Accueil > Travaux en séance > Les comptes rendus > Les comptes rendus de la session > Compte rendu intégral

Afficher en plus grand
Afficher en plus petit
Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2012-2013

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du mardi 26 mars 2013

SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE

SOMMAIRE


Présidence de Mme Catherine Vautrin

1. Élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers communautaires, et modification du calendrier électoral – Élection des conseillers municipaux, des conseillers communautaires et des conseillers départementaux

Deuxième lecture (suite)

Discussion générale commune (suite)

M. Pierre Morel-A-L’Huissier

M. Paul Molac

M. Nicolas Dhuicq

M. Jacques Bompard

M. Kléber Mesquida

M. Alain Chrétien

M. Alain Vidalies, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement

Discussion des articles (projet de loi)

Avant l’article 2

Amendement no 234

M. Pascal Popelin, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

Article 2

M. Pierre Morel-A-L’Huissier

M. Paul Salen

M. François Sauvadet

M. Thierry Benoit

M. Guillaume Larrivé

M. Dino Cinieri

M. Jean Lassalle

M. Patrice Verchère

M. Jean-Pierre Decool

M. Olivier Marleix

M. Jacques Lamblin

M. Julien Aubert

Amendements nos 59, 92, 106, 112, 113, 126, 144, 182, 275, 377, 88, 89, 18, 386, 276, 387, 388

M. Manuel Valls, ministre de l’intérieur

Amendements nos 103, 368, 245, 78, 208, 277, 127, 243, 364, 210, 278, 278, 33, 128, 129, 130, 204

Article 3

M. Pierre Morel-A-L’Huissier

M. Paul Salen

M. François Sauvadet

M. Thierry Benoit

M. Jean Lassalle

M. Patrice Verchère

M. Olivier Marleix

M. Nicolas Dhuicq

Amendements nos 13, 60, 114, 145, 163, 183, 279, 378, 146, 370, 134, 135, 35, 131, 147, 19, 369, 371 rectifié, 301

2. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de Mme Catherine Vautrin
vice-présidente

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

1

Élection des conseillers départementaux,
des conseillers municipaux
et des conseillers communautaires,
et modification du calendrier électoral

Élection des conseillers municipaux,
des conseillers communautaires
et des conseillers départementaux

Deuxième lecture (suite)

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi relatif à l’élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers communautaires, et modifiant le calendrier électoral (nos 819, 828), et du projet de loi organique relatif à l’élection des conseillers municipaux, des conseillers communautaires et des conseillers départementaux (nos 818, 827).

Discussion générale commune (suite)

Mme la présidente. Cet après-midi, l’Assemblée nationale a commencé d’entendre les orateurs inscrits dans la discussion générale commune.

La parole est à M. Pierre Morel-A-L’Huissier.

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. On commence par les meilleurs !

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Madame la présidente, monsieur le ministre chargé des relations avec le Parlement, monsieur le président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, les grande lois de décentralisation des années 1982-1983 ont posé les bases de notre démocratie locale, en conférant de l’autonomie ainsi qu’une dimension politique et administrative à nos collectivités locales. Les deux projets de loi, organique et ordinaire, que nous examinons aujourd’hui en deuxième lecture ne s’inscrivent absolument pas dans cette logique.

Le texte a été rejeté par le Sénat en première lecture, le 18 janvier dernier. C’est la première fois qu’un texte aussi important pour les collectivités locales est rejeté par l’assemblée chargée de les représenter : c’est un signe, et peut-être un signe néfaste ! Ce texte ne génère que peu d’enthousiasme et, s’il a finalement été adopté en deuxième lecture par le Sénat, ce n’est qu’après avoir été maintes fois amendé, tant il est loin des attentes exprimées par les élus locaux lors des états généraux de la démocratie locale.

Je suis inquiet, monsieur le ministre. Je suis inquiet pour les territoires ruraux, dont les dispositions de ce texte mettent à mal la représentation électorale.

L’article 2 du projet de loi prévoit un nouveau mode de scrutin, binominal, mode de scrutin qui, je le rappelle, ne dispose d’aucun équivalent dans le monde. Le ministre de l’intérieur parle d’ailleurs d’un mode de scrutin « unique au monde ». Pourquoi cette exception française ? Vous êtes-vous demandé pourquoi aucun autre pays au monde n’a envisagé une telle mesure ?

Sous couvert d’améliorer la parité des élus départementaux, un binôme mixte, solidaire pendant la campagne électorale, puis indépendant une fois élu, a été imaginé. J’émets les plus vives interrogations sur le fonctionnement et l’entente efficace, dans la durée, pour le canton et sa population, de ce fameux couple imposé. Comment ces élus se répartiront-ils la tâche ? En cas de désaccord, des conflits politiques et humains se feront jour : comment cela se traduira-t-il pour le citoyen ? Où sera l’efficacité au service de l’intérêt général ? Je crains que ce système de binôme ait bien du mal à fonctionner. Par ailleurs, deux personnes élues sur leur nom, exerçant en même temps mais indépendamment l’une de l’autre, c’est la compétition assurée dans les territoires. Monsieur le ministre, vous n’avez jamais répondu à cette question : comment se régleront les conflits au sein du binôme ?

L’article 3 prévoit par ailleurs une division par deux du nombre de cantons actuels, ce qui va conduire à un laminage total des territoires ruraux, avec un éloignement programmé du futur conseiller départemental de ses électeurs et une marginalisation de la représentation territoriale de proximité.

Pour y parvenir, un redécoupage général va être opéré sur des bases exclusivement démographiques. C’est l’objet de l’article 23. Pour créer un canton, il faudra regrouper plusieurs cantons ruraux, fusionner jusqu’à cinq cantons en un seul dans certains départements. Le nouveau découpage aboutira à la création de super-cantons, dont la superficie pourra aller jusqu’à 500 kilomètres carrés tandis que, dans certains départements, la population moyenne des cantons dépassera 75 000 habitants. Il est intolérable que votre gouvernement privilégie ainsi le modèle urbain !

La configuration démographique des départements n’est pas homogène, et si l’on applique le seul critère démographique, même avec un correctif de 30 %, il y aura de nombreux départements dans lesquels la très grande majorité des élus ne représenteront plus que les grandes villes.

Deux questions se posent. Qu’adviendra-t-il, d’abord, des chefs-lieux de cantons ruraux actuels ? À aucun moment de nos débats vous n’avez abordé ce sujet. Or la cartographie administrative sur laquelle s’inscrit la vie de tous les jours est aujourd’hui liée au chef-lieu de canton rural et aux services publics qui s’y trouvent : l’école, la gendarmerie, la poste, le centre de l’équipement ou le centre technique du département, les relais de services publics, le siège d’un EPCI. Qu’adviendra-t-il, ensuite, de toute cette structuration administrative, avec votre redécoupage qui va entraîner la disparition de deux, voire trois ou quatre chefs-lieux de canton ?

Concernant le remodelage de la carte électorale, j’ai bien noté le tunnel passant de 20 % à 30 % en plus ou en moins, ainsi que l’article 23 remanié, qui, dans un souci d’aménagement équilibré du territoire, prend en compte des considérations – de portée malheureusement limitée – géographiques, topographiques ou démographiques, comme l’enclavement, la superficie ou le nombre de communes ; je subodore que le ministère de l’intérieur pourra y trouver de larges possibilités de triturations.

M. Kléber Mesquida. Oh !

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Pour prendre l’exemple de la Lozère, qui passera de vingt-cinq cantons à treize, la tentation sera grande de privilégier les cantons faiblement peuplés des Cévennes, majoritairement de gauche, et dont le moins peuplé compte 4 200 habitants, au détriment des très grands cantons de l’ouest du département, traditionnellement de droite, dont la population moyenne est de 7 800 habitants.

Je le dis tout net, je déposerais un recours devant le Conseil d’État – je suis avocat – et je n’hésiterais pas à invoquer l’erreur manifeste d’appréciation ou le détournement de pouvoir si un découpage erratique devait se produire dans les prochains mois.

M. Kléber Mesquida. C’est un procès d’intention !

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. C’est peut-être un procès d’intention, mais je prends date aujourd’hui. Je suis sûr qu’il y aura en Lozère un découpage bizarroïde. Je veillerai au grain.

M. Kléber Mesquida. C’est ce qu’avait fait Marleix !

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Ces quelques considérations m’amènent à vous redire que je ne saurais en aucun cas souscrire au texte que vous proposez aujourd’hui à la représentation nationale. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Paul Molac.

M. Paul Molac. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, en cette deuxième lecture du projet de loi sur la réforme des modes de scrutins locaux, je vous avoue que nous nous posons toujours des questions sur la pertinence du scrutin binominal, et de ces cantons à représentation double. Si nous espérons que ces nouveaux consuls de l’ère moderne sauront faire taire leurs personnalités et leurs divisions pour se consacrer à l’intérêt général, nous sommes beaucoup plus circonspects sur le retour à un mode de scrutin majoritaire.

En effet, sur le fond, notre opposition se fonde moins sur le caractère binominal du scrutin – qui permet tout de même la parité – que sur le fait qu’il s’agisse d’un scrutin majoritaire. Nous aurions préféré un scrutin semblable à celui utilisé pour les élections régionales, lesquelles, à notre satisfaction, se font de nouveau selon un scrutin proportionnel à deux tours avec prime majoritaire.

En ce qui concerne les élections départementales, deux choix s’offraient au Gouvernement s’il souhaitait instaurer la parité intégrale : le scrutin de liste proportionnel ou le scrutin binominal. Nous avons le regret de constater, malgré la bonne tenue de nos débats en première lecture, que nos arguments n’ont pas été entendus. C’est pourquoi, sans pour autant vouloir répéter à l’envi des positions qui ne semblent aujourd’hui pas compatibles avec celle du Gouvernement, nous déposerons un amendement sur ce sujet, puisqu’il s’agit du cœur de ce projet de loi. Vous noterez que nous ne manquons pas de constance en la matière…

Le scrutin de liste proportionnel à deux tours aurait en effet permis d’adopter un mode de scrutin connu et reconnu des citoyens : il a l’avantage d’être utilisé lors des élections municipales et régionales, et il a le mérite d’être totalement paritaire, grâce à l’obligation de constituer des listes avec alternance stricte entre hommes et femmes.

M. Marc Dolez. C’est vrai !

M. Paul Molac. L’ensemble des scrutins locaux auraient ainsi été organisés selon les mêmes modalités, ce qui ne peut être que bénéfique en termes de lisibilité pour les électeurs.

Pour assurer la représentativité des territoires, à laquelle le Président de la République est, à juste titre, attaché, ce mode de scrutin aurait pu s’appuyer sur un nombre réduit de listes de sections infradépartementales, élaborées selon un découpage à partir des pays et des communautés de communes.

Contrairement à ce qui a été affirmé en commission, ce mode de scrutin cumule bien toutes les qualités : représentation fidèle de l’opinion, ancrage territorial, mise en œuvre de la parité, proximité et caractère gouvernable des assemblées délibérantes issues du suffrage. Il nous aurait donc permis de faire œuvre de pédagogie, mais surtout de justice démocratique, en accordant une plus juste représentation à tous les courants politiques, même les courants minoritaires. En effet, lors des élections cantonales de mars 2011, sur 2 026 cantons renouvelés, les écologistes, avec 11 % des voix, n’avaient que vingt-sept élus et le Modem quatorze.

Pourquoi les élections départementales seraient-elles les seules à ignorer la proportionnelle alors que celle-ci sera partiellement introduite dans les prochaines élections législatives ? Surtout, le mode de scrutin proportionnel nous aurait épargné une douloureuse réforme de la carte des cantons, laquelle ne pourra d’ailleurs pas s’harmoniser avec les limites des circonscriptions législatives et des EPCI.

Accordons-nous sur un point : la carte cantonale doit être remodelée, tant les disparités en termes de population sont, dans certains cas, criantes. Nous avons eu des débats sur l’écart moyen, de plus ou moins 20 % ou 30 %. Si l’écart de 30 %, adopté en commission, me paraît personnellement plus sage, j’espère que le Conseil constitutionnel en jugera de même, ce qui n’est, semble-t-il, pas certain.

Je note que presque tous réclament une prise en compte des réalités géographiques et des bassins de vie, ainsi que des critères liés à la cohérence territoriale et aux cultures locales. Mais, mes chers collègues, cette cohérence n’existait déjà plus dans certains anciens cantons, divisés parfois entre plusieurs intercommunalités. Elle n’existera sans doute pas plus dans les nouveaux cantons. Si l’on veut conjuguer cohérence et efficacité de l’action territoriale, la solution est simple : elle passe par l’émergence d’une collectivité territoriale à part entière, basée sur les bassins de vie, je veux naturellement parler de 1’intercommunalité.

À la suite du vote en première lecture du texte que nous examinons aujourd’hui, j’ai rencontré de nombreux élus locaux de ma circonscription. Aucun ne comprend que le département ne soit pas gommé au profit des intercommunalités. Ce sont des délégués communautaires, bien sûr, qui m’ont fait part de cet étonnement, mais également certains conseillers généraux. C’est dire la foi qu’ils ont dans cette institution vieillissante qu’est le département.

Au final, et c’est ce que les débats autour de ce projet de loi démontrent, l’échelle du département n’est plus adéquate pour mettre en œuvre les politiques de la territorialité et de l’action sociale : pas assez proche pour une politique d’accompagnement tout au long de la vie ; n’offrant pas assez de hauteur de vue pour mettre en œuvre une politique de territorialité cohérente.

Cette solution commanderait alors l’effacement progressif des départements en redistribuant leurs compétences entre intercommunalités et régions.

M. Marc Dolez. Ah non !

M. Paul Molac. Vous souhaitez que les cantons gardent une taille humaine et soient le lieu privilégié de l’action sociale ? Permettez qu’ils deviennent des collectivités territoriales à part entière. Je parle évidemment des EPCI.

Ce texte, qui ne nous convient que partiellement dans la mesure où il n’instaure pas de réelle évolution dans la gouvernance territoriale, comporte néanmoins, outre le pas de géant sur la parité – qu’il faut quand même souligner –, un certain nombre d’avancées auxquelles nous souhaitons contribuer.

Il en est ainsi de l’abaissement, adopté pour la deuxième fois par notre commission, du seuil de recours au scrutin avec représentation proportionnelle aux communes de plus de 500 habitants.

La mesure comporte plusieurs avantages : le fait de rendre nécessaire un projet de liste autour du maire et la fin de ce que l’on appelle le tir au pigeon, qui sanctionnait d’ailleurs le plus souvent les élus les plus actifs ; le fait qu’une majorité claire puisse se dégager ; le fait que l’opposition puisse être représentée – cela sera le cas dans 7 000 conseils municipaux de plus ; enfin, l’élargissement de la parité, avec l’élection de 32 000 conseillères municipales supplémentaires par rapport aux précédentes élections.

M. Dominique Le Mèner. Et alors ?

M. Paul Molac. Cet abaissement du seuil à 500 habitants regroupe l’ensemble des objectifs que nous défendons : renforcement de la parité, renouvellement de la classe politique, représentation des groupes et des familles de pensée minoritaires.

En ce qui concerne ce dernier point, et dans un souci de cohérence, puisque c’est le seuil utilisé pour les autres scrutins locaux, nous proposerons de revenir à l’origine du texte gouvernemental, en abaissant à 10 % des inscrits le seuil à partir duquel il est possible de se présenter au second tour. Le seuil de 12,5 % introduit par le Sénat nous paraît en effet aller à l’encontre d’une meilleure représentation des courants politiques minoritaires.

Il est un autre objectif que mon groupe poursuit, celui de la lutte contre le népotisme. Je tiens tout particulièrement à attirer une nouvelle fois l’attention de mes collègues sur ce point : il serait très dommageable pour l’image de la classe politique, déjà parfois bien écornée – à tort ou à raison –, de laisser se présenter un binôme composé de deux personnes de la même famille. Cela, chers collègues, est de notre responsabilité, ainsi que l’a bien compris le ministre en s’en remettant à la sagesse de l’Assemblée sur notre amendement, qui a finalement été rejeté de très peu. Je vous demande, cher collègues, de ne pas commettre deux fois la même erreur.

Saluons, enfin, une avancée due à la navette parlementaire, celle consistant en l’adoption d’un dispositif de fléchage au moyen d’une liste intercommunale séparée de la liste communale. Mais, par cohérence, nous devons aller plus loin dans cette logique visant à faire clairement émerger l’échelon intercommunal, et ce en donnant la possibilité d’avoir un ordonnancement différent entre les deux listes, tout en maintenant évidemment la parité. À quoi bon avoir deux listes séparées si elles sont quasi identiques ou si les majorités n’ont pas la possibilité de les différencier ? Nous présenterons donc un amendement allant dans ce sens. En effet, un adjoint municipal ne souhaite pas forcément s’investir au niveau intercommunal, l’inverse étant également vrai.

Monsieur le ministre, nous espérons sincèrement que le débat parlementaire et les amendements déposés permettront d’améliorer encore ce texte pour un renforcement ambitieux de la démocratie locale, comme cela a été notamment le cas avec le vote de la fin de la pratique de l’écrêtement.

Mme Brigitte Allain. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas Dhuicq.

M. Nicolas Dhuicq. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, cent douze, c’est le nombre d’habitants au kilomètre carré sur le territoire de la République, du moins en métropole, soit plus de deux fois moins que notre concurrente et partenaire principale la République fédérale d’Allemagne, presque trois fois moins que les Pays-Bas, et plus de deux fois moins que le Royaume-Uni. La République française possède de vastes territoires à faible densité de population, qui représentent sans doute les territoires d’avenir. Les réserves d’eau, les réserves de terre arable du pays sont là. Le chef de l’État, qui participe de la souveraineté nationale, doit se souvenir, au moment des négociations sur la PAC, alors que la France perd de son influence au sein de l’Union européenne, dans le monde et dans le concert des nations, que ces territoires disposent des ressources de l’avenir, qui assurent au pays la première des souverainetés, à savoir l’indépendance, la souveraineté et la sécurité alimentaires.

Mais, mes chers collègues, ces territoires ne sont pas vides. Ils sont peuplés d’habitants qui travaillent, font fructifier le sol, permettent de nourrir les villes et qui veulent, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, vivre comme les autres citoyens.

M. Frédéric Roig. Alors pourquoi les avez-vous abandonnés ?

M. Nicolas Dhuicq. Pourquoi pénaliser les élus ruraux, pourquoi taper sur la ruralité, comme vous le faites systématiquement depuis des mois ?

M. Pascal Popelin, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Personne ne veut faire cela !

M. Frédéric Roig. C’est vous qui les avez abandonnés !

M. Nicolas Dhuicq. Patiemment, vous êtes en train de détricoter la République qui vous a été donnée en héritage. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

À la classe ouvrière qui vous a quittés, messieurs les membres du groupe majoritaire, vous répondez que vous vous occupez en priorité de la moyenne bourgeoisie des villes et des groupes minoritaires agissants.

M. Kléber Mesquida. Ces propos sont scandaleux !

M. Nicolas Dhuicq. Inlassablement, vous détricotez la Ve République, nous amenant progressivement vers la IVe République, celle des partis. Car dans les discours que j’entends, il y a une confusion totale, permanente, entre les élections qui permettent de définir un gouvernement souverain dans une République souveraine et une photographie de l’opinion publique. Toute dose de proportionnelle serait effectivement délétère : il suffit de regarder ce qui se passe dans les grandes nations qui ont adopté ce mode de scrutin pour savoir qu’il provoque l’instabilité et contribue à éloigner, à terme, les citoyens de leurs élus. Qu’ont donc fait les élus ruraux dans les conseils généraux ? Qu’ont donc fait ces élus ruraux dont vous voulez diminuer le nombre, contrairement à ce que nous faisions dans la précédente réforme en associant conseil général et conseil régional pour créer une nouvelle espèce d’élus, capables de conjuguer l’aspect stratégique de la région et l’ancrage territorial du département ?

M. Kléber Mesquida. Des élus cumulards !

M. Nicolas Dhuicq. Quel découpage des territoires ruraux et des cantons ! Dans mon département, il y aura ainsi des cantons de soixante-quinze communes, que deux conseillers généraux devront parcourir. Pour celles et ceux qui, comme moi, connaissent les cérémonies des vœux dans les communes rurales, à qui donnera-t-on la parole pendant ce cours d’instruction civique en direct que reçoivent les citoyens qui acceptent de se déplacer pour entendre les vœux du maire ? Il y a déjà le discours du maire, du président ou de la présidente de la communauté de communes, du conseiller général ou de la conseillère générale, et du député lorsqu’il peut être présent. Il y aura alors deux discours. Pour dire quoi ? Deux fois les mêmes choses ?

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Comme dans l’Aube !

M. Nicolas Dhuicq. À savoir que les majorités départementales se déplaceront vers les grandes villes. Car votre objectif, mesdames et messieurs du groupe majoritaire, c’est en fait de préparer les futures élections sénatoriales. Qu’ont donc fait ces élus territoriaux, ces conseillers municipaux dont vous vouliez diminuer le nombre ? Vous avez délaissé, dégoûté ces élus, dont la grande majorité sont bénévoles et qui se dévouent pour les populations des zones rurales.

Oui, mesdames et messieurs de la majorité, votre projet est un projet délétère, qui participe de ce plan global préconisé par un regretté député socialiste, mort trop jeune, et avec lequel j’avais débattu, consistant à changer le peuple. Après avoir essayé de changer le peuple en vous appuyant sur la moyenne bourgeoisie des grandes villes, après avoir écouté les minorités, voici que vous extrayez progressivement de la démocratie et de la République les zones rurales. Votre projet, mesdames et messieurs de la majorité, supprimera inéluctablement la représentation des territoires ruraux qui sont pourtant l’avenir de la nation et de la République. Voilà pourquoi nous nous opposons avec force à ce projet délétère. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Bompard.

M. Jacques Bompard. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, chers collègues, nous attaquons la deuxième lecture de ces deux textes qui modifient pour la énième fois l’organisation des scrutins locaux.

Concernant les élections municipales, je pense utile l’abaissement du seuil à 1 000 habitants à partir duquel le scrutin doit être organisé par listes. Cela simplifierait grandement ces élections et les rendrait plus compréhensibles pour les électeurs.

Concernant les élections cantonales, rebaptisées départementales, vous avez réussi un véritable tour de force avec ces binômes homme-femme. Monsieur le ministre, comme usine à gaz, difficile de faire mieux ! La seule justification audible que vous nous proposez repose sur la volonté de mettre en place la parité la plus parfaite possible.

Alors que vous ne cessez de nous répéter que l’homme et la femme sont identiques, que l’homme et la femme sont interchangeables, que l’identité sexuelle et le genre se choisissent, vous nous proposez d’adopter une loi établissant un mode de scrutin fondé entièrement, et donc seulement, sur cette altérité sexuelle.

Votre projet de loi ne traite d’ailleurs pas du cas des transsexuels ou des androgynes, pardon, des « intersexués », selon le vocabulaire de la novlangue. Dans quelle catégorie les rangerez-vous ? Un binôme composé d’un homme et d’un homme devenu femme sera-t-il acceptable ? Et un binôme composé d’une femme et d’un homme devenu femme ? Bref, tout cela devient très compliqué.

De même, vous vous détachez du réel par un découpage qui méprise les territoires. Or le conseil général a pour vocation de favoriser le développement des territoires et d’aplanir les différences entre les grosses communes et les espaces ruraux. Jusqu’alors, les cantons étaient d’abord à l’image des territoires, et non uniquement découpés en fonction des variations du nombre d’habitants.

