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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2012-2013

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du mercredi 24 avril 2013

SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE

SOMMAIRE


Présidence de M. Denis Baupin

1. Sécurisation de l’emploi

Commission mixte paritaire

Présentation

M. Jean-Marc Germain, rapporteur de la commission mixte paritaire

M. Michel Sapin, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Discussion générale

M. Gérard Sebaoun

M. Gérard Cherpion

M. Arnaud Richard

M. François de Rugy

Mme Jeanine Dubié

Mme Jacqueline Fraysse

M. Denys Robiliard

Texte de la commission mixte paritaire

Explications de vote

M. Gérard Sebaoun, Mme Isabelle Le Callennec, M. Arnaud Richard, M. François de Rugy, Mme Jeanine Dubié, M. Marc Dolez

Vote sur l’ensemble

1. Infrastructures et services de transport

Commission mixte paritaire

Présentation

Mme Catherine Beaubatie, rapporteure de la commission mixte paritaire

M. Benoît Hamon, ministre délégué chargé de l’économie sociale et solidaire et de la consommation

M. Jean-Paul Chanteguet, président de la commission du développement durable

Discussion générale

M. Bertrand Pancher

M. François-Michel Lambert

Mme Jeanine Dubié

M. Patrice Carvalho

M. Florent Boudié

M. Martial Saddier

M. Fabrice Verdier

M. Jean-Marie Sermier

M. Richard Ferrand

Texte de la commission mixte paritaire

Explications de vote

M. Bertrand Pancher, M. François-Michel Lambert, M. Florent Boudié, M. Marc Le Fur

Vote sur l’ensemble

3. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Denis Baupin
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

1

Sécurisation de l’emploi

Commission mixte paritaire

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion sur le rapport de la commission mixte paritaire du projet de loi relatif à la sécurisation de l’emploi (n° 980).

Je rappelle que la conférence des présidents a décidé que le vote sur ce texte donnerait lieu à un scrutin public.

Présentation

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Germain, rapporteur, rapporteur de la commission mixte paritaire.

M. Jean-Marc Germain, rapporteur de la commission mixte paritaire. Monsieur le président, monsieur le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, chers collègues, nous voici au terme de la discussion du projet de loi de sécurisation de l’emploi. La commission mixte paritaire réunie hier a adopté le texte final qui nous est soumis aujourd’hui. Relativement à l’ampleur du texte, peu de dispositions restaient finalement en discussion. Nous avons réintroduit les clauses de désignation, que le Sénat avait supprimées, et rétabli la nouvelle consultation sur les stratégies d’entreprise avec les améliorations introduites par le Sénat en commission.

Le projet de loi dont nous achevons l’examen est l’un des textes les plus importants du quinquennat, à double titre. Il est important car la profonde réforme du marché du travail qu’il engage constitue, avec la réorientation de l’Europe vers la croissance et le pacte de compétitivité, l’un des trois piliers de notre stratégie de redressement. Après les emplois jeunes et les contrats d’avenir, plusieurs engagements forts du programme présidentiel trouvent ainsi leur traduction dans le pays.

Je pense d’abord à l’engagement n° 35. « Pour dissuader les licenciements boursiers, avait promis François Hollande, nous renchérirons le coût des licenciements collectifs ». Engagement tenu : l’article 13 du projet de loi réforme la procédure relative aux plans de sauvegarde de l’emploi en ce sens et l’article 14 crée une obligation de recherche d’un repreneur en cas de fermeture d’un site rentable.

Je pense aussi à l’engagement n° 24. « Je lutterai contre la précarité qui frappe avant tout les jeunes, les femmes et les salariés les moins qualifiés », avait aussi dit François Hollande. À cette fin, ajoutait-il, « j’augmenterai les cotisations chômage sur les entreprises qui abusent des emplois précaires et mettrai en place la sécurisation des parcours professionnels ». Engagement tenu : ce sont les articles 1er, 2 et 5 sur les droits portables à la santé, la formation et l’indemnisation du chômage, les articles 3 et 10 sur la sécurisation des mobilités et les articles 7 et 8 favorisant les emplois en CDI et luttant contre les temps partiels subis.

Je pense enfin à l’engagement n° 55. « Je permettrai la présence des salariés dans les conseils d’administration des grandes entreprises ». Engagement tenu, plus que tenu : c’est l’article 5, mais aussi, au-delà même des grandes entreprises, l’association étroite des salariés aux stratégies d’entreprise consacrée par les articles 4 et 9 du projet de loi.

Les engagements sont tenus en termes d’objectifs, mais aussi de méthode. Oui, chers collègues, le débat parlementaire était aussi important car il constituait en quelque sorte les travaux pratiques avant l’heure de la nouvelle articulation entre démocratie politique et démocratie sociale voulue par le Président de la République. Cette nouvelle articulation se résume de la manière la plus simple qui soit : la négociation sociale précède et inspire les lois sociales.

C’est cette nouvelle pratique de la démocratie sociale que le Gouvernement comme nous-mêmes parlementaires avons suivie avant l’heure. C’est au fond un mouvement en trois temps. Le premier, c’est celui du Gouvernement qui fixe les objectifs de la négociation : c’est la feuille de route de septembre 2012. Le deuxième, c’est celui des partenaires sociaux : invités à négocier, ils ont abouti à un accord signé par les organisations patronales et trois organisations syndicales représentant 51,15 % des salariés. Le troisième, c’est celui du Parlement. J’ai défendu en votre nom, mes chers collègues, l’idée qu’il devait être aussi important que les premiers. La négociation inspire mais ne remplace pas la loi. Il était d’autant plus légitime de jouer pleinement notre rôle de législateur que nous ne pouvions ignorer que le texte n’a pas recueilli l’accord de deux centrales syndicales importantes, la CGT et Force ouvrière.

Dès lors, c’est sur une voie étroite qu’il nous revenait d’avancer, entre la loyauté vis-à-vis des signataires, et l’écoute des non-signataires afin d’améliorer ce qui pouvait l’être. Je me réjouis que nous y soyons parvenus. La quasi-totalité des questions et des problèmes identifiés lors des auditions ont été réglés par la négociation sociale, par votre travail d’écriture de la loi, monsieur le ministre, et par le travail parlementaire.

C’est la raison pour laquelle je n’accepte pas que ce texte soit qualifié d’« accord MEDEF ». Les attentes du MEDEF, on les connaît : c’était le texte mis sur la table à l’ouverture des négociations le 4 octobre, c’était le mirage de la flexibilité s’appuyant sur le théorème absurde selon lequel les licenciements d’aujourd’hui feraient les emplois de demain, le CDI de projet, la lettre de licenciement non motivée, le juge prié de moins mettre son nez dans les contentieux, des mobilités et le recul des droits sociaux sous la pression et la menace du licenciement. Rien de tout cela ne figure dans le texte que nous allons adopter dans quelques instants, et pour une raison bien simple : depuis le 4 octobre, il y a eu la gomme des syndicats signataires, le crayon de Michel Sapin et le stylo des parlementaires !

Et il y a aujourd’hui la loi qui sera la loi de la République. Une loi qui marque le retour de l’État dans la prévention des licenciements économiques et la lutte contre la flexibilité externe. Aujourd’hui, les PSE sont à la main des employeurs. Demain, selon l’article 13, il faudra recueillir l’accord majoritaire des salariés ou celui de l’administration. Quel changement ! Et avec l’article 14, toute entreprise envisageant la fermeture d’un établissement devra rechercher un repreneur, disposition qui sera bientôt complétée pour lui donner plus de force par une proposition de loi préparée par notre collègue François Brottes complétant dans le code de commerce les nouvelles dispositions du code du travail.

La loi également, et c’est sa deuxième ligne de force, qui réforme en profondeur la gouvernance des entreprises de notre pays en faisant entrer avec voix délibérative les salariés dans les conseils d’administration des plus grandes, en étendant la codécision avec les syndicats à des questions comme le plan de formation, en associant étroitement les représentants du personnel aux stratégies d’entreprise et en leur confiant la responsabilité de contrôler l’usage du crédit d’impôt compétitivité emploi avec un droit d’alerte à la clé. L’objectif est simple : anticiper, saisir les occasions à temps, gérer les difficultés avant qu’il ne soit trop tard et privilégier les emplois sur le sol national.

La loi enfin, et c’est le troisième axe, qui avance vers une sécurité sociale professionnelle : c’est la généralisation de la portabilité des complémentaires santé cofinancées par les employeurs, le compte personnel de formation permettant à chacun de progresser professionnellement et la négociation collective des mobilités professionnelles. Il nous fallait aller vers un modèle social où les droits acquis dans une entreprise peuvent être conservés lorsque l’on en change. C’est ce que nous faisons.

Voilà la colonne vertébrale de cette loi. Ce n’est pas de la flexibilité, ni même de la flexi-sécurité, mais de la « sécuri-sécurité » : on rend plus difficile les licenciements secs, on favorise le maintien dans l’emploi en cas de difficultés et on sécurise les parcours en accompagnant les mobilités internes comme externes, volontaires ou subies, en matière d’accès à la formation, à la santé et de retour à l’emploi. En Allemagne, quand on perd un salarié, on considère que l’on perd une compétence ; en France, on croit que l’on gagne de l’argent.

Mme Isabelle Le Callennec. C’est caricatural !

M. Gérard Cherpion. C’est un peu simpliste !

M. Jean-Marc Germain, rapporteur de la commission mixte paritaire. C’est cela que changera la loi. On peut ou non partager ses orientations. On peut ou non partager le choix de soumettre les licenciements collectifs à un accord des salariés ou de l’administration ou celui de la mutualisation des complémentaires santé. On peut ou non considérer qu’il faut légiférer pour que salariés et employeurs soient à armes égales dans les négociations collectives, et qu’un pas obtenu par la négociation vaut parfois mieux que deux par la contrainte. Ce sont là des débats nobles, que nous avons eus. Mais il est un devoir qui devrait s’imposer à tous les amoureux de la démocratie : le devoir de vérité.

Dire que l’administration ne dispose que de vingt et un jours pour homologuer un accord alors qu’en réalité elle aura entre quatre-vingt-un et cent quarante et un jours, ce n’est pas servir le débat démocratique. Dire que la loi privilégie les compétences dans l’ordre des licenciements alors que l’article 15 n’en comporte nulle trace, ce n’est pas servir la démocratie. Dire que le refus de mobilité entraîne un licenciement pour motif personnel ou que les accords de maintien dans l’emploi seraient les accords de compétitivité emploi voulus par N. Sarkozy alors qu’il n’en est rien, ce n’est pas servir le débat démocratique.

Je préfère les débats de fond qui ont eu lieu dans cet hémicycle. Ils nous ont parfois opposés, parfois réunis aussi, mais ont toujours été respectueux, exigeants et précis. Je veux en remercier mes collègues de tous les bancs. Nous pouvons être fiers de notre contribution à ce texte. Je ne passerai pas en revue les 406 amendements que nous avons adoptés ici et les 140 adoptés au Sénat. Mais nous avons fait notre travail quand, par nos amendements, nous avons étendu la portabilité de la complémentaire santé, donné au compte personnel de formation et au droit à la formation initiale différée un contenu précis et un calendrier serré et introduit un volet handicap dans la stratégie nationale de formation professionnelle.

Nous avons fait notre travail quand nous avons avancé à 2014 l’entrée en fonction des administrateurs salariés et prévu une deuxième étape en la matière avant 2017, encadré les mobilités pour protéger la vie personnelle et créé une obligation triennale de négociation pour la réduction de la proportion d’emplois précaires dans les entreprises. Nous avons fait notre travail quand nous avons exigé la participation aux efforts dans le cadre des accords de maintien dans l’emploi des actionnaires et des dirigeants à la hauteur de leurs moyens et protégé les bas salaires, ou encore quand nous avons veillé à ce que les droits de recours des salariés soient préservés.

Chers collègues, je veux pour conclure adresser un message de mobilisation à tous ceux sur lesquels repose désormais la réussite de la loi. Je pense particulièrement à votre administration, monsieur le ministre, et à son nouveau rôle dans les licenciements économiques, ainsi qu’aux représentants des salariés qui devront se saisir à tous les niveaux, interprofessionnels, de branche ou d’entreprise, des pouvoirs très importants qui leur sont conférés pour sécuriser l’emploi. Leur mobilisation est désormais essentielle pour que la loi de la République devienne la loi des résultats contre le chômage, dans la sécurisation des emplois et pour la performance des entreprises. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

M. Michel Sapin, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les députés, je vous remercie de votre présence. Je voudrais revenir rapidement, après le rapporteur, sur le long mais riche processus qui aura permis de donner corps à la sécurisation de l’emploi. Si près d’aboutir, je veux faire un retour sur ces mois de débat et de négociation, pour mesurer avec vous le chemin parcouru.

Nous n’étions pas si nombreux à croire que nous aboutirions si rapidement à ce texte de progrès, quand nous avons décidé d’en appeler à une grande négociation interprofessionnelle sur tous les sujets du marché du travail, oui, tous les sujets en même temps : lutter contre la précarité sur le marché du travail ; progresser dans l’anticipation des évolutions de l’activité et des compétences ; améliorer les dispositifs de maintien de l’emploi face aux aléas de la conjoncture, pour tourner le dos à cette préférence trop française pour le licenciement ; améliorer les procédures des licenciements collectifs lorsque ceux-ci n’ont pu être évités par les actions d’anticipation ou d’activité partielle, pour concilier un meilleur accompagnement des salariés et une plus grande sécurité juridique pour les entreprises comme pour les salariés.

Tous ces sujets en même temps, donc, à la recherche d’un équilibre global et en s’interdisant de ne traiter que ce qui est facile en laissant de côté les sujets compliqués.

Au terme du parcours, un constat s’impose : ce texte sur la sécurisation de l’emploi est le plus ambitieux du point de vue du périmètre traité depuis 1968. Et nous avons conjuré l’échec de la négociation interprofessionnelle de 1984. Oui, notre pays a renoué avec le progrès par le dialogue social.

Nous n’étions pas si nombreux à croire qu’un équilibre serait trouvé dans cette négociation sociale qui a connu des tensions et des renversements de situation, des séances ajournées et des impasses. Rappelez-vous ce Noël dernier : le délai imparti à la négociation était écoulé et les options des négociateurs paraissaient encore incompatibles. Nous avons choisi de donner quinze jours de plus à la négociation, et les partenaires sociaux sont finalement parvenus à un accord le soir du 11 janvier.

Nous étions déjà plus nombreux à penser que de cet accord pourrait sortir une loi sans ambiguïté. Nous avons réussi, dans un dialogue plus que constant, quasi permanent, avec les partenaires sociaux, à traduire l’accord du 11 janvier en droit, dans la loyauté vis-à-vis du texte des signataires et dans l’écoute des non-signataires, qui ont continué à être associés au processus. Dans ces moments de contact permanent, je me suis dit que le dialogue social à la française était en train de s’affirmer comme une méthode,…

M. Michel Issindou. C’est exact !

M. Michel Sapin, ministre. …de sortir des discours pour entrer dans les faits, dans une pratique concrète et spécifique.

Nous étions nombreux à savoir que le projet de loi passerait le Parlement sans que son délicat équilibre soit dénaturé. Je reconnais que les parlementaires – j’en rends hommage au rapporteur et à l’ensemble des députés, de quelque groupe que ce soit, qui y ont travaillé – ont dû composer avec ce projet de loi issu du texte des acteurs eux-mêmes, dans lequel chaque mot a été pesé, équilibré ; mais nous avons montré, vous avez montré que la démocratie politique savait accueillir en son sein la démocratie sociale, lui faire une place, la respecter. Cependant, jamais le Parlement n’a cédé sa prééminence, jamais la démocratie politique n’a été supplantée. Le travail en commission puis en séance, ici comme au Sénat, a permis une étude minutieuse de chaque point et des améliorations dans la fidélité. À ceux qui ont dit que le Parlement n’était pas une chambre d’enregistrement, vous avez répondu que c’était tout à fait exact, et vous l’avez prouvé.

Sur la généralisation de la complémentaire santé et le lien avec les contrats responsables et solidaires, sur le contenu et la méthode de mise en œuvre du compte personnel de formation, sur l’intégration d’informations de nature environnementale au sein de la base de données économiques et sociales, ainsi que la mention des contrats précaires, stages et emplois à temps partiel, sur les droits et la protection des représentants des salariés dans les conseils d’administration, sur le régime des coupures au sein de la journée de travail dans le cadre du temps partiel, sur les accords de mobilité interne et la protection de la vie personnelle et familiale des salariés, notamment les mesures de limite géographique et d’accompagnement, sur les efforts demandés aux dirigeants et aux actionnaires en cas d’accord de maintien de l’emploi, avec la notion de proportionnalité, sur la procédure de validation par l’administration des accords valant plan de sauvegarde de l’emploi, sur la suspension enfin du délai de prescription postérieurement au licenciement, le Parlement a pleinement joué son rôle de garant de l’intérêt général. Mais surtout, il a fait de l’accord la loi de tous, allant parfois jusqu’à convaincre, apaiser ou satisfaire des opposants initiaux.

Il y eut des moments difficiles dans le processus, mais jamais nous n’avons lâché l’objectif de sécuriser l’emploi, de conforter le dialogue social et de respecter les équilibres auxquels les acteurs économiques et sociaux étaient eux-mêmes parvenus. La loi en est aujourd’hui plus forte.

Je pense à ceux qui ont perdu leur emploi ces derniers mois ou ces dernières années, et qui se demandent, légitimement : « Que serait-il advenu de mon emploi si nous avions pu négocier avant qu’il n’ait été trop tard ? Peut-être les accords de maintien de l’emploi auraient apporté une solution ? Peut-être l’activité partielle ? Peut-être l’action du représentant des salariés au conseil d’administration du groupe ? Peut-être l’association des salariés à l’anticipation et à la gestion prévisionnelle de l’emploi et des compétences ? » On ne peut pas refaire le passé, mais on peut changer le futur, et c’est ce que vous faites.

Je sais que la sécurisation de l’emploi n’évitera pas tous les licenciements, mais j’ai la conviction qu’elle offrira des alternatives à beaucoup d’entre eux. Le patronat et la majorité des organisations syndicales ont la même certitude. Faisons donc confiance aux acteurs.

Je pense aussi à ces chômeurs qui ne perdront plus leurs droits à indemnisation. Je pense à ces salariés de PME qui auront une complémentaire santé financée au moins à 50 % par l’employeur. Je pense à ces salariées – au féminin – à temps partiel dont les horaires seront regroupés et les heures complémentaires majorées. Je pense à tous ceux qui vont éminemment gagner à l’adoption et à l’application du projet qui vous est soumis.

Puisse ce texte, mesdames et messieurs les députés, devenir dans les mois et les années à venir, quoi que l’on en dise et quoi que l’on en pense aujourd’hui, une loi d’apaisement, d’équilibre et de progrès. Oui, le chemin parcouru est grand, et je vous en remercie. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP.)

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Gérard Sebaoun.

M. Gérard Sebaoun. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, on m’a chargé de parler plus précisément de l’article 1er, qui a beaucoup fait débat, notamment en raison de la fameuse notion de désignation.

La loi – le rapporteur et le ministre l’ont dit – met en place une couverture santé obligatoire pour tous les salariés. Nous savons qu’aujourd’hui une grande partie de la population française est déjà couverte par une complémentaire santé, soit individuelle, pour 56 %, soit collective, pour 44 %. Mais la loi bénéficiera surtout à ceux qui sont aujourd’hui les moins couverts, les ouvriers et les employés du commerce les moins qualifiés.

La négociation collective au niveau des branches professionnelles en matière de couverture santé s’est développée depuis une dizaine d’années, avec les lois de 2003 et de 2004 qui ont exonéré de cotisations sociales les complémentaires santé collectives obligatoires et les ont conditionnées aux contrats responsables. Sur un total de 240 branches, soixante-quatre ont institué un régime obligatoire de complémentaire santé pour leurs salariés, avec une prise en charge de l’employeur, dans huit cas sur dix, d’au moins 50 %. C’est d’ailleurs ce qu’avait retenu la première version de l’ANI. Aujourd’hui, huit conventions sur dix désignent à leurs adhérents leur organisme assureur.

Avec le mot « désignation », nous sommes au cœur du sujet qui anime les débats depuis la première lecture, avec un clivage franc entre les tenants de la désignation – pour faire simple, la majorité dans son ensemble, et ses adversaires, qui se recrutent dans les rangs de l’opposition.

Mme Isabelle Le Callennec. Les tenants de la liberté !

M. Gérard Sebaoun. Vous me répéterez cela tout à l’heure, chère collègue.

L’accord national interprofessionnel avait clairement fait apparaître sur ce sujet une fracture au sein du patronat lui-même, avec d’un côté l’UPA, favorable à la désignation, et dans une moindre mesure la CGPME, et de l’autre le puissant MEDEF, clairement hostile.

