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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2013-2014

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du vendredi 11 octobre 2013

SOMMAIRE

Présidence de M. Christophe Sirugue

1. Avenir et justice du système de retraites

Discussion des articles (suite)

Après l’article 14

Amendements nos 1242 , 1248

M. Michel Issindou, rapporteur de la commission des affaires sociales

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé

Amendement no 1574

Mme Catherine Coutelle, présidente de la délégation de l’Assemblée nationale aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes

Amendements nos 1476 , 1575 , 1577 , 1979 , 1583 , 2427 , 2419 , 2174 , 2450 , 2474 , 2778 , 2597

Article 15

M. Denis Jacquat

M. Christian Paul

M. Michel Liebgott

Amendement no 147

Suspension et reprise de la séance

Article 16

Mme Jacqueline Fraysse

M. Patrice Carvalho

M. Gilles Lurton

M. Denis Jacquat

Mme Fanélie Carrey-Conte

M. Michel Liebgott

Mme Anne-Yvonne Le Dain

M. Arnaud Robinet

M. Dominique Tian

Amendements nos 148 , 1212 , 1222 , 2970 , 864 , 3064 , 2890 , 2880 , 2884 , 2881 , 2885

Après l’article 16

Amendements nos 2832 , 2984 , 2895 (rect.) , 2975 , 2833 , 903 , 3080 , 2504 , 3118 (sous-amendement) , 3119 (sous-amendement) , 2962 , 3081 , 2286 deuxième rectification , 1037 , 981

Article 17

Mme Jacqueline Fraysse

M. Jean-Jacques Candelier

M. Jean-Patrick Gille

M. Denis Jacquat

Article 18

M. Arnaud Robinet

Article 19

Amendement no 3062 rectifié

Après l’article 19

Amendements nos 1498 , 1507

Article 20

M. Denis Jacquat

M. Matthias Fekl

M. Jean-Jacques Candelier

M. Patrice Carvalho

M. Christian Paul

Mme Brigitte Allain

Après l’article 20

Amendement no 2487

Article 21

M. Denis Jacquat

Mme Annie Le Houerou

M. Matthias Fekl

M. Patrice Carvalho

Mme Jacqueline Fraysse

Amendements nos 3057 , 3088 , 1702

Article 22

Mme Jacqueline Fraysse

M. Jean-Louis Costes

Mme Annie Le Houerou

M. Matthias Fekl

M. Patrice Carvalho

M. Gilles Lurton

M. Pascal Terrasse, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

M. Jean-Philippe Nilor

Mme Marisol Touraine, ministre

Amendements nos 2946 , 1718

Suspension et reprise de la séance

Après l’article 22

Amendements nos 2949 , 2950 , 987 , 1168 , 1093

Article 23

Mme Jacqueline Fraysse

Mme Martine Carrillon-Couvreur

M. Denis Jacquat

M. Jean-Jacques Candelier

M. Patrice Carvalho

M. Gérard Sebaoun

Mme Marisol Touraine, ministre

Amendements nos 1719 , 2340 , 2892 , 3086 , 2426 , 2899

Après l’article 23

Amendement no 2022

Article 24

Mme Martine Carrillon-Couvreur

Amendements nos 3078 , 3060

Article 25

Mme Martine Carrillon-Couvreur

M. Marc Dolez

M. Jean-Jacques Candelier

M. Patrice Carvalho

Mme Catherine Coutelle, présidente de la délégation aux droits des femmes

Mme Marisol Touraine, ministre

2. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Christophe Sirugue

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Avenir et justice du système de retraites

Suite de la discussion d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi garantissant l’avenir et la justice du système de retraites (nos 1376, 1400, 1397).

Discussion des articles (suite)

M. le président. Ce matin, l’Assemblée a poursuivi la discussion des articles, s’arrêtant à l’amendement n1240, portant article additionnel après l’article 14.

Après l’article 14

M. le président. Je suis saisi d’une série d’amendements identiques, nos 1240 à 1254.

Sur ces amendements, je suis saisi par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Marc Dolez, pour soutenir l’amendement n1242.

M. Marc Dolez. Monsieur le président, madame la ministre des affaires sociales et de la santé, mes chers collègues, comme chacun le sait, 80 % des employés à temps partiel sont des femmes. La loi de sécurisation de l’emploi, qui a transcrit l’accord national interprofessionnel, a institué un seuil minimal de travail à temps partiel de 24 heures. Par cet amendement, nous proposons que cette durée minimale de travail soit prise en compte dans l’article 241-3-1 du code de la sécurité sociale, en imposant un niveau de cotisation patronale équivalent à un temps plein pour tout emploi à temps partiel inférieur à 24 heures. Une telle disposition constituerait une véritable avancée et une vraie mesure de protection des salariés les plus précaires, et améliorerait réellement le droit à la retraite et l’égalité, tout particulièrement pour les femmes qui, je le répète, subissent plus que les hommes, et dans une très grande proportion, le travail à temps partiel.

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Candelier, pour soutenir l’amendement n1248.

M. Jean-Jacques Candelier. Il est défendu.

M. le président. La parole est à M. Michel Issindou, rapporteur de la commission des affaires sociales, pour donner l’avis de la commission.

M. Michel Issindou, rapporteur de la commission des affaires sociales. La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement, monsieur Dolez, parce que les dispositions que vous évoquez résultent de l’accord national interprofessionnel, qui a donné lieu à la très récente loi de sécurisation de l’emploi. Il ne nous paraît pas opportun de remettre en cause dès à présent ces dispositions, qui résultent de la négociation collective.

M. le président. La parole est à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé, pour donner l’avis du Gouvernement.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé. Défavorable, pour les mêmes raisons.

M. le président. La parole est à M. Marc Dolez.

M. Marc Dolez. J’entends bien la réponse de M. le rapporteur, et j’imagine que le Gouvernement l’approuve. Nous avons eu un très long débat, en son temps, sur l’accord national interprofessionnel, l’ANI. Aujourd’hui, la loi est ce qu’elle est, mais ce n’est pas parce qu’un accord a été conclu avec les partenaires sociaux et qu’il a été validé sur le plan législatif que nous devons nous empêcher de faire notre travail de législateur et d’améliorer le dispositif, notamment sur un objectif qui doit nous rassembler, puisqu’il s’agit d’éviter que les femmes continuent à subir le temps partiel. Cette question est excessivement importante et je ne suis évidemment pas satisfait de la réponse qui m’a été opposée, ce qui ne  surprendra pas.

M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix les amendements identiques nos 1242 et 1248.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants26
Nombre de suffrages exprimés26
Majorité absolue14
Pour l’adoption4
contre22

(Les amendements identiques nos 1242 et 1248 ne sont pas adoptés.)

M. Marc Dolez. Nous avons une marge de progression !

Mme Marisol Touraine, ministre. Oui, il faut toujours voir le côté positif ! (Sourires)

M. le président. La parole est à Mme Catherine Coutelle, présidente de la délégation de l’Assemblée nationale aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, pour soutenir l’amendement n1574.

Mme Catherine Coutelle, présidente de la délégation de l’Assemblée nationale aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes. La délégation aux droits des femmes a souhaité proposer cet amendement qui, au-delà de l’article 40, crée des recettes et non des dépenses.

Comme l’a dit notre collègue Marc Dolez, les emplois à temps partiel concernent aujourd’hui 30 % des femmes, contre 6 % des hommes et ils sont offerts aux femmes à 80 %. C’est là une conséquence des politiques des années 1990 qui, en voulant favoriser les services à la personne, ont multiplié les emplois à temps partiel.

Par cet amendement, nous souhaitons rendre le temps partiel dissuasif pour les entreprises qui y font un recours excessif. Je pense en particulier, madame la ministre, à la grande distribution, qui reconnaît qu’il est plus facile de faire travailler deux personnes à temps partiel qu’une personne à temps plein : la productivité s’en trouve accrue, car une personne à temps plein est incapable de travailler autant que deux personnes à temps partiel. Nous souhaitons au moins envoyer un signal d’alerte et obliger les entreprises à surcotiser.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Très bien !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Issindou, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement, même si encore une fois, madame Coutelle, elle ne remet pas en cause, les objectifs que vous poursuivez, puisqu’elle les partage, comme le Gouvernement. La loi sur l’égalité entre les femmes et les hommes, que nous examinerons dans quelques semaines, aura à traiter de ce que vous dénoncez et à examiner votre proposition de surcotisation, dont je signale qu’elle risque tout de même d’avoir un effet dissuasif sur l’embauche des femmes.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Avis défavorable, même si je comprends parfaitement les motivations de Mme Coutelle. Le recours excessif au temps partiel nous préoccupe tous, mais je ne crois pas que l’on puisse traiter de ce sujet sous cette forme-là dans le cadre de cette loi.

(L’amendement n1574 n’est pas adopté.)

M. le président. Nous en venons à une série d’amendements identiques, nos 1468 à 1482, sur lesquels je suis saisi par le groupe de la Gauche démocratique et républicaine d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Jean-Jacques Candelier, pour soutenir l’amendement n1476.

M. Jean-Jacques Candelier. Cet amendement, en proposant de majorer de 10 % les cotisations d’assurance sociale employeur des entreprises de plus de 20 salariés comptant dans leurs effectifs au moins 20 % de salariés à temps partiel vise à décourager le recours au temps partiel.

Le temps partiel subi est une réalité que l’on ne peut nier et qu’il est temps de combattre avec des mesures efficaces. Une étude de l’Observatoire des inégalités de mai 2013 prouve que si 27 % des salariés à temps partiel déclarent vouloir travailler davantage, cette moyenne masque des écarts : ce taux est en effet de 13,7 % chez les femmes cadres supérieurs, contre 35,1 % chez les ouvrières.

Pour les jeunes, l’intégration dans l’emploi par le temps partiel est très souvent un pis-aller : plus de 40 % des jeunes de 15 à 29 ans en temps partiel souhaiteraient travailler davantage. La proportion est encore plus élevée chez les hommes, mais ces derniers ne représentent que 20 % des salariés à temps partiel. Un million de femmes travaillent à temps partiel et déclarent souhaiter travailler plus, contre 300 000 hommes.

Pour autant, ces données minimisent la situation. L’Observatoire des inégalités note que si certains salariés ne déclarent pas souhaiter travailler plus, c’est parce qu’ils intègrent le fait que cette probabilité est très faible, ou parce qu’ils – et surtout elles – ne disposent pas de solutions pour faire garder leurs jeunes enfants à un coût abordable. Dans un contexte plus favorable, rien ne dit qu’ils ne souhaiteraient pas accroître leur temps de travail. Il est du devoir du Gouvernement de prendre cette question à bras-le-corps ; c’est ce que nous proposons avec cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Issindou, rapporteur. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n1476.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants34
Nombre de suffrages exprimés34
Majorité absolue18
Pour l’adoption6
contre28

(L’amendement n1476 n’est pas adopté.)

M. Marc Dolez. Nous avons fait une progression de 50 % !

M. le président. La parole est à Mme Catherine Coutelle, présidente de la délégation aux droits des femmes, pour soutenir l’amendement n1575.

Mme Catherine Coutelle, présidente de la délégation aux droits des femmes. Cet amendement, comme celui que j’ai défendu précédemment, a été déposé par la délégation aux droits des femmes, et non par moi seule. Il s’appuie sur l’ANI, dont l’article 12 prévoit que les organisations liées par une convention de branche doivent ouvrir une négociation sur les modalités d’organisation du temps partiel. Quand cette négociation n’a pas eu lieu, alors qu’elle est obligatoire, nous demandons que les cotisations patronales soient calculées sur la base du temps plein.

J’entends bien que cet amendement porte sur l’ANI. Mais si nous le déposons aujourd’hui – et nous le déposerons à nouveau lors de l’examen de la loi sur l’égalité professionnelle – c’est parce qu’il concerne aussi les caisses de retraite.

M. Arnaud Robinet. C’est un peu tiré par les cheveux…

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Issindou, rapporteur. Il s’agit d’un vrai sujet, mais la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement, en renvoyant ce débat à l’examen de la loi sur l’égalité entre les femmes et les hommes, qui débutera dans quelques semaines.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Avis défavorable.

(L’amendement n1575 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Catherine Coutelle, présidente de la délégation aux droits des femmes, pour soutenir l’amendement n1577.

Mme Catherine Coutelle, présidente de la délégation aux droits des femmes. Défendu.

(L’amendement n1577, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Nous en arrivons à une série d’amendements identiques, nos 1977 à 1991, sur lesquels je suis saisi par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d’une demande de scrutin public. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Marc Dolez, pour soutenir l’amendement n1979.

M. Marc Dolez. Monsieur le président, vous me permettrez de dire à mes collègues – ce qui m’évitera de faire un rappel au règlement – que si nous demandons un scrutin public sur un certain nombre d’amendements que nous jugeons significatifs et importants, nous le faisons avec le souci d’être positifs et constructifs et de hiérarchiser nos interventions. Mais si cela devait être mal reçu, nous pourrions procéder autrement – je me permets de vous rappeler que nous savons le faire !

J’en viens à l’amendement. La volonté, affichée à l’article 14, de faciliter l’acquisition de trimestres de cotisation, doit bien sûr s’accompagner de l’introduction, dans le code du travail, de mesures permettant de lutter contre le développement de la précarité. Nous l’avons dit, et nous le répéterons au cours de ce débat, la précarité professionnelle et salariale est à l’évidence le chemin de la précarité sociale et financière lorsque vient le temps de la retraite. Or ce projet de loi ne fait pas assez pour repousser les limites de la précarité.

Par cet amendement, nous proposons de modifier l’article 2323-17 du code du travail, pour renforcer le droit des comités d’établissement en matière de politique de l’emploi de l’entreprise. La précarité est complexe, elle tend à se développer et nous en voyons, hélas, chaque jour les résultats. Cet amendement nous donne l’occasion de mieux l’encadrer, en apportant de nouveaux droits aux institutions de représentation du personnel.

Je crains que M. le rapporteur ne me dise que cet amendement n’a pas grand rapport avec le texte dont nous discutons. Je lui réponds par avance que toute amélioration sociale et salariale a des répercussions sur les régimes de retraites et sur la vie des salariés. Nous sommes donc bien ici dans le sujet.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Issindou, rapporteur. Vos craintes étaient fondées, monsieur Dolez : avis défavorable de la commission.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n1979.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants44
Nombre de suffrages exprimés44
Majorité absolue23
Pour l’adoption8
contre36

(L’amendement n1979 n’est pas adopté.)

M. Marc Dolez. Les « pour » augmentent !

M. le président. La parole est à Mme Catherine Coutelle, présidente de la délégation aux droits des femmes, pour soutenir l’amendement n1583.

Mme Catherine Coutelle, présidente de la délégation aux droits des femmes. Il s’agit, cette fois encore, de lutter contre l’inégalité salariale, qui joue beaucoup sur les retraites des femmes. Nous souhaitons que le rapport de situation comparée, le RSC, qui est obligatoire dans les entreprises, soit publié sur le site du ministère du travail.

Je comprends bien, monsieur le rapporteur – car je connais déjà votre réponse – que ce sujet n’entre pas strictement dans le cadre de ce projet de loi, mais il a des conséquences sur les retraites, puisque le différentiel atteint 40 % pour les retraites, contre 27 % pour les salaires. Le rapport de situation comparée doit donc également jouer son rôle pour les retraites.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Issindou, rapporteur. La demande de Mme Coutelle est fondée. Pour autant, la commission s’est montrée intraitable et a émis un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Denis Jacquat.

M. Denis Jacquat. Mme Coutelle a raison de déposer ces amendements d’appel, parce qu’il y a bien un problème d’inégalités de retraites entre les hommes et les femmes. Le rapporteur et la ministre ont aussi raison de répondre qu’il s’agit d’un problème concernant l’emploi, mais il faut à tout prix que le sujet soit évoqué lors de la discussion du projet de loi qui a été annoncé. Trop souvent, on nous dit que l’on reviendra prochainement sur un sujet, mais l’on y revient que quinze ans après !

Mme Catherine Coutelle, présidente de la délégation aux droits des femmes. Dans ce cas précis, cela m’étonnerait !

M. Denis Jacquat. Je compte sur la vigilance de Mme Coutelle. Il ne faut pas lâcher l’os !

Mme Catherine Coutelle, présidente de la délégation aux droits des femmes. Faites-moi confiance !

(L’amendement n1583, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Nous en venons à l’examen d’une série d’amendements, nos 2427 à 2441, sur laquelle je suis saisi par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour défendre l’amendement no 2427.

Mme Jacqueline Fraysse. Il s’agit de défendre les salariés précaires en supprimant l’une des nombreuses dérogations à la règle du minimum de vingt-quatre heures de travail par semaine. Nous le dénonçons depuis le début de l’examen de cette loi : le temps partiel est subi majoritairement par les femmes dans notre pays, et il est important de préserver les droits minimums des salariés précaires.

La loi de sécurisation de l’emploi intègre des dérogations à ce seuil minimal que nous avons vigoureusement contestées parce qu’elles ne sont pas acceptables et qu’elles ne vont pas dans le sens de votre volonté affichée de faciliter l’acquisition de trimestres malgré l’abaissement du nombre d’heures exigé par la validation d’un trimestre. Accepter que des dérogations porte atteinte au principe du minimum des vingt-quatre heures, c’est renforcer la faiblesse des pensions qui seront versées à ces salariés et qui sont déjà très basses. C’est préparer les retraités pauvres de demain, qui percevront des pensions de retraite largement en deçà du seuil de pauvreté. C’est la raison pour laquelle nous avons déposé cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Issindou, rapporteur. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n2427.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants44
Nombre de suffrages exprimés44
Majorité absolue23
Pour l’adoption6
contre38

(L’amendement n2427 n’est pas adopté.)

M. le président. Nous en venons à l’examen d’une série d’amendements nos 2411 à 2425, sur laquelle je suis saisi par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Jean-Jacques Candelier, pour soutenir l’amendement n2419.

M. Jean-Jacques Candelier. Cet amendement s’inscrit dans la même logique que les amendements 2174 et suivants, visant à instaurer dans tous les cas une majoration de 25 % de chaque heure complémentaire pour les salariés à temps partiel. Par conséquent, nous proposons de faire passer de 10 % à 25 % les heures complémentaires visées à l’article L. 3123-17 du code du travail.

Il s’agit là encore de dissuader le recours abusif aux heures complémentaires, tout en rémunérant mieux celles-ci lorsqu’elles sont incontournables. Ainsi, nous contribuons à améliorer le pouvoir d’achat des salariés en situation de temps partiel, les cotisations sociales dues au titre de ces heures complémentaires et également le niveau de revenu dans le calcul des vingt-cinq années servant de base au calcul des pensions. C’est donc à ce titre, en lien avec le projet de loi, que je vous demande de voter cet amendement modifiant le code du travail en son article L. 3123-17.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Issindou, rapporteur. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n2419.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants42
Nombre de suffrages exprimés42
Majorité absolue22
Pour l’adoption6
contre36

(L’amendement n2419 n’est pas adopté.)

M. le président. Nous en venons à l’examen d’une série d’amendements, n2174 à 2188, sur laquelle je suis saisi par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour soutenir l’amendement n2174.

Mme Jacqueline Fraysse. Il est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Issindou, rapporteur. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n2174.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants38
Nombre de suffrages exprimés38
Majorité absolue20
Pour l’adoption6
contre32

(L’amendement n2174 n’est pas adopté.)

M. le président. Nous en venons à l’examen d’une nouvelle série d’amendements, nos  2442 à 2456, sur laquelle je suis saisi par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Jean-Jacques Candelier pour défendre l’amendement no 2450.

M. Jean-Jacques Candelier. Cet amendement revient sur l’ANI, texte de profonde régression sociale et de casse du code du travail. En effet, avant l’ANI, dans le cadre d’un travail à temps partiel, dès que le temps de travail dépassait un dixième des heures mensuelles prévues par le contrat, cela ouvrait une majoration salariale de 25 % pour chacune de ces heures complémentaires.

Avec l’ANI et la loi de sécurisation de l’emploi, la majoration n’est plus de 25 % mais de 10 %, dès la première heure complémentaire.

C’est d’ailleurs sur cette disposition qu’un amendement des députés du Front de gauche avait été voté permettant de limiter les avenants au contrat de travail qui sont destinés à augmenter temporairement la durée du travail pour les salariés à temps partiel.

Cet amendement conditionnait les avenants à une majoration des heures complémentaires de 25 %. Cette avancée aurait permis de limiter la casse pour les femmes qui forment l’immense majorité des salariés à temps partiel subi, et d’améliorer leur salaire et leur pouvoir d’achat. Or elle avait été supprimée sur seconde délibération, le vote souverain de l’Assemblée nationale avait donc été foulé aux pieds sur demande expresse du patronat. Espérons qu’il n’en sera pas de même s’agissant de l’article 4 du présent projet de loi qui a lui aussi été rejeté par la représentation nationale.

Le présent amendement tend à ce que chaque heure complémentaire donne lieu à une majoration de 25 % sans qu’il puisse être dérogé à cette baisse sauf à la hausse. Il s’agit donc d’une proposition en faveur du pouvoir d’achat, en faveur des femmes et également en faveur de nos caisses de retraites qui percevront davantage de cotisations.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Issindou, rapporteur. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n2450.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants48
Nombre de suffrages exprimés48
Majorité absolue25
Pour l’adoption10
contre38

(L’amendement n2450 n’est pas adopté.)

M. le président. Nous en venons à l’examen d’une série d’amendements identiques, nos 2472 à 2486, sur laquelle je suis saisi par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Marc Dolez, pour soutenir l’amendement n2474.

M. Marc Dolez. Cet amendement tend à requalifier les contrats de travail à temps partiel en contrats à temps plein au-delà du nombre fixé par l’avenant.

Le problème est simple, et nous l’avions évoqué largement lors des débats sur la loi dite de sécurisation de l’emploi : beaucoup d’employeurs ont recours au temps partiel et font travailler leurs salariés autant qu’au temps plein. Ce sont donc de faux contrats à temps partiel qui n’ont d’autre but que d’ajuster leurs besoins en main-d’œuvre de mois en mois, au fil de l’eau, et au mépris des salariés.

C’est d’ailleurs la raison pour laquelle l’ANI et le projet de loi de sécurisation prévoyaient de très nombreux avenants aux contrats de travail à temps partiel, pour bouleverser les horaires d’un mois sur l’autre à la guise de l’employeur. Avec ce texte, les salariés à temps partiel, en grande majorité des femmes, deviennent corvéables à merci et ne bénéficient d’aucune régularité sur les rythmes de vie.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Issindou, rapporteur. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n2474.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants49
Nombre de suffrages exprimés49
Majorité absolue25
Pour l’adoption12
contre37

(L’amendement n2474 n’est pas adopté.)

M. le président. Nous en venons à l’examen d’une nouvelle série d’amendements identiques, nos 2778 à 2792, sur laquelle je suis saisi par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour soutenir l’amendement n2778.

Mme Jacqueline Fraysse. Cet amendement tend à compléter une disposition du code du travail instituée par la loi de sécurisation de l’emploi en lien direct avec le texte que nous examinons aujourd’hui. Il s’agit du préjudice subi par les salariés en cas de baisse de la rémunération dans le cadre d’un accord de maintien dans l’emploi.

Plusieurs accords de ce type ont déjà été signés dans notre pays, et certains d’entre eux comportent une clause de diminution de la rémunération. Dans ce cas, rien n’est prévu pour compenser le déficit de cotisations sociales salariales entraîné par la réduction de la rémunération du salarié entre son salaire brut et celui qui s’applique tout au long de la durée de l’accord de maintien dans l’emploi. Ainsi, les salariés perdent non seulement des droits à l’assurance-chômage, mais également à l’assurance-vieillesse et à la future pension qu’ils percevront, qui sera diminuée.

Nous considérons que la justice sociale exige la mise en place d’un dispositif de prise en charge de ce déficit de cotisations dont les salariés ne sont pas responsables. Il s’agit de protéger le salarié qui consent de gros efforts, notamment en termes de baisse de salaire et de préjudice de cotisation.

Cet amendement tend donc à ce que l’employeur prenne en charge ce différentiel de cotisations.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Issindou, rapporteur. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n2778.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants48
Nombre de suffrages exprimés48
Majorité absolue25
Pour l’adoption12
contre36

(L’amendement n2778 n’est pas adopté.)

M. le président. Nous en venons à l’examen d’une nouvelle série d’amendements identiques, nos 2597 à 2611, sur laquelle je suis saisi par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour soutenir l’amendement n2597.

Mme Jacqueline Fraysse. Il est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Issindou, rapporteur. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n2597.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants48
Nombre de suffrages exprimés48
Majorité absolue25
Pour l’adoption10
contre38

(L’amendement n2597 n’est pas adopté.)

Article 15

M. le président. Plusieurs orateurs sont inscrits sur l’article 15. La parole est à M. Denis Jacquat.

M. Denis Jacquat. Cet article 15 porte sur l’élargissement des trimestres réputés cotisés pour bénéficier de la retraite anticipée pour carrière longue.

Je souhaite connaître le coût que représente cette mesure au-delà du régime général. Selon le rapport, cette mesure concerne la plupart des régimes obligatoires de base. Toutefois, l’étude d’impact ne présente que le coût de la mesure pour le régime général, et il est de notre devoir de le connaître.

Un système de retraites, c’est, d’une part, des recettes et, d’autre part, des dépenses, et il faut à tout prix un équilibre.

M. le président. La parole est à M. Christian Paul.

M. Christian Paul. J’aurai une lecture de cet article moins financière que M. Jacquat.

Parmi les avancées de ce projet de loi, l’article 15 est particulièrement important. J’invite donc nos collègues du groupe GDR à y être attentifs, car il permettra des avancées sur lesquelles nous pouvons certainement nous retrouver, en dépit de nos désaccords sur d’autres articles. Il s’agit en effet d’élargir la retraite anticipée pour carrière longue.

Le décret du 2 juillet 2012 a élargi les conditions d’accès à la retraite anticipée à 60 ans : c’était l’un des engagements du Président de la République. L’article 15 du présent projet de loi permet de préciser la distinction entre trimestres effectivement cotisés et trimestres réputés cotisés. Mme la ministre nous le confirmera sans doute : le décret d’application conduira à assouplir à nouveau les conditions d’accès à la retraite à 60 ans. Il s’agit donc d’une nouvelle avancée importante.

Cette mesure concerne les assurés qui ont commencé leur activité jeunes mais ont connu une carrière discontinue, avec beaucoup d’aléas. À compter du 1er janvier 2014, seront également réputés cotisés l’ensemble des trimestres acquis au titre de la maternité – et non plus un nombre limité, comme nous l’avons évoqué ce matin –, quatre trimestres acquis au titre du chômage au lieu de deux, et deux trimestres acquis au titre du versement d’une pension d’invalidité. Cette mesure est donc favorable aux carrières discontinues. Les assurés qui ont commencé à travailler jeunes pourront partir en retraite à 60 ans à taux plein, même si leur fin de carrière a été marquée, par exemple, par une période de chômage d’un an suivie d’une période d’invalidité de dix-huit mois – c’est tout l’intérêt de cette mesure.

