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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2013-2014

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du mardi 22 octobre 2013

Présidence de M. Christophe Sirugue

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

1

Projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2014 (suite)

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2014 (nos 1412, 1470, 1462).

Motion de renvoi en commission

M. le président. J’ai reçu de M. Christian Jacob et des membres du groupe de l’Union pour un mouvement populaire une motion de renvoi en commission déposée en application de l’article 91, alinéa 6, du règlement.

La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer. Monsieur le président, madame la ministre des affaires sociales et de la santé, mes chers collègues, le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2014 ne déroge pas aux habitudes du Gouvernement. Il est marqué par ses méthodes habituelles. Elles sont inquiétantes pour l’avenir de la Sécurité sociale et pour l’avenir de notre pays. Elles ont pour nom le parti pris, le renoncement aux réformes de structure, les hausses de prélèvements, la baisse des prestations et la déresponsabilisation. Le tout est emballé dans un double langage qui dispute à l’instabilité des règles la cause d’une perte de confiance et d’une angoisse légitimes, qui montent dans notre pays, comme à l’étranger, envers la France.

L’année 2013 sera marquée pour la Sécurité sociale, selon la Cour des comptes, par l’arrêt du redressement de ses comptes. En effet, bien que l’ONDAM ait été respecté pour la troisième année consécutive, le déficit du régime général, qui avait diminué en 2011 de 7 milliards et en 2012 de 4 milliards, restera en 2013 au-dessus de celui de 2012.

Pour 2014, les prévisions de ce PLFSS tablent, malgré de nouveaux prélèvements à hauteur de 6,5 milliards d’euros, sur un déficit de 13,2 milliards pour l’ensemble des régimes obligatoires et le Fonds de solidarité vieillesse. Le Gouvernement choisit à nouveau de ne pas équilibrer les comptes. Ce faisant, il se résigne à un déficit structurel alors que la plupart des pays de l’Union européenne, à l’exception de la Grèce et de l’Espagne, ont équilibré leurs comptes sociaux. Ainsi, le Gouvernement reporte sur les jeunes générations le paiement à crédit de nos propres dépenses sociales quotidiennes. Reconnaissons, sur tous les bancs, que cette fuite en avant est économiquement dangereuse et socialement injuste. Elle est explosive pour la Sécurité sociale elle-même.

Le financement de la protection sociale est bien au centre de nos problèmes puisque pour l’ensemble des branches, soit près de 500 milliards, plus précisément 495 milliards d’euros, le déficit attendu est de 13 milliards. Eh bien figurez-vous que pour une telle somme, plus importante que le budget de l’État, qui se monte à 391 milliards d’euros, les membres de la commission des affaires sociales, réunie le 9 octobre pour auditionner pas moins de cinq ministres accompagnés de vingt-deux collaborateurs, ne disposaient d’aucun document, ni écrit, ni sous quelque autre forme que ce soit. Et au-delà de ces conditions inédites et scandaleuses, les commissaires de l’opposition ont été nombreux à ne pas pouvoir s’exprimer, ni poser la moindre question.

Mme Bérengère Poletti et M. Jean-Pierre Barbier. C’est vrai !

M. Bernard Accoyer. Aussi, en plus des dispositions contenues dans ce projet de loi de financement de la Sécurité sociale, dont nous verrons la dose d’improvisation et les risques qu’elles comportent, il apparaît nécessaire que le présent projet de loi retourne en commission afin d’être profondément remanié. Telles sont les motifs de cette motion de renvoi.

Avant d’examiner branche par branche les problèmes soulevés par ce texte, il nous faut en relever les intentions inavouées. En effet, le Gouvernement souhaite aller vers l’étatisation du système de soins, dont le rapporteur de la branche maladie est un militant zélé.

Cette volonté s’inscrit dans le renoncement à sauver notre système de protection sociale en lui refusant obstinément toute réforme de structure ou de mode de financement. Ce PLFSS s’inscrit dans la lignée de ce qu’a toujours fait la gauche, c’est-à-dire refuser toute réforme permettant de sauvegarder la Sécurité sociale, pourtant clef de voûte du pacte social national. La gauche en effet, depuis trente ans, n’a fait que fragiliser et même compromettre la pérennité financière de la Sécurité sociale.