Ce dernier a obtenu la suppression de la clause de désignation dans le texte, sans pour autant empêcher à la ligne suivante la recommandation. Bref, une habileté de style qui ne tranchait pas le débat. C’est le projet de loi gouvernemental qui a fait le travail et présenté un texte équilibré respectant toutes les possibilités : les branches pourront décider soit de laisser le libre choix aux entreprises, soit de recommander ou encore de désigner un ou des organismes assureurs. Cette position d’équilibre a été suivie par notre assemblée, qui a précisé les modalités de mise en concurrence et de transparence indispensables lors des appels d’offres ouverts à tous les opérateurs.

Le Sénat a créé la surprise en votant à une courte majorité de sept voix un amendement supprimant la possibilité de recommandation ou de désignation. Par un amendement cosigné par les deux rapporteurs, Claude Jeannerot et Jean-Marc Germain, la CMP a heureusement rétabli le texte voté à l’Assemblée.

Un mot sur les arguments des tenants de la liberté totale défendue par le MEDEF. Ils affirment que la clause de désignation porterait atteinte à la libre concurrence. Or, l’avis de l’Autorité de la concurrence du 29 mars 2013 atteste de la licéité de la désignation. Ils oublient également de rappeler que la Cour de justice de l’Union européenne à Luxembourg s’est prononcée favorablement sur le régime des frais de santé de la boulangerie créée par AG2R, dans son arrêt du 3 mars 2011. La Cour a considéré, je cite, que « les clauses de désignation ne constituaient pas une entente prohibée dès lors qu’elles résultent d’une convention ou d’un accord collectif dont l’objet est l’amélioration des conditions de travail – ce qui était bien le cas. Ces clauses de désignation et de migration ne créent pas une position dominante abusive si les partenaires sociaux poursuivent un objectif de solidarité » – ce qui était encore le cas.

Je ne veux pas éluder deux questions qui ont fait débat. La première porte sur la place de ceux que l’on appelle les petites mutuelles, qui s’inquiètent légitimement de perdre leurs adhérents et de ne pouvoir concourir à égalité avec les plus gros organismes assurantiels. Il semblerait qu’une modification législative pourrait leur permettre d’être co-assureurs et de rester ainsi des acteurs de proximité très utiles, comme ils le sont aujourd’hui.

La seconde question porte sur la place des courtiers d’assurance, dont les salariés se sont regroupés dans le mouvement dit des abeilles. Je les ai reçus juste avant la première lecture et j’ai retenu de cette rencontre deux éléments. Tout d’abord, le nombre de 30 000 emplois menacés semble le fruit d’un calcul à la louche considérant que chaque cabinet, quelle que soit sa taille, pourrait licencier un salarié à cause de la loi. Ensuite, les compagnies versent par anticipation une certaine somme à leurs agents ou à leurs courtiers à valoir sur les contrats à venir ; ce versement constitue un fonds de roulement indispensable à beaucoup de ces petites entreprises, qui aurait été gelé dès janvier dans l’attente de la loi.

Sous réserve de la validité de ces informations, on voit bien que, si la crainte de ces salariés doit être entendue, elle a plus à voir avec la restructuration entamée du monde mutualiste et la position attentiste des compagnies d’assurance qu’avec notre texte de loi.

Monsieur le président, mes chers collègues, j’aurai essayé une dernière fois de convaincre les irréductibles…

M. Michel Issindou. C’est fait !

M. Gérard Sebaoun. …de l’utilité de la désignation comme l’un des moyens, et l’un des moyens seulement, mis à la disposition des branches. Mais je suis certain que, sur l’essentiel, nous sommes d’accord : il faut couvrir l’ensemble des salariés de ce pays. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Cherpion, pour le groupe UMP.

M. Gérard Cherpion. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le vice-président de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, chers collègues, alors que l’accord national interprofessionnel du 11 janvier 2013 devait être historique, il signe en réalité l’échec du Gouvernement : un échec tant politique que sur le fond, qui se traduit par un désaveu politique.

Ayant personnellement participé à l’intégralité des débats, j’ai pu constater qu’ils ont été restreints à un face-à-face à l’intérieur même de la majorité, que ce soit entre le groupe communiste et le groupe socialiste, ou, plus étonnant, au sein même du groupe socialiste.

M. Marc Le Fur. C’est vrai. Cette fois, nous n’avons pas dérangé !

M. Gérard Cherpion. Ceci est d’autant plus regrettable que le groupe UMP était non seulement ouvert à la discussion, mais prêt à soutenir ce texte.

La tension sur ce texte était telle que le ministre a dû demander une suspension de séance de dix minutes sur l’article 16 pour convaincre sa majorité et tordre le bras de son rapporteur, loin des caméras. Cette suspension de séance aura finalement duré plus de quarante-cinq minutes. Il aurait été préférable de s’organiser en amont, et non pas d’attendre d’arriver en séance pour découvrir qu’il existait une opposition entre le Gouvernement et sa majorité.

M. Michel Issindou. Soyez positif !

M. Gérard Cherpion. Lorsque l’on appartient à une majorité, fût-elle hétérogène comme la vôtre, et même si les débats sont âpres, on doit trouver une ligne directrice puis s’y tenir. Il faut soutenir le Gouvernement et à certaines occasions ravaler son chapeau : le groupe socialiste, sur son aile gauche notamment, le découvre. Cette situation a nécessité un séminaire de réflexion cette semaine, véritable thérapie de groupe, qualifiée par la presse de « calinothérapie ». (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Michel Issindou. Hors sujet !

M. Gérard Cherpion. Nous pouvons observer que le Président de la République découvre lui aussi le fonctionnement d’une majorité parlementaire. Tout le monde se souvient de son : « Moi Président de la République, je ne serai pas le chef de la majorité, je ne recevrai pas les parlementaires de la majorité à l’Élysée. » (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Christian Hutin. Cela n’a rien à voir !

M. Christian Paul. Ce n’est pas sérieux !

M. Gérard Cherpion. Or nous apprenons dans les journaux qu’afin de ressouder sa majorité, le Président de la République reçoit les députés et sénateurs socialistes en petits groupes, en toute discrétion. On peut jouer sur les mots et dire que l’on reçoit quelques parlementaires, et pas tous les parlementaires ; on peut croire que les Français ne s’en apercevront pas ; mais la réalité est là : c’est un renoncement de plus et un manque de transparence.

M. Christian Paul. Occupez-vous de la France !

M. Gérard Cherpion. L’échec est également politique, car la ligne fixée par le Président de la République et le Gouvernement sur le projet de loi pour la sécurisation de l’emploi n’a pas été suivie.

M. Jean-Patrick Gille. Ah, nous revenons au fond !

M. Gérard Cherpion. Le Président de la République avait demandé de suivre tout l’accord, et rien que l’accord. Cependant, alors que son projet s’en était déjà éloigné, le Gouvernement demandait d’adopter le projet de loi, tout le projet de loi et rien que le projet, quand, dans le même temps, la gauche déposait plus de 4 000 amendements. In fine, la majorité n’a suivi ni le Président de la République, ni le Gouvernement.

Le problème n’est pas tant que nos collègues de gauche fassent valoir leur vision et leur droit d’amendement – c’est le Parlement qui vote la loi –, mais c’est qu’ils devraient mieux choisir les textes sur lesquels ils désavouent le Gouvernement. Aussi, au lieu de déséquilibrer un accord signé par les partenaires sociaux, auraient-ils mieux fait de s’opposer à des textes qui bouleversent nos institutions, comme par exemple la réforme des collectivités territoriales, ou qui, mal préparés, sont censurés par le Conseil Constitutionnel.

Cet échec politique est également celui du rapporteur, qui a eu beau nous expliquer durant tous les débats – ou expliquer plutôt à ses alliés communistes – que si cela n’avait tenu qu’à lui, il serait allé beaucoup plus loin. Or, lors de la CMP, les sénateurs et les députés ont rejeté quatre de ses amendements, ce qui ne s’était jamais vu. Le rapporteur est allé jusqu’à présenter un amendement sur une disposition qui n’avait été discutée ni à l’Assemblée nationale, ni au Sénat. Une telle méconnaissance des règles de fonctionnement de la CMP est grave. Cet amendement, s’il avait été adopté, aurait constitué un motif supplémentaire de censure de la loi par le Conseil Constitutionnel.

Malheureusement, les griefs de forme ne s’arrêtent pas là.

Plusieurs députés du groupe SRC. Ah !

M. Michel Issindou. Là, il touche le fond !

M. Gérard Cherpion. Alors que François Hollande avait déclaré que les élus détiendraient une influence plus grande sur l’ordre du jour et qu’ils seraient appelés à peser de tout leur poids dans la préparation des lois, alors qu’il prônait par ailleurs une revalorisation du rôle du Parlement, nous avons assisté à une dévalorisation du travail parlementaire, et ce dans les deux chambres.

M. Michel Sapin, ministre. Ce n’est pas vous qui avez écrit cela !

M. Jean-Patrick Gille. C’est totalement contradictoire !

M. Jean-Marc Germain, rapporteur de la commission mixte paritaire. C’est le bureau de l’UMP qui a écrit votre discours ? C’est mauvais ! Heureusement, qu’Arnaud Richard vient après.

M. Gérard Cherpion. Celle-ci a d’abord eu lieu à l’Assemblée nationale. Alors que le Gouvernement a pris deux mois pour rédiger le projet de loi et le présenter en Conseil des ministres, il a laissé seulement trois semaines à notre chambre pour auditionner, amender et discuter le texte. Les députés, notamment ceux de la commission des affaires sociales, ont été mis sous pression pour l’adopter le plus rapidement possible : nous n’avons eu que deux jours pour déposer des amendements. Il n’est pas acceptable de travailler dans ces conditions.

Ensuite, alors que le Sénat devait examiner 500 amendements, le Gouvernement a fait usage de l’article 44, alinéa 3 de la Constitution, c’est-à-dire du vote bloqué. Cette procédure permet au Gouvernement de demander un seul vote unique sur un texte de loi et de mettre fin à la discussion. Il ne s’agit pas de remettre en cause le principe de l’utilisation de cette disposition constitutionnelle, mais il est totalement anormal d’en faire usage après seulement deux jours de débat et quelques centaines d’amendements qui ne peuvent être assimilés à de l’obstruction parlementaire, alors qu’à l’Assemblée plus de 4 000 amendements avaient été déposés par la seule gauche. En réponse, le Sénat, où vous êtes majoritaires, vient de décider de reporter la lecture des conclusions de la CMP au 14 mai. Au lieu de gagner du temps, vous en avez perdu.

M. Jean-Marc Germain, rapporteur de la commission mixte paritaire. Vous êtes gêné pour parler du fond !

M. Gérard Cherpion. Le Gouvernement a ainsi méprisé, une nouvelle fois, le Parlement dans son ensemble, que ce soit à l’Assemblée nationale, en prévoyant des délais trop courts, et au Sénat, en l’amputant d’un débat parlementaire qui aurait fait honneur à la République. Nous n’avons pas assisté lors de ce débat à une obstruction parlementaire, mais à une obstruction gouvernementale !

M. Jean-Marc Germain, rapporteur de la commission mixte paritaire. Oh ! C’est le comble !

M. Gérard Cherpion. Avant l’utilisation du vote bloqué, le Sénat a eu le temps d’adopter des amendements importants, notamment sur l’article 1er pour lequel il avait supprimé la clause de désignation, prévoyant qu’en cas de recommandation la branche devait recommander au moins deux organismes de complémentaire santé. Le Gouvernement avait par ailleurs prévu une seconde délibération sur le sujet pour forcer la main du Sénat, et notamment du groupe écologiste qui s’était abstenu.

M. Michel Sapin, ministre. Finalement, nous ne l’avons pas fait.

M. Gérard Cherpion. Mais le vote bloqué et la CMP sont passés par là, nous faisant malheureusement revenir au texte de l’Assemblée nationale et à la clause de désignation. Les députés du groupe UMP continuent de dénoncer cette clause qui prive les entreprises de leur libre choix et qui condamne 40 000 emplois dans le secteur mutualiste et celui de l’assurance.

M. Michel Issindou. Quelle histoire !

M. Gérard Cherpion. Le second point essentiel pour notre groupe concerne le temps de travail minimum de vingt-quatre heures par semaine. Nous avions proposé des dérogations pour certains salariés de branches professionnelles qui ne peuvent travailler dans ces conditions – je pense notamment aux porteurs de presse, aux salariés du service à la personne ou encore à ceux des associations sociales et médico-sociales. Vous êtes restés sourds à nos propositions ; le Sénat n’a pas pu présenter ses amendements sur le sujet ; mais je suis persuadé que le Gouvernement aurait à nouveau été battu sur cette question et que l’article aurait été modifié pour ne pas mettre en péril les dizaines de milliers d’emploi de ces professions. Le ministre a promis aux sénateurs que cette situation se réglerait, par exemple pour les porteurs de presse, par négociation de branche. Mais ce n’est pas suffisant : il faut sécuriser l’emploi de ces salariés en inscrivant les dérogations dans la loi.

S’agissant des services à la personne, le Gouvernement – je cite le ministre – entend « prendre des initiatives ». Quelle curieuse façon que celle qui fait voter une loi dans la précipitation pour ensuite prendre des initiatives ! Tout cela prouve à nouveau que ce projet est mené dans l’urgence et l’approximation juridique.

M. Michel Sapin, ministre. Gérard, ce n’est pas vous qui avez écrit ça !

M. Gérard Cherpion. Pour finir, j’aborderai quelques-uns des nombreux points restants qui ne peuvent satisfaire le groupe UMP : concernant la mobilité volontaire, le texte ne prévoit rien dans les cas où le salarié, qui veut revenir dans son entreprise d’origine, se voit opposer un refus par son employeur ; l’invention du licenciement individuel pour motif économique, qui sera un grand moment de bonheur pour les avocats, à défaut de l’être pour les salariés et les employeurs ; la suppression de l’avis unique de l’instance de coordination des CHSCT ; enfin, le partage des cotisations pour la complémentaire santé entre l’employeur et le salarié.

Le groupe UMP, vous l’aurez compris, ne votera pas en faveur de ce texte,…

Plusieurs députés du groupe SRC. Ah !

M. Gérard Cherpion. …en raison tant de la méthode adoptée par le Gouvernement pour mener le débat, que du fond du projet qui s’est éloigné de l’accord et l’a déséquilibré. Ce texte devait être historique ; mais ce qui sera historique, ce sera l’échec de votre Gouvernement…

Plusieurs députés du groupe SRC. Oh !

M. Jean-Patrick Gille. Copé, sors de ce corps ! (Sourires.)

M. Michel Sapin, ministre. Ils nous l’ont changé ! Que lui avez-vous fait ?

M. Gérard Cherpion. …incapable de passer des promesses de la grande conférence sociale à une réalité qui se traduit, notamment, par ce projet de loi bien loin de l’ANI conclu le 11 janvier 2013. Pour toutes ces raisons, nous étions tentés par un vote négatif, mais parce que nous, au sein du groupe UMP, nous respectons les partenaires sociaux et l’esprit de l’accord, nous nous abstiendrons sur ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Arnaud Richard, pour le groupe UDI.

M. Jean-Marc Germain, rapporteur de la commission mixte paritaire. Le groupe UDI va voter en faveur du texte au Sénat. Réfléchissez bien !

M. Arnaud Richard. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le vice-président Gille – j’aurai une pensée pour la présidente de la commission des affaires sociales qui ne pouvait être là ce soir –, monsieur le rapporteur, qui êtes un honorable rapporteur, mesdames et messieurs les députés, mes chers collègues,…

M. Michel Issindou. Jusque-là, vous avez tout bon !

M. Arnaud Richard. …le projet de loi de sécurisation de l’emploi est sans conteste une avancée pour le dialogue social, dont les députés du groupe UDI ont toujours été de fervents partisans.

M. Philippe Vigier. Très bien !

M. Arnaud Richard. Je tiens à ce propos à saluer mon collègue, Francis Vercamer, retenu ce soir.

Plusieurs députés du groupe SRC. Ah !

M. Arnaud Richard. Monsieur le ministre, vous avez raison : ce texte est à la croisée de la démocratie sociale et de la démocratie représentative. En commission, nous avons été plusieurs fois inquiets de ce croisement, mais je partage votre avis : chacune a respecté l’autre. Nous ne pouvons que nous féliciter de ce que les partenaires sociaux aient trouvé un accord, un accord vaste, sur un sujet aussi important que l’emploi.

Je pourrais vous dire que l’accord n’est trahi en rien, mais qu’il est abîmé sur tout, que cette loi vaut mieux que pas de loi du tout. Nous pourrions trouver tous les arguments pour justifier une abstention ; nous pourrions en trouver tout autant pour voter contre ; mais la France, en cette semaine un peu particulière, a besoin d’une concorde nationale.

Même si ce texte est imparfait, nos collègues l’ont dit, nous tenions à contribuer à ce que, en cette fin de semaine parlementaire, l’Assemblée nationale retrouve une forme de concorde.

M. Philippe Vigier. Très bien !

M. Arnaud Richard. Nous voterons en faveur de ce texte, (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI) et je le dis avec beaucoup d’émotion ; car nous y avons contribué en commission, même si les rapports entre nous n’ont pas toujours été faciles et le Gouvernement pas toujours à l’écoute, même si ce texte ne trouve pas toutes les grâces à nos yeux, même si nous avons alerté le Gouvernement, comme l’a fait Gérard Cherpion, sur l’absence de liberté des entreprises dans le choix de leur organisme assureur, même si nous avons été les seuls à dénoncer l’absence de lisibilité…

Plusieurs députés du groupe UDI. C’est vrai !

M. Arnaud Richard. …sur le financement de ce texte et ses conséquences sur les comptes sociaux et ceux de l’État, avec des sommes qui sont loin d’être neutres – plus de 2,5 milliards d’euros semble-t-il, vous pouvez compter sur Charles de Courson pour connaître les chiffres du budget de l’État. Nous avons présenté de nombreuses propositions au Gouvernement sur la formation des salariés ou sur l’activité à temps partiel, sujet sur lequel nous devrions tous ici pouvoir nous accorder, et l’acceptation par le Gouvernement de l’amendement déposé par notre groupe sur l’activité partielle a été un gage d’espoir.

S’agissant de la formation professionnelle, je tiens à saluer la ministre qui nous a quittés pour aller retrouver les étoiles des affaires européennes. Le fait en revanche que le Gouvernement, au détour d’un remaniement ministériel sur lequel je ne reviendrai pas, mais qui n’est pas en votre faveur, n’ait pas nommé auprès de vous, monsieur le ministre, quelqu’un en charge de la formation professionnelle, est assez inquiétant.

M. Michel Sapin, ministre. Mais c’est moi !

M. Arnaud Richard. Je sais que c’est vous, mais cela ne me rassure pas pour autant. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC.) J’aurais préféré que votre voisin de banc, Jean-Patrick Gille, s’y colle : il aurait eu toutes les qualités pour ce poste.

Car il y a urgence, sur trois piliers fondamentaux : il faut une meilleure lisibilité des dispositifs de formation professionnelle pour les rendre plus accessibles ; il faut une plus grande clarté de la gouvernance nationale et régionale en direction des salariés et des demandeurs d’emploi qui ont besoin de se qualifier ; il faut enfin un ciblage plus précis de la formation professionnelle à destination de celles et ceux qui en ont le plus besoin.

Se pose également la question des services à la personne. À peine arrivé aux affaires, le Gouvernement a pris des décisions extrêmement préjudiciables à ce secteur : suppression du forfait applicable au versement de cotisations sociales pour les salariés intervenant au domicile, abaissement du plafond de la niche fiscale concernée par ces services, suppression, plus incompréhensible encore, de l’agence nationale des services à la personne, autant de mesures qui pénalisent les services de ce secteur. C’est une erreur, monsieur le ministre ! À chaque fois que nous abordons ce sujet, vous nous regardez avec des yeux pleins d’incompréhension. C’est pourtant un secteur fondamental pour l’avenir de notre pays, qui a su créer 100 000 à 120 000 emplois ces dernières années, emplois qu’il se prépare à détruire, parce que vous ne le comprenez pas.

M. Gérard Cherpion. Il ne faut pas voter ce texte !

M. Arnaud Richard. Dans ce contexte, l’obligation d’une durée minimale de vingt-quatre heures hebdomadaires était pour nous un coup fatal porté à ce secteur. De fait, vous avez pris des positions courageuses sur ce sujet, au Sénat, et nous les avons entendues ; mais nous serons extrêmement vigilants quant à leur mise en œuvre.

À l’heure où beaucoup de voyants de la politique économique et budgétaire de notre pays sont au rouge et à l’heure où la commission européenne pourrait peut-être sanctionner d’une amende le Gouvernement pour sa gestion des finances publiques – je vous vois faire la moue, monsieur le ministre, prions pour que vous ayez raison –, nous vous disons pourtant oui.

