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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2012-2013

Compte rendu
intégral

Première séance du mardi 4 juin 2013

SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE

SOMMAIRE


Présidence de M. Claude Bartolone

1. Souhaits de bienvenue à une délégation étrangère

2. Questions au Gouvernement

Politique familiale

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé

Politique familiale

M. Jean-Marc Germain

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre

Politique familiale

M. François Sauvadet

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée chargée de la famille

Épandage aérien des pesticides

Mme Brigitte Allain

M. Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt

Transparence de la vie publique

M. René Dosière

M. Alain Vidalies, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement

Politique familiale

M. Christian Jacob

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre

Difficultés de la filière porcine

Mme Dominique Orliac

M. Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt

Engagements européens de la France

M. Jean Leonetti

M. Pierre Moscovici, ministre de l’économie et des finances

Fiscalité écologique

Mme Sylviane Alaux

Mme Delphine Batho, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie

Accord de libre-échange transatlantique

M. François Asensi

M. Thierry Repentin, ministre délégué chargé des affaires européennes

Régime des auto-entrepreneurs

M. Damien Abad

Mme Sylvia Pinel, ministre de l’artisanat, du commerce et du tourisme

Plan de sécurisation des prisons

M. Hugues Fourage

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice

Lutte contre le chômage des jeunes

M. Gilles Lurton

M. Michel Sapin, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Régime des auto-entrepreneurs

M. Hervé Pellois

Mme Sylvia Pinel, ministre de l’artisanat, du commerce et du tourisme

Politique familiale

M. Bernard Gérard

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée chargée de la famille

Suspension et reprise de la séance

Présidence de Mme Laurence Dumont

3. Réforme du Conseil supérieur de la magistrature

Vote solennel

Explications de vote

M. Roger-Gérard Schwartzenberg, M. Jean-Yves Le Bouillonnec, M. Sébastien Huyghe, M. Gilles Bourdouleix, M. Sergio Coronado, M. Marc Dolez

Vote sur l’ensemble

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux

4. Attributions du garde des sceaux et du ministère public en matière de politique pénale et d’action publique

Vote solennel

Explications de vote

M. Sébastien Denaja, M. Patrick Devedjian, M. Gilles Bourdouleix, M. Paul Molac, M. Thierry Braillard, M. Marc Dolez

Vote sur l’ensemble

Suspension et reprise de la séance

5. Fiscalité écologique

Discussion d'une proposition de résolution

M. Jean-Paul Chanteguet

M. Martial Saddier

M. Bertrand Pancher

Mme Éva Sas

M. Jacques Krabal

M. Patrice Carvalho

M. Jean Launay

M. Charles-Ange Ginesy

M. Christian Eckert

Mme Geneviève Gaillard

M. Arnaud Leroy

M. Jean-Marie Sermier

M. Alain Fauré

Mme Delphine Batho, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie

Suspension et reprise de la séance

6. Refondation de l’école de la République

Suite de la discussion, en deuxième lecture, d'un projet de loi d'orientation et de programmation

Discussion des articles (suite)

Article 27 bis

M. Jean-Pierre Decool

M. Paul Molac

M. Alain Marc

M. Marc Le Fur

M. Frédéric Reiss

M. Vincent Peillon, ministre de l’éducation nationale

Amendement no 1

M. Yves Durand, rapporteur de la commission des affaires culturelles et de l’éducation

Amendements nos 2, 4, 395, 3 rectifié, 5, 6, 7, 8, 9

7. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Claude Bartolone

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Souhaits de bienvenue à une délégation étrangère

M. le président. Mes chers collègues, je suis heureux de souhaiter, en votre nom, la bienvenue à M. Moustapha Niasse, président de l’Assemblée nationale de la République du Sénégal. (Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent.)

2

Questions au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Politique familiale

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI. – La plupart des députés du groupe UMP se lèvent pour applaudir.)

M. Bruno Le Roux. Quel cinéma !

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Monsieur le Premier ministre, il y a tellement de choses qui ne marchent pas bien en France. (« L’UMP ! » sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. S’il vous plaît, on se calme !

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Pourquoi vous attaquer à ce qui marche bien ? Rien que cette semaine, vous voulez dénaturer le statut de l’auto-entrepreneur, qui a déjà permis de créer plus d’un million d’entreprises, et, surtout, vous vous attaquez à la politique familiale. C’est sur celle-ci que je souhaite vous interroger, monsieur le Premier ministre.

Nous sommes très nombreuses, en France, à avoir la chance de travailler et en même temps d’élever des enfants. Ce n’est pas forcément le cas partout en Europe : dans certains pays, les femmes qui travaillent et qui ont des enfants sont stigmatisées. En France, ce modèle est plutôt valorisé et même aidé. Or il l’est de moins en moins car vous vous attaquez, je le répète, à la politique familiale.

Vous annoncez, en effet, vouloir baisser le quotient familial : 1,3 million de familles vont voir leurs revenus amputés. C’est beaucoup plus que les 5 % de foyers les plus riches que le candidat Hollande évoquait dans sa promesse n° 16. Par exemple, pour un couple qui a un enfant et gagne 5 370 euros par mois, ce seront 500 euros par an. À ce niveau-là, monsieur le Premier ministre, ce sont encore les classes moyennes qui vont payer, comme lorsque vous avez supprimé la défiscalisation des heures supplémentaires.

Vous prévoyez de compenser la baisse du quotient familial en créant des crèches et vous promettez pour cela 1,4 milliard d’euros aux collectivités territoriales ; mais vous les leur donnez d’une main quand vous leur reprenez de l’autre 4,5 milliards d’euros. Vos crèches, monsieur le Premier ministre, ne sont pas financées.

M. Bruno Le Roux. C’est confus tout ça !

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Bref, vous demandez aux Français de payer et vous surchargez les collectivités territoriales : c’est perdant-perdant. Aussi ma question est-elle simple : pourquoi attaquer ainsi la politique familiale qui a toujours fait consensus dans notre pays ? (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

M. Bruno Le Roux et M. Jean-Marie Le Guen. Laborieux !

M. le président. La parole est à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé. Madame la députée, vous faites preuve de beaucoup de démagogie : rien ne vous arrête ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Marc-Philippe Daubresse. Vous êtes spécialistes en la matière !

Mme Marisol Touraine, ministre. Jour après jour, vous réclamez du Gouvernement qu’il lutte contre les déficits et lorsque celui-ci présente une politique de lutte contre les déficits à la fois juste et équilibrée,…

M. Claude Goasguen. En augmentant les impôts ?

Mme Marisol Touraine, ministre. …vous la contestez et considérez que cette politique n’est pas valable. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

C’est précisément parce que la politique familiale est une politique forte que nous devons la préserver et la maintenir, alors que vous l’avez mise en danger en laissant filer les déficits au cours des années précédentes.

M. Claude Goasguen. Vous avez l’impôt obsessionnel !

Mme Marisol Touraine, ministre. La politique familiale, madame la députée, cela ne peut pas vouloir dire l’immobilisme ou le statu quo. Je sais bien que, pour vous, ce qui a été doit demeurer et que vous êtes incapables de comprendre qu’une politique doit évoluer. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC. – Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Nous avons besoin d’adapter la politique familiale à l’évolution de la société. Les femmes travaillent, les familles monoparentales sont de plus en plus nombreuses et la pauvreté des enfants a augmenté. C’est pourquoi le Président de la République a indiqué qu’il voulait faire le choix le plus juste, le plus simple et le plus efficace, qui garantisse à chaque famille de pouvoir compter sur des allocations familiales et qui permettra à l’ensemble des familles de compter sur la solidarité des 12 % les plus aisées d’entre elles qui vont contribuer un peu plus fiscalement.

M. Claude Goasguen. Toujours plus d’impôts !

Mme Marisol Touraine, ministre. Cette politique va permettre de développer l’aide aux crèches et les solutions d’accueil pour les enfants de moins de trois ans.

Vous le voyez, madame la députée, le Gouvernement avance avec le sens de la responsabilité et de la justice, pour l’avenir de toutes les familles. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

Mme Marie-Christine Dalloz. Ça suffit, les injustices !

Politique familiale

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Germain, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Jean-Marc Germain. Monsieur le Premier ministre, votre gouvernement poursuit depuis un an, avec une grande détermination, le redressement du pays. Il le fait avec courage, après des années de fuite en avant. Il le fait dans la justice, en demandant des efforts à chacun, mais en faisant contribuer plus ceux qui ont plus. Il le fait aussi en recherchant en permanence le progrès : progrès économique avec les investissements d’avenir, progrès social avec la sécurisation des parcours professionnels, progrès sociétal avec le mariage pour tous, l’indépendance de la justice, le non-cumul des mandats.

Courage, justice, progrès : tel est le fil rouge du quinquennat. C’est aussi la marque de la rénovation de la politique familiale que vous avez rendue publique hier, au terme d’une large concertation.

Oui, mes chers collègues, aimer les familles, c’est avoir le courage de trouver les 2 milliards qui manquaient à la branche famille,…

M. Bernard Accoyer. Aimer les familles et réduire leurs moyens ? Ça ne tient pas debout !

M. Jean-Marc Germain. …ce n’est pas se livrer à de vaines polémiques, comme celles que nous entendons depuis quelques jours. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Oui, aimer les familles, c’est aller vers plus de justice en abaissant le quotient familial et en augmentant les aides aux familles les plus modestes.

Oui, aimer les familles, c’est faire progresser l’égalité entre les femmes et les hommes, en partageant entre eux le congé parental d’éducation et en aidant massivement au développement de places en crèches – les municipalités socialistes seront au rendez-vous. Aimer les familles, ce ne sont pas les outrances contre le mariage pour tous.

Alors, monsieur le Premier ministre, pouvez-vous nous préciser comment les mesures annoncées hier conforteront la politique familiale de la France et assureront la pérennité de son financement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, monsieur le député, j’ai eu la semaine dernière l’occasion de rappeler les fondamentaux du modèle social français.

À la Libération, le programme du Conseil national de la Résistance a inspiré ceux qui ont gouverné la France, et le principe de la solidarité est inscrit dans le préambule de la Constitution de 1946 : c’est de là qu’est née la sécurité sociale.

La sécurité sociale, c’est le droit à la santé pour tous, financé par la solidarité. C’est le droit à la retraite, financé par la solidarité et le régime par répartition. C’est aussi la branche famille, financée par la solidarité, avec un système d’allocations familiales égales pour tous et pour tous les enfants, quel que soit leur milieu, c’est-à-dire le principe d’égalité.

Le Gouvernement était face à un problème majeur, car ceux qui nous ont précédés avaient laissé le déficit de la branche famille s’installer…

M. Jean-Luc Reitzer. Mais bien sûr !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. …et le risque était grand de voir remis en cause ce qui marche et ce qui est notre fierté, c’est-à-dire le modèle de la politique familiale française. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Bernard Deflesselles. Incroyable !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Nous avons décidé de sauver ce modèle : tous les enfants continueront donc de percevoir les allocations familiales à travers leurs parents, quel que soit leur milieu.

M. Philippe Meunier. Baratin !

M. Marc-Philippe Daubresse. Les yeux dans les yeux : c’est faux !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Il fallait en même temps réduire les déficits et lutter contre la pauvreté, car un enfant sur cinq est en situation de pauvreté. Il fallait aussi répondre à des besoins nouveaux des familles, qui se posaient moins en 1945 : aujourd’hui, la famille a changé, la société a changé et les modes de garde sont une priorité.

Le projet du Gouvernement répond à ces trois exigences : réduire le déficit, réduire la pauvreté des familles, en particulier des familles monoparentales et des familles nombreuses pauvres…

M. Marc-Philippe Daubresse. Et augmenter les impôts !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. …et créer 275 000 places d’accueil pour les jeunes enfants. Voilà ce que le Gouvernement a décidé. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Marc-Philippe Daubresse. Vous mentez !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. En préservant l’universalité des allocations familiales, nous avons demandé un effort de solidarité : c’est vrai, et nous l’assumons, car c’est courageux de la part du Gouvernement. Par la modification du quotient familial, nous demandons aux familles les plus aisées de contribuer à l’effort de solidarité, et je voudrais donner une précision à ce sujet : le quotient familial, qui va effectivement être modifié, concerne les familles les plus aisées, et non pas, comme on l’entend, les classes moyennes.

Mme Bérengère Poletti. C’est faux !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. À un ménage qui gagne 6 000 euros par mois, le quotient familial donne aujourd’hui un avantage considérable par rapport aux classes moyennes et aux classes populaires.

Je voudrais vous donner deux chiffres, mesdames et messieurs les députés. Pour un couple avec deux enfants qui gagne 2 000 euros par mois, l’effet du quotient familial donne un avantage fiscal de 1 000 euros par an ; pour un couple avec deux enfants qui gagne 5 000 euros par mois, cet avantage fiscal est de 4 000 euros ! Nous avons simplement mis plus de justice. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.) C’est la preuve qu’on peut sauver le modèle social français en le réformant, en réduisant les injustices, en répondant à des besoins nouveaux, en apportant plus de solidarité et en faisant reculer les inégalités sociales.

C’est la politique du Gouvernement. C’est celle qui nous guidera pour les autres réformes de notre système social ; c’est celle qui nous inspirera pour la réforme des retraites. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Politique familiale

M. le président. Mes chers collègues, essayons de retrouver un peu de calme pour la suite de notre séance.

La parole est à M. François Sauvadet, pour le groupe Union des démocrates et indépendants.

M. François Sauvadet. Monsieur le Premier ministre, il y a, en France, un vrai problème de crédibilité de la parole publique, aussi bien celle du Président de la République que celle du Gouvernement.

À deux reprises, le Président de la République s’est solennellement adressé à l’ensemble des Français et a pris un engagement devant eux.

M. Marc-Philippe Daubresse. Les yeux dans les yeux !

M. François Sauvadet. Il leur a dit qu’après l’année 2013, marquée par ce que nous avons appelé un « matraquage fiscal », il n’y aurait pas d’augmentation d’impôts en 2014, ni sur les foyers, ni sur les familles. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)

Mme Bérengère Poletti. C’est vrai !

M. François Sauvadet. Quinze jours seulement après cette déclaration solennelle du Président de la République, le Premier ministre du gouvernement de la France nous annonce qu’il va y avoir une baisse du quotient familial !

Pour que tous les Français sachent de quoi il s’agit, il y aura tout simplement une augmentation de l’impôt, qui va peser sur les familles, et notamment sur les classes moyennes. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)

M. Lucien Degauchy. Mais oui !

M. François Sauvadet. Monsieur le Premier ministre, vous pourrez dire tout ce que vous voulez, mais les chiffres sont têtus.

M. Jean-Christophe Cambadélis. Vous aussi, vous êtes têtu, monsieur Sauvadet !

M. François Sauvadet. Cela va concerner 1,3 million de personnes en France, et 3 millions d’enfants.

J’ai fait un calcul : un couple avec deux enfants qui gagne 2 600 euros par mois paiera, l’an prochain, 1 000 euros d’impôt en plus au titre de ce que vous appelez la justice ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Mes chers collègues, nous ne pouvons pas continuer comme cela. Je demande à chacun d’écouter les orateurs dans le calme.

M. François Sauvadet. Cette mesure aura aussi des conséquences sur la halte garderie, sur les cantines et sur l’accueil périscolaire, puisque tout le système est bâti autour de ce quotient familial.

Monsieur le Premier ministre, au nom du groupe UDI, je vous demande solennellement de renoncer à cette mesure, que vous avez vous-même qualifiée, ainsi que vos amis, de niche fiscale, car il y avait un consensus national sur ce sujet. Attaquez-vous plutôt aux réformes que vous annoncez pour le pays et que vous ne cessez de différer ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de la famille.

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée chargée de la famille. Monsieur le président, monsieur le député, si j’écoute bien vos propos, il s’agit de ne surtout rien faire. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Or l’immobilisme ne peut que conduire à la faillite de notre politique familiale.

Il nous a fallu faire preuve de beaucoup de courage : puisque nous souhaitions maintenir l’universalité des prestations et de notre politique familiale, il était nécessaire de réduire le déficit que vous nous avez laissé pour la branche famille. Vous nous avez laissé un déficit de plus de 2,6 milliards d’euros, qui représente une menace pour le devenir de la politique familiale.

Mme Claude Greff. C’est faux !

M. Lucien Degauchy. Mensonges !

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Je suis fière d’appartenir à un gouvernement qui, grâce à cette décision qui ne concerne que 12 % des familles – ce qui signifie que 88 % des familles ne sont pas touchées par les mesures qui viennent d’être prises – va revaloriser l’allocation de soutien familial et le complément familial : cela va donner du pouvoir d’achat aux familles les plus modestes, pour éduquer leurs enfants. C’est cela, une politique familiale juste.

Mme Claude Greff. Incroyable !

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Une politique familiale juste, c’est une politique qui fait un effort sans précédent en créant 275 000 places d’accueil, alors que vous, durant le précédent quinquennat, vous n’avez pas même été capables d’en créer 100 000, vous avez diminué de 55 000 le nombre de places de préscolarisation, et vous n’avez pas tenu vos engagements.

Alors oui, effectivement, en revalorisant de plus de 2 milliards d’euros le Fonds national d’action sociale, nous apportons un véritable soutien à la politique familiale de proximité, qui sera juste et efficace. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Épandage aérien des pesticides

M. le président. La parole est à Mme Brigitte Allain, pour le groupe écologiste.

Mme Brigitte Allain. Monsieur le ministre de l’agriculture, il y a un an je vous alertais au sein de cette assemblée sur les dangers des épandages aériens de produits phytosanitaires. De nombreuses dérogations ont été accordées par les préfets l’année dernière et nous craignons que le scénario ne se répète cette année.

En Guadeloupe et en Martinique, des dérogations ont été délivrées le 29 avril dernier, pour un an, alors que les ravages de ces produits lâchés dans les bananeraies sont connus. Ils concernent la santé des travailleurs – cancer du sang, de la moelle, allergies multiples – et la santé des populations sous le vent des bananeraies. Le périmètre de sécurité autour des habitations et des écoles est toujours fixé à cinquante mètres !

L’environnement, déjà largement contaminé au chlordécone, continue de faire les frais de cette inaction : les eaux de source et du littoral ainsi que les poissons ont été contrôlés positifs à des produits épandus.

En réaction à ces abus, près d’une trentaine d’organisations ont appelé à manifester le samedi 1er juin, à Pointe-à-Pitre. Ce mouvement commence à essaimer dans toutes les régions.

En septembre dernier, lors de la conférence environnementale, le Gouvernement, par la voix du Premier ministre, s’est engagé à mettre fin à toute dérogation en matière d’épandages aériens.

Monsieur le ministre, je sais que la France a fortement contribué à la suspension par la Commission européenne de trois pesticides mortels pour les abeilles. Pouvez-vous nous réaffirmer les engagements du Gouvernement et nous assurer d’une application effective de l’interdiction des épandages aériens sur tout le territoire, métropolitain comme ultramarin ?

J’ai bon espoir que le plan « Produire autrement » soit aussi porteur d’alternatives pour ces lieux de biodiversité préservée que sont les outre-mer. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et quelques bancs des groupes SRC et RRDP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt.

M. Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt. Madame la députée, vous m’avez interrogé sur le point de savoir si la ligne du Gouvernement avait changé s’agissant des épandages aériens. Elle n’a pas changé.

Conformément à l’engagement pris lors de la conférence environnementale, l’objectif est de se passer des épandages aériens. Un arrêté national est en préparation. Il va encadrer les dérogations qui seront données tant que des alternatives définitives n’auront pas été trouvées à certains épandages, qui peuvent être nécessaires aujourd’hui encore.

C’est le cas pour la banane. Un champignon, responsable de la cercosporiose jaune ou noire, pousse sur les feuilles supérieures du bananier, ce qui entraîne une certaine difficulté pour le traiter. Aujourd’hui, nous sommes en train de faire les recherches nécessaires pour trouver des alternatives.

L’objectif n’a pas changé, il est de se passer des épandages aériens et de ne donner des dérogations que lorsqu’elles sont absolument nécessaires et qu’il n’y a pas d’alternative, ainsi que d’harmoniser ces dérogations en leur donnant de la cohérence. Cela va faire rapidement l’objet d’une enquête publique, puisque l’arrêté est en préparation. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Transparence de la vie publique

M. le président. La parole est à M. René Dosière, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. René Dosière. Monsieur le ministre chargé des relations avec le Parlement, en démocratie, organiser les rapports entre l’argent et la politique est un exercice périlleux, compte tenu de deux exigences contradictoires : d’un côté, la transparence, légitimement réclamée par l’opinion publique qui la réduit parfois, hélas ! à du voyeurisme ; et, de l’autre, la nécessité fondamentale du respect de la vie privée, notamment celle du conjoint et des proches des élus.

Concernant le texte que vous allez présenter prochainement au nom du Gouvernement sur le patrimoine des élus nationaux et locaux, ainsi que des fonctionnaires d’autorité, je souhaiterais obtenir deux précisions.

M. Marc-Philippe Daubresse. Oui, il en faut !

M. René Dosière. Tout d’abord, notre excellent collègue Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois, a déposé un amendement qui rend les patrimoines publics et accessibles à tout citoyen qui le souhaite – voilà pour la transparence – mais qui interdit leur divulgation – voilà pour le respect de la vie privée. (Rires sur les bancs du groupe UMP.)

M. Marc-Philippe Daubresse. C’est le bal des hypocrites !

M. René Dosière. Compte tenu des points de vue divergents qui se sont exprimés ici et là sur ce sujet, je voudrais connaître la position du Gouvernement sur cet amendement.

En second lieu, nous avons constaté récemment que les déclarations effectuées sont parfois incomplètes, voire inexactes.

Plusieurs députés du groupe UMP. Cahuzac !

M. René Dosière. Monsieur le ministre, quelles garanties offre votre texte afin de déceler à l’avenir ce type de comportements et d’éviter leur renouvellement ? Pourquoi ce qui est possible aujourd’hui ne le sera plus demain ? (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC et sur les bancs du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement.

M. Alain Vidalies, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le député, votre question touche à un problème complexe (« Cahuzac ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP) sur lequel l’engagement du Président de la République est très clair : il s’agit de garantir la transparence et la protection de la vie privée, s’agissant du patrimoine des élus.

La proposition qui va être faite par le président de la commission des lois et rapporteur, Jean-Jacques Urvoas, prévoit la publication en préfecture du patrimoine des élus nationaux et locaux du département et la possibilité pour tous les citoyens de ce pays d’en prendre connaissance.

M. Hervé Mariton. Depuis quand est-ce le Gouvernement qui s’exprime au nom de la commission des lois ?

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Ce texte donnera pour la première fois aux citoyens le droit de communiquer leurs observations directement auprès de la Haute autorité de la transparence.

Cela sera fait sans qu’il y ait de possibilité de publier ces patrimoines dans la presse. C’est le point de rencontre entre les exigences que vous avez posées. Quand j’entends protester ceux qui sont contre toute transparence, je pense que cela pose une véritable difficulté. Nous verrons s’ils seront au rendez-vous ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Marc-Philippe Daubresse. Tartuffe !

M. Alain Vidalies, ministre délégué. L’objectif est bien celui que vous avez rappelé : essayer d’éviter que ne se reproduisent des actes, certes isolés (« Cahuzac ! » sur les bancs du groupe UMP), mais qui retombent sur chacun de nous. Les pouvoirs de la Haute autorité seront donc renforcés. Dorénavant, elle disposera de la possibilité d’accéder au dossier fiscal et elle pourra demander à l’administration fiscale de mettre en œuvre les procédures internationales. Bref, la Haute autorité disposera demain de pouvoirs qu’elle n’a pas aujourd’hui. Ces pouvoirs de la Haute autorité et ceux du citoyen seront au rendez-vous de la transparence, car, pour répondre à la crise de confiance, il n’y a que la transparence ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Politique familiale

M. le président. La parole est à M. Christian Jacob, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Christian Jacob. Monsieur le Premier ministre, je regrette tout d’abord que vous n’ayez pas eu l’élégance de répondre à Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Sa question s’adressait à vous.

Monsieur le Premier ministre, notre modèle familial repose sur un trépied constitué par l’universalité des allocations familiales, le quotient familial permettant d’exercer une solidarité envers les familles ayant des enfants, et des dispositifs puissants permettant de concilier vie familiale et vie professionnelle.

Cette politique familiale nous a permis d’avoir l’un des meilleurs taux de natalité et l’un des meilleurs taux de professionnalisation des femmes en Europe. Or vous avez décidé de la remettre en cause. Vous avez renié l’un de vos engagements – il est vrai que c’est devenu une seconde nature pour vous.

M. Bruno Le Roux. C’est laborieux !

M. Christian Jacob. Vous aviez annoncé que vous n’augmenteriez pas les impôts en 2014. Non seulement vous les augmentez, mais vous ciblez une catégorie de Français : les foyers avec enfants. Un million et demi de foyers avec enfants vont voir leurs impôts augmenter. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Il y a dix ans, sous l’impulsion de Jacques Chirac, j’ai créé la prestation d’accueil du jeune enfant. Là encore, vous remettez en cause la PAJE : vous baissez son montant pour certaines familles, et vous allez plus loin en diminuant la durée du congé parental.

Monsieur le Premier ministre, vous êtes de passage à Matignon. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Guy Geoffroy. C’est bientôt la fin !

M. Christian Jacob. Pourquoi ne pas vous concentrer sur ce qui rassemble ? Pourquoi chercher sans cesse à diviser et à cliver ? Quelle légitimité ou quelle idéologie vous autorise à massacrer ainsi notre politique familiale, et à matraquer les classes moyennes comme vous êtes en train de le faire depuis que vous êtes au pouvoir ? Monsieur le Premier ministre, les Français se souviendront de votre attitude. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs du groupe UDI.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Monsieur le président Jacob, pourquoi toujours caricaturer ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Tout simplement parce que vous êtes mal à l’aise ! Vous vous étiez mis dans la tête – mais c’est votre problème – que nous allions remettre en cause l’universalité des allocations familiales. Vous vous êtes trompé : nous l’avons préservée. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Quant à la prestation d’accueil du jeune enfant, la durée du congé parental n’est pas diminuée.

M. Bernard Deflesselles. Mais si !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Elle est préservée.

Mme Catherine Vautrin. N’importe quoi !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Il est simplement proposé qu’une partie de ce congé soit partagée entre la mère et le père. Cela vous dérange, mais c’est aussi un progrès. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Monsieur Jacob, je ne répéterai pas tout ce que j’ai déjà dit. Moins de 12 % des familles avec enfants devront contribuer, par un acte de solidarité et de justice fiscale,…

M. Hervé Mariton. Ce n’est pas juste !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. …à l’effort pour améliorer les conditions de vie des familles, en particulier des familles les plus pauvres.

M. Sylvain Berrios. Ce chiffre est faux !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Connaissez-vous les chiffres que l’UNICEF ne cesse de rappeler à tous les pays concernés ? Le nombre d’enfants pauvres en France…

M. Philippe Meunier. Cela n’a rien à voir avec la politique familiale !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. …est profondément scandaleux : il faut absolument le réduire. Un enfant sur cinq est dans une situation de pauvreté. Est-ce acceptable ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.) Dans notre République, pour rester fidèles à l’esprit de solidarité en faveur des familles, ne devons-nous pas nous efforcer de faire reculer la pauvreté des enfants ? C’est le choix qu’a fait le Gouvernement.

Vous nous racontez des histoires, monsieur Jacob. À la veille de l’élection présidentielle, vous aviez décidé en catimini de réduire le montant réel des allocations familiales,…

M. Sylvain Berrios. Mensonges ! Carabistouilles !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. …puisque vous les aviez revalorisées de 1 % alors que l’inflation s’élevait à 1,75 %. Croyez-vous que je l’aie oublié ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Ce Gouvernement a le courage de traiter les problèmes de déficit sans détruire le système social français.

Monsieur Jacob, j’espère que vous n’avez pas la mémoire courte. En tout cas, votre voisin M. Copé ne peut pas l’avoir : il avait approuvé une proposition de M. Le Maire – alors responsable du programme de l’UMP –, que vous auriez appliquée si vous aviez été réélus et qui aurait consisté à soumettre à l’impôt les allocations familiales, c’est-à-dire à faire payer l’impôt à toutes les familles percevant les allocations familiales. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Voilà ce qu’était le programme caché de l’UMP ! Je le rappelle : ce programme caché n’est pas le nôtre. Le nôtre, c’est la justice fiscale et la justice sociale. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

Plusieurs députés du groupe UMP. Fossoyeurs !

Difficultés de la filière porcine

M. le président. La parole est à Mme Dominique Orliac, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

Mme Dominique Orliac. Monsieur le ministre de l’agriculture, le monde de l’élevage souffre. Les éleveurs vous l’ont dit très clairement lors de leur grande manifestation nationale du 12 avril dernier.

La filière porcine, notamment, est très sévèrement touchée. La flambée des matières premières est à l’origine de problèmes de trésorerie majeurs. Aujourd’hui, les éleveurs sont à bout et attendent des décisions urgentes.

Ils attendent d’abord la revalorisation du prix payé au producteur, qui se situe, en moyenne, de 0,25 à 0,30 euro par kilogramme en dessous du coût de production. Au-delà des éleveurs, qui investissent et emploient beaucoup de main d’œuvre, c’est la vie de l’ensemble d’une filière – des producteurs d’alimentation animale aux abattoirs et aux entreprises de transformation et de salaison – qui est en jeu.

Les éleveurs attendent ensuite la réduction des distorsions de concurrence au sein de l’Union européenne et la régulation des relations entre producteurs, transformateurs et distributeurs par un cadre législatif strict. La future loi relative à la consommation doit jeter les bases de négociations plus équitables et mettre en place un mécanisme de répercussion de l’évolution des coûts de production sur les prix payés aux producteurs.

L’étiquetage de l’origine des viandes, qu’elles soient transformées ou non, doit être rendu obligatoire. Il s’agit aussi d’une demande légitime des consommateurs qui permettra, en toute transparence, de mieux valoriser les produits des éleveurs français. Le Gouvernement doit poursuivre son action en ce sens au niveau de l’Union européenne.

Enfin, il est impératif d’accompagner spécifiquement les éleveurs de porcs des zones à faible densité de production, en améliorant la valorisation des produits identifiés de nos territoires et en assurant un soutien ciblé dans le cadre de la future PAC, en particulier dans les zones de montagne et de piémont. C’est un enjeu territorial fort, notamment dans mon département du Lot où les éleveurs de porcs étaient plus de cent il y a trois ans ; ils ne sont plus qu’une soixantaine aujourd’hui.

Monsieur le ministre, nos éleveurs comptent sur votre soutien. Comptez-vous le leur apporter ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP et sur plusieurs bancs des groupes SRC, UDI et RRDP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt.

M. Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt. Madame la députée, vous avez évoqué la situation de la filière porcine qui, comme les autres filières animales, subit la hausse du coût de l’alimentation animale. L’écart entre les prix de vente et les coûts de production se réduit.

Nous devons poursuivre un objectif double. D’une part, il convient de modifier la loi de modernisation économique, afin d’intégrer dans les négociations commerciales l’évolution des coûts de production, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. J’espère que tout le monde, à l’Assemblée nationale, votera les dispositions qui seront proposées…

M. Jean Launay. Nous, oui !

M. Stéphane Le Foll, ministre. …pour modifier cette loi, qui donne aujourd’hui beaucoup trop de pouvoir à la grande distribution. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

D’autre part, il est très important de structurer nos filières – les filières animales en particulier, et la filière porcine de manière spécifique. Nous n’avons pas attendu la crise : dès le 15 avril, un projet négocié avec l’ensemble des acteurs de la filière a été mis sur la table pour structurer la filière porcine et garantir sa qualité, en développant un axe stratégique sur la viande porcine française. Au mois de juillet, nous organiserons un colloque…

M. Christian Jacob. Ça va tout changer !

M. Stéphane Le Foll, ministre. …et définirons une ligne directrice pour les viandes de France. Cela permettra de préciser les cahiers des charges qui seront soumis à l’ensemble de ces filières.

M. Marc Le Fur. Un colloque et des allocs ! (Sourires.)

M. Stéphane Le Foll, ministre. La question des prix est une vraie question. J’ai déjà évoqué la loi de modernisation économique. Nous avons engagé, avec un médiateur, une négociation sur le lait qui a abouti : pour la première fois, une augmentation du prix sera répercutée jusqu’aux producteurs. Une telle médiation a été demandée pour la filière porcine. Elle a été acceptée : elle est donc mise en œuvre et le médiateur est déjà au travail. Voilà des réponses concrètes.

Quant à la question de la montagne, elle est globale. Il faudra naturellement examiner chaque production pour la défendre dans ces zones difficiles. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Engagements européens de la France

M. le président. La parole est à M. Jean Leonetti, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Jean Leonetti. Monsieur le Premier ministre, la force d’un grand pays est de s’exprimer d’une seule voix vis-à-vis de ses partenaires européens. Vous en avez appelé au devoir de mémoire, eh bien, nous allons nous souvenir ensemble !