Il s’agit, non pas d’une simplification, mais d’une complication incohérente et irréaliste. C’est la fin de l’organisation territoriale de nos départements. On veut détruire la représentation des territoires ruraux au niveau du conseil général, qui a été créé pour cela : c’est incohérent !

Nombreux sont les Français qui souffrent de ce qui se passe actuellement. Au nom d’une majorité de circonstance, vous ne cessez de porter brutalement atteinte à l’intérêt public, que vous avez pourtant pour mission, en tant que responsables de l’exécutif, de défendre. Dans mon territoire, la population est de plus en plus furieuse. Vous avez pu d’ailleurs le constater dimanche, les Français en ont assez de cette politique psychorigide et sont aux portes de la désobéissance. Il ne faut pas mépriser le peuple de France, on ne sait jamais quelle réaction il peut avoir.

Pour conclure, je voudrais citer un de vos amis : « Quand des milliers et des milliers de citoyens, jeunes ou moins jeunes sont aussi mobilisés, à quoi sert d’attendre la prochaine manifestation ? Il suffirait d’un mot, un seul, que le pouvoir hésite à prononcer : l’abrogation. C’est un gros mot, pour la droite. Mais quand on fait une erreur, il faut savoir l’effacer. »

Vous l’avez reconnu, ces mots sont de François Hollande. C’était en 2006, lors des manifestations contre le CPE. Ces paroles étaient pleines de bon sens.

M. Kléber Mesquida. Cela n’a rien à voir !

Mme la présidente. La parole est à M. Kléber Mesquida.

M. Kléber Mesquida. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous abordons en deuxième lecture le projet de loi qui traite des modes de scrutin. Ce texte a fait l’objet de beaucoup de commentaires, de polémiques voire de contestations, et de beaucoup de procès d’intention.

J’articulerai mon intervention sur les trois niveaux d’institution directement concernés par ce texte : le département, l’intercommunalité et la commune.

Sur le plan départemental, la grande nouveauté consiste en la création d’un binôme afin de renforcer la parité. Il est vrai que toutes les formations politiques se disent attachées à la parité, mais force est de constater que seul le parti socialiste en a fait la preuve, en désignant autant de candidates que de candidats aux dernières législatives de 2012. C’est bien grâce à nous que le visage de notre assemblée s’est largement féminisé – mais pas suffisamment.

Au cours de la première lecture, j’ai entendu nos collègues de l’opposition, et d’autres, décrier l’institution du binôme en réclamant l’instauration de la proportionnelle. Pour ma part, je pense que l’assemblée départementale eu égard à ses compétences qui concernent le citoyen au quotidien – la PMI, l’aide sociale à l’enfance, le RSA, l’APA, le transport scolaire, le collège, la voirie départementale...– se doit d’avoir des élus bien identifiés représentant chacun une partie du territoire départemental. Ce n’est pas le cas avec la proportionnelle, le citoyen n’ayant aucun interlocuteur à l’échelle géographique pour prendre en compte ses préoccupations.

La deuxième hypothèse aurait été d’imposer, notamment aux partis politiques, de présenter des candidats intégrant la parité et, à défaut, d’instituer une pénalité de financement comme cela est le cas pour les législatives. Cette hypothèse soulève plusieurs objections quant à sa mise en œuvre, que je ne peux développer dans le temps qui m’est imparti.

L’opposition pose des questions sur le plan du fonctionnement au quotidien : à qui s’adressera le citoyen ? À la femme ? À l’homme ? Aux deux ? Qui répondra ? L’un ? L’autre ? Les deux ? Certains s’inquiètent même du nombre de discours…

Quoi qu’il en soit, faisons confiance à la sagesse et à l’intelligence des personnes élues qui auront, rappelons-le, destin lié sur ce territoire.

Autre préoccupation : la division par deux du nombre de cantons, qui implique un redécoupage administratif. Tout d’abord, rappelons que cette opération était incontournable et aurait eu lieu même si le conseiller territorial avait été conservé.

Pour les législatives, nous sommes partis d’une moyenne nationale qui, à l’échelle départementale, a défini le nombre de circonscriptions. Pour le conseil départemental, il s’agira de calculer la moyenne en divisant la population par le nombre de cantons.

Il y a de multiples cas de figure suivant que les départements soient à forte structuration urbaine ou à dominante rurale. En conséquence et en toute logique, le nombre de conseillers départementaux dans chaque département n’a aucune corrélation avec la démographie, ce qui donnera, à l’échelle de la France, des cantons qui pourront être onze fois plus peuplés que d’autres. Concernant le nombre de communes, on peut également relever des écarts très importants. Des départements très urbains auront deux communes par canton en moyenne et dans des départements beaucoup plus ruraux, comme la Somme, il y aura dix-sept fois plus de communes – trente-quatre par canton – et quatorze fois plus dans le Gers : vingt-huit par canton.

C’est pour apporter un correctif à ces écarts de démographie que par amendement, la fourchette a été portée à plus ou moins 30 % et qu’un autre amendement, dont nous sommes à l’origine, permet aussi des exceptions à cette règle avec plusieurs paramètres, tels que la superficie, le relief, l’insularité, le nombre de communes. Ainsi, seront prises en compte l’étendue du territoire et sa densité démographique, sujets majeurs de préoccupation d’un grand nombre de nos collègues, qui seront par là même rassurés.

Sur le plan intercommunal, l’introduction du fléchage des futurs conseillers communautaires rend plus lisible le choix des électeurs et permettra également de renforcer la parité.

Dans sa rédaction actuelle, l’article 20 permet à certains conseillers municipaux d’être délégués communautaires, au-delà des premiers de liste. Les amendements adoptés ont donné de la souplesse tout en répondant à cette attente de partage de la représentativité.

Au niveau communal, l’abaissement du seuil de l’élection à la proportionnelle est, là aussi, nécessaire pour renforcer la parité. Des associations d’élus avaient fait savoir qu’elles étaient favorables à cette disposition jusqu’à un seuil de 1 000 habitants, lequel avait été pris en compte par les sénateurs et le Gouvernement. Je ne peux que regretter que notre commission l’ait à nouveau ramené à 500 habitants. Dans ce cas-là, autant le supprimer !

En effet, dans ces communes de moins de 1 000 habitants, le scrutin est très personnalisé. Les électeurs se déterminent davantage en fonction de la valeur morale des candidats et de leur capacité à œuvrer pour la collectivité. Maintenir ce seuil de 1 000 habitants permet d’allier nécessité de la parité et raison au regard de l’éthique de gouvernance.

S’agissant du nombre des élus communaux, je me réjouis de la suppression de l’article 18 bis, lequel, par strate en deçà de 3 500 habitants, conduisait à supprimer deux élus, ce qui faisait deux bénévoles de moins dans les conseils municipaux.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, le texte que nous allons examiner me paraît plus équilibré et j’espère que des amendements viendront l’enrichir et apaiser certaines inquiétudes. Je vous en remercie. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Chrétien, dernier orateur inscrit dans la discussion générale

M. Alain Chrétien. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, chers collègues, à l’issue de cette discussion générale, permettez-moi d’établir trois constats.

Premier constat : la majorité ne s’accorde sur rien.

Entre les écologistes qui souhaitent la proportionnelle, les radicaux qui souhaitent l’élection au suffrage universel des conseillers communautaires, l’extrême gauche qui la refuse en bloc et la grande majorité du ventre mou des socialistes qui se montre très sceptique à l’égard du principe du binôme, on peut dire que la majorité de gauche refuse cette réforme. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.) Ce refus s’exprime à travers les profonds désaccords qui l’animent sur les principaux points de ce projet de loi, ce qui augure mal de l’application qui sera faite de cette réforme sur le terrain.

M. Nicolas Dhuicq. Très juste !

M. Alain Chrétien. Deuxième constat : à l’issue des auditions et des différentes déclarations des uns et des autres, l’opacité la plus totale règne s’agissant de la méthode qui sera employée pour redécouper les cantons.

Vous avez beau nous rassurer avec les critères prenant en compte les spécificités de la montagne ou de la ruralité, nous ne savons toujours pas comment seront découpés ces cantons. Par qui le seront-ils ? Quand le seront-ils ? On ne sait rien !

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Si ! Tout a été dit en première lecture !

M. Alain Chrétien. Aucune précision ne nous est apportée par le Gouvernement.

M. Thierry Benoit. Aucune !

M. Alain Chrétien. Aucune directive n’a encore été donnée aux préfets. Absolument personne ne sait qui va redécouper l’ensemble de ces circonscriptions. Une commission indépendante ? Une commission soumise à un pouvoir exécutif ? Une commission composée d’élus, et paritaire ? On ne sait rien ! Cette opacité n’augure, là encore, rien de bon quant à l’application de cette réforme.

J’évoquerai aussi le mouvement de yo-yo qu’a subi le seuil d’accès autorisant les candidats à se présenter au second tour : 10 %, 12,5 %, 10 % et à nouveau 12,5 %. Qu’est-ce que cela signifie ? Quelles négociations souterraines ont conduit à une évolution aussi erratique ?

M. Marcel Bonnot. On se le demande, en effet !

M. Alain Chrétien. Nous l’avons dit, vous avez voulu abaisser ce taux pour favoriser les triangulaires. Nous connaissons les motivations qui vous ont conduits à une telle modification. Et aujourd’hui, vous nous dites que c’est la sagesse du Sénat qui vous pousse à le remonter à 12,5 %. Je n’en crois rien ! Là encore, un jour, nous saurons sans doute quelles négociations vous ont amenés à le faire ainsi évoluer.

M. Philippe Meunier. On les connaît les vraies raisons. Que les socialistes n’aillent pas jouer les pères la morale !

M. Alain Chrétien. Troisième constat – et c’est peut-être le plus important : vous n’avez aucune vision globale de l’action décentralisée. D’un côté, vous modifiez le mode de scrutin à travers ce fameux binôme, objet politique non identifié ; d’un autre côté, vous entamez un acte III de la décentralisation avec, dans quelques semaines, la présentation d’un projet de loi d’une immense vacuité et d’une ambition nulle. Comme Gaston Defferre aurait honte s’il le lisait ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

Comment pouvez-vous, d’un côté, mener une réforme des modes de scrutin et, de l’autre, essayer de revoir la décentralisation sans aucune vision globale ? La précédente majorité, elle, en avait une lorsqu’elle a fait voter la loi du 16 décembre 2010. Celle-ci proposait d’établir une nouvelle architecture de l’action territoriale, de supprimer à terme des échelons, de réduire le nombre d’élus et d’abaisser le montant des dépenses de fonctionnement. C’était une réforme pleine de courage. Ce courage, vous ne l’avez pas : les Français s’en rendent compte puisqu’ils voient très bien que cette loi n’est que tripatouillages et négociations souterraines. Tout ça pour quoi ? Pour arriver à un système électoral unique au monde. Vous avez gagné le concours Lépine de l’improvisation politique, au détriment des territoires ruraux ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

M. Jean Lassalle. Très bien !

Mme la présidente. La discussion générale commune est close.

La parole est à M. le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement.

M. Alain Vidalies, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement. Mesdames, messieurs les députés, nous abordons la deuxième lecture de ce projet de loi, sur lequel quatre motions de procédure ont été présentées et plus de 400 amendements déposés. Vous comprendrez, dès lors, que le Gouvernement réponde brièvement aux arguments développés par les orateurs inscrits dans la discussion générale.

Monsieur Sauvadet, le Gouvernement a écouté, pris en compte et intégré des garanties pour assurer une bonne représentation des territoires. Combien de temps continuerez-vous à ne pas vouloir l’entendre ? Vous répétez sans relâche que vous appelez de vos vœux cette bonne représentation des territoires, notamment ruraux, mais dans le même temps, vous évoquez la proportionnelle dans vos amendements.

M. Thierry Benoit. Il fait des propositions, lui !

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Que voulez-vous ? Il vous faut choisir entre les deux voies.

Vous avez indiqué, par ailleurs, n’avoir jamais entendu le Président de la République s’engager sur la parité.

M. François Sauvadet. Mais non, sur le binôme ! Et je sais ce que je dis !

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Pourtant, François Hollande l’a fait à Dijon, dans votre région, lors de la campagne présidentielle, en assurant qu’il voulait un mode de scrutin qui assure et la parité et la représentation des territoires, ce qu’il a réaffirmé lors des états généraux de la démocratie territoriale organisés par le Sénat.

M. François Sauvadet. Je disais qu’il n’avait rien dit du binôme !

M. Alain Vidalies, ministre délégué. À M. Sauvadet et à M. Tourret, qui ont tous deux évoqué le scrutin communal et le seuil à partir duquel le scrutin de liste doit s’appliquer, je confirme, devant la représentation nationale, que le Gouvernement souhaite que ce seuil soit fixé à 1 000 habitants.

Mme Massat et M. Da Silva ont salué les évolutions du texte, son équilibre et la capacité d’écoute du Gouvernement. C’est une élue de l’Ariège, territoire rural, territoire de montagne, qui a fait la démonstration des avantages du scrutin binominal, qu’elle a qualifié à juste titre de « belle innovation ».

M. Tourret et M. Dolez ont appelé de leurs vœux la discussion dans des délais rapides du projet de loi de décentralisation. Sachez combien le Gouvernement partage votre point de vue.

M. Tourret, qui a évoqué l’avenir des frontières des régions et des départements, aura noté que le Gouvernement fait preuve d’un grand esprit d’écoute et d’ouverture. Il accompagne l’évolution possible de l’Alsace suite à l’initiative des collectivités de cette région. Si la volonté d’aboutir à un conseil unique s’affirmait en Normandie, il ferait naturellement preuve de la même ouverture.

Monsieur Dolez, je salue votre constance…

M. Marc Dolez. Je vous en remercie !

M. Alain Vidalies, ministre délégué. …et je la regrette. Le mouvement vers l’intercommunalité est aujourd’hui la condition de l’exercice effectif des pouvoirs des communes. Vous aurez toutefois noté que le Gouvernement reste attaché au maintien des départements comme des communes.

Monsieur Morel-A-L’Huissier, je veux apporter des réponses précises aux deux questions que vous avez soulevées.

La première concerne le fonctionnement du binôme. Sachez que les deux membres qui le composent sont solidaires pendant la campagne électorale mais indépendants après.

M. Thierry Benoit. Solidarité éphémère : quatre mois ! Je n’ai jamais vu ça !

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Ils pourront ainsi siéger dans deux groupes politiques distincts au conseil départemental. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) En revanche, ils représentent tous les deux, comme les conseillers généraux actuels, l’ensemble du département, sa population et ses territoires.

M. Thierry Benoit. Inimaginable !

M. François Sauvadet. Incroyable !

M. Nicolas Dhuicq. C’est Tintin chez les soviets !

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Votre deuxième question concerne les modalités du découpage, que vous avez évoquées à la comme certains autres de vos collègues de l’opposition. Je dois dire que nous sommes très attentifs à vos propos, sachant que nous avons affaire à des experts. Nous vous avons écoutés attentivement, sachez-le, et je peux vous dire que, pour la première fois, le découpage cantonal se fera selon des critères législatifs clairs, modifiés par les parlementaires par voie d’amendements en première lecture. Ces amendements vont dans un sens favorable à la représentation des territoires ruraux en particulier. J’ajoute que ce découpage s’opérera sous le contrôle du juge, à partir de critères et de jurisprudences que vous connaissez.

M. Alain Chrétien. Qui va découper ? Qui sera le charcutier ?

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Monsieur Molac, vous regrettez que le mode de scrutin proposé soit majoritaire. Comme M. Dolez, vous demandez l’instauration d’un scrutin de liste. C’est votre choix, mais ce choix conduit à l’abandon du canton, à l’éloignement du citoyen.

Quant au pluralisme, vous savez que le binôme ne sera pas nécessairement composé de membres d’un même parti.

M. Paul Molac. C’est vrai !

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Je vous donne acte de votre soutien au principe du remodelage cantonal.

S’agissant de l’intercommunalité, j’aurais aimé que vous souligniez davantage les progrès que constitue cette loi, puisque, pour la première fois, les délégués intercommunaux seront élus au scrutin universel.

S’agissant de l’ordre de présentation des listes intercommunales, je vous rappelle la nécessité d’une lisibilité pour les électeurs. Nous débattrons de votre amendement. Toutefois, je tiens d’ores et déjà à vous rappeler cet impératif : les élus intercommunaux doivent être des élus municipaux.

Monsieur Dhuicq, vous avez évoqué au moins un point d’accord : les territoires sont une richesse pour la France.

M. Alain Chrétien. En effet, nous pouvons nous mettre d’accord là-dessus !

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Vous n’avez pas pris un risque idéologique majeur en avançant un tel propos.

La suite était moins séduisante.

M. Nicolas Dhuicq. Nous nous interrogeons sur les négociations qui ont eu lieu.

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Vous vous présentez comme un défenseur des territoires ruraux dont vous vous faites le témoin privilégié. Permettez-moi de vous rappeler que j’ai représenté pendant plus de vingt-cinq ans la plus grande circonscription de France,...

M. Kléber Mesquida. Brillamment !

M. Alain Vidalies, ministre délégué. …dont certains cantons ne comptaient que trois ou quatre habitants au kilomètre carré. Je veux au moins opposer cette expérience à votre enthousiasme nouveau. Dans ces cantons-là, aujourd’hui, il y a effectivement la volonté de conserver des élus, mais aussi d’en finir avec l’idée que les conseillers généraux qui en sont issus ont quelque chose de différent, compte tenu du faible peuplement. Même si, sur le plan théorique, ce sont des conseillers généraux comme les autres, il fallait quand même en finir avec cette situation. Dans ma circonscription, il existait aussi un canton qui, à lui tout seul, en représentait 60 %. Ces déséquilibres-là, nous les avons vécus. La collectivité territoriale départementale avait tout intérêt à ce que soit instauré un autre système. Celui que nous vous proposons est bien meilleur de ce point de vue.

Monsieur Mesquida, vous donnez acte au Gouvernement de sa volonté de faire progresser la parité. Je vous en remercie. Je vous remercie également d’avoir montré combien étaient utiles les critiques relatives à l’exercice du mandat dans le binôme. Surtout, vous avez pointé avec justesse les contradictions de l’opposition : être contre le binôme, c’est être en faveur soit du statu quo – c’est un droit –, soit de la proportionnelle. Il n’y a pas d’autre alternative.

Vous avez salué les avancées accomplies au Sénat, s’agissant notamment du découpage cantonal ou le maintien du nombre d’élus municipaux. Encore une fois, je vous en remercie.

Discussion des articles
(projet de loi)

Mme la présidente. J’appelle en premier lieu, dans le texte de la commission, les articles du projet de loi relatif à l’élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux, des conseillers communautaires et modifiant le calendrier électoral, sur lesquels les deux assemblées du Parlement n’ont pu parvenir à un texte identique.

Avant l’article 2

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Le Mèner, pour soutenir l’amendement n° 234.

M. Dominique Le Mèner. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, chers collègues, nous avons déjà évoqué à plusieurs reprises lors de nos discussions dans cet hémicycle la nécessité de créer un nouveau conseiller départemental. Cet amendement vise bien évidemment à le supprimer.

Considérant que cette réforme s’inscrit dans un contexte économique marqué par une augmentation du chômage et des difficultés de nos concitoyens, le caractère d’urgence de cette réforme est loin d’être démontré et avéré.

Au lieu de simplifier l’étage administratif, elle le complexifie à l’envi avec cette proposition d’un binôme improbable, qui entraînera un changement dans l’organisation même de nos institutions et engendrera un coût – ou plutôt une absence d’économie, devrais-je dire, si l’on compare avec le conseiller territorial dans le cadre de la réforme territoriale.

Notre volonté, décrite par certains d’entre vous comme la volonté de faire disparaître le département, allait exactement à l’inverse de votre projet de loi, car elle visait à donner la possibilité aux départements de reprendre l’avantage et de mener une politique qui ne soit pas en contradiction ou en concurrence avec la région.

On ne retrouve pas aujourd’hui cette simplification. Au contraire, on assiste à une véritable complexification, avec une multiplication du nombre d’élus alors que le nombre de territoires diminue. Cela entraîne une perte d’efficacité pour ceux qui connaissent le fonctionnement de ces assemblées et les pratiquent quotidiennement.

Votre réforme est coûteuse, car elle impliquera également un certain nombre de changements dans l’organisation du fonctionnement et dans l’appellation des conseils généraux.

Elle est complexe, parce que la lisibilité pour les électeurs ne sera évidemment pas des plus grandes, lorsqu’il s’agira de désigner deux personnes que l’on rassemblera au moment de l’élection, et que l’on fera « divorcer » sitôt après l’élection dans la pratique de leur mandat.

Pour toutes ces raisons, il nous semble donc parfaitement justifié de demander l’abrogation de cette appellation de « conseiller départemental » et d’en appeler à la raison et à l’économie, dans un contexte où les Français sont plus attentifs à leurs préoccupations quotidiennes qu’à des redécoupages électoraux ou des manipulations qui ne conduiront pas à une amélioration de l’administration de nos collectivités.

Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Popelin, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour donner l’avis de la commission sur l’amendement n° 234.

M. Pascal Popelin, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Il m’a fallu attendre la fin de la présentation de votre amendement pour comprendre de quoi il retournait exactement.

M. Dominique Le Mèner. Faites un effort !

M. Pascal Popelin, rapporteur. Il est effectivement prévu dans votre amendement l’abrogation du conseiller départemental, mais je me demandais si vous souhaitiez l’abrogation du conseil départemental, ou bien le rétablissement du conseiller territorial.

M. Dominique Le Mèner. Les deux !

M. Pascal Popelin, rapporteur. Dans ce dernier cas, il eût été souhaitable d’écrire « rétablissement du conseiller territorial » !

Mais, par ailleurs, M. Darmanin est signataire d’un amendement à l’article 2 qui propose la suppression des départements.

M. Julien Aubert. Eh oui : nous sommes divers ! Nous ne sommes pas au parti socialiste !

M. Pascal Popelin, rapporteur. Je trouve cela tout à fait intéressant. Vous avez, au cours de la discussion générale, affirmé que la majorité n’était d’accord sur rien. Or il ne m’a pas semblé, au cours de cette discussion générale et lors de nos précédentes lectures, que l’ensemble de l’opposition était favorable à la disparition du département !

Vous proposez dans cet amendement le rétablissement du conseiller territorial, qui a été abrogé en termes identiques par les deux assemblées. Cet article n’étant plus soumis à discussion, la commission a donc naturellement émis un avis défavorable.

(L’amendement n° 234, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Article 2

Mme la présidente. Sur l’article 2, plusieurs orateurs sont inscrits.

La parole est à M. Pierre Morel-A-L’Huissier.

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Cet article prévoit le mode de scrutin binominal – un binôme ! Les explications que vous venez de nous donner ne changeront pas mon analyse : il s’agit d’une formule bancale, baroque, saugrenue, et évidemment inconnue.

M. Thierry Benoit. C’est même une sottise !

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Ainsi, on aura un couple élu ensemble, constitué d’un homme et d’une femme – et de leurs deux suppléants – solidaires pendant la campagne mais qui, une fois élus, exerceront leur mandat indépendamment l’un de l’autre. Vous venez même de dire qu’ils peuvent appartenir à deux groupes différents : ça va être quelque chose !