Nous vous disons oui pour redonner confiance aux salariés, en leur garantissant la sécurité en cas de chômage, en renforçant leurs droits individuels et leur capacité de retour en formation ; nous vous disons oui pour redonner confiance aux employeurs, avec des dispositifs juridiques sécurisés, en particulier dans les domaines du licenciement, des accords de mobilité ou des accords de maintien dans l’emploi ; nous vous disons oui pour redonner confiance à celles et à ceux qui, y compris dans vos propres familles, s’inquiètent à l’idée d’être touchés par le chômage.

Ce texte est loin d’être parfait, mais notre groupe, qui a un attachement génétique au dialogue social,…

M. Bertrand Pancher. Tout à fait !

M. Arnaud Richard. …a fait le choix ce soir de la concorde nationale : nous voterons le projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI et sur quelques bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. François de Rugy.

M. François de Rugy. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le vice-président de la commission, monsieur le rapporteur de la commission mixte paritaire, chers collègues, cette loi dite de sécurisation de l’emploi – depuis la signature de l’accord le 11 janvier, différentes appellations ont été employées mais aucune ne s’est véritablement imposée – s’inscrit dans une double approche : d’une part, le renforcement du dialogue social ; d’autre part, le développement de nouveaux droits sociaux.

Le renforcement du dialogue social s’inscrit dans une évolution lente et longue des règles de la représentativité syndicale et de la négociation collective. En 2007-2008, les partenaires sociaux avaient acté, dans le cadre d’un agenda social, une évolution des règles de représentativité. Ils s’appuyaient sur un constat contradictoire. La faiblesse du taux de syndicalisation en France est incontestable, il est passé de plus de 30 % dans les années 1950 à environ 8 % depuis les années 2000, plaçant ainsi la France au dernier rang des vingt-cinq pays de l’Union européenne – je rappelle que la moyenne européenne est de 25 %. Mais, par ailleurs, il y a une assez forte présence des syndicats dans les entreprises et dans l’administration, et un développement de nouveaux syndicats ; ainsi, on évaluait en 2003 à près de 50 % le nombre de salariés pour lesquels un syndicat est présent dans l’entreprise, ce qui, là, place la France au huitième rang européen. Les règles existantes depuis la fin de la seconde guerre mondiale en matière de représentativité reposaient sur la présomption irréfragable et conféraient aux cinq centrales un quasi-monopole de la négociation. Or les évolutions concrètes dans la vie économique et sociale, dans la réalité des entreprises, dans le monde du travail, avaient accentué, année après année, le décalage de ce système.

Le groupe écologiste juge cette évolution positive : une démocratie moderne doit reposer davantage sur la participation des salariés à la décision. Je le dis très tranquillement à mes collègues de l’opposition – qui ne sont pas très nombreux ce soir – :…

M. Gérard Cherpion. Vous n’avez jamais été là pendant les débats !

M. François de Rugy. …nous prenons acte du fait que ces règles de représentativité ont été changées au cours du précédent mandat, à la suite d’un accord, mais nous avons dit à l’époque que nous regrettions que celui-ci n’ait pas été transposé tel quel dans une loi comme le souhaitaient les partenaires sociaux, et ait été mélangé avec d’autres dispositions qui, elles, n’avaient pas été négociées. Cela avait conduit à un brouillage autour de ce texte de loi et à un vote contre de ma part. Mais je tiens à rappeler qu’à titre personnel – je crois avoir été le seul dans l’opposition de l’époque –, j’ai voté pour la reconnaissance législative de l’accord relatif à la rupture conventionnelle du contrat de travail. C’était déjà un pari ; il a pu y avoir des dérives, mais je ne regrette pas de l’avoir voté. Je pense que nous progresserons ainsi pas à pas sur le chemin du dialogue social – je préfère cette expression à celle de « démocratie sociale » –, avec ses différentes étapes, qui sont des avancées même si nous pouvons avoir des réserves comme c’est le cas sur ce projet de loi.

Il est donc fondamental de rompre avec les accords présumés non représentatifs. Je dois dire qu’en la matière, les résultats récents de mesure de l’audience syndicale ont montré la validité de l’accord national interprofessionnel signé le 11 janvier dernier puisque les syndicats signataires représentent plus de 44 %, et les non-signataires un peu plus de 42 %. La loi sur la sécurisation de l’emploi s’inscrit dans cette logique : elle renforce le dialogue social par le développement des accords majoritaires, incitant ainsi les salariés et les syndicats à développer le syndicalisme dans chaque entreprise. C’est un point important. Quand je rencontre des chefs d’entreprise, je leur tiens un langage clair : il ne peut pas y avoir de dialogue social si l’on ne favorise pas l’existence de syndicats dans l’entreprise.

Par ailleurs, cette loi va créer une nouvelle information-consultation sur l’anticipation des stratégies économiques de l’entreprise Ce deuxième point constitue un des enjeux majeurs du dialogue social pour les prochaines années. Il en est de même pour la représentation des salariés dans les conseils d’administration, même si la mesure en l’occurrence est assez limitée puisqu’elle n’est applicable pour le moment qu’aux très grandes entreprises.

Face aux licenciements boursiers, face à la financiarisation de l’économie, il faut recréer les conditions d’une gouvernance locale de l’entreprise ancrée dans ses réalités. Cette loi ne constituera qu’une étape sur ce chemin ; il faudra en faire le bilan et la renforcer par un calendrier social tout au long de notre législature.

L’autre aspect du projet de loi portait sur la création de nouveaux droits sociaux ; c’est peut-être sur ce point que le projet a été victime d’incompréhensions. Il est dommage que la création de ces nouveaux droits, dans une logique bien compréhensible d’équilibre entre partenaires sociaux, ne se soit pas hissée à la hauteur des contreparties concédées par les salariés, alors même que la logique du dialogue social est celle du compromis, et donc du donnant-donnant entre partenaires ayant, au moins pour partie, des intérêts contradictoires. C’est dommage, disais-je, car dans cette nouvelle étape du dialogue social, il nous faut aussi inventer les conditions de son articulation avec la représentation nationale.

Ces incompréhensions sont tout d’abord formelles : un texte très long, très épais, que peu de Français évidemment ont pu s’approprier. Et c’est sans compter le contexte car, on ne peut que le constater, ce n’est pas un jugement de valeur, le déclenchement de l’intervention au Mali le même jour que la signature de l’ANI, et en parallèle le débat sur le mariage, débat sur lequel l’opposition a tellement voulu se focaliser depuis tant de mois, ont éclipsé les enjeux du texte.

Je note au passage, à l’issue du débat dans nos deux assemblées, qu’on peut saluer l’avancée que constitue le rétablissement, en commission mixte paritaire, de la clause de désignation, au niveau des branches, des organismes gérant la couverture maladie complémentaire. Cette clause, qui permet de prévenir la mainmise des groupes d’assurance privés, soutenus dans leurs démarches par le MEDEF et l’UMP, confortera le système mutualiste non lucratif de complémentaire santé.

Au-delà de cette mesure, qui concernera tout de même plus de quatre millions de salariés pris en charge par l’employeur et pour lesquels ce sera du pouvoir d’achat supplémentaire, ce qu’on n’a sans doute pas assez rappelé au cours du débat, il y a d’autres dispositions que l’on ne peut que soutenir : ainsi la taxation des contrats courts, vieille revendication syndicale. Il y a aussi l’encadrement du temps partiel, jamais mené à un tel niveau. Je constate que certains qui font profession de foi de soutenir le dialogue social s’empressent de demander que l’on revienne par la voie législative sur cette dernière disposition pour une partie des secteurs de l’économie, alors même que ce n’est pas prévu par l’accord, qu’aucun signataire ne l’avait demandé et qu’il y aura bien sûr d’autres négociations pour sa mise en œuvre. Il y a également le démarrage, même si c’est encore embryonnaire, du droit individuel à la formation tout au long de la vie sans que cela ne soit lié à un employeur plutôt qu’à un autre, ou encore, là aussi ce n’est qu’un début, le droit au chômage rechargeable.

Mais certaines contreparties ont suscité au sein de mon groupe un certain nombre d’interrogations. Vous savez, monsieur le ministre, qu’elles portent principalement sur les accords de maintien dans l’emploi, qui, dans un but par ailleurs compréhensible de simplification et de sécurisation des procédures, sont un pari qui pourrait conduire à l’effet opposé de celui recherché dans le dialogue social. Ainsi, la mise en place de délais de prescription risque, de l’aveu même des promoteurs du dialogue social, de renforcer parfois la logique contentieuse, ce qui est quelque peu l’inverse de la logique de négociation que l’on souhaite impulser dans les entreprises de notre pays. La démocratie sociale repose sur un dialogue long et entretenu entre les partenaires, qui ne peut pas être au coup par coup, avoir lieu uniquement au moment des difficultés. Nous n’en sommes qu’au début. Il y a des exemples encourageants, des accords positifs, mais d’autres aussi qui laissent plus dubitatifs, c’est donc un pari.

M. Michel Sapin, ministre. C’est pour cela qu’on légifère.

M. François de Rugy. L’urgence et la crise poussent trop souvent vers de mauvaises solutions, vers le court terme, quand l’anticipation et la négociation permettraient au contraire de rester sur des chemins plus équilibrés, mais qui sont toujours évidemment des voies étroites.

C’est pourquoi nous maintiendrons l’abstention que nous avions choisie en première lecture. Mais vous avez bien compris, monsieur le ministre, que cette abstention est un signal pour aller plus loin dans la voie ouverte par ce projet de loi et dans la recherche, toujours délicate, de l’équilibre du dialogue social.

M. le président. La parole est à Mme Jeanine Dubié.

Mme Jeanine Dubié. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le vice-président de la commission, monsieur le rapporteur de la commission mixte paritaire, chers collègues, nous examinons ce soir l’examen du projet de loi sur la sécurisation de l’emploi, un projet de loi qui, malgré son importance, a intégré peu de modifications lors de son examen par le Parlement. Et pour cause : il repose sur un accord national interprofessionnel voulu par le Président et sa majorité, un accord signé par la plupart des organisations syndicales et patronales. Le Gouvernement avait promis de respecter le mieux possible l’équilibre de l’accord. S’il est normal que le législateur ait corrigé certaines dispositions en le retranscrivant dans la loi, il est heureux que l’équilibre n’en ait pas été modifié.

En effet, la méthode retenue devra être renouvelée. Il aurait été impossible de recourir à une telle approche et à parvenir à de tels accords dans les prochaines années si le Gouvernement et les parlementaires n’avaient pas respecté le pacte conclu avec les partenaires sociaux.

Cet accord est d’autant plus remarquable qu’il intervient dans une période économique troublée, une période où l’on se rend bien compte que les intérêts des entreprises ne sont pas si éloignés des intérêts des salariés. Il aura donc fallu une grave crise économique pour que le dialogue social, que les radicaux de gauche appellent de leurs vœux depuis des dizaines d’année, et c’est là l’essence de leur sensibilité politique à gauche, voit enfin le jour. Car, au-delà de l’approche retenue par le Gouvernement, c’est bien le dialogue social au sein des entreprises qui sera renforcé par cette loi. C’est une avancée majeure dont l’influence ira bien au-delà de ce texte. À ce propos, il est étonnant qu’à l’article 5 portant sur la participation des salariés aux conseils d’administration, la commission des affaires sociales du Sénat ait supprimé le terme de « au moins égal à deux [salariés] » dans les conseils de plus de douze membres et « au moins égal à un [salarié] » dans les conseils de moins de douze membres, comme si la loi devait empêcher les entreprises d’aller au-delà et d’être encore plus favorable aux salariés.

M. Michel Sapin, ministre et M. Jean-Patrick Gille. Cela a été révisé !

Mme Jeanine Dubié. Les sénateurs radicaux l’ont rétabli au Sénat, et c’est heureux.

En première lecture, les députés radicaux et une grande majorité des députés du groupe RRDP ont voté en faveur du projet de loi en émettant quelques réserves. Quels sont les changements intervenus depuis ?

Les sénateurs avaient remis en cause la clause de désignation des prestataires d’assurance complémentaire santé. Le texte a retrouvé sa version votée à l’Assemblée nationale. Mais un problème demeure : la mise en concurrence des prestations entre les instituts de prévoyance, les mutuelles et les assureurs. Nous avions demandé que les règles soient plus strictes ; elles ont été renforcées, mais elles auraient pu être plus détaillées dans la loi. À défaut, il faut que le Gouvernement soit particulièrement vigilant à la mise en place de cette couverture complémentaire.

M. Michel Sapin, ministre. Je le serai !

Mme Jeanine Dubié. L’autre modification majeure intervenue au Sénat était la suppression de l’article 4. Cet article, rétabli à l’issu de la commission mixte paritaire, précise les procédures de consultation des institutions représentatives du personnel. Le rejet de cet article en dit long sur une certaine vision de l’entreprise : les salariés ne devraient être au courant de rien et suivre les directives de leur direction. Cela va à rebours d’un dialogue social approfondi et constructif où des objectifs communs peuvent être adoptés dans la concertation. Pour que les salariés acceptent des changements majeurs dans leur entreprise lorsque c’est nécessaire, il est évident qu’ils doivent avoir suivi l’évolution des données stratégiques de leur entreprise, non pas depuis une ou deux semaines, mais depuis plusieurs années.

S’y opposer, c’est nier le dialogue social, c’est déséquilibrer l’accord qui stipulait précisément la mise à disposition d’une base de données accessibles aux représentants des salariés. C’est d’ailleurs à l’initiative des députés du groupe RRDP, et notamment de Jean-Noël Carpentier, que les délégués du personnel pourront avoir accès à cette base de données, à défaut de comité d’entreprise.

Revenons sur ce qui s’est passé au Sénat, car l’Assemblée nationale ne peut pas ignorer les procédures utilisées dans l’autre chambre du Parlement français. Il est évident que le vote bloqué ne permet pas au Parlement de prendre toute sa part dans l’élaboration des lois, et il est regrettable qu’il ait dû être utilisé au Sénat en raison d’une obstruction manifeste.

La crise économique impose que le Gouvernement agisse avec célérité sans pour autant avancer aveuglément. Les partenaires sociaux ont eu plusieurs mois pour négocier, puis l’accord national a dû être transposé, et enfin il a été soumis aux deux chambres du Parlement. Les radicaux ne sont pas adeptes de l’obstruction et comprennent le choix du Gouvernement face à de tels procédés.

Faut-il rappeler l’urgence économique ? Le chômage est de 10,8 %. Le nombre de demandeurs d’emploi inscrits à Pôle Emploi en catégorie A, c’est-à-dire sans emploi, s’établit à près de 3,2 millions en France métropolitaine. Il faut agir ; c’est ce que fait le Gouvernement aussi bien avec les contrats de génération et les emplois d’avenir qu’avec ce projet de loi sur la sécurisation de l’emploi.

Lors de l’examen en première lecture, les députés radicaux avaient émis des inquiétudes sur plusieurs aspects du texte. Nombre de dispositions ne deviendront effectives que lorsque les accords de branche auront abouti. Certains secteurs n’auront aucune difficulté à conduire efficacement les négociations ; dans d’autres secteurs, au contraire, ces négociations risquent d’être plus délicates.

Nous avions attiré votre attention sur plusieurs secteurs : celui de la grande distribution où les horaires de travail hachés et à des heures indues affectent gravement la vie personnelle et familiale des salariés ; celui du tourisme, marqué par l’importance des contrats saisonniers.

Il est souhaitable que les filières puissent s’organiser selon la spécificité de leur activité, mais l’État ne doit pas laisser la question du travail aux seules branches. Il est de son devoir de s’assurer que tous les salariés puissent disposer de droits équivalents.

Actuellement, on observe des inégalités croissantes entre des salariés protégés par des accords de branche très favorables et des salariés nettement moins protégés bénéficiant de moins d’avantages. Ces différences ne résultent pas seulement d’adaptation à la nature des activités mais de plus en plus sur des déséquilibres lors des négociations.

Dans certaines branches, des syndicats ont du mal à créer un rapport de force favorable, notamment en raison de la petite taille des entreprises du secteur. Les différences sont vérifiées et croissantes non seulement entre les branches mais aussi entre les entreprises, principalement entre les salariés des grandes et des petites entreprises. Il est sain que l’État encourage la négociation, mais il est de son devoir d’agir lorsque des différences criantes apparaissent.

Ce constat pose la base d’une problématique plus large : notre vision du progrès social doit évoluer. Ce n’est pas seulement pour les salariés de sexe masculin, âgés de trente à cinquante-cinq ans et en CDI dans une grande entreprise que le droit du travail doit être renforcé. Il doit l’être aussi pour les mères de famille, en CDD dans une petite entreprise de sous-traitance et qui passent trois heures dans les transports en commun chaque jour.

M. Michel Sapin, ministre. Absolument !

Mme Jeanine Dubié. L’évolution des problématiques des salariés appelle des solutions de plus en plus individualisées. Deux approches complémentaires s’imposent : le recours aux accords de branche ou d’entreprise lorsque cela est suffisant ; l’intervention de l’État par la loi s’il le faut. Si l’on continue à considérer le marché du travail sous le seul angle holiste, on risque de ne pas s’adresser à tous les salariés et de voir se renforcer des poches d’insécurité dans l’emploi et de précarité au travail, ce qui ne peut être accepté.

Alors que la crise est encore d’actualité et que les entreprises connaissent des difficultés, ce texte se révélera protecteur et devrait à terme faciliter la reprise économique. Malgré la crise et l’urgence d’agir, ce projet de loi prépare l’avenir. Ce n’est pas la démarche la plus simple, mais c’est la plus audacieuse, la plus pérenne, et la plus juste. (Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP.)

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, nous voici donc à nouveau saisis de ce projet de loi faussement intitulé de « sécurisation de l’emploi », après son passage au Sénat qui a donné lieu à la mise en œuvre de toutes les grosses ficelles que nous dénoncions ensemble il n’y a pas si longtemps, monsieur le ministre, mes chers collègues de l’actuelle majorité parlementaire, lorsque nous étions dans l’opposition, jusques et y compris le recours au vote bloqué… Sans doute avez-vous considéré que quatre jours de débat, c’était déjà bien assez pour un texte qui ne concerne finalement que 18 millions de salariés !

Au final, les grands traits de ce texte demeurent.

Si les premiers articles de votre projet relèvent davantage du catalogue que d’une réponse cohérente aux exigences qui se sont manifestées dans les urnes voici moins d’un an, la seconde partie est, quant à elle, parfaitement construite autour d’un projet qui irrigue toutes les prétentions patronales depuis des années : sécuriser les procédures, les licenciements, les marchés, bref, sécuriser tout, sauf l’emploi et les salariés. La droite du reste ne s’y est pas trompée !

Après le cadeau de 20 milliards d’euros offert au patronat dans le cadre du crédit d’impôt, à l’heure où la réduction de la dette est opposée à toute revendication, on était en droit d’attendre en contrepartie une exigence renforcée en matière de droits des salariés.

Parlons donc de ce que vous appelez les « nouveaux droits ».

La complémentaire santé pour les quelque 400 000 salariés qui n’y ont pas encore droit est renvoyée à une négociation collective et à une mise en œuvre ultérieure.

La fameuse surtaxation des contrats précaires est réduite à une négociation à venir sur les majorations ou les minorations de cotisations chômage selon le type de contrat. Elle ne concernera pas les contrats d’usage, c’est-à-dire le domaine essentiel de la précarité, et elle n’égratignera pas l’intérim. On verra, dans quelques semaines, fleurir les contrats de trois mois et deux jours exonérés de cette surcotisation hypothétique, beaucoup moins précaires, il est vrai, que les contrats de trois mois !

Pour lutter efficacement contre le recours abusif aux CDD, nous avions proposé de multiplier par deux l’indemnité de fin de contrat bénéficiant aux salariés concernés. Nous nous sommes heurtés à un refus catégorique – au demeurant logique puisque cette loi n’est pas faite pour eux.

La fixation d’une durée minimale de vingt-quatre heures pour les contrats de travail à temps partiel aurait pu constituer une réelle avancée si elle n’était pas limitée par une série de dérogations telles que le renvoi à la négociation, le lissage annuel et, suprême hypocrisie quand on connaît la réalité sociale des secteurs concernés, ces fameux avenants au contrat de travail qui permettent d’échapper au paiement majoré des heures complémentaires.

À qui espérez-vous faire croire qu’il s’agira réellement d’un accord de volontés correspondant au souhait du salarié ? Quelle est la liberté de choix de ces milliers de femmes salariées d’entreprises de nettoyage qui vivent à l’envers de la société et du rythme de leurs enfants, qui sont obligées de se soumettre aux exigences desdites sociétés sous peine de perdre leur maigre salaire ?