Il paraît difficile de saluer la finance à la City et de déclarer, à Paris, qu’elle est notre ennemi.

Il paraît difficile de saluer le modèle allemand à Leipzig et de laisser vos ministres attaquer l’Allemagne et dénoncer l’égoïsme allemand en France en comparant la chancelière à Bismarck. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe UMP.)

Il paraît difficile de louer les réformes courageuses que Schröder, chancelier socialiste, avait mises en œuvre en Allemagne et de refuser de les mettre en œuvre en France. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Il paraît difficile de s’engager à faire des réformes structurelles devant la Commission européenne à Bruxelles et de s’en offusquer dès le retour à Paris en refusant de les mettre en œuvre.

M. Henri Emmanuelli. Et Sarko ? Souvenez-vous de son numéro !

M. Jean Leonetti. Il paraît difficile, enfin, de prôner une gouvernance économique européenne et de mener une politique tout à fait opposée à celle de notre voisin et partenaire allemand en matière de fiscalité et de politique économique.

On ne peut pas, monsieur le Premier ministre, parler comme Pierre Moscovici à Bruxelles et comme Arnaud Montebourg à Paris. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

On ne peut pas, monsieur le Premier ministre, tenir un langage « caméléon » qui change de ton en fonction de l’endroit où l’on se trouve. Nos partenaires, notre pays ont besoin de clarté.

Monsieur le Premier ministre, avez-vous l’intention, oui ou non, de respecter le traité européen et de mettre en œuvre les engagements que vous avez pris devant la Commission européenne ? (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie et des finances.

Plusieurs députés du groupe UMP. Montebourg !

M. Pierre Moscovici, ministre de l’économie et des finances. Monsieur le député, non seulement nous tenons le même langage, mais pour ma part, je tiens le même discours à Bruxelles et à Paris, discours qui se fonde sur le constat suivant : notre pays se trouve dans une situation dégradée et nous avons l’obligation, le devoir impérieux, de le redresser. À cette fin, nous avons engagé un nombre de réformes considérables qui viennent d’être saluées aujourd’hui même par le FMI, qui a rendu son rapport sur la France. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Nous avons mis en œuvre la réforme du marché du travail la plus importante depuis quarante ans (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) ainsi que la réforme sur la compétitivité (Mêmes mouvements.) Votre majorité n’a rien entrepris de tel ! Nous avons en outre mené la réforme sur la modernisation de l’action publique (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), sur la simplification.

M. Claude Goasguen. Ah bon ?

M. Pierre Moscovici, ministre. Nous sommes dans un processus de transformation de notre économie et de notre société.

M. Claude Goasguen. Cela doit être virtuel !

M. Pierre Moscovici, ministre. C’est ce que nous avons présenté à la Commission européenne, à Bruxelles, dans le cadre du programme de stabilité, du programme national de réformes qui a été voté par l’ensemble de la majorité.

Nous avons, et c’est naturel, un débat avec la Commission européenne. Je vous rappelle qu’elle nous a accordé, ce qu’elle n’avait jamais fait pour personne, deux ans pour revenir à un niveau de déficit souhaitable. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Elle l’a fait pour une raison simple : nous permettre de ménager la croissance. Et cela, vous ne l’avez jamais obtenu !

La Commission nous demande de faire des réformes : nous les faisons. En même temps, comme le Président de la République l’a dit, il est légitime que nous choisissions nos voies et moyens, que nous appliquions les réformes avec nos idées, nos valeurs, en respectant notre modèle social. Il n’y a dans tout cela aucune forme de contradiction, vous le savez bien, monsieur le député. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Il y a, au contraire, une très grande cohérence, une très grande volonté ; le courage de la réforme, celui que vous n’avez jamais eu ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Fiscalité écologique

M. le président. La parole est à Mme Sylviane Alaux, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

Mme Sylviane Alaux. Ma question s’adresse à Mme la ministre de l’écologie.

Notre assemblée examinera aujourd’hui une proposition de résolution concernant la fiscalité écologique. Présentée par Jean-Paul Chanteguet, président de la commission du développement durable, cette résolution fixe le cadre qui permettra à notre pays de rattraper son retard en la matière.

En effet, malgré les déclamations et les effets de manche auxquels a donné lieu le Grenelle de l’environnement, notre pays occupe une place préoccupante au niveau européen. Les tergiversations et les renoncements de l’UMP coûtent cher à notre pays, qui se situe à l’avant-dernière place des vingt-sept États membres de l’Union européenne.

Nous en sommes convaincus, la fiscalité écologique est un instrument efficace et un élément indispensable pour bâtir la nouvelle stratégie de croissance que nous nous efforçons de mettre sur pied depuis un an.

En amont du projet de loi de finances pour 2014, les députés de la majorité ont donc élaboré une stratégie permettant d’esquisser des pistes d’évolution de la fiscalité des hydrocarbures, d’imaginer de nouvelles solutions pour internaliser l’impact environnemental des activités économiques, que ce soit en matière d’énergie, de pollution ou de déchets.

Oui, nous en sommes plus que jamais convaincus, l’écologie n’est pas un frein à la croissance, mais bien l’un de ses nouveaux leviers ! (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.) L’indispensable émergence d’une fiscalité écologique y contribuera de manière évidente.

Madame la ministre, pouvez-vous nous rappeler dans quelle démarche s’inscrit le Gouvernement sur cette question cruciale ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie.

Mme Delphine Batho, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie. Madame la députée, je voudrais d’abord saluer la proposition de résolution présentée cet après-midi par le groupe socialiste, à l’initiative de Jean-Paul Chanteguet, ainsi que le travail de l’ensemble des parlementaires, du rapporteur général du budget, Christian Eckert, et de vous-même.

Ces travaux sont complémentaires de ceux qui sont actuellement conduits dans le cadre du comité pour la fiscalité écologique présidé par Christian de Perthuis et qui associe à la réflexion les représentants des syndicats, des entreprises, des ONG, des associations d’élus et de consommateurs. Ce comité a déjà rendu quatre avis et une réunion est prévue le 13 juin prochain. L’objectif du Gouvernement, madame la députée, est très clair : rattraper le retard de la France en matière de fiscalité environnementale, puisque la France occupe l’avant-dernière place en Europe.

Cette fiscalité n’est pas une fin en soi, c’est un outil au service de la compétitivité environnementale de la France et du financement de la transition écologique. C’est dans cet esprit qu’avec Pierre Moscovici et Bernard Cazeneuve, nous travaillons à des propositions concrètes sur la base de l’ensemble des réflexions en cours. Ces propositions trouveront place dans le projet de loi de finances pour 2014 ; je vous le confirme.

Nous voulons une fiscalité écologique incitative, qui s’inscrive dans une trajectoire progressive et qui donne une visibilité de long terme. Nous examinons tous les enjeux, ceux du réchauffement climatique, de la qualité de l’air, des pollutions diffuses, des déchets, des atteintes à la biodiversité. C’est un travail méthodique qui est mené. Nous mesurons toutes les implications possibles pour les consommateurs, la compétitivité économique et, évidemment, le pouvoir d’achat. Nous nous penchons également sur la question de savoir comment opérer un coup de rabot sur les niches fiscales défavorables à l’environnement.

En participant tout à l’heure à la discussion de cette proposition de résolution, j’aurai l’occasion d’être à l’écoute du Parlement…

M. le président. Merci, madame la ministre !

Accord de libre-échange transatlantique

M. le président. La parole est à M. François Asensi, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. François Asensi. Monsieur le Premier ministre, la Commission européenne a accordé un délai à la France pour réduire son déficit, mais à quel prix !

M. Guy Geoffroy. Eh oui !

M. François Asensi. Ses recommandations avant sanction sont inacceptables : baisse des dépenses publiques, hausse de la TVA, gel du SMIC, nouvelle attaque contre le droit à la retraite à soixante ans. Ce qu’elle nomme recommandations, je le qualifie de chantage !

Dans le même temps, la Commission européenne s’apprête à créer une vaste zone de libre-échange entre l’Europe et les États-Unis.

En dehors de tout mandat impératif de la France ou du Conseil européen, elle disposera d’un blanc-seing absolu. Le libéral M. Barroso négociera en notre nom. Le feu vert à ce funeste accord de libre-échange pourrait être accordé en juin, dans l’opacité, laissant le Parlement français totalement dépossédé.

Quel est l’objectif ? Démanteler toutes les règles tarifaires, réglementaires, environnementales qui protègent les salariés et les consommateurs.

Dans une Europe aux intérêts divergents, la Commission acceptera-t-elle au nom de la France l’introduction des OGM, comme le demande le Danemark ? Les gaz de schiste, comme le souhaite la Pologne ? La libéralisation financière, comme le Royaume-Uni et d’autres paradis fiscaux européens la pratiquent ?

Les grands vainqueurs seront les multinationales, le président des États-Unis l’a lui-même reconnu.

Accepter cet accord transatlantique, ce serait mettre notre développement sous tutelle des États-Unis et reconnaître que l’Europe, première puissance économique mondiale, est incapable d’impulser sa propre relance.

Monsieur le Premier ministre, la France va-t-elle s’opposer à cette fuite en avant contraire à l’intérêt des peuples et à l’idéal européen ? (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur quelques bancs du groupe RRDP.)

M. Julien Aubert. Très bonne question !

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.

M. Thierry Repentin, ministre délégué chargé des affaires européennes. Oui, monsieur le député, la France est favorable au principe de la négociation d’un accord commercial entre l’Union européenne et les États-Unis. Mais cet accord ne se fera pas à n’importe quel prix, notamment celui d’une remise en cause des grands choix de société faits par la France et par l’Union européenne.

C’est la raison pour laquelle nous avons posé trois préalables, j’allais dire trois lignes rouges.

Il s’agit, premièrement, de l’exclusion de l’exception culturelle française du mandat de négociation. Nous soutenons cette exigence avec treize autres ministres de l’Union européenne, à l’initiative d’Aurélie Filippetti. Il s’agit d’une démarche tout à fait démocratique puisque le Parlement européen a délibéré sur la position française, lui donnant une légitimité issue de l’élection.

Il s’agit, deuxièmement, du refus de l’ouverture des marchés publics de la défense, à la demande de mon collègue et ami Jean-Yves Le Drian.

Il s’agit, troisièmement, de tout ce qui pourrait mettre à mal les choix de société que nous avons faits, notamment en matière agricole. Et cette position très importante est reprise par d’autres pays de l’Union.

Pour autant, nous sommes persuadés que cet accord représente des possibilités de relance de l’économie et de création d’emplois pour l’Union européenne dans son ensemble, mais aussi pour la France.

C’est cette position à la fois exigeante, enthousiaste et ambitieuse qui sera défendue par Nicole Bricq lors du Conseil du commerce extérieur du 14 juin prochain. Ses conclusions, vous le verrez, seront de nature à vous rassurer. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. Marc Dolez. C’est ce qu’on verra !

Régime des auto-entrepreneurs

M. le président. La parole est à M. Damien Abad, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Damien Abad. Madame la ministre de l’artisanat, après avoir matraqué les classes moyennes, vous vous attaquez aujourd’hui à un régime qui marche, celui des auto-entrepreneurs, que vous voulez détricoter par pure idéologie anti-entreprise. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC. – Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Après le temps des « pigeons », voici venu le temps des « poussins ». Ce sont désormais ces volatiles qui sont obligés de se regrouper pour tenter d’éviter de figurer dans votre viseur, à portée du fusil gouvernemental, un fusil qui fait tant de dégâts aujourd’hui.

En voulant limiter dans le temps le régime de l’auto-entrepreneur, vous commettez une triple faute.

Une faute économique, d’abord, car s’attaquer à ce régime, c’est s’attaquer à près d’un million d’étudiants, de salariés, de chômeurs ou de retraités, pour qui il constitue un tremplin pour créer une entreprise.

Une faute sociale, ensuite, car s’attaquer à ce régime en pleine période de crise, c’est prendre le risque de priver d’un statut qui offre un peu de souplesse des jeunes qui ont du talent et des personnes sans activité qui ont des idées.

Une faute morale, enfin, car, à travers cette réforme, vous démontrez chaque jour que vous n’avez rien compris au monde de l’entreprise, et que vous n’avez ni la culture d’entreprendre, ni l’esprit d’initiative. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC. – Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

De grâce, madame la ministre, ne reprenez pas le refrain des artisans contre les entrepreneurs parce que les artisans sont des entrepreneurs et parce que, depuis que vous êtes aux manettes, vous n’avez eu de cesse de mettre à mal le monde de l’artisanat par des hausses de charges et de TVA, quitte à favoriser le travail au noir dans notre pays. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Un peu de calme, s’il vous plaît !

M. Damien Abad. Madame la ministre, à question simple réponse simple : pouvez-vous dire, devant la représentation nationale, si oui ou non, vous renoncez à votre projet de limiter dans le temps le statut d’auto-entrepreneur ? (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes UMP et UDI.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’artisanat, du commerce et du tourisme.

Mme Sylvia Pinel, ministre de l’artisanat, du commerce et du tourisme. Monsieur le député, je regrette que vous abordiez cette question importante sous l’angle de la polémique et de la caricature. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Ce que le Gouvernement a proposé, ce sont des orientations qui sont aujourd’hui soumises à la concertation avec l’ensemble des acteurs concernés.

Ce que nous voulons,…

M. Marc-Philippe Daubresse. C’est étouffer le poussin dans l’œuf !

Mme Sylvia Pinel, ministre. …c’est améliorer le régime de l’auto-entrepreneur en le rendant plus efficace pour des milliers de personnes. Il s’agit de clarifier un statut jusqu’ici précaire, qui n’a pas permis de développer suffisamment le pouvoir d’achat de ceux qui l’avaient choisi.

Cessez toute polémique. Essayons plutôt de travailler ensemble sur ce sujet particulièrement important. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Nous voulons distinguer les deux objectifs de ce régime.

Nous devons, d’une part, accompagner les personnes qui s’installent pour créer une activité autour d’un projet entrepreneurial. Ce que vous aviez oublié de faire, ce gouvernement le fera.

Nous allons d’autre part clarifier la situation de ces milliers de personnes qui exercent une activité complémentaire pour dégager un revenu d’appoint de nature à préserver leur pouvoir d’achat.

La solution que nous avons retenue, en liaison avec les différents acteurs, est juste, équilibrée et efficace. Nous voulons cesser d’opposer les artisans aux auto-entrepreneurs.

M. Jean Leonetti. Quelle est la réponse ?

Mme Sylvia Pinel, ministre. Ce que nous voulons, c’est que tous les acteurs économiques, quel que soit leur type d’activité, puissent développer la croissance dans notre pays, créer de l’emploi et participer au redressement économique.

Jeudi, je recevrai l’ensemble des organisations professionnelles pour affiner les propositions que nous avons mises sur la table. Comme chaque fois, nous le ferons avec méthode, dans le dialogue, afin de renforcer l’économie de notre pays. (Applaudissements sur les bancs des groupes RRDP, SRC et écologiste.)

Plan de sécurisation des prisons

M. le président. La parole est à M. Hugues Fourage, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Hugues Fourage. Monsieur le président, chers collègues, ma question s’adresse à Mme Taubira, ministre de la justice. Elle porte sur les conséquences qu’elle a tirées de la spectaculaire évasion survenue le 13 avril dernier à la prison de Sequedin.

Je tiens ici à rendre hommage à la qualité des services d’enquête, qui sont parvenus, en moins de deux mois, à retrouver la trace de l’auteur de cette évasion et à l’interpeller.

Si cette évasion a considérablement marqué les esprits, et notamment ceux des surveillants, c’est parce qu’elle résultait d’un mode opératoire minutieusement préparé, sur lequel l’information judiciaire en cours devra faire toute la lumière, et parce que celui qui s’est évadé est parvenu à faire entrer en détention des explosifs et une arme à feu.

Cette évasion montre que trop d’objets pouvant servir à s’évader pénètrent encore dans certains établissements pénitentiaires.

Il serait pourtant fallacieux de laisser croire que cet état de fait résulterait de la loi pénitentiaire de 2009 – votée par l’ancienne majorité – qui a proscrit les fouilles systématiques, conformément aux prescriptions européennes.

Il n’est d’ailleurs qu’à se souvenir de l’évasion spectaculaire d’Antonio Ferrara de la prison de Fresnes dans la nuit du 12 mars 2003 pour mesurer que l’introduction d’explosifs ou d’armes en prison se joue des époques et des majorités politiques.

Les enjeux sont importants, au premier rang desquels la sécurité des personnels de l’administration pénitentiaire et la lutte contre les évasions.

Madame la garde des sceaux, vous avez présenté, lundi 3 juin, un dispositif de sécurisation des établissements pénitentiaires particulièrement ambitieux, qui se donne pour objectif de lutter contre les communications illégales entre les personnes détenues et le monde extérieur. Pouvez-vous développer devant la représentation nationale les grandes lignes de ce plan, et en indiquer les modalités de financement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le député, je vous apporte très volontiers ces éléments.

Le plan de sécurisation que j’ai présenté hier vient compléter de façon substantielle des dispositions que j’ai déjà prises en matière de sécurité concernant les projections, les miradors, les portiques, le contrôle à l’entrée des parloirs sous l’autorité du parquet, mais aussi le renseignement pénitentiaire, le statut des détenus particulièrement surveillés, ainsi que les rondes aux abords de nos établissements avec les forces de sécurité mobilisées par le ministre de l’intérieur, Manuel Valls.

Avec ce plan d’ampleur, ambitieux, de 33 millions d’euros, nous changeons effectivement d’échelle. Conçu après consultation et issu d’arbitrages auxquels j’ai procédé dans le budget de l’administration pénitentiaire, il permettra d’équiper en dispositifs anti-projection 35 établissements touchés quotidiennement par ces projections.

Il permettra également d’installer plus de 280 nouveaux portiques à masse métallique – soit une augmentation de 45 % – et 20 portiques à ondes millimétriques – soit vingt fois plus qu’à notre arrivée, puisque nous n’en avions trouvé qu’un seul. Ainsi, toutes les maisons centrales et toutes les zones sensibles des autres établissements seront équipées. De plus, nous créons deux brigades canines, de façon à couvrir tout le territoire.

Ce plan apporte de la crédibilité aux décisions de justice, améliore substantiellement les conditions de travail des personnels, protège des détenus vulnérables exposés à des pressions de la part de détenus menaçants, et contribue à la dignité dans la mesure où ce plan permet un contrôle efficace dans le respect de l’article 57 de la loi pénitentiaire, qui interdit les fouilles systématiques.

Ce plan s’inscrit dans une politique globale visant à améliorer la réinsertion et à éviter de nouvelles victimes par la lutte contre la récidive. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Lutte contre le chômage des jeunes

M. le président. La parole est à M. Gilles Lurton, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Gilles Lurton. Monsieur le ministre du travail, nous venons de dépasser le pic historique de 3 264 000 demandeurs d’emplois. Aucun d’entre nous ici ne peut se réjouir d’un tel score. Comment dans ces conditions laisser croire à une inversion de la courbe du chômage avant fin 2013 ?

La véritable question est celle de savoir de quels moyens se dote le Gouvernement pour mettre fin à ce fléau. Pensez-vous sérieusement que la politique menée depuis le début du quinquennat – la désormais célèbre « boîte à outils » du Président de la République – est de nature à inverser cette tendance ?

Rien ne dit que les contrats de génération trouveront preneurs ; vous le savez bien. La crise économique a conduit les employeurs à geler leurs embauches. Parier ainsi sur 80 000 contrats de génération en 2013 relève plus d’une croyance utopique que d’une prévision fiable.

Vous misez également sur les emplois d’avenir. Avec 22 000 contrats conclus à cette date, nous sommes loin de l’objectif de 100 000 en 2013, tellement loin que vous ouvrez aujourd’hui ce dispositif au secteur marchand et aux jeunes disposant d’une formation qualifiante – tout ce que nous vous avons proposé en vain pendant la discussion de ce texte !

Monsieur le ministre, vous nous demandez de nous mobiliser pour réussir la politique de l’emploi. Nous sommes d’accord ! Mais à chaque fois que nous faisons des propositions, vous les refusez. Comment nous mobiliser sur une politique dont l’échec est patent et prévisible ?

Il y a urgence : agissez sur un allégement du coût du travail, simplifiez l’environnement fiscal et réglementaire de nos entreprises, assouplissez le code du travail ! Il nous faut pour notre jeunesse reprendre aussi une véritable politique de l’apprentissage, que vous avez abandonnée.

Le changement de cap est impératif. Quelles nouvelles mesures comptez-vous donc proposer aux Français et aux entreprises afin de mettre un terme à cette hausse dramatique et inexorable du chômage ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

M. Michel Sapin, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Monsieur le député, s’agissant du chômage, qui ne cesse d’augmenter depuis cinq ans, mois après mois,…

M. Philippe Gosselin. C’est faux !

M. Michel Sapin, ministre. …je pense que chacun, et vous le premier – même si, de ce point de vue, vous n’êtes pas celui à qui j’adresserai le plus de reproches –, doit faire preuve d’un peu de modestie et de volontarisme.

Vous nous dites : « Comment voulez-vous que la courbe du chômage s’inverse d’ici à la fin de l’année ? ». Je vous réponds ceci : que serait un gouvernement qui dirait : « La courbe du chômage va augmenter sans cesse » ?

Pour notre part, nous nous battons avec des armes précises, concrètes, avec une politique économique en faveur de la croissance et des entreprises, et avec une politique de l’emploi en faveur de ceux qui, aujourd’hui, sont en marge de cet emploi et au chômage.

Nous le ferons avec efficacité et, en effet, d’ici à la fin de cette année, la courbe du chômage s’inversera,…

M. Christian Jacob. N’importe quoi !

M. Michel Sapin, ministre. …parce que c’est ce que nous demandent les Français, et ce qu’exige la situation actuelle.

C’est la croissance économique avec le crédit d’impôt compétitivité emploi ; c’est l’encouragement à l’emploi des jeunes avec le maintien des seniors dans l’entreprise grâce au contrat de génération ; c’est la main tendue à tous ces jeunes que vous avez laissés sans emploi, sans formation, et qui doivent pouvoir bénéficier des emplois d’avenir qui leur sont destinés.

Mme Bérengère Poletti. Mais cela ne marche pas !

M. Michel Sapin, ministre. Monsieur le député, depuis le début de nos débats, les emplois d’avenir sont ouverts au secteur privé : ce n’est pas une nouveauté !

Depuis le début, les emplois d’avenir sont réservés à ceux qui en ont le plus besoin, mais ils ne sont pas interdits, dans les zones urbaines comme dans les zones rurales, à ceux qui ont fait l’effort de suivre un peu plus de formation.

Oui, monsieur le député, mobilisez-vous avec nous et, tous ensemble, nous inverserons la courbe du chômage ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP.)

Régime des auto-entrepreneurs

M. le président. La parole est à M. Hervé Pellois, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Hervé Pellois. Madame la ministre de l’artisanat, du commerce et du tourisme, le statut d’auto-entrepreneur, instauré par la loi de modernisation de l’économie de 2008, devait permettre de créer une entreprise de façon simple et rapide, en bénéficiant d’un régime fiscal avantageux. Il a séduit nombre de demandeurs d’emploi qui, par cet intermédiaire, ont retrouvé une activité et une raison d’être.

La diversité des situations – entre ceux qui exercent une activité annexe et ceux qui exercent une activité principale – rend difficile toute comparaison.

Séduisant sur le papier, le statut d’auto-entrepreneur peut engendrer des dérives et créer des distorsions de concurrence dans certains secteurs économiques, notamment dans le domaine de l’artisanat. Nous le constatons tous dans nos circonscriptions. Au lieu d’encourager l’activité et l’emploi, ces dérives entraînent précarité et salariat déguisé. Elles conduisent bien souvent à des destructions d’emplois.

Sur ce dossier aussi, notre majorité entend agir avec pragmatisme, afin de définir les solutions les plus efficaces pour relancer la croissance et l’emploi.

Vous l’avez dit, madame la ministre, le Gouvernement a engagé une large consultation pour évaluer plus précisément les avantages et les inconvénients de l’auto-entrepreneuriat. Il est indispensable de lutter contre les abus, d’identifier les manques qui pourraient apparaître notamment en matière d’accompagnement à la création d’entreprise, de conseil et de formation, et bien sûr de renforcer ce qui marche.

Madame la ministre, il est indispensable de revenir à l’esprit originel du dispositif. L’auto-entrepreneuriat est et doit rester un moyen de faciliter l’initiative économique.

Pouvez-vous nous préciser comment le Gouvernement envisage d’améliorer et de sécuriser ce statut ? (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SRC et écologiste.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’artisanat, du commerce et du tourisme.

Mme Sylvia Pinel, ministre de l’artisanat, du commerce et du tourisme. Monsieur le député, je vous remercie pour votre question qui me permet de présenter les bases de travail, les propositions que le Gouvernement a formulées pour corriger, modifier, améliorer le régime de l’auto-entrepreneur.

Il n’est pas question pour nous de tuer ou de casser ce régime, comme j’ai pu bien souvent l’entendre, et encore à l’instant ici, mais d’apporter des précisions, des clarifications,…

Mme Bérengère Poletti. Lesquelles ?

Mme Sylvia Pinel, ministre. …et de distinguer les deux objectifs de ce régime.

Comme vous l’avez rappelé, certains salariés l’utilisent pour compléter leur revenu, afin de préserver ou d’augmenter leur pouvoir d’achat. Dans cette situation, le régime de l’auto-entrepreneur sera maintenu. Nous discutons actuellement avec les organisations professionnelles pour fixer le plafond de chiffre d’affaires à retenir.

D’autre part, celui qui souhaite créer une entreprise doit être accompagné, suivi. Nous savons en effet que 66 % des entreprises accompagnées existent encore cinq ans après leur création – c’est quinze points de moins pour une entreprise qui n’a pas été accompagnée.

Nous devons aussi vérifier les qualifications, les obligations réglementaires en matière d’assurances pour que la sécurité ou la santé du consommateur ou du client soit préservée.

Vous le voyez, notre objectif est de parvenir à une solution juste, équilibrée, pour permettre à notre pays de retrouver le chemin de la croissance et créer des emplois. Nous agissons avec détermination, dans un esprit constructif et de justice. (Applaudissements sur les bancs des groupes RRDP, SRC et écologiste.)

Politique familiale

M. le président. La parole est à M. Bernard Gérard, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Bernard Gérard. Monsieur le Premier ministre, le Gouvernement taxe, les familles trinquent.

M. Lucien Degauchy. Eh oui !

M. Bernard Gérard. L’annonce, hier, de la baisse du quotient familial alourdit encore le coup de massue fiscal opéré par le Gouvernement à l’égard des familles depuis douze mois.

M. Lucien Degauchy. Contre toutes promesses !

M. Bernard Gérard. La folie taxatrice du Gouvernement se poursuit et n’épargne personne. Qui disait, le 16 mai dernier : « L’idéal serait de ne pas avoir à encore augmenter les impôts » ? Le Président de la République, s’exprimant lors de sa dernière conférence de presse. On nous promettait alors une accalmie fiscale pour 2014. Finalement, l’idéal est remis à plus tard, la pause est oubliée et l’addition à payer par les Français a un goût de plus en plus amer.

Comme une litanie, les taxes se suivent, inquiètent nos concitoyens et amenuisent leur pouvoir d’achat. Vous découragez les Français, qui ne croient plus en vos promesses depuis longtemps.

Refiscalisation des heures supplémentaires, gel du barème de l’impôt sur le revenu, augmentation des droits de succession, hausse de la fiscalité du tabac et des taxes sur la bière,…

M. Lucien Degauchy. Catastrophe !

M. Bernard Gérard. …hausse des cotisations retraite des salariés, fiscalité sur l’immobilier : la liste est très longue. Ainsi, le seul objectif atteint par la majorité socialiste a consisté à lever le plus d’impôts possibles dans le minimum de temps. Au risque de tout casser, les snipers du Gouvernement tirent sans sommation sur les entreprises, grandes ou petites – c’est fait –, sur les auto-entrepreneurs – c’est en cours –, sur les artisans – c’est fait –, sur les retraités – c’est fait. Et l’asphyxie fiscale des familles, c’est maintenant. (À cet instant, M. le Premier ministre quitte l’hémicycle – Huées sur les bancs du groupe UMP.)

Monsieur le Premier ministre, quand allez-vous arrêter cette frénésie fiscale ? Quand allez-vous penser à faire des économies ? Cela me paraît être le moindre de vos soucis. Votre départ est un aveu d’impuissance. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de la famille.

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée chargée de la famille. Monsieur le député, derrière les positions dogmatiques, il ne faut pas oublier la réalité des chiffres. Je vais prendre un exemple très concret : la politique familiale rapporte actuellement 342 euros par mois à un couple biactif qui gagne 1 700 euros et qui a deux enfants, contre 516 euros par mois à un couple biactif qui gagne 8 000 euros par mois et qui a deux enfants. Cela montre que notre politique familiale n’est pas aussi redistributive ni aussi juste que vous voudriez le faire croire.

Il est indispensable de définir une politique familiale beaucoup plus juste en faveur de ceux qui en ont le plus besoin.

Comment demander à des employés d’être mobiles, de quitter, pour des raisons économiques, un département où ils trouvent des services de grande qualité pour un autre où le nombre de places en crèches ou d’accueil chez les assistantes maternelles sera dérisoire ? Il existe en effet des départements où le taux d’accueil des jeunes enfants est de 9 %, tandis qu’il est de 80 % dans d’autres. N’est-ce pas là la plus grande des injustices ? Ce sont toutes ces injustices que le Gouvernement entend résoudre aujourd’hui à travers une politique familiale globale et cohérente, efficace et juste. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures vingt, sous la présidence de Mme Laurence Dumont.)

Présidence de Mme Laurence Dumont
vice-présidente

Mme la présidente. La séance est reprise.

3

Réforme du Conseil supérieur de la magistrature

Vote solennel

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle les explications de vote et le vote par scrutin public sur le projet de loi constitutionnelle portant réforme du Conseil supérieur de la magistrature (nos 815, 1050).

Explications de vote

Mme la présidente. Dans les explications de vote, la parole est à M. Roger-Gérard Schwartzenberg, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Madame la ministre, vous nous présentez un projet de loi constitutionnelle qui, complété ou modifié par les amendements adoptés, est aujourd’hui un texte d’équilibre.

Traditionnellement, les magistrats et les politiques formulent des griefs réciproques. Les premiers veulent se prémunir contre une éventuelle ingérence du pouvoir politique dans le fonctionnement de la justice ; à l’inverse, les responsables politiques souhaitent éviter un risque de corporatisme, le corps judiciaire ne pouvant se gérer seul, par lui-même, en s’isolant du reste de la société.

Ce texte, tel qu’il a été amendé, atteint un équilibre opportun et conforme aux standards européens, en choisissant de fonder le CSM sur la parité, sur l’égalité numérique entre les magistrats de l’ordre judiciaire et les autres membres. Parmi ceux-ci, six personnalités qualifiées seront désignées par un collège ad hoc, désignation qui devra être validée par les commissions des lois des deux assemblées, selon des modalités de vote qui ont été profondément améliorées. D’une part, le vote sur une liste bloquée a été remplacé par un vote nom par nom ; d’autre part, le veto aux trois cinquièmes des suffrages exprimés a été remplacé par une approbation à une majorité positive des trois cinquièmes – ce qui va dans le bon sens, comme l’ensemble de ce texte d’ailleurs.

Toutefois, je voudrais exprimer ici deux interrogations, sinon deux réserves. La première concerne précisément la composition du collège ad hoc chargé de désigner les personnalités qualifiées. Ce collège assez hétéroclite est présenté comme composé d’autorités indépendantes du pouvoir politique et propres à désigner des personnalités extérieures au monde de la justice. Or, il comprendra, sur ses huit membres, les quatre plus hauts magistrats de la Cour de cassation, du Conseil d’État et de la Cour des comptes, qui par ailleurs ont été nommés en Conseil des ministres. Ce collège formé pour moitié de hauts magistrats ne représente qu’une ouverture très limitée sur la société extérieure…

Ma seconde observation porte sur la saisine du Conseil supérieur de la magistrature par les justiciables, nouveau droit figurant à l’article 65 de la Constitution depuis la révision de 2008 et, à sa suite, dans la loi organique du 22 juillet 2010. Tout justiciable qui estime qu’à l’occasion d’une procédure judiciaire le concernant, le comportement adopté par un magistrat dans l’exercice de ses fonctions est susceptible de recevoir une qualification disciplinaire peut saisir le Conseil supérieur de la magistrature. Un dispositif de filtrage a été instauré, l’examen préalable de ces plaintes étant confié à des commissions d’admission des requêtes. Or, ce dispositif fonctionne avec une rigueur très excessive. En 2011, quatre cents plaintes environ ont été adressées au CSM : sept seulement ont été déclarées recevables par les commissions d’admission ! Par ailleurs, la plupart des très rares requêtes déclarées recevables sont ensuite rejetées au fond par la formation disciplinaire du CSM. Il est donc indispensable, comme vous l’avez d’ailleurs admis vous-même, madame la garde des sceaux, d’améliorer ce dispositif en modifiant la loi organique, afin de faire de la possibilité de saisine du Conseil supérieur de la magistrature un vrai droit et non une faculté illusoire. Les manquements, les défaillances ou les fautes devraient être moins rarement sanctionnés : la justice ne peut pas être le seul corps de l’État qui n’ait pas à répondre réellement de son bon fonctionnement.