Qu’en sera-t-il lorsqu’il faudra porter des projets ? Ce système est incohérent ! Comment répartir le portage des projets ? Faudra-t-il procéder à un découpage géographique entre les deux co-conseillers, ou bien leur faudra-t-il trouver un point d’accord, au risque de fragiliser les projets ? Je pense que ce système générera des concurrences et une gestion intenable dans les territoires.

Vous pouvez encore vous reprendre, monsieur le ministre, en abandonnant une bonne fois pour toutes cet article 2. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

Mme la présidente. La parole est à M. Paul Salen.

M. Paul Salen. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, chers collègues, on ne pourra pas nier que ce gouvernement est en passe de devenir le champion du monde de l’imagination constitutionnelle.

M. Pascal Popelin, rapporteur. L’imagination est au pouvoir !

M. Paul Salen. Que vous souhaitiez faire disparaître les conseillers territoriaux mis en place sous la précédente législature, on peut l’entendre – sans l’accepter pour autant –, tant votre frénésie de destruction de ce qui a été accompli avant vous est grande.

Que vous le fassiez avant même que cette réforme soit entrée en vigueur et que l’on puisse l’évaluer, dénote votre manque de sens du dialogue.

Comment pouvez-vous affirmer que le conseiller territorial est une sorte de « monstre institutionnel », avant même de voir la réforme à l’œuvre ? Surtout que, loin de modifier et de simplifier le millefeuille des collectivités territoriales, vous contribuez à le renforcer, à le densifier et à le rendre encore plus opaque.

Ainsi, sur chaque territoire cantonal, deux élus de sexe opposé représenteront leur canton. Nous serons ainsi le seul pays au monde – le seul au monde : cela me fait penser aux 35 heures –...

M. Dominique Le Mèner. Eh oui !

M. Alain Vidalies, ministre délégué. C’est un réflexe pavlovien !

M. Paul Salen. …à accepter une telle prouesse politique, qui générera selon toute vraisemblance des erreurs et des difficultés dans la prise de décisions.

Simone Weil a écrit que « l’obéissance à un homme dont l’autorité n’est pas illuminée de légitimité, c’est un cauchemar. » Avec deux élus pour un seul et unique territoire, devant agir de concert, nous ne manquerons pas d’exemples de ce cauchemar qui attend les citoyens. Qui détiendra l’autorité ? Qui pourra prendre les décisions ?

Le pire, selon moi, est ailleurs : cette modification du mode d’élection dénote en définitive une profonde méconnaissance de la réalité institutionnelle de la France.

M. Pascal Popelin, rapporteur. Vous disiez la même chose lors du vote des lois de décentralisation !

M. Paul Salen. Le conseiller général ne bénéficie pas de la même visibilité selon qu’il est un élu urbain ou rural. On le comprend bien, votre souhait est d’obtenir une représentation plus conforme, selon vous, à la réalité sociologique de la France. Mais ce faisant, vous réduisez à néant, par un vaste mouvement de fusion des cantons, le rôle des conseillers généraux élus dans les cantons ruraux.

Le résultat en sera des territoires de plus en plus étendus, avec des élus devant partager l’autorité, et finalement éloignés des citoyens. Vous supprimez cette relation de proximité qui fait du conseiller général une femme ou un homme empreint de pragmatisme.

Monsieur le ministre, ma circonscription de 126 communes et 140 000 habitants compte actuellement neuf cantons ; demain, il en restera au mieux quatre ou cinq. Est-il normal que des milliers d’habitants, du jour au lendemain, ne soient plus représentés ?

Plusieurs députés du groupe SRC. Ils seront toujours représentés !

M. Paul Salen. Qu’en est-il de l’espérance républicaine d’égalité entre les territoires ? Monsieur le ministre, vous prenez le contrepoint d’Édouard Herriot, qui déclarait : « Il est plus facile de proclamer l’égalité que de la réaliser ».

Mme la présidente. Merci de conclure, cher collègue.

M. Paul Salen. Sous couvert d’égalité, vous avez en réalité décidé de la supprimer. Je crains que l’histoire ne vous juge sévèrement. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. François Sauvadet.

M. François Sauvadet. Monsieur le ministre, j’ai trouvé particulièrement choquante votre façon de répondre aux différents intervenants, en considérant que, dès lors que nous sommes en deuxième lecture, l’essentiel a déjà été dit lors de nos précédents rendez-vous.

Je ne partage pas du tout ce point de vue ! Vous semblez balayer d’un revers de main tout le débat qui s’est déroulé au Sénat ; vous semblez ignorer que le Sénat, qui représente les collectivités territoriales de France et qui est à gauche, a par deux fois indiqué qu’il ne voulait ni du binôme, ni du redécoupage, ni de la suppression de la moitié des cantons de France que vous nous proposez.

Et vous, en deuxième lecture, alors que nous en arrivons à un moment décisif, alors que le ministre de l’intérieur affirmait être prêt au dialogue, vous nous dites : « Circulez, il n’y a plus rien à voir ! L’essentiel a été dit » Non, l’essentiel n’a pas été dit ! Nous avons rendez-vous avec l’avenir.

Je trouve particulièrement choquant que vous nous reprochiez de ne pas assumer le souhait de parité : nous n’avons pas de leçon à recevoir en la matière.

M. Pascal Popelin, rapporteur. Un peu, tout de même !

M. François Sauvadet. Lorsque j’étais ministre de la fonction publique, j’ai défendu une loi qui a été votée sur tous les bancs de cette assemblée, demandant simplement que la place soit faite aux femmes, de manière digne. Je n’ai donc pas de leçon à recevoir dans ce domaine.

Examinez les solutions que nous proposons. Vous nous dites que nous ne proposons rien ; or vous avez balayé d’un revers de main toutes les propositions alternatives que nous avons faites !

M. Alain Chrétien. Elles ont été refusées !

M. François Sauvadet. Je souhaite vous poser une question, monsieur le ministre, et je vous la poserai à chaque fois : estimez-vous légitime, dans une République, dans une grande démocratie, qu’un parti, à lui seul – il s’agit du parti socialiste –, en vertu du fait majoritaire, puisse imposer à tous les courants de pensée et à notre pays une réforme telle qu’elle remettra en cause la juste représentation des territoires, notamment ruraux, lesquels seront mis à mort ? Voilà la question de fond !

Vous pouvez l’expliquer comme vous voulez, habiller vos arguments avec tous les faux nez que vous voulez, vous êtes en train de fragiliser l’idée que nous avons d’une France qui doit se construire ensemble – pas ville contre campagne, pas campagne contre ville –, dans un destin commun, considérant qu’une collectivité territoriale ne représente pas uniquement des populations mais, comme son nom l’indique, des populations vivant sur des territoires.

Vous êtes en train de prendre une décision extrêmement grave et lourde, dans un grand pays qui n’est pas aussi décentralisé que nous le souhaiterions.

Au lieu de saisir le problème par le bon bout et de nous dire : « Voilà l’image que nous voulons de la République, voilà les compétences de chacun », vous tripatouillez, vous opérez un vaste redécoupage et vous modifiez tous les modes de scrutin. Je vous le dis : cette République-là doit changer, au nom de l’idée de la démocratie que nous avons en partage. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Benoit.

M. Thierry Benoit. Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, je vous ai écoutés très attentivement.

Cet article 2 consacre le scrutin binominal à deux tours, que le Sénat a rejeté à deux reprises au Sénat. Nous ne sommes pas favorables à ce binôme, dont vous avez vous-même, monsieur le ministre chargé des relations avec le Parlement, indiqué qu’il devrait s’entendre le temps d’une campagne électorale éphémère. Ensuite, chacun reprendra ses billes et vivra sa vie de manière indépendante pendant toute la durée du mandat. On voit là toute l’incompatibilité et le non sens de votre démarche !

Vous nous dites que nous défendons le statu quo. Nous ne défendons pas le statu quo, mais le bienfait apporté par la mise en œuvre du conseiller territorial : c’était un élu du territoire, enraciné dans son territoire, à qui l’on demandait une vision régionale et un regard porté sur le département. Il s’inscrivait dans un schéma de compétences permettant de conforter les régions de France dans le cadre de la construction européenne.

Concernant le texte que vous nous soumettez aujourd’hui, monsieur le ministre, nous devons nous poser la question suivante, si nous voulons moderniser et renforcer la démocratie en France : en quoi votre texte facilite-t-il et permet-il l’égal accès aux fonctions électives pour tous les Français ?

Je comprends ce que vous nous expliquez sur la parité. Très bien. Il faut tendre vers la parité. Mais je pose une question tout aussi importante : que propose le Parlement pour permettre à chacune et chacun des Français, dans les différentes assemblées constituées, d’accéder aux fonctions électives ?

Nous savons parfaitement que nous avons un problème de représentativité. Prenons l’exemple de l’Assemblée nationale : elle est composée de cinquante fonctionnaires de catégorie A, trente-quatre fonctionnaires des corps de l’État, trente-neuf enseignants ou directeurs d’école, treize professeurs de faculté, trente-cinq avocats, et vingt-quatre médecins. Aucun artisan, un seul représentant de commerce, pas d’agriculteur ou si peu, pas d’ouvrier ou d’employé : on voit bien que nous avons, en France, un problème de représentativité.

Monsieur le ministre, si vous souhaitez renforcer et moderniser la démocratie de notre pays, il faut apporter des réponses à cette question de l’accès aux fonctions électives de tous les Français. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Larrivé.

M. Guillaume Larrivé. Monsieur le ministre, l’opposition est encore plus offensive en deuxième qu’en première lecture parce qu’elle a été confortée par le vote des sénateurs sur l’article 2. Ce n’est quand même pas un détail : par deux fois, la majorité des parlementaires qui ont la charge constitutionnelle de représenter les collectivités territoriales a dit non au binôme. Il est extravagant que le Gouvernement n’en tienne strictement aucun compte.

La vraie question, c’est celle de l’efficacité de votre binôme. Alors que les Français, dans les territoires urbains comme ruraux, souffrent d’une explosion du chômage, qui atteint un niveau historique puisqu’il n’a jamais été aussi élevé au cours des quinze dernières années,…

M. Dominique Le Mèner. Eh oui !

M. Guillaume Larrivé. …la seule question que vous devriez vous poser, c’est de savoir si vos réformes institutionnelles sont utiles au plan économique.

J’avoue ne pas du tout comprendre en quoi il est nécessaire d’avoir deux conseillers départementaux par canton pour améliorer le fonctionnement des départements et des collectivités territoriales. La vérité, c’est que cette question ne recevra jamais de réponse car vous êtes totalement incapables de formuler une réponse intelligible.

Ces deux conseillers départementaux n’amélioreront en rien l’efficacité du système territorial.

M. Alain Chrétien. Au contraire !

M. Guillaume Larrivé. Cette lubie répond à des motifs purement électoralistes, et ne correspond en rien à l’impératif d’intérêt général. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

Mme la présidente. La parole est à M. Dino Cinieri.

M. Dino Cinieri. Une mesure saugrenue, baroque, inepte, incongrue : tels sont les propos de nos élus du territoire, maires adjoints ou conseillers municipaux, bien repris par mes collègues parlementaires.

Le véritable enjeu de ce texte, ce n’est pas l’élection de divers conseillers ni même la date des prochaines élections cantonales ou départementales, mais bien l’avenir de nos campagnes.

Au lieu de défendre nos campagnes, nos territoires ruraux, vous préférez une fois de plus vous attaquer à ce qui n’intéresse pas les Français. En effet, pas un seul de mes concitoyens ne m’a demandé, sur les marchés ou dans ma permanence, de modifier le calendrier électoral ou de réformer le mode de scrutin des conseillers généraux.

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. C’est l’emploi qui les préoccupe !

M. Dino Cinieri. Nous avons beaucoup parlé de parité ces dernières semaines et je me réjouis, monsieur le ministre, qu’à défaut de la défendre au sein des familles, vous la défendiez dans nos instances départementales.

M. Philippe Meunier. Très bien !

M. Dino Cinieri. Comme vous, je trouve qu’il n’y a pas assez de femmes engagées en politique. Mais vos mesures sont pour le moins surprenantes. Le mode de scrutin binominal que vous proposez prévoit que, dans un même territoire, seront désormais élus deux conseillers départementaux de sexe différent se présentant en binôme, chaque suppléant devant être du même sexe que le titulaire. Ainsi, le binôme sera totalement solidaire au moment de l’élection.

M. Philippe Meunier. C’est une usine à gaz !

M. Dino Cinieri. Mais chaque conseiller départemental sera censé exercer ensuite son mandat de façon indépendante. Je ne comprends pas vraiment en quoi ce dédoublement facilitera le travail des élus de terrain au service de la population. Les deux élus seront, soit des doublons, soit des concurrents, ce qui ne peut être que préjudiciable à l’exercice de la démocratie locale.

Enfin, comme l’ont dit mes collègues avant moi, pourquoi, suivant cette logique, n’institueriez-vous pas deux maires par commune, deux présidents de conseil général par département et deux députés par circonscription ? Pourquoi pas deux Premiers ministres et deux chefs d’État ? (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Lassalle.

M. Jean Lassalle. Monsieur le ministre, je me sens blessé, humilié par ce texte. J’étais de ceux qui ont combattu, à vos côtés, la création du conseiller territorial. Vous êtes originaire des Landes et moi des Pyrénées-Atlantiques et je connais des territoires que vous avez représentés des années durant.

Nous envoyons aujourd’hui un signal tragique à des campagnes qui se sentent complètement abandonnées, qui ne pensent même plus faire partie de la même société, du même monde, que dis-je, de la même France.

M. Thierry Benoit. Il a raison !

M. Jean Lassalle. L’espoir que vous avez fait renaître, avec le parti socialiste, au cours du printemps dernier…

M. Alain Chrétien. Une escroquerie !

M. Dino Cinieri. Une forfaiture !

M. Jean Lassalle. …était fondé sur le fait que vous aviez pris acte d’un certain nombre d’erreurs qui avaient pu être commises. Beaucoup ont cru en vous.

La majorité précédente a été sanctionnée, notamment lors des élections sénatoriales. Vous le serez, à votre tour, avec ce texte parce que les citoyens pensent que le rôle de l’État et de la République est de corriger une tendance mortifère, qui conduit à l’entassement dans les banlieues de femmes et d’hommes qui n’en peuvent plus, et au contraire de relancer nos territoires ruraux. Avec ce texte, vous aggravez une situation qui malheureusement est déjà très dangereuse pour notre pays. Vous auriez pu tout faire, mais pas ça !

Monsieur le ministre, je n’accepterai pas, pour autant que je vive, cette loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

M. Dominique Le Mèner. Monsieur le ministre, il n’est pas trop tard !

Mme la présidente. La parole est à M. Patrice Verchère.

M. Patrice Verchère. Du fait de son histoire et de ses fonctions, le département est une collectivité très particulière. Dans le monde rural, il est la collectivité de proximité par excellence. Pour cette raison, le mode d’élection des conseillers appelés à siéger au sein de son assemblée mérite d’être modifiée avec une main tremblante.

À l’article 2, qui a été supprimé par le Sénat – c’est dire l’engouement des représentants des collectivités pour votre texte –, vous proposez à nouveau d’instaurer un binôme afin de justifier le redécoupage partisan que vous allez pouvoir faire grâce à cette loi. C’est une vraie manipulation politique que vous vous apprêtez à faire.

La dimension paritaire de ce binôme n’est pas un problème en soi, c’est son fonctionnement pratique qui nous laisse dubitatifs. Oui, la loi doit favoriser la parité, mais elle ne permet pas et impose encore moins. En effet, la loi constitutionnelle du 8 juillet 1999 dit seulement que la parité est un objectif, un but à atteindre et non une obligation constitutionnelle à mettre en œuvre séance tenante et coûte que coûte. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean Lassalle. Très bien !

M. Patrice Verchère. Avec votre thèse, monsieur le ministre, comme trop souvent dans notre pays, un excès est corrigé, non par une mesure équilibrée, mais par un excès en sens inverse.

Cet article engendre aussi une vraie discrimination s’agissant du nom de famille. En effet, le binôme de candidats doit présenter les noms dans l’ordre alphabétique, ce qui engendrera une discrimination suivant que l’on s’appelle Valls, Verchère ou Coutelle, Crozon. Devra-t-on prendre un nom de scène pour être le premier de la liste ?

Avec votre texte guillotine, ce sont près de 3 000 têtes de conseillers généraux, de droite comme de gauche, sur les 4 000 conseillers généraux actuels, qui vont tomber. Et c’est la représentativité du monde rural, considérée souvent comme trop conservateur, qui disparaîtra quasiment au niveau de nos départements, car votre texte va entraîner la création d’immenses cantons dans le monde rural, rompant ainsi avec l’esprit de proximité entre élus et administrés qui prévaut actuellement.

Oui, monsieur le ministre, le monde rural a besoin d’être représenté et de ne pas être noyé dans une assemblée qui représenterait de manière hégémonique les grandes villes de nos départements.

Qu’il y ait un rééquilibrage, oui. Qu’il y ait un retour de balancier excessivement défavorable au monde rural, c’est un grand non. Avec vos deux projets de loi, vous êtes en train d’inventer un système que nous contestons avec force et conviction car il fera disparaître la représentativité du monde rural au sein des collectivités départementales. C’est la mort annoncée du monde rural ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

M. Jean Lassalle. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Decool.

M. Jean-Pierre Decool. L’article 2 prévoit l’introduction du système binominal.

J’avoue que lorsqu’on est sur le terrain – et chacun sait que la vérité est sur le terrain –, on se rend compte que nos concitoyens ne comprennent plus.

Pour ma part, je ne comprends pas votre obstination à maintenir cet article système malgré l’opposition du Sénat, qui est une assemblée de bon sens.

Chacun sait aussi qu’il y a aujourd’hui une véritable fracture entre l’élu et la population…

M. Jean Lassalle. Absolument !

M. Jean-Pierre Decool. …et je crains que ce dispositif ne l’accentue. L’élu cantonal – qu’il soit départemental ou général, peu importe le flacon – est à la fois un médiateur, un catalyseur d’énergie pour les collectivités locales, mais aussi une véritable soupape de sécurité.

M. Jean Lassalle. Très bien !

M. Jean-Pierre Decool. C’est l’homme ou la femme que l’on va voir, celui auprès duquel on vient chercher un conseil, c’est aussi parfois l’écrivain public. Par sa présence, il permet d’apaiser et de favoriser les relations entre les élus.

M. Jean Lassalle. Très bien !

M. Jean-Pierre Decool. J’ai le sentiment, même s’il faut défendre la parité – et je suis l’un de ses premiers défenseurs –, que vous ne voulez pas nous entendre ou nous écouter. Vous avez une approche beaucoup trop dogmatique…

M. François Sauvadet. C’est vrai !

M. Jean-Pierre Decool. …alors que c’est le bon sens qui devrait diriger nos travaux.

Nous allons amender ce texte. Nous faisons des propositions, comme la création de deux sections par canton, afin que ce dispositif soit plus lisible.

En première lecture, vous avez montré votre détermination à ne pas nous entendre, à ne pas nous écouter. J’en suis franchement meurtri. Quelque part, c’est notre démocratie qui sera bafouée. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

M. Jean Lassalle. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Marleix.

M. Olivier Marleix. Madame la présidente, je m’évertue à poser la même question. Peut-être que M. Popelin ou M. le ministre voudront bien se décider un jour à me répondre.

En droit électoral, il existe deux familles de mode de scrutin : le scrutin uninominal majoritaire et le scrutin de liste. C’est le cas en France et dans tous les pays qui disposent d’un droit électoral.

Le scrutin uninominal est intimement lié à un principe de base de la démocratie, celui de la responsabilité politique, qui s’exerce à la fin du mandat. Les électeurs doivent pouvoir demander des comptes à celui qui a été candidat. Or comment ce principe de la responsabilité politique, qui est à la base de notre vie démocratique, s’exercera-t-il avec ce binôme lié le temps d’une campagne, indépendant pendant l’exercice de son mandat et pouvant s’opposer – c’est le pompon – à l’élection suivante ? Vous nous réinventez en quelque sorte la loi sur les apparentements de 1951, qui vous avait permis, en son temps, d’éliminer les communistes et les gaullistes.

Ce mode de scrutin est illisible, totalement inintelligible pour les électeurs. Le principe de responsabilité politique de l’élu devant ses électeurs, devant ses mandants, existe-t-il pour vous ? J’aimerais avoir votre réponse. Elle éclairera la représentation nationale ainsi que le Conseil constitutionnel lorsqu’il se penchera sur nos débats et sur les intentions du Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean Lassalle. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Lamblin.

M. Jacques Lamblin. Tout à l’heure, Alain Chrétien vous disait, chers collègues de la majorité, que vous n’étiez d’accord sur rien. J’affirme que vous avez quand même un symptôme commun : vous souffrez tous de prurit anti-sarkozyste. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Dino Cinieri. Absolument !

M. Jacques Lamblin. Cela fait un an que les Français vous ont confié tous les pouvoirs. Ils espéraient qu’en un an, vous vous engageriez dans les réformes nécessaires pour nous mettre en ordre de marche dans la guerre économique dans laquelle nous sommes tous engagés. Au lieu de cela, vous passez votre temps à détricoter un certain nombre de réformes qui pourtant étaient indispensables. Aujourd’hui, c’est le conseiller territorial. Ce conseiller territorial est mort ; vous le remplacez par un machin que le Sénat vient d’essayer d’éliminer par deux fois et que vous vous entêtez à réinitialiser. Pourtant, le conseiller territorial avait des vertus. La première, c’est qu’il organisait une bonne représentation des territoires au niveau de la région, ce qui n’est pas le cas actuellement.

Mme Anne-Lise Dufour-Tonini. Nostalgie, nostalgie !

M. Jacques Lamblin. Il permettait également de préfigurer de meilleures relations, un meilleur équilibre entre ce qu’est le département et ce qu’est la région. On le voit d’ailleurs, fort de ces propositions, l’Alsace s’engage sur une réunification, si j’ose dire, et la Bretagne se promet de le faire. On voit bien qu’il y a là un sens de l’histoire alors que vous, vous prenez un contresens historique.

M. Thierry Benoit. Bien sûr !

M. Jacques Lamblin. Deuxièmement, vous organisez l’euthanasie des territoires ruraux,…

M. Jean Lassalle. Tout à fait !

M. Jacques Lamblin. …en supprimant leur représentation et surtout en les étranglant financièrement, comme vous vous apprêtez à le faire en diminuant les dotations globales de fonctionnement. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

Quand, en plus, les départements, en général socialistes, s’évertuent à diminuer, voire à supprimer l’aide aux communes, on voit bien que vous êtes en train de préparer l’euthanasie des communes, vous êtes en train de parachever une œuvre engagée de longue date.

M. Jean Lassalle. Très juste !

M. Jacques Lamblin. Tout cela est confus, brouillon, c’est inquiétant pour nos concitoyens, qui ont d’autres préoccupations. Ils vous voient en train de vous engager dans une refonte des cartes électorales, de mettre en place un mode de scrutin incompréhensible pour la plupart d’entre eux. Ils se disent : « Mais que font-ils, au lieu de s’occuper de nous ? » (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

M. la présidente. La parole est à M. Julien Aubert.

M. Julien Aubert. Oui, c’est une politique de Gribouille, qui résulte de votre absence totale de vision stratégique sur la décentralisation.