M. Michel Sapin, ministre. C’est un accord de branche !

Mme Jacqueline Fraysse. En ce qui concerne les droits collectifs, quelle est la portée de la présence symbolique d’un ou deux représentants salariés au sein des conseils d’administration des quelques entreprises concernées, ou la consultation sur les orientations stratégiques, face aux conditions draconiennes imposées désormais aux institutions représentatives du personnel et à leurs experts pour accomplir leur mission ?

M. Michel Issindou. C’est excessif, madame Fraysse !

Mme Jacqueline Fraysse. Quel salarié, électeur de l’année dernière, pouvait imaginer qu’après le traumatisme provoqué par les suicides chez France Télécom et ailleurs, un gouvernement de gauche proposerait de limiter à une expertise unique, déconnectée des réalités du terrain, l’évaluation des risques psychosociaux liés aux réorganisations qui bouleversent quotidiennement les conditions de travail et de vie de centaines de milliers de personnes ?

Il en est de même de la mobilité externe. Là aussi, assez de faux-semblant, soyons clairs : il s’agit ni plus ni moins de sécuriser le prêt de main-d’œuvre entre entreprises, une revendication du patronat bien connue.

Voilà pour les prétendues avancées et concessions patronales dont on est tellement certain qu’elles produiront des effets bénéfiques que l’on se reverra dans un an ou deux ans pour faire le point !

Quant à la facture présentée au monde du travail en termes de flexibilité, elle est bien réelle et immédiate. Vous promettiez de lutter contre les licenciements boursiers et vous affirmez aujourd’hui renchérir ces licenciements. Mais ce n’est pas la vérité. En effet, aucun article de ce projet de loi ne vient réévaluer l’indemnité versée au salarié victime d’un licenciement abusif, une indemnité de surcroît demeurée inchangée depuis 1973 !

Avec les accords de maintien dans l’emploi, vous permettez aux employeurs, au terme d’une négociation d’entreprise menée sous la menace de la fermeture, de jouer sur la seule variable d’ajustement qu’ils connaissent : les salaires.

Certes, il est fait état d’un effort proportionné demandé aux dirigeants. Nous avions demandé, qu’au moins pendant la durée de l’accord, le versement des dividendes soit suspendu. Vous avez catégoriquement refusé, au motif que le texte prévoit déjà un effort similaire demandé aux actionnaires. Encore un faux-semblant, puisque l’accord en question sera conclu « dans le respect des compétences des organes d’administration et de surveillance » !

Qu’en sera-t-il en cas de rachat de l’entreprise par un repreneur en cours d’exécution de l’accord ? Le repreneur ne sera nullement tenu par l’engagement de ne pas procéder à des licenciements économiques, mais la baisse de salaire consentie par les salariés sera quant à elle acquise et de manière irréversible.

La réforme en profondeur du droit des licenciements économiques collectifs se caractérise par deux obsessions patronales : éviter le juge et aller le plus vite possible aux licenciements.

Il suffit pour s’en convaincre, de lire le texte : aucun contrôle en amont sur le motif économique ; une tentative d’associer les représentants salariés au licenciement de leurs collègues ; des délais dérisoires accordés à l’administration pour effectuer les contrôles nécessaires ; la dérogation à tous les étages avec la décision implicite d’acceptation et un juge administratif potentiellement dessaisi parce qu’il ne statue pas assez vite.

En fait de retour des salariés et de l’État, une seule phrase montre ce qu’il en est en réalité, le texte que vous proposez pour l’article L. 1233-57-7 du code du travail : « En cas de décision de refus de validation ou d’homologation, l’employeur, s’il souhaite reprendre son projet, présente une nouvelle demande après y avoir apporté les modifications nécessaires et consulté le comité d’entreprise. »

Évoquant à la fois la validation et l’homologation, cette phrase envisage notamment de la situation où un accord collectif portant le plan de sauvegarde de l’emploi ne serait pas validé par l’administration.

Que se passerait-il alors, selon les termes même du texte : « L’employeur, et lui seul, serait habilité à reprendre son projet et à y apporter des modifications. » Cette précision s’appelle une gaffe, mais elle a le mérite d’être révélatrice : c’est donc bien le chef d’entreprise qui, en cas de désaccord et in fine, décide seul de son projet retravaillé.

Enfin, si nous ne devions retenir que deux mesures symptomatiques du caractère à la fois nocif et profondément injustifiable de ce texte, il s’agirait d’abord des accords de mobilité interne qui vont devenir le moyen de procéder à des licenciements collectifs en dehors de toute difficulté économique et dans le cadre de procédures individuelles, sans même avoir à recourir au plan de sauvegarde de l’emploi.

En refusant obstinément de rattacher le motif économique de ces licenciements à la définition qui figure actuellement dans le code du travail, vous créez un motif spécifique qui ne pourra être, et vous le savez bien, que le seul refus du salarié d’accepter une mobilité, c’est-à-dire un motif personnel que vous prétendez avoir fait sortir par la porte et que vous faites finalement revenir par la fenêtre.

C’est cela, la différence avec la situation actuelle où, en pareil cas, l’employeur est obligé de donner la justification économique de la mobilité qu’il prétend imposer au salarié. Et si le juge considère que cette mobilité ne repose pas sur un motif économique au sens de l’article L. 1233-3 du code du travail, le licenciement résultant du refus du salarié sera jugé abusif.

Nous reposons donc solennellement la question et nous attendons une réponse précise, monsieur le ministre : quel est ce motif économique ?

Enfin, quelle justification pouvez-vous donner à la réduction à trois ou deux ans de la prescription de l’action des salariés devant les prud’hommes ? Quel est le rapport avec la sécurisation de l’emploi ? En quoi cette mesure va-t-elle faciliter les embauches ? Comment pouvez-vous ignorer qu’il est très difficile, lorsque l’on est encore dans l’entreprise, d’agir en justice contre son employeur sans s’exposer à des représailles ? Pourquoi introduire, encore et surtout sur le dos des salariés, cette dérogation au régime de droit commun d’une prescription de cinq ans ?

Cela s’appelle l’impunité garantie pour les employeurs qui ne respectent pas le code du travail.

Pour toutes ces raisons, notre groupe s’estime en phase avec le monde du travail, avec nos engagements mais également, faut-il le rappeler, avec les vôtres en s’opposant avec fermeté à ce texte de régression sociale. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

M. le président. La parole est à M. Denys Robiliard.

M. Denys Robiliard. Nous aussi sommes en phase, madame Fraysse, avec le monde du travail ; mais, comme vous le savez, il y a plusieurs lectures de l’ANI comme du projet de loi. Toutefois, lorsque j’entends votre réquisitoire, lorsque je vois qu’absolument aucune de ses dispositions ne trouve grâce à vos yeux, je me dis que certes vous avez lu le texte avec beaucoup d’attention, mais que votre lecture était orientée et vos conclusions écrites avant la lecture.

M. Arnaud Richard. Oh ! Ça, c’est de la mauvaise foi !

M. Denys Robiliard. C’est ma lecture à moi !

Certes, la prescription, je ne la défends pas. Mais les signataires de l’accord du 11 janvier ont indiqué de façon très claire que c’était une contrepartie à laquelle ils avaient consenti. Je rappelle que ces syndicats, même si leur caractère majoritaire a été contesté, l’étaient sous l’empire de l’ancienne législation et le restent sous la nouvelle, qui découle de la loi de 2008, et que les élections datent du 29 mars.

Devant un tel désaccord dans la lecture d’un même texte, il faut se demander pourquoi des syndicats parfaitement respectables – ceux qui n’ont pas signé le sont tout autant, mais souffrez que ceux qui ont signé soient respectables – ont pu le signer.

D’abord, concernant la mobilité interne : qu’il y ait des besoins à certains moments, c’est vrai, et qu’il soit préférable de l’organiser à froid plutôt qu’à chaud, ça l’est également. Sur ce point, je pense que le projet de loi et le travail parlementaire ont abouti à un encadrement qui permettra d’articuler effectivement à la fois les besoins de la vie professionnelle et le respect dû à la vie personnelle et familiale. Avec l’amendement de notre rapporteur, la procédure ainsi définie permet de respecter cet équilibre.

Pour ce qui est des accords de maintien dans l’emploi, qui suscitent votre opposition, je constate qu’il s’agira d’un accord majoritaire, qui préservera les salariés, à temps complet ou à temps partiel, en dessous de 1,2 SMIC et qui exigera de la part des employeurs et de leurs dirigeants un effort proportionné.

Vous avez décrié le bonus-malus au motif que les taux étaient invraisemblablement faibles. Ce qui m’intéresse, dans le dispositif accepté par les partenaires sociaux, c’est la mise en place d’un principe de modularité…

M. Jean-Patrick Gille. Très bien !

M. Denys Robiliard. …qui ne permettra effectivement d’agir sur les employeurs que pour certains contrats en l’état actuel, mais qui ouvre la possibilité d’une extension assez large demain.

Vous ne parlez de la question des droits collectifs que comme s’ils n’étaient qu’insignifiants. Il me semble pourtant que pouvoir, pour les comités d’entreprise, discuter des orientations stratégiques, ce n’est pas rien. Quant à l’encadrement du temps partiel, je ne suis pas d’accord avec vous : vingt-quatre heures, c’est significatif. Certes, il existe des dérogations, mais nous avons résisté à d’autres demandes en la matière. En outre, ceux qui voudront faire travailler moins de vingt-quatre heures seront obligés de passer par la négociation collective, par des accords de branche, et donc de consentir des contreparties. Par ailleurs, ces heures devront être regroupées par demi-journées. Véritablement, ce n’est pas rien. Nier que cet accord, et la façon dont nous le mettons en œuvre à travers le projet de loi, est un progrès pour ce qui touche au temps partiel, qui concerne tant de femmes, me paraît complètement inapproprié.

Un mot sur les licenciements collectifs : on peut dire ce qu’on veut mais aujourd’hui, 30 % d’entre eux font l’objet d’un contentieux et demain, 100 % seront contrôlés par l’administration !

M. Michel Sapin, ministre. Absolument !

M. Denys Robiliard. Les moyens de l’administration ont été étendus, avec un délai pour la validation qui passe de huit à quinze jours.

M. Patrice Carvalho. Révolutionnaire !

M. Denys Robiliard. Il s’agit en moyenne de 1 200 procédures par an. Les DIRECCTE auront les moyens et seront fières de contrôler ces accords collectifs ou ces documents patronaux, effectivement importants.

Enfin, ceux qui croient que le tribunal administratif serait conciliant se trompent.

M. Michel Sapin, ministre. C’est vrai ! J’y ai été, je peux vous le dire !

M. Denys Robiliard. Il a une jurisprudence exigeante en matière de nullité et une jurisprudence protectrice s’agissant des salariés protégés. Nous la connaissons, elle va peut-être désormais bénéficier à ceux qui seront victimes d’un licenciement collectif. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La discussion générale est close.

Texte de la commission mixte paritaire

M. le président. J’appelle maintenant le texte de la commission mixte paritaire.

Explications de vote

M. le président. Dans les explications de vote, la parole est à M. Gérard Sebaoun.

M. Gérard Sebaoun. Nous arrivons enfin à la fin de l’examen d’un texte qui nous aura occupés des mois durant, en audition, en réunion, en commission et enfin dans l’hémicycle avant la conclusion de la CMP hier matin.

Le projet de loi relatif à la sécurisation de l’emploi est le fruit d’une volonté et d’une méthode politique, celle du Président de la République. Je n’y reviens pas. Le Gouvernement de Jean-Marc Ayrault a fixé la feuille de route au travers de la grande conférence sociale, c’était l’engagement 55 du candidat François Hollande, puis les partenaires sociaux ont ouvert le champ des négociations, et le champ des possibles, autour de la sécurisation de l’emploi et des parcours professionnels, faisant ainsi écho à l’engagement 35 du Président.

Le ministre nous a dit à plusieurs reprises que les négociations n’avaient pas toujours été un long fleuve tranquille. Mais à la fin, un accord majoritaire a été paraphé le 11 janvier 2013, consacré désormais sous l’acronyme ANI. Je veux rappeler que les deux centrales syndicales de salariés qui ne l’ont pas signé ont été auditionnées à plusieurs reprises tout au long de nos travaux, pour faire entendre leurs critiques.

La transcription de l’ANI dans le projet de loi de sécurisation de l’emploi a respecté les signataires tout en clarifiant certains points, augurant d’un travail législatif fructueux. Dans un moment de crise socioéconomique profonde où le populisme se banalise, qui dénonce notamment ce qu’il est convenu d’appeler la technostructure, je tiens à saluer ici le travail des collaborateurs du ministre du travail et de l’emploi.

J’en viens au travail législatif très dense qui a suivi, sous la haute autorité du rapporteur Jean-Marc Germain, qui devait répondre à une double exigence : le respect des partenaires sociaux et le droit d’amendement du Parlement, le tout sous l’œil d’un ministre très attentif et garant, nous a-t-il dit plusieurs fois, de l’équilibre du texte.

Notre seul objectif, en abordant une matière aussi sensible que le droit du travail, a été de protéger les salariés et d’améliorer le dialogue dans l’entreprise. Je ne reviens pas sur les lignes de force de la loi, que vous connaissez désormais. Je n’ignore pas cependant que, du dedans et du dehors, peuvent subsister quelques inquiétudes. Mais, ainsi que l’a rappelé Jean-Marc Germain, nous suivrons de près l’impact de toutes les mesures de cette loi et si c’est nécessaire – je le cite – nous corrigerons le tir.

Le groupe SRC votera donc ce projet de loi avec sérénité, lucidité et responsabilité, considérant qu’il apporte des protections et de nouveaux droits aux salariés et avance résolument sur le chemin de la démocratie sociale. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Le Callennec.

Mme Isabelle Le Callennec. Le groupe UMP accueillait avec bienveillance ce projet de loi. Il était le fruit d’un accord national entre les partenaires sociaux. Il était le fruit d’un dialogue social auquel nous sommes très attachés.

Mme Jacqueline Fraysse. Ben voyons !

Mme Isabelle Le Callennec. Les heures d’audition, les heures de débat ont malheureusement abouti à le dénaturer. Au lieu de conforter ce qui aurait dû être consensuel entre nous, vous avez préféré faire les yeux de Chimène à nos collègues du Front de gauche, qui au final ne le voteront pas, et donner des gages à nos collègues écologistes qui s’abstiendront. Tous nos amendements ont été repoussés, qui avaient pourtant pour objet de revenir à l’accord et rien que l’accord, monsieur le ministre – tous sauf un, tout petit, défendu vaillamment par Gérard Cherpion, à qui je rends hommage pour son implication. Il aurait mérité d’être davantage écouté.

C’est donc en toute cohérence que le groupe UMP s’abstiendra, en opposition constructive. En effet ce texte, qui a pu à un moment être qualifié d’historique, confirme des avancées réelles mais comporte aussi des défauts majeurs ainsi que des imprécisions, monsieur le ministre, en attendant les décrets qu’on nous a annoncés. Alors, pas de procès d’intention, mais pas de chèque en blanc de notre part non plus.

M. Gérard Cherpion. Très bien !

M. le président. Je rappelle que la conférence des présidents a décidé que le vote sur ce texte ferait l’objet d’un scrutin public.

Je fais d’ores et déjà annoncer dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Arnaud Richard.

M. Arnaud Richard. Après des heures de débat, nous voici arrivés à l’heure de vérité. La vérité est que cette loi tentait de répondre à une nécessité, surmonter la crise sans rompre le contrat de travail ni les droits des salariés, et qu’elle n’y est que partiellement parvenue. Comme Charles de Courson me le disait à l’instant, c’est un mauvais texte sur certains points, mais nous le voterons.

Nous le voterons, mais il aurait fallu à notre sens une autre politique économique pour endiguer la lame de fond des plans sociaux et la perte de confiance du monde économique. Vous avez fait le choix de changer le pansement pour les entreprises, mais vous n’avez pas pensé le changement de cap qui leur est pourtant indispensable. Votre grande concertation se conclut finalement, M. Sebaoun l’a dit, par un désaccord avec la CGT et FO qui appellent ensemble, de manière assez inédite, à des grèves et des manifestations pour faire barrage à ce projet de loi. C’est une réalité qui ne peut être évacuée, et il s’en faut de beaucoup, monsieur le ministre, pour que tous les salariés de France soient rassurés par ce texte.

Finalement, cette loi ne marquera pas une étape aussi historique que vous le seriniez tout au long de ces débats, employant une méthode Coué qui aurait pu être utile à la majorité extrêmement divisée. Vous aviez l’occasion de négociations beaucoup plus ouvertes qu’avec les partenaires habituels. Il aurait fallu conclure par un dialogue avec les chômeurs, les retraités, les travailleurs précaires. Vous auriez gagné là en efficacité et en légitimité démocratique. C’était le moment où jamais.

Vous avez finalement emboîté le pas de vos prédécesseurs. Nous saluons cette démarche empirique de votre part, qui tranche avec la méthode générale de votre gouvernement : terre brûlée, chiffon rouge et désignation au fil des questions d’actualité de boucs émissaires…

L’ancienne majorité avait d’ailleurs déjà fait le choix du dialogue social et de la confiance à travers la loi Larcher. Les exemples de convergence ne manquent pas, sur la sécurisation des transitions professionnelles et des périodes d’activité partielle, sur le développement des possibilités de formation, sur la rupture conventionnelle du contrat de travail, sur la convention du droit individuel à la formation ou encore sur le Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels.

Venons-en à la généralisation de la complémentaire santé. Le principe est pertinent, mais certaines implications du dispositif nous inquiètent. Le projet de loi dépossède en effet les entreprises de leur faculté de choisir leurs prestataires santé, en faisant remonter le choix au niveau des branches, et l’on craint, monsieur le ministre, de comprendre pourquoi. Ceux qui choisiront au niveau des branches les prestataires santé sont généralement financés par ceux-ci. C’est un peu comme si l’on demandait aux syndicats de l’industrie pharmaceutique de délivrer les autorisations de mise sur le marché des médicaments.

M. Charles de Courson. Eh oui !

M. Arnaud Richard. Nous regrettons aussi que vous soyez demeurés sourd aux nombreuses propositions du groupe UDI visant à un sursaut de la formation professionnelle.

Nous déplorons plus encore que votre gouvernement ne nous ait pas entendu lorsque, à de multiples reprises, nous l’avons alerté sur le sort du secteur des services à la personne, si dynamique et si utile à nombre de nos compatriotes, et que nous avons proposé d’adapter les dispositions de ce projet de loi pour le sauver.

Que faire alors, mes chers collègues, face aux imperfections, aux lacunes, aux incertitudes, au sens caché, même, sans parler du coût, de ce texte ? Le groupe UDI fait le choix de la responsabilité et du devoir.

Monsieur le ministre, en cette période difficile, vous ne pouvez pas être très fiers des résultats obtenus sur le front du chômage, ou à propos des textes qui ont suscité un dialogue nourri, que ce soit celui sur les emplois d’avenir ou celui sur les contrats de génération. Je ne crois pas que ce texte créera tant d’emplois que cela. Ce n’est pas une révolution. Mais vous n’avez pas travesti l’accord conclu par les partenaires sociaux et il faut le saluer. Cela dit, je ne crois pas que cela transfigurera le pays comme vous l’espériez en invoquant le changement.

Quoi qu’il en soit, nous faisons le choix du courage, le choix de voter ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI.)

M. le président. La parole est à M. François de Rugy, pour le groupe écologiste.

M. François de Rugy. Monsieur le président, comme je l’ai dit tout à l’heure, notre groupe soutient la démarche du Gouvernement, qui consiste à relancer le dialogue social. L’accord transcrit dans ce texte en est une première manifestation, imparfaite, certes, mais bien réelle. Il faut persévérer dans cette voie. Nous devons procéder à des changements dans notre pays, et tenter la négociation vaudra toujours mieux, à nos yeux, qu’imposer des réformes d’en haut, en passant en force, comme c’était le cas au cours du précédent quinquennat.

D’autres chantiers nous attendent, et il faudra à nouveau faire vivre le dialogue social. C’est pourquoi il n’était en aucun cas question pour nous de voter contre ce texte, malgré un certain nombre de réserves. Il instaure de nouveaux droits pour les salariés, même si des concessions sont aussi faites aux employeurs sur le sujet sensible des licenciements : c’est ce qui nous avait poussés à défendre un certain nombre d’amendements aux articles 12 et 16.

La route est longue pour que le dialogue social devienne habituel dans notre pays, pour que la culture de la négociation soit une réalité familière. La route est longue, aussi, pour acclimater le dialogue social dans notre culture politique, reconnaissons-le.

Comme l’a dit en première lecture mon collègue Christophe Cavard au nom du groupe écologiste, nous en resterons, après les travaux de cette commission mixte paritaire, à une abstention que je me permettrai de qualifier de positive et d’encouragement. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à Mme Jeanine Dubié, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

Mme Jeanine Dubié. Nous saluons la méthode du Gouvernement, soutenu par une grande partie de sa majorité.