Cet article corrige également une inégalité entre les femmes et les hommes. Jusqu’à présent, en effet, une femme pouvait se voir accorder un maximum de huit trimestres, contre dix pour un homme.

Voilà pourquoi cet article me paraît singulièrement important parmi l’ensemble des avancées de ce texte.

M. Jean-Patrick Gille. Tout à fait !

M. le président. La parole est à M. Michel Liebgott.

M. Michel Liebgott. Comme mon collègue Christian Paul, j’aurai une lecture plus politique de cette disposition.

J’ai rencontré ce matin la CGT, qui représentait à la fois les territoriaux et les métallurgistes de ma région. Les représentants syndicaux m’ont rappelé que nous avions voté en 1981 la retraite à 60 ans, et qu’il aurait été finalement très facile, comme j’ai pu l’entendre dans cet hémicycle, de ne pas faire de réforme tout simplement en faisant payer le patronat et les entreprises, puisque 200 milliards d’euros environ leur sont attribués chaque année sans contrepartie. Dans un premier temps, la discussion a été relativement caricaturale ! En approfondissant un peu les choses, j’ai rappelé aux représentants de la CGT que le Gouvernement avait pris ses responsabilités sans attendre, en juillet 2012.

Je le dis également à mon collègue Denis Jacquat, élu du même département que moi : le Gouvernement a  pris ses responsabilités en prévoyant le financement de cette disposition. Je peux comprendre que l’on veuille finasser, mais le financement est réellement prévu. En tout état de cause, si j’ai bien compris, la droite propose purement et simplement la suppression de cet article, c’est-à-dire la suppression de ce droit pour des assurés qui ont commencé à travailler très jeunes et qui sont complètement épuisés.

M. Christian Paul. L’opposition n’a que deux mots à la bouche : finasser et financer ! (Sourires sur les bancs du groupe SRC.)

M. Michel Liebgott. C’est la différence entre l’approche politique et l’approche financière ; c’est la différence entre un groupe politique à l’écoute des salariés, dans l’esprit de l’accord national interprofessionnel, mais aussi dans le cadre de cette réforme après des négociations avec les organisations syndicales, et un groupe politique poursuivant une logique purement financière pilotée par le MEDEF.

Il est absolument indispensable de réaffirmer ici que cette mesure doit être consolidée, confortée. Je reste néanmoins inquiet pour un certain nombre de salariés qui bénéficiaient de l’allocation équivalent retraite hier, de l’allocation transitoire de solidarité aujourd’hui, et qui ne peuvent malheureusement plus prétendre à ces dispositifs compte tenu de leur âge.

M. le président. La parole est à M. Arnaud Robinet, pour soutenir l’amendement n147, tendant à la suppression de l’article 15.

M. Arnaud Robinet. Je confirme les propos de M. Liebgott : l’opposition défend bien un amendement de suppression de l’article 15.

M. Christian Paul. Ce n’est pas une surprise !

M. Arnaud Robinet. En effet, monsieur Paul !

Le dispositif « carrières longues », mis en place en 2003 et amélioré dans la loi de 2010, est une mesure de justice qui ne doit pas être remise en cause. Néanmoins, depuis le fameux décret de juillet 2012, ce dispositif a fait l’objet d’une extension qui en dénature l’objectif initial, qui était de contrebalancer les mesures d’âge légal pour les jeunes ayant commencé à travailler avant 18 ans. À l’occasion de ce décret, le Gouvernement a compensé par une hausse des cotisations des actifs et des employeurs le retour de la retraite à 60 ans pour les assurés qui ont commencé à travailler avant 20 ans. Sans cette compensation, le décret du 2 juillet 2012 aurait fortement aggravé le déficit du régime général au cœur de ce projet de loi – ce n’est pas nous qui le disons, mais le président de la caisse nationale d’assurance vieillesse.

Les députés du groupe UMP étaient opposés au décret de juillet 2012 : par esprit de cohérence, ils restent opposés à une continuelle extension du dispositif « carrières longues », qui aura un impact négatif sur l’équilibre du système de retraites à l’horizon 2020, sachant que le projet de loi qui nous est présenté n’est plus financé après le rejet de l’article 4.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Issindou, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable à cet amendement de suppression. L’extension des périodes cotisées pour le bénéfice du dispositif « carrières longues » – deux trimestres de chômage supplémentaires, un trimestre de congé maternité par enfant sans limitation de nombre – est une mesure de justice qui permet d’atténuer les effets de certains accidents de parcours, notamment le chômage, et de ne pas pénaliser les mères de familles nombreuses.

Je rappelle en outre à M. Robinet que les mesures de justice proposées par cette réforme sont financées.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Avis défavorable, bien sûr, monsieur le président. L’article 15 est un article important, qui marque la continuité de la politique gouvernementale puisqu’il prolonge, comme le rapporteur vient de le rappeler, les effets du décret que nous avons pris dès notre arrivée aux responsabilités et qui limite l’impact du relèvement de l’âge légal de 62 ans pour les assurés qui ont commencé à travailler jeunes en leur permettant de partir à la retraite dès 60 ans. Nous avons souhaité élargir les conditions d’accès à ce dispositif : c’est l’objet de l’article 15 du présent projet de loi, qui bénéficiera en particulier aux femmes puisque l’ensemble des trimestres de congé maternité seront pris en compte. L’étude d’impact contient les données financières demandées.

M. le président. La parole est à M. Patrice Carvalho.

M. Patrice Carvalho. Même s’il constitue une légère avancée en permettant aux assurés ayant commencé à travailler jeunes de partir à la retraite avant l’âge légal, l’article 15 ne répond pas à tous les problèmes que peuvent générer les différents parcours professionnels. Je pense en particulier à ceux qui ont commencé à travailler très jeunes avec des rémunérations faibles, mais dont on ne prend pas en compte tous les trimestres : il faudrait prévoir ce cas de figure dans cet article !

M. Pascal Terrasse, rapporteur pour avis. C’est déjà le cas !

M. Patrice Carvalho. Par ailleurs, nous visitions hier l’usine Goodyear d’Amiens, dont la fermeture est annoncée. Un salarié, qui était semble-t-il agent de maîtrise, nous confiait qu’il vivait sa quatrième fermeture d’entreprise : il cumulait un nombre de mois de chômage beaucoup plus important que les quatre trimestres prévus dans cet article. Certains assurés peuvent avoir subi deux ou trois ans de chômage ; or seuls quatre trimestres pourront être pris en compte ! Certains ont travaillé en 3x8, en 4x8 ou en 5x8 et ne voient pas leur activité prise en compte. Il faut donc aller beaucoup plus loin !

M. le président. La parole est à M. Marc Dolez.

M. Marc Dolez. Pour avoir une idée très précise de ce dont nous parlons, je souhaite interroger Mme la ministre et M. le rapporteur sur l’impact concret de ces mesures. Peut-être ces données figurent-elles dans l’étude d’impact,…

M. Denis Jacquat. Non, pas complètement !

M. Marc Dolez. …auquel cas je vous prie de m’en excuser, mais peut-on nous préciser combien de salariés ont bénéficié du décret de 2012…

M. Jean-Patrick Gille. Ils sont 60 000 !

M. Marc Dolez. …et combien de salariés pourraient bénéficier de l’extension des périodes de cotisation prévue à l’article 15 ? Cela nous permettrait d’avoir une idée très précise des effets de ces mesures.

M. le président. La parole est à M. Denis Jacquat.

M. Denis Jacquat. Tout à l’heure, j’ai écouté notre ami Michel Liebgott évoquer le problème des personnes ayant commencé à travailler très jeunes. Cette question a été réglée en son temps par la mise en place du dispositif « carrières longues », prolongé par décret l’année dernière par la majorité actuelle.

Ce dispositif avait pour objet de permettre aux personnes ayant commencé à travailler très jeunes – de 13 à 16 ans d’abord, de 16 à 18 ans ensuite, de 18 à 20 ans enfin – de partir à la retraite plus tôt car elles n’avaient souvent pas fait d’études ou étaient passées par la voie de l’apprentissage. Ces assurés ont eu une carrière dans des métiers difficiles et en sont sortis usés. Il était tout à fait logique de les aider : c’était l’objet du dispositif « carrières longues ». La plupart de ces personnes n’avaient cependant jamais connu de période de chômage ; certaines avaient subi des périodes d’invalidité ou d’incapacité, mais à la fin de leur carrière.

Je comprends très bien l’objet de l’article 15, mais je ne pense pas que l’on rattacher ses dispositions au dispositif « carrières longues » car elles concernent davantage les carrières heurtées ou interrompues. C’est dénaturer l’esprit de départ du dispositif et susciter un certain nombre de confusions.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marisol Touraine, ministre. Je tiens à répondre aux interrogations de M. Dolez. En rythme de croisière, le décret du 2 juillet 2012 permettra chaque année à au moins 70 000 personnes de partir à la retraite dès 60 ans. Aujourd’hui, on compte 60 000 personnes ayant bénéficié du dispositif depuis sa mise en œuvre. L’élargissement proposé dans le cadre du présent projet de loi devrait bénéficier à environ 20 000 assurés supplémentaires à l’horizon 2020.

M. Marc Dolez. Merci, madame la ministre.

(L’amendement n147 n’est pas adopté.)

(L’article 15 est adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. Avant d’aborder l’article 16, monsieur le président, je sollicite au nom du groupe GDR une suspension de séance afin d’organiser nos prochaines prises de parole.

M. Marc Dolez. Il faut toujours se méfier des articles 16 ! (Sourires.)

M. le président. La suspension est de droit.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à quinze heures quarante, est reprise à quinze heures cinquante-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Article 16

M. le président. Plusieurs orateurs sont inscrits sur l’article 16.

La parole est à Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. L’article 16, extrêmement important, concerne les étudiants et leur future retraite.

Actuellement, les assurés peuvent racheter jusqu’à douze trimestres d’assurance au titre de leurs années d’études dans le cadre du dispositif créé en 2003 à l’article L.351-14-1 du code de la sécurité sociale. Pour autant, ce dispositif est très peu utilisé, le nombre annuel actuel de rachat de trimestres s’élevant environ à 2500. On peut donc se poser la question de savoir pourquoi.

M. Denis Jacquat. Parce que c’est cher.

Mme Jacqueline Fraysse. La raison en est son coût extrêmement élevé. Peu d’étudiants peuvent en effet y accéder. Face à ce constat, l’article 16 propose de mettre en place un barème spécifique de rachat d’années d’études pour les jeunes actifs. Le rachat de trimestres d’études devrait être facilité – nous l’espérons – par l’abaissement du coût prévu. Mais cette mesure est extrêmement limitée. D’une part, le rachat devra intervenir dans les cinq ans maximum après la fin des études. Il n’est pas sûr du tout qu’à cette étape de la vie où les jeunes s’installent, ont des enfants et où leurs salaires ne sont pas forcément très élevés, ils aient les moyens de faire face à cette dépense. D’autre part, ce tarif favorable concernera seulement quatre trimestres maximum alors que douze trimestres peuvent être rachetés.

Cet article ne répond donc pas aux légitimes revendications des jeunes de prendre véritablement en compte leurs années d’études dans la durée de cotisation. En outre, le tarif préférentiel proposé reste élevé, trop élevé pour ces jeunes qui entrent dans la vie active et qui ont, parfois, déjà contracté des prêts pour financer leurs études.

M. le président. La parole est à M. Patrice Carvalho.

M. Patrice Carvalho. Cet article est fait pour les gens qui ont des moyens financiers, pour ne pas dire pour les riches. Pour quelqu’un qui vient d’un milieu ouvrier et qui se lance dans la vie active après avoir fait des études longues, payer 7 000 euros pour faire valider un trimestre est pratiquement impossible. Il faudrait augmenter le nombre de trimestres pouvant être rachetés et réduire leur valeur.

M. Marc Dolez. Très bien.

M. le président. La parole est à M. Gilles Lurton.

M. Gilles Lurton. Cet article vise à permettre aux jeunes entrant dans la vie active de racheter à tarif préférentiel quatre trimestres d’études supérieures ou plus. À titre personnel, je suis assez favorable à ce que l’on puisse permettre à ceux qui font le choix d’études longues de bénéficier d’un système de compensation pour leur retraite, même, s’il faut bien le dire, la préoccupation principale des étudiants n’est pas tant de savoir comment économiser pour leur retraite que de trouver un emploi à l’issue de leurs études.

Néanmoins, il nous appartient, à nous responsables politiques, de leur prévoir un avenir, de leur assurer les meilleures conditions pour le déroulement de leur carrière. À ce titre, je dois dire que les mesures préconisées par le Gouvernement dans cet article me paraissent tout à fait insuffisantes : elles relèvent surtout de l’affichage et leur rendement est fortement surévalué.

Après tout, c’est votre majorité qui, en prenant la décision de rallonger la durée de cotisation, accentue ce type de difficultés pour les jeunes, qui peineront à avoir des cotisations suffisantes lorsqu’ils auront effectué des études longues, parfois jusqu’à vingt-cinq, vingt-sept ans voire trente ans.

Ainsi après avoir certifié aux jeunes que le système actuel était le meilleur qui puisse leur garantir une retraite dans quelques décennies, votre projet de loi leur prépare une nouvelle hausse de cotisations.

M. le président. La parole est à M. Denis Jacquat.

M. Denis Jacquat. Avec l’entrée tardive sur le marché du travail, les éventuelles périodes de chômage, il est difficile aux jeunes d’obtenir une carrière pleine. En son temps, la question s’est posée ici, à l’Assemblée nationale, de savoir comment les aider pour qu’ils atteignent une carrière pleine ou qu’ils comptabilisent un maximum d’années cotisées ou validées. C’est ainsi qu’a été mis en place le dispositif décrit dans le rapport, à tarif actuariellement neutre. Comme l’a souligné Mme Fraysse, peu de personnes y adhèrent car il coûte excessivement cher.

Je rappellerai aussi qu’à l’époque où nous réfléchissions à ce dispositif, certaines associations étaient venues nous voir pour nous dire qu’il ne fallait rien faire pour les étudiants car en France, leurs études, dans la plupart des cas, sont payées par l’État et que c’est plutôt à eux de rembourser l’État du coût de leurs études, compte tenu du fait qu’ils ont des salaires supérieurs à la moyenne. Nous avons considéré qu’il fallait quand même les aider, c’est la raison pour laquelle nous avons mis en place ce système qui, nous le reconnaissons, n’est pas satisfaisant.

Nous avons le même retour que le rapporteur : ce dispositif ne convainc pas les organisations étudiantes pas plus que les partenaires sociaux, qui l’estiment encore trop cher. De façon générale, ce sont les mots « injuste » et « inopérant » qui reviennent à son sujet.

Reste qu’il faut trouver le moyen d’aider ceux qui font des études longues et qui n’auront pas de carrière pleine en leur donnant satisfaction. Il y a donc encore beaucoup de concertations à effectuer.

M. le président. La parole est à Mme Fanélie Carrey-Conte.

Mme Fanélie Carrey-Conte. J’aimerais intervenir plus largement sur les articles et amendements qui évoquent cette question très importante de la place des jeunes dans cette réforme des retraites dont nous nous accordons à dire qu’elle est d’abord faite pour eux. À cet égard, je voudrais insister sur l’enjeu majeur qu’est celui de la confiance que nous devons permettre aux jeunes d’avoir dans notre système de retraite, car cette confiance est indispensable pour la pérennité de notre système de retraite par répartition.

Cette confiance passera par les mesures qui permettront aux jeunes d’acquérir plus précocement des droits sociaux en matière de retraite. Elle sera renforcée par des mesures comme les 150 heures SMIC dont nous avons parlé tout à l’heure, qui toucheront beaucoup de jeunes, ou encore les mesures en faveur des apprentis qui figurent à l’article 17, mesures elles aussi très importantes pour les jeunes ayant commencé à travailler tôt. Elle sera également renforcée par les mesures complémentaires comme le dispositif de rachat, qui pourra peut-être être amélioré, la prise en compte des stages, assortie de la volonté d’aller plus loin dans la prise en compte de trimestres d’années d’études – j’en reparlerai –, ou encore la meilleure prise en compte des périodes de chômage non indemnisé en début de carrière pour les jeunes ayant des carrières heurtées.

Ces éléments sont importants pour une génération dont on sait qu’elle connaît depuis plus de quinze ans une situation difficile par rapport au marché du travail, situation qui aura des conséquences sur les retraites de ces générations qui seront les premières concernées par l’allongement de la durée de cotisation.

C’est en ce sens que les mesures évoquées ici prennent tout leur sens et je suis heureuse que nous ayons l’occasion d’en débattre à présent et d’agir pour améliorer encore la prise en compte de la situation des jeunes dans cette réforme.

M. le président. La parole est à M. Michel Liebgott.

M. Michel Liebgott. L’intérêt de cet article comme de ceux qui suivent est de prendre en compte la donnée nouvelle qu’est l’allongement des études en évitant de faire l’autruche. Il fut une époque où les jeunes entraient dans le monde du travail à vingt et un ou vingt-deux ans, même en ayant fait des études, ce qui n’est plus le cas aujourd’hui.

Certes, des dispositifs existent déjà mais, manifestement, ils ne fonctionnent pas. Ils sont trop coûteux et l’un des enjeux de ce débat sera de rendre accessible le nouveau dispositif à des jeunes accédant à un premier emploi. Prenons un exemple concret : à 1,2 SMIC, la cotisation serait de 657 euros par trimestre, soit 40 % de moins qu’actuellement. Pour les plus anciens, des solutions peuvent être trouvées mais au moment où le problème se pose. Arrivé à cinquante-cinq ans, à cinquante-huit ans, voire soixante ans, on peut trouver des solutions spécifiques – j’ai pu le constater moi qui suis originaire d’une région sidérurgique – dans le cadre de plans sociaux ou de mesures sociales de cessation anticipée d’activité.

Pour ce qui est des jeunes, la prise de conscience doit être immédiate. J’entends bien ce que dit les membres du groupe GDR, mais la situation est parfois pire que ce qu’ils évoquent : des jeunes aujourd’hui travaillent tout en faisant leurs études. Il faut que nous fassions un effort à la fois pour leur permettre de faire des études mais aussi pour leur préparer un avenir et leur assurer une retraite convenable. Comme le disait Fanélie Carrey-Conte, c’est avant tout un problème de confiance.

M. le président. La parole est à Mme Anne-Yvonne Le Dain.

Mme Anne-Yvonne Le Dain. Cet article est très important car il concerne les jeunes et les étudiants en formation. Il prend acte du fait que les carrières sont de plus en plus longues, certes, mais que les études le sont aussi pour tous les jeunes qui ont la chance d’en faire, quelle que soit leur catégorie socio-professionnelle.

Il permet le rachat de quatre trimestres à coût réduit, effort considérable à l’heure où les caisses de retraite et d’assurance maladie ne sont pas en très bonne santé financière. C’est un acte politique fort, qui était nécessaire : il sera entendu par les jeunes. Cela contribuera à conforter la confiance de la jeunesse dans la nation et dans ce qu’elle est capable de lui proposer à court et à long terme.

Sans doute reste-t-il des efforts à faire, comme le soulignaient les orateurs précédents. Je pense en particulier à une catégorie précise : les femmes. Elles n’ont pas toujours pu faire des études mais sont de plus en nombreuses à s’orienter vers cette voie et cet article leur donne une nouvelle force. Pensons en effet au cas de ces femmes qui se sont mariées, se sont arrêtées de travailler, ont élevé leurs enfants et qui, séparées de leur conjoint, ne peuvent avoir de pension de retraite, le bénéfice de ce qui a été acquis ensemble ne profitant qu’à l’un. Désormais, le rachat des trimestres d’études donne le pouvoir de se projeter dans l’avenir et de faire face à ce genre de situation.

M. le président. La parole est à M. Arnaud Robinet.

M. Arnaud Robinet. Depuis quelques minutes, nous avons pu entendre de très beaux discours mais soyons réalistes et pragmatiques : ce dispositif d’aide au rachat de trimestres post-bac censé permettre aux jeunes entrant dans la vie active de racheter à un tarif préférentiel quatre trimestres maximum est dénoncé aussi bien par les partenaires sociaux que par les associations d’étudiants comme parfaitement inopérant.

Son coût est relativement élevé : le rachat de quatre trimestres équivaut à 5 000 euros environ. Les étudiants vont-ils devoir faire un emprunt auprès de leur banque pour profiter de cette possibilité ? J’imagine déjà leur joie lorsque leurs parents leur diront : « Mon chéri, pour ton cadeau, nous avons demandé au Père Noël de te racheter quatre trimestres d’études » !

Mme Marisol Touraine, ministre. Beau cadeau, tout de même !

M. Dominique Tian. Mais pas très sexy !

M. Arnaud Robinet. Non seulement, il s’agit d’une mesure de pur affichage qu’il faut dénoncer comme telle mais son rendement est fortement surévalué. Si l’étude d’impact présentée par le Gouvernement était réaliste, les 300 millions qu’il en attend d’ici à 2020 contribueraient fortement à compenser l’ensemble des dépenses à destination des femmes, des jeunes et des carrières heurtées inscrites dans ce projet de loi. Malheureusement, comme il est peu probable – j’en prends le pari – que 10 % des jeunes recourent effectivement au dispositif, il est à craindre que l’ensemble du paquet social présenté dans ce projet de loi ne soit pas intégralement financé.

M. le président. La parole est à M. Dominique Tian.

M. Dominique Tian. Nous avons eu de nombreuses discussions en commission au sujet de ce dispositif et nous n’avons pas obtenu gain de cause.

Pourquoi la limite des cinq ans ? On sait que les cinq premières années de travail sont la plus mauvaise période pour pouvoir racheter. À la limite, sur dix ans, on atteindrait une vitesse de croisière dans les revenus. Mais là, c’est le moment où la personne s’installe, se met en couple, achète un appartement, sa première voiture, part en vacances, donne naissance à un premier enfant.

M. Pascal Terrasse, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Ne soyez pas si pressé !

M. Dominique Tian. Vous n’aimez pas la famille.

M. Michel Issindou. C’est bien connu.

M. Dominique Tian. Néanmoins, certains l’apprécient encore et il est indéniable que c’est la période où les jeunes ménages sont les plus désargentés.

Pourquoi n’avoir pas accepté de passer à dix ans ou quinze ans ? Sans cela cette mesure est vouée à l’échec.

Prenons le coût du rachat. Pour une personne gagnant 1,2 SMIC, cela représenterait 650 euros par trimestre, ce qui est quand même beaucoup quand on n’a que ce petit revenu. Pour une personne, exerçant par exemple une profession libérale, et gagnant plus de 3 000 euros, cela représenterait 1 100 euros par trimestre.

En réalité, comme l’a déjà souligné un orateur, il semblerait que ce soit pour un renflouement d’urgence des caisses de retraite que vous avez imaginé cette mesure.

M. Michel Issindou, rapporteur. Ah voilà !

M. Dominique Tian. Vous avez estimé dans votre étude d’impact que cela rapporterait 300 millions d’euros d’argent frais, assez rapidement. Vous avez des besoins de financement urgents, nous le comprenons. Vous en êtes à ponctionner les retraites des plus défavorisés, nous le savons. Mais les étudiants ne sont près de marcher dans votre manœuvre : les associations d’étudiants n’adhèrent pas du tout à votre proposition. C’est du pur affichage et du marketing et cela n’a rien d’opérant.

M. le président. Nous en venons aux amendements à l’article 16.

Je suis saisi de plusieurs amendements de suppression de l’article, nos 148, 1210 à 1224 et 2970.

La parole est à M. Arnaud Robinet, pour soutenir l’amendement n148.

M. Arnaud Robinet. Je considère qu’il est défendu, monsieur le président. Je renvoie mes collègues aux arguments que Dominique Tian et moi-même venons d’exposer.

M. le président. La parole est à M. Marc Dolez, pour soutenir l’amendement n1212.

M. Marc Dolez. Cet article 16 prévoit un dispositif censé permettre aux jeunes de racheter des trimestres au titre de leurs années d’études. L’allongement de la durée des études, qui constitue une grande avancée et un atout pour notre société, a pour conséquence indirecte un déficit des années de cotisation. Pour rappel, la génération de 1958 totalisait à trente ans quarante trimestres de cotisations ; au même âge, la génération de 1973 a cotisé seulement trente trimestres.

Mais le dispositif qui nous est proposé est à bien des égards injuste et inopérant.

Parce qu’il prévoit une aide de l’État pour le rachat de quatre trimestres maximum dans une période de cinq ans maximum après la fin des études, ce dispositif est injuste car il favorise le rachat pour les étudiants les plus aisés, ou en tout cas issus d’un milieu déjà favorisé.

Par ailleurs, le prix du rachat est prohibitif : près de 7 000 euros pour quatre trimestres, pour des jeunes qui ont du mal à financer leur passage dans la vie active, notamment, pour beaucoup d’entre eux, à rembourser leur prêt étudiant. Cela risque donc fort de rebuter l’immense majorité des personnes concernées. L’étude d’impact pointe d’ailleurs ces manquements, puisqu’elle estime à 30 000 le nombre de bénéficiaires potentiels, soit moins de 5 % d’une génération.

Monsieur le rapporteur avait du reste, si je ne trahis pas ses propos, admis en commission que ce dispositif n’était pas « extrêmement convaincant ». Après avoir salué hier soir son sens de l’ouverture et sa souplesse, je peux donc saluer cet après-midi son sens de la litote !

Pour ces raisons, nous portons d’autres propositions en faveur d’une réelle prise en compte des années d’études, comme le demandent d’ailleurs l’ensemble des organisations étudiantes et des syndicats de salariés. Certains, rassemblés dans le collectif « La retraite, une affaire de jeunes », font des propositions extrêmement précises, telle que deux trimestres par année dans une limite de cinq ans ; nous aurons l’occasion d’en reparler dans la suite des débats. Telles sont les raisons, monsieur le président, pour lesquelles nous avons déposé cet amendement de suppression.

M. le président. Sur les amendements de suppression de l’article 16, je suis saisi par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Jean-Philippe Nilor, pour soutenir l’amendement n1222.

M. Jean-Philippe Nilor. Le dispositif proposé par le Gouvernement dans cet article 16 est profondément injuste et réellement inopérant : injuste tout d’abord par rapport aux dispositifs prévus de validation des trimestres pour les stagiaires de la formation professionnelle et pour les apprentis ; injuste ensuite car il repose sur les capacités de rachat individuelles, très faibles chez les jeunes de moins de trente ans. Un tel dispositif profitera à quelques poignées de jeunes héritiers qui pourront faire appel à la solidarité familiale pour racheter leurs trimestres.

Cette mesure est doublement pénalisante pour les jeunes : d’une part, le rachat devra intervenir dans un délai de cinq ans après la fin des études ; d’autre part, le tarif favorable portera sur quatre trimestres, soit huit trimestres au prix fort !

Elle est en outre encore plus pénalisante pour les jeunes étudiants originaires des Outre-mer, issus le plus souvent de familles nécessiteuses et dont les frais d’études sont sans commune mesure avec ce que l’on observe sur le reste du territoire.