M. Jean-Pierre Door. Tout à fait !

M. Bernard Accoyer. Dès 1983 et par ordonnance, d’un seul coup, la gauche a réduit de vingt trimestres la durée de cotisation et ainsi augmenté mécaniquement de cinq ans la durée moyenne des pensions servies aux retraités. Pourtant, chacun savait qu’avant l’an 2000 tous les régimes de retraite seraient, par cette décision brutale et dogmatique, mis en grande difficulté. D’ailleurs, cela n’a pas manqué. Quand on voit les difficultés qu’il y a pour prolonger la durée de cotisation et augmenter l’âge légal de départ à la retraite, on mesure le séisme aux conséquences définitives qu’a constitué pour les caisses cette décision irresponsable.

Plus de trente ans après, en 2012, et cette fois par décret, le gouvernement Ayrault est revenu sur la retraite à 62 ans que le gouvernement Fillon avait fait adopter en 2010 malgré l’opposition frontale de la gauche, ici même comme dans la rue. Vous n’étiez d’ailleurs pas en reste, madame la ministre.

Cette opposition constante de la gauche française à toute réforme de la Sécurité sociale s’est manifestée en 1991 avec Michel Rocard. Elle s’est manifestée aussi en 1995 et 1996 par le refus de toute réforme, y compris celle des régimes spéciaux et même pour ce qui est de l’instauration, pourtant évidemment indispensable, d’une budgétisation des dépenses de la Sécurité sociale, c’est-à-dire des lois de financement de la Sécurité sociale. En 2000, Lionel Jospin et Martine Aubry, malgré les conclusions du rapport Charpin, n’ont pas eu davantage de courage, encouragés à ne rien faire par le Premier secrétaire du Parti socialiste de l’époque, un certain François Hollande.

Mais ce n’est pas tout : en 2003 et en 2007, à chaque fois que la droite a courageusement voulu œuvrer pour consolider les régimes, la gauche a montré son irresponsabilité face à la répartition. La gauche n’a pas seulement refusé constamment les mesures de consolidation des comptes sociaux : elle a été à l’origine de tous les mécanismes inflationnistes et déresponsabilisants, ou des dispositions d’apparence généreuse mais non financées. Ainsi, les 35 heures et les exonérations de charges correspondantes…

M. Michel Issindou. Toujours la même rengaine !

M. Bernard Accoyer. …ont coûté 12 milliards d’euros par an dans le secteur privé, soit, en quatorze ans, près de 10 % de la dette de la nation, sans compter l’augmentation de 10 milliards par an des dépenses de l’État et de l’hôpital. On pourrait citer encore la CMU,…

Mme Bérengère Poletti. L’APA !

M. Bernard Accoyer. …l’AME, dont le coût a décuplé en treize ans, ou encore les centres de santé – on pourrait encore allonger la liste !

Nous verrons que ce PLFSS n’échappe pas à cette fâcheuse habitude. En effet, le Gouvernement, une nouvelle fois, choisit le parti pris : le public contre le privé, le collectivisme contre l’initiative et les choix individuels, les prélèvements obligatoires, sociaux et fiscaux ou les baisses autoritaires de tarifs contre les économies de dépense publique, la responsabilisation, la négociation et même la parole donnée.

Ce PLFSS n’échappe pas aux mesures que privilégie le Gouvernement : hausse des cotisations et des impôts, diminution des prestations pour les ménages et familles moyennes, baisse de toutes les pensions. La double hausse de cotisation retraites en 2012 puis 2013, la baisse du quotient familial, la hausse de la fiscalité rétroactive des placements à long terme, ce qui est économiquement dangereux, le déplafonnement du régime social des indépendants, la fiscalisation des contrats collectifs, la fin du droit d’option pour les travailleurs frontaliers, les baisses de tarifs sur les médicaments mais aussi les hausses de la fiscalité sur les laboratoires pharmaceutiques en sont l’illustration.