Cette approche est bienvenue, qui montre qu’avec la nouvelle majorité la méthode a vraiment changé : elle est désormais fondée sur le dialogue social. Le progrès social ne saurait être acquis durablement par la force ou la violence.

Ce dialogue montre aussi qu’il est souvent absurde d’opposer salariés et entrepreneurs. Il devrait y avoir un clivage non pas entre ceux-ci et ceux-là, mais entre deux visions de l’entreprenariat : une vision motivée par la rente et la recherche de profits inconsidérés, que nous combattons, et une vision fondée sur le désir d’entreprendre tout en respectant les droits de ceux qui contribuent à l’activité, que nous encourageons.

Le dialogue social n’est toutefois pas l’unique avancée de ce projet de loi. Il y a aussi l’extension de la complémentaire santé, la mise en place de droits rechargeables à l’assurance chômage, une plus forte taxation des contrats courts, une meilleure sécurisation de l’emploi grâce à l’individualisation de la formation et le durcissement des règles régissant le temps de travail.

On ne saurait néanmoins balayer d’un revers de main les critiques dont ce projet de loi a été l’objet, et les députés du groupe RRDP partagent les craintes qu’il suscite. Les nouvelles procédures de licenciement collectif posent question, de même que la réduction des délais de prescription, et l’homologation des plans de sauvegarde de l’emploi nous inquiète. Si le législateur a choisi de faire confiance aux partenaires sociaux, il lui faudra être vigilant sur la mise en œuvre de ces dispositifs. Les évaluations demandées par le Parlement ne devront pas rester lettre morte car elles seules nous permettront, si besoin est, d’ajuster les mesures prises.

Par ailleurs, je me réjouis, monsieur le ministre, que la commission mixte paritaire ait retenu la présentation par le Gouvernement d’un rapport au Parlement sur les modalités d’application de l’accord national interprofessionnel du 11 janvier 2013 au personnel des chambres consulaires. Je vous remercie, monsieur le ministre, d’avoir pris en compte leur spécificité.

Au terme de l’examen de ce texte, les députés radicaux et la majorité des députés du groupe RRDP le voteront. Nous sommes effectivement convaincus qu’il est nécessaire que l’économie française puisse mieux s’adapter aux mutations économiques. Il faut que les entreprises aient des alternatives aux plans sociaux. (Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP.)

M. le président. La parole est à M. Marc Dolez, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. Marc Dolez. À quelques jours du 1er mai, ce mercredi 24 avril, est un coup dur porté au monde du travail, d’abord avec la décision prise par le Gouvernement, annoncée ce matin, de s’opposer à la proposition de loi d’amnistie sociale pourtant déjà votée par la majorité de gauche du Sénat. Avec cette étonnante volte-face, le Gouvernement refuse en effet un acte de justice et un message de solidarité à l’égard de l’ensemble des salariés et des syndicalistes qui luttent pour le maintien de leur emploi et leur dignité. Comble du calendrier, le Gouvernement nous demande ce soir, après l’examen en CMP, d’adopter l’accord national interprofessionnel du 11 janvier dernier qui instaure notamment une amnistie patronale en limitant les délais de recours contre les licenciements abusifs. Le contraste est, hélas, saisissant !

Pour notre part, nous ne cesserons de dénoncer les aspects les plus délétères de cet accord voulu par le MEDEF, qui, sous couvert de dialogue social, dynamite en réalité le code du travail. C’est d’une gravité inédite à l’heure où tout montre que la crise et l’explosion du chômage fragilisent considérablement les salariés dans la négociation. Cet accord, c’est la porte ouverte à des centaines de plans sociaux express, à des milliers de licenciements supplémentaires, à des accords de maintien dans l’emploi désastreux quant au temps de travail et à la baisse des salaires. Ce sont autant de raisons qui, vous l’avez compris, nous confortent dans notre opposition résolue à ce texte.

Vote sur l’ensemble

M. le président. Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi, compte tenu du texte de la commission mixte paritaire.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 201

Nombre de suffrages exprimés 157

Majorité absolue 79

(L’ensemble du projet de loi est adopté.)

Infrastructures et services de transport

Commission mixte paritaire

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, sur le rapport de la commission mixte paritaire, du projet de loi portant diverses dispositions en matière d’infrastructures et de services de transport (n° 938).

Présentation

M. le président. La parole est à Mme Catherine Beaubatie, rapporteure de la commission mixte paritaire.

Mme Catherine Beaubatie, rapporteure de la commission mixte paritaire. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué chargé de l’économie sociale et solidaire et de la consommation, chers collègues, la commission mixte paritaire s’est réunie, avec succès, le 17 avril dernier et nous arrivons ce soir à la dernière étape de l’examen du projet de loi relatif aux infrastructures et services de transports par le Parlement.

Celui-ci a pris acte de l’ambition globale du projet de loi, qui porte sur l’ensemble des modes de transport et qui vise à résoudre un certain nombre de problèmes juridiques que pose le droit actuellement en vigueur, en complétant et en améliorant ce dernier, sans préjuger des réformes d’ampleur qui nous seront soumises dans les mois à venir. Je vous invite, monsieur le ministre, à nous informer rapidement du calendrier que le Gouvernement souhaite nous proposer pour l’examen de ces réformes, notamment la réforme ferroviaire.

Notre Assemblée a introduit dans le projet de loi des dispositions importantes : l’article 3 bis, qui permettra l’indispensable transparence des comptes des lignes TER, deux articles relatifs au réseau de transport de l’Île-de-France, l’introduction d’un élément de prospective sur la dimension logistique des transports avec l’organisation d’une conférence nationale sur ce thème, sans oublier les deux rapports qu’il est demandé au Gouvernement de présenter à la représentation nationale, l’un sur la circulation des camions de quarante-quatre tonnes et l’autre, très détaillé, sur l’application de la taxe poids lourds et sa répercussion.

En ce qui concerne cette taxe, rappelons que le projet de loi présenté par le Gouvernement ne concernait que la répercussion de la taxe, et non la taxe elle-même. J’estime assez regrettable, du point de vue de la solidité juridique et de la crédibilité, que le champ de la taxe ait été remis en question, au Sénat puis à l’Assemblée, alors que nous ne sommes plus qu’à quelques semaines de son entrée en vigueur effective. Je ne considère pas que la suppression de l’expérimentation en Alsace, à l’évidence souhaitable, constitue une remise en cause de la taxe elle-même, pas plus que la minoration supplémentaire accordée aux régions périphériques, et je salue ici nos collègues bretons, qui se sont montrés tout à fait persuasifs. Mais accorder d’ores et déjà des exonérations sectorielles qu’il n’a pas été jugé pertinent d’accorder lors de l’instauration de la taxe nous fait courir collectivement, compte tenu des nombreuses sollicitations que nous avons tous reçus en amont des débats et pendant qu’ils avaient lieu, le risque d’ouvrir la boîte de Pandore, pour reprendre une expression qui a souvent été employée.

Je me félicite que les travaux de la CMP aient confirmé une volonté commune des deux assemblées de limiter strictement de telles exonérations. Un compromis a été trouvé dans le cadre de cette CMP, chacune des assemblées ayant fait accepter à l’autre une seule exonération, considérée comme légitime et techniquement praticable.

Les véhicules d’entretien des routes, lorsqu’ils sont la propriété de l’État ou des collectivités territoriales, seront exclus du champ de la taxe.

M. Jean-Marie Sermier. C’est ainsi que l’État montre l’exemple ?

Mme Catherine Beaubatie, rapporteure de la commission mixte paritaire. Une catégorie spécifique de véhicules de transport du lait, celle des citernes alimentaires, le sera également. Le dispositif de majoration forfaitaire de plein droit du prix de la prestation de transport, qui permettra aux transporteurs routiers de répercuter sur les donneurs d’ordres la charge de la taxe était la pièce manquante du dispositif de l’écotaxe.

Nous sommes tous parfaitement conscients qu’il s’agit du système le moins imparfait pour effectuer cette répercussion. Nous en tirerons un bilan à la fin de l’année prochaine. Une ressource pérenne, et vertueuse sur le plan écologique, sera créée et affectée à l’Agence de financement des infrastructures. Cela marquera une étape importante de la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement, et témoignera de la réorientation de la politique des transports vers le développement durable. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé de l’économie sociale et solidaire et de la consommation.

M. Benoît Hamon, ministre délégué chargé de l’économie sociale et solidaire et de la consommation. Monsieur le président, monsieur le président de la commission du développement durable, madame la rapporteure, mesdames et messieurs les députés, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser Frédéric Cuvillier, qui a eu la chance de partir en fin d’après-midi pour la Chine avec le Président de la République. Il aurait vraiment aimé être présent pour la toute dernière ligne droite avant l’adoption de ce projet de loi. Hélas, à cause des délais prévus pour la mise en application de plusieurs articles, le vote définitif du texte devait intervenir dans les plus brefs délais. Les articles en question concernent le domaine maritime, mais aussi la mise en place, « à blanc », de l’écotaxe poids lourds au niveau national, entre juillet et septembre.

Ce texte est discuté au Parlement depuis maintenant plus de deux mois. Il a vocation à promouvoir les transports durables. Sa mesure phare vise à mettre en place de manière effective l’écotaxe poids lourds. Il s’agit, en matière de fiscalité écologique, de passer du principe à la réalité. Le dispositif que Frédéric Cuvillier vous a présenté entend faire en sorte que le coût de l’écotaxe soit répercuté de manière à la faire supporter par les donneurs d’ordres, ceux qui bénéficient réellement du transport.

Il s’agit donc de lancer un signal-prix pour modifier à terme les comportements vis-à-vis des modes de transport. Il s’agit aussi d’inscrire cette écotaxe dans le contexte économique actuel : il nous faut la rendre économiquement supportable par les entreprises de transport routier, qui sont aujourd’hui touchées par la crise.

Ce dispositif n’est pas parfait : le Gouvernement l’admet. Il a cependant l’avantage de sécuriser les rapports entre chargeurs et transporteurs, qui sont aujourd’hui, dans les faits, déséquilibrés. Il est, je le rappelle, le fruit d’une concertation avec l’ensemble des professionnels, transporteurs et chargeurs.

M. Martial Saddier. Pas l’ensemble, une partie !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Le travail au Parlement a été efficace et fructueux.

M. Martial Saddier. Pas assez !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Frédéric Cuvillier tient une nouvelle fois à remercier Mme et M. les rapporteurs pour la qualité de leurs rapports, leur investissement et leur attitude constructive. Le texte a désormais été discuté et amendé par les deux assemblées, en particulier par la vôtre. Mercredi dernier, lors de la commission mixte paritaire, un accord a pu être trouvé entre les deux chambres. Du point de vue du Gouvernement, le texte issu des travaux de la commission mixte paritaire est équilibré. Nous en remercions les membres de la CMP.

Nous savons qu’il a fallu faire des compromis : l’exercice de la procédure législative l’exige. Ce sont les règles du jeu de notre démocratie. Chacun a adopté une attitude constructive : nous saluons cette volonté d’aboutir.

Nous croyons en ce texte. Nous sommes également certains que chacun mettra de la bonne volonté pour que la mise en place historique de cette première mesure de fiscalité écologique soit un succès. La France a en effet du retard en la matière : le rattraper relève de notre responsabilité commune. C’est ce que nous faisons, tout en cherchant à rendre cette fiscalité écologique économiquement supportable par nos entreprises.

Frédéric Cuvillier m’a demandé de vous assurer qu’il sera très attentif aux conclusions du rapport que le Gouvernement devra remettre au Parlement dans un an et demi. Vous avez demandé ce rapport : nous sommes tout à fait d’accord avec vous sur son utilité. À partir de données objectives, nous ferons le bilan du dispositif pour l’ajuster et le parfaire en fonction de ses effets sur les acteurs de notre économie.

S’agissant du secteur maritime, ce projet de loi va dans le sens de l’action menée par le Gouvernement depuis le début : la défense de l’économie maritime française ! Frédéric Cuvillier tenait à ce que je le rappelle. Nous l’avons montré à plusieurs reprises, en menant des batailles sur les dossiers de Sea France, Brittany Ferries et aujourd’hui My Ferry Link.

L’article 23 de ce projet de loi va dans le même sens. Il vise à éviter que des navires sous pavillon étranger opèrent sur des lignes nationales dans des conditions sociales inacceptables, ce qui n’est rien d’autre que de la concurrence déloyale.

M. Régis Juanico. Très bien !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Il s’agit clairement d’une mesure de progrès social, qui étend aux navires sous pavillon étranger qui opèrent dans les eaux françaises l’application du droit social en vigueur en France. Cette mesure sera évidemment accueillie de manière très positive par les travailleurs français. Nous espérons obtenir ce soir une nouvelle fois votre confiance et pouvoir ainsi mettre en place ces dispositions dès l’été.

Madame la rapporteure, vous m’avez posé une question sur la réforme ferroviaire. MM. Bianco et Auxiette ont récemment rendu leurs rapports au Gouvernement. Le projet de loi sera présenté à l’été prochain et débattu à l’automne. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Chanteguet, président de la commission du développement durable.

M. Jean-Paul Chanteguet, président de la commission du développement durable. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission mixte paritaire chargée de trouver un accord sur les dispositions restant en discussion s’est réunie le mercredi 17 mars dans les locaux de l’Assemblée nationale.

Les débats à l’Assemblée nationale en première lecture avaient mis en avant quatre sujets qui n’avaient pas été examinés par les sénateurs : la mise en œuvre de l’écotaxe poids lourds, plus particulièrement les abattements accordés pour les régions périphériques ; les dérogations à la majoration du coût du transport pour une catégorie de véhicules, comme l’a rappelé notre rapporteure, Catherine Beaubatie ; la réforme du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique ; enfin, la création d’un établissement public, le centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement ou CEREMA, qui regroupera les centres d’études et d’expertise des risques et de la mobilité.

Nos débats se sont concentrés sur ces points. L’objectif de la CMP était d’arriver à un texte commun. Comme c’est souvent le cas, les deux assemblées se sont donc rapprochées l’une de l’autre en acceptant des points de vue divergents. Mais certaines questions demeurent.

L’écotaxe poids lourds représente la première étape de la mise en place d’une véritable fiscalité environnementale : son application doit donner un signal fort. C’est pourquoi nous serons attentifs à la mise en œuvre des dispositions les plus emblématiques et attendrons avec impatience le bilan d’étape qui sera établi d’ici dix-huit mois à deux ans. Les rapports demandés au Gouvernement permettront de répondre aux interrogations sur les conséquences économiques et sociales des mesures adoptées et de mesurer les éventuels effets d’aubaine ou les distorsions de concurrence. Nous devrons ensuite y remédier.

Le Gouvernement a engagé la procédure accélérée afin que les mesures essentielles puissent être effectives dans les meilleurs délais. Pour toutes ces raisons, et à la suite du Sénat, j’invite donc l’Assemblée nationale à voter le texte adopté par la commission mixte paritaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Bertrand Pancher, pour le groupe Union des démocrates et indépendants.

M. Bertrand Pancher. Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, le groupe UDI croit en la transition énergétique, à la transition écologique, et au développement des politiques environnementales.

Ce n’est pas seulement une question de survie : cela nous donne aussi la possibilité de réconcilier le court terme et le long terme. À long terme, nous devons trouver la bonne manière de construire le monde de demain, et le transmettre à nos enfants dans de bonnes conditions. À court terme, anticiper les mesures nécessaires pour rentrer dans le monde de demain nous permettra de créer de nombreux emplois dans tous les domaines qui concernent l’environnement.

L’ensemble de la classe politique s’accorde à reconnaître l’importance particulière de trois domaines d’application : le bâtiment, les énergies renouvelables et le transport. Nous sommes malheureusement obligés de constater que, dans ces trois domaines, les avancées sont rares et les régressions particulièrement importantes.

En matière de logement, comment ne pas être frappé par la différence entre les discours et les actes ? Le Président de la République avait annoncé lors de la conférence environnementale le chiffre d’un million de logements : 500 000 logements neufs créés et 500 000 logements anciens réhabilités. La réalité est que ce sont à peine 350 000 logements neufs qui ont été construits et 150 000 logements anciens qui ont été rénovés. Il y a loin de la coupe aux lèvres !

Il en va de même pour les énergies renouvelables : rien de nouveau n’apparaît dans le secteur de l’énergie photovoltaïque, qui est toujours aussi bloqué ; les constructions d’éoliennes continuent au même rythme ; les moyens consacrés à la chaleur renouvelable n’augmentent pas : nous n’atteindrons pas les objectifs que nous nous sommes fixés, notamment celui du 3x20 voté par l’Union européenne.

Nous attendions avec beaucoup d’impatience les explications de M. le ministre des transports dans le domaine, précisément, des transports. En la matière, les attentes sont fortes. Une écotaxe poids lourds sera mise en œuvre. Nous considérions qu’il fallait revoir le dernier décret d’application, que le précédent Gouvernement avait pris peut-être un peu trop rapidement, lequel décret aurait d’ailleurs pu être modifié par un autre décret d’application.

Quoi qu’il en soit, l’écotaxe poids lourds refait son apparition dans ce projet de loi. Comment allons-nous engager une nouvelle et grande politique de transports ? Une commission a été mise en place à la demande de M. le ministre des transports afin de classer les 80 infrastructures de transport inscrites dans le schéma national des infrastructures de transport car la coupe, nous disait-on, était pleine : nous allions en effet voir ce que nous allions voir en matière d’engagement des grandes politiques de transport de demain ! Faute de moyens nouveaux, il est impossible de réaliser de nouvelles infrastructures de transports : sachant que le budget de l’AFITF s’élève à 2,3 milliards d’euros par an et que cette somme est consacrée au remboursement des engagements pris par l’ensemble de la classe politique avec l’adoption de la loi dite « Grenelle 1 », nous ne pouvons donc plus financer d’investissements nouveaux jusqu’en 2023-2024 !

Nous pensions que le produit de la taxe sur les poids lourds prévue dans l’engagement n° 45 du Grenelle de l’environnement et que nous allons adopter serait en grande partie consacré au financement de ces infrastructures de demain. Nous avons donc interrogé à de nombreuses reprises M. le ministre des transports sur les conditions d’application de cette taxe car elles nous posent question. C’est d’ailleurs parce que nous ne souhaiterions pas que le Conseil constitutionnel censure la taxe que nous avons déposé certains amendements, lesquels ont été balayés d’un revers de main car, nous a-t-on dit, il n’y avait rien à craindre dudit Conseil. Dont acte. Je vous rappelle cependant, monsieur le ministre, que l’on nous avait tenu exactement le même langage au cours de l’examen de la proposition de loi de François Brottes instituant un mécanisme de bonus-malus environnemental. Or le Conseil constitutionnel a considéré qu’il convenait de revoir complètement ce texte !

M. Marc Le Fur. À raison !

M. Bertrand Pancher. Vous comprendrez donc que nous nourrissions un certain nombre d’inquiétudes à ce sujet.

Cela dit, il serait intéressant que l’on nous explique ce que l’on envisage de faire du produit de la taxe poids lourds : 850 millions d’euros par an, ce n’est pas rien ! Cela permettrait de financer la construction des infrastructures de demain que j’évoquais. Le ministre n’a jamais répondu à cette question précise.

Il est très vraisemblable que la taxe poids lourds permettra à l’État de se désengager sur le budget de l’AFITF. Tout se passe comme si nous avions voté un malus sans réaffecter le bonus. Qu’auriez-vous dit, monsieur le ministre, si, lorsque nous avons créé le bonus-malus voilà quelques années pour lutter contre la consommation des véhicules, nous avions décidé que le fruit de ce dispositif servirait à autre chose ? Ce qui est donc proposé ici est absolument incompréhensible.

Nous attendions de ce débat que l’on nous précise peut-être d’autres engagements voire d’autres moyens pour au moins sortir de tout cela la tête haute. Certains ont évoqué l’augmentation des durées de concession des autoroutes. On leur a ri au nez considérant qu’il y avait déjà eu la privatisation et que des moyens supplémentaires n’étaient pas utiles. On aurait pu par ailleurs envisager de rationaliser le fonctionnement des collectivités locales – conseils généraux, régions – pour éviter les doublons dans les politiques de transport : le département des Bouches-du-Rhône et la région PACA, dont les services de transport se font concurrence, sont, à ce titre, très souvent cités. Une rationalisation permettrait d’apporter de nouveaux moyens financiers. Nous aurions pu également nous interroger sur la gratuité à certains endroits. Nous avons toujours choisi, en France, de faire financer les infrastructures par les contribuables plutôt que par les usagers : la contribution de ces derniers à l’ensemble des services de transport est de 30 % inférieure à la moyenne européenne – on cite le chiffre de 95 milliards d’euros par an. Aux entrées de Paris notamment – c’est le cas de la Francilienne –, les infrastructures de transport sont gratuites. N’aurait-on pu ouvrir le débat à ce niveau pour trouver des moyens nouveaux ? Toutes ces propositions ont été balayées d’un revers de main.

