailleurs été telle que le magistrat instructeur envisage de déposer plainte.

L’indépendance de la justice est un bien démocratique commun et précieux : c’est ce qui garantit à chacun que personne n’échappe à l’application de la loi et que tous les citoyens sont jugés de la même façon. On se rappelle à cet égard le fiasco judiciaire qu’avait été le traitement de l’affaire dite Bettencourt par le tribunal de grande instance de Nanterre. Au demeurant, cette indépendance garantit tout autant l’éventuelle mise hors de cause des mis en examen par le juge d’instruction, et constitue donc aussi une garantie pour ces derniers.

Au-delà de ce fait divers, madame la garde des sceaux, comment envisagez-vous de défendre et de promouvoir l’indépendance de la justice et, plus spécifiquement, celle du magistrat instructeur qu’est le juge d’instruction à la française ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le député Dominique Raimbourg, vous rappelez à juste titre que jusqu’à son jugement, toute personne mise en cause est présumée innocente. Nous avons toutes les raisons d’avoir confiance dans le jugement à venir et ne comprenons pas ceux qui émettent des doutes à ce sujet.

Des propos ont été tenus ces derniers jours, dont certains sont inadmissibles dans un État de droit parce qu’ils mettent en cause, de façon très claire, l’institution judiciaire et même un magistrat intuitu personae. Nous estimons que ce sont des déclarations graves, parce qu’elles minent la confiance que les citoyens ont dans la justice, dans les institutions en général et dans l’État.

Nous faisons en sorte que l’institution judiciaire puisse fonctionner. Si le magistrat mis en cause décide d’agir en justice, il bénéficiera de la protection statutaire prévue par l’article 11 de l’ordonnance du 22 décembre 1958 portant loi organique du statut de la magistrature.

Vous m’interrogez sur le juge d’instruction à la française ; je vous confirme qu’il n’est pas question pour ce gouvernement de supprimer les juges d’instruction. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Je vous confirme aussi que, contrairement à l’ancienne majorité, nous n’allons pas différer l’application de la loi instaurant la collégialité de l’instruction, qui entrera en exécution à partir du 1er janvier 2014. Je vous informe également, mais vous le savez parce que vous suivez ces questions de près, que sur l’initiative du Premier ministre nous créons dix postes de juges d’instruction pour la seule année 2013. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Nous travaillons avec le ministre de l’intérieur pour former des enquêteurs spécialisés de façon que les enquêtes soient de qualité et conduites de façon diligente.

Enfin, vous savez que je présente demain au Conseil des ministres un projet de loi sur l’attribution du garde des sceaux et ses relations avec les parquets et les parquets généraux. Ce sera un gage d’indépendance de la justice, qui est un engagement du Président de la République. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Manifestation du 24 mars

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Jean-Frédéric Poisson. Monsieur le Premier ministre, dimanche dernier, les Français vous ont pris en défaut : défaut de prévision des effectifs de la manifestation, largement sous-estimés ; défaut dans l’organisation qui a été mise en place par les services du ministre de l’intérieur ; défaut enfin dans la capacité des services d’ordre à maintenir des conditions normales de sécurité pour la foule.

Mme Brigitte Bourguignon. À qui la faute ?

M. Jean-Frédéric Poisson. Les conséquences sont simples à décrire : des forces de l’ordre incapables de contenir une foule numériquement très supérieure à ce qui avait été prévu, des modalités d’intervention tout à fait disproportionnées par rapport à l’immense majorité des manifestants, venus manifester pacifiquement, et un dispositif débordé par les circonstances en raison d’un nombre insuffisant d’effectifs sur place.

La cause de cet incident, monsieur le Premier ministre, tient au mépris (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP), ce mépris que vous avez affiché à répétition pour les manifestants de novembre, puis pour ceux de janvier, enfin pour ceux de mars, en sous-évaluant systématiquement leur présence dans les rassemblements ; le mépris du message qu’ils portent et qu’ils essaient désespérément de vous faire entendre ; le mépris face à leurs inquiétudes et de leurs arguments, le mépris face à leur demande à être entendus et, pourquoi pas, directement consultés par vos services, par exemple par l’organisation d’un référendum ; le mépris enfin dans la consigne que vous avez donnée au président du Conseil économique, social et environnemental de ne pas donner droit à la pétition qu’ils lui avaient fait parvenir voilà quelques semaines. (Nouveaux applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Combien de manifestants faudra-t-il, monsieur le Premier ministre, pour qu’à vos oreilles ces demandes soient entendues ? Combien de manifestants faudra-t-il pour que les principaux aspects de ce projet de loi qui touche à la filiation soient retirés ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.

M. Daniel Fasquelle. Et du gazage !

M. Manuel Valls, ministre de l’intérieur. Monsieur le député Jean-Frédéric Poisson, nous respectons les manifestants…

Plusieurs députés du groupe UMP. Non !

M. Manuel Valls, ministre. Le droit de manifester est un droit démocratique inscrit dans notre Constitution.

M. Hervé Mariton. Vous l’avez méprisé !

M. Manuel Valls, ministre. Mais un autre droit s’impose aussi, que vous devez également respecter : le fait qu’une majorité à l’Assemblée nationale a voté un texte de loi traduisant un engagement pris par le Président de la République devant le peuple français. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

Monsieur le député, les violences, les débordements et les insultes ne sont pas des moyens d’expression. Organisateurs d’une manifestation comme élus devraient condamner ces actions qui desservent leur message. Qui sont ces élus qui mettent en cause les représentants de l’État, le préfet de police, les forces de l’ordre ? Près de 2 000 policiers et gendarmes étaient engagés sur cette manifestation et tous les systèmes de comptage – ceux de la préfecture de police, les mêmes que vous utilisiez – permettent de conclure clairement qu’il y avait 300 000 personnes, ce que les photos démontrent également. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.) Et 300 000 personnes, monsieur le député, c’est déjà significatif. Les forces de l’ordre, sous l’autorité du préfet de police, ont contenu les personnes présentes à cette manifestation.

Monsieur le député, mesdames, messieurs les députés de l’opposition, je ne vous demande qu’une seule chose : le respect des institutions ; c’est vrai, cela a été rappelé, la justice et l’État de droit doivent être respectés. Les forces de l’ordre, sous l’autorité du préfet de police, les policiers et les gendarmes, que vous soutenez, à juste titre, à d’autres occasions quand elles sont mises en cause, étaient face à des individus dangereux venant de l’extrême droite, face à des organisateurs qui n’avaient pas respecté les consignes pourtant confirmées par le tribunal administratif de Paris. Face à une manifestation avait changé de nature, les forces de l’ordre ont fait respecter la loi de la République. Et la loi de la République, nous la ferons toujours respecter. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

Laïcité

M. le président. La parole est à M. Olivier Falorni, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

M. Olivier Falorni. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’intérieur.

« Dans notre histoire, tout recul ou toute somnolence de la République a été une diminution ou une langueur de la laïcité », nous rappelait déjà Jaurès au début du siècle dernier.

Aujourd’hui, plus que jamais, la laïcité en France a besoin d’être consolidée et réaffirmée.

M. Alain Tourret. Très bien !

M. Olivier Falorni. Je pense en effet à l’affaire de la crèche Baby Loup – il faudrait plutôt parler de brèche, tant l’arrêt de la Cour de cassation en ouvre une dangereuse et préoccupante. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

Notre loi doit impérativement être modifiée pour au moins interdire les signes religieux ostensibles dans tous les établissements de la petite enfance, car nos enfants ont droit à la neutralité, garante de leur libre arbitre. (Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP et sur certains bancs des groupes SRC, écologiste et UDI.)

Je veux d’ailleurs rappeler que c’est l’objet précis de la proposition de loi du groupe RDSE, adoptée en janvier 2012 au Sénat et qui n’a toujours pas été étudiée à l’Assemblée.

Il est temps d’agir et de réagir pour remettre aussi en cause ce que j’appelle la niche fiscale pour les aboyeurs de Civitas, cette officine intégriste catholique dont le message est clair : la loi des hommes doit se plier à la loi de Dieu. (Murmures sur quelques bancs du groupe UMP. – Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RRDP et SRC.)

En effet, l’État – et donc l’ensemble des citoyens – finance en quelque sorte Civitas en lui accordant la déductibilité des dons, laquelle est pourtant censée être réservée aux associations d’intérêt général ou d’utilité publique. (Applaudissements sur les bancs des RRDP, SRC, écologiste et GDR.)

Mais en quoi Civitas fait-elle œuvre d’intérêt général ? (Mêmes mouvements.) Nous demandons donc, monsieur le ministre, que cesse au plus vite ce scandale. Nous comptons vraiment sur vous pour défendre les valeurs fondamentales de notre République, qui, comme les trois mousquetaires, sont non pas trois, mais quatre : liberté, égalité, fraternité et laïcité. (Applaudissements sur les bancs des groupes RRDP, SRC, écologiste et GDR.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement.

M. Alain Vidalies, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le député, la Cour de cassation, par deux arrêts du 19 octobre 2013, s’est prononcée sur la possibilité d’imposer à des agents soumis au code du travail des contraintes, notamment vestimentaires, au nom du principe de neutralité et de laïcité.

L’une des affaires concernait un agent travaillant dans une caisse primaire d’assurance maladie comme technicienne de prestations maladie ; l’autre, la directrice adjointe d’une crèche et d’une halte-garderie gérée par une association de droit privée, Baby-Loup.

Il n’appartient pas au Gouvernement de commenter des décisions de justice,…

M. Razzy Hammadi. Très bien !

M. Patrice Verchère. Sauf la semaine dernière !

M. Alain Vidalies, ministre délégué. …mais le problème qui se pose est le suivant : si l’interprétation faite par la Cour de cassation de l’état de la loi aboutit à une telle décision, alors – encore une fois, il ne s’agit pas de commenter une décision de justice –, on peut légitimement s’interroger devant la représentation nationale sur la rédaction de la loi qui a conduit le juge à la prendre.

Nous sommes donc ouverts, aujourd’hui, à une réflexion sur ce sujet. Nous savons que la question de la laïcité est au cœur du pacte républicain. À cet égard, je veux redire l’attachement très fort du Gouvernement au respect de la laïcité. Au-delà de tout ce qui peut nous séparer, nous devons être attentifs ensemble au respect du pacte républicain, en premier lieu de la laïcité. Si de telles décisions posent des problèmes, nous sommes ouverts à une réflexion, en espérant que lesdites décisions ne seront pas instrumentalisées à d’autres fins que de servir et renforcer la République. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. François Rochebloine. Paroles, paroles !

Manifestation du 24 avril

M. le président. La parole est à M. Bernard Perrut, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Bernard Perrut. Je voudrais d’abord rappeler à M. Valls, qui nous donne beaucoup de leçons, qu’il a lui-même contesté ici, la semaine dernière, une décision de la Cour de cassation ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

Cela dit, ma question s’adresse à M. le Premier ministre.

« Lorsque l’enfant paraît, le cercle de famille applaudit à grands cris », écrivait Victor Hugo. Aujourd’hui, lorsque l’enfant et la famille sont menacés, la France entière se réunit et réagit.

Avez-vous vu, avez-vous entendu, monsieur le Premier ministre, les quelque 1,4 million d’hommes et de femmes, parents, enfants, grands-parents de toutes les régions, réunis à Paris ce dimanche ?

M. Jean Glavany. Mettre tous ces enfants dans la rue, c’est une honte ! (Sourires sur les bancs du groupe SRC. – Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Bernard Perrut. Mais ce grand mouvement pacifique a reçu pour seule réponse des gaz lacrymogènes. Je ne veux croire que vous ayez cherché l’affrontement après avoir sous-estimé l’importance de ce rassemblement.

Rappelons ici, devant les Françaises et les Français, que le mariage pour tous n’est pas un « super-PACS » pour personnes de même sexe, ce à quoi nous serions d’ailleurs favorables, puisque nous avons nous-mêmes proposé l’union civile.

M. Jean Glavany. Ben voyons !

M. Bernard Perrut. Les conséquences de votre projet, lequel n’est pas encore voté, puisque le Sénat ne l’a pas encore discuté, sont graves.

Elles sont graves pour la filiation et pour l’adoption ; graves en ouvrant la PMA et la GPA, c’est-à-dire la marchandisation du corps humain ;…

Mme Annick Lepetit et M. Jean-Claude Perez. Mensonges !

M. Bernard Perrut. …graves pour l’épanouissement, la protection et les droits de l’enfant ; graves pour la famille, qui mérite protection et soutien.

Dans le même temps, vous mettez tout en œuvre pour démanteler la politique familiale. Votre majorité vote même un plan d’économies pour les prestations familiales.

Monsieur le Premier ministre, quand consulterez-vous les Français ? Quand allez-vous organiser des états généraux de la famille ?

M. Patrick Lemasle. Ridicule !

M. Bernard Perrut. Quand consacrerez-vous votre énergie à agir pour l’économie et l’emploi, à un moment où le chômage n’a jamais été aussi important ? (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de la famille.

Un député du groupe UMP. Quelle famille ?

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée chargée de la famille. Monsieur le député, la démocratie consiste aussi à respecter le temps parlementaire. Il est tout à fait normal, quand il y a un tel débat de société, que toutes les opinions puissent s’exprimer dans leur grande diversité. Tel a bien été le cas au cours des 110 heures de débats qui ont eu lieu à l’Assemblée nationale.

M. Philippe Cochet. Non !

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. De nombreuses auditions ont ensuite été menées par les sénateurs. À partir du 4 avril, la Haute assemblée va examiner ce texte de loi, lequel – je tiens à le rappeler – n’est que l’expression de l’engagement 31,…

M. Gérald Darmanin. C’est bien le seul qui sera respecté !

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. …présenté lors de la campagne présidentielle et des élections législatives, ratifié très largement par la population française. (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI.) Il ne porte que sur l’ouverture du mariage et de l’adoption aux couples de même sexe. (Mêmes mouvements.)

M. Claude Goasguen. C’est faux !

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. J’entends bien que vous vouliez faire peur et signaler d’éventuelles dérives, mais je tiens aussi à vous dire que vous devez prendre en compte la diversité des familles d’aujourd’hui. (« Référendum ! » sur les bancs du groupe UMP.) Vous devez prendre en compte le fait qu’un enfant sur deux naît hors mariage ; qu’un enfant sur cinq vit aujourd’hui dans une famille monoparentale et un sur neuf dans une famille recomposée. (Mêmes mouvements)

M. le président. S’il vous plaît !

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Aujourd’hui, la personne qui joue le rôle de beau-parent n’a aucun statut – problème sur lequel nous aurons à nous prononcer plus tard.

M. Philippe Meunier. Et les enfants ?

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Il n’y a pas un seul modèle familial qui prévaut. Vous voulez respecter le peuple de France. Eh bien, respectez-le dans sa grande diversité ; il vous en sera reconnaissant. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur de nombreux bancs des groupes écologiste et RRDP.)

Logement

M. le président. La parole est à M. Michel Lefait, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Michel Lefait. Madame la ministre de l’égalité des territoires et du logement, après l’emploi, le logement est le deuxième grand chantier du Gouvernement. Nous mesurons chaque jour les conséquences de l’immobilisme d’une droite qui, face à la crise et à la pénurie, a préféré détourner le regard plutôt que d’affronter les problèmes très concrets qui accablaient nos concitoyens.

Dans son dix-huitième rapport paru récemment, la fondation Abbé Pierre a rappelé que 5 millions de Français se trouvaient dans une situation de fragilité locative extrême.

Le 21 mars, le Président de la République a annoncé plusieurs mesures qui nous donnent satisfaction. « Plus simple, plus vite, plus efficace » : la triple exigence qui vous anime correspond pleinement à ce dont la France a besoin et à ce que nous attendons.

Il s’agit d’intensifier le soutien au logement social avec 150 000 constructions et 120 000 rénovations annuelles grâce à l’abaissement du taux de TVA à 5 % dès 2014.

Il s’agit d’engager la conversion écologique de l’habitat puis de monter en puissance, en rénovant jusqu’à 500 000 logements chaque année, afin de réduire la facture locative des Français et son impact environnemental.

Il s’agit enfin de simplifier les normes et de raccourcir les délais de procédure.

Agir pour le logement, c’est répondre à un besoin essentiel de nos concitoyens en leur rendant espoir et dignité. Agir pour le logement, c’est aussi créer des emplois non délocalisables et renforcer considérablement la transition écologique.

Madame la ministre, quelle philosophie et quel calendrier ont présidé à la conception de ce grand plan d’investissement pour le logement porté par le Gouvernement, que nous soutenons avec fierté ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’égalité des territoires et du logement.

Mme Cécile Duflot, ministre de l’égalité des territoires et du logement. La philosophie du Gouvernement est de considérer que le logement est un bien de première nécessité et qu’un toit est un droit.

Nous ne pouvons nous satisfaire de la situation que vous avez évoquée et que la fondation Abbé Pierre nous rappelle chaque année. Nous avons décidé de travailler activement pour apporter une réponse à l’ensemble des habitants de ce pays, qu’ils soient locataires, propriétaires ou en situation d’hébergement.

Lors de la conférence nationale de lutte contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale, le Premier ministre s’est engagé sur la création de nouvelles places afin que l’on ne retrouve plus à la rue des familles et des personnes victimes de la crise.

Nous souhaitons aussi faire en sorte que l’objectif fixé par le Président de la République – la construction annuelle de 500 000 logements – soit tenu. Nous nous en sommes donné les moyens grâce à ce plan d’investissement d’urgence pour le logement. Mais ce n’est qu’une étape ; la prochaine sera la future loi qui prévoira une garantie universelle des loyers. Celle-ci permettra de sécuriser les propriétaires, de faciliter l’accès, notamment des jeunes, au logement, mais également et nous mettre en situation de prévenir très en amont les risques d’expulsion, qui augmentent en période de crise.

Vous l’avez souligné, monsieur le député, la baisse de la TVA sur le logement social sera décisive. Applicable dès le 1er janvier 2014, elle permettra, grâce à la mobilisation que j’espère sans précédent de l’Union sociale pour l’habitat, de tenir l’objectif de construction de 150 000 logements sociaux, soit 50 000 logements supplémentaires. Plus de 80 000 emplois seront ainsi créés sur l’ensemble du territoire.

Tel est l’engagement du Gouvernement. Mois après mois, semaine après semaine, vous pouvez constater qu’il est tenu. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Reconnaissance de l’État palestinien

M. le président. La parole est à M. François Asensi, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. François Asensi. Monsieur le ministre des affaires étrangères, le président Obama a renoncé à résoudre le conflit israélo-palestinien.

Le message est consternant : c’est un encouragement aux adversaires irréductibles de la création d’un État palestinien. Qu’il est loin le discours du Caire en faveur d’un New Deal géopolitique entre les États-Unis et le monde arabe !

Que vont faire la France et l’Europe ? Attendre reviendrait à assister à la poursuite des colonies illégales et au renforcement des humiliations contre le peuple palestinien. L’immobilisme féconderait les germes du retour à l’insurrection.

Face à cette catastrophe annoncée pour les peuples palestinien et israélien, la France ne peut rester impuissante et se mettre dans les pas de l’administration étasunienne.

Monsieur le ministre, quelles initiatives compte prendre notre diplomatie ? En novembre dernier, la France a joué un rôle majeur dans l’entrée de la Palestine à l’ONU, démontrant son influence sur la conduite des affaires du monde.

Pourtant, nous sommes restés au milieu du gué en ne reconnaissant pas officiellement l’État palestinien.

Comme en novembre, au nom des députés du Front de gauche, je m’adresse solennellement au chef de l’État, qui avait fait de cette question un engagement de campagne : grandissez la France, reconnaissez l’État palestinien !

Envoyons un ambassadeur de France en Palestine et concluons un traité avec ce nouvel État. Le peuple palestinien et tous les défenseurs de la liberté attendent de la France ce geste historique !

M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères.

M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères. Monsieur le député, le jugement que vous portez sur le voyage du président Obama me paraît un peu lapidaire… Je recevrai demain le secrétaire d’État John Kerry, qui a été chargé de suivre les initiatives qui résultent de ce voyage en Palestine et en Israël, et nous échangerons à cette occasion.

Bien évidemment, la France est en contact avec les Palestiniens, dont nous avons rencontré récemment les représentants, et avec les Israéliens – dernièrement, le président Shimon Peres, la ministre de la justice Tzipi Livni ou encore le ministre des finances Yair Lapid.

M. François Rochebloine. La question !

M. Laurent Fabius, ministre. Nous estimons qu’un État palestinien, créé à l’issue de négociations avec Israël, devrait être reconnu par la communauté internationale. Dans ce cas, la France serait évidemment l’un des premiers pays à le faire.

Mais il importe à nos yeux que la reconnaissance de l’État palestinien s’inscrive dans le cadre d’un processus de paix. La France prendra ses responsabilités le moment venu.

M. François Rochebloine. Paroles ! Quelle est votre réponse ?

M. Laurent Fabius, ministre. Vous avez rappelé que la France, et particulièrement ce gouvernement, n’a jamais été à la traîne en ce qui concerne le soutien au peuple palestinien. Il en sera de même dans le futur.

Nous souhaitons que les droits des Palestiniens soient reconnus et que la sécurité d’Israël soit garantie. Mais cette garantie ne peut provenir réellement que de la paix. C’est dans cet esprit que nous travaillerons, en espérant que l’année 2013 ne sera pas une année blanche pour la paix. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Laïcité

M. le président. La parole est à M. Paul Salen, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Paul Salen. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.

Par son arrêt du 19 mars 2013, la Cour de cassation vient d’annuler le licenciement, en 2008, d’une employée de la crèche associative Baby-Loup ignorant le règlement interne de cette structure.

La Cour de cassation a invalidé les jugements successifs du conseil des prud’hommes de Mantes-la-Jolie, en 2010, et de la Cour d’appel de Versailles, en 2011, qui avaient approuvé le licenciement de l’employée concernée, estimant que le principe de laïcité devait s’appliquer.

Contrairement à ce que s’est permis de faire Manuel Valls, le ministre de l’intérieur, la semaine dernière, je ne souhaite pas commenter cette décision de justice. Mais il est vrai, monsieur le Premier ministre, qu’il y a des commentaires de justice que vous semblez mieux accepter que d’autres…

Néanmoins, il découle de cet arrêt une situation juridique nouvelle. Elle s’inscrit dans un mouvement plus vaste qui remet en cause les fondements mêmes de la laïcité. En juillet de l’année dernière, les instances du football mondial ont admis le principe, pour les compétitions officielles qu’elles organisent, que les femmes pourront porter le voile pour pratiquer leur sport. Face à cette décision, j’ai déposé une proposition de loi permettant de fixer un cadre juridique précis et visant à réaffirmer le principe de laïcité dans le sport.

Aujourd’hui, nous sommes confrontés à une nouvelle remise en cause de ce pilier de notre vivre-ensemble. Il nous faut réagir pour protéger cet héritage commun de la République, que trop d’extrémistes aimeraient détruire.

La position de la Cour de cassation nous laisse perplexes, car elle semble inverser le postulat suivant lequel une entreprise doit être neutre, en obligeant l’employeur à définir lui-même les limites à établir.

Plus que jamais, la République doit réaffirmer le respect des principes attachés à la laïcité, entendue comme une stricte neutralité à l’égard des cultes. Le pire serait de légiférer dans la précipitation et sous le coup de l’émotion médiatique. Il faut au contraire réfléchir à une action globale, concernant à la fois le secteur privé et public, mais également le milieu associatif dans son ensemble.

Nous aimerions donc connaître vos intentions, monsieur le Premier ministre ; au-delà des déclarations vertueuses de certains de vos ministres, quand allez-vous engager ce vaste chantier, dans un esprit d’union nationale et dans le respect de toutes les opinions ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.

M. Manuel Valls, ministre de l’intérieur. Monsieur le député, vous ne voulez pas commenter une décision de justice, mais vous l’avez fait… J’ai pris acte, pour ma part, de cette décision, mais il se trouve que, comme d’autres parlementaires et toutes celles et ceux qui ont soutenu cette crèche, j’étais aux côtés de la directrice de Baby-Loup et de ses employées, parmi lesquelles était parfaitement intégrée cette femme qui, en portant un foulard, a enfreint le règlement intérieur de la crèche.

Alain Vidalies l’a fort bien dit tout à l’heure, s’il y a un vide juridique, il faudra le combler. Plusieurs initiatives législatives sont à l’étude, comme vient également de le rappeler l’un d’entre vous.

Nous devons agir dans un esprit de consensus, avec la volonté de rassembler autour de cette belle idée qu’est la laïcité. Car non seulement la laïcité est une belle idée pour la République, mais c’est aussi un élément fondamental de l’émancipation des femmes, notamment de celles qui travaillent dans ces crèches où sont accueillis les enfants des quartiers populaires.

Je ne doute pas que nous parviendrons ensemble à faire vivre la laïcité partout, en particulier dans ces quartiers populaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Pilules de troisième génération

M. le président. La parole est à Mme Sylviane Bulteau, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

Mme Sylviane Bulteau. Madame la ministre de la santé, l’Agence nationale de sécurité des médicaments et des produits de santé a publié aujourd’hui une étude de pharmaco-épidémiologie. Sur dix ans, le nombre d’accidents thromboemboliques veineux, attribuables aux différentes générations de pilules contraceptives est estimé à 2 500 par an, dont 1 750 – soit une majorité - liés aux pilules de troisième et quatrième générations. Ces accidents peuvent malheureusement se compliquer d’embolies pulmonaires, potentiellement fatales.

J’entends les inquiétudes de certaines jeunes femmes et de certains parents, mais je veux rappeler l’importance de la contraception, que ce soit en termes de santé ou de droits des femmes. La contraception représente un progrès majeur pour les femmes. Ce droit, elles – nous – l’avons conquis de haute lutte ; ce droit, nous souhaitons toutes et tous qu’il puisse s’exercer dans les meilleures conditions possibles.

Vous y avez montré votre attachement, madame la ministre, en décidant le remboursement à 100 % des contraceptifs des mineures dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2013.

Vous avez su, depuis votre nomination, agir rapidement en conséquence. Vous avez ainsi présenté un plan d’ensemble pour une juste contraception. Vous avez rappelé à juste titre que les pilules sont des médicaments et que vous étiez résolue à ce que chaque femme ait accès à la contraception qui lui convient.

Madame la ministre, quelles actions entendez-vous mener pour assurer la sécurité de toutes les femmes, tout en rétablissant leur confiance dans la contraception ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé. Madame la députée Sylviane Bulteau, depuis plusieurs mois, j’ai donné des recommandations afin de limiter la prescription des pilules de troisième génération, pour lesquelles des études montrent que les risques sont plus importants que pour les pilules de première et deuxième générations. Je me réjouis de constater que ces recommandations sont suivies d’effets : les prescriptions de pilules de troisième génération ont diminué d’environ 35 %.

