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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2012-2013

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du lundi 24 juin 2013

SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE

SOMMAIRE


Présidence de M. Denis Baupin

1. Consommation

Suite de la discussion d'un projet de loi

Motion de renvoi en commission

Mme Catherine Vautrin

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques, M. Benoît Hamon, ministre délégué chargé de l’économie sociale et solidaire et de la consommation, Mme Frédérique Massat, M. Damien Abad, M. Thierry Benoit, Mme Brigitte Allain, Mme Jeanine Dubié, M. André Chassaigne, Mme Anne Grommerch, M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques

Discussion générale

Mme Michèle Bonneton

Mme Jeanine Dubié

M. André Chassaigne

M. Frédéric Barbier

M. Damien Abad

M. Thierry Benoit

Mme Brigitte Allain

M. Gabriel Serville

Mme Pascale Got

M. Luc Chatel

M. Jean-Christophe Lagarde

Mme Marion Maréchal-Le Pen

2. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Denis Baupin
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

1

Consommation

Suite de la discussion d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi relatif à la consommation (nos 1015, 1156, 1116, 1110, 1123).

Le temps de parole restant pour la discussion de ce texte est de huit heures vingt pour le groupe SRC, douze heures vingt-cinq pour le groupe UMP, trois heures trente-cinq pour le groupe UDI, une heure cinquante-cinq pour le groupe écologiste, une heure cinquante-cinq pour le groupe RRDP, une heure cinquante pour le groupe GDR et quarante minutes pour les députés non inscrits.

Motion de renvoi en commission

M. le président. J’ai reçu de M. Christian Jacob et des membres du groupe de l’Union pour un mouvement populaire une motion de renvoi en commission déposée en application de l’article 91, alinéa 6, du règlement.

La parole est à Mme Catherine Vautrin.

Mme Catherine Vautrin. Ce texte intervient à un moment particulièrement important puisque nous venons de battre un triste record. Pour la première fois depuis trente ans, le pouvoir d’achat de nos concitoyens baisse de 0,9 % en moyenne, tandis que, compte tenu de la croissance de la population, le pouvoir d’achat individuel se replie de 1,5 %.

C’est la deuxième plus forte baisse depuis les années 1950.

Cette crise a plusieurs causes : la crise que nous traversons et qui frappe durement toutes les strates de la société, des entreprises aux ménages, mais également les choix faits par votre majorité.

Les entreprises font ce douloureux constat : douze nouvelles taxes en douze mois, dont certaines ont eu un effet immédiat sur la consommation et le pouvoir d’achat. La fiscalisation des heures supplémentaires a fait perdre à plus de 8 millions de salariés 500 euros par an en moyenne. L’augmentation de 160 % de la fiscalité sur la bière a touché tous les acteurs au 1er janvier 2013, générant pour les consommateurs une hausse de près de 14 % du prix en supermarché et de plus de sept centimes au comptoir.

Demain, vous envisagez de vous attaquer à ceux dont le pouvoir d’achat n’est pas toujours aussi élevé qu’on veut bien l’entendre : les retraités. Et j’oubliais les dispositifs du printemps, censés relancer la compétitivité et dont, outre qu’ils n’ont pas fait leurs preuves, le financement reste incertain : j’ai nommé bien évidemment le crédit d’impôt compétitivité emploi.

Bref, ce contexte, loin de favoriser le développement du commerce, génère de nombreuses difficultés. Les chiffres sont particulièrement clairs : le taux d’effort des commerçants, c’est-à-dire le rapport entre le loyer et les charges sur le chiffre d’affaires, a augmenté pour représenter aujourd’hui jusqu’à 15 % de leur chiffre d’affaires, ce qui réduit d’autant les marges, et donc le pouvoir d’achat des commerçants, voire génère une hausse des prix pour les consommateurs.

Quant aux loyers commerciaux, la ministre du commerce s’était engagée à réfléchir au caractère obligatoire de leur indice, mais à ce jour, tels sœur Anne, nous attendons encore !

C’est dire, monsieur le ministre, si votre projet de loi était attendu, non seulement par les professionnels mais aussi, je vous en fais la confidence, par les parlementaires.

Après avoir consacré quasiment toute la session ordinaire – en siégeant, soit dit en passant, du lundi au vendredi – à des textes totalement déconnectés de la réalité, nous espérions enfin parler économie, consommation, voire relance de l’initiative économique.

M. Marc Le Fur. C’est bien vrai.

Mme Catherine Vautrin. C’est dire si, vraiment, c’est un plaisir que d’être là à étudier ce texte.

M. Damien Abad. Il était temps !

Mme Catherine Vautrin. Malheureusement, la déception est à la hauteur de nos attentes. Vous nous proposez un texte bavard de soixante-treize articles, dont plus de la moitié créent de nouvelles sanctions pour les entreprises.

Peu normatif, ce texte est de surcroît mal nommé car il ne permettra pas de relancer la consommation : au contraire, il complexifie et alourdit les procédures. Loin de lutter contre les formes de déséquilibre dans les relations commerciales, il renforce la suspicion et la méfiance. Il continue à générer de l’impôt papier qui pourtant, selon l’OCDE, nous coûte déjà quatre à cinq points de PIB. Votre texte ne fera qu’alourdir encore la facture.

Où est donc le choc de simplification promis par votre majorité et le Gouvernement, monsieur le ministre ?

M. Damien Abad. Ce serait plutôt un choc de complexification !

Mme Catherine Vautrin. Alors que les entreprises demandent de l’air, des assouplissements, des allégements de charges, que le consommateur en est de plus en plus réduit à faire des arbitrages et attend avec impatience de retrouver un peu de pouvoir d’achat, vous n’apportez aucune réponse concrète. Fidèle à la stratégie d’opacité qui va finir par caractériser ce gouvernement, vous ne nous avez même pas remis l’avis du Conseil d’État.

Certaines dispositions de votre projet peuvent de surcroît conduire au résultat inverse de l’objectif recherché.

Il en va ainsi de celles relatives aux actions de groupe, prévues au chapitre 1er.

Chacun ici, sans doute encore plus à ma gauche qu’à ma droite, se souvient des promesses du candidat Hollande qui déclarait que face à la puissance des groupes industriels, financiers ou commerciaux, notamment en matière de consommation, d’environnement, de santé publique, de concurrence ou de construction, l’action de groupe devait renforcer les droits des citoyens.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Les assurances !

Mme Catherine Vautrin. J’ai cité la phrase in extenso, monsieur le président Brottes. Vous aurez remarqué, vous qui êtes un fin observateur de la vie politique, que le compte n’y est pas.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. L’histoire commence !

Mme Catherine Vautrin. Si je voulais être gentille, je dirais que la version que vous nous proposez est très allégée. En étant un peu plus incisive, je la qualifierais de reniement.

Ce n’est pas parce que le droit de la consommation est l’un des premiers domaines dans lequel le besoin d’une action collective se fait sentir, je vous l’accorde monsieur le ministre, que l’on doit l’y enfermer, surtout s’il en résulte une action de groupe inefficace, inopérante et qui, dans ses modalités, contrevient à la liberté fondamentale d’association et de libre choix de son conseil.

M. Damien Abad. Exactement !

Mme Catherine Vautrin. Vous avez souhaité réserver aux associations de consommateurs le monopole de l’action de groupe afin, pour reprendre les propos du ministre de l’économie et des finances, d’« éviter la dérive jurisprudentielle ». Mais les juristes sont unanimes : notre droit et le code de procédure civile ne permettent pas cette dérive. Contrairement aux États-Unis, nous n’avons ni jury populaire, ni dommage punitif, ni encore de quota litis.

Votre majorité ne fait-elle pas assez confiance à notre système judiciaire et à l’expertise de ses acteurs, pour présenter un projet si peu ambitieux ?

Par ailleurs, l’obligation d’adhérer à ces associations ne porte-t-elle pas atteinte au principe de liberté d’association ? Nous proposerons que les consommateurs puissent se constituer librement en association afin de défendre leurs intérêts par le biais, notamment, du conseil de leur choix.

Dans votre système, seules quelques juridictions clairement identifiées auront une compétence spécifique dans ce domaine. Si l’on peut entendre que le droit de la consommation et de la concurrence nécessite le développement d’une juridiction spécialisée en raison de la spécificité des sujets, l’effet de cette disposition est limité car vous n’allez pas au bout de la démarche.

Dès lors que vous autorisez la saisine de plusieurs tribunaux par différentes associations, vous générez une situation potentiellement contraire à l’intérêt des consommateurs. Supposons par exemple que trois associations saisissent trois tribunaux de grande instance, au hasard Bordeaux, Marseille et Reims.

M. Razzy Hammadi, rapporteur de la commission des affaires économiques. Au hasard !

Mme Catherine Vautrin. À Bordeaux et à Reims, les parties renoncent à interjeter appel. À Marseille, un appel est formé et, finalement l’association gagne.

Cette décision, d’après votre texte, pourra bénéficier à tous les consommateurs se faisant connaître après la décision, favorisant par là même les consommateurs dormants. En revanche, les entreprises ne pourront pas déterminer les conséquences de la procédure et les consommateurs qui ont renoncé à faire appel ne bénéficieront pas de l’indemnisation.

M. Damien Abad. Elle a raison.

Mme Catherine Vautrin. Voilà clairement l’une des limites de votre texte, que nous mettrons en évidence tout au long de nos débats.

M. Marc Le Fur. Tout à fait.

Mme Catherine Vautrin. Ce choix – ou absence de choix – relatif à l’organisation de la procédure d’indemnisation fait planer de grands doutes sur l’efficacité de cette procédure.

Il s’agit là encore d’une limite au monopole des associations de consommateurs, car celles-ci n’ont pas les moyens, humains ou financiers, d’assumer la charge de cette phase de la procédure. À quoi bon une action de groupe si le consommateur ne peut pas recevoir son indemnisation, ou si l’association décide de ne pas poursuivre car elle estime que le rapport entre les charges et l’indemnisation est trop faible ?

M. Lionel Tardy. Çà…

Mme Catherine Vautrin. Voilà autant de questions sur lesquelles nous n’avons pas de réponses.

La création d’un fichier positif ou registre national des crédits serait, dites-vous, une autre mesure phare de votre texte. Elle arrive par simple amendement du Gouvernement, et sans que nous ayons pu connaître les remarques du Conseil d’État. Votre majorité ne souhaite pas communiquer l’avis du Conseil, peut-être pour ne pas donner à l’opposition la confirmation des craintes qui sont les siennes. Par ailleurs cette proposition, se faisant par voie d’amendement, n’est pas accompagnée d’une étude d’impact.

Dès lors, de nombreuses questions restent sans réponse. Quel sera, ainsi, le coût de l’instauration de ce fichier ? Qui va le payer ? Quelle sera la procédure de contrôle de l’utilisation des données ?

Par ailleurs, force est de constater que dans les pays où ce type de fichier existe, il n’a pas fait preuve de sa capacité à prévenir le surendettement. Ainsi, en Belgique, les dossiers de surendettement ont augmenté de 70 % dans les années qui ont suivi la création d’une centrale des crédits aux particuliers. La copie que vous nous proposez tend à créer un fichier intrinsèquement inefficace, qui ne liste pas l’ensemble des crédits puisque ne seront concernés que les crédits à la consommation et non, par exemple, les crédits immobiliers.

M. Lionel Tardy. Il les liste trop tard.

Mme Catherine Vautrin. Par conséquent, lors de la souscription d’un crédit à la consommation, le prêteur ne saura pas quel est l’état exact de l’endettement de la personne qui emprunte.

M. Lionel Tardy. Encore un truc qui ne sert à rien.

Mme Catherine Vautrin. Quant à la mise à jour des données, elle ne sera réalisée qu’une fois par mois, ce qui n’empêchera aucunement un consommateur de contracter le même jour plusieurs crédits à la consommation.

M. Lionel Tardy. Tout à fait.

Mme Catherine Vautrin. Selon la Banque de France, dans neuf cas sur dix, la cause du surendettement n’est pas liée à un recours excessif au crédit mais à une baisse de revenus provoquée par un accident de la vie : chômage, divorce, santé.

Dans le cadre de l’établissement de mesures concrètes au bénéfice des consommateurs, la majorité aurait été mieux inspirée de mener une véritable politique d’éducation au crédit.

Il y avait eu une première approche, avec la loi Lagarde de 2010 portant réforme du crédit à la consommation. La majorité actuelle avait voté contre à l’époque.

Plusieurs députés du groupe UMP. Eh oui !

Mme Catherine Vautrin. Cette loi a pourtant apporté quelques avancées saluées par l’ensemble des acteurs.

Après deux ans d’application, il aurait sans doute été judicieux de faire un bilan – il n’y en a pas eu – et peut-être de faire évoluer les dispositifs. Mais, suivant une démarche plus démagogique, vous avez préféré créer un dispositif probablement coûteux – tellement que vous n’en communiquez pas le prix ! – plutôt qu’améliorer un système efficace mis en place par l’ancienne majorité. Dommage pour les consommateurs !

M. Razzy Hammadi, rapporteur. Elle a été faite, cette évaluation !

Mme Catherine Vautrin. Pour autant, il y a quelques domaines sur lesquels nous pouvons nous retrouver – et même sur lesquels nous sommes heureux, fort immodestement, d’avoir sans doute un peu inspiré votre majorité.

M. Lionel Tardy. Beaucoup !

M. Damien Abad. Ils ont fait du plagiat !

Mme Catherine Vautrin. De manière très concrète, nous proposons d’améliorer l’information des consommateurs en matière de transports aériens.

Lorsqu’un passager renonce à un vol et que le titre de transport n’est plus valable, c’est-à-dire qu’il ne voyagera pas, le transporteur aérien a l’obligation de l’informer qu’il peut bénéficier du remboursement des taxes et redevances individualisées attachées au billet – ce qui ne se passe quasiment jamais.

Il semble que le Gouvernement ait entendu notre remarque. Nous attendons donc avec beaucoup d’impatience de voir la majorité voter unanimement cette disposition. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Razzy Hammadi, rapporteur. Ce n’est pas encore le cas !

Mme Catherine Vautrin. Dans le domaine des assurances, la reprise par le rapporteur, par voie d’amendement, d’une proposition que j’avais déposée en janvier, cosignée par plus d’une centaine de collègues, nous interpelle également.

L’amendement du rapporteur est un premier pas vers l’adoption d’un principe à mon sens absolument fondamental : la liberté de choix pour les consommateurs du professionnel avec lequel ils s’engagent. Cela semble être de bon sens et c’est un élément auquel nous étions très attachés car depuis de nombreuses années, les assurances et les mutuelles développent des réseaux de professionnels agréés vers lesquels elles dirigent de façon très autoritaire les consommateurs.

L’impact négatif de ce type de pratique est immédiat sur les commerces de proximité, notamment dans les territoires ruraux. Nous avons tous recueilli des témoignages de citoyens auxquels on demande, pour faire réparer leur véhicule, de faire trente ou quarante kilomètres pour aller chez un garagiste agréé alors qu’un garage existe à quelques kilomètres, qui est souvent celui qui fait l’entretien de la voiture en question.

Pour cela, les assurances et les mutuelles rivalisent d’arguments commerciaux : avance des frais, véhicule de remplacement… Cette pratique entretient une forme de concurrence déloyale entre les acteurs, à la défaveur des garagistes indépendants et de l’aménagement du territoire.

L’amendement que nous présenterons va plus loin que celui du rapporteur, adopté en commission, et nous espérons que vous nous suivrez sur ce sujet car il permet de couvrir l’ensemble des situations concernées, qu’il s’agisse des garagistes ou des opticiens, autant de domaines dans lesquels le consommateur a besoin d’être accompagné.

Votre texte, monsieur le ministre, prévoit également d’introduire une possibilité de résiliation infra-annuelle pour les contrats d’assurance.

Sur le principe, renforcer la concurrence entre les organismes d’assurance au profit d’une meilleure offre pour les consommateurs nous semble cohérent avec la volonté de renforcer le pouvoir d’achat des consommateurs. Mais, là encore, votre disposition nous interpelle et laisse planer de nombreuses incertitudes. En effet, les attestations de responsabilité civile ou d’assurance multirisque habitation sont annuelles. Or, elles sont requises pour de nombreuses opérations de la vie courante, telles que la pratique d’un sport, la location d’un logement, l’inscription à l’école des enfants… Comment garantir leur validité pour l’année avec un système de résiliation infra-annuelle ?

M. Razzy Hammadi, rapporteur. De la même façon !

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Il ne faut pas voir le mal partout, madame Vautrin…

Mme Catherine Vautrin. Comment garantir que cette attestation est toujours valable ? Sera-t-il obligatoire de fournir une attestation mensuelle ?

Quand votre texte demande à un assuré de fournir une attestation nouvelle de MRH ou de MRA, il convient de préciser que ce n’est pas une simple note de couverture, qui n’est valable que quatre semaines, mais bien un nouveau contrat annuel. Faute de quoi, il y a un risque réel de voir des consommateurs rouler sans couverture. Il y a suffisamment d’automobilistes qui roulent aujourd’hui sans assurance, ce n’est pas la peine d’en rajouter !

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Jusqu’à présent, cette intervention ne se passait pas trop mal, mais là…

Mme Catherine Vautrin. Monsieur Brottes, laissez-moi aller jusqu’au bout, si vous le voulez bien ! Oh, pardon, je ne préside pas ce soir… (Sourires.)

Par ailleurs, une conséquence pernicieuse existe dans ce système dont vous n’avez pas forcément mesuré les conséquences économiques.

Il existe aujourd’hui de nombreux sites de comparateurs d’assurance permettant aux consommateurs de rechercher l’offre qui pourrait le mieux leur convenir. Demain, avec un système de résiliation infra-annuelle, le grand gagnant de cette situation risque d’être Google, monsieur le ministre, et je suis certaine que ce n’est pas ce que vous voulez.

D’ailleurs, le marché allemand de l’assurance auto s’apprête à voir apparaître, après l’été, un nouveau comparateur, à côté des cinq principaux existants. Et pas n’importe lequel : le comparateur de Google en assurance auto.

Le moteur de recherche profitera de la période des renouvellements de contrats pour s’afficher en bonne place, combinant sa technologie à son expérience de comparateur. Une pratique qu’il a acquise en Grande-Bretagne au cours des deux dernières années : 120 assureurs, soit 30 à 40 % du marché britannique, sont enregistrés sur le comparateur Google.

À défaut de garantir une couverture d’assurance au meilleur prix, vous offrez sur un plateau la possibilité à une entreprise étrangère de prendre le leadership et d’écraser les entreprises françaises qui existent déjà dans ce secteur.

Ce phénomène de big data est d’autant plus dangereux que derrière les assurances en ligne se cachent fréquemment des postes développés de l’autre côté de la Méditerranée. Nous sommes face à un double danger : créer un système d’assurance inégalitaire et générer la perte de nombreux emplois sur le territoire national, ce qui mérite d’être pris en compte.

M. Razzy Hammadi, rapporteur. Tout cela relève de l’imagination !

Mme Catherine Vautrin. Le consommateur aurait gagné à ce que vous vous penchiez sur les conditions de résiliation infra-annuelle qui existent déjà, notamment depuis l’adoption de la loi de modernisation de l’économie, et leur respect dans la pratique. Un renversement de la charge de la preuve de la modification du risque lors de la mise en œuvre d’une telle résiliation dans les cas prévus aurait été bien plus avantageux pour les consommateurs.

Nous proposerons, par voie d’amendement, une solution intermédiaire permettant de rallonger les possibilités de résiliation des contrats afin de préserver l’annualité des risques, de garantir la validité des attestations d’assurance annuelle et de renforcer la capacité pour les consommateurs de changer d’assurance sans pour autant que le vainqueur ne s’appelle Google.

Aider le consommateur, c’est aussi, dans un autre domaine, l’informer sur sa consommation d’énergie. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous dire où en est le Gouvernement sur les compteurs dits intelligents ? Gazpar semble avancer, Linky semble connaître plus de difficultés. C’est particulièrement dommage pour le pouvoir d’achat des consommateurs, surtout cette année où le climat entraîne une consommation extrêmement importante en matière de chauffage.

Enfin, votre texte prévoit de nouvelles règles dans les relations commerciales.

Lorsque j’ai remis avec Jean Gaubert notre rapport sur l’application de la loi de modernisation de l’économie en 2011, le seul point d’accord de l’ensemble des acteurs était de ne pas rouvrir la LME ! Vous avez décidé de suivre un autre chemin, sans mesurer l’impact que la plupart de ces dispositions auront sur les acteurs du secteur, et notamment sur les plus vulnérables, les PME et les TPE.

C’est d’ailleurs un constat général que je voudrais faire sur le chapitre V. Il est frappant de remarquer que tous les acteurs sont logés à la même enseigne – c’est le cas de le dire en matière de commerce : grands groupes, PME, TPE, intégrés, indépendants, circuits courts… Quel amalgame ! Vous faites preuve d’un excès d’égalitarisme totalement contre-productif, voire dangereux lorsqu’il s’applique à la réalité du monde économique.

M. Damien Abad. C’est vrai !

Mme Catherine Vautrin. C’est particulièrement flagrant s’agissant de la définition du taux des amendes ou de l’obligation de compte rendu associée à la clause de renégociation.

Avec ce texte, une chose est certaine : les juristes ont de l’avenir ! En matière de consommation, ils sont probablement les grands gagnants de votre texte.

M. Thierry Benoit. C’est certain !

Mme Catherine Vautrin. Le chapitre V définit clairement l’orientation poursuivie : dans les soixante-treize articles du texte, plus de 50 % des dispositions – majoritairement dans ce chapitre – créent des sanctions ou bien renforcent le pouvoir de contrôle de l’administration sur les entreprises. Mais il n’existe aucune disposition qui renforce les garanties procédurales ou le principe du contradictoire, principe pourtant fondateur de notre système juridique.

Avec ces nouvelles dispositions, l’administration va pouvoir condamner une entreprise à une amende pouvant aller jusqu’à 350 000 euros et en réclamer le paiement. L’entreprise pourra contester cette amende et engager un recours, mais qui ne sera pas suspensif.

Avec vous, c’est comme au poker, il faut payer pour voir ! Mais ce n’est pas du poker, nous ne sommes pas dans un jeu mais face à la réalité du monde économique. Une entreprise ne pourra souvent pas se permettre de payer une amende de 350 000 euros, surtout pour finir par démontrer qu’elle était dans son bon droit. C’est juste prendre le risque de tuer l’entreprise, de tuer des emplois et de rompre avec une dynamique de croissance.

Votre texte renforce les pouvoirs de l’administration mais, contrairement à ce que nous préconisions dans le rapport de 2011, ne renforce pas les moyens qui lui sont dédiés.

Quant aux taux prévus pour les amendes pénales, vous parlez de 10 % du chiffre d’affaires, sans autres précisions. Mais quel chiffre d’affaires : celui de l’établissement, celui du groupe ? Le chiffre d’affaires national, le chiffre d’affaires mondial ? Nous n’avons eu aucune explication sur ce point, monsieur le rapporteur !

Tous ces éléments confirment que nous sommes dans une politique d’affichage qui risque d’avoir de graves conséquences sur le bon déroulement des relations commerciales.

D’ailleurs, Mme Le Loch écrit à la page 422 du rapport : « Autant le dire, peut-être pour le regretter, le projet de loi n’innove pas en ce qui concerne les conditions générales de vente. »

M. Damien Abad. C’est exact !

Mme Catherine Vautrin. Monsieur le ministre, votre texte n’apporte pas les moyens que vous prétendez. Il n’y a pas de renforcement du pouvoir d’achat, et vous renforcez la défiance des acteurs entre eux ; pas de relance des investissements, et vous faites planer le risque de sanctions colossales sans donner les moyens aux entreprises de faire valoir leurs droits.

Je prendrai deux exemples. Ainsi, à l’article 62, vous prévoyez une clause de renégociation en raison de l’impact de la volatilité des prix des matières premières. Une clause comme celle-ci doit pouvoir répondre à des critères objectifs et neutres, identifiables pour permettre son application sans contestation.

Mais votre disposition est loin de cet impératif de cohérence et d’efficacité : vous écrivez que « lorsque les prix de production sont significativement affectés par des fluctuations des prix des matières premières agricoles et alimentaires, cette clause peut intervenir afin de renégocier ». Vous précisez que cette renégociation « tend à une répartition équitable entre les parties de l’accroissement ou de la réduction des coûts de production »

Monsieur le président de la commission des affaires économiques, au secours ! Comment pouvez-vous accepter des concepts aussi flous ? Vous qui, hier, dans l’opposition étiez le chantre des textes normatifs, qu’avez-vous fait de vos principes ?

Qu’est-ce qu’un prix « significativement affecté » ? Quels sont les critères ? Sur combien de temps l’observation du prix sera-t-elle être effectuée ? Qu’est-ce qu’une répartition équitable ? Entre qui et qui ? Quelles garanties seront proposées pour que l’agriculteur soit lui aussi assuré de bénéficier de cette clause ?

Par ailleurs, en gage de garantie pour le bon respect de cette renégociation, vous imposez la rédaction d’un compte rendu. Comment voulez-vous qu’une PME puisse mettre en œuvre cette obligation ? À défaut, l’amende sera de 350 000 euros !

M. Damien Abad. Ça n’a pas de sens !

Mme Catherine Vautrin. Comment peut-elle avoir les moyens d’embaucher un juriste pour réaliser ce compte rendu sans en répercuter le coût sur les prix, et donc sur le consommateur ?