M. Dominique Tian. C’est vrai !

M. Jean-Philippe Nilor. Ce dispositif sera inopérant de l’aveu même de l’étude d’impact, qui table sur 30 000 bénéficiaires, soit moins de 5 % d’une génération – une élite ! Le système ne fonctionne déjà pas ; il ne sera pas moins invalide après l’adoption de cet article. Pour ces raisons, nous demandons la suppression de l’article 16, et nous plaidons pour la validation des trimestres d’études supérieures au même titre que les trimestres d’apprentissage.

M. Patrice Carvalho. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Véronique Massonneau, pour soutenir l’amendement n2970.

Mme Véronique Massonneau. Cette mesure, présentée comme un outil pour redonner confiance aux jeunes dans notre système de retraite, est en réalité injuste et inopérante. Ce type de dispositif existe déjà et n’a rencontré que peu de succès. En prenant en compte l’aide, il faudrait environ 2 800 euros à un jeune diplômé gagnant 1,2 SMIC pour racheter quatre trimestres de cotisations. Quel jeune diplômé peut aujourd’hui débourser pareille somme ?

La situation des jeunes s’est dégradée de manière préoccupante : le taux de chômage des jeunes de moins de vingt-six ans atteint cette année 26 %, et 23 % de l’ensemble des jeunes sont en situation de pauvreté. L’allongement et la démocratisation des études retardent l’âge d’entrée dans la vie active, le rachat de trimestres ne permettant pas de compenser l’impact pour les jeunes de l’allongement de la durée de cotisation.

Prenons l’exemple d’un jeune qui entrerait sur le marché du travail à vingt-cinq ans : il devra cotiser quarante-trois ans à cause de l’allongement de la durée de cotisation. Cela l’amène par conséquent à partir à la retraite à soixante-huit ans ; mais l’âge de départ à la retraite sans décote étant fixé à soixante-sept ans, il devra racheter au minimum un an et un trimestre pour valider ses trimestres d’études. On se retrouve ainsi dans des situations absolument improbables ; c’est pourquoi nous demandons la suppression de l’article 16.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements de suppression ?

M. Michel Issindou, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable à la suppression de l’article 16 car celui-ci permettra, à l’évidence, d’améliorer la situation qui n’est  pas satisfaisante, peu de rachats étant effectués en raison des tarifs pratiqués.

L’aide apportée par l’article 16, d’un montant de 1 000 euros par trimestre, permettra d’améliorer quelque peu la situation. Mais nous avons tous ici bien conscience – chacun l’a rappelé avec ses mots – que cela n’est pas satisfaisant.

Nous verrons, dans la suite du débat, que d’autres progrès sont proposés. Cela étant, la suppression de l’article 16 n’est pas la bonne solution.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Arnaud Robinet. Vous prenez bien votre temps, madame la ministre : feriez-vous traîner le débat ?

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Elle me laissait passer !

Mme Marisol Touraine, ministre. Permettez en effet que je laisse passer la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le député !

M. Dominique Tian. Naturellement.

Mme Marisol Touraine, ministre. Nous faisons preuve de courtoisie entre nous, mais peut-être n’est-ce pas le cas de votre côté de l’hémicycle ?

M. Arnaud Robinet. Si !

M. Jean-Marc Germain. Cela n’a pas toujours été le cas à l’UMP !

Mme Marisol Touraine, ministre. Je suis en tout cas prête à faire preuve de courtoisie à votre égard, monsieur le député.

J’ai écouté avec attention l’ensemble des propos tenus sur cet article 16 qui est un article important du projet de loi. Au fond, chacun considère que, au moment où l’entrée dans la vie active est devenue plus difficile, alors que le temps des études s’allonge et que les conditions de stabilisation du premier emploi sont plus compliquées, il est nécessaire de donner aux étudiants, qui ont donc fait des études après le baccalauréat, la possibilité de valider, sous conditions, certaines années d’études.

D’ores et déjà, le Gouvernement a annoncé, en direction des jeunes, que les trimestres d’apprentissage seraient tous intégralement comptabilisés au titre de la retraite. Au moment où nous débattons du rachat des années d’études, nous ne devons pas oublier qu’un nombre important de jeunes dans notre pays font des études par apprentissage, par alternance, qui doivent pouvoir être reconnues dans ce processus.

Le système de rachat, qui existe depuis un certain nombre d’années, a montré ses limites. Je ne reviendrai pas sur la manière dont il fonctionne ; mais son coût est assez élevé puisqu’il prend en considération divers critères.

De ce fait, très concrètement, seul 1 % des rachats effectués concernent des étudiants. Il y a du reste peu de rachats puisque, chaque année, on comptabilise environ 2 500 rachats par des personnes de moins de quarante ans. Ce dispositif est donc extrêmement marginal.

Aujourd’hui, selon le salaire d’embauche dont il bénéficie, un jeune de moins de vingt-cinq ans se voit proposer un rachat entre 1 000 et 2 000 euros, montant qui s’établit entre 1 500 et 3 000 euros pour un jeune de vingt-cinq ans et entre 2 000 et 4 000 euros au-delà de trente ans. Ces montants sont donc très élevés.

C’est la raison pour laquelle nous proposons aux jeunes de racheter, pendant une période limitée après la fin des études, c’est-à-dire après l’obtention du diplôme, quatre trimestres à un tarif aidé permettant de revoir significativement à la baisse le prix de ce rachat.

Ainsi, avec une aide de 1 000 euros par trimestre, un jeune qui entre sur le marché du travail à vingt-trois ans – je rappelle que l’âge moyen d’entrée dans la vie active est de vingt-deux ans –, avec une rémunération de 1,2 SMIC, pourra racheter un trimestre pour environ 650 euros, avec un étalement du paiement.

Il ne s’agit pas de dire que cette somme est insignifiante et qu’elle ne représente pas un effort, mais encore une fois, ce que le Gouvernement a voulu écarter, c’est la possibilité de valider sans aucune cotisation des trimestres au titre des études.

Je ne sais pas, monsieur le député Robinet, quelles familles offriront quatre trimestres à leurs enfants comme cadeau de Noël ; j’ose espérer que les jeunes rêvent d’autres cadeaux de Noël que de recevoir une enveloppe contenant un « bon pour des trimestres » !

M. Arnaud Robinet. Nous l’espérons également !

M. Pascal Terrasse, rapporteur pour avis. Quand on devient adulte, on cesse de croire au Père Noël, monsieur Robinet !

Mme Marisol Touraine, ministre. Les familles auxquelles vous faisiez allusion ont quelques moyens, si elles peuvent faire un tel cadeau à leurs enfants !

M. Arnaud Robinet. Alors, qu’en est-il des jeunes ?

Mme Marisol Touraine, ministre. On peut ne racheter qu’un trimestre et étaler le rachat sur plusieurs années. Nous proposons en tout cas un tarif de cotisation inférieur de 40 % au tarif en vigueur.

Il est très difficile d’estimer le nombre de jeunes qui pourront rapidement bénéficier de ce dispositif. Étant prudents, nous pensons qu’environ 10 % des jeunes ayant fait des études pourraient être intéressés par ce type de rachat. Ce dispositif peut d’ailleurs être amené à évoluer en fonction de ce qui sera constaté.

Voilà, mesdames et messieurs les députés, ce que je voulais vous dire sur cet article 16, qui est important car il montre la préoccupation du Gouvernement en direction des jeunes diplômés.

M. Jean-Patrick Gille. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Jean-Philippe Nilor.

M. Jean-Philippe Nilor. L’argumentaire présenté par la ministre est en apparence séduisant, mais il ne parvient pas à nous convaincre. Concrètement, la majorité des jeunes Français va se trouver exclue de ce dispositif, et en outre-mer c’est la quasi-totalité des jeunes qui le sera ! Il ne faut donc pas présenter des avancées virtuelles ; il ne faut pas tromper les jeunes, mais leur proposer des avancées réelles !

M. le président. La parole est à M. Marc Dolez.

M. Marc Dolez. Nous avons écouté avec attention Mme la ministre. Tout comme notre collègue Nilor, nous ne sommes pas totalement convaincus.

Je souhaite surtout dire à Mme la ministre qu’il ne faut pas se méprendre sur le sens de notre vote sur cet amendement de suppression. Si nous proposons de supprimer l’article 16, c’est pour demander au Gouvernement d’améliorer le dispositif,…

M. Pascal Terrasse, rapporteur pour avis. C’est ce que nous allons faire !

M. Marc Dolez. … et surtout d’ouvrir la concertation que le sujet mérite avec l’ensemble des organisations syndicales et des organisations étudiantes, en particulier celles que j’ai indiquées tout à l’heure, qui ont déjà élaboré des propositions au sein de leur collectif. Un certain nombre de ces pistes sont extrêmement intéressantes et devraient être examinées dans le cadre de cette concertation, et peut-être faire l’objet d’un rapport devant le Parlement.

Permettez-moi d’en dire deux mots pour en expliciter l’architecture. Les dispositions en seraient les suivantes : tout d’abord, à la charge des employeurs, serait créée une cotisation de 0,5 % assise sur la rémunération totale brute, le taux de cette cotisation étant modulé en fonction de la part des salaires dans la valeur ajoutée des entreprises afin d’encourager les comportements vertueux en matière de politique d’emplois, de salaires et de formation, que nous ne cessons pour notre part de réclamer.

Ensuite serait créée, à la charge des étudiants, une cotisation prélevée sur trois trimestres, d’un montant annuel forfaitaire de 125 euros, les étudiants boursiers étant exonérés de cette cotisation, et l’augmentation de cette cotisation étant limitée à l’augmentation du SMIC.

Enfin, l’État compenserait les cotisations dont sont exonérés les boursiers. En contrepartie de ces cotisations, à la charge des employeurs comme des étudiants, il est validé au moment du départ en retraite, sur le compte de chaque assuré social concerné, quatre trimestres de cotisation par année d’études validée, justifiée par l’établissement d’enseignement. Il ne peut évidemment pas être validé plus d’années de cotisation que d’années civiles validées ; il ne peut pas non plus être validé plus de quatre trimestres par année civile.

Je veux dire par là que notre amendement de suppression de l’article 16, qui ne nous convient pas en l’état actuel de sa rédaction, est un appel à l’ouverture d’une vraie concertation avec les organisations syndicales, en particulier les organisations étudiantes.

M. le président. Je mets aux voix les amendements de suppression nos 148, 1212, 1222 et 2970.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants71
Nombre de suffrages exprimés71
Majorité absolue36
Pour l’adoption29
contre42

(Les amendements de suppression nos 148, 1212, 1222 et 2970 ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de plusieurs amendements identiques nos 864 à 878, sur lesquels le groupe de la Gauche démocrate et républicaine a demandé un scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour soutenir l’amendement n864.

Mme Jacqueline Fraysse. Comme vient de le dire Marc Dolez, nous souhaitons qu’un travail s’engage très sérieusement sur la question du rachat d’années d’études qui est à l’ordre du jour de notre société moderne avec l’augmentation de la durée des études des jeunes.

Cet amendement vient en quelque sorte compléter son propos et confirmer la nécessité d’élaborer un rapport d’ici au mois de juin 2014 sur la prise en compte des années d’études. Nous l’avons dit, le rachat de trimestres est un dispositif inopérant qui a largement fait la preuve de son inefficacité et qui favorise les étudiants ou les jeunes actifs les plus fortunés. C’est pourquoi nous souhaitons que cette mesure soit réétudiée afin de permettre la prise en compte d’années d’études postbac. Il s’agit aussi de reconnaître l’investissement de la nation et des jeunes générations dans la formation initiale qui constitue un immense apport pour notre pays et ses entreprises.

Les mécanismes de solidarité de notre régime de retraite ont reconnu progressivement la prise en compte du service militaire, des périodes de maternité, de chômage, de formation professionnelle et maintenant des périodes d’apprentissage. La suite logique consiste donc à appliquer cette solidarité aux années d’études qui profitent, je le répète, à la société, aux entreprises, mais pénalise les jeunes en matière de retraite, ce qui est paradoxal. Ce rapport étudierait également les pistes de financement dont vient de parler Marc Dolez et que je ne répéterai pas.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Issindou, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n864.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants57
Nombre de suffrages exprimés57
Majorité absolue29
Pour l’adoption14
contre43

(L’amendement n864 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre, pour soutenir l’amendement n3064.

Mme Marisol Touraine, ministre. En l’état actuel de la législation, le rachat d’une période d’études n’est possible que si elle n’a pas donné lieu à cotisations ou à contribution à l’assurance vieillesse pendant l’année au titre de laquelle le rachat est demandé. Si elle était maintenue, cette condition aurait pour conséquence de priver du bénéfice de l’aide au rachat aidé des étudiants qui travaillent pour financer leurs études par ailleurs. Ce serait totalement incohérent.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Issindou, rapporteur. Avis favorable. Il est essentiel que des étudiants qui ont exercé des « jobs » d’été puissent les prendre en compte à l’issue de leur carrière professionnelle. Cet amendement est donc tout à fait essentiel.

(L’amendement n3064 est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Christian Paul, pour soutenir l’amendement n2890.

M. Christian Paul. Cet amendement vise à étendre la durée du délai pendant lequel il sera possible, après la fin des études, de racheter des trimestres au sens de l’article qui a été évoqué tout à l’heure, et de le porter de cinq à dix ans. Ce délai rendra évidemment cette possibilité d’autant plus accessible et opportune que les jeunes seront progressivement insérés dans la vie active.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Issindou, rapporteur. La commission a émis un avis favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Avis favorable. Il paraît légitime de pouvoir donner plus de temps pour que les étudiants puissent racheter ces trimestres d’études à un tarif aidé, ce qui leur permet aussi de s’installer dans la vie professionnelle.

(L’amendement n2890 est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 2880 et 2884.

La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n2880.

M. Michel Issindou, rapporteur. Cet amendement a été accepté par la commission qui l’a examiné très rapidement puisqu’elle s’était alors réunie au titre de l’article 91. Il concerne les assistantes maternelles qui, du fait d’un régime de cotisations spécifique appliqué entre 1975 et 1992, n’atteignaient pas l’assiette de cotisations permettant de valider quatre trimestres par an lorsqu’elles gardaient moins de trois enfants. Au cours de cette période, la France comptait 70 000 assistantes maternelles en exercice qui, dans la quasi-totalité, sont des femmes. Cette mesure va donc conforter le dispositif en faveur des femmes.

Ces assurées peuvent d’ores et déjà racheter des trimestres d’assurance au titre de ces années d’activité incomplète dans le cadre d’un dispositif prévu par le code de la sécurité sociale. Cependant, le tarif de ce rachat, déterminé sur le principe de la neutralité actuarielle pour les régimes, est relativement élevé, ce qui le rend difficile d’accès. Il est de 1 000 à 2 000 euros le trimestre racheté à vingt ans, de 2 000 à 4 000 euros à quarante ans et de 3 200 à 6 400 euros à soixante ans. Plus on avance en âge, plus le rachat est élevé, ce qui est le principe même de tous ces rachats.

Afin de faciliter l’accès de ces assurées à ce rachat, le présent amendement propose de leur appliquer un tarif de rachat spécifique qui sera fixé par décret.

Mme Catherine Coutelle, présidente de la délégation de l’Assemblée nationale aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes. Très bien !

M. Pascal Terrasse, rapporteur pour avis. Excellent amendement !

M. le président. La parole est à M. Christian Paul, pour soutenir l’amendement n2884.

M. Christian Paul. Je me permettrai simplement d’ajouter que lors de l’examen du texte en commission des affaires sociales, Mme la ministre a exprimé l’intention du Gouvernement de s’engager dans la voie ouverte par cet amendement, déposé par Mme Gourjade et les membres du groupe socialiste, républicain et citoyen, et identique à celui du rapporteur.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marisol Touraine, ministre. Je confirme que je donne un avis favorable, par constance. De fait, les assistantes maternelles sont objectivement lésées, au titre des périodes travaillées avant 1992, par rapport aux droits qu’elles peuvent acquérir au titre de la retraite. Il s’agit donc de leur permettre, là encore, de bénéficier de conditions améliorées pour pouvoir disposer d’une meilleure retraite le moment venu.

(Les amendements identiques nos 2880 et 2884 sont adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 2881 et 2885.

La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n2881.

M. Michel Issindou, rapporteur. Dans le même esprit que précédemment, voilà une belle mesure qui consiste à proposer à tous ceux qui ont été apprentis entre le 1er juillet 1972 et le 31 décembre 2013 – la période est large puisqu’elle couvre une trentaine d’années – de racheter des trimestres d’apprentissage. Cette disposition concernera nombre de ceux qui ont travaillé sous cette forme dans ces périodes.

M. le président. La parole est à M. Christian Paul, pour soutenir l’amendement n2885.

M. Christian Paul. Là aussi, lors de l’examen du texte en commission, le Gouvernement a exprimé son intention d’approuver cet amendement déposé par Mme Pinville et les députés du groupe socialiste, républicain et citoyen, et en tout point semblable à celui du rapporteur.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Le Gouvernement est favorable à ces amendements. Nous allons examiner, dans quelques instants, l’article 17 qui vise à normaliser pour l’avenir le régime contributif des apprentis. Cet amendement permet de valider les périodes d’apprentissage passées, ce qui complète utilement et positivement le dispositif qui avait été envisagé par le Gouvernement.

(Les amendements identiques nos 2881 et 2885 sont adoptés.)

(L’article 16, amendé, est adopté.)

Après l’article 16

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Borloo, pour soutenir l’amendement n2832.

M. Jean-Louis Borloo. Madame la ministre, chacun sait que l’entrée dans la vie active professionnelle s’est déplacée dans le temps et que nous assistons au développement de stages professionnels, indispensables au parcours. Il s’agit d’étudier dans quelles conditions au-delà de trois mois ces stages professionnels peuvent contribuer au calcul de la retraite. Nous préconisons, dans l’amendement n2833 que nous examinerons ultérieurement, d’introduire dans l’assiette des cotisations sociales la gratification versée à compter du troisième mois d’un stage en milieu professionnel, à condition que ce stage soit validé.

La question fondamentale que je pose est la prise en compte des stages dans le calcul des retraites.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Issindou, rapporteur. L’avis de la commission est défavorable. M. Borloo pourra en effet trouver satisfaction dans des amendements à venir.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Avis défavorable. J’ai lu, monsieur le président Borloo, que vous exigiez une prise en compte des stages. Cette préoccupation est exprimée dans la majorité depuis longtemps, avec cependant un souci supplémentaire : que la période de stages ne soit pas banalisée, pour ne pas en faire des périodes de travail comme les autres.

Appliquer une cotisation à la rémunération qu’un jeune perçoit d’un stage et que l’on appelle une gratification, a un double effet pervers. Le premier est que cela revient à dire que l’on travaille pendant un mois pour 436 euros, tarif actuel de la gratification, et que c’est normal. On ne peut pas accepter l’idée qu’on banaliserait les stages, y compris dans le cadre de périodes d’études, en considérant qu’on peut travailler comme le ferait un autre salarié pour 436 euros.

Le second effet pervers est que les jeunes qui ont souvent besoin de stages pour valider leur cursus universitaire, pour acquérir de l’expérience professionnelle ou pour préparer de façon plus positive leur entrée dans la vie active, rencontreraient des difficultés car les entreprises étant conduites à cotiser pour le stage, elles pourraient alors considérer que celui-ci est trop coûteux et qu’il ne peut être généralisé. J’avais donc présenté en commission les critères à retenir pour déterminer la prise en compte de ces stages : que la validation ne soit bien évidemment pas gratuite, sinon nous sortirions de la logique contributive de notre système de retraites, et que les stages ne soient pas banalisés pour en faire des périodes de travail comme les autres.

Nous aurons l’occasion d’examiner un amendement dans ce sens. Je serais tout à fait heureuse que vous puissiez vous y rallier. Vous souhaitez envoyer un signal dans cette direction : je le reçois avec satisfaction, même si je ne suis pas favorable à l’amendement que vous proposez.

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Borloo.

M. Jean-Louis Borloo. Merci de cette ouverture. Je suis heureux que Philippe Vigier ait pu poser le débat en commission et que nous trouvions une convergence, car nous partageons tout à fait ce point de vue.

La question est assez simple : aujourd’hui, un stagiaire doit toucher 1 068 euros pour que le trimestre soit validé. Lorsque nous sommes au delà de trois mois et qu’il y a une vraie professionnalisation, je pense qu’il y a un point de convergence possible. Dans ces conditions, je retire mon amendement et me rallie au vôtre.

(L’amendement n2832 est retiré.)

M. le président. La parole est à Mme Véronique Massonneau, pour soutenir l’amendement n2984.

Mme Véronique Massonneau. Cet amendement s’inscrit dans la volonté de prendre en compte les trimestres de stage. Nous proposons que les stagiaires soient inscrits au registre unique du personnel comme tous les employés. Cela permettra un recensement plus facile des stagiaires et l’identification des entreprises qui abusent du recours aux stages, lesquels deviennent ainsi des emplois déguisés.

Madame la ministre, vous rappeliez en commission qu’il convient de faire la différence entre stages et emplois. Cet amendement va précisément dans ce sens.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Issindou, rapporteur. La commission a émis, à regret, un avis défavorable, non sur le fond, mais parce qu’il s’agit d’un cavalier : ces dispositions relèvent du droit du travail et non de notre projet sur les retraites.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Défavorable, pour la raison que ce texte n’est pas le bon endroit pour traiter le problème que vous soulevez, même si le Gouvernement partage votre objectif. C’est d’ailleurs pourquoi il a engagé un travail qui doit déboucher prochainement sur la présentation d’un texte de loi encadrant les stages de façon plus précise, plus stricte, en vue justement de lutter contre la banalisation des stages à laquelle on assiste aujourd’hui. Il y a trop de situations dans lesquelles les stagiaires sont en réalité utilisés comme des salariés classiques. Je donne donc un avis défavorable à votre amendement, qui ne me semble pas avoir sa place dans ce texte de loi.

M. le président. La parole est à M. Denis Jacquat.

M. Denis Jacquat. Étant donné que l’amendement est jugé parfait mais n’ayant pas sa place dans ce texte, quand madame la ministre sera-t-il examiné, par qui, où, dans combien de temps ?

Je croyais que les cavaliers ne devaient plus arriver en séance et qu’ils devaient être bloqués avant. Mais si cet amendement est venu jusqu’ici, c’est qu’il était jugé utile et pouvant être discuté en séance. Or, il se heurte à un blocage à la dernière seconde. C’est une opposition constructive qui vous parle, madame la ministre… (Sourires.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marisol Touraine, ministre. Je ne sais pas pourquoi cet amendement n’a pas été considéré comme un cavalier ; il ne m’appartient pas de me prononcer à la place des instances de cette assemblée. Je vous l’ai dit, le travail est lancé, mais je ne suis pas en mesure de vous dire quand un texte de loi sera déposé par mes collègues Michel Sapin et Geneviève Fioraso.

M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires sociales.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Une précision de forme pour M. Jacquat : les cavaliers ne sont pas filtrés, sauf pour les projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale. Cela dit, une question pertinente est posée, à laquelle nous n’avons pas la réponse aujourd’hui.

(L’amendement n2984 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 2895 rectifié et 2975.

La parole est à M. Christian Paul, pour soutenir l’amendement n2895 rectifié.

M. Christian Paul. Je le présente au nom du groupe SRC et suis sûr d’être entendu par M. Borloo qui avait une intention assez proche, même si le dispositif qu’il proposait était relativement sommaire.

Nous souhaitons permettre la valorisation des stages dans la durée de vie au travail, et donc leur intégration au système des retraites. Cet amendement, si le Parlement l’adopte, ouvrira aux étudiants la possibilité de verser des cotisations d’assurance vieillesse, de façon très symbolique, au titre de leurs stages en entreprise, dès lors que ces stages font l’objet d’une gratification – car il ne s’agit pas d’un salaire, puisque ce n’est pas un contrat de travail, mais d’une gratification. Chaque trimestre de stage au cours d’une année ouvrira donc la possibilité de cotiser pour un trimestre d’assurance vieillesse, dans la limite de deux trimestres au total. Il faudra naturellement, par voie réglementaire, préciser quelle durée minimale de stage peut déclencher la prise en compte d’un trimestre, mais c’est une formule tout à fait intéressante.

Afin de faciliter l’accès effectif des stagiaires à ce dispositif, il faudra préciser également par décret les modalités d’échelonnement du versement de ces cotisations, qui pourraient être réparties sur un an, voire sur deux ans. Les simulations laissent envisager des versements de 12,50 euros par mois pendant deux ans ou de 25 euros par mois pendant un an : une participation qui revêt, mois après mois, un caractère relativement symbolique.

Deux trimestres pourront être validés à ce titre. Dans ce cas, le nombre de trimestres pouvant faire l’objet d’un rachat, dispositif évoqué à l’article 16, sera réduit d’autant.

Le Gouvernement a exprimé en commission l’intention de s’engager positivement dans cette voie, et je m’en réjouis. Je souligne également que, dans l’esprit de ce qu’a dit Mme la ministre, nous souhaitons que ces stages soient mieux encadrés par la loi. Mme Khirouni en parlera certainement tout à l’heure. Nous réfléchissons à cet encadrement, peut-être au moyen d’une proposition de loi qui viendrait dans les prochains mois.

Cette prise en compte des stages, par ailleurs mieux encadrés sur le plan législatif, dans le système de retraites, permettra d’avancer sans confusion. C’est un signal important, et même plus que cela : c’est un choix utile en faveur des jeunes, qui sont inquiets pour certains et, pour d’autres, désireux de savoir dans quelles conditions ils pourront, le moment venu, préparer leur retraite.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n2975.

M. Michel Issindou, rapporteur. C’est une des avancées significatives obtenues en commission. Je ne reprendrai pas ce qu’a dit fort pertinemment M. Paul : c’est le même amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Favorable. Je veux saluer le travail du groupe SRC, auquel je serais heureuse que puissent se rallier des parlementaires d’autres groupes, comme à l’instant M. Borloo, pour la prise en compte des périodes de stage pour les étudiants. Je veux en particulier remercier Christian Paul pour sa présentation, ainsi que Pascal Terrasse qui s’est impliqué dès le départ en faveur de cette prise en compte.

Très concrètement, nous proposons à des étudiants qui font des stages d’apporter une contribution limitée, mesurée, pour pouvoir bénéficier de deux trimestres au titre de la retraite, imputables sur les quatre trimestres qu’ils peuvent racheter à un tarif aidé.

Cette contribution financière, qui sera de 12,50 euros par mois pendant deux ans ou de 25 euros par mois pendant un an, n’est pas une cotisation, puisqu’il ne s’agit pas d’une période travaillée au sens classique du terme. Ce n’est pas non plus un rachat, puisque nous ne sommes pas dans le cadre du dispositif de rachat tel qu’il existe. Les étudiants qui font des stages pourront bénéficier le cas échéant de cette mesure, les deux trimestres venant toutefois s’imputer sur les quatre qu’ils peuvent racheter à tarif avantageux.

En gros, certains étudiants choisiront de racheter quatre trimestres, d’autres contribueront pour deux trimestres de stage, d’autres encore choisiront de valider quatre trimestres dont deux au titre des stages et deux au titre du rachat des périodes d’études.