Nous sommes évidemment favorables à la fiscalité environnementale, à la vérité des prix, donc à l’intégration des coûts masqués – les coûts sociaux et environnementaux – dans un certain nombre de prix.

Le groupe UDI, qui a porté à bout de bras cette taxe poids lourds, ne se prononcera certes pas contre, mais considérant les absences de réponses, ce qui est incompréhensible pour les contribuables, il s’abstiendra sur ce texte.

M. le président. La parole est à M. François-Michel Lambert.

M. François-Michel Lambert. Monsieur le président, mesdames, messieurs, nous y voilà enfin ! Enfin, nous allons pouvoir nous prononcer sur ce texte, en particulier sur son article 7 qui traite de la pollutaxe attendue depuis de nombreuses années par les écologistes et sur laquelle je souhaite revenir quelques instants avant d’égrainer les autres articles.

L’enjeu en l’occurrence nécessite de penser différemment l’approche en matière de déplacement des marchandises sur notre territoire et de mettre enfin les externalités en phase avec la réalité de l’impact du transport de marchandises par voie routière. On ne peut donc que se satisfaire qu’un signal soit aujourd’hui envoyé. Ce gouvernement a fait en effet le choix d’organiser en profondeur notre pays et de tout mettre en œuvre – je pense également aux futures lois de décentralisation et au projet de loi urbanisme et logement – pour le préparer aux futurs enjeux que nous ne pouvons plus maintenant ignorer, à savoir la fin des ressources naturelles disponibles, le pétrole cher, la pollution insupportable, sans parler des pertes de temps que représentent les dizaines d’heures que les Parisiens et les Franciliens passent dans les bouchons. Vraiment, il est temps de structurer différemment notre pays, et tel est bien l’objet de cette première marche, même si, à notre goût, elle n’est pas assez haute. En tout cas, cela nous change du « plat pays » que nous avait proposé précédemment la droite !

M. Jean-Marie Sermier. Nous y voilà !

M. François-Michel Lambert. Pour en revenir à l’article 7, si cette écotaxe poids lourds n’est pas encore une pollutaxe puisqu’elle n’intègre pas pleinement la directive européenne dite « Eurovignette III » en ce qu’elle ne concerne que les impacts sur les infrastructures et non la totalité des externalités, elle constitue tout de même – en mettant en place les moyens d’une structuration différente – un moyen de faire admettre que le choix du transport routier n’est pas optimum dans de nombreux cas. Il s’agit de permettre, dans le meilleur des cas, une relocalisation ou un fonctionnement différent des flux de marchandises ou, dans d’autres cas, une orientation vers d’autres modes de transport comme le ferroviaire ou le fluvial qui se substitueraient, alors, au transport routier.

Malheureusement, des dérogations sont prévues qui n’envoient pas les bons signaux. Je pense essentiellement à l’exemption, dans certaines conditions, des véhicules publics, que nos amis sénateurs nous ont proposé d’insérer dans ce texte lors de la réunion de la CMP où les écologistes n’ont pu, hélas, faire porter leur voix. Comme je l’avais précisé en commission, le signal ainsi envoyé au monde économique n’est pas forcément positif. Alors que l’écotaxe est mise en place pour le transport privé des marchandises, en quoi les véhicules des collectivités dérogeraient-ils – sachant par ailleurs que les véhicules ne disposant pas de chronotachygraphes sont spécifiques ? N’est-ce pas dire, en somme : « Faites ce que je dis, ne faites pas ce que je fais » ?

M. Martial Saddier. Il y a une logique en la matière.

M. François-Michel Lambert. Il est vrai que les sénateurs vont avoir à se présenter devant leurs électeurs !

Mais il est une autre grande dérogation : l’abattement de 50 % dont bénéficie la Bretagne du fait, ai-je découvert, de son caractère ultrapériphérique. Tant mieux pour elle.

M. Marc Le Fur. La géographie l’explique !

M. François-Michel Lambert. Eh bien parlons justement de géographie ! Je serais heureux de vous accueillir dans la région PACA pour vous expliquer ce qu’est vraiment l’ultrapériphérie : il y a en effet, en termes d’efficacité de transport, certainement plus de proximité entre Rennes et Paris qu’entre Briançon et Marseille ! Mais tel est votre choix. Vous le paierez un jour.

M. Christian Jacob. Pas de menaces !

M. François-Michel Lambert. Il est sympathique, monsieur Jacob, vous qui n’êtes pas breton si j’ai bonne mémoire, de vous voir supporter vos amis bretons, mais, je le répète, ceux-ci le paieront un jour. La réalité est là. Le signal que vous envoyez à la Bretagne ne lui sera pas suffisant pour consentir les efforts nécessaires pour repenser son territoire et pour trouver des solutions alternatives au transport routier. Lorsque la réalité du prix du pétrole la rattrapera, elle sera en retard par rapport aux autres régions. La seule solution qui lui restera sera alors de demander davantage de dérogations pour lutter contre les effets d’un rouleau compresseur qu’aucune nation ne peut contrôler, mais que toutes – la France, en premier – doivent anticiper.

J’insisterai, pour conclure sur ce sujet, sur l’absolue nécessité du fléchage en direction du développement d’infrastructures alternatives au transport routier des 850 millions d’euros par an que l’écotaxe devrait rapporter à l’AFITF.

Je tiens, au-delà de cette dernière, à souligner les points positifs du texte. Grâce à mon collègue Denis Baupin, nous avons pu progresser s’agissant du vélo et de ses enjeux : nous avons noté le rendez-vous que nous a donné le Gouvernement avec le futur Plan vélo, ce qui est significatif d’un changement de vision en matière de déplacement.

M. Martial Saddier. Plan vélo auquel le groupe UMP sera peut-être associé !

M. François-Michel Lambert. Je le souhaite vivement. Ses députés pourront en effet faire part de réussites dans des villes UMP. Nous ne serons jamais assez nombreux pour anticiper les changements en la matière,…

M. Martial Saddier. Cela aura été mon combat !

M. François-Michel Lambert. …car nous démarrons bien tard. Il est vrai, monsieur le ministre, que cela ne fait que onze mois que nous sommes aux affaires. Si nous l’avions été depuis onze ans, nous n’en serions pas là où nous en sommes aujourd’hui – je remercie mon ami Martial Saddier de me permettre de le dire !

Le transport guidé commence à être pris en considération. N’a-t-il pas encore été annoncé, pas plus tard que la semaine dernière, comme une alternative aux problèmes de déplacement à Marseille, ville la plus embouteillée de France et l’une des trois plus embouteillées d’Europe, en nombre non pas d’heures – Paris la dépasse sur ce seul critère –, mais de kilomètres parcourus ?

Nous avons également noté le renforcement du droit social dans le cabotage maritime. Certes certains ici considèrent que nous ne sommes pas allés assez loin. Nous estimons, pour notre part, que nous avons en la matière pris nos responsabilités sociales.

J’en viens à l’article 24 bis – proposé par mon collègue Gilles Savary et que j’ai pleinement soutenu – qui, si j’ai bonne mémoire, a été voté à l’unanimité. Avec cet article, qui traite du schéma directeur national logistique, nous prenons l’engagement de réconcilier transport de marchandises et aménagement du territoire. Cet objectif a été abandonné voilà quarante ans, et la déstructuration de notre territoire comme l’éparpillement des pôles générateurs de flux de marchandises a eu pour conséquence l’effondrement du fret ferroviaire et du transport fluvial, le transport routier de marchandises étant seul capable dans ces conditions d’apporter une réponse économiquement viable. Aussi, décider la mise en place d’un schéma national directeur logistique permettra de replanifier notre territoire afin de faire face aux futurs enjeux.

Je veux à cet égard parler de la commission « Mobilité 21 » qui se trouvait aujourd’hui à Marseille pour analyser le bien-fondé de la LGV PACA – Marseille, Toulon, Nice –, ligne côtière comprenant de nombreux de tunnels pour un coût de 15 ou 20 milliards d’euros. Le problème, c’est que cette infrastructure à 15 ou 20 milliards d’euros n’apporte qu’une réponse voyageurs. Comment peut-on accepter, quand il nous est difficile de mobiliser 500 millions d’euros ou 1 milliard d’euros pour des infrastructures d’importance, d’envisager une telle infrastructure à 20 milliards d’euros qui n’apportera pas de réponse en matière de transport ferroviaire de marchandises dans une région qui est pourtant de transit depuis le temps des romains ? On le voit là encore, l’absence de vision est préjudiciable à la structuration de notre territoire. Jamais la LGV PACA n’aurait pu être envisagée si une planification avait existé.

En conclusion, ce texte induit un changement structurel profond de notre pays dont on ne mesure pas encore les conséquences et que nombre d’entre nous ne connaîtront pas puisque son efficacité ne sera pas mesurée avant 2020. Je me réjouis toutefois que nous soyons aujourd’hui capables de structurer un avenir lointain. Le groupe Écologiste votera évidemment ce texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste et SRC.)

M. le président. La parole est à Mme Jeanine Dubié.

Mme Jeanine Dubié. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’examen de ce projet de loi sur les transports a débuté au Sénat en février et devrait se terminer ce soir. Il nous aura fallu moins de trois petits mois pour aboutir à une loi ambitieuse.

Renforcer « la prise en compte du développement durable, la lutte contre les risques écologiques et la protection des salariés » dans le code des transports, tel est l’objectif de ce texte, que nous partageons tous.

Les députés du groupe RRDP l’ont répété à de nombreuses reprises, nous soutenons ce projet. Il s’agit d’un soutien non pas béat et satisfait, mais lucide sur les défis qu’il nous faut relever.

Nous sommes conscients que la mise en œuvre de la fameuse écotaxe poids lourds sera complexe, coûteuse et laborieuse, que cette écotaxe aura des répercussions économiques pour les transporteurs, les chargeurs et les professionnels faisant du transport en compte propre et qu’il faudra remettre l’ouvrage sur le métier à l’occasion de la remise du rapport d’évaluation prévu à l’article 7, mais nous sommes aussi conscients que notre pays avait besoin de mettre en place une écotaxe poids lourds.

La mise en place de l’écotaxe est la traduction d’un engagement du Grenelle de l’environnement. Le principe avait été inscrit dans la loi de programmation « Grenelle 1 », loi adoptée à l’unanimité du Parlement. Il s’agissait d’une démarche audacieuse et ambitieuse, et le Grenelle a amorcé un changement économique et sociétal dans notre rapport aux exigences écologiques.

L’écotaxe poids lourds est une nécessité. C’était l’engagement 45 des travaux préparatoires de la loi Grenelle et, d’un point de vue normatif, elle a aussi été votée dans l’article 153 du projet de loi de finances pour 2009.

Comme les péages pour les autoroutes sont fonction des coûts d’utilisation de l’infrastructure, l’écotaxe poids lourds doit couvrir les coûts d’usage par les poids lourds du réseau routier dit « non concédé ». Ensuite, cette écotaxe doit inciter à réduire l’impact environnemental du transport routier en agissant sur la diminution de la demande. Enfin, elle va dégager de nouvelles ressources pour favoriser le développement du transport intermodal et le financement de nouvelles infrastructures avec son affectation à l’Agence pour le financement des infrastructures de transport de France.

Certes, elle ne correspond pas parfaitement aux canons économiques d’une écofiscalité pure et parfaite, elle ne remplace pas une taxe existante, elle recherche un rendement fiscal et n’a pas vocation à aboutir à l’extinction de son assiette, mais elle participe du mouvement vers la mise en place d’une fiscalité écologique car elle fait porter les externalités négatives sur les utilisateurs.

Je rappelle que la fiscalité écologique n’a augmenté que de 10 % depuis 2000. C’est relativement bien moins que les autres taxes sur les produits, par exemple. Notre objectif pour réussir la transition écologique, c’est d’inverser ces courbes en tarifant des nuisances environnementales, si possible de façon neutre.

Dans ce texte, le mécanisme de répercussion proposé instaure une majoration forfaitaire. Cette déconnection du montant du coût réel de l’écotaxe a fait naître des inquiétudes, mais après des mois de concertations les acteurs concernés ont reconnu à l’unanimité qu’il s’agissait de la moins mauvaise des solutions.

La répercussion des coûts de la taxe pour les transporteurs dans le prix de leur prestation est primordiale pour ce secteur, d’autant qu’une immense majorité d’entre eux sont des PME et qu’elles risquaient des négociations trop défavorables avec les chargeurs, plus concentrés. La rentabilité économique du transport routier est faible et nous connaissons tous des entreprises de ce secteur en difficulté.

Comme vous tous, les députés du groupe RRDP ont aussi entendu des professions qui ont peur de subir plus que d’autres. Je pense aux coopératives, aux déménageurs, à ceux qui font du transport en compte propre, et même aux élus, qui craignent des reports de trafic.

Le Gouvernement a entendu les revendications bien spécifiques du secteur laitier. L’exemption est très ciblée, les véhicules citernes forment une catégorie particulière du fait du ramassage quotidien du lait, ils entrent donc dans le cadre d’une directive européenne. Cela montre l’esprit d’ouverture du Gouvernement pour améliorer le texte avec le travail parlementaire.

Il y avait une demande pour décaler l’entrée en vigueur du dispositif de plusieurs mois. Ce report était nécessaire aux entreprises pour mettre en place le système de l’écotaxe et s’équiper. Le Gouvernement a pris en compte ces arguments.

À propos de travail parlementaire, je veux rappeler l’apport décisif de mon collègue Joël Giraud en commission des affaires économiques. Avec un sous-amendement adopté à l’unanimité, il a imposé pour le rapport prévu à l’article 7 l’avis des comités de massif concernés pour évaluer les reports de trafic. Les élus de la montagne se félicitent de cet ajout. Les comités de massif élaborent le schéma interrégional des massifs, ils sont les mieux placés pour constater les reports de trafic, ils doivent avoir leur mot à dire, et nous faisons confiance au Gouvernement pour écouter avec soin ces avis.

De manière plus générale, l’évaluation de l’impact de l’écotaxe prévue par la deuxième partie de l’article 7 envisage la possibilité de revenir sur des dispositions qui se révéleraient préjudiciables. Cela nous permet d’apaiser aujourd’hui des inquiétudes, mais ce n’est pas un chèque en blanc. Nous serons très attentifs à ce rapport d’évaluation et nous comptons sur le Gouvernement pour tenir compte des constatations qu’il établira. Nous sommes convaincus que la réussite de cette écotaxe poids lourds passera par sa capacité à l’améliorer.

M. Martial Saddier. Il faudra l’améliorer !

Mme Jeanine Dubié. Après avoir évoqué cette écotaxe que nous allons voter ce soir, je voudrais maintenant traduire les inquiétudes des transporteurs.

M. Marc Le Fur. Tout le monde est inquiet !

Mme Jeanine Dubié. Nous les avons rencontrés, et nous avons tous les mêmes échos. Ils souffrent de façon injuste de la concurrence étrangère déloyale et souhaitent des mesures pour renforcer leur compétitivité. Ils attendent que le Gouvernement soit aussi audacieux pour le transport routier qu’il a pu l’être avec l’article 23 pour la protection des conditions de travail sur les navires naviguant dans les eaux territoriales nationales. Nous comptons sur la force de persuasion de M. le ministre pour que nos transporteurs français puissent lutter à armes égales avec leurs concurrents européens.

Pour conclure, ce projet de loi est une pierre importante dans l’édifice de la fiscalité écologique qu’il nous appartient de bâtir pour changer les comportements.

Le groupe RRDP considère la fiscalité écologique comme une question centrale pour réussir la transition écologique. Nous voterons ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes RRDP, SRC et écologiste.)

M. le président. La parole est à M. Patrice Carvalho.

M. Patrice Carvalho. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il n’est jamais aisé de se prononcer globalement sur un projet de loi qui comporte une telle diversité de dispositions. Si nous approuvons pour l’essentiel certaines mesures, nous nous opposons résolument à d’autres, ce qui explique le vote négatif que nous avons exprimé en première lecture.

La CMP est parvenue à un accord après avoir examiné les quarante-six articles qui restaient en discussion. Les équilibres du texte ne s’en trouvent pas bouleversés et l’essentiel du débat se sera évidemment concentré sur l’entrée en vigueur de l’écotaxe poids lourds à compter du 1er octobre prochain.

M. Martial Saddier. Peut-être !

M. Patrice Carvalho. Il s’agit d’une disposition du Grenelle de l’environnement votée en 2009, mais restée en plan en raison du dispositif inapplicable envisagé par le précédent gouvernement. Nous ne pouvons que nous réjouir que cette mesure voie enfin le jour. Je rappelle, toutefois, comme l’a fait mon collègue André Chassaigne en première lecture, qu’elle ne réglera pas tout.

Le Grenelle de l’environnement prévoit que les modes de transport alternatif à la route représentent 25 % du fret à l’horizon de 2025. Non seulement nous sommes loin du compte, mais nous ne distinguons pas une volonté politique d’inverser la tendance.

L’écotaxe poids lourds a pour objet d’inciter au report modal, en particulier pour les longs trajets, les plus polluants et les plus accidentogènes mais encore faut-il que les autres moyens de transports soient effectifs.

La prééminence de la route dans le transport des marchandises n’est pas vraiment remise en cause. La tentation du « tout routier » est toujours bien réelle. Elle se déploie au détriment du rail, du ferroutage et du fluvial. Ainsi, le transport routier assure près de 90 % du transport des marchandises et, en dépit de la hausse continue du prix du pétrole, le fret ferroviaire a reculé en France de près de 40 %, passant de 57 milliards de tonnes-kilomètres en 2000 à 34 milliards en 2011. Dans le même temps, la part du transport combiné ferroviaire a diminué d’environ 70 %. Dans ces conditions, il n’est pas étonnant que la route représente 94 % des émissions de gaz à effet de serre du secteur des transports.

Nous avons pris beaucoup de retard dans le développement de la voie d’eau, quand nos partenaires européens dotés d’un aussi grand patrimoine fluvial que le nôtre ont développé le grand gabarit. En France, le transport fluvial représente 7,5 milliards de tonnes-kilomètres contre 64 milliards en Allemagne, 45 milliards aux Pays Bas et 8,75 milliards dans ce petit pays qu’est la Belgique.

De ce point de vue, le report du canal Seine-Nord-Europe, ce maillon manquant pour relier notre pays au réseau fluvial européen, est dommageable, même si nous avons bien compris que c’était à cause du financement prévu, mal ficelé. Il faut impérativement mener à bien ce projet, sans lequel le report modal n’est qu’une imprécation.

Ce dossier est d’ailleurs emblématique si nous considérons l’engorgement de l’autoroute A1 et l’urgence d’agir pour développer les modes de transports alternatifs, au rang desquels figure le transport fluvial.

Nous savons bien pourquoi le « tout routier » a été favorisé. La stratégie des entreprises pour éviter les stocks et développer le « juste à temps » – pour ne pas dire la rotation la plus rapide du capital –, a encouragé à privilégier la route, qui garantit la livraison de porte à porte, mais ce qui est économisé à un bout de la chaîne se paie à l’autre bout en termes de dégradation environnementale, de dangerosité de la route, de coût en investissements et en entretien, en consommation énergétique.

Évidemment, le transport routier demeurera indispensable : les clients sont nombreux, les lieux de livraison dispersés et, bien sûr, ni le train, ni la péniche ne déposera ces marchandises à la porte de l’entreprise, mais l’avenir, pour toutes les raisons que j’ai évoquées, réside dans ce que l’on appelle la multimodalité.

Le rail et le fleuve peuvent délester le réseau routier d’une grande part des camions qui le sillonnent chaque jour, le transport routier n’intervenant qu’à la fin de la chaîne de livraison.

Le développement des autoroutes ferroviaires permet de parcourir de grandes distances sans rupture de charge, améliore la rapidité et la sécurité des trajets. Elles doivent être complétées par une activité fret de proximité avec l’utilisation du wagon isolé, qui ne réserve pas le transport par rail aux seules grandes entreprises capables d’affréter un train entier.

Il faut bien constater néanmoins que les axes de développement fixés par la SNCF ne vont pas dans cette direction. Le wagon isolé représente 42 % du volume du fret ferroviaire et recèle un gros potentiel de développement. Telle n’est pourtant pas l’orientation envisagée puisque cette activité est condamnée à diminuer.

Nous avons donc un problème puisque nous débattons d’un projet destiné notamment à commencer à organiser le report modal, mais dans les faits, ceux qui sont censés y contribuer prennent des dispositions contraires.