Au demeurant, il arrive que la procédure disciplinaire classique donne elle aussi des résultats minimalistes. Ainsi, en 2009, le CSM a infligé une simple réprimande au juge d’instruction de l’affaire d’Outreau et en 2011, celui-ci a été nommé auditeur à la Cour de cassation : ce n’est certes pas une fonction majeure, mais cela ne peut en tout cas apparaître comme l’expression d’une réprobation. Selon Bonaparte, le juge d’instruction est « l’homme le plus puissant de France ». Il ne faudrait pas qu’il soit aussi le moins responsable.

Mais revenons à votre texte. Au total, malgré quelques points qui peuvent appeler des interrogations, cette réforme renforce l’influence du CSM qui contribue à l’indépendance de l’autorité judiciaire. C’est pourquoi notre groupe la votera. (Applaudissements sur les bancs des groupes RRDP et sur plusieurs bancs du groupe, SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Le projet de loi constitutionnelle soumis aujourd’hui au vote de notre Assemblée veut s’inscrire dans l’histoire constitutionnelle de notre pays.

En réformant les articles 64 et 65 de la Constitution, relatifs au Conseil supérieur de la magistrature, il vise à renforcer l’indépendance de l’institution judiciaire en donnant davantage d’autonomie au Conseil supérieur de la magistrature et une plus grande indépendance aux magistrats.

Ce projet emprunte ainsi le long chemin de l’évolution des institutions de la Ve République. Il reprend la perspective infructueuse de 1999 et vient améliorer la dernière réforme constitutionnelle de 2008, portant modernisation des institutions. Malgré les progrès indéniables qu’elle a traduits, progrès soulignés par beaucoup lors de nos débats – je pense à la suppression de la présidence du CSM par le Président de la République et de la vice-présidence par le Garde des Sceaux, ou encore à la possibilité de saisine donnée au justiciable –, la réforme de 2008 était par trop insuffisante au regard des objectifs qu’imposent les impérieuses exigences d’impartialité et d’indépendance des magistrats.

Insuffisante, car le pouvoir politique continuait à nommer des personnalités extérieures, entamant très sérieusement ces principes.

Insuffisante, car la nomination des magistrats du parquet relevait encore du pouvoir politique, ce dernier conservant la faculté de pouvoir passer outre l’avis négatif du CSM.

Insuffisante, mais aussi régressive, en ce qu’elle mettait en minorité les magistrats au sein du CSM, singularisant ainsi notre institution par rapport à celles de la presque totalité des démocraties européennes et augmentant la suspicion dont notre organisation judiciaire était l’objet.

Au nom du groupe SRC, je veux réaffirmer solennellement que l’indépendance de la justice est un des piliers fondateurs de notre démocratie et que le Président de la République, comme notre Gouvernement, ont eu raison de vouloir répondre à l’attente de nos concitoyens, qui exigent une justice dédiée à la seule application de la loi, inaccessible aux pressions et influences des pouvoirs politiques.

En ce sens, cette réforme, est donc très loin d’être mineure. Elle poursuit le double objectif de mettre la justice à l’abri des pressions politiques, tout en l’éloignant des écueils du corporatisme.

Elle répond à l’enjeu crucial, pour l’équilibre de notre démocratie, de restaurer la confiance des citoyens dans les institutions.

Cette réforme, mes chers collègues, veut renforcer la légitimité du Conseil supérieur de la magistrature et lui donner les moyens d’assurer la plénitude de ses missions. Elle place les magistrats, qu’ils soient du siège ou du parquet, en capacité d’exercer pleinement leur mission.

Je vous invite à partager les avancées certaines que ce projet traduit, qui ne peuvent être sérieusement contestées : constitutionnalisation de l’avis conforme pour la nomination des magistrats du parquet, consécration de la formation plénière, alignement des statuts des magistrats du siège et parquet pour les questions disciplinaires, relevant exclusivement du CSM. Ces avancées sont certaines et indiscutables.

Madame la garde des sceaux, vous avez réservé, comme à votre habitude, une grande attention aux travaux de notre assemblée et je vous remercie d’avoir pris en compte les propositions que notre excellent rapporteur, Dominique Raimbourg, a présentées, dans la perspective d’améliorer encore le texte.

Il nous a semblé fondamental, en effet, de rétablir la parité entre magistrats et personnalités extérieures, en portant leur nombre à huit.

Ces personnalités gagneront en légitimité, puisqu’elles seront nommées individuellement et feront l’objet d’un vote à la majorité des trois cinquièmes des voix exprimées des commissions compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat. Le Parlement, par cette nouvelle attribution, s’en trouvera conforté, ce qui ne manquera pas de lui ouvrir d’autres perspectives dans le contrôle et l’approbation des nominations.

Il était tout aussi essentiel de confier la présidence du CSM à une personnalité extérieure.

Enfin, eu égard à l’essence même du Conseil supérieur de la magistrature, il nous a semblé logique et utile d’ouvrir sa saisine à tout magistrat en matière de déontologie.

En conclusion, le Conseil supérieur de la magistrature, organe de nomination, organe disciplinaire, organe de gestion des carrières, gardien de l’impartialité et de l’indépendance de la justice, est au cœur de notre système judiciaire. Il participe de la garantie d’un service public de la justice exclusivement inspiré par l’intérêt de la loi et des justiciables.

Cette réforme est indéniablement un progrès parce qu’elle renforce sa légitimité, conforte son autorité et étend ses attributions dans le seul dessein de donner les outils nécessaires à une justice indépendante et impartiale.

Au nom du groupe SRC, je vous invite, mes chers collègues, à voter en faveur de cette avancée majeure pour notre démocratie, qui consolide la séparation des pouvoirs en sanctuarisant la justice indépendante et impartiale. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Mme la présidente. La parole est à M. Sébastien Huyghe, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Sébastien Huyghe. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous sommes unanimement attachés à l’indépendance de la justice. À cet égard, la dernière réforme constitutionnelle de 2008, sous la présidence de Nicolas Sarkozy, a constitué une indéniable avancée. Depuis, le chef de l’État ne préside plus le CSM et le garde des sceaux n’en est plus le vice-président. Le CSM s’est ainsi affranchi véritablement de la tutelle politique car, avec Nicolas Sarkozy, nous nous sommes battus pour que, au-delà de l’affirmation de principe, les conditions d’une réelle indépendance soient définies et garanties par la Constitution. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Aujourd’hui, vous nous proposez une nouvelle modification du CSM, tant dans sa composition que dans son fonctionnement et ses attributions. La vraie question est de savoir comment le CSM, dont les compétences principales concernent la nomination des magistrats et les procédures disciplinaires qui leur sont applicables, doit être composé. L’indépendance de la justice justifie-t-elle de donner aux magistrats la possibilité de se juger entre eux ? Cette question a été tranchée en 2008 : nous avons pensé que les magistrats devaient être minoritaires, car l’indépendance des magistrats ne doit pas être confondue avec l’autonomie du corps judiciaire.

C’est tout le contraire que vous nous proposiez, en prévoyant une majorité de magistrats. Il est vrai que c’était un engagement de campagne du candidat François Hollande. Cette logique autogestionnaire est contraire à l’évolution qui tend à la reconnaissance d’un véritable pouvoir judiciaire indépendant de toute tentation corporatiste, ce qui exige une participation du corps social à sa gestion, par un droit de regard externe favorisant une forme de responsabilité impartiale.

Dans leur écrasante majorité, les personnalités auditionnées ont dénoncé cette dérive autogestionnaire en évoquant une « syndicalisation-politisation » de la justice, un « système oligarchique coupé du système démocratique », une « régression démocratique » ou encore une « réforme USM ».

Par une sorte de retournement surprenant, vous vous êtes finalement repliés sur le principe de parité entre les « clercs » et les « laïcs » au sein du CSM. Un amendement a en effet été adopté, fixant la composition du CSM à huit magistrats et huit personnalités extérieures, contre huit et sept prévus initialement dans le projet de loi constitutionnelle.

En clair la majorité désavoue une nouvelle fois François Hollande en refusant de rétablir la majorité de magistrats. Nous ne pouvons bien entendu que nous réjouir que vous abandonniez cette mauvaise idée en vous repliant sur la solution de la parité entre magistrats et personnalités issues de la société civile. C’est un moindre mal.

Palinodie, atermoiements, c’est bien le signe que ce projet de loi est, une fois de plus, le fruit d’une précipitation et d’un manque de concertation.

Nous nous interrogeons donc sur la nécessité et l’urgence d’une réforme qui, au final, n’en est pas une. Nous nous questionnons sur l’opportunité de convoquer l’ensemble des députés et des sénateurs à Versailles, pour une seule personne. Par temps de crise budgétaire, la République tout entière va se mobiliser pour une seule femme ou un seul homme, sans doute le magistrat qui coûtera le plus cher à la République.

M. Marc Le Fur. Tout à fait !

M. Sébastien Huyghe. Cela relève soit de la dérision, soit de l’inconscience.

Il est donc plus que nécessaire de rejeter ce texte, qui isole la justice dans une forme de corporatisme, contre lequel précisément notre majorité s’était efforcée de lutter. Après la suppression des jurés populaires dans les tribunaux correctionnels, la suppression d’une majorité de non-magistrats au sein du CSM va clairement à l’encontre du rapprochement des Français et de leur justice.

Plusieurs députés du groupe UMP. Très bien !

M. Sébastien Huyghe. Avec votre solution, qui n’en est pas une, de la parité, le risque majeur du corporatisme demeure et condamne définitivement cette réforme, à laquelle le Gouvernement aurait été bien avisé de renoncer.

La vérité, c’est que, isolé dans sa tour d’ivoire, le Gouvernement est incapable de remédier à la crise profonde que traverse la justice et de faire preuve du courage politique que la situation exige.

M. Guy Geoffroy. C’est vrai !

M. Sébastien Huyghe. Il aurait été plus responsable et plus urgent de faire reculer la délinquance, à la hausse depuis l’annonce de la suppression des peines planchers pour les récidivistes,…

M. Marc Le Fur. C’est ça la priorité !

M. Sébastien Huyghe. …de la suppression de la mesure de rétention de sûreté pour les criminels les plus dangereux, ou encore de la suppression des tribunaux correctionnels pour mineurs. Il aurait été plus responsable et plus urgent de s’atteler au vrai problème de la surpopulation carcérale en construisant de nouveaux établissements pénitentiaires.

Alors que la France gronde, vous n’avez à proposer qu’une réformette cache-misère. Votre projet de loi porte en germe l’affaiblissement de l’indépendance de la justice et renforce la crise du monde judiciaire que vous êtes parvenus à aggraver. C’est une faute à laquelle nous refusons d’être associés, et c’est la raison pour laquelle nous voterons contre ce texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

Mme la présidente. Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Gilles Bourdouleix, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

M. Gilles Bourdouleix. Madame la présidente, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, l’indépendance de la justice est l’un des principes cardinaux de notre démocratie, une condition essentielle au fonctionnement d’une République respectueuse de la séparation des pouvoirs. C’est dans le respect de ce principe d’indépendance que nous pourrons restaurer la crédibilité des institutions judiciaires et rénover la confiance que chacun de nos concitoyens doit pouvoir placer en la justice de son pays.

Selon son exposé des motifs, le projet de loi entend entourer « des garanties les plus fortes » « la nomination des magistrats et les conditions dans lesquelles ils exercent leurs fonctions », avec pour principal objectif de modifier la composition du Conseil supérieur de la magistrature.

Ces affirmations suscitent des interrogations. La garantie de l’indépendance de l’autorité judiciaire peut-elle véritablement se résumer à la réforme d’une institution qui, dans sa nouvelle gouvernance est en place depuis seulement deux ans, et qui, d’ailleurs, fonctionne dans des conditions plus satisfaisantes qu’auparavant ? Est-il indispensable d’engager aujourd’hui une telle réforme ?

Le premier point qui fonde les réticences du groupe UDI envers ce texte est le renversement quantitatif qu’il prévoit entre magistrats et personnalités extérieures. Volonté forte et affirmée du Président de la République, le projet gouvernemental, introduisait au sein du CSM un déséquilibre prenant véritablement le contre-pied de la formule retenue en 2008. Il privilégiait une logique autogestionnaire, contraire à l’évolution tendant à la reconnaissance d’un véritable pouvoir judiciaire.

La composition paritaire, retenue en commission des lois puis en séance, est certes un moindre mal mais elle ne permet pas d’éviter les deux écueils que sont le corporatisme et la politisation.

M. François Sauvadet. C’est vrai !

M. Gilles Bourdouleix. La légitimité du pouvoir judiciaire ne peut être fondée sur une autogestion des membres du corps, que la logique même de la séparation des pouvoirs interdit. Elle implique une forte participation du corps social à sa gestion, par laquelle il manifeste un droit de regard externe et une forme de responsabilité.

Les symboles comptent, et la présence majoritaire de personnalités extérieures est un symbole d’ouverture de la magistrature, auxquels nous sommes attachés.

En outre, l’indépendance du Conseil supérieur de la magistrature doit reposer sur un pilier : l’incompatibilité entre la fonction de membre du Conseil supérieur de la magistrature et l’exercice d’une activité professionnelle. Un organe de nomination et de discipline des magistrats, qui, en tant que tel, gère leur avancement et leur carrière, ne peut être composé de magistrats eux-mêmes en cours de carrière. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes UDI et UMP.) Il s’agit pour le groupe UDI de la condition sine qua non de la mise en place d’une autorité véritablement indépendante, à l’abri de tout conflit d’intérêts. Vous nous avez dit, madame la garde des sceaux, travailler sur l’éventualité de la mise en œuvre de cette incompatibilité. Nous restons attentifs.

Enfin et surtout, cette réforme n’est pas à la hauteur des enjeux auxquels la justice doit aujourd’hui faire face.

Cinq ans après la dernière réforme constitutionnelle, le Président de la République envisage de réunir le Congrès, procédure dont nous connaissons tous la lourdeur et le coût élevé, afin de consulter la représentation nationale sur le seul ajout d’un magistrat au sein du CSM.

L’avis conforme pour la nomination des procureurs, autre disposition du projet de loi, est bien évidemment une avancée, mais elle était déjà une pratique des deux précédents gardes des sceaux. Nous allons donc entreprendre une révision constitutionnelle pour institutionnaliser une pratique indiscutable. N’y a-t-il pas d’autres priorités ?

M. François Sauvadet. Eh oui !

M. Gilles Bourdouleix. Les dysfonctionnements de la justice prennent racine bien en deçà des magistrats et de la composition d’une instance, si fondamentale soit-elle dans le fonctionnement de notre système judiciaire.

La fonction de juger ne se résume pas uniquement au talent du magistrat. Elle résulte au contraire de toute une chaîne de compétences.

Il nous faut repenser la justice dans son ensemble, en prenant en compte tous les acteurs qui composent notre système judiciaire et toute l’étendue des problématiques qui l’entourent.

Nous avons la conviction qu’un sujet aussi essentiel mérite mieux que des améliorations à la marge. C’est en raison de ces fortes oppositions au contenu du texte, et après s’être concerté avec ses collègues UDI du Sénat, s’agissant d’une loi constitutionnelle devant déboucher sur une réunion du Congrès, que le groupe UDI votera contre votre projet de réforme du Conseil supérieur de la magistrature. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Sergio Coronado, pour le groupe écologiste.

M. Sergio Coronado. Madame la présidente, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, l’indépendance de la justice est un principe essentiel en démocratie, une condition au bon fonctionnement de nos institutions. Elle permet l’égalité des citoyens devant la loi, la protection contre l’arbitraire, c’est aussi une exigence fondamentale de la Convention européenne des droits de l’homme.

Cette exigence devrait être portée par l’ensemble des formations politiques républicaines ici représentées. Le groupe écologiste soutien la volonté du Gouvernement et de la majorité que cette réforme du Conseil supérieur de la magistrature soit non seulement adoptée ici aujourd’hui mais également votée par le Parlement réuni en Congrès.

La réforme proposée s’inscrit dans l’esprit général des réformes du Conseil supérieur de la magistrature menées ces dernières années. Jusqu’en 1993, tous ses membres étaient désignés par le pouvoir politique. Puis, les magistrats siégeant au Conseil ont été élus par leurs pairs. La réforme constitutionnelle de 2008 permit de nouvelles avancées : elle retira le pouvoir de nomination à la tête du Conseil supérieur de la magistrature au Président de la République, elle octroya au Conseil des pouvoirs disciplinaires et permit une plus grande diversité dans la composition de cette instance.

Mais il restait du chemin à faire pour consacrer une réelle indépendance : le poids de l’exécutif, par la nomination des personnalités extérieures, restait déterminant, empêchant ainsi une réelle indépendance.

Le lien de confiance entre les citoyens et l’institution judiciaire est fragile, d’autant plus fragile que des responsables politiques ne cessent de jeter l’opprobre sur les magistrats et le fonctionnement de l’institution.

L’institution elle-même a parfois failli, donnant le sentiment d’être implacable avec les faibles et faible avec les puissants. En 2008, selon un sondage de l’IFOP qu’a rappelé Marc Dolez lors du débat, la semaine dernière, 61 % des personnes interrogées avaient le sentiment que la justice n’était pas la même pour tous.

Cette réforme permet au Conseil supérieur de la magistrature d’acquérir la légitimité qui lui a parfois fait défaut. Elle assure la parité entre magistrats et non magistrats, qui en est l’une des conditions. C’est grâce au travail parlementaire, sous l’égide du rapporteur, que cet équilibre a été acquis, améliorant ainsi le texte du Gouvernement. Nous avons également écarté le soupçon de corporatisme qui aurait plané sur ce texte une fois devenu loi.

Les membres non magistrats seront désignés non plus par l’exécutif mais par un collège de personnalités indépendantes, légitimes car représentant les corps sociaux de notre pays possédant de réelles expertises dans leurs domaines de compétence. Les membres désignés par ce collège devront être approuvés par les commissions des lois de nos deux assemblées. Leur légitimité sera d’autant plus forte qu’elle sera en fait consacrée par la représentation nationale.

Les modalités d’une validation aux trois cinquièmes pour chaque candidature ont fait l’objet entre l’Assemblée et la garde des sceaux d’un travail commun et d’un dialogue que nous devons saluer.

Les écologistes se réjouissent également de l’adoption de leur amendement en faveur de la parité hommes-femmes, alors que les femmes, qui représentent jusqu’à 60 % du corps de la magistrature, ne sont encore qu’un tiers des membres du Conseil supérieur de la magistrature.

Nous avons, il y a un peu plus d’un an, élu le Président de la République. Ce choix s’est fondé pour une majorité de Français sur un certain nombre d’engagements : le renforcement des pouvoirs d’initiative et de contrôle du Parlement, notamment sur les nominations aux plus hauts postes de l’État, l’indépendance de l’institution judiciaire et la réforme du Conseil supérieur de la magistrature. Dans ces domaines, les promesses sont en passe d’être tenues. Nous pouvons tous nous en féliciter car nous partageons, au-delà même des bancs de la majorité, le souci de disposer d’institutions reconnues, légitimes et indépendantes.

Cette réforme a permis à l’Assemblée de faire son travail législatif sans entraves, dans un dialogue serein avec la garde des sceaux. Pour toutes ces raisons, le groupe écologiste votera ce texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste et SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Dolez, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. Marc Dolez. Madame la présidente, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, garantir l’indépendance de la justice, rendre l’impartialité des magistrats insoupçonnable, constituent des conditions essentielles à la restauration du lien de confiance entre la justice et les citoyens. C’est en ce sens que la réforme de 2008 restera un rendez-vous manqué, même si, depuis lors, le Président de la République n’assure plus la présidence du Conseil supérieur de la magistrature. Cette réforme n’a pas permis l’approfondissement attendu des garanties d’indépendance de la justice, l’exécutif continuant de nommer les personnalités extérieures et de choisir de manière discrétionnaire les magistrats du parquet.

C’est pourquoi nous approuvons la philosophie de ce projet de loi constitutionnelle qui vise à approfondir les garanties d’indépendance de la justice et à permettre que, dans sa composition, son mode de désignation et son fonctionnement, le CSM soit à l’abri de toute intervention politique. Nous nous félicitons en particulier des améliorations notables que la commission des lois a apportées au texte.

Pour la composition du CSM, le choix de la parité entre magistrats et non-magistrats écarte le risque d’autogestion du corps de la magistrature et constitue un point d’équilibre de nature à éloigner les soupçons de corporatisme et de clientélisme.

La désignation des six personnalités extérieures par un collège de personnalités indépendantes coupe quant à elle clairement le lien avec le pouvoir politique, de même que le vote positif, candidat par candidat, à la majorité des trois cinquièmes des commissions des lois des deux assemblées renforcera la légitimité de leur nomination.

Nous approuvons également le renforcement des compétences du CSM, puisque le projet de loi constitutionnalise la nomination du parquet sur avis conforme de la formation compétente du CSM. Cette nouvelle attribution représente assurément une garantie de l’autonomie des parquets et de la protection de leur statut juridique. Elle permet d’élever le CSM au rang de codécideur. Dans le même esprit, l’alignement en matière disciplinaire du statut des magistrats du parquet sur celui des magistrats du siège constitue une avancée notable.

Le texte prévoit enfin, judicieusement, d’accorder au CSM un pouvoir d’autosaisine en matière d’indépendance de la justice et de déontologie des magistrats, et offre la possibilité aux magistrats de le saisir directement sur une question de déontologie qui les concerne.

En définitive, cette réforme du CSM contribuera indubitablement à approfondir les garanties d’indépendance de la justice. C’est la raison pour laquelle les députés du Front de gauche la voteront avec conviction. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, SRC et RRDP.)

Vote sur l’ensemble

Mme la présidente. Je vais maintenant mettre aux voix l’ensemble du projet de loi constitutionnelle.

(Il est procédé au scrutin.)

Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 525

Nombre de suffrages exprimés 525

Majorité absolue 263

(Le projet de loi constitutionnelle est adopté.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je vous remercie, mesdames et messieurs les députés, pour les travaux de très grande qualité qui ont permis d’améliorer ce texte. Ces travaux se sont déroulés en commission des lois et ont profité de la participation des députés de la majorité et de quelques députés de l’opposition. Ce travail d’amélioration s’est également poursuivi en séance publique. Je veux vous dire ma gratitude pour la qualité de vos réflexions et de vos contributions. Les débats se poursuivront avec vos homologues sénateurs, de façon à améliorer encore le texte, et à finir peut-être par convaincre quelques députés de l’UDI et de l’UMP. (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

M. Rudy Salles. Certainement pas !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Pour l’instant, j’ai entendu des contestations qui reposaient sur une appréciation du texte non conforme à son contenu, ou qui portaient sur des dispositions modifiées par la commission des lois et l’Assemblée. Je pense donc que ces députés se mettront à jour et, de manière raisonnable, nous rejoindront. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

4

Attributions du garde des sceaux et du ministère public en matière de politique pénale et d’action publique

Vote solennel

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle les explications de vote et le vote par scrutin public sur le projet de loi relatif aux attributions du garde des sceaux et des magistrats du ministère public en matière de politique pénale et d’action publique (nos 845, 1047).

Explications de vote

Mme la présidente. Dans les explications de vote, la parole est à M. Sébastien Denaja, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Sébastien Denaja. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, au cours de la campagne présidentielle, le candidat François Hollande s’était engagé, une fois élu, à garantir l’indépendance de la justice et de tous les magistrats, en revoyant à cet effet les règles de nomination et de déroulement de carrière de ces derniers, en réformant le Conseil supérieur de la magistrature et en interdisant les interventions du Gouvernement dans les dossiers individuels.

Eh bien, depuis un an, l’engagement 53 du Président de la République a été tenu et respecté. En toutes circonstances. Finis, les commentaires intempestifs de décisions de justice ;…

M. Maurice Leroy. Tu parles !

M. Sébastien Denaja. …finie, l’immixtion coupable du Gouvernement dans les affaires individuelles ;…

Plusieurs députés du groupe SRC. Bravo !

M. Sébastien Denaja. …finies, les enquêtes parallèles aux enquêtes judiciaires ;…

Un député du groupe UMP. Cahuzac !

M. Sébastien Denaja. …finie, l’opposition stérile entre police et justice. (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

M. François Sauvadet. On vous croit !

M. Sébastien Denaja. Oui, depuis un an, nous assistons bien à l’avènement de la République exemplaire que les Français appellent de leurs vœux. Car en toutes circonstances, depuis un an, l’indépendance de la justice a été scrupuleusement respectée : aucune affaire n’a été cachée, aucune affaire n’a été ralentie ou entravée.

Plusieurs députés du groupe UMP. Cahuzac !

M. Sébastien Denaja. Pour édifier une République exemplaire, pour accomplir pleinement le redressement de notre pays, il faut d’abord œuvrer à son redressement moral. Cette entreprise de redressement moral est aujourd’hui devenue un devoir impérieux,…

M. André Schneider. L’affaire Cahuzac, c’est moral, peut-être ?

M. Sébastien Denaja. …après des années de dérives et d’ingérences répétées dans les affaires judiciaires, après des années de règne d’une atmosphère délétère entre le pouvoir politique et les magistrats, auxquels, en cinq ans, pour ne pas dire en dix ans, aucune humiliation n’a été épargnée.

Nos concitoyens ont besoin de retrouver confiance en leur justice, et la base de cette confiance, c’est d’abord le respect des magistrats et de leur indépendance. Pourtant, certains à droite persistent encore dans ce qu’il faut bien appeler une conduite anti-républicaine (Vives exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI), lorsqu’ils multiplient les invectives, les injures et mêmes les pressions inacceptables envers des représentants de l’autorité judiciaire.

M. François Sauvadet et M. François Rochebloine. C’est scandaleux !

M. Sébastien Denaja. Il nous faut en finir définitivement avec cette conception d’une justice aux ordres, d’une justice servile, soumise aux puissants du moment. Il faut en finir avec les ingérences coupables.

C’est dans cette perspective, madame la garde des sceaux, que dès septembre 2012 vous avez très expressément mis fin, par voie de circulaire, aux instructions individuelles,…

Plusieurs députés du groupe SRC. Bravo !

M. Sébastien Denaja. …en redonnant force et vigueur à la pratique vertueuse qui fut celle des ministres de la justice sous le gouvernement de Lionel Jospin et en mettant ainsi un terme à une décennie de dérives.

M. Yves Nicolin. Et sous Mitterrand ?

M. Sébastien Denaja. Eh bien, il faut à présent que cette pratique vertueuse acquière force de loi. C’est l’objet du texte dont nous débattons.

À travers ce texte, nous réaffirmons la volonté de déterminer et de faire appliquer une politique pénale nationale, décidée par le Gouvernement, conduite par le ministre de la justice et mise en œuvre par chaque procureur, mais dont le garde des sceaux assure la cohérence sur l’ensemble du territoire. Car, oui, le Gouvernement a besoin de pouvoir déployer sur l’ensemble du territoire national ses grandes orientations de politique pénale.

Ce que nous voulons, c’est la même justice partout, la même justice pour tous. C’est le sens même des instructions générales, garantes du principe d’égalité des citoyens devant la loi, que ces citoyens soient de Neuilly ou de Bobigny.

Pourtant, il faut veiller à ne pas multiplier ces instructions. En effet, alors qu’entre 1997 et 2002, sous le gouvernement de Lionel Jospin, on en comptait une vingtaine par an, on était passé à près d’une centaine par an au cours du précédent quinquennat. Qui peut raisonnablement croire qu’un parquet recevant une feuille de route tous les quatre jours – tous les quatre jours ! – puisse organiser une politique efficace, lisible et cohérente ? Là encore, il faut en finir. Nous savons, madame la garde des sceaux, qu’aux émotions fugaces vous préférez le travail perspicace de la raison.

Ce texte va également dans le bon sens en ce qu’il prévoit la responsabilisation des procureurs généraux et des procureurs de la République, en renforçant la logique d’évaluation. Avec la réforme du Conseil supérieur de la magistrature, nous allons garantir l’indépendance de la justice. Garantissant cette indépendance, nous allons garantir l’impartialité des décisions rendues, et garantissant cette impartialité, nous allons rendre possibles les conditions de la confiance. Or, plus que jamais, nos concitoyens ont besoin de cette confiance. Plus que jamais notre pays a besoin de ce choc régalien, de ce choc de confiance, et que nous œuvrions encore au travail de perfectionnement de notre état de droit. C’est en tout cas ce que feront les députés du groupe SRC en votant ce texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Devedjian, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Patrick Devedjian. Madame la présidente, madame la garde des sceaux, la question des instructions données au parquet avait été réglée par la gauche et par la droite, la même année, en 1993. Depuis lors, elle n’avait donné lieu à aucune polémique, ne concernant d’ailleurs qu’une dizaine de cas non discutables chaque année. C’est donc un faux problème. Le Gouvernement l’agite pour se parer, comme vous l’avez dit, monsieur Denaja, des ornements de la vertu, et ce à peu de frais.

Quelle garantie peut-on offrir, pour autant, qu’un procureur ne demande pas de conseil à l’un de ses amis au cabinet du ministre ? Quelle garantie peut-on avoir qu’un procureur ami ne traite pas un dossier avec complaisance, sans même que l’on ait besoin de le lui demander ?

M. André Schneider. Eh oui !

M. Patrick Lemasle. Vous parlez d’expérience !

M. Patrick Devedjian. Comment s’assurer qu’un procureur ne laisse pas prescrire volontairement une infraction ? Comment s’assurer qu’un procureur ne choisisse pas une saisine directe pour éviter une information qui viendrait à révéler des choses plus graves ?

Mme Élisabeth Guigou. Vous avez de l’expérience ! C’est ce qui s’est fait pendant dix ans !

M. Patrick Devedjian. Voilà des choses contre lesquelles il est difficile de prendre des mesures. Il y a beau temps que les magistrats du siège sont devenus indépendants du pouvoir politique, et c’est désormais à peu près le cas pour ceux du parquet. En effet, l’avancement a cessé d’être entre les mains du pouvoir politique pour être entre celles du pouvoir syndical, par les commissions d’avancement et le CSM.

Pour l’avancement, il est recommandé de rechercher l’estime du corps professionnel et, à cette fin, d’être plutôt en opposition avec le monde politique, quel qu’il soit. La vraie question n’est donc pas celle de l’indépendance – encore conviendrait-il, d’ailleurs, de savoir à l’égard de quoi : il faudrait être indépendant à l’égard de tous les pouvoirs et non seulement à l’égard du pouvoir politique – mais celle de l’impartialité.

De ce point de vue, le Gouvernement n’offre aucune garantie. L’affaire du « mur des cons » est révélatrice d’une dérive très grave,…

M. André Schneider. Eh oui !

M. Patrick Devedjian. …non du fait des injures – les hommes politiques en ont hélas l’habitude – mais du fait de la diffusion par un syndicat d’une véritable liste noire par laquelle on incite les collègues magistrats à n’avoir, au minimum, aucune indulgence. Cette attitude ouvre d’ailleurs à ceux qui sont désignés un droit de récusation de tout magistrat appartenant à ce syndicat et susceptible de les juger.

Qu’a fait le Gouvernement devant cette très grave atteinte au fonctionnement de l’institution judiciaire ?

M. André Schneider et M. Guy Geoffroy. Rien !

M. Patrick Devedjian. Un faux-semblant, comme d’habitude ! Il a refusé de saisir l’autorité disciplinaire du CSM et lui a adressé, pour la forme, une question qu’il savait irrecevable, et qui a naturellement été déclarée telle par le président du CSM.

Les réformes de la gauche sont comme cela : des réformes formelles.

Je me souviens du débat dans cet hémicycle lorsque l’on a changé la dénomination de l’inculpation pour l’appeler « mise en examen » : cela allait tout changer… Aujourd’hui être mis en examen, c’est exactement la même chose qu’autrefois être inculpé. Voilà l’exemple d’une de ces réformes formelles.

Vous comprendrez dans ces conditions, madame la ministre, que le groupe UMP ne se laisse pas abuser par d’éternels faux-semblants et que nous votions contre un texte qui en fait ne règle absolument rien. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur de nombreux bancs du groupe UDI.)

M. Guy Geoffroy. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Gilles Bourdouleix, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

M. Gilles Bourdouleix. Madame la présidente, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, au cours de nos discussions, nous avons pu mesurer l’ampleur et la complexité d’un débat, déjà ancien, qui concerne la nature des relations entre le ministère de la justice et les magistrats du parquet, plus globalement entre le pouvoir exécutif et le pouvoir judiciaire.