M. Razzy Hammadi, rapporteur. Ne sous-estimez pas les entreprises françaises !

Mme Catherine Vautrin. Je ne les sous-estime pas, j’essaie juste d’être concrète, c’est ce qui fait notre différence !

Autre exemple : vous prévoyez une sanction pour le non-respect des délais de paiement. Mesure phare de la LME, l’instauration de nouvelles règles en matière de délais de paiement a permis de réduire ces délais. Mais la perte de trésorerie pour les entreprises est encore évaluée à 11 milliards en moyenne. Il est donc nécessaire de renforcer ce processus, et vous avez choisi la sanction.

Pourtant, dans la réalité de la vie des entreprises, les raisons qui expliquent les retards de paiement nécessitent parfois une prise en charge et un accompagnement plutôt qu’une sanction immédiate. C’est notamment le cas dans le secteur du bâtiment où, souvent, avant de pouvoir payer ses fournisseurs, l’entreprise doit avoir reçu le paiement du donneur d’ordre qui ne respecte pas non plus ses délais de paiement.

Trop souvent, d’ailleurs, c’est l’État le mauvais payeur – et dans ce domaine, le changement, ce n’est pas maintenant ! Nombreuses sont encore les entreprises qui, aujourd’hui, se plaignent des retards de paiement de l’État.

Dans un autre texte que le Gouvernement nous a présenté il y a quelques jours, vous imposez de nouvelles règles en matière de délais de paiement dans le secteur du bâtiment, dispositions différentes de celles contenues dans ce texte.

M. Razzy Hammadi, rapporteur. Il faudrait savoir !

Mme Catherine Vautrin. Justement, nous aimerions que vous ayez fait le tri, monsieur le rapporteur. Cela nous éviterait d’y revenir !

Quand on connaît les sommes en jeu, les entreprises apprécieraient qu’à défaut de revenir sur le sujet, l’État parle au moins d’une seule voix. Elles aimeraient savoir à quel dispositif il faut se référer : l’article 8 Duflot ou l’article 62 Hamon ? Pour l’instant, nous n’avons pas de réponse.

Nous proposions en complément une solution qui nous paraissait intéressante, consistant à faire intervenir en amont la médiation des relations interentreprises. Faciliter la saisine du médiateur avant toute sanction permettait de résoudre les cas de non-respect du délai de paiement grâce à une solution qui a fait ses preuves. Refuser la mise en place d’un tel système renforcerait notre sentiment que vous ne cherchez pas l’efficacité de la mesure, mais l’affichage.

Face à l’ensemble des éléments, des incohérences soulevées, des imprécisions et des lourdeurs pointées, face à la nécessité de reprendre le débat sur le fichier positif sur la base de l’avis du Conseil d’État, face à l’impératif de voir certaines dispositions réécrites afin de garantir leur caractère normatif, face à l’iniquité des sanctions prévues contre les entreprises et l’impact négatif qu’elles auront sur elles, nous demandons le renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

M. Damien Abad. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. M. le ministre répondra sur le fond aux nombreuses et considérables attaques portées par Mme Vautrin. Je ne reviendrai pas sur le fond, sauf sur l’action de groupe.

Vous avez fait référence, madame Vautrin, à des événements que nous avons vécus ensemble lors de l’examen de précédents textes. Lorsque nous souhaitions mettre en place l’action de groupe, vous nous disiez qu’il était urgent de ne rien faire et qu’en tout état de cause, cela porterait préjudice aux uns et aux autres. Et aujourd’hui, vous dites que nous n’allons pas assez loin ! C’est l’hôpital qui se moque de la charité !

Mme Catherine Vautrin. M. Hollande et ses promesses sont passés par là !

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Quant au renvoi en commission, j’ai tout de même le sentiment, et cela me réjouit, madame Vautrin, que vous êtes victime d’une certaine addiction. La commission que je préside s’est réunie depuis un an 126 fois, pendant 226 heures et 45 minutes en tout, soit le plus gros volume d’heures de travail en commission.

M. Lionel Tardy. Certes, vous mettez beaucoup d’énergie à nous occuper !

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Sur ce texte spécifiquement, nous avons travaillé pendant 24 heures et nous sommes réunis sept fois, sans compter la commission des lois, celle des finances et celle du développement durable. Quatre commissions pour un seul texte : je n’ose imaginer que vous considériez que le travail en commission a été bâclé !

Mme Catherine Vautrin. Certes, mais nous n’avons pas pour autant fait le tour de la question !

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. J’ai bien compris que vous défendez une motion de procédure pour avoir un peu de temps de parole supplémentaire. Je vous rappelle néanmoins que la procédure du temps programmé, instaurée sous votre majorité, permet à votre groupe de vous laisser parler exactement le temps que vous souhaitez.

Mme Catherine Vautrin. Nous le consommerons sans modération ! (Sourires.)

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Il vous a fallu, pour vous imposer en interne, en passer par une motion de procédure. C’est dommage, d’autres solutions étaient envisageables.

Mme Catherine Vautrin. Ce n’est pas de bon niveau, monsieur Brottes !

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Je pense très franchement que c’était une façon de développer des arguments sur le fond, et je vais donc laisser la parole au ministre. Le travail en commission s’est déroulé selon un rythme qui a respecté tout le monde. Je remercie une fois de plus le Gouvernement car, comme certains collègues ne pouvaient pas se trouver à toutes les séances prévues, il a accepté d’ajuster sa présence afin que les débats puissent avoir lieu. Nous l’avons fait pour la plupart des groupes minoritaires, voire d’opposition, et c’est normal car ce sont des sujets qui passionnent tout le monde. Je n’ai donc pas le sentiment que nous ayons bâclé le travail en commission et au demeurant ce n’est pas ce que vous avez dit.

Mme Catherine Vautrin. Mais nous ne sommes pas allés au bout.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. En tout état de cause, 24 heures de débat, 700 amendements, 155 auditions menées par les rapporteurs, auxquelles d’ailleurs tous les députés étaient conviés et qui s’ajoutent au temps de travail en commission, il y a là un travail considérable en volume.

Mme Catherine Vautrin. Le sujet le méritait !

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Je n’ose donc imaginer, madame Vautrin, que vous puissiez trouver quelque grief que ce soit sur ce terrain. Je considère que c’est en raison de critiques de fond que vous avez souhaité vous exprimer sur la forme. J’invite évidemment à rejeter la motion de procédure.

M. Razzy Hammadi, rapporteur. Bravo !

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé de l’économie sociale et solidaire et de la consommation.

M. Benoît Hamon, ministre délégué chargé de l’économie sociale et solidaire et de la consommation. J’essaierai de répondre brièvement sur le fond. Votre première critique, madame Vautrin, dénonce un texte bavard. Mais les seuls bavards que je connaisse sont ceux qui ont beaucoup parlé de l’action de groupe sans l’avoir jamais faite. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Michèle Bonneton. Très bien !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. En l’occurrence, il s’agit de votre famille politique, qui a été très bavarde dans toutes les campagnes présidentielles. Reconnaissons-le, il nous est parfois arrivé d’être nous-mêmes bavards, cela arrive à tout le monde…

M. Lionel Tardy. Surtout en ce moment !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Vous n’avez pas mis en œuvre l’action de groupe pour des raisons assez simples. Votre discours est selon moi excessivement guidé par des arguments somme toute légitimes mais que j’ai déjà entendus, tant sur l’action de groupe que la résiliation d’assurance ou le RNCP, de la part d’un certain nombre d’intérêts privés. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Ils ont leur mot à dire, certes…

Mme Catherine Vautrin. Mais pas du tout !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Je vous parle de ce que je connais car ces arguments ont d’ores et déjà été versés… (Mêmes mouvements.) Ils viennent dans nos bureaux comme dans les vôtres, madame Vautrin, nous les connaissons ! De tels arguments sont légitimes, ils m’ont été soumis et ont même été versés par l’AFEP au Conseil d’État. (Mêmes mouvements.)

Mme Catherine Vautrin. L’avis du Conseil d’État, nous ne l’avons pas ! Pourquoi ne nous le communiquez-vous pas ?

M. Damien Abad. Elle a raison !

M. le président. La parole est à M. le ministre, mes chers collègues.

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Si vous me laissez deux secondes, monsieur Abad, je vous écouterai ensuite avec un grand plaisir. En matière d’action de groupe on ne peut pas nous reprocher à la fois de proposer une version soit allégée et en même temps d’en faire trop. Choisissez votre camp. Nous considérons que l’engagement pris par le Président de la République pendant la campagne présidentielle, que vous avez eu la bienveillance de citer, madame Vautrin, de mettre en place une action de groupe dans le champ de la consommation, de la concurrence, de la santé et de l’environnement trouve un premier débouché en matière de consommation et de concurrence dans ce texte. Et comme vous êtes une spécialiste du contentieux économique, vous saurez aussi que la plupart des actions de groupe seront déclenchées dans le champ des litiges de consommation et des pratiques de concurrence.

Cela ne doit pas nous empêcher d’élargir leur champ d’application aux questions de santé, et nous verrons bien si vous soutiendrez la proposition de Marisol Touraine en ce sens. Ces questions relèvent, reconnaissons-le, de préjudices qui ne sont pas de même nature et qui appellent une évaluation différente. En effet, là où il faut fixer un montant unique appliqué à l’ensemble des consommateurs pour des préjudices matériels et économiques, dès lors qu’il s’agira de mesurer l’impact d’un médicament sur votre santé, il faudra prendre en compte l’ensemble des pathologies, l’âge et d’autres critères pour justifier l’indemnisation et la réparation du dommage subi. Ce sera le deuxième étage de la fusée et nous verrons si le groupe UMP soutiendra le projet d’action de groupe étendu à la santé défendu par le Gouvernement.

À propos du RNCP, j’entends vos arguments et je les connais. Je ne prétends pas, pas davantage que quiconque au Gouvernement ou dans la majorité, qu’il éliminera à lui seul le surendettement. C’est un instrument, un pivot de la lutte contre le surendettement. Il s’accompagne de toute une série de mesures, dont les points conseils budget.

L’argument de l’éducation au budget est certes recevable mais il me semble qu’on ne peut pas postuler, comme le font un certain nombre d’établissements de crédit, une attitude rationnelle des consommateurs face au crédit. Il est très facile, sous la pression de factures impayées, d’enfants à éduquer, d’une situation financière difficile, d’aller vers un établissement de crédit et de souscrire un crédit à la consommation, et ce n’est ni rationnel, ni raisonnable. Ce sont de telles situations, celles du crédit de trop, que nous voulons justement éviter !

M. Lionel Tardy. Ça n’évitera rien du tout !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Et postuler une attitude rationnelle face à un certain nombre de banques dont on peut contester l’attitude rationnelle face au profit au moment de la crise, tout cela me paraît objectivement peu sérieux.

Enfin, vous nous reprochez les sanctions que nous prévoyons. Vous êtes toujours impitoyables dès lors qu’il s’agit de sanctionner la délinquance, sauf dans le domaine économique. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

M. Régis Juanico. Eh oui !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Là, je ne vous comprends pas. Ce que nous voulons, c’est distinguer les vertueux des tricheurs. Comment arriverons-nous à les distinguer, madame Vautrin ?

Mme Catherine Vautrin. Vous mettez tout le monde dans le même sac, monsieur le ministre !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Non, madame Vautrin, je dis juste que la délinquance en col blanc n’a pas à bénéficier de plus d’indulgence que les autres formes de délinquance.

Mme Catherine Vautrin. C’est bien ce que nous disons !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. C’est ce que nous mettons en œuvre dans le projet de loi. Et là, les masques tombent, madame Vautrin ! Oui, il faut élever le niveau de sanction à 10 % du chiffre d’affaires dès lors qu’une entreprise a des comportements frauduleux dont l’impact touche les salariés, les consommateurs et l’ensemble des autres entreprises. Il faut appliquer la règle du droit de la concurrence et élever le plafond des sanctions afin de permettre au juge de proportionner la sanction à la nature ou au montant du bénéfice indu.

M. Damien Abad. Vous sanctionnez avant de juger !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Nous voulons être impitoyables à l’égard de la délinquance financière quand elle affecte l’ensemble d’une filière. Ce qui s’est passé l’année dernière dans la filière agroalimentaire aurait pu menacer 500 000 emplois, de la distribution jusqu’à la production, en raison de la tromperie d’un seul !

M. Marc Le Fur. C’est pourquoi il faut mettre en place l’étiquetage !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. J’entends vos arguments, mesdames et messieurs les députés de l’opposition, et il est possible que nous nous retrouvions sur certains amendements que vous proposez, en particulier sur le transport aérien. Mais qu’allons-nous faire au sujet de l’action de groupe, du registre national du crédit voire même de la LME ? Je dis cela en regardant M. Le Fur, qui connaît ces sujets sans doute mieux que moi. (« Oh ! » sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean-Louis Bricout, rapporteur pour avis de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire. N’exagérons rien !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Je verrai s’il conteste cela : quand un producteur se voit privé de la totalité de ses marges en raison d’une augmentation du prix des matières premières agricoles et qu’il ne peut pas renégocier son prix auprès de la grande distribution, que faut-il faire sinon aménager la LME pour créer une clause de renégociation obligatoire ? C’est ce que nous faisons, en étant attentifs à ce que la grande distribution ne prenne pas en otage les consommateurs en expliquant que cette clause se répercutera intégralement sur le consommateur.

M. Marc Le Fur. Encore faut-il que cela soit efficace !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Nous avons demandé à chacun de prendre ses responsabilités. La situation actuelle des éleveurs est extrêmement difficile, en raison de la volatilité du prix des matières premières agricoles. Nous en avons tiré les conséquences. Réaménager la LME n’était pas simple, c’était une décision courageuse du Premier ministre !

M. Razzy Hammadi, rapporteur. C’est clair !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Des lobbies ont tenté de remettre en cause un tel choix. Nous l’avons fait dans l’intérêt, nous le croyons, des entreprises, des éleveurs, des PME et au bout du compte de la qualité de ce que consomment les Français. Pour ce qui est de la LME, nous nous sommes donc montrés courageux.

Mme Catherine Vautrin. Ce n’est pas efficace !

M. Christian Jacob. Ni répercuté sur les éleveurs !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Nous le sommes aussi au sujet de l’action de groupe, nous avançons dans la lutte contre le surendettement et nous élevons le niveau des sanctions.

Je terminerai d’un mot sur la résiliation des contrats d’assurance. J’ai compris que vous souleviez, madame Vautrin, un risque de non assurance.

M. Razzy Hammadi, rapporteur. Il fallait lire le texte plus attentivement !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Dès lors que nous autorisons la résiliation du contrat au terme de la première année, l’attestation d’une nouvelle assurance sera forcément d’au moins treize mois. Je vous rassure sur ce point. L’argument selon lequel une telle mesure provoquerait des troubles à l’ordre public tombe.

Mme Catherine Vautrin. Non, dès lors qu’il est possible de résilier !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Des garanties sont fournies afin que tout le monde s’assure à son avantage. Le consommateur bénéficiera d’une baisse des primes liée à une concurrence accrue dans un secteur où, je vous le rappelle, les sociétés dégagent de confortables bénéfices. L’assurance multirisque habitation, qui est obligatoire tout comme la responsabilité civile automobile, a vu ses tarifs augmenter trois fois plus vite que l’inflation au cours des trois dernières années. C’est ce qui justifie aujourd’hui d’agir sur ces dépenses incompressibles. J’espère que nous nous retrouverons sur ce sujet, car c’est une belle mesure par laquelle l’Assemblée nationale tout entière peut donner le signal aux consommateurs que nous soutiendrons leur pouvoir d’achat ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Dans les explications de vote sur la motion, la parole est à Mme Frédérique Massat.

Mme Frédérique Massat. En commission, où l’opposition entend renvoyer le texte, nous avons siégé plus de 24 heures. Plus de 700 amendements ont été examinés en présence de deux ministres, M. Hamon et Mme Pinel. Mais il est vrai, madame Vautrin, que nous nous sentions parfois un peu seuls lors de ces séances de commission.

Mme Catherine Vautrin. En effet, je présidais la séance publique !

Mme Frédérique Massat. Nous avons siégé jusqu’à deux heures du matin certains soirs et jusqu’au jeudi soir, chose rare en commission. Bref, un travail important a été fait. Permettez-moi également de vous rappeler, même si je sais que vous l’avez en mémoire, que 34 amendements du gouvernement avaient été présentés lors de l’examen de la LME, et que le Gouvernement n’en présente pas autant aujourd’hui.

En outre, nous attendons la même chose de ce projet de loi sur la consommation. Nous l’attendions fin 2011, mais il a quitté nos bancs pour repartir au Sénat et n’en jamais revenir. À cet égard, nous faisons preuve de beaucoup de constance : nous avions à l’époque présenté des amendements sur l’action de groupe, que vous souhaitez voir intégrée au texte, mais également sur le registre national des crédits.

Je veux, madame Vautrin, vous rappeler quelques mots prononcés en mars 2007 par le candidat Nicolas Sarkozy : « Je demanderai au Parlement de présenter très rapidement un projet de loi inscrivant l’action de groupe dans le droit français ». Or, ce projet de loi n’est jamais venu, ni à l’automne 2007, ni au printemps 2008, ni en novembre 2011.

Le 17 avril 2012, le même candidat disait encore : « Je ferai, moi aussi, un fichier positif. Cela permettra d’éviter qu’une famille ne se trouve trop endettée et se retrouve en situation de surendettement. » Aujourd’hui, c’est nous qui mettons en œuvre le registre national des crédits et l’action de groupe. Je crois que finalement, nous avons en quelque sorte partagé le même projet politique. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Razzy Hammadi, rapporteur. Et d’ailleurs, vous aimez ça, les fichiers, d’habitude ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Damien Abad.

M. Damien Abad. Je commencerai par évoquer la tonalité des débats. Si l’on se fie aux réactions exacerbées du ministre et du président de la commission, il semble bien que Mme Vautrin ait mis dans le mille ! On ne vous reconnaît plus, monsieur le ministre : alors que devant la commission des affaires économiques, loin des caméras, vous pouvez vous montrer ouvert et sympathique, en séance publique, dans cet hémicycle, le sectarisme socialiste revient au galop ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Razzy Hammadi, rapporteur. Le sectarisme socialo-communiste, tant que vous y êtes !

M. Damien Abad. Je ne dis que la vérité, vous le savez bien. Je suis d’ailleurs le premier navré de vous voir prendre le risque de rompre le consensus qui semblait pouvoir se dégager sur ce texte relatif à la consommation,…

M. Razzy Hammadi, rapporteur. Laissez-nous rire !

M. Damien Abad. …un texte sur lequel nous aurions pu travailler ensemble, au service d’enjeux qui concernent tous les Français.

Comme Mme Vautrin l’a rappelé fort justement – mais les Français l’ont bien compris – ce texte est avant tout un choc de complexification pour les entreprises françaises, qui seront victimes d’une présomption de culpabilité.

Mme Catherine Vautrin. Exactement !

M. Damien Abad. Ce texte est aussi un choc de défiance généralisée, non seulement envers les entreprises, mais aussi envers les consommateurs eux-mêmes. Ce ne sont pas les consommateurs que vous défendez dans ce texte, mais les associations de consommateurs – pas les consommateurs en tant que tels, mais les consommateurs dormants.

Vous avez évoqué tout à l’heure « la mesure phare » de votre texte, monsieur le ministre, tandis que le ministre de l’économie et des finances – qui s’est éclipsé très rapidement…

Mme Catherine Vautrin. Effectivement, il ne s’est pas attardé !

M. Damien Abad. …affirmait que l’action de groupe était une réforme structurelle majeure. On a même entendu dire que, si ce texte avait été voté avant l’élection partielle de Villeneuve-sur-Lot, il aurait peut-être pu modifier le résultat de cette élection ! (Exclamations sur tous les bancs.)

M. Sébastien Denaja, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Il aurait peut-être même modifié le résultat de la circonscription des Français d’Amérique du Nord !

M. Razzy Hammadi, rapporteur. Si seulement il avait pu nous éviter le retour de Frédéric Lefebvre ! (Rires sur les bancs du groupe SRC.)

M. Damien Abad. Franchement, je crois qu’un peu de modestie et d’humilité au sujet de ce texte ne ferait pas de mal, mes chers collègues.

Pour ce qui est de l’action de groupe, vous ne proposez qu’une action de groupe au rabais, une action low cost, vous n’assumez pas vos choix et vos convictions. De ce fait, l’action de groupe à la française sera inapplicable, ce dont les Français ne tarderont pas à s’apercevoir. C’est pourquoi nous soutenons cette motion de renvoi en commission, afin de retravailler le texte proposé.

Je sais que nous avons travaillé des heures et des heures en commission, monsieur Brottes, mais vous reconnaissez vous-même que la discussion a été un peu décousue, du fait des allers-retours des différents ministres (Exclamations sur les bancs du groupe SRC)

M. Razzy Hammadi, rapporteur. Ah non, pas ça !

M. Damien Abad. …en fonction des différents dispositifs examinés.

Pour la clarté des débats, il est important que nous renvoyions ce texte en commission, afin que nous puissions discuter ensemble des nombreux arguments et amendements qui seront déposés en séance par le groupe UMP. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Razzy Hammadi, rapporteur. Ce n’est pas correct, ce genre d’arguments !

Mme Julie Sommaruga. Vous n’avez vraiment aucun argument de fond !

M. le président. La parole est à M. Thierry Benoit.

M. Thierry Benoit. Catherine Vautrin pose une question importante, consistant à savoir s’il faut poursuivre l’examen de ce texte en commission.

Sur la forme, je veux d’abord vous remercier, monsieur le ministre, pour la qualité des travaux qui ont été effectués en commission. (Applaudissements sur les bancs des rapporteurs.) Les vingt-quatre heures de débat que nous avons eues ont été de qualité, en grande partie grâce à votre présence, monsieur le ministre.

Que retiendra l’histoire de ce texte ?

Mme Catherine Vautrin. Pas grand-chose !

M. Thierry Benoit. L’action de groupe et le répertoire national du crédit sont sans doute les deux axes forts que l’histoire et les médias retiendront. Mais qu’en penseront les consommateurs et les entrepreneurs ?

Les consommateurs pourront avoir l’impression que ce projet contient des avancées de nature à les protéger. Cependant, certaines dispositions de ce texte m’inquiètent et, alors que le groupe UDI a déposé 120 amendements – à titre personnel, j’en ai déposé 70 – seuls deux ont trouvé grâce aux yeux de la commission, ainsi qu’un autre, dernièrement, en réunion au titre de l’article 88. C’est dire à quel point il a été fait cas de nos propositions.

Je soutiens la proposition de Catherine Vautrin non seulement parce que c’est elle (Sourires), mais aussi parce qu’elle a très bien défendu la motion de renvoi en commission du groupe UMP. Comme elle, je m’inquiète beaucoup au sujet des dispositions relatives à la transposition de la directive européenne, qui posent des exigences plus grandes que celles prévues par la directive.

M. Damien Abad. Il a raison !

Mme Catherine Vautrin. Eh oui !

M. Thierry Benoit. J’aurais souhaité que le texte se limite strictement à la transposition de la directive européenne.

Par ailleurs, je vous le dis en toute amitié et avec tout le respect que je vous dois, monsieur le ministre, je suis préoccupé par les dispositions relatives aux compétences dédiées à la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes. Je suis estomaqué que le Gouvernement s’apprête à nous faire voter un texte qui permettrait à des agents de l’État de ne pas décliner leur identité ou de jouer les clients mystère.

M. Régis Juanico. Mais bien sûr !

M. Thierry Benoit. J’aurais sincèrement préféré, monsieur le ministre, que nous augmentions les sanctions pour tout délit d’entrave à l’égard des agents de la DGCCRF plutôt que de voir introduire cette possibilité pour les agents d’agir sans décliner leur identité, voire en se faisant passer pour des consommateurs, lorsqu’ils se rendent dans une entreprise ou une manifestation commerciale.

Puisque nous n’avons pas eu la possibilité de travailler sur ce point en commission, je souhaite également, comme Catherine Vautrin, que tout ce qui a trait aux indications géographiques protégées fasse l’objet d’un réexamen, et que les amendements déposés par le groupe UDI, qui n’ont pas trouvé grâce pour l’instant aux yeux du Gouvernement en commission, puissent être réexaminés en commission. À défaut, ils doivent l’être dans cet hémicycle.

Pour toutes ces raisons, le groupe UDI votera cette proposition d’examen complémentaire en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Brigitte Allain.

Mme Brigitte Allain. Mesdames et messieurs les députés de l’opposition, soyons sérieux ! Le projet de loi sur la consommation qui nous est présenté aujourd’hui est le résultat d’un travail mené depuis plusieurs mois, en concertation avec de nombreux partenaires. Le contexte économique critique nous oblige à revoir le modèle dans lequel nous évoluons : il est urgent de poser les bases d’une politique renouvelée, d’une consommation maîtrisée et responsable.

Les consommateurs doivent être mieux protégés et mieux informés. Il serait irresponsable de remettre à demain un texte portant une avancée aussi majeure pour notre société que l’action de groupe. D’autres points méritent, certes, d’être améliorés, ce que nous tenterons de faire lors du débat parlementaire. C’est pourquoi le groupe écologiste votera contre cette motion de rejet. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme Jeanine Dubié, pour le groupe RRDP.