Dans le même temps, j’ai engagé une politique axée sur trois principes : la vigilance d’abord, qui repose sur la réalisation d’études épidémiologiques, à laquelle s’est attelée l’Agence du médicament ; la transparence ensuite, car il est indispensable que les données disponibles soient communiquées au public – comme nous venons de le faire ce matin ; la confiance enfin, qui implique de dire et redire aux femmes de ne pas interrompre leur contraception sans consulter un professionnel de santé. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SRC et GDR.)

Nous devons nous engager fortement pour que la contraception reste la conquête qu’elle a été pour les femmes et pour l’ensemble de la société. C’est un acquis qu’il ne faut pas fragiliser. (Mêmes mouvements.)

Dans cette perspective, une grande campagne de communication va être lancée entre fin mai et début juin, pour rappeler les atouts et les apports de la contraception, et indiquer qu’il existe plusieurs types de contraception, adaptés à chaque femme, selon son histoire. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. le président. La séance des questions au Gouvernement est terminée.

Suspension et reprise de la séance

Mme la présidente. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures vingt-cinq, sous la présidence de Mme Laurence Dumont.)

Présidence de Mme Laurence Dumont
vice-présidente

Mme la présidente. La séance est reprise.

2

Élection des conseillers départementaux,
des conseillers municipaux et des conseillers communautaires, et modification du calendrier électoral

Élection des conseillers municipaux,
des conseillers communautaires et des conseillers départementaux

Deuxième lecture
(discussion générale commune)

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi relatif à l’élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers communautaires, et modifiant le calendrier électoral (nos 819, 828) et du projet de loi organique relatif à l’élection des conseillers municipaux, des conseillers communautaires et des conseillers départementaux (nos 818, 827).

La conférence des présidents a décidé que ces deux textes donneraient lieu à une discussion générale commune.

Présentation commune

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.

M. Manuel Valls, ministre de l’intérieur. Madame la présidente, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, le 15 janvier dernier, il y a deux mois, m’exprimant devant les sénateurs, lors de la première lecture de ce texte, j’ai employé le terme de « tournant » pour définir la réforme que nous abordions. C’est en effet un tournant pour la démocratie locale que nous sommes en train de négocier.

Cette question est importante, je devrais dire essentielle, pour nos institutions qui, ne nous le cachons pas, font souvent l’objet de défiance de la part de nos concitoyens. Ce projet de loi tente d’y apporter une réponse.

Il s’agit en effet de donner un souffle nouveau à ce mouvement qui, depuis trente ans, a fait naître dans nos territoires une culture nouvelle faite de proximité, d’écoute et de dialogue. Les citoyens, dans les communes, les départements, les régions, ont pu se rapprocher de la décision publique. Ils en ont mieux appréhendé les enjeux. Ils ont mieux perçu quels étaient les différents champs de compétence. Ils ont aussi mieux su faire entendre leur voix, leurs attentes.

Avec cette deuxième lecture devant votre assemblée, à l’issue de celle il y a deux semaines au Sénat, ce tournant doit progressivement arriver à sa conclusion.

Les échanges au Sénat ont été approfondis. Les points de vue se sont exprimés. Des oppositions – et c’est normal – se sont fait entendre. Mais surtout, le texte a pu être enrichi. Alors que les débats reprennent, aujourd’hui, devant votre assemblée, je veux vous inviter, nous inviter, conformément aux orientations définies par le Président de la République, à ne rien abandonner de l’ambition que nous devons avoir pour la démocratie dans nos départements, dans nos communes. Car, aujourd’hui, se décide ce que sera notre démocratie, demain, dans ces territoires.

À l’issue de l’adoption, en deuxième lecture, du texte par le Sénat, un certain nombre d’éléments de la réforme sont acquis et je tiens, au nom du Gouvernement, à m’en réjouir. C’est le cas du calendrier électoral ; c’est également le cas de l’amélioration de la visibilité de l’assemblée départementale et, donc, de la lisibilité de son action.

Lors des débats, devant votre assemblée et au Sénat, j’ai dit combien le Gouvernement était disposé au dialogue afin que cette réforme, qui intéresse notre démocratie, puisse recevoir le soutien le plus large possible. C’est dans ce même état d’esprit que je me présente devant vous, aujourd’hui.

Le Gouvernement est prêt au dialogue, avec tous les groupes, afin que les positions puissent se rapprocher. Cette volonté je l’ai d’ailleurs démontrée à plusieurs reprises. Cela a été reconnu et salué, notamment au Sénat, mais également dans cette enceinte.

M. François Sauvadet. Seulement par le parti socialiste ! (Sourires.)

M. Manuel Valls, ministre. J’ai bien compris qu’il y avait des irréductibles, monsieur Sauvadet ! (Sourires.)

Tout d’abord, concernant le redécoupage des cantons : un redécoupage rendu impératif du fait de la rupture évidente du principe d’égalité devant le scrutin. À la suite de votre assemblée, les sénateurs ont adopté les dispositions relatives au redécoupage tout en faisant passer de 20 % à 30 % la possibilité d’écart de population d’un canton par rapport à la moyenne départementale. Le Gouvernement a entendu les arguments avancés aussi bien par les députés que par les sénateurs, comme il a entendu les arguments concernant le maintien du seuil de 12,5 % des inscrits pour pouvoir se présenter au second tour de l’élection. Là encore, le débat parlementaire approfondi, sur tous les bancs, a permis une avancée.

Le Gouvernement montre ainsi qu’il est prêt au dialogue, mais qu’il restera attaché aux principes de proximité et de parité. Or, le seul mode de scrutin qui permet de garantir simultanément ces deux principes, c’est le scrutin binominal.

Je veux, à ce titre, saluer le travail de votre commission des lois, monsieur le président, et de son rapporteur, M. Popelin. Votre commission a, en effet, adopté un certain nombre d’amendements relatifs au scrutin binominal permettant ainsi de renouer avec l’esprit premier de ce texte.

L’esprit de ce texte, c’est aussi le renforcement de la démocratie et de la lisibilité de l’élection dans les intercommunalités. Concernant les modalités de fléchage des candidats au conseil municipal et au conseil communautaire, les sénateurs ont accompli un travail important, qui satisfait le Gouvernement.

S’agissant des élections municipales, votre commission des lois a souhaité revenir à 500 habitants pour le seuil à partir duquel les élections dans les communes doivent se faire par scrutin de liste.

M. Alain Tourret. C’est une erreur !

M. Manuel Valls, ministre. Le débat se poursuit dans tous les groupes. Le Gouvernement, dans son projet initial, avait retenu le seuil de 1 000 habitants.

M. Alain Tourret. Très bien !

M. Manuel Valls, ministre. Le Sénat est clairement en faveur de 1 000, et je pense que c’est un bon chiffre.

M. Hervé Gaymard. Effectivement !

M. Manuel Valls, ministre. Mais je fais confiance à la discussion que nous allons avoir. J’ai cru comprendre qu’elle n’était pas arrivée à son terme, la Constitution prévoyant de toute façon d’autres étapes.

J’ai parlé d’un tournant. Nous le savons tous, un tel tournant politique est difficile à négocier. Il faut le faire collectivement, sereinement. Surtout, il faut expliquer inlassablement les objectifs de la réforme ; il faut vaincre la peur parfois légitime de la nouveauté, vaincre aussi les critiques injustes, les amalgames injustifiés, les campagnes organisées.

M. François Sauvadet. Oh !

M. Manuel Valls, ministre. Bref, un tournant se négocie d’autant mieux qu’on en connaît l’issue, qu’on se fait une image claire du paysage qu’on trouvera à la sortie. En l’occurrence, ce paysage, c’est celui d’une démocratie locale nouvelle, refondée.

M. François Sauvadet. Nouvelle, ça, oui !

M. Manuel Valls, ministre. Demain, si cette réforme est adoptée, la démocratie locale sera sortie de l’impasse du conseiller territorial.

M. François Sauvadet. Je n’en suis pas si sûr !

M. Manuel Valls, ministre. Le département et la région seront des échelons complémentaires, mais de nouveau autonomes. Un terme sera mis à l’illusion d’un élu qui se dédoublerait entre plusieurs fonctions, entre plusieurs assemblées. Les rôles et les compétences seront clairement définis et seront donc lisibles pour nos concitoyens. C’est, je crois, un facteur de légitimité démocratique tout à fait essentiel. Nous sortirons également, je l’ai dit, de l’impasse d’un calendrier électoral saturé. La concomitance des votes donne une cohérence à ces élections locales.

Demain, la démocratie départementale sera renforcée. Dotés d’un nom plus clair, les conseils départementaux seront des institutions mieux reconnues et les conseillers départementaux des élus mieux identifiés par nos compatriotes.

M. Jean Lassalle. Absolument pas !

M. Manuel Valls, ministre. Grâce au renouvellement unique, l’assemblée départementale sera, dès 2015, dotée d’une majorité pour la durée d’un mandat. Cela favorisera également une compétition politique plus claire, plus saine, fondée sur l’expression de projets départementaux.

Demain, les électeurs seront mieux représentés…

M. François Sauvadet. Non !

M. Manuel Valls, ministre. …– je veux insister sur ce point – et les territoires seront respectés.

M. François Sauvadet. Non !

M. Manuel Valls, ministre. Si, monsieur Sauvadet, et je veux vous le démontrer.

Le principe d’égalité devant le suffrage s’appliquera mieux dans les départements. C’est bien sûr une exigence constitutionnelle posée par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen et par l’article 3 de notre Constitution. Mais c’est aussi une exigence démocratique, à laquelle nous devons répondre.

M. François Sauvadet. Non !

M. Manuel Valls, ministre. Je comprends que certains d’entre vous soient attachés au Consulat... Il faut toutefois bien voir que les cantons de 1801, s’ils structurent encore la grande majorité de nos départements, ne reflètent plus la population de la France de 2013. Il en sera terminé des aberrations démocratiques comme celle qui prévaut dans l’Hérault où l’on constate des écarts pouvant aller de 1 à 47. Un homme - ou une femme –, une voix : ce principe est simple, basique. Démocratiser le département, c’est lui redonner une légitimité, c’est impliquer davantage tous les citoyens, qui sauront que leur voix est mieux prise en compte.

Les cantons ne représentent plus, pour beaucoup, la réalité des territoires. Les bassins de vie ont changé, les interactions entre territoires ne sont plus les mêmes qu’en 1801, les intercommunalités ont également restructuré l’espace de vie. Le canton reste un espace politique et territorial pertinent à condition qu’il soit modernisé, remodelé, relégitimé.

Si le texte issu de votre commission des lois est adopté en l’état, notre territoire sera divisé en 2 070 cantons, et la population de chacun d’eux ne pourra s’écarter de plus de 30 % de la moyenne départementale. J’ai entendu les voix, ici et au Sénat, qui se sont exprimées pour une meilleure représentation des territoires, notamment en zone rurale. Un amendement a été adopté en ce sens.

M. Jean Lassalle. C’est vrai !

M. Manuel Valls, ministre. Il y a quelques jours, j’étais dans la Creuse, qui n’est pas précisément un département urbain : la population moyenne par canton doit s’y établir autour de 8 000 habitants si j’ai bonne mémoire.

M. François Sauvadet. Il n’y a qu’un seul député et il fait partie de vos rangs, alors c’est facile !

M. Manuel Valls, ministre. Ainsi, les territoires ruraux comme le plateau de Millevaches seront mieux représentés, d’autant que les intercommunalités seront intégrées.

Oui, ces voix, je les ai entendues, mais je vous rappelle que la démocratie, c’est aussi le respect des règles, et que le Conseil constitutionnel est là pour y veiller.

La France est diverse, par son peuplement, par sa géographie, par ses paysages. Ces paysages, vous le savez tous, structurent notre espace ; ils seront pris en compte dans le découpage cantonal. C’est l’objectif des exceptions que nous avions prévues dès la rédaction de ce projet de loi et sur lesquelles nous avons considérablement progressé au fil des débats parlementaires.

Pour qu’un élu représente la population vivant sur un territoire, celui-ci doit s’inscrire dans un espace cohérent. Des territoires trop étendus seraient absurdes. La superficie et le nombre de communes seront donc pris en compte. De même, les territoires isolés du fait de leur relief ou de leur insularité recevront toute la considération qu’ils méritent. Je l’ai dit, la diversité de ses territoires fait la richesse de notre pays. Et cette richesse ne sera pas diluée dans une uniformité artificielle à travers un conseiller territorial ou un scrutin de liste proportionnel.

Vous pouvez vous opposer à notre projet, c’est tout à fait légitime. Mais vous ne pouvez pas dire que ce texte ne s’est pas amélioré au fil de la discussion. Celle-ci a permis la prise en considération de ces territoires, grâce notamment à l’amendement présenté par M. Sauvadet grâce aux amendements défendus par la majorité, grâce au travail de l’Assemblée et du Sénat.

M. François Sauvadet. Un seul de nos amendements a été adopté ! Un seul !

M. Manuel Valls, ministre. Monsieur Sauvadet, j’ai connu des périodes où aucun amendement de l’opposition n’était adopté. Dans le cas présent, le travail parlementaire de la majorité comme de l’opposition, dans les deux chambres, a enrichi le texte.

Démocratiser, c’est mieux représenter la population. À cet égard, la sous-représentation – le mot est faible – des femmes dans nos assemblées départementales est devenue insupportable.

M. Jean Lassalle. C’est bien vrai !

M. Manuel Valls, ministre. En matière de parité, il n’y aura plus d’anomalie départementale. Aujourd’hui, 605 femmes sont élues dans les départements ; demain, elles seront 2 070, soit 1 465 de plus.

Les choses doivent être claires : si l’on est à la fois défavorable à la proportionnelle parce que l’on souhaite conserver un lien entre le conseiller général ou départemental et la population, et favorable à la parité, il n’y a qu’une seule réponse – je le répète tranquillement une nouvelle fois –, c’est le scrutin binominal, qui permet de combiner représentation de ces territoires et parité.

La parité ne serait pas achevée si elle ne s’appliquait pas aux exécutifs départementaux. Là encore, les disparités de représentation sont criantes : 95 % des présidents et 85 % des vice-présidents de conseils généraux sont des hommes. Depuis 2007, les règles d’élection paritaires des commissions permanentes et des vice-présidents ont permis la féminisation des exécutifs régionaux. Il en sera de même dans les départements. Aujourd’hui, 172 femmes sont vice-présidentes de conseils généraux ; demain, elles seront 517, à égalité avec les hommes. C’est une avancée pour la démocratie, c’est aussi une avancée pour l’institution départementale à laquelle nous sommes profondément attachés.

Demain, ceux qui critiquent le binôme admettront, je l’espère, qu’il s’agit de la seule solution qui permette d’allier parité et proximité, qu’il s’agit en fait du seul moyen de mieux représenter à la fois la population et les territoires.

Certains ont répété à l’envi que ce mode de scrutin poserait des problèmes pratiques.

M. François Sauvadet. Bien sûr !

M. Manuel Valls, ministre. Lesquels ? Qu’ils l’expliquent, qu’ils développent, qu’ils cherchent à nous convaincre : ils n’y sont pas parvenus jusqu’à présent ! Une femme et un homme seront élus dans chaque canton. Ils seront élus ensemble, solidairement. Ensuite, ils siégeront de façon autonome au sein de l’assemblée départementale et pourront chacun défendre l’intérêt de leur département.

Plusieurs élus pour un même territoire, cela existe depuis longtemps. Aujourd’hui, les sénateurs élus au scrutin proportionnel représentent tous le même territoire, il en est de même des conseillers régionaux.

M. Pascal Popelin, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Tout à fait !

M. Manuel Valls, ministre. Hier, c’était le cas des députés de la IIIe ou de la IVRépublique. Ce sera le cas, demain, des conseillers départementaux.

Certains, ici, ont cru pouvoir parler d’un affaiblissement du département. Mais ceux qui voulaient affaiblir le département, ceux qui ont, un temps, envisagé de le supprimer, c’étaient les promoteurs du conseiller territorial.

M. François Sauvadet. Pas du tout !

M. Manuel Valls, ministre. Avec cette réforme, le département sera renforcé. Institution républicaine par excellence, le département demeurera. Il gardera sa place. Plus moderne, plus représentatif des territoires et de ceux qui y habitent, il gagnera en légitimité auprès des citoyens.

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. La foi de la vérité !

M. Manuel Valls, ministre. Merci, monsieur le président.

Demain, l’intercommunalité aura enfin la place qui doit être la sienne dans notre démocratie locale. Je pense que nous partageons tous cet objectif.

M. Marc Dolez. Presque tous !

M. Manuel Valls, ministre. Oui, presque tous, vous avez raison de le rappeler, monsieur Dolez.

Les conseillers intercommunaux auront acquis la visibilité démocratique que nécessite leur action. Ils seront, dès 2014, élus le même jour par un même vote que les conseillers municipaux. Leurs noms apparaîtront clairement sur les bulletins de vote. Les Français savent déjà que les intercommunalités réalisent chaque jour des projets ambitieux, qu’elles mènent des politiques publiques essentielles. Ils sauront qui les représente, ils mettront des visages sur une politique.

C’est un gage d’adhésion au projet intercommunal, qu’il s’agisse du développement économique, de l’environnement, des transports, de la petite enfance, de la culture, ou d’autres domaines qui concernent à la fois le développement des territoires et les politiques publiques de proximité.

C’est aussi un gage de féminisation des assemblées intercommunales, puisque ces listes seront naturellement paritaires. Lorsque l’application de la parité n’est pas systématique, il y a des possibilités d’y échapper et elle n’est pas pleinement effective. Nous le voyons bien actuellement dans les conseils généraux et dans les intercommunalités.

Le Sénat a souhaité qu’une liberté soit préservée dans l’établissement des listes et que le nom des futurs élus intercommunaux apparaisse distinctement sur le bulletin de vote. Votre commission des lois a fait le choix de conserver ces dispositifs. Je partage ces objectifs, même si je vous alerte, là aussi, sur les risques d’une trop grande complexité.

Demain, la démocratie locale, la démocratie communale seront renforcées. Les Français sont attachés à la commune, à la figure du maire. La commune, c’est l’élément de base, le fondement de la démocratie locale. À une période où nos concitoyens sont en proie aux craintes, aux peurs et aux doutes et cherchent des repères, il est important de préserver cet échelon.

Les élus municipaux sont les premiers représentants de la République devant les Français. Ils le montrent chaque jour par leur travail et par leur engagement bénévole au service de leur commune, qui se fait souvent au détriment de l’exercice de leur métier ou de leur vie familiale. Le mode de scrutin municipal n’était plus, dans beaucoup de communes, adapté à une démocratie moderne. Le jeu du raturage sanctionnait parfois injustement des élus les plus méritants, et les sanctionnera encore. Dans les communes votant au scrutin majoritaire, le pluralisme politique s’exprime plus difficilement, la parité est moins respectée. Le seuil à partir duquel le vote se déroule au scrutin proportionnel sera donc abaissé. Si ce seuil est de 1 000 habitants comme le souhaite le Gouvernement, 85 % de la population bénéficiera d’un conseil municipal paritaire, élu au scrutin de liste. Ces mêmes électeurs pourront élire directement, par fléchage, leurs conseillers intercommunaux. Si vous allez plus loin, cela permettra de représenter encore plus de Français. C’est là encore une avancée démocratique importante.

Mesdames et messieurs les députés, avec ce projet de loi, notre démocratie locale – j’y insiste – sera renouvelée. Demain, les départements et les communes seront des départements et des communes qui représenteront mieux encore la France qu’aujourd’hui.

M. François Sauvadet. Assurément non !

M. Manuel Valls, ministre. Cette question de la représentativité est fondamentale et nous devons, sans cesse, nous la poser, car c’est une voie d’aboutissement du projet démocratique et une condition de sa vitalité.

Nos institutions, dès lors qu’elles sont à l’image de la société, en comprennent mieux les attentes et sont donc mieux à même d’y répondre : c’est là le socle de leur légitimité.

Des institutions plus représentatives permettent également aux citoyens de s’identifier, de se reconnaître pleinement dans la collectivité à laquelle ils appartiennent.

Les collectivités territoriales sont au cœur de notre construction démocratique et de notre patrimoine républicain. Le Gouvernement, avec vous, veut asseoir leur légitimité et les consolider ; car les consolider, c’est tout simplement renforcer la République. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la république.

M. Pascal Popelin, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la république. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois, chers collègues, nous cheminons progressivement vers le terme du travail législatif engagé en début d’année sur ce texte important, dont l’objet consiste à renforcer et à moderniser la démocratie locale.

Permettez-moi, à ce stade, d’exprimer mon sentiment sur la manière dont se sont jusqu’ici déroulés nos débats. Je souhaite tout d’abord saluer l’esprit d’écoute et d’ouverture dont a fait preuve le ministre tout au long de ce processus.

Le juste point d’équilibre a été trouvé entre l’importance de défendre les avancées dans lesquelles croient le Président de la République, le Gouvernement et la majorité de cette assemblée, et la nécessité de rester attentif aux interrogations qu’elles sont de nature à susciter.

Cet état d’esprit a permis d’améliorer substantiellement le texte d’origine et de lever certaines inquiétudes, sans pour autant trahir les ambitions poursuivies par cette réforme.

Je veux aussi souligner le climat de respect républicain qui a caractérisé d’une façon générale l’ensemble de nos échanges. Nos débats ont parfois été vifs et le seront sans doute encore. Nos nombreux désaccords laissent apparaître en filigrane de profondes différences d’appréciation, voire des contradictions, sur la manière dont doit évoluer l’organisation territoriale de notre pays. Cela n’a toutefois pas nui à la réelle qualité de nos discussions.

À l’issue des dizaines d’heures de débats que nous avons consacrées à ce texte, je n’émettrai qu’une seule objection, en forme de regret : je déplore que certains de nos collègues aient opté, avec une constance implacable et un aplomb à toute épreuve, pour la stratégie du déni. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

En niant l’obligation qui nous est faite de procéder à un redécoupage de la carte cantonale,…

M. François Sauvadet. Quelle profondeur d’analyse !

M. Pascal Popelin, rapporteur. …en s’obstinant à présenter cette entreprise comme le fruit d’une basse manœuvre politicienne, en s’adonnant au concours de celui qui emploiera le plus souvent quelques substantifs épouvantails tels que « charcutage » ou « tripatouillage »,…

M. François Sauvadet. C’est la réalité !

M. Pascal Popelin, rapporteur. …ces collègues ont tout bonnement travesti une réalité qui se serait de toute façon imposée à n’importe quelle majorité, quel que soit le mode de scrutin retenu.

M. François Sauvadet. C’est faux !

M. Pascal Popelin, rapporteur. La répétition ne fait jamais une vérité. Je reconnais néanmoins que la technique est habile.

M. François Sauvadet. Vous en savez quelque chose !

M. Pascal Popelin, rapporteur. Vous tentez de faire porter à la majorité la responsabilité d’une évolution qui se serait imposée constitutionnellement à tout gouvernement, sans doute pour dissimuler les vrais motifs d’autres désaccords, plus difficilement dicibles.

M. François Sauvadet. Pas du tout !

M. Pascal Popelin, rapporteur. J’en viens à l’état d’avancement de nos travaux. Le 14 mars dernier, le Sénat a adopté, en deuxième lecture, les deux projets de loi relatifs à la réforme des modes de scrutins locaux.

Ainsi, seize articles du projet de loi et cinq articles du projet de loi organique ont déjà été adoptés conformes par nos deux assemblées et ne sont donc plus en navette.

Parmi les dispositions adoptées en termes identiques, je citerai la concomitance et le report à 2015 des élections départementales et régionales ; l’abrogation du conseiller territorial ; la nouvelle dénomination « conseil départemental » au lieu de « conseil général » ;…

M. Philippe Vigier. Voilà qui va changer la vie !

M. Pascal Popelin, rapporteur. …la nouvelle répartition par arrondissement des conseillers de Paris ; l’inscription dans la loi de l’ordre du tableau des membres du conseil municipal.

Pour autant, de nombreuses dispositions – trente-huit articles du projet de loi et trois articles du projet de loi organique – restent en discussion.

Tout d’abord, concernant les élections départementales, la situation est relativement simple puisque le Sénat a supprimé la totalité des articles relatifs à l’instauration du scrutin binominal paritaire.

M. Olivier Marleix. Heureusement ! Sagesse du Sénat !

M. Pascal Popelin, rapporteur. À mon initiative, la commission des lois a rétabli ces articles dans leur rédaction adoptée par notre assemblée en première lecture, avec cependant quelques différences : le maintien du seuil de qualification de 12,5 % des inscrits pour le second tour, tel qu’il a été introduit dans la loi en 2010 ; la modification du nombre minimal de cantons par département en fonction de la population, proposée par le Gouvernement.

En dépit de son rejet du scrutin majoritaire, le Sénat a adopté, en le modifiant, l’article 23, qui fixe les règles applicables au futur redécoupage cantonal. La modification la plus importante concerne l’écart maximal entre la population moyenne des cantons d’un même département, pour lequel le taux de plus ou moins 20 % a été remplacé par un taux de plus ou moins 30 %.

Compte tenu du large accord dont cette modification a fait l’objet au Sénat, mais aussi des débats qui avaient eu lieu ici même en première lecture, la commission de lois a décidé, sur ma proposition et quoi que je puisse personnellement en penser, de ne pas revenir sur ce chiffre.

Mme Frédérique Massat. Très bien !

M. Pascal Popelin, rapporteur. En revanche, nous avons supprimé deux innovations introduites par le Sénat en matière de redécoupage : la création de sections cantonales et la contrainte en matière de regroupement de communes.

Nous avons en outre adopté un amendement du Gouvernement qui clarifie et précise les exceptions aux règles régissant le redécoupage, notamment la règle des plus ou moins 30 %, en s’efforçant de synthétiser l’ensemble des considérations issues des débats à l’Assemblée et au Sénat.

En matière d’élections municipales, l’abaissement du seuil séparant les deux régimes électoraux municipaux continue de diviser. Le Sénat a rétabli le seuil de 1 000 habitants prévu par le projet de loi initial.

M. François Sauvadet. Sagesse !

M. Pascal Popelin, rapporteur. À l’initiative des commissaires socialistes et écologistes, la commission des lois de l’Assemblée nationale est revenue à son choix de première lecture, à savoir un mode de scrutin majoritaire de liste paritaire avec représentation proportionnelle pour toutes les communes de 500 habitants et plus.