La question s’articule autour d’un principe fondamental dans une démocratie qui se veut respectueuse de la séparation des pouvoirs : celui de l’indépendance de la justice. Un constat s’impose aujourd’hui : l’intervention du pouvoir exécutif dans les affaires judiciaires individuelles est de plus en plus contestée car les soupçons d’une éventuelle motivation politique des instructions pèsent légitimement sur une telle intervention. Tout l’enjeu réside dans la nécessaire conciliation de deux principes : une organisation hiérarchique propre à notre système judiciaire et la nécessité du respect de l’indépendance. C’est en effet de la subordination statutaire des magistrats du parquet au garde des sceaux que découlent les soupçons qui peuvent affecter l’indépendance de la justice.

L’éventuelle prohibition des instructions individuelles est donc au cœur du débat sur les relations entre la chancellerie et les magistrats du ministère public. Il s’agit de garantir l’impartialité des décisions du parquet et de mettre fin aux doutes pouvant s’insinuer dans le déroulement des procédures judiciaires. Nous pouvons difficilement nous opposer à une telle mesure qui relève d’une intention louable et qui de plus revêt une portée symbolique forte. Nous regrettons néanmoins que le texte ne prévoie pas d’exception à cette disposition dans les cas où ce sont les intérêts fondamentaux de l’État qui sont en jeu. Dans certaines affaires, le garde des sceaux devrait conserver la responsabilité de la cohérence de l’action publique et être en mesure de donner des instructions individuelles aux procureurs généraux.

Nous ferons plus généralement la même observation que lors des débats en première lecture, que nous venons de clore, sur la réforme du Conseil supérieur de la magistrature : la question de l’indépendance de la justice et les problématiques qui l’entourent sont vastes, celles-ci ne sauraient s’en tenir à la seule portée de ce texte. Sa portée est d’autant plus limitée que les instructions individuelles n’étaient que de l’ordre d’une dizaine chaque année et que la ministre de la justice y a mis fin de fait depuis la circulaire générale du 19 septembre 2012. Il s’agit donc de légaliser une pratique dont nous savons bien qu’elle ne suffira pas, à elle seule, à garantir pleinement l’indépendance de la justice.

Notre système judiciaire ne se résume pas aux relations entre la chancellerie et les magistrats du ministère public. Il englobe toute une chaîne de compétences, qui va de l’agent qui reçoit les justiciables à l’accueil d’un tribunal jusqu’au juge, en passant par tous les personnels de la chaîne juridique. Dans une société en pleine judiciarisation, c’est le service public de la justice lui-même qui est en cause, menacé dans sa complexité. Nous ne pourrons à l’avenir nous dispenser d’une réforme d’ampleur qui nous permettra de repenser en profondeur la justice en prenant en compte l’ensemble des acteurs de notre système judiciaire

En dépit de ces réserves, le groupe UDI, dans une large majorité, votera pour ce projet de loi qui entend clarifier les rapports entre la chancellerie et les magistrats du ministère public. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UDI.)

M. Daniel Vaillant. Très bien !

Mme la présidente. Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Paul Molac, pour le groupe écologiste.

M. Paul Molac. Madame la présidente, madame la garde des sceaux, chers collègues, le projet de loi que nous examinons répond à une exigence fondamentale de notre démocratie : celle de l’indépendance de la justice. L’attachement du groupe écologiste à une plus large indépendance du système judiciaire et à celle de tous les magistrats, ceux du siège comme ceux du parquet, est profond. Chargés certes de mettre en œuvre la politique pénale, les magistrats du parquet doivent dépendre uniquement d’elle et non pas du pouvoir politique. C’est là l’importance de ce projet de loi qui vise à empêcher toute ingérence de l’exécutif dans le déroulement des procédures judiciaires, notamment des procédures pénales. L’enjeu est important car nous avons tout intérêt à lever les soupçons de nos concitoyens à l’égard des liens, qui ont été parfois partisans, entre le pouvoir politique et la justice. Le lien de confiance s’est fissuré entre la justice et les citoyens au fil des chroniques judiciaires, au point que les juges sont aussi bien considérés que les hommes politiques ou les banquiers.

C’est pourquoi il importe d’inscrire clairement dans la loi la prescription des instructions individuelles du ministre de la justice aux magistrats du parquet. Nous apportons donc tout notre soutien à ce texte qui permet d’entrevoir la fin d’une pratique contestable et dommageable pour notre démocratie.

Rappelons toutefois que si les instructions individuelles sont peu fréquentes – il n’y en a eu aucune entre 1997 et 2002, et seulement une petite dizaine par an au cours des dernières années –, les instructions orales ont pu être plus courantes et porter évidemment sur des affaires délicates sur lesquelles le pouvoir entendait influer dans un sens qui lui serait favorable. Plusieurs journaux ont ainsi souligné les interventions, sous les précédentes législatures, de membres des cabinets des différents gardes des sceaux ou de la direction des affaires criminelles et des grâces pour transmettre oralement des consignes aux parquets. Mais les instructions orales, par leur nature, ne sont pas versées au dossier.

La formulation choisie dans le projet de loi, visant à n’autoriser « aucune instruction », et non pas seulement les instructions écrites, est donc une bonne solution. Nous avons par ailleurs été convaincus par le rapporteur de la nécessité du caractère impératif de cette prescription, qui comprend donc les instructions orales et écrites. Mieux encore, les réponses apportées par Mme la garde des sceaux nous assurant que, depuis un an, il n’y a au ni instruction écrite, ni instruction orale, viennent nous conforter dans l’idée que la volonté du Gouvernement est de rompre avec de telles pratiques dommageables pour notre état de droit. Cette décision nous ramène à la période 1997-2002, durant laquelle aucune instruction écrite n’a été relevée – ce qui n’a pas été le cas ensuite. C’est tout à l’honneur de la gauche !

Nous affichons également notre satisfaction de voir s’exprimer la volonté d’une plus forte publicité des instructions générales de politique pénale, comme l’a souhaité le rapporteur.

Je tiens également à remercier Mme la garde des sceaux de soutenir sans hésiter une demande de la commission des lois : que le Gouvernement informe tous les ans le Parlement de la mise en œuvre de sa politique pénale par le biais d’une déclaration éventuellement suivie d’un débat. C’est la preuve de son engagement sans faille en faveur d’une transparence retrouvée de l’action politique et du fonctionnement de la justice. L’organisation d’un débat autour du rapport annuel de politique pénale établi par le procureur de la République, au cours des assemblées générales des magistrats du siège et du parquet des tribunaux de grande instance, procède de la même logique de transparence.

En conclusion, cette réforme est emblématique des principes directeurs qui guident la nouvelle politique qu’a décidé d’impulser notre garde des sceaux – et bien sûr le Président de la République –, et que nous soutenons totalement. Elle est fidèle à la ligne de conduite du Gouvernement qui, depuis le début, s’est efforcé d’être responsable et garant de l’indépendance de la justice, comme en témoigne la création d’une commission d’enquête parlementaire sur l’affaire Cahuzac. En instaurant des rapports plus sains et transparents entre chancellerie et parquet, la gauche désire mettre fin aux soupçons d’une justice aux ordres dont les citoyens ont plus qu’assez d’apprendre les ressorts dans la presse – l’affaire de l’hélicoptère envoyé dans l’Himalaya pour récupérer le procureur de la République d’Évry afin de mettre au pas un procureur adjoint trop indépendant est restée fameuse. Consacrer l’indépendance de la justice était un engagement du Président de la République. Nous sommes fiers de pouvoir y contribuer aujourd’hui. C’est donc avec enthousiasme et conviction que nous voterons ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et sur de nombreux bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Braillard, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

M. Thierry Braillard. Madame la présidente, madame la garde des sceaux, chers collègues, ce projet de loi présente plusieurs aspects positifs quant au statut et au rôle des magistrats du parquet. À cet égard, il est complémentaire du projet de loi constitutionnelle qui vient d’être voté en première lecture, projet qui modifie le mode de nomination des magistrats du parquet, désormais nommés, comme la plupart des magistrats du siège, sur avis conforme du Conseil supérieur de la magistrature et non plus après son avis simple.

Je rappelle que, dans le cadre de la règle de l’avis simple, plusieurs ministres ont naguère passé outre l’avis négatif du CSM et nommé des procureurs controversés. En revanche, d’autres ministres ont veillé à toujours se conformer à l’avis du CSM : Ce fut le cas de Mme Guigou et de Mme Lebranchu de 1997 à 2002, plus récemment de Mme Alliot-Marie et de M. Mercier, enfin, mais ce n’est pas une surprise, de vous-même.

Ainsi, le projet de loi dispose que le ministre de la justice adresse des « instructions générales » aux magistrats du ministère public, mais qu’« il ne peut leur adresser aucune instruction dans les affaires individuelles ». On comprend évidemment l’objectif poursuivi : éviter toute ingérence du pouvoir politique dans les cas particuliers. Toutefois, cette disposition peut poser problème par rapport au principe de l’opportunité des poursuites. Si un procureur s’abstient de poursuivre alors que l’intérêt général le commanderait, il serait utile que le ministre puisse mettre en mouvement l’action publique. Cette faculté figurait dans le projet de loi relatif à l’action publique en matière pénale, présenté par le gouvernement Jospin et voté par cette assemblée le 30 juin 1999 ; la disposition était ainsi rédigée : « Lorsque le ministre de la justice estime, en l’absence de poursuites pénales, que l’intérêt général commande de telles poursuites, il met en mouvement l’action publique. »

Par ailleurs, l’actuel projet comporte une contradiction interne quant à la conduite et à la mise en œuvre de la politique pénale : d’une part, l’article 1er affirme que « le ministre de la justice conduit la politique pénale déterminée par le Gouvernement [et qu’il] veille à la cohérence de son application sur le territoire de la République », ce qui est fort bien, mais l’article 2 permet que le procureur général « précise et, le cas échéant, adapte les instructions générales du ministre de la justice au contexte propre au ressort », et l’article 3 dispose que « le procureur de la République met en œuvre dans son ressort la politique pénale définie par les instructions générales du ministre de la justice, précisées et le cas échéant, adaptées par le procureur général en tenant compte du contexte propre au ressort ».

La faculté donnée aux procureurs généraux et aux procureurs de la République d’adapter à leur ressort les instructions générales de la chancellerie comporte un risque important : celui d’aller vers une politique pénale à géométrie ou plutôt à géographie variable, qui ne serait pas la même d’un ressort à l’autre, en fonction de l’appréciation propre de tel ou tel responsable du ministère public. Il y a là un véritable danger de voir l’action publique se décliner de manière différente selon les secteurs alors que la même politique pénale doit s’appliquer sur tout le territoire de la République.

Le principe de l’unité du droit pénal et de l’égalité de chacun devant la loi pénale est pourtant un principe essentiel en démocratie, il remonte à 1789. Mes chers collègues, l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme est ainsi rédigé : la loi « doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse. » De plus, selon l’article 20 de la Constitution : « Le Gouvernement détermine et conduit la politique de la nation. » Parmi cette politique nationale figure la politique pénale, qui doit donc être déterminée et conduite par le Gouvernement, principalement par le garde des sceaux, c’est-à-dire par des autorités procédant du suffrage universel, facteur principal de légitimité en démocratie.

Quels que soient la qualité de vos intentions, l’affection personnelle que nous vous portons, madame la ministre, et l’intérêt du projet de loi, nos réserves sur ces points amèneront notre groupe à s’abstenir. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes UMP et UDI.)

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Dolez, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. Marc Dolez. Madame la présidente, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, les députés du Front de gauche approuvent ce projet de loi qui, dans la lignée de la réforme du CSM, vise à consolider les conditions d’impartialité et d’indépendance des magistrats du ministère public. Il clarifie utilement l’architecture des relations entre le garde des sceaux et ces magistrats afin d’empêcher toute ingérence de l’exécutif dans le déroulement des procédures pénales. En effet, sans remettre en cause le statut du parquet à la française et le principe de subordination hiérarchique, il restitue au garde des sceaux la responsabilité de conduire la politique pénale et confie au ministère public le plein exercice de l’action publique. Ainsi, le garde des sceaux définit la politique pénale, veille à son exécution et à son application sur la totalité du territoire afin de garantir aux justiciables l’égalité devant la loi. Ses instructions générales sont précisées et, le cas échéant, adaptées par le procureur général dans le ressort de la cour d’appel, puis mises en œuvre par le procureur de la République dans le ressort du tribunal de grande instance.

Concernant la disposition majeure du projet de loi, à savoir la prohibition des instructions individuelles du garde des sceaux, nous considérons qu’elle constitue une avancée importante et qu’elle revêt une forte valeur symbolique. Elle permet en effet d’affirmer clairement que les consignes particulières données par le ministre dans le cadre d’affaires spécifiques ne relèvent pas d’une politique pénale légitime mais s’apparentent au contraire à des pressions exercées sur l’autorité judiciaire.

Nous sommes donc très favorables à cette disposition qui va concourir à garantir l’indépendance de la justice.

Nous sommes également satisfaits de l’intégration dans le projet de loi des améliorations apportées par la commission des lois, qui donnent des garanties supplémentaires de transparence avec, d’une part, la publicité des instructions générales de politique pénale adressées par le garde des sceaux aux magistrats du ministère public, d’autre part, une déclaration annuelle du Gouvernement devant le Parlement sur la mise en œuvre de sa politique pénale.

C’est pour toutes ces raisons, même si bien sûr la question des moyens alloués au parquet et plus généralement à la justice reste cruciale, que notre groupe votera ce projet de loi. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes GDR et SRC.)

Vote sur l’ensemble

Mme la présidente. Je vais maintenant mettre aux voix l’ensemble du projet de loi.

(Il est procédé au scrutin.)

Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 476

Nombre de suffrages exprimés 464

Majorité absolue 233

(Le projet de loi est adopté.)

Suspension et reprise de la séance

Mme la présidente. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures quinze, est reprise à dix-sept heures vingt-cinq.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

5

Fiscalité écologique

Discussion d’une proposition de résolution

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de résolution de MM. Bruno Le Roux, Jean-Paul Chanteguet et plusieurs de leurs collègues pour une fiscalité écologique au cœur d’un développement soutenable (n° 908).

La parole est à M. Jean-Paul Chanteguet.

M. Jean-Paul Chanteguet. Madame la présidente, madame la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, mes chers collègues, le Président de la République vient, à l’orée de la deuxième année de son quinquennat, de nous inciter à l’offensive, celle qui doit permettre à la France de répondre aux défis essentiels des vingt prochaines années.

En s’adressant aux Français à travers la presse, François Hollande a cité, parmi les priorités, la transition énergétique et la mutation écologique qui n’est rien de moins, a-t-il dit, que le changement de nos modes de production, de transports et de consommation. C’est la seule façon, selon lui, de redonner de l’espoir en modifiant d’ores et déjà la perception du présent.

Cet élan, qui passera par la mobilisation de tous les moyens, ne sera pas gagné sur le retour d’une hypothétique croissance pour améliorer à la marge notre modèle de développement. Ce ne sera pas non plus un supplément d’âme pour remédier aux carences sociales et environnementales de notre société. Ce sera au contraire le fil conducteur d’une transition globale vers un autre modèle qui diminue le chômage, lutte contre les inégalités sociales et assure le bien-être des citoyens au sein d’un environnement préservé pour notre génération comme pour les suivantes.

À présent nous n’avons plus réellement le choix. La façon dont nous avons géré notre développement durant les soixante dernières années aboutit à un bilan quelque peu accablant.

Le chômage, qui touche plus de trois millions de personnes, s’accompagne de la progression de la pauvreté et de la croissance des inégalités, alors que la France se situe dans le peloton de tête des pays développés en termes de productivité par travailleur.

La biodiversité a tant reculé, du fait de l’exploitation sans limite des ressources naturelles, que nous sommes déjà privés de 60 % des services et des biens fournis par les écosystèmes nécessaires à notre vie sur terre. Il s’agit notamment des médicaments, de l’épuration de l’eau, de la pollinisation, de la lutte contre l’érosion, du stockage du gaz carbonique ou encore de la régulation du climat.

La santé de chacun est menacée par la dégradation de notre environnement ; l’espérance de vie en bonne santé diminue ; l’air que nous respirons dans les villes est directement responsable de 42 000 décès prématurés ; 40 % de nos fruits et légumes comportent des traces de produits phytosanitaires ; 250 hectares de terres agricoles disparaissent chaque jour ; la pêche intensive et l’aquaculture exercent une pression croissante sur les écosystèmes marins, décimant certaines espèces.

Nous ne réduisons pas suffisamment notre empreinte carbone, responsable du dérèglement climatique. Si nous ne changeons pas davantage nos modes de vie d’ici 2050, nous ne parviendrons à diviser nos émissions de gaz à effet de serre que par deux ou 2,5 par rapport à 1990, alors qu’il faudrait les diviser par quatre pour préserver nos écosystèmes. Autrement dit, nous diminuerons nos émissions de 50 % à 60 % au lieu des 75 % exigés, et nous franchirons le seuil au-delà duquel nous perdrons le contrôle des catastrophes climatiques.

Alors que le prix des énergies fossiles sera dorénavant en hausse permanente, nous disposons d’un parc immobilier énergivore, donc inadapté, de 30 millions de logements et de bâtiments anciens.

En définitive, ce modèle de croissance – purement quantitative, de plus en plus réservée à une certaine partie de la population, fondée sur la consommation et la pollution des ressources naturelles dont les coûts ne sont tout simplement pas pris en compte – a accouché d’une société de régression qui sera de toute façon, à plus ou moins brève échéance, confrontée à la réalité de la rareté.

Pour éviter que le choc ne soit géré dans le conflit et la violence, il faut donc d’urgence entamer une transition qui nous mène progressivement vers un modèle de développement soutenable, en cessant de faire ce que nous faisons depuis trop longtemps : opposer l’économie et la compétitivité à l’écologie. Bien au contraire, l’exigence environnementale doit être utilisée comme un levier permettant de favoriser l’activité économique et l’emploi, d’améliorer le bien-être et de réduire les inégalités sociales.

Cette exigence, loin de pousser à la récession, recèle de nombreuses chances à saisir, comme le développement de l’économie circulaire. Contrairement à l’économie linéaire qui extrait des matières premières pour fabriquer des produits jetés en fin de vie par les consommateurs qui les ont achetés, ce modèle s’inspire des écosystèmes naturels qui transforment et réutilisent.

Il s’agit de concevoir des produits en tenant compte de leur impact environnemental, d’organiser l’industrie au sein des territoires, afin que les déchets des uns servent de ressources aux autres. Il s’agit de réutiliser, réparer, recycler et enfin de privilégier, via l’économie de la fonctionnalité, l’usage et la location sur la possession et l’achat. Cette économie circulaire a force de loi en Allemagne depuis 1994, au Japon depuis 2000 et en Chine depuis 2008. Faisons en sorte que la France ne tarde pas à rejoindre ces pays.

L’économie sociale et solidaire a également un rôle essentiel à jouer dans cette transformation, afin de développer des activités économiques jugées insuffisamment rentables par le système bancaire pour être financées, alors qu’elles sont profondément utiles à la collectivité.

Cette nouvelle approche, créatrice d’emplois, devra s’appliquer également à l’énergie, moteur et talon d’Achille de notre économie, mais aussi aux transports et à l’agriculture. En permanence et à tous les stades, la sobriété et l’efficacité devront remplacer la consommation à tous crins et le gaspillage.

Il s’agit de mettre en place des énergies renouvelables, d’assurer leur stockage, d’isoler les bâtiments, de rendre les transports moins polluants et énergivores mais tout aussi performants, de développer une agriculture restaurant la qualité des sols, de l’air et de l’eau, tout en préservant la santé des agriculteurs et la qualité des aliments.

Loin de constituer une punition ou de nous renvoyer vers le passé, cette évolution nous permettra de nous engager vers l’avenir. Actuellement, de nombreuses filières de l’économie verte sont déjà matures, d’autres le seront demain.

Cette nouvelle démarche de production se fera en synergie avec une autre façon de consommer, qui réponde plus aux besoins absolus qu’aux désirs relatifs dopés par une offre artificielle. Produire localement sa propre énergie, acheter un service plutôt qu’un bien, partager un trajet grâce au covoiturage ou un logement en échangeant son appartement, coproduire son alimentation en s’engageant vis-à-vis d’agriculteurs et d’éleveurs de proximité, toutes ces démarches, encore marginales, pourront se développer. La Suède, la Finlande, le Royaume Uni ont ainsi déjà mis en place des politiques de consommation durable.

Au final, produire et consommer, quoiqu’il en coûte et sans discernement, ne pourront rester, dans cette ère de rareté, l’alpha et l’oméga de notre existence. Ces deux actes économiques devront réintégrer les paramètres sociaux et environnementaux, afin que les citoyens puissent décider en toute souveraineté des productions et des consommations qu’ils souhaitent relancer et de celles qu’il convient d’abandonner.

C’est ainsi que nous engagerons la transition et par là même la construction d’un nouveau modèle. Pour le rendre soutenable, il faut agir de manière globale, en amont économiser les ressources, en aval restaurer ou reconstituer, quand c’est possible, celles que l’on utilise, et, pour ce faire, tarifer à leur juste prix l’ensemble des usages des ressources naturelles et des atteintes qui leur sont portées, au moyen d’une fiscalité écologique dont l’objectif est d’inciter les acteurs économiques à adopter des comportements plus respectueux de leur environnement, en leur adressant un signal-prix.

Le pouvoir exécutif a bien compris que cette fiscalité écologique était au cœur de notre nouveau modèle de développement.

C’est tout d’abord François Hollande qui a exprimé le souhait, lors de la conférence environnementale du mois de septembre dernier, que la fiscalité taxe moins le travail mais plus les pollutions ou les atteintes à la nature, dissuade les mauvais comportements et accélère les mutations. Ce sont les ministres de l’économie et de l’écologie qui ont installé, le 18 décembre, le comité pérenne pour la fiscalité écologique, présidé par Christian de Perthuis. C’est enfin le Premier ministre qui, après avoir indiqué que la fiscalité écologique compenserait le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi à hauteur de trois milliards d’euros, a précisé le 13 janvier, dans ses lettres de cadrage aux ministres, qu’elle devrait à moyen terme rejoindre la moyenne européenne.

Il revient donc maintenant au pouvoir législatif de prendre une initiative visant à accompagner la mise en œuvre des orientations arrêtées par le Gouvernement, d’une part en lui indiquant les priorités que nous fixons, d’autre part en marquant notre totale détermination à faire inscrire les premières mesures d’une véritable fiscalité écologique, dès la loi de finances pour 2014. Nous avons fait le choix d’une proposition de résolution car elle traduit parfaitement l’adresse politique qui se veut la nôtre à l’égard du Gouvernement.

Nous proposons la mise en place d’une fiscalité destinée à économiser l’énergie, lutter contre le changement climatique, réduire les pollutions, préserver la santé, sauvegarder la biodiversité et économiser les espaces ruraux.

Nous affirmons notre volonté de défendre une plus grande justice sociale, tant il est vrai qu’inégalités sociales et inégalités environnementales sont fortement liées. De même, nous souhaitons préserver la compétitivité des entreprises. C’est pourquoi des compensations devront impérativement aider les ménages vulnérables, les secteurs d’activité exonérés actuellement pour le gazole et les entreprises exposées à la concurrence internationale à s’adapter. Nous accompagnerons les agents économiques, qui sauront ainsi modifier leurs comportements grâce à un signal prix clair et progressif.

Nous souhaitons que cette nouvelle fiscalité écologique permette de financer la transition écologique dont le coût s’élève à plusieurs dizaines de milliards d’euros par an.

Nous demandons que nos prélèvements obligatoires qui reposent actuellement sur le travail, le capital et la consommation des biens et services, traduisent un nouveau choix de société en s’appuyant demain sur un quatrième pilier, celui des ressources naturelles et des pollutions.

Nous considérons enfin que le Gouvernement, respectant en cela les engagements du Président de la République, devrait avoir l’ambition d’inscrire dès la loi de finances pour 2014, les premières mesures d’une véritable fiscalité écologique. Ces dispositions concerneraient le début du rattrapage de l’écart de taux de TICPE entre gazole et essence, l’introduction d’une contribution climat-énergie notamment sur le carbone assortie d’un taux progressif dans le temps et les premières réformes fiscales en faveur de la biodiversité.

Avec cette proposition de résolution, ce n’est pas un message pessimiste ou anxiogène que nous voulons transmettre, c’est un message politique fort, clairement et totalement assumé par les parlementaires que nous sommes, qui montre bien notre souci de ne pas sacrifier l’exigence du long terme à l’urgence du court terme, afin de garantir à nos enfants la pérennité d’un monde toujours viable et de redonner à nos concitoyens l’espoir d’un changement créateur d’une vie meilleure et d’un horizon dégagé.

C’est pourquoi, mesdames et messieurs les parlementaires, je vous invite à voter cette proposition de résolution. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Martial Saddier.

M. Martial Saddier. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission du développement durable, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui la proposition de résolution pour une fiscalité au cœur d’un développement soutenable déposée par nos collègues du groupe socialiste, radical et citoyen. Cette démarche ainsi que l’inscription de ce texte aujourd’hui à l’ordre du jour de notre Assemblée en plein débat sur la transition énergétique et alors que le comité pour la fiscalité écologique poursuit toujours ses travaux, nous a quelque peu surpris tant sur la forme qu’en raison des recommandations formulées. Pas de chance, elle s’inscrit également dans une logique de fiscalité punitive (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) – j’y reviendrai – qui se poursuit : après les auto-entrepreneurs dimanche,…

Mme Geneviève Gaillard. Oh !

M. Martial Saddier. …après la politique de la famille lundi, nous continuons mardi. Au secours, il reste encore quatre jours dans la semaine ! (Sourires sur les bancs du groupe UMP.)

Attardons-nous tout d’abord sur la forme choisie. Notre Assemblée s’est déjà prononcée à de nombreuses reprises sur ce sujet, tant lors de ses travaux en commission du développement durable, au cours d’auditions et de débats, que lors du débat sur la fiscalité écologique qui s’est tenu dans ce même hémicycle le 24 janvier dernier. Ces différents travaux ont été l’occasion pour chacun de nos groupes politiques d’exprimer ses attentes et de présenter ses propositions pour parvenir au verdissement de notre fiscalité.

Utiliser aujourd’hui la voie de la résolution parlementaire pour exprimer les propositions de notre Assemblée dans ce domaine nous semble totalement inopportun. Il aurait, je pense, été plus judicieux d’attendre que le comité pour la fiscalité écologique, dans lequel siègent plusieurs parlementaires de différents bords politiques, rende ses conclusions – il doit le faire bientôt – afin que notre institution puisse, ensuite, donner son avis au Gouvernement de façon pleinement éclairée sur des sujets aussi sensibles que la taxation du diesel, la contribution climat-énergie sur le carbone et les mesures destinées à limiter l’artificialisation des sols et à préserver la biodiversité.

Pour être assez assidu au comité pour la fiscalité écologique, je considère que c’est un coup de poignard infligé à celui-ci et à son président, qui fait ce qu’il peut, dans des réunions difficiles. Je m’interroge même : faut-il continuer à participer à ce comité ?

S’il est vrai que la résolution parlementaire que nous examinons actuellement n’aura aucune force contraignante tant qu’aucune loi ne viendra lui en conférer une, les pistes qui sont évoquées explicitement dans l’exposé des motifs – que nous ne pouvons pas modifier ni améliorer par voie d’amendements – risquent fortement d’entraîner davantage de confusion dans l’esprit de nos concitoyens. En effet, certaines propositions sont en totale contradiction avec les annonces récentes du Gouvernement, notamment en ce qui concerne la fiscalité des carburants, sur laquelle je reviendrai ensuite.

La multiplication des annonces, toutes différentes et surtout contradictoires, envoient de mauvais signaux rendant par la suite plus difficile l’acceptation par les Français des mesures qui seront finalement retenues par votre gouvernement et par la représentation nationale. Vous vous en doutez, ce manque de lisibilité inquiète grandement les ménages et les entreprises et bloque l’activité économique, et cela d’autant plus que François Hollande avait annoncé le 28 mars dernier, bien avant l’enregistrement de la proposition de la résolution sur laquelle nous avons à nous prononcer, qu’en 2013 aucun effort supplémentaire ne serait demandé aux Français. Pour 2014, le Président de la République avait de surcroît déclaré qu’il n’y aurait aucune autre augmentation d’impôt hormis les hausses de TVA déjà annoncées. Pourtant, toutes les semaines, on en prend une nouvelle !

La lecture de la proposition de résolution nous a, avec mes collègues du groupe UMP, complètement sidérés tant ce texte ne contient que des propositions de taxes supplémentaires destinées à frapper l’ensemble des Français et l’ensemble des secteurs d’activité, sans aucune distinction en fonction de leur situation économique actuelle et sans tenir compte de la baisse de 0,9 % du pouvoir d’achat en 2012.

Vos recommandations, sous couvert de rattraper le retard pris par la France au niveau européen dans le domaine de la fiscalité écologique, se résument donc uniquement à une multiplication de nouvelles taxes qui viendraient sanctionner les comportements écologiquement peu vertueux. Quid de mesures incitatives ou de l’introduction de nouveaux crédits d’impôt destinées à modifier les comportements et à favoriser ceux qui sont les plus respectueux de l’environnement ? C’est la grande différence entre la fiscalité incitative, que nous avons mise en place et que nous prônons, et la fiscalité écologique punitive que votre proposition de résolution promeut.

Mme Geneviève Gaillard. Arrêtez !

M. Martial Saddier. C’est à se demander si le verdissement de notre fiscalité n’est pas un prétexte que vous invoquez pour combler les déficits budgétaires.

M. Philippe Martin. Pas vous !

M. Martial Saddier. Je ne pense absolument pas me tromper sur ce dernier point, et je citerai deux exemples tirés directement de l’exposé des motifs même de la proposition de résolution. Le premier est lié aux raisons que vous invoquez pour expliquer, selon vous, pourquoi notre fiscalité verte actuelle serait insuffisante et contreproductive. L’une de ces raisons est, je cite les termes de la proposition de résolution, « qu’elle rapporte peu aux caisses de l’État ».

Le second exemple est, lui, relatif à la fiscalité des carburants qui, selon la Cour des comptes que vous citez pour appuyer votre argumentation, « permettrait de dégager vingt milliards d’euros ». Et ce n’est pas tout. Quelques paragraphes plus loin, il est écrit, c’est encore une citation : « Fiscaliser de la même façon l’essence et le diesel rapporterait, à volumes consommés identiques, 380 millions d’euros de recettes par centime supplémentaire et par an. Au terme du rééquilibrage, qui pourrait intervenir au bout de quatre à cinq ans, la recette supplémentaire pour l’État serait de plusieurs milliards d’euros. »

M. Philippe Plisson. C’est décevant ! Pas vous !

M. Martial Saddier. Vous avez raison, cher collègue, de dire que c’est décevant, puisque c’est le texte même de votre propre proposition de résolution. Je vous le confirme, c’est effectivement décevant !

Permettez-moi donc, avec l’ensemble de mes collègues du groupe UMP, de douter, à la lecture de ces propos, de vos vertueuses intentions lorsque vous vous intéressez soudainement au verdissement de notre fiscalité.

M. Philippe Plisson. Ollier, sors de ce corps ! (Sourires.)

M. Martial Saddier. C’est toujours un honneur, quand on cite des montagnards dans cet hémicycle…

Ce doute est d’autant plus important que la mise en place de prélèvements verts à hauteur de trois milliards d’euros d’ici à 2016 n’aurait pour seul objectif que de boucler le financement des vingt milliards d’euros du crédit d’impôt compétitivité emploi pour les entreprises, car c’est cela, en fait, qui se cache derrière votre action. Ce choix, plus économique qu’écologique, nous semble vraiment incompréhensible car il est en totale rupture avec ceux de notre majorité, qui avait souhaité affecter entièrement le produit de la fiscalité environnementale au financement de dépenses de protection de l’environnement. C’est là le fond du problème. Je sais pouvoir compter sur vous sur ce point, madame la ministre de l’écologie : il ne faut pas que le produit de la fiscalité écologique soit affecté à autre chose que le financement de la protection de l’environnement. C’est un combat que nous menons au sein du comité pour la fiscalité écologique, c’est le combat de son président, et, franchement, cette proposition de résolution nous fait peur, parce qu’il semblerait que la logique du groupe majoritaire à l’Assemblée nationale soit de sortir la fiscalité écologique du financement de la protection de l’environnement.

De plus, près d’un an s’est écoulé depuis les nombreuses annonces en termes de fiscalité écologique faites par le Gouvernement au cours de la conférence environnementale. Aujourd’hui, peu de mesures ont été prises, et nous avons peu de visibilité.

Vous proposez aujourd’hui d’ajouter notamment un alignement de la fiscalité du diesel, l’introduction d’une taxe carbone ainsi que des mesures fiscales en faveur de la biodiversité.

Alors que de nombreux couacs et discours contradictoires ont émaillé l’annonce d’une éventuelle taxation du diesel, nos collègues du groupe SRC reviennent donc aujourd’hui à la charge. Avec 18,8 millions de véhicules, c’est la majorité de nos concitoyens qui roulent avec un moteur diesel, ceux qui vont travailler tous les jours, y compris dans les zones rurales où il n’y a pas de transports collectifs.