Vous auriez pu présenter un grand texte, l’acte III de la décentralisation, qui aurait réuni les compétences, les mandats, la clarification des rôles de chacun dans un seul texte stratégique. Vous avez préféré découper. Tout cela est donc vu par le petit bout de la lorgnette.

S’agit-il de mieux harmoniser le conseil général et le conseil régional ? Non, puisque vous gardez les deux.

S’agit-il alors de réduire le nombre des élus locaux ? Non, vous en créez, car si on divise par deux le nombre de cantons, on arrondit au nombre supérieur, si bien que dans un département qui compte vingt-sept cantons, il y en aura quatorze : ainsi, par un tour de passe-passe, on se retrouve avec un élu supplémentaire.

S’agit-il donc de faciliter le fonctionnement démocratique en améliorant l’intégration des territoires ? Encore non, puisque vous allez faire disparaître la ruralité du monde politique, au niveau du département.

En réalité, cette absurdité juridique provient de votre manque de courage. Vous n’avez pas voulu aller jusqu’au bout de la logique, qui aurait été, si vous aviez été courageux, de réduire le nombre des cantons et, concomitamment, celui des élus. Ne souhaitant pas assumer une mesure qui aurait été forcément impopulaire dans vos rangs, vous avez préféré envelopper le tout dans une idée bien moderne qui s’appelle la parité. « Attention, dites-vous, ce n’est pas que nous voulons deux élus par canton, nous voulons un homme et une femme, c’est le sens de l’histoire. » Mais aller dans le sens de l’histoire, monsieur le ministre, c’est un destin de feuille morte, c’est aller dans le sens du vent.

Depuis la Rome antique et ses deux consuls, pareille brillante idée n’avait jamais été exposée dans un hémicycle. Nous vous remercions, mais nous savons que vous puisez votre inspiration dans l’Antiquité puisque vous nous avez déjà présenté le modèle de famille romain avec ses paternités et ses maternités croisées. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Mme Anne-Lise Dufour-Tonini. Ça faisait longtemps !

Mme Catherine Coutelle. Lamentable ! Ridicule ! Et en plus, il est content de lui.

M. Sébastien Denaja. Si c’est pour dire ça, ce n’était pas la peine de faire l’ENA.

Mme la présidente. Je suis saisie de plusieurs amendements identiques tendant à la suppression de l’article 2.

L’amendement n° 59 a été défendu par M. Olivier Marleix.

La parole est à M. Dino Cinieri, pour défendre l’amendement n° 92.

M. Dino Cinieri. Le scrutin binominal que vous proposez, monsieur le ministre, consiste en l’élection de deux conseillers départementaux de sexe différent sur un même territoire. Le binôme sera totalement solidaire au moment de l’élection, mais chaque conseiller départemental sera censé exercer ensuite son mandat de façon indépendante. Je ne vois vraiment pas en quoi cela améliorera le fonctionnement de la démocratie locale, car dans les faits, les deux élus seront soit des doublons, soit des concurrents, ce qui ne peut être que préjudiciable à l’intérêt des territoires.

Notre démocratie, comme le disait mon collègue, est bafouée monsieur le ministre : écoutez la sagesse des sénateurs, qui sont opposés eux aussi à cette réforme, et supprimez cet article 2.

Mme la présidente. La parole est à M. Christophe Guilloteau, pour soutenir l’amendement n° 106.

M. Christophe Guilloteau. Cet article nous ramène quelques mois en arrière, au moment de la première lecture. Entre-temps, il y a eu le Sénat, cette institution qui est censée représenter les élus. J’écoutais tout à l’heure mes collègues qui sont comme moi conseillers généraux de base en zone rurale et qui ont une divergence de point de vue avec les urbains. Ce texte a été fait, j’imagine, par des énarques de la place Beauvau, qui sont en complet décalage avec ce qu’est la France rurale, la France profonde à laquelle nous sommes attachés et que nous essayons de défendre. Moi, je suis président de groupe dans un conseil général à forte représentation rurale. Pardonnez-moi, mais les élus de mon canton, les élus de mon département ne se reconnaissent pas dans votre texte.

Vous avez ici des hommes et des femmes qui ne sont pas des Martiens, qui vous ont expliqué qu’au lieu d’un texte d’aménagement du territoire, nous examinions un texte politique, écrit par le parti socialiste à des fins électorales. Moi, je vous mets en garde, parce que chaque fois qu’on a voulu tripatouiller les modes de scrutin, cela s’est retourné contre ceux qui l’ont fait. Les cinq dernières élections législatives le montrent : les Français ne supportent plus cette France dans laquelle vous êtes en train de nous emmener, mesdames et messieurs les socialistes.

Mme la présidente. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 112.

M. Xavier Breton. Cet article 2 vise à instaurer un binôme. Je crois qu’on peut s’entendre sur l’objectif de parité, mais il faut regarder quels sont les avantages par rapport aux inconvénients.

Si on considère notre démocratie locale, on voit s’exprimer un besoin de proximité et un besoin d’identification des élus : très clairement, il y a une crise de la représentation et le besoin que ressentent les citoyens de pouvoir identifier leurs élus est important. Il y a un besoin de clarté : ils veulent savoir qui fait quoi. Il y a un besoin de responsabilité : on sait que l’empilement des structures a rendu illisible notre démocratie territoriale. Et puis, il y a un besoin de cohérence entre tous ces différents échelons.

Or ce que vous nous proposez, avec ce binôme, va à l’encontre de ces objectifs. Au lieu de la proximité et de l’identification des élus, nous aurons un dispositif qui va éloigner les élus de leurs électeurs, avec des cantons dont la taille va doubler. Au lieu de clarté et de lisibilité, nous aurons un dispositif qui va être source de confusion, de complexité, avec deux élus par canton. Au lieu de la cohérence, nous aurons des risques de désaccord, de friction, de mésentente entre les deux membres du binôme, voire de surenchère et de polémique.

On voit que ce que vous proposez va à l’inverse des objectifs qui devraient être les vôtres, ceux de la proximité, de la clarté et de la cohérence, et c’est pourquoi je vous propose la suppression de cet article 2. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

Mme la présidente. La parole est à M. Éric Ciotti, pour soutenir l’amendement n° 113.

M. Éric Ciotti. Monsieur le ministre, je ne sais pas si ce mode de scrutin inédit, original, provient de l’imagination des énarques de la place Beauvau. Je ne veux pas les mettre en cause. En tout cas, en d’autres temps, d’autres énarques de la place Beauvau avaient eu des projets beaucoup plus pertinents et les avaient construits. (Sourires.)

Vous persistez dans l’erreur, malgré les deux sanctions que vous ont infligées les sénateurs, y compris ceux de la majorité. Et malgré le score extrêmement étriqué que votre texte a recueilli ici, dans cet hémicycle – je crois que c’est le score le plus faible, parmi tous les votes qui ont eu lieu sur vos différents projets de loi –, vous continuez à vouloir imposer par la force ce mode de scrutin dangereux, qui remet en cause cette avancée que représentait la création du conseiller territorial, première étape indispensable du rapprochement du département et de la région. Vous remettez en cause la représentation de nos territoires, puisque nous allons aboutir à des cantons qui vont parfois représenter jusqu’à la moitié d’une circonscription et qui comprendront plusieurs centaines de communes : des exemples ont été cités. Vous portez donc un mauvais coup à la démocratie locale, à la représentation locale et surtout aux territoires ruraux, qui verront leur place et leur rôle dans nos institutions s’affaiblir considérablement.

Pour toutes ces raisons, il est important que vous reveniez sur ce mode de scrutin. Autrement, on aura sans doute l’idée que la seule motivation de votre démarche est de procéder à un découpage électoral à votre main : ce ne serait pas rendre service à nos territoires et à notre démocratie. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Julien Aubert, pour soutenir l’amendement n° 126.

M. Julien Aubert. Votre système cumule les inconvénients. Vous n’avez aucun des avantages du scrutin majoritaire. Le scrutin de liste présente l’avantage de vous permettre de réunir une diversité de profils, censée représenter la cité. C’est en tout cas ce qu’on fait aux municipales. Dans votre texte, point de diversité : un homme et une femme.

Vous n’avez aucun des avantages de la proportionnelle, parce que vous aurez l’effet multiplicateur du scrutin majoritaire à deux tours. Par exemple, un canton avec un conseiller général de droite fusionne avec un canton représenté par un conseiller général de gauche : cela formera un gros canton avec deux élus qui seront forcément tous deux de droite ou tous deux de gauche. Par conséquent, vous aurez amplifié le phénomène majoritaire et vous aurez donc nui à la représentation des sensibilités politiques.

Au-delà de ce mode de scrutin hybride, de ce système à la Tic et Tac…

M. Alain Chrétien. À la Boule et Bill ! (Sourires.)

M. Julien Aubert. …à la Roméo et Juliette, au-delà de ce système un peu grotesque, vous êtes en train, et c’est beaucoup plus grave, de pervertir la démocratie représentative dans son fondement.

Vous confondez représentation politique et représentativité. L’élu n’est pas la représentation sociale et biologique de la société : l’élu est la représentation des idées de la société. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

Je suis un élu d’un territoire rural. Je représente des hommes, des femmes, des agriculteurs, des jeunes et des moins jeunes. Si vous entrez dans la logique selon laquelle il faut absolument un homme et une femme pour représenter les hommes et les femmes, alors demain il faudra se poser la question qui a été évoquée tout à l’heure par M. Benoit, celle de la représentation des catégories sociales : les ouvriers, les agriculteurs… Nous irions vers une politique des quotas, une politique de discrimination positive.

Puisque vous aimez tellement le modèle romain des deux consuls, méditez donc cet adage romain : Errare humanum est, perseverare diabolicum. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n° 144.

M. Jean-Frédéric Poisson. Deux remarques, en plus de celles qui ont été formulées par mes collègues et auxquelles je m’associe.

Premièrement, je dois regretter, madame la présidente, de n’avoir pas eu de réponse à la question que j’ai posée à plusieurs reprises en première lecture – ceci pour rappeler à M. le ministre des relations avec le Parlement que tous les sujets n’ont pas été complètement traités –, puisque j’avais interrogé les représentants de la délégation aux droits des femmes sur les raisons pour lesquelles un certain nombre de membres de cette délégation avaient exprimé des réserves très importantes, au point que la présidente de la délégation avait même parlé d’un « dévoiement de la parité » dans la presse régionale. Je souhaiterais donc des explications en deuxième lecture, afin de connaître les raisons pour lesquelles des défenderesses éminentes de la parité dans l’hémicycle considèrent que ce système électoral n’atteint pas le principal objectif qu’il est censé atteindre. Il me paraît important que la représentation nationale soit informée. J’aimerais avoir cette réponse.

Par ailleurs, j’insiste sur la question de la représentation des territoires ruraux. J’en profite pour rappeler que même en Île-de-France, il y a des territoires ruraux. M. Da Silva est excédé, parce qu’il m’entend dire cela tous les mercredis matin en commission des lois.

M. Carlos Da Silva. Il y en a dans l’Essonne !

M. Jean-Frédéric Poisson. Je sais qu’il y en a dans l’Essonne, mon cher collègue, cela ne m’échappe pas une seconde.

Je m’insurge contre ce système, en raison de sa capacité très douteuse à représenter les territoires ruraux, dans la nation tout entière, mais également en Île-de-France.

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de La Verpillière, pour soutenir l’amendement n° 182.

M. Charles de La Verpillière. Monsieur le ministre, permettez à un modeste conseiller général de base – d’opposition, il est vrai – de vous donner son avis sur ce système baroque que vous avez inventé et qui va consister à faire élire dans un même canton deux conseillers départementaux, un homme et une femme, sur un même ticket.

Monsieur le ministre, depuis le début de cette discussion, y compris en première lecture, vous avez été incapable de nous expliquer comment tout cela va fonctionner. Qui va faire quoi ? Auquel des deux membres de ce binôme s’adresseront les habitants ? Lequel prendra la parole dans les manifestations officielles. Que se passera-t-il en cas de divorce ?

En réalité, tout ce que vous allez réussir à faire, monsieur le ministre, c’est à détruire ce lien direct qui existe encore, notamment dans les cantons ruraux – surtout dans les cantons ruraux – entre le conseiller général et les habitants. Vous allez détruire ce lien et nous allons perdre en proximité et en lisibilité, avec ces cantons plus grands et ces deux conseillers départementaux. Vous verrez : la participation aux élections départementales va encore diminuer. En réalité, la seule chose qui vous intéresse, monsieur le ministre, c’est de pouvoir redécouper l’ensemble des cantons en France : c’est un intérêt purement politicien, et c’est pour cela que, par le présent amendement, nous demandons la suppression de l’article 2. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean Lassalle. Bravo !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Decool, pour soutenir l’amendement n° 275.

M. Jean-Pierre Decool. Cet amendement, mes collègues l’ont dit, vise à supprimer, comme l’a à nouveau fait le Sénat en deuxième lecture, l’introduction de ce système binominal, dans lequel les candidatures au conseil départemental prendraient la forme d’un ticket paritaire, composé d’un homme et d’une femme.

Bien loin d’une simplification du fonctionnement des élections et des collectivités territoriales, le Gouvernement nous propose donc une usine à gaz cantonale, en faisant la promotion d’un ticket homme-femme à l’échelle d’un canton agrandi. Dans la pratique, il faudra aussi des suppléants, ce qui signifie que quatre noms figureront sur le bulletin de vote. Les effets de ce gadget paritaire seront dévastateurs du point de vue de l’efficacité. Il n’y a rien à gagner en lisibilité et en simplification, mais beaucoup à perdre.

Le pendant du dispositif, c’est le redécoupage, et même le charcutage électoral, puisque la majorité va redécouper 100 % des cantons, à loisir. Et il n’y a pas de diminution du nombre d’élus, mais une division par deux du nombre de cantons, afin de pouvoir élire deux conseillers sur le même canton, disposant des mêmes pouvoirs, sur le même territoire. C’est intenable, et c’est surtout sonner le glas des territoires ruraux.

M. Jean Lassalle. Absolument !

Mme la présidente. La parole est à M. François Sauvadet, pour soutenir l’amendement n° 377.

M. François Sauvadet. Je voudrais, à ce stade, en appeler à nos collègues du groupe socialiste. Lorsqu’on va sur le terrain, on entend chacun de ceux qui sont appelés à s’exprimer.

Vous avez d’ailleurs essayé de faire passer ce texte en catimini. Cela a commencé au moment des fêtes de fin d’année ; vous vous êtes dit qu’au milieu du brouhaha, avec tous les problèmes qui se posaient, et avec le mariage pour tous…

M. Charles de La Verpillière. Ah ! Le mariage pour tous !

M. François Sauvadet. …tout cela passerait tranquillement et que vous pourriez supprimer le conseiller territorial. Mais n’oubliez pas une chose – et je veux vraiment attirer votre attention là-dessus –, c’est que vous avez rendez-vous avec les électeurs de France, passé le vote de la loi. Je m’étonne vraiment qu’aucun député socialiste n’exprime la moindre divergence à l’égard de ce binôme, car lorsqu’on va sur le terrain, on entend un tout autre son de cloche.

M. Philippe Meunier. Ils sont aux ordres ! Des godillots !

M. François Sauvadet. On entend s’exprimer beaucoup d’inquiétude, notamment sur l’article 3, qui supprime la moitié des cantons – je reviendrai là-dessus, ainsi que sur votre méthode, qui est vraiment archaïque. On se pose des questions sur la façon dont cela va fonctionner, monsieur le ministre.

Vous êtes, vous aussi, l’élu de territoires ruraux, et nous sommes d’ailleurs un peu en compétition, s’agissant de la surface de nos circonscriptions et du nombre de communes : pour ma part, j’ai 344 communes dans ma circonscription. Mais enfin, franchement, en créant des cantons de 100 ou 120 communes, à qui voulez-vous faire croire que vous allez rapprocher les élus des électeurs ? (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et sur quelques bancs du groupe UMP.)

M. Jean Lassalle. Très bien !

M. François Sauvadet. S’agissant des binômes, composés d’un homme et d’une femme, vous avez vous-même concédé que les deux candidats ne seraient solidaires qu’au moment de l’élection et que, dans l’exercice de leurs responsabilités, chacun reprendrait sa liberté, au point qu’ils pourraient même siéger dans des groupes différents.

M. Thierry Benoit. Ce n’est pas sérieux !

M. François Sauvadet. Franchement, vous êtes en train d’organiser le désordre territorial, parce que votre texte va fragiliser la représentation et l’animation du territoire : si les élus appartiennent à deux groupes différents, la compétition va forcément s’instaurer entre eux, dès le lendemain de l’élection. Imaginons qu’un maire aille trouver l’un de ces conseillers départementaux, élus en binôme, et qu’il se voie opposer une fin de non-recevoir, au motif que son projet ne serait pas totalement conforme à la vision que l’on doit avoir de l’avenir du département. Il ira voir l’autre membre du binôme, qui siégera dans un autre groupe, et qui saluera son idée.

M. Thierry Benoit. C’est très intéressant, ce qu’il dit !

M. François Sauvadet. Non seulement vous allez tout désorganiser – ou plutôt vous allez organiser le désordre – dans chacun des vastes cantons, mais par surcroît, bonjour la gouvernance des conseils généraux de demain !

M. Philippe Meunier. Ça n’a aucun sens !

M. François Sauvadet. Je suis président d’un conseil général et je vois ça d’ici : chacun va arriver avec sa liste de courses départementale. Vous pourrez dire adieu à la vision que vous sembliez afficher d’une conception politique au niveau départemental, avec un véritable élan, de véritables projets. Et même pour vous, les écologistes, c’est la fin du pluralisme ! Franchement, réveillez-vous ! Ne restez pas ainsi scotchés dans des comportements à la petite semaine. J’en appelle à la responsabilité des élus socialistes.

M. Philippe Meunier. Ce sont des irresponsables !

Mme la présidente. Merci de conclure, cher collègue.

M. François Sauvadet. Il y a parmi vous des élus de proximité. Vous ne pourrez pas prendre de distance avec la décision lourde et grave que vous êtes en train de prendre. Aujourd’hui, vous avez rendez-vous avec les élections de 2015. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur cette série d’amendements de suppression ?

M. Pascal Popelin, rapporteur. Mes chers collègues, entendre que, parce qu’il y aura moins de conseillers départementaux au mètre carré, on va porter atteinte à la ruralité, c’est déjà un raisonnement contestable.

M. Jean-Frédéric Poisson. Mais c’est évident !

M. Pascal Popelin, rapporteur. Mais l’entendre de la bouche de ceux qui, durant dix ans, ont soutenu la politique de disparition, ou d’abandon, des services publics sur ces mêmes territoires, je vous avoue qu’au bout d’un moment, ça commence à devenir singulièrement insoutenable.

M. Alain Chrétien. Alors il faut les rouvrir ! Rouvrez les tribunaux et les bases militaires !

M. Pascal Popelin, rapporteur. Vous nous avez dit, au cours de la discussion sur cet article, que nous n’écoutions pas le Sénat. Mes chers collègues, le Sénat a effectivement réussi à dégager une majorité de rejet,…

M. Dino Cinieri. Et pourtant ce sont vos amis !

M. Pascal Popelin. …mais pas une majorité de projet. Cela ne veut pas dire qu’il n’y avait pas des propositions – personne n’a jamais dit ça – mais il n’y a pas de majorité alternative, capable de proposer un autre mode de scrutin.

Je voudrais, enfin, répondre à M. Marleix, qui m’a interpellé sur un certain nombre de points.

M. Olivier Marleix. Ah ! Enfin une réponse !

M. Pascal Popelin, rapporteur. D’abord, il a fait une sorte d’équivalence entre scrutin majoritaire et scrutin uninominal, d’un côté, et scrutin à la proportionnelle et scrutin de liste, de l’autre. Ce n’est pas tout à fait exact, mon cher collègue, car il existe aussi des scrutins de liste majoritaires, des scrutins de listes majoritaires avec prime proportionnelle, mais aussi des scrutins de listes proportionnels avec prime majoritaire. Il peut donc bien exister un scrutin binominal.

Vous nous avez demandé, ensuite, comment fonctionnerait le binôme. Cette question est récurrente et revient sans cesse dans la discussion, depuis le début. Comme cela a été dit, les deux membres du binôme ont vocation à être solidaires durant la campagne et jusqu’à ce que l’élection soit définitivement acquise. Ils ont vocation, ensuite, à être autonomes dans l’exercice de leur mandat.

M. Philippe Meunier. Quel mépris pour les électeurs !

M. Thierry Benoit. C’est incroyable !

M. Pascal Popelin, rapporteur. Est-ce si nouveau que cela ? Est-ce que, lorsque des candidats se présentent sur une liste aux élections régionales, ils ne sont pas solidaires durant la campagne et jusqu’à ce que l’élection soit acquise, puis autonomes dans leur mandat ? N’arrive-t-il pas qu’ils siègent dans des groupes politiques différents ?

M. François Sauvadet. Quelle blague !

M. Pascal Popelin, rapporteur. N’arrive-t-il pas qu’à l’élection suivante, ils se présentent parfois sur des listes différentes ? Et les sénateurs, qui sont élus dans les départements, soit sur une liste, soit au scrutin majoritaire sur le même territoire, n’arrivent-ils pas ensuite à travailler sur ce territoire ? Génèrent-ils une pagaille dans l’ensemble des territoires dont ils sont les élus ?

M. Éric Ciotti. Vous n’avez pas l’air vraiment convaincu !

M. Pascal Popelin, rapporteur. La seule différence qu’introduit ce binôme, tel qu’il est proposé, c’est qu’il n’impose pas d’ordre, ni de hiérarchie, entre les différents candidats.

Mais l’ordre dans lequel des élus sont inscrits sur une liste n’introduit pas non plus de hiérarchie, une fois qu’ils sont élus. Je suis navré, mes chers collègues, mais un conseiller régional tête de liste et un conseiller régional inscrit en cinquième position, une fois élus, sont parfaitement équivalents en termes d’indépendance, de possibilité et d’autonomie politiques.

M. Jean-Frédéric Poisson. Le problème n’est pas là !

M. Pascal Popelin, rapporteur. J’ai donné ces explications à ce stade, parce que l’article 2 est un élément important du texte. Je confirme naturellement que la commission a émis un avis défavorable à ces amendements.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Je pense que M. le rapporteur a dit l’essentiel.

M. Julien Aubert. Eh bien dites le reste !

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Pour avoir été, comme un certain nombre d’entre vous, conseiller général pendant presque trente ans, je peux vous dire que l’actualité, au fil des années, c’était plutôt la disparition des trésoreries, la disparition des gendarmeries, la suppression des tribunaux d’instance,…

M. Thierry Benoit. Et les sous-préfectures, qu’allez-vous en faire ?

M. Alain Vidalies, ministre délégué. ...et d’un certain nombre d’agences des collectivités locales.

M. Alain Chrétien et M. Jean-Frédéric Poisson. Rouvrez-les ! Chiche !

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Et tout cela, c’est l’œuvre de ceux que j’entends depuis des heures nous parler des territoires ruraux. Autrement dit, en la matière, vous me semblez beaucoup plus croyants que pratiquants.

M. Jean-Frédéric Poisson. On verra ce que vous ferez des services publics, monsieur le ministre !

M. Alain Vidalies, ministre délégué. J’ai aussi entendu parler d’une grande inquiétude, que je veux bien partager avec vous, car elle est réelle : il s’agit de savoir si ce système, consistant à avoir deux élus sur une même fonction, peut être contagieux.