J’ai évoqué tout à l’heure la voie d’eau. Quelques données chiffrées méritent d’être rappelées.

En moyenne, un convoi fluvial, soit deux péniches, transporte 5 000 tonnes de marchandises. C’est autant que cinq trains complets et que 250 camions. En outre, il consomme 3,7 fois moins de carburant que la route et pollue quatre fois moins. En termes de coût, le prix moyen d’une tonne de marchandise transportée sur 350 km revient à 12 euros sur une péniche à grand gabarit et à 21 euros par camion. Est-il besoin d’en dire davantage pour montrer que la voie d’eau doit être développée ?

Il est urgent de mettre en correspondance les intentions et les actes.

J’en reviens aux modalités de mise en œuvre de l’écotaxe. Elles se fondent sur une majoration du coût du transport différenciée au niveau régional.

La CMP a permis de trancher plusieurs différends entre le Sénat et l’Assemblée nationale. Ainsi se trouvera donc augmentée la minoration applicable aux régions dites périphériques en raison précisément de leur caractère périphérique.

Deux dérogations sont validées et je m’en réjouis. La première concerne les véhicules de l’État et des collectivités territoriales affectés à l’entretien et à l’aménagement de routes.

M. Martial Saddier. Très bien !

M. Patrice Carvalho. Il aurait été, en effet, paradoxal de taxer ces véhicules alors que la taxe est destinée à assurer en partie le financement de l’entretien des routes. La seconde concerne les véhicules à citerne assurant la collecte du lait, ce qui est également une bonne décision.

M. Martial Saddier. Tout à fait !

M. Patrice Carvalho. Les sénateurs se sont émus du manque à gagner sur les recettes de la taxe. Je me permets d’appeler votre attention sur deux pistes.

L’exonération de la taxe intérieure sur les produits pétroliers consentie au transport routier coûte chaque année à l’État 330 millions d’euros. Je vous invite à les mettre en rapport avec le montant de 1,2 milliard que doit rapporter l’écotaxe poids lourds.

L’ancien gouvernement avait décidé de confier la collecte de l’écotaxe à un partenariat public-privé, c’est-à-dire à la société Ecomouv, filiale d’Autostrade per l’Italia, qui va prélever 230 millions d’euros par an sur plus de dix ans, soit plus de 2 milliards. Nous aurions tout intérêt à confier cette tâche au service public, en l’occurrence au service des douanes.

J’en viens à l’article 23 qui a motivé notre vote négatif en première lecture. Il concerne la régulation du cabotage maritime national.

L’Union européenne a ouvert le transport maritime en 1986, puis le cabotage maritime en 1992 à la concurrence européenne, mais les États membres ne se sont pas mis d’accord sur les critères communs d’immatriculation de leurs navires. Certains ont abaissé leur pavillon au standard international, y compris pour le cabotage européen, instaurant ainsi une concurrence déloyale avec les navires immatriculés en France au pavillon de premier registre.

Conséquence, l’activité et l’emploi maritimes ont été mis à mal en France et la situation s’aggrave, en raison des distorsions de concurrence entre armateurs, avec l’existence en Europe de véritables pavillons de complaisance. C’est de cette manière que la compagnie Corsica Ferries avait raflé à la SNCM les deux tiers du trafic vers la Corse avec des prix cassés.

L’enregistrement sous le pavillon du premier registre français assure un haut niveau de garantie en matière de sécurisation et de droits des salariés. Mais à présent, des entreprises d’armement remplacent des équipages de marins sous statuts nationaux par des marins communautaires ou issus de pays tiers, afin de les employer à bas coût et à des conditions sociales minimales, selon les normes internationales en vigueur.

Ces normes tendent, au final, à devenir la règle en Europe et en France, grâce à la création de pavillons sous registre international. Se dessine ainsi une harmonisation par le bas du secteur maritime sur fond de mondialisation et de libéralisation des échanges. Ces pavillons peuvent afficher des coûts de transports 40 % moins cher. Des navires battant pavillon français peuvent naviguer sans plus aucun marin français à bord et dans des conditions sociales minimales et précaires.

Vous nous dites, monsieur le ministre, que le projet tend à réguler l’anarchie qui s’est installée, mais dans les limites de l’euro-compatibilité – c’est-à-dire qu’en réalité, on ne peut pas réguler grand-chose. La directive Bolkestein, à son origine, instaurait cette jungle en faisant prévaloir la législation du pays d’origine. La levée de bouclier qu’elle a suscitée a conduit à l’amender, de sorte que nous pouvons imposer les règles du pays d’accueil, d’autant plus que le secteur du transport a été sorti du champ de la directive.

C’est pourquoi je maintiens notre exigence d’application de la législation du pavillon français de premier registre aux pavillons circulant dans nos eaux territoriales. Par ailleurs, j’insiste sur l’urgence que la France porte au niveau européen l’exigence de création d’un pavillon européen équivalent au pavillon français de premier registre avec la garantie d’une haute protection sociale aux gens de mer.

Nous maintenons donc notre vote négatif.

M. le président. La parole est à M. Florent Boudié.

M. Florent Boudié. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le débat sur le projet de loi portant diverses dispositions en matière de transport arrive maintenant à son terme, après des travaux très approfondis et la discussion en commission mixte paritaire qui a apporté plusieurs ajustements.

C’est bien évidemment l’article 7 du projet de loi qui a mobilisé l’essentiel de nos travaux, un article qui vient mettre en application le principe de l’écotaxe poids lourds, principe adopté, je le rappelle, en juillet 2009 par l’ancienne majorité, dans le cadre de la loi Grenelle 1. À écouter d’ailleurs certaines des interventions de nos collègues de l’opposition, on finirait par oublier qu’ils étaient les auteurs de l’instauration de l’écotaxe !

M. Martial Saddier. C’est une pâle copie que vous nous présentez ce soir !

M. Florent Boudié. Je regrette d’ailleurs que sur la question de l’écotaxe et de son application – nous parlons de la première fiscalité environnementale appliquée dans notre pays –, des clivages artificiels aient fini par l’emporter.

Je ne reviens pas sur le décret d’application de l’écotaxe, publié au Journal Officiel le dimanche 6 mai 2012, aux toutes dernières heures du quinquennat précédent, signe, pour le moins, d’une certaine précipitation. Je me contenterai de rappeler que ce décret était vivement contesté par tous les acteurs du transport routier de marchandises. Et j’avoue avoir quelque peine à comprendre que l’ancienne majorité s’accroche à ce décret autant décrié, adopté à la va-vite et sans concertation avec le monde du transport.

Le dispositif de l’article 7 est-il parfait pour autant ? Non, bien sûr. Et c’est pourquoi notre collègue Fabrice Verdier a souhaité, par un amendement très opportun, en confronter l’application au principe fondamental de l’évaluation des politiques publiques : un rapport sur les conditions d’application de l’écotaxe sera donc présenté au Parlement dans dix-huit mois ; il permettra de mettre en œuvre les ajustements qui pourraient s’avérer nécessaires.

Je veux redire que le dispositif que nous avons arrêté a surtout le très grand mérite de protéger nos entreprises de transports routiers contre une application déraisonnable de l’écotaxe, puisque les utilisateurs des services de transport seront appelés à une contribution forfaitaire, automatique et équitable.

M. Martial Saddier. De manière inégale !

M. Florent Boudié. Il était indispensable de répondre à l’inquiétude de nos petites et moyennes entreprises de transports routiers, qui déploient des efforts importants pour limiter l’impact environnemental de leur activité, qui ne sont pas épargnées par la crise, qui souffrent de marges brutes souvent faibles et dont 82 % comptent moins de dix salariés.

Je rappelle aussi que la commission mixte paritaire a réintroduit, à l’article 6 ter, l’exonération de l’écotaxe pour les véhicules d’entretien des réseaux routiers appartenant aux collectivités territoriales. Les arguments évoqués ont été entendus, en particulier le fait que l’écotaxe vise précisément à financer les coûts d’investissement et d’exploitation des infrastructures de transport : taxer les véhicules qui ont en charge cet entretien aurait confiné à une forme de double peine.

Autre avancée acquise devant notre assemblée : la meilleure prise en compte des territoires périphériques par la majoration du taux d’abattement de l’écotaxe pour les régions Midi-Pyrénées, Bretagne et Aquitaine. Sur ce point, nous sommes allés beaucoup plus loin que le gouvernement précédent.

Plusieurs de nos collègues députés du groupe SRC avaient également attiré notre attention sur la nécessité d’exonérer certains types de véhicules, notamment ceux utilisées dans la collecte du lait : ils ont été entendus, à la fois par le groupe et par le Gouvernement. Et c’est bien, ici, la nature des véhicules qui justifie l’exonération, sur la base des possibilités limitativement ouvertes par la réglementation européenne.

Enfin, je voudrais saluer, une fois de plus, la portée de l’article 23, qui offre un cadre nouveau pour lutter contre le dumping social dans le cadre du cabotage maritime et qui permettra d’appliquer aux équipages des navires étrangers l’ensemble des dispositions du droit social français. Comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire, c’est, d’une certaine manière, tout le débat sur la directive Bolkestein qui se trouve ainsi soldé, du moins en ce qui concerne cet aspect.

Ces dispositions sont assumées, et pour beaucoup d’entre elles innovantes. Je vous propose, mes chers collègues, de les approuver sans retenue. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Martial Saddier.

M. Martial Saddier. Je ne pensais pas vous voir ce soir, monsieur le ministre, et je vous avoue être un peu gêné car je pensais – comme mes collègues – m’adresser à M. Cuvillier. En effet, je n’ai pas oublié votre soutien actif et efficace, quelques jours après votre prise de fonction, quand il s’est agi de venir en aide à une entreprise en grande difficulté dans ma circonscription. Cela fait deux fois dans la même journée que je dis du bien d’un ministre du Gouvernement, mes chers collègues. Rassurez-vous, la suite arrive ! (Sourires.)

Monsieur le président, monsieur le président de la commission, madame la rapporteure, mes chers collègues, vous vous doutez bien que mon propos portera essentiellement sur le fameux article 7 de ce texte, dont l’objet est de fixer les modalités de répercussion de la taxe poids lourds et sur lequel, avec mes collègues du groupe UMP – notamment Jean-Marie Sermier, Marc Le Fur, Lionel Tardy et notre président Christian Jacob, qui est avec nous ce soir –, nous nous sommes battus et nous avons défendu ardemment et avec conviction nos amendements, afin d’améliorer le dispositif que vous nous soumettez aujourd’hui. Je ne vous cache pas que la tâche était rude – et, une fois de plus, aucun amendement de l’opposition n’a été retenu, même pas le moindre amendement rédactionnel.

Nous nous félicitons que, grâce à notre travail et notre ténacité, vous ayez permis que soient exonérés du dispositif de l’écotaxe les véhicules utilisés pour la collecte de lait dans les fermes, afin – il est important de le souligner, car nous nous sommes battus, que nous soyons élus de votre majorité ou de l’opposition – de soutenir notre filière laitière très fragile. Nous avons également pesé lourd pour que les véhicules d’État et ceux des collectivités territoriales entretenant les voiries soient également exonérés.

Enfin, nous saluons les avancées sur le vélo, cher à Philippe Goujon dans notre famille politique, mais aussi à Denis Baupin, notre président de séance, et à notre collègue François-Michel Lambert. Comme vous le voyez, nous pouvons nous retrouver sur certains sujets. Je crois qu’en CMP, les voix de l’UMP ont pesé lourd pour que soient maintenues ces avancées significatives. Nous les saluons et sommes très satisfaits qu’elles n’aient pas été remises en cause mais actées lors des travaux de la commission mixte paritaire mercredi dernier.

Malheureusement, et ce n’est pas faute d’avoir présenté des arguments de qualité, l’exonération des véhicules de collecte du lait aura été la seule et unique exonération d’un secteur professionnel au mécanisme de répercussion de la taxe poids lourds que vous nous ayez concédée. Vous avez, en effet, systématiquement rejeté l’ensemble de nos amendements visant à exonérer les activités agricoles dans leur globalité, le transport de proximité et le transport en compte propre, ainsi que les activités de distribution d’énergie. Ces exonérations étaient et demeurent à nos yeux parfaitement légitimes – vous avez vous-mêmes reconnu que celle de la filière laitière l’était.

Permettez-moi cependant de revenir rapidement sur le principe même de l’écotaxe poids lourds. Introduite dans le cadre du Grenelle de l’environnement et adoptée à l’unanimité lors de son examen en 2009, cette taxe consiste à faire payer aux poids lourds de plus de 3,5 tonnes l’usage du réseau routier national non concédé et de certaines routes départementales ou communales susceptibles de subir un report significatif de trafic.

L’article 7 du projet de loi portant diverses dispositions en matière d’infrastructures et de services de transport, tel qu’il nous est présenté aujourd’hui, fixe les modalités de répercussion de la taxe poids lourds. Il est ainsi prévu que le prix du transport soit majoré de plein droit, pour la partie du trajet effectué sur notre territoire, d’une somme résultant de l’application d’un taux qui est fonction des régions de chargement et de déchargement des marchandises transportées. Enfin, cet article prévoit que la majoration s’appliquera quel que soit l’itinéraire emprunté et qu’elle apparaîtra sur la facture.

Avec mes collègues du groupe UMP, nous ne souhaitons pas remettre en cause le principe même de l’écotaxe ni ses objectifs, que notre majorité a introduits et que nous avons défendus avec force tout au long de nos débats. Cependant, nous sommes fermement opposés au dispositif de répercussion voulu par votre gouvernement et qui doit entrer en vigueur le 1er octobre prochain. En l’état, ce nouveau système présente d’importantes lacunes et soulève de nombreuses interrogations auxquelles M. le ministre des transports n’a toujours pas répondu, ni en commission, ni en séance.

Juridiquement peu satisfaisant, très coûteux, illisible et pénalisant pour nos TPE et PME, il favorise également une certaine insécurité juridique pour nos entreprises, à l’heure où le transport routier traverse une grave crise économique qui devrait nous obliger à adapter notre législation. Nous avons martelé que les produits de proximité, les produits made in France vont être particulièrement pénalisés par le dispositif qui nous est présenté ce soir.

M. Jean-Marie Sermier. C’est vrai !

M. Martial Saddier. Tout d’abord, le dispositif prévu à l’article 7 de ce projet de loi créera inévitablement une rupture d’égalité devant les charges publiques. Tel qu’il nous est présenté aujourd’hui, le principe de répercussion vise uniquement le transport pour le compte d’autrui, c’est-à-dire le transport routier, laissant totalement à l’écart du dispositif les transporteurs en compte propre que sont les grossistes distributeurs, mais aussi les transports de proximité pour intérêt général, tels que les livreurs – de bois de chauffage, par exemple.

Vous ne pouvez pas le nier, monsieur le ministre : on est bien en face d’une rupture flagrante d’égalité devant l’impôt car, à trajet égal, seuls les transporteurs pour compte propre pourront appliquer le dispositif de l’article 7 et répercuter le montant de la taxe avec majoration à leurs clients. Le transport en compte propre, bien qu’il acquitte le même montant de taxe, ne pourra pas user de cette modalité.

Voilà déjà à nos yeux une première rupture d’égalité – et non des moindres – introduite par votre dispositif. Hélas, ce n’est pas la seule. En effet, l’économie même du mécanisme de l’article 7 introduit une seconde rupture d’égalité devant les charges publiques entre, d’une part, les chargeurs en compte propre, d’autre part, les chargeurs recourant aux services d’un transporteur pour compte d’autrui.

M. Marc Le Fur. C’est vrai !

M. Martial Saddier. Les premiers seront redevables de l’écotaxe alors que les seconds seront frappés au titre du mécanisme compensateur.

De plus, cette situation fera courir le risque d’une réelle distorsion de concurrence entre ces deux types de chargeurs. Le nouveau dispositif de répercussion touchera également plus durement le transport de proximité, dont les tournées de livraison sont optimisées autour d’un faible rayon d’action. La majoration forfaitaire du prix de la prestation de transport, option retenue par votre gouvernement, semble totalement déconnectée de la taxe effectivement payée par le transporteur. Or de telles atteintes au principe de libre concurrence n’apparaissent, à nos yeux, pas justifiées au regard de l’intérêt général environnemental initialement poursuivi, et encore moins au regard des objectifs initiaux du législateur lors de l’instauration de la taxe poids lourds.

Par ailleurs, nos travaux ont fait apparaître les difficultés que pourraient rencontrer les entreprises devant utiliser plusieurs fois par jour une petite portion du réseau taxé et celles effectuant des circuits courts – une telle entreprise devant à chaque fois payer la taxe, sans pour autant pouvoir la répercuter sur la facture de ces clients. Or l’essence même du dispositif initial portait sur les longs trajets. Pour les trajets dits locaux, les 33 plans de protection de l’atmosphère – les PPA – comportent déjà de nombreuses mesures à destination du transport routier local. Pourquoi, alors, soumettre ces entreprises à la fois au futur mécanisme des PPA et à l’écotaxe ?

La rédaction actuelle de l’article 7 du projet de loi organise aussi les conditions d’un enrichissement sans cause du transporteur, méconnaissant ainsi un principe général du droit qui, nous le savons tous, s’impose tant à l’administration qu’à l’État. En effet, les transporteurs acquitteront une taxe calculée en fonction des routes empruntées par le véhicule alors que leurs clients acquitteront une majoration forfaitaire calculée en fonction des régions traversées et cela, quel que soit l’itinéraire emprunté. C’est ainsi que certains transporteurs pourront répercuter auprès de leurs clients, en majorant le prix du transport, une taxe qu’ils n’auront eux-mêmes pas payée puisqu’ils auront fait le choix d’emprunter un itinéraire non taxé.

En outre, dans ce cas, la partie du produit collecté auprès du client final représente une fraction de recette publique conservée par un acteur privé, ce qui viole le principe d’unité du budget de l’État.

Pour les mêmes raisons, le mécanisme de répercussion de l’article 7 viole également le principe de spécificité du budget de l’État et le principe de la non-affectation des recettes, en permettant à un acteur privé de conserver une fraction de recettes publiques dont le montant est inconnu de l’État.

Je ne vous cache pas, monsieur le ministre, mesdames et messieurs les députés, qu’avec l’ensemble de mes collègues du groupe UMP, nous nous interrogeons sur ces sujets depuis plusieurs semaines ; ce ne sera pas faute, en tout cas, de vous avoir interpellé sur ces différents points.

Cela me rappelle au plus haut point les débats que nous avons tenus au mois de septembre : sur un autre texte – celui instituant le bonus-malus –, à cette même tribune, avec une poignée de mes collègues – les mêmes que ceux ici présents –, nous n’avions eu de cesse de vous alerter sur les risques d’inconstitutionnalité encourus par la proposition de loi Brottes et son dispositif de bonus-malus.

De la même façon, nous nous interrogeons depuis plusieurs semaines, sur le fondement des arguments que je viens de vous présenter, sur l’éventuelle censure de l’article 7 de votre loi par le Conseil constitutionnel, soit à la suite d’un recours intenté par les parlementaires, soit à la suite d’une question prioritaire de constitutionnalité qui, nous n’en doutons pas, sera inévitablement posée.

Je souhaite le rappeler une dernière fois, au sein du groupe UMP, nous avons toujours défendu le principe même de l’écotaxe poids lourds et la mise en œuvre d’un dispositif de répercussion facile à appliquer par les transporteurs, équitable, juridiquement stable et qui garantisse des ressources pérennes pour financer des infrastructures alternatives à la route.

Je viens de vous le démontrer, monsieur le ministre, le dispositif se révélera rapidement complexe, impossible à mettre en œuvre, pénalisant pour nos entreprises et nos activités économiques. D’autres, y compris sur les bancs de la majorité, l’ont dit avant moi.

Tout au long de nos débats, tant en commission du développement durable qu’en séance publique, nous vous avons mis en garde contre les risques que le maintien en l’état du mécanisme de la répercussion de l’écotaxe faisait courir et quant à la nécessité impérieuse de le réviser pour assurer au transport de proximité et au transport pour compte propre les mêmes garanties qu’aux transporteurs routiers.

Le Gouvernement a fait le choix d’ignorer nos arguments et je suis convaincu, avec mes collègues du groupe UMP, que le dispositif connaîtra malheureusement le même sort que le bonus-malus écologique voté au mois de septembre. Cela aura un impact non négligeable sur nos infrastructures de transport et ce ne sera pourtant pas faute de vous avoir mis en garde.

Vous l’aurez compris, pour toutes ces raisons et malgré l’avancée que représente l’exonération des véhicules utilisés pour la collecte de lait dans les fermes, le groupe UMP se prononcera contre le projet de loi portant diverses dispositions en matière d’infrastructures et de services de transport (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Fabrice Verdier.

M. Fabrice Verdier. Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, le travail législatif mené par les deux assemblées sur le projet de loi relatif aux infrastructures et aux services de transports a été, me semble-t-il, méthodique, sérieux et engagé.