L’alignement de la taxation du diesel et de l’essence aura un impact catastrophique pour nos concitoyens, pour l’industrie automobile, pour l’outil de production, si on ne lui laisse pas le temps de s’adapter. Comme vous le savez, les entreprises françaises, Renault et PSA, sont à la pointe de cette technologie.

Ce sont nos constructeurs qui sont les meilleurs dans le monde. Ce sont eux qui ont inventé le filtre à particules. Nous leur avons demandé de se mettre aux normes Euro 5. Aujourd’hui, tous les moteurs diesel sont équipés d’un filtre à particules. Ils viennent d’investir 1,5 milliard d’euros chacun pour l’Euro 6 et la réduction de l’émission des NOx, les oxydes d’azote. À volume constant, la distance parcourue est plus grande avec un carburant diesel qu’avec un carburant essence. Il n’y a dans votre proposition, aucune prise en compte de la spécificité d’un ancien moteur diesel, qui pollue et sur lequel il faut mettre en place un outil pour favoriser le renouvellement du parc, et de tous les efforts faits en matière de recherche et développement sur les nouveaux véhicules diesel Euro 5 et Euro 6, dernier cri au regard de la norme anti-pollution.

Nous faisons cavalier seul. La proposition de résolution européenne a été abandonnée. À ce jour, le compromis élaboré en 2012 par le groupe de travail du conseil ECOFIN n’a toujours pas été adopté et il semble qu’aucune mise à jour de la directive énergie en ce sens ne soit actuellement à l’ordre du jour. Bref, une fois de plus, vous nous proposez de faire cavalier seul au sein de l’Union européenne, alors qu’il faudrait se battre pour harmoniser et emmener l’ensemble de nos partenaires européens.

Je souhaite également revenir sur la proposition de contribution climat-énergie sur le carbone qui figure également dans le texte que nous examinons. Vous le savez, notre majorité avait déjà tenté d’introduire un tel dispositif dans le projet de loi de finances pour 2010. Or le Conseil constitutionnel avait censuré cette disposition. Pour éviter une nouvelle censure, nos collègues du groupe SRC nous proposent donc aujourd’hui un dispositif qui s’appliquera à tout le monde, ménages et entreprises, pour envoyer un signal prix dissuasif. Nous pensons que c’est encore un impôt de plus. Bien que la proposition de résolution suggère la mise en place de mesures d’accompagnement et de redistribution, aucune précision n’est apportée quant aux formes que pourraient prendre ces différents dispositifs.

Enfin, le groupe SRC souhaite revenir sur les mesures d’exonération dont bénéficient notamment les agriculteurs, les pêcheurs, les transporteurs routiers, les ambulanciers et les taxis.

Je le répète, mes collègues du groupe UMP et moi ne pensons pas que la France doive faire cavalier seul au sein de l’Union européenne.

Vous l’aurez compris : au-delà des couacs qui ont émaillé l’annonce de certaines mesures, au-delà de l’absence de visibilité quant au calendrier de mise en œuvre, cette fiscalité verte est loin d’être claire et précise. La proposition de résolution pour une fiscalité écologique au cœur d’un développement soutenable qui nous est présentée aujourd’hui n’est tout simplement pas acceptable. Vous cherchez de l’argent, eh bien le signal envoyé par cette résolution est clair à cet égard : vous vous apprêtez à créer des impôts supplémentaires non pas pour protéger l’environnement, mais pour financer la politique du Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Philippe Plisson et M. Philippe Martin. C’est terrible ! Quelle déception !

Mme la présidente. La parole est à M. Bertrand Pancher.

M. Bertrand Pancher. Madame la présidente, madame la ministre, chers collègues, au moment d’aborder ce débat sur la fiscalité écologique, et alors que plus d’une année s’est écoulée depuis l’élection de François Hollande, force est de constater que la politique du Gouvernement dans le domaine environnemental est toujours introuvable.

La proposition de résolution déposée par les élus écologistes et socialistes porte sur le thème de la fiscalité écologique, et par conséquent sur les moyens nécessaires au développement de l’économie verte. Elle illustre cette carence, et adresse au Gouvernement un vibrant appel à faire beaucoup mieux.

Je vous rappelle que dans le domaine de la fiscalité écologique, lors du Grenelle de l’environnement, nous avons proposé pas moins de 70 mesures, dont la plupart ont été mises en œuvre, afin de nous donner les moyens de nos ambitions. La révolution verte était en marche. L’éco-prêt à taux zéro devait financer les travaux de rénovation thermique chez les particuliers. Le crédit d’impôt développement durable complétait ce dispositif. Le verdissement de la plupart des dispositifs portant sur le logement était décidé. Le bonus écologique sur les voitures conduisait notre parc à devenir le plus propre d’Europe. La réforme de la taxe générale sur les activités polluantes encourageait le tri et le recyclage avec des résultats tangibles. Enfin, la création de l’écotaxe poids lourds devait financer le développement de l’intermodalité.

Mme Delphine Batho, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie. Alors pourquoi ne l’avez-vous pas mise en œuvre ?

M. Bertrand Pancher. Ces mesures ambitieuses couvraient l’intégralité des programmes d’action du Grenelle de l’environnement : logements neufs, bâtiments anciens, automobile, transports, énergies renouvelables, déchets, biodiversité, agriculture, recherche et prévention des risques. Elles ont, sans conteste, permis une formidable avancée vers la transition écologique en France. Jamais nous n’avions assisté à une telle mobilisation : le Grenelle de l’environnement s’est traduit par des résultats concrets et des ruptures irréversibles dans bon nombre de secteurs du développement de l’économie verte. Toutes ces avancées nous ont permis de promouvoir un nouveau développement plus humain, plus juste, plus respectueux du monde qui nous a été légué et que nous léguerons à nos enfants.

Tout ne fut pas parfait. Nous espérions corriger les imperfections, rationaliser les actions dans le contexte de la crise, mais surtout prolonger cet effet d’entraînement. Nous avons été très déçus par le coup d’arrêt porté à cette formidable dynamique, à la générosité, à l’engagement et à l’ardeur d’un nombre impressionnant d’acteurs. Tant d’entre eux sont aujourd’hui désabusés ! Ce n’est pas tant le rabotage des mesures, voire les abandons, que beaucoup ont fustigés. C’est le ressort qui a été cassé, la magie qui s’est évaporée, le rêve qui s’est évanoui.

M. Christian Eckert. Rien que ça !

M. Bertrand Pancher. Nous avons très vite senti le danger qu’il y avait à faire table rase de la méthode que nous avions retenue. Dès les premiers pas du président Hollande, nous savions que les dossiers environnementaux risquaient de ne plus être prioritaires.

Le moteur a été mis en pièces détachées. Le ministère du développement durable a dégringolé du deuxième au onzième rang dans l’ordre protocolaire. Le grand ministère de l’écologie que nous avions laborieusement mis en place a été soigneusement démantelé. Enfin, l’éviction de Mme Bricq, qui avait osé se préoccuper de la prévention de l’environnement marin au large de la Guyane, fut également un mauvais présage.

Nous pensions que la conférence environnementale, lancée en grande pompe par le Président de la République lui-même, serait peut-être le détonateur de votre action en matière de logement, premier secteur de l’économie verte. La mobilisation des crédits d’impôts et une meilleure application de l’éco-prêt à taux zéro l’auraient permis. Vous annonciez un objectif de 500 000 logements neufs et de 500 000 rénovations lourdes. Hélas, un an après ces annonces, le doublement la TVA et l’absence de nouvelle mobilisation de l’éco-prêt ont conduit à une situation jamais connue dans notre histoire récente : à peine 300 000 logements neufs ont été construits, et un peu plus de 100 000 rénovations lourdes ont été effectuées. Des dizaines de milliers d’emplois ont ainsi été détruits !

Nous espérions que vous mobiliseriez la taxe sur les poids lourds pour financer les nouvelles infrastructures de transport prévues par le schéma national des infrastructures de transport. Votre collègue Frédéric Cuvillier a tant vilipendé ce SNIT, tant ironisé sur son aspect de liste à la Prévert non hiérarchisée ! Hélas encore, à la différence des pays qui nous entourent, comme l’Allemagne, le produit de cette taxe n’augmentera pas le budget de l’agence en charge de ces financements. Le deuxième moteur de l’économie verte est en panne sèche ! Plus rien ne sera réalisé ces prochaines années, puisque vous avez également refusé de chercher de nouvelles recettes.

Nous fondions beaucoup d’espoir sur l’accélération de la production des énergies renouvelables que devait permettre l’augmentation du prix de l’électricité et des tarifs de rachat. Nous souhaitions le développement du fond chaleur de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie. Si peu de choses furent au rendez-vous ! L’économie verte n’est pas près de s’envoler : ses trois grands moteurs sont tous en panne !

Le débat national sur la transition énergétique devait donner le signal d’une nouvelle mobilisation. Il pourrait être très utile, mais la plupart des acteurs sont désabusés car il n’a de public que le nom. Les réunions sont quasi secrètes : seul un Français sur quatre est au courant de ce débat. Pour le moment, son contenu se résume à l’étalage des désaccords entre les participants.

Il faut dire que les hésitations et les annonces contradictoires du Gouvernement n’ont rassuré personne. Au début, il fallait bloquer les prix des carburants. Plus tard, il était question de taxer le diesel. Aujourd’hui, on ne sait pas trop où en est ! Le projet de loi de finances pour 2014 devait contenir des mesures de fiscalité environnementale, mais le Premier ministre finalement a affirmé sur les ondes – mettant ainsi fin à un énième couac gouvernemental –qu’il n’y a pas de taxe écologique prévue pour 2014.

Tant et si bien que nous débattons aujourd’hui de cette proposition de résolution pour une fiscalité écologique, qui a pour but d’inciter le Gouvernement à s’intéresser enfin au développement durable. Devant votre inaction, c’est donc votre propre majorité – je félicite vivement mes courageux collègues qui sont à l’origine de cette initiative – qui vous met au pied du mur. Elle vous enjoint de mettre en place un début de fiscalité écologique dans la prochaine loi de finances. À leur décharge, tels la sœur Anne de Barbe-Bleue, de Charles Perrault, les députés de la majorité n’ont rien vu venir, pas même à l’horizon de nouvelle fiscalité qui verdoie… (Sourires.)

« L’écologie sera au cœur de la grande réforme fiscale », annonçait pourtant le candidat François Hollande. Il est vrai qu’il n’avait pas précisé de date. Le temps commence à être long ! Pendant ce temps, madame la ministre, les associations de défense de l’environnement et les milieux professionnels et syndicaux oscillent entre désillusion, colère et déception.

Des chantiers sont ouverts : nous les soutiendrons. Mais, d’une manière générale, l’absence de bilan comme de perspectives n’est évidemment pas pour nous un sujet de satisfaction. Nous devons promouvoir une fiscalité écologique permettant le développement de demain, et intégrant les coûts sociaux et environnementaux aux prix réels. Nous défendons une écologie de progrès, une écologie de rassemblement et de concertation, à l’image du Grenelle de l’environnement.

Cette exigence est encore plus importante en période de crises. J’insiste sur le pluriel du mot « crises » : il s’agit tout à la fois d’une crise économique, sociale et environnementale. Il est indispensable de poursuivre et d’amplifier les efforts qui ont été engagés dans le passé : la fiscalité écologique ne représente que 4,7 % de l’ensemble des recettes fiscales dans l’Hexagone, contre 6,2 % dans l’Union européenne.

M. Christian Eckert. C’est vous, cela ! C’est votre bilan ! Vous venez de passer dix ans au pouvoir !

M. Bertrand Pancher. La part des taxes environnementales dans notre système fiscal s’élève à 1,86 %, alors même que la moyenne européenne se situe à 2,4 %. Vouloir donner à la fiscalité écologique une part prépondérante dans notre système fiscal, pour adresser un signal-prix aux acteurs économiques, c’est bien. Le faire, c’est mieux !

M. Christian Eckert. Mais c’est votre bilan !

M. Bertrand Pancher. Alors, madame la ministre, à l’heure où votre propre majorité vous pousse à agir, je souhaite connaître la position du Gouvernement sur quelques points précis. Nous plaidons pour l’instauration d’une taxe carbone aux frontières de l’Europe. Pouvez-vous nous indiquer l’état des négociations avec nos partenaires sur ce point ?

Les tarifs réglementés du gaz et de l’électricité ont récemment été montrés du doigt par la Commission européenne. L’usine à gaz conçue par François Brottes, président de notre commission des affaires économiques, semble définitivement enterrée. Le Gouvernement envisage-t-il de reprendre à son compte l’idée d’une tarification progressive – et surtout incitative – de l’énergie, conformément à l’engagement n° 42 du programme du candidat Hollande ?

Quelles mesures fiscales envisagez-vous de prendre en priorité pour promouvoir les énergies renouvelables et soutenir la production d’énergie décarbonée ? L’idée d’une taxe sur le kérosène est régulièrement évoquée. Pouvez-vous nous apporter des précisions à ce sujet ? La commande publique sera-t-elle au rendez-vous ? Que ferez-vous concernant les redevances, qui doivent évoluer ?

Nous attendons des réponses claires à l’ensemble de ces questions. Notre capacité à nous projeter dans un avenir soutenable, conciliant croissance économique et efficacité environnementale, en dépend. Nous sommes prêts à travailler avec vous à l’avènement d’une véritable économie verte.

Mme Delphine Batho, ministre. À vous écouter, on n’en avait pas l’impression !

M. Bertrand Pancher. Nous avons déjà mis des propositions sur la table…

M. Christian Eckert. Jusqu’à maintenant, vous n’avez rien proposé !

M. Bertrand Pancher. …dont deux nous semblent aujourd’hui essentielles, car elles s’attaquent à deux domaines déterminants.

Dans le domaine des transports, nous plaidons pour une relance des grands projets d’infrastructures, notamment au moyen de l’affectation du produit de l’écotaxe au budget de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France.

Dans le domaine du logement, nous plaidons pour la création d’une Agence nationale de rénovation thermique sur le modèle de l’Agence nationale de rénovation urbaine.

En conclusion, mes chers collègues, nous souscrivons à la grande majorité des orientations contenues dans cette proposition de résolution… (« Ah ! » sur les bancs du groupe écologiste.)

M. Christian Eckert. Jusqu’ici, cela n’avait rien d’évident !

M. Bertrand Pancher. …qui prolongent souvent des actions engagées dans le cadre du Grenelle de l’environnement.

Je félicite le président de la commission du développement durable, M. Jean-Paul Chanteguet, pour son engagement.

Nous aurions peut-être voté pour cette proposition de résolution si elle avait été examinée en début de législature, afin de donner un cap à la politique gouvernementale.

Mme Éva Sas et M. Denis Baupin. C’est cela…

M. Bertrand Pancher. Mais plus d’un an après, trop de retard a été pris en matière de fiscalité écologique. Il y a eu trop d’errements, et si peu d’actes ! S’il est nécessaire de prendre le temps de la réflexion et de la concertation, il est indispensable que celles-ci précèdent l’action.

Madame la ministre, le temps de l’incantation et du vœu pieu nous semble aujourd’hui révolu. Le groupe UDI ne prendra donc pas part au vote de ce texte et laissera le Gouvernement s’expliquer devant sa majorité, en espérant toutefois que l’appel désespéré de cette majorité provoquera le sursaut écologique que nous sommes si nombreux à attendre. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI.)

M. Martial Saddier. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à Mme Éva Sas.

Mme Éva Sas. Madame la présidente, madame la ministre, comme vous le savez, les douze dernières années comptent parmi les treize années les plus chaudes jamais observées depuis le début des mesures en 1850. Plus grave encore, Gavin Schmidt, climatologue à la NASA, nous rappelle que « la dernière décennie a été plus chaude que la précédente et cette dernière a été plus chaude encore que celle d’avant ». Cela doit nous conduire à agir profondément et rapidement.

L’artificialisation des sols progresse chaque année à un rythme plus rapide que l’évolution démographique. Une surface de terres agricoles et naturelles équivalente à celle d’un département français disparaît tous les sept ans. Enfin, 9 % des espèces de mammifères et 22 % des espèces de poissons d’eau douce sont menacées d’extinction. Cela confère à la France une responsabilité particulière dans la lutte contre l’érosion de la biodiversité.

Parallèlement, nous devons faire face à des enjeux de santé publique majeurs. Vous le savez, l’OMS a reconnu les émissions des moteurs diesel comme cancérogènes. La Commission européenne estime que le nombre de décès prématurés dus aux particules fines atteint 42 000, le diesel en représentant environ 40 %. Vous avez d’ailleurs vous-même déclaré que le diesel est « un problème de santé publique sur lequel on ne peut plus fermer les yeux ».

Nous ne comptons plus les discours soulignant l’importance de l’enjeu environnemental, climatique et sanitaire, et l’urgence à le traiter. D’ores et déjà, les événements climatiques, les maladies chroniques bouleversent notre quotidien. Tous le reconnaissent. Il s’agit maintenant, sans attendre, de passer du discours aux actes. Dès le projet de loi de finances pour l’année 2014, la France doit donner un signe fort de son engagement environnemental, en menant une réforme fiscale écologique.

Bien sûr, vous vous heurterez aux résistances de ceux qui s’accrochent au modèle du passé, fondé sur une énergie bon marché, sur la pollution et le gaspillage des ressources. L’intervention de notre collègue de l’UMP Martial Saddier vient de nous en donner un triste exemple. Ce modèle s’épuise déjà : le prix moyen du baril de pétrole a été de 111 dollars en 2011 et 2012, niveau jamais atteint sur une si longue période, et ce malgré une crise. L’Agence américaine de l’énergie prévoit qu’il s’élèvera à 145 dollars en 2035. Si nous ne changeons rien, aucune tentative de relance, qu’elle soit keynésienne ou libérale, ne pourra résister à l’augmentation tendancielle du coût de l’énergie. L’extraction de quelques gouttes de gaz de schiste, au prix d’une détérioration irréversible des nappes phréatiques et de notre sous-sol, n’aurait pu nous apporter qu’un bref répit. Cela n’aurait pas rendu moins pressante la nécessité d’adopter un modèle d’économie légère, circulaire et sobre en ressources, qui puisse se développer dans un monde où les ressources sont rares.

Pourtant, beaucoup, au nom de l’emploi, vous demanderont de renoncer à votre action, de la reporter, de l’affaiblir. Mais de quel emploi parlent-ils ? De la préservation de l’emploi existant, peut-être. À cet égard, il faut entendre que certaines activités polluantes ou carbonées devront être accompagnées pour s’adapter à ces évolutions.

De l’emploi en général, certainement pas. Car ils devraient alors soutenir une réforme fiscale écologique ambitieuse, synonyme d’emplois nouveaux et de rebond de l’activité. Les travaux du Comité permanent pour la fiscalité écologique ont, d’ores et déjà, pu établir, par exemple, qu’une contribution « climat-énergie » dont les recettes seraient recyclées en investissements dans la transition écologique ou permettraient de baisser d’autres recettes fiscales aurait un impact positif sur l’activité et sur l’emploi de 0,06 point de PIB à l’horizon 2020 et de 0,15 point à l’horizon 2030.

Alors, que l’on ne nous demande de renoncer au nom de l’emploi !

Nous venons de le montrer, cette réforme fiscale écologique, en plus d’être nécessaire, est une réforme bénéfique ; elle est l’un des chemins de la sortie de crise que nous attendons tous. Nous vous invitons, par cette résolution, à la mettre en œuvre sans plus attendre dans l’ambition, dans la cohérence, dans la constance et dans la justice.

Dans l’ambition, car nous ne pouvons nous donner un objectif inférieur au rattrapage de la moyenne européenne. En effet, en matière de fiscalité écologique, nous ne l’avons que trop entendu, la France se trouve à la vingt-sixième place sur les vingt-sept États de l’Union européenne. Il est plus que temps que la France sorte du fond des classements. La résolution que nous discutons ici acte cette ambition. L’effort de rattrapage s’établit à 18 milliards d’euros par an. Voilà donc fixé par le Président de la République et son Premier ministre le cap d’une fiscalité écologique ambitieuse quant à sa portée et à son rendement. La France doit tenir son rang en Europe et s’appuyer sur les exemples étrangers qui sont des réussites et doivent nous pousser à l’action. Je pense, madame la ministre, à l’exemple suédois, auquel vous avez fait référence lors du débat sur la fiscalité écologique, et à l’exemple danois cité dans cette résolution.

Dans la cohérence ensuite, car comment justifier la création de nouveaux prélèvements, que nous souhaitons incitatifs, si nous laissons de vieilles taxes inciter à des comportements nuisibles à l’environnement ? Selon la Cour des comptes, 20 milliards d’euros pourraient être économisés par la suppression de niches fiscales anti-environnementales, comme le souligne cette résolution. Il y est, en particulier, question de la fiscalité en matière de carburant et, notamment, du différentiel de taxation entre le diesel et l’essence, et de l’exonération de TICPE du kérosène. En la matière, un rattrapage aurait de nombreuses vertus : amélioration de la santé de la population et donc contribution à l’équilibre des comptes de la sécurité sociale, réduction des émissions de gaz à effet de serre et donc respect des engagements internationaux de la France, réduction du déficit de la balance commerciale ou encore convergence de la fiscalité avec l’Allemagne.

Mais la cohérence, c’est aussi, nous le répétons ici, ne pas mettre en place, parallèlement aux mesures fiscales écologiques, une augmentation de la TVA qui pénaliserait les secteurs phares de la conversion écologique : la rénovation thermique, les transports collectifs, le recyclage des déchets.

La réforme fiscale doit se faire également dans la constance, puisque, dans la résolution que nous étudions, l’Assemblée nationale « souhaite que cette nouvelle fiscalité écologique » soit « claire, stable, prévisible et mise en œuvre de façon progressive ». Ici, le maître mot est « prévisibilité », une condition sine qua non pour que la fiscalité écologique soit à la fois acceptée et vraiment incitative, donc efficace.

Enfin, elle doit se faire dans la justice. À cet égard, la fiscalité écologique ne peut pas servir qu’à abonder le budget de l’État, sans quoi elle ne sera ni acceptable, ni acceptée. Pour qu’elle soit légitime et acceptable, elle doit être incitative et doit se donner pour objectif de modifier les comportements sans pénaliser les plus faibles.

M. Martial Saddier. Ah !

Mme Éva Sas. Cela suppose que les recettes de la fiscalité soient utilisées pour compenser l’impact sur les plus modestes et accompagner l’effort de chacun, afin d’économiser les ressources et respecter l’environnement.

M. Martial Saddier. Enfin !

Mme Éva Sas. Pour résumer cette exigence, je reprendrai une phrase que vous avez prononcée, madame la ministre, lors du débat sur la fiscalité écologique qui s’est tenu en janvier dans cet hémicycle : « Une fiscalité environnementale juste, qui envoie un signal clair, progressif et acceptable, est un outil majeur de réorientation de l’appareil productif et de réduction de notre vulnérabilité face à la raréfaction des ressources. » C’est pourquoi notre résolution énonce clairement que la redistribution des recettes sera préférée aux exonérations et aux dérogations et sera orientée vers les compensations sociales et le financement de la transition écologique.

Nous retrouvons ces quatre exigences – ambition, cohérence, constance et justice – dans cette proposition de résolution commune. C’est pourquoi nous la défendons avec enthousiasme. Si elle est votée, toute la représentation nationale vous invitera à mettre en œuvre une fiscalité écologique à la hauteur des enjeux, permettant une transition écologique dans la justice. Les mots ne suffiront pas, mais c’est avec force que la majorité de cette assemblée vous soutiendra quand vous mettrez en œuvre ce programme. C’est, d’ailleurs, la première des ambitions que porte ce texte : agir, agir sans plus attendre, en considérant que « le Gouvernement devrait avoir l’ambition d’inscrire dès la loi de finances 2014 les premières mesures d’une véritable fiscalité écologique ». Agir, notamment, pour un rattrapage de la fiscalité diesel sur l’essence, pour la création d’une contribution « climat-énergie », pour la protection de la biodiversité. Agir, enfin, dans le temps et dans la justice, mais avec une détermination et une constance sans faille.

Pour conclure, je souhaiterais remercier Jean-Paul Chanteguet d’avoir pris l’initiative de cette ambitieuse résolution qui est le produit d’un travail approfondi sur des sujets complexes. Je le remercie également de nous avoir permis d’œuvrer en commun et en complémentarité, grâce à la méthode de travail proposée. Nous ne sommes jamais aussi forts que lorsque, nous, écologistes et socialistes, agissons de concert pour donner un horizon et un projet à la France ! (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste et SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Krabal.

M. Jacques Krabal. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens, tout d’abord, à saluer l’initiative de mes collègues des groupes SRC et écologiste d’avoir présenté cette proposition de résolution. Le texte qui nous est soumis, même s’il ne s’agit que d’une proposition de résolution, est de qualité.

Le sujet est, pour nous, trop important et trop grave pour faire l’objet de polémiques, comme cela a été le cas tout à l’heure. L’analyse doit être sérieuse et le débat serein. Ce texte prend en compte l’orientation des conclusions de nos débats sur la fiscalité écologique qui se tiennent depuis maintenant presque un an au sein de notre assemblée. Cette proposition de résolution reprend, en particulier, les remarques et les suggestions avancées par les députés de la majorité lors du débat en janvier dernier et par ma collègue radicale Annick Girardin. !

Avant d’évoquer le fond de la résolution, je dirai quelques mots de la démarche. Il est bienvenu que l’Assemblée nationale prenne l’initiative de donner des orientations claires au Gouvernement dans le domaine fiscal. Notre système actuel apparaît clairement défavorable à l’environnement. Pire, il tend plutôt à favoriser les activités dommageables pour l’environnement ! L’idée de l’écofiscalité apparaît, certes, compliquée, mais aussi négative. Guillaume Sainteny, dans son ouvrage, Plaidoyer pour l’écofiscalité ne déclare-t-il pas dans son introduction : « La messe est dite, l’oraison funèbre prononcée. La fiscalité de l’environnement serait au pire nocive, au mieux inutile et inefficace… » ?

Cette résolution arrive donc à point pour nous permettre de rappeler ce que devrait être l’écofiscalité. Le projet de résolution est composé d’un long exposé des motifs, qui précise, en particulier, les constats que l’on peut, aujourd’hui, faire sur l’état actuel de la fiscalité écologique en France. Les députés du groupe RRDP les partagent. Quels sont-ils ?

Premier constat : il y a urgence à agir. Agir contre la dégradation de l’environnement, agir contre l’accélération du changement climatique, agir contre la dégradation de la diversité ! Nous sommes tout particulièrement satisfaits que cette dernière soit prise en compte au même titre que le changement climatique. La préservation de la diversité doit en effet demeurer l’une des priorités des politiques écologiques. Toutefois, nous regrettons que ne soient évoquées ni la qualité de l’air ni celle de l’eau. C’est d’autant plus regrettable que notre action contre la dégradation de la qualité de l’air et de l’eau doit être déterminée. Nous ne devons pas sous-estimer l’impact sanitaire de nos modes de vie, de consommation et de production. Protéger la nature est indispensable. Protéger l’homme l’est au moins tout autant. Les députés du groupe RRDP auraient donc souhaité que, dans la résolution, les dégradations de la qualité de l’air et de l’eau soient considérées comme une menace essentielle pour notre santé, au même titre que le changement climatique et la perte de biodiversité.

Deuxième constat : notre pays est en retard par rapport à nos voisins européens, comme cela a été précédemment souligné. Nous considérons qu’il faut inverser cette tendance. Le rapport démontre non seulement que la fiscalité écologique existante est insuffisante, mais qu’elle est, en plus, inefficace. La proposition de résolution insiste sur ce point avec raison. En effet, avant de demander éventuellement une contribution supplémentaire à nos compatriotes, il faut s’assurer que ce qui existe déjà est efficace. Tel n’est pas le cas, comme l’a encore récemment déploré la Cour des comptes. Ainsi, le gazole et le charbon sont moins taxés, alors que leur consommation détériore davantage l’environnement que d’autres sources d’énergie. Les dépenses fiscales existantes sont, de plus, contraires aux objectifs que l’on se fixe pourtant pour protéger l’environnement.

Enfin, le texte souligne la crise globale qui nous frappe. Nous aurions tort de ne voir que les aspects économiques et sociaux derrière la crise qui nous touche directement à court terme. La crise environnementale qui nous affecte est tout aussi majeure. La résolution de la crise économique et de ses effets sociaux n’exclut pas la recherche de solutions pour favoriser la protection de l’environnement. Elles sont complémentaires, à condition que les réponses soient appropriées.

Si nous partageons ces constats, il y a, pour nous, des nuances dans les réponses à apporter.

Ainsi, l’orientation de la fiscalité écologique a été très nettement influencée par 1’ajout, dans le dernier collectif budgétaire, du dispositif instaurant le crédit d’impôt compétitivité emploi. À terme, ce crédit d’impôt représentera un coût total de 20 milliards d’euros par an. La fiscalité écologique devrait y contribuer à hauteur de 3 milliards d’euros. Ce n’est pas rien, c’est même beaucoup. La question que l’on peut légitimement soulever ne porte pas tant sur le montant, qui est ambitieux, que sur la façon dont les recettes générées par la fiscalité écologique seront utilisées.

Notre groupe parlementaire l’a dénoncé à plusieurs reprises : le défaut de la fiscalité écologique, c’est qu’elle est inscrite dans le financement du crédit d’impôt compétitivité emploi et non dans des programmes entièrement dédiés à la transition écologique. Soit on cherche à améliorer les comportements des usagers pour réduire la pollution et améliorer l’environnement – et c’est ce que nous souhaitons –, soit on cherche à remplir les caisses de l’État, mais il est illusoire de penser ou d’affirmer que l’on peut réaliser les deux. Si l’on veut réellement favoriser des comportements et des usages plus soucieux de l’environnement, il convient à la fois de taxer les mauvaises pratiques et de subventionner les bonnes. Il faut doubler l’incitation à adopter des comportements et des usages adéquats.

C’est tout le principe des mécanismes d’obligation d’économies d’énergie, appelés en France les certificats d’économies d’énergie. Ils ont été évalués par le laboratoire de recherche de la Commission européenne comme étant jusqu’à neuf fois plus efficaces qu’une simple taxe. Le drame des certificats d’économies d’énergie, c’est qu’en France, aucun recouvrement des coûts n’est prévu sur les énergies dont les prix sont réglementés. C’est pourquoi les obligés ayant des tarifs réglementés sont réfractaires au déploiement de ce système, alors que ceux qui ont des prix libres, et donc la capacité d’inclure ce coût dans leurs ventes comme une taxe, le soutiennent massivement.

Les objectifs doivent être fixés de manière ambitieuse pour inciter et déclencher plus d’opérations d’économies d’énergie. Une forme de recouvrement des coûts des certificats d’économies d’énergie doit aussi être déterminée pour les volumes d’électricité et de gaz naturel vendus au tarif réglementé.

L’acceptation par nos concitoyens de la fiscalité écologique sera d’autant plus importante qu’ils en verront les réalisations concrètes. Le produit de la fiscalité écologique doit être dédié à la transition écologique. Les entreprises sont invitées à utiliser le crédit d’impôt compétitivité emploi pour transformer et rendre moins polluantes leurs méthodes de production et de diffusion. Mais alors que leurs marges se resserrent, que les objectifs du CICE sont multiples, croit-on vraiment qu’au total, les entreprises consacreront 3 milliards d’euros à la transition écologique au titre du CICE ? En revanche, si on décrit la façon dont le produit de cette écotaxe sera utilisé pour créer un cercle vertueux dans la transition écologique, alors oui, il y a des chances que cette augmentation de taxe ne soit pas totalement rejetée. Dans le cas contraire, nous risquons de détourner les Français de la question environnementale ! Or, sans le soutien de nos concitoyens, la transition écologique échouera. Si l’écologie ne peut apparaître comme positive, elle risque, en reposant sur la peur et la contrainte, d’entrer dans les consciences de façon négative. Les radicaux de gauche s’opposent farouchement à cette vision étriquée et dépassée de l’écologie.

Pour conclure, les députés du groupe RRDP partagent la nécessité de mettre en œuvre au plus vite une fiscalité écologique plus efficace et plus globale, mais ils estiment qu’elle ne doit pas l’être sans que des contreparties soient clairement définies ; celles-ci doivent servir directement à la transition écologique. Considérer de la même façon la taxation du travail, du capital, de la consommation des biens et de la pollution est une erreur car la fiscalité écologique a une particularité : c’est une taxation qui doit encourager et accompagner l’extinction de son assiette. L’oublier, c’est faire peser un grand risque sur la transition écologique, qui est pourtant indispensable.