S’agissant de la branche maladie, le Gouvernement a fixé l’ONDAM pour 2014 à 2,4 %, c’est-à-dire le niveau le plus bas depuis qu’existent les lois de financement de la Sécurité sociale et donc les ONDAM. Cet objectif est audacieux et, s’il est possible de le présenter, c’est grâce à la maîtrise des dépenses de santé que le gouvernement de François Fillon avait obtenue les années précédentes.

Mme Bérengère Poletti. C’est vrai !

M. Bernard Accoyer. Mais cette tendance méritoire sera difficile à tenir dans le temps puisque le Gouvernement se refuse à toute réforme de structure et qu’il en abandonne même l’idée : après la convergence tarifaire, enterrée lors du précédent PLFSS, la suppression du jour de carence dans la fonction publique, inexplicable et injuste,…

Mme Bérengère Poletti. Eh oui !

M. Bernard Accoyer. …c’est maintenant la tarification à l’activité qui est attaquée.

Plus inquiétantes encore sont les mesures de tarification dégressive des actes et les dispositions qui vont remettre en cause le système de soins et en particulier l’hospitalisation privée. En fait, il s’agit d’une étatisation rampante qui vise, on l’a bien compris, à mettre à mal la médecine libérale, et en tout premier lieu le paiement à l’acte et les espaces de libertés,…

M. Jean-Pierre Door. C’est vrai !

Plusieurs députés du groupe SRC. Vous n’avez rien compris !

M. Jérôme Guedj. Oh là, c’est du bolchévisme !

M. Michel Pouzol. C’est affreux…

M. Bernard Accoyer. …même si ses excès doivent évidemment être combattus.

Les mesures et les financements figurant dans ce PLFSS, comme les amendements du rapporteur, privilégient un mode d’exercice qui tourne le dos à la médecine à la française.

Pourtant, l’IGAS elle-même a détaillé les défauts structurels, en particulier financiers, des centres de santé créés il y a déjà trente ans par Jack Ralite, ministre communiste de la santé du gouvernement Mauroy.

M. Jérôme Guedj. Très bon ministre !

M. Bernard Accoyer. La généralisation du tiers payant pour les consultations médicales s’inscrit dans cette logique cachée et dangereuse. Cette mesure, dont le coût est estimé à 15 % de la valeur de l’acte lui-même, sans compter la complexité des mécanismes à mettre en place, n’améliorera pas l’accès au médecin des plus démunis qui bénéficient déjà de la gratuité. Pour les autres, ce ne sera qu’une mesure déresponsabilisante, inflationniste et dévalorisante pour les actes des praticiens. L’avenir de la médecine de ville, de la médecine de proximité n’est pas dans les centres de santé, mais plutôt dans la médecine de groupe, les cabinets multidisciplinaires et les maisons médicales.

Pour ce qui est de l’hospitalisation, 74 milliards d’euros lui sont consacrés. L’hospitalisation privée représente 25 % de l’offre de soins, 40 % des hospitalisations, 55 % des séjours chirurgicaux et 70 % de la chirurgie ambulatoires, mais elle ne pèse que 17 % des dépenses hospitalières. Et pour la première fois en 2013, les tarifs forfaitaires de séjour payés par l’assurance maladie aux établissements privés ont baissé de 0,6 % à 0,9 %.

L’hospitalisation privée, à l’égard de laquelle vous avez, madame la ministre, quelques préjugés pour le moins défavorables, pâtit d’un parti pris qui exonère l’hospitalisation publique de réformes structurelles, en particulier du développement de la chirurgie ambulatoire, alors même que selon la Cour des comptes il y a là un gisement d’économies qui se chiffrerait entre 4 et 6 milliards d’euros.

S’agissant du secteur médico-social, le Gouvernement avait créé une contribution additionnelle de 0,3 % sur les pensions de retraite, la CASA, qui devait alimenter la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie. Le même gouvernement n’a pas tenu parole et, pour la seconde fois, va affecter cette contribution au Fonds de solidarité vieillesse. C’est un détournement pur et simple des cotisations des retraités.