M. François Sauvadet. Erreur !

M. Pascal Popelin, rapporteur. Le ministre vient de rappeler que le sujet fait débat, sur tous les bancs et dans tous les partis. L’abondant courrier reçu par le rapporteur ces derniers jours en témoigne, émanant de maires de toutes tendances : les uns me demandent de tenir bon sur le seuil des 500 habitants, tandis que les autres considèrent que cette contrainte est trop lourde.

Pour le reste, le Sénat a maintenu, moyennant quelques modifications rédactionnelles, l’essentiel des dispositions que nous avions adoptées pour moderniser les élections municipales. Nous avons poursuivi cet effort en commission, notamment en supprimant, à l’initiative de notre président, le sectionnement électoral dans les communes de moins de 20 000 habitants.

Le Sénat a renoncé à diminuer de deux unités l’effectif des conseils municipaux des communes les moins peuplées, car cette mesure était mal perçue dans nombre de communes concernées. Puisque nous l’avions créée en référence à la réflexion des sénateurs, la commission s’en est tenue à leur décision.

À mon initiative, la commission des lois s’est efforcée de rééquilibrer les dispositions relatives aux inéligibilités et incompatibilités applicables aux élections municipales.

Notre ligne de conduite en la matière est simple : l’inéligibilité doit rester exceptionnelle, puisqu’il s’agit d’une restriction à la liberté fondamentale de concourir à une élection. L’incompatibilité doit en revanche empêcher d’exercer tout emploi salarié au sein d’une collectivité dans laquelle on accomplit un mandat électif municipal ou intercommunal.

S’agissant des élections intercommunales, le Sénat a profondément modifié le dispositif que nous avions adopté, sur plusieurs points : tout d’abord, il a retenu l’appellation de « conseiller communautaire » ; la commission a, pour sa part, rétabli le « conseiller intercommunal ».

Ensuite, le Sénat a adopté un dispositif de fléchage des élus intercommunaux d’inspiration semblable à celui qu’il avait adopté en commission en première lecture. Il met ainsi en place un fléchage alternatif au moyen d’une liste intercommunale séparée, en lieu et place du dispositif prévu par le Gouvernement, que nous avions nous-mêmes assoupli dans une moindre mesure en première lecture. La commission des lois a en outre amélioré la lisibilité du dispositif et de ses encadrements au moyen de nombreux amendement.

Nous avons également rétabli un certain nombre de dispositions supprimées par le Sénat, sur lesquelles nous avions pu travailler de concert, telles que l’élection des représentants intercommunaux au sein des syndicats d’agglomération nouvelle, ou l’application à la Polynésie française et à la Nouvelle-Calédonie des dispositions du projet de loi.

Par ailleurs, le Sénat avait adopté un amendement mettant en place, de manière toutefois incomplète, un nouveau mode de scrutin pour les élections régionales, prévoyant une élection au scrutin proportionnel dans le cadre du département. La commission des lois n’a pas conservé cette réforme, sans lien avec l’objet de ce texte et pour le moins improvisée.

Enfin, les dispositions du projet de loi organique, présentant essentiellement des mesures de coordination, ont été pour l’essentiel adoptées de manière conforme par le Sénat, à l’exception de celles concernant la transposition du seuil électoral.

Afin d’éviter que les deux chambres ne se renvoient continuellement le texte, dont certaines dispositions, notamment celles relatives au vote des citoyens européens, doivent faire l’objet d’une adoption conforme, la commission a choisi de remplacer l’indication d’un seuil de population par la référence au mode de scrutin pratiqué.

À l’issue de ce travail, qui me semble désormais bien abouti, je vous invite à adopter ces deux projets de loi, dans le texte élaboré par la commission des lois de notre assemblée. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. François Sauvadet. Sûrement pas !

Motion de rejet préalable (projet de loi ordinaire)

Mme la présidente. J’ai reçu de M. Christian Jacob et des membres du groupe de l’Union pour un mouvement populaire une motion de rejet préalable déposée en application de l’article 91, alinéa 5, du règlement sur le projet de loi relatif à l’élection des conseillers départementaux, municipaux et communautaires et modifiant le calendrier électoral.

La parole est à M. Guillaume Larrivé. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Guillaume Larrivé. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois, chers collègues, notre opposition à ces projets de loi n’a fait que grandir depuis la première lecture, voici un mois.

Semaine après semaine, la France s’enfonce dans la croissance zéro et le chômage de masse, les Français s’appauvrissent et souffrent du bombardement fiscal que vous leur imposez, et la défiance à l’égard du gouvernement socialiste s’installe dans l’opinion publique.

Vous avez perdu, sans exception, les cinq élections législatives partielles tenues ces derniers temps. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Sylviane Bulteau. Aucun rapport ! Allez au fait !

M. Guillaume Larrivé. Ce n’est pas un hasard, mais un avertissement ; et cela a un rapport direct avec le texte dont nous allons débattre.

Plutôt que de chercher à corriger sa ligne politique, le Gouvernement se fourvoie sur des chemins très incertains.

Ainsi, vous revenez vers nous, monsieur le ministre de l’intérieur, avec ces textes électoraux qui ne répondent strictement en rien aux enjeux des collectivités territoriales.

Le vrai sujet, qui mériterait un travail approfondi de l’Assemblée nationale, porte bien évidemment sur l’organisation des collectivités territoriales et leurs relations avec les services de l’État.

Je rappelle que le Gouvernement a annoncé qu’il souhaitait diminuer de 4,5 milliards d’euros, dans les deux ans, le montant des dotations de l’État aux collectivités.

Cette décision fait peser sur les Français la menace d’une explosion de la fiscalité locale, car ce que le gouvernement socialiste va retirer d’une main dans les budgets des collectivités, les maires socialistes, les présidents de conseils généraux socialistes et les présidents de conseils régionaux socialistes vont tenter de le reprendre dans les poches des contribuables. (Nouvelles exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Kléber Mesquida. Quel est le rapport ?

M. Guillaume Larrivé. Pour protéger les Français contre ce nouveau choc fiscal local, il y a urgence à mieux organiser les collectivités territoriales.

C’est pourquoi nous voulons débattre et décider, ici, d’une vraie réforme permettant de mieux répondre au défi de la compétitivité des territoires, de dégager des marges de manœuvre financières et d’encourager les acteurs qui se battent pour faire vivre la ruralité.

M. Kléber Mesquida. Vous vous êtes trompé de texte !

M. Guillaume Larrivé. Nous regrettons que le projet de loi sur la décentralisation, cent fois annoncé, paraisse aujourd’hui enlisé, puisque le Parlement n’en est pas saisi, près d’un an après votre arrivée au pouvoir.

Nous subissons en revanche la créativité qui anime le Gouvernement en matière de droit électoral.

Le Sénat, représentant les collectivités territoriales, ne s’y est pas trompé : il a rejeté votre texte en première lecture et l’a vidé de l’essentiel de son contenu en deuxième lecture.

Tel qu’il revient du Sénat, le texte n’est pas une victoire pour le Gouvernement, c’est le moins que l’on puisse en dire. Le Sénat persiste à rejeter le cœur de votre contre-réforme, puisqu’il ne veut pas du mode de scrutin binominal départemental.

Et pour le reste, afin d’obtenir l’adoption d’un texte atrophié, vous avez dû céder sur plusieurs points, au risque de dire parfois le contraire, au Sénat, de ce que vous aviez indiqué devant l’Assemblée nationale.

Monsieur le ministre, permettez à l’opposition de souligner certaines de vos contorsions qui mettent en lumière les faiblesses du projet de loi présenté par le Gouvernement. Je relève, en particulier, que vous avez heureusement abandonné l’idée de manipuler le seuil d’accès au second tour des élections départementales.

Reste que le texte qui vient aujourd’hui en discussion dans l’hémicycle, compte tenu des amendements qui ont été adoptés par la commission des lois, comporte toujours trois difficultés majeures.

Premier problème : le mode de scrutin départemental.

Vous continuez à proposer que, dans un même territoire, soient désormais élus deux conseillers départementaux, se présentant en binôme. Il est certain que les partis politiques doivent faciliter, de manière plus volontariste qu’aujourd’hui, l’émergence de nouveaux talents. La parité est un élément majeur de ce nécessaire renouvellement.

M. François André. Tout de même !

M. Guillaume Larrivé. Mais la méthode du binôme comporte des inconvénients dirimants. Au sein d’un même territoire, censés travailler avec les mêmes habitants, les mêmes maires, les mêmes entreprises, les mêmes associations, ces deux conseillers départementaux seront soit des doublons, soit des concurrents. Personne, sur le terrain, à l’exception de quelques militants particulièrement motivés, fidèles et valeureux du parti socialiste, là où il en reste (Murmures sur les bancs du groupe SRC), ne réclame ce binôme.

Permettez-moi ce témoignage. Comme député de la Puisaye, je participais, samedi, à la foire du Beau Marché, rendez-vous traditionnel, chaque printemps, à Toucy.

M. François Sauvadet. Très belle foire ! (Sourires.)

M. Guillaume Larrivé. Au moment des discours, se sont successivement exprimés le maire, le président de la communauté de communes, le président du syndicat de pays, le conseiller général du canton, une conseillère régionale, le président du conseil général, le sénateur, le député – votre serviteur – et, naturellement, la sous-préfète représentant l’État.

M. Pascal Popelin, rapporteur. Ça a dû être long !

M. Guillaume Larrivé. Je dois avouer que personne, parmi les auditeurs, ne s’est levé pour exiger un dixième discours et réclamer par conséquent la création, de toute urgence, d’un binôme de conseillers départementaux ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Car personne ne pense sérieusement que l’instauration d’un binôme rendra plus efficace le travail des différents échelons de collectivités.

Monsieur le ministre de l’intérieur, là où nous devrions ensemble simplifier, vous vous obstinez à compliquer.

Chacun a compris que le binôme est une trouvaille qui vous donne, en réalité, un prétexte pour procéder, à votre guise, à un redécoupage total de tous les cantons de tous les départements de France.

Plusieurs députés du groupe SRC. Ah ! Nous y voilà !

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Jaloux !

M. Guillaume Larrivé. Vous êtes démasqués !

M. François Sauvadet. Eh oui !

M. Guillaume Larrivé. L’opacité du redécoupage cantonal : voilà le deuxième problème majeur que pose votre projet de loi.

Si vous aviez maintenu les conseillers généraux, vous auriez dû procéder à des ajustements ponctuels, seulement ponctuels, de la carte cantonale, pour réduire les écarts de population dans certains départements, conformément à la jurisprudence pragmatique du Conseil d’État. Mais vous inventez un mode de scrutin qui vous permet de faire table rase du passé, en procédant à un redécoupage total.

D’une chambre à l’autre, le discours gouvernemental évolue à la marge, mais il reste inchangé pour l’essentiel.

M. Manuel Valls, ministre. Il faudrait savoir !

M. Guillaume Larrivé. Vous maintenez votre préférence pour l’opacité en rejetant la proposition, faite par le groupe UMP, de créer une commission pluraliste présidée par un député de l’opposition, ayant pour rapporteur un sénateur de la majorité, et qui donnerait un avis, publié au Journal officiel, sur chaque projet de redécoupage, dans chaque département.

M. Kléber Mesquida. Vous l’aviez fait, vous ?

M. Guillaume Larrivé. Les critères du redécoupage restent obscurs. Vous refusez de respecter les limites des circonscriptions législatives. Vous refusez de tenir compte des limites des cantons existants. Vous refusez, de même, de prendre en considération les périmètres des communautés de communes. C’est bien méconnaître la réalité du terrain. Depuis plusieurs années, les élus municipaux ont débattu d’une nouvelle organisation intercommunale et ont défini ensemble, dans le cadre d’un dialogue approfondi et sérieux avec les préfets, les nouveaux contours de leurs communautés de communes. Il sera tout à fait nécessaire d’en tenir compte au moment du redécoupage cantonal si l’on veut que les communautés de communes travaillent en bonne intelligence avec les départements.

Vous persistez à vouloir fixer dans la loi une règle arithmétique de redécoupage, selon laquelle le nombre d’habitants d’un canton ne pourrait pas s’écarter de la moyenne départementale au-delà d’un « tunnel » arithmétique.

Ce débat autour de la question du tunnel est extrêmement important, puisqu’il conditionne en vérité la représentation des différents territoires au sein des conseils généraux. Plus le tunnel démographique est strict, plus l’équilibre nécessaire entre les territoires urbains et ruraux sera difficile à respecter. Si vous vous enfermez dans une logique mathématique, vous sacrifiez la ruralité et vous organisez la prise de contrôle des départements par les territoires urbains.

Force est de constater que le tunnel varie selon que le ministre se trouve au Palais Bourbon ou au Palais du Luxembourg.

Il y a un mois, monsieur le ministre de l’intérieur, vous nous avez expliqué ici que le tunnel devait être fixé à 20 % sauf à méconnaître, selon vous, des exigences de nature juridique et même constitutionnelle. Et vous avez alors rejeté ceux de nos amendements de repli qui, faute d’obtenir la suppression de toute cette opération de redécoupage, proposaient d’élargir le tunnel à 30 %.

Ce qui était selon vous juridiquement impossible lorsqu’il s’agissait d’une proposition de l’opposition à l’Assemblée nationale semble l’être devenu à vos yeux au Sénat, puisque vous y avez accepté ce tunnel de 30 %. Et la commission des lois de l’Assemblée nationale, en deuxième lecture, s’y rallie elle aussi. Je crains que ces palinodies ne vous conduisent, ne nous conduisent dans une impasse.

Ce que vous jugiez anticonstitutionnel en février, vous l’acceptez en mars et vous devrez donc le défendre en avril devant le Conseil constitutionnel.

Il serait plus sage d’adopter la proposition que nous avons formulée et qui consiste à ne pas fixer, dans la loi, de critère arithmétique.

M. François Sauvadet. Très bien !

M. Guillaume Larrivé. Je vous rappelle que tel a toujours été le cas en matière cantonale : le législateur n’a jamais fixé lui-même un tel critère mathématique et mécanique. Il a laissé le soin au pouvoir réglementaire, dans le cadre d’un dialogue avec les sections administratives du Conseil d’État, de fixer les contours des cantons dans chaque département.

Plus de souplesse juridique, plus de transparence politique : c’est à ce double effort que nous vous appelons, dans l’intérêt même des territoires de notre pays.

Car si nous voulons respecter l’équilibre entre les villes et les campagnes, si nous voulons sauvegarder la représentation des territoires ruraux au sein des départements, nous devons continuer à refuser d’appliquer une règle à calcul, et nous pourrons alors procéder avec mesure, au cas par cas, à quelques ajustements des cantons actuels.

J’en viens à la troisième difficulté majeure que continue de poser ce projet de loi, qui pourrait fragiliser demain la démocratie dans les petites communes.

Prenons garde, et je m’adresse notamment aux députés de la majorité, à ne pas affaiblir les communes et à ne pas décourager la bonne volonté d’un demi-million de Français, pour la plupart bénévoles, qui se dévouent au quotidien au sein des municipalités et des communautés de communes.

Il existe aujourd’hui un large accord sur le principe de l’abaissement du seuil des élections se tenant au scrutin de liste majoritaire avec représentation proportionnelle à deux tours, jusqu’alors réservé aux 2 918 communes de plus de 3 500 habitants. Ce mode de scrutin paritaire, simple et lisible, présente des avantages. Mais faut-il l’étendre à toutes les communes de plus de 500 habitants, comme persistent à le proposer ici le groupe socialiste et la commission des lois de l’Assemblée nationale ? Nous ne le pensons pas.

Comme le Sénat, comme l’Association des maires de France, les députés de l’opposition ont la conviction que, dans les plus petites communes, où chacun se connaît, nos concitoyens restent attachés au mode de scrutin actuel qui permet un choix à la fois très ouvert et très précis, grâce notamment au panachage. Par conséquent, un seuil de 1 000 habitants nous semble mieux adapté aux réalités locales. C’est un point d’accord du ministre de l’intérieur et du groupe UMP malgré l’opposition persistante, et pour tout dire incompréhensible, du groupe socialiste, ou en tout cas des députés du groupe socialiste siégeant au sein de la commission des lois de l’Assemblée nationale. Mes chers collègues, trouvons quand même sur ce point un accord, un consensus. C’est l’exigence des maires qui s’expriment dans chacun de nos départements.

De même, le fléchage des élus municipaux appelés à siéger au sein des conseils communautaires ne doit pas être trop rigide. Dans les petites communes régies par le scrutin majoritaire, il est nécessaire que le maire soit assuré de représenter sa commune au sein du conseil intercommunal, mais, pour les autres sièges de conseillers intercommunaux, il convient de laisser aux conseils municipaux la possibilité de déroger à l’ordre du tableau, comme le propose le Sénat. Prenons garde à ne pas tout réglementer. Respectons les libertés locales et permettons à nos concitoyens de continuer à s’impliquer dans la vie de leurs communes.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, bien d’autres difficultés ont été évoquées en première lecture. Je pense, en particulier, au report des dates des élections régionales et départementales, qui n’est justifié par aucun motif d’intérêt général. Je garde à l’esprit, de même, les curieuses suppressions et créations de conseillers de Paris auxquelles vous souhaitez procéder à quelques mois des élections municipales.

Ces points de désaccords ne peuvent plus être débattus à ce stade de notre discussion parlementaire mais ils le seront à nouveau devant le Conseil constitutionnel que nous saisirons, bien évidemment, si le texte devait, par malheur, être adopté.

Permettez-moi, pour l’heure, de formuler un regret. En souhaitant modifier les lois électorales quelques mois après son arrivée au pouvoir, le Gouvernement ne fait qu’entretenir des soupçons de manipulation.

Je crois profondément que de telles pratiques, de tels arrangements devraient appartenir au passé.

Dans une démocratie moderne et apaisée, la majorité du moment devrait savoir respecter les rythmes et les règles du jeu électoral. Il y va de l’intérêt général. Il y va de la confiance que nos concitoyens portent ou ne portent plus dans les partis de gouvernement et dans les institutions de notre République. Prenons garde, prenez garde à ne pas nourrir la défiance et le ressentiment. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Manuel Valls, ministre. Monsieur le député, vous me demandez si le moment est bien choisi d’entamer une telle réforme. C’est vrai, le pays fait face à des défis économiques, industriels et budgétaires sans précédent. Mais cela résulte de la situation que nous avons trouvée.

M. François Sauvadet. C’est vous qui avez le pouvoir maintenant !

M. Manuel Valls, ministre. Monsieur Sauvadet, ce n’est pas à vous que je réponds, mais à M. Larrivé.

Nous avions pris l’engagement devant les Français, au cours de la dernière législature, d’abroger le conseiller territorial. Pour différentes raisons, l’ancienne majorité n’avait pas procédé à un découpage ni prévu de mettre en place une commission indépendante…

M. Charles de La Verpillière. Si !

Plusieurs députés du groupe UMP. Non !

M. Manuel Valls, ministre. Pas du tout ! J’ai longuement relu ce texte, et je peux vous assurer qu’il ne prévoyait pas de créer une commission indépendante. J’en profite pour dire que les conseillers généraux seront, bien évidemment, consultés et que tous les découpages départementaux seront soumis à l’avis du conseil d’État.

C’est donc bien le moment d’entamer cette réforme concernant les départements. Nous tirons les conclusions de cet engagement que nous avons tenu de supprimer le conseiller territorial et nous prenons un certain nombre de précautions institutionnelles, constitutionnelles, techniques, politiques pour le découpage.

J’en viens au texte lui-même. Il préserve bien évidemment, et c’est l’essentiel, le scrutin binominal tel que la commission des lois l’a adopté. Il ne m’a pas échappé que le Sénat n’a pas approuvé l’article 2, mais l’esprit dans lequel les débats ont eu lieu, en deuxième lecture, devant la Haute Assemblée, a démontré que les choses avançaient.

Beaucoup de points ont été adoptés, et c’est cela qui m’importe. Certes, le Sénat a rejeté l’article concernant le mode de scrutin binominal paritaire départemental, mais nous restons fermes sur ce point qui permet précisément la proximité et la parité. D’autres sujets comme l’intercommunalité, les communes, le tunnel ont fait l’objet d’une discussion approfondie et ont même été approuvés.

S’agissant de l’intercommunalité, je le répète, nous avançons tous ensemble. Il s’agit de dispositifs qui avaient été prévus par le texte précédent, mais qui n’étaient pas allés jusqu’au bout. Je vous rappelle aussi que le gouvernement précédent avait adopté le seuil de 500 habitants. Ne me parlez donc pas de contradiction. Bien évidemment, nous restons fermes sur les principes et sur l’essentiel de ce texte, mais vous ne pouvez pas me reprocher, en déformant d’ailleurs mes propos, ma volonté d’écoute.

J’ai dit ici même, comme je l’ai dit au Sénat en première lecture, que, sur le « tunnel », nous étions ouverts à la discussion. Il y a évidemment ces risques constitutionnels : je ne les ai cachés à personne, ni au Sénat, ni à l’Assemblée, mais j’ai considéré qu’avec les critères adoptés à l’Assemblée et au Sénat nous pouvions prévoir ce tunnel de plus ou moins 30 %. Nous verrons bien, à la fin des fins, ce qui sera dans le texte ; nous verrons bien aussi ce que le Conseil constitutionnel décidera quand il sera saisi ; mais pour le moment, nous sommes à l’Assemblée nationale et nous essayons d’avancer. C’est cela qui vous gêne : précisément, le Gouvernement est à l’écoute.

Sur le seuil de 12,5 %, je me permets de rappeler qu’aux cantonales il fallait 10 % pour se maintenir. C’est vous qui, en créant le conseiller territorial, avez prévu un seuil de 12,5 %.

Moi, je suis à l’écoute. Je cherche à trouver un point d’accord, non sur l’ensemble du texte, mais sur un certain nombre de sujets.

M. Charles de La Verpillière. Avec les radicaux de gauche !

M. Manuel Valls, ministre. Il y a des débats au sein de la majorité. Il n’y en a pas, au sein de l’opposition ?

M. Charles de La Verpillière. Le Tarn-et-Garonne ! Sauvons le Tarn-et-Garonne !

M. Manuel Valls, ministre. Il y en a au sein de la majorité, c’est normal et c’est lié à sa diversité.

Monsieur le député, il y a une cohérence, une volonté d’écoute, mais aussi une très grande détermination à mettre en œuvre le scrutin binominal, car vous n’avez toujours pas réussi à présenter d’alternative.

Ou alors, c’est la proportionnelle, avec le scrutin de liste à deux tours qui existe pour les régionales : nous ne l’avons pas voulue, même si elle est défendue avec cohérence par les Verts et les communistes.

M. François Sauvadet. Et pourquoi pas ?

M. Manuel Valls, ministre. Nous n’en voulons pas, parce que nous souhaitons que les élus conservent un ancrage local. Nous aurons donc des cantons redécoupés sur des bases qui, de toute façon, auraient été prises en compte pour l’élection des conseillers territoriaux, et nous mettons en œuvre la parité. On ne peut avoir les deux sans le scrutin binominal : soit on établit la proportionnelle pour avoir la parité, soit on en reste au statu quo malgré le redécoupage, et on se retrouve avec une représentation de 13,5 % de femmes.

La logique, la cohérence, c’est le scrutin binominal, et c’est pourquoi le Gouvernement demande le rejet de votre motion.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Pascal Popelin, rapporteur. Merci, madame la présidente.

Encore une fois, cher collègue Larrivé, j’ai recherché dans votre propos les arguments constitutionnels qui étaient censés justifier les quinze minutes que vous venez d’employer pour la défense de cette motion de rejet préalable. N’en ayant pas trouvé, me voilà dispensé de vous répondre en droit. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

J’ai noté avec intérêt cette formule que vous avez employée, selon laquelle vous « subiriez » notre créativité. Mon cher collègue, personnellement je n’ai jamais le sentiment de subir la créativité, mais au contraire d’en profiter. Et je voudrais citer ces mots de Voltaire, qui disait : « L’originalité n’est rien qu’une judicieuse imitation. »

Si les habitants de la Puisaye peuvent endurer les discours que vous avez prononcés, mon cher collègue, celui d’une conseillère départementale supplémentaire ne manquera pas de constituer dans le tableau un judicieux rafraîchissement. (Sourires sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Marie-Jo Zimmermann. Ce n’est pas bien, cela !

M. Pascal Popelin, rapporteur. Quant aux arguments à double tranchant que vous employez, je suis un peu surpris. Quand nous rejetons vos suggestions, qui consistent en général à ne rien changer, vous nous dites que ce n’est pas démocratique. Et quand certains de vos amendements ou de vos remarques sont pris en compte, c’est un signe de faiblesse ! Je pense qu’il faut choisir entre vos arguments : ce ne peut être l’un et l’autre.

Nous l’avons compris, il sera bien difficile de vous plaire, mais telle n’était pas notre ambition : ce qui anime les promoteurs et les défenseurs de ce texte, c’est le souci de contribuer à améliorer et à moderniser notre démocratie locale qui en a bien besoin. C’est la raison pour laquelle, mes chers collègues, je vous invite à rejeter cette motion.

M. Olivier Marleix. Ce sont des arguments constitutionnels puissants !

M. Pascal Popelin, rapporteur. À la hauteur de ceux de M. Larrivé !

Mme la présidente. Dans les explications de vote, la parole est à M. François Sauvadet, pour le groupe UDI.

M. François Sauvadet. Merci, madame la présidente.

Monsieur le ministre, vous ne pouvez pas sans cesse nous faire le coup du passé : vous avez aujourd’hui la responsabilité de conduire le gouvernement de la France, c’est à vous de l’assumer et d’en rendre compte. Chacun est dans son rôle et vous ne pourrez pas rester durablement sur cette position.

M. Manuel Valls, ministre. Ne vous inquiétez pas !

M. François Sauvadet. Je trouve qu’il y a quelque chose de paradoxal à s’appuyer sur une réforme dont vous aviez contesté les fondamentaux pour mieux justifier votre propre réforme qui va faire bien pire.

Je me souviens des expressions utilisées sur vos propres bancs : « la mort des territoires ruraux », leur « sous-représentation », les risques de « fracture territoriale »… Aujourd’hui, vous vous apprêtez à faire bien pire avec un scrutin binominal dont je vous redis, monsieur le ministre, qu’il ne résistera pas à l’exercice du quotidien de la responsabilité. Vous niez ce qu’est un conseiller général sur un territoire. Un conseiller général, un conseiller départemental, c’est un animateur du territoire, c’est celui qui fait émerger les projets, qui fédère. En binôme, comment pourra-t-il faire ? Des conseillers élus ensemble et exerçant séparément leurs responsabilités, cela n’existe dans aucune démocratie au monde. Je veux bien que vous soyez extrêmement inventifs et imaginatifs, que vous soyez dans le concours Lépine de l’imagination politique, mais tout de même, vous allez prendre une responsabilité majeure et grave.