Mme Jeanine Dubié. Le groupe RRDP votera contre cette motion de renvoi en commission. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) En effet, nous avons largement débattu en commission. Nous avons examiné 700 amendements durant vingt-quatre heures et pu apprécier la disponibilité des deux ministres qui sont venus répondre, point par point, à tous les amendements proposés.

Si nous n’avons pas obtenu de réponses satisfaisantes sur tous les points, c’est l’objet de la suite de nos travaux que d’y parvenir. Souhaitant mettre à profit les heures et les jours de travail parlementaire que permettra la poursuite des débats, nous voterons contre cette motion de renvoi en commission.

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne, pour le groupe GDR.

M. André Chassaigne. Comme à son habitude, Mme Vautrin nous a livré une intervention travaillée, charpentée et nourrie de nombreux arguments. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Lionel Tardy. N’en faites pas trop tout de même !

M. André Chassaigne. Cependant, certains de ses arguments entrent nettement en contradiction avec des propos tenus ici même par la majorité précédente. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Damien Abad. Vous n’avez rien de mieux à faire que de ressasser le passé ?

M. André Chassaigne. Certes, des arguments contradictoires font partie du jeu parlementaire, mais en tout cas ils ne m’ont pas convaincu.

Outre qu’ils sont contradictoires, ils sont également décalés (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) N’oublions pas que durant la législature précédente a été votée ici en première lecture une certaine loi Lefebvre dont nous avions beaucoup débattu et qui, à certains égards, pouvait être considérée comme un travail préparatoire au texte qui nous est aujourd’hui proposé.

Mme Catherine Vautrin. Si c’est le cas, on a beaucoup perdu en route !

M. André Chassaigne. Le problème est qu’une fois parti au Sénat, ce texte n’est jamais revenu en discussion à l’Assemblée.

Par ailleurs, je trouve maladroit d’en venir à occulter, par posture politique, certaines avancées réelles du projet.

Mme Catherine Vautrin. Lesquelles ? Il faut vraiment les chercher !

M. André Chassaigne. Les arguments que vous développez, madame Vautrin, perdent de leur crédibilité quand on se rend compte qu’ils reprennent, telles quelles, des oppositions manifestées par ceux qui, justement, profitent un peu trop facilement des insuffisances de notre réglementation.

Je terminerai en disant que l’on ne saurait reprocher aux ministres et aux présidents de commissions d’avoir insuffisamment préparé ce projet de loi. Au contraire, une concertation remarquable a été effectuée en amont, en particulier au niveau ministériel, associant tous les acteurs concernés, les professionnels et les associations, qui ont été reçus et écoutés et ont pu développer leurs arguments (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Anne Grommerch. Elle est bien bonne, celle-là !

M. André Chassaigne. Quant aux travaux en commission, je dois dire que ceux auxquels j’ai pris part, les seuls dont je me sente autorisé à parler, ont été particulièrement riches : de nombreux arguments y ont été échangés, et chacun de nous a pu s’exprimer.

Certes, la demande de renvoi en commission fait partie du jeu parlementaire, je l’ai moi-même pratiquée à de nombreuses reprises en d’autres occasions, mais en l’occurrence, je crois vraiment qu’elle ne se justifie pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

(La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n’est pas adoptée.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. M. Abad est un orateur talentueux, mais je ne peux pas le laisser dire que nos travaux ont été décousus au motif que les ministres auraient été présents de façon intermittente. Sur ce texte, le Gouvernement s’est mis à la disposition du Parlement et c’est à ma demande, parce que certains parlementaires – et pas forcément du groupe majoritaire – ont souhaité que certains thèmes soient abordés à certains moments plutôt qu’à d’autres, que les ministres ont adapté leur présence en conséquence. Il me paraissait important de rétablir la vérité sur ce point. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à Mme Michèle Bonneton.

Mme Michèle Bonneton. Le texte qui nous est présenté est attendu par l’ensemble des Français, notamment par les associations de consommateurs.

Parmi ses apports notables, on peut citer en premier lieu la création de l’action de groupe dans le domaine de la consommation, très attendue, selon un sondage récent, par nos concitoyens : cette avancée novatrice, que nous apprécions, permettra aux consommateurs de mieux faire respecter leurs droits.

Le texte procède également à l’élargissement du champ d’intervention de la DGCCRF et introduit des mesures de rééquilibrage des relations commerciales entre producteurs, fournisseurs et distributeurs, ainsi que diverses dispositions destinées à améliorer l’information des consommateurs, tant sur les produits et les services que les crédits. Il renforce la garantie et étend les indications géographiques relatives aux produits manufacturés.

Nous avons déposé une série d’amendements qui vont dans le sens des objectifs poursuivis et visent à compléter ou à renforcer les dispositions envisagées. Certains ont d’ailleurs fait l’objet d’un avis favorable des différentes commissions saisies pour avis.

Nous souhaitons par exemple réduire de deux à un an le délai de péremption des cartes de crédits renouvelables inutilisées et préciser le choix qui doit être offert au consommateur avant que le vendeur ne lui propose une offre de crédit renouvelable. En effet, il nous semble indispensable que le consommateur dispose des pièces qui lui permettent de comparer réellement l’intérêt d’un crédit renouvelable et d’un crédit amortissable.

Nous suggérons d’opérer une distinction entre les dispositions relatives aux cartes de fidélité et celles s’appliquant aux cartes de crédit. Ces deux produits sont aujourd’hui souvent confondus, ce qui induit une certaine confusion et favorise les crédits renouvelables peu réfléchis.

Nous proposons également d’améliorer la qualité des produits manufacturés en renforçant les garanties et, ce faisant, en améliorant la durabilité et la réparabilité des objets.

La lutte contre l’obsolescence programmée présente de multiples avantages. Des avantages environnementaux d’abord : elle évite le gaspillage d’énergie et de matières premières dû à des productions de piètre qualité rapidement dégradées. Des avantages économiques : une grande partie des objets manufacturés, notamment électroménagers, est importée, ce qui pèse sur la balance commerciale de notre pays. Des avantages sociaux : une meilleure qualité, si elle a un coût à l’achat, dégage, finalement, du pouvoir d’achat pour les ménages. Des avantages, enfin, pour l’emploi grâce au développement de filières dans le domaine de la réparation, qui est peu délocalisable.

Parallèlement, nous proposons de promouvoir l’économie circulaire, dans laquelle la récupération des produits et des objets est valorisée. Dans le même sens, notre groupe propose des amendements destinés à encourager l’économie fonctionnelle, à savoir une économie fondée sur l’usage et non plus sur une relation de propriété avec les objets. Dans ce cadre, les constructeurs demeurent propriétaires de la machine et ont tout intérêt à construire du matériel fiable pour ne pas avoir à le changer rapidement.

Nous proposons d’introduire la responsabilité sociétale des entreprises, qui a trait à leur comportement social et environnemental.

Quant à l’action de groupe, nous souhaitons qu’elle soit élargie aux domaines de la santé et de l’environnement. En effet, n’est-il pas plus important d’avoir accès à la reconnaissance et au dédommagement d’un préjudice corporel ou moral, plutôt que d’un simple préjudice matériel, seul cas prévu par le projet de loi ? Nous sommes conscients des difficultés juridiques que cela induit, mais elles ne sont toutefois pas insurmontables. D’ailleurs, ce type de procédures existent dans un certain nombre de pays, tels que, entre autres, les États-Unis, le Portugal, l’Italie et les Pays-Bas.

Sur le plan européen, une consultation des États, lancée en 2011, vient de s’achever ; la Commission européenne a adopté une recommandation le 11 juin dernier.

Nous prenons acte et nous réjouissons, monsieur le ministre, de votre engagement et de celui du Gouvernement concernant l’extension de l’action de groupe au domaine de la santé. Nous souhaiterions que le Gouvernement s’exprime aussi sur son application au domaine de l’environnement.

Enfin, par amendement, le Gouvernement a introduit la création d’un fichier dit « positif », dont l’objet est de responsabiliser les prêteurs. Nous ne sommes toutefois pas convaincus de l’efficacité d’une telle mesure : les expériences menées à l’étranger ne semblent pas très probantes. En effet, le surendettement résulte avant tout de la faiblesse du pouvoir d’achat des ménages et de la survenance d’accidents de la vie, qu’il s’agisse du chômage, de la maladie, d’un décès ou d’une séparation. Par ailleurs, cette mesure, qui devrait conduire à ficher 12,5 millions de personnes, pourrait se révéler préjudiciable aux libertés. De surcroît, des questions demeurent : nous ne savons pas, par exemple, sur quel identifiant personnel reposera ce fichier.

Pour lutter contre le surendettement, nous proposons de compléter le projet de loi par des mesures permettant une meilleure information du consommateur en matière de crédit, en particulier par des garde-fous s’appliquant au crédit renouvelable.

De manière générale, ce projet de loi est à nos yeux largement positif. Nous espérons que la discussion que nous entamons permettra de le renforcer et de l’améliorer.

M. Razzy Hammadi, rapporteur. Parfait !

M. le président. La parole est à Mme Jeanine Dubié.

Mme Jeanine Dubié. Baisse du pouvoir d’achat, baisse de la consommation, hausse du chômage, baisse de la croissance, maîtrise des dépenses publiques, hausse des impôts : l’examen du projet de loi relatif à la consommation qui nous réunit aujourd’hui dans cet hémicycle intervient dans un climat économique tendu, source de contraintes fortes.

La crise économique et sociale, dix ans de politique inéquitable dans la répartition des efforts et surtout un phénomène structurel de mutation et de recomposition de l’économie mondiale figurent parmi les causes, nombreuses, complexes et entremêlées, de cette situation.

Ce n’est toutefois pas le moment de débattre des causes de cette situation, mais bien plutôt d’y répondre efficacement et concrètement.

Nous avons le devoir de prendre en compte les attentes immenses des Français et d’adopter des mesures fortes qui améliorent directement leur vie quotidienne.

Je pense en particulier aux plus fragiles de nos concitoyens. Ne l’oublions pas, ce sont eux qui souffrent en premier lieu de cette situation et qui subissent de plein fouet les effets de la crise.

Les banquiers ou les dirigeants de la grande distribution ont un rôle à jouer dans notre économie, mais ce ne sont pas eux que nous devons protéger.

Permettez-moi de dire que depuis un an, le Gouvernement et la nouvelle majorité ont bien et beaucoup travaillé pour redresser les finances publiques, pour améliorer le fonctionnement du marché du travail et pour refonder les bases de notre éducation nationale.

Pour autant, nous n’avons pas encore véritablement répondu aux préoccupations sociales de nos concitoyens les plus précaires qui nous ont fait confiance pour amorcer le changement. Un projet de loi relatif à la consommation constitue un vecteur privilégié pour cela. Pour les législateurs que nous sommes, il représente le levier d’action premier pour toucher le cœur de la vie quotidienne de nos concitoyens et renforcer leur pouvoir d’achat.

Monsieur le ministre, nous avons accueilli votre texte avec un a priori favorable et continuons à penser qu’il s’agit, dans l’ensemble, d’un bon projet de loi. Les députés du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste tiennent à soutenir le Gouvernement en faisant preuve d’une vision lucide et réaliste.

Nous sommes d’abord conscients des contraintes qui pèsent sur le Gouvernement.

La consommation joue un rôle spécifique en France : elle est l’un des principaux moteurs de la croissance et contribue fortement aux recettes fiscales.

Nous savons pertinemment que vous devez concilier des objectifs qui ne se contredisent pas nécessairement à long terme mais qui, à court terme, entrent parfois en opposition, tels le maintien d’un niveau élevé de consommation et le renforcement de l’information et de la protection des consommateurs.

Légiférer pour protéger les consommateurs, c’est tenter d’édicter des règles favorisant une consommation plus durable, plus respectueuse et plus équitable.

Légiférer pour protéger les consommateurs, c’est chercher à éliminer, ou tout au moins à limiter les pratiques anticoncurrentielles.

Légiférer pour protéger les consommateurs, c’est chercher à redonner du pouvoir d’achat en instaurant des mécanismes de marché plus efficients et en rééquilibrant les relations commerciales.

Légiférer pour protéger les consommateurs, c’est, enfin, trouver des réponses législatives adaptées pour encadrer les mauvaises pratiques et limiter les petits tracas du quotidien qui peuvent empoisonner la vie.

Être à la hauteur de l’ensemble de ces enjeux tout en favorisant la consommation constitue la marque d’une ambition indéniable, qui exige un réglage fin des mesures à adopter et une habileté qui tient parfois de l’acrobatie.

Votre texte, qui se veut équilibré, répond globalement aux attentes exprimées par les consommateurs et par les acteurs économiques.

Les députés du groupe RRDP saluent votre volonté de rompre avec des paradigmes économiques irréalistes reposant sur la rationalité du consommateur en tant qu’agent économique apte à faire valoir ses droits par lui-même.

Nous saluons également un changement de dogme qui se traduit par un renforcement du rôle de l’État comme garant de l’ordre économique, protecteur des consommateurs et promoteur de la compétitivité de l’économie.

Monsieur le ministre, nous vous félicitons pour votre implication dans la réussite de la longue et large concertation que vous avez menée avec les associations de consommateurs et les acteurs économiques. Nos remerciements vont aussi aux deux rapporteurs au fond qui ont conduit un grand nombre d’auditions. Nous avons ainsi l’assurance que la copie qui nous est présentée n’a pas été uniquement rédigée dans les couloirs de l’administration de Bercy.

Monsieur le ministre, pour instaurer l’action de groupe, le fichier positif et faire évoluer l’encadrement législatif des délais de paiement, du régime des clauses abusives, du crédit à la consommation, de la résiliation des contrats d’assurance, de l’augmentation du délai de rétractation en matière de commerce électronique et de vente à distance, ou encore pour augmenter les moyens d’actions et les pouvoirs de sanction de la DGCCRF, il vous a fallu autant de courage que de diplomatie.

Au final, ce texte propose une réforme structurelle de l’économie française visant à rééquilibrer les relations économiques en assurant leur équité, que ce soit entre les entreprises et les consommateurs ou entre les entreprises elles-mêmes. Toutes ces mesures permettront de stimuler la croissance potentielle par une nouvelle régulation économique renforçant la confiance.

En premier lieu, la relance de la croissance se fera par les consommateurs, grâce à un cadre contractuel transparent, des voies de recours efficaces et une amélioration de l’information, l’État étant à leurs côtés. Sécuriser les transactions avec les moyens de la puissance publique permettra de renouer avec la consommation dans un climat plus serein.

En deuxième lieu, la lutte contre les rentes abusives liées à des monopoles de situation, qui sont autant de poches d’inefficacité économique, permettra de réduire la captivité du consommateur et des petits fournisseurs, soumis à des contrats asymétriques, c’est-à-dire qui les placent dans une relation de rigidité ou d’inégalité face à leurs engagements.

Monsieur le ministre, vous bénéficierez toujours du soutien des députés du groupe RRDP dans la recherche du bon équilibre entre la protection des consommateurs et des petits fournisseurs d’une part et l’encouragement de l’innovation, de la différenciation, de la qualité de l’offre et donc de la compétitivité d’autre part.

Venons-en à présent au détail des dispositions majeures prévues par le texte.

La création d’une action de groupe constitue l’une des mesures phares de votre projet de loi. Annoncée depuis plus de vingt ans, elle n’a jamais vu le jour. Certains spécialistes persistent d’ailleurs à ne pas y croire au motif que vous proposez dans un premier temps une action de groupe limitée à un portage par les associations de consommateurs.

Les députés RRDP soutiennent votre méthode, qui permettra aux consommateurs d’obtenir réparation des préjudices économiques subis dans le cadre de tous les litiges du quotidien.

L’action de groupe ouvre enfin une voie de recours aux consommateurs en cas de violation par les entreprises du code de la consommation – qu’il s’agisse de pratiques abusives ou frauduleuses, ou d’allégations mensongères – ainsi que dans le cas de pratiques anticoncurrentielles. Nous vous proposerons de l’étendre aux associations locales, afin d’améliorer et de rééquilibrer, y compris à l’échelon local, les pouvoirs entre consommateurs et professionnels.

Nous soutenons les mesures visant à lutter contre l’obsolescence programmée des produits par le développement de modes de consommation responsables : en effet, le texte prévoit désormais que, préalablement à l’achat, les consommateurs soient informés « par écrit et de manière lisible » de l’existence et de la disponibilité de pièces détachées. Cette mesure participera à limiter le gaspillage et contribuera également au développement de l’économie sociale et solidaire, secteur dont relèvent de nombreuses structures du commerce de pièces détachées.

Dans le cadre du commerce électronique et de la vente à distance, nous saluons le doublement du délai de rétractation consécutif à un achat : actuellement de sept jours, il passera à quatorze.

Le projet de loi prévoit également que le délai de livraison ne puisse pas excéder trente jours à compter de l’achat, alors qu’il n’existe aujourd’hui pas de délai maximum. Ces dispositions sont utiles, dans la mesure où elles permettront de sécuriser davantage les nouveaux modes de consommation en renforçant les droits des consommateurs.

La résiliation des contrats d’assurance à tout moment, à l’issue d’une période d’un an, sans préjudice financier pour l’assuré, mérite d’être mieux encadrée. Faire jouer la concurrence est une bonne chose, mais cela ne doit pas favoriser la non-assurance. En effet, si les contrats d’assurance sont pour la plupart obligatoires et représentent une part importante – jusqu’à 5 % – du budget des ménages, ils s’inscrivent dans le cadre d’un marché contraint et concurrentiel.

Nous sommes très favorables à l’extension des indications géographiques aux produits manufacturés. L’information des consommateurs comme la production locale de qualité doivent en effet être renforcées. Aujourd’hui, seuls les produits naturels, agricoles et viticoles peuvent bénéficier d’indications géographiques, qui mettent en évidence un lieu ou une région de production précis et déterminent les qualités caractéristiques du produit originaire de ce lieu. C’est une excellente disposition pour participer au développement économique local et au maintien de l’emploi dans nos territoires. Il reste encore à débattre pour affiner le texte mais, pour l’essentiel, c’est un sujet sur lequel nous pouvons tous nous retrouver, quelles que soient nos familles politiques.

L’effectivité du droit de la consommation passe aussi par la modernisation des moyens d’action de la DGCCRF, notamment pour les contrôles et les enquêtes. Le texte prévoit le recours au dispositif du consommateur mystère, le renforcement des pouvoirs de sanction et l’octroi de nouveaux pouvoirs aux agents pour effectuer les contrôles relatifs à la sécurité des produits.

La DGCCRF a toutefois souffert de la révision générale des politiques publiques – pas moins de 500 postes d’agent ont été supprimés. Nous savons que cela pose des problèmes dans les territoires ruraux : deux à trois agents opérationnels par département, c’est nettement insuffisant compte tenu des missions que ces derniers doivent accomplir.

Monsieur le ministre, nous ne discutons pas du budget et ce n’est pas le bon véhicule législatif pour renforcer les moyens financiers de la DGCCRF, mais permettez-moi de saisir cette occasion pour vous rappeler nos préoccupations. Vous nous avez déjà répondu que les effectifs seraient stabilisés pour l’année prochaine. C’est un peu court pour faire face à la charge de travail dans nos territoires.

M. Thierry Benoit. C’est mieux que si c’était pire !

Mme Jeanine Dubié. La lutte contre les clauses abusives va changer d’échelle : de l’échelle individuelle, on passera à l’échelle généralisée. Ce nouveau droit permettra de purger les contrats des clauses abusives qu’ils contiennent grâce à l’effet erga omnes, du nom de la fameuse locution latine. La DGCCRF et les associations de consommateurs pourront demander au juge d’ordonner la suppression des clauses dans les contrats qui sont identiques à celui pour lequel il a été saisi et qui ont été conclus par le même professionnel avec d’autres consommateurs.

Dès lors, les consommateurs seront plus efficacement protégés : la décision rendue pourra bénéficier à des consommateurs qui n’auront pas été parties à l’instance sans qu’ils aient à intenter une action en justice.

Pour les auteurs de fraudes économiques, les sanctions pénales seront alourdies afin de dissuader les professionnels de commettre des infractions.

Le plafond des amendes sera relevé et le juge pourra prononcer des amendes atteignant jusqu’à 10 % du chiffre d’affaires pour tenir compte du profit réalisé. Ces mesures vont aussi dans le bon sens, mais les députés du groupe RRDP pensent que la publicité des amendes est indispensable pour que celles-ci soient réellement dissuasives, notamment pour les infractions qui concernent les relations commerciales entre les distributeurs et les fournisseurs.

Telles sont les dispositions du texte pour lesquelles vous pourrez compter sur notre soutien sans faille.

Nous pensons toutefois pouvoir vous aider à améliorer encore l’équilibre du texte qui a été adopté par la commission.

Comme beaucoup de collègues, quels que soient les bancs sur lesquels ils siègent dans cet hémicycle, nous pensons que votre projet comporte aussi des lacunes que nos débats en séance publique doivent nous permettre de combler.

En effet, sur le crédit à la consommation, et tout particulièrement le crédit renouvelable, comme sur les relations entre fournisseurs et distributeurs, nous devons faire mieux. Le contexte économique dégradé auquel la France doit faire face nous oblige à être plus audacieux.

Nous vous l’avons déjà dit : nous voulons être un partenaire de la majorité qui privilégie une approche lucide. Nous ne sommes pas ici pour jouer les Cassandre et les oiseaux de mauvais augure, mais ne nous cachons pas la réalité : l’examen de votre projet de loi intervient dans un contexte particulier. En effet, la note de conjoncture publiée par l’INSEE jeudi dernier nous annonçait de sombres perspectives pour l’ensemble de l’année 2013.

Le contexte économique est donc nettement défavorable, en France comme dans une grande partie de l’Europe. En d’autres termes, monsieur le ministre, que votre projet de loi s’inscrive dans un tel contexte nous contraint à respecter de nouvelles exigences.

Concernant la lutte contre le mal-endettement et le surendettement, vous avez choisi de créer un registre national des crédits aux particuliers afin d’éviter le fameux « crédit de trop » aux consommateurs et de responsabiliser les prêteurs. Ce registre, que l’on appelle couramment fichier positif, sera, selon vous, respectueux des libertés publiques. Il sera encadré par des restrictions fortes pour interdire son utilisation commerciale. Des sanctions dures sont prévues le cas échéant. Il sera géré par la Banque de France.

Si nous comprenons votre volonté de donner un autre nom à ce registre, il me semble que la bataille des mots est perdue : tout le monde continue à l’appeler « fichier positif », même ses plus grands défenseurs.

Nous vous avions exprimé nos réserves sur ce fichier positif en commission ; nous confirmerons en séance publique. Je ne suis pas insensible à l’argument selon lequel les libertés publiques sont aujourd’hui plus menacées par les fichiers privés ou les nouvelles technologies que par les registres à caractère public, mais ce n’est pas une raison suffisante pour créer une nouvelle base de données, car cela n’est jamais sans risque.

Nous vous proposerons un amendement plus simple et, selon nous, plus efficace pour atteindre les objectifs de lutte contre le crédit de trop et de responsabilisation du prêteur. Il visera simplement à rendre obligatoire la présentation des trois derniers relevés bancaires.

Nous sommes convaincus que le crédit doit rester un acte volontaire qui engage le consommateur. Pour que cette conviction profonde soit traduite en termes juridiques et inscrite dans le projet de loi, nous vous proposerons des amendements visant à encadrer le crédit renouvelable, à limiter le démarchage le concernant et surtout à interdire les liaisons dangereuses entre carte de crédit et carte de fidélité.

Enfin, je tiens également à aborder la question des relations commerciales entre fournisseurs et distributeurs. Le législateur a instauré en 2008 une convention unique dont les éléments, définis par la loi, doivent être négociés sur une base annuelle. Cette disposition visait à garantir que la négociation commerciale ne soit pas indûment favorable aux acteurs en position de force.

La pratique montre en effet que les abus sont constamment commis par ceux qui bénéficient de telles positions. Le déséquilibre des relations commerciales aboutit donc nécessairement à des rentes abusives directement liées à ces positions de négociation dominante, ce qui crée des déséquilibres de marché et des poches d’inefficacité collective.

Nous vous proposerons donc des amendements pour renforcer réellement l’équilibre que vous souhaitez instaurer dans les négociations commerciales et limiter les abus au détriment des petits fournisseurs, c’est-à-dire nos PME et nos producteurs agricoles.

Monsieur le ministre, nous devons avoir de l’ambition politique quand c’est nécessaire. La tâche n’est pas facile, mais j’espère qu’avec notre travail sur ce projet de loi nous contribuerons à bâtir une France plus juste et plus solidaire, une France du bien vivre ensemble pour tous.

M. Razzy Hammadi et Mme Annick Le Loch, rapporteurs. Très bien !

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Je commencerai mon intervention en forçant le trait.

Mme Catherine Vautrin, M. Luc Chatel et M. Christian Jacob. Oh, non ! Jamais !

M. Thierry Benoit. Voilà qui est étonnant !

M. André Chassaigne. Un projet de loi qui mécontente le MEDEF et ses porte-voix ne peut pas être foncièrement mauvais. (Sourires.)

De fait, ce projet de loi sur la consommation comporte des mesures qui vont dans le bon sens en réglementant certaines pratiques commerciales.

Les députés du Front de gauche soutiennent notamment la mise en place de l’action de groupe. Ils la soutiennent à ce point qu’ils souhaitent l’élargir. En effet, si le texte est adopté dans sa rédaction actuelle, l’amiante, le médiator, les prothèses PIP, pas plus que les dommages causés par un site industriel ou agricole défaillant ou encore les OGM et autres problématiques liées à l’industrie agroalimentaire, ne pourront faire l’objet d’une action de groupe. Personne ici ne peut se satisfaire d’une telle restriction, on l’a même entendu tout à l’heure de la bouche de Mme Vautrin.