J’en veux pour preuve la commission mixte paritaire qui s’est tenue la semaine dernière : en son sein ont eu lieu des discussions véritablement constructives, qui ont permis aux sénateurs et aux députés de trouver un point d’équilibre pour concrétiser et mettre en œuvre, enfin, le principe du pollueur payeur.

L’écoredevance kilométrique pour les poids lourds sur le réseau routier non concédé et sa répercussion sur les donneurs d’ordres a fait l’objet d’un large consensus lors de l’examen de la loi Grenelle 1, votée, je le rappelle, à l’unanimité en 2007.

Plus de quatre ans après le vote de l’écotaxe sous le précédent gouvernement de droite, les modalités de sa répercussion sont demeurées une difficulté majeure. En effet, la répercussion a été définie par un décret publié le 6 mai 2012, qui a donné lieu à une opposition unanime des transporteurs routiers et des donneurs d’ordre. De plus, il était prévu une période d’expérimentation pour l’Alsace, qui n’a jamais vu le jour.

Mes chers collègues, la marche a été longue jusqu’au vote de ce soir, qui permettra de concrétiser enfin la mise en œuvre de cette désormais fameuse écotaxe.

Monsieur le ministre a su faire jouer une véritable concertation pour corriger un dispositif qui faisait l’unanimité contre lui et instituer un mécanisme accepté par les professionnels, notamment par les transporteurs les plus fragilisés. Les professionnels apprécient sa simplicité et sa prévisibilité, qui limitent les difficultés de perception et facilitent les négociations commerciales dans un cadre, je le répète, plus sécurisé et surtout plus équitable.

Je veux revenir rapidement sur les travaux menés par les commissions de l’Assemblée nationale et du Sénat, qui ont permis d’améliorer le texte.

Lors des auditions que nous avons menées, nous avons perçu certaines inquiétudes, dont nous avons tenu compte – notre collègue Florent Boudié l’a évoqué – en votant à l’unanimité un amendement permettant de renforcer le rapport à venir du Gouvernement au Parlement. Il appartiendra à la représentation nationale, le cas échéant, de modifier un texte qui pourrait être source de difficultés pour les professionnels.

Nous avons également su faire preuve de sagesse en prévoyant un certain nombre d’exceptions au principe. Deux d’entre elles ont été décidées lors de la commission mixte paritaire.

La première concerne l’exonération des véhicules de l’État et des collectivités territoriales affectés à l’entretien des routes. Cette décision me semble être une mesure de bon sens puisque, en l’occurrence, l’État et les collectivités territoriales – en particulier les conseils généraux – financent l’entretien des routes.

La seconde exception concerne l’exonération en faveur des véhicules citerne laitiers, permise par la directive européenne Eurovignette, décidée dans un contexte économique difficile pour cette filière.

Enfin – mon collègue Ferrand y reviendra –, nous avons également longuement débattu, lors de la commission mixte paritaire, du niveau de l’écotaxe et de la majoration dans les régions dites périphériques.

Je dirai, en guise de conclusion, à nos collègues de l’UMP et de l’UDI, qu’ils me font un peu penser à ces élus qui, lors de la discussion annuelle des budgets, votent les recettes mais non les dépenses, et, quelques mois plus tard, se targuent, dans leurs courriers, d’avoir soutenu le versement de telle ou telle subvention. Il faut assumer ses responsabilités.

Par ailleurs, vous avez évoqué les recettes de l’AFITF. Si l’on veut des recettes pérennes pour cette agence, il faut aujourd’hui voter l’écotaxe en limitant, comme nous l’avons fait, le champ des exonérations. Nous avons fait preuve en la matière de sagesse mais aussi de courage.

Enfin, le rapport que j’ai évoqué précédemment nous permettra de dresser un bilan complet des effets de l’écotaxe et de sa répercussion.

J’espère que, dans cet hémicycle, les députés feront preuve de la même sagesse que les sénateurs lors du vote dans la Haute assemblée, où il n’y a pas eu d’opposition au projet de loi – l’UMP s’étant abstenue et l’UDI-UC ayant voté pour. Je souhaite que la même philosophie prévale ce soir afin de permettre l’adoption de ce texte pionnier en matière de fiscalité écologique en France (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Sermier.

M. Jean-Marie Sermier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi que le ministre Cuvillier nous a présenté, la façon dont il l’a élaboré et dont il a choisi de le défendre – avec sectarisme, enfermé dans ses certitudes et sans jamais donner suite à aucun de nos amendements ni à aucune de nos réponses ni de nos questions – est l’inverse même de l’esprit du Grenelle de l’environnement.

Le Grenelle, c’était une formidable aventure humaine et législative qui a permis la rédaction d’un état des lieux environnemental partagé, co-écrit par des hommes et des femmes venus d’horizons divers, qui, quelles que soient leurs opinions politiques, ont œuvré en faveur d’une espérance commune.

Chacun, dans le respect de ses convictions, a participé à une œuvre collective qui le dépasse, qui nous dépasse et qui survivra à chacun d’entre nous. Cet espoir, c’est de rendre à nos enfants une planète, un pays, un territoire aussi accueillant, propre et durable que celui que nous leur avons emprunté.

Cet objectif né du Grenelle est désormais un bien commun qui n’appartient à aucun parti ni à aucune fraction de la société.

M. Florent Boudié. C’est lyrique !

M. Jean-Marie Sermier. Il est partagé par tous et il revient à ceux qui assument une part de responsabilité, une parcelle du pouvoir, de le décliner jour après jour, de développer les moyens et les instruments qui nous permettront d’atteindre notre but.

Au sein de cette œuvre majeure, le transport représente un élément déterminant, et le transport routier, un enjeu essentiel.

L’écotaxe devait être un instrument essentiel du report modal que nous devions dès à présent amorcer.

Mais de l’écotaxe vous n’avez, hélas, gardé que la taxe.

Ce qui devait accompagner une évolution progressive et concertée vers des modes de transports plus économes en CO2 est en fait devenu une révolution fiscale en direction des transporteurs, de leurs clients et, finalement, de tous les consommateurs, qui instaurera deux statuts différents.

M. Florent Boudié. C’est caricatural !

M. Fabrice Verdier. Vous voulez que l’on parle du décret du 6 mai 2012 ?

M. Jean-Marie Sermier. Désormais, dans le cadre d’un système que nous n’avons cessé de dénoncer, tant il est complexifié à l’extrême, il y aura celui qui répercutera la taxe sur ses clients – le transporteur pour autrui –, étant précisé que nous n’avons pu connaître la nature juridique de cette majoration, et que nous ne sommes pas certains que les petites entreprises de transport seront en mesure d’ajouter une ligne au bas de leur facture sans devoir réduire à due concurrence le tarif de leurs prestations.

Puis il y aura les autres, les transporteurs pour compte propre, livrant leurs clients à l’aide de leurs camions, qui rogneront leurs propres marges, quand elles existent encore.

Monsieur le ministre, ne nous faites pas croire qu’un camion pollue différemment en fonction du statut de l’entreprise qui en est propriétaire.

Ne nous faites pas croire qu’un camion pollue différemment en fonction de la région où il charge et décharge son fret.

Ce sont pourtant ces principes que vous allez appliquer par ce projet de loi qui, même après le travail de la commission mixte paritaire, n’aboutit toujours pas à la mise en place d’une réelle fiscalité écologique.

M. Florent Boudié. Vous cherchez tous les arguments pour voter contre !

M. Jean-Marie Sermier. Vous avez abandonné tout objectif environnemental pour ne vous en tenir qu’à la recette fiscale. Le fait que vous ayez accepté d’exonérer les véhicules de transport de lait et ceux qui, appartenant à l’État et aux collectivités territoriales, sont affectés à l’entretien des routes, démontre, même si nous sommes fiers de les avoir défendus, que les seuls arguments qui vous ont convaincu étaient économiques et non écologiques.

Cette loi sera votée mais sa fébrilité juridique nous obligera à saisir le Conseil constitutionnel, afin qu’il statue sur ce texte.

M. Florent Boudié. Avec des arguments fallacieux !

M. Jean-Marie Sermier. Monsieur le ministre, avec un certain nombre de mes collègues, je voterai contre une taxe de plus, contre une loi qui oublie l’essentiel des enjeux du transport du futur (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. Alain Chrétien. Bravo !

M. Jean-Marie Sermier. Quelle occasion manquée ! Avec ce texte, M. le ministre Cuvillier a tué l’esprit du Grenelle en matière de transport. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Richard Ferrand.

M. Fabrice Verdier. Allez la Bretagne !

M. Florent Boudié. Au combat !

M. Richard Ferrand. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la rapporteure, mes chers collègues, voilà deux semaines, lors de la discussion générale du projet de loi, j’avais mis l’accent sur les enjeux liés à la prise en compte de la périphéricité de certains territoires et aux spécificités des véhicules dédiés à la collecte de lait.

M. Florent Boudié. Excellent !

M. Richard Ferrand. Plusieurs de nos collègues avaient alors estimé que toute hypothèse d’exemption reviendrait à ouvrir une boîte de Pandore – dont certains, d’ailleurs, auraient sans doute abusé –, tandis que la prise en compte de la périphéricité se serait résumée pour ainsi dire à l’expression d’un lobby territorial.

Je me réjouis, monsieur le ministre, que le Gouvernement ait accepté de prendre la juste mesure de ces enjeux, sans céder à la faible portée d’arguments de courte vue et de circonstance.

M. Florent Boudié. De sagesse !

M. Richard Ferrand. Toutefois, l’effort de conviction a dû être conduit jusqu’à la dernière minute de la réunion de la commission mixte paritaire puisque nos collègues sénateurs étaient restés calés sur les tout premiers arguments que vous-même et notre assemblée avaient pourtant déjà largement dépassés.

M. Martial Saddier. Grâce aux voix de l’UMP !

M. Fabrice Verdier. Vous manquez de courage !

M. Richard Ferrand. Qu’est-ce que la périphéricité ? Ce n’est évidemment pas le seul constat du fait que tel ou tel territoire se situerait à l’est, ou à l’ouest, d’un hypothétique centre arbitrairement fixé. La périphéricité, mes chers collègues, ce n’est pas la circonférence.

M. Pascal Cherki. C’est un rond dans un carré !

M. Richard Ferrand. Ce concept européen, validé par l’administration, obéit en effet à une définition aussi savante que – presque – poétique, selon laquelle la périphéricité d’un lieu dans le champ européen se construit comme la somme, pour les quarante unités urbaines de l’Union européenne, de leur population, divisée par le carré de leurs distances routières au lieu en question. Monsieur le ministre, vous en conviendrez, la définition est limpide (Sourires.)

S’agissant de la périphéricité d’une région, on retient, pour la définir, la moyenne de la périphéricité des chefs-lieux des départements la constituant, moyenne pondérée par les populations départementales : une définition, monsieur le ministre, toujours plus limpide ! (Sourires.)

M. Fabrice Verdier. Voilà qui est précis !

M. Pascal Cherki. C’est le choc de simplification !

Quoi qu’il en soit, car là est l’important, il ressort de ce concept que l’Aquitaine, la Bretagne et le Midi-Pyrénées sont les trois régions périphériques métropolitaines dont notre assemblée puis la commission mixte paritaire ont pris logiquement en compte la singularité pour justifier une minoration de l’écotaxe, par conséquent du tarif intrarégional appliqué sur les transports hors des routes écotaxées.

Ce point d’équilibre illustre parfaitement l’intention du législateur, non entravée par le Gouvernement, de compenser l’inégalité des territoires par la modulation tarifaire. Cette première avancée est un élément de justice et un élément d’égalité entre les territoires.

Le second point dont nous pouvons nous satisfaire après les travaux de la CMP concerne l’exonération des véhicules dédiés à la collecte de lait. Là encore, monsieur le ministre, en s’en remettant à la sagesse de l’Assemblée, le Gouvernement a permis qu’une spécificité soit reconnue à un certain nombre de véhicules qui n’entreront donc pas dans le champ du texte,…

M. Martial Saddier. Grâce à nous !

M. Richard Ferrand. …ceci découlant par ailleurs de dispositions européennes. Cette exonération permettra aux producteurs de lait de ne pas être assujettis à un coût supplémentaire de transport,…

M. Martial Saddier. Vous avouez !

M. Richard Ferrand. …ce qui aujourd’hui et dans les années à venir aurait gravement nui à leur activité.

M. Martial Saddier. Une minute de silence pour le made in France !

M. Richard Ferrand. Sur ce point précis, monsieur le ministre, je souhaiterais que vous confirmiez l’esprit de cette disposition. Personne ici ne voudrait que la mise en œuvre de cette exemption se trouve ralentie, compliquée et, in fine, entravée par un empilement de conditions que l’administration pourrait être tentée de poser pour en limiter la portée. Quant au fondement et à la vocation de cette exonération, ils sont pour nous tous ici présents parfaitement clairs. Monsieur le ministre, je vous remercie de nous confirmer que le Gouvernement a permis une concession…

M. Pascal Cherki. Une avancée !

M. Richard Ferrand. …et que, celle-ci ne relevant pas du langage de cimetière, elle ne sera pas enterrée. (Sourires.)

Les discussions ont permis d’aboutir finalement à un texte équilibré, issu d’un dialogue riche. Monsieur le ministre, ce n’est pas sans mérite que le Gouvernement est parvenu, par l’action de M. Cuvillier, que vous représentez aujourd’hui, à faire de l’illisible taxe Borloo une écotaxe simple et efficace respectueuse des objectifs écologiques et du juste équilibre entre le coût supporté par le transport et celui qui est supporté par le chargeur. L’exercice législatif est donc abouti. Nul doute que les textes réglementaires viendront le parfaire encore. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

M. Pascal Cherki. Excellent !

M. Florent Boudié. Bravo !

M. Martial Saddier. Et le vote va partir en fumée !

M. le président. La discussion générale est close.

Texte de la commission mixte paritaire

M. le président. J’appelle maintenant le texte de la commission mixte paritaire.

Explications de vote

M. le président. Dans les explications de vote, la parole est à M. Bertrand Pancher, pour le groupe Union des démocrates et indépendants.

M. Bertrand Pancher. Monsieur le ministre, chers collègues, vous avez pu percevoir par le ton que nous avons adopté lors de nos interventions que les questions légitimes que nous nous posions ne trouvent toujours pas de réponse, en particulier celle de l’affectation de la taxe poids lourds, qui est à nos yeux centrale.

Je rappelle une dernière fois que si nous avons voté la taxe poids lourds, c’est parce que nous souhaitions donner un signal prix dans le domaine des transports routiers en répercutant le coût du carbone sur celui des transports. Nous voulions aussi que, en contrepartie, le fruit de la taxe poids lourds vienne directement financer les infrastructures de transport de demain. Or, même si 850 millions d’euros seront prélevés, rien ne sera engagé concrètement pour le financement de ces nouvelles infrastructures, ce qui est incompréhensible. Le message n’est pas bon pour tous les défenseurs de l’environnement.

Par conséquent, nous nous contenterons de nous abstenir sur le vote de ce texte, en espérant que le Gouvernement reviendra à de meilleures dispositions au cours des prochaines années.

M. le président. Sur l’ensemble du projet de loi portant diverses dispositions en matière d’infrastructures et de services de transports, je suis saisi par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire et le groupe socialiste, républicain et citoyen d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. François-Michel Lambert, pour le groupe écologiste.

M. François-Michel Lambert. Ainsi que je l’ai dit voilà quelques instants, il était primordial aujourd’hui que notre pays marque clairement sa volonté d’en finir avec cette sorte de drogue qu’est le transport routier à tous crins. Je suis donc un peu étonné des interventions des uns et des autres.

Le groupe écologiste estime que, si nous devions franchir cette première marche, celle-ci n’est pas suffisamment haute. Nous appelons donc le Gouvernement à poursuivre rapidement dans cette voie, à renforcer ses engagements – sur l’écotaxe mais également sur les autres articles dont nous avons parlé – afin que notre pays soit en mesure de faire face aux enjeux futurs – je les ai déjà maintes fois exprimés, il serait inutile d’y revenir une fois de plus.

Le groupe écologiste votera ce projet de loi sans aucune hésitation, mais en demandant au Gouvernement d’être encore plus volontaire et engagé par la suite pour aller plus loin sur ce plan. Nous serons à ses côtés pour tracer une nouvelle voie. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à M. Florent Boudié, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Florent Boudié. Je me contenterai d’ajouter quelques mots, car tout a déjà été dit.

Nous nous apprêtons à prendre une décision importante puisque, pour la première fois dans notre pays, une fiscalité environnementale sera enfin appliquée. Votée en 2009, son entrée en vigueur, prévue pour 2011, avait été reportée en 2013, après les élections présidentielle et législative – ce n’était pas un hasard. Nous allons donc passer ce cap ce soir.

D’autres décisions importantes ont été prises au travers de ce projet de loi : la transparence des informations communiquées par la SNCF aux autorités organisatrices de transport ; la protection sociale et les dispositions du droit du travail élargies aux gens de mer dans le cadre du cabotage maritime ; la création du CEREMA, le centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement.

Le groupe SRC, majoritaire, est évidemment très favorable à ce texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

M. le président. La parole est à M. Marc Le Fur, pour le groupe Union pour un mouvement populaire.

M. Richard Ferrand et M. Florent Boudié. Sanctionné !

M. Marc Le Fur. Monsieur le président, je vous remercie de donner la parole à un condamné qui, malgré tout, va s’exprimer ce soir, avec détermination, pour rejeter ce texte que nous jugeons extrêmement négatif.

M. Richard Ferrand et M. Florent Boudié. Amnistie pour Le Fur ! (Sourires.)

M. Marc Le Fur. Ce texte vise en effet à instaurer un impôt supplémentaire sur l’emploi, sur l’agriculture et sur l’industrie, un impôt qui s’ajoute aux autres en attendant le suivant, c’est-à-dire l’augmentation du prix du gasoil lorsque vous déciderez d’aligner le prix du gasoil sur celui de l’essence.

Par ailleurs, cet impôt devait normalement inciter à substituer aux transports poids lourds d’autres moyens de transports, mais ces derniers n’existent pas. J’étais hier matin à Rungis entre trois heures et sept heures du matin avec un certain nombre de collègues : il n’y a pas d’alternative au rail aujourd’hui. Si la marée qui vient du Finistère, de Douarnenez, ne vient pas en camion, elle ne peut arriver à Rungis parce que le fret ferroviaire ne fonctionne pas.

Vous connaissez certainement l’affaire des deux « w » dans le fret ferroviaire : la SNCF, dans sa recherche de wagons perdus, a mis en place une prime « wanted wagon » permettant à la personne qui retrouve un wagon de toucher une récompense de 80 euros ! Telle est la situation aujourd’hui, parce que les wagons se perdent.

Mes collègues Jean-Marie Sermier et Martial Saddier ont parfaitement commenté les modalités de l’article 7. Cet article a introduit une distinction redoutable entre deux systèmes, celui du transport en compte propre et celui du transport assuré par des transporteurs, ce qui va occasionner des difficultés multiples.

Quant aux régions périphériques, notre collègue, Richard Ferrand, est excellent : il me rappelle l’anecdote du monsieur qui a reçu neuf coups de bâton et qui est reconnaissant de ne pas recevoir le dixième. Telle est la situation de la Bretagne, mon cher collègue ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Elle sera la région la plus pénalisée : elle va payer deux fois l’équivalent de son poids démographique et économique. Voilà la conséquence des décisions que vous prenez et qui sont extrêmement redoutables !

Sachez que les dérogations que vous prétendez pouvoir obtenir ne valent que pour les échanges internes à la Bretagne, de Châteaulin à Vitré, par exemple. Mais de Châteaulin à Paris ou de Châteaulin à Strasbourg, il faudra payer plein pot !

Mes chers collègues, ce texte aboutit à une situation redoutée par les transporteurs, négative et redoutable pour l’économie. C’est pourquoi notre groupe votera contre le texte, en particulier contre l’article 7, que nous estimons très mal rédigé. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Vote sur l’ensemble

M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix l’ensemble du projet de loi, compte tenu du texte de la commission mixte paritaire.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 77

Nombre de suffrages exprimés 73

Majorité absolue 37

(Le projet de loi est adopté.)

3

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, jeudi 25 avril à neuf heures trente :

Deuxième lecture des projets de loi organique et ordinaire portant application de l’article 11 de la Constitution ;

Proposition de loi visant à renforcer les droits des patients en fin de vie ;

Proposition de loi relative à l’égalité des droits et à l’intégration des personnes en situation de handicap ;

Proposition de loi visant à autoriser le cumul de l’allocation de solidarité aux personnes âgées avec des revenus professionnels.

La séance est levée.

(La séance est levée, le jeudi 25 avril 2013, à zéro heure quarante.)