M. Jean-Pierre Door. Exactement !

M. Bernard Accoyer. C’est une illustration de votre double langage – mais il y en a d’autres, et pas seulement sur la médecine libérale, la prise en charge de la dépendance ou l’hospitalisation. C’est ainsi par exemple le sort réservé à l’industrie du médicament.

Ce secteur, qui emploie en France 100 000 personnes pour un chiffre d’affaires de 50 milliards d’euros et contribue pour 8 milliards à réduire le déficit du commerce extérieur, est devenu, depuis plusieurs années, la variable d’ajustement des comptes de la Sécurité sociale. Après les prélèvements des exercices précédents c’est, cette année encore, sur le médicament, qui représente 15 % des dépenses de santé, que le Gouvernement veut prélever l’essentiel des économies escomptées alors que le médicament participe déjà à 56 % des économies réalisées.

Les nouveaux prélèvements et les baisses autoritaires de tarifs décidés par le Gouvernement, qui avoisinent le milliard, sont en contradiction flagrante avec les engagements gouvernementaux que le Premier ministre a lui-même pris devant le Conseil stratégique des industries de santé. Ce faisant, le Gouvernement se renie. Surtout, il met en danger toute la filière, soit des emplois par milliers, et l’accès aux progrès thérapeutiques issus de la recherche.

Suite à ces mesures massives et imprévisibles, l’industrie du médicament se détourne d’ores et déjà, de la France, ce qui risque de provoquer un nouveau séisme économique et social qui pourrait placer notre pays non seulement à la remorque de l’étranger mais aussi sous sa dépendance pour son approvisionnement en médicaments.

Les articles relatifs aux biosimilaires, incompris sur le plan scientifique, et aux hausses fiscales s’inscrivent dans cette logique destructrice que seuls des préjugés contre la libre entreprise et la concurrence peuvent expliquer. Il en est de même de la fin du droit d’option pour leur assurance maladie dont disposent depuis 2001 les travailleurs frontaliers français employés en Suisse. Plus de 150 000 familles qui ont dû aller chercher du travail de l’autre côté de la frontière sont ainsi concernées. Rappelons qu’une bonne partie d’entre elles, si elles ne l’avaient fait, seraient au chômage en France, à la charge de la solidarité nationale.

Longtemps la France a ignoré ces frontaliers qui ont dû se trouver eux-mêmes une assurance santé. Or, depuis bientôt quinze ans, la gauche, qui n’a pas de mots assez durs à leur égard, veut absolument les contraindre à s’affilier à l’assurance maladie obligatoire française.

En 2000, sous la pression de Jacques Chirac, alors Président de la République, M. Moscovici a concédé in extremis la pérennisation du droit d’option. En 2006, le gouvernement Villepin avait accepté de proroger le dispositif mais la gauche profite aujourd’hui de ses pleins pouvoirs pour retirer ce droit à 150 000 de nos compatriotes, des Français qui ne sont pas des nantis et travaillent dur dans des conditions de précarité et de droit du travail qui n’ont rien à voir avec celles que nous connaissons en France – des Français qui, s’ils ne travaillaient pas en Suisse, seraient pour la plupart au chômage.

Si vous n’acceptiez pas l’amendement qu’avec les députés frontaliers nous présentons, madame la ministre, les conséquences sur le pouvoir d’achat des frontaliers et leur accès aux soins, sur l’économie des départements et des régions frontalières ainsi que sur l’emploi seraient terribles, sans oublier le sort réservé aux secteurs régional et national des assurances où de nombreux licenciements deviendraient inévitables.

Telles sont vos responsabilités, madame la ministre. Les monopoles sont porteurs de dangers et finissent toujours par être regrettés et dénoncés.

Cette étatisation, cette obsession que seul le secteur public peut répondre aux problèmes sont, hélas, une nouvelle preuve de l’idéologie qui prévaut au Gouvernement et dans la majorité. Du reste, le Gouvernement voudrait bien imposer un autre monopole, celui qui découlerait de la clause de désignation pour les assurances santé complémentaires collectives, comme la loi portant accord national interprofessionnel le prévoyait.