M. le président. La parole est à Mme Chaynesse Khirouni.

Mme Chaynesse Khirouni. Je souhaite revenir sur les échanges que nous avons actuellement concernant les étudiants et les stages. Nous constatons que les étudiants se trouvent face à une double difficulté : d’une part, celle de trouver une entreprise qui accepte de les accueillir, même pour des stages de deux mois, et d’autre part l’abus de certaines entreprises qui ont recours à des stagiaires pour assurer des activités permanentes ou faire face à un accroissement d’activité, ce qui leur permet de bénéficier de main-d’œuvre à faible coût.

M. Marc Dolez. C’est vrai !

Mme Chaynesse Khirouni. Il est donc important de prévoir des mesures correctives, des mesures de justice, comme nous le faisons aujourd’hui, afin d’accroître la confiance des jeunes dans notre système de retraites par répartition, mais nous devons veiller à ne pas assimiler les stagiaires aux salariés.

Le Gouvernement a proposé aux députés de suivre ces pistes, en encadrant mieux le recours au stage pour éviter les abus et en protégeant mieux les stagiaires pour améliorer leurs conditions d’insertion professionnelle.

M. Pouria Amirshahi. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Jean-Philippe Nilor.

M. Jean-Philippe Nilor. Je suis désolé de devoir nuancer cette euphorie d’autosatisfaction. Actuellement, la loi ne prévoit aucune prise en compte des périodes de stage, que ceux-ci fassent l’objet d’une convention ou non, et le présent texte n’aborde la question des stages que dans le cadre de la formation professionnelle des demandeurs d’emploi. (Marques de dénégation sur les bancs du groupe SRC.) Le Gouvernement et le groupe majoritaire proposent deux amendements identiques, qui ne répondent que très partiellement à une revendication ancienne des syndicats étudiants et des syndicats de salariés.

Ces amendements prévoient que les stages d’étudiants faisant l’objet d’une convention pour une durée supérieure à deux mois pourront être retenus dans la durée de cotisation, dans la limite de deux trimestres. Ils vont ainsi permettre la prise en compte des périodes de stage étudiant à hauteur de deux trimestres. Il s’agit certes d’une avancée, mais extrêmement minime, destinée, comme le reste du texte, à cacher de gros reculs, notamment pour les jeunes, premiers touchés par l’allongement de la durée de cotisation.

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Borloo.

M. Jean-Louis Borloo. Je remercie la commission et le Gouvernement. Dans ces questions, il faut trouver le chemin du compromis, dans l’intérêt de ces jeunes. Nous sommes heureux d’avoir déposé des amendements en commission, heureux que le débat ait lieu et nous nous rallions forcément, dans ces conditions, à l’amendement plus global de la commission.

M. le président. La parole est à Mme Véronique Massonneau.

Mme Véronique Massonneau. Je dois avouer que je suis déçue par l’amendement qui résulte du travail avec le Gouvernement. Le dispositif de l’article 16 est considéré comme inopérant par tout le monde, rapporteur compris. Pourquoi ? Parce qu’on demande à une catégorie précaire de racheter des trimestres, et à elle seule : les stagiaires seront en effet seuls à cotiser, les entreprises restant exemptées. C’est vraiment nier la réalité que de vouloir mettre en place ce dispositif en l’état. M. Vigier a d’ailleurs déposé un amendement qui se rapproche du vôtre, mais il y a une différence majeure : l’augmentation de la gratification.

Si les modalités concrètes sont renvoyées à un décret, on a fait état de mensualités de 12,50 euros pendant deux ans, soit 300 euros. Il faut que cette somme soit compensée par l’entreprise ayant recours au stagiaire. La gratification prévue actuellement – 436 euros environ – est déjà très faible. Si, en plus, l’étudiant doit la ponctionner pour valider son stage dans la perspective de la retraite, elle le sera davantage encore !

Madame la ministre, je vous demande de sous-amender le dispositif proposé et d’inclure une augmentation de compensation de la gratification.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Pascal Terrasse, rapporteur pour avis. Je souhaite tout d’abord remercier le Gouvernement pour avoir accepté cet amendement en commission des finances. Un autre viendra d’ailleurs bientôt en discussion, mais je le retirerai. Je remercie également Christian Paul pour le travail qu’il accompli, ainsi que l’ensemble de nos collègues de la commission des affaires sociales.

Cet amendement était fortement réclamé par des organisations de jeunesse, étudiantes en particulier, par lesquelles nous avons d’ailleurs été sollicités afin que le Parlement s’engage à améliorer sensiblement le texte.

C’est ce que nous venons de faire, s’agissant notamment de la durée de rachat. À droite, mais pas seulement, on nous reprochait son insuffisance lorsqu’il était de cinq ans. Le Gouvernement vient d’accepter de la porter à dix ans, ce qui n’est pas rien. Quelqu’un qui achève ses études à vingt-cinq ans pourra donc racheter ses années jusqu’à l’âge de trente-cinq ans.

De plus, le Gouvernement vient d’accepter un deuxième amendement attendu concernant les stagiaires.

La loi dispose déjà que les stages dont la durée excède deux mois font l’objet d’une gratification minimale fixée à quelque 436 euros mensuels. Au-delà, les employeurs doivent payer des cotisations sociales.

Le dispositif proposé mérite toute notre attention, et je me tourne vers ma collègue Massonneau qui juge considérable la somme de 25 euros. Si le jeune en question travaillait au SMIC, à combien s’élèverait sa cotisation ? Un maçon ou un manœuvre doit s’acquitter de 300 euros par trimestre, sans compter la part patronale. C’est cela, la réalité !

Le dispositif permettra à des jeunes qui sont en stage de valider deux trimestres pour un montant qui certes peut paraître important – ce n’est pas rien, 25 euros – mais j’essaie quant à moi de me mettre à la place d’un jeune qui a une activité salariée, qui est dans la vie active. Vous voyez la différence !

Je considère donc que cette mesure constitue une avancée sociale majeure pour les étudiants. De plus, je le répète, elle était demandée, et je remercie à nouveau Mme la ministre.

M. Arnaud Robinet, que nous avons peu entendu sur cette question,…

M. Michel Issindou, rapporteur. Ne le réveillez pas !

M. Denis Jacquat. Quel provocateur !

M. Pascal Terrasse, rapporteur pour avis. …mais que nous avons écouté à l’article premier, disait qu’il fallait attendre le Père Noël pour que les jeunes puissent bénéficier d’avantages. Voici une citation, mon cher collègue : devenir adulte, c’est reconnaître sans trop souffrir que le Père Noël n’existe pas…

M. Denis Jacquat. Nous, on y croit !

M. Pascal Terrasse, rapporteur pour avis. … mais que le travail parlementaire, lui, est bien réel !

M. le président. La parole est à M. Denis Jacquat.

M. Denis Jacquat. Lorsqu’il est question de cadeaux, monsieur Terrasse, on croit à beaucoup de choses. S’il vous reste des dents de lait, vous pouvez les mettre sous votre oreiller, il paraît que la petite souris y passe ! (Sourires.)

M. Pascal Terrasse, rapporteur pour avis. J’y pense.

M. Denis Jacquat. En Lorraine, nous avons même saint Nicolas en plus. Je crois donc à la fois en lui et au Père Noël ! (Sourires).



Sous votre contrôle, monsieur le président, et sans abuser de mon temps de parole, je dirai simplement que l’intégration des stages est une demande extrêmement ancienne, que nous avons même discuté de ses modalités lors de débats précédents, et que les différents intervenants ont mis en évidence un certain nombre de difficultés.

Il était donc essentiel de commencer. Ensuite, en cours de route, nous procéderons aux adaptations nécessaires.

Comme l’a parfaitement dit Jean-Louis Borloo il y a quelques instants, cette avancée doit être encadrée. Sans vouloir y mettre trop de bémols, madame la ministre – d’autant plus que vous avez été très très très présente en commission des affaires sociales –, j’aurais toutefois préféré que vous nous en fassiez part en commission des affaires sociales plutôt que de l’apprendre par le Journal du dimanche.

Mme Marisol Touraine, ministre. Je l’ai annoncée !

M. Christian Paul. Que vous êtes grognon, monsieur Jacquat !

M. Denis Jacquat. Monsieur Paul, commissaire politique du Parti socialiste…

M. le président. Monsieur Jacquat…

M. Denis Jacquat. Je viens d’être attaqué !

M. le président. Continuez votre intervention, mais n’interpellez pas votre collègue sinon je ne pourrai pas gérer les temps de parole !

M. Denis Jacquat. Par votre intermédiaire, monsieur le président, je réponds à M. Paul, commissaire politique du Parti socialiste, qui me dit que je n’avais qu’à être présent en commission, que j’y ai été très assidu : je crois n’avoir pas manqué une seconde de réunion. Avant de parler, il faut tourner sept fois sa langue dans la bouche, monsieur Paul, et c’est un ORL qui vous le dit !

M. Christian Paul. Ce n’est pas ce que j’ai dit : j’ai dit que vous étiez grognon !

M. le président. Gardons notre calme !

La parole est à M. Marc Dolez.

M. Marc Dolez. Cette mesure constitue certes une avancée, mais extrêmement minime, et qui ne répond que de manière très partielle à ce que les syndicats d’étudiants et de salariés demandent depuis longtemps.

Je rappelle que seuls les stages faisant l’objet d’une convention dans le cadre universitaire sont concernés. Or, le vrai scandale, madame la ministre, c’est la multiplication des stages sans aucune convention.

M. Jean-Patrick Gille. Ils sont interdits !

Mme Marisol Touraine, ministre. En effet.

M. Pascal Terrasse, rapporteur pour avis. Oui, comme les véhicules doivent stopper aux feux rouges…

M. Marc Dolez. Il n’en reste pas moins qu’ils existent ! Mme Khirouni a souligné un problème qui existe bel et bien et c’est à ce propos que je voulais vous interroger, madame la ministre. Quelles dispositions le Gouvernement envisage-t-il de prendre ?

M. le président. La parole est à M. Jean-Patrick Gille.

M. Jean-Patrick Gille. Je voterai ces amendements, car ils constituent une véritable avancée. Néanmoins, je souligne que nous sommes tous, collectivement, dans une démarche un peu contradictoire en matière de stages, et ce pour de bonnes raisons.

Nous veillons à éviter la banalisation des stages, leur substitution à des périodes de travail – j’ajoute à ce propos que, contrairement à ce que disait M. Dolez, les stages hors cursus sont interdits –, mais aussi à limiter les stages post-cursus ou de fin de cursus et les trop longs stages de transition vers la vie professionnelle, mais, en même temps, nous prenons des mesures qui tendent à assimiler la période de stage à une période de travail.

Nous voterons ces amendements, mais il nous faudra faire un travail législatif plus cohérent sur la question, sans quoi nous risquons d’être confrontés à des effets paradoxaux, pour ne pas dire pervers : nous affirmons vouloir lutter contre les stages, mais nous les rendons plus acceptables par les jeunes. Nous risquons en outre de créer un effet inflationniste, le jeune ayant intérêt à demander un stage plus long puisque deux mois au moins sont nécessaires pour obtenir une gratification et qu’il faudra trois mois pour que la validation soit effective en vue de la retraite. Il convient donc de mesurer ces effets paradoxaux.

Inversement, l’effet dissuasif est réel dans certains secteurs : les élèves travailleurs sociaux, notamment, n’arrivent toujours pas à trouver des stages. Nous travaillons sur cette question depuis plusieurs années, mais elle n’est toujours pas résolue puisque personne ne veut financer leurs stages, pourtant obligatoires dans leur cursus.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marisol Touraine, ministre. Ces amendements constituent une avancée extrêmement importante, que je replace dans l’ensemble de la politique que nous menons en faveur des jeunes. Madame Massonneau, à trop affirmer que les pas accomplis sont insuffisants, vous risquez de ne pas être entendue par ceux que vous souhaitez représenter. Cette avancée est bien significative, et nous permet d’envoyer un message positif aux jeunes.

M. Pascal Terrasse, rapporteur pour avis. Absolument !

Mme Marisol Touraine, ministre. C’est avec eux que cette mesure a été discutée. Je veux bien que ce ne soit pas d’emblée ce que vous auriez souhaité, madame, et j’ignore d’ailleurs jusqu’où il faudrait aller. Peut-être engagerons-nous d’autres travaux – nous verrons bien –, mais il n’en reste pas moins que cette avancée est significative. Si nous ne la faisions pas, nous en resterions où nous sommes, c’est-à-dire nulle part. Le moment vient toujours de savoir si l’on avance ou non pour répondre aux préoccupations des jeunes.

Je vous remercie, monsieur Jacquat, de souligner que j’ai été présente en commission…

M. Denis Jacquat. Très présente !

Mme Marisol Touraine, ministre. … et attentive à l’ensemble des débats. Je considère que cela relève de ma responsabilité. Puisque vous aussi avez été très attentif, vous avez entendu que j’ai fixé en commission le cadre dans lequel j’étais prête à admettre des amendements de la part des groupes politiques. J’ai fixé ce cadre et c’est à l’intérieur de celui-ci que des amendements ont été proposés.

M. Denis Jacquat. C’était arrangé d’avance !

Mme Marisol Touraine, ministre. Vous auriez d’ailleurs pu en proposer d’autres si vous aviez souhaité qu’ils soient discutés.

Par ailleurs, vous me permettrez de choisir et le lieu et le moment où j’estime devoir dire qu’un accord a été trouvé et que des amendements ont été proposés au Gouvernement.

M. Denis Jacquat. C’est de bonne guerre !

M. le président. La parole est à M. Pouria Amirshahi.

M. Pouria Amirshahi. Je souhaite rebondir sur ce que vient de dire Mme Massonneau, en soulignant deux points.

Pour la première fois – je l’avais quant à moi demandé lorsque j’étais étudiant en 1995 –, les temps de rapport au travail durant la formation sont pris en compte : temps d’apprentissage, temps de stage. Je ne suis pas peu fier que cette dimension soit partie intégrante de la réforme.

En second lieu, je suis d’accord sur le fait qu’il est tout aussi important de réfléchir à la mise à contribution des employeurs, de stagiaires en particulier, personne ne pouvant se défausser de sa responsabilité. Cette question pourrait être mise à l’étude dans le cadre de la discussion prochaine de la proposition de loi sur les stages, afin d’examiner s’il est possible de faire un pas de plus.

Je pense qu’il convient d’accepter d’ores et déjà l’avancée proposée aujourd’hui et de renvoyer la question soulevée par Mme Massonneau au débat qu’a évoqué Mme Khirouni.

(Les amendements identiques nos 2895 rectifié et 2975, acceptés par la commission et le Gouvernement, sont adoptés.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Borloo, pour soutenir l’amendement n2833.

M. Jean-Louis Borloo. Je le retire car il est satisfait.

(L’amendement n2833 est retiré.)

M. le président. Je suis saisi de plusieurs amendements, nos 894 à 908 et 3080, pouvant être soumis à une discussion commune.

Les amendements nos 894 à 908 sont identiques.

La parole est à M. Patrice Carvalho, pour soutenir l’amendement n903.

M. Patrice Carvalho. C’est dans l’esprit de l’article 17, relatif à l’ouverture des cotisations aux apprentis, que nous souhaitons défendre ces amendements.

Cet article permettra aux 370 000 apprentis de France de voir leur apprentissage intégralement retranscrit en cotisations vieillesse. Nous souhaitons demander au Gouvernement un rapport permettant d’étudier la possibilité de prendre en compte les périodes de stage pour la cotisation d’assurance vieillesse, ainsi que les moyens de financement d’une telle mesure.

Les stagiaires, véritables variables d’ajustement de la masse salariale, constituent un groupe extrêmement précarisé au sein du marché du travail. Ils ne sont pas obligatoirement payés s’ils font un stage de moins de trois mois et, lorsqu’ils touchent leur gratification de 436 euros mensuels, ils gagnent à peine plus de la moitié du seuil de pauvreté qui s’élève à 803 euros mensuels. Le stage est donc l’activité professionnelle la plus précaire et la moins bien rémunérée.

On estime que, depuis 2006, le nombre de stagiaires a doublé, passant de 800 000 à 1,5 million par an : une force de travail considérable, et qui n’a pas accès aux bénéfices du système de retraites par répartition.

Une véritable mesure de justice sociale consisterait à valider les périodes de stage dans la durée de cotisation globale. Dans son programme, le candidat Hollande s’était engagé à encadrer les stages afin d’empêcher les abus. Il est temps de le faire et de se pencher sur la faisabilité d’une telle mesure.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis pour soutenir l’amendement n3080.

M. Pascal Terrasse, rapporteur pour avis. Mme la ministre a parfaitement répondu sur la politique globale à l’endroit de la jeunesse et je n’ai pas besoin de revenir sur le sujet. Néanmoins, je souhaite m’adresser à nos collègues qui se soucient de la faiblesse des cotisations pour les stagiaires. M. Gille a dit quelque chose de juste,…

M. Jean-Patrick Gille. Merci !

M. Pascal Terrasse, rapporteur pour avis. …et même de très juste, sur les travailleurs sociaux. Dès lors que l’on a commencé à demander des financements pour les jeunes stagiaires dans le secteur médico-social, la perte en ligne a été considérable.

J’alerte donc nos collègues qui veulent charger les stages de lourdeurs financières et administratives : allez vous renseigner dans n’importe quelle école d’assistantes sociales, et vous verrez que le manque de stages est catastrophique.

Il faut trouver le juste équilibre. Un stagiaire ne peut pas se substituer à un salarié ; un stagiaire doit avoir une gratification ; l’employeur doit participer d’une manière ou d’une autre. Mais aller trop loin dans ce sens produit des effets contraires à ceux recherchés.

Le rapport sur la valorisation des stages que je demande n’empêche pas de poursuivre le travail sur la jeunesse au-delà de la réforme des retraites. C’est un engagement fort du Président de la République. À cet égard, le texte contient des avancées majeures dont nous venons de parler : le rachat, les stages, les 150 trimestres, les apprentis, les contrats en alternance. Il faudra aller plus loin, notamment sur l’accompagnement des jeunes dans le cadre de leur formation.

Je retire, bien entendu, mon amendement.

(L’amendement n3080 est retiré.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n903 ?

M. Michel Issindou, rapporteur. Défavorable. Le débat vient d’avoir lieu sur les stages, qui font l’objet de mesures fortes, comme l’ont rappelé Mme la ministre et M. Terrasse.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. Denis Jacquat.

M. Denis Jacquat. J’interviens pour abonder dans le sens de Pascal Terrasse et dire qu’il faut faire très attention : si l’on charge la barque, il y aura de moins en moins de stages.

(L’amendement n903 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements, nos 2504, 2962 et 3081, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à Mme Fanélie Carrey-Conte, pour soutenir l’amendement n2504.

Mme Fanélie Carrey-Conte. Pour poursuivre cette discussion sur la question des jeunes, je reprends dans cet amendement un certain nombre d’éléments qui ont été évoqués, notamment par mes collègues du groupe GDR.

Nous sommes allés crescendo jusqu’à présent, avec l’amélioration du dispositif de rachat pour les années d’études et, à l’instant, avec la prise en compte des stages de manière encadrée, ainsi que cela vient d’être précisé conformément aux engagements de Mme la ministre en commission.

Mon sentiment personnel – que j’ai exprimé à diverses occasions et qui est partagé par certains collègues – est qu’il faut aller plus loin, en entamant une réflexion sur la possibilité de valider des trimestres au titre des années d’études pour le calcul de la retraite.

La prise en compte des stages représente une première étape mais, elle n’épuise pas toutes les questions. D’une part, en fonction des filières et des études, tous les étudiants ne font pas le même nombre de stages. D’autre part, à terme, pourra se poser la question d’une inégalité de traitement entre des étudiants post-bac, certains ayant choisi la voie de l’apprentissage et d’autres non.

M. Pouria Amirshahi. Très bon argument !

Mme Fanélie Carrey-Conte. Il faut donc ouvrir une réflexion très concrète sur la prise en compte des études dans le décompte des trimestres. Cela pourrait se passer de la manière suivante. D’abord – j’y insiste, car c’est très important – le nombre de trimestres serait plafonné de manière à ne pas favoriser les études longues par rapport aux études courtes, les « bac + 5 » par rapport aux « bac + 2 ». On peut par exemple imaginer un système de validation plafonné à quatre ou six trimestres par étudiant, quelles que soient les études et la filière choisies. Ensuite, cette prise en compte pourrait se faire sur la base d’une cotisation symbolique, de manière à être financièrement accessible à tous.

Je voudrais insister sur l’importance de cet amendement, dont l’objectif est de permettre la reconnaissance par la société, d’une part, des difficultés que peuvent rencontrer actuellement les jeunes générations sur le marché du travail à un moment où l’on va leur demander de travailler plus longtemps et, d’autre part, de l’utilité collective de l’élévation du niveau d’études.

Plus globalement, l’enjeu est de mettre en place des politiques publiques en direction des jeunes, favorisant ce que nous défendons à gauche depuis longtemps, à savoir l’autonomie et l’émancipation. C’est aussi en rapport avec ce que disait Pascal Terrasse de l’engagement du Président de la République sur toutes ces questions relatives à la jeunesse.

Pour toutes ces raisons, je demande, article 40 de la Constitution oblige, un rapport pour ouvrir cette réflexion sur la prise en compte de trimestres de retraite au titre des années d’études pour tous les étudiants post-bac, quelle que soit leur filière.

M. Pouria Amirshahi. Très bien !

M. le président. La parole est Mme la ministre, pour soutenir le sous-amendement n3118.

Mme Marisol Touraine, ministre. Je donne un avis favorable à l’amendement, sous réserve d’un sous-amendement reportant la remise du rapport du 15 juillet 2014 au 15 juillet 2015. L’objectif étant de tirer les leçons du nouveau dispositif, il est nécessaire d’avoir du recul.

M. le président. La parole est à Mme Véronique Massonneau pour présenter le sous-amendement n3119.

Mme Véronique Massonneau. Au vu des explications tout à fait intéressantes que vient de donner Fanélie Carrey-Conte, je le retire.

(Le sous-amendement n3119 est retiré.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Germain, pour soutenir l’amendement n2962.

M. Jean-Marc Germain. Nous tournons autour des mêmes sujets, et les évolutions comme les travaux vont converger. Les décisions que nous sommes en train de prendre vont permettre des avancées très importantes pour les étudiants, et compléteront la panoplie des stages concernés : l’apprentissage, les stages de la formation professionnelle et de l’enseignement supérieur.

En outre, nous allons déposer, avant la fin de l’année, une proposition de loi visant à lutter contre les stages abusifs. Nous visons un double objectif : accepter ceux qui permettent la découverte des milieux professionnels à un stade précoce des cursus ; dissuader ceux qui s’apparentent à de faux contrats de travail, comme les années dites « de césure » et toutes ces conventions quasiment factices pour étudiants diplômés. Je pense que nous devrons aussi être plus durs sur la requalification des stages abusifs en travail dissimulé.

Tels sont les chantiers en cours. Cette réflexion globale sur la prise en compte d’une évolution dramatique – à trente ans, on a aujourd’hui douze trimestres validés de moins qu’il y a vingt ans – contribuera à la corriger. Il me semble donc tout à fait pertinent de continuer ce travail de réflexion, de prendre en compte la lutte contre les stages abusifs et d’améliorer la protection sociale.

Mon amendement proposait de regarder cela dans un cadre global. Celui de Fanélie Carrey-Conte, que j’ai également signé, insiste plus sur l’idée de validation des études. Je suis prêt à m’y rallier et retire donc le mien.

(L’amendement n2962 est retiré.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis pour soutenir l’amendement n3081.

M. Pascal Terrasse, rapporteur pour avis. Mon amendement vise à permettre aux jeunes de racheter leurs années d’études. Compte tenu du fait que la ministre a répondu très largement aux amendements déposés par le groupe socialiste, je le retire.

(L’amendement n3081 est retiré.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n2504 et le sous-amendement n°3118 ?

M. Michel Issindou, rapporteur. Je ne retirerai pas l’avis de la commission, même s’il était défavorable (Sourires.) Mais, au vu du débat qui vient de s’ouvrir, je crois utile de disposer d’un rapport sur l’application du dispositif que nous venons de voter. Sous réserve de l’adoption du sous-amendement du Gouvernement qui donnera davantage de temps, donc de recul, à ses auteurs, j’émettrai un avis favorable à titre personnel.

M. le président. La parole est à Mme Fanélie Carrey-Conte.

Mme Fanélie Carrey-Conte. Je remercie mes collègues Mme Massonneau, M. Germain et M. Terrasse, et accepte, malgré mon impatience de voir cette réflexion menée à terme, le sous-amendement qui prévoit une remise du rapport au 15 juillet 2015.

(Le sous-amendement n3118 est adopté.)

(L’amendement n2504, sous-amendé, est adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Fanélie Carrey-Conte, pour soutenir l’amendement n2286 deuxième rectification.

Mme Fanélie Carrey-Conte. Cet amendement concerne la prise en compte de périodes de chômage non indemnisé et demande la remise d’un rapport sur la manière dont les choses fonctionnent actuellement. Six trimestres de chômage non indemnisé peuvent être validés ; nous proposons que ces six trimestres puissent être validés de manière discontinue. Un jeune, par exemple, pourrait valider un trimestre de chômage, puis trois trimestres de CDD, puis un trimestre de chômage, puis un trimestre de stage, etc., dans la limite de six trimestres de chômage.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Issindou, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Madame Carrey-Conte, je comprends très bien votre préoccupation, mais je vous demanderai de retirer votre amendement, sans quoi j’émettrai un avis défavorable car nous allons répondre à votre préoccupation par décret. La validation au titre du chômage non indemnisé sera maintenue même en cas de reprise d’un emploi, dès lors que l’assuré reste inscrit sur la liste des demandeurs d’emploi.

Actuellement, la réglementation prévoit que seule la première période de chômage non indemnisé est prise en compte dans la retraite, dans la limite de six trimestres. La difficulté vient de ce que ce délai s’interrompt en cas de reprise d’un emploi, ce qui, à une époque où les carrières sont souvent hachées, est évidemment un obstacle.

Pour éviter qu’une alternance entre chômage non indemnisé et emploi aboutisse à réduire la validation des droits, je vous confirme mon engagement d’instaurer par décret la possibilité de maintenir des droits à validation de trimestres pour les jeunes en chômage non indemnisé, même en cas de reprise d’emploi, dès lors que l’assuré reste inscrit sur les listes de Pôle Emploi.

Au bénéfice de ces explications, je souhaiterais que vous retiriez votre amendement.

M. le président. La parole est à Mme Fanélie Carrey-Conte.

Mme Fanélie Carrey-Conte. Je le retire avec plaisir, car je préfère un décret qui change le réel à un amendement qui demande un rapport. Je vous remercie pour ces clarifications.

(L’amendement n2886 deuxième rectification est retiré.)

M. le président. Je suis saisi d’une série d’amendements identiques, nos 1029 à 1043.

La parole est à M. Jean-Jacques Candelier, pour soutenir l’amendement n1037.