À ce sujet, je voudrais rappeler les propos de M. Jean-Marc Ayrault, alors député socialiste, tels qu’ils figurent dans l’exposé des motifs de la proposition de loi n° 1897 qu’il avait déposée au cours de la précédente législature : « Au-delà [du domaine de la consommation], il convient également d’inclure les litiges relatifs à la santé ou à l’environnement, d’autant que ceux-ci engendrent souvent des situations bien plus dramatiques au plan humain, et surtout plus urgentes pour les victimes dont le pronostic vital se réduit à mesure que la procédure avance et ne peut donc s’aligner sur la durée d’un procès abusivement prolongé par un adversaire d’autant plus en bonne santé qu’il est une personne morale. »

M. Christian Jacob. C’est ironique !

M. André Chassaigne. Quelle pertinence dans cette remarque ! Quel esprit d’à-propos ! Nous partageons entièrement cette opinion. C’est pourquoi j’ai déposé un amendement visant à intégrer la santé et l’environnement dans le champ de l’action de groupe. D’ailleurs, sur ce point, le président de la commission du développement durable et le rapporteur pour avis de cette commission ont exprimé quelques interrogations et inquiétudes, certes retenues.

La ministre de la santé vient de déclarer qu’elle était favorable à une telle procédure. Pourquoi le Gouvernement ne s’est-il pas saisi plus tôt de cette question, afin que l’examen du présent projet de loi soit l’occasion de mettre en place immédiatement un dispositif complet et efficient ? Le délai imposé semble être le résultat d’une mauvaise coordination interministérielle – ou serait-ce une manœuvre dilatoire ? Je ne peux le croire…

Certes, les tout-puissants laboratoires pharmaceutiques effectuent un lobbying intense pour empêcher cette réforme. Mais cela doit nous conduire à agir d’autant plus vite et d’autant plus fermement. Faut-il rappeler ici, en plus des scandales sanitaires impliquant Servier et quelques autres, les pratiques sociales de Sanofi, qui supprime des centaines d’emplois malgré des bénéfices exorbitants ? Faut-il rappeler les affaires de corruption liées au circuit du médicament ?

Si un grand nombre de parlementaires souhaitent comme nous que l’action de groupe soit élargie dès maintenant, c’est parce que chacun connaît le mécanisme qui consiste à faire suivre les effets d’annonce d’un enterrement de première classe – permettez-moi de repenser ici à notre proposition de loi d’amnistie sociale, (« Ah ! » sur plusieurs bancs des groupes SRC et UMP) qui était elle aussi censée revenir très rapidement à l’ordre du jour. Il est par conséquent préférable d’acter dès aujourd’hui – demain, après-demain – que l’action de groupe pourra concerner la santé et l’environnement, quitte à laisser le soin au ministère d’aménager la procédure dans le cadre de décrets d’application en concertation avec les rapporteurs de ce projet de loi.

Deuxième point : le chapitre IV du projet concrétise la volonté d’aboutir à la création d’indications géographiques protégeant les produits industriels et artisanaux.

Vous le savez, je suis très attaché à cette question. Je partage avec vous, comme avec beaucoup d’autres députés, l’idée qu’il faut agir pour favoriser la valorisation et le développement de nos productions nationales à travers un élargissement des indications géographiques aux produits non alimentaires.

M. Thierry Benoit. Oui !

M. André Chassaigne. Ainsi que j’ai eu l’occasion de le dire, c’est un sujet essentiel, qui concerne des centaines, voire des milliers d’artisans et d’industriels dont les savoir-faire et les produits manufacturés sont partie intégrante de notre patrimoine culturel.

M. Thierry Benoit. Tout à fait ! Il a raison !

M. André Chassaigne. En ouvrant les indications géographiques au-delà du secteur agricole et alimentaire, nous touchons directement à plusieurs enjeux : la protection et la valorisation de nos productions nationales, l’information des consommateurs sur la qualité et l’origine des produits, mais aussi le développement industriel et artisanal et l’emploi dans notre pays.

M. Thierry Benoit. C’est la renaissance par les terroirs !

M. André Chassaigne. Sur tous ces enjeux liés à l’extension des indications géographiques, notre réflexion a été nourrie de plusieurs années d’échanges, dans cet hémicycle comme en commission. Au regard du texte qui nous est soumis, ces échanges ont été constructifs. Les dernières auditions sur la question de l’utilisation des noms des collectivités à des fins commerciales ont une nouvelle fois démontré que nous avions besoin de prendre en compte l’intégralité des situations et des difficultés, notamment juridiques, posées par l’extension des indications géographiques protégées.

En effet, vous avez eu l’occasion de le rappeler, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, la transcription législative de cette extension s’inscrit dans un cadre réglementaire très contraint.

Ainsi, le droit international reconnaît les indications géographiques comme une forme de propriété intellectuelle, au même titre que les marques commerciales. Il s’agit de l’article 22 de l’accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce, adopté dans le cadre de l’Organisation mondiale du commerce. Cet article dispose : « on entend par indications géographiques des indications qui servent à identifier un produit comme étant originaire du territoire d’un Membre ou d’une région ou localité de ce territoire, dans les cas où une qualité, réputation ou autre caractéristique déterminée du produit peut être attribuée essentiellement à cette origine géographique ». Il faut insister sur la fin de cette phrase : « dans les cas où une qualité, réputation ou autre caractéristique déterminée du produit peut être attribuée essentiellement à cette origine géographique ».

Le système européen de protection des indications géographiques mis en place en 1992 est plus contraignant. Il comprend deux types d’indication géographique : les AOP, appellations d’origine protégée, dont le lien avec le territoire est très fort, et les IGP, indications géographiques protégées, dont le lien avec le territoire est plus lâche.

Je rappelle également que l’article 36 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne – ex-article 30 du traité instituant la Communauté économique européenne – autorise les États membres à mettre en place une protection nationale pour les dénominations justifiées par la protection de la propriété commerciale. Cet article contient la précision suivante : « Toutefois, ces interdictions ou restrictions ne doivent constituer ni un moyen de discrimination arbitraire ni une restriction déguisée dans le commerce entre les États membres. »

L’attribution d’une dénomination repose non seulement sur le lien avec l’origine, mais également sur des critères qualitatifs qui figurent dans un cahier des charges contrôlé par un organisme indépendant. Des différents alinéas de cet article 36 découle en effet le cahier des charges, un dispositif qui permet de bien encadrer l’attribution d’une indication géographique protégée.

Nous le voyons, ce cadre réglementaire ne laisse que peu de place au législateur, ce qui explique sans doute certaines difficultés en termes de rédaction, comme pour la définition de l’origine elle-même. Mais nous devons garder à l’esprit que notre objectif est bien de valoriser des productions de grande qualité, afin de renforcer l’industrie et l’artisanat de nos régions. Cette évolution des indications géographiques doit donc s’intégrer dans une politique bien plus large de soutien économique au développement des produits made in France, avec de nouveaux outils financiers, plutôt que dans le soutien d’une compétitivité financière sans lien avec l’économie réelle. Aussi n’ai-je eu de cesse de revenir sur la nécessité de bien clarifier ce texte, en essayant toujours de préserver l’intérêt général des productions françaises.

M. Frédéric Lefebvre. C’est vrai.

M. André Chassaigne. Nous aurons l’occasion d’y revenir plus longuement lors de l’examen des articles 23 et 24. J’ai tenu à insister, à travers différents amendements, sur l’importance de la procédure d’homologation des indications géographiques et sur les modalités de prise en compte des acteurs concernés.

J’utiliserai une expression qui fait sens : l’intérêt de ce texte n’est pas de faire du patrimoine pour faire du patrimoine, mais de s’appuyer sur des savoir-faire et des productions existantes dans certaines zones géographiques pour promouvoir et développer des produits français dont la qualité est reconnue.

Oui, nous avons besoin de clarté, de transparence et d’une approche cohérente et réfléchie dans la définition des indications géographiques. Nous avons besoin d’un texte qui évite de reprendre certains clichés réducteurs, nocifs pour l’intérêt général. Face à une concurrence internationale féroce, gardons-nous, en acceptant certains ajustements durant la discussion, d’attiser ou de faire émerger des concurrences territoriales sans fondement, qui pourraient se faire au détriment de l’emploi.

Cette exigence justifie pleinement l’existence d’une enquête publique dans le cadre de la procédure d’homologation, tout comme la nécessité d’assurer une véritable représentativité des professionnels du ou des produits concernés au sein de l’organisme de défense et de gestion. J’ai échangé à ce sujet avec le rapporteur et le ministre et nous nous retrouvons autour de ces orientations.

Je pense aussi à la définition des cahiers des charges, qui devra prendre en considération à la fois des données historiques, économiques et industrielles et des précisions techniques et géographiques. J’ai déposé en ce sens un amendement qui permettra, je l’espère, de lever certaines ambiguïtés du texte en faisant référence au « savoir-faire historique de production » dans la définition des cahiers des charges.

Avec ces deux articles, je suis certain que nous offrirons un outil utile de reconnaissance et de valorisation des savoir-faire français. Compte tenu de l’importance de l’image et des vertus économiques des signes d’identification de la qualité et de l’origine des produits alimentaires en terme d’emplois localisés dans les territoires, nous voulons tous qu’une coopération et qu’une dynamique identiques puissent profiter aux produits artisanaux et industriels.

Je souhaite d’ailleurs que la représentation nationale, une fois la loi adoptée, puisse régulièrement faire le point sur l’impact de ces nouvelles dispositions. Il est indispensable qu’un suivi des créations d’emplois et de la qualification soit assuré, grâce à une étude précise des secteurs d’activité concernés et de la localisation des futures indications géographiques.

J’en viens maintenant, en lien direct avec le volet précédent, à une absence très regrettable dans ce texte relatif à la consommation : l’identification de l’origine des produits agricoles et alimentaires.

Ce texte fait très peu de place au volet agricole et alimentaire. Il s’agit pourtant d’un sujet essentiel pour nos concitoyens, qui touche à la consommation. Depuis des années, je lui accorde un intérêt marqué et vous ne serez pas surpris que je reprenne dans cette intervention une argumentation déjà développée publiquement et qui figure dans la proposition de loi visant à rendre obligatoire l’indication du pays d’origine pour les produits agricoles et alimentaires et les produits de la mer, à l’état brut ou transformé, que j’avais déposée au mois de février.

En effet, en apprenant que de la viande de cheval avait été retrouvée dans la viande de bœuf entrant dans la composition de certains produits transformés, beaucoup de nos concitoyens ont fait le constat que l’origine des ingrédients alimentaires de la plupart des produits transformés était tout simplement inconnue. Ils ont aussi découvert, avec l’exemple particulier du « minerai » de bœuf – ces parties les moins nobles utilisées le plus souvent sous forme hachée – les circuits de commercialisation de la viande, où les intermédiaires se multiplient. Cette logique commerciale est fondée sur la recherche des prix les plus bas pour alimenter le secteur des produits transformés, la multiplicité des opérateurs facilitant les fraudes.

Au-delà de la supercherie commerciale, que vous avez régulièrement dénoncée, et avec pertinence, monsieur le ministre, nous récoltons les fruits de nombreux renoncements politiques : abandon de la régulation du secteur agricole, déréglementation des échanges commerciaux liés à l’agroalimentaire et à la distribution, baisse des budgets et des moyens humains affectés à la sécurité sanitaire de l’alimentation et à la répression des fraudes. Des renoncements, à l’instar d’une RGPP qui a littéralement démoli certaines politiques publiques dans ce domaine, dont nous touchons aujourd’hui les tristes dividendes !

Mais l’itinéraire, entre le producteur et le consommateur, de la viande de cheval retrouvée dans les produits de plusieurs marques de produits transformés, est aussi révélateur d’un système de plus en plus complexe d’achat et de revente des produits agricoles et alimentaires : négociants, abattoirs, traders, sociétés commerciales, usines de transformation, marques généralistes, grande distribution. Si la traçabilité peut permettre d’identifier tous ces intermédiaires, elle ne lève pas l’opacité sur l’origine et la qualité des productions en cause, et permet toutes les dérives.

Cette affaire aux multiples rebondissements a confirmé que l’ensemble des productions agricoles faisait désormais l’objet d’un appétit spéculatif grandissant et que les fraudes poursuivies ne constituaient qu’une infime partie de l’ensemble des infractions, lesquelles ne se limitent pas à la filière de la viande. Nous pourrions en effet évoquer le secteur des légumes, édifiant lui aussi. En France, on assiste ainsi à l’effacement progressif de l’ensemble des productions légumières, parallèlement à une croissance vertigineuse des importations.

Car pour la grande distribution et les centrales d’achats, la recherche des coûts de production les plus faibles pour accroître leurs marges est devenue le fil directeur de la stratégie commerciale. Les secteurs en croissance des produits transformés et surgelés, soumis à des réglementations moins contraignantes que les denrées fraîches, constituent des cibles privilégiées.

Les conséquences de ces stratégies passent souvent inaperçues pour les consommateurs, qui ne voient évidemment pas de baisse de prix sur ces produits tandis que les étiquettes d’emballage n’imposent pas d’inscription concernant l’origine de chaque ingrédient.

Par ailleurs, la hausse des prix des matières premières agricoles entraîne une recrudescence de l’utilisation de produits non conformes et de substituts alimentaires. L’affaire de la viande de cheval fait suite à de nombreux problèmes alimentaires et sanitaires, de la vache folle au poulet à la dioxine en passant par l’emploi de compléments alimentaires contaminés par des métaux lourds, le trafic d’antibiotiques destinés aux traitements animaux ou encore les résidus chimiques et les huiles non alimentaires mélangées à des huiles conformes. Toutes ces dérives auraient dû inciter les États à maintenir une vigilance particulière.

Certes, depuis l’affaire de la vache folle, le pays d’origine de la viande bovine fraîche doit être mentionné. Mais ce n’est pas le cas pour les produits transformés à base de viande, pour lesquels seul le type de viande utilisée doit être mentionné.

M. Razzy Hammadi, rapporteur. Bien sûr !

M. André Chassaigne. Il en est de même pour tous les autres produits alimentaires qui ne bénéficient pas de ce dispositif d’identification. L’article 3 de la loi du 27 juillet 2010 de modernisation de l’agriculture et de la pêche avait pourtant introduit la possibilité de faire figurer l’indication du pays d’origine « pour les produits agricoles et alimentaires et les produits de la mer, à l’état brut ou transformé ». Mais cette disposition facultative n’a jamais trouvé de traduction réglementaire.

Monsieur le ministre, le constat est amer. Nous mesurons les dégâts du laisser-faire en matière de commercialisation des denrées alimentaires sur l’emploi, comme à Spanghero. Nous mesurons les effets de la concurrence déloyale des productions des pays tiers que subissent les producteurs. Nous mesurons le besoin d’agir pour une réorientation de notre modèle agricole et alimentaire vers des productions relocalisées, et de qualité. Nous mesurons l’opacité volontaire entretenue envers les consommateurs, notamment sur les produits transformés.

Et pourtant, nous refusons de prendre dès maintenant une première mesure, qui sera d’une efficacité redoutable si elle s’accompagne des moyens humains de contrôle : l’obligation de la mention du pays d’origine sur tous les produits agricoles et alimentaires.

Monsieur le ministre, depuis l’affaire de la viande de cheval, beaucoup a été dit sur les dérives des marchés de la viande en Europe, mais rien ne change vraiment et l’opacité des filières d’approvisionnement de produits transformés demeure. Ainsi, sur les boîtes de raviolis ou de lasagnes vendues dans les grandes surfaces ou ailleurs, rien ne change. On ne connaît toujours pas l’origine de la viande transformée. Nous pourrions faire le même constat pour la poêlée de légumes surgelée ou les boîtes de conserve.

Pourtant, dans leur majorité, les organisations de producteurs des différentes filières en France se sont exprimées publiquement sur cette exigence d’indication de l’origine : elles y sont favorables et disent qu’il y a urgence. De leur côté, les associations de consommateurs ne cessent de la réclamer. Le Président de la République lui-même n’a-t-il pas déclaré, lors de sa visite au salon de l’agriculture, qu’il voulait qu’à terme « il y ait un étiquetage obligatoire sur les viandes qui sont insérées, introduites dans des produits cuisinés », afin que « le consommateur puisse être informé de la provenance des produits qu’il consomme et notamment des viandes » ?

Mais il restait déjà bien vague sur les délais de mise en œuvre de cette mesure, se référant notamment aux discussions en cours au niveau européen. Le Gouvernement semble lui emboîter le pas en jouant la montre, renvoyant sans cesse aux négociations et aux arbitrages en cours au niveau européen. Le ministre de l’agriculture continue d’ailleurs de répéter qu’il est urgent d’attendre : attendre le rapport du commissaire européen, saisi pour la fin de l’été, puis attendre un hypothétique changement de la législation européenne pour la fin de l’année. Attendre, toujours attendre !

Il est temps de marquer un volontarisme nouveau sur la question de l’étiquetage, en lien d’ailleurs avec le renforcement nécessaire des moyens de contrôle, que ce texte aborde. Je suis favorable à ce que cette indication obligatoire de l’origine concerne toutes les productions. Mais nous pouvons d’ores et déjà commencer par la viande ! Ne nous contentons pas de prôner des mesures volontaires d’affichage de l’origine, mesures qui permettent aux dérives de se poursuivre, en particulier pour les produits transformés.

Sans attendre les éventuels arbitrages au niveau européen, il faut porter une mesure concrète d’étiquetage obligatoire de l’origine. Sur ce sujet de consommation essentiel, soyons réellement offensifs, comme le déclarait il y a quelques jours le ministre de l’agriculture. Le consommateur doit savoir ce qu’il achète ! C’est tout le sens des amendements que j’ai déposés, et que je souhaite voir adopter par la représentation nationale.

J’en viens au reste de ce vaste projet de loi. Comment ne pas souscrire à l’accroissement des pouvoirs d’enquête de la DGCCRF ? Toutefois, remarquons qu’augmenter les pouvoirs de la répression des fraudes ne sert à rien si ce service ne dispose pas des moyens humains et matériels nécessaires à son action.

M. Frédéric Lefebvre. J’ai déjà entendu cela !

M. André Chassaigne. Des centaines d’emplois ont été supprimés ces dernières années, monsieur Lefebvre, par dogmatisme ultralibéral, par application de politiques technocratiques de réduction d’effectifs.

M. Thierry Benoit. Par économie !

M. André Chassaigne. La RGPP, la Réate, la MAP…

M. Frédéric Lefebvre. C’est donc la continuité.

M. André Chassaigne. Derrière ces sigles peu poétiques se cachent des politiques de purge, menées aussi bien par ce gouvernement, malheureusement, que par le précédent. Cela ruine tout effort pour mieux réguler les pratiques commerciales.

La DGCCRF a subi des baisses d’effectifs considérables : 15 % en six ans, soit une perte de 561 emplois.

M. Frédéric Lefebvre. L’actuel gouvernement a-t-il augmenté ses moyens ?

M. André Chassaigne. Elle ne compte plus que 3 000 agents aujourd’hui, dont à peine 2 000 enquêteurs. Quarante-huit départements comptent moins de douze agents, vingt-huit départements moins de huit agents…

Monsieur le ministre, vous nous avez fait savoir que les effectifs de la DGCCRF avaient été préservés cette année et que vous souhaitiez qu’ils augmentent l’année prochaine. Je ne doute pas de votre bonne volonté, mais comment recruter lorsque c’est l’ensemble de l’action publique qui est corsetée par le dogme du nécessaire dégraissage des effectifs, des coupes sombres dans les budgets, de l’austérité généralisée ? Comment le faire durablement sans remettre en cause les stratégies européennes de laminage de l’investissement et de l’emploi publics ?

Ce projet de loi prévoit ainsi d’augmenter les sanctions pour fraude économique. Nous soutenons une telle logique. Le Gouvernement a raison : les sanctions dissuasives sont nécessaires parce que les entreprises ne se gouvernent pas toutes seules. Les entreprises peuvent pratiquer l’autorégulation. Il y en a qui le font : comme disait Michel Audiard, « il y a aussi des poissons volants, mais ils ne constituent pas la majorité du genre ».

M. Damien Abad. C’est une vraie motion de renvoi !

M. André Chassaigne. C’est la raison pour laquelle il est incohérent de renoncer à la régulation des rémunérations des patrons et des mandataires sociaux. Où est passée l’interdiction des retraites chapeaux, des parachutes dorés, et la limitation des stock-options promises par le candidat Hollande ? Soyons logiques : c’est ici aussi la loi qui doit trancher et mettre de l’ordre dans ces pratiques, non pas seulement parce qu’elles sont inégalitaires, mais aussi parce qu’elles sont très dommageables économiquement.

En outre, il est très important, pour que les sanctions ne soient pas vaines, d’assurer l’effectivité des contrôles. Les entreprises malveillantes ne modifieront pas leurs pratiques tant que des centaines d’emploi de contrôleurs ne seront pas créés.

Du reste, elles disposent d’ores et déjà de nombreuses façons de contourner les législations. Ainsi, des entreprises de vente par correspondance malhonnêtes, qui cherchent notamment à escroquer les personnes âgées, peuvent bénéficier de boîtes postales en Belgique ou en Suisse, ce qui les rend très difficilement identifiables et rend les recours quasiment impossibles !

Je voudrais aborder, pour terminer, la question centrale du crédit. En la matière, je crains – mais je ne voudrais pas vous choquer, monsieur le ministre – que nous ne glissions quelque peu dans l’enfumage.

M. Damien Abad. Comme c’est bien dit !

M. André Chassaigne. Par amendement, le Gouvernement entend instituer un registre national du crédit aux particuliers. Comme je l’ai dit en commission : pourquoi pas ? Nous n’avons pas une approche dogmatique sur cette question. Cependant, nous prenons acte du fait que la plupart des associations de consommateurs, au premier rang desquelles l’UFC-Que Choisir, sont opposées à une telle mesure.

Une analyse objective de ce dispositif pousse à constater qu’il revient à faire porter la responsabilité du surendettement aux seules familles et non aux établissements financiers pourvoyeurs de crédit.

M. Razzy Hammadi, rapporteur. C’est le contraire !

M. André Chassaigne. C’est tout le problème. Ficher les familles pour empêcher le crédit de trop, cela revient à situer la faute du côté des plus fragiles et non du côté de ces filiales bancaires qui multiplient les produits financiers pervers que sont les crédits renouvelables. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean-Louis Bricout, rapporteur pour avis. C’est l’inverse !

M. Frédéric Lefebvre. C’est l’affichage généralisé !

M. André Chassaigne. Un tel renversement des responsabilités est très problématique, surtout dans une loi censée porter les intérêts des consommateurs !

Rappelons que Jean-Marc Ayrault et l’ensemble des députés socialistes avaient demandé à cor et à cri l’interdiction du crédit revolving lors de la précédente législature. Nous les avons soutenus dans ce combat. Pourquoi reculer aujourd’hui ? Ces pratiques commerciales inqualifiables, que vous appeliez à juste raison le « crédit revolver », nous devons les interdire !

Monsieur le ministre, cher Benoît Hamon, j’irai presque jusqu’à dire cher camarade (Rires), sur cette question, je crois nécessaire de vous le dire : il ne faut pas resservir les arguments de la droite ! En nous expliquant aujourd’hui que le crédit renouvelable « fonctionne » et permet de soutenir la consommation, notamment en matière d’électroménager, vous contredisez vos propos d’hier ! Comment tenir pareil raisonnement alors que chacun sait qu’il suffirait de substituer des crédits classiques, parfaitement fonctionnels pour ce type de consommation ? N’adoptons pas aujourd’hui les arguments de Mme Lagarde et du lobby bancaire qu’ensemble nous rejetions hier !

Les personnes les plus modestes sont celles qui sont les plus exposées à la violence des mécanismes de recouvrement qui les mettent dans l’incapacité de rembourser.

Le crédit renouvelable a conquis des parts de marché en s’adressant d’abord aux classes populaires au revenu annuel moyen compris entre 11 000 et 21 000 euros. Cela représente 41,5 % des crédits renouvelables. Selon la Banque de France, la part de l’encours de crédits renouvelables dans le total du crédit à la consommation demeure à un niveau supérieur à 20 %. Actuellement, l’encours est de 1 105 euros par ménage, plaçant la France au troisième rang européen derrière le Royaume-Uni et les Pays-Bas.

Permettez-moi de citer à nouveau Jean-Marc Ayrault – je ne sais pas pourquoi, c’est la troisième fois que je le fais aujourd’hui –, et le groupe SRC au grand complet : « Cette forme de crédit agit comme un substitut au maintien du pouvoir d’achat des ménages précarisés et fragilisés, mais avec un taux effectif global énorme qui dégage des marges indécentes pour les acteurs économiques du secteur. En réalité, le crédit revolving s’apparente trop souvent à un crédit revolver braqué sur la tempe des plus faibles. L’établissement créancier vise non pas à octroyer une aide au coup par coup, mais bien à maximaliser la rentabilité du client ; ce qui passe par sa fidélisation. »

M. Frédéric Lefebvre. Eh bien !

M. André Chassaigne. C’est en interdisant ces produits financiers que nous contribuerons à prévenir le surendettement, pas en donnant quitus aux banques à travers un fichier positif, alors que ce sont elles les principales responsables du surendettement ! C’est la raison pour laquelle j’ai déposé un amendement de suppression du crédit revolving, que les socialistes appelaient « crédit revolver ».