Troisième chose, monsieur le ministre : vous nous dites, la main sur le cœur, que vous êtes favorable au dialogue, mais franchement, vous dialoguez sur tout sauf sur le cœur de la réforme. Vous ne pouvez pas vous contenter de dire que nous n’avons fait aucune proposition. Nous vous avons fait de nombreuses propositions qui auraient pu faire l’objet d’un consensus, sinon de toute l’Assemblée, du moins d’une large majorité. Vous ne l’avez pas voulu. Vous voulez imposer, vous seul, un mode de scrutin.

D’ailleurs, il est tout de même paradoxal que dans une grande démocratie, un seul parti, du seul fait qu’il est majoritaire à l’Assemblée nationale, puisse imposer une telle réforme des modes de scrutin, à moins d’un an des élections municipales et sénatoriales. Vous changez tous les modes de scrutin : je vous assure que c’est un manquement grave.

Quant au fond, vous n’avez pas voulu évoquer la règle des plus ou moins 20 % dans le découpage des immenses cantons que vous voulez. Je vais vous dire une chose : vous ne pouvez pas arguer du fait qu’il s’agit d’un axe constitutionnel et le transgresser par un amendement qui relève le seuil à 30 %. Vous prenez un vrai risque constitutionnel. Moi, je souhaite qu’il n’y ait aucune référence aux plus ou moins 20 %, pas plus qu’aux plus ou moins 30 %. Je voterai, avec mon groupe, cette motion.

Mme la présidente. La parole est à M. Paul Molac, pour le groupe écologiste.

M. Paul Molac. Merci, madame la présidente.

Nous allons donc nous prononcer sur une motion de rejet préalable. Je tiens d’abord à dire que le texte a été amélioré par le travail de l’Assemblée nationale et du Sénat.

S’agissant du « tunnel » des 30 % au lieu des 20 %, nous considérons que c’est une avancée. Ce texte représente également une grande avancée pour la parité, que ce soit au plan départemental ou aux municipales, avec le scrutin de liste à partir de 500 habitants. Nous avions d’ailleurs proposé un amendement, monsieur Larrivé, pour descendre à ce seuil, le ministre l’a rappelé.

Que nous propose-t-on, finalement ? De renvoyer ce texte, mais pour quoi faire ? Pour revenir au conseiller territorial ? Pour conserver l’actuel scrutin cantonal ? Franchement, non.

Il est vrai que le scrutin binominal nous pose un problème, je ne le cache pas. Il est vrai aussi que le seuil des 12,5 % pour pouvoir se maintenir au second tour nous pose également un problème. Cependant, cela ne vaut pas que l’on adopte une motion de rejet préalable, pas plus qu’une motion de renvoi en commission : il faut maintenant se prononcer sur ce texte.

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Tourret, pour le groupe RRDP.

M. Alain Tourret. Merci, madame la présidente. Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, nous sommes saisis des problèmes de constitutionnalité du projet. Or, la représentation de la ruralité conforte ce texte. On aurait pu prétendre que l’absence de représentation des territoires était inconstitutionnelle : c’est un argument qui s’en va.

La parité est un principe de valeur constitutionnelle. À partir de là, il me semble que la notion de binôme est totalement exempte de reproches de la part du Conseil constitutionnel. Je souligne cependant la grande difficulté qui se posera s’il y a une réforme des circonscriptions législatives, car à mon avis il faudra obligatoirement lui appliquer le principe de parité que nous observons aujourd’hui, ce qui amènera de sombres nuages au-dessus de nos têtes.

Reste maintenant le problème constitutionnel soulevé par M. Larrivé au sujet des plus ou moins 20 %. Normalement, il faudrait être à zéro ! Il ne devrait y avoir aucune possibilité d’échapper à la règle. Le Conseil constitutionnel, en dégageant la règle des 20 %, a-t-il gravé dans le marbre une règle qui ne serait pas susceptible d’évolution ? Monsieur le ministre, je crois que nous devons nous en remettre à la jurisprudence du Conseil d’État sur l’erreur manifeste d’appréciation. Passant de 20 à 30 %, avez-vous commis ou non une erreur manifeste d’appréciation ? C’est la seule façon de bien appréhender le problème. Il appartiendra naturellement au Conseil constitutionnel d’en décider. La possibilité de passer de 20 à 30 % a été réclamée sur de nombreux bancs, par une grande majorité d’entre nous. Fallait-il faire référence à un seuil ou non ? C’est là tout le problème que le Conseil constitutionnel aura à résoudre. Vous avez pris un pari : c’est un pari, je me permets de vous le dire, tout de même un peu risqué.

Il n’en reste pas moins que, ces observations faites, je demande le rejet de la motion de M. Larrivé.

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Dolez, pour le groupe GDR.

M. Marc Dolez. Merci, madame la présidente.

En première lecture, notre groupe a exprimé de manière très claire son opposition au mode de scrutin binominal : curieux mode de scrutin en vérité, qui tourne le dos à la proportionnelle et au pluralisme.

Cela reste le point dur de notre discussion en deuxième lecture. Nous n’allons pas pour autant voter la motion de rejet préalable, d’abord parce que nous ne sommes pas partisans du statu quo, ensuite, monsieur le ministre, parce que nous voulons, jusqu’au bout, continuer à mener le débat avec le Gouvernement et à défendre les propositions qui sont les nôtres. Il y a des propositions alternatives qui permettent de conjuguer la parité au pluralisme et à la proximité.

Vous avez appelé tout à l’heure au dialogue, monsieur le ministre : je ne pourrais que m’en féliciter si cet appel au dialogue concernait aussi le mode de scrutin binominal.

Mme la présidente. La parole est à M. Carlos Da Silva, pour le groupe SRC.

M. Carlos Da Silva. Je suis heureux qu’ait lieu cette deuxième lecture à l’Assemblée nationale, car elle va permettre de clarifier un certain nombre de choses.

En première lecture, quels étaient les arguments qui nous étaient servis par les députés de l’opposition et particulièrement par ceux du groupe UMP ?

Le premier type d’argument était qu’ils étaient contre le scrutin binominal, parce qu’il obligeait à la parité. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.) Nous sommes pour la parité, vous êtes contre : cela, au moins, n’a pas changé entre la première et la deuxième lecture !

Le deuxième grand type d’argument venait de ceux qui avaient voulu supprimer le département avec le conseiller territorial : après tout, nous pouvions l’entendre. Le deuxième grand type d’argument était que nous allions éradiquer les territoires.

M. Olivier Marleix. C’est vrai !

M. Carlos Da Silva. De ce point de vue, le travail du Sénat et celui de la commission des lois, avec les exceptions qui ont été introduites, qu’elles soient géographiques, hydrographiques ou encore d’aménagement du territoire, sans oublier ce « tunnel » de plus ou moins 20 %, passé à plus ou moins 30 %, auraient dû vous rassurer.

Le troisième type d’argument que vous nous avez servi pendant les trente-six heures qu’a duré le débat en première lecture, c’est : « Vous allez tripatouiller ! La preuve en est que vous allez passer de 12,5 à 10 % le seuil de maintien au second tour. » Il ne vous aura pas échappé que ce seuil est de nouveau à 12,5 %...

Au fond, quand on considère ces trois types d’argument, le travail réalisé à la Haute Assemblée et le travail que nous avons fait en commission des lois, il ne reste qu’un seul argument, l’opposition à la parité : « Nous estimons, dites-vous, que les femmes ne peuvent pas aussi bien représenter les territoires que les hommes. » (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. François Sauvadet. Non !

M. Carlos Da Silva. Il est évident que nous, nous sommes pour la parité et nous ne voterons pas cette motion de rejet préalable.

M. François Sauvadet. Quelle mauvaise foi !

Mme la présidente. La parole est à M. Christophe Guilloteau, pour le groupe UMP.

M. Christophe Guilloteau. Le groupe UMP a déposé cette motion de rejet préalable parce que, contrairement au rapporteur, nous ne pensons pas que ce texte soit bien abouti ; sinon, le Sénat ne l’aurait pas rejeté en première lecture et ne l’aurait pas amendé à ce point en deuxième lecture, le vidant presque de sa substance.

Non, présenter un binôme en zone rurale n’est pas une bonne idée ! Non, découper les cantons comme vous voulez le faire n’est pas une bonne idée ! Non, mettre en place le scrutin proportionnel dans les villages à partir de 500 habitants n’est pas une bonne idée ! Non, monsieur le ministre, vouloir effectuer des rattrapages sous prétexte qu’il y aurait des écarts de 1 à 47 n’est pas une bonne idée : au lieu d’un tripatouillage ou d’un charcutage, il fallait simplement procéder à un découpage, et nous aurions alors éventuellement pu avoir un dialogue constructif.

Certes, vos propos sont aujourd’hui bien plus mesurés qu’en première lecture. Cependant, pour vous éviter une saisine du Conseil constitutionnel qui pourrait mettre à mal votre texte, nous avons déposé cette motion de rejet préalable.

Mme la présidente. Je mets aux voix la motion de rejet préalable. (Plusieurs députés du groupe UMP entrent dans l’hémicycle. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Sébastien Denaja. Ce comportement est intolérable !

M. Franck Gilard. C’est parfaitement légal !

Mme la présidente. Asseyez-vous, s’il vous plaît, pour me permettre de compter ! (D’autres députés du groupe UMP entrent dans l’hémicycle.)

Cela me rappelle quelque chose…

Je ne peux pas compter dans ces conditions ! Nous allons donc procéder à un vote par assis et levé. Que ceux qui sont pour la motion se lèvent.

M. Sébastien Denaja. À vos places ! Madame la présidente, ne comptez pas les députés debout dans les travées !

Plusieurs députés du groupe UMP. La motion est adoptée !

Mme la présidente. Que ceux qui sont contre la motion de rejet préalable se lèvent. (De nombreux députés du groupe SRC entrent dans l’hémicycle. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Franck Gilard. Ne comptez pas les huissiers, madame la présidente !

M. Gérald Darmanin. Ils sont minoritaires !

(La motion de rejet préalable n’est pas adoptée.)

(Vives protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Rappels au règlement

Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Larrivé, pour un rappel au règlement.

M. Guillaume Larrivé. Mon rappel au règlement se fonde sur l’article 58, alinéa 1. Manifestement, la présidence est troublée. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Nous sommes manifestement majoritaires dans l’hémicycle. (Mêmes mouvements.)

Madame la présidente, je vous le dis au nom du groupe UMP : nous ne comprenons pas l’indication que vous venez de nous donner sur le résultat du vote. Nous demandons communication des chiffres.

M. Gérald Darmanin et M. Franck Gilard. Et le visionnage de la vidéo !

M. Guillaume Larrivé. Dans le cas contraire, il serait important de procéder à un nouveau vote par assis et levé.

Mme la présidente. Monsieur Larrivé, je vous remercie de la confiance que vous portez à la présidence. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Je me permets de vous préciser que le nombre des présents et des votants n’est jamais communiqué.

M. Charles de La Verpillière. Et alors ?

M. Jean-François Mancel. On peut innover !

Mme la présidente. En l’occurrence, au moment où j’ai compté, le nombre des députés pour la motion était inférieur au nombre des députés contre. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) M. Sauvadet a d’ailleurs pris soin de compter en même temps que moi.

La parole est à M. François Sauvadet, pour un rappel au règlement.

M. François Sauvadet. Madame la présidente, vous me prenez à témoin comme garant du bon compte que vous auriez fait. Sans mettre en cause la présidence, vous me permettrez d’être troublé. J’avais en effet le sentiment que nous étions beaucoup plus nombreux sur ces bancs que sur ceux de la majorité.

M. Gérald Darmanin. Eh oui !

M. Jacques Alain Bénisti. Mais la présidente a des lunettes !

M. François Sauvadet. Nous exprimons donc un certain désarroi. Il vous appartient de présider, mais nous allons tirer les leçons de cet incident pour la suite de nos travaux. S’il faut demander à chaque fois un scrutin public pour s’assurer du bon comptage des votes, cela risque de prolonger le débat !

Madame la présidente, je vous fais simplement part de mon désarroi face à ce comptage. Je n’irai pas au-delà.

Mme la présidente. Monsieur le président Sauvadet, la demande de scrutin public, qui n’a pas été faite, est de droit. Vous pouvez toujours la demander, sur n’importe quelle motion : il n’y a aucune difficulté.

Cependant, vous aurez noté que, même pour compter les votants favorables à la motion, j’ai dû m’y reprendre à deux fois car il y a eu quelques mouvements... Il en a été de même de l’autre côté, mais finalement la motion n’a pas été adoptée. Dont acte. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. André Schneider. Respectez les droits de l’opposition !

Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Larrivé, pour un rappel au règlement.

M. Guillaume Larrivé. Je suis conduit à faire un second rappel au règlement. Madame la présidente, il y a une réalité arithmétique, que vous contestez, mais aussi une réalité politique. Manifestement, le groupe majoritaire est très peu mobilisé pour soutenir ce projet de loi : on voit bien qu’une certaine confusion agite les couloirs et les bancs de la majorité.

Madame la présidente, je vous demande une suspension de séance d’une demi-heure pour réunir mon groupe. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. Monsieur Larrivé, je ne vous laisserai pas dire que je remets en cause la réalité arithmétique. Je vous ai donné communication du résultat du vote (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

M. Franck Gilard. Nous ne sommes pas dans la Wehrmacht !

Mme la présidente. …et il n’est jamais de bonne procédure de contester la présidence, vous le savez. (Mêmes mouvements.)

Cependant, la suspension de séance pour réunir votre groupe est de droit : je vous accorde quinze minutes.

Suspension et reprise de la séance

Mme la présidente. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures trente-cinq, est reprise à dix-sept heures cinquante.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

Rappel au règlement

Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Larrivé, pour un rappel au règlement.

M. Guillaume Larrivé. Je crains que cette majorité n’ait des difficultés de comptage. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Elle l’a montré dimanche en d’autres lieux, elle le montre hélas aujourd’hui encore.

M. Patrick Lemasle. C’est vous qui êtes un piètre calculateur !

M. Guillaume Larrivé. Les choses se sont passées de manière extrêmement simple : l’opposition était majoritaire (« Mais non ! » sur les bancs du groupe SRC) et vous avez fait durer le vote, madame la présidente, afin que le résultat en soit inversé.

Je demande officiellement, au nom du président du groupe UMP, que la prochaine Conférence des présidents soit saisie de cet incident qui doit être inscrit à son ordre du jour, afin que le Président de l’Assemblée nationale en soit pleinement informé.

Cet incident est extrêmement regrettable du point de vue des principes. Nous débattons d’un texte qui touche au fonctionnement de notre démocratie, puisqu’il s’agit d’un projet de loi électorale. Nous regrettons vraiment que la première motion de rejet du premier groupe d’opposition soit écartée dans ces conditions lamentables. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Régis Juanico. Elle a été régulièrement écartée !

M. Patrice Verchère. Ce n’est pas la première fois que nous connaissons ce genre de problème !

Mme la présidente. Monsieur le député, j’espère avoir mal compris ce que vous avez dit, ou que vous n’avez pas dit ce que j’ai cru entendre.

En toute logique, je devrais vous reprendre en vous rappelant qu’il n’est pas de tradition de remettre en cause la présidence (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC),même quand c’est une vice-présidente qui est au « perchoir ». Vous le savez, bien que vous soyez un député récemment élu. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

En second lieu, il ne vous a pas échappé qu’un certain nombre de députés de l’opposition sont entrés dans l’hémicycle et que j’ai donc dû m’y reprendre à deux fois, par assis et levé, pour arriver à compter toutes les voix favorables à la motion de rejet préalable.

Il est donc vrai que le décompte des députés qui sont arrivés, sinon en masse du moins en nombre, a pris quelques secondes. Lorsque je me suis retournée pour compter les voix qui étaient défavorables à cette motion, il se trouve qu’elles étaient majoritaires. Je répète donc que la motion de rejet préalable n’a pas été adoptée.

Quant à votre demande, elle est de droit, et cette question sera donc inscrite à l’ordre du jour de la prochaine Conférence des présidents.

Nous poursuivons donc le cours de nos travaux.

Motion de rejet préalable (projet de loi organique)

Mme la présidente. J’ai reçu de M. Christian Jacob et des membres du groupe de l’Union pour un mouvement populaire une motion de rejet préalable déposée en application de l’article 91, alinéa 5, du règlement, sur le projet de loi organique relatif à l’élection des conseillers municipaux, communautaires et départementaux.

La parole est à M. Charles de La Verpillière.

M. Charles de La Verpillière. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, dans notre pays, hélas, le parti socialiste et ses alliés ont tous les pouvoirs : la présidence de la République ; la majorité à l’Assemblée nationale et au Sénat ; la quasi-totalité des régions ; les deux tiers des conseils généraux ; les plus grandes villes de France – Paris, Lyon, Toulouse, Strasbourg – ; les communautés urbaines les plus puissantes – Marseille, Nantes, Lille – ;…

M. Patrick Lemasle. Marseille, ce sont vos amis !

M. Charles de La Verpillière. …et ces pouvoirs considérables sont renforcés par la maîtrise d’une grande partie des médias. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Patrick Lemasle. Le Figaro !

M. Charles de La Verpillière. Qu’avez-vous fait de ces pouvoirs ? Les avez-vous utilisés pour lutter contre le chômage ? (« Non ! » sur les bancs du groupe UMP.) Au contraire : vous avez découragé les entrepreneurs, matraqué d’impôts les classes moyennes, découragé l’investissement, l’embauche, la consommation. Et dix mois après votre arrivée au pouvoir, le chômage explose, comme le montrent les chiffres publiés cet après-midi par l’INSEE.

M. François André. Quel rapport avec le texte ?

M. Charles de La Verpillière. Mais ces pouvoirs, en avez-vous au moins profité pour engager des réformes courageuses qui permettraient de sauver notre modèle social ? (« Non ! » sur les bancs du groupe UMP.) Pas davantage. Au contraire, vous avez commencé à détricoter toutes les réformes du mandat de Nicolas Sarkozy sur les retraites, le financement des régimes sociaux, la liberté du travail, et bientôt l’université.

M. Henri Jibrayel. Il fallait d’abord réparer !

M. Charles de La Verpillière. Avez-vous au moins, mesdames et messieurs de la gauche, cherché à rassembler les Français ?

Mme Colette Langlade. Parce que vous pensez l’avoir fait ?

M. Charles de La Verpillière. Non, bien sûr ! Dimanche dernier, lors de l’immense manifestation contre le mariage des couples de même sexe, vous avez montré votre vrai visage : le dogmatisme, l’intolérance, le mépris du peuple et la falsification du nombre de manifestants. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Patrick Lemasle. C’est M. Boutin qui parle !

M. Charles de La Verpillière. Et permettez-moi de vous le dire, monsieur le ministre de l’intérieur, chargé de la police, vous avez également fait preuve de violence. (Nouvelles exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Henri Jibrayel. C’est scandaleux !

M. Charles de La Verpillière. Oui, de violence contre des manifestants pacifiques qui n’avaient qu’un seul tort : celui de ne pas être d’accord avec vous.

M. Jean-Frédéric Poisson. Très bien !

M. Charles de La Verpillière. Mais je suis injuste, j’en conviens, quand je dis que vous n’avez rien fait. En réalité, depuis votre arrivée au pouvoir, vous n’avez eu qu’un souci, qu’une priorité, qu’une urgence : manipuler tous les modes de scrutin, modifier toutes les élections, avec pour seul but de vous maintenir au pouvoir dans les mairies, les départements, les régions, les agglomérations, quoi qu’il en coûte. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Olivier Marleix. Très bien !

M. Charles de La Verpillière. Tel est en effet l’objet des deux projets de loi qui nous sont soumis par le Gouvernement ce soir, l’un ordinaire et l’autre organique, qui portent tous deux sur l’élection des conseillers municipaux, des délégués communautaires et des conseillers départementaux.

Le groupe UMP nous a chargés, mon collègue Guillaume Larrivé et moi-même, de soutenir les motions qui appellent au rejet préalable de ces deux textes étroitement liés l’un à l’autre.

Cinq raisons, selon nous, devraient amener l’Assemblée nationale à rejeter ces textes sans les examiner.

Tout d’abord, ils vont encore compliquer l’administration des collectivités territoriales. Pour simplifier le millefeuille français et réduire l’empilement des collectivités, cas unique en Europe, la précédente majorité avait créé les conseillers territoriaux.

M. Jean-Claude Buisine. Ils sont morts !

M. Charles de La Verpillière. Ces élus, moins nombreux, auraient siégé à la fois au sein du conseil général et du conseil régional. Ainsi, nous aurions amorcé le rapprochement des départements et des régions et accru l’efficacité de l’action publique locale.

M. Patrick Lemasle. Quelle confusion !

M. Charles de La Verpillière. Mais vous avez choisi de supprimer cette réforme, comme tant d’autres, et de rétablir la distinction entre les conseillers régionaux et les conseillers généraux…

Mme Carole Delga. Ce sont deux fonctions différentes !

M. Charles de La Verpillière. …qui, si vos projets venaient à être adoptés, s’appelleront désormais conseillers départementaux.

C’est une première erreur.

En deuxième lieu, vous avez inventé un scrutin baroque, unique au monde, pour l’élection des conseillers départementaux. Chaque canton élira désormais deux conseillers, un homme et une femme, candidats sur le même ticket.

La recherche de la parité, qui vous sert de justification, n’est en réalité qu’un prétexte. La réforme va entraîner un redécoupage général des 3 971 cantons dans toute la France : c’est cela, et seulement cela, qui vous intéresse.

Mon troisième reproche, le plus grave, porte sur les conditions de ce redécoupage : c’est le Gouvernement qui se chargera seul de tracer les limites des nouveaux cantons. Vous avez rejeté tous nos amendements qui vous proposaient de créer une commission de contrôle pluraliste et indépendante. C’est ce que nous avions fait, nous, pour le découpage des circonscriptions législatives…

M. Patrick Lemasle. Quel charcutage ce fut !

M. Charles de La Verpillière. …et le président de la commission des lois, qui siégeait sur ces bancs, s’en souvient très bien.

M. Serge Bardy. Vous faites de l’humour ?

M. Charles de La Verpillière. La plupart des observations faites par cette commission, qui était présidée par M. Guéna, furent prises en compte…

M. Régis Juanico. C’est une blague ?

M. Patrick Lemasle. Il avait presque quatre-vingt-dix ans !

M. Charles de La Verpillière. …et le projet du Gouvernement fut modifié. Alors, pourquoi ne voulez-vous pas faire la même chose pour le découpage des cantons ?

M. Patrick Lemasle. On n’a trouvé personne d’aussi vieux !

M. Charles de La Verpillière. Pourquoi voulez-vous avoir les mains libres ? Qu’avez-vous à cacher ? Que préparez-vous ? Je vous rappelle que l’égalité du suffrage est un principe de valeur constitutionnelle.

Mon quatrième reproche, c’est l’atteinte que vous portez aux territoires ruraux. La nouvelle carte va inévitablement privilégier les villes et les espaces périurbains, au détriment des territoires ruraux. Derrière le sacrifice de leur représentation, comment ne pas voir le calcul partisan qui vous anime ?

J’insisterai, pour finir, sur un point capital : le report des élections régionales et départementales. Les élections aux conseils régionaux et départementaux auraient dû avoir lieu en mars 2014, en même temps que les élections municipales. Mais vous avez peur de la sanction populaire…

M. Henri Jibrayel. Vous savez de quoi vous parlez !

M. Charles de La Verpillière. Vous craignez la colère des Français et la vague qui pourrait vous faire perdre dès 2014, en plus des villes, les régions et les départements.

M. Henri Jibrayel. Vous savez de quoi vous parlez !

M. Charles de La Verpillière. Voilà pourquoi vous avez décidé de prolonger d’un an, jusqu’en mars 2015, le mandat en cours des conseillers régionaux et départementaux. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Le reproche que je vous fais vous touche : vos cris témoignent.

Plusieurs députés du groupe SRC. Même pas peur ! (Sourires.)

M. Charles de La Verpillière. Aucun motif d’intérêt général ne justifie cette manipulation grossière, or vous savez très bien que le Conseil constitutionnel n’admet la prolongation des mandats en cours qu’à titre exceptionnel et pour un motif d’intérêt général.

Mes chers collègues, je voudrais, pour terminer, vous rappeler cette phrase bien connue de Montesquieu, tirée de L’Esprit des Lois : « Tout homme qui a du pouvoir est porté à en abuser. »

M. Patrick Lemasle. Sarkozy l’avait montré !

M. Jean-Yves Caullet. On peut dire la même chose du temps de parole !

M. Charles de La Verpillière. Oui, monsieur le ministre, vous avez le pouvoir et vous êtes prêts à tout pour le garder en manipulant les modes de scrutin ; mais nous, nous avons le devoir de vous en empêcher, au nom du suffrage universel et des valeurs de la République.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.

M. Manuel Valls, ministre de l’intérieur. Monsieur de La Verpillière, nous nous connaissons, pour avoir siégé ensemble au sein de la commission des lois, et nous sommes tous deux attachés au droit comme à la séparation des pouvoirs. À ce propos, vous citez Montesquieu, dont la pensée devrait nous éclairer davantage, à voir certaines déclarations de ces derniers jours.

Il est un point sur lequel je veux vous reprendre. Nous sommes tous attachés au suffrage universel et je ne supporte pas, parce j’ai été un maire et un député, avant d’être ministre, que l’on mette en cause le choix des Français. Le choix des Français, aux municipales de 2008, comme aux régionales de 2010, comme aux cantonales de 2011, comme à la présidentielle de 2012, fut un choix souverain. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Henri Jibrayel. Bravo !

M. Manuel Valls, ministre. Ils ne nous ont pas donné les pleins pouvoirs ; ils ont confié à des équipes la responsabilité de gérer des villes, des départements, des régions, puis finalement le pays. C’est ainsi, et c’est dans le cadre de la Constitution et des institutions.

Ensuite, il est naturel que le débat s’engage sur ce que nous faisons de ce pouvoir et sur la manière dont nous l’exerçons. C’est à l’opposition d’exercer son droit de critique et de contrôle…

M. Charles de La Verpillière. Eh bien voilà : nous y sommes !

M. Manuel Valls, ministre. …et c’est aux Français de se faire un avis, mais dans le cadre de nos institutions. Ce pouvoir, ils nous l’ont donné pour que nous l’exercions. Quand c’est à vous qu’ils l’ont donné, vous l’avez exercé, vous aussi. C’est cela, le choix démocratique.