Monsieur Jacob, c’est à vous que je m’adresse, parce que le seul exemple connu, depuis qu’on a lancé cette idée, c’est l’organigramme de l’UMP, où j’ai bien observé que sur chaque poste, il y a maintenant deux responsables. Encore un petit effort : mettez-y la parité et vous aurez directement appliqué notre réforme ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Christian Jacob. Ce n’est pas brillant, comme argumentation.

Mme la présidente. La parole est à Mme Carole Delga.

Mme Carole Delga. Madame la présidente, messieurs les ministres, messieurs les députés de l’opposition, madame la députée de l’opposition – je suis obligée d’utiliser le singulier pour m’adresser à vous, madame –,…

M. Alain Chrétien. Ça rame !

Mme Carole Delga. …je tiens à vous préciser que vous n’avez pas le monopole de la défense de la ruralité, ni de la montagne. La ruralité, en outre, ne correspond pas au visage que vous voulez lui donner. La ruralité n’est pas statique, pas plus qu’elle n’est conservatrice, ou frileuse. La ruralité, au contraire, est volontaire, dynamique, solidaire et ouverte. Il n’y a pas lieu d’opposer la ruralité aux territoires urbains, car la France est un tout ; elle est composée de grandes villes, de villes moyennes et de territoires ruraux et de montagnes, et c’est ce qui fait sa richesse.

Concernant la vitalité des territoires ruraux, vous n’avez pas de leçons à nous donner. Pendant cinq ans, vous n’avez pas arrêté de supprimer les services publics et le soutien au développement économique dans la ruralité.

M. Olivier Marleix. C’est hors sujet !

M. Pascal Popelin, rapporteur. Vous passez votre temps à parler de cela, monsieur Marleix !

Mme Carole Delga. Vous avez supprimé des écoles, vous avez supprimé des postes, vous n’avez pas donné l’égalité des chances à nos enfants sur l’ensemble du territoire national.

M. Jean-Frédéric Poisson. Rouvrez-les !

Mme Carole Delga. Vous avez supprimé des tribunaux de grande instance, mais aussi des hôpitaux locaux, avec votre réforme sur la tarification à l’activité, la T2A, et avec ce principe complètement absurde selon lequel il faudrait un hôpital par département.

M. Dominique Le Mèner. Rouvrez-les !

Mme Carole Delga. Vous avez également supprimé toute égalité entre les territoires, avec la suppression des trésoreries et la réforme de la taxe professionnelle et de la fiscalité locale. Nous n’avons donc pas de leçons à recevoir de votre part.

M. Jean-Frédéric Poisson. Nous non plus !

Mme Carole Delga. Le Gouvernement et M. le ministre de l’intérieur sont à l’écoute de la ruralité…

M. Christian Jacob. M. le ministre de l’intérieur est un grand rural qui s’ignore !

Mme Carole Delga. …et des avancées très significatives sont apportées par ce projet de loi. Nous, les socialistes et les membres de la majorité de gauche, nous avons également la volonté de défendre la parité.

Mme la présidente. Merci de conclure, madame.

Mme Carole Delga. Il n’est pas seulement question de verbe, mais aussi de pratique, comme vous pouvez le voir sur nos bancs.

S’agissant enfin des redécoupages, nous n’avons pas non plus de leçons à recevoir de votre part.

M. Dominique Le Mèner. Faites mieux que nous, alors !

Mme Carole Delga. Il me semble qu’un certain M. Marleix avait fait des découpages plus que contestables, à l’occasion des précédentes législatives.

M. Paul Salen. C’est pour ça que vous avez gagné !

Mme la présidente. La parole est à M. François Sauvadet.

M. François Sauvadet. Je veux simplement exprimer un regret : dans ce débat, nous n’avons aucune réponse aux questions concrètes que nous posons. Vous vous contentez d’affirmer que vous êtes obligés de procéder à tous ces changements, alors que rien ne vous y contraint,…

M. Julien Aubert. Pas nous, en tout cas !

M. François Sauvadet. …ni la Constitution, ni rien d’autre. Vous avez décidé, tout simplement, de redécouper ce qui constituait l’ordre public depuis deux siècles.

Je vous prends au mot, monsieur le ministre, au sujet des services publics. J’aimerais d’abord que vous nous disiez comment va s’organiser la représentation des services de l’État avec la nouvelle circonscription électorale que vous allez bâtir et quel destin sera fait à nos sous-préfectures. J’ai entendu dire, et j’ai lu, monsieur le ministre, mais peut-être le démentirez-vous, que vous envisagiez la suppression de soixante-dix sous-préfectures (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) sur les quelque deux cent quatre-vingts sous-préfectures que compte notre pays. J’aimerais avoir confirmation de ce chiffre.

D’autre part, madame Delga, vous avez parlé du désengagement de l’État dans nos départements. À cet égard, j’ai pu constater depuis neuf mois, un « changement » bien singulier. Car nous avons tout autant de fermetures de classes, et je m’interroge d’ailleurs sur les conditions dans lesquelles elles ont eu lieu aujourd’hui. Je vais même vous dire plus : je n’ai vu arriver que trois enseignants dans un grand département comme la Côte d’Or, ce qui constitue, bien évidemment, une révolution à laquelle nos compatriotes sont extrêmement sensibles.

J’attends la réouverture des tribunaux d’instance ainsi que d’un certain nombre de services publics dont vous avez dénoncé la fermeture, et je vous attends également sur les gendarmeries. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.) Lorsque l’on abordera ici, au Parlement, le sujet de la présence territoriale des brigades de gendarmerie, vous nous trouverez pour rappeler que sur les sujets de sécurité, jamais nous n’avons contribué à des fermetures de services publics qui garantissent la sécurité. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Émilienne Poumirol. Combien de policiers en moins ?

M. François Sauvadet. Nous les avons organisés au mieux, et en tout cas les brigades territoriales autonomes ont été créées.

Là encore, monsieur le ministre, vous avez rendez-vous avec votre avenir. Je vous attends sur les services publics, et j’attends la réorganisation que vous avez maquillée sous les termes de « modernisation de l’action publique ». Nous serons présents.

(Les amendements identiques nos 59, 92, 106, 112, 113, 126, 144, 182, 275 et 377 ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je suis saisie de sept amendements, nos 88, 89, 18, 386, 276, 387 et 388, pouvant être soumis à une discussion commune. Les amendements nos 276 et 387 sont identiques.

La parole est à M. Dolez, pour défendre l’amendement n° 88.

M. Marc Dolez. Si vous le permettez, je défendrai par la même occasion l’amendement n° 89.

Nous sommes opposés au scrutin binominal qui est proposé par le Gouvernement, mais nous avons le souci de soumettre des solutions alternatives.

L’amendement n° 88 tend à introduire la proportionnelle au niveau départemental. Ce mode de scrutin permet de concilier la parité et le pluralisme.

Évidemment, cet amendement pourrait faire l’objet d’un sous-amendement afin de prévoir une prime majoritaire à la liste arrivée en tête, sur le modèle de ce qui existe pour les élections municipales ou pour les élections régionales. Ces deux modes de scrutin ne sont pas contestés dans cet hémicycle. En s’engageant dans cette voie, nous pourrions donc obtenir un mode de scrutin alternatif qui rassemble sur tous nos bancs.

Si cet amendement n° 88, éventuellement sous-amendé, ne devait pas être adopté, nous proposons un amendement de repli, le n° 89, qui permet de concilier l’exigence de la parité, du pluralisme et de la proximité avec un scrutin mixte qui s’apparente à ce qui nous est annoncé pour les élections législatives.

Mme la présidente. Précisons pour la bonne compréhension de nos débats qu’aucun sous-amendement n’a été déposé à ce stade.

M. Marc Dolez. C’est exact. J’ai simplement indiqué que l’amendement n° 88 pourrait être sous-amendé dans le cadre de nos débats.

Mme la présidente. La parole est à M. Paul Molac, pour présenter l’amendement n° 18.

M. Paul Molac. Comme je l’ai déjà indiqué avec constance et détermination, cet amendement tend à modifier le scrutin proposé pour l’élection du conseiller départemental.

Le retour à un mode de scrutin majoritaire à deux tours ne paraît pas une bonne chose. Nous pouvons trouver un mode de scrutin plus démocratique, comme nous y incite la forte abstention aux élections cantonales, qui fut de 55 % en 2011.

Cet amendement propose donc un mode de scrutin proportionnel à deux tours, avec seuil d’admission des sièges fixé à 5 %, assorti d’une prime majoritaire de 25 %. Pour le second tour, le seuil de fusion serait de 5 %, et le maintien à 10 %.

Cette solution reprend un mode de scrutin bien connu des Français : celui des élections régionales et, sous réserve de quelques modifications, celui des élections municipales.

M. Julien Aubert. Élections marquées par de fortes participations !

M. Paul Molac. Aux municipales, certes monsieur Aubert.

Pour assurer la représentativité des territoires, l’élection serait basée sur des listes de sections infra-départementales à raison de quatre par départements.

Mme la présidente. La parole est à M. François Sauvadet, pour défendre l’amendement n° 386.

M. François Sauvadet. Monsieur le ministre, vous nous avez souvent reproché de ne pas vous faire de propositions, nous allons vous en faire une.

Vous évoquiez la parité, mais plutôt que de mettre en place un système qui conduira à la sous-représentation de vastes territoires, je préférerais que nous passions à un système de représentation par liste départementale, avec un véritable projet, un chef de file, ce qui garantirait la juste représentation des territoires que vous interdisez aujourd’hui. C’est ce que nous proposons.

Je rejoins également la proposition qui a été faite par le groupe GDR, et celle du groupe écologiste.

M. Thierry Benoit. Un front commun !

M. François Sauvadet. Nous pourrions trouver des voies de progression en mettant en place des verrous, un pourcentage de proportionnel, et ainsi permettre un très large rassemblement afin de garantir le pluralisme des courants de pensée, sujet que vous n’avez pas souhaité aborder.

Ce système pourrait permettre d’assurer une juste représentation du territoire, mais je sais que ces propositions seront balayées d’un revers de main puisque votre groupe, majoritaire, a décidé avec un mépris certain de la représentation nationale de n’apporter aucune réponse à ces propositions et de vous en tenir à ce binôme qui va appauvrir les territoires.

Mme la présidente. Monsieur Sauvadet, peut-on considérer que vous avez également défendu les amendements nos 387 et 388 ?

M. François Sauvadet. Tout à fait, madame la présidente.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Decool, pour défendre l’amendement n° 276.

M. Jean-Pierre Decool. Monsieur le rapporteur, vous faisiez part tout à l’heure de votre regret de faire face à des postures de rejet, et non de projet.

Je vous donne l’occasion d’adopter un projet, puisque cet amendement de substitution a pour objectif de différencier le secteur urbain des secteurs ruraux en maintenant le dispositif existant pour les territoires ruraux, et en favorisant la parité en instaurant la proportionnelle dans les territoires urbains.

Ce compromis permet d’améliorer la parité et de respecter la proximité et la lisibilité dans les territoires ruraux.

M. Jean-Frédéric Poisson. Très bien !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur cette série d’amendements en discussion commune ?

M. Pascal Popelin, rapporteur. Je donne acte à nos collègues Dolez et Molac de la constance de leur position sur les modes de scrutin. Elle est l’expression d’une philosophie défendue par les organisations politiques et les groupes dont ils sont membres qui considèrent que la représentation proportionnelle doit être la règle pour l’ensemble des modes de scrutin.

Cette position a été exprimée de manière récurrente, et nous avons dit lors de la discussion générale en première lecture, puis rappelé en deuxième lecture, que nous ne la partagions pas. C’est la raison pour laquelle il ne sera pas possible de donner un avis favorable à ces amendements.

S’agissant des amendements de M. Sauvadet, ils proposent, à la carte, tout sauf le scrutin binominal. Cela peut être le scrutin proportionnel, ce qui est un peu contradictoire avec la défense de l’ancrage dans les territoires…

M. François Sauvadet. Pas du tout !

M. Pascal Popelin, rapporteur. …ou une part de scrutin majoritaire dans les territoires et une dose de proportionnelle.

Monsieur Sauvadet, vous avez cité les différentes composantes qui pourraient éventuellement s’accorder sur vos propositions, qui sont d’ailleurs très différentes. Je ne suis pas certain que si l’on additionnait ces composantes, dans l’hypothèse où elles souhaiteraient se joindre à vous, cela puisse constituer une majorité.

Monsieur Decool, je n’ai pas regretté qu’il y ait eu une majorité de rejet au Sénat et pas d’alternative de projet, je l’ai simplement constaté. Et les différents amendements qui viennent de nous être proposés ne font que le confirmer. L’avis de la commission est donc défavorable sur ces amendements.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Manuel Valls, ministre de l’intérieur. Mesdames et messieurs les députés, je n’ai pas beaucoup de choses à ajouter aux arguments du rapporteur.

La proposition du Gouvernement d’un scrutin binominal est cohérente. Le principe est d’assurer à la fois la proximité et la parité. Il existe des désaccords avec nos amis et partenaires du Front de Gauche et des Verts sur ces questions, mais nous avons voulu assurer ces deux principes de proximité et de parité.

S’agissant du scrutin mixte, la représentation serait extrêmement compliquée dans un même département qui comprendrait des territoires urbains et ruraux.

M. Xavier Breton. C’est le cas au Sénat aujourd’hui !

M. Manuel Valls, ministre. Un autre argument avait déjà été avancé en première lecture : c’est une drôle de conception, y compris pour ceux qui défendent la ruralité, que de considérer que la parité est bonne pour les territoires urbains, mais que pour les territoires ruraux, ce ne serait pas possible.

M. Alain Chrétien. Personne n’a dit cela !

M. Manuel Valls, ministre. C’est porter un regard sur les territoires ruraux qui ne correspond pas à leur évolution, à leur modernité et à leurs transformations au cours de ces dernières années.

Un principe s’applique sur l’ensemble du territoire, et cette représentation des territoires ruraux est garantie par nos propositions sur le tunnel, son élargissement, et sur les critères qui ont été adoptés.

Par ailleurs, je réfute cette opposition entre territoires urbains et territoires ruraux, et l’idée que vous défendriez mieux les territoires ruraux, et les arguments de M. Vidalies sur ce point étaient clairs.

Pour répondre à l’une de vos remarques, monsieur Sauvadet, le canton n’est plus, aujourd’hui, l’échelon administratif qu’il était.

M. Dominique Le Mèner. Le conseil général l’est !

M. Manuel Valls, ministre. C’est le fruit de toute une série d’évolutions, notamment pour les brigades de gendarmerie ou toute une série de services publics. Vous pouvez contester ces évolutions, mais c’est la réalité.

Enfin, s’agissant de votre interpellation sur les sous-préfectures, je veux bien vous répondre, bien que je ne voie pas ce qu’elles ont à voir avec l’objet de nos débats.

M. François Sauvadet. C’est nous qui avons été interpellés par les élus du PS !

M. Manuel Valls, ministre. Nous sommes en train de travailler sur cette question avec le découpage cantonal à venir. Si le texte est adopté, ainsi que l’acte III de la décentralisation, ils toucheront évidemment la carte de la représentation de l’État dans ces territoires, et notamment, mais pas uniquement, le réseau des sous-préfectures.

Il me paraît très important d’assurer une présence des services publics et donc des sous-préfectures dans ces territoires, qui ressentent une forme d’abandon depuis plusieurs années.

Dans le cadre de notre travail sur le maintien, l’évolution et les transformations d’un certain nombre de sous-préfectures, il est fondamental de préserver cette présence dans ces territoires, voire de la renforcer, parce qu’avec toutes les évolutions que nous avons connues au cours de ces dernières années, il est important que nous assurions la présence de l’État. Je ferais un certain nombre de propositions qui feront par ailleurs l’objet de concertations avec les élus qui me paraissent indispensables.

Nous avons le sentiment que plus que jamais, dans ces territoires, nos compatriotes et les élus qui les représentent attendent beaucoup de la présence de l’État et de sa protection, en tout cas d’une forme de partenariat. C’est notamment vrai en terme d’ingénierie que l’État peut apporter aux élus dans les territoires ruraux, au côté des collectivités territoriales, notamment quand se bâtissent de nouvelles intercommunalités ou des communautés de communes.

Vous le voyez, il est possible de concilier un nouveau mode de scrutin et la présence de l’État. Voilà les raisons pour lesquelles le Gouvernement rend un avis défavorable sur ces amendements.

Mme la présidente. La parole est à M. François Sauvadet.

M. François Sauvadet. Le débat est très intéressant, puisque vous venez enfin de nous dire que vous tiendrez compte de ce redécoupage qui créera de grandes circonscriptions électorales cantonales pour la future réorganisation de l’État, ce qui avait été démenti.

Je souhaiterais que vous teniez compte, dans le redécoupage, des bassins de vie, des communautés de communes qui sont en train de s’élaborer, ce que vous avez dénié jusqu’à présent puisque vous ne voulez pas de règles autres que celles qui semblent donner le signal que vous tiendrez compte de certaines spécificités locales, mais cela ne changera rien au fond.

Nous avons fait trois propositions. La première était la proportionnelle intégrale : vous la balayez d’un revers de la main en disant que ce n’est pas ce que vous souhaitez. La deuxième proposition était celle d’un scrutin mixte qui serait différent dans les villes et les campagnes. Vous répondez que c’est trop compliqué. Très bien ; mais ne pensez-vous pas que ce que vous êtes en train de faire est aussi compliqué ? Pensez-vous que ce binôme, dans de grandes circonscriptions, dont les élus vont siéger dans des groupes différents sera compris par tous ? Les élus locaux nous disent tous qu’ils n’y comprennent plus rien. Si vous voulez créer le bazar dans nos territoires, continuez ainsi !

M. Alain Chrétien. C’est ce que disent les élus locaux !

M. François Sauvadet. Oui, ils le disent tous !

Troisièmement, je vous propose d’instaurer une dose de proportionnelle, mais vous nous répondez que c’est trop compliqué. Monsieur le ministre, j’aimerais savoir ce que vous allez faire concernant les élections législatives.

M. Jacques Lamblin. Très bien !

M. François Sauvadet. Allez-vous considérer – je me tourne vers nos collègues membres de groupes minoritaires au sein de la majorité – qu’il sera trop compliqué de mettre en place une dose de proportionnelle, que vous avez pourtant promise pendant la campagne présidentielle,…

M. Dino Cinieri. Bravo !

M. Xavier Breton. Nous y voilà !

M. François Sauvadet. …en estimant là aussi que la coexistence de deux modes de scrutin serait incompréhensible ?

Monsieur le ministre, je vous appelle à la cohérence. Vous avez rendez-vous avec un avenir que vous êtes en train de construire avec des visées exclusivement électorales, dont les conséquences territoriales sont extrêmement lourdes.

M. Jacques Lamblin. Nous en reparlerons !

M. François Sauvadet. Vous ne nous avez opposé aucun argument sérieux, y compris sur l’intégration d’une dose de proportionnelle qui garantirait la parité…

M. Jean Lassalle. Très bien !

M. François Sauvadet. …et sur laquelle, par le dialogue, nous serions peut-être parvenus à un accord, même avec nos collègues de l’UMP. Face à un système qui appauvrira les territoires ruraux et créera d’immenses circonscriptions dans lesquelles le pouvoir sera concentré dans les agglomérations, l’instauration d’une dose de proportionnelle limitée aurait peut-être permis de faire émerger des convergences sur tous les bancs de cette assemblée. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.) Vous ne l’avez pas voulu. Vous voulez passer en force : assumez-le !

M. Dino Cinieri. Oui, dites-le !

M. François Sauvadet. Mesdames et messieurs les députés du groupe SRC, vous seuls devrez assumer ce choix. En effet, j’ai voulu donner aujourd’hui un signal très fort à l’Assemblée nationale en rejoignant les propositions des groupes GDR et écologiste.

M. Pascal Popelin, rapporteur. Il va chanter l’Internationale !

M. François Sauvadet. Finalement, si nous avions un peu travaillé et si vous aviez procédé à un minimum de concertation, nous aurions pu instaurer des règles du jeu respectant la démocratie. Au lieu de cela, vous voulez imposer tout seuls un système que tout le monde dénie. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)

M. Jean Lassalle. Bravo !

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Manuel Valls, ministre. Dans ce débat, chacun met beaucoup de conviction. Monsieur Sauvadet, vous m’appelez à la cohérence. Pardon de vous le dire : vous êtes, vous, dans l’incohérence ! Dans le cadre de la création du conseiller territorial, vous aviez approuvé – c’était tout à fait votre droit – un nouveau mode de scrutin. Contenait-il la moindre dose de proportionnelle ? Non, car en créant le conseiller territorial, vous remettiez en cause le scrutin proportionnel majoritaire à deux tours en vigueur pour les élections régionales.

M. Jacques Lamblin. C’était quand même mieux que votre projet de loi !

M. Manuel Valls, ministre. Vous nous expliquez maintenant qu’au nom de je ne sais quelle bonté, avec je ne sais quels groupes, vous allez défendre la proportionnelle au niveau du département ou de la circonscription.

Dans ce débat parlementaire, sur la base d’un projet du Gouvernement, il y a ceux qui proposent de revenir…

M. Thierry Benoit. De rester !

M. Manuel Valls, ministre. …au statu quo, moyennant quelques évolutions nécessaires mais ne permettant pas la parité.

M. François Sauvadet. Nous en sommes !

M. Manuel Valls, ministre. Au moins, cette proposition comporte une certaine logique, une certaine cohérence. Il y a aussi ceux qui proposent la proportionnelle intégrale, de liste, au niveau départemental. Pardon de vous le rappeler, monsieur Sauvadet : hier, vous défendiez la création du conseiller territorial qui élimine le scrutin de liste en vigueur pour les élections régionales.

Vous vous opposez au projet du Gouvernement : c’est tout à fait votre droit.

M. Paul Molac. C’est vrai !

M. Manuel Valls, ministre. Mais vous inventez, dans le cadre de vos amendements, différents types de scrutins en disant qu’il s’agit de propositions. Non, monsieur Sauvadet : il n’y a pas de cohérence !

M. François Sauvadet. Ce que vous dites est choquant !

M. Manuel Valls, ministre. De plus, parmi vos propositions…

M. François Sauvadet. C’est scandaleux !

M. Manuel Valls, ministre. Permettez, monsieur Sauvadet…

M. François Sauvadet. Non ! Je dis que c’est choquant !

Mme la présidente. Monsieur Sauvadet, seul M. le ministre a la parole.

M. Manuel Valls, ministre. Je vous connais, monsieur Sauvadet : ne vous emportez pas. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Charles de La Verpillière. C’est vous qui vous emportez !

M. Dino Cinieri. C’est la meilleure !

M. Manuel Valls, ministre. Au cours de ce débat, nous avons déjà échangé beaucoup d’arguments.

M. Dino Cinieri. Le ministre s’énerve !

M. Manuel Valls, ministre. Vous proposez différents modes de scrutin : je considère que ce n’est pas faire preuve de cohérence. Parmi les modes de scrutin que vous présentez, certains n’assurent pas la représentation des territoires que vous voulez pourtant défendre. Pardonnez-moi, monsieur Sauvadet : la cohérence est de notre côté, l’incohérence est du vôtre ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. Xavier Breton et M. Patrice Verchère. Répondez à la question sur les législatives !