M. Jean-Jacques Candelier. Cet amendement est important car il soulève, à travers une nouvelle demande de rapport, la question du mode de calcul des droits à la retraite. En effet, la loi de 1993 a changé ce mode de calcul dans le secteur privé, en passant des dix aux vingt-cinq meilleures années de carrière pour déterminer le salaire moyen sur lequel est calculée la pension. Cela pénalise particulièrement les carrières courtes, et donc les femmes. Lorsque les carrières sont plus courtes, sélectionner un plus grand nombre d’années oblige à piocher, passez-moi le terme, dans le lot des années avec de plus faibles salaires, du temps partiel ou des aléas.

Le passage aux vingt-cinq meilleures années se traduit, au moment du départ en retraite, par une baisse immédiate de la pension, d’autant plus importante que la carrière est plus courte. Cet allongement de la période de référence avait fait baisser de 16 % le niveau des pensions par rapport à l’ancien mode de calcul.

Au Front de gauche, nous sommes favorables à un retour aux dix meilleures années, pour améliorer les pensions et réduire les écarts de pensions entre hommes et femmes. La guillotine de l’article 40 ne permettant pas de déposer un amendement sur ce point, c’est par le biais d’un rapport que nous versons au débat cette proposition qui est une revendication du Front de gauche, de la CGT et, bien sûr, des citoyennes et des citoyens.

(L’amendement n1037, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’une série d’amendements identiques, nos 969 à 983.

La parole est à M. Jean-Philippe Nilor, pour soutenir l’amendement n981.

M. Jean-Philippe Nilor. Aujourd’hui, en France, 700 000 femmes de plus de soixante-cinq ans vivent sous le seuil de pauvreté. Le rapport Moreau précise que le taux de pauvreté est en nette augmentation chez les plus de soixante-quinze ans, et ajoute : « Au sein de cette population, les femmes isolées (notamment veuves) sont surreprésentées ». Le minimum contributif – 640 euros par mois – comme l’allocation de solidarité aux personnes âgées – 780 euros mois – se situent en deçà de ce seuil. Faut-il rappeler qu’aux Antilles et à La Réunion, l’accès à la retraite signifie le plus souvent une aggravation de la pauvreté, surtout pour les femmes ?

Une mesure augmentant le minimum contributif aura pour effet direct d’améliorer le niveau de pension des femmes et donc de réduire l’écart avec les hommes. Dans le secteur privé, fin décembre 2011, 4,9 millions de retraités du régime général percevaient le minimum contributif, dont 70 % de femmes. Dans le public, 52,3 % des femmes retraitées et 32,6 % des hommes retraités percevaient le minimum garanti.

La réforme Fillon de 2003 avait inscrit dans la loi un objectif de relèvement du minimum contributif, de façon à porter le minimum de pension perçu par un assuré social ayant une carrière complète et ayant liquidé sa pension au taux plein à 85 % du SMIC net, et ce à partir de 2008. Cet objectif, comme bien d’autres, a été progressivement abandonné. Il convient donc de le réaffirmer et de viser un niveau supérieur au seuil de pauvreté, à savoir celui du SMIC.

M. Marc Dolez. Très bien !

(L’amendement n981, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Article 17

M. le président. Plusieurs orateurs sont inscrits sur l’article 17.

La parole est à Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. Cet article constitue – c’est suffisamment rare pour le remarquer – une véritable avancée sociale ; nous la saluons donc. Cette mesure, réclamée de longue date par les syndicats, permet aux 370 000 apprentis de voir enfin leur assiette forfaitaire augmenter, grâce à quoi ils pourront valider une durée d’assurance vieillesse égale à celle de leur contrat et voir ainsi leur formation prise en compte pour leur retraite.

Ce pas en avant est réalisé en deux temps : d’abord, les apprentis passent à une assiette réelle pour les cotisations finançant le risque vieillesse ; ensuite, on introduit un système de validation complémentaire de droits à la retraite pour les apprentis qui ne valident toujours pas autant de trimestres de retraite que de trimestres d’apprentissage sur une année civile.

Le financement de ce dispositif repose sur la Sécurité sociale. Si les moyens existent pour cette mesure, pourquoi ne pas prendre en compte les périodes de stage et les études supérieures dans la durée de cotisation d’assurance vieillesse, comme nous l’avons proposé à travers les amendements précédents ? Profitons de cette avancée sociale pour permettre aux stagiaires de cotiser et ainsi de partir à la retraite à un âge et à un taux raisonnables.

Par ailleurs, cotiser pour les études supérieures permettrait à cette génération qui arrive tard sur le marché du travail de ne pas en sortir trop tardivement. En effet, la hausse de la durée de cotisation d’un trimestre tous les trois ans à compter de 2020 signifie que la génération qui entrera à ce moment-là sur le marché du travail y restera jusqu’à soixante-dix ans pour bénéficier d’une retraite à taux plein – pour ceux qui auront la chance d’avoir un emploi et de le garder jusqu’à cet âge, ce qui est loin d’être gagné d’avance !

M. Marc Dolez. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Candelier.

M. Jean-Jacques Candelier. La présente mesure confirme ce que les syndicats demandaient depuis bien longtemps, à savoir la garantie de la validation de tous les trimestres d’apprentissage comme des trimestres cotisés. Il s’agit là – une fois n’est pas coutume, hélas ! – d’une excellente mesure et d’une avancée sociale concrète qui permettra à 370 000 apprentis de voir leur travail, lequel peut commencer précocement, reporté en intégralité sur leur cotisation vieillesse.

Du fait des carrières de plus en plus fractionnées, la formation se doit aujourd’hui d’être de mieux en mieux prise en compte. C’est pourquoi la cotisation des apprentis nous permet de demander au Gouvernement, comme nous l’avons fait à travers nos amendements nos 894 à 908, un rapport pour étudier la prise en compte des périodes de stage dans la durée de cotisation d’assurance vieillesse.

Si les finances de la Sécurité sociale le permettent, les stagiaires et les étudiants souhaitent eux aussi voir leurs efforts récompensés en termes de cotisations vieillesse. Le statut des stagiaires étant réellement précaire, il serait intéressant de les aider en faisant en sorte que les périodes de stage soient prises en compte dans les cotisations vieillesse. En ce qui concerne les étudiants, il serait très important de leur permettre de cotiser pour qu’ils puissent cesser de travailler à un âge normal et bénéficier d’une retraite à taux plein. Même si la présente réforme permet de faciliter le rachat des trimestres d’études, nous souhaiterions mettre en place un véritable projet de cotisations pour les étudiants au lieu d’une simple opération de rachat.

En conclusion, nous sommes très satisfaits de cette avancée et vous proposons d’aller encore plus loin pour faire progresser les conditions d’études et de travail au sein de notre société.

M. le président. La parole est à M. Jean-Patrick Gille.

M. Jean-Patrick Gille. Nous entamons l’examen d’articles qui devraient être votés à l’unanimité car ils représentent autant d’avancées, notamment pour les jeunes. À cet égard, j’en reviens volontiers à nos débats de la fin de la matinée, lors desquels nous n’avons peut-être pas suffisamment souligné que, avec l’article 14, le seuil de validation d’un trimestre passe de 151 heures à 100 heures. De cette façon, les jeunes, en particulier les étudiants, ayant exercé un job d’été pendant un mois dans le but, peut-on penser, de financer leurs études, pourront valider un trimestre. Cela méritait d’être dit.

De la même manière, avec cet article 17, c’est la totalité des années d’apprentissage qui pourra être validée sous forme de trimestres pour la retraite. Je m’étais inquiété de savoir si cela concernait aussi les contrats de professionnalisation. Il apparaît que c’est bien le cas. C’est donc l’ensemble des périodes de formation en alternance qui pourra être validé.

J’évoquerai au passage l’article 18, qui va permettre de valider, quel que soit le statut de la personne, tous les mois et tous les trimestres de formation professionnelle continue.

Il était nécessaire de s’arrêter quelques instants sur les nombreuses avancées permises par ce texte, grâce auxquelles de nombreuses personnes valideront plus facilement leurs années de cotisation. On peut y ajouter l’amendement du Gouvernement, voté tout à l’heure, et grâce auquel – c’est là une mesure importante – des personnes ayant été plusieurs années en apprentissage pourront racheter les trimestres correspondants alors qu’il leur était, jusqu’à présent, difficile de le faire.

M. le président. La parole est à M. Denis Jacquat.

M. Denis Jacquat. Cet article modifie le régime contributif des apprentis. Je relève deux points importants.

Premièrement, le passage d’une assiette forfaitaire à une assiette réelle de cotisations – ce qui revient à supprimer l’abattement de 11 points sur le risque vieillesse – doit leur permettre de valider tous leurs trimestres d’apprentissage, dans le contexte d’un passage à 150 heures-SMIC du seuil de validation d’un trimestre. Comme l’a dit à l’instant Jean-Patrick Gille, cette mesure figurait à l’article 14 que nous avons voté, ou plutôt qui a été voté auparavant.

M. Jean-Patrick Gille. En effet, puisque vous, vous ne l’avez pas voté !

M. Denis Jacquat. Afin de compenser cette hausse de charges pour les employeurs d’apprentis, une nouvelle exonération est prévue. Le financement de la mesure est assuré par la Sécurité sociale, pour un montant de 140 millions d’euros en 2014, qui devront figurer dans le PLFSS. À ce propos, je rappelle ce que Mme la ministre nous a dit lors de la présentation du PLFSS en commission : certaines mesures figurent dans ce projet de loi sur les retraites tandis que leur financement se retrouvera dans le PLFSS. Quoi qu’il en soit, ce financement doit donc être assuré par la Sécurité sociale. Or cet organisme n’a plus d’argent. Comment, dès lors, la tuyauterie de cette usine à gaz va-t-elle se monter ?

Deuxièmement, pour les apprentis qui n’arriveraient pas, néanmoins, à valider quatre trimestres par année civile de formation, un système de validation complémentaire par le biais d’un versement d’un complément de cotisation d’assurance vieillesse va être assuré par le Fonds de solidarité vieillesse, soit un transfert annuel de 18 millions vers les régimes de base. Cependant, le FSV, lui non plus, n’a plus d’argent. Quel sera donc le montage financier ?

(L’article 17 est adopté.)

Article 18

M. le président. La parole est à M. Arnaud Robinet, inscrit sur l’article 18.

M. Arnaud Robinet. Cet article assimile les périodes de formation professionnelle des chômeurs qui ne relèvent plus du régime d’assurance chômage à des périodes d’assurance vieillesse. Il sera ainsi mis fin à la situation de certains assurés qui perdent des droits à trimestres, ou périodes assimilées, du fait de leur entrée en stage de formation professionnelle – le Défenseur des droits avait d’ailleurs lancé une alerte sur ce point.

Cette mesure qui entrera en vigueur en 2015 sera prise en charge par le Fonds de solidarité vieillesse. Une mesure complémentaire annoncée par décret figure dans l’étude d’impact, à savoir la possibilité du maintien des droits à validation de trimestres pour chômage non indemnisé, même en cas de reprise d’emploi, si l’assuré reste sur les listes de Pôle Emploi. Cette mesure devrait coûter 57 millions d’euros en 2020 et 248 millions en 2030, toujours compensés par le FSV. La question est donc la suivante : étant donné la situation du FSV, comment ce transfert de charges se fera-t-il ?

(L’article 18 est adopté.)

M. Jean-Patrick Gille. Très bon article !

Article 19

M. le président. La parole est à Mme la ministre, pour soutenir l’amendement n3062 rectifié à l’article 19.

Mme Marisol Touraine, ministre. Cet amendement a pour objet d’étendre l’assurance volontaire vieillesse aux avocats et à leurs conjoints. Il convient en effet, dans un souci d’équité, d’ouvrir aux avocats la possibilité de s’assurer volontairement à un régime de retraite.

(L’amendement n3062 rectifié, accepté par la commission, est adopté.)

(L’article 19, amendé, est adopté.)

Après l’article 19

M. le président. Je suis saisi d’une série d’amendements identiques, nos 1498 à 1512, portant article additionnel après l’article 19.

La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour soutenir l’amendement n1498.

Mme Jacqueline Fraysse. Nous proposons d’ajouter un article à la fin du chapitre III afin de créer un nouvel outil de prévention et de mesure s’agissant de l’emploi des seniors. Il faut se rappeler, en effet, qu’un salarié sur deux est hors emploi au moment de la liquidation de sa retraite. Nous avons eu l’occasion de souligner, tout au long de ce débat, toutes les questions que pose cet état de fait, y compris celle du transfert du déficit de l’assurance vieillesse vers l’UNEDIC.

Cela montre combien il est illusoire de penser que le recul de l’âge de départ en retraite – incidence automatique de l’allongement de la durée de cotisation – est la solution pour garantir notre système de retraites, comme on l’entend dire depuis le début de ce débat.

Au-delà des solutions de financement que nous préconisons et que nous avons largement développées lors de ce débat, c’est la question de l’emploi – en l’occurrence celui des seniors – qui est posée.

Nous proposons donc, comme un outil nouveau, que les entreprises, y compris les établissements publics employant au moins cinquante salariés tenus de conclure un accord ou d’établir un plan d’action relatif à l’emploi des salariés âgés, organisent, après consultation du comité d’entreprise, la publicité du taux de salariés de cinquante ans et plus licenciés pour inaptitude au travail et de son évolution. Cela va également, madame la ministre, dans le sens de votre volonté de ne plus naviguer à vue.

M. le président. La parole est à M. Patrice Carvalho, pour soutenir l’amendement n1507.

M. Patrice Carvalho. Il s’agit de faire en sorte que les entreprises, y compris les établissements publics employant au moins cinquante salariés tenus de conclure un accord ou d’établir un plan d’action relatif à l’emploi des salariés âgés, organisent, après consultation du comité d’entreprise, la publicité du taux de salariés de cinquante ans et plus licenciés pour inaptitude au travail et de son évolution.

Afin de savoir dans quelle mesure les seniors sont concernés par les licenciements pour inaptitude, nous proposons que soit mise en place et rendu public, dans chaque entreprise de plus de 50 salariés, un indicateur sur le taux de salariés de plus de 50 ans licenciés pour ce motif.

(Les amendements identiques nos 1498 et 1507, repoussés par la commission et le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)

Article 20

M. le président. Plusieurs orateurs sont inscrits sur l’article 20.

La parole est à M. Denis Jacquat.

M. Denis Jacquat. Pour bénéficier de la pension majorée de référence du régime des non-salariés agricoles, il faut avoir cotisé au moins dix-sept ans et demi à ce régime. Cet article a pour objet de supprimer cette condition.

En effet, il existe depuis le 1er janvier 2009 une pension majorée de référence. Cette PMR est soumise à la condition d’avoir cotisé pendant dix-sept ans et demi au moins. La suppression de cette condition est une demande des associations de non-salariés agricoles retraités. Leur demande est donc satisfaite par cet article.

M. le président. La parole est à M. Matthias Fekl.

M. Matthias Fekl. Nous parvenons, au moment d’examiner les articles 20 et suivants, à un moment très important de cette réforme, qui contient des avancées très concrètes pour des retraités dont on sait qu’ils ne perçoivent, à l’heure actuelle, que des pensions extrêmement faibles. Les retraités agricoles et leurs conjoints – qui sont le plus souvent des conjointes, des femmes – vivent avec quelques centaines d’euros par mois. Ce sont des hommes et des femmes qui ont travaillé toute leur vie et vivent dans des conditions extrêmement difficiles.

Avec ces articles, des avancées très importantes sont réalisées, pour la première fois depuis plus de dix ans. Cela concrétise en partie, et à retardement, certaines dispositions de la loi du 4 mars 2002 tendant à la création d’un régime de retraites complémentaire obligatoire pour les non-salariés agricoles, dite loi Peiro. Ces avancées sont dues d’abord aux combats des retraités agricoles eux-mêmes, menés par leurs associations locales et nationales. Elles sont également dues à la mobilisation des élus, en particulier autour de Germinal Peiro, retenu en ce moment par des obsèques. En 2012, pour la première fois, un groupe de travail a été constitué à l’Assemblée nationale sur ce sujet. Elles sont également dues à l’engagement personnel du Président de la République, François Hollande, sur ce dossier.

Elles se traduisent par un plan quinquennal. Cinq grandes mesures seront prises, après celles qui sont déjà entrées en vigueur cette année. D’abord, dès le 1er janvier 2014, des droits seront attribués aux conjoints et aides familiaux, au titre des années antérieures à la création du régime obligatoire. Ensuite, à partir de 2015, et de manière progressive pendant les années suivantes jusqu’à la fin du quinquennat, une pension minimale de 75 % du SMIC sera garantie pour une carrière complète. Cela concrétise enfin ce qu’avait prévu la loi Peiro dès 2002. Par ailleurs, à compter de 2014, la condition des dix-sept ans et demi de cotisation pour bénéficier de la pension majorée de référence sera supprimée. C’est l’objet du présent article. En outre, la réversion à la RCO – retraite complémentaire obligatoire – sera étendue. Enfin, le dispositif de droit combiné au régime complémentaire sera étendu.

Ce sont là des avancées très importantes pour les agriculteurs et leurs conjoints, qui les méritent bien.

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Candelier.

M. Jean-Jacques Candelier. De nombreux élus de gauche, et certains représentants actifs des retraités du monde agricole, ont attiré l’attention des gouvernements successifs sur le vieillissement en milieu rural, la dégradation de la santé mentale et physique de cette catégorie sociale par rapport aux autres, et les difficultés que rencontrent ces personnes pour accéder aux services publics de proximité. Aussi, pour ces métiers difficiles, parler de retarder l’âge de départ à la retraite est-il une nouvelle provocation au regard de la situation existante. La question de la pénibilité du travail des agriculteurs n’étant pas non plus à l’ordre du jour, le Gouvernement entend entériner les profondes inégalités du système de retraite agricole.

Faire croire qu’il serait impossible à notre société de trouver les ressources nécessaires pour financer durablement et à un bon niveau – c’est-à-dire au moins au-delà du seuil de pauvreté – les retraites agricoles relève du déni de solidarité. Pour prendre en compte l’apport fondamental de cette catégorie sociale à la richesse de notre pays, il convient de mener une politique volontaire et ambitieuse. Pour atteindre cet objectif, des solutions existent. Il convient de répondre à l’exigence d’une retraite agricole au moins égale à 85 % du SMIC pour une carrière complète, et à la nécessité de combler l’écart des pensions servies aux hommes et aux femmes. Il est également nécessaire de revaloriser rapidement les pensions les plus modestes.

Cela suppose d’abonder le fonds de financement de ce régime, pour garantir sa pérennité. Il s’agit notamment de garantir des revenus suffisants aux agriculteurs tout au long de leur carrière, par une politique publique maintenant les prix des productions agricoles à des niveaux rémunérateurs. C’est une condition sine qua non d’un bon niveau de cotisation.

Cela suppose également de mener une véritable bataille pour instaurer une cotisation nouvelle sur les revenus financiers et les institutions financières du secteur agricole et agroalimentaire. C’est une mesure de justice : certaines transnationales de la distribution ou certains géants du secteur bancaire et des assurances réalisent des milliards d’euros de bénéfice net annuel, en partie sur le dos des agriculteurs.

Cela suppose aussi de donner la priorité à l’installation agricole, pour garantir le renouvellement des actifs agricoles, à la base du maintien du régime par répartition.

M. le président. La parole est à M. Patrice Carvalho.

M. Patrice Carvalho. Améliorer les petites pensions des non salariés agricoles : voilà une promesse que des dizaines de milliers de nos aînés, souvent des femmes seules, entendent depuis longtemps dans nos campagnes françaises. Pour celles et ceux qui ont travaillé la terre toute leur vie durant, parfois sans reconnaissance, les 500 à 600 euros mensuels de pension qu’ils reçoivent constituent une injustice inacceptable dans une société plus riche que jamais, alors que leur travail a largement servi à constituer la richesse de grands groupes de l’agroalimentaire, de la fourniture de produits pour la culture et l’élevage, du secteur bancaire et des assurances.

Comme nous le savons tous, un régime de retraites spécifique aux non-salariés agricoles a été institué au sortir de la Seconde Guerre mondiale. Distinct du régime général, il a contribué à l’élargissement progressif du fossé financier entre les retraités des deux régimes. Il a contribué ainsi à installer durablement les anciens exploitants agricoles et leurs familles parmi les plus faibles niveaux de vie nationaux. Depuis sa mise en place effective par la loi du 10 juillet 1952 – date à laquelle j’étais encore dans le ventre de ma mère (Sourires) –, il a connu des réformes successives, qui visaient notamment à reconnaître aux conjoints et aides familiaux le statut d’ayants droit au sein du régime agricole, à améliorer le niveau des pensions de base et à mettre en place un régime complémentaire obligatoire.

Ces évolutions législatives ont été marquées par des avancées significatives au cours des années 1998 à 2002. Ces avancées visaient une revalorisation globale des montants des pensions de retraites issues du régime agricole, et une véritable reconnaissance des conjoints de chefs d’exploitation par la création du statut de conjoint collaborateur par la loi d’orientation agricole du 9 juillet 1999. Elles trouvent leur aboutissement dans la mise en place d’un régime de retraites complémentaire par la loi du 4 mars 2002 visant à garantir un niveau de pension égal à 75 % du SMIC pour une retraite complète. Les fameux 75 % du SMIC promis aux agriculteurs retraités ne sont donc pas une nouveauté, mais plutôt un engagement législatif préalable jamais respecté !

M. le président. La parole est à M. Christian Paul.

M. Christian Paul. Nous sommes arrivés à un moment important du débat sur le projet de loi de réforme des retraites. En effet, cet article réalise des avancées absolument nécessaires, indispensables, pour faire bénéficier d’un progrès supplémentaire une profession que le système de retraites français a souvent mal reconnue. Certes, la solidarité nationale s’exerce depuis longtemps au bénéfice du monde agricole, mais il est vrai que beaucoup de retraites restent faibles en dépit des efforts de rattrapage considérables qui ont été fournis au début des années 2000. Beaucoup de retard a été pris depuis : nous venons en quelque sorte renouer le fil et poursuivre cet effort.

Une série d’engagements très précis avaient été pris par François Hollande au début de l’année 2012. Notre collègue Germinal Peiro avait annoncé ce programme de soutien aux retraites agricoles au nom de celui qui n’était à l’époque que candidat à l’élection présidentielle. Il avait fait cette annonce dans le sud du Morvan, dans la Nièvre, dans la commune de Luzy, que Martine Carrillon-Couvreur et moi connaissons bien, tout comme le président Sirugue.

Nous étions en effet soucieux du respect de ces engagements. Ils sont tenus. Je ne les rappellerai pas en détail, car Mathias Fekl l’a fait à l’instant. Amener le niveau de pension minimal des chefs d’exploitation à la hauteur de 75 % du SMIC pour une carrière complète, c’est évidemment important. Le système complémentaire mis en place sur la proposition de Germinal Peiro permet maintenant un certain nombre d’avancées supplémentaires : l’attribution de droits aux conjoints et aux aides familiaux, la suppression de la condition de durée minimale pour bénéficier de la pension minimale, l’extension du dispositif de droit combiné au régime complémentaire, et enfin l’extension de la réversion de la retraite complémentaire obligatoire.

Encore une fois, ce sont des points très importants, dont nous vérifierons l’application concrète dans les mois qui viennent. Je crois que l’ensemble de notre groupe est très satisfait de ces avancées.

M. le président. La parole est à Mme Brigitte Allain.

Mme Brigitte Allain. Le groupe écologiste vous soumettra quatre amendements pour améliorer la situation des retraités agricoles, même si huit ont été déposés. Sur ce sujet, le projet de loi présenté par le Gouvernement est assez satisfaisant, et nous saluons l’effort qui a été réalisé pour tenir dès cette année les engagements du Président de la République.

Cet effort était urgent et indispensable. Comme vous le savez, la plupart des retraités agricoles, notamment les femmes, vivent dans une situation de pauvreté extrême. Leur pension mensuelle moyenne se situe autour de 800 euros : cela signifie qu’un grand nombre d’entre eux doivent vivre avec beaucoup moins.

Il est urgent d’étendre le dispositif proposé dans trois directions. D’abord, il convient de l’étendre à davantage de bénéficiaires. En effet, le relèvement des pensions minimales à 75 % du SMIC est garanti seulement pour les chefs d’exploitation à carrière complète, soit 238 000 personnes sur 1 500 000 agriculteurs. Ensuite, il faut rendre les cotisations plus justes : les faibles revenus paient trop ; les plus gros, pas assez.

Il faut en outre essayer de remédier à des situations discriminantes, reliquats du passé. Je pense notamment à la nécessité de prendre en compte la pénibilité du travail des non-salariés agricoles. Je pense également aux co-exploitants, qui ont vus un certain nombre de leurs points dévalorisés lors de précédentes réformes. C’est pourquoi je propose de mettre en place un fonds pour le rééquilibrage des pensions agricoles lésées lors de changements de régimes. Ce fonds serait abondé par la création d’une surtaxe adossée à la taxe sur le foncier non bâti, frappant les terres manifestement abandonnées ou en friche.

Par ailleurs, la revalorisation à 75 % du SMIC ne peut être qu’une étape vers les 85 %, dont je propose de faire un objectif pour 2018.

Enfin, je salue le choix de financer la réforme par la mise à contribution des montages sociétaires, qui sont un véritable lieu d’évasion sociale. Vous n’êtes pas sans savoir que 2,2 milliards d’euros de revenus agricoles échappent aux prélèvements sociaux via les dividendes versés aux membres de sociétés agricoles hors GAEC.

(L’article 20 est adopté.)

Après l’article 20

M. le président. La parole est à Mme Françoise Dubois, pour soutenir l’amendement n2487 portant article additionnel après l’article 20.

Mme Françoise Dubois. Madame la ministre, il s’agit d’un amendement très pratique, qui correspond parfaitement au chapitre IV de ce projet de loi, consacré à l’amélioration des petites pensions des non-salariés agricoles. Il porte sur la capacité des aides familiaux à faire valoir leurs droits au rachat de cotisations lorsqu’ils ont travaillé dans les fermes quand ils étaient jeunes. Ce type de rachat a été permis par la loi Fillon de 2003, et précisé par voie réglementaire.

Nous proposons de permettre aux aides familiaux qui sont dans l’incapacité de fournir la preuve de leur activité de produire, à l’appui d’une déclaration sur l’honneur, deux témoignages émanant de salariés, d’aides familiaux, d’apprentis ou de chefs d’exploitation ou d’entreprise agricole, en mesure de prouver avoir exercé leur activité pendant la même période que le demandeur, dans une exploitation ou une entreprise agricole située dans la même commune, dans une commune limitrophe ou dans le même canton.

Le critère géographique est actuellement très restrictif, car limité à la commune, ce qui rend le dispositif obsolète et le rendra, demain, inopérant. Avec mes collègues Jean-Louis Dumont et Annie Le Houérou, nous proposons de l’étendre aux cantons, et ce à titre expérimental et temporaire, car le vivier de témoins se tarit.