Lorsqu’on présente une motion de rejet préalable au nom de la constitutionnalité, on ne remet pas en cause le choix qu’ont fait les Français à chaque élection. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP.)

Pour ce qui est du fond, nous avons déjà eu l’occasion d’en discuter. Sur le calendrier électoral, et notamment le report des élections cantonales ou départementales, nous avons exposé nos arguments. Nous avons remis en cause le conseiller territorial et l’avons remplacé par un binôme de conseillers départementaux. Parce qu’il faut procéder à un redécoupage, prendre le temps de la consultation, prendre notamment l’avis des conseils généraux, mais aussi celui du Conseil d’État au sujet de chaque département, il paraît assez logique de déplacer ces élections en 2015.

Comme j’ai déjà eu l’occasion de l’expliquer depuis plusieurs semaines, la logique de ce projet, c’est aussi d’obtenir la participation la plus large possible, en liant les élections départementales et régionales – et ce n’est pas la première fois que cela se produit. C’est pour cette raison que nous proposons de renvoyer les élections régionales à 2015. Permettez-moi, à ce sujet, de vous rappeler que ceux qui ont bouleversé le calendrier électoral initial, avec la création du conseiller territorial, c’est vous !

M. Alain Tourret. Mais oui ! C’est eux !

M. Manuel Valls, ministre. Le Conseil constitutionnel, qui avait d’ailleurs été saisi à l’époque, avait donné son accord pour ce changement de calendrier. Cela veut bien dire que votre argument, selon lequel le renvoi des élections à 2015 serait inconstitutionnel, ne tient pas debout, permettez-moi de vous le dire. C’est vous, je le répète, qui avez changé ce calendrier les premiers !

Par ailleurs, les débats relatifs au conseiller territorial ne furent pas moins passionnés que celui-ci, ce qui montre combien il nous est difficile de nous entendre sur ces questions. La majorité qui avait adopté le texte au Sénat fut bien mince.

S’agissant de la constitutionnalité du texte et des arguments que vous avez utilisés, je vous renvoie à ce que j’ai déjà eu l’occasion de vous dire. Je remarque seulement que nous pourrions nous retrouver sur l’égalité devant le suffrage. L’égalité devant le suffrage, c’est d’abord l’égalité des électeurs, l’égalité entre les hommes et les femmes : c’est par rapport à cette égalité-là que le Conseil constitutionnel devra en premier lieu se prononcer. C’est ce que ce texte introduit – et ce qu’aurait déjà dû introduire le texte relatif au conseiller territorial ; c’est ce qui existe déjà pour les élections législatives. C’est sur ces bases-là que le Conseil d’État a émis des recommandations, y compris sur le « tunnel » de plus ou moins 20 %. C’est là-dessus aussi que le Conseil constitutionnel devra se prononcer, lorsqu’il sera saisi. Le texte que nous vous proposons permet de mettre fin à ce qui constituait une inégalité patente du suffrage universel, avec cet écart de 1 à 47 qui pouvait exister entre le canton le moins peuplé et le plus peuplé. C’est cela qui, aujourd’hui, est au cœur de notre texte.

Permettez-moi de noter – M. Tourret l’a souligné tout à l’heure – que la parité renforce ce principe d’égalité. Là aussi, soyez cohérents : au nom même du respect de l’égalité, vous devriez défendre et soutenir un texte qui, pour la première fois, garantit l’égalité dans les départements en imposant la parité entre les hommes et les femmes. Cela, c’est un changement !

S’agissant enfin du redécoupage en vue des élections législatives, permettez-moi de vous rappeler, et d’y insister, car vous le contestiez tout à l’heure, que la commission à laquelle vous faites allusion est de droit, et que vous n’aviez pas prévu ce type de commission pour le conseiller territorial ! Vous nous faites aujourd’hui des reproches au sujet du redécoupage pour les élections cantonales, alors que nous avons satisfait à trois exigences : la définition des principes et critères qui doivent présider à ce découpage, confortés par les amendements adoptés à l’Assemblée comme au Sénat ; l’avis des conseils généraux, inscrit dans la loi, et j’ai déjà pris l’engagement d’associer les présidents des conseils généraux et les grands élus dans les départements à ce découpage, afin de respecter les principes et les critères adoptés par le Parlement ; l’avis du Conseil d’État enfin, auquel sera soumis le découpage dans chaque département.

Tels sont, monsieur le député, les engagements que nous avons pris ; tel est le contenu de notre projet de loi qui respecte, naturellement, notre texte fondamental. C’est pour cela que j’en appelle au rejet de votre motion de procédure. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Pascal Popelin, rapporteur. Mon cher collègue, vous venez de défendre une motion de rejet préalable relative au projet de loi organique. Rappelons que seuls restent en discussion l’article 1er A, qui concerne le seuil d’application de la législation actuelle pour la prise en compte du mandat municipal dans le cumul des mandats, l’article 1er, qui traite de l’application de cette réforme aux ressortissants de l’Union européenne, s’agissant en particulier des élections intercommunales, et l’article 3, qui arrête la date d’entrée en vigueur de ces nouvelles dispositions…

J’espérais donc, de votre part, des arguments sur ces sujets. En lieu et place, vous nous avez proposé une prolongation du débat relatif à la motion de censure, mais cela, mon cher collègue, c’était la semaine dernière…

M. Thomas Thévenoud. Ils ont toujours un train de retard !

M. Pascal Popelin, rapporteur. Vous nous avez proposé aussi une anticipation de la deuxième lecture du texte relatif au mariage pour tous ; mais cela, ce n’est pas pour tout de suite. Vous nous avez proposé enfin un commentaire général et, chacun l’aura noté, nuancé du projet de loi ; mais cela, c’est la discussion générale qui va avoir lieu tout à l’heure.

Je n’ai donc trouvé, dans votre intervention, aucun élément de nature à introduire le doute dans mon esprit sur les raisons qui justifieraient le rejet préalable de ce projet de loi organique. C’est la raison pour laquelle j’invite l’Assemblée nationale à ne pas l’adopter. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP.)

Mme la présidente. Dans les explications de vote, la parole est à M. François Sauvadet, pour le groupe UDI.

Plusieurs députés du groupe SRC. Oh non !

M. Patrick Lemasle. Il n’a pas grand-chose à dire!

M. François Sauvadet. Qu’est-ce que cela signifie ? Nous sommes dans un parlement où nous avons un droit de parole !

Mme la présidente. C’est bien pour cela que je vous l’ai donnée, monsieur le président Sauvadet. Vous avez la parole, et vous seul.

M. Patrick Lemasle. Ce n’est pas une raison pour le rien dire !

M. François Sauvadet. Entendre la majorité crier « Non ! » au moment où l’on prend la parole, c’est très prometteur pour le dialogue, et cela témoigne d’un grand esprit démocratique !

En tout cas, je voudrais vous faire observer, monsieur le ministre, que vous avez commencé le débat, pour cette deuxième lecture, en jurant la main sur le cœur que vous étiez prêt à dialoguer. Or, dès la seconde motion de procédure, vous opposez à tous les arguments le fait majoritaire.

Je respecte ce que vous avez dit : ce sont les citoyens, en effet, qui choisissent leurs représentants au niveau de chaque commune, de chaque département, de chaque région, et jusqu’au Président de la République au niveau national, et il faut respecter le choix des citoyens. Mais dans le même temps, monsieur le ministre, force est de constater que, à moins d’un an des élections, contre tous les usages, nous avons affaire à un gouvernement qui change tous les modes de scrutin, à l’exception de celui du président de la République…

M. Sébastien Denaja. Les élections, c’est dans deux ans, pas un an !

M. François Sauvadet. Et encore : pour l’instant, nous n’avons pas d’information sur le sujet ! Mais tous les autres modes de scrutin, vous les avez changés, y compris pour les élections sénatoriales et pour certains arrondissements de Paris, dont vous avez modifié le nombre de représentants, et d’une façon qui prête à s’interroger sur vos intentions quand on examine la situation politique de Paris !

Vous nous opposez la parité, avec un système hybride qui n’existe dans aucun pays démocratique :…

M. Thomas Thévenoud. Et alors ?

M. François Sauvadet. …l’élection simultanée, sur un même territoire, de deux personnes qui exerceront leur mandat séparément, indépendamment l’une de l’autre. Le principe « un homme, une voix » dont vous nous parlez, monsieur le ministre, il vaut pour la collectivité nationale, mais comment entendez-vous l’appliquer au niveau des départements, avec un exécutif et un conseil général, quand certains comptent un million d’habitants, et d’autres 200 000 à peine ? Ce qui fonde le principe « un homme, une voix », c’est la circonscription électorale dans laquelle il s’applique.

M. Jean Lassalle. Bravo !

M. François Sauvadet. Arrêtez de nous dire que vous allez fonder une espèce de grand espace national, alors que vous allez redécouper toute la France – c’est d’ailleurs un peu votre intention.

Moi, je vous accuse aujourd’hui de vouloir tripatouiller le système électoral français. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Et si ce n’était que cela ! Après tout, on pourrait le refaire demain. Mais ce que vous vous apprêtez à faire, c’est la mise à mort de la représentation des territoires ruraux.

Mme la présidente. Merci de conclure, monsieur le président.

M. François Sauvadet. Je vous le dis, monsieur le ministre : il est temps de dialoguer. Le seul parti socialiste ne peut pas imposer à toute la France une réforme du scrutin qu’aucun des groupes politiques fondant la démocratie ne partage. Voilà le sujet, tel qu’il est posé. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Tourret, pour le groupe RRDP.

M. Alain Tourret. La seule interrogation finalement un peu nouvelle que cette motion soulève, c’est celle de la constitutionnalité du report. Essayons d’y réfléchir un instant, car les arguments avancés sont intéressants.

Première chose : les élections régionales ont eu lieu en 2010. Les élus régionaux étant normalement élus pour six ans, les prochaines élections auraient dû avoir lieu en 2016 ; mais elles ont été, de par votre volonté, chers collègues de l’opposition, avancées à 2014. Nous nous sommes donc mis d’accord pour que les prochaines élections aient lieu en 2014 et le Conseil constitutionnel a entériné cette décision.

Deuxième chose : il existe un lien désormais consubstantiel entre le conseil régional et le conseil général. C’est d’ailleurs ce que vous aviez entériné avec le conseiller territorial. Du coup, il se crée une liaison pratiquement automatique entre les élections pour la région et les élections pour le département. Elles doivent donc avoir lieu en même temps. À quelle date ? En 2014 ou en 2015 ? Compte tenu du redécoupage des élections cantonales et de l’ensemble des cantons en France, on ne peut que constater qu’un certain temps est nécessaire et qu’il conduit à repousser de 2014 à 2015 les élections cantonales et, suivant la même logique, de 2014 à 2015 les élections régionales. Voilà une argumentation auquel le Conseil constitutionnel ne restera pas insensible ; c’est pourquoi j’appelle au rejet de cette motion. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Anne Chapdelaine, pour le groupe SRC.

Mme Marie-Anne Chapdelaine. Nous nous indignons régulièrement du déficit de dialogue et de démocratie, dans notre pays comme sur le plan international. Pas plus tard que dimanche soir, on entendait parler de déni, de refus d’entendre la voix du peuple, voire de dictature. À l’heure où nous inaugurons un véritable modèle de démocratie sociale, responsable et respectueux pour tous – je veux parler bien sûr du projet de loi sur l’accord national interprofessionnel –, l’opposition, figée dans une posture politique – c’est son droit et sa méthode depuis juin 2012 –, appelle à rejeter ce texte.

M. François Sauvadet. Non !

Mme Marie-Anne Chapdelaine. Pourtant, celui-ci répond à un besoin de rééquilibrage dans la représentation des territoires, dans les collectivités territoriales. Pourtant, il valide les choix qui sont faits depuis 1982 dans le cadre du processus de décentralisation.

M. Philippe Meunier. Ce texte est complètement déséquilibré !

Mme Marie-Anne Chapdelaine. Pourtant il confirme l’engagement solennel que nous avons pris devant les Français sur la parité, à laquelle l’opposition n’a de cesse de s’opposer. À ce propos, madame la présidente, je voudrais que l’on observe bien nos bancs et que l’on reconnaisse que la représentation féminine est bien davantage assurée de notre côté de l’hémicycle que de l’autre. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Plusieurs députés SRC. C’est flagrant !

Mme Marie-Anne Chapdelaine. Pour quelle raison objective et dénuée d’arrière-pensées voulez-vous refuser à nos concitoyens de mieux s’approprier leurs institutions ? Je n’en vois aucune et je ne pense pas qu’il soit aujourd’hui concevable de leur refuser la transparence et la démocratie qui leur font défaut. En toute transparence, et en toute clarté, nous voulons faire de ce texte un outil supplémentaire pour que la démocratie locale ne soit plus un concept mais une réalité accessible à tous, hommes et femmes.

C’est pourquoi, monsieur de La Verpillière, le groupe socialiste, républicain et citoyen rejettera votre motion. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. François de Mazières, pour le groupe UMP.

M. François de Mazières. À la brillante intervention de M. Guillaume Larrivé, vous avez répondu tout à l’heure, monsieur le ministre : « Que proposez-vous ? ». Charles de La Verpillière vous l’a dit : nous proposions tout simplement le conseiller territorial. Ce qui nous gêne, c’est que vous allez bientôt nous proposer la troisième étape des lois de décentralisation.

Mme Arlette Grosskost. Absolument !

M. François de Mazières. Or que demandent les Français ? Vous le savez bien : une rationalisation des différents niveaux de collectivités territoriales. Alors que notre réforme créait 3 493 conseillers territoriaux, la vôtre remet en place 5 781 conseillers départementaux et régionaux. Voilà tout simplement ce que nous avions imaginé et ce que nous défendons.

J’avoue par ailleurs, monsieur le rapporteur, ne pas avoir du tout compris votre citation de Voltaire, « L’originalité n’est qu’une judicieuse imitation. » Mais c’est justement ce que l’on vous demande : réfléchir sur nos réformes, à savoir celle du conseiller territorial, et ne surtout pas inventer une machine que l’on ne voit nulle part. Je ne sais pas ce que vous imitez, puisque ce dispositif n’existe nulle part ; mais ce nulle part nous mène dans le décor… C’est ce que nous essayons de vous démontrer. Alors que nous avons besoin de stabilité, nous allons fragiliser les institutions. Voilà notre inquiétude, et voilà ce qui justifie cette motion de rejet. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

(La motion de rejet préalable, mise aux voix, n’est pas adoptée.)

Motion de renvoi en commission (projet de loi ordinaire)

Mme la présidente. J’ai reçu de M. Christian Jacob et des membres du groupe de l’Union pour un mouvement populaire une motion de renvoi en commission déposée en application de l’article 91, alinéa 6, du règlement, sur le projet de loi relatif à l’élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers communautaires, et modifiant le calendrier électoral.

La parole est à M. Olivier Marleix.

M. Olivier Marleix. Monsieur le ministre, alors que le chômage bat aujourd’hui même un sinistre record, votre gouvernement continue de décliner des priorités aux antipodes des attentes des Français. J’avoue que c’est avec une certaine gêne que je m’exprime aujourd’hui, tant j’ai le sentiment que les Français attendent autre chose comme ordre du jour, comme priorité, que ce que vous assignez à notre Assemblée. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Colette Langlade. Eh bien, taisez-vous alors !

M. Olivier Marleix. Le changement des dates des élections, des modes de scrutin, ne fait en rien partie des préoccupations des Français ; c’est juste une préoccupation du parti socialiste. Mais quoi que vous fassiez, monsieur le ministre, mes chers collègues, ne vous y trompez pas, les Français continueront de sanctionner, comme ils l’ont fait dimanche dernier, un président et une majorité qui ont menti sur à peu près tout pour se faire élire.

Au gré des discussions, nous savons désormais une chose : vous vous apprêtez à passer en force pour faire adopter ce texte.

Rejeté en première lecture par votre propre majorité au Sénat, adopté en première lecture à l’Assemblée avec les seules voix des députés socialistes, votre projet de loi a été vidé de son contenu en seconde lecture par le Sénat, fondamentalement opposé au mode de scrutin binominal que vous voulez nous imposer.

Ce nouveau revers devrait vous inviter à temporiser et à chercher à mieux entendre les élus locaux. Il n’en est rien ; et dans la précipitation vous réinscrivez ce texte à l’Assemblée nationale, avec déjà l’annonce de la commission mixte paritaire pour que tout cela soit expédié au plus vite, sans doute d’ici à la fin avril.

L’histoire retiendra, si du moins le Conseil constitutionnel ne vient pas troubler votre calendrier, que jamais une réforme touchant à l’organisation des collectivités locales n’aura été adoptée avec une telle précipitation. |

M. Carlos Da Silva. Il faudrait savoir !

M. Olivier Marleix. Et à vous qui avez tant décrié la réforme territoriale de 2010, permettez-moi de vous rappeler qu’elle au moins avait su trouver une majorité à l’Assemblée et au Sénat, et qu’elle avait été adoptée en des termes identiques par les deux chambres et même, grâce à la vigilance du Conseil constitutionnel, à plusieurs reprises.

Pourquoi tant de précipitation ? La réponse est simple : vous voulez faire voter cette loi avant que les Français ne comprennent ce que vous êtes en train de faire, tant vous en êtes peu fier.

Je vous rapporterai un seul témoignage, monsieur le ministre, qui vaut ce qu’il vaut : je siégeais hier au conseil général d’Eure-et-Loir où j’ai été amené à défendre une motion contre votre projet de loi – je vous la remettrai en main propre. Il ne s’est trouvé que quatre courageux conseillers généraux socialistes pour voter contre cette motion, c’est-à-dire quatre conseilleurs généraux socialistes qui ont eu le courage de défendre la réforme proposée par le Gouvernement. Les autres, monsieur le ministre, ont beau être socialistes, ils sont édifiés par ce que vous êtes en train de faire.

Vous allez passer en force au Parlement pour faire adopter votre texte, et vous ferez de même dans les territoires pour imposer en quelques semaines – six, pas une de plus –, une décision ministérielle venue d’en haut, rédigée dans vos bureaux, et qui donnera lieu, pour toute concertation, à une consultation des préfets et un examen par le Conseil d’État. La méthode ne doit pas être bien différente de celle utilisée en 1801. Pourtant, en deux siècles, vous auriez pu progresser en transparence, monsieur le ministre !

Les temps ont changé. Comment allez-vous expliquer aux conseils municipaux, qui ont débattu souvent pendant plus d’un an de l’évolution de la carte intercommunale, que vous allez rayer d’un trait de plume, sans rien demander à personne, la carte des cantons qui existe depuis deux cents ans ! Décidément, monsieur le ministre, nous ne sommes plus à cette époque où le ministre de l’intérieur pouvait dicter lui-même au préfet de police de Paris le nombre de manifestants qu’il était censé dénombrer. Quand on s’y risque aujourd’hui, ou bien cela indigne, ou bien cela fait rire…

Fondamentalement, malgré vos dénégations, vous faites le choix d’une réforme ruralicide. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Après la méthode, c’est la rigidité à laquelle vous avez décidé de recourir, monsieur le ministre, que nous dénonçons. Notre excellent collègue Guillaume Larrivé l’a brillamment exprimé en vous demandant de la souplesse juridique et de la transparence politique.

La brutalité, c’est celle de votre « tunnel » déterminant les écarts de population entre cantons.

Vous nous avez asséné en première lecture que cet écart ne pouvait pas dépasser les plus ou moins 20 % ; M. Popelin nous a même affirmé que cette disposition était intangible. Vous avez d’abord tenté de nous convaincre que vous y étiez contraints par le Conseil d’État – ce qu’il n’a jamais fait lorsqu’il avait à en juger, c’est-à-dire tant que ces décisions appartenaient au pouvoir réglementaire.

Vous avez ensuite trouvé refuge dans les décisions du Conseil constitutionnel, ce qui là encore est inexact : le Conseil constitutionnel n’a jamais eu l’occasion de se prononcer sur les découpages cantonaux. Il ne l’a fait que pour l’Assemblée nationale, au sein de laquelle il tolère, monsieur le ministre, vous le savez, des écarts bien plus importants puisqu’ils vont jusqu’à plus ou moins 40 % d’une circonscription à l’autre dans notre Assemblée.

M. Jean Lassalle. Bravo !

M. Olivier Marleix. Vous avez finalement accepté, comme c’était prévisible, de lâcher du leste sous la pression du Sénat et de ramener ce « tunnel » à plus ou moins 30 %.

Nous sommes heureux que le Gouvernement ait retrouvé un peu d’indépendance ; c’est un progrès, mais il n’en demeure pas moins que vous n’êtes, en aucune façon, obligés d’inscrire cette règle dans la loi.

Si vous tenez absolument à le faire, puisque désormais vous ne revendiquez plus aucune jurisprudence, finissez de nous entendre et fixez cet écart à plus ou moins 40 % voire 50 %.

Plus ou moins 40 %, c’est très exactement l’écart qui sépare ici même à l’Assemblée nationale la circonscription la moins peuplée, la deuxième circonscription des Hautes-Alpes – 62 000 habitants – de la plus peuplée, la sixième circonscription de la Seine-Maritime – 146 000 habitants.

M. François Sauvadet. C’est une bonne idée !

M. Olivier Marleix. Je ne crois pas, monsieur le ministre, qu’en choisissant de limiter, pour la première fois, les écarts de population entre cantons, dans un rapport de 1 à 2,33, alors qu’ils sont actuellement de 1 à 47, le Conseil constitutionnel puisse reprocher au législateur de porter atteinte au principe d’égalité devant le suffrage, alors que cette mesure représenterait au contraire un progrès considérable.

M. Dominique Le Mèner. Logique.

M. Olivier Marleix. La prise en compte plus stricte de la démographie pour les conseils généraux est d’autant moins justifiée qu’il s’agit non pas d’élus nationaux votant la loi, mais d’élus territoriaux dont la vocation est précisément d’administrer des territoires.

M. Jean Lassalle. Bravo !

M. Olivier Marleix. De cette brutalité, il résultera, monsieur le ministre, que la ruralité paiera le prix fort de votre réforme. Ce sont 3 000 conseillers généraux de sexe masculin qui devront retourner dans leur chaumière. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Assumez-le ! Trois mille conseillers généraux, qui sont des élus, mais qui présentent le tort, à vos yeux, de n’être pas assez politisés alors qu’ils sont dévoués à la chose publique et à leur territoire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

La carte des cantons remonte peut-être à Napoléon, monsieur le ministre, mais elle n’est pas ringarde pour autant. En milieu rural, le canton signifie quelque chose : c’est un repère fort, ce n’est pas seulement la circonscription du conseiller général, c’est ce qui détermine la structuration de nos services publics : la gendarmerie, les collèges, les maisons de retraite, la poste.

Mme Catherine Coutelle. Et les femmes ne sauraient pas s’en occuper ?

M. Olivier Marleix. À terme, c’est la structuration de nos services publics en milieu rural que vous mettez en danger, c’est à la proximité, quelle que soit la densité de la population, que vous portez atteinte.

Bien sûr, il faut faire évoluer cette carte, monsieur le ministre, nous ne le contestons pas. Vous en avez le pouvoir puisque cette possibilité relève du pouvoir règlementaire, mais faire table rase de ce qui existe, c’est faire perdre un des derniers repères à nos concitoyens qui en manquent déjà tant.

M. Jean Lassalle. Bravo !

M. Olivier Marleix. Et tout cela pour une réforme truffée d’incongruités juridiques !

Vous inventez un système ubuesque totalement inédit, qui peut paraître sympathique, je vous le concède, mais dont les conséquences sont graves en termes de fonctionnement de notre démocratie.

Votre nouveau mode de scrutin casse l’essence même de notre démocratie : le principe de la responsabilité de l’élu devant le suffrage.

M. Jean Lassalle. Bravo !

M. Olivier Marleix. L’électeur doit pouvoir sanctionner l’élu en fin de mandat. C’est une règle claire, s’agissant du scrutin majoritaire.

Vous l’avez dit vous-même dans cet hémicycle, monsieur le ministre, en nous présentant ce texte : « la démocratie, pour être légitime et efficace, exige de la lisibilité et de la transparence.

« Elle impose aux élus de rendre compte régulièrement, fidèlement, de leur action aux électeurs – ce que vous faites tous, évidemment. Ces derniers doivent donc savoir clairement qui fait quoi, qui décide de quoi ».

M. Jean Lassalle. Bravo !

M. Olivier Marleix. Vous le dites, mais vous faites exactement le contraire ! Où sont la lisibilité et la transparence, avec votre binôme qui forme pour une élection un candidat unique et qui, à l’élection suivante, peut se présenter en ordre dispersé, un candidat contre l’autre ?

C’est un principe fondateur de notre démocratie, dans le scrutin majoritaire, que vous faites voler en éclats. Malgré mes différentes interpellations à ce sujet lors de l’examen en première lecture, aucun début de réponse ne m’a, hélas, été apporté, ni par vous ni par le rapporteur – peut-être cela viendra-t-il ? Je le regrette car cela mériterait un véritable débat. Imaginons un instant qu’un tel dispositif ubuesque soit appliqué à l’Assemblée nationale !

Avec cette réforme, la responsabilité des élus s’exercera désormais partout, devant la justice, dans les médias, partout, sauf dans les urnes, devant les électeurs. C’est un principe tellement évident que le Conseil constitutionnel lui-même n’a jamais eu l’occasion de se prononcer dessus. Mais, avec votre binôme, vous la lui offrez.

Incongruité juridique ensuite, quand vous liez les deux membres du binôme financièrement et quant à leur inéligibilité, y compris pour des dépenses effectuées avant même que le binôme ne soit constitué.

C’est une aberration juridique de tenir responsable et de punir quelqu’un pour une infraction commise par une personne sur laquelle il n’a aucune forme de responsabilité.

Enfin, monsieur le ministre, vous avez fait preuve d’une certaine paresse ou d’une certaine facilité en divisant par deux le nombre de cantons. Je sais bien que vous avez autre chose à faire que des textes électoraux, des choses plus importantes, heureusement, notamment en matière de sécurité ; mais quitte à faire une réforme, faites-la correctement !

Vous figez des écarts de ratios entre le nombre d’habitants et le nombre d’élus et de cantons d’un département à l’autre, alors qu’ils n’ont rigoureusement rien à voir.

M. Jean Lassalle. Bravo !

M. Olivier Marleix. Vous le savez, l’effectif actuel des assemblées départementales ne repose sur rien. Rien ne justifie les écarts constatés entre la Savoie et la Haute-Savoie, par exemple. C’est indéfendable.