(Les amendements nos 88, 89, 18 et 386, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

(Les amendements identiques nos 276 et 387 ne sont pas adoptés.)

(L’amendement no 388 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 103 et 368.

La parole est à M. Dino Cinieri, pour soutenir l’amendement n° 103.

M. Dino Cinieri. Monsieur le ministre, je ne vois pas l’utilité de rendre la parité obligatoire au sein du binôme que vous voulez absolument mettre en place. Les électeurs sont suffisamment intelligents pour sanctionner un binôme qui ne serait pas équilibré. Dès lors que vous imposez que les candidats soient de sexe différent, pourquoi ne pas imposer aussi qu’un candidat senior soit allié à un junior, qu’un salarié du privé soit allié à un fonctionnaire, ou qu’un agriculteur soit allié à un commerçant ?

Je suis favorable à une augmentation du nombre de femmes en politique, mais votre méthode de quotas n’est pas bonne.

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Et vous, quelle est votre méthode ?

M. Dino Cinieri. Les femmes présentes dans cet hémicycle ne me contrediront pas : elles ont été élues pour leurs qualités et leurs talents, et pas seulement parce qu’elles sont des femmes !

M. Thierry Benoit et M. Jean Lassalle. Tout à fait !

M. Julien Aubert. Bravo !

M. Dino Cinieri. Pour attirer les jeunes femmes en politique, il faudrait plutôt repenser le rythme de vie des élus, qui est malheureusement difficilement compatible avec une vie de famille. (Rires sur de nombreux bancs du groupe SRC.)

M. Sébastien Denaja. C’est énorme !

Mme Frédérique Massat. Nous sommes vraiment de mauvaises mères ! (Sourires.)

M. Dino Cinieri. Monsieur le ministre, là où il y a une volonté, il y a un chemin. Je vous demande de retirer cet article.

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Morel-A-L’Huissier, pour soutenir l’amendement n° 368.

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Il est défendu.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements identiques ?

M. Pascal Popelin, rapporteur. Là où il y a une volonté, il y a un chemin, mon cher collègue. Mais là où il n’y a pas de volonté, on recule ! Avis défavorable.

M. Dino Cinieri. Ce n’est pas une réponse !

(Les amendements identiques nos 103 et 368, repoussés par le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas Dhuicq, pour soutenir l’amendement n° 245.

M. Nicolas Dhuicq. Nous vivons en plein paradoxe : les sociétés modernes ont une grande difficulté à penser la différence sans que les beaux esprits parlent immédiatement de hiérarchie. Chers collègues de la majorité, vous êtes dans le déni de réalité perpétuel. Lors d’un mandat précédent, j’ai eu la chance d’entendre une grande voix de la République, Philippe Séguin, rappeler à juste titre que la République n’avait pas de sexe. Monsieur le ministre, vous tombez en permanence dans le piège mortel de la pensée unique qui veut catégoriser les citoyens. Un citoyen n’a pas de sexe.

M. Paul Molac. Vous êtes donc pour la théorie du genre ?

M. Nicolas Dhuicq. Ce sont ses vertus et ses qualités qui le rendent capable d’être élu. Si nous devons tous mener le combat en faveur de l’égalité salariale, je déplore cette instrumentalisation des femmes et cette dérive de la République vers des quotas et des systèmes de calcul dont les dérives sont évidentes et qui n’ont aucun rapport avec la République ni avec la nation.

M. Julien Aubert. Très bien !

M. Nicolas Dhuicq. Vous revenez en réalité à la IVe, et même à la IIIe République. Nous savons où cela nous a conduits, monsieur le ministre.

(L’amendement n° 245, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. Nicolas Dhuicq. Vous n’approuvez donc pas Philippe Séguin, monsieur le ministre ?

M. Manuel Valls, ministre. Ne me comparez pas à Séguin !

Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements, nos 78, 208 et 277, pouvant être soumis à une discussion commune. Les amendements nos 208 et 277 sont identiques.

La parole est à M. François Sauvadet, pour soutenir l’amendement n° 78.

M. François Sauvadet. Monsieur le ministre, ce que vous appelez de l’incohérence de ma part est tout simplement la recherche d’une convergence. Il est inadmissible que vous pointiez du doigt les alternatives politiques que nous essayons de proposer pour l’avenir de notre pays, et qui sont susceptibles de rassembler face à un binôme qui fait l’unanimité de toutes les autres formations politiques contre lui. Considérer que toutes les propositions alternatives relèvent de l’incohérence montre bien que votre promesse initiale, selon laquelle vous étiez prêt au dialogue, constituait une fausse posture que nous découvrons au cours de ce débat.

M. Julien Aubert. Une imposture, donc !

M. François Sauvadet. Exactement : une fausse posture.

Par ailleurs, monsieur le ministre, lorsque vous aurez à défendre l’introduction d’une dose de proportionnelle aux élections législatives, vous viendrez nous expliquer que ce n’est pas compliqué. Nous vous donnons rendez-vous : je serai là et le Journal officiel sera là pour vous rappeler que vos cohérences d’aujourd’hui sont vos incohérences de demain.

S’agissant de l’amendement n° 78, il vise à éviter que, dans les grandes circonscriptions que vous êtes en train de créer, la concentration urbaine qui peut exister dans un secteur donné ne favorise la concentration des candidats dans ce secteur : il s’agit d’imposer aux candidats – ou aux binômes, puisque vous imposerez ce système à notre pays – de ne pas se concentrer dans le secteur le plus peuplé de leur circonscription, mais d’être représentatifs de l’ensemble de leur territoire.

Mme la présidente. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 208.

M. Xavier Breton. Il convient de rétablir l’équilibre à l’intérieur des territoires. Comme le disait notre collègue François Sauvadet, il existe un risque de concentration des conseillers départementaux dans une seule commune. Cet amendement vise donc à prévoir une répartition des candidats au sein des plus grands cantons, et à vérifier que toutes les parties du territoire seront bien représentées.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Decool, pour soutenir l’amendement n° 277.

M. Jean-Pierre Decool. Cet amendement a le même but que ceux de mes collègues Sauvadet et Breton. Je prends l’exemple de ma circonscription, où des schémas de réorganisation des cantons ont déjà été diffusés, probablement suite à des indiscrétions. La largeur de ces futurs « super-cantons » pourrait atteindre quarante kilomètres. Lorsque le canton comporte plusieurs communes, les deux conseillers – je parle des deux conseilleurs puisque l’on sait que vous irez jusqu’au bout – ne doivent pas être issus de la même commune : ce serait absolument contraire à la conception du rôle du conseiller cantonal, territorial ou départemental – peu importe l’appellation – que nous défendons en milieu rural. On perdrait, encore une fois, en proximité.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ces trois amendements ?

M. Pascal Popelin, rapporteur. On ne peut que partager l’intention de nos collègues. Je fais confiance à l’intelligence politique des candidats pour qu’il en soit ainsi.

M. Xavier Breton. Et l’intelligence des électeurs ?

M. Julien Aubert. Ils savent compter, eux !

M. Pascal Popelin, rapporteur. Cependant, la restriction de candidatures proposée se heurtera au principe de liberté de candidature, et donc à un risque majeur d’inconstitutionnalité.

Je reconnais que les deux amendements défendus par nos collègues du groupe UMP définissaient la restriction de manière précise. C’était un peu moins clair dans votre amendement, monsieur Sauvadet : un candidat « issu d’une commune » doit-il y être né, y être électeur ou y avoir été élu ?

La commission a donné un avis défavorable à ces trois amendements.

(L’amendement n° 78, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

(Les amendements identiques nos 208 et 277, repoussés par le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’une autre série d’amendements identiques, nos 127, 243 et 364.

La parole est à M. Julien Aubert, pour soutenir l’amendement n° 127.

M. Julien Aubert. Il est défendu.

Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas Dhuicq, pour soutenir l’amendement n° 243.

M. Nicolas Dhuicq. Nous ne comprenons pas l’intérêt d’intégrer dans la loi une disposition sur la présentation dans l’ordre alphabétique des noms des candidats, sauf à suggérer implicitement qu’il existe une hiérarchie sous-jacente au sein du binôme.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Decool, pour soutenir l’amendement n° 364.

M. Jean-Pierre Decool. Cet amendement vise à laisser au binôme le choix de l’ordre de présentation des deux candidats sur le bulletin de vote. Il s’agit de laisser aux candidats une marge de manœuvre dans la conception de leur bulletin de vote.

(Les amendements identiques nos 127, 243 et 364, repoussés par la commission et le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 210 et 278.

La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 210.

M. Xavier Breton. Si l’on reste dans le cadre du binôme, cet amendement vise à garantir une représentation territoriale pour chacun des deux candidats, qui représentera l’une des deux sections du canton. Il s’agit donc de rétablir de la proximité – chaque conseiller départemental ne représentera pas un canton, mais la moitié d’un canton –, de retrouver de la lisibilité – chacun aura sa propre section de canton – et de redonner de la cohérence – il n’y aura pas de superposition ou d’enchevêtrement de compétences entre les deux élus puisque chacun sera responsable d’un territoire en particulier.

Je crois que cette disposition permettrait de respecter l’objectif de parité que vous vous êtes fixé tout en retrouvant de la proximité, de la lisibilité et de la cohérence. Tel est l’objet de cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Decool, pour soutenir l’amendement n° 278.

M. Jean-Pierre Decool. Cet amendement répond à la même vocation, celle de défendre le monde rural, notamment dans les conseils départementaux, et de garantir l’enracinement des candidats sur leur territoire. Chaque section cantonale aura donc un conseiller départemental pour la représenter.

Monsieur le ministre, il m’a semblé qu’en première lecture cette mesure retenait votre attention. Sans renier votre proposition de binôme et de grand canton, elle permet de répondre aux territoires ruraux qui attendent, voire exigent de la lisibilité et de la proximité. L’élu pourrait de surcroît préserver son rôle de médiateur.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pascal Popelin, rapporteur. Nous avons déjà eu largement l’occasion de débattre de cette question en première lecture et la commission a supprimé cette proposition introduite par le Sénat. Avis défavorable.

(Les amendements identiques nos 210 et 278, repoussés par le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Larrivé, pour soutenir l’amendement n° 33.

M. Guillaume Larrivé. Cet amendement n’est pas fondamental mais il pose tout de même une question qui ne doit pas rester sans réponse. Pourquoi tenez-vous absolument à ce que l’ordre alphabétique régisse la présentation des candidats sur le bulletin alors qu’il serait simple et de bon sens de laisser la liberté aux candidats de déterminer eux-mêmes, d’un commun accord, leur ordre de présentation ? Je n’arrive pas à saisir pourquoi le législateur devrait intervenir en la matière. Les libertés locales, les libertés de candidature devraient être mieux respectées.

Cette proposition ne porterait atteinte à aucun principe. Dans certains cas, ce sera la candidate, dans d’autres le candidat dont le visage s’imprimera en première ou en deuxième position sur le bulletin. Personne n’en sera choqué et le législateur n’aura pas, ainsi, à intervenir de manière trop restrictive dans les choix des candidats et des citoyens.

(L’amendement n° 33, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Julien Aubert, pour soutenir l’amendement n° 128.

M. Julien Aubert. En première lecture, monsieur le rapporteur, vous aviez convenu que le problème soulevé par cet amendement était réel. Rappelons-en les enjeux. Nous avons tous constaté que les conseils généraux comptaient moins de femmes que d’hommes. Votre réforme vise par conséquent à faire entrer plus de femmes dans les conseils généraux. Mais sera-t-elle véritablement démocratique si, au final, sont choisies les épouses de ceux déjà en poste ? Nous devons tous voter cet amendement pour éviter que ne se constituent des « tickets dynastiques ». L’enjeu est de renouveler la vie politique et non de transformer cette révolution de la parité en système vaguement clientéliste.

Je vois déjà certains d’entre vous s’en défendre : « Non ! Jamais ! ». Il se trouve que dans mon département, certains hiérarques socialistes occupent des postes de père en fils.

M. Thierry Benoit. Pas possible !

M. Julien Aubert. Dans mon département, il arrive que le mari tienne une commune pendant que sa femme en tient une autre. À eux deux, ils tiennent le canton. Je suis dans un département où l’on se donne des emplois au conseil général (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), où quelques scandales éclatent sur le népotisme au sein de certaines administrations. Vous pouvez le nier, mais c’est la réalité. En adoptant cette mesure saine, nous ferions en sorte que la révolution paritaire que vous appelez de vos vœux soit véritablement transparente et démocratique.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pascal Popelin, rapporteur. Nous avons étudié cet amendement en première lecture. Je ne nourris, pour ma part, aucune complaisance pour le népotisme mais votre amendement, même s’il est bien rédigé, ne peut pas tout prévoir. « Ascendants, descendants, conjoints, ou partenaires d’un même pacte civil de solidarité », cela signifie qu’un lien juridique est nécessaire. En l’absence de lien officiel, du moins pour les conjoints, ou si l’affaire est tout à fait officieuse, le problème n’est pas réglé. Et que dire du cas de deux personnes qui, au moment de l’élection, ne seraient liées d’aucune sorte, pas même en intention, mais finiraient, emportées par l’harmonie de ce binôme, par convoler en justes noces. Que faire ?

Bref, je n’avais pas donné d’avis particulier sur cette affaire. À titre personnel, je n’y suis pas défavorable même si la commission l’a rejeté.

M. Thierry Benoit. C’est une ouverture !

M. Dominique Le Mèner. Il y a des principes, dans cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Manuel Valls, ministre. Nous voyons bien les principes et M. Aubert en a profité pour lancer de grandes tirades sur son département. Il a d’ailleurs dû se tromper car si son département compte un couple célèbre, c’est bien celui de M. et Mme Bompard…

M. Julien Aubert. C’est vous qui l’avez dit, monsieur le ministre.

M. Manuel Valls, ministre. En effet, j’ai devancé votre pensée mais je ne trouve pas très correct de pointer, à l’Assemblée nationale, tel problème que rencontrerait tel département. Si l’on commence ainsi, il pourrait y en avoir pour tout le monde. Reconnaissons d’ailleurs que ce mode de fonctionnement fait partie de l’histoire des cantons, car on est souvent allé chercher, après un décès, l’épouse, l’époux ou le fils. La situation a beaucoup évolué et même si nous devons avoir des principes, nous pouvons aussi tenir compte de l’intelligence des formations politiques, de celle des candidats eux-mêmes quand ils ne sont pas issus des formations politiques et de celle des électeurs au moment de faire leur choix. Avis défavorable.

Mme la présidente. Récapitulons : le rapporteur a rendu un avis qui n’était pas défavorable, la commission un avis défavorable tout comme le Gouvernement.

M. Carlos Da Silva. Nous, on suit le ministre.

Mme la présidente. La parole est à M. Julien Aubert.

M. Julien Aubert. J’ai déposé 2000 amendements dans ma vie, mais c’est la première fois que l’un d’eux recueille un avis « pas défavorable » du rapporteur. C’est un grand moment pour moi.

Monsieur le ministre, je comprends vos arguments : « on sait que le risque existe mais faisons confiance à l’intelligence des électeurs. » L’on sait aussi que des gens peuvent être très intelligents et vouloir tout de même imposer leur conjoint.

C’est vrai, monsieur le rapporteur, cet amendement ne règlera pas tous les problèmes. Mais il répondra tout de même aux situations les plus visibles. Le législateur n’a pas à s’immiscer dans la vie privée des gens pour savoir si la candidate est la maîtresse du candidat. Cela étant, si un candidat se permettait de former un binôme avec sa maîtresse, l’épouse risquerait de s’en apercevoir !

M. Manuel Valls, ministre. Oh là là !

M. Pascal Popelin, rapporteur. Il pourrait aussi avoir une maîtresse sans être marié.

M. Julien Aubert. Nous n’avons pas à entrer dans ce genre de considération. C’est facile de monter sur ses grands chevaux mais il n’y a pas lieu de créer un clivage entre la droite et la gauche là où l’on vous demande simplement de résoudre un problème déontologique. Dès lors que l’on met en place des « tickets paritaires », il me semble de bon sens qu’un candidat ne se présente pas avec sa femme ! Dans quelle démocratie vivons-nous ? C’est vrai que cet amendement ne règle pas toutes les questions mais vous passez votre temps, messieurs du Gouvernement, à écrire des projets de loi qui ne règlent pas tout ! Et pourtant, vous les votez tout de même parce qu’il faut bien commencer un jour. La loi sur la régulation bancaire, que je sache, ne règle pas tout, monsieur le rapporteur, mais le petit pas que vous avez engagé sera suivi par d’autres.

M. Charles de La Verpillière. Un petit pas pour le rapporteur, un grand pas pour la démocratie.

M. Julien Aubert. Commençons déjà par faire ce petit pas et prouvons à nos concitoyens que nous ne passons pas notre temps à monologuer de longues heures durant, qu’il nous arrive parfois de voter des amendements de l’opposition, qui ne sont pas toujours stupides parce que l’opposition, elle aussi, essaie de réfléchir sur ce texte.

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Le Mèner.

M. Dominique Le Mèner. Nous avons déjà débattu de cet amendement et je crois me souvenir qu’un de nos collègues du groupe écologiste y était plutôt favorable. Le législateur ne peut pas faire l’économie de la question des principes. Lorsque l’on légifère sur le régime des incompatibilités, on pose des règles qui s’appliquent précisément. Si l’on veut empêcher cette dérive de la démocratie, il faut bien la formaliser. Même s’il sera toujours possible de passer au travers des mailles du filet, il relève de notre responsabilité de prendre de telles mesures.

Je sais bien que nous retrouvons des opposants et des défenseurs de cette mesure des deux côtés de cet hémicycle. Ce n’est pas une question de droite ou de gauche mais une question de principe.

M. Pascal Popelin, rapporteur. C’est vrai.

M. Dominique Le Mèner. C’est donc bien de laisser aux députés la liberté de vote. Je reste persuadé pour ma part que si l’on veut poser une règle claire, il faut l’inscrire dans la loi.

(L’amendement n° 128 n’est pas adopté.)

M. Julien Aubert. C’est lamentable.

Mme la présidente. La parole est à M. Julien Aubert, pour soutenir l’amendement n° 129.

M. Julien Aubert. L’opposition est un travail de Sysiphe…

Par cet amendement, nous allons vous démontrer que si nous passons du temps à vous critiquer, nous pouvons aussi enrichir votre texte. Nous vous proposons d’abandonner votre vision à la française, où tout serait symétrique avec un même traitement pour tout le monde, des départements de même taille, pour un système alternatif qui permettrait de graduer la taille du canton au type de géographie, de société, d’organisation sociale, sur le territoire, afin de conserver une certaine proximité. Si les territoires ruraux peuvent à la rigueur comprendre que les villes pèsent davantage dans un schéma politique, ils sont traumatisés à la perspective de se fondre dans un macro-canton où leur conseiller général ne serait plus le maire du village, mais habiterait en ville, à trente ou quarante kilomètres.

M. Jean Lassalle. Bravo !

M. Julien Aubert. C’est couper le cordon ombilical entre l’électorat et son élu – c’est d’ailleurs deux cordons ombilicaux que vous créez, mais je ne reviendrai pas sur cette question.

Nous vous proposons d’instaurer trois types de cantons. Le premier serait un canton urbain, qui compterait entre 40 000 et 60 000 habitants et se caractériserait par le fait que 90 % de sa population serait domiciliée dans une seule commune.

Le deuxième type de canton, péri-urbain, compterait entre 25 000 et 40 000 habitants et au moins 60 % de sa population serait domicilié sur le territoire d’une seule commune.

Enfin, le canton rural, dont la population serait plus restreinte et qui ne comprendrait pas de très grande agglomération.

Cet amendement peut être combiné avec le suivant, ce qui vous permettrait de moduler le dispositif. Puisque vous considérez que deux élus sont nécessaires par canton, l’on pourrait considérer qu’un canton urbain, plus peuplé, puisqu’il peut compter jusqu’à 60 000 habitants, aurait deux élus. Le canton rural, en revanche, n’aurait qu’un élu puisqu’il est plus petit. L’égalité face au nombre d’habitants par élu serait garantie puisque d’un côté, deux conseillers sont élus pour 60 000 habitants et de l’autre, un pour 30 000. En revanche, dans ce schéma, le lien serait maintenu avec l’élu rural puisque le canton serait petit et vous vous seriez adapté à la situation géographique.

Nous avons passé beaucoup de temps à réfléchir à cette proposition et j’espère obtenir une réponse.

M. Philippe Meunier. Très bien !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pascal Popelin, rapporteur. Avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Manuel Valls, ministre. Même avis.

Mme la présidente. La parole est à M. Julien Aubert.

M. Julien Aubert. Puisque le Gouvernement n’utilise pas son temps de parole, j’y reviens. J’aimerais tout de même savoir pourquoi vous êtes défavorable. Le système proposé est-il trop complexe ? Considérez-vous qu’il ne répond pas à tel ou tel aspect de votre politique ? On ne peut pas demander aux parlementaires de réfléchir à des amendements, de les creuser…

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Nous sommes en deuxième lecture ! Tout a été dit en première lecture !

M. Julien Aubert. Non, monsieur le président de la commission. En première lecture, vous m’avez traité de la même façon ! Avec mépris ! Vous regarderez l’enregistrement. En première lecture, cela a même été pire : le rapporteur a répondu, mais sur l’amendement précédent. Je lui ai donc dit qu’il ne m’avait pas écouté. Il m’a répondu que j’étais contre la parité. J’ai dit que cela n’avait rien à voir avec la parité puisque c’était un mode alternatif.

En première lecture, c’est : « Cause toujours, tu m’intéresses ! ». Et on répond à côté. En deuxième lecture, on ne donne même plus d’explications. C’est dommage pour la qualité du débat démocratique. Joindre le mutisme au mépris n’a jamais été une forme de dialogue !

(L’amendement n° 129 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Julien Aubert, pour soutenir l’amendement n° 130.

M. Julien Aubert. Je l’ai déjà défendu.

M. Manuel Valls, ministre. Quel mépris à l’égard du Gouvernement !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pascal Popelin, rapporteur. Défavorable.

(L’amendement n° 130, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 204.

M. Xavier Breton. Si le texte a pour objectif la parité, pour autant, il a des inconvénients puisqu’il va éloigner les élus du terrain. Il va également conduire à un manque de cohérence et à la confusion entre deux élus.

Mon amendement vise à garder l’objectif de parité que vous souhaitez atteindre, tout en rétablissant une plus grande proximité, une plus grande lisibilité et une plus grande cohérence. Il s’agit d’obliger les formations politiques à présenter, pour les élections départementales, autant d’hommes que de femmes sur l’ensemble du territoire départemental.

Avec cet amendement, nous verrons si ce qui vous intéresse est vraiment l’objectif de parité, ce qui permet de pallier les autres inconvénients de votre système de binômes, reconnus très majoritairement au Sénat, mais aussi partagés sur les bancs de cette assemblée. À moins que le seul objectif de votre opération soit un redécoupage électoral à votre profit…

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pascal Popelin, rapporteur. Défavorable.

(L’amendement n° 204, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

(L’article 2 est adopté.)

Article 3

Mme la présidente. Plusieurs orateurs sont inscrits sur l’article 3.

Je rappelle que chaque intervenant dispose de deux minutes.

La parole est à M. Pierre Morel-A-L’Huissier, premier orateur inscrit.