Cet amendement tend donc à préciser la loi, en reprenant le principe du dispositif existant. Il ne s’agit pas de le révolutionner, mais de le modifier, afin qu’il ait encore un sens. Pour ce faire, nous vous proposons un amendement de bon sens, pour le respect des droits des aides familiaux agricoles.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Issindou, rapporteur. Favorable. La commission a estimé que la limite de la commune était trop restrictive et qu’il fallait aller au-delà, en l’étendant au canton ou aux communes limitrophes.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Madame la députée, vous soulevez une vraie difficulté. Aujourd’hui, pour démontrer la réalité d’une période d’exercice passée en tant qu’aide familial agricole et avoir le droit de racheter les trimestres correspondant, il faut prouver que l’on a effectivement travaillé sur une exploitation agricole. Pour cela, on fait appel à des témoins qui, au regard de la législation actuelle, doivent avoir exercé sur la même commune.

Vous proposez d’étendre aux cantons l’espace géographique sur lequel pourraient se situer ces témoins. La réalité cantonale nous paraît très vaste et surtout très diverse : il y a des cantons de petite taille, ce qui garantit une certaine cohérence, mais il y en a aussi d’extrêmement vastes.

Je vous demanderai donc de retirer votre amendement, en vous indiquant que le Gouvernement a la volonté de publier un décret étendant aux communes limitrophes de la commune concernée le lieu de résidence sur lequel doivent se situer les témoins dont les témoignages sont recueillis. J’en prends l’engagement.

M. le président. La parole est à M. Denis Jacquat.

M. Denis Jacquat. Nous avons évoqué ce sujet en commission : je rappellerai qu’à l’occasion de l’élaboration de la loi Fillon de 2003 on avait constaté un certain nombre de dérives concernant les témoignages.

Je suis entièrement d’accord pour adapter le droit en vigueur, puisque le nombre de personnes concernées – cela a été dit – est en voie de diminution. Mais il faut faire très attention, car il y a eu – on le sait fort bien – des faux témoignages en quantité, qui ont fait que le système n’a pas marché.

Mme la ministre vient d’annoncer qu’un décret sera publié : je l’accepte, car il permettra de résoudre le problème, mais attention à ne pas retomber dans un nouveau système de dérives !

M. le président. La parole est à Mme Françoise Dubois.

Mme Françoise Dubois. Madame la ministre, je vous fais confiance, puisque vous avez annoncé un décret sur ce sujet. Effectivement, il y a eu quelques faux témoignages, mais par défaut : parce que les personnes concernées n’arrivaient pas à trouver de témoins. Certes, on peut toujours soupçonner tout le monde, mais je pense que les choses peuvent être encadrées convenablement.

Avant de retirer mon amendement, j’aimerais simplement demander à Mme la ministre dans quel délai elle compte publier ce décret : avant l’examen du projet de loi au Sénat ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marisol Touraine, ministre. Avant le passage devant le Sénat ? C’est dans quinze jours, madame la députée ! Je veux bien faire des miracles, mais écrire et publier un décret avant que ce texte n’arrive au Sénat, c’est-à-dire dans quinze jours, cela me paraît hors de portée. Je ne vous ferai donc pas de fausses promesses, mais fixer comme perspective la fin de l’année me paraît raisonnable.

(L’amendement n2487 est retiré.)

Article 21

M. le président. Plusieurs orateurs sont inscrits sur l’article 21.

La parole est à M. Denis Jacquat.

M. Denis Jacquat. À plusieurs reprises, le nom de Germinal Peiro a été cité dans les interventions sur l’article 20. Il faut reconnaître que c’est lui qui a été le catalyseur des évolutions en matière de retraites agricoles, après que différents ministres – Philippe Vasseur, Michel Barnier et d’autres – ont travaillé auprès des organisations concernées. C’est bien lui qui a rassemblé un groupe de travail à l’Assemblée nationale et qui est à l’origine de la loi présentée en 2002. Si je me souviens bien, et sauf erreur de ma part, cette loi a été votée à l’unanimité à l’Assemblée nationale, ce qui est un événement extrêmement rare. Cela signifiait qu’il y avait un problème concernant les retraites agricoles et les petites pensions des non-salariés agricoles. Ne l’oublions pas : il y a plusieurs dizaines d’années, ils avaient des systèmes de prévoyance, mais aucun régime propre.

Cet article 21 améliore les droits des salariés agricoles par des points gratuits attribués aux conjoints collaborateurs et aux aides familiaux au titre des années antérieures à leur affiliation au RCO en 2011, comme cela avait été fait au bénéfice des chefs d’exploitation. On note que la réversion de ce régime complémentaire obligatoire pourra bénéficier au conjoint survivant d’un assuré décédé en activité. Aujourd’hui, la réversion ne bénéficie au conjoint survivant que dans le cas où l’assuré a liquidé ses droits avant de décéder.

Enfin, le dispositif des droits combinés, qui permet au conjoint collaborateur de cumuler les droits à la retraite du défunt aux siens pour la retraite de base, est étendu à la retraite complémentaire.

Cet ensemble de mesures correspond à des promesses qui avaient été faites : on avait dit aux associations concernées que la situation serait améliorée progressivement. Notre promesse est tenue.

M. le président. La parole est à Mme Annie Le Houérou.

Mme Annie Le Houerou. Les articles 20, 21 et 22 servent l’objectif de justice du projet de loi. Les retraites agricoles sont en moyenne inférieures de 40 % à celles des indépendants, hors régime agricole. C’est un nouvel engagement du Président de la République qui est tenu. Nous en sommes très fiers.

L’article 21 permet d’attribuer aux conjoints collaborateurs et aux aides familiaux des points gratuits au titre des années antérieures à l’affiliation de ces personnes dans le régime de retraite complémentaire obligatoire des non-salariés. C’est une mesure de justice pour les nombreuses femmes agricultrices, qui ont travaillé à la ferme, alors que leur statut de collaboratrice n’était pas reconnu.

De même, il s’agit de reconnaître le rôle des aides familiaux qui ont consacré leurs jeunes années au service de notre agriculture, sans rémunération ni contrepartie. Ces femmes se sont battues ardemment pour acquérir un statut dans un monde d’homme, un environnement très machiste, où les femmes n’avaient pas leur place. Elles n’existaient que dans l’ombre ; elles étaient pourtant au travail à la ferme, occupées à des tâches pénibles. C’est une juste reconnaissance de leur engagement et de leur travail quotidien.

Par ailleurs, la réversion du régime de retraite complémentaire obligatoire est étendue au conjoint d’un assuré décédé en activité. En effet, les conjoints survivants des chefs d’exploitation décédés avant d’avoir procédé à la liquidation de leurs droits à pension ne pouvaient pas bénéficier d’une réversion des droits à RCO attribués à titre gratuit, alors que les conjoints des chefs d’exploitation décédés après la liquidation pouvaient en bénéficier.

Il s’agit donc de rétablir une équité de traitement pour les femmes de chefs d’exploitation – elles principalement, mais pas seulement –, qui ont contribué à l’activité de l’exploitation agricole : 72 % des bénéficiaires sont des femmes, 62 % ont plus de soixante-quinze ans. Cette mesure permet d’accroître en moyenne de 6 % les retraites des femmes non-salariées, dont les niveaux de pension sont les plus faibles.

M. le président. La parole est à M. Matthias Fekl.

M. Matthias Fekl. Je ne sais pas comment la loi Peiro de 2002 avait été votée…

M. Denis Jacquat. À l’unanimité !

M. Matthias Fekl. Je ne mets pas du tout en doute ce qui a été dit. Je sais aussi qu’il y a eu une proposition de loi Peiro sous la précédente législature, mais je crois que, malheureusement, l’unanimité n’avait pas été atteinte : certains collègues de la majorité d’alors avaient voté pour cette proposition de loi, mais pas tous. Je le regrette car c’est un sujet fondamental, qui mérite un travail de fond, sérieux, pour améliorer des situations qui sont souvent extrêmement compliquées.

Avec l’article 21, nous en arrivons aux mesures relatives au régime complémentaire obligatoire des non-salariés agricoles. Cela concerne principalement les droits à pension des conjoints, souvent des femmes – il en a été question précédemment.

Trois mesures concrètes : l’attribution de points gratuits au titre de la RCO pour les périodes d’activité accomplies avant l’obligation d’affiliation ; l’attribution d’une réversion des points de RCO aux chefs d’exploitation agricoles lorsqu’ils sont décédés à compter du 1er janvier 2003 sans avoir procédé à la liquidation de leurs droits à pensions ; enfin, la possibilité pour les conjoints survivants de bénéficier de points de RCO de l’assuré décédé dans le cadre du dispositif des droits combinés.

Cet article permet donc des avancées significatives, concrètes, traduisant une volonté forte de tous les députés qui voteront ces dispositions et qui, après leur entrée en vigueur, resteront très attentifs à la situation des retraités agricoles et de leur conjoint. Regardons dans les mois et les années qui viennent comment continuer à améliorer cette situation !

M. le président. La parole est à M. Patrice Carvalho.

M. Patrice Carvalho. Le régime des non-salariés agricoles, en fort déséquilibre démographique, comptait en 2011 près de 520 000 cotisants pour 1,68 million de bénéficiaires et accusait un déficit de 1,3 milliard d’euros. C’est aussi le résultat de la saignée agricole que connaît notre pays, avec un modèle qui privilégie la concentration des exploitations plutôt que le maintien des actifs et des productions sur les territoires. Nous aurons l’occasion d’y revenir dans les mois qui viennent dans le cadre des débats sur les arbitrages de la PAC.

Dès lors, la question des ressources n’est-elle pas prioritaire, alors que les financements complémentaires de ce régime proviennent d’autres régimes de Sécurité sociale et de taxes et impôts spécifiques ? Pour financer le régime par répartition des agriculteurs, comme pour les salariés du régime général, des solutions existent. Elles ne sont pas abordées, encore moins esquissés dans ce texte, alors que nous connaissons la réalité financière du régime géré désormais par la MSA.

Nous sommes prêts à en débattre avec tous les acteurs de l’agriculture. N’est-il pas temps de mettre à contribution les revenus financiers et les bénéfices des grandes sociétés de l’agroalimentaire, de l’agrofourniture, de la grande distribution, et des banques et compagnies d’assurances directement liées au monde agricole, tout en favorisant une réelle politique de maintien des actifs en agriculture ? Leurs attentes, comme leurs souffrances, méritent plus que le repli stratégique du Gouvernement derrière la ligne Maginot de l’action présidentielle.

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. M. Chassaigne étant empêché, il m’a confié le soin de dire ce qu’il vous destinait. Il n’y a pas beaucoup de retraités agricoles dans ma circonscription, mais je suis une petite fille de paysan corrézien, donc je parle de choses que je connais.

Le bilan de ces dix dernières années en matière de justice sociale se révèle amer pour les retraités agricoles, en particulier pour les plus pauvres d’entre eux. Les chiffres divergent sur le montant moyen des pensions qu’ils perçoivent, régime complémentaire compris. Il se situerait autour de 800 euros pour les hommes, mais de 550 euros pour les femmes ! Nous parlons bien entendu des retraités avec une carrière complète ! L’écrasante majorité des 1 600 000 retraités actuels de ce régime ont des revenus les mettant dans une situation d’extrême pauvreté, bien en deçà des 964 euros par mois correspondant au seuil de pauvreté selon la définition européenne, et bien loin des 803 euros de ce même seuil si l’on prend pour base 50 % du revenu médian comme le fait notre pays.

Même le rapport annuel de la Cour des comptes sur la Sécurité sociale, que l’on ne peut soupçonner d’enjoliver les choses, précise que « la pension médiane des exploitants agricoles, 900 euros (y compris avec la retraite complémentaire), est très largement inférieure à la pension médiane de l’ensemble des retraités qui s’élève à 1 500 euros ». Pis, elle précise que 10 % des agriculteurs à la retraite disposent d’« une pension globale de retraite inférieure à 600 euros par mois », et ce malgré une carrière complète.

À cela s’ajoutent les insupportables inégalités de traitement entre les femmes et les hommes, dues à l’application tardive de mesures en faveur de la reconnaissance des conjoints et aides familiaux, et qui placent la majorité des femmes d’exploitants ayant soldé leur retraite dans des situations très préoccupantes. Je ne sais quels mots utiliser pour que chacun mesure, ici, la détresse de ces personnes et l’urgence qu’il y a à modifier la situation actuelle.

M. le président. La parole est à Mme la ministre, pour soutenir l’amendement n3057.

Mme Marisol Touraine, ministre. Si vous le permettez, monsieur le président, je défendrai également l’amendement suivant.

M. le président. Vous avez donc la parole, madame la ministre, pour soutenir les amendements nos 3057 et 3088.

Mme Marisol Touraine, ministre. Ce sont deux amendements de cohérence, justifiés par les modifications rédactionnelles intervenues en commission.

(L’amendement n3057, accepté par la commission, est adopté.)

(L’amendement n3088, accepté par la commission, est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Gilles Lurton, pour soutenir l’amendement n1702.

M. Gilles Lurton. L’alinéa 11 de l’article 21 dispose entre autres que : « En cas de décès d’une personne non salariée agricole, son conjoint survivant a droit à une pension de réversion du régime complémentaire s’il est âgé d’au moins cinquante-cinq ans et si le mariage a duré au moins deux ans. »

J’aurais pu proposer de lui ajouter la phrase suivante : « Le Gouvernement remet au Parlement un rapport dès la promulgation de la loi garantissant l’avenir et la justice du système de retraites afin d’examiner la possibilité d’augmenter la pension de réversion à hauteur de 74 % de la pension de retraite complémentaire dont bénéficiait ou aurait bénéficié l’assuré à la date de son décès. » Las, la commission des finances m’aurait répondu que mon amendement n’était pas gagé ! Pour éviter cette irrecevabilité au titre de l’article 40 de la Constitution, j’ai donc déposé un amendement proposant que le Gouvernement remette au Parlement un rapport afin de pouvoir augmenter cette pension de réversion à hauteur de 74 %.

Aux termes du rapport sur la pauvreté en France de décembre 2012, environ 45 % des personnes âgées de soixante-quinze ans ou plus vivent seules et près de 80 % d’entre elles, madame la présidente de la délégation aux droits des femmes, sont des femmes. Leur taux de pauvreté est en hausse.

Mme Catherine Coutelle, présidente de la délégation aux droits des femmes. C’est vrai !

M. Gilles Lurton. Comme elles n’ont souvent que peu de droits propres, il y a lieu d’augmenter leurs droits au titre de la réversion.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Issindou, rapporteur. La commission est défavorable à cet amendement. Vous soulevez un vrai problème, monsieur le député. Toutefois, les rapports représentant toujours un travail considérable, je vous renvoie à l’article 13 bis qui prévoit qu’un rapport sera rendu sur l’ensemble des pensions de réversion, y compris, bien entendu, celles visées par votre amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Défavorable pour les mêmes raisons.

(L’amendement n1702 n’est pas adopté.)

(L’article 21, amendé, est adopté.)

Article 22

M. le président. Plusieurs orateurs sont inscrits sur l’article 22.

La parole est à Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. Le chapitre de ce projet de loi consacré aux retraites agricoles comporte bien des avancées, notamment l’extension du bénéfice de la retraite complémentaire obligatoire des non-salariés agricoles et de sa réversion – article 21 – et la création d’un complément différentiel de retraite complémentaire – article 22 – visant à atteindre 75 % du SMIC à l’horizon 2015 pour une carrière complète. Il ne permet cependant pas, en l’état, de répondre aux besoins urgents des personnes aux plus faibles pensions et les plus en souffrance.

Le Gouvernement justifie sa proposition en arguant que les chefs d’exploitation auraient, en 2017, une retraite de 830 euros par mois, plus élevée que le seuil de pauvreté français, estimé à 803 euros par mois, mais ce montant reste largement inférieur au seuil européen, fixé à 60 % du revenu médian, soit 964 euros en 2010.

Madame la ministre, l’honnêteté veut donc qu’il soit reconnu que vous proposez aux agriculteurs, qui travailleront plus longtemps, de se contenter, pour une carrière complète, d’une pension de retraite toujours inférieure au seuil de pauvreté. L’exigence portée par les députés du Front de gauche, sous la forme de plusieurs amendements, d’une retraite au moins égale à 85 % du SMIC ou à 1 000 euros pour toutes et tous n’était qu’une simple mesure de justice, permettant, elle, d’aller au-delà de ces seuils de pauvreté.

Elle reprenait d’ailleurs la demande essentielle formulée notamment par les retraités membres de l’Association nationale des retraités agricoles de France. Je fais le constat bien amer du rejet de ces amendements déclarés irrecevables au titre de l’article 40, alors même que les seuils progressifs permettant d’atteindre 75 % du SMIC en 2015 figurent à l’article 22. S’agit-il finalement de ne pas débattre d’autre chose que des engagements de campagne de François Hollande, au risque de décevoir quant à la réalité concrète de cet engagement ?

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Costes.

M. Jean-Louis Costes. Ce sujet extrêmement important me tient à cœur. Je compléterai donc les propos de Mme Fraysse. Le seuil de pauvreté se situe à 964 euros par mois. Un agriculteur qui part à la retraite et qui a travaillé toute sa vie – et je prends le niveau moyen d’une pension hommes et femmes confondus – perçoit seulement 680 euros. Le taux de 75 % prévu dans cet article est, bien évidemment, largement inférieur à ce seuil. Il conviendrait donc de le porter à 85 %.

Ce n’est absolument pas satisfaisant, contrairement à ce que j’ai pu entendre dans la bouche de certains de nos collègues. C’est d’autant plus inacceptable quand on sait que la retraite des salariés du privé est calculée sur les vingt-cinq meilleures années, celle des fonctionnaires sur les six derniers mois, alors que celle des agriculteurs est calculée sur l’intégralité de leur activité alors que celle-ci est soumise, on le sait, à de nombreux aléas.

En dépit de ces efforts de façade dont les Français ne sont pas dupes, nous sommes encore bien loin de l’égalité dont vous parlez. Les engagements pris par le Président de la République ne sont pas respectés, car il s’était engagé à financer cette mesure en faisant appel à la solidarité nationale. Or tel n’est absolument pas le cas, puisque l’intégralité des dispositions prévoyant le passage à 75 % aura des répercussions sur les actifs agricoles d’aujourd’hui.

Cette réforme est donc totalement incomplète. Vous annoncez une grande réforme, mais elle laisse de côté un pan entier de nos retraités. J’espère que nous parviendrons rapidement à ce taux de 85 %, car ce seuil de pauvreté est inacceptable.

M. Michel Issindou, rapporteur. Il fallait le faire vous-mêmes !

M. le président. La parole est à Mme Annie Le Houerou.

Mme Annie Le Houerou. Il est vrai que les petites pensions restent toujours insuffisantes. Je note, pour autant, un très net progrès. L’article 22 propose de mettre en œuvre effectivement la garantie de 75 % du SMIC. Cette disposition existe depuis la loi de 2002. La retraite complémentaire obligatoire a expressément pour objectif de permettre d’attribuer une pension de retraite agricole minimale équivalente à 75 % du SMIC net à tous les chefs d’exploitation ou d’entreprise agricole. Or, dans la mesure où le SMIC augmente plus rapidement que les pensions de retraite, cet objectif n’a jamais pu être atteint.

Ainsi, grâce à cette mesure, 238 000 individus seront concernés par cette mesure en 2015. C’est, je le crois, une belle mesure attendue par les agricultrices et les agriculteurs qui verront leur retraite améliorée.

M. le président. La parole est à M. Matthias Fekl.

M. Matthias Fekl. Notre collègue Christian Paul a cité tout à l’heure les engagements du Président de la République et a fait référence au Morvan. Vous me permettrez de faire référence à un autre président, Lot-et-Garonnais celui-là, le président Fallières qui, en 1904, en déplacement à Meilhan pour assister au concours de la race garonnaise, déclarait que la France avait des devoirs à accomplir surtout envers les vieux ouvriers et les vieux agriculteurs. C’est cet état d’esprit qui doit guider les législateurs que nous sommes et qui, je le crois, guide aussi le Gouvernement.

Il ne s’agit pas seulement de faire des déclarations après avoir été dans l’inaction pendant dix ans, comme cela a été le cas. Il ne suffit pas de dire « il faut, il faut » : il convient de proposer des dispositifs concrets. Je constate pour ma part que, dans le contre-budget présenté par l’UMP, il n’est pas même fait mention des retraites agricoles. Ces femmes et ces hommes méritent mieux que de simples slogans. Ils méritent – et Germinal Peiro a été d’ailleurs salué sur ce point – un travail approfondi et concret.

C’est le cas de cet article 22, lequel permet d’attribuer une pension de retraite agricole minimale équivalente à 75 % du SMIC pour une carrière complète, objectif de la loi Peiro de 2002 – après laquelle rien n’a été fait durant plus de dix ans, nous amenant à la situation d’aujourd’hui.

Tout le monde convient que l’attribution de 75 % du SMIC ne règle pas tout : la réforme laisse encore les agriculteurs retraités et leurs conjoints dans des situations extrêmement compliquées, comme on le constate sur le terrain. Il n’en demeure pas moins que ce sont des avancées importantes, chiffrées et budgétées dans un contexte extrêmement difficile. Les agriculteurs méritent ce respect. Ce que l’on soutient dans l’opposition doit être sérieusement chiffré pour être réalisé une fois au pouvoir.

M. le président. La parole est à M. Patrice Carvalho.

M. Patrice Carvalho. Nous le constatons malheureusement, le constat de fond de l’insuffisance des pensions versées aux agriculteurs se double aussi d’une curieuse omission. Alors que ce projet de loi, comme les précédents, prétend « garantir l’avenir et la justice des systèmes de retraite », voilà que, pour le volet agricole, on omet sciemment d’envisager de nouvelles ressources.

Le régime des exploitants agricoles est pourtant structurellement déficitaire. En effet, les cotisations du régime agricole ne couvrent que 20 % des dépenses engendrées par l’ensemble des prestations, et seulement 13 % des prestations de la branche vieillesse compte tenu de la structure démographique de la population agricole – près de 25 % d’exploitants perdus en dix ans – et du niveau de leurs revenus. Les retraites agricoles sont peu élevées parce que le revenu des agriculteurs ne l’est en général guère lui-même.

Le faible montant des pensions est directement lié à la faiblesse des revenus agricoles : 70 % des agriculteurs ont un revenu inférieur au SMIC, et le calcul pour les agriculteurs ne se fait pas sur les vingt-cinq meilleures années comme dans le régime général, mais sur toute la carrière.

Donc, les bonnes comme les mauvaises années entrent dans le calcul. S’ajoutent, enfin, le problème des carrières incomplètes ou en pointillé et celui des cotisations au titre des différents régimes, ce qui est très fréquent dans la profession, notamment pour les conjoints, avec des règles de décote particulièrement pénalisantes. À revenus bas, retraites faibles, en tout cas pour la part proportionnelle.

M. le président. La parole est à M. Gilles Lurton.

M. Gilles Lurton. Cet article vise à mettre en œuvre la garantie de 75 % du SMIC pour les exploitants agricoles, ce que je considère déjà comme une réelle avancée et une mesure de justice. Toutefois, porter le minimum retraite à taux plein des agriculteurs à 75 % du SMIC net est une mesure qui, si elle va dans le bon sens, reste très insuffisante. En effet, une telle retraite ne représente que 840 euros mensuels, alors que le seuil de pauvreté s’élève à 803 euros, comme l’a précédemment souligné Mme Fraysse.

Il existe donc une discrimination flagrante puisque les retraites des agriculteurs sont égales à 43 % du montant des retraites de l’ensemble des régimes et le minimum garanti par la loi de 2002 s’élève à 85 % du SMIC net pour les salariés, dont les salariés agricoles. Dans un souci de lutte contre les disparités et de justice sociale, le minimum garanti pour les agriculteurs ne doit pas être inférieur à 85 % du SMIC net.

Pour des gens qui ont travaillé durement toute leur vie, cette mesure doit améliorer leurs conditions de vie, ce qui me paraît plus que légitime.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Pascal Terrasse, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. C’est un sujet à la fois simple et compliqué. D’un point de vue politique, c’est simple. Il y a ceux qui, depuis de nombreuses années, ont fait des promesses au monde agricole et ne les ont jamais tenues. Le Président François Hollande s’est engagé à relever le montant des pensions à hauteur de 75 % du SMIC. L’engagement est tenu dans ce texte, qui doit d’ailleurs être accompagné par les dispositifs pris en 1997, notamment la mise en place d’une retraite complémentaire. C’est un paquet agricole au profit des agriculteurs. Nous avons tracé un horizon, et il se concrétise dans ce texte.

Néanmoins, le régime agricole géré par la Mutualité sociale agricole est en fort déséquilibre financier. Le montant global des dépenses est d’environ 10 milliards d’euros, celui des cotisations des agriculteurs en activité étant d’environ 1,5 milliard. Il y a donc un grand déséquilibre financier, dû d’ailleurs à un déséquilibre démographique, comme c’est le cas dans un certain nombre de régimes spéciaux, notamment celui des mines.

Ce à quoi s’engagent donc la représentation nationale et plus encore le Gouvernement, c’est la solidarité. Nous sommes solidaires du monde agricole. J’entends certains dire que ce n’est pas suffisant. Mais gardons-nous oui ou non le cap ? Plusieurs d’entre nous ont eu raison d’insister sur le fait que des hommes et des femmes travaillent dur, que c’est difficile, et c’est un engagement que nous prenons dans cet article. Je sais que le président de notre séance, Christophe Sirugue aurait souhaité intervenir dans le débat mais il ne peut pas en raison de ses fonctions. Il est très attentif, comme moi, au monde agricole.

M. le président. La parole est à M. Jean-Philippe Nilor.

M. Jean-Philippe Nilor. Tout au long de nos débats sur l’article 22, chacun aura pu mesurer les difficultés inhérentes à la profession d’agriculteur, une frange de cette population étant beaucoup plus vulnérable, les retraités, et encore davantage des agricultrices et des femmes d’agriculteurs.

Ce constat est valable sur tout le territoire français, mais je suis désolé de constater qu’en matière de souffrance et de détresse, la palme revient aux retraités agricoles de Martinique et de Guadeloupe puisqu’ils ne bénéficient pas de retraites complémentaires et que ce sont les seuls dans ce cas.

Madame la ministre, j’ai déjà eu l’occasion de vous poser une question orale à ce sujet, mais je profite de votre présence pour vous demander ce que le Gouvernement entend faire pour remédier à cette discrimination. Après une longue période sans accord, les organisations syndicales de salariés et d’employeurs sont enfin parvenues à en conclure un, mais il faut une intervention concrète de l’État pour que l’on parvienne par paliers à une situation un peu plus décente. Je vous remercie de bien vouloir me répondre à l’occasion de ce débat.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marisol Touraine, ministre. Avec l’article 22, nous allons terminer l’examen des articles permettant d’améliorer très significativement la situation des retraités agricoles. Je ne ferai pas allusion à des personnalités célèbres, à d’anciens présidents, comme Matthias Fekl, dont je veux à cette occasion souligner l’engagement sur cette question, l’investissement pour que les retraités agricoles soient mieux considérés et mieux pris en compte.

Je trouve d’ailleurs assez étonnant, mesdames, messieurs de l’opposition, que vous critiquiez les textes du Gouvernement au motif que nous n’irions pas assez loin alors que, depuis dix ans, rien n’a été fait, aucune avancée n’a été réalisée.