Comment le même gouvernement peut-il nous expliquer qu’au nom du principe d’égalité, on ne peut pas aller au-delà d’un rapport de 1 à 2,3 entre deux cantons, mais qu’en revanche, en Lozère, il y aura un conseiller départemental pour 2 900 habitants, et en Seine-et-Marne, un pour 57 000 habitants ?

M. Jean Lassalle. C’est vrai !

M. Olivier Marleix. Le Seine-et-Marnais vaut-il moins cher que le Lozérien ? Les élus de Seine-et-Marne sont-ils réputés plus efficaces ? Les Français n’ont-ils pas le droit d’avoir le même nombre de conseillers généraux à leur écoute, à leur disposition, quel que soit le département où ils habitent ?

M. Jean Lassalle. Bravo !

M. Olivier Marleix. Nous n’avons jamais eu aucune réponse de votre part, monsieur le ministre, ni de la part du rapporteur sur ce point, pourtant crucial, de votre réforme.

Plus grave encore, monsieur le ministre, cette facilité, cette paresse de votre part crée des inégalités d’un département à l’autre dans le collège des grands électeurs pour le Sénat.

À titre d’exemple, les conseillers généraux du Haut-Rhin et du Bas-Rhin vont peser pour 1,6 % du corps électoral sénatorial, alors que ceux des Hautes-Alpes vont peser pour 7 %. N’y a-t-il pas là une atteinte au principe d’égalité devant le scrutin, qui vous est si cher s’agissant des futures élections sénatoriales ? Là aussi, nous aimerions entendre des réponses de votre part ou de la part du rapporteur.

Si vraiment vous vouliez inscrire les effectifs des assemblées départementales dans la loi – ce qui n’est pas le cas aujourd’hui, car cela dépend simplement du pouvoir réglementaire –, il fallait prendre le temps de le faire et la peine de définir des critères.

Monsieur le ministre, nous avons bien entendu votre exercice de communication sur votre écoute, et le rapporteur l’a soigneusement répété après vous, pour être sûr que cela figure bien au compte rendu de nos débats. Mais, en dehors d’un seul amendement, certes présenté par le très éminent président Sauvadet, vous êtes resté figé sur un texte qui répond au seul bon plaisir du parti socialiste.

Alors oui, monsieur le ministre, il ne m’a pas échappé que le parti socialiste avait la majorité absolue à l’Assemblée nationale. Mais je regrette, comme nous le constatons texte après texte, au fil de nos débats, que cet argument du nombre suffise à éviter systématiquement toute inflexion de vos projets.

Mesurez, monsieur le ministre, l’opposition que suscite votre texte. Ne passez pas en force pour faire adopter cette réforme. Utilisez votre force, votre pouvoir, la responsabilité qui est la vôtre à la tête du pays pour faire les réformes qu’attendent les Français avec impatience…

M. Charles de La Verpillière. Vaste ambition !

M. Olivier Marleix. …pour les sortir de la crise et du chômage. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

M. Jean Lassalle. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Manuel Valls, ministre. Monsieur Marleix, j’entends une fois de plus cet argument, régulièrement de part et d’autre selon qu’on est dans la majorité ou dans l’opposition. Le Gouvernement et le Parlement mènent leurs travaux ; le Gouvernement est totalement mobilisé sur ce qui préoccupe les Français,…

M. Gérald Darmanin. Oui, les électeurs le voient !

M. Manuel Valls, ministre. …le redressement économique du pays, le redressement industriel…

M. Gérald Darmanin. Et les chiffres du chômage ?

M. Manuel Valls, ministre. Michel Sapin a rappelé tout à l’heure depuis quand le chômage augmente. C’est un sujet de préoccupation majeur, difficile, compliqué. La sécurité des Français aussi me mobilise évidemment.

Cela étant, nous devons tirer les conséquences des engagements que nous avons pris, comme la suppression du conseiller territorial. Si nous n’avions pas changé ce mode de scrutin, les services du ministère de l’intérieur auraient été tout autant mobilisés sur le découpage qui en aurait découlé. Et nous aurions dû de toute façon adopter un texte de loi sur l’intercommunalité, puisque le texte dont nous parlons ce soir n’aurait pas été adopté. Donc, ne nous faites pas ce reproche ! Vous êtes là, vous faites votre travail de parlementaire, vous prenez la parole…

M. François Sauvadet. Ça, on m’a dit que ce n’était pas bien ! !

M. Manuel Valls, ministre. …et le débat s’engage.

Deuxièmement, quoi qu’en ait dit M. Sauvadet, je n’imposais pas le fait majoritaire. Je disais simplement que c’était le choix des Français et que les majorités, quelles qu’elles soient, doivent être à l’écoute de l’opposition et des Français. C’est un mandat représentatif, mais il nous faut évidemment être à l’écoute. Ainsi, nous avons tenu compte, depuis le début, de cette double volonté : imposer la parité – ce sur quoi vous êtes en désaccord, auquel cas il vous faut l’assumer totalement, ce que, d’une certaine manière, monsieur Marleix, a fait, et j’y reviendrai – et la représentation des territoires.

Nous sommes très attachés aux territoires. Ce disant, nous sommes cohérents et logiques, puisque les élus de gauche administrent nombre de ces départements, et notamment les départements ruraux.

Je prends le même exemple que tout à l’heure : vendredi dernier, j’étais dans la Creuse. Le président du conseil général est socialiste. Nous parlons de territoires ruraux, me semble-t-il. N’est-ce pas faire injure à ces territoires ruraux que de considérer que la parité ne pourrait pas s’y imposer, soit à travers le scrutin binominal, soit à travers la proportionnelle, à un niveau qu’il faut bien fixer concernant les conseils municipaux ? Cela ne pourrait-il pas se faire ? Ne pourrait-il pas y avoir une représentation binominale dans ces départements ? Au nom de quoi la parité ne pourrait-elle pas être imposée ?

M. Jean Lassalle. Ce n’est pas le problème !

M. Manuel Valls, ministre. Si, c’est le problème !

Il y a une vérité que nous pouvons partager, et l’ancienne majorité devrait s’en souvenir : nous ne gagnerons pas les élections locales à venir…

M. Edouard Philippe. Je crois que c’est clair ! (Rires sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. Manuel Valls, ministre. Il ne faut pas faire preuve de morgue d’un côté ou de l’autre. Nous ne gagnerons pas les élections grâce à un découpage ou à un changement de mode de scrutin.

M. Jean Lassalle. Vous les perdrez !

M. Manuel Valls, ministre. Même pas, parce qu’avec les découpages qui ont eu lieu, pourtant sous l’égide d’une commission, le Conseil constitutionnel avait d’ailleurs eu l’occasion de donner son avis sur trois départements au moins : la Moselle, le Tarn, mais aussi Paris. Nous ne gagnerons pas avec cela. Mais il nous a semblé important de réhabiliter le département qui a été mis en cause par le conseiller territorial, de préserver les territoires, donc, de ne pas accepter un scrutin à la proportionnelle et en même temps d’y intégrer les critères qui permettent de présider au découpage. Enfin, il nous a semblé important d’imposer la parité. Et nous l’assumons ! C’est le débat et il est tout à fait honorable.

Vous dites, monsieur Marleix, que nous allons mettre au rancart des dizaines et des centaines d’élus hommes. Permettez-moi de vous dire que c’est un risque que prennent d’abord les socialistes puisqu’ils sont a priori plus nombreux, et donc, davantage concernés. Mais nous faisons ce choix en toute lucidité.

M. Gérald Darmanin. Pour faire élire vos apparatchiks ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Manuel Valls, ministre. Comment pouvez-vous dire cela ? Les apparatchiks élus au scrutin universel direct dans des cantons ? Il n’y a pas d’apparatchiks chez vous ? N’y aurait-il pas ici d’anciens membres de cabinets, parachutés çà et là il fut un temps, mais qui ont aujourd’hui le suffrage universel ancré dans leur chair et qui nous parlent de leur circonscription la main sur le cœur ? Voulez-vous qu’on les désigne ? Ce ne serait pas correct ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Qu’est-ce que cela veut dire ? Vous faites déjà le choix des électeurs ?

Prenons à nouveau l’exemple de la Creuse, avec 8 000 habitants en moyenne. La Creuse fait-elle partie des départements ou des cantons mégapoles, sans ancrage local, avec des élus qui seraient parachutés ou des apparatchiks ? Arrêtez de mettre en cause les élus, notamment lorsqu’ils sont élus de territoires ruraux ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Arrêtez de mettre en cause les institutions et ceux qui y travaillent, qu’ils soient de gauche ou de droite ! C’est insupportable ! En faisant cela, vous sciez vous-mêmes la branche de la démocratie sur laquelle nous sommes tous assis ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Cessez de tenir des propos violents qui mettent en cause ce que fait la majorité ! Arrêtez cette attitude qui ne mène à rien, sinon à favoriser les extrêmes !

Oui, nous avons un projet. Ce projet, nous le défendons et nous l’assumons : c’est à la fois la parité et la proximité. La carte des cantons, monsieur Marleix, aurait de toute façon été modifiée pour le conseiller territorial si vous en étiez restés au statu quo. À ce moment-là, le redécoupage aurait été fait sur des bases qui seront celles du Conseil constitutionnel, après qu’il aura examiné la loi, et du Conseil d’État.

Oui, nous avons sollicité l’avis du Conseil d’État. C’est la moindre des choses, et de toute façon, c’est obligatoire pour un texte de loi présenté par le Gouvernement. Alors, quand vous ferez un recours devant le Conseil constitutionnel, monsieur Marleix, qu’allez-vous demander ? Que l’on revienne à vingt si l’on est à trente ? Qu’allez-vous demander ? Il faudrait nous éclairer sur la teneur de ce recours devant le Conseil constitutionnel. Allez-vous demander la mise en cause de la parité ? C’est un principe inscrit dans la Constitution… Et grâce à qui ? Grâce à Jacques Chirac et à Lionel Jospin ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Alors, un peu de cohérence ! Défendez votre idée ! Vous l’avez fait, d’ailleurs, et c’est une bonne chose : le statu quo. On garde le canton tel qu’il est, avec des différences de un à quarante-sept : ce n’est pas constitutionnel. Et sans parité : ce n’est pas non plus constitutionnel ! (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI.) Pour toutes ces raisons, monsieur Marleix, je ne crois pas que l’argument que vous avez défendu tienne aujourd’hui devant cette assemblée.

Enfin, dernier argument, et c’est d’ailleurs une remarque assez juste : il y aurait des différences significatives entre les départements. C’est vrai. Il faut donc en tirer les conséquences. Que voulez-vous exactement en réalité ? Des départements sur la base de cette égalité formelle qui serait tracée au niveau de l’hexagone ? Mais si l’on part de ce principe, il y a deux solutions…

M. Olivier Marleix. On crée des tranches !

M. Manuel Valls, ministre. On verra ce que pourrait en dire le Conseil constitutionnel.

M. Olivier Marleix. Des strates de population, ça existe !

M. Manuel Valls, ministre. Ou bien on se retrouve avec des départements avec deux, trois ou quatre conseillers généraux ou départementaux : pour la Creuse, cela en ferait trois, pour la Lozère, deux ou trois, pour d’autres départements, cela ferait un peu plus ; et un département comme le Nord, qui compte 2,5 millions d’habitants, en aurait évidemment davantage. Ou alors on part du principe de la tranche, et le département du Nord compterait entre 190 et 210 conseillers généraux.

M. Pascal Terrasse. Vous vous rendez compte !

M. Manuel Valls, ministre. Et vous nous venez ensuite nous faire la leçon sur les économies à réaliser alors que l’instauration du conseiller territorial, c’était bien le problème, impliquait de modifier tous les hémicycles de France et de Navarre ! Sans mépris aucun, monsieur Marleix, cet argument comme les autres doit être logique et cohérent. Même sur la question de la dépense publique, vous ne l’êtes pas ! Ainsi, pour ces raisons à la fois de cohérence et de constitutionnalité, je demande le rejet de votre motion de procédure. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Popelin.

M. Pascal Popelin, rapporteur. Vous nous prêtez, mesdames et messieurs les députés de l’opposition, une intention manipulatrice.

Plusieurs députés du groupe UMP. Oui !

M. Pascal Popelin, rapporteur. Certes, on est toujours porté à prêter aux autres ses propres intentions !

M. Michel Vergnier. Comme dessiner des circonscriptions en forme de libellules ou de papillon !

M. Pascal Popelin, rapporteur. Mais lorsque le Gouvernement propose des conditions d’encadrement du prochain découpage cantonal qui n’ont jamais été aussi strictes, y compris lorsque vous avez vous-mêmes légiféré en 2010 sur la création du conseiller territorial, vous nous demandez sans cesse de les assouplir pour déplorer ensuite que ces assouplissements, quand ils sont acceptés, risquent de fragiliser la constitutionnalité de l’édifice.

M. Gilbert Sauvan. Faites ce que je dis, pas ce que je fais !

M. Pascal Popelin, rapporteur. Vous n’avez de cesse de dénoncer le nombre d’élus que ce texte créerait ou ne supprimerait pas. Mais comme vient fort justement de le rappeler M. le ministre, vous réclamez le maintien de tous les cantons existants et M. Marleix vient même d’introduire la notion d’harmonisation nationale du nombre de cantons. Cela aurait deux ordres de conséquences, soit la diminution drastique des effectifs des conseils départementaux des départements peu peuplés, soit l’augmentation exponentielle des effectifs des conseils départementaux des départements les plus peuplés – mon département de la Seine-Saint-Denis ne compte actuellement que quarante conseillers généraux pour 1,5 million d’habitants.

Vous nous reprochez de légiférer dans la précipitation.

M. Olivier Marleix. Assurément !

M. Pascal Popelin, rapporteur. Vous avez pourtant commencé par nous dire que nous passons trop de temps sur ces questions !

M. Gérald Darmanin. C’est vrai aussi !

M. Pascal Popelin, rapporteur. Vous avez vanté le processus idéal de création du conseiller territorial, dont vous pourriez à tout le moins convenir qu’il était tout aussi créatif que le scrutin binominal paritaire. Je rappelle que ce processus idéal a fait l’objet de deux censures consécutives du Conseil constitutionnel, ce qui oblige en effet à consacrer du temps à ce type de débat et qui est indubitablement le témoignage d’un processus législatif bien maîtrisé, je vous le concède. (Sourires.)

C’est donc parce que vous estimez que les choses vont trop vite, tout en déplorant que nous y passions trop de temps, que vous demandez donc le renvoi en commission. N’ayant pas été formé à de tels paradoxes, mes chers collègues, je suis défavorable à ce renvoi. Il me semble que l’Assemblée nationale est suffisamment éclairée et le texte suffisamment travaillé pour que nous puissions en poursuivre sans délai son examen. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. Dans les explications de vote, la parole est à M. François Sauvadet, pour le groupe UDI.

M. François Sauvadet. Monsieur le ministre, arrêtez ! Arrêtez de considérer que tout ce que nous disons n’a aucune importance, et que vous avez trouvé le bon système, celui qui assurera la juste représentation et satisfera l’exigence de parité, comme si ce magnifique hybride que vous venez d’imaginer et qui s’imposera à nous tous devait être subitement reconnu, labellisé et déposé au plan international !

Pour commencer, la Constitution ne fixe pas le principe de parité mais dit qu’il faut y tendre. C’est une différence constitutionnelle.

M. Michel Vergnier. Quelle importance ?

M. François Sauvadet. La Constitution, il suffit de la lire pour en être assuré. Qu’au moins ici nous nous mettions d’accord sur les principes constitutionnels !

Ensuite, est-ce finalement ce binôme que vous allez imposer dans vos futures réformes des élections législatives ? Je vous le dis : vus ne parviendrez pas à convaincre que la loi que vous êtes en train de faire est bénéfique pour le peuple et pour l’avenir de notre pays.

M. Manuel Valls, ministre. Mais si !

M. François Sauvadet. Vous êtes en train de tripatouiller tous les suffrages à moins d’un an d’une élection. Et si dans un département comme la Côte-d’Or, qui compte trois sénateurs, on passe à la proportionnelle, on sait très bien pourquoi : il s’agit de favoriser M. Rebsamen qui veut assurer son siège face à un concurrent issu de ses propres rangs, qui devra lui-même déposer une liste !

M. Thierry Benoit. Mais oui !

M. François Sauvadet. Arrêtez, monsieur le ministre, de nous prendre pour des canards sauvages. Votre démarche fragilisera, voire tuera les cantons ruraux.

M. Manuel Valls, ministre. Mais non !

M. François Sauvadet. Voilà ce que vous devez entendre. Nous sommes un grand pays par la superficie et l’un des plus grands défis du XXIe siècle, ce n’est pas simplement le retour de la croissance : c’est aussi d’éviter le phénomène d’agglomération qui se poursuit et la désertification de pans entiers du territoire ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)

Vous êtes en train d’organiser la mort politique des territoires ruraux. Je comprends d’ailleurs pourquoi vous n’avez pas déposé un premier texte clarifiant les compétences avant de déposer un texte électoral. Si l’on rapproche la situation électorale que vous êtes en train de créer dans le pays avec la mort annoncée des territoires due aux compétences nouvelles que vous confiez aux agglomérations, on peut se demander ce qu’il restera aux territoires ruraux : ils n’auront ni la possibilité de répartir mieux les richesses, ni le pouvoir d’exercer l’aménagement du territoire dans leurs instances. Voilà la réalité ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)

M. Michel Vergnier. Et vous, dans quel état avez-vous laissé les départements ?

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Tourret, pour le groupe RRDP.

M. Alain Tourret. Permettez-moi tout d’abord de vous féliciter, monsieur le ministre. Votre art oratoire et vos capacités d’exposé m’ont paru remarquables, je tiens à vous le dire. Avocat moi-même, j’admire beaucoup les très beaux discours.

M. Olivier Marleix. Fayot !

M. Manuel Valls, ministre. Quand ça commence comme ça, il faut se méfier !

M. Alain Tourret. Quant au discours de M. Marleix, lui aussi de qualité, comme la réponse qu’il a suscitée, je lui répondrai ceci : nous avons déjà écarté en première lecture le débat sur le renvoi en commission. Qu’y a-t-il de nouveau depuis que nous nous sommes prononcés ? Pourquoi nous prononcer sur un nouveau renvoi en commission alors que nous avons déjà répondu à l’ensemble des arguments ? Voilà qui m’échappe !

M. Michel Vergnier. C’est de l’obstruction parlementaire !

M. Alain Tourret. L’argument était intéressant mais sans fondement, faute d’apporter des arguments nouveaux susceptibles de justifier un renvoi en commission. Voilà qui suffit au juriste que je suis pour s’y opposer.

En outre, y a-t-il ou non urgence à traiter les textes relatifs aux élections que nous avons à voter aujourd’hui et cette semaine ? Incontestablement oui ! Nous avions atteint le ridicule, vous l’admettiez vous-mêmes ! Il était dès lors indispensable, sous la pression conjointe du Conseil d’État et du Conseil constitutionnel, de nous emparer du problème. Sans compter le nouveau principe de parité, qu’il faille l’assurer ou y tendre.

M. François Sauvadet. Ce n’est pas la même chose !

M. Alain Tourret. Il n’en reste pas moins que nous étions contraints par ces obligations, et un renvoi en commission ne ferait que nous retarder. Nous devons statuer et je demande qu’il en soit ainsi, d’où le rejet du renvoi en commission.

M. Manuel Valls, ministre. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Sébastien Denaja, pour le groupe SRC.

M. Sébastien Denaja. Voilà maintenant plusieurs semaines que l’opposition tente de se refaire une virginité sur la question de la démocratie locale. Nos collègues n’ont que le terme « rural » à la bouche, après avoir tout de même passé dix ans à supprimer tout ce qui pouvait ressembler à un service public dans le monde rural. L’UMP prétend aujourd’hui défendre les départements dont elle avait pourtant programmé la mort ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Olivier Marleix. C’est faux !

M. Sébastien Denaja. Ils étaient censés être absorbés par les régions grâce à un cumulard de fait – un véritable hybride, celui-là –, le conseiller territorial. Nous, nous voulons tout simplement des départements vivants exempts de la tutelle de toute autre collectivité territoriale. C’est donc pour garantir l’existence même des départements et défendre la ruralité en particulier que nous rétablissons des élus spécifiquement chargés de défendre l’intérêt départemental d’un côté, l’intérêt régional de l’autre. Voilà en quoi consistent la lisibilité et la responsabilité du système démocratique local, monsieur Marleix ! Le conseiller territorial portait surtout en lui la fin de la parité et du pluralisme à l’échelon régional. Si nos débats se focalisent peut-être à l’excès sur la question du département, c’est en raison des progrès historiques que nous allons initier en termes de parité à l’échelle départementale. Mais surtout, nous rétablissons la parité et le pluralisme à l’échelon régional. Je dis cela également à l’attention de nos amis du front de gauche. Bref, la droite, dans l’opposition, reste l’adversaire des départements et de la parité dont nous sommes, nous, les véritables défenseurs.

M. François Sauvadet. N’importe quoi !

M. Sébastien Denaja. C’est pourquoi nous allons rejeter votre motion de renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Gérald Darmanin, pour le groupe UMP.

M. Gérald Darmanin. Nous vous avons senti un peu nerveux, monsieur le ministre, lors de votre réponse. (Rires sur les bancs du groupe SRC.)

Il ne fallait pas vous énerver ainsi ! Il est vrai que vous êtes aussi le ministre des élections, vous le prouvez par un texte qui effectivement remet en cause un certain nombre de règles du jeu démocratique pour les élections locales. Élection partielle après élection partielle, il est normal que le ministre de l’intérieur s’inquiète du devenir électoral de sa majorité, et que les députés de la majorité s’inquiètent également pour les élections municipales qui arrivent. Je n’ai d’ailleurs pas très bien compris si le rapporteur rejetait la motion parce qu’on y parlait du cumul des mandats ou parce qu’on y parlait de la réforme territoriale ; mais je penche pour la seconde hypothèse, car nous n’aurons pas l’occasion de le voir rapporter sur le cumul des mandats.

M. Pascal Popelin, rapporteur. Vous en parlerez avec M. Jacob !

M. Gérald Darmanin. Les Français qui nous regardent ce soir depuis les tribunes et sur Internet, ou qui vont lire nos débats…

M. Michel Vergnier. Et qui nous admirent !

M. Gérald Darmanin.… au moment où Pôle emploi annonce 3,18 millions de chômeurs…

M. Michel Vergnier. Quelle bouillie pour les chats !

M. Gérald Darmanin. Pour commencer, n’insultez pas les chats, cher collègue, et ne tenez pas, comme le disait le rapporteur, des propos qui vous dépassent très largement ! Car 3 180 000 chômeurs, c’est en rythme mensuel deux fois plus que lorsque nous étions au pouvoir ! Sans oublier, monsieur le ministre de l’intérieur, l’augmentation de la délinquance dans toutes les communes de France et vingt-cinq impôts et taxes créés ou augmentés ! Votre déclaration d’amour aux Français est une déclaration d’impôt ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Et que faites-vous ? Vous passez des heures et des jours à débattre de la nécessité de faire du conseiller général un conseiller départemental, ce qui nous coûtera au minimum 50 millions d’euros simplement pour modifier vos beaux papiers à lettres et vos belles maisons au nom du conseil général ! De même, vous vous demandez s’il faut un scrutin binominal ou uninominal. Les Français n’ont-ils pas d’autres problèmes ? Écoutez le peuple français, regardez ce qui se passe le dimanche lors des élections et des manifestations ! Nous voterons la motion de rejet. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

(La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n’est pas adoptée.)

Motion de renvoi en commission (projet de loi organique)

Mme la présidente. J’ai reçu de M. Christian Jacob et des membres du groupe de l’Union pour un mouvement populaire une motion de renvoi en commission déposée en application de l’article 91, alinéa 6, du règlement.

La parole est à M. Lionel Tardy.

M. Lionel Tardy. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois, mes chers collègues, le projet de loi organique et le projet de loi ordinaire que nous examinons cet après-midi ne sont visiblement pas en état d’être adoptés, ni politiquement ni techniquement.

Politiquement, on ne peut pas dire que cette réforme fait l’unanimité, loin de là même ! Elle a été rejetée au Sénat en première lecture et votée en deuxième lecture profondément modifiée, uniquement pour éviter que les sénateurs soient totalement absents de l’écriture d’un texte portant sur les collectivités locales, ce qui aurait été le cas s’il avait été rejeté une seconde fois. Au vu des transformations qu’ils y ont apportées, on ne peut dire que les sénateurs approuvent votre réforme, monsieur le ministre, loin de là !

À l’Assemblée nationale, la lecture de l’analyse des scrutins est éloquente : 269 voix pour sur 295 membres du groupe socialiste, abstention des verts et des radicaux de gauche et vote contre du groupe GDR. Je vous rappelle, mes chers collègues, que pour passer outre le désaccord du Sénat sur une loi organique, il faut un vote de l’Assemblée nationale à la majorité absolue des inscrits, soit 289 voix. Il ne semble pas, monsieur le ministre, que le Sénat soit très collaboratif sur cette réforme. À l’Assemblée nationale, il vous manque vingt voix.

On peut tout à fait comprendre le ferme rejet de l’opposition et les fortes réticences de vos alliés, monsieur le ministre, dès lors que ce texte apparaît taillé pour servir les seuls intérêts du parti socialiste.

Ce n’est guère surprenant : quand on est aux manettes, la tentation est grande de se servir !

M. Régis Juanico. N’est-ce pas ?

M. Lionel Tardy. Non seulement vous ne faites pas exception à la règle, mais vous le faites dans les grandes largeurs !

Qu’une réforme des modes de scrutins locaux soit nécessaire, nous en convenons tous. Nous avons d’ailleurs mené à bien ce chantier selon des modalités qui restaient à perfectionner, mais qui constituaient à nos yeux une réponse acceptable. Vous n’avez pas voulu tenir compte de notre proposition, préférant supprimer le conseiller territorial.

Nous le regrettons, mais vous avez gagné les élections et êtes donc légitimes à proposer autre chose. (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC.)

Un député du groupe SRC. Ils commencent enfin à regarder la réalité en face !

M. Lionel Tardy. Mais cette autre chose ne nous convient pas : c’est manifestement du cousu main avec du gros fil blanc, destiné à permettre au parti socialiste de garder la main sur les collectivités locales. Vous voir adopter un mode de scrutin majoritaire en est une preuve éclatante.