Même si les élus – et, crois-je pouvoir dire, nos concitoyens – ne croient plus au grand soir fiscal, nous aurions néanmoins souhaité une véritable mise à plat de l’ensemble de la fiscalité. Cependant, l’acceptabilité de l’éco-fiscalité ne sera possible qu’à partir du moment où elle sera perçue non comme un impôt de plus mais comme un impôt à la place d’un autre. Je le rappelais ici même lors de nos débats sur l’écotaxe poids lourd : il faut ouvrir la voie à un changement des comportements. N’ajoutons pas pour autant constamment de la fiscalité à la fiscalité, car le pouvoir d’achat des ménages s’effrite et nos entreprises perdent leur compétitivité.

Dans ces conditions, la fiscalité de l’environnement ne mérite ni excès d’honneur ni indignité mais simplement une application plus raisonnée et raisonnable. L’éco-fiscalité doit avoir un développement conforme aux potentialités qu’elle a démontrées dans nombre de pays étrangers et dont la France aurait tort de se priver. Pourvu que nous n’oubliions pas, comme le disait Jean de la Fontaine dans la fable Le renard et le bouc : « En toute chose il faut considérer la fin. » La vraie éco-fiscalité, c’est d’abord celle qui nous engage en faveur du développement durable et du respect de notre environnement. Le groupe RRDP sera particulièrement attentif à ce que cette finalité soit respectée.

Mme la présidente. La parole est à M. Patrice Carvalho.

M. Patrice Carvalho. J’ai eu l’occasion d’intervenir à deux reprises, déjà, sur le thème de la fiscalité écologique : la première fois, lors de la conférence environnementale pour la transition écologique des 14 et 15 septembre 2012 ; la seconde, ici même, au cours d’un débat consacré à cette fiscalité, le 24 janvier dernier.

J’avais alors exprimé mes craintes de voir, sous le prétexte de modifier les comportements de nos concitoyens à l’égard de l’environnement, s’ajouter à la fracture sociale une fracture écologique. À la lecture de cette proposition de résolution qui formalise, par l’énoncé de mesures concrètes, ce que pourrait être cette fiscalité écologique, mes craintes se trouvent confirmées.

Sur les raisons qui nous poussent à agir, je ne peux qu’être d’accord. Le texte qui nous est soumis part du constat que le mode de développement, qui jusqu’à présent a prévalu et a permis à l’humanité de connaître d’importants progrès, ne peut plus être prolongé car il épuise les ressources naturelles et met en péril la planète.

Il faut donc d’urgence réformer notre modèle afin qu’il garantisse le bien-être humain en préservant l’environnement, d’où la proposition d’engager la transition vers un modèle de développement soutenable, économe des ressources et les reconstituant chaque fois que c’est possible. Je n’ai aucune objection sur le constat et sur l’objectif.

En revanche, j’en ai sur les moyens proposés. Ils se résument en une tarification de l’usage des ressources naturelles à travers une fiscalité dite « écologique ». Il est même précisé qu’il s’agit de rattraper la moyenne européenne, considérant qu’en 2010, le produit des taxes environnementales s’est élevé en France à 36 milliards d’euros, soit 4,4 % des prélèvements obligatoires, contre une moyenne de 6,2 % au sein de l’Union européenne. Notre pays occupe le dernier rang des vingt-sept pays en la matière. L’effet de rattrapage s’établit à 18 milliards d’euros par an.

Il nous est donc proposé d’engager ce processus dès l’examen de la loi de finances 2014. Parmi les mesures les plus emblématiques, figure l’alignement progressif du taux de TICPE – l’ex-TIPP – du gazole sur celui de l’essence. En l’occurrence, ce sont les foyers résidant en zones rurales ou périurbaines qui seront frappés par cette augmentation de la fiscalité et ce nouveau coup porté à leur pouvoir d’achat.

M. Martial Saddier. Bravo !

M. Patrice Carvalho. Je suis député d’une circonscription essentiellement rurale. Les familles ont immanquablement besoin de leurs véhicules individuels pour aller travailler, se ravitailler, se distraire, d’autant que l’on nous a souvent expliqué, par le passé, qu’il fallait être capable de se déplacer sur de grandes distances pour exercer un emploi.

M. Martial Saddier. Il a raison !

M. Patrice Carvalho. Elles se sont équipées en véhicules diesel parce qu’elles parcourent un nombre important de kilomètres par an et que ce mode de carburation était le plus avantageux.

M. Martial Saddier. Voilà !

M. Patrice Carvalho. Si près de 60 % du parc automobile français roule au diesel, c’est parce qu’on a incité financièrement les automobilistes à s’en doter. On leur dit aujourd’hui qu’ils vont payer ce choix – qui n’en a pas vraiment été un – au prix fort. C’est injuste et ce n’est pas écologiquement efficace. Injuste parce que ceux qui vont être fiscalement concernés n’ont pas d’alternative et, de surcroît, cette fiscalité indirecte les frappe sans qu’il soit tenu compte de leurs revenus. Ce sont donc les plus modestes qui paieront le plus lourd tribut. Inefficace, car si les foyers aux revenus modestes ou moyens vont voir fondre leurs ressources sans pouvoir diminuer leur consommation de carburant, rien n’incitera les plus aisés à reconsidérer à la baisse leur surconsommation.

Je veux faire observer que la fameuse TICPE, qui représente 49 % du prix du gazole, 57 % de l’essence sans plomb et 25 % du fioul domestique, a souvent été décrite comme un instrument destiné à faire baisser le niveau de consommation des carburants des Français. Soyons honnêtes : elle est d’abord destinée à faire entrer dans les caisses de l’État 25 milliards d’euros par an, puisqu’elle constitue le quatrième poste de recettes derrière la TVA, l’impôt sur le revenu et celui sur les sociétés. Elle n’a pas d’effet réel sur le changement des comportements et elle accroît les inégalités.

En résumé, il n’y a de fiscalité écologique juste et efficace que lorsque des alternatives réelles et fiables s’offrent à nos concitoyens. Dans le cas contraire, on crée une fracture écologique qui aggrave la fracture sociale et qui n’a aucun effet sur le mode de vie et de consommation, puisqu’il n’y a pas le choix.

Je ne détaillerai pas ici toutes les mesures avancées dans cette proposition de résolution. J’observe simplement qu’elles fonctionnent sur le même mode, qu’il s’agisse de la contribution climat-énergie, avec la mise en place de son volet carbone dès 2014, ou, à plus long terme, de la contribution sur l’énergie primaire et les externalités environnementales, à la dénomination très technocratique, qui s’appliquera à toutes les consommations d’énergies issues de ressources fossiles ou minières et à toutes les énergies renouvelables.

Je prends note qu’eu égard au surcoût que ces fiscalités nouvelles vont entraîner pour nos concitoyens, des compensations sont envisagées. Est ainsi évoquée une aide au remplacement des véhicules les plus émetteurs de particules par des véhicules plus sobres et peu polluants. Il est également envisagé des crédits d’impôt, baisses d’impôt ou allocation forfaitaire face à la création de la contribution climat énergie. Reste à savoir quel sera le solde à la charge des ménages concernés. Pour ma part, j’aurais souhaité que l’on se penche sur ces éléments de fiscalité qui encouragent à ne pas développer des alternatives moins polluantes alors qu’elles existent.

Nul, je l’espère, n’est dupe du poids du lobby pétrolier dans l’absence d’alternative et les retards qui n’ont cessé de s’accumuler dans la production de la voiture électrique ou de carburants propres. De ce point de vue, et puisqu’il est question de fiscalité, le transport routier continue de bénéficier d’un dispositif de remboursement de la taxe intérieure de consommation sur le gazole. Certes, des centaines d’entreprises et des milliers d’emplois en dépendent. Mais c’est un encouragement à poursuivre dans le choix du « tout routier » pour l’acheminement du fret. C’est un frein au développement de transports plus sûrs, moins coûteux et moins émetteurs de gaz à effet de serre. Pendant ce temps, la perspective alternative et rapidement exploitable du ferroviaire ou de la voie d’eau reste en plan, voire régresse, tandis que la niche fiscale consentie s’élève à environ 250 millions d’euros par an.

Au chapitre des niches fiscales anti-écologiques, chacun connaît les exonérations de TICPE accordées au transport aérien et qui représente 3,5 milliards d’euros par an.

En ce qui concerne la fiscalité écologique relative aux entreprises, de type TGAP ou taxe carbone, il n’échappe à personne qu’elle représente un gros effort pour les PME-PMI alors que pour les grands groupes, elle n’est qu’un droit à polluer dont ils s’acquittent sans difficulté.

Je note avec satisfaction que la proposition de résolution envisage une action pour imposer la taxe carbone aux frontières de l’Europe sur les produits importés non soumis dans leur pays d’origine à une telle fiscalité. C’est un premier pas, car j’observe que nous sommes peu regardants sur les produits que nous importons et sur les conditions dans lesquelles ils ont été produits. Ils arrivent sur notre territoire à des prix défiant toute concurrence et il en va ainsi parce que le coût du travail, nous explique-t-on, est moins élevé là où ils ont été fabriqués que chez nous. Le refrain est connu, mais nous n’avons rien à dire sur le coût de la pollution qu’a souvent représenté leur production.

Je crois en effet qu’une fiscalité douanière s’impose au nom de ce que nous pourrions appeler une concurrence écologique libre et non faussée, infiniment plus vertueuse que la concurrence économique du même nom qui, aujourd’hui, s’impose au monde et pille notre écosystème.

Bref, le défi écologique ne peut être relevé sans revoir notre mode de développement, sans poser la question de ce qui est produit et des conditions de production.

Il nous faut être économe de nos ressources énergétiques. Cela passe par une prise de conscience de chacun, mais je ne crois pas qu’il faille, pour y parvenir, culpabiliser nos concitoyens et pratiquer le matraquage fiscal. En agissant ainsi, nous accroissons les inégalités sans être plus efficaces dans le respect de l’environnement.

Alors que le chômage atteint des records et que le risque de récession menace de s’installer, il n’est pas acceptable de faire porter l’effort sur les ménages, ce qui dégrade encore plus la situation économique et sociale. Pendant ce temps-là, les plus riches peuvent continuer à surconsommer et à gaspiller tranquillement sans se soucier du coût et des conséquences.

Cela est d’autant plus vrai que l’envolée des hauts revenus entretient la débauche consumériste d’une minorité, dont le mode de vie est donné en exemple par les médias et la publicité pour prôner l’accumulation matérielle, alimenter la machine productiviste et aggraver encore les dégâts causés par un système qui réussit ce double tour de force d’exploiter à la fois les individus et les écosystèmes.

Lorsque nous parlons de fiscalité écologique, nous devons entendre lutte contre les inégalités et les fractures et processus vers un nouveau mode de production respectueux des hommes et de la planète. Or ce n’est pas l’esprit qui anime le texte qui nous est soumis. C’est pourquoi nous nous abstiendrons.

Mme Marie-George Buffet. Très juste !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Launay.

M. Jean Launay. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission, cher Jean-Paul Chanteguet, mes chers collègues, c’est une étape importante de méthode que nous franchissons aujourd’hui avec cette proposition de résolution. C’est en même temps un signal politique déterminant qui confirmera que les socialistes et, plus largement, la majorité présidentielle savent aussi non seulement raisonner écologie mais encore vouloir l’utiliser comme levier d’un changement durable dans les comportements individuels et collectifs de chacun. Qui plus est, en abordant la question de la fiscalité écologique de manière courageuse, lucide et volontariste, nous franchissons un pas supplémentaire dans le dialogue confiant que nous entretenons avec les Français.

Mais qu’il me soit permis de rappeler, en premier lieu, que la France a pris des engagements – au-delà des alternances politiques – dans le contexte européen pour réduire ses émissions de gaz à effet de serre. Je pense au « paquet climat-énergie », à échéance 2020, qui décline le principe du « trois fois vingt » : 20 % d’émission de gaz à effet en moins entre 1990 et 2020 ; amélioration de 20 % de l’efficacité énergétique ; introduction d’une proportion de 20 % – 23 % pour la France – d’énergie renouvelable dans le mix énergétique.

Qu’il me soit également permis de rappeler que, par la loi-programme fixant les orientations de la politique énergétique du 13 juillet 2005, la France s’est donné des objectifs propres visant à diviser par quatre les émissions de gaz à effet de serres entre 1990 et 2050. Voilà le « facteur 4 » confirmé dans les engagements pris à l’issue des travaux du Grenelle.

Le temps de parole qui m’est imparti ne me permettra pas d’entrer dans le détail des secteurs économiques et de vérifier si cette orientation forte pourra être tenue, d’autant que chaque jour apporte son lot d’informations sur ce sujet, susceptibles d’infléchir ou de remettre en cause les conceptions d’hier. Convenons dès lors ensemble que le chemin réalisé avec le « facteur 4 » ressemble déjà plus à un parcours en terrain accidenté, semé d’imprévus, qu’à une trajectoire nette où une forte impulsion initiale détermine largement l’atteinte du but final. À tout le moins, confirmons la nécessité d’organiser la fonction d’observatoire du « facteur 4 » en faisant converger système de mesure, évaluation des politiques publiques, évaluation des perspectives économiques et technologiques, vulgarisation et pédagogie en direction de nos concitoyens et de nous-mêmes.

Aujourd’hui, tous secteurs confondus, et si l’on retient les scénarios raisonnablement optimistes, l’ensemble des exercices prospectifs débouche plutôt sur une réduction des gaz à effet de serre d’un « facteur 2 » ou « facteur 2,5 » plutôt que d’un « facteur 4 ».

L’atteinte du « facteur 4 », si elle s’avère indispensable à la sauvegarde de nos civilisations, nécessitera probablement des ruptures plus importantes dans les modes de vie, et c’est précisément dans les moments de crise qu’il faut engager les transformations qui s’imposent, tout en en faisant comprendre la nécessité à l’opinion.

Dans ces transformations, la valorisation du carbone est primordiale, d’autant que la transition énergétique ne se fera que si l’on inclut, dans la fixation des prix de l’énergie, la raréfaction des ressources naturelles et les dommages faits à l’environnement, dont le changement climatique.

Comme Michel Rocard l’avait prévu dans son rapport de 2009 issu de la conférence de consensus d’experts, comme le réclame la Fondation Nicolas Hulot, comme nous l’avions écrit, Michel Diefenbacher et moi-même, dans un rapport commun de la commission des finances d’octobre 2009, préalable au projet de loi de finances pour 2010, il faut mettre en place une contribution climat-énergie, une fiscalité carbone qui donne un véritable signal prix.

Instruits des raisons de l’échec du précédent gouvernement sur le sujet, et conscients du contexte économique difficile, nous devons néanmoins mettre en place cet outil central de la fiscalité écologique, et être très progressifs dans le relèvement du prix du carbone. Cette contribution devra s’appliquer de manière équivalente aux ménages et aux entreprises non soumises au système européen d’échange de quotas d’émission. Les entreprises et les ménages devront bénéficier, dans le même temps, de mécanismes de soutien à la réduction des consommations d’énergie, notamment sur la rénovation thermique, et de mesures de redistribution.

Un mot maintenant sur la fiscalité du diesel, qui a toujours fait l’objet d’un traitement de faveur dans notre pays. Il est temps d’ouvrir les yeux sur ce point, car le maintien d’un avantage fiscal pour le diesel pose des problèmes de santé et d’environnement, mais aussi pour les consommateurs eux-mêmes. En effet, le signal prix, apparemment favorable à l’achat, n’est en fait rentabilisé que par 30 % des acheteurs. L’écart de taxation entre l’essence et le diesel, aujourd’hui de 17 à 18 centimes par litre, doit être progressivement réduit pour financer la transition écologique, objet d’un débat au sein du comité éponyme.

Une augmentation d’un centime d’euro du litre de diesel générerait entre 330 et 380 millions d’euros par an : cette somme devrait financer le renouvellement du parc automobile, via un bonus renforcé aux ménages, et participer au cofinancement des investissements lourds, comme le fret ferroviaire ou le transport fluvial. J’aurais voulu, madame la présidente, dire encore un mot des redevances d’eau, mais puisque mon temps est écoulé, je conclus.

Madame la ministre, c’est avec ambition et confiance que j’aborde, pour ma part, cette proposition de résolution. Elle est pour nous une feuille de route, un discours de la méthode ; elle peut être pour vous et pour le Gouvernement une source d’inspiration, pour que le produit de la fiscalité écologique de demain finance clairement la transition vers un autre modèle de développement. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Charles-Ange Ginesy.

M. Charles-Ange Ginesy. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission du développement durable, chers collègues, sujet d’importance, l’écologie est au cœur des priorités de notre société et de notre monde.

En 2002, à Johannesburg, Jacques Chirac nous alertait, par cette phrase désormais célèbre : « Notre maison brûle et nous regardons ailleurs. » En 2008, au travers du Grenelle de l’environnement, Nicolas Sarkozy traduisit, pour la première fois dans l’histoire de notre nation, cette prise de conscience écologique en une action politique volontariste et ambitieuse. Et aujourd’hui, dans le cadre de la transition écologique, nos collègues socialistes et Verts nous proposent une résolution sur la fiscalité écologique.

La France doit aujourd’hui résoudre une difficile équation : comment combiner la croissance de la population et l’épuisement des ressources naturelles ? Des choix audacieux furent faits dans le passé ; ils marquaient une foi certaine dans l’avenir, la recherche et le progrès. Grâce au choix du nucléaire par le général de Gaulle, notre pays est, aujourd’hui encore, un faible émetteur de gaz à effet de serre. L’État doit maintenant garder son rôle de stratège, en faveur du développement durable et de la recherche d’autres sources non polluantes d’énergie.

Je partage l’idée d’instaurer une meilleure fiscalité écologique, sur le principe du pollueur payeur, mais je souhaite néanmoins soulever quatre points qui restent en suspens.

Tout d’abord, pourquoi centrer presque exclusivement vos propositions sur une approche fiscale coercitive, plutôt que sur une approche fiscale incitative ? On ne peut envisager sérieusement cette option dans la situation actuelle, car il est évident qu’une telle mesure découragera les entreprises et ralentira plus encore l’économie. Cela n’aura malheureusement pour effet que d’aggraver le chômage qui, depuis la nomination du Gouvernement, touche 1 400 nouvelles personnes par jour.

Je me pose également la question de l’énergie nucléaire, dont vous ne faites mention à aucun moment dans votre texte. C’est pourtant grâce à cette énergie que nous limitons, aujourd’hui encore, nos rejets de gaz à effet de serre et que nous garantissons notre indépendance énergétique. Une fois de plus depuis votre arrivée au pouvoir, chers collègues de la majorité, votre politique est illisible. Cela reflète une ambiguïté persistante, et peut-être même une question taboue entre socialistes et écologistes.

Les auteurs de la résolution évoquent par ailleurs la fiscalité du diesel. Il est vrai que les particules rejetées dans l’air sont cancérigènes, même si la technologie est en train d’évoluer, mais une fois de plus, quel sera l’impact d’une telle fiscalité, alors que 60 % du parc automobile français roule au diesel ? Avec la fin de la défiscalisation du diesel, c’est 160 euros de pouvoir d’achat par an que vous retirez à chaque conducteur, et 60 % des Français que vous mettez dans l’impossibilité de revendre leur véhicule. (Murmures sur les bancs du groupe écologiste.)

Enfin, mesdames et messieurs les députés de la majorité, avec cette proposition de résolution, vous instaurez un quatrième pilier de prélèvement obligatoire. Après le travail, le capital et la consommation de biens, voici la fiscalité écologique.

M. Martial Saddier. Eh oui !

M. Charles-Ange Ginesy. Vous vous gardez bien, cependant, de préciser si ce nouveau pilier de prélèvement obligatoire sera synonyme d’une hausse du taux d’imposition global, comme je le crois fort, ou s’il sera jumelé à une baisse des autres piliers.

M. Martial Saddier. Il a raison !

M. Charles-Ange Ginesy. Est-ce bien sérieux, alors qu’avec un taux de 46,3 % du PIB, la France détient aujourd’hui le record européen de prélèvements obligatoires ?

M. Martial Saddier. Eh oui !

M. Charles-Ange Ginesy. Est-il bien sérieux d’alourdir la fiscalité des entreprises, qui sont déjà dans l’impossibilité d’embaucher les salariés dont elles auraient besoin ? Il nous faut des explications à ce sujet !

Ainsi, les solutions apportées par la proposition de résolution sont non seulement incomplètes, mais aussi et surtout inappropriées.

M. Martial Saddier. Bravo !

M. Arnaud Leroy. Il n’y a pas beaucoup d’écho, monsieur Saddier !

M. Charles-Ange Ginesy. Mes chers collègues, nous n’avons pas à rougir de ce qui a été fait jusqu’à présent. La France n’est pas en retard ; nous l’avons prouvé avec le Grenelle. Néanmoins, nous pouvons améliorer notre fiscalité écologique pour nous rapprocher de la moyenne européenne. Voilà une belle ambition.

Je le répète : oui à une meilleure fiscalité écologique, mais pas dans les conditions que vous proposez ici.

M. Martial Saddier. Tout à fait !

M. Charles-Ange Ginesy. La réalité, c’est que sous couvert d’une fiscalité verte, vous ne cherchez qu’à taxer encore et toujours plus les Français. Mais taxer pour quoi ? À quels domaines allez-vous allouer les recettes ainsi dégagées ? Pourquoi ne pas les utiliser pour développer la recherche dans le domaine des nouvelles énergies ? Créez donc une fiscalité incitative pour les groupes de recherche et les entreprises innovantes : ce serait une bonne piste. Injectez les recettes dans une recherche qui, au niveau européen, cherchera des solutions pour extraire proprement le gaz de schiste. Améliorez la sûreté nucléaire, au lieu de vilipender cette énergie !

M. Denis Baupin. Le nucléaire et le gaz de schiste ? Ça, c’est de l’écologie !

M. Charles-Ange Ginesy. Développez la gazéification par pyrolyse des déchets, comme le font nos partenaires autrichiens, canadiens et belges.

Mme la présidente. Merci de conclure, monsieur le député.

M. Charles-Ange Ginesy. Je conclus, madame la présidente. Vous l’avez compris, je m’opposerai à cette proposition de résolution, non par défiance vis-à-vis de la fiscalité écologique…

M. Arnaud Leroy. Mais si !

M. Charles-Ange Ginesy. …mais par défiance vis-à-vis de vos propositions, et pas par esprit polémique, comme je l’ai entendu tout à l’heure.

Cette résolution, qui a été conçue dans la précipitation…

M. Jean Launay. Six mois de travail !

M. Charles-Ange Ginesy. …n’annonce pas les tenants et aboutissants de façon transparente. Je regrette que vous n’arriviez pas à vous sortir de votre dogmatisme, qui vous pousse à créer toujours plus de taxes.

Mme Catherine Quéré. Parce que vous, vous n’êtes pas dogmatique ?

Mme la présidente. La parole est à M. Christian Eckert.

M. Christian Eckert. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, permettez-moi tout d’abord de remercier à mon tour Jean-Paul Chanteguet pour son initiative, qui n’a pas été bricolée dans la précipitation, mais qui est véritablement le fruit d’un travail long et partagé. Il a essayé d’associer un maximum de collègues, en particulier le modeste rapporteur général que je suis. Bien évidemment, je soutiens à fond, même si j’émettrai tout à l’heure un petit bémol, le contenu de cette proposition de résolution.

M. Martial Saddier. Pas nous !

M. Christian Eckert. Faisons d’abord le point sur ce qui fait consensus. Je suis d’accord avec le fait qu’une partie des recettes du produit de la fiscalité environnementale doit être affectée.

M. Martial Saddier. Une partie ? Il avoue !

M. Christian Eckert. C’est, pour les populations, un gage de son acceptabilité. Je suis d’accord pour qu’il y ait des compensations pour les ménages les plus fragiles.

M. Martial Saddier. Vous avez dit « une partie » ?

M. Christian Eckert. J’y reviendrai, mon cher collègue. Je pensais convaincre les nombreux députés de droite qui assistent à nos travaux. (Sourires sur les bancs du groupe SRC.) Malheureusement, je crains, pour vous avoir entendu tout à l’heure, de ne pas parvenir à le faire, ne serait-ce qu’avec ceux qui sont là.

M. Arnaud Leroy. Ils sont à Roland Garros ! On ne peut pas tout faire !

M. Christian Eckert. Deuxième consensus, je le répète : il faut des compensations pour les ménages les plus fragiles et pour les entreprises de certains secteurs de notre économie. C’est évident, et nous sommes d’accord sur ce point.

M. Martial Saddier. C’est un détournement fiscal écologique, un hold-up !

M. Christian Eckert. Troisièmement, il faut de la progressivité, car l’ambition que nous avons tous entraînera la montée en puissance d’un certain nombre de contributions, que je me permettrai d’évoquer dans un instant. Mais c’est vrai qu’il est nécessaire pour nous – et la majorité de cette assemblée l’a accepté – de financer une partie des 20 milliards d’euros…

M. Martial Saddier. Nous y sommes ! J’avais raison !

M. Christian Eckert. Écoutez, ce n’est pas un secret : cela figure dans toutes les lois qui ont été votées, la loi de programmation et la loi de finances.

Il est, disais-je, nécessaire de financer à hauteur de 3,5 milliards d’euros en 2016 les 20 milliards nécessaires au financement du crédit d’impôt compétitivité emploi. Et si ce n’était pas le cas, mes chers collègues, nous ne serions peut-être pas en train d’avancer sur ces questions, qui sont des questions difficiles et complexes.

M. Martial Saddier. C’est un reniement ! C’est un jour de deuil pour l’écologie. Je suis abattu !

M. Christian Eckert. J’ai dit que j’avais une petite réserve : elle est de forme. La résolution évoque une modification de la loi organique relative aux lois de finances. Je suis assez réservé sur ce point, mes chers collègues.

La LOLF a fait l’objet d’un très large consensus, mais tous les membres de notre assemblée ne se la sont pas encore forcément appropriée, et je pense qu’il serait prématuré de la modifier, alors même que le périmètre de la fiscalité environnementale n’est pas encore clairement défini, puisque beaucoup de choses pourraient être assimilées à de la fiscalité environnementale. Je ne souhaite pas que l’on modifie trop rapidement cette sorte de Constitution financière, qui a fait consensus et qui mérite encore que l’ensemble de nos collègues se l’approprie.

Puisqu’il ne me reste plus que deux minutes, madame la présidente, je voudrais approfondir deux questions, et d’abord celle de la fiscalisation envisagée de l’artificialisation des sols. C’est une question importante ; je crois que c’est notre collègue Éva Sas qui faisait remarquer tout à l’heure que l’artificialisation des sols progresse quatre fois plus vite que la population, et elle a raison.

C’est une question difficile, car elle peut mettre en jeu un certain nombre de contributions au titre de la fiscalité locale et de la fiscalité nationale. Mais je crois que nous devons la mettre en œuvre, car elle nous permettra par exemple de financer l’Agence de la biodiversité, que nous nous sommes engagés à créer. Ce sera peut-être aussi l’occasion de faire le tri entre un certain nombre de taxes complexes – sur l’urbanisme, les bureaux, les logements, les friches commerciales vacantes, ou encore la taxe d’aménagement – qui s’additionnent sans grande lisibilité.

Puisque je parle de cette future agence de la biodiversité, permettez-moi de signaler, madame la ministre, qu’il me semblerait assez naturel d’étendre son périmètre à l’Office national de la chasse et de la faune sauvage, l’ONCFS…

M. Philippe Plisson. Oh la la ! Restons-en à la fiscalité !

M. Christian Eckert.…ce que, j’espère, le Gouvernement finira par faire. C’est mon point de vue, et je l’assume.

M. Martial Saddier. J’ai bien fait de venir !

M. Christian Eckert. L’uniformité de la pensée, mes chers collègues, n’est pas forcément une qualité.

Le dernier point sur lequel je voulais intervenir, c’est la contribution carbone. J’y suis favorable, pour plusieurs raisons. D’abord pour des questions de rendement, parce qu’il ne faut pas se cacher derrière son petit doigt et que nous sommes face à ces obligations de rendement. Deuxièmement, parce que la progressivité nécessaire que j’évoquais tout à l’heure exige que l’on commence tôt : si l’on veut être plus progressif, il ne faut pas en retarder le démarrage.

Comme cela a été dit, je pense qu’il faut l’asseoir sur toutes les formes d’énergie.

M. Denis Baupin. Très bien !

M. Christian Eckert. Enfin, il faut la lier à la TICPE, et probablement à la TVA. Toutes ces contributions ne doivent pas seulement s’additionner, mais devenir complémentaires. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Geneviève Gaillard.

Mme Geneviève Gaillard. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission du développement durable, régulièrement, l’évasion fiscale fait la une des journaux et relance le débat sur l’harmonisation fiscale au sein de l’Union européenne. Or, il est une fiscalité qui est loin d’être utilisée de façon équivalente : il s’agit de la fiscalité écologique qui, pourtant, pourrait constituer un puissant levier de transition énergétique et servir à la conservation de la biodiversité.

En effet, la fiscalité écologique doit être perçue comme la possibilité d’encourager les comportements vertueux ou de dissuader des pratiques néfastes en termes de consommation de ressources, d’émissions de gaz à effet de serre et de pollution, qu’il s’agisse de pollution de l’air, des sols, des eaux, ou encore de pollution sonore. Pour chacune de ces catégories, des instruments fiscaux existent déjà dans notre pays, mais ils demeurent incomplets ou perfectibles.

De fait, la mise en œuvre d’une fiscalité écologique reste largement inaboutie en France. En 2010, notre pays était à l’avant-dernière place des pays de l’Union européenne, juste devant l’Espagne, pour ce qui concerne la place de cette fiscalité dans le PIB, soit 1,86 %, contre 2,37 % en moyenne dans l’Union. En Allemagne, notre modèle épouvantail préféré, dont les entreprises sont souvent considérées comme plus compétitives que celles de la France, ce chiffre est de 2,21 %. Voilà de quoi pousser les sceptiques à accepter d’y réfléchir sérieusement.

Le 1er mars 2013, la Cour des comptes a jeté un froid supplémentaire dans le climat frileux actuel de la fiscalité écologique en rendant public un référé sur les niches fiscales relatives aux énergies fossiles. Gazole, charbon et kérosène constituent autant de ressources énergétiques fossiles qui bénéficient d’un régime fiscal allégé. Elles sont au cœur de la réflexion sur la fiscalité écologique menée au sein d’un comité installé par le Gouvernement en décembre 2012.

La Cour des comptes s’est penchée sur les conséquences de ces « dépenses fiscales » énergétiques, rattachées à la mission « Écologie, aménagement et développement durable ». Ses conclusions vont dans le sens des demandes de toutes les associations de protection de l’environnement et de nombreux parlementaires. Elles soulignent un absent de taille, le kérosène, dont la non-taxation entraîne un manque à gagner estimé à 3,5 milliards d’euros en 2009, alors que c’est le mode de transport le plus polluant par passager ou par tonne transportée.

C’est à notre initiative, celle de la gauche, que le débat sur la fiscalité écologique s’est développé à partir de 1997. Il s’agissait de déplacer la fiscalité du travail vers la consommation de ressources rares et l’émission de polluants. Il fallait détaxer le travail, qui constitue une ressource trop réduite par rapport au nombre d’actifs, et taxer la pollution, qu’il faut au contraire rendre rare. Avec la droite, en 2002, on a observé un enterrement des politiques fiscales environnementales sacrifiées sur l’autel de la sacralisation de la baisse des prélèvements obligatoires.

M. Martial Saddier. C’est faux !

Mme Geneviève Gaillard. La TGAP, qui avait déjà souffert d’une mise œuvre difficile et mal accueillie, a été définitivement reléguée et a servi de repoussoir à toute suite ambitieuse. Ensuite, les seules actions en faveur de la fiscalité écologique ont été des incitations et des crédits d’impôts. Ils étaient certes efficaces mais leur accès était de fait réservé aux plus aisés, et ils étaient de toute façon incapables de résoudre le problème majeur de la précarité énergétique.

Pour ma part, je suis convaincue que la crise de 2008 tient beaucoup à l’inadaptation du modèle économique dominant fondé sur l’énergie fossile, la surproduction, la surconsommation, l’artificialisation du prix des ressources et matières premières, ainsi que sur les investissements à court terme qui pillent nos ressources naturelles sans anticiper les lendemains.

Une voie d’expression de la fiscalité écologique nécessaire, mais quasi inexistante aujourd’hui, m’est plus particulièrement chère. Il s’agit de son utilisation pour la conservation et la reconquête de la biodiversité. Comme toutes les politiques publiques, la protection de la nature a un coût, légitime s’agissant d’un sujet d’intérêt général.

Il faut financer la mise en place de la trame verte et bleue si l’on veut qu’elle soit un succès, ainsi que des organismes tels que le Conservatoire du littoral, sans lequel les espaces sensibles de nos bords de mer disparaîtraient, et trouver des fonds pour assurer la réalisation d’opérations de réhabilitation et de génie écologique, ou bien encore le déplacement et la réintroduction d’espèces.

La mesure dans laquelle un outil fiscal peut présenter un aspect incitatif quant à la protection de l’environnement est une affaire complexe.