À juste titre, le Conseil constitutionnel a annulé cette disposition monopolistique au seul profit des grands groupes de prévoyance dont la gestion est paritaire. On sait désormais que la gestion paritaire peut aussi comporter des éléments financiers délictueux répondant à l’objectif faussement rassurant de « fluidifier les relations sociales ».

M. Christian Jacob. C’est vrai.

M. Bernard Accoyer. Le retour de cette clause par le biais d’un amendement gouvernemental de dernière minute, inscrit après l’article 45 de ce PLFSS… (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

M. Christian Jacob. Ah là là…

M. Bernard Accoyer. …serait à la fois un déni de justice, une malhonnêteté et un autre mauvais coup porté à la liberté de choix comme au secteur des assurances et à ses emplois.

Venons-en à la branche famille, victime de mesures qui s’en prennent aux droits familiaux et aux seules familles moyennes avec enfants.

Le Gouvernement, oubliant les raisons du succès de la politique familiale en matière de natalité, oublie également le principe fondateur de la Sécurité sociale en 1945 : les valides et les actifs financent les soins et pensions des malades et des retraités. Le système de retraite par répartition impose une pyramide des âges dynamique sans laquelle le niveau des pensions, voire la survie du système, sont en cause. C’est la raison d’être de la branche famille et des politiques familiales.

Or, le Gouvernement s’en prend encore dans ce PLFSS aux familles et aux droits familiaux, confondant politique familiale, politique sociale et politique de redistribution avec la diminution de la PAJE pour des milliers de familles. À cette mesure s’ajoute l’abaissement du quotient familial pour 1,3 million de familles, voté dans le projet de loi de finances, et la fiscalisation des majorations de retraites pour charge de famille, sans compter les atteintes portées aux avantages fiscaux pour les déductions liées aux gardes d’enfants. Ces mesures pèseront encore une fois sur les familles moyennes.

Mais ces mauvais coups n’empêcheront pas la branche famille d’être encore déficitaire en 2014 de 2,8 milliards d’euros. Il faut dire, et cela ne date pas hélas de ce Gouvernement, que la branche supporte bien des charges qui devraient incomber à l’État.

S’agissant de la branche vieillesse, le Gouvernement vient de mettre en place, avec la pseudo réforme de 2013 – qui serait plutôt une anti-réforme, faite dans le mépris le plus total des mesures prises en 2010 – une véritable usine à gaz sur la pénibilité en créant presque autant de régimes spéciaux qu’il y a de professions.

Du fait de ce dispositif unique – comme les 35 heures ! – un départ sur deux pourrait se faire avant l’âge légal. Comment pouvez-vous, madame la ministre, prétendre ainsi sauvegarder la répartition ? De surcroît, cette réforme n’effleure que timidement la durée de cotisation. Or, ne pas toucher à l’âge légal de départ conduit mécaniquement à baisser les pensions. Nous ne le voulions pas, le Gouvernement si, et le parti socialiste l’a voté.

Malgré la hausse des cotisations et des impôts, le Gouvernement ose présenter une réforme qui aura besoin de 20 milliards d’euros en 2020 et n’en apporte que 7, sans compter le coût de la pénibilité et sans accepter la moindre convergence entre le régime général, celui des fonctionnaires et les régimes spéciaux.

Malgré vos incantations de justice, vous tournez le dos à l’équité. Votre projet est injuste et irresponsable quant à l’avenir de notre pacte social et à la sérénité de la République. Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, je vous invite à voter cette motion de renvoi en commission puisque, comme vous le voyez, tout reste à faire pour que ce PLFSS serve la cause qui nous rassemble : la solidarité nationale. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé. Monsieur le député, il ne ressort de votre intervention aucune proposition, aucune idée nouvelle. Aussi ne vois-je pas trop bien à quoi rimerait un retour de la discussion en commission, où nous ne ferions qu’entendre une fois de plus les mêmes caricatures, les mêmes litanies.

Au fond, monsieur Accoyer, ce qu’il y a de bien avec vous, c’est que l’on n’est jamais surpris.