La proportionnelle vous dérange, car vos alliés peuvent aller au combat sans vous, ce qui permet à chacun de mesurer ses propres forces au premier tour, avec parfois des surprises désagréables pour le parti socialiste – alors qu’avec la proportionnelle, les négociations au deuxième tour et celles pour la répartition des postes en cas de victoire se font sur une base objective qui échappe au parti dominant.

Si les Verts ou le Front de gauche faisaient un bon score à la proportionnelle, il serait difficile de les cantonner à des postes subalternes et de ne pas leur donner ce qui leur revient en fonction de leur poids réel – cela pourrait parfois vous obliger à leur céder la place si leur liste devançait celle du parti socialiste. Avec ce mode de scrutin, on aurait pu avoir des surprises aux prochaines élections cantonales !

Le scrutin majoritaire présente, lui, cet immense avantage, qui ne vous a pas échappé, de favoriser outrageusement le parti dominant, car un petit parti a beau faire 20 %, si c’est 20 % dans chaque circonscription, il n’aura aucun élu. Les petits partis dépendent alors du bon vouloir du parti dominant, qui leur octroie des cantons ou des circonscriptions. Dans le cas présent, c’est le parti dominant qui décidera combien de cantons il accordera et lesquels, avec la possibilité, en laissant un dissident se présenter, de reprendre ce qu’il a donné. Vous gardez donc le contrôle, ce que vous recherchez avant tout avec ce texte.

Avec le scrutin majoritaire, les partis de gauche auront ce que le parti socialiste aura bien voulu leur donner, alors qu’avec la proportionnelle, c’est l’application du principe « que le meilleur gagne », à armes égales. On comprend donc aisément, monsieur le ministre, pourquoi vous avez voulu à tout prix maintenir le scrutin majoritaire pour les cantonales. Ce choix du mode de scrutin majoritaire vous a obligé, pour tenter de rendre le scrutin paritaire, à adopter un dispositif complètement baroque, celui du binôme.

On m’a toujours expliqué que le scrutin majoritaire ne pouvait être qu’uninominal et qu’à partir de deux, on était dans la proportionnelle. Au moins, les choses étaient simples et l’électeur s’y retrouvait. Avec ce binôme, on va embrouiller l’électeur et l’éloigner encore un peu plus de la politique, décidément bien complexe. Peut-être est-ce cela que vous recherchez : que le citoyen n’y comprenne plus rien et se contente de voter en fonction de l’étiquette et de l’investiture politique.

À l’UMP, c’est une évolution que nous refusons : nous voulons privilégier une relation la plus directe possible entre l’électeur et son élu. Il faut que le citoyen puisse savoir à qui s’adresser en cas de problème, qu’il y ait des élus réellement responsables. Installer entre les citoyens et les élus l’écran que constitue un parti politique ne nous a jamais paru une bonne chose.

Ce binôme va présenter un avantage pour les partis politiques, celui de pouvoir placer des apparatchiks en les inscrivant au côté d’un « vrai » élu, c’est-à-dire de quelqu’un capable de se faire élire sur son nom. Je vous rappelle qu’en droit de la consommation, la vente par lots n’est pas autorisée, monsieur le ministre ! Or, c’est ce que vous faites ici en droit électoral : de la vente groupée.

Si un électeur veut voir un candidat élu, il est obligé de prendre aussi le colistier, même s’il ne le connaît pas – pire, même s’il ne lui plaît pas. Il n’y a même pas l’incertitude que l’on peut avoir avec la proportionnelle, où il existe une zone grise et où certains candidats connaissent la douloureuse situation d’être le premier « non élu » de la liste.

Être colistier d’une personne connue, disposant d’une forte assise locale, c’est le moyen le plus sûr d’être élu localement et de se faire une implantation. Cette technique étant fabuleuse pour les parachutages, les femmes politiques ayant une bonne assise locale, donc capables de faire l’élection sur leur seul nom, ne vont pas manquer d’être courtisées par les apparatchiks parisiens en mal de cantons d’accueil.

La rue de Solférino ayant beaucoup de monde à caser, il va falloir faire des échanges croisés, vu les règles d’incompatibilité concernant notamment les membres de cabinets d’exécutifs locaux, pour caser tous les jeunes militants qui y occupent des postes en attendant de se lancer dans la compétition électorale.

On risque, avec cette loi, d’assister à des investitures étranges et à de petits arrangements bien peu respectueux des électeurs à l’occasion des élections départementales. Je vous accorde, monsieur le ministre, que cela se fera des deux côtés, mais quand c’est le système qui favorise les combinaisons occultes et le copinage dans les investitures, le principal responsable est le parti qui le met en place !

En plus d’être un objet électoral non identifié, le binôme est porteur de graves dysfonctionnements potentiels. Les deux élus étant les représentants d’un même territoire avec des pouvoirs équivalents, il faudra qu’ils travaillent main dans la main et soient interchangeables dans leurs relations avec les électeurs et les élus locaux. Or, nous le savons tous, ce ne sera pas toujours le cas. On peut penser qu’il y aura des binômes où chacun travaillera de son côté sans trop se préoccuper de l’autre.

Dans un certain nombre de cas, ce sera même la guerre plus ou moins déclarée entre les deux membres du binôme ! En cas de conflit, comment vont faire les électeurs et les élus locaux ayant un sujet à soumettre, un dossier à faire avancer devant le conseil départemental ? Nous savons tous que l’actuel conseiller général est le représentant d’un territoire, dont il porte les dossiers.

Un bon conseiller général, c’est celui qui ramène des subventions et assure une bonne coordination entre les élus locaux du canton, sans trop regarder les étiquettes politiques quand il y en a. Avec le binôme, vous allez mettre à mal ce mode de fonctionnement sans en proposer un autre.

Un deuxième sujet pose question : ce projet de loi va nécessiter un redécoupage des cantons, sur lequel il y a, là encore, beaucoup à dire. Je passerai rapidement sur les dégâts énormes que cela va occasionner pour le monde rural : je m’associe aux propos de ceux qui se sont déjà exprimés sur ce point.

Bien entendu, ce redécoupage se fera à votre avantage, nous ne nous faisons aucune illusion là-dessus. Avec le simple fait d’inscrire dans la loi le choix d’un critère démographique strict, tout est dit ! Les cantons urbains seront maintenus alors que les cantons ruraux devront être fusionnés. Je regrette que vous ayez choisi, là encore, de fixer dès le départ une série de contraintes qui vous avantagent et de sacrifier le reste. Ce redécoupage cantonal, qui peut se révéler utile pour corriger des évolutions démographiques – certains départements ayant beaucoup évolué depuis 1801 –, aurait pu se faire plus proprement. Malheureusement, c’est une véritable boucherie qui s’annonce !

Mme Pascale Crozon. N’importe quoi !

M. Lionel Tardy. Votre faute originelle est d’imposer dans la loi que le nombre de cantons soit divisé par deux en fonction de critères démographiques, sans laisser de marge de manœuvre – ou si peu.

Vous sacrifiez ainsi toute la question de la représentation des territoires. Dans certains départements, où la croissance urbaine a été importante, il faudra trouver d’autres équilibres que dans un département resté largement rural.

En mettant tout le monde sous la même toise et en figeant les équilibres de 1801, car c’est cela que vous faites, vous empêchez une vraie réforme tenant compte des réalités locales de chaque département. En revanche, vous allez mettre à mal le tissu rural de bien des départements.

M. Jean Lassalle. Très bien !

M. Lionel Tardy. Des solidarités et des appartenances se sont mises en place – nombre de structures sont calées sur le canton. Des communautés de communes ont le même périmètre que le canton, avec le souci d’éviter que le canton ne soit partagé entre plusieurs communautés de communes : cela évite des rivalités et facilite le travail du conseiller général.

Tous ces équilibres vont voler en éclats avec votre redécoupage cantonal. En figeant le nombre de cantons sur l’existant, vous empêchez des rééquilibrages entre départements. J’ai déjà évoqué, en première lecture, le cas du conseil des pays de Savoie, composé des conseillers généraux de Savoie et de Haute-Savoie. On constate un déséquilibre important au profit de la Savoie, qui a 37 conseillers pour 415 000 habitants, quand la Haute-Savoie n’en a que 34 pour 738 000 habitants. Ce déséquilibre empêche de confier davantage de pouvoirs à cet organe, ce qui constitue un frein à un plus grand rapprochement des deux départements de Savoie. Sans cette règle de la stricte division par deux du nombre de cantons actuels, on aurait pu procéder à un rééquilibrage en fonction de la démographie, qui aurait été le premier pas vers un processus de rapprochement, voire de fusion de nos deux départements.

Plus globalement, je ne comprends pas que vous mettiez autant de contraintes dans la loi, alors que vous pourriez procéder au redécoupage cantonal par voie réglementaire. J’ai du mal à comprendre cet acharnement schizophrène du législateur à ligoter ainsi le pouvoir réglementaire, qui aura à procéder au redécoupage. On complexifie les choses, alors même qu’il faudrait davantage de souplesse et de liberté. On dirait que vous n’avez pas confiance en vous-même, monsieur le ministre !

J’aimerais aussi revenir sur une question à laquelle vous vous êtes bien gardé de répondre jusqu’à présent, à savoir les modalités du redécoupage. Lors des débats en première lecture, vous disiez que, les critères ayant été inscrits dans la loi, il ne restait plus aucune marge pour le pouvoir réglementaire et qu’il n’y avait donc pas de sujet ni de problème. Ce n’est pas une réponse satisfaisante ! Même si vous fixez dans la loi des critères – que je juge inutilement contraignants, je le répète –, il reste encore une belle marge de manœuvre pour celui qui tiendra les ciseaux, notamment pour le redécoupage des cantons urbains des grandes villes.

Apparemment, cela va se faire discrètement, sans débat public. Certes, on va consulter, mais le résultat des consultations ne sera pas public – pas plus que l’avis du conseil d’État. Ce redécoupage cantonal n’aura strictement rien de participatif. On nous en donnera juste le résultat à la fin, en nous expliquant que si l’on n’est pas content, on peut toujours faire un recours devant le Conseil d’État ! Vous le savez comme moi, un tel recours prendra de longs mois et aura peu de chances d’aboutir, le Conseil d’État ne pouvant pas se permettre d’annuler ce genre d’opération alors que les élections sont si proches.

Pourquoi, monsieur le ministre, ne pas opérer le redécoupage sous les yeux du public, via internet ? Il serait possible de mettre en ligne les différents avis, les différents scénarios, et d’en expliquer les enjeux. Ensuite, bien entendu, le Gouvernement resterait maître des choix, mais chacun pourrait maîtriser les tenants et aboutissants des décisions, ce qui lèverait certaines de suspicions sur l’absence de neutralité politique du découpage.

Enfin, je voudrais terminer en abordant les problèmes que ce texte posera pour le fonctionnement des petites communes. Je ne comprends pas la justification du choix de diminuer le nombre de conseillers municipaux pour les petites communes. Existe-il des sièges vacants ? Qu’il y ait parfois des difficultés pour recruter, c’est possible, mais on finit toujours par trouver. En diminuant le nombre de conseillers, vous allez alourdir la charge des autres et, paradoxalement, renforcer les éventuelles difficultés à trouver des volontaires. Ces conseils municipaux fonctionnant sur un quasi-bénévolat, vous ne ferez même pas d’économies.

Un autre point me pose problème. Avec ce texte, vous imposez que la désignation des conseillers communautaires pour les petites communes se fasse dans l’ordre du tableau. Ce faisant, vous rigidifiez inutilement le fonctionnement des conseils municipaux, où la répartition des tâches, notamment les plus chronophages, se fait en fonction des disponibilités. L’ordre du tableau n’a aucun sens dans une petite commune : j’ai reçu des témoignages de maires ruraux de ma circonscription qui sont défavorables à cette évolution et demandent avant tout à ce qu’on les laisse s’organiser dans la souplesse, sans diminuer le nombre de conseillers municipaux.

M. Jean Lassalle. Très bien !

M. Lionel Tardy. Bien des dispositions de cette loi ne sont finalement que des carcans qui viennent rigidifier et complexifier inutilement le fonctionnement des collectivités locales, en particulier des petites communes rurales.

Cette réforme va éloigner encore davantage les citoyens de leurs élus, déjà séparés par un véritable gouffre. Dans la situation de crise que connaît notre pays, elle est a des années-lumière des préoccupations de nos concitoyens.

Un important travail reste à mener sur le projet de loi organique et sur le projet de loi ordinaire, qui sont inséparables, c’est pourquoi le groupe UMP vous demande de voter cette motion de renvoi en commission, qui permettra d’améliorer encore un texte qui en a bien besoin. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Pascal Popelin, rapporteur. Je serai extrêmement rapide, madame la présidente. Je crains en effet qu’avec cette quatrième motion de procédure – une motion très procédurale –, nous ne commencions à épuiser la patience de notre auditoire, sans pour autant que soit avancé un seul élément justifiant du renvoi en commission du projet de loi organique. Vous n’avez fait que vous répéter, mes chers collègues, et à mon grand regret je me vois contraint moi aussi à la répétition en donnant, une fois de plus, un avis défavorable à l’adoption de cette motion de renvoi en commission.

Mme la présidente. Au titre des explications de vote, la parole est à M. Thierry Benoit, pour le groupe UDI.

M. Thierry Benoit. Le groupe UDI va naturellement voter cette motion de renvoi en commission.

Si je vous connais peu, monsieur le ministre, je vous apprécie tout de même. Je suis donc profondément déçu…

M. Michel Françaix. Ça commençait bien, pourtant !

M. Thierry Benoit. …par la manière dont les opérations sont conduites.

J’aurais souhaité, monsieur le ministre, qu’avant de bouleverser tous les scrutins, tous les modes de désignation des élus en France, vous nous présentiez la vision que vous avez de notre pays et de son administration territoriale, définissiez les compétences que vous entendez privilégier à chaque échelon, et précisiez les moyens financiers que vous avez l’intention de confier à chacune des collectivités.

Ainsi que François Sauvadet l’indiquait tout à l’heure, nous sommes inquiets parce que vous commencez par évoquer le bouleversement du mode de désignation des élus alors que la vision urbaine qui se développe depuis plus de quarante ans en France est préoccupante pour les territoires ruraux.

M. Jean Lassalle. Très bien !

M. Thierry Benoit. La réforme que vous nous proposez va certainement accentuer encore les disparités entre les territoires ruraux et les territoires urbains. Surtout, le fameux binôme que vous imaginez, que vous avez inventé, ce mode de scrutin unique au monde qui portera deux candidats, solidaires le temps d’une campagne éphémère, à exercer ensuite leur mandat chacun de son côté de façon solitaire, je ne vois vraiment pas comment il pourra fonctionner.

Monsieur le ministre, j’ai écouté vos propos tout à l’heure lorsque vous avez présenté votre projet de loi : vous avez dit que vous alliez enfin démocratiser le département. Étant conseiller général du département de l’Ille-et-Vilaine depuis presque dix ans, je pense pouvoir affirmer que le fonctionnement de nos départements est à ce jour démocratique. Le groupe UDI votera donc avec force et conviction cette motion, parce que ses membres n’approuvent absolument pas le projet qui leur est proposé. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. François Sauvadet. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à Mme Frédérique Massat, pour le groupe SRC.

Mme Frédérique Massat. Permettez-moi de revenir sur les propos qu’a tenus M. Tardy.

Nous avons bien compris qu’il défendait le conseiller territorial. Dois-je rappeler que la création de ce nouvel élu devait conduire à terme à la suppression des départements ?

M. Dominique Le Mèner. Mais non !

Mme Frédérique Massat. Dois-je rappeler qu’en termes de proximité, notamment dans votre département, monsieur Tardy, le conseiller territorial allait siéger à la fois au conseil général et au conseil régional,…

M. Dominique Le Mèner. Cela a existé !

Mme Frédérique Massat. …c’est-à-dire exercer son mandat dans le département de la Haute-Savoie et aller siéger à Lyon, soit à plus de 150 kilomètres ? En termes de proximité, excusez-moi du peu !

Vous avez évoqué la proportionnelle comme un mode de scrutin qui nous dérangeait. Dois-je en déduire, monsieur Tardy, que vous êtes favorables à la proportionnelle et que, si nous avions proposé un texte visant à l’instaurer, vous l’auriez voté ?

M. François Sauvadet. Oh oui !

Mme Frédérique Massat. Vous, oui, monsieur Sauvadet, vous l’auriez voté, mais vos collègues qui siègent sur les bancs de l’UMP, peut-être pas.

Dois-je également rappeler que les termes d’« apparatchik », de « copinage », de « boucherie » ne sont peut-être pas ceux que l’on attendrait pour qualifier le travail des élus de cette assemblée ?

Vous accusez M. le ministre d’avoir introduit des contraintes dans le texte. Permettez-moi toutefois de vous rappeler que l’une d’elles, qui figure à l’article 23, et qui a été insérée par le vote d’un amendement que vous avez également déposé et cosigné, vise à ce que le découpage préserve les cantons ruraux et les territoires de montagne. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Alain Tourret. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à Mme Annie Genevard, pour le groupe UMP.

Mme Annie Genevard. Monsieur le ministre, votre projet de loi aurait pu, par certains aspects, présenter quelque avantage aux yeux de certains : d’une part, celui du scrutin binominal paritaire, tant il est vrai que nos assemblées départementales sont trop exclusivement masculines ; d’autre part, celui de rendre plus lisible par le fléchage les délégués communautaires, tant les EPCI ont aujourd’hui peu de reconnaissance malgré les nombreuses compétences dont ils ont la charge. Hélas, ces deux points peinent à masquer la finalité majeure de ce texte, qui est avant tout politicienne.

La loi n’est même pas encore votée que quelques indiscrétions nous laissent entrevoir ce que sera le découpage cantonal version socialiste. Dans le monde rural, le regroupement de trois à quatre cantons fait chuter spectaculairement le nombre de conseillers généraux de droite – ce n’est pas un hasard – en même temps que la représentation rurale au bénéfice de l’urbain – encore l’urbain, et toujours l’urbain !

M. Thierry Benoit. Exclusivement l’urbain !

Mme Annie Genevard. C’est inique, c’est injuste, et les territoires ruraux s’en souviendront. C’est pourquoi nous approuvons cette motion de renvoi en commission excellemment présentée par notre collègue Lionel Tardy. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

(La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n’est pas adoptée.)

Discussion générale commune

Mme la présidente. Dans la discussion générale commune, la parole est à M. François Sauvadet.

M. Jean-Louis Touraine. Il craint pour son conseil général ! Il tremble pour la Côte-d’Or !

M. François Sauvadet. Tout d’abord, monsieur le ministre, je trouve que le débat commence dans des conditions assez surréalistes. Vous abordez la deuxième lecture de ce projet de loi très important comme si rien ne s’était passé auparavant. Or, c’est la deuxième fois que le Sénat à majorité de gauche repousse le cœur de votre texte : la création du binôme et la suppression de la moitié des 4 000 cantons de France.

M. Thierry Benoit. Ils n’en veulent pas !

M. François Sauvadet. Permettez-moi d’ailleurs de souligner, car il faut que la représentation nationale s’en fasse l’écho, que le refus a été encore plus large en deuxième lecture qu’en première lecture. Plus le débat avance, plus il se trouve d’opposants à votre texte ; comment sa nécessité pourrait-elle alors s’imposer à nous tous ?

En dépit de ce fait, vous arrivez ici avec un rapporteur et un groupe socialiste qui ne voient aucun problème à continuer comme si rien ne s’était passé, comme si le Sénat, qui représente pourtant les collectivités territoriales, n’avait pas d’importance. N’avez-vous pas dit vous-même qu’en raison du fait majoritaire les textes seraient votés, le groupe socialiste étant le plus important de l’Assemblée ? Voilà une bien curieuse vision de la démocratie et de la démocratie locale !

Monsieur le ministre, vous et le gouvernement auquel vous appartenez ne pouvez pas continuer à balayer ainsi d’un revers de main les positions de la chambre qui représente les collectivités territoriales. Vous ne pouvez pas continuer d’imposer au pays une réforme des modes de scrutin contre l’avis de toutes les forces démocratiques au seul prétexte que le groupe socialiste détient la majorité absolue à l’Assemblée nationale. C’est pourtant ce que vous vous apprêtez à faire après le rétablissement en commission de tous les articles qui avaient été supprimés par le Sénat.

Monsieur le ministre, il est moralement intenable de vouloir faire passer une loi modifiant les règles démocratiques contre l’avis de toutes les autres sensibilités représentées à l’Assemblée nationale.

Aussi, au nom du groupe UDI, au nom des milliers d’élus locaux qui se sont mobilisés contre votre projet et qui vont continuer de le faire, je vous demande de renoncer à votre mode de scrutin et de reprendre le dialogue avec les partis politiques et les collectivités territoriales. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean Lassalle et M. Thierry Benoit. Très bien !

M. François Sauvadet. Vous affirmez depuis le début de nos discussions qu’il n’y a pas d’autres propositions, mais vous verrouillez le débat sur toutes celles que nous avançons, que ce soit l’introduction du scrutin régional, la mise en place d’une dose de proportionnelle ou l’institution d’un scrutin mixte entre ville et campagne qui aurait pu permettre de préserver des cantons dans les territoires ruraux.

M. Pascal Popelin, rapporteur. La suppression des départements !

M. François Sauvadet. Bref, vous avez balayé d’un revers de main tous nos amendements.

Vous avancez le faux nez de la parité, mais personne n’est dupe. Je vous l’ai dit, nous continuerons de dénoncer le procédé du parti socialiste qui vise à dire que nous serions opposés à la parité. Au sein du conseil général que je préside, le groupe qui me soutient compte deux fois plus de femmes que celui du parti socialiste.

M. Pascal Popelin. Ah ? Vous en avez deux ?

M. François Sauvadet. Nous avons nous-mêmes, lorsque nous étions aux affaires, encouragé la parité. J’ai en effet été à l’initiative d’une loi qui vise à ce qu’il y ait demain 40 % de femmes préfètes dans notre pays. J’espère d’ailleurs que vous l’appliquerez, monsieur le ministre, puisque cette loi du 12 mars 2012, c’est la loi de la République. Nous n’avons donc pas de leçons à recevoir au sein de l’opposition sur la parité. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Thierry Benoit. Bravo !

M. François Sauvadet. Vous avancez aussi que vous voulez préserver le lien de l’élu avec son territoire. Mais de quel lien parlez-vous ? Comment les élus locaux et les habitants vont-ils s’y retrouver avec ces immenses circonscriptions électorales cantonales dans lesquelles exercera un binôme, un homme et une femme élus ensemble et exerçant leur mandat indépendamment l’un de l’autre sur le territoire ? Vous êtes en train d’organiser la mort des territoires ruraux et de leur représentation politique et, pis encore, le désordre territorial.

Imaginez un maire nouvellement élu dans une commune ; auquel des deux conseillers va-t-il s’adresser ? Si le premier ne donne pas satisfaction, il ira voir l’autre, et ainsi va s’instaurer une rivalité entre les deux conseillers départementaux alors qu’il faut au contraire que l’élu soit un élément dynamique, un catalyseur, un rassembleur sur son territoire ; mais ces mots vous sont évidemment étrangers à l’échelle nationale.

Vous dites appliquer le principe un homme une voix, mais cela impliquerait d’étaler les circonscriptions au-delà de toute limite, de redécouper tous les départements ; certains sont composés d’un million d’habitants, d’autres de 250 000 à 300 000 habitants. Cet argument ne tient pas. À la vérité, vous avez décidé de revoir l’ensemble de la carte électorale française, de donner l’essentiel des pouvoirs aux populations, c’est-à-dire aux agglomérations ; c’est votre choix politique. Au demeurant, il se révélera lorsque nous aborderons un autre sujet d’importance, celui du partage des compétences entre chaque niveau de collectivités.

M. Thierry Benoit. Bien sûr !

M. François Sauvadet. Voilà ce que vous voulez. Mais nous continuerons de nous battre. Et même si votre loi est adoptée, vous aurez rendez-vous avec l’avenir, avec les territoires, avec les élus locaux !

M. Jean Lassalle. Très bien !

M. François Sauvadet. Vous dites que vous ne faites qu’appliquer un programme, mais à aucun moment dans sa campagne François Hollande n’a mentionné un tel binôme ! Vous en étiez restés à la critique du conseiller territorial, que vous désigniez comme le pire des maux ; je me souviens notamment de ces grands placards du parti socialiste déplorant la mort prochaine des territoires ruraux. Ce que vous faites aujourd’hui est pourtant bien pire que ce que vous dénonciez hier.

Dans mon département, il ne restera plus que six cantons sur quarante-trois pour représenter cinq cents communes.

M. Thierry Benoit. Quelle tristesse !

M. François Sauvadet. Où est la proximité dont vous vous faites le chantre ?

Je voudrais aussi m’adresser aux élus du parti socialiste, notamment aux députés. Chers collègues, vous ne pouvez pas maintenir une position consistant à soutenir sans faille et sans débat un projet de loi qui va bouleverser l’essentiel de l’organisation territoriale de la France. Vous vous apprêtez à prendre une lourde responsabilité. Voyez comment se sont déroulées les dernières élections dans l’Oise ! Il y a dans nos territoires ruraux un fort sentiment de désespérance auquel vous ne prenez pas suffisamment garde, un sentiment d’abandon. Ces territoires sentent qu’ils ne sont plus suffisamment écoutés ; c’est le cas des Français en général, mais certains secteurs en souffrent plus encore que d’autres. En donnant ainsi la primauté à la population au détriment du territoire, vous allez exacerber ce sentiment d’abandon, ce qui pourrait avoir des conséquences dont aucun d’entre nous aurait à se réjouir. En tous les cas, vous aurez rendez-vous avec ces territoires.

J’ai la profonde conviction qu’une telle désespérance ne restera pas silencieuse ; elle s’exprimera et je crains que cela risque d’être lourd de conséquences pour l’avenir même de notre pays. Mais on voit bien que votre préoccupation n’est pas celle-là.

Monsieur le ministre, jamais dans l’histoire de la Ve République un gouvernement n’aura bouleversé autant de règles électorales à moins d’un an d’une échéance : vous reportez à 2015 les élections départementales et régionales ; vous modifiez le mode de scrutin des municipales en voulant imposer des scrutins de liste dès 500 habitants, ce dont personne ne veut ; vous changez le nombre d’élus dans les arrondissements de Paris en fonction de vos intérêts, ce qui a été dénoncé par nos collègues parisiens ; vous changez le mode de scrutin des élections sénatoriales dès l’année prochaine en donnant une prime aux grandes agglomérations.

Avec le présent projet de loi, vous supprimez la moitié des cantons de France et organisez le plus grand charcutage électoral jamais engagé depuis deux siècles.

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Non, on ne touche pas aux européennes ! (Sourires.)