L’incitation recherchée peut être vertueuse, ou positive si l’on préfère. Elle récompense alors un comportement favorable à la conservation ou à l’entretien des espaces naturels. C’est par exemple le cas lorsqu’un particulier bénéficie de déductions d’impôts à hauteur de 20 % des dépenses engagées pour des travaux de réhabilitation écologique de sa propriété. L’incitation peut aussi être négative, et présenter l’aspect d’une sanction financière.

J’ai eu l’occasion de rapporter le précédent budget de la mission « Biodiversité ». Cela m’a convaincu qu’il était indispensable et urgent d’entrer plus avant dans cette fiscalité écologique.

Quels que soient les objectifs poursuivis, les outils fiscaux utilisés ne doivent pas pénaliser les personnes les plus fragiles, car la protection de l’environnement est un levier puissant pour lutter contre les inégalités sociales. Nous devons continuer à travailler en ce sens pour plus de justice et plus d’équité. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Arnaud Leroy.

M. Arnaud Leroy. Madame la présidente, madame la ministre, chers collègues, beaucoup de choses ont déjà été dites ce soir. Je concentrerai donc mon intervention sur quelques points.

Tout d’abord, la fiscalité écologique est l’outil essentiel de la mutation de notre société appelée de ses vœux par le Président de la République, et – ce point mérite d’être souligné – de la transformation de notre appareil productif.

Dans ce cadre, il est nécessaire de construire un consensus et je me félicite, madame la ministre, du succès et de l’importance du comité de fiscalité écologique que vous avez mis en place avec votre collègue des finances. Présidé par Christian de Perthuis, il constitue un outil essentiel dans la construction de ce consensus.

M. Martial Saddier. Il faut le laisser travailler !

M. Arnaud Leroy. Monsieur Saddier, un peu de calme s’il vous plaît !

M. Martial Saddier. Je suis en pleine forme !

M. Arnaud Leroy. Pour compléter les propos de notre collègue Geneviève Gaillard, j’ajouterai que la fiscalité écologique doit aussi être un outil au service de la compétitivité des industries ; je pense à l’aspect énergétique. On parle souvent de la compétitivité coût ; il me semble que la donnée énergétique est essentielle, notamment vis-à-vis de nos partenaires. L’Allemagne ayant été évoquée, je reprends donc cet exemple formidable que l’on nous sert depuis quelques années.

S’agissant de l’utilisation des matières premières, une fiscalité intelligente doit favoriser l’éco-conception. C’est aussi un outil au service de notre compétitivité.

Madame la ministre, cette proposition de résolution s’inscrit dans le débat que vous menez sur la transition énergétique et écologique. Il est important que nous ayons cet aspect à l’esprit, car une fiscalité écologique couronnée de succès est une fiscalité qui s’inscrit dans une réforme fiscale d’envergure. J’ai entendu les propos du rapporteur général, et de nombreuses discussions se sont tenues à ce sujet, notamment en commission des finances. À mes yeux, le CICE est un élément, mais il n’est pas suffisant. Nous devons aller plus loin et inscrire la fiscalité écologique dans cette réforme fiscale.

Le financement de la transition écologique se fera en partie, en grande partie j’espère, par cette fiscalité. Je crois que ce sont des éléments essentiels pour l’acceptabilité de cette mesure, si nous voulons faire partager ce consensus au-delà du comité de fiscalité écologique, notamment dans la population. Souvenons-nous de l’histoire des échecs successifs de la taxe carbone. Quels que soient les gouvernements qui ont porté cette initiative, qu’il s’agisse de M. Jospin ou de M. Fillon, le problème de l’acceptabilité a toujours fait échouer cette mesure. Certains se souviennent sans doute des positions de l’UFC-Que choisir ? sur les dernières tentatives de taxation carbone.

Il est donc essentiel d’aborder la question de l’allocation des ressources générées. J’entends les propos du rapporteur général, et je pense que si nous voulons construire cette mutation, il faut absolument qu’une part des sommes générées par cette fiscalité écologique soit allouée au financement de la transition, de la mutation. C’est essentiel pour la construction de l’avenir et l’acceptabilité.

Enfin, nous assistions ensemble la semaine dernière à une table ronde sur l’avenir d’ETS, le système européen d’échanges de quotas d’émissions de carbone – je pilote dans cette Assemblée un groupe sur la fiscalité écologique. Nous devons marcher sur nos deux pieds : avancer au niveau européen pour pouvoir aussi avancer au niveau national. C’est un élément important d’égalité devant un impôt assis sur les émissions de gaz carbonique.

Voilà, madame la ministre, les réflexions que je voulais partager avec vous sur la résolution que je voterai avec joie. Je remercie Jean-Paul Chanteguet de cette initiative qui est plus que bienvenue. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marie Sermier.

M. Jean-Marie Sermier. Madame la ministre, mes chers collègues, de la même manière que je vous ai mis en garde il y a quelques semaines contre les dangers que l’écotaxe faisait courir à un secteur des transports déjà mal en point,…

M. Marc Le Fur. C’était d’ailleurs très bien dit !

M. Jean-Marie Sermier. …j’attire aujourd’hui votre attention sur les risques que la proposition de résolution qui nous est présentée fait peser sur notre économie.

Bien entendu, la préservation de l’environnement doit être une de nos priorités et nous l’avons fortement exprimé à l’occasion du Grenelle. Seulement, nous devons pouvoir relever le défi écologique, dont personne ne nie l’urgence, en œuvrant au rétablissement de la compétitivité de nos entreprises et non en l’entravant. Ces deux objectifs ne doivent pas être disjoints, mais liés et traités de conserve, de façon pragmatique. Là réside l’esprit du Grenelle qui a fixé le cap à suivre et doit guider notre action en la matière.

En cette période de crise intense, le pragmatisme doit avoir raison des idéologies séculaires, qui ne nous permettront pas d’affronter les réalités de cette situation grave et inédite.

Or, dans ce contexte économique tendu, qui voit nos entreprises lutter dans une concurrence internationale accrue tandis que le pouvoir d’achat des Français recule à chaque trimestre en même temps que s’envolent les chiffres du chômage, voilà que l’on trouve bon de proposer une nouvelle taxe, encore une ! Quand mettra-t-on fin à cette politique masochiste pour notre pays ?

Cette proposition de résolution s’avère inopportune et dangereuse pour plusieurs raisons.

Tout d’abord, elle aurait pour effet d’amplifier une pression fiscale déjà élevée et grever le pouvoir d’achat des Français. Quand on sait que 70 % des nouvelles immatriculations concernent des diesels, c’est bien la majorité de la population qui serait affectée par une hausse de la taxation du gasoil.

Par ailleurs, cela mettrait en difficulté les professions qui sont de grandes utilisatrices de diesel, comme les taxis, les agriculteurs et les pêcheurs, et compromettrait l’avenir des constructeurs automobiles français et notamment celui de PSA, dont je suis très fier en tant que député franc-comtois. Ces constructeurs ont d’ailleurs largement investi dans la filière du diesel et ont su innover, en créant des filtres à particules par exemple, afin de répondre aux exigences environnementales et de santé publique qui sont les nôtres.

De façon plus générale, la fiscalité écologique que l’on nous propose aggraverait encore le déficit de compétitivité que connaissent nos entreprises surtaxées. Les prélèvements fiscaux et sociaux représentent, en France, 26 % de la valeur ajoutée des entreprises quand ce taux n’est que de 15,6 % en Allemagne.

Faut-il rappeler les conséquences de cette surfiscalisation ? Entre 2000 et 2012, la France a perdu 32,3 % de ses parts de marché dans les exportations mondiales de marchandises. C’est moins bien que l’Italie, ou même que l’Espagne, qui a connu dans le même temps un recul trois fois moins important. Les marges des sociétés en France sont parmi les plus faibles d’Europe ; seule la Grèce fait pire que nous en la matière. En outre, le changement incessant des règles fiscales et sociales dans notre pays crée un climat bien peu favorable à l’investissement.

Mes chers collègues, qui ne voit qu’imposer cette fiscalité écologique sur notre seul territoire national relève d’une perspective suicidaire ?

Lorsque le principe de la taxe carbone avait été envisagé, le Premier ministre de l’époque, François Fillon, avait justement déclaré qu’une taxe de ce genre devait être européenne pour ne pas « plomber » la compétitivité des entreprises françaises. Il en va de même aujourd’hui. Si elle peut être souhaitable, la mise en place d’une fiscalité écologique ne saurait être viable qu’à l’échelle de l’Union européenne. Il est impératif que les règles de la compétition soient les mêmes pour tous, pour que nous cessions d’être les pigeons de l’Europe en matière de compétitivité économique internationale. Dans cette compétition accrue, l’essentiel ne résume plus à une simple participation : au contraire, nous devons à nouveau faire preuve d’ambition.

Pour toutes ces raisons, je ne voterai pas cette proposition de résolution. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean Launay. Cela ne valait pas la peine de vous essouffler pour cela !

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Fauré, dernier orateur inscrit

M. Alain Fauré. Madame la présidente, mes chers collègues, le modèle économique de la France comme des pays occidentaux arrive à un tournant de son existence. Sans une volonté politique appuyée par une fiscalité appropriée et incitative, nous ne bougerons pas et nous ne conduirons pas un changement indispensable. Il paraît en effet compliqué de le faire en période de crise et en situation financière tendue, car les esprits mal intentionnés penseront que cette fiscalité n’a pour but que de combler les besoins financiers de l’État.

Dans les secteurs concernés, la fiscalité écologique touchant à l’énergie orientera les politiques industrielles. Le passé l’a montré. Au début du XXe siècle, une électricité moins chère dans des vallées a permis le développement d’activités industrielles ; lorsqu’elle a été fournie au même tarif ailleurs, les activités ont quitté ces montagnes et ces vallées pour s’installer dans des lieux nettement plus adaptés.

On le voit, il va falloir, avec courage, mettre en place une fiscalité qui conduira et favorisera le changement. Cela répond, bien sûr, à un engagement du Président de la République. Nous, législateurs, devons concrétiser cette promesse.

À l’échelle mondiale, au-delà de l’entreprise, de la nation et de la région économique, tout être humain appartient par essence à une même réalité : notre écosystème. Cet écosystème est notre bien commun, que l’on soit chef d’entreprise à Paris ou agriculteur en Patagonie ; il est la condition indispensable…

Pardonnez-moi : je suis perdu ! Je n’ai pas mes lunettes…

Mme Catherine Quéré. Voulez-vous les miennes ? (Sourires.)

M. Alain Fauré. Je suis arrivé dans l’hémicycle en courant, sans mes documents : je suis donc un peu ennuyé… Je prononcerai mon intervention de tête : ce sera mieux que de lire ce que j’ai préparé et que je n’arrive pas à lire correctement.

Je souhaite simplement rappeler que nous devons, à l’instant, avoir le courage de mettre en place une politique fiscale qui conduira aux changements indispensables. Pourquoi ces changements sont-ils indispensables ? Parce que, sans cela, rien ne bougera. Seule la fiscalité incitera les entreprises à faire des recherches pour développer de nouvelles façons de produire, pour utiliser de nouveaux matériaux ou de nouvelles énergies. Ce raisonnement vaut aussi bien dans le secteur de l’industrie – l’industrie automobile, par exemple – que dans celui du logement. Si nous ne faisons rien, la société ne bougera pas.

Bien entendu, nos collègues de droite prétendront que nous instaurons cette fiscalité uniquement pour renflouer les comptes de l’État…

M. Marc Le Fur. C’est vrai !

M. Jean-Yves Caullet. C’est la droite qui a vidé les caisses !

M. Alain Fauré. …ou pour rembourser la dette abyssale accumulée tout au long des dernières années.

M. Marc Le Fur. Exactement !

M. Alain Fauré. Chers collègues de l’opposition, je rappelle que vous avez été plus que responsables de cette situation, notamment ces dix dernières années.

M. Florent Boudié. Vous êtes les fossoyeurs du budget !

M. Alain Fauré. Vous avez tout loisir de dire qu’une mesure portée par le gouvernement socialiste n’est pas la bonne. Reste qu’il faut prendre ces décisions : nous devons être courageux et faire en sorte que seule telle ou telle énergie soit utilisée. La consommation des énergies fossiles, notamment, arrive pratiquement à son terme, à moins d’utiliser des gaz de schiste qui ne seront que des palliatifs ponctuels et ne dureront que quelques années. Pour nos enfants et pour les générations à venir, le courage, c’est maintenant !

Nous devons agir à l’échelle de la France seule. Je sais que cela peut faire sourire : la droite peut bien se moquer de nous, il n’en faut pas moins que nous prenions des décisions. Si nous ne le faisons pas, notre pays ira droit dans le mur. Nous devrons, bien entendu, aller plus loin à l’échelle de l’Europe, mais la France doit déjà montrer le chemin. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La discussion générale est close.

La parole est à Mme la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie.

Mme Delphine Batho, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie. Je veux d’abord saluer cette initiative des groupes socialiste et écologiste.

Depuis la conférence environnementale, le Gouvernement s’est engagé sur une méthode pour avancer sur la voie de la transition écologique. Cette méthode a été choisie pour réussir des réformes de structure, faire durablement le choix stratégique de la croissance verte et ne pas s’en tenir à des mesures ponctuelles ou superficielles. J’assume ce choix du sérieux, de la continuité et de la concertation : c’est aussi l’une des leçons qu’il faut retenir d’un certain nombre d’expériences et d’échecs passés. Nous avons choisi cette méthode pour dépasser certaines contradictions, qui sont d’ailleurs apparues dans vos différentes interventions.

Le 24 janvier dernier, à l’initiative du groupe écologiste, nous avons eu un premier débat sur la fiscalité écologique. Le comité présidé par Christian de Perthuis – auquel je rends hommage – a déjà produit un certain nombre de travaux importants : quatre avis ont d’ores et déjà été adoptés, la plupart du temps par consensus ou quasi-consensus. Une prochaine réunion, très importante, se tiendra le 13 juin prochain. Sur cette base, le Gouvernement est en train de travailler à des mesures qui auront leur place dans le projet de loi de finances pour 2014, comme le Premier ministre l’a déjà confirmé.

M. Marc Le Fur. Allez-vous augmenter le prix du gazole, madame la ministre ?

Mme Delphine Batho, ministre. À mes yeux, le travail du comité Perthuis, s’appuyant sur la feuille de route adoptée lors de la conférence environnementale, n’est en rien contradictoire avec la légitimité du Parlement à se saisir de ce sujet, à en débattre le 24 janvier dernier et à en débattre à nouveau aujourd’hui en adoptant une résolution qui exprime aussi des orientations politiques très fortes concernant la fiscalité écologique. Je pense – c’est, en tout cas, le point de vue du Gouvernement – que cette résolution est une initiative utile, et qu’elle contribue à faire avancer la réflexion et à fixer les orientations politiques majeures de cette réforme de structure de la fiscalité environnementale.

M. Marc Le Fur. Allez-vous augmenter le prix du gazole ?

Mme Delphine Batho, ministre. Je salue Jean-Paul Chanteguet qui a pris cette initiative. Il a eu raison de resituer la crise écologique dans la globalité de la crise économique et sociale. Jacques Krabal a également insisté sur ce point. Effectivement, la fiscalité écologique n’est pas un but en soi : c’est un outil au service d’un objectif global. Il ne faut pas séparer les enjeux de la transition énergétique des enjeux de l’économie circulaire, dont a également parlé Arnaud Leroy et qui sera à l’ordre du jour de la prochaine conférence environnementale : il s’agit d’un enjeu majeur de politique industrielle. La fiscalité environnementale est un levier au service de l’économie verte. La France doit prendre à bras-le-corps cet enjeu de la croissance verte. Monsieur Sermier, cessez d’opposer les enjeux économiques aux enjeux écologiques !

M. Jean-Marie Sermier. Mais ils s’opposent naturellement !

Mme Delphine Batho, ministre. Tout en apportant des réponses aux enjeux de long terme, il convient d’apporter aussi des solutions aux problèmes de court terme, notamment pour la relance de l’activité économique. C’est toute la question.

M. Jean-Marie Sermier. Que faites-vous sur le diesel ?

Mme Delphine Batho, ministre. Il y avait un paradoxe dans l’intervention de Martial Saddier.

M. Arnaud Leroy. Un seul ? (Rires sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Delphine Batho, ministre. Un seul que je veuille relever…

Monsieur Saddier, vous critiquez la résolution tout en soutenant l’affectation du produit de la fiscalité écologique à la transition écologique.

M. Philippe Martin. Eh oui !

M. Martial Saddier. Vous faites le contraire !

Mme Delphine Batho, ministre. En vous écoutant, je n’ai pu m’empêcher de relire l’intervention que vous aviez prononcée le 24 janvier dernier : vous reprochiez au Gouvernement de ne pas s’inscrire dans la continuité de la taxe carbone adoptée par le précédent gouvernement. Je n’ai pas compris l’évolution rapide de votre position.

Je veux aussi réagir à l’intervention de Bertrand Pancher, qui m’a surprise par son ton polémique, voire caricatural.

M. Arnaud Leroy. C’est l’UDI ! Ils sont toujours comme ça !

Mme Delphine Batho, ministre. Le Grenelle a assurément constitué une étape, mais cette étape ne mérite pas d’être idéalisée, puisque vous avez porté un coup d’arrêt à un certain nombre de réformes, notamment avec le moratoire sur les énergies renouvelables, ou avec certaines déclarations de Nicolas Sarkozy comme celle selon laquelle « l’environnement, cela commence à bien faire ». Dès que la crise économique et financière s’est déclenchée, il y a eu un abandon des ambitions environnementales.

L’éco-prêt à taux zéro a été un échec.

M. Philippe Plisson. C’est vrai !

Mme Delphine Batho, ministre. Seuls 35 000 éco-PTZ ont été accordés sur les 400 000 prévus.

Quant au bonus pour l’achat de voitures écologiques, nous avons dû l’augmenter de 40 % à notre arrivée au pouvoir.

M. Arnaud Leroy. Eh oui !

Mme Delphine Batho, ministre. Le précédent gouvernement n’a rien fait non plus pour le déploiement de bornes de recharge des véhicules électriques ; avec Arnaud Montebourg, nous mettons en place un programme de 50 millions d’euros à cette fin.

J’ai été étonnée aussi de vos questions sur les énergies renouvelables. Nous avons dû prendre un certain nombre de mesures d’urgence et de relance pour les énergies renouvelables, à savoir l’éolien, la géothermie, la méthanisation, les énergies marines et le photovoltaïque. À cet égard, je salue la décision que vient de prendre la Commission européenne pour rééquilibrer les échanges dans le secteur des panneaux photovoltaïques.

S’agissant des transports, vous avez évoqué des projets d’infrastructures qui se caractérisent par un manque de financement de 120 milliards d’euros.

Enfin, j’ai été surprise par votre jugement à l’emporte-pièce sur le débat national sur la transition énergétique, où vous y représentez pourtant l’Assemblée nationale.

Je reviens aux orientations de la résolution. Le Gouvernement partage les considérants et les orientations principales de ce texte. Oui, la fiscalité écologique est un instrument indispensable de la transition vers un modèle de développement durable. Oui, cette fiscalité a pour finalité l’incitation aux comportements vertueux et le financement de la transition écologique. Non, elle n’est pas l’ennemie de la croissance, de la compétitivité et du pouvoir d’achat, pourvu que sa trajectoire soit correctement calibrée et que des mesures d’accompagnement efficaces soient prévues.

Je veux dire à M. Carvalho que, naturellement, la question du pouvoir d’achat est majeure. Oui, la France est en retard dans ce domaine, et le Gouvernement s’est engagé à amorcer le comblement de son retard avec des mesures qui prendront effet dès 2014 et s’inscriront dans une trajectoire de long terme.

Monsieur Ginesy, la méthode que je rappelais au début de mon intervention ne se caractérise pas par la précipitation : en effet, nous travaillons sur ces sujets depuis plusieurs mois déjà, dans le cadre d’une concertation qui associe les représentants des entreprises, des syndicats, des associations de consommateurs, des élus locaux et des ONG environnementales. L’ensemble des parties prenantes de ce débat contribuent à la réflexion, et nous cherchons à forger un certain nombre de points de consensus.

Pour la fiscalité écologique comme pour les autres volets fiscaux du projet de loi de finances pour 2014, les mesures ne sont pas encore stabilisées à ce jour. Pour la fiscalité écologique encore plus que pour les autres volets, un examen très attentif s’impose compte tenu des contraintes juridiques, constitutionnelles et communautaires dans lesquelles ces mesures doivent s’insérer. Les arbitrages budgétaires seront rendus dans les prochaines semaines ; je peux néanmoins vous indiquer d’ores et déjà que les mesures auxquelles nous travaillons tiennent compte des débats en cours au sein du comité Perthuis.

Elles visent : à mieux prendre en considération des enjeux de qualité de l’air et de réchauffement climatique ; à raboter les niches fiscales défavorables à l’environnement ; à lutter contre les pollutions et les atteintes à la biodiversité.

À la suite de l’intervention de Jean Launay, j’évoquerai la question du carbone et du « facteur 4 », que beaucoup d’entre vous ont abordée. Je suis favorable à l’introduction progressive d’une composante carbone dans la fiscalité. Aussi neutre que possible au départ, elle évoluerait ensuite en fonction de la conjoncture économique. Elle permettrait d’orienter la croissance, une fois celle-ci repartie, vers une économie à bas carbone. L’équation n’est pas facile, mais l’entreprise est à la fois nécessaire et possible, y compris dans le laps de temps qui nous sépare de l’accueil par la France, en 2015, de la Conférence internationale sur le climat.

M. Pancher et M. Leroy ont évoqué l’articulation avec le cadre européen, question essentielle en raison des difficultés actuelles du marché carbone européen. Nous soutenons les initiatives de la Commission européenne en faveur du back loading. Désormais, nous ne séparons plus cette question de celle d’une réforme structurelle, passant notamment par l’affirmation d’un objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre dans l’Union européenne à l’horizon 2030, par une évolution de la gouvernance du marché carbone, par la fixation d’un système de prix plancher ou de retrait automatique de quotas, c’est-à-dire d’un mécanisme de flexibilité qui évoluerait en fonction de la conjoncture économique, et par un mécanisme d’inclusion carbone.

L’empreinte carbone par habitant de la France a augmenté de 15 % en vingt ans du fait des importations ; nous devons y être extrêmement attentifs. La lutte contre les fuites de carbone est une question majeure par rapport à un certain nombre de secteurs industriels. Il conviendra de réserver aux industries sous quotas un traitement particulier, tenant compte de la contrainte économique objective qui résulte du contingentement de leurs émissions.

Le comité Perthuis a accompli un travail très important sur la taxation des fluides frigorigènes. Il a conclu que la solution la plus pertinente du point de vue environnemental consisterait à taxer les fuites de ces substances plutôt que leur mise sur le marché. Une taxation des émissions fugitives pendant la vie de l’équipement inciterait les fabricants à améliorer l’étanchéité de leurs circuits.

En matière de politique industrielle, Éva Sas a rappelé un certain nombre d’exemples étrangers tout à fait importants, notamment celui de la Suède qui, par le biais d’une taxe sur les émissions d’oxyde d’azote, a déposé de nombreux brevets pour des technologies de filtrage de ce polluant. Grâce à une politique très exigeante de recyclage industriel, la Suède ou l’Allemagne – autre exemple évoqué – conquièrent des parts de marché. C’est un élément qui peut être mis au service de la compétitivité industrielle.

Comme beaucoup d’entre vous, Jean Launay a évoqué la fiscalité des carburants. Le comité Perthuis a considéré que l’écart de taxation au profit du gazole est injustifié au regard des coûts externes environnementaux des différents carburants. Comme l’a rappelé Geneviève Gaillard, la Cour des comptes a recommandé, dans un référé récent, de requalifier en dépenses fiscales le différentiel de taxation entre le gazole et l’essence et d’étudier un alignement progressif.

M. Denis Baupin. Très bien !

Mme Delphine Batho, ministre. Il ne s’agit donc plus de savoir si les fiscalités de l’essence et du diesel doivent converger, mais dans quelles proportions, à quel rythme et à partir de quand. Nous travaillons aujourd’hui en vue de répondre à ces questions, et nous nous déterminerons à partir des études d’impact que nous conduisons, en particulier s’agissant de la filière automobile, dont la situation préoccupante doit être prise en comte. Cela doit être traité en même temps que les mesures d’accompagnement qui s’avèrent nécessaires. Pour ce qui concerne la qualité de l’air, la question des 27 % de véhicules anciens les plus polluants est importante, mais elle est mentionnée dans la proposition de résolution.

Patrice Carvalho et d’autres ont évoqué les niches fiscales défavorables à l’environnement. Nous examinons la possibilité d’un coup de rabot sur ces niches, qui se justifierait à plus d’un titre : d’abord en tant que signal envoyé aux agents économiques, ensuite, en tant que simplification des normes fiscales sans création de prélèvements nouveaux.

Geneviève Gaillard et Christian Eckert ont également abordé la question de la fiscalité. Les travaux en matière de fiscalité écologique liée à l’artificialisation des sols ou aux impacts sur la biodiversité n’étaient jusqu’alors pas très approfondis. Dans le cadre du comité Perthuis, une importante réflexion a été lancée, notamment sur la lutte contre l’artificialisation des sols. Beaucoup d’entre vous ont évoqué à juste titre la question de la biodiversité en la reliant aux enjeux du financement de l’Agence française de la biodiversité.

Christian Eckert et d’autres, nombreux, ont posé la question du rendement de la fiscalité écologique. Il faut toujours rappeler que l’objectif premier de la fiscalité écologique n’est pas le rendement, mais l’évolution des comportements.

M. Marc Le Fur. Augmentez-vous le gazole ? Juste pour savoir !

Mme Delphine Batho, ministre. C’est un cinglant démenti à un certain nombre de propos laissant entendre qu’il s’agirait de régler une situation budgétaire difficile. Telle n’est absolument pas notre conception. Il ne s’agit pas d’une réforme d’opportunité par rapport à la situation budgétaire actuelle, mais bel et bien d’une réforme de structure relative à des enjeux écologiques.

Vous avez été nombreux à soulever la question de l’affectation du produit de cette fiscalité nouvelle, parfois en la reliant à celle de son acceptation. Un consensus s’est dégagé de la discussion : l’affectation doit viser autant le financement de la transition écologique que les mesures de compensation, que celles-ci bénéficient aux ménages ou aux entreprises dans le cadre du pacte de compétitivité. Tel est l’engagement du Gouvernement pour 2016. Un certain nombre d’autres consensus se sont dégagés, notamment sur la prise en compte des situations sociales et du pouvoir d’achat, sur l’enjeu de la compétitivité et sur les questions, tout à fait légitimes, de compatibilité et d’harmonisation européenne.

Sur la base de vos travaux et de la proposition de résolution qui va, je n’en doute pas, être adoptée, le Gouvernement poursuivra le travail en vue de proposer des mesures concrètes dans le projet de loi de finances pour 2014. Mais c’est au Parlement que reviendra le dernier mot. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

Mme la présidente. Merci, madame la ministre.

Je mets aux voix la proposition de résolution.

(La proposition de résolution est adoptée.)

Suspension et reprise de la séance

Mme la présidente. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures vingt, est reprise à dix-neuf heures vingt-cinq.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

6

Refondation de l’école de la République

Suite de la discussion, en deuxième lecture, d’un projet de loi d’orientation et de programmation

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République (n°s 1057, 1093).

Discussion des articles (suite)

Mme la présidente. Hier soir, l’Assemblée a continué l’examen des articles, s’arrêtant à l’article 27 bis.

Article 27 bis

Mme la présidente. Plusieurs orateurs sont inscrits sur l’article 27 bis.

La parole est à M. Jean-Pierre Decool.

M. Jean-Pierre Decool. Madame la présidente, monsieur le ministre de l’éducation nationale, madame la ministre déléguée chargée de la réussite éducative, monsieur le rapporteur de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, mes chers collègues, j’ai l’honneur de représenter au sein de l’Assemblée la quatorzième circonscription du Nord où est encore parlé le flamand occidental. Pourtant, l’UNESCO le considère comme sérieusement en danger. Nous, défenseurs de la langue flamande, sommes aujourd’hui inquiets. Le flamand occidental n’est toujours pas reconnu comme langue régionale de France par le ministère de l’éducation nationale et il nous est difficile de rester insensibles à cette situation discriminante.

Vous l’aurez compris, les langues régionales ont besoin d’une politique éducative et culturelle ambitieuse pour sauvegarder leur patrimoine et espérer le transmettre aux générations futures. Absentes de la première version du projet de loi, elles ont fait timidement leur apparition en première lecture devant notre assemblée. Parmi les avancées les plus importantes votées au Sénat grâce à la mobilisation des élus et des associations, citons la reconnaissance explicite de l’enseignement bilingue français- langue régionale, l’incitation à l’enseignement en langue régionale, l’information des familles des offres d’apprentissage, la liberté pour les enseignants d’utiliser l’apport des langues et cultures régionales dans leur enseignement, ou encore la possibilité d’inscrire ses enfants dans une autre école pour apprendre une langue régionale.

L’apprentissage des langues régionales est un facteur d’intégration et de renforcement du lien social. Pour sauver ce patrimoine commun, reconnu par notre Constitution depuis 2008, il est indispensable de poursuivre les efforts engagés par nos amis sénateurs. Je vous invite, monsieur le ministre, mes chers collègues, à adopter les amendements de notre collègue Marc Le Fur dont je suis cosignataire.

Je souhaite profiter de l’occasion pour déplorer la décision du Président de la République de renoncer à l’engagement n° 56 de son programme présidentiel : la ratification de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires.

M. Marc Le Fur. Eh oui !

M. Patrick Hetzel. Un renoncement de plus !

M. Jean-Pierre Decool. Même si le Premier ministre n’a pas daigné nous recevoir, nous sommes plusieurs parlementaires, sur tous les bancs de cet hémicycle, à rester déterminés à faire ratifier la Charte. J’en profite pour saluer l’action menée par notre collègue Paul Molac et pour demander au Gouvernement de ne pas empêcher le pouvoir constituant de réviser la Constitution en ce sens. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Paul Molac.

M. Paul Molac. Je tiens à exprimer ma satisfaction concernant la rédaction de l’article 27 bis par le Sénat, qui est parvenu à un équilibre. L’enseignement des langues régionales sera désormais favorisé : c’est la première fois que cela figurera dans une loi ainsi que l’enseignement bilingue et l’information des familles. Les enseignants pourront utiliser les éléments de culture régionale et sont invités à le faire. Ils le faisaient déjà, mais maintenant les choses sont claires. Ils sont invités à ne pas appréhender la culture française par le seul prisme de la langue française ou de ce que nous appelons la culture bourgeoise, mais de l’envisager par le biais des différentes cultures, y compris les cultures populaires, paysannes et les langues régionales.

Cette avancée paraît d’autant plus substantielle quand on garde à l’esprit l’avant et l’après. Qu’y avait-il avant ? Pas grand-chose. En 2005, lors de l’examen du projet de loi sur l’avenir de l’école, des parlementaires de tous bords étaient montés au créneau afin que mention soit faite des langues régionales, car il aurait été beaucoup plus difficile, sinon, de les enseigner. Un amendement avait été ainsi déposé pour préciser qu’elles pouvaient être enseignées grâce à la signature de conventions avec les régions.

Le changement est aujourd’hui flagrant et nous le devons évidemment au ministre et à la gauche.

Mme la présidente. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Paul Molac. Je souhaite donc que l’article 27 bis soit voté en termes conformes, de manière à éviter que l’on ait à revenir dessus lors d’une nouvelle lecture ou en commission mixte paritaire.

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Marc.

M. Alain Marc. La gauche n’a pas tout fait, chers collègues ! N’oubliez pas que c’est grâce à la droite que l’article 75-1, aux termes duquel « les langues régionales appartiennent au patrimoine de la France », figure dans la Constitution. Ce n’est tout de même pas rien !

Je suis très heureux de noter les changements intervenus entre la première et la deuxième lecture. M. le rapporteur a sans doute été convaincu par ce que Claude Hagège dit de tous les bienfaits que l’on peut tirer de l’enseignement bilingue, fût-il en langue régionale. Nos amis sénateurs ont bien travaillé.

Si les Français sont prompts, lorsqu’ils sont hors de France, à promouvoir la diversité culturelle, ils sont beaucoup moins portés à le faire à l’intérieur de nos frontières. Dois-je rappeler que certaines langues régionales partagent des caractéristiques avec le français ? Je citerai un seul l’exemple, l’occitan, qui est du latin dégradé au même titre que le français. Richard Cœur de Lion le parlait, il faut que vous le sachiez, monsieur le ministre, pour votre culture historique, si je peux me permettre.

M. Vincent Peillon, ministre de l’éducation nationale. Vous pouvez ! (Sourires.)

M. Alain Marc. Cet article reconnaît la diversité culturelle. Je m’en réjouis car la seule façon de sauver ces langues, qui font partie du patrimoine immatériel de l’humanité, c’est de les enseigner. Nous essaierons évidemment d’apporter notre pierre à l’édifice avec les amendements que nous défendrons.

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Le Fur.