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Monsieur le ministre, en divisant par deux le nombre de cantons, vous allez calibrer et redécouper l’ensemble des cantons sur la base démographique avec un tunnel de plus ou moins 30 %. Pourquoi une division homogène par deux, quel que soit le département ? Que dit le conseil d’État sur l’article 3 ? N’y a-t-il pas un problème juridique avec cette mesure qui ne tient pas compte de la diversité des territoires ? Nous verrons avec Olivier Marleix ce qu’il conviendra de dire devant le Conseil constitutionnel.

Je terminerai en évoquant la ruralité, car j’ai senti un peu d’agacement chez le ministre de l’intérieur.

Pendant des années, vous nous avez critiqués à propos de la RGPP. TGI, TI, gendarmerie, Météo France, succursales de la Banque de France, écoles, perceptions, la fusion Trésor public et services fiscaux : où en êtes-vous aujourd’hui ? Nulle part ! Ou plutôt à deux rapports, commandités par Mme Duflot, et illisibles, 4,5 milliards d’euros de dotations en moins, la question des sous-préfectures, la suppression de l’ATESAT – l’assistance technique de l’État pour des raisons de solidarité et d’aménagement du territoire – et les normes. Il n’y a pas la possibilité de faire adopter un principe d’adaptabilité permettant de régler le problème des normes dans notre pays. Concernant la ruralité, que faites-vous ?

M. Jean Lassalle. Excellente intervention !

Mme la présidente. La parole est à M. Paul Salen.

M. Paul Salen. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, lors de la première lecture de ce texte, j’avais déjà souligné à quel point le projet gouvernemental était injuste pour nos territoires. Il n’apporte aucune garantie pour un nombre minimal de cantons permettant de préserver ceux d’entre eux qui se trouvent en milieu rural, afin d’assurer une bonne représentativité de la diversité de nos territoires.

Ce soir, je veux plaider pour ces élus dont vous avez programmé la disparition, sans aucune base sérieuse ou fondement juridique établi.

La nécessité de ces cantons est évidente pour tout le monde – pour les élus locaux, pour les habitants –, sauf pour le Gouvernement ! Pourquoi examiner ce texte alors que nous devrions commencer par la réforme territoriale, qui sera peut-être présentée un jour par Mme Lebranchu ?

Monsieur le ministre, ces cantons ruraux ou de montagne sont indispensables pour nos territoires. Les élus qui les représentent ne sont pas des hommes d’appareils politiques. Ils ne sont pas là pour faire de la politique, mais pour chercher la meilleure des politiques.

Monsieur le ministre, avez-vous côtoyé ces élus de proximité ? Ces femmes et ces hommes qui se dévouent pour les habitants de nos territoires ? Il n’est pas aisé de représenter un canton rural dont les problématiques sont si spécifiques qu’il faut du temps pour définir les bonnes actions à mettre en œuvre.

Demain, en fusionnant, en découpant, en tripatouillant les cantons, vous ferez disparaître ces élus qui sont souvent de véritables repères pour les habitants. Tout cela pour mettre en œuvre une réforme au nom de l’efficacité de l’égalité. Vaste programme, mes chers collègues ! Comme dit le poète, l’enfer est pavé de bonnes intentions. Votre projet de loi va emprunter le chemin direct qui mène vers l’enfer institutionnel !

Je suis désolé, monsieur le ministre, mais ce texte est absurde. Vous faites élire des binômes dont nous pouvons anticiper qu’ils seront de plus en plus difficiles à identifier par les citoyens, sur des territoires de plus en plus vastes, et aboutissant à la suppression de la représentation d’une partie non négligeable des cantons ruraux. Nous ne percevons pas dans ce texte de cap institutionnel, pas plus que la philosophie juridique qui le sous-tend ou la défense de l’intérêt général.

Monsieur le ministre, votre projet de loi, en ce qui concerne les conseillers départementaux, aboutira au mieux à une forme de paralysie et se traduira au pire par une action inefficace, tout cela pour des considérations idéologiques.

Dans ces conditions, il nous sera impossible de voter ce texte qui tourne le dos à l’intérêt général.

M. Jean Lassalle. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. François Sauvadet.

M. François Sauvadet. L’article 3 est le deuxième article le plus important de la loi puisque c’est celui qui a été supprimé à deux reprises par les sénateurs et que nous avons contesté avec beaucoup d’engagement et peu d’écoute.

Je m’interroge sur la disposition que vous êtes en train de prendre. Vous avez toujours prétexté qu’il fallait mettre un terme aux disparités par trop criantes des cantons qui devaient représenter, pour certains, 1 000 habitants, pour d’autres, 30 000. Fallait-il pour autant procéder à ce vaste redécoupage ? Je ne le pense pas.

Vous avez argué tout d’abord de préoccupations constitutionnelles, que vous vous empressez ensuite de balayer, y compris dans le respect d’une fourchette de plus ou moins 20 % de population pour le redécoupage. Vous avez maintenu un pourcentage dans le texte de loi, mais vous le portez à 30 %. Ce posera un autre problème constitutionnel : vous ne respectez pas la règle des 20 % sur laquelle vous vous appuyez en premier lieu pour mettre en place ce pourcentage dans le texte de loi.

Je crois que vous allez procéder à ce redécoupage à d’autres fins que celles que vous prétendez poursuivre aujourd’hui. Vous le faites sans aucune limite. Vous avez beau l’habiller par des amendements que nous avons portés et que nous avons essayé de faire passer pour limiter la casse dans les territoires ruraux. En tout cas, on voit bien que vous n’avez pas l’intention de bouger en quoi que ce soit.

D’ailleurs, sur le cœur du texte, vous n’avez même pas pris la peine d’argumenter pour répondre à l’opposition, estimant que le débat avait eu lieu. Monsieur le président de la commission des lois, le débat n’est pas terminé. Lorsqu’un texte revient en deuxième lecture, c’est qu’il a été amendé par une autre assemblée. Je rappelle que nous sommes en France dans un système de bicamérisme. Vous considérez que tout a été dit en première lecture et que la deuxième lecture ne sert qu’à constater ce que j’appellerai « les dégâts », autrement dit la position de la majorité, tandis que l’opposition regarderait le film se dérouler sous ses yeux impuissants.

Ce n’est pas la conception que j’ai d’un Parlement moderne, monsieur le président de la commission des lois. Ce n’est pas la conception que j’ai du dialogue qui doit s’établir entre un gouvernement qui propose – cela s’appelle un projet de loi – et le Parlement qui amende. C’est en effet un grand principe de la République : nous sommes les élus du peuple. C’est à nous qu’il appartient de voter la loi et au Gouvernement de l’appliquer.

Par conséquent, chaque lecture compte et doit permettre au Gouvernement, au rapporteur, à la commission et à la majorité – réduite pour le coup au parti socialiste – d’expliquer ses véritables intentions. Au fur et à mesure du débat, nous sommes parvenus à obtenir quelques éclaircissements.

Quoi qu’il en soit, cette division par deux n’a aucun sens puisqu’elle s’appuie sur l’histoire des départements pour les redécouper, en partant du principe que le nombre de conseillers généraux qui était les leurs depuis deux siècles, ce que vous contestez, devait servir de base à ce redécoupage. Cela n’a aucun sens !

Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Benoit.

M. Thierry Benoit. Monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, cette affaire de binôme est fâcheuse.

Votre réforme heurte les Français, qui placent la démocratie au-dessus des querelles de partis et aspirent au renforcement de la démocratie locale, non à des réformes revanchardes et inopportunes.

Ce texte consacre le binôme, alors que l’ancienne réforme territoriale consacrait le conseiller territorial qui, je le répète, présentait une perspective en reconnaissant le fait régional en France, et avait un véritable intérêt, dans le cadre de la construction européenne, en ce qu’il relayait au plus près des territoires dans les différentes régions de France une politique aspirant à plus de cohérence.

Le conseiller territorial visait aussi à simplifier et à rendre plus lisible l’action publique dans les territoires. On diminuait le nombre d’élus, tout en conservant un élu du territoire qui se plaçait dans une perspective régionale, mais qui conservait en même temps un ancrage territorial, celui de la désignation d’un canton remanié puisque réactualisé, sans aller jusqu’à un bouleversement complet visant, comme le propose ce texte, à diviser par deux, voire par trois, le nombre des élus qui représentent les territoires ruraux, lesquels constituent 70 % du territoire national.

M. Jean Lassalle. Très bien !

M. Thierry Benoit. Vous ne pouvez pas, d’un coup de ciseaux, supprimer, bouleverser la représentation de 70 % du territoire national et accentuer le déséquilibre entre les zones urbaines et les zones rurales.

M. Jean Lassalle. Bravo !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Lassalle.

M. Jean Lassalle. J’ai eu l’occasion de le dire en première lecture, la mort politique précède toujours la mort sociale et économique des territoires. Ce sera encore plus vrai cette fois.

Monsieur le ministre, j’ai écouté toutes les explications que vous avez données en première lecture et j’écoute celles que vous donnez ce soir. Il me semble que vous n’aviez pas le droit, après ce qui s’est passé aux mois de mai et juin derniers, après l’espoir que vous avez fait renaître doucement chez nos concitoyens, vous, le PS, de vous livrer à cette modification de la loi et de supprimer les cantons de nos territoires ruraux.

On sait bien que derrière, ce sont les communes qui suivront. Pour ma part, je note le très grand discrédit que vous allez encourir. Vous serez sanctionné, comme l’a été la majorité précédente. Mais je me demande si, un jour, il y aura une alternative. Car à force de faire le contraire de ce que l’on dit, plus personne n’y croit.

Que pensez-vous qu’il se passera en mai ou en juin en suivant votre calendrier lorsque la France, de plus en plus inquiète, se demandera ce que font ses préfets et que nos concitoyens, abasourdis, se rendront compte qu’ils sont en train de redécouper les cantons ? Comme s’il n’y avait pas choses plus urgentes à faire en France ! Que diraient nos concitoyens s’ils savaient que, depuis la rentrée de janvier, nous avons passé deux mois et demi, alors qu’ils nous croient en train de travailler d’arrache-pied pour sauver notre pays, à parler du mariage pour tous et de la destruction des cantons ruraux. Voilà la terrifiante réalité ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

Mme la présidente. La parole est à M. Patrice Verchère.

M. Patrice Verchère. L’article 3 est probablement le plus important et le plus dangereux pour le monde rural, car il va mettre un terme à la représentation des territoires ruraux dans les instances départementales en ne prenant pas suffisamment en compte, ainsi que d’autres articles qui suivent, la diversité de nos territoires.

Où est le maintien de la proximité, que vous revendiquez, monsieur le ministre ? Les termes de cet article pourraient laisser penser que vous proposez uniquement la réduction de moitié du nombre de cantons, mais il n’en est rien.

Certes, vous jouez sur l’ambiguïté. Mais si nous pourrions être favorables au regroupement de deux cantons contigus à des fins de rééquilibrage, notamment en milieu rural, nous ne pouvons être que défavorables au découpage tel que vous l’envisagez, car son unique critère est démographique. Ainsi, dans le département du Rhône, hors projet de métropole d’intérêt européen, il n’y aurait plus que vingt-sept cantons d’environ 70 000 habitants chacun, le Rhône rural, soit 70 % de la superficie départementale, n’en comptant plus que sept.

Je vous le demande à nouveau, monsieur le ministre : où est, dans votre texte, le maintien de la proximité que vous revendiquez ? Avec votre nouveau système, les deux tiers en moyenne des nouveaux conseillers généraux seront élus dans les centres urbains. Je ne vois décidément pas où se trouve la proximité dont vous vous réclamez.

Oui, monsieur le ministre, diviser systématiquement le nombre de cantons par deux en fonction du seul critère démographique, même avec les amendements du Sénat instituant une marge de 30 %, signifie que les territoires de montagne comme de nombreux territoires ruraux ne seront presque plus représentés dans les instances départementales. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI.)

Oui, monsieur le ministre, là où la densité de population est faible, l’étendue du canton sera immense. Dès lors, la proximité du conseil général, si nécessaire, prégnante et appréciée par nos concitoyens et dans nos territoires ruraux, ne sera plus qu’un vieux souvenir.

Oui, monsieur le ministre, votre loi est décidément une loi ruralicide.

M. Jean Lassalle. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Marleix.

M. Olivier Marleix. En divisant par deux le nombre actuel de cantons, monsieur le ministre, vous gravez dans le marbre des effectifs de conseillers qui ne reposent absolument sur rien. Prenons l’exemple du département dont je suis conseiller général. Nous sommes trente élus pour 420 000 habitants alors que le département voisin de l’Orne compte quarante élus pour 140 000 habitants de moins. Ces effectifs ne reposent donc sur rien. Vous allez pourtant les graver dans le marbre.

Or de cette règle dépendront désormais beaucoup de choses : le découpage des cantons, l’organisation des territoires et des services publics dans nos départements, la plus ou moins grande disponibilité des élus pour leurs électeurs, la composition du collège électoral sénatorial, fluctuante d’un département à l’autre. Bref, de nombreuses atteintes au principe d’égalité.

Tout cela aurait mérité que vous preniez la peine d’écrire une règle nationale et de définir un critère. Il n’est pas nécessaire que celui-ci soit strictement proportionnel, comme vous l’avez exposé tout à l’heure, monsieur le ministre, même si nous avions réussi à faire voter en notre temps un tableau des effectifs qui, me semble-t-il, y parvenait à peu près correctement.

M. Pascal Popelin, rapporteur. L’un des défauts de votre réforme !

M. Olivier Marleix. Vous auriez pu, monsieur le ministre, choisir un autre modèle. Je vous invite à ouvrir le code général des collectivités territoriales. Il est truffé d’exemples de répartition par strates. Je vous renvoie à l’article L.21-2 du CGCT qui fixe les effectifs des conseils municipaux. On aurait ainsi compris votre démarche. Et vous qui êtes tant attaché au principe d’égalité auriez rétabli un peu d’égalité des effectifs entre départements.

Vous avez fait un autre choix, juridiquement incompréhensible. Comme mon collègue Pierre Morel-A-L’Huissier, j’aurais aimé que vous nous fassiez connaître, monsieur le ministre et monsieur le rapporteur, l’avis du Conseil d’État sur la facilité que vous vous accordez.

Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas Dhuicq.

M. Nicolas Dhuicq. Nous suivons un chemin totalement paradoxal. Vous nous parlez de démocratie, monsieur le ministre, mais en fait vous engendrez la concentration des pouvoirs.

M. Julien Aubert. Parfaitement !

M. Nicolas Dhuicq. En effet, votre découpage des territoires appelés cantons donnera mécaniquement au seigneur central beaucoup plus de pouvoir qu’aux territoires ruraux. Vous concentrez les pouvoirs. Peut-être les féodaux et barons territoriaux qui ont élu l’actuel monarque républicain demandent-ils leur dû ? Et comme les caisses de l’État sont vides et qu’on ne trouve à Bercy aucun louis d’or, il faut donner le change. On modifie donc les rythmes scolaires faute de pouvoir augmenter les enseignants et on découpe les territoires ruraux en concentrant les pouvoirs uniquement sur la ville.

M. Jean Lassalle. Très bien !

M. Nicolas Dhuicq. Autrement dit, on procède à une concentration absolue des pouvoirs en peu de mains en lieu et place de la démocratie de proximité, souvent bénévole, bien connue des maires ruraux. Dans ma circonscription de 218 communes, cela donne 75 communes et deux élus par canton. Vous créez l’anarchie, le désordre et attentez gravement à la République ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

M. Guillaume Larrivé. Bravo !

Mme la présidente. Je suis saisie de huit amendements identiques, nos 13, 60, 114, 145, 163, 183, 279 et 378.

La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 13.

M. Xavier Breton. Cet amendement vise à supprimer l’article 3, qui ajoute au code électoral un article L.191-1 ainsi rédigé : « Le nombre de cantons est égal, pour chaque département, à la moitié du nombre de cantons existants au 1er janvier 2013. » Autrement dit, on fait disparaître la moitié des cantons dans notre pays. En une époque difficile en termes économiques et sociaux, n’y a-t-il pas d’autres priorités que cette suppression de cantons ? Nous ferions mieux, en effet, de concentrer nos efforts et nos débats sur des priorités et des urgences économiques.

Nous allons donc supprimer un échelon qui bien souvent reste un repère, on le voit dans nos départements. Dans celui de l’Ain où je suis élu, les cantons de la Bresse ont encore une réalité. Et on en supprimerait la moitié ? C’est, me semble-t-il, un signal très négatif à une époque où au contraire on devrait plutôt chercher à consolider les repères, territoriaux en particulier.

Décidément, on voit bien que ce qui est recherché, c’est simplement un redécoupage à la main du parti socialiste. C’est pourquoi cet amendement propose la suppression de l’article 3.

Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Marleix, pour soutenir l’amendement n° 60.

M. Olivier Marleix. Défendu.

Mme la présidente. La parole est à M. Éric Ciotti, pour soutenir l’amendement n° 114.

M. Éric Ciotti. Cet amendement vise à supprimer l’article 3 qui divise par deux le nombre de cantons tout en maintenant le nombre d’élus. Nos concitoyens avaient compris, accepté et approuvé la division par deux du nombre d’élus territoriaux, tant départementaux que régionaux, au profit de la création du conseiller territorial, envisagée par le précédent gouvernement.

Mme Carole Delga. À tel point que vous n’avez pas été réélus !

M. Éric Ciotti. Vous avez recréé un nombre conséquent d’élus, ce qui est d’ailleurs en contradiction majeure avec la nécessité de diminuer nos dépenses publiques, tout en supprimant un nombre important de cantons, ce qui n’est pas le moindre des paradoxes. Ce n’est pas ce que souhaitaient nos concitoyens. Vous affaiblissez par là même, comme cela a été rappelé, le lien entre l’élu et le territoire tout en débouchant sur des paradoxes et des contradictions majeurs puisque vous figez les disparités historiques issues de la création des cantons.

Demain, certains cantons compteront 70 000 habitants. Quelle peut en être la logique ? Il en résultera des disparités au sein même des régions. Ainsi, dans la région Provence-Alpes-Côte d’azur, les Hautes-Alpes compteront un canton pour 9 000 habitants et les Bouches-du-Rhône un pour 68 000 habitants. En Rhône-Alpes, l’Ardèche en comptera un pour 18 500 habitants et le Rhône un pour 64 000. Quelle est la cohérence ? Quelle est la logique ? Ce système brutal est un mauvais système pour les territoires et pour la démocratie.

M. Jean-François Mancel. Très juste !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n° 145.

M. Jean-Frédéric Poisson. Il s’agit également d’un amendement de suppression. Je m’associe à ce que mes collègues viennent de dire et voudrais asseoir cette position en revenant sur un propos que vous avez tenu tout à l’heure, monsieur le ministre, relatif au fait que les cantons cesseraient désormais d’être les entités administratives qu’ils étaient naguère. Il me semble que, dans l’immense majorité des cas, le canton actuel représente un bassin de vie qui a perduré jusqu’à nos jours. À défaut d’être des entités administratives, présentent-ils une cohérence territoriale dans laquelle la population se reconnaît.

En outre, sur le plan administratif et même si l’ancien système des chefs-lieux de canton n’a plus cours, les élus franciliens que vous êtes, monsieur le ministre et monsieur le rapporteur de la commission des lois, savent bien que l’élaboration des schémas de cohérence territoriale, en particulier dans notre région mais pas seulement, respecte les limites cantonales. Vous savez les difficultés que les élus locaux, en particulier les conseillers généraux mais aussi les maires, ont rencontrées pour élaborer ces documents d’urbanisme très complexes, très longs et qui nécessitent parfois des équilibres extrêmement subtils auxquels on ne peut aboutir sans un minimum de respect de la cohérence des bassins de vie parfois définis par les limites cantonales. Vous vous apprêtez, avec votre redécoupage, à remettre en cause un certain nombre de choses.

M. François de Rugy. Sûrement pas !

M. Jean-Frédéric Poisson. Si, monsieur de Rugy ! Ce que je dis n’est peut-être pas vrai chez vous mais l’est chez moi. Respectez au moins la diversité des situations, s’il vous plaît, et parlez de ce que vous connaissez, pour changer.

Ainsi, ce découpage territorial ne respecte ni la cohérence géographique ni un certain nombre d’exigences territoriales aujourd’hui portées par les documents d’urbanisme. C’est une raison supplémentaire de voter cet amendement de suppression. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Julien Aubert, pour soutenir l’amendement n° 163.

M. Julien Aubert. Je crois que cette mitose cantonale…

M. Manuel Valls, ministre. Qu’est-ce ?

M. Julien Aubert. La mitose, en biologie, désigne la division des cellules en deux.

M. Jean Launay. Oui, merci.

M. Julien Aubert. Cette mitose cantonale n’a aucun sens.

M. Manuel Valls, ministre. C’est prétentieux !

M. Pascal Popelin, rapporteur. Et ampoulé !

M. Julien Aubert. Vous me demandez ce que c’est, je vous réponds.

M. Jean-Frédéric Poisson. C’est pédagogue !

M. Julien Aubert. Quel est aujourd’hui le problème de la décentralisation ? C’est le nombre de structures : commune, EPCI, département, région. Le problème, c’est le nombre d’élus, qui a crû démesurément depuis 1982 à l’échelon local ! Résolvez-vous la première question ? Non, car le nombre de structures demeure inchangé. Résolvez-vous la deuxième question ? Non, car le nombre d’élus augmente. Dès lors, à quoi sert la division par deux du canton, sinon à traumatiser les territoires ruraux ?

M. Jean Lassalle. Voilà !

M. Xavier Breton. C’est vrai !

M. Julien Aubert. Quel est l’intérêt, du point de vue de la décentralisation, de diviser par deux le nombre de cantons ? Cette question reste en suspens faute de réponse. En somme, vous voulez tout changer pour que rien ne change.

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Oui, on connaît !

M. Julien Aubert. Eh oui ! C’est bien cela ! On attire le serpent à plumes avec un peu de riz et on masque la réalité de la chose ! Vous n’avez pas de réforme de la décentralisation ! La vraie réforme de la décentralisation, courageuse et que je voterais avec plaisir à vos côtés, consisterait à prendre le problème de la décentralisation à bras-le-corps, c’est-à-dire admettre que c’est un véritable millefeuille, que plus personne ne s’y retrouve, qu’on a créé des structures dans tous les sens et qu’il faut rationaliser tout cela en réduisant le nombre d’élus dans un contexte de réduction de la dépense publique.

Le vrai problème, nos concitoyens le soulèvent quand ils font observer que notre pays compte proportionnellement beaucoup plus d’élus que les autres, qui tous autant qu’ils sont leur demandent de se serrer la ceinture ! C’est cela le vrai sujet et non le canton, qui ne vous a rien demandé. J’ai l’impression que vous avez un petit problème avec l’héritage napoléonien mais, de grâce, épargnez-vous cette peine inutile !

Mme la présidente. La parole est à M. Christophe Guilloteau, pour soutenir l’amendement n° 183.

M. Christophe Guilloteau. Je voudrais, monsieur le ministre, vous parler, comme mon collègue, du département du Rhône aux 54 cantons que votre réforme réduirait à 27. Il se trouve que j’ai dans ma circonscription un excellent conseiller général socialiste, classiquement instituteur et candidat contre moi, charmant garçon élu d’un canton de 12 000 habitants. Celui-ci, nécessairement, est appelé à être agrandi, évidemment pas dans la Loire qu’il jouxte et donc d’une partie de la circonscription de M. Verchère et d’une partie de la mienne. Eh bien ! Bernard Chaverot, grâce à vous, a la certitude d’être battu !