Pour ce qui est des nombreuses autres petites mesures techniques que vous nous présentez, elles vont pour la plupart dans le bon sens. Je pense, entre autres, à la lutte contre les clauses abusives et à l’assouplissement des conditions de résiliation des contrats d’assurance.

C’est la raison pour laquelle les députés du Front de gauche voteront ce texte. (« Ah » sur les bancs du groupe SRC.) Nous avons déposé, avec nos collègues des outremers, plusieurs amendements, dans un esprit très constructif. Nous souhaitons bien entendu qu’ils retiennent l’attention de la majorité et du Gouvernement.

Interdiction de la vente forcée, régulation des prix alimentaires, amélioration de l’étiquetage, limitation des frais bancaires, lutte contre l’obsolescence programmée : nous avons mis les mains dans le cambouis avec enthousiasme, si bien d’ailleurs que la commission des finances a recalé certaines de nos propositions au titre de l’article 40.

C’est l’occasion pour moi de protester une nouvelle fois contre cette muselière qui nous empêche de remplir correctement notre tâche de législateur. Ainsi la commission a refusé au titre de l’article 40 un amendement que j’avais réussi à faire voter sous la présente législature, alors que M. Lefebvre était ministre.

M. Frédéric Lefebvre. Oui, c’était un très bon amendement !

M. André Chassaigne. Cet amendement visait à obliger les prestataires de service à fournir à leurs clients leurs coordonnées postales et téléphoniques. Rendez-vous compte !

M. Damien Abad. C’est un scandale !

M. André Chassaigne. Cela dit, nous soutiendrons le présent projet de loi. Mais cela ne nous empêchera pas de remarquer qu’il n’apportera pas un centime de plus aux ménages et qu’il n’améliorera guère le pouvoir d’achat. C’est une loi conforme à la conjoncture d’austérité actuelle : on gère la pénurie. Cette économie de l’endettement, qui fait les délices des banques, est la conséquence de l’insuffisance structurelle des salaires.

« N’oublions jamais que le droit au rêve ne prend toute sa valeur qu’accompagné du droit à la lucidité », disait Georges Charpak.

En effet – et je finirai par là –, le meilleur soutien à la consommation, la meilleure mesure en matière de pouvoir d’achat, ce n’est pas la baisse des prix ou la meilleure information des ménages, c’est l’augmentation des revenus. Salaires, traitements, retraites, prestations sociales : seule l’augmentation réelle de ces ressources permettra une reprise durable de la consommation.

M. Frédéric Lefebvre. Sans oublier la défiscalisation des heures supplémentaires !

M. André Chassaigne. Avec la stagnation du SMIC, avec le gel du point d’indice des fonctionnaires, avec le désastre de la TVA sociale et du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, avec la contre-réforme des retraites en préparation, nous sommes bien loin du compte !

M. Frédéric Lefebvre. Merci, monsieur Chassaigne !

M. André Chassaigne. Une fois encore, une fois de plus, avant qu’il soit trop tard, changeons de cap ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Frédéric Barbier, pour le groupe SRC.

M. Frédéric Barbier. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, j’aimerais commencer, une fois n’est pas coutume, par saluer notre opposition, son engagement, son respect des promesses, son organisation.

Elle a promis l’action de groupe deux fois : elle ne l’a jamais réalisée. Elle a promis les indications géographiques pour les produits manufacturés : elle ne les a jamais votées. Elle a promis de renforcer les moyens d’action de la DGCCRF : elle a d’abord diminué de 15 % ses effectifs, puis n’a pu mettre en place les sanctions administratives, faute de temps. Elle a promis de renforcer la protection et l’information du consommateur dans le domaine du commerce électronique : pas de chance, les élections sont arrivées quand on ne s’y attendait pas.

M. Germinal Peiro. Quel bilan !

M. Frédéric Barbier. N’ayant pas su ou voulu mettre en place ces réformes, la droite nous laisse l’opportunité de voter ce beau projet de loi. J’en suis personnellement très heureux.

Les Français sauront que si leur savon de Marseille ne vient pas de Chine, c’est grâce à nous. Ils sauront que s’ils peuvent résilier leur assurance à n’importe quel moment après la première année de souscription, c’est grâce à nous. Ils sauront que si leur voisin producteur de porcs parvient à maintenir son élevage, c’est encore grâce à nous. Nous allons changer, très concrètement, la vie des Français. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Thierry Benoit. Bref, tout va aller mieux !

M. Frédéric Barbier. Il semblerait que j’appuie là où cela fait mal, chers collègues !

Au-delà du projet politique, je tiens à saluer la qualité de ce texte solide, cohérent, ambitieux, et équilibré.

Prenons l’exemple de l’action de groupe par exemple. Dès la promulgation de cette loi, les consommateurs ayant été victimes d’une tromperie ou des effets d’une entente pourront poursuivre les responsables en justice et être dédommagés du tort qu’ils ont subi. L’inquiétude est grande du côté patronal, mais je crois sincèrement que ce n’est pas justifié. Nous évitons tous les écueils du modèle américain. Tout d’abord, il s’agit d’un opt-in : le consommateur devra se manifester pour faire partie de l’action. Ensuite, elle est mise entre les mains des associations de consommateurs, il n’est donc pas possible que cela devienne une course à la recherche du moindre petit défaut pour faire de l’argent.

Mme Catherine Vautrin. Ce sera une course entre les associations !

M. Frédéric Barbier. Enfin, les actions de groupe ne seront pas arbitrées par des jurys populaires imprévisibles. Toutes sortes de précautions encadrent cette procédure afin qu’elle soit mise en œuvre pour des cas avérés et non à des fins lucratives.

Dès lors, les entreprises ne devraient pas craindre l’action. Au contraire, une société qui respecte les règles du jeu ne court aucun risque. En outre, les comportements frauduleux de certains concurrents, qui aujourd’hui peuvent constituer pour elle un désavantage compétitif, vont être considérablement réduits. Avec l’action de groupe, telle que nous l’avons conçue, les entreprises qui ne trichent pas y gagnent.

Bien entendu, le plus grand bénéfice revient au consommateur : d’abord, parce que les risques de tromperie ou d’entente seront beaucoup moins grands en raison de l’effet dissuasif de la menace d’une action de groupe ; ensuite, du fait de la possibilité d’être dédommagé financièrement ou en nature ; enfin, en raison de l’intérêt économique. Si plusieurs compagnies se mettent d’accord sur un prix, cela fige le marché : plus de concurrence à la baisse des prix, plus d’innovation, plus d’adaptation aux besoins des consommateurs. Quand une société vend sciemment un produit qui ne correspond pas aux caractéristiques communiquées, le client perd de l’argent, s’en trouve diminué dans sa capacité à acheter un autre bien ou service, et cela réduit sa confiance. Le marché dans son ensemble s’en trouve pénalisé. L’action de groupe est une mesure de justice, mais aussi un atout économique. Le marché fonctionnera mieux pour tout le monde.

Cela a déjà été dit mais il me semble important de préciser que ce texte met en place le principe de l’action de groupe. Elle sera ensuite étendue à la santé, à l’environnement. Je m’étonne d’ailleurs des critiques qui s’élèvent à ce sujet. Aurait-il fallu traiter toutes ces questions en même temps alors que les enjeux qui s’y attachent ne sont absolument pas du même ordre ? Aurions-nous dû verser dans la précipitation, quitte à écrire un texte incohérent, et réducteur ?

M. Damien Abad. Il l’est quand même !

M. Frédéric Barbier. Je ne le crois pas.

Les articles 61 et 62, qui traitent des négociations commerciales entre la grande distribution et ses fournisseurs, vont également permettre de rétablir l’équilibre. Nous savons que les forces des acteurs en présence sur ce marché ne sont pas proportionnées, et que certains abusent de leur position dominante pour obtenir des avantages anormaux. Nous n’acceptons pas que les distributeurs puissent parfois imposer unilatéralement leurs tarifs. Le texte rappelle donc que les clauses générales de vente constituent le socle des négociations.

L’article 62 permet de répondre aux différentes crises que nous avons récemment connues à la suite des hausses des cours des matières premières agricoles. Il impose la réouverture des négociations en cas de fluctuations significatives, afin que les producteurs puissent les répercuter sur leurs prix de vente. C’est une disposition absolument essentielle, dans la mesure où nous parlons ici de la survie d’une partie de la production agricole française.

Ce projet de loi propose de nombreuses mesures de protection des consommateurs – j’y reviendrai – mais nous voyons qu’il constitue également à bien des égards une avancée pour les producteurs.

Nous pouvons en trouver une autre illustration dans la création d’indications géographiques pour les produits manufacturés. C’est une très bonne nouvelle – j’espère d’ailleurs que la droite saura nous en féliciter – car les indications géographiques protégeront et valoriseront nos savoir-faire locaux et renforceront des PME souvent implantées dans des territoires ruraux. De plus, elles sont vecteur de croissance : elles soutiendront l’emploi et inciteront à l’achat en garantissant au consommateur la qualité du produit. Vous l’avez compris, il est question dans ce texte de protection, d’équilibre, et de redonner de l’élan à notre économie.

Les dispositions du chapitre II, moins symboliques mais non moins importantes que l’action de groupe, vont également dans ce sens. Je n’en citerai que quelques-unes : les obligations en termes d’information précontractuelle, l’amélioration des conditions d’information sur la garantie légale de conformité, la lutte contre les clauses abusives.

Elles comportent également des avancées sur la vente à distance : confirmation de l’offre sur papier, information sur le délai de rétractation, consentement pour paiement supplémentaire, liste d’opposition au démarchage téléphonique.

Par ailleurs, les consommateurs pourront désormais résilier leurs assurances à tout moment, sans frais ni pénalité, à partir du premier jour suivant la reconduction du contrat. C’est une avancée notable, car il s’agit d’un budget contraint pour les ménages. Cette disposition doit permettre de faire jouer au mieux la concurrence.

Toutes les mesures que nous venons d’évoquer protègent donc le consommateur et stimulent l’économie.

Pour que toutes ces dispositions fonctionnent bien, il est nécessaire de disposer d’une autorité capable de les contrôler et de sanctionner les infractions. Ce projet de loi renforce considérablement le pouvoir de l’administration en charge de ces questions, la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes – la DGCCRF – avec la mise en place de sanctions administratives, d’amendes plus dissuasives, de « clients mystère », de commissions rogatoires, ou d’un meilleur contrôle des arnaques en ligne. Toute une palette de nouveaux outils est ainsi offerte à la DGCCRF pour lui permettre de remplir au mieux ses missions.

J’aimerais désormais aborder deux sujets qui me tiennent à cœur, l’un qui est déjà traité dans le texte, l’autre qui j’espère le sera.

Je veux parler tout d’abord de la résiliation des abonnements aux chaînes cryptées. Nous souhaitons à travers ce projet de loi lutter contre la rente, et il me semble que la manière dont sont conçus ces contrats – dont, je le rappelle, les montants sont importants – en constitue une.

J’en entends trop souvent parler dans ma circonscription pour ne pas l’évoquer ici. Les offres sont attrayantes, le prix d’appel correct, l’affiche appétissante : la tentation est grande. Mais beaucoup d’abonnés ou de potentiels abonnés ne sont pas conscients du fonctionnement du contrat : clause de reconduction tacite, réévaluation du prix passé la première année, et modalités de résiliation restrictives.

M. Damien Abad. Vous allez tuer Canal Plus !

M. Frédéric Barbier. La date anniversaire passe, et le consommateur doit attendre un an de plus, avec un prix qui est presque le double de celui qu’il a payé jusqu’alors, pour pouvoir mettre fin à son contrat. Un an de plus à ce tarif, je vous assure que cela laisse parfois un goût amer !

Le deuxième sujet est celui du surendettement. Élu du pays de Montbéliard, territoire qui connaît de vraies difficultés sociales, je sais combien cette question parfois dramatique est difficile à traiter. Le texte contient à cet égard des avancées majeures.

D’abord, l’obligation de proposer une offre de crédit amortissable, alternative à un crédit renouvelable. À partir d’un certain montant, il ne peut être donné comme seule option au client qui a envie d’acheter sa nouvelle télévision de faire un crédit renouvelable ; il doit savoir qu’il existe d’autres possibilités.

Ensuite et surtout, un registre national des crédits aux particuliers est mis en place, qui révolutionnera l’octroi de crédit. Jusqu’alors, nous étions dans une logique perverse où l’organisme prêteur était encouragé à distribuer du crédit, puisqu’il était jugé irresponsable face au processus de surendettement. Désormais, avant d’octroyer le prêt, le prêteur aura l’obligation de consulter ce registre, avec l’autorisation du consommateur. L’établissement aura connaissance du niveau d’endettement de son client, et pourra dès lors décider en toute connaissance de cause d’accorder ou non un crédit à la consommation.

Tout citoyen aura le droit d’accéder aux informations le concernant, et de les rectifier si besoin. Les précautions nécessaires ont été prises en matière de respect de la vie privée : le fichier ne recensera que les personnes ayant des crédits à la consommation, seules les sociétés de crédit pourront le consulter, et des procédures d’accréditation des établissements habilités ont été prévues afin que la traçabilité des connexions soit assurée.

Cet outil est attendu depuis des années par les associations qui travaillent sur le terrain auprès des familles surendettées. Il va non seulement permettre à de nombreuses personnes d’éviter le crédit de trop, les éloignant ainsi de situations tragiques, mais il sera également un outil bénéfique à tous les petits revenus n’ayant pas de patrimoine : le risque lors de l’octroi d’un prêt étant plus faible, le crédit leur sera plus accessible et moins cher. Là encore, nous protégeons le faible tout en contribuant au dynamisme de l’économie.

M. Razzy Hammadi, rapporteur. Tout à fait !

M. Frédéric Barbier. Chers collègues, j’espère avoir fait la preuve de ma fierté d’avoir contribué à ce texte. J’espère vous avoir convaincus qu’il porte les valeurs que nous défendons : réguler le marché pour qu’il fonctionne de manière optimale, donner à tous les acteurs les mêmes chances, stimuler notre économie pour qu’elle crée des emplois, protéger le consommateur et les intérêts stratégiques de nos entreprises – en un mot, réussir ensemble et rendre notre économie plus performante et plus efficace. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Razzy Hammadi, rapporteur. Bravo !

M. le président. La parole est à M. Damien Abad.

M. Damien Abad. Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, ce projet de loi relatif à la consommation est certainement une nouvelle occasion manquée par ce gouvernement ; une nouvelle occasion manquée de faire preuve d’ouverture, d’efficacité et de courage. En effet, ce texte, qui prétend protéger les consommateurs, risque au final de produire l’effet inverse.

Avec ce projet de loi, vous créez un triple choc. Tout d’abord, un choc de défiance à l’égard des entreprises, des producteurs et de tous ceux qui créent de la richesse dans ce pays, sur lesquels vous faites peser inutilement une présomption de culpabilité en pleine crise économique. Vous préférez la sanction à la protection, la défiance à la confiance : nous le regrettons fortement. Après le matraquage fiscal de cet automne, nous avons droit au matraquage administratif de cet été : il n’est pas certain que nos entreprises et leurs salariés puissent passer l’hiver dans ces conditions.

Le deuxième choc est un choc de valeurs : par pure idéologie, vous faites le choix de rompre le traditionnel consensus qui prévalait jusqu’alors sur les textes relatifs à la consommation. C’est une grave erreur d’aiguillage, dont votre texte porte les stigmates.

Pourtant, d’autres grandes lois ont été votées par la majorité précédente, comme la loi Chatel, la loi Lagarde ou encore la loi Lefebvre. À l’époque, le Gouvernement n’opposait pas une fin de non-recevoir systématique aux amendements de l’opposition. Ainsi, lors de la loi Lefebvre, pas moins de vingt-deux amendements du groupe socialiste ont été acceptés.

Monsieur le ministre, saurez-vous vous montrer aussi constructif que la majorité précédente sur un enjeu qui concerne tous les Français ? Accepterez-vous vingt-deux amendements du groupe UMP, non pas en catimini, en application de l’article 88, mais ici en séance publique ? Car avec vous, le temps n’est plus à la coproduction législative, mais plutôt à un ping-pong législatif entre un ministre et un rapporteur qui tente de simplifier un texte qu’il trouve sans doute lui-même déjà trop complexe…

Le troisième choc est un choc de complexification, tant les outils que vous créez sont complexes, inefficaces et inadaptés. La procédure d’action de groupe que vous avez imaginée en est la parfaite illustration. Ce projet de loi, en apparence sympathique, n’est en fait qu’un empilement de mesures inutiles, souvent inefficaces et parfois contre-productives, qui n’apportent pas de solutions aux questions centrales suivantes : comment préserver le pouvoir d’achat des Français ? Comment renforcer la protection du consommateur ? Comment soutenir la compétitivité des entreprises ?

Ainsi, quatre grandes séries de critiques peuvent être faites à votre texte. En premier lieu, ce projet de loi ne prévoit aucune mesure concernant le pouvoir d’achat, alors même que la consommation est en crise. Votre gouvernement, monsieur le ministre, a déjà perdu la bataille du pouvoir d’achat, et ce n’est pas ce projet de loi qui changera la donne, vous le savez bien. Quand, en pleine crise, on augmente massivement les impôts, quand on détricote les heures supplémentaires et que l’on met par terre notre économie, on ne peut pas d’un coup de baguette magique libérer le pouvoir d’achat.

M. Luc Chatel. Bravo !

M. Damien Abad. La plus grosse tromperie de ce texte serait de faire croire aux Français qu’il améliorera leur pouvoir d’achat. Vous le savez, c’est faux. C’est une tromperie qui, à défaut de faire l’objet d’une sanction administrative, pourrait faire l’objet prochainement d’une sanction électorale.

Mme Catherine Vautrin. Cela a déjà commencé !

M. Damien Abad. Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Depuis que vous êtes aux commandes, la consommation recule. Selon l’Insee, comme vous le savez, monsieur Peiro, la consommation a reculé de 0,4 % sur l’ensemble du premier semestre 2013, comme ce fut déjà le cas au dernier trimestre de l’année précédente.

Aucune mesure de ce texte n’améliore réellement le pouvoir d’achat des Français. Vous dites vouloir réduire les dépenses contraintes ; très bien, mais lesquelles ? Il n’y a rien dans ce texte sur les produits de première nécessité, rien sur le logement, rien sur les communications électroniques, rien sur l’énergie et rien sur les établissements bancaires…

Contrairement à la loi Lefebvre, vous faites peu de place aux dispositions qui améliorent concrètement la vie des gens. Il y a beaucoup de poudre aux yeux, beaucoup d’effets d’annonce et d’effets de manche, mais peu de résultats au final. Ce ne sont pas les quelques amendements, si louables soient-ils, sur les numéros surtaxés, les fausses promotions et les SMS non désirés qui changeront la donne.

Je voudrais revenir sur un autre sujet, que Mme Vautrin a abordé lors de la défense de sa motion de renvoi en commission : la réforme des assurances. Là encore, nous pensons que le Gouvernement se trompe de route.

M. Thierry Benoit. Le Gouvernement aurait besoin d’un GPS !

M. Damien Abad. En remettant en cause le principe de l’annualité des contrats d’assurance, vous mettez fin au lissage des coûts, ce qui augmentera la prime de risque et par voie de conséquence les prix pour le consommateur. En outre, ce n’est pas la prétendue concurrence qui changera les choses, parce que si la hausse est généralisée à tout le secteur, alors l’effet de la concurrence sur les prix sera nul.

Avec ma collègue Catherine Vautrin, nous vous proposerons un amendement équilibré, qui maintient ce principe d’annualité mais rallonge le délai dont disposera chaque année le consommateur pour résilier son contrat. En effet, le vrai problème pour les assurés tient surtout aux compagnies d’assurances qui ne veulent plus les assurer après un sinistre.

Par ailleurs, nombre de dispositifs contenus dans ce texte sont inutiles parce qu’inefficaces. L’exemple type, c’est l’action de groupe. Sur le principe, nous sommes tous d’accord pour dire qu’à l’heure de la deuxième grande révolution consumériste en trente ans, l’action de groupe constitue une procédure nécessaire pour la protection du consommateur.

Le problème, c’est que vous n’avez pas le courage de vos choix ni les moyens de vos ambitions. Votre action de groupe à la française est une action de groupe au rabais ; c’est une action de groupe low cost, qui repose sur les seules associations de consommateurs agréées, du déclenchement à la liquidation.

De plus, l’action de groupe que vous nous proposez est à la fois inutile et inapplicable, voire inconstitutionnelle. Inutile car, reposant seulement sur les associations de consommateurs agréées, elle n’apporte finalement pas grand-chose par rapport à l’action en représentation conjointe par laquelle ces mêmes associations avaient déjà la possibilité d’agir en justice pour assurer la défense des intérêts des consommateurs. Vous nous objecterez qu’il y a eu peu d’actions en justice ; mais on pourra opposer la même remarque et la même critique à votre action de groupe – nous en reparlerons dans quelques années.

M. Lionel Tardy. Eh oui !

M. Damien Abad. En effet, avec votre action de groupe, un consommateur qui achète des lasagnes avariées pourra se faire rembourser sa barquette, mais pas ses frais d’hôpital.

En outre, cette action de groupe est également inapplicable parce que cette procédure extrêmement bancale est décriée par les associations de consommateurs, qui considèrent qu’elles supportent déjà trop de charges et préviennent qu’elles ne seront pas capables juridiquement et financièrement d’effectuer des actions de groupe lourdes, complexes et coûteuses.

Vous mettez les avocats au ban de ces actions de groupe. Permettez-moi de vous poser une simple question : quelle association ira au fin fond du Bugey pour lancer une action contre un promoteur immobilier à cause de canalisations défectueuses ? De plus, les consommateurs risquent de ne pas être au courant de l’action, ou d’attendre très longtemps leur indemnisation, car la procédure est longue et lourde.

Compte tenu de la possibilité de saisir les tribunaux de grande instance spécialisés à différents endroits du territoire par différentes associations de consommateurs sur un même litige, les entreprises devront faire face à une insécurité juridique croissante. C’est ce chantage à la réputation que refuse le groupe UMP.

Par ailleurs, l’action de groupe « Hamon » a déjà subi un enterrement de première classe avec l’action de groupe « Hammadi », déposée et votée en commission. Instaurer une procédure d’action de groupe simplifiée, avant même que le texte soit voté, n’est-ce pas reconnaître que le dispositif initial était déjà trop complexe pour pouvoir être appliqué ? Pourquoi faire une procédure différente de celle prévue, si la première est censée bien fonctionner ? Cela montre bien toute l’incohérence de la procédure d’action de groupe dite « principale ».

Enfin, l’action de groupe ici présentée est semble-t-il inconstitutionnelle. L’exclusivité confiée aux associations de défense des consommateurs, représentatives au niveau national et agréées, ne repose sur aucune justification solide et apparaît manifestement contraire au principe d’égalité devant la justice, au droit à un recours juridictionnel effectif et à la liberté d’association.

Le fichier positif que vous voulez mettre en place sera lui aussi inefficace. Outre le fait que sur la forme nous ne pouvons que regretter que ce fichier soit arrivé en débat par voie d’amendement gouvernemental en commission, sur le fond, nous voulons insister sur l’inefficacité d’un tel dispositif.

Comme les exemples étrangers le montrent, il n’y a aucun lien entre diminution du surendettement et création d’un fichier positif. De plus, vous avez fait le choix de ne répertorier que les crédits à la consommation et non les crédits immobiliers, choix que vous justifiez par le risque d’inconstitutionnalité. Mais l’inconstitutionnalité d’un tel mécanisme demeure puisque vous avez renvoyé les modalités de création d’un tel fichier à un décret en Conseil d’État, alors que toute atteinte à une liberté est une compétence directe du législateur. Quid enfin de la question du coût pour notre économie ?

Troisième série de critiques : ce texte est en réalité un véritable choc de complexification.

Mme Catherine Vautrin. C’est sûr !

M. Damien Abad. Comme l’a rappelé notre collègue Thierry Benoit, cette complexité accrue tient souvent au fait que vous avez une tendance très française à aller au-delà de ce que la directive européenne impose en termes de contraintes administratives.

Pour illustrer mon propos, je prendrai deux exemples.

Premier exemple : alors que l’Europe impose un délai de rétractation de quatorze jours, la rédaction de votre texte est confuse et peut laisser penser que, dans certains cas, les acheteurs sont remboursés dès la signification de leur volonté de rétraction sans que les entreprises aient encore reçu le bien.

Ce mécanisme, qui va au-delà de ce qui est demandé par l’Europe, pose de graves problèmes pour les PME : un problème de stock, un problème d’avance de trésorerie, sans compter les risques d’arnaques potentielles.

Deuxième exemple : l’obligation d’un procès verbal ou d’un compte rendu lors de la renégociation dans le cadre des relations commerciales. Cette obligation entraînerait une surcharge administrative très préjudiciable à la vie économique et serait matériellement très difficile à mettre en œuvre, notamment pour nos petites entreprises.

Enfin, ce texte est en réalité un matraquage administratif contre les entreprises au lieu d’être un outil efficace de relance économique. Comme l’a rappelé Mme Vautrin, plus de la moitié des articles de ce projet de loi portent sur les sanctions administratives et le renforcement du pouvoir administratif. Nous ne remettons pas en cause la nécessité de renforcer les moyens et pouvoirs de la DGCCRF, mais le caractère disproportionné de ces sanctions qui font peser une présomption de culpabilité sur les entreprises en pleine crise économique.