M. Jean-Louis Costes et M. Gilles Lurton. Nous n’étions pas là !

Mme Marisol Touraine, ministre. Vous ne pouvez pas faire une telle réponse. Cela veut dire que la majorité à laquelle vous apparteniez n’a pas travaillé. Nous ne sommes pas là individuellement, nous appartenons aussi à une majorité.

Je ne comprends donc pas très bien comment vous pouvez dire, par exemple, qu’il faudrait porter la retraite minimale à 85 % du SMIC alors que cela fait dix ans que vous auriez dû travailler pour la porter à 75 %. Il a fallu que nous arrivions pour reprendre le fil des engagements que nous avions pris en 2002, que vous n’avez pas tenus, que vous n’avez même pas cherché à tenir et que nous tenons maintenant à l’occasion de ce texte de loi.

M. Matthias Fekl. Absolument !

Mme Marisol Touraine, ministre. Vous pouvez donc nous expliquer que c’est insuffisant, qu’il faut aller au-delà, que nous ne respectons pas nos engagements, mais votre bilan est extrêmement clair. Vous prétendez être les défenseurs du monde agricole, mais il a vu ce que cela signifiait. Les petits retraités agricoles, en tout cas, les femmes en particulier, ont souffert du fait que vous n’ayez pas respecté vos engagements.

Je salue donc la majorité qui s’est engagée fortement, qui, dans le prolongement de la loi de Germinal Peiro, que je salue, de 2002, et des engagements du Président de la République à l’occasion de l’élection présidentielle, nous permet d’aboutir à un ensemble de mesures cohérentes, fortes, pour augmenter de manière très significative le niveau des retraites agricoles, qui sont en moyenne inférieures de 40 % à celles du régime général, et revaloriser nettement, en particulier, la retraite des femmes, dont la majorité avait travaillé sur l’exploitation de leur conjoint.

Je ne reviens pas sur l’ensemble des mesures prises à l’occasion de ce texte, je mentionne simplement pour mémoire les plus importantes. Il y a la garantie de 75 % du SMIC pour une carrière complète du chef d’exploitation. Cela faisait dix ans que les chefs d’exploitation l’attendaient, ce sera inscrit dans la loi. Il y a l’amélioration de la retraite des femmes par l’octroi de points gratuits de retraite complémentaire ou par l’amélioration de la pension de réversion en particulier.

Concrètement, il y aura 250 000 bénéficiaires du complément différentiel de la retraite à 75 %, dont le gain moyen sera de 600 euros par an, ce qui est tout de même une avancée de pouvoir d’achat significative. Pour les droits gratuits des conjoints, ce sont 550 000 personnes qui verront concrètement la différence, avec un gain moyen de 300 euros par an.

Vous le voyez, mesdames, messieurs, c’est un texte de progrès, qui permet d’acter des avancées significatives pour le monde agricole, les chefs d’exploitation et les conjoints d’exploitation. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n2946.

M. Michel Issindou, rapporteur. C’est un amendement rédactionnel.

(L’amendement n2946, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Gilles Lurton, pour soutenir l’amendement n1718.

M. Gilles Lurton. Je propose d’ajouter après l’alinéa 9 la phrase suivante : « Le Gouvernement remet au Parlement un rapport dès la promulgation de la présente loi pour examiner la possibilité de porter le minimum de retraite des agriculteurs ayant une carrière complète à 85 % du salaire minimum interprofessionnel de croissance et au 1er janvier 2018. » Encore un rapport, me dira sûrement M. le rapporteur, mais l’article 40 nous oblige malheureusement à formuler ainsi nos amendements pour éviter qu’ils ne soient déclarés irrecevables avant la séance sous prétexte qu’ils ne sont pas gagés.

Tant mieux, madame la ministre, si vous réglez le problème maintenant. Je me sens tout à fait à l’aise. J’étais conseiller général, adjoint au maire auparavant, je me suis toujours battu dans mes interventions pour l’augmentation des retraites agricoles. Je travaillais aussi pour un homme qui a siégé vingt-cinq ans dans cet hémicycle. Il s’appelle René Couanau et c’est pour moi l’occasion de lui rendre hommage. Croyez-moi, il savait dire ce qu’il pensait et prendre son indépendance quand c’était nécessaire. Beaucoup ici pourraient en témoigner.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Issindou, rapporteur. Vous avez voulu contourner l’article 40 en proposant un rapport, monsieur Lurton. Effectivement, cela fait de nombreux rapports. Nous verrons à l’article 31 que la caisse centrale de la mutualité agricole va désormais devenir une force de proposition sur l’évolution des retraites agricoles. Laissons-la travailler. Peut-être proposera-t-elle comme objectif d’arriver à 85 % du SMIC. La commission est défavorable à votre amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Costes.

M. Jean-Louis Costes. Je ne comprends pas votre colère, madame la ministre. Peu importe. Il y a eu des gouvernements de gauche, des gouvernements de droite, les uns et les autres n’ont pas beaucoup fait avancer la cause des retraites agricoles.

M. Matthias Fekl. Certains quand même plus que d’autres !

M. Jean-Louis Costes. Aujourd’hui, on nous annonce une grande réforme. Je n’ai jamais dit que 75 %, ce n’était pas une avancée, mais elle n’est pas suffisante, d’autant qu’elle est financée non par la solidarité nationale mais par les actifs agricoles. Nous aurions pu à cette occasion essayer de mettre en place, peut-être sur un certain nombre d’années, les conditions nécessaires pour aller vers ce seuil de 85 % qui me semble tout de même normal.

Je suis désolé, je n’étais pas député avant, je n’ai pas pu défendre ce dossier.

M. Denis Jacquat. Très bien.

M. le président. La parole est à M. Matthias Fekl.

M. Matthias Fekl. Il ne s’agit évidemment pas de polémiquer avec un collègue en particulier mais une opposition est d’autant plus crédible qu’elle a fait preuve par le passé de sa capacité à améliorer une situation concrète. Force est de constater que, depuis la loi Peiro de 2002, il ne s’est rien passé, et c’est précisément la raison pour laquelle nous sommes engagés dans un mouvement de rattrapage.

Je suis d’accord pour dire que ce doit être un sujet d’intérêt général, sur lequel tout le monde travaille, parce que, derrière, il y a des hommes, des femmes dont la situation est extrêmement compliquée, nous le voyons tous dans nos départements et nos circonscriptions. Mais le rôle d’un responsable public, c’est de proposer des projets et non de dire qu’il faut atteindre tel seuil.

Encore une fois, les amendements qui ont été déposés, c’est M. Gilles Carrez, président UMP de la commission des finances qui les a retoqués faute de financement et, dans les contre-projets formulés par l’UMP et qui sont sur la place publique, il n’en est pas fait mention.

Cela s’inscrit, il est vrai, dans une forme de continuité puisque, sur les deux candidats qualifiés pour le second tour de l’élection présidentielle, seul François Hollande avait jugé utile de répondre aux associations de retraités agricoles avec des engagements. Les engagements, ils sont sur la table, ils sont aujourd’hui tenus par cette loi que nous votons, et c’est très important.

Les parlementaires qui travaillent sérieusement sur ce dossier ne vont pas baisser la garde. Ils vont regarder si tout s’applique vraiment, si tout devient réalité et, ensuite, ils continueront à travailler pour que la situation des retraités agricoles de leurs conjoints s’améliore, mais de manière sérieuse.

La politique, ce ne sont pas des mots, ce sont des actes.

(L’amendement n1718 n’est pas adopté.)

(L’article 22, amendé, est adopté.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures quarante-cinq, est reprise à dix-neuf heures.)

M. le président. La séance est reprise.

Après l’article 22

M. le président. Je suis saisi de plusieurs amendements tendant à insérer un article additionnel après l’article 22.

La parole est à Mme Brigitte Allain, pour soutenir l’amendement n2949.

Mme Brigitte Allain. Ce premier amendement que nous présentons sur les retraites des agriculteurs concerne l’assurance vieillesse agricole et vise à rendre plus juste le niveau des cotisations. Alors que le système actuel est prévu par paliers, nous proposons qu’il devienne proportionnel aux revenus. Initialement, la méthode actuelle visait à faire jouer la solidarité entre les agriculteurs ; elle est devenue une source d’évasion fiscale, les agriculteurs ayant tendance à sous-déclarer une partie de leurs revenus pour ne cotiser qu’au niveau du début du palier. Finalement, ce sont ceux qui ont des revenus juste au-dessus du palier qui contribuent le plus aux retraites en fonction de leurs revenus. Il est donc nécessaire de s’adapter aux pratiques et de réviser dans le sens d’une cotisation proportionnelle cette disposition désormais contre-productive pour les finances publiques.

Mme Véronique Massonneau. Très bien !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Issindou, rapporteur. Malgré l’approbation de Mme Massonneau, l’avis de la commission reste défavorable.

Mme Catherine Coutelle, présidente de la délégation aux droits des femmes. Très défavorable !

M. Michel Issindou, rapporteur. Le financement des mesures de justice dans le domaine agricole est assuré par l’article 9 du PLFSS à venir, auquel je vous renvoie.

(L’amendement n2949, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Brigitte Allain, pour soutenir l’amendement n2950.

Mme Brigitte Allain. Dans la même ligne que le précédent, cet amendement propose de supprimer le plafond de cotisation maximale pour l’assurance vieillesse individuelle et agricole. Aujourd’hui, un assuré social avec un revenu annuel de 50 000 euros ne cotise que sur une assiette de 37 032 euros. La proposition vise donc à rétablir la justice sociale en mettant fin au phénomène de sous-cotisation pour les hauts revenus. Dans le contexte budgétaire actuel, cette proposition a également pour conséquence de dégager des fonds au compte de recettes de la Mutualité sociale agricole.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Issindou, rapporteur. Défavorable, avec le même argument que précédemment – un renvoi au PLFSS – et un second argument : en vertu de l’article 31 du projet de loi, la caisse centrale de la Mutualité sociale agricole formulera des propositions d’évolution des paramètres du régime agricole. Il faut la laisser faire des propositions : c’est son rôle et nous renforçons sa capacité à cet égard.

(L’amendement n2950, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Nous en venons aux amendements identiques nos 984 à 998, sur lesquels je suis saisi par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Jean-Philippe Nilor, pour soutenir l’amendement n987.

M. Jean-Philippe Nilor. Il s’agit de demander au Gouvernement, dans un délai de trois mois à compter de la promulgation de cette loi, de remettre aux commissions compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat un rapport sur la mise en œuvre du IV de l’article L. 732-63 du code rural et de la pêche dans les collectivités relevant de l’article 73 de la Constitution.

Pour des raisons historiques mais aussi techniques, et certainement politiques, le montant des pensions des agriculteurs des départements d’outre-mer est encore plus faible que la moyenne nationale, elle-même déjà bien faible. La retraite moyenne d’un agriculteur en Martinique, en Guadeloupe, à la Réunion, ne dépasse pas 360 euros par mois.

M. Marc Dolez. C’est un scandale !

M. Jean-Philippe Nilor. Le montant de ces pensions est particulièrement indécent. Cette modicité s’explique notamment par des modalités de calcul extrêmement défavorables. Les cotisations sont en effet calculées en fonction de la surface d’exploitation et du type de culture, selon la formule de la surface réelle pondérée. Dans les outre-mer, la taille moyenne des exploitations est le plus souvent nettement inférieure à ce qu’elle est en France continentale : moins de cinq hectares contre quatre-vingts hectares. On comprend donc bien que ce mode de calcul est excessivement pénalisant. Cet amendement vise à lever en amont tous les obstacles qui pourraient retarder la réalisation dans les outre-mer de l’objectif de ce projet de loi d’atteindre un niveau de pension de retraite au moins égale à 75 % du SMIC.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Issindou, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Défavorable.

M. Jean-Philippe Nilor. Cela mériterait une explication !

M. le président. La parole est à Mme Brigitte Allain.

Mme Brigitte Allain. Cet amendement nous paraît particulièrement légitime et nous le voterons.

M. le président. La parole est à M. Marc Dolez.

M. Marc Dolez. Notre collègue Jean-Philippe Nilor soulève un problème réel, que, pour ma part, je ne connais pas de manière détaillée mais qui me semble extrêmement grave. Que la retraite moyenne d’un agriculteur ultramarin ne dépasse pas 360 euros par mois, cela interpelle, évidemment. La proposition d’un rapport me semble de bon sens et les réponses du rapporteur et de la ministre étaient un peu courtes. Des rapports, on en produit beaucoup, un peu dans tous les coins, souvent trop, d’ailleurs, madame la ministre,…

Mme Marisol Touraine, ministre. C’est vrai !

M. Marc Dolez. …je veux bien vous l’accorder, mais sur un tel sujet un rapport serait le bienvenu.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marisol Touraine, ministre. Le problème soulevé par M. Nilor est réel, personne ne le conteste, mais la réponse proposée – un rapport – n’est pas adaptée. Vous l’avez vous-même souligné, monsieur Dolez : on demande trop de rapports, et ce n’est pas ce qui améliore pour autant les situations. Les mesures que l’Assemblée a votées aux articles précédents permettront d’apporter des réponses concrètes aux retraités agricoles des départements d’outre-mer, qui entrent dans le champ de ces mesures. Ils bénéficieront ainsi d’un complément différentiel de points de retraite complémentaire obligatoire leur permettant d’atteindre les 75 % du SMIC comme dans l’Hexagone. Cette mesure s’appliquera au 1er janvier 2015 ; il y aura un temps de montée en puissance, mais les mesures que vous attendez seront mises en œuvre.

M. le président. La parole est à M. Jean-Philippe Nilor.

M. Jean-Philippe Nilor. Je crains que non, madame la ministre, car, comme je l’ai expliqué, le problème est celui des modalités de calcul des montants de retraite. Sur l’ensemble du territoire métropolitain, ce sont les revenus déclarés par les agriculteurs qui sont retenus, tandis qu’en Martinique, en Guadeloupe et à La Réunion, le montant des cotisations et donc des retraites est déterminé sur la base de la surface réelle pondérée, selon un mode de calcul particulièrement complexe et pénalisant. Ce que nous vous demandons, en tant que vous êtes un gouvernement de gauche, c’est de remédier à cette discrimination, puisque nous sommes dans le cadre de l’article 73 de la Constitution, selon lequel les lois appliquées en France métropolitaine sont applicables chez nous.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n987.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants42
Nombre de suffrages exprimés42
Majorité absolue22
Pour l’adoption9
contre33

(L’amendement n987 n’est pas adopté.)

M. le président. Nous en venons aux amendements identiques nos 1165 à 1179, sur lesquels je suis saisi par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Jean-Philippe Nilor, pour soutenir l’amendement n1168.

M. Jean-Philippe Nilor. Il s’agit malheureusement encore une fois de demander un rapport. Il y en a peut-être trop, des rapports, et ces questions sont peut-être mineures pour vous, mais elles sont majeures pour nous ; si une question mérite un rapport, c’est bien celle-ci.

Sur la base de la loi du 4 mars 2002, et à la suite des décrets d’application successifs, les exploitants agricoles des collectivités régies par l’article 73 de la Constitution ont pu bénéficier d’une retraite complémentaire. En revanche, cela n’a pas été le cas des salariés agricoles. Ces derniers sont exclus du champ d’application de l’accord national sur les retraites de 1961 et de la loi du 29 décembre 1972 portant généralisation de la retraite complémentaire au profit des salariés et anciens salariés. Malgré leurs demandes récurrentes, ils ne bénéficient toujours pas, et c’est une anomalie, d’une affiliation à la Mutualité sociale agricole, la gestion du régime des non-salariés agricoles étant assurée par les caisses générales de Sécurité sociale. Par conséquent, la retraite complémentaire instituée pour les salariés relevant de la MSA n’a jamais été étendue aux salariés de ces collectivités. Beaucoup d’entre eux vivent dans une grande précarité, et elle risque encore de s’aggraver avec l’allongement de la durée de cotisation suite à la présente réforme.

J’ai plusieurs fois posé la question à Mme la ministre. Le phénomène nouveau, aujourd’hui, c’est qu’un accord a été signé entre les partenaires sociaux, entre les organisations représentatives des salariés et celles des employeurs. Cet accord demande une participation dégressive de l’État pour pouvoir enfin remédier à cette discrimination flagrante.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Issindou, rapporteur. La commission, hélas,…

M. Marc Dolez. Hélas ?

M. Michel Issindou, rapporteur. …a émis un avis défavorable. Hélas, car nous comprenons le problème que pose M. Nilor, et le Gouvernement le comprend aussi. Mais il peut sans doute se régler autrement qu’au moyen d’un rapport, car il est parfaitement identifié et connu.

Mme Jacqueline Fraysse. Si l’on règle le problème, il n’y a plus besoin de rapport !

M. Michel Issindou, rapporteur. C’est vrai. Mais je ne suis pas certain qu’un rapport règle pour autant le problème.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Défavorable. Le problème est parfaitement identifié, mais c’est aux partenaires sociaux d’étendre l’accord. Vous nous dites qu’ils sont volontaires pour aller de l’avant, s’il y a une prise en charge de l’État. Mais ailleurs, l’État n’assure aucune prise en charge. À un moment, il faut que chacun assume ses responsabilités. Le travail que nous avons à faire, c’est de convaincre les partenaires sociaux et de les amener à avancer : un rapport ne changera strictement rien. Vous portez inlassablement ce problème, monsieur Nilor, puisque vous m’avez déjà posé des questions à son sujet, mais aujourd’hui, nous avons dépassé le stade du rapport et ce sont les partenaires sociaux qu’il faut convaincre. Vous comprenez ce que je veux dire.

M. le président. La parole est à M. Jean-Philippe Nilor.

M. Jean-Philippe Nilor. Il n’est pas tout à fait exact de dire que les partenaires sociaux demandent que ce soit l’État qui porte financièrement les conséquences financières de cet accord. Ils demandent une contribution de l’État, partielle et dégressive, pour parvenir, par paliers successifs, à un niveau de retraite qui soit décent. Un gouvernement doit permettre à la solidarité de s’exprimer, surtout dans des conditions particulières et d’autant plus dans cette situation au caractère exceptionnel et discriminatoire puisqu’elle ne concerne, je le rappelle, que les salariés agricoles de la Martinique, de la Guadeloupe et de La Réunion.

M. le président. La parole est à M. Dominique Tian.

M. Dominique Tian. À l’UMP, nous comprenons parfaitement la préoccupation de notre collègue. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et écologiste.) Ces 450 ou 500 euros par mois

M. Jean-Philippe Nilor. Beaucoup moins ! Ce serait le rêve, 500 euros !

M. Dominique Tian. …sont une situation scandaleuse.

M. Michel Issindou, rapporteur. Que vous découvrez à l’instant, monsieur Tian !

M. Dominique Tian. Nous voulons donc rappeler que le vrai scandale (Mêmes mouvements), c’est que l’État consacrera 7 milliards d’euros cette année à compenser les régimes spéciaux. Un vrai problème social se pose, puisque pour maintenir les régimes spéciaux dont nous dénonçons le caractère abusif – tout comme la Cour des comptes –, ces 7 milliards d’euros manqueront pour rétablir la justice entre les retraités de notre pays. Cela est consternant. Le Gouvernement doit prendre ses responsabilités. Pour notre part, nous n’avons eu de cesse de dénoncer le problème des régimes spéciaux. Avec cet exemple, nous touchons le fond : certains sont très avantagés, tandis que d’autres souffrent.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n1168.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants39
Nombre de suffrages exprimés39
Majorité absolue20
Pour l’adoption13
contre26

(L’amendement n1168 n’est pas adopté.)

M. le président. Nous en venons à une nouvelle série d’amendements identiques, nos 1090 à 1104, sur lesquels je suis saisi par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Jean-Philippe Nilor, pour soutenir l’amendement n1093.

M. Jean-Philippe Nilor. Malheureusement, il s’agit encore d’une demande de rapport. Pour éviter par anticipation la guillotine de l’article 40, nous devons passer par ce procédé. J’ai du mal à comprendre d’ailleurs pourquoi un rapporteur est systématiquement contre un rapport… (Rires.)

M. Michel Issindou, rapporteur. C’est vrai !

M. Jean-Philippe Nilor. Ce projet de loi ne traite pas de la retraite des marins-pêcheurs. Pourtant, leur situation est loin d’être satisfaisante, particulièrement dans les collectivités régies par l’article 73 de la Constitution. Un grand nombre des marins retraités ne perçoivent que deux ou trois cents euros par mois et vivent donc dans une très grande précarité. Ils n’ont pas cotisé durant la plus grande partie de leur vie professionnelle ou l’ont fait, selon une faculté ouverte exclusivement en outre-mer, au « demi-rôle ». La conséquence logique est qu’à demi-rôle payé, demi-pension versée.

M. Michel Issindou, rapporteur. Eh oui !

M. Jean-Philippe Nilor. Ils se retrouvent aujourd’hui avec des pensions extrêmement faibles et ils sont de plus en plus démunis et vulnérables. Leur situation mérite de faire l’objet d’un examen attentif pour que des solutions susceptibles d’atténuer leurs difficultés puissent être avancées concrètement : parmi lesquelles la possibilité d’avoir droit à une retraite pleine pour ceux qui ont cotisé, comme il leur a été proposé, au demi-rôle ou encore, en prenant compte de conditions de travail extrêmement pénibles, la bonification de trimestres complémentaires.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Issindou, rapporteur. Vous avez échappé à la guillotine de l’article 40, mais vous n’échapperez pas à celle du rapporteur. Avis défavorable.

M. Denis Jacquat. Bourreau !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Défavorable également.

M. le président. La parole est à M. Jean-Philippe Nilor.

M. Jean-Philippe Nilor. Que je n’aie pas échappé à la guillotine du rapporteur ni à celle de la ministre, même si elle ne l’a pas nommée, cela n’est pas très grave. Mais que les agriculteurs retraités, ainsi que les marins-pêcheurs de Martinique, de Guadeloupe et de La Réunion n’y aient pas échappé, cela est un peu plus grave. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n1093.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants47
Nombre de suffrages exprimés47
Majorité absolue24
Pour l’adoption13
contre34

(L’amendement n1093 n’est pas adopté.)

Article 23

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, inscrite sur l’article 23.

Mme Jacqueline Fraysse. Nous allons examiner trois articles importants qui concernent les personnes handicapées. L’article 23 modifie les critères d’ouverture des droits à pension des travailleurs handicapés. Aujourd’hui, ceux-ci peuvent liquider leur pension à taux plein dès cinquante-cinq ans, s’ils justifient à la fois d’une durée d’assurance minimale, dont une part minimale a donné lieu à cotisations, d’un taux d’incapacité permanente de 80 % ou s’ils ont obtenu la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH). Constatant que beaucoup de travailleurs handicapés n’avaient pas fait les démarches pour obtenir cette RQTH, que certains pouvaient trouver stigmatisante – ce d’autant plus qu’elle n’ouvrait jusqu’à récemment aucun droit –, le Gouvernement propose de simplifier les démarches et d’abaisser les critères en ne s’appuyant que sur un taux d’incapacité permanente d’au moins 50 %.

C’est une bonne chose, mais nous avons été alertés quant aux dangers de cette suppression de la RQTH. Nous avons en effet reçu de nombreux témoignages de personnes handicapées entrées dans le dispositif RQTH, qui espéraient partir prochainement à la retraite et qui voient ce projet repoussé de plusieurs années. Si effectivement de nombreux travailleurs handicapés n’ont pas fait cette démarche, d’autres l’ont faite, surtout depuis que la RQTH permet de bénéficier de toute une série d’aides. Supprimer cette reconnaissance risque d’être un désastre, non seulement pour quelques vieux travailleurs handicapés entrés tôt dans le dispositif, mais aussi et surtout pour la plupart des jeunes handicapés qui ne sont pas titulaires de la carte d’invalidité. Un travailleur handicapé officiellement reconnu comme tel par la RQTH ne serait plus reconnu handicapé pour le droit à une retraite anticipée, ce qui est préoccupant.

M. le président. La parole est à Mme Martine Carrillon-Couvreur.

Mme Martine Carrillon-Couvreur. Les trois prochains articles concernent de nombreuses personnes dans notre pays, qui sont touchées par un handicap. Aujourd’hui, seuls 1 100 assurés ont bénéficié d’une retraite anticipée au titre de leur handicap. Cela témoigne de la complexité et de la faible efficacité du système actuel. Le droit à un départ en retraite avant soixante ans a été ouvert dans le cadre de la réforme des retraites de 2003. Les assurés reconnus travailleurs handicapés ou ayant un taux d’incapacité permanente de 80 % peuvent actuellement bénéficier d’un départ anticipé en retraite au taux plein de 50 % dès cinquante-cinq ans, à condition de respecter trois critères cumulatifs : justifier d’une durée d’assurance minimale ; justifier d’une durée d’assurance minimale cotisée ; enfin, justifier d’un taux d’incapacité permanente de 80 % sur la durée de cotisations ou avoir obtenu cette reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé.

Aujourd’hui, l’article 23 du projet de loi qui garantit l’avenir et la justice du système de retraites remplace la troisième condition par un critère unique fixant à 50 % le taux d’incapacité permanente. Je salue cette initiative du Gouvernement qui permet d’élargir le champ concernant les personnes en situation de handicap. Toutefois, je voudrais appeler l’attention de Mme la ministre, comme je l’ai fait en commission, ainsi que celle du rapporteur, sur la situation des personnes qui s’apprêtaient à partir en retraite dans les prochains mois et dans les prochaines années. L’abaissement du taux d’incapacité permanente à 50 % constitue bien sûr une ouverture incontestable, mais le seul abaissement de ce seuil ne saurait se substituer au critère de la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé. Cette RQTH demeure en effet à ce jour la seule référence à l’emploi permettant ainsi à l’employeur d’organiser l’environnement de travail pour l’aménagement du poste de travail, tandis que le taux d’incapacité reste un critère médical.

Les personnes qui devaient partir en retraite dans les prochains mois ne pourront le faire, si ce critère est supprimé. Je souhaiterais donc, madame la ministre, que vous nous répondiez à ce sujet, sur l’éventuelle possibilité de proroger la situation actuelle pendant quelque temps encore, afin que les personnes concernées puissent préparer, comme elles l’avaient souhaité, leur départ en retraite. À l’occasion de l’examen des prochains articles, j’aborderai d’autres points importants.

M. le président. Il faut finir, chère collègue.

Mme Martine Carrillon-Couvreur. Le sujet est important.

M. le président. Certes, mais vous avez utilisé le double de votre temps de parole.

Mme Martine Carrillon-Couvreur. Merci, monsieur le président, de m’avoir laissée parler, car je n’en ai pas souvent abusé.

M. le président. C’est bien pour cela que je vous ai laissée parler.

La parole est à M. Denis Jacquat.

M. Denis Jacquat. Dans un esprit de synthèse et étant donné l’importance du problème des personnes handicapées, mon intervention concernera les articles 23, 24 et 25 et je ne reprendrai pas la parole par la suite à leur sujet. J’aurai donc droit, je suppose, à deux minutes et quinze secondes. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Je vous accorde sans aucune difficulté les quinze secondes.