M. Kléber Mesquida. Ne vendez pas la peau de l’ours !

M. Christophe Guilloteau. Il a été battu dans sa propre commune lorsqu’il a été candidat contre moi.

Ainsi, ce genre de méthode, pour sympathique qu’elle se prétende, n’en signe pas moins l’arrêt de mort des cantons ruraux. Je maintiens que ce conseiller général est un bon conseiller général. Il n’a pas été élu parce qu’il est socialiste mais parce qu’il est un bon conseiller général. Et grâce à vous, monsieur le ministre, il n’existera plus.

M. Paul Molac. Ce n’est donc pas une loi politicienne !

M. Christophe Guilloteau. Je crois que ce genre de méthode, vue depuis la place Beauvau, n’est pas satisfaisant pour les zones rurales. Elle aboutira à détruire la représentation locale.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Decool, pour soutenir l’amendement n° 279.

M. Jean-Pierre Decool. Il est défendu.

Mme la présidente. La parole est à M. François Sauvadet, pour soutenir l’amendement n° 378.

M. François Sauvadet. Le plus gros reproche que l’on puisse faire aux membres de la majorité ici présents, c’est d’avoir avancé masqués durant les élections. Vous dénonciez la grave menace qu’était censé représenter le conseiller territorial à l’égard de la représentation des territoires ruraux,…

M. Kléber Mesquida. On adit qu’on l’s supprimerait !

M. François Sauvadet. …mais sans jamais indiquer ce que vous aviez l’intention de faire sur ce point. Jamais nous ne vous avons entendus, durant la campagne électorale, annoncer que vous alliez présenter un binôme. Jamais nous ne vous avons entendus dire que l’instauration d’un binôme allait multiplier par deux le problème que vous dénonciez hier, avec d’immenses circonscriptions électorales.

Mais les temps changent, et vous allez vous trouver confrontés aux réalités que vous avez vous-mêmes votées. La suppression de la moitié des cantons – ils vont passer de 4 000 à 2 000 – ne se résume pas au rapprochement de deux cantons ruraux : cela va se traduire par des situations beaucoup plus préoccupantes. Dans ma circonscription, six cantons vont être réunis en un seul, de 50 kilomètres du nord au sud et d’est en ouest, et plus de 110 communes.

M. Thierry Benoit. Et le développement durable ? Qu’en disent les écologistes ?

M. François Sauvadet. J’ai fait un calcul : il ne restera plus que six cantons pour représenter les deux tiers du département, c’est-à-dire 500 communes. Quand vous évoquez un rapprochement des citoyens avec le binôme, on en est loin ! En réalité, vous ne faites qu’aggraver ce que vous dénonciez hier.

On ne bâtit pas l’avenir d’un pays sur un mensonge, monsieur le ministre, on ne le bâtit pas sur des ambiguïtés, mais sur la base de comportements clairs. Ce soir, j’aimerais obtenir des précisions sur les conditions dans lesquelles vous allez le faire – vous avez déjà apporté quelques éléments –, mais surtout sur les délais.

En tout état de cause, puisque vous en avez ainsi décidé, et que le parti socialiste s’apprête à imposer cette décision à la France, nous voulons savoir dans quel délai vous envisagez de redécouper les cantons. En tout cas, j’estime que nous avons le droit de le savoir avant les élections sénatoriales, car vous devez assumer, devant le peuple et ses élus, le choix que vous faites de mettre à mort les territoires ruraux et de multiplier par deux le problème que vous dénonciez naguère. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI et sur quelques bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur cette série d’amendements identiques ?

M. Pascal Popelin, rapporteur. Ces amendements de suppression sont liés à l’opposition qui a été manifestée, dans le cadre de l’article 2, à ce mode de scrutin. La division du nombre de cantons par deux est la conséquence de l’instauration du binôme paritaire. Certes, le nombre de cantons va être divisé par deux, mais le nombre d’élus ne changera pas.

M. Julien Aubert. Si, il va augmenter !

M. Pascal Popelin, rapporteur. Il augmentera un peu, ce qui constituera un facteur d’amélioration de la proximité : 4 % sur la totalité du nombre de conseillers départementaux.

M. Julien Aubert. Merci de le reconnaître !

M. Pascal Popelin. Ce n’est pas un secret, il suffisait pour le savoir de lire le rapport, où il est bien indiqué qu’il y aura une augmentation de 4 % du nombre de conseillers départementaux. Au demeurant, je m’étonne que des élus qui, depuis le début de ce débat, protestent contre l’éloignement censé résulter d’un redécoupage, prétendent ensuite regretter qu’il y ait quelques conseillers départementaux supplémentaires afin de compenser le redécoupage.

Je vous ai cité, en première lecture, les propos d’un membre du gouvernement précédents d’où il ressortait que le redécoupage aurait eu lieu exactement dans les mêmes conditions s’il avait accompagné la création du conseiller territorial. (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI.) La commission est donc défavorable à ces amendements.

M. François Sauvadet. Ce n’est pas la même chose !

M. Thierry Benoit. Le ministre va rectifier !

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Manuel Valls, ministre. Le ministre ne va rien rectifier du tout : il se retrouve tout à fait dans les propos que vient de tenir le rapporteur, comme cela a été le cas depuis le début de ce débat. L’article 3 du projet de loi est la conséquence du mode de scrutin binominal, dont le principe est posé à l’article 2. Sans la disposition prévue à cet article, l’introduction du scrutin binominal entraînerait, comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire, le doublement du nombre de conseillers départementaux. Par cohérence, je m’oppose donc à ces amendements de suppression.

Je vous précise, monsieur Sauvadet, que les premiers projets seront transmis, après promulgation de la loi, aux conseils généraux, qui auront à donner leur avis. Pour des raisons que nous avons déjà évoquées, il faut que le processus soit achevé au début de l’année 2014, avant les municipales et surtout un an avant les élections départementales et régionales de 2015 – puisque les derniers décrets devront être promulgués au plus tard en mars 2014. Dans un processus de consultation et de concertation associant les présidents de conseils départementaux et les grands élus, les conseils départementaux donneront leur avis, ce qui constituera une avancée importante. Les projets seront transmis au fur et à mesure au Conseil d’État et nous disposerons ainsi de plusieurs mois pour mener à bien le travail de concertation et de découpage que nous avons prévu.

Vous vous évertuez à nier la pertinence des critères retenus pour le découpage, ce qui est votre droit. Ici même, des élus de la majorité comme de l’opposition ont défendu avec force la représentation des territoires ruraux – certains d’entre eux représentent d’ailleurs, en tant que conseillers généraux, les territoires qu’ils défendent, leurs habitants, leurs électeurs. En tout état de cause, je pense qu’une fois le processus de découpage commencé, nous pourrons travailler sereinement.

Je ne peux conclure sans répondre à M. Lassalle, pour qui j’ai beaucoup de respect. Même si vous n’étiez pas favorable au projet présenté par le gouvernement précédent, monsieur Lassalle, je veux vous rappeler que le Gouvernement actuel et, je n’en doute pas, l’ensemble des élus, sont fortement mobilisés contre la crise et ses conséquences en matière de précarité, auxquelles sont exposés tous les territoires – je dis bien tous les territoires, et pas seulement les territoires ruraux…

M. Jean Lassalle. C’est vrai !

M. Manuel Valls, ministre. …car certains territoires urbains connaissent, eux aussi, des difficultés depuis de nombreuses années.

M. Thierry Benoit. Oui, toute la France connaît ces difficultés !

M. Manuel Valls, ministre. Au demeurant, ces distinctions ne sont pas toujours justifiées. Ainsi, mon ancienne circonscription située dans le département de l’Essonne, aujourd’hui représentée par M. Da Silva, comprend elle aussi une partie rurale. J’aime beaucoup les Pyrénées, notamment vos vallées, monsieur Lassalle, mais, depuis des années, personne n’a le monopole des difficultés ! Cependant, si le Gouvernement et le Parlement commencent à retirer tous les textes de loi, à s’interdire toutes les actions qui ne sont pas au cœur de ces préoccupations, je crains qu’un certain nombre d’entre vous ne se retrouvent au chômage technique !

De toute façon, un découpage était inévitable, les deux candidats du deuxième tour de l’élection présidentielle ayant pris des engagements sur l’introduction d’une dose de proportionnelle. Sur ce sujet important, la manière dont la plupart d’entre vous défendent leurs amendements montre la passion qui les anime. Oui, ce texte représente un véritable changement, un changement que nous assumons pleinement et qui va permettre une représentation de tous les territoires grâce à l’introduction de critères permettant notamment une bonne représentation de la ruralité, de la montagne, du littoral et des îles, tout en tenant compte de l’étendue des cantons et des communes…

M. François Sauvadet. Non ! C’est un mensonge !

M. Manuel Valls, ministre. …et en imposant la parité. Sur ce dernier point, nous différons. Mis nous en avons déjà débattu.

Mme la présidente. La parole est à M. Julien Aubert.

M. Julien Aubert. Il est une contrevérité que l’on ne peut laisser dire, monsieur le rapporteur. Je suis heureux que vous ayez verbalisé une réalité, celle selon laquelle le grand changement de cette réforme est d’avoir créé 160 postes d’élus supplémentaires, des postes évidemment rémunérés – dans le contexte d’austérité que nous connaissons, où l’on demande des efforts aux Français, ceux-ci apprécieront, et ne manqueront pas de le faire savoir lors des prochaines élections.

En tout état de cause, prétendre qu’en augmentant le nombre d’élus, ce projet de loi améliore la proximité, est tout à fait faux ! Dans un canton comprenant, d’une part, une ville de 35 000 habitants et, d’autre part, 15 000 habitants dispersés sur un territoire pouvant faire trente ou quarante kilomètres, dans des villages de 150 habitants, comment voulez-vous mettre en place un binôme ?

Si l’on est intelligent et rationnel…

M. Pascal Popelin, rapporteur. Cela peut arriver !

M. Julien Aubert. …on va avoir tendance à prendre un homme et une femme provenant de la ville-centre, qui représente 35 000 habitants sur les 50 000 que compte au total le canton, soit 70 %.

M. Jean Lassalle. Exactement !

M. Julien Aubert. Ce n’est pas parce que vous avez un élu de plus que celui-ci va représenter le petit village situé à trente ou quarante kilomètres de la grande ville.

M. Jean Lassalle. Eh non !

M. Julien Aubert. L’obligation de parité va d’ailleurs compliquer les choses, car on a beaucoup de mal à trouver une candidate dans les petits villages : c’est l’oiseau rare ! Il est faux de prétendre qu’en créant des élus supplémentaires, vous allez créer de la proximité. En réalité, c’est le contraire : vous diminuez la proximité et créez plus d’élus, tout en supprimant un canton sur deux pour qu’à la fin, tout paraisse inchangé – sauf qu’entre-temps, les charges publiques se seront accrues.

M. Thierry Benoit. Très bien !

(Les amendements identiques nos 13, 60, 114, 145, 163, 183, 279 et 378 ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n° 146.

M. Jean-Frédéric Poisson. Je reviens sur une bizarrerie dont je m’étais déjà étonné en première lecture, monsieur le rapporteur, à savoir votre volonté d’arrondir le résultat de la division par deux du nombre de cantons au nombre impair supérieur, et non pas à l’unité immédiatement supérieure. Si j’ai bonne mémoire, vous m’aviez répondu que, compte tenu de la nécessité d’assurer une majorité au sein des assemblées départementales, il convenait de procéder ainsi.

De ce fait, quand nous avons aujourd’hui dix-neuf cantons, il faut désormais qu’il y en ait non pas dix onze, c’est-à-dire dix-neuf divisé par deux et arrondi à l’unité impaire supérieure. Votre réponse m’a étonné, car le système proposé induit une augmentation du nombre de conseillers généraux dans un certain nombre de départements : dans tous les départements où il y a aujourd’hui un nombre impair de cantons, il y aura une augmentation d’au moins deux unités du nombre de conseillers généraux.

Par ailleurs, je me souviens des débats qui se sont engagés entre différents groupes de la majorité au moment de la présentation de cet amendement en première lecture. Vous aviez eu à cœur de répondre à vos collègues appartenant à d’autres groupes de la majorité que la formation des binômes de conseillers généraux n’avait pas nécessairement vocation à rassembler deux personnes issues d’une même formation politique. Mais alors, quelle option faut-il choisir, monsieur le rapporteur ? Doit-on considérer que la majorité départementale serait acquise en élevant de deux unités le nombre obtenu par la division par deux du nombre de cantons actuellement existant – ce qui procure effectivement une majorité arithmétique assurée ? Cependant, si le binôme est constitué de personnes issues de formations politiques différentes, il n’est pas du tout certain que votre majorité départementale puisse fonctionner, si l’on se réfère à ce que l’on peut d’ores et déjà observer dans un certain nombre d’assemblées parlementaires en termes d’équilibre majoritaire – tout le monde a connu ça.

Enfin, votre système n’est pas non plus convaincant dans la mesure où, inversement, il pourrait conduire à la permanence d’un nombre pair de conseillers généraux. Aucune des dispositions que vous proposez en matière de formation des binômes – ni sur le plan arithmétique, ni sur le plan politique – ne permet d’assurer aucune espèce de majorité : c’est même l’inverse.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pascal Popelin, rapporteur. Cet amendement est qualifié d’amendement « arithmétique » dans son exposé sommaire. Or, il est fondamentalement politique, comme votre explication vient de le montrer, mon cher collègue.

J’ai toujours dit que le fait d’arrondir à l’unité impaire supérieure avait pour objet de favoriser l’émergence d’une majorité politique. Il est vrai qu’à partir du moment où l’on a un nombre impair de cantons, la chance est grande d’avoir une majorité politique d’au moins deux conseillers en faveur d’un camp, par exemple pour l’élection du président du conseil général. Cette différence ne se maintiendra pas forcément par la suite. Au moins, en tant que législateurs, nous devons avant tout nous préoccuper de créer les conditions favorisant l’émergence d’une majorité politique dans l’immense majorité des cas. Voilà ce qui justifie que la commission ait rejeté l’amendement n° 146.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Manuel Valls, ministre. Même avis.

(L’amendement n° 146 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Morel-A-L’Huissier, pour soutenir l’amendement n° 370.

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Il est défendu, madame la présidente. Permettez-moi toutefois de profiter d’avoir la parole pour poser à nouveau la question à M. le ministre : qu’a dit le Conseil d’État sur la division linéaire homogène du nombre de cantons dans chaque département ? A-t-il émis un avis différencié, particulier à ce sujet ? Je ne comprends pas pourquoi le ministre ne divulgue pas l’avis du Conseil d’État et je souhaiterais une réponse précise de sa part.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pascal Popelin, rapporteur. Défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Manuel Valls, ministre. Même avis. Je ne suis pas ici pour être le porte-parole du Conseil d’État.

(L’amendement n° 370 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements, nos 134 et 135, qui peuvent faire l’objet d’une présentation commune.

La parole est à M. Julien Aubert pour les présenter successivement.

M. Julien Aubert. L’amendement n° 134 permet d’aller dans le sens du Gouvernement, qui souhaite que soient présentés des binômes composés d’un homme et d’une femme. Pour être absolument exact, puisque les femmes représentent 51,5 % de la population, il faudrait présenter un binôme de deux femmes dans un canton surnuméraire. Nous serions ainsi en parfaite adéquation avec la réalité sociologique et biologique de la population, puisque tel est le désir porté par ce projet.

L’amendement n° 135 est un amendement de cohérence. Il faudrait que le nombre de cantons soit défini de manière transparente et objective. Les situations sont aujourd’hui très diverses d’un département à l’autre, certains comptant beaucoup plus de cantons que d’autres, où ce nombre est insuffisant. Vous divisez par deux le nombre de cantons existant au 1er janvier 2013 en corrigeant cette modification par l’application d’un seuil minimal, lequel aura à son tour d’autres répercussions.

Il est possible de procéder plus simplement en retenant le ratio de la population départementale rapportée à la population nationale pour définir le nombre de cantons d’un département. C’est cela, l’égalité.

(Les amendements nos 134 et 135, repoussés par la commission et le Gouvernement et successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements identiques, nos 35, 131 et 147.

La parole est à M. Guillaume Larrivé, pour soutenir l’amendement n° 35.

M. Guillaume Larrivé. Il est défendu.

Mme la présidente. La parole est à M. Julien Aubert, pour soutenir l’amendement n° 131.

M. Julien Aubert. L’effet de seuil a un caractère quelque peu pernicieux : dans le département du Vaucluse, qui compte aujourd’hui 24 cantons et donc 24 élus, l’application du seuil de dix-sept cantons pour un département comptant plus de 500 000 habitants porte le nombre d’élus à 34, soit dix élus supplémentaires.

Ce constat nous renvoie à ce qui a déjà été dit précédemment sur la nécessité de réduire le nombre d’élus, afin d’aller dans le sens de ce que souhaitent nos concitoyens. Il renvoie également à la règle la plus logique, balayée d’un avis défavorable de la commission : si vous voulez procéder à un changement, autant repartir à zéro, puisque le découpage actuel n’est pas cohérent d’un département à l’autre. Par conséquent, retenons à cette fin des critères démographiques relativement homogènes au moment T. C’est à mon sens beaucoup plus logique que d’essayer de rééquilibrer un système déséquilibré au moyen notamment de seuils, dont les effets sur chaque département seront difficiles à évaluer. Du reste, un tel procédé conduit à des résultats assez contradictoires avec la politique de rigueur que mène aujourd’hui le Gouvernement.

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Le Mèner, pour soutenir l’amendement n° 147.

M. Dominique Le Mèner. Cet amendement nous donne à nouveau l’occasion de mettre le doigt sur l’incohérence du principe de découpage retenu par le texte. Un tel découpage va évidemment entraîner un charcutage parce qu’il va déséquilibrer les territoires.

Monsieur le ministre, j’avais accepté lors de la première lecture de vous accorder la présomption d’innocence, mais vous ne fixez pas de critères de découpage. D’ailleurs, si le ministère de l’intérieur était réellement impartial en la matière, cela se saurait depuis longtemps…

M. Manuel Valls, ministre. Je ne vous permets pas de dire cela !

M. Dominique Le Mèner. La vérité, c’est que vous allez procéder au redécoupage des départements en fonction des territoires en retenant un critère non pas démographique, puisque ce serait totalement inégalitaire, mais politique. Ce critère ne sera même pas administratif puisqu’aucune règle ne force à reprendre une communauté de communes, une commune ou un territoire ; c’est le sens des amendements déposés au sujet des villes.

Le rapporteur répondait tout à l’heure à un certain nombre de préoccupations exprimées au sujet de la proportionnelle, de l’intérêt de constituer un binôme pour représenter un territoire et, dans le même temps, expliquait qu’il y aurait un rapprochement des élus de ces territoires. Je me demande s’il y a vraiment une cohérence d’ensemble au sein de ce texte.

Vous avez beau affirmer que ce dispositif se tient et que c’est une vérité d’avoir procédé à un premier redécoupage en divisant le nombre de cantons de chaque département par deux, cela n’a aucun sens. Une telle division conduit nécessairement à du charcutage. Vos explications masquent en réalité votre volonté de procéder à un charcutage politique : telle est malheureusement, monsieur le ministre, le véritable objet de votre texte.

(Les amendements identiques nos 35, 131 et 147, repoussés par la commission et le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n° 19.

M. Pascal Popelin, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Manuel Valls, ministre. Favorable.

(L’amendement n° 19 est adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Morel-A-L’Huissier, pour soutenir l’amendement n° 369.

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Il s’agit de compléter l’alinéa 3 de l’article 3 par la phrase suivante : « Le redécoupage des cantons doit tenir compte des réalités de terrain et des particularités de certains départements. » Cette phrase est nécessaire pour éviter que le critère exclusivement démographique ne conduise à une organisation territoriale qui ne convient pas à la réalité de notre territoire. Il faut tenir compte de la spécificité des territoires.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pascal Popelin, rapporteur. Permettez-moi de répéter ce que j’avais énoncé dans mon propos de présentation pour ne pas avoir à y revenir ensuite : l’amendement qui a été proposé par le Gouvernement et introduit en commission en deuxième lecture et qui fait la synthèse des différents points que nous avons pu aborder au sujet de l’organisation du découpage cantonal et des exceptions prévues est tout à fait suffisant. Il n’est pas opportun d’aller au-delà. La commission a donc émis un avis défavorable sur l’ensemble des amendements relatifs à cette question.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Manuel Valls, ministre. Même avis.

(L’amendement n° 369 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Morel-A-L’Huissier, pour soutenir l’amendement n° 371 rectifié.

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Il est défendu.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pascal Popelin, rapporteur. Défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Manuel Valls, ministre. Défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Julien Aubert.

M. Julien Aubert. Cet amendement, qui me semble important, mériterait qu’on s’y arrête une minute.

Dans une commune de 30 000 habitants comme – au hasard – la ville de Carpentras –, l’existence de deux cantons, qui se superposent à deux circonscriptions législatives est assez traumatisante pour les électeurs. Ils ont des difficultés à comprendre pourquoi ils ont un député et un conseiller général différents en fonction du quartier dans lequel ils habitent. Au moment des élections cantonales, comme il y a six ou sept candidats dans chaque canton, près de quatorze candidats se retrouvent à tracter sur le petit marché d’une petite ville de 30 000 habitants.

Quel est l’intérêt de découper une commune aussi petite en plusieurs cantons ? Un tel découpage est pertinent pour des grandes villes comme Marseille ou Avignon, dans lesquelles un canton ne peut pas à lui seul inclure l’ensemble de la population, mais il crée de l’incompréhension à l’égard du fait politique dans les communes néorurales ou périurbaines, sans pour autant apporter un quelconque bénéfice. C’est la raison pour laquelle j’estime que cet amendement est intelligent.

(L’amendement n° 371 rectifié n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 301.

M. Xavier Breton. Cet amendement est très important, puisque l’article 3, dans sa rédaction actuelle, prévoit la suppression de la moitié des cantons. Il précise un certain nombre de règles quant à l’élaboration des futurs cantons ainsi redécoupés. Il s’agit ici de prévoir une marge suffisante en termes de population dans la définition des futurs cantons.

Cette marge a d’abord été fixée à 20 % puis à 30 %. Nous voudrions que ce chiffre soit plus important encore pour éviter la sous-représentation des territoires ruraux. Cet amendement vise donc à compléter l’article par l’alinéa suivant : « La population de chaque canton nouvellement défini est égale à la moyenne de celle des cantons du département ajustée d’une marge comprise entre moins et plus 40 % ». Une telle marge permettra en effet une meilleure prise en compte des territoires ruraux. Tel est l’objet de cet amendement.

(L’amendement n° 301, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

(L’article 3, amendé, est adopté.)

2

Ordre du jour de la prochaine séance

Mme la présidente. Prochaine séance, mercredi 27 mars à quinze heures :

Questions au Gouvernement ;

Proposition de loi prohibant la différence de taux de sucre outre-mer ;

Suite de la discussion commune, en deuxième lecture, du projet de loi relatif à l’élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers communautaires, et modifiant le calendrier électoral et de la discussion du projet de loi organique relatif à l’élection des conseillers municipaux, des conseillers communautaires et des conseillers départementaux.

La séance est levée.

(La séance est levée, le mercredi 27 mars 2013, à zéro heure cinquante-cinq.)