Mme Catherine Vautrin. Très juste !

M. Damien Abad. En ouvrant la possibilité pour la DGCCRF de sanctionner toute entreprise avant un jugement, vous posez un vrai problème de principe, mais aussi de trésorerie car les amendes administratives sont immédiatement exigibles, avant même l’intervention d’un juge.

Mme Catherine Vautrin. Exactement !

M. Damien Abad. Le groupe UMP estime que c’est un texte pour rien, un texte a minima,…

Mme Catherine Vautrin. Comme tous les textes depuis le début de la législature !

M. Damien Abad. … un coup d’épée dans l’eau qui ne parvient pas à concilier meilleure protection des consommateurs et plus grande compétitivité de nos entreprises.

La loi Hamon, c’est la loi Lefebvre au rabais,…

M. Lionel Tardy. On préfère toujours l’original à la copie !

M. Damien Abad. …c’est un texte low cost qui n’améliore pas le pouvoir d’achat des Français.

Parce que nous sommes une opposition ouverte et constructive, nous vous proposons une série d’amendements qui visent à rendre votre texte plus efficace, plus protecteur pour les consommateurs et moins punitif pour les producteurs.

De la capacité à prendre en considération nos demandes dépendra notre vote futur, même si nous ne nous faisons guère d’illusions tant nous avons l’impression que plus notre pays s’enfonce dans la crise, plus le parti socialiste s’enferme dans son idéologie.

Au départ vous vouliez défendre les consommateurs ; au final je crains que vous ne fassiez que défendre les associations de consommateurs, rajouter des contraintes supplémentaires sur nos producteurs…

Mme Catherine Vautrin. Eh oui !

M. Damien Abad. …et créer un climat de défiance généralisée.

Vous l’avez compris monsieur le ministre, le contenu de votre texte n’est pas à la hauteur de l’emballage. C’est davantage du réchauffé qu’un « fait maison ». (Sourires.) C’est bel et bien un nouveau rendez-vous manqué avec les Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Thierry Benoit, pour le groupe UDI.

M. Thierry Benoit. Monsieur le ministre, je suis heureux de vous retrouver dans cet hémicycle et je veux saluer, au nom du groupe UDI, la qualité des travaux qui se sont déroulés en commission.

M. Germinal Peiro. Ça commence bien !

Mme Catherine Vautrin. Ne boudez pas votre plaisir, monsieur Peiro, ça ne va pas continuer !

M. Thierry Benoit. Moi qui ne vous connaissais pas beaucoup, je dois dire que j’ai apprécié la façon dont vous avez abordé ce texte. Comme on dit parfois dans le jargon, vous avez « fait le métier » en commission. Reste à savoir si vous allez poursuivre ce traitement dans cet hémicycle.

Nous abordons la discussion du projet de loi relatif à la consommation alors que notre économie est entrée en récession, que le pouvoir d’achat des Français a baissé pour la première fois depuis trente ans et que la consommation des ménages a enregistré son deuxième recul depuis soixante ans.

Dans un tel contexte, force est de constater que ce texte était malgré tout attendu. Je vois un signe dans le retour de Frédéric Lefebvre dans cette assemblée.

Mme Catherine Vautrin. Il est revenu parmi nous à point nommé !

M. Thierry Benoit. La majorité présidentielle a-t-elle attendu le retour de Frédéric Lefebvre ? En commission, je vous avais dit, monsieur le ministre, que vos travaux s’inscrivaient dans le droit fil de l’un de vos prédécesseurs, Frédéric Lefebvre.

L’UDI estime qu’il faut aborder ces questions sur la consommation de manière pragmatique et qu’un bon texte de loi sur la consommation responsabilise avant tout l’ensemble des acteurs : les constructeurs, les fabricants, les vendeurs, les distributeurs mais aussi les consommateurs. Un tel texte doit s’attacher à répondre aux difficultés vécues au quotidien par nos compatriotes, à travers l’identification des obstacles auxquels ils sont confrontés dans leurs échanges commerciaux de tous les jours, aussi bien en termes de prix, que d’information et de transparence, de délai de rétractation, d’encadrement et de sanction des attitudes déloyales de certains professionnels. Je dis de certains professionnels parce qu’il faut, dans nos débats, partir d’une attitude bienveillante et non cultiver un climat de suspicion à l’égard des constructeurs, des fabricants, des distributeurs ou des commerçants de ce pays, climat de suspicion qui contribuerait à décourager les consommateurs d’engager un acte d’achat en confiance.

En ce sens, le projet de loi que vous nous présentez embrasse un large spectre des enjeux liés à la consommation des ménages, même si nous attendions des mesures plus ambitieuses sur certains points, notamment dans la lutte contre le surendettement des ménages.

En revanche, ce texte ne saurait être étudié sous le prisme de la seule protection du consommateur. Il doit également être appréhendé à l’aune de la réalité du monde des entreprises, avec la pleine conscience des contraintes auxquelles elles sont confrontées dans le contexte actuel.

N’oublions pas que nos entreprises traversent une période extrêmement difficile, notamment pour les plus petites et les plus fragiles d’entre elles. Elles sont confrontées à un déficit de compétitivité aggravé par une pression fiscale sans précédent, et assommées par des normes en tout genre. Le groupe UDI sera donc particulièrement attentif à ce que ce texte ne vienne pas en rajouter sur les entreprises qui ne demandent qu’un peu de respiration fiscale et de stabilité normative de la part du législateur.

En résumé, nous souhaitons que ce texte évite de sombrer dans un écueil fréquent lors de l’examen d’un texte relatif à la consommation : protéger le consommateur au détriment du développement de l’activité économique. Trop souvent, le législateur a voulu confronter ces deux objectifs pourtant conciliables.

Vous l’aurez compris, le groupe UDI aborde l’examen de ce projet de loi avec pragmatisme et réalisme, avec le souci d’améliorer la protection du consommateur, tout en s’efforçant de valoriser les entreprises et les savoir-faire de nos territoires qui fourmillent d’initiatives et de talents.

M. Frédéric Lefebvre. Très bien !

M. Thierry Benoit. J’en viens à la principale mesure de ce texte : l’action de groupe.

Présentée comme une disposition phare de ce projet de loi, l’institution de l’action de groupe dans notre arsenal juridique constitue une innovation que le groupe centriste a toujours soutenue. Nous ne sommes donc pas opposés à cette procédure telle qu’elle est inscrite dans le projet de loi, mais nous serons particulièrement vigilants à ce que cette dernière soit précisément encadrée, afin de ne pas devenir un facteur de déstabilisation permanent des entreprises.

Vous avez pris la précaution de vous entourer de l’avis du Conseil d’État, de la CNIL et de la Commission nationale consultative, ce qui vous a permis de cadrer et de border l’action de groupe sur des conflits ou des difficultés qui concernent des pratiques commerciales contestables.

Monsieur le ministre, je vous rejoins dans votre volonté de ne pas investir les champs de la santé ou de l’environnement à ce stade du projet.

Le groupe UDI ne souhaite pas ouvrir la voie à une judiciarisation excessive des échanges commerciaux, à l’image des class actions à l’américaine qui parasitent les rapports économiques aux États-Unis.

M. Frédéric Lefebvre. Très juste !

M. Thierry Benoit. Nos amendements proposeront notamment de privilégier à chaque étape la voie de la médiation, afin de limiter les longues procédures judiciaires qui sont dommageables tant pour le consommateur que pour les entreprises.

M. Razzy Hammadi, rapporteur. C’est vrai !

M. Thierry Benoit. Notre but ne doit pas être d’encombrer les tribunaux qui le sont déjà suffisamment, mais bien de faire renaître la confiance entre les agents économiques et de réparer justement les préjudices subis par un groupe identifiable de consommateurs.

Cette nouvelle procédure doit être considérée comme une étape importante, mais elle devra faire l’objet d’une évaluation sérieuse quant aux risques qu’elle présente, afin de l’adapter rapidement en conséquence. En ce sens, il nous semble pour l’instant indispensable de limiter l’action de groupe française aux préjudices économiques et aux pratiques anti-concurrentielles.

J’en viens à l’encadrement du crédit à la consommation et à la problématique essentielle de la lutte contre le surendettement. Dans ce domaine, je ne vous cache pas que le groupe UDI oscille entre satisfaction et déception.

Souvenez-vous, monsieur le ministre : le 22 novembre dernier, vous aviez justifié le rejet de la proposition de loi de Jean-Christophe Lagarde visant à créer un répertoire national du crédit en nous renvoyant à l’examen d’un texte sur la consommation dont le cœur serait précisément le répertoire national du crédit.

Vous nous aviez promis une grande réforme, alors qu’aujourd’hui vous nous présentez un projet où le répertoire national du crédit, absent du texte initial, est introduit par voie d’amendement. Si c’est faire honneur à la proposition que nous portons depuis plusieurs années, c’est aussi faire bien peu de cas de la réalité des milliers de familles qui viennent grossir les rangs de cet engrenage infernal du surendettement à mesure que la crise s’allonge.

La perspective du répertoire national du crédit a un grand avantage : elle permet de sensibiliser le prêteur, alors qu’actuellement seul l’emprunteur qui rencontre des difficultés et qui contracte des crédits à la consommation est engagé dans une spirale infernale.

Dans notre économie mondialisée où les fermetures d’usines se succèdent pour laisser place à l’importation de tous ces produits qui faisaient encore hier la fierté de nos territoires, le groupe UDI réaffirme son soutien à la valorisation et à la protection des savoir-faire de nos terroirs à travers l’extension de l’indication géographique protégée aux produits manufacturés. Il s’agit en effet de valoriser des gestes ancestraux qui touchent le verre, le cuir, le textile, le granit, et qui ont disparu dans certains pays du nord de l’Europe ; il s’agit d’une renaissance par les territoires. C’est pourquoi le groupe UDI apportera tout son soutien à l’indication géographique protégée, telle que vous l’envisagez dans le texte, et qu’il vous présentera des amendements visant à compléter cette partie importante du projet de loi.

M. Frédéric Lefebvre. Surtout n’oubliez pas le granit, monsieur Benoit !

M. Thierry Benoit. C’est vrai, vous nous avez bien accompagnés sur le granit, monsieur Lefebvre.

Monsieur le ministre, je veux vous interpeller, sans coup de semonce. Je souhaite que vous soyez attentif aux amendements que nous avons déposés, avec Philippe Folliot et Michel Piron, sur l’extraction de pierres naturelles à travers les territoires de France, et je pense plus particulièrement au granit, en effet, monsieur Lefebvre.

S’agissant de la transposition de la directive européenne et du renforcement des obligations contractuelles des entreprises, nous saluons l’ensemble des avancées qui vont dans le sens de la transparence et de la sincérité de l’information donnée au consommateur. Cette exigence doit permettre de responsabiliser les acteurs économiques dans un monde où tout s’achète et se remplace, en luttant notamment contre l’obsolescence programmée, ce qui doit nous permettre de valoriser et d’installer des filières de réparation sur le territoire national.

Nous souhaitons la transposition de la directive, rien de plus : la directive européenne et uniquement la directive européenne, monsieur le ministre.

En l’état, votre texte fait tout de même peser un certain nombre de charges financières et administratives sur les fabricants français, nos distributeurs et nos vendeurs : cela nous inquiète, et nous avons donc déposé des amendements qui visent à atténuer ces charges.

J’en arrive, monsieur le ministre, au renforcement des pouvoirs des agents de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes. Si le renforcement des sanctions ne vient pas jeter la suspicion sur l’ensemble des entreprises, nous pensons qu’il doit être abordé avec la plus grande précaution. Je rappelle le contexte économique dans lequel nous travaillons. Nous souhaitons que les sanctions ne soient pas disproportionnées.

Enfin, comme je le disais en examinant la motion de renvoi en commission défendue par Catherine Vautrin, nous sommes très préoccupés par un texte qui conférerait à des agents de l’État le pouvoir d’intervenir masqués, de ne pas décliner leur identité ou, encore plus grave, d’utiliser de fausses identités. Je le dis, monsieur le ministre : pour moi, c’est quasiment un casus belli. C’est très, très grave.

Je souhaite, monsieur le ministre, que vous puissiez examiner le délit d’entrave à l’encontre des agents de la DGCCRF, que vous puissiez examiner un renforcement des sanctions, que vous puissiez les doubler, les tripler voire les quadrupler pour celles et ceux qui, sur le territoire national, s’opposeraient à l’action de ces agents. Mais en aucun cas, nous ne pouvons accepter cette perspective de fausse identité ou de « client mystère ». Chez des agents de l’État, cela me paraît invraisemblable.

Voilà, monsieur le ministre, les points essentiels que je souhaitais rappeler en préalable : nous avons évoqué les actions de groupe, le répertoire national du crédit, les IGP, la transposition de la directive européenne, les moyens de la DGCCRF.

Un point, monsieur le ministre, qui me tient personnellement à cœur : je souhaite que nous fassions bien une distinction entre la vente à distance, la vente par Internet et la vente directe, celle qui est effectuée par ceux qu’on appelait les voyageurs représentants placiers, les VRP, que le texte nomme de façon discutable les « démarcheurs ». La vente directe représente en France 480 000 emplois. Vous qui cherchez des solutions pour faire entrer des jeunes dans le monde du travail, vous devriez savoir que la vente directe peut être créatrice d’emplois pour des jeunes diplômés ou peu diplômés.

Je souhaite que, dans les travaux qui vont être les nôtres, nous soyons très attentifs et fassions preuve de discernement au sujet des amendements qui risquent d’être adoptés. Je suis stupéfait de lire les amendements déposés par certains groupes, qui combattent certaines formes de vente sans faire la distinction entre vente en foire, vente à domicile, vente par Internet ou vente à distance.

Avec Hervé Morin, nous souhaiterions attirer l’attention du Gouvernement sur la pratique du traçage des adresses IP sur Internet, ce que les spécialistes appellent 1’IP tracking, dont on parle peu ici, mais que beaucoup de Français connaissent.

Cette pratique repose sur la collecte de données personnelles et consiste à mémoriser à des fins commerciales les adresses IP et les sites consultés par un internaute. Concrètement, certains opérateurs, notamment dans le domaine des voyages en ligne, augmenteraient leurs tarifs sans que rien ne le justifie, au fur et à mesure que l’internaute multiplie ses recherches, de façon à l’inciter à prendre rapidement une décision d’achat.

M. Damien Abad. C’est vrai. C’est scandaleux.

M. Thierry Benoit. Alertée sur cette question, la Commission européenne a renvoyé la balle dans le camp des autorités nationales. Alors que le projet de règlement européen relatif à la protection de la vie privée vient d’être retoqué et que le projet de loi du Gouvernement sur l’économie numérique semble repoussé aux calendes grecques, les députés du groupe UDI, par ma voix mais aussi par celle d’Hervé Morin, souhaitent porter le débat sur cette pratique commerciale qui ne saurait rester sans réponse de la part du législateur.

Nous vous proposerons donc d’inscrire explicitement ce genre d’agissements dans l’article L 121-1-1 du code de la consommation relatif aux pratiques commerciales trompeuses, et nous souhaitons que l’ensemble de la représentation nationale se retrouve autour de notre amendement, qui aura un impact substantiel sur le pouvoir d’achat de plusieurs millions de ménages.

Nous souhaitons enfin aborder un autre point : sous la précédente législature, Marc Le Fur avait déposé une proposition de loi qui visait à obliger celles et ceux qui téléphonent à partir de centres d’appel à indiquer leur localisation géographique. Nous déposons des amendements en ce sens et nous souhaitons qu’ils soient adoptés.

Nous avons évoqué tout à l’heure l’obsolescence. Yves Jégo défendra un amendement en faveur de la valorisation du made in France. Nous considérons en effet que la question de l’obsolescence se rattache directement à la création de filières de réparation en France et à la question du made in France.

Enfin, monsieur le ministre, et ce sera le dernier point, nous avons évoqué en commission la question de la traçabilité et de l’identification des produits qui sont mis sur le marché européen et sur le marché français. Nous souhaiterions pouvoir informer plus encore le consommateur sur l’origine des produits mis sur le marché et sur les conditions sociales ou environnementales dans lesquelles ils sont fabriqués. Certains produits asiatiques, par exemple, sont fabriqués par des enfants. Un texte de loi sur la consommation peut aborder ces questions.

Voilà, monsieur le ministre. Vous l’aurez noté, nous abordons ce texte sous de bons auspices. Je vous rappelle que nous avons déposé cent vingt amendements. En commission, rien n’a trouvé grâce à vos yeux : deux amendements en commission et un ce soir au titre de l’article 88. Je souhaite vraiment que vous puissiez revoir votre position quant aux amendements du groupe UDI.

Quant à notre vote sur ce texte, j’ai demandé à mes collègues d’attendre l’achèvement complet de son examen pour en décider. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI et quelques bancs du groupe UMP.)

M. Germinal Peiro. C’est très sage !

M. le président. La parole est à Mme Brigitte Allain, pour le groupe écologiste.

Mme Brigitte Allain. Nous le savons, l’économie mondialisée a bouleversé les modes productifs et a exacerbé la pression sur les ressources naturelles en multipliant l’offre de produits et, parallèlement, en réduisant leur durée de vie.

Alors, pour prendre la mesure d’un monde qui a changé et faire face aux défis des années à venir, il était urgent de mieux encadrer la production des biens de consommation et de donner de nouvelles garanties aux consommateurs.

Dans le cadre du projet de loi, et parfois au-delà, les écologistes ont fait des propositions pour encourager les Français à se familiariser avec une production et une consommation plus sobres.

Nous avons la certitude que le débat en cette Assemblée sera l’occasion de poser les prémices d’une économie renouvelée.

J’insisterai sur trois lignes directrices qui ont guidé mon action lors des débats. La première est la protection de la partie faible. Pour les écologistes, la consommation doit être au service des citoyens, et non l’inverse. Les excès actuels, traduits par les phénomènes de surendettement, d’addiction ou de gaspillage – 30% des aliments produits sont jetés ! – illustrent bien l’emprise que peuvent avoir le marketing et la publicité sur nos comportements.

Qu’il s’agisse du consommateur ou du producteur, la loi doit protéger le faible en lui donnant les moyens de connaître, de comprendre, d’agir. C’est l’objet de ce projet de loi et notamment de la révision des lois de modernisation de l’économie et de l’agriculture, qui encadrent les contrats entre fournisseurs et distributeurs.

Le constat de faillite de la LME est partagé. En effet, le rééquilibrage des rapports de force entre une grande distribution constituée en oligopole et une multitude de fournisseurs et de producteurs de taille très variée n’a pas eu lieu. L’intervention d’un médiateur est encore nécessaire pour assurer aux producteurs un prix couvrant au moins leurs coûts de production.

Quelles réponses apporte le projet de loi sur la consommation ? La première est le renforcement du formalisme contractuel. Il entraîne une plus grande transparence dans les conditions de négociation et surtout permet aux services de l’État d’assurer un meilleur contrôle de la bonne conduite des relations commerciales.

Mais, une fois encore, la partie faible n’est pas mieux dotée que la partie forte : elles sont à conditions égales. C’est pourquoi je propose d’inscrire dans la philosophie de l’article que la répartition des marges doit profiter à tous les acteurs de la chaîne.

Dans le même esprit, je souhaiterais que l’observatoire des prix et des marges puisse accompagner les producteurs dans leur négociation, en leur fournissant des indicateurs, études et prospectives.

La deuxième réponse est la réouverture des négociations en cas de variation des prix des matières premières. Quand les prix seront à la baisse, je pense que personne ici n’ose imaginer comment cela se passera... Je propose donc de renforcer le rôle du médiateur, afin qu’il puisse intervenir également dans les litiges relatifs à la renégociation des contrats.

Enfin, tous les producteurs doivent être représentés dans la commission d’examen des pratiques commerciales, et j’ai proposé à ce titre un élargissement de sa composition.

La deuxième ligne directrice qui a guidé notre travail est la promotion de la « consom’action ». Nous souhaitons informer davantage le consommateur, le sensibiliser aux enjeux de la consommation durable, en espérant qu’il optera pour des produits plus sains et des productions locales identifiées. Il guidera, par ses choix, le comportement des entreprises.

Je peux citer nos propositions, qui me semblent tout à fait claires à ce titre : indiquer l’origine des matières premières des produits préparés, mentionner les engagements sociaux ou environnementaux des produits fabriqués sous indication géographique, ou encore encadrer la commercialisation dans les magasins de producteurs en prenant en compte la réalité du terrain et leur nécessaire compétitivité.

La confiance que le consommateur accorde au produit doit être honorée. Elle ne doit pas être trompée.

L’économie de fonctionnalité, la responsabilité sociale et environnementale des entreprises trouvent également un écho dans ce souci de pédagogie.

Enfin, j’ai tenu à travailler en faveur de la valorisation de la production durable et relocalisée. La consommation, dans une période d’austérité, stagne fortement : transformons cela en opportunité pour offrir de nouvelles perspectives de « consom’action ».

Les citoyens n’ont pas attendu les textes pour s’adapter et des pratiques collaboratives se font jour. Elles ont pour objet de favoriser les productions locales, d’encourager l’économie circulaire ou de réduire les déchets. La mention d’indications géographiques pour les produits manufacturés, grande innovation de ce texte, doit répondre à ce souci de proximité, à travers un lien fort et culturel au territoire.

Ce mouvement de valorisation des produits locaux doit être prolongé dans toutes les actions de l’État, grâce à ce puissant levier qu’est le code des marchés publics.

Vous l’aurez compris, nos propositions, fruits de nombreux travaux et rencontres, visent à enrichir le texte de loi, pour teinter l’acte de consommation de responsabilité citoyenne et de soutien à une économie moderne : nous souhaitons relocaliser et limiter l’empreinte écologique.

Ce projet de loi, nous le pensons, constituera le premier chapitre d’une politique renouvelée d’une consommation maîtrisée et responsable. Les écologistes ont bon espoir, durant ces quelques jours de débat, de contribuer à l’écriture d’un ou plusieurs chapitres. Cette politique devra permettre à chaque citoyen d’acquérir les biens et services dont ils ont besoin en toute sécurité et sérénité et leur assurer un niveau de vie meilleur. Nous attendons avec impatience l’écriture du chapitre II. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Gabriel Serville pour le groupe GDR.

M. Gabriel Serville. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame et messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, en droit de la consommation comme dans la relation contractuelle, si « les hommes n’aspirent pas à se marier », ils aspirent néanmoins à exprimer leur consentement de manière libre et éclairée. À défaut de « s’aimer comme des frères », ils doivent pouvoir « travailler au sein d’une petite société à un but commun ». Votre projet de loi, monsieur le ministre, s’inspire bien justement de ces quelques expressions célèbres de la doctrine.

Enfin, le consommateur s’apprête à devenir un véritable acteur de la vie économique ! Pendant si longtemps il n’aura été qu’un spectateur passif et impuissant de sa propre faiblesse. Faible car isolé, faible car peu protégé, faible car pas reconnu. Seul parmi la multitude d’autres consommateurs, c’est l’inconscience d’une identité collective qui aura fait défaut à son avènement. De nombreux sociologues nous ont enseigné les obstacles à la reconnaissance de revendications : l’absence d’une logique de groupe, l’inexistence d’une homogénéité au sein de ce groupe et, bien entendu, l’insuffisance d’une conscience d’intérêts. Ce sont les mêmes déficiences qui ont affecté, des décennies durant, les consommateurs, comme elles affectent encore aujourd’hui les chômeurs.

Par votre projet de loi, monsieur le ministre, vous encouragez cette émergence d’un consommateur puissant, vous accompagnez cette inexorable avancée d’un mouvement consumériste progressiste, vous participez à la justice sociale et à l’efficacité économique en rééquilibrant la relation contractuelle. La pensée unique a été de croire que « ce qui est contractuel est juste ». En réalité, ce qui est contractuel n’est juste que pour le fort. De ce déséquilibre contractuel résulte l’inefficience économique car une seule des parties y trouve son compte. Protéger les consommateurs par la loi, c’est créer cette identité collective, c’est permettre leur émancipation, c’est participer aussi à relancer la consommation donc la croissance.

Quel meilleur symbole de l’émergence de cette conscience d’intérêts que l’introduction de l’action de groupe dans la législation ? Tant de fois promise, maintes fois remisée par l’alliance de conservatismes avec, au rayon de la réaction, un MEDEF national en tête de gondole. Toujours prompt à défendre la rente plutôt que l’effort, l’héritage plutôt que le mérite, ce mouvement caricatural au niveau national n’a cessé de s’opposer à l’action de groupe ou d’en proposer une petite ristourne sous la forme d’une unique et hypothétique « médiation ». Lui qui fustige l’impôt du matin au soir et du soir au matin doit se rendre compte que le manque de diligence, la négligence et les tromperies sont un impôt payé au prix fort par le consommateur.

C’est pourquoi, monsieur le ministre, je salue votre courage et celui du Gouvernement car vous n’aurez pas cédé aux pressions insensées de ces lobbies aussi irresponsables que prompts à la démagogie. Il nous appartient désormais de co-construire ce dispositif afin qu’il ne fonctionne pas au rabais – je pense notamment à la situation de la Guyane où tant de textes sont inefficients faute de prendre en compte ses réalités. Je sais et je veux pouvoir compter sur votre ouverture et votre écoute en la matière, monsieur le ministre.