M. François Sauvadet. Et vous nous annoncez pour demain le redécoupage des circonscriptions législatives avec l’instauration d’une dose de proportionnelle, à moins que vous n’imposiez au pays ce fameux binôme dont vous vous faites aujourd’hui l’ardent promoteur.

Monsieur le ministre, où est la République irréprochable que M. Hollande proposait aux Français ?

Puisque vous nous demandez de faire des propositions, la bonne méthode aurait d’abord été de discuter du fond : qu’attendons-nous des communautés de communes, des communautés d’agglomérations ? Quelles compétences doit-on leur attribuer ? Quel rôle doit jouer le conseil général ? Quelle instance de proximité est celle de l’aménagement du territoire ? Quel est le rôle des grandes régions ? Enfin, l’ensemble des collectivités devraient pouvoir entretenir des relations apaisées avec l’État, lequel ne doit en tout cas pas les matraquer en les privant de 4,5 milliards d’euros de ressources alors que ce sont elles qui investissent dans notre pays.

Où est la République irréprochable, monsieur le ministre ?

Vous avez décidé de passer en force ; c’est votre choix et j’en prends acte. Mais dès ce soir, je déposerai avec le groupe UDI une proposition de loi constitutionnelle visant à ce qu’un seul parti ne puisse plus, au nom du seul fait majoritaire, imposer au pays une réforme des modes de scrutin contre l’avis de toutes les autres formations politiques. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

M. Thierry Benoit et M. Jean Lassalle. Très bien !

M. François Sauvadet. J’inviterai d’ailleurs l’ensemble des groupes parlementaires de cette assemblée à nous rejoindre dans ce combat démocratique.

Ce n’est pas un sujet d’opposition entre gauche et droite, c’est une exigence démocratique que de dialoguer sur les conditions dans lesquelles on assure la juste représentation des territoires et des populations.

Vous avez décidé de ne pas écouter l’opposition, de n’écouter aucun autre parti, ni même vos amis politiques qui, parfois, sur le terrain, ont une position discordante par rapport à celle de vos députés.

M. Manuel Valls, ministre. Donnez-nous des noms ! (Sourires.)

M. François Sauvadet. Je pense à M. Chaintron, proche de M. Montebourg – il était son assistant parlementaire – et depuis plusieurs mois mon voisin puisqu’il préside le conseil général de Saône-et-Loire. Il s’est lui aussi ému de cette réforme, qui va avoir des conséquences extrêmement graves.

Pas une seule voix, sur les bancs du groupe socialiste, n’exprime cette idée dans l’hémicycle. Je crains que, une fois que vous aurez fait passer votre loi sur le cumul des mandats, le caporalisme ait encore de beaux jours devant lui. Je le regrette profondément pour la vitalité du débat démocratique.

Vous avez consenti quelques avancées,…

M. Thierry Benoit. Elles sont rares !

M. François Sauvadet. …mais en réalité vous n’avez changé sur rien. Si vous deviez persister, monsieur le ministre, vous resteriez comme celui qui aura apposé sa signature – non pas personnellement mais au nom de votre gouvernement – sur le plus grand tripatouillage électoral de la VRépublique. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)

Ce ne serait pas grave s’il ne s’agissait que d’élections. Mais l’un des plus grands défis auxquels la France va être confrontée au XXIe siècle est justement – en dehors bien sûr de ceux de la croissance, de la mutation écologique et de nos pratiques dans un certain nombre de domaines – celui de l’aménagement du territoire. Comment éviterons-nous que le phénomène d’agglomération se poursuive, qui apporte son lot de drames, avec des territoires qui se vident de leur substance ? Or c’est ce que vous êtes en train d’organiser. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Frédérique Massat.

Mme Frédérique Massat. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, notre assemblée est aujourd’hui saisie en deuxième lecture du projet de loi modifiant les élections des conseillers départementaux, des conseillers communaux et des délégués communautaires.

Ce texte d’ampleur met en place un nouveau mode d’élection au niveau cantonal, avec l’instauration d’un binôme paritaire d’élus. Cette modification du mode d’élection des conseillers départementaux répond à un triple objectif : garantir des assemblées paritaires, maintenir un lien de proximité entre élus, territoires et habitants et parvenir à des élections plus démocratiques en réduisant les écarts de population entre cantons d’un même département.

Pour tendre vers ce triple objectif, plusieurs scénarios avaient été proposés. Certains souhaitaient – on l’a encore entendu aujourd’hui – un scrutin proportionnel au niveau du département. Cette solution aurait rompu le lien de proximité fort dont jouissent les conseillers généraux avec leurs électeurs et aurait conduit à supprimer les cantons.

D’autres ont proposé et fait voter la figure hybride du conseiller territorial, qui non seulement institutionnalisait le cumul des mandats, mais surtout diluait le département dans l’ensemble régional jusqu’à le faire disparaître et anéantir la proximité.

D’autres, enfin, ont milité pour la mise en place d’un scrutin mixte, alliant système majoritaire et proportionnel. Un tel scrutin aurait été impossible à mettre en œuvre. Il se serait également révélé illisible pour les électeurs et incompatible avec le cadre départemental.

Finalement, la solution retenue est celle que propose le texte : le binôme paritaire élu au scrutin majoritaire à deux tours. C’est une innovation, une belle innovation, qui permet d’atteindre le triple objectif que j’évoquais précédemment ; nous l’assumons totalement, même s’il est vrai que la nouveauté fait toujours peur. Nous faisons confiance à l’intelligence des élus pour que ce binôme fonctionne sur les territoires.

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Pourtant, les élus s’en plaignent !

Mme Frédérique Massat. Cette innovation permet aussi de rendre effectif l’article 1er de notre Constitution, lequel, je le rappelle, énonce que la loi « favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives ».

M. Dominique Le Mèner. Oui, mais il n’y est question que de l’accès !

Mme Frédérique Massat. Grâce à ce texte, en 2015, les assemblées départementales seront composées pour moitié de femmes, alors même qu’aujourd’hui, comme on l’a dit à plusieurs reprises, les femmes ne représentent que 13,5 % du nombre des conseillers généraux.

Une fois le mode d’élection acté, il convenait d’inscrire dans la loi – et avec précision – un cadre général permettant de mettre en œuvre le futur redécoupage de la carte cantonale, lequel était devenu un impératif. En effet, de nombreux cantons n’avaient pas été modifiés depuis l’ère napoléonienne, au point que, dans certains départements, les écarts de population atteignaient un rapport de un à quarante-sept, rendant les élections contraires à la Constitution, qui proclame l’égalité du suffrage entre les électeurs.

Pour autant, et sans chercher à opposer urbains et ruraux, le cadre du redécoupage électoral doit garantir la représentation de tous les territoires au sein de l’assemblée départementale.

Je tiens à saluer votre capacité d’écoute, monsieur le ministre. Tout au long des discussions parlementaires, vous avez été attentif aux arguments que nous avons développés et avez maintenu un dialogue constructif. C’est ainsi que ce texte a pu évoluer dans un sens favorable – je pense en particulier à l’article 23, pour lequel vous avez accepté un certain nombre d’amendements.

Cet article qui, je le rappelle, fixe les règles du redécoupage à venir, mais également les cas dans lesquels des exceptions peuvent avoir lieu, a été amendé dans un sens favorable aux territoires de montagne et aux territoires ruraux au cours de la navette parlementaire.

Ces évolutions successives permettront, tout en garantissant aux projets de redécoupage des cantons une solidité juridique, notamment devant le Conseil d’État, d’assurer une représentation de tous les territoires.

Je souhaiterais revenir sur les différentes étapes de l’élaboration de ce texte. En première lecture, monsieur le ministre, vous avez soutenu l’amendement par lequel je souhaitais introduire, pour les exceptions à la règle générale, la prise en compte des considérations géographiques comme la superficie, le relief et l’insularité. Cette idée avait d’ailleurs été portée par d’autres collègues, sur tous les bancs de cet hémicycle. Par ailleurs, suite à l’adoption d’un amendement de ma collègue Carole Delga, que j’avais cosigné, le texte reconnaissait également que le nombre de communes par canton devait être pris en compte.

Les sénateurs ont continué à améliorer ce texte en modifiant l’écart de population possible entre deux cantons d’un même département, le faisant passer de 20 % à 30 % avec l’aval du Gouvernement, qui a ainsi fait preuve d’ouverture. Je rappelle d’ailleurs que vous aviez évoqué cette question lors de la première lecture. Un certain nombre d’amendements, déposés par des parlementaires siégeant sur différents bancs, allait d’ailleurs dans ce sens.

Enfin, lors de la réunion de la commission des lois, vous avez proposé une nouvelle rédaction qui améliore encore un peu plus l’énumération des exceptions possibles à la règle générale. Le texte permet dorénavant des exceptions pour des raisons liées à l’équilibre d’aménagement du territoire et, à ce titre, érige l’enclavement comme critère.

La nouvelle rédaction de l’article 23 constitue une garantie pour les territoires de montagne. Le risque était, initialement, qu’ils ne soient plus représentés dans les assemblées départementales, dans la mesure où ils auraient été noyés dans des ensembles comprenant des zones urbaines denses.

Je me réjouis donc de la façon dont ce texte a été élaboré. Toutefois, monsieur le ministre, nous serons vigilants quant à la composition des nouvelles cartes cantonales. Je sais que vous ferez ce travail en collaboration avec l’ensemble des élus, ce dont je vous remercie. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Alain Tourret.

M. Alain Tourret. Monsieur le ministre, c’est une tâche bien difficile qui vous incombe. En effet, on attendait une grande loi de décentralisation, sur le modèle de ce qui avait été fait en 1981.

Si mes souvenirs sont bons, après l’élection du président Mitterrand, au mois de mai, le projet de loi de décentralisation avait été présenté dès le mois de juillet en conseil des ministres et il avait été définitivement voté au début de l’année 1982 – en mars plus précisément.

Nous attendions quelque chose du même ordre, parce que c’était l’un des engagements forts du président François Hollande. De fait, tous ceux qui ont exercé des mandats de conseiller général, de conseiller régional ou de maire savent que l’empilement des compétences est tel qu’on n’y comprend plus rien.

Dès lors, il était nécessaire d’élaborer une loi sur les compétences.

M. Thierry Benoit. Avant toute chose !

M. Alain Tourret. Doit-on, par exemple – c’est là une question particulièrement importante –, conserver ou non la compétence générale ?

Que vont devenir, par ailleurs, face au pouvoir des régions, tous les centres urbains ? En effet, chacun voit bien que l’avenir appartiendra soit à la région, soit aux collectivités territoriales qui se constituent autour des villes.

M. François Sauvadet. Voilà !

M. Alain Tourret. Or, au regard de ces enjeux, on nous propose une loi sur les élections. Comme j’ai été particulièrement sympathique avec vous tout à l’heure sur les motions de procédure,…

M. Thierry Benoit. Très sympathique !

M. Alain Tourret. …je vais vous dire un certain nombre de choses. (Sourires.)

La solution retenue, qui cherche à concilier les principes de parité et de proximité, est extraordinairement complexe. On a ainsi inventé le binôme.

Ce binôme, monsieur le ministre, est baroque.

M. Marc Dolez. C’est vrai !

M. Alain Tourret. Je suis amateur de baroque (Sourires) ; cette musique, typiquement française – c’est celle du XVIIIe siècle, à Versailles – a un charme extraordinaire.

M. Thierry Benoit. Mais…

M. Alain Tourret. Force est pourtant de reconnaître qu’elle a trouvé ses limites, puisqu’elle a disparu avec la Révolution française.

Pour en revenir au texte, certains principes ont été poussés jusqu’à l’absurde. Fallait-il pousser la parité jusqu’à l’absurde en descendant jusqu’à 500 habitants, c’est-à-dire aux petites communes ?

M. Jacques Pélissard. Très bien !

M. Alain Tourret. Nous le disons très nettement : nous ne voterons pas une loi qui prévoit de telles exigences ; cela nous semble totalement incompatible avec les réalités locales, que l’on ne saurait pourtant ignorer. On connaît à cet égard la position de l’Association des maires de France, dont je salue le président, Jacques Pélissard. Sur ce point, il faut savoir écouter les élus locaux.

M. Thierry Benoit. Très bien !

M. Alain Tourret. En ce qui concerne le fléchage, j’ai là aussi l’impression d’avoir affaire à une construction baroque.

Je comprends que l’on veuille donner un peu plus de pouvoir aux représentants de l’intercommunalité en leur conférant un surcroît de légitimité.

Comment les choses se passaient-elles jusqu’ici ? Ces représentants étaient désignés par les conseils municipaux. Moi-même, bien qu’étant maire depuis trente-deux ans, je n’ai jamais siégé dans une intercommunalité parce que je considérais que, tout en étant maire de l’une des principales communes, mes adjoints devaient y aller. Nous nous étions mis d’accord sur cette répartition des rôles et cela fonctionnait très bien. Avec le fléchage, cela devient très complexe.

M. Marc Dolez. Eh oui !

M. Alain Tourret. On a manqué une occasion car c’était le moment d’élire directement les représentants de l’intercommunalité.

M. Marc Dolez. Ah non ! (Sourires.)

M. Alain Tourret. Bien sûr, cela aurait posé à terme un problème, à savoir la raison d’être d’un certain nombre de communes et de maires. Mais ce problème n’est-il pas d’ores et déjà posé ? On voit, en effet, que les dernières dévolutions de compétences – notamment dans le domaine scolaire – se sont faites au profit de l’intercommunalité, au détriment des communes. Nous allons, de ce point de vue, vers l’égalitarisme et l’uniformisation. Est-ce véritablement ce que l’on veut ?

J’aurais également une réflexion à vous faire, monsieur le ministre, en ce qui concerne les départements et les régions.

Est-il normal d’en rester à une carte qui remonte à la Révolution française – pour les départements – et à la IVRépublique – pour les régions ?

Je vous apporterai, sur ce sujet, le témoignage de l’élu normand que je suis. Je parle d’ailleurs en présence d’un de mes collègues, M. Goasdoué. Il existe deux régions, qui ont été déterminées par un décret visant à satisfaire aussi bien M. Lecanuet que M. d’Ornano.

Le préfet en charge du dossier m’a dit ce que ce serait bientôt terminé et que l’on aurait une seule Normandie. L’ancien président de la République était même venu nous dire qu’il aimait tellement la Normandie qu’il n’en fallait qu’une seule.

Je constate pourtant que, malgré tous les combats que j’ai menés pour la réunification de la Normandie, je n’arrive à rien. Aucun texte ne prévoit la possibilité d’une réunification des régions.

En réalité, il était du devoir du Gouvernement de proposer une nouvelle carte des régions et des départements. À cet égard, le cas de l’Alsace nous interroge, laquelle vient de décider – c’est tout à fait extraordinaire – la fusion de deux départements avec la région.

Mme Annie Genevard. Eh oui !

M. Alain Tourret. C’est là, à mon avis, se donner incontestablement la possibilité de créer un véritable pouvoir local permettant aux élus d’exercer toutes leurs compétences vis-à-vis de l’État et à côté de lui.

En Normandie, par exemple, on aurait pu avoir deux départements – l’un regroupant la Seine-Maritime et l’Eure, l’autre le Calvados, l’Orne et la Manche – et une région. Ces nouveaux ensembles auraient eu du poids.

Or je ne vois aucun texte permettant de parvenir à un tel résultat. Dans le cadre du comité présidé par M. Balladur, mon excellent collègue et ami M. Vallini et Pierre Mauroy avaient d’ailleurs proposé que l’on s’en tienne à une cinquantaine de départements, ce qui supposait la réunion d’un certain nombre de départements comme la Savoie, la Drôme et l’Ardèche – je n’y reviendrai pas. Bref, on a incontestablement raté une grande occasion.

Cela est d’autant plus vrai que nous sommes dans un brouillard total en ce qui concerne les nouvelles compétences des régions, des départements et des communes. Jusqu’où va-t-on aller ? Qu’est-ce qui va se faire ?

Or le principe électoral doit appuyer le principe des compétences. De ce point de vue, monsieur le ministre, malgré votre talent, qui est immense, vous marchez sur une jambe – et sans béquille. (Sourires.) Il est en effet très étonnant que vous n’ayez pas posé le principe des compétences à côté du principe électoral.

M. Dominique Le Mèner. Très juste !

M. Alain Tourret. Nous avions là l’opportunité de faire une loi sur les collectivités territoriales qui eût été le pendant de la grande loi Defferre. Monsieur le ministre, je regrette profondément que ce ne soit pas le ministre de l’intérieur qui soit chargé des questions de décentralisation : une force bien supérieure aurait été alors conférée à cette loi, comme ce fut le cas du temps de notre ami Gaston Defferre.

M. Manuel Valls, ministre. Ce n’est pas fini !

M. Alain Tourret. Voilà les quelques observations que je souhaitais faire. La position de notre groupe n’est pas tranchée. Le groupe RDSE a décidé de ne pas participer au vote au Sénat, le groupe RRDP s’est abstenu ici en première lecture. Si les conditions minimales que j’ai évoquées, comme le relèvement de 500 à 1 000 habitants du seuil pour l’application dans une commune du scrutin de liste proportionnel et paritaire, n’étaient pas réunies, nous ne voterions pas ce texte.

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Oh…

Mme Annie Genevard. Bravo !

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Dolez.

M. Marc Dolez. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais commencer mon propos par deux remarques.

La première, qui rejoint celle que vient de faire Alain Tourret, concerne le calendrier. En première lecture, le groupe GDR s’était étonné que le Gouvernement demande aux parlementaires de décider d’un mode de scrutin avant que ne soit engagée la réforme institutionnelle. Nous pensions plus judicieux et plus logique de reporter d’abord les élections à 2015, d’examiner ensuite l’acte III de la décentralisation et de déterminer enfin les modes de scrutin.

Depuis, nous en savons un peu plus. L’avant-projet de loi sur la décentralisation, qui a été transmis au Conseil d’État, va entraîner un bouleversement du paysage de l’action publique : la création des métropoles remettra en cause le rôle des différents niveaux de collectivités territoriales ; la commune et le département se verront en quelque sorte vidés de leur capacité d’initiative par des schémas contraignants hors desquels il n’y aura plus de cofinancement possible.

Cet avant-projet de loi, dont nous avons maintenant connaissance, plaide toujours pour que nous examinions les choses dans l’ordre. Il n’est pas trop tard, monsieur le ministre, pour reporter les élections cantonales et régionales à 2015 et, une fois le débat sur le mode de scrutin suspendu, examiner le projet de loi sur l’acte III de la décentralisation, qui devrait être présenté en conseil des ministres début avril.

M. Dominique Le Mèner. C’est une bonne proposition !

M. Marc Dolez. Ma deuxième remarque concerne l’évolution de notre débat depuis la première lecture. Le Sénat, qui selon l’article 24 de notre Constitution assure la représentation des collectivités territoriales, a rejeté à deux reprises votre proposition de scrutin binominal.

M. Dominique Le Mèner. C’est dire !

M. Marc Dolez. Une majorité de sénateurs, de diverses sensibilités, ont indiqué très clairement qu’ils ne pensaient pas que le mode de scrutin proposé permettrait de représenter dans de bonnes conditions les populations et les territoires. Une majorité de sénateurs ont fait savoir que, selon eux, la cohabitation de deux élus sur un même canton poserait des difficultés pratiques.

M. Dominique Le Mèner. C’est certain.

M. Marc Dolez. Voilà qui devrait inciter le Gouvernement à revoir sa copie, d’autant que ces critiques et ces inquiétudes sont partagées par cinq des six groupes de l’Assemblée nationale.

Au mois d’octobre, lors de la conclusion des États généraux de la décentralisation organisés par le Sénat, le Président de la République a appelé de ces vœux la conclusion d’un pacte de confiance entre l’État et les collectivités locales. Je vous le dis comme je le pense, monsieur le ministre : il ne peut y avoir de pacte de confiance avec une réforme d’un mode de scrutin si peu consensuelle.

Aussi le groupe GDR souhaite-t-il que cette deuxième lecture puisse dégager les voies et moyens permettant d’atteindre cet objectif, en conjuguant les trois paramètres auxquels nous sommes tous attachés : le respect de la parité ; la garantie du pluralisme ; l’exigence de la proximité et du respect des territoires.

J’ai eu l’occasion de m’exprimer longuement sur ce point en première lecture, aussi n’y reviendrai-je pas. Des trois critères, seul le respect de la parité est garanti par cette proposition de scrutin binominal.

Pourtant, l’exercice est possible : il suffit de s’inspirer des autres modes de scrutin utilisés pour les élections municipales ou régionales. Ceux-ci intègrent, je me permets de l’indiquer, au moins une part de proportionnelle. Nous reprendrons dans nos amendements les propositions que nous avions formulées en première lecture.

L’autre point qui avait justifié notre opposition au texte en première lecture est la désignation des délégués des communes à l’intercommunalité. J’avais expliqué que l’appellation même de « conseillers intercommunaux » induisait un changement de statut et laissait entrevoir, avec une élection au suffrage universel non différenciée cette fois, mais peut-être différenciée à partir de 2020, l’émergence d’une nouvelle collectivité territoriale.

Cette crainte – que nous sommes, semble-t-il, seuls à partager – est renforcée par l’avant-projet de loi sur la décentralisation. La volonté d’une intégration communautaire à marche forcée s’y fait jour, notamment au travers d’une disposition visant à transférer à l’intercommunalité l’élaboration des plans locaux d’urbanisme. Voilà, avec le fléchage, les signes d’une évolution qui fera à terme de l’intercommunalité un nouveau niveau de collectivité territoriale. Nous y sommes opposés car nous y voyons la mort programmée des communes.

Nous restons bien sûr dans un état d’esprit constructif, monsieur le ministre. Nous espérons, sans trop nous faire d’illusions, que ce débat de deuxième lecture permettra d’avancer sur les deux points « durs » du texte. Si tel ne devait pas être le cas, nous serions obligés – vous le comprendrez – de confirmer notre opposition à ce projet de loi.

M. Carlos Da Silva. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous entamons donc la deuxième lecture du projet de loi relatif aux modes de scrutin, sur la base du texte modifié et voté par le Sénat le 18 mars.

Représentante privilégiée des territoires et des collectivités, la Haute assemblée, particulièrement sa majorité, a pris ses responsabilités en adoptant le texte en deuxième lecture. Nous nous en réjouissons.

Elle a adopté à l’identique 16 des 54 articles que nous avions nous-mêmes votés en première lecture, et que nous n’aurons donc plus à discuter : ils entérinent surtout une vision commune de la vie politique, plus claire, plus transparente et plus démocratique.

L’abrogation du conseiller territorial a été ainsi confirmée. Le Sénat a dit une nouvelle fois la volonté, partagée bien au-delà des rangs de la majorité gouvernementale, de mettre fin à un mandat qui institutionnalisait le cumul – régional et départemental –, en même temps qu’il éloignait l’élu du terrain et affaiblissait considérablement la représentation des territoires ruraux. Car s’il était un mode de scrutin « ruralicide », pour reprendre la terminologie de M. Marleix, c’était bien celui qui concernait l’élection du conseiller territorial.

On peut également citer le renouvellement en une fois des futurs conseils départementaux, disposition qui mettra fin à l’instabilité des départements et permettra la mise en œuvre de programmes sur six ans, une durée correspondant davantage au rythme de vie des collectivités locales.

Enfin, le Sénat a confirmé le report des élections départementales et régionales à 2015, ce qui sera de nature à favoriser la participation.

Pour autant, et nous ne devons pas minimiser ce fait, le Sénat a rejeté un certain nombre d’articles. La droite sénatoriale s’est entêtée dans son entreprise de blocage et d’entrave à la progression du projet de loi en rejetant tous les articles relatifs au mode de scrutin binominal et, plus globalement, toutes les dispositions qui faisaient progresser la parité.

M. Alain Chrétien. C’est son droit !

M. Carlos Da Silva. La droite de notre hémicycle n’a pas fait beaucoup mieux, puisque le porte-parole du groupe UMP a taxé la binominalité, donc la parité, de « venin » lors de la dernière réunion de la commission des lois.

En revanche, si de nombreux articles n’ont pas été adoptés au Sénat, c’est que des élus de la majorité présidentielle ne sont pas encore convaincus de la pertinence de notre innovation démocratique. Il nous faut entendre leurs inquiétudes ; nous pensons être aujourd’hui en mesure de les lever.

Je suis convaincu que le projet de loi, dans son état actuel, et les débats que nous aurons lors de l’examen des articles permettront de rassembler plus largement qu’en première lecture.

Le nombre minimum de cantons pour les départements de plus de 500 000 habitants a été porté de 15 à 17 et le nombre minimum de cantons pour les départements dont la population est comprise entre 150 000 et 500 000 habitants a été fixé à 13. Par ailleurs, l’écart entre la population d’un canton et la population moyenne des cantons d’un même département a été relevé, malgré le risque constitutionnel encouru, de 20 à 30 % afin de favoriser une plus juste représentation des territoires.

Nous avions déjà travaillé à améliorer la représentation des territoires en introduisant les exceptions géographiques, humaines ou d’aménagement, ce qui permet de prendre en compte les spécificités territoriales qui font la beauté de notre pays.

Alors que l’on nous accuse de tripatouillage…

Mme Annie Genevard. Eh oui !

M. Jacques Pélissard. C’est vrai !

M. Carlos Da Silva.…nous avons là les outils d’un redécoupage respectueux…

M. Dominique Le Mèner. Et impartial !

M. Carlos Da Silva.… des paysages, de la ruralité et de la diversité des territoires.

Nous conservons également la décision des sénateurs d’élever le seuil de qualification au second tour à 12,5 % des inscrits, renforçant ainsi la légitimité électorale des finalistes.

Autre argument particulièrement important, nous continuons à renforcer le fait intercommunal tout en permettant à ceux qui conduisent les listes de choisir celles et ceux qui seront amenés à siéger dans les intercommunalités.

Nous avons su entendre un certain nombre de préoccupations, d’inquiétudes et de besoins. La cohérence de ce texte est encore renforcée par le travail effectué par le Sénat et par celui que nous avons conduit en commission des lois. Je ne doute pas que l’examen en deuxième lecture permettra de prendre en compte d’autres préoccupations, d’autres inquiétudes et d’autres besoins, élargissant ainsi le soutien déjà important dont avait bénéficié ce texte en première lecture. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

3

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

Suite de la discussion en deuxième lecture du projet de loi relatif à l’élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des délégués communautaires, et modifiant le calendrier électoral, et du projet de loi organique relatif à l’élection des conseillers municipaux, des délégués communautaires et des conseillers départementaux.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures.)