M. Marc Le Fur. Mes chers collègues, où en sommes-nous ?

Ce dont je voudrais vous convaincre, c’est que nos compatriotes sont attachés aux langues régionales, et que cet attachement va bien au-delà des seuls locuteurs de ces langues et des familles qui placent leurs enfants dans des établissements qui les enseignent. Il s’agit d’un attachement affectif : chacun a bien compris qu’elles faisaient partie de notre patrimoine. C’est d’ailleurs ce que la Constitution, lors de la révision de 2008, a très explicitement reconnu.

Il y a quelques semaines, nous avons reçu deux mauvaises nouvelles successives.

La première, c’est que l’engagement, pris par François Hollande alors qu’il était candidat de ratifier la Charte, était abandonné. Nous le regrettons, je tiens à le redire.

La deuxième, c’est la première mouture de l’article 27 bis qui, objectivement, avait surpris tout le monde en première lecture. Non seulement ce n’était pas une avancée, mais c’était un recul. Fort heureusement, comme d’autres collègues l’ont dit avant moi, le Sénat a su évoluer, et vous-même, monsieur le ministre, avez changé de position – je ne vous fais pas de procès d’intention à ce stade.

M. Patrick Hetzel. À ce stade !

M. Marc Le Fur. Maintenant, il faut que nous transcrivions ces éléments dans les textes. Il se trouve que la nouvelle rédaction de l’article 27 bis à laquelle le Sénat est parvenu est la copie exacte d’un amendement que j’avais défendu en première lecture, copie exacte mais pas complète. C’est la raison pour laquelle je défendrai des amendements pour procéder à des ajouts.

Nous devons avoir collectivement un état d’esprit positif pour qu’à l’occasion de cette loi, comme lors de législatures précédentes, nous progressions sensiblement sur la question des langues régionales.

Mme la présidente. La parole est à M. Frédéric Reiss.

M. Frédéric Reiss. Comme mes collègues, je me réjouis des avancées significatives qui ont été obtenues au Sénat.

L’enseignement bilingue paritaire a bien des vertus : plus il est précoce, meilleurs sont les résultats. Il faut, bien sûr, que les élèves soient prêts à consentir des efforts, aspect de l’éducation dont nous avons débattu hier. Au plus jeune âge, l’enseignement passe aussi par l’affectif, qui constitue un élément primordial de l’apprentissage.

Je viens de la région, l’Alsace, qui compte le plus de locuteurs d’une langue régionale – en valeur absolue, et non pas simplement en proportion. Dans les régions où les langues régionales sont en usage, il est important qu’elles puissent être enseignées à l’école car elles permettent d’améliorer l’apprentissage non seulement du français, mais aussi des fondamentaux. C’est une grande chance que l’on offre aux élèves.

Dans les académies concernées, il faudra prévoir des dotations particulières pour que les recteurs et les directeurs académiques des services de l’éducation nationale disposent des moyens de mettre en œuvre une politique volontariste en matière de langues régionales.

Beaucoup d’associations travaillent avec les collectivités régionales et départementales. Nul doute que le développement de l’enseignement des langues régionales à l’école donnera un souffle culturel nouveau à la promotion de nos régions, dont la diversité fait la richesse de la France.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale.

M. Vincent Peillon, ministre de l’éducation nationale. Mesdames, messieurs les députés, je me réjouis que vous vous réjouissiez…

M. Benoist Apparu. Tout le monde est joyeux, alors !

M. Vincent Peillon, ministre. …d’une action qui est une fois encore à porter au crédit de la gauche. Car qui a œuvré pour inscrire l’enseignement des langues régionales dans nos textes ? C’est d’abord Alain Savary, c’est ensuite Lionel Jospin, c’est enfin Jack Lang. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Je reviendrai sur les difficultés qu’ont connues les langues régionales ces dernières années, puis je ferai une annonce sur les moyens qui vous inquiètent aujourd’hui, mesdames et messieurs de l’opposition, et qui vous inquiétaient un peu moins il y a un ou deux ans alors qu’ils subissaient une forte diminution, qu’il s’agisse des concours de recrutement ou des crédits aux associations.

M. Alain Marc. C’est complètement faux !

M. Vincent Peillon, ministre. Je voudrais remercier les parlementaires qui ont travaillé avec sincérité à améliorer ce texte : Paul Molac, Martine Faure, Maryvonne Blondin au Sénat. Je salue aussi le travail mené en étroite collaboration par les députés et les sénateurs, grâce notamment à Jean-Jacques Urvoas.

Je tiens tout d’abord à préciser que la précédente version de l’article 27 bis ne marquait nullement une régression, puisqu’elle conservait tous les apports intégrés jusque-là et que j’avais déjà pu prodiguer mes encouragements au développement concret de ces langues. J’ai aussi pu constater que des motifs sans doute un peu politiciens conduisaient certains à vouloir améliorer le texte. Mais il faut s’en réjouir.

L’article 27 bis,dans sa nouvelle rédaction, présente des avancées jusque-là inconnues.

Premièrement, l’enseignement des langues régionales sera favorisé, en particulier dans les régions où elles sont le plus en usage.

Deuxièmement, l’enseignement bilingue – vous l’avez fort bien dit, monsieur Molac – est introduit dans la loi. C’est la première fois dans l’histoire de notre République qu’une loi prévoit l’enseignement en langue régionale, et non pas seulement un enseignement des langues régionales.

Troisièmement, ces avancées sont accompagnées de dispositifs, comme l’information des familles.

Quatrièmement, nous adaptons la loi Deixonne de 1951 en l’étendant aux enseignants du second degré.

Cinquièmement, nous reconnaissons la valeur des cultures régionales – votre assemblée a déjà eu un débat sur ce sujet.

Rappelons en outre que l’article 97 du rapport annexé prévoit de faciliter l’inscription des élèves résidant dans une commune dont les écoles ne proposent pas d’enseignement en langue régionale. Cela répond à un souci que vous aviez exprimé, monsieur Molac, je m’en souviens.

M. Paul Molac. En effet !

M. Vincent Peillon, ministre. En adoptant ces dispositions nombreuses, nouvelles, importantes, nous allons aussi loin que nous pouvons le faire.

Je vous demande donc, mesdames, messieurs les députés, d’adopter l’article 27 bis dans des termes identiques à ceux du Sénat.

Pour finir, je vous indique que notre action n’est pas seulement verbale et qu’elle va se concrétiser de plusieurs manières. D’abord, nous augmenterons les postes au concours de recrutement pour les langues régionales, comme cela m’a été demandé après la baisse des dernières années. Ensuite, nous faciliterons la création des offices régionaux. Enfin, mon ministère accordera, à la rentrée prochaine, dix-huit postes d’enseignants aux établissements associatifs d’enseignement des langues régionales, soit exactement deux fois plus qu’à la dernière rentrée organisée par vos amis politiques, mesdames et messieurs de l’opposition. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

Mme la présidente. Nous en venons aux amendements à l’article 27 bis.

La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 1.

M. Marc Le Fur. La rédaction de l’article 27 bis telle qu’elle émane du Sénat est exactement la même que celle que j’avais proposée dans un de mes amendements en première lecture – les sénateurs ont sans doute été plus convaincants que moi, je m’en réjouis – mais il ne s’agit pas d’une reprise complète.

Ainsi l’article prévoit-il que : « L’enseignement facultatif de langue et culture régionales est proposé dans l’une des deux formes suivantes : 1° Un enseignement de la langue et de la culture régionales ; 2° Un enseignement bilingue en langue française et en langue régionale. ». Le problème est que la liste se veut exhaustive, alors qu’il existe une autre méthode à laquelle sont attachés des réseaux d’enseignement comme Diwan, celle de l’immersion, qui permet aux enfants d’apprendre la langue dans la vie quotidienne de l’école. Cette méthode communément pratiquée n’a rien de révolutionnaire ; ne pas l’intégrer dans la liste donnera l’impression que vous l’omettez délibérément, ce qui pourra être source de contentieux négatifs pour les réseaux associatifs.

Par cet amendement, je réaffirme la nécessité que la langue française soit parfaitement maîtrisée par les enfants, ce qui est d’ailleurs le cas puisque les établissements appartenant à ces réseaux enregistrent des succès considérables au bac, mais je réaffirme aussi la volonté de ces établissements de voir reconnues l’ensemble des méthodes d’enseignement, y compris la méthode par immersion. Même si elle est couramment pratiquée, il serait bon qu’elle soit institutionnalisée dans les textes.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, pour donner l’avis de la commission sur cet amendement.

M. Yves Durand, rapporteur de la commission des affaires culturelles et de l’éducation. Sur cet amendement comme sur les autres amendements déposés à l’article 27 bis, qui reposent sur la même philosophie, j’aurai le même avis : un avis défavorable.

Comme l’a souligné M. le ministre, un long travail a eu lieu dans notre assemblée puis au Sénat, un travail fructueux ainsi que M. Le Fur l’a lui-même reconnu puisqu’il a indiqué que le texte de cet article était presque le jumeau d’un amendement qu’il avait déposé en première lecture – et je l’en félicite.

Nous sommes parvenus avec nos amis sénateurs à un point d’équilibre, et il ne faudrait pas fragiliser cette position pleine de force en voulant aller, sinon plus loin, du moins ailleurs, d’autant qu’elle ne remet pas en cause les dispositions qui avaient émergé de la consultation elle-même.

J’invite donc l’ensemble des députés à s’unir pour préserver cet équilibre, de manière à marquer notre attachement aux langues régionales et aux moyens qui leur sont donnés.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Vincent Peillon, ministre. Même avis.

Mme la présidente. La parole est à M. Paul Molac.

M. Paul Molac. La rédaction de l’amendement fait problème car, trop souvent, par « enseignement à parité », on entend « parité horaire ». Or ce terme est contesté jusque par les écoles publiques qui l’emploient. Si nous l’inscrivons dans la loi, je crains qu’il ne fige toute évolution : cela ne rendrait pas service aux enseignants.

M. Marc Le Fur. C’est surtout par immersion, vous le savez très bien !

M. Paul Molac. Le terme « immersion » pose un autre problème car, même si les écoles associatives l’ont retenu, il est un peu ambigu : pour les pédagogues et les psycholinguistes, l’immersion signifie que l’on étudie une matière dans la langue régionale. Or les écoles associatives n’ont pas retenu la même définition. La situation est donc un peu compliquée, car les pratiques ne sont pas sécurisées.

Mme la présidente. La parole est à Mme Martine Faure.

Mme Martine Faure. Un mot, tout d’abord, concernant la paternité que revendique M. Le Fur : nous sommes nombreux à avoir travaillé sur ces textes avec vous – avant vous, après vous et en même temps que vous !

Par ailleurs, nous aurions pu examiner le texte ensemble si nous l’avions reçu votre amendement en temps et en heure. C’est la deuxième fois que vous procédez ainsi, car vous l’aviez déjà fait en première lecture ; je le regrette.

M. Marc Le Fur. C’est le droit d’amendement !

M. Patrick Hetzel. Le droit d’amendement est un droit fondamental ! Ce n’est pas un argument !

Mme Martine Faure. Enfin, je ne comprends pas la deuxième partie de votre phrase : « sans préjudice de l’objectif d’une pleine maîtrise de la langue française ». Cette formulation laisse entendre que l’enseignement des langues régionales risquerait d’entraver la maîtrise de la langue française. Je ne comprends donc vraiment pas la rédaction de cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Le Fur.

M. Marc Le Fur. L’expression « sans préjudice » a précisément pour but de démontrer que ces réseaux associatifs qui militent pour les différentes langues régionales, en particulier pour le breton, concourent également à l’apprentissage parfait de la langue française, avec des résultats qui étonnent même les pédagogues.

Cela étant, le mot qu’il faut mettre en avant est « immersion » : il s’agit d’une des méthodes pratiquées et admises, mais, comme vous ne la mentionnez pas, monsieur le ministre, vous posez un problème qui peut être source de contentieux !

Nous avons en effet des adversaires, même s’il semble que chacun ici soit d’accord pour encourager les langues régionales. Je me réjouis d’ailleurs de cette évolution : une certaine gauche jacobine est en train de disparaître, et c’est très bien ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Patrick Hetzel. Elle n’a pas totalement disparu !

M. Marc Le Fur. Il n’en demeure pas moins que le mot « immersion » doit figurer dans la loi pour être admis dans nos réseaux scolaires.

Cet attachement se manifeste pour Diwan, pour les Calendrettes, pour le monde basque, pour le monde corse, etc. L’ensemble des régions concernées y sont attentives.

Dès lors que l’on énumère les méthodes, il faut les citer toutes, car on donne, sinon, le sentiment que certaines méthodes, dont l’immersion, ne sont pas admises.

Je souhaite par conséquent, monsieur le ministre, que vous manifestiez très clairement votre soutien à la méthode dite de l’immersion, à laquelle une partie de nos compatriotes sont attachés.

Mme la présidente. La parole est à M. Paul Molac.

M. Paul Molac. Lorsqu’on évoque un enseignement « bilingue » sans autre précision, il n’est pas nécessaire de le définir.

M. Marc Le Fur. Alors qu’on le dise !

M. Paul Molac. Il existe plusieurs formes de pédagogies, et je crains qu’en définissant ce terme, on n’aboutisse à figer la situation, comme souvent quand on veut trop bien faire.

De plus, chacun n’entend pas forcément un terme de la même façon. Je ne sais pas quelle serait l’interprétation du Conseil d’État de l’immersion, mais j’aime autant ne pas la lui demander ! (Sourires.)

(L’amendement n° 1 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 2.

M. Marc Le Fur. Je serai bref sur cet amendement, qui a pour objet de préciser que la langue régionale est une matière enseignée dans le cadre de l’horaire normal des écoles maternelles, élémentaires et secondaires, et non un enseignement qui serait simplement toléré, assuré à des heures compliquées, marginalisé.

Cela est tout à fait admis, et je crois que telle est également votre logique : je ne vois donc pas la raison pour laquelle cet amendement pourrait être refusé.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Yves Durand, rapporteur. Défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Vincent Peillon, ministre. Défavorable.

M. Marc Le Fur. Pour quelles raisons ?

Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Hetzel.

M. Patrick Hetzel. Nous sommes exactement dans la même situation qu’hier : le rapporteur et le ministre ne nous donnent aucun argument pour justifier leur avis défavorable.

Nous ne demandons pas mieux que de débattre ; or, de toute évidence, vous refusez de débattre dans cet hémicycle. C’était déjà le cas lors de la première lecture, ce fut le cas également hier, et aujourd’hui il y a récidive !

C’est véritablement faire preuve de mépris envers le Parlement, ou du moins envers l’opposition. Je trouve que cela augure mal de la manière dont nous allons poursuivre ces débats.

(L’amendement n° 2 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements, nos 4 et 395, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 4.

M. Marc Le Fur. Il est défendu.

Je ne comprends toutefois pas très bien la position du ministre sur l’amendement précédent. À défaut de précision, ma crainte est que l’on enregistre la réponse suivante : l’enseignement de la langue régionale ne fait pas partie de l’horaire normal, la langue régionale n’entre pas dans la pédagogie normale. Elle reste donc à la marge, à la porte, et relève du régime de la tolérance et non du droit.

C’est de cette situation que nous voulons sortir, afin d’accéder à un régime de droit objectif pour les parents qui souhaitent ce type d’enseignement pour leurs enfants.

Je regrette cette position attentiste, et je crains que l’on en revienne à la logique entendue en première lecture à l’Assemblée nationale. Il m’avait pourtant semblé, monsieur le ministre, que, lors du vote au Sénat et à l’écoute de divers responsables, vous aviez évolué.

Mme la présidente. La parole est à M. Paul Molac, pour soutenir l’amendement n° 395.

M. Paul Molac. Avec l’article 27 bis, nous sommes allés aussi loin que possible compte tenu de la Constitution, telle qu’elle est non pas rédigée, mais interprétée.

Ainsi, le Conseil d’État a jugé que l’on ne pouvait pas consacrer plus de 50 % du temps à l’enseignement d’une langue régionale au cours d’une année. Je n’ai pas souvenir que le Conseil d’État soit composé de pédagogues.

M. Patrick Hetzel. C’est le moins que l’on puisse dire !

M. Mathieu Hanotin. La Cour des comptes non plus !

M. Paul Molac. Laissons donc aux pédagogues le soin de régler ces questions, car cela revient à porter un jugement de type juridique sur une méthode pédagogique ; je dois avouer que cela m’a un peu surpris. On ne peut donc pas aller beaucoup plus loin que ne le fait le texte.

J’ai appris que François Hollande avait décidé de ne pas faire ratifier la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires. Je pose donc la question suivante à nos amis de l’UMP : comme vous le savez, nous ne pouvons obtenir la majorité des trois cinquièmes qu’avec elle ; quelle sera donc l’attitude de l’UMP ? Vous pouvez parfaitement dire à François Hollande que vous voterez pour la ratification de cette Charte ;…

M. Vincent Peillon, ministre. Ainsi que pour toutes les autres réformes constitutionnelles !

M. Paul Molac. …nous n’aurons alors plus de problème pour ratifier la Charte ! En réalité, le frein se situe plutôt du côté de l’UMP que du côté de la gauche.

Par ailleurs, j’attire votre attention – notamment celle des députés alsaciens – sur l’expérience malheureuse menée en Alsace : la parité horaire est passée de douze heures à huit heures sous la précédente législature. Cela ne va pas dans le bon sens.

Vous savez en effet tous les problèmes que cela pose. Ainsi, de nombreux transfrontaliers travaillent de l’autre côté de la frontière, en Suisse ou en Allemagne. Or, aujourd’hui, beaucoup ne sont plus embauchés parce qu’ils ne sont plus capables de parler allemand, alors qu’auparavant ils pratiquaient leur dialecte et parvenaient ainsi à se faire embaucher dans ces deux pays. Cette question est donc particulièrement importante.

De mauvais signaux ont été envoyés sous la précédente législature. Nous devons parvenir à un autre résultat : la balle est dans votre camp concernant la réforme de la Constitution.

M. Marc Le Fur. Nous ne sommes pas au pouvoir !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Yves Durand, rapporteur. Dans le cadre de l’équilibre trouvé avec le Sénat, j’émets un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Vincent Peillon, ministre. Défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Marc.

M. Alain Marc. Il est absolument effarant d’entendre les propos de M. Molac : je n’ai pas le souvenir que, lorsqu’il s’est agi d’intégrer l’article 75-1 dans la Constitution, la gauche ait voté avec la droite, à l’exception de M. Jack Lang. Les mauvais signaux venaient donc aussi du côté de la gauche !

Ne nous donnez pas de leçon, car nous n’avons pas à en recevoir sur ce point.

Mme Martine Faure. Du calme !

M. Alain Marc. Nous n’avons aucune leçon à recevoir !

(L’amendement n° 4 n’est pas adopté.)

(L’amendement n° 395 est retiré.)

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 3 rectifié.

M. Marc Le Fur. Je souhaite évoquer l’une des difficultés majeures pour l’enseignement des langues régionales, et en particulier pour le réseau associatif.

Vous savez qu’aujourd’hui une école ne peut contracter avec l’État, et donc bénéficier de financements publics, qu’au bout de cinq ans d’existence.

On peut parfaitement comprendre ce système des cinq ans : l’école n’existant pas encore, l’État doit donc apprendre à la connaître. Ce raisonnement ne vaut pas lorsqu’il s’agit d’une école appartenant à un réseau. Une école Diwan qui se crée en Bretagne ou en Loire-Atlantique – historiquement bretonne – appartient à un réseau connu. Il n’est donc pas nécessaire d’attendre pendant cinq ans : il est parfaitement envisageable de la reconnaître très rapidement.

En effet, cette attente constitue un véritable obstacle financier pour ces écoles. Pendant les cinq années de montée en puissance, aucun financement public n’est possible ; seuls les dons des parents permettent le financement des enseignants.

Cela est très important pour le monde flamand et pour l’ensemble des réseaux associatifs ; c’est pourquoi nous souhaitons mettre un terme à cette contrainte des cinq ans, à la condition qu’il existe un réseau lui-même connu – c’est logique.

Cela marchera pour les langues régionales, et nous ferions ainsi œuvre utile, car nous assurerions non seulement le maintien de ce qui existe, mais également le développement attendu par nombre de familles qui aspirent à offrir ce type de pédagogie à leurs enfants.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Yves Durand, rapporteur. Nous avons déjà eu longuement ce débat en première lecture : mêmes arguments, même avis défavorable.

(L’amendement n° 3 rectifié, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. Patrick Hetzel. Les forces de progrès ne sont pas là où on l’imagine !

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 5.

M. Marc Le Fur. Je regrette l’absence de bonne volonté de la part de notre rapporteur et du Gouvernement. On nous parle d’équilibre : certes ! Mais il se crée en moyenne une école Diwan tous les ans ou tous les deux ans ; or pendant cinq ans, cette école sera portée par des bénévoles, par les autres écoles qui vont se mobiliser, cotiser, faire des fest-noz, comme on dit chez nous, pour permettre le développement de ce type d’écoles.

M. Thomas Thévenoud. Nous ne sommes pas au Parlement de Bretagne ! Nous sommes au Parlement français !

M. Marc Le Fur. Vous souriez, monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, mais pour les parents c’est une chose sérieuse ! Je comprends parfaitement que vous soyez un peu moqueurs, mais je crois que c’est déplacé !

Mme la présidente. Monsieur Le Fur, revenons à l’amendement n° 5 !

M. Marc Le Fur. Il concerne l’enseignement supérieur. Il s’agit d’un amendement de principe, et chacun conviendra qu’il ne mange guère de pain : voilà la raison pour laquelle je le défends.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Yves Durand, rapporteur. Sans aucune moquerie : avis défavorable.

(L’amendement n° 5, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. Marc Le Fur. Sans aucune explication !

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 6.

M. Marc Le Fur. Chacun sait qu’il existe dans le secteur public un réseau relevant de votre ministère, monsieur le ministre, et un autre relevant du monde agricole et du monde maritime, qui à ce titre obéit à un autre code et à d’autres règles.

Il s’agit de décalquer ce que vous autorisez dans votre ministère pour l’appliquer à l’enseignement agricole et maritime.

Je ne vois pas très bien comment on peut refuser ce type d’amendement, dont la cohérence est absolue et qui concerne des effectifs limités. Que cette rédaction n’ait pas été adoptée initialement relève certainement de l’oubli. Je propose donc que l’enseignement agricole et l’enseignement maritime puissent bénéficier des mêmes avancées que celles évoquées pour l’enseignement public en matière de langues régionales.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Yves Durand, rapporteur. Défavorable, par cohérence avec le code de l’éducation.

M. Marc Le Fur. Vous ne nous donnez aucune explication !

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Vincent Peillon, ministre. Cette comédie peut durer encore un moment. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Patrick Hetzel. Nous ne considérons pas qu’il s’agisse d’une comédie !

M. Vincent Peillon, ministre. L’avis du Gouvernement se justifie par le respect du travail parlementaire.

Martine Faure a évoqué les conditions dans lesquelles s’est déroulée la discussion en première lecture. Des amendements ont été déposés en séance, à titre personnel. C’est un droit que vous avez et c’est une pratique à laquelle vous vous livrez. Ces amendements n’ont pas fait l’objet d’un débat avec d’autres parlementaires qui ont le même souci que vous des langues régionales. D’ailleurs, notre majorité porte une grande attention à ce sujet, dans les actes législatifs et pratiques et pas seulement dans les discours.

M. Marc Le Fur. Allez au bout de ces actes !

M. Vincent Peillon, ministre. Peut-être voulez-vous vous affranchir totalement du travail qui a été accompli, depuis un mois et demi, entre sénateurs et députés, et vous l’avez déjà montré. En tout cas, nous, nous respectons ce travail parlementaire qui a été exemplaire et a permis des avancées importantes, que vous avez vous-même saluées dans votre propos liminaire, en matière de défense des langues régionales. Si tel est votre véritable souci, vous exposerez vos amendements, mais vous nous permettrez de rester cohérents et respectueux du travail des parlementaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Hetzel.

M. Patrick Hetzel. Monsieur le ministre, votre argumentation est tout à fait surprenante. Notre système est bicamériste. Ainsi, après avoir été examiné par l’Assemblée, un texte l’est par le Sénat avant de revenir ici en deuxième lecture.

Vous semblez considérer qu’il n’est plus possible d’amender le texte dès lors qu’il nous revient du Sénat. Dans ce cas, on serait effectivement dans une comédie, mais c’est vous qui la mettez en scène. C’est scandaleux car, je le répète, le droit d’amendement existe pour les parlementaires.

M. Vincent Peillon, ministre. Exercez votre droit !

M. Patrick Hetzel. Comme l’a indiqué Marc Le Fur, un grand nombre de parlementaires ont signé ces amendements et nous souhaitons que ce travail soit respecté.

Vous avez raison de rappeler qu’il est important de respecter le travail du Sénat, mais notre travail, qui s’inscrit justement dans la poursuite et la reprise des avancées effectuées par le Sénat, doit l’être tout autant.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Yves Durand, rapporteur. Après M. le ministre, je veux expliquer mon attitude, qui n’a rien d’irrespectueuse à votre égard, chers collègues de l’opposition.

Je suis étonné que ces amendements, qui ne sont pas nouveaux et que nous avons déjà discutés en première lecture, n’aient pas été déposés en deuxième lecture, en commission. Nous aurions pu avoir un débat de fond et démontrer en quoi l’accord intervenu avec le Sénat établit les langues régionales dans ce texte de loi.

C’est pourquoi je donne systématiquement un avis défavorable sur ces amendements et continuerai à le faire.

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Le Fur.

M. Marc Le Fur. Monsieur le rapporteur, ce n’est pas une découverte : j’ai déjà défendu cet amendement en première lecture. Vous l’aviez refusé alors, mais vous étiez cohérent puisque vous refusiez tout. Depuis est intervenue une évolution au Sénat, que je veux bien saluer si cela peut vous faire plaisir, et qui concerne l’enseignement dispensé par les établissements publics de l’Éducation nationale. Vous allez donc créer une distorsion bizarre entre l’Éducation nationale où des choses pourront être faites, et l’enseignement agricole et maritime où ce ne sera pas possible. Il n’y a aucune logique.

Je vous propose, au nom de la cohérence que vous avez fait vôtre au Sénat, d’aller au bout de cette cohérence en l’appliquant aux autres formes de l’enseignement public, c’est-à-dire à l’enseignement agricole et maritime. Ma démonstration est on ne peut plus correcte.

Mme la présidente. La parole est à Mme Isabelle Le Callennec.

Mme Isabelle Le Callennec. Monsieur le rapporteur, j’aimerais comprendre votre réponse. Vous avez donné un avis défavorable en évoquant la cohérence avec le code de l’éducation. Or, dans l’amendement de M. Le Fur, il est question du code rural et de la pêche maritime, pour les raisons qu’il vient d’invoquer. Même si cette question a déjà été abordée en première lecture, vous devez nous donner une réponse compréhensible. Je ne comprends pas pourquoi vous nous parlez du code de l’éducation alors qu’il s’agit du code rural et de la pêche maritime.

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Marc.

M. Alain Marc. Si je comprends bien, il y aura une discrimination entre les élèves de l’Éducation nationale et les autres. Certains auront droit à une sensibilisation aux langues régionales, tandis que les autres n’y auront pas droit. Si c’est votre conception, en tout cas ce n’est pas la nôtre. Nous tenons à ce que tous les enfants de la République puissent bénéficier des mêmes actions éducatives, dont celle-ci.

(L’amendement n° 6 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 7.

M. Marc Le Fur. Quand un amendement est déclaré irrecevable au titre de l’article 40 de la Constitution, le député qui souhaite que sa question soit abordée demande que le Gouvernement remette un rapport au Parlement. Si cette formule surprend l’opinion, elle permet d’aborder un sujet important et de dire que l’on attend des comptes du Gouvernement.

De façon analogue, l’amendement n° 7 prévoit qu’un rapport sur l’enseignement des langues régionales dans les écoles maternelles ou classes enfantines sera remis chaque année au Parlement.

Par cet amendement, nous souhaitons réaffirmer l’importance de l’école maternelle et des langues régionales. Dans les régions que je connais bien, on constate un développement important de l’enseignement des langues régionales. L’adoption de l’amendement montrerait votre volonté de ne pas exclure de l’évolution que vous prétendez défendre les écoles maternelles ou classes enfantines.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Yves Durand, rapporteur. Défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Vincent Peillon, ministre. Même avis.

M. Marc Le Fur. Vous ne nous donnez aucune explication !

Mme Isabelle Le Callennec. C’est incroyable !

(L’amendement n° 7 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 8.

M. Marc Le Fur. J’ai du mal à comprendre le ministre et le rapporteur. Nous sommes ici pour argumenter.

M. Patrick Hetzel. Ils ne donnent aucun argument de fond ! C’est la vacuité totale !

M. Marc Le Fur. On peut ne pas être d’accord, mais encore faut-il dire pourquoi. Or vous jouez au « Monsieur Niet » éternel.

Monsieur le rapporteur, soit vous êtes contre les langues régionales – j’ose espérer que ce n’est pas le cas –, soit vous estimez que nos arguments ne sont pas pertinents. Mais à ce moment-là, il faut le dire et argumenter. Or je n’entends aucun développement.

L’amendement n° 8 prévoit que le Gouvernement remet chaque année au Parlement un rapport relatif au recrutement des personnels de l’enseignement en langues ou des langues et cultures régionales.

Vous savez que la Bretagne compte deux langues régionales, le breton et le gallo, cette dernière étant une langue d’oïl parlée dans des régions chères à Isabelle Le Callennec. En la matière, se pose un important problème de recrutement puisque si un certain nombre de personnes sont dans les cadres et pourraient apporter leurs compétences, elles sont parfois retenues à d’autres tâches.

Monsieur le ministre, même si votre réponse doit être brève, je souhaiterais qu’elle soit précise et que vous nous indiquiez votre volonté de faire en sorte que ce type de langues puisse bénéficier de recrutements de personnels adéquats.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Yves Durand, rapporteur. Défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Vincent Peillon, ministre. Même avis.

Mme la présidente. La parole est à Mme Isabelle Le Callennec.

Mme Isabelle Le Callennec. Monsieur le ministre, rassurez-nous : je suppose que vous disposez d’un rapport annuel relatif au recrutement, à la formation et à la gestion des personnels de l’enseignement en langues ou des langues et cultures régionales. Je ne vois pas ce que cela pourrait vous coûter de le transmettre à la représentation nationale.

Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Hetzel.

M. Patrick Hetzel. Je m’étonne à nouveau qu’il n’y ait aucune contre-argumentation. On peut très bien admettre que la majorité ait un avis différent du nôtre, mais la moindre des choses, dans une démocratie parlementaire, c’est de connaître les raisons qui justifient cet avis défavorable. Or aucun argument ne nous est opposé, ce qui est surprenant. Cela ne grandit pas le Gouvernement.

(L’amendement n° 8 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 9.

M. Marc Le Fur. Cet amendement pose une question assez singulière, que certains vont peut-être découvrir : celle de l’offre d’enseignement disponible en Île-de-France en langues régionales.

En Île-de-France affluent, hélas ! pour des raisons professionnelles, un certain nombre de nos compatriotes qui viennent des régions périphériques. Malgré tout, ils souhaitent maintenir leur langue régionale, et ils y parviennent. Il y a quelque temps, je me suis rendu dans une école Diwan, dans le 15e arrondissement de Paris. Notre collègue Philippe Goujon, maire de cet arrondissement, a contribué à cette réalisation exemplaire qui délivre un enseignement de qualité. Il faut que vous sachiez qu’il y a une liste d’attente pour intégrer cette école.

Je précise que la langue enseignée doit être une langue reconnue comme traditionnellement pratiquée dans un territoire de la France métropolitaine ou d’outre-mer, de façon qu’il n’y ait pas de problème par rapport à d’autres langues issues de l’immigration. C’est un autre sujet, sur lequel je ne me prononcerai pas.

En tout état de cause, nous devons exprimer une volonté. Je sais que la ville de Paris s’était fait plus que prier pour aider l’école Diwan. En tout cas, notre collègue Philippe Goujon avait fait le nécessaire. Mais il y a d’autres demandes.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Patrick Hetzel. M. le rapporteur se lève, ce qui signifie qu’il est inspiré !

M. Yves Durand, rapporteur. Monsieur Hetzel, nous sommes au Parlement, pas dans une cour de récréation !

Nous avons évité le pire car, avec l’immense talent qu’on lui connaît, M. Le Fur aurait pu nous présenter un amendement sur la Bourgogne, un autre sur la région PACA, un autre encore sur l’Aquitaine, etc. On voit donc quel est le but de cet amendement. Aussi émets-je un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Vincent Peillon, ministre. Défavorable, tout en remerciant M. Le Fur de nous avoir épargnés ! (Sourires.)

(L’amendement n° 9 n’est pas adopté.)

(L’article 27 bis est adopté.)

7

Ordre du jour de la prochaine séance

Mme la présidente. Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

Suite de la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République ;

Deuxième lecture du projet de loi de séparation et de régulation des activités bancaires.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures quinze.)