L’examen de ce texte doit aussi être l’occasion d’un débat sur les contours de cette action de groupe. Un débat qui doit lui-même permettre de nuancer certains postulats, ne serait-ce que pour ouvrir de nouvelles perspectives pour l’avenir. Le Gouvernement a en effet manifesté la volonté de créer un dispositif évitant les « dérives », ou ce qu’on présente comme tel, du système américain ou canadien.

La class action nord-américaine serait-elle donc porteuse de dérives ? Loin de moi la pensée selon laquelle l’Amérique et ses systèmes judiciaires ne souffriraient pas de carences voire d’excès. Une fois que l’on a mis de côté les caricatures du café renversé dans la voiture, donnant lieu à des millions de dommages et intérêts, et du chat de la grand-mère texane qui explose dans le micro-ondes, peut-être pouvons-nous regarder avec un peu d’ouverture et de lucidité certains aspects du système judiciaire américain qui a fait ses preuves en matière de class action.

De quelles dérives parle-t-on exactement ? Une dérive qui consisterait à rendre l’argent au consommateur pour compenser son préjudice, mais aussi à récupérer le surprofit d’une entreprise non diligente, dissuadant ainsi toutes les autres de flouer le consommateur ? Une dérive par l’existence d’un pacte de quota litis ? Là encore, qu’est-ce qui est le plus juste : un système où le justiciable est confronté à l’immense barrière des honoraires, ou un système où il ne paye rien jusqu’à la décision de justice et uniquement si celle-ci lui alloue des dommages et intérêts ? Ni l’un ni l’autre, me répondrez-vous peut-être, car vous consacrez un dispositif alternatif conférant le monopole de la représentation aux associations agréées. Mais, pour les affaires les plus importantes au moins, les associations se feront forcément assister par des conseils juridiques. La question sera alors la suivante : combien cela coûte ?

Une association même nationale pourra-t-elle se payer le conseil des meilleurs cabinets d’avocats d’affaires spécialisés dans le litige ? Lorsqu’elle pourra simplement assumer le coût d’un avocat X ou Y, il est fort à parier que celui-ci aura des compétences, des spécialisations, une logistique sans commune mesure avec les mastodontes – anglo-saxons pour le coup – que s’offriront les multinationales. Nos concitoyens doivent savoir que les disparités sont considérables entre les avocats.

Dans les grandes structures d’avocats d’affaires internationaux, on facture des centaines d’euros de l’heure pour les grands groupes, on recrute, comme dans les banques d’investissement, tous les cracks sortis des grandes écoles, des meilleurs programmes universitaires et des facultés américaines. Riches, connectés, surdiplômés, plurilingues, inscrits à plusieurs barreaux, ces jeunes avocats s’appuient sur des services ultra-hiérarchisés et organisés, des associés affamés d’argent et qui mettent à leur disposition des secrétaires, des traducteurs, des économistes et des experts en tout genre. Les bureaux de leurs cabinets sont ouverts vingt-quatre heures sur vingt-quatre car ils sont présents partout dans le monde. Voilà le genre de réalité à laquelle on se confronte lorsque l’on veut attaquer un grand groupe. Une association, si louable soit-elle, si bien intentionnée soit-elle, parviendra-t-elle à concurrencer cette réalité à l’occasion de la représentation collective, même aidée par des avocats plus modestes ?

Dans la class action américaine, lorsqu’une multinationale fait subir un préjudice de masse à des consommateurs et encaisse au passage un surprofit par rapport à la prestation fournie, les consommateurs se regroupent et sélectionnent un cabinet d’avocats pour les représenter. Ce cabinet prend généralement à sa charge tous les frais afférents à l’action de groupe. De la première photocopie aux expertises les plus lourdes en passant par le coût du travail, les frais judiciaires et même leurs propres honoraires qu’ils ne facturent pas aux consommateurs, les avocats assument tout pendant dix ou quinze ans de procédure. De même, ils assument un risque considérable car en cas d’échec au procès, ils ne sont pas payés un centime par ceux qu’ils ont pu représenter.

Il en résulte un accès ultra-démocratisé à la représentation judiciaire. Les consommateurs peuvent donc se faire représenter par les meilleurs cabinets d’avocats spécialisés dans le domaine du préjudice subi. Il n’y a donc pas de problème d’accès à la justice ni d’équilibre au procès, les parties étant quasi également puissantes. La contrepartie étant la définition d’un pourcentage sur l’éventuelle allocation de dommages et intérêts. Les avocats se rémunèrent donc a posteriori dans la seule hypothèse d’une victoire des consommateurs au procès. À l’occasion de cette rémunération, ils ne font que réintégrer le coût de la prise en charge et du risque, ainsi que les honoraires qu’ils n’ont pas facturés aux consommateurs. Ces derniers n’ont donc aucun mal à se faire représenter par les meilleurs cabinets d’avocats, bien souvent concurrents directs des structures que se payent les grandes entreprises.

À l’avenir, nous aurions intérêt à ne pas écarter par principe un dispositif sur la base de présupposés culturels qui consacrent la coalition de tous les conservatismes : celui d’une frange irresponsable du patronat qui refuse la règle de la concurrence et verrouille les marchés – je pense notamment aux territoires d’outre-mer – et qui s’embarrasse peu des comportements fautifs, ainsi que celui de courants partisans, religieux ou populaires qui ont parfois une défiance vis-à-vis de l’argent.

Ce complexe ne trouve aucune forme de légitimité dès lors qu’il s’agit de récupérer ce que des entreprises auraient subrepticement subtilisé aux consommateurs et ce, quels que soient les montants en jeu. Dans le système français, le versement de dommages interviendra uniquement en réparation. Il s’agira seulement d’indemniser le préjudice subi. Dans le système prédécrit, non seulement le préjudice subi par les consommateurs est compensé, mais la totalité du surprofit réalisé indûment par l’entreprise est récupérée.

Je reprendrai à mon compte un exemple récemment donné par la doctrine. Un producteur de soda vend 100 milliards de bouteilles au cours du temps. Ses bouteilles, vendues un euro, contiennent en théorie un litre. Il vend en réalité des bouteilles de 99 centilitres. Il réalise un chiffre d’affaires de 100 milliards d’euros mais également un surprofit d’un milliard d’euros. Avec l’action de groupe à la française, celle que nous retiendrons peut-être, la seule réparation du préjudice prouvé peut être recherchée, soit environ 10 % ici, ce qui correspond au chiffre de 100 millions d’euros.

Avec l’action de groupe « traditionnelle », que je défends, les 100 millions d’euros de l’indemnisation sont bien évidemment répartis entre les consommateurs mais la grande différence réside dans le fait que l’intégralité du surprofit issu de la tromperie du professionnel – les 99 centilitres au lieu d’un litre – est récupérée. Le montant d’un milliard est peut-être considérable mais il faut choisir : soit l’on considère que ce superprofit indu peut être accaparé par le professionnel malhonnête, soit l’on considère qu’il revient justement au consommateur pour le prix qu’il a payé d’après l’information qu’il a reçue. Stigmatiser la récupération de ce surprofit, sous prétexte de chiffres ronflants, comme une « dérive » n’a donc pas de sens. Si dérive il y a, c’est bien celle du professionnel et c’est celle qui consiste à laisser ce surprofit entre les mains du professionnel. Si le coût de la violation de la loi est inférieur à ce surprofit, il n’y a pas de dissuasion véritable.

Lorsque les opérateurs économiques savent ce qu’ils risquent, ils sont encouragés à plus de diligence au bénéfice de tous les consommateurs. Les acteurs les plus vertueux sont ainsi récompensés et ceux qui trichent sont évidemment sanctionnés. Quel partisan d’une économie de marché pourrait donc s’en plaindre ? Certainement pas les entreprises. Sur le strict plan juridique, le droit français contient assurément des principes, mais l’introduction même de l’action de groupe, à laquelle on opposait le principe selon lequel « nul ne plaide par procureur », prouve que ces principes sont adaptables. Parfois, c’est même souhaitable.

Concernant le champ d’application de cette action de groupe, vous avez annoncé qu’elle serait étendue à la santé. Nous en prenons acte. Reste le domaine de l’environnement. Il peut exister des situations contractuelles et il n’y aurait donc pas de justification à ce qu’elles ne soient pas concernées par une telle extension. Mais il reste de graves pratiques délictuelles qui pourraient très bien entrer dans le périmètre du dispositif proposé. Je rappellerai à cet égard quelques faits au Gouvernement et à la représentation nationale.

La Guyane est le plus grand département de France. C’est un territoire qui regorge d’atouts : l’or, la biodiversité, les molécules brevetables de la forêt amazonienne, la ressource halieutique, le secteur spatial et bientôt, peut-être, le pétrole de nos eaux territoriales. Peu de territoires disposent d’autant d’atouts, vous en conviendrez. Ils ne pourront être valorisés si nous subissons les négligences et les fautes des exploitants. Que dire à nos concitoyens amérindiens – oui, ce sont des Français comme vous et moi, qui vivent dans la forêt amazonienne, notamment dans ma circonscription, dans la commune de Camopi – alors qu’ils sont contaminés par le déversement de cyanure et de mercure dans les eaux du fleuve qu’ils utilisent pour leur consommation directe ? Ces pratiques ne sont pas toujours le fait d’exploitants illégaux. À ces gens isolés, qui n’ont bien souvent aucune conscience de leur intérêt à agir, ni aucun moyen de se retourner contre les responsables de telles pratiques, que dirons-nous ? « Peut-être » ? « Plus tard » ?

Que direz-vous à nos compatriotes de Guyane, s’ils subissent une marée noire ? Personne ne le souhaite, mais il y en a déjà eu à l’occasion de forages, dans le golfe du Mexique, mais aussi au Nigeria. La maxime « gouverner, c’est prévoir » commande d’anticiper ces éventuelles tragédies en créant un outil de dissuasion massif : la possibilité pour les Guyanais de se retourner contre tout manque de diligence de ces exploitants.

Par ailleurs, il faudra immanquablement réfléchir, par souci d’efficacité, à étendre cette possibilité aux dommages boursiers et financiers, mais aussi aux dommages moraux et corporels. Dans ce dernier cas, l’introduction de l’action de groupe permettrait d’encourager les victimes à rechercher l’indemnisation, plutôt que de s’engager systématiquement dans un procès pénal qui, loin de satisfaire les victimes, fait perdurer les drames des années durant et engendre des coûts importants.

Enfin, nous avons pris note de votre volonté initiale de réserver l’action à des associations nationales. Là aussi, je me permets de vous faire une suggestion : prenez en compte les situations singulières des départements et territoires d’outre-mer. D’un côté, les associations nationales s’intéresseront peu aux litiges qui surviendront dans nos territoires. Le seul coût du billet d’avion, qui est dissuasif, les découragera : je vous invite à tous vous renseigner sur les prix pratiqués en la matière dans nos territoires. D’un autre côté, nos populations ne voudront pas être représentées par des associations nationales, pour les mêmes raisons, mais aussi parce qu’elles souhaitent voir leurs spécificités prises en compte par des associations locales agréées. Ne serait-il pas envisageable de leur enjoindre, dans le cas d’un litige outre-mer, de travailler ensemble dans le cadre d’une co-représentation systématique ?

De même, je souhaiterais qu’en cas de défaillance d’une association nationale agréée, une association locale, elle aussi agréée, puisse prendre le relais, à l’occasion d’un litige survenu dans l’un de nos territoires. Je rappelle qu’il n’y a pas, en Guyane, d’antenne locale effective d’une association nationale.

Je serai bref sur les autres aspects de ce projet de loi… (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP) – chers collègues, permettez que je poursuive – car nous considérons qu’ils vont très majoritairement dans le bon sens et nous soutiendrons les dispositifs que le texte consacre.

La lutte renforcée contre les clauses abusives et l’effet erga omnes sont salutaires. Je pense à toutes les clauses abusives qui parsèment les contrats en Guyane, et notamment au scandale des clauses inacceptables insérées dans les contrats d’adhésion en matière de fourniture d’énergie. Ce renforcement est une excellente nouvelle, tout comme la prévention contre la multi-assurance, qui constitue, elle aussi, un gage de sécurité pour les consommateurs.

L’extension de la garantie de conformité est opportune, car elle permettra de protéger les consommateurs des outre-mer, notamment ceux de Guyane, qui rencontrent beaucoup plus de problèmes de conformité et de sécurité avec les produits qu’ils consomment. La transposition de certaines directives s’impose à nous : elle permettra d’introduire des dispositions assez salutaires. Je voudrais toutefois rappeler, à propos de l’Europe, que le Bureau européen des unions de consommateurs a exprimé la crainte d’un affaiblissement du droit de la consommation, dans le cas d’une éventuelle entrée en vigueur de l’accord de libre-échange entre les États-Unis et l’Union européenne. Ce serait notamment le cas en matière de sécurité alimentaire, sujet ô combien d’actualité.

M. Razzy Hammadi, rapporteur. En effet, cela figure dans le rapport.

M. Gabriel Serville. Sur ce sujet aussi, il faudra agir en amont, et vos réponses sont attendues, monsieur le ministre. Le renforcement des pouvoirs des agents de la DGCCRF nous permettra de mieux contrôler les fraudes multiples dans nos territoires. En Guyane, cependant, j’ai eu l’occasion de rencontrer les personnels de la DGCCRF locale, qui m’ont interpellé sur leur manque criant d’effectifs. Je souhaite que cette demande de nouveaux agents trouve une réponse positive de votre part.

M. Razzy Hammadi, rapporteur. Oui, on va se battre !

M. Gabriel Serville. Les outre-mer ont massivement soutenu notre arrivée aux responsabilités et nous ne devons pas les décevoir. Les problèmes de concurrence et de consommation sont bien plus aigus dans les DOM-TOM que partout ailleurs en France. Les mesures relatives aux indicateurs géographiques seront propices à la promotion de nos identités régionales. Veillons, là aussi, à éviter que des accords internationaux n’y portent atteinte.

Concernant les relations entre fournisseurs et distributeurs, un pas a été franchi à l’occasion de loi de novembre 2012 sur la vie chère en outre-mer. Cependant, nous devons compléter les dispositifs existants en matière de concurrence par des mesures en faveur d’un rééquilibrage des relations contractuelles. À l’heure actuelle, seule l’Autorité de la concurrence peut sanctionner les pratiques anticoncurrentielles dans les outre-mer, en démontrant qu’elles affectent le marché. Cela implique la délimitation d’un marché de produits et de services, ainsi qu’un marché géographique, lequel suppose également l’affectation du marché national ou d’une partie substantielle de celui-ci. Nos territoires d’outre-mer constituent-ils une partie substantielle du marché national ? Le doute est permis, même si le dispositif a le mérite d’exister.

Cependant, rien ne nous empêche d’agir en amont pour le compléter. Il s’agirait de supprimer les droits exclusifs d’importation de la métropole vers l’outre-mer par le droit des contrats, plutôt que par le strict droit de la concurrence. L’interdiction de ces clauses d’exclusivité, qui verrouillent le marché et qui empêchent des entrepreneurs ultramarins vertueux d’y avoir accès, permettrait de déconnecter l’activité de transporteur de marchandises de celles d’acheteur, de revendeur et de grossiste par l’intervention d’un tiers, ou même de centrales de référencement. On pourrait ainsi proposer aux points de vente, c’est-à-dire aux consommateurs, l’ensemble des avantages tarifaires négociés avec les fournisseurs.

Bien sûr, cette interdiction ne serait pas absolue, mais interviendrait dans des cas déterminés, dans le respect du principe de proportionnalité et sous réserve de ne pas aboutir à un cloisonnement du marché, notamment en situation exceptionnelle de pénurie. En droit des contrats, on s’occupe des conditions de validité et d’efficacité des obligations des parties et on peut donc tenir compte de leurs puissances économiques respectives : utilisons-le !

Les situations particulières de nos outre-mer nécessitent que vous analysiez avec attention cet amendement n° 179, car la lutte contre la vie chère, c’est d’abord la lutte contre les marges abusives et les monopoles de fait, comme ceux que je viens de décrire. Ces clauses d’exclusivité ne sont en fait que la traduction de rentes à vie de certains opérateurs économiques, des personnes ou des familles, qui sont les mêmes depuis la monarchie. Faut-il les nommer ? Je ne veux stigmatiser personne, chacun l’aura compris, mais je souhaite que notre majorité prenne la mesure des enjeux dans les outre-mer.

Je rappelle que les émeutes contre la vie chère dans les outre-mer, il y a quatre ans, avaient démarré en Guyane. Cette Guyane que je chéris, je veux la voir éclore dans un environnement prospère. Je voudrais que tous les enfants dont nous avons la responsabilité puissent s’épanouir, vivre, étudier et travailler. Je ne veux pas que nous retournions à ces temps d’émeutes et de révoltes. Nous méritons nettement mieux, monsieur le ministre, et j’espère que vous nous entendrez.

Monsieur le ministre, messieurs les présidents de commissions, mesdames et messieurs les rapporteurs, je vous le dis solennellement, et au nom du territoire que je représente, la Guyane : je suis prêt, comme co-orateur du groupe GDR sur ce texte, et avec mes camarades des outre-mer, à le soutenir, car il va dans le sens de l’intérêt général et procède d’une logique vertueuse au bénéfice de tous.

Toutefois, monsieur le ministre, mesdames et messieurs les rapporteurs, je vous le dis tout aussi solennellement : vous devez entendre les propositions faites en faveur des outre-mer par leurs représentants ! La liberté de parole qui m’est conférée par mon groupe me permet de vous le dire aisément, car c’est la traduction d’un ressenti très largement partagé, y compris au sein des députés ultramarins du groupe majoritaire : le fossé est en train de se creuser entre les politiques gouvernementales pratiquées sans distinction depuis des années et les aspirations de nos populations sur le terrain.

À n’en point douter, ce texte sur la consommation sera pour nous l’occasion d’un consensus beaucoup plus large que d’habitude. Ce n’est pas simplement le sujet qui le veut, c’est aussi et surtout la méthode que vous avez adoptée. Je veux saluer les consultations salutaires que vous avez faites tout au long de ces derniers mois. Pour que ce projet soit votre réussite, et pour qu’il soit aussi la nôtre, vous devez continuer dans la même voie et examiner avec attention les amendements que j’ai proposés avec mes collègues ultramarins du groupe GDR.

J’ai soutenu le président Hollande dès le premier tour de scrutin, et très régulièrement je rends compte de sa politique à la population de Guyane. Je veux pouvoir lui dire que nous sommes désormais entendus. Je compte sur vous, monsieur le ministre, et je vous remercie. Je tiens également à remercier les collègues qui se trouvent à ma droite, pour m’avoir accordé ce temps de parole. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Lionel Tardy. J’espère au moins qu’on va finir la discussion générale et que nous ne sommes pas venus pour rien !

M. le président. La parole est à Mme Pascale Got.

Mme Pascale Got. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame et messieurs les rapporteurs, chers collègues, depuis trop d’années, nous entendons parler, dans le débat électoral français, d’une hypothétique action de groupe, sans que le pas ait jamais été franchi dans les faits.

Eh bien, le gouvernement de Jean-Marc Ayrault franchit ce pas et c’est vous, monsieur le ministre, qui ouvrez la possibilité de l’action de groupe, dans ce texte très dense sur la consommation. Il était temps que cette procédure ne soit plus étrangère à la tradition juridique française et il était temps de donner au consommateur ce nouveau droit.

On en entend certains, ici ou là, parler d’une action de groupe au rabais, parce qu’elle se limiterait aux contentieux de la consommation et aux préjudices découlant des atteintes au droit de la concurrence. On peut entendre cette déception, mais on a aussi entendu votre engagement, monsieur le ministre, d’étendre prochainement l’application de l’action de groupe, notamment au domaine de la santé.

Même réservée aux contentieux de la consommation et aux atteintes au droit de la concurrence, l’action de groupe va concerner des milliers de consommateurs : le périmètre de ce premier volet est beaucoup plus large qu’il n’y paraît, car les pratiques anticoncurrentielles constituent le terreau fertile des litiges de masse pour les consommateurs, et ces derniers pourront être indemnisés, y compris pour des petits montants.

On entend également certains dire, ici ou là, pour contrecarrer l’action de groupe, qu’elle aurait un impact négatif sur la compétitivité des entreprises. Or les expériences de nos voisins européens ont démontré que cela ne représente pas un coût déraisonnable ou disproportionné pour les entreprises. Aucun des mécanismes étudiés n’a provoqué une perte de compétitivité des entreprises ; aucune faillite n’a été recensée qui soit imputable à une action collective, lorsque l’entreprise n’était pas déjà dans une situation financière très difficile. Nous savons pertinemment, aussi, que certaines entreprises intègrent dans leurs calculs le coût éventuel d’une sanction prononcée par un tribunal ou une autorité administrative et qu’elles parviennent toujours, malgré cela, à s’y retrouver sur le plan financier.

On entend encore, ici ou là, que le moyen de saisine pour intenter une action de groupe serait discriminatoire. Or le fait de confier cette saisine à des associations de consommateurs, représentatives au niveau national protège aussi bien les consommateurs que les entreprises contre des actions fantaisistes ou abusives. La qualité du travail des associations de consommateurs nous permet de rester sereins quant à l’application de la procédure.

On entend enfin, ici ou là, des entreprises qui craignent les effets d’une action de groupe sur leur réputation et leur image auprès des consommateurs et des médias, mais des garde-fous ont été prévus, pour qu’il n’y ait pas d’abus possibles. De toutes les façons, les entreprises qui respectent les droits de leurs clients n’ont pas de soucis à se faire : c’est aux autres que nous adressons un signal.

À ce stade de la discussion, monsieur le ministre, je ne serai pas beaucoup plus longue sur l’action de groupe. Beaucoup de choses ont été dites et nous y reviendrons en détail dans la discussion des articles. Nous vous proposerons certains amendements, visant à préciser certaines procédures. Je crois que l’instauration d’actions de groupe contribuera à améliorer les relations commerciales entre professionnels et consommateurs.

Je conclurai, monsieur le ministre, comme vous vous y attendez, en évoquant les amendements qui concernent la restauration. Je ne crois pas qu’il soit incongru, dans un texte sur la consommation, de proposer, pour les consommateurs, une clarification sur la nature des produits et la manière dont ils sont préparés dans les restaurants.

Mme Catherine Vautrin et plusieurs députés du groupe UMP. C’est l’amendement Fasquelle !

M. Daniel Fasquelle. C’est du plagiat !

Mme Pascale Got. Il s’agit de permettre au consommateur de pousser la porte de ces établissements en connaissance de cause.

Mme Catherine Vautrin. On rejette cet amendement en commission et on le reprend en séance !

Mme Valérie Boyer. Comme c’est élégant !

Mme Pascale Got. J’espère que ces amendements rencontreront un écho favorable et seront, si je puis dire, la cerise sur le gâteau d’un texte sur la consommation, qui comporte déjà beaucoup d’avancées. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Razzy Hammadi, rapporteur. L’action de groupe de M. Fasquelle est fabuleuse ! (Sourires)

M. le président. La parole est à M. Luc Chatel.

M. Luc Chatel. Monsieur le ministre, vous nous présentez un projet de loi sur la consommation. Quoi de plus respectable que de se préoccuper de la situation de consommateurs ? Il est vrai que sur un texte de ce type, nous aurions pu nous retrouver si vous aviez accepté de travailler davantage avec les collègues de l’ensemble des groupes parlementaires, comme nous l’avons fait à plusieurs reprises depuis dix ans.

M. François Loncle. Vous auriez aussi pu proposer !

M. Luc Chatel. Je rappelle que nous avons légiféré en ce domaine, contrairement à ce qu’ont dit certains députés de la majorité.

Nous avons légiféré à plusieurs reprises en faveur des consommateurs depuis dix ans. Je regrette d’ailleurs qu’à l’époque le groupe socialiste ait été aux abonnés absents. Ce fut le cas par exemple en 2005 lorsqu’il s’est agi de conforter la confiance et la protection du consommateur, notamment sur la question des contrats à tacite reconduction qui se révélaient souvent des pièges. Je regrette qu’à l’époque nous ayons été très seuls sur ces sujets.

Je pense également à la loi de janvier 2008 pour le développement de la concurrence au service des consommateurs. Déjà, à l’époque, le pouvoir d’achat constituait une préoccupation pour nos concitoyens.

M. Razzy Hammadi, rapporteur. C’était de l’eau tiède !

M. Luc Chatel. Je ne sais pas si c’était de l’eau tiède, mais en tout cas cela a permis de rendre au consommateur plus de 10 milliards d’euros de pouvoir d’achat. Si vous voulez aujourd’hui rendre 10 milliards d’euros au consommateur, je vous souhaite bon courage, monsieur le rapporteur !

M. Razzy Hammadi, rapporteur. Vous avez rendu 10 milliards d’euros aux consommateurs ! Quel dommage que cet argument n’ait pas été plus présent pendant la campagne présidentielle ! Vous n’en faisiez pas état alors…

M. Luc Chatel. La loi de modernisation de l’économie a ensuite contribué à relancer la concurrence et le financement de l’économie. Puis vint, bien sûr, la loi de 2010 réformant le crédit à la consommation. Il y a donc eu un effort conjugué et régulier en faveur des droits des consommateurs.

Mais une vraie différence nous sépare, monsieur Hammadi. Vous, vous aimez la coercition.

M. Daniel Fasquelle. Eh oui !

M. Luc Chatel. Vous aimez dénoncer, vous aimez punir, vous aimez montrer du doigt.

M. Razzy Hammadi, rapporteur. Tout se passait bien jusqu’à présent !

M. Luc Chatel. Le Président de la République a parlé de choc de simplification. Avec Benoît Hamon, nous avons droit au choc de réglementation.