M. Denis Jacquat. Concernant les personnes handicapées, il faut un consensus. Il n’y a pas de politique de gauche, ni de politique de droite, mais une politique sociale. Je tiens à saluer le travail effectué autour de Martine Carrillon-Couvreur. Nous travaillons tous ensemble main dans la main et les progrès dans ce domaine sont nets. Depuis 2003, à l’Assemblée nationale, nous essayons d’améliorer la situation, même s’il faudrait aller plus vite.

J’interviens au nom de mes collègues de l’UMP – Damien Abad ne pouvant être ici, je défendrai un des amendements qu’il souhaitait présenter lui-même.

Tout d’abord, la surexposition des personnes en situation de handicap à des facteurs d’usure de l’organisme, de vieillissement prématuré, de fatigabilité accrue est insuffisamment prise en compte. S’il existe une reconnaissance de la situation de handicap au regard de la retraite anticipée ou de la retraite pour inaptitude, certains champs ne sont toujours pas couverts, affectant fortement la population concernée. Il s’agit des personnes qui, au cours de leur vie professionnelle, ont été en situation de handicap, quel que soit le niveau – durée et degré d’inaptitude – où cette double composante intervient.

Aujourd’hui, une réponse partielle par l’AGEFIPH, qui a mis en place une « prestation-dispositif aménagement réduction du temps de travail » – ARTT – permettant au cours des cinq années précédant le départ potentiel en retraite d’alléger le temps de travail de 20 % à 50 % en conservant le même niveau de rémunération. Ce dispositif n’étant pas législatif ou réglementaire, y recourir reste aléatoire. À l’image du compte pénibilité, il serait intéressant de proposer la mise en place d’un compte handicap-travail. Celui-ci présenterait l’avantage de permettre la mobilisation des mêmes outils : action de reconversion et recours à la formation professionnelle ; modulation du temps de travail ; majoration des trimestres ; possibilité de partir plus tôt en semaine, notamment pour des personnes qui ne peuvent aujourd’hui bénéficier du dispositif de retraite anticipée car celui-ci suppose une durée d’assurance cotisée de trente ans en situation de handicap. Afin d’explorer cette piste en faveur de l’avancée des droits des personnes en situation de handicap, il vous est proposé un rapport parlementaire.

Par ailleurs, Gilles Lurton évoquera le problème concernant la RQTH soulevé par Mme Fraysse en défendant un amendement à cet effet, dans le même esprit que les propositions faites par Mme Carillon-Couvreur.

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Candelier.

M. Jean-Jacques Candelier. En commission, vous avez affirmé, madame la ministre, entendre les préoccupations qui viennent être évoquées. Mais ce problème ne sera pas réglé par une quelconque période transitoire qui, forcément, laissera des personnes sur le bord du chemin.

Nous avons déposé un amendement qui prévoyait, sans limitation de durée, de faire coïncider les deux critères : reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé et incapacité permanente d’au moins 50 %. Cet amendement a été rejeté au nom de l’article 40… Il ne tient qu’à vous, madame la ministre, de le reprendre à votre compte. J’attire votre attention sur le fait que les travailleurs handicapés sont nombreux à nous écrire pour protester contre ce qu’ils considèrent comme un recul par rapport à la loi de 2010 : de la part d’un gouvernement socialiste, apparaître en recul par rapport à cette loi que vous avez tant combattue n’est pas très glorieux.

Par ailleurs, le critère d’incapacité permanente d’au moins 50 % pose lui-même problème. En effet, avant la loi de 2005, le fait de se voir reconnaître par la COTOREP une incapacité permanente de 40 %, 50 % ou 79 % ne faisait aucune différence du point de vue des droits. C’est pourquoi la COTOREP se contentait souvent d’accorder une carte « station debout pénible », qui correspondait à une incapacité permanente de 40 % que personne ne contestait puisque cela n’ouvrait aucun droit supplémentaire.

M. Dominique Tian. C’est vrai.

M. Jean-Jacques Candelier. Au bout du compte, les travailleurs handicapés se voyaient reconnaître une incapacité de 40 % ou de 80 %, qui donnait plus de droits, mais rarement entre les deux. Ainsi, l’abaissement que vous proposez de 80 % à 50 % est un peu hypocrite car il ne concerne finalement pas grand monde.

C’est pourquoi nous avions proposé un amendement, lui aussi rejeté par la commission, pour abaisser ce taux à 40 %. Vous seriez bien inspirée de le reprendre à votre compte. Nous ne réclamons aucun droit d’auteur !

M. le président. La parole est à M. Patrice Carvalho.

M. Patrice Carvalho. Cet article pose un problème de parallélisme des formes. En effet, tout employeur occupant au moins vingt salariés depuis plus de trois ans est tenu d’employer des travailleurs handicapés dans une proportion de 6 % de l’effectif total de l’entreprise, les établissements ne remplissant pas cette obligation devant s’acquitter d’une contribution à l’AGEFIPH, le fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées. Une liste de critères à l’article L. 5212-13 du code du travail définit les travailleurs handicapés éligibles à ce dispositif. Il me semble qu’il serait logique, madame la ministre, de prévoir que les mêmes critères ouvrent des droits à retraite anticipée, ces droits pouvant être modulables en fonction de la gravité et de l’ancienneté du handicap.

Or ce n’est pas le cas. Ainsi, les victimes d’accidents du travail ou de maladies professionnelles ayant entraîné une incapacité permanente au moins égale à 10 % peuvent permettre aux employeurs d’éviter de verser la contribution à l’AGEFIPH, mais pour bénéficier d’une retraite anticipée, ils devront attester d’une incapacité permanente de 50 %. On comprend mal pourquoi ce qui est valable pour les employeurs de travailleurs handicapés ne le serait pas pour les intéressés eux-mêmes.

M. le président. La parole est à M. Gérard Sebaoun.

M. Gérard Sebaoun. Je vais prononcer quatre petites lettres qui changent tout : RQTH – La reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé, anciennement attribuée par la COTOREP. J’avoue qu’en découvrant l’article 23, je me suis interrogé au regard des deux types de population concernés : ceux qui sont à 80 % d’incapacité permanente, soit une population relativement restreinte, et ceux qui sont couverts par la RQTH, soit plus de 800 000 personnes en 2012. La décision de faire disparaître ces quatre petites lettres m’interpellait. Mais les échanges que j’ai eus avec le rapporteur, Mme la ministre et d’autres collègues m’ont tout de même relativement rassuré puisque d’un seuil de 80 % d’incapacité permanente, on va passer à 50 %. Il est vrai que la RQTH restait d’une définition assez fluctuante alors que l’incapacité permanente, elle, correspond bien à un barème normé. De plus, M. le rapporteur soutiendra à titre personnel un amendement, n2340, qui améliorera significativement le texte. Mais il y avait vraiment sujet à débat et je comprends que les associations aient pu s’en émouvoir.

M. Christian Paul. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marisol Touraine, ministre. Nous abordons la discussion des articles 23, 24 et 25, qui introduisent des mesures importantes en faveur des personnes en situation de handicap mais aussi des personnes s’en occupant – l’article 25 améliore la retraite de ceux que l’on appelle les aidants. Il est important, dans le cadre d’un texte sur les retraites, d’apporter des améliorations à la situation des personnes qui sont parmi les plus fragiles. Je veux saisir cette occasion pour saluer le travail tout à fait constant et remarquable qui a été mené par Mme Martine Carrillon-Couvreur…

M. Marc Dolez. C’est vrai !

Mme Marisol Touraine, ministre. …et par tous ceux qui, autour d’elle, se sont impliqués sur ces sujets. Martine Carrillon-Couvreur s’est engagée en faveur des personnes en situation de handicap depuis toujours, et je tiens à lui rendre hommage. (Applaudissements sur tous les bancs.) Je remarque que vous êtes saluée à l’unanimité, madame la députée. C’est grâce à votre engagement que des améliorations vont être apportées au projet de loi, notamment dans le sens souhaité par M. Sebaoun

Quel était l’enjeu ? Aujourd’hui, les travailleurs handicapés peuvent liquider leur pension à taux plein dès cinquante-cinq ans à condition de remplir plusieurs critères : une durée d’assurance minimale, une durée d’assurance minimale cotisée et, enfin, la justification de cette fameuse RQTH ou un taux d’au moins 80 %. Nous nous sommes aperçus que ce taux était très élevé et surtout que le label RQTH, destiné à justifier l’accès à l’emploi au titre de l’obligation des 6 %, n’était pas le bon critère pour apprécier le caractère anticipé du départ en retraite. J’ai donc considéré que le plus simple était d’abaisser le taux d’invalidité exigée de 80 % à 50 % et d’écarter toute référence à la RQTH. Cela paraissait répondre à la très grande majorité des cas.

Il n’empêche que certaines personnes peuvent bénéficier aujourd’hui du régime de la retraite anticipée au titre de la RQTH tout en ayant un taux d’invalidité inférieur à 50 %. Vous avez donc souhaité, mesdames, messieurs les députés, que l’on améliore le dispositif proposé et je donnerai par conséquent un avis favorable à l’amendement no 2340 du rapporteur qui permettra pour une période transitoire de maintenir la prise en compte de la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé pour les personnes qui s’apprêtent à partir en retraite, tout en maintenant sa suppression pour les situations à venir.

Au-delà de ces questions qui peuvent paraître quelque peu techniques mais qui répondent à des situations concrètes que vous avez parfaitement identifiées, je veux à nouveau souligner les avancées très considérables que constituent ces trois articles pour les personnes en situation de handicap, pour les travailleurs handicapés – notamment en établissement ou services d’aide par le travail – et pour les aidants.

M. le président. Nous en venons aux amendements à l’article 23.

La parole est à M. Gilles Lurton, pour soutenir l’amendement n1719.

M. Gilles Lurton. Après l’alinéa 1, il est proposé d’insérer l’alinéa suivant : « Le Gouvernement remet au Parlement un rapport dès la promulgation de la présente loi afin d’examiner la possibilité de maintenir la possibilité de départ en retraite anticipée pour les bénéficiaires d’une reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé, mentionnée à l’article L. 5213-1 du code du travail. » Monsieur le rapporteur, une demande de remise d’un rapport va vous faire hérisser les cheveux sur la tête et j’en suis désolé.

M. Michel Issindou, rapporteur. Vous pouvez l’être ! (Sourires.)

M. Gilles Lurton. Il s’agit d’éviter l’irrecevabilité au titre de l’article40. J’ajoute que le comité d’orientation des retraites a observé qu’un faible nombre de personnes – moins de 1 000 par an – bénéficient de la retraite anticipée. L’impact financier du maintien de cette possibilité offerte par la loi de 2010 serait donc peu significatif. Cela n’a pas induit de hausse spectaculaire des bénéficiaires.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Issindou, rapporteur. Monsieur Lurton, ce que vient de dire madame la ministre est tout à fait important : la RQTH va conserver tout son sens pour le moment, mais elle n’en aurait plus après la mise en place du critère de 50 % d’incapacité permanente au lieu de 80 %. Par conséquent, je vous demande de retirer votre amendement. À défaut, l’avis serait défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Gilles Lurton.

M. Gilles Lurton. Il est vrai que j’ai été assez rassuré par ce qu’a dit Mme la ministre. Je retire mon amendement.

Mme Marisol Touraine, ministre. Je vous remercie, monsieur le député.

(L’amendement n1719 est retiré.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 2340 et 2892.

La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n2340.

M. Michel Issindou, rapporteur. Il est tout à fait important que la RQTH soit conservée jusqu’au 31 décembre 2015, avant qu’elle ne soit remplacée par le nouveau critère de 50 % d’incapacité permanente. Cela rassurera Martine Carrillon-Couvreur à qui je veux rendre, moi aussi, hommage pour son combat permanent pour le sort des handicapés. Elle a centralisé les inquiétudes remontées de toutes parts, en a fait part à tout le groupe, qui a jugé utile, avec l’accord du Gouvernement, que je dépose cet amendement. C’est la preuve d’un bon travail collectif entre les députés et le Gouvernement, ce dont on ne peut que se réjouir.

M. le président. La parole est à Mme Martine Carrillon-Couvreur, pour soutenir l’amendement n2892.

Mme Martine Carrillon-Couvreur. Il est défendu, monsieur le président.

(Les amendements identiques nos 2340 et 2892, acceptés par le Gouvernement, sont adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques, nos 3086, 2426 et 2899.

La parole est à Mme la ministre, pour soutenir l’amendement n3086.

Mme Marisol Touraine, ministre. C’est un amendement rédactionnel.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n2426.

M. Michel Issindou, rapporteur. Il est défendu, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n2899 de Mme Carrillon-Couvreur est défendu.

(Les amendements identiques nos 3086, 2426 et 2899 sont adoptés.)

(L’article 23, amendé, est adopté.)

Après l’article 23

M. le président. La parole est à M. Gilles Lurton, pour soutenir l’amendement n2022.

M. Gilles Lurton. Il est défendu.

(L’amendement n2022, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Article 24

M. le président. La parole est à Mme Martine Carrillon-Couvreur, inscrite sur l’article.

Mme Martine Carrillon-Couvreur. Je voudrais, au-delà de l’article 24, revenir, d’une manière plus générale sur les avancées que présente ce texte, sur lequel nous travaillons depuis plusieurs jours et qui doit garantir l’avenir de notre système de retraite.

Madame la ministre, nous avons noté que ce texte présente des avancées importantes sur plusieurs dispositions de droit commun, puisqu’il assure plus de justice et d’égalité, mais également des dispositions de droit spécifique, lorsqu’il prend en compte la situation des jeunes, des femmes, des seniors, des travailleurs du monde agricole et, à présent, celle des personnes handicapées et de leurs aidants.

La question des aidants, que nous allons aborder, est une vraie question et j’espère que Mme la ministre pourra nous répondre sur ce sujet. Souvent, les personnes qui ont un enfant en situation de handicap ou qui s’occupent d’un adulte à la maison, sont obligées d’arrêter leur travail ou de renoncer à un certain nombre de projets dans leur vie personnelle.

Mme Catherine Coutelle, présidente de la délégation aux droits des femmes. Et généralement, ce sont des femmes !

Mme Martine Carrillon-Couvreur. Aujourd’hui, ces questions restent donc très sensibles et nous avons des propositions à faire à ce sujet.

Je tiens à remercier et à féliciter le Gouvernement pour les avancées que présente le texte. Nous avons pu constater ces derniers temps, lors de l’examen d’autres textes de loi, qu’il n’était pas toujours évident d’y introduire un volet handicap ; il nous a souvent fallu solliciter le Gouvernement pour qu’il prenne en compte ces questions. Mais vous, vous l’avez fait avant même que nous vous interpellions ; vous avez accepté d’améliorer les choses.

Je tiens à dire que le travail effectué a été très précis, avec le souci d’aborder la situation des retraites pour toutes les personnes, qu’elles soient dans des situations de droit commun ou dans des situations de droit spécifique. En matière d’accès à l’égalité, nous pouvons être satisfaits.

M. le président. Je suis saisi par Mme la ministre d’un amendement rédactionnel, n3078.

(L’amendement n3078, accepté par la commission, est adopté.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre, pour soutenir l’amendement n3060.

Mme Marisol Touraine, ministre. Cet amendement est important. Il vise à permettre aux assurés qui justifient d’un taux d’incapacité de 50 % de bénéficier de l’allocation de solidarité aux personnes âgées, l’ASPA, dès l’âge de 62 ans, et non de 65 ans.

L’article 24 de ce projet de loi prévoit pour les assurés handicapés justifiant d’un taux d’incapacité permanente de 50 % la possibilité de liquider leur pension à taux plein, c’est-à-dire sans décote, dès l’âge légal, soit à 62 ans, et plus à 65 ans, comme c’était le cas jusqu’ici. L’article 24 constitue donc une avancée importante, puisqu’il permet d’avancer de trois ans l’âge de départ sans décote des personnes en situation de handicap ayant un taux d’incapacité permanente de 50 %.

Je propose donc de compléter cet article, en permettant à ces assurés d’accéder à l’ASPA dès 62 ans, sans attendre d’avoir atteint 65 ans. Ainsi, des assurés en situation de handicap touchant une pension modeste à 62 ans n’auront plus à attendre l’âge de 65 ans pour bénéficier de ce que l’on appelait le minimum vieillesse. Il s’agit donc d’un amendement de cohérence – et je dirai de cohérence sociale – qui constitue une avancée importante pour les personnes concernées.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Issindou, rapporteur. Avis favorable, naturellement.

(L’amendement n3060 est adopté.)

(L’article 24, amendé, est adopté.)

Article 25

M. le président. La parole est à Mme Martine Carrillon-Couvreur, inscrite sur l’article.

Mme Martine Carrillon-Couvreur. J’ajouterai seulement quelques mots à ce que j’ai déjà dit. Cet article, qui concerne la situation des aidants, contient évidemment une avancée tout à fait importante, qui a été saluée par de nombreuses associations et par de nombreuses personnes concernées ou confrontées à ce type de situation.

Il aurait néanmoins été intéressant que notre réflexion sur les aidants ne se limite pas à la seule question des personnes en situation de handicap, puisque le même problème se pose, par exemple, pour les personnes âgées – nous en avions d’ailleurs parlé avec Martine Pinville. Peut-être serait-il intéressant, dans les mois à venir, que nous allions un peu plus loin sur ces sujets, et que nous abordions d’une manière générale les questions relatives à la perte d’autonomie et à l’accompagnement tout au long de la vie.

Ce texte marque une première étape, ce qui nous satisfait pleinement, mais il faut aller encore plus loin sur ces questions. Je rappelle que dimanche dernier, c’était la journée des aidants.

Mme Catherine Coutelle, présidente de la délégation aux droits des femmes. En effet !

Mme Martine Carrillon-Couvreur. Beaucoup de personnes se mobilisent aujourd’hui dans tous les départements de France. C’est véritablement un sujet d’actualité, et même un sujet de société : il n’y a qu’à voir ces bénévoles, ces familles, ces personnes qui ont envie de donner du temps, mais qui parfois aussi sont obligées de donner de leur temps, parce qu’elles n’ont pas d’autre solution – je pense aux familles qui ne trouvent pas de place en établissement.

Voilà un sujet sur lequel nous devrions travailler, dans le prolongement des avancées introduites par l’article 25.

M. Philip Cordery. Bravo !

M. le président. La parole est à M. Marc Dolez.

M. Marc Dolez. L’article 25 vise effectivement à soutenir les aidants familiaux, ce qui est une bonne chose, car, comme vient de le rappeler Mme Carrillon-Couvreur, leur situation est souvent difficile. Nous aussi, nous saluons cette première étape.

On compte en France environ 1,3 million d’aidants familiaux – dont 34 % ont plus de soixante ans – s’occupant d’un proche en situation de dépendance, qu’il s’agisse d’un enfant handicapé ou d’un parent atteint, par exemple, de la maladie d’Alzheimer. Au début de l’année, un appel national pour plus d’équité envers les aidants familiaux a été lancé, à l’initiative notamment du sociologue spécialiste du vieillissement, Serge Guérin, et de l’ancienne secrétaire d’État aux personnes âgées du gouvernement Jospin, Mme Paulette Guinchard, que certains d’entre nous ont côtoyée sur ces bancs il y a quelques années. Cet appel a contribué à attirer l’attention sur la situation de ces personnes, qui peuvent être amenées à sacrifier leur vie professionnelle et sociale.

On estime que 24 % des aidants – et ce taux atteint 54 % pour les enfants de personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer – doivent réaménager leur activité professionnelle. Le conjoint d’une personne atteinte de la maladie de Parkinson lui consacre en moyenne huit heures par jour. Souvent, ces aidants sont amenés à sacrifier leur propre santé : 20 % des aidants naturels d’une personne atteinte de la maladie d’Alzheimer déclarent en effet avoir déjà différé – voire repoussé – une consultation médicale, un soin ou une hospitalisation pour eux-mêmes, par manque de temps.

Cet état des lieux justifie l’avancée qui nous est présentée ce soir. Mais je pense, comme notre collègue socialiste, qu’il ne s’agit là que d’une première étape.

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Candelier.

M. Jean-Jacques Candelier. Cet article supprime la condition de ressource pour bénéficier, en tant qu’aidant familial, de l’affiliation gratuite et obligatoire à l’allocation vieillesse des parents au foyer, qui garantit une continuité des droits à retraite. Il crée également une majoration de durée d’assurance pour les aidants familiaux en charge d’un adulte lourdement handicapé, à raison d’un trimestre tous les trente mois de prise en charge à temps complet, dans la limite de huit trimestres.

On peut s’étonner de cette limitation à huit trimestres, alors que la perte d’autonomie liée par exemple à la maladie d’Alzheimer est un processus qui peut durer jusqu’à trois ans. Craignez-vous un effet d’aubaine ? Pensez-vous vraiment que les aidants familiaux risquent de se complaire dans leur rôle, qui est plutôt un sacerdoce, et qu’ils n’aspirent pas à en sortir ?

Les mesures proposées ne concernent que les personnes ayant décidé d’arrêter de travailler pour s’occuper d’un proche. Or, dans la grande majorité des cas, les aidants préfèrent aménager leur temps de travail – même si c’est au détriment de leur carrière – plutôt que d’arrêter complètement de travailler. Ils expliquent en effet que le fait de travailler leur permet de ne pas être totalement absorbés par leur tâche d’aidants.

À part le congé de solidarité familiale – non rémunéré et d’une durée de trois mois renouvelables – qui permet à un aidant d’accompagner un proche en fin de vie, il existe peu de mesures favorisant la conciliation entre aide et travail. La majoration de durée d’assurance que vous proposez est une bonne mesure, mais on peut mieux faire.

Vous cherchez, par cette nouvelle réforme des retraites, à augmenter le nombre d’actifs par rapport au nombre de retraités. Permettre aux aidants familiaux de conserver leur travail, notamment par l’aménagement de temps de répit, contribuerait à augmenter le nombre d’actifs en emploi.

M. le président. La parole est à M. Patrice Carvalho.

M. Patrice Carvalho. À ce stade du débat, plutôt que de lire le texte que j’avais préparé, je voudrais faire une intervention très personnelle. Je trouve, madame la ministre, que cet article est très positif et qu’il constitue une avancée, même si l’on peut aller encore plus loin.

Je voudrais vous faire part d’une situation personnelle. Ma première fille, qui se trouve d’ailleurs dans les tribunes ce soir, est handicapée. Lorsqu’il est devenu nécessaire de la prendre en charge de façon plus importante et de lui faire suivre une rééducation, ce qui nous obligeait de venir de Compiègne jusqu’à la porte de Versailles à Paris, ma femme a dû arrêter de travailler pour l’aider. Nous l’avons complètement prise en charge, mais ma femme, depuis cette époque, ne travaille plus et n’a plus jamais retravaillé. Elle s’est toujours occupée de notre fille.

Mme Catherine Coutelle, présidente de la délégation aux droits des femmes. Et voilà !

M. Patrice Carvalho. Beaucoup d’amis me disaient que j’étais bien bête de ne pas la placer dans une institution. Ma femme, de cette façon, aurait pu continuer à travailler et nous aurions été tranquilles ; nous n’aurions récupéré notre fille que les soirs et les week-ends. Nous avons fait un autre choix, tout à fait personnel, mais ma femme a dû tout abandonner.

Nous avons, ici, à l’Assemblée nationale, un système formidable, qui prévoit – mais je parle sous le contrôle des fonctionnaires, qui savent cela beaucoup mieux que moi – que si moi ou ma femme décède, un reversement sera fait à ma fille. Il serait bon qu’un système de ce genre soit généralisé, car c’est un vrai problème aujourd’hui.

Mme Carrillon-Couvreur a bien décrit la situation. C’est la galère pour trouver une institution ; c’est la galère dans le système scolaire – ma fille a été scolarisée jusqu’à l’âge de huit ou dix ans, après quoi on nous a dit de nous débrouiller. On a galéré, on s’est adressé à des institutions religieuses, on est allé un peu partout. Cela a été une perte de temps, mais aussi une perte d’éducation, parce que cette gamine aurait pu faire beaucoup de choses.

M. le président. La parole est à Mme la Présidente de la délégation aux droits des femmes.

Mme Catherine Coutelle, présidente de la délégation aux droits des femmes. La délégation ne s’est pas saisie précisément de ce sujet, mais je voulais confirmer, après Martine Carrillon-Couvreur et tous ceux qui sont intervenus, que ce sujet est très important. En grande majorité, les aidants sont des aidantes, et le cas qui vient de nous être décrit est à cet égard caractéristique. Lorsque dans un ménage, il faut faire le choix d’abandonner un emploi, c’est en général celui ou celle qui gagne le moins qui fait ce choix, et ce sont souvent les femmes.

Il s’agit donc d’un problème d’égalité entre hommes et femmes, et je m’associe à Martine Carrillon-Couvreur pour demander qu’on élargisse la réflexion autour des aidants sur la manière dont on peut conjuguer ce qui est une nécessité pour 3 millions de personnes avec l’égalité entre hommes et femmes face au handicap. J’ai même eu connaissance de la situation de mères qui arrêtaient de travailler à la fin de la scolarisation de leur enfant en maternelle. Nous avons une assez bonne intégration des enfants handicapés à l’école jusqu’à la maternelle.

M. Marc Dolez. C’est vrai.

Mme Catherine Coutelle, présidente de la délégation aux droits des femmes. Souvent ils sont maintenus jusqu’à 7 ans à la maternelle, puis subitement les mères se retrouvent seules au mois de septembre face à leur enfant, et elles n’ont pas de solution. Dans un cas que nous avons essayé de débloquer avec la ministre, c’est l’arrière-grand-mère qui a gardé son arrière-petit-fils autiste parce que la mère, dans une famille monoparentale, n’avait aucune solution et avait souhaité continuer à travailler.

Ce sont des situations difficiles, compliquées, dans lesquelles les femmes sont à nouveau en première ligne.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marisol Touraine, ministre. En quelques mots, je veux dire à Mme Carrillon-Couvreur que l’article 25 concerne les aidants, y compris ceux aidant des personnes en perte d’autonomie. Nous consacrons l’essentiel de nos débats aux aidants de personnes handicapées, mais les personnes perdant leur autonomie qui sont aidées sont également concernées par ce texte. Au-delà, cette question sera traitée dans la loi d’adaptation de la société au vieillissement qui comportera des dispositions relatives aux aidants.

Nous savons bien aujourd’hui qu’un nombre important de personnes interrompent leur activité de manière temporaire ou définitive pour pouvoir prendre en charge soit une personne en situation de handicap, soit une personne vieillissante et perdant son autonomie.

Monsieur Carvalho, j’ai été sensible à l’expérience personnelle que vous avez évoquée. Je pense que nous l’avons tous été. Elle reflète des situations de vie, des situations concrètes qui existent par milliers dans notre pays, qu’il s’agisse d’enfants en situation de handicap, d’enfants gravement malades, de parents vieillissants ou confrontés à la maladie. Je vous le dis, monsieur le député, l’ambition de ce Gouvernement est d’apporter des réponses sociales justes et fortes en direction de ces personnes.

(L’article 25 est adopté.)

2

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

Suite du projet de loi garantissant l’avenir et la justice du système de retraites.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance



de l’Assemblée nationale



Nicolas Véron