M. Daniel Fasquelle. La France est en état de choc !

M. Luc Chatel. Il faut en permanence verrouiller, sanctionner, contrôler. C’est bien ce qu’il y a de regrettable dans votre projet de loi. Au total, il s’avère très décevant pour le consommateur parce qu’il répond à une philosophie qui n’est pas la nôtre.

M. Razzy Hammadi, rapporteur. Les ordonnances Novelli, ce n’était pourtant pas le PS !

M. Luc Chatel. Nous, nous défendons le consommateur parce que derrière le consommateur, il y a un client, et que c’est bon pour l’ensemble de l’économie. Et nous considérons que protéger le consommateur, c’est assurer et renforcer la liberté d’entreprendre. Il faut cesser d’opposer, dans ce pays, la protection du consommateur et la liberté d’entreprendre.

Au contraire, vous êtes en permanence en train de stigmatiser l’entrepreneur en considérant qu’il faut opposer consommateur et entreprise.

Je voudrais m’attarder en particulier sur deux points de votre texte.

S’agissant tout d’abord de la question des assurances, que je connais bien pour avoir été en 2005 l’auteur de la proposition de loi qui avait permis aux consommateurs de résilier leurs contrats à tacite reconduction. Nous avions beaucoup travaillé à l’époque avec les associations de consommateurs et les professionnels pour trouver un équilibre savant entre des droits nouveaux pour les consommateurs, qui se trouvaient souvent embarqués par le renouvellement tacite de leurs contrats sans avoir pu le résilier, et un modèle économique particulier : celui de l’assurance.

Dès lors que vous autorisez le consommateur à résilier son contrat en permanence, vous bousculez cet équilibre économique. Vous pensez donner un droit nouveau au consommateur, mais il va le perdre car en assurance, le risque se paie, monsieur le ministre. Le consommateur va donc immédiatement payer ce risque nouveau, ce droit nouveau, par une augmentation de ses primes d’assurance. Au total, pour le consommateur, ce sera un marché de dupes.

M. Razzy Hammadi, rapporteur. On aurait dû vous auditionner, on apprend tant de choses !

M. Luc Chatel. Le texte existant devait sans doute être aménagé. Nous y étions favorables, et d’ailleurs le groupe UMP a déposé un amendement par l’intermédiaire de Damien Abad et Catherine Vautrin qui tend à adapter le texte de 2005 pour prendre en compte un certain nombre d’insatisfactions, mais sans revenir sur l’équilibre économique global du système.

J’en viens à la question des actions de groupe. Vous le savez, monsieur le ministre, j’ai été depuis longtemps un défenseur de ces actions de groupe. Il est vrai que je n’ai pas eu un grand succès au sein de ma famille politique, majoritaire à l’époque. Il m’arrive à moi aussi d’être minoritaire dans mon camp, je crois que c’est une situation que vous connaissez. J’observe que cette idée a fait son chemin, et je suis content qu’aujourd’hui le groupe UMP défende officiellement une position presque unanime sur le sujet, et présente un amendement qu’a très bien expliqué Damien Abad tout à l’heure.

M. Germinal Peiro. Il ne faut pas désespérer, même l’UMP peut évoluer !

M. Damien Abad. Il n’y a que vous qui n’évoluiez pas !

M. Razzy Hammadi, rapporteur. Nous avons toujours été en avance !

M. Luc Chatel. Mais j’ai toujours défendu cette action de groupe dans un cadre très précis, afin que ce dispositif soit particulièrement encadré, qu’il concerne des litiges de la vie quotidienne, et qu’il se fasse dans le cadre d’un mécanisme extrêmement simple.

Monsieur le ministre, je suis assez déçu par le mécanisme que vous nous proposez. En effet, sur un sujet sur lequel beaucoup ont disserté depuis des années, il existait des textes clés en main, nombreux, qui étaient déjà écrits. Ils étaient faciles à mettre en œuvre et pratiques d’utilisation, mais vous mettez en place un dispositif qui ressemble beaucoup à une usine à gaz et qui risque de ne pas être appliqué, ou bien dans des délais tout à fait déraisonnables. Je le regrette profondément car nous attendions tous de légiférer sur ce sujet, et c’est sans doute une occasion manquée. Nous aurions nous rassembler.

M. Razzy Hammadi, rapporteur. C’est de la pure mauvaise foi !

M. Luc Chatel. Avec mes collègues du groupe UMP, nous défendrons un amendement pour récrire cet article afin qu’il soit davantage utilisé et qu’il réponde aux vrais besoins des consommateurs.

Monsieur le ministre, je ne veux pas être plus long afin de laisser du temps de parole à mes collègues du groupe UMP. Vous abordez un sujet qui concerne l’ensemble de nos concitoyens avec une méthode qui, malheureusement, ne rassemblera pas et ne permettra pas de faire l’unanimité alors que nous aurions pu trouver un point d’équilibre. Il aurait fallu pour cela que vous soyez sortis d’un certain dogmatisme.

Non, la protection du consommateur n’est pas l’agression permanente du monde de l’entreprise, et il faudra enfin un jour dans ce pays réconcilier protection du consommateur et liberté d’entreprendre. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Damien Abad. Il y a du travail !

M. Razzy Hammadi, rapporteur. La bonne chose avec ce type d’interventions, c’est qu’il est possible de la reprendre à l’identique à propos d’un autre texte sans que l’on s’en rende compte !

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.

M. Jean-Christophe Lagarde. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame et monsieur les rapporteurs, nos collègues de la majorité l’apprennent jour après jour tandis que ceux de l’ancienne majorité le savent déjà : si l’on parle beaucoup des avantages des parlementaires, il est en réalité bien rare que nous ayons quelque motif de satisfaction dans le processus législatif.

Je veux concentrer l’essentiel de mon propos sur le répertoire national du crédit, le reste du texte ayant déjà largement été évoqué avec talent par mon collègue Thierry Benoît dont l’intervention reflète la position du groupe UDI.

Concernant le répertoire national du crédit, étant parlementaire depuis quelques années déjà, cela fait dix ans que j’alerte régulièrement notre Assemblée. Chaque fois que nos débats m’en ont donné l’occasion, j’ai évoqué cette carence de la législation française qui fait qu’aujourd’hui, il n’existe qu’un responsable d’un acte de crédit : celui qui emprunte, et quasiment pas celui qui prête.

C’est le 27 novembre 2003 que je présentais pour la première fois une proposition de loi sur ce sujet. Cinq autres ont succédé, ainsi que de nombreux amendements à l’occasion des différents projets de loi qui nous ont été soumis. M. Barbier disait tout à l’heure que ce serait grâce à votre majorité que ce sujet avancerait. C’est vrai, et hélas il a fallu attendre 2007 pour que le groupe socialiste en prenne vraiment conscience. Monsieur le ministre, il y a quelques mois, vous-même n’aviez sans doute pas une vision complète ou suffisante du sujet. Puis vous avez évolué, ainsi que votre majorité, et je ne peux que m’en réjouir.

Je ne veux pas ici faire un débat en paternité. Tel n’est pas mon objet, mais c’est une leçon pour tous les parlementaires que nous sommes : quand une idée est bonne et juste, elle finit par s’imposer et atteindre son objectif. Je pense que votre projet de loi va le permettre.

Il apporte une réponse, certes partielle, je le reconnais volontiers, mais une réponse forte à un vrai problème que l’on peut exprimer simplement. La France est le dernier des grands pays de l’Union européenne à ne pas avoir de répertoire national du crédit permettant aux prêteurs de vérifier la solvabilité de l’emprunteur.

Cela a une conséquence immédiate : on compte deux fois plus de personnes surendettées dans notre pays que dans le reste de l’Union européenne, et chaque personne surendettée se trouve deux fois plus endettée en moyenne que dans le reste de l’Union européenne. Ce seul constat devait pousser la puissance publique à agir.

Ce sont 200 000 familles qui entrent chaque année en surendettement. Ces 200 000 familles vont alors traverser des années de difficultés avant de pouvoir ressortir la tête de l’eau. Lorsqu’elles travaillent, elles ne travailleront que pour rembourser des dettes précédentes et vivre très chichement. Bien souvent, ces familles explosent, entraînant un coût social très lourd pour notre pays, au-delà du coût économique. Il y a actuellement 1,2 million de familles dans ce caniveau du crédit dont on ne ressort jamais indemne, que ce soit familialement, personnellement ou professionnellement.

Cette situation que je viens de décrire de façon simple afin de ne pas trop allonger les débats a trois conséquences directes. La première est que l’on permet ainsi aux organismes prêteurs de ne pas avoir à étudier la solvabilité de l’emprunteur. Par la pratique que l’on appelle – excusez l’anglicisme – le credit scoring, les prêteurs n’ont qu’à se contenter de demander quelques renseignements pour vous faire entrer dans des statistiques découpant la population française en dix tranches. Puis, en fonction de la tranche dans laquelle vous entrez, on vous prêtera ou l’on ne vous prêtera pas. Alors que vous êtes parfois solvable, on ne vous prêtera pas, et alors que vous êtes bien souvent déjà proche de la rupture, on continue à vous prêter.

Je souhaite, et le projet de loi va le permettre, que le prêteur soit dans la possibilité – vous souhaitez que ce soit une obligation, nous en débattrons – d’analyser concrètement la situation de chaque personne lorsqu’elle veut contracter un crédit. Cela permettra directement de ne plus évincer 40 % de nos concitoyens qui n’ont pas accès au crédit alors qu’au moins la moitié d’entre eux devrait en avoir la possibilité. Mieux, ils pourraient accéder à des crédits moins chers d’aujourd’hui, puisqu’il s’agit de petits crédits pour lesquels les frais de dossier sont excessifs. Ce répertoire national du crédit va réduire les frais de dossier et permettre aux gens les plus modestes, notamment les jeunes qui s’installent ou ceux qui ont besoin de redémarrer après une séparation ou une rupture de la vie de contracter un crédit. Ces gens sont solvables, et l’on peut leur prêter un peu d’argent pour remettre le pied à l’étrier. Ils pourront le faire dans des conditions plus avantageuses parce qu’on ne les assassinera plus avec le taux usuraire, qui en réalité ne fait que couvrir les frais de dossier qui leur sont affectés.

M. Razzy Hammadi, rapporteur. Tout est dit !

M. Jean-Christophe Lagarde. Deuxième conséquence de la situation actuelle, non seulement les crédits sont moins nombreux, mais ils sont également plus chers. Car les organismes de crédit ne prennent aucun risque dans cette affaire. Naturellement, la perte qui est statistiquement calculable par la technique du credit scoring est immédiatement répercutée sur ceux qui remboursent. Donc les taux d’intérêts de tous ceux qui remboursent leurs crédits sont directement affectés, et le crédit est ainsi plus cher.

Enfin, malheureusement, l’absence de ce répertoire aujourd’hui n’empêche en rien les « compulsifs », qui représentent 30 % des surendettés qu’enregistre chaque année la Banque de France, et qui à un moment ou à un autre de leur vie, pour différentes raisons, se mettent à faire n’importe quoi, à « péter les plombs », pour le dire en langage populaire, et à surconsommer et suremprunter alors même que l’on pourrait les arrêter.

Personne n’envisagerait aujourd’hui de supprimer les limitations de vitesse dans notre pays. Eh bien, il n’existe pas de limitations de vitesse sur le crédit, et cet outil permettra effectivement d’arrêter avant qu’il ne soit trop tard ceux qui sont en train de déraper.

Nous ne pouvons pas plus empêcher aujourd’hui les autres 30 % de ces 200 000 familles qui croient traverser des difficultés passagères que l’on a longtemps appelées les accidents de la vie. Celui qui se retrouve au chômage, celui qui traverse une mauvaise passe suite à un décès, parfois à un divorce, croit que ce ne sera que passager. Il a alors recours à des crédits renouvelables qui, pense-t-il, constituent une planche de salut. En réalité, c’est une planche pourrie qui va le précipiter dans l’abîme. Parce que malheureusement, l’accident de la vie peut durer. Et s’il dure, cette planche se transforme en une véritable guillotine interdisant le retour à une vie normale. Aujourd’hui, rien ne permet d’empêcher ces situations.

La logique de ce répertoire national du crédit ne doit pas être stigmatisée. Certes, elle n’est pas parfaite et elle ne résoudra pas tous les problèmes, mais le fait de s’adresser à 60 % des 200 000 familles qui entrent chaque année en situation de surendettement sera déjà un grand service rendu aux familles de notre pays.

M. Thierry Benoit. Vous avez raison !

M. Jean-Christophe Lagarde. En suivant une logique simple et efficace, il convient d’inciter les organismes de crédit à faire leur travail en estimant la capacité de remboursement de chaque emprunteur. C’est, en somme, ce que ferait chacun d’entre nous s’il devait prêter de l’argent : vérifier que le débiteur est en situation de rembourser, et non l’enfermer, l’évaluer ou le juger en fonction d’une statistique qui ne veut rien dire.

Monsieur le ministre, ce projet de loi comporte un danger, qui ne réside pas dans le texte mais dans l’application que vous en ferez : je veux parler de la composition du fichier et de l’identifiant. Je souhaite vous alerter sur ce sujet, comme l’ont déjà fait différentes commissions – la CNIL ou les commissions qui s’interrogeaient sur le répertoire – qui en ont longuement débattu.

Monsieur le ministre, pour faire simple et court, vous avez deux solutions. Soit vous adoptez un identifiant qui existe déjà dans le monde bancaire et qui vous permet d’avoir un répertoire immédiatement disponible et efficace. Soit vous inventez un autre identifiant : il pourrait s’agir du NIR, malgré les dangers qu’il peut comporter pour les libertés, ou d’un autre identifiant qui serait spécifique au crédit. Mais, dans ce cas, le fichier ne peut pas être réellement mis en place, efficient et efficace avant les six ou sept prochaines années, le temps que les crédits en cours soient purgés ; dès lors, vous aurez fait adopter une loi que j’approuve et que je suis prêt à soutenir, mais qui ne sera pas mise en application.

Nous aurons l’occasion d’en discuter à nouveau : ce fichier doit s’appuyer sur un identifiant existant qui permette de recenser immédiatement les crédits en cours, et non les seuls crédits à venir, ce qui serait inefficace pour toutes les familles qui sont actuellement au bord du précipice, dans la situation que je décrivais tout à l’heure.

Est-ce que cela résoudra l’ensemble du problème ? Non. Mais, monsieur le ministre, cette partie de votre texte comporte quatre avancées majeures.

Première avancée : le crédit sera moins cher à étudier. Il y aura moins de défauts de paiement, puisque le créancier aura une perception plus sûre de la situation réelle de l’emprunteur : on peut donc en attendre une baisse des taux. J’espère d’ailleurs que vos services vérifieront que les organismes de crédit répercutent bien le gain ainsi généré.

Deuxième avancée majeure : il y aura moins de crédit abusif, mais l’accès au crédit sera facilité pour les emprunteurs aujourd’hui confrontés à des refus alors qu’ils sont solvables.

Troisième avancée : une réduction d’au moins un tiers des entrées en surendettement et de la moitié du montant du surendettement. Monsieur le ministre, si nous parvenons à faire passer le montant moyen du surendettement, pour les 1,2 million de familles concernées, de 40 000 euros environ à la moyenne européenne de 20 000 euros, alors nous rendrons un grand service à la nation. Nous l’observons tous, en tant qu’élus locaux, dans les CCAS que nous gérons ou dans les conseils généraux : quand on atteint un certain seuil de surendettement, il n’y a plus d’autre solution que la faillite personnelle – et encore, celle-ci est compliquée –, alors que si le surendettement est maintenu à un niveau que je qualifierais de raisonnable ou de supportable, il est encore possible de trouver des solutions.

Quatrièmement, il est bon d’entendre enfin, d’un point de vue philosophique, qu’il y a deux responsables dans l’acte d’emprunt : l’emprunteur et le prêteur. Cela permettra des évolutions jurisprudentielles, et je souhaiterais même présenter des amendements qui durciront cet aspect de votre projet de loi, de sorte que les prêteurs faisant n’importe quoi ne perdent plus seulement leurs intérêts, mais aussi leur capital. Obliger les organismes financiers à faire leur travail : voilà la philosophie du groupe UDI.

Naturellement, monsieur le ministre, il restera du travail. Une fois ce texte adopté, comme je l’espère, il faudra que le répertoire créé puisse être évalué régulièrement ; il existe, dans nos assemblées, des commissions dont c’est le rôle. Bien que j’en sois généralement peu enthousiaste, je pense que certains rapports seront nécessaires ; de même, des missions d’information permettraient de recenser les défauts du dispositif mis en place. En effet, dans les pays qui ont créé un répertoire national du crédit, il y a eu des dérives : lorsqu’ils n’étaient pas détenus par la puissance publique – c’est une bonne chose qu’il revienne à la Banque de France de les gérer –, ces fichiers ont parfois servi à des fins de prospection commerciale, risquant d’aggraver encore la situation d’un certain nombre de personnes. Vous écartez ce risque, mais je proposerai de renforcer encore les garanties.

Cette avancée, qui nécessitera une évaluation et sans doute encore des adaptations, demeure et demeurera une victoire du bon sens au profit des plus faibles contre les nombreux lobbies. Je me bats depuis dix ans sur ce sujet, parfois un peu seul, souvent trop seul avec mon groupe parlementaire. Permettez-moi de dire que les lobbies, qu’il s’agisse des banques, de certaines associations de consommateurs ou parfois de votre propre administration, monsieur le ministre, doivent ouvrir les yeux.

Je m’adresse à Bercy : on ne fait pas de la croissance sur du crédit pourri.

Je m’adresse aux associations de consommateurs : on ne peut pas prétendre défendre les consommateurs quand on déclare attendre simplement le fichier des incidents de paiement.

M. Thierry Benoit. Vous avez raison !

M. Jean-Christophe Lagarde. Je m’adresse enfin aux banques : on ne peut pas refuser en France un système appliqué dans tous les autres pays, simplement pour essayer de préserver un avantage commercial.

M. Jean-Louis Bricout, rapporteur pour avis. Bravo !

M. Jean-Christophe Lagarde. Une fois encore, mon intervention à la tribune de l’Assemblée aura été pour moi l’occasion de dénoncer ces lobbies qui nuisent à tant de familles. J’espère que ce texte ira à son terme et qu’il sera rapidement mis en application, avec un identifiant permettant de disposer rapidement d’un fichier efficace : nous serons alors enfin dotés d’un véritable outil pour nous attaquer au problème du surendettement. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. Razzy Hammadi, rapporteur. Bravo !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Remarquable !

M. Thierry Benoit. Excellent !

M. le président. La parole est à Mme Marion Maréchal-Le Pen.

Mme Marion Maréchal-Le Pen. Pour sa première véritable manifestation en tant que membre du Gouvernement, M. Hamon présente une véritable loi fleuve, longue de soixante-dix articles et de cent trente pages. C’est un véritable code dans le code, où l’on parle pêle-mêle des actions de groupe, de la vente d’or, de la profession de chauffeur de place, du démarchage téléphonique, des appellations géographiques, et j’en passe. On modifie même la loi du 4 juillet 1837 sur les poids et mesures. Non pas que la créativité de Bercy se soit soudain réveillée ! Nous devons surtout transposer à nouveau des textes européens.

Une fois n’est pas coutume, j’accueille favorablement un certain nombre d’avancées pour les consommateurs. Ainsi, la possibilité de résilier en cours d’année une assurance automobile ou habitation était attendue de longue date. Le renforcement des moyens de la répression des fraudes n’est pas un luxe, compte tenu de la multiplication des cas de non respect de la législation. Il en est de même pour l’encadrement du démarchage et des ventes ou pour le crédit à la consommation, souvent poussé par des commerciaux peu scrupuleux au détriment de personnes fragiles.

Il aurait été bon d’aller plus loin, par exemple sur le malus automobile. Un automobiliste qui cesse d’être assuré pendant un an perd l’ensemble de son bonus et doit repartir à 100 %. Il faudrait instaurer un délai de conservation plancher en dessous duquel les compagnies ne pourraient descendre, ou en tout cas une dégressivité.

S’agissant des actions de groupe, la réforme est bienvenue, mais le texte est rédigé de telle manière que seul un nombre très restreint d’associations de consommateurs – seize, semble-t-il – pourra agir, puisqu’il est nécessaire d’obtenir un agrément préalable. C’est limiter considérablement la portée de la réforme, ces associations n’ayant pas forcément les moyens humains et financiers de mener à bien ces actions.

De plus, je ne suis pas sûre que le choix de l’indemnisation opt-in soit suffisamment dissuasif pour les entreprises, d’autant que le champ d’application ne vise pas le préjudice moral, et donc corporel – les récentes affaires des prothèses PIP et du Mediator auraient pourtant dû vous inciter à aller dès à présent dans ce sens.

Pourquoi, ensuite, ne pas avoir étendu le champ de ce dispositif aux questions relatives à l’environnement ?

Je regrette également que vous ayez été aussi frileux en matière de réglementation des pratiques d’obsolescence programmée, dont le coût environnemental est lourd, de même que le coût pour le porte-monnaie des ménages français.

J’émettrai en outre des réserves sur la forme. Quand la loi est bavarde, sa force et son autorité sont remises en cause : c’est le problème du droit à l’état gazeux ! Ce texte présente la situation inverse : il comporte un luxe absolu de détails ; il prétend envisager tous les cas de figure et les régler par une disposition législative. À trop vouloir être exhaustive et prévoir l’ensemble des cas de litiges possibles, la loi perd en lisibilité. Je prends l’exemple des 185 alinéas de l’article 5 relatif à la vente par démarchage qui prévoient tous les cas de figure : protègent-ils vraiment plus le consommateur ? Je n’en suis pas sûre.

Les magistrats devront lire et relire les textes avant de rendre une décision, les moyens de contestation étant d’autant plus nombreux que les textes sont complexes. De même qu’en matière d’urbanisme, où des procéduriers font leur beurre en exploitant les méandres de la législation, il y aura ici matière pour des contentieux à rallonge.

De plus, les nouvelles obligations créeront certainement des difficultés d’application pour les professionnels. Par exemple, concernant les délais d’exécution des prestations ou de livraison, ils devront prévoir la date contractuellement, sinon le délai sera d’office de trente jours et l’acheteur aura la possibilité de résoudre le contrat en cas de dépassement. Les sommes versées en arrhes sont productives d’intérêts à des taux élevés. Toutes ces dispositions sont d’ordre public : il n’est donc pas possible d’y déroger par convention contraire.

Ces mesures sont protectrices, mais très dures à gérer pour le professionnel artisan ou la petite structure. Si les grandes entreprises peuvent mettre en place un process de gestion de ces contraintes, les PME et TPE en ont sûrement beaucoup moins les moyens. Il eût été bon de prévoir des mesures adoucissant l’impact de ces dispositions pour ces entreprises, en les aidant à gérer l’assimilation de ces nouvelles normes.

S’ajoutent à cela des sanctions qui peuvent paraître excessives. Pour manquement à une obligation purement formelle entourant la vente d’or – en appliquant par exemple le prix au gramme de la veille au lieu du prix du jour –, il est possible de prononcer des peines de 150 000 euros d’amende ainsi qu’une interdiction de cinq ans de toute activité commerciale. Cela peut sembler sévère !

La multiplication des normes entraîne également une certaine instabilité du cadre légal. Par exemple, l’article L. 443-1 du code du commerce sur les délais de paiement va connaître sa septième version depuis l’année 2000…

Enfin, comme si cet inventaire à la Prévert ne suffisait pas, on donne in fine la possibilité au Gouvernement de réécrire par ordonnances le code de la consommation, dans le cadre d’une habilitation de deux ans.

M. Razzy Hammadi, rapporteur. C’est souvent le cas !

Mme Marion Maréchal-Le Pen. Certes, il s’agit d’une réécriture à droit constant visant à rédiger les textes de manière plus lisible, mais il existe une réserve à géométrie très variable : les modifications nécessaires pour assurer le respect de la hiérarchie des normes, améliorer la cohérence rédactionnelle des textes et harmoniser l’état du droit. Cela laisse au Gouvernement le champ assez libre pour légiférer !

Reste à mettre les moyens pour que la protection soit efficace, notamment contre les arnaques en ligne, d’autant plus difficiles à combattre que les délinquants agissent depuis des pays étrangers non coopératifs en matière de justice.

M. Razzy Hammadi, rapporteur. On ne peut pas les expulser, puisqu’ils agissent depuis l’étranger !

Mme Marion Maréchal-Le Pen. Il convient aussi de faire en sorte que les secteurs de la restauration et de la pharmacie, au cœur de récents scandales, soient mieux encadrés.

Au-delà des aspects positifs de ce texte, je dirai quelques mots sur le contexte. Il ne faudrait pas que le droit de la consommation ne soit qu’un leurre. D’une main, vous protégez les consommateurs ; de l’autre, vous ouvrez les marchés à la libre concurrence la plus féroce. Certes, vous voulez des citoyens consommateurs, protégés dans leur rôle de moteur de la machine à profits libérale, mais quand il s’agit de protéger leurs emplois, leur pouvoir d’achat et leurs salaires, vous êtes malheureusement beaucoup moins dévoués.

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à une prochaine séance.

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Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, mardi 25 juin à neuf heures trente :

Questions orales sans débat.

La séance est levée.

(La séance est levée, le mardi 25 juin 2013, à une heure dix.)