M. Bernard Accoyer. C’est partagé.

Mme Marisol Touraine, ministre. Vous êtes toujours là où l’on vous attend, sur le terrain des caricatures, de l’idéologie et de l’invocation des grands principes. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Christian Jacob. Reconnaissez plutôt que vous êtes incapable de lui répondre !

M. Denis Jacquat. C’est qu’il a posé des questions gênantes.

Mme Marisol Touraine, ministre. Vous nous donnez des leçons à longueur de discours mais vous oubliez de rappeler qu’entre 2002 et 2012, vous n’avez pas été capables, alors même que la situation économique de notre pays, du moins jusqu’en 2008, était bonne, de réduire les déficits. Vous avez au contraire laissé déraper le déficit de la Sécurité sociale.

Vous prétendez trouver des vices cachés, vous dénoncez l’étatisation du système mais vous oubliez de rappeler que, pour la première fois, le sous-ONDAM de la médecine de ville sera supérieur à celui de la médecine hospitalière. Cela signifie que l’année prochaine, les dépenses liées à la médecine de ville progresseront de 2,4 % et celles liées à l’hôpital de 2,3 %, sans que nous cherchions à aucun moment à opposer les uns aux autres, contrairement à vous qui n’avez que cette préoccupation à la bouche : opposer la médecine de ville à l’hôpital, l’hospitalisation privée à l’hospitalisation publique…

M. Guy Teissier. Que ne faut-il pas entendre !

Mme Marisol Touraine, ministre. Nous préférons pour notre part un système de santé qui reconnaisse la part de chacun et nous permette d’avancer.

Approximation encore, ou amnésie, lorsque vous prétendez que nous voulons faire passer sous la toise les frontaliers alors que c’est votre majorité qui a voté l’extinction du dispositif relatif aux frontaliers suisses en 2014. Nous proposons au contraire dans le présent texte de mettre en place un régime transitoire d’un an.

Je pourrais multiplier à l’infini les exemples pour montrer à quel point les répétitions et affirmations dont vous vous contentez purement idéologiques.

M. Denis Jacquat. C’est la Saint Bernard aujourd’hui !

Mme Marisol Touraine, ministre. Ma seule surprise aura été de ne pas vous entendre remonter jusqu’à la guerre froide mais au fond, nous avons plusieurs jours devant nous pour que vous alliez de l’avant sur le terrain idéologique et caricatural que vous affectionnez tant ! Bref, j’appelle les députés à ne pas voter cette motion de censure. (Applaudissements sur les sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

M. le président. Nous en venons aux explications de vote.

La parole est à M. Jean-Louis Touraine.

M. Jean-Louis Touraine. Nous avons entendu une proposition de renvoi en commission fondée sur des raisons de forme alors que nous nous attachons, pour notre part, au fond. M. Accoyer n’a cessé de développer des thèses contre la gauche, supposée illégitime et inapte à conduire les réformes opportunes. Et pourtant, dans le Conseil national de résistance, qui a rédigé les ordonnances de création de la Sécurité sociale ? La gauche était présente et bien présente. Sans elle, notre système de solidarité nationale n’aurait pas trouvé un accueil favorable dans le pays.

M. Christian Jacob. On le doit aussi un peu à De Gaulle, tout de même, non ?

M. Jean-Louis Touraine. Depuis, la gauche a poursuivi sur sa lancée, en adaptant notre système dans le respect des valeurs initiales de solidarité et en maintenant l’équilibre.

Le texte que nous examinons aujourd’hui propose des réformes structurelles dans un cadre respectueux de l’équilibre indispensable entre les différents composants. Il renforce l’égal et juste accès aux soins, en préfigurant la médecine du futur. Il donne un second souffle authentique pour réorganiser et améliorer la prise en charge de nos concitoyens.

Je ne pourrais pas vous citer l’intégralité des réformes structurelles dont vous niez l’existence mais retenons tout de même la réforme de la médecine ambulatoire, la mise en place des premiers parcours du soin, avec une expérimentation de tarification pour l’insuffisance rénale chronique et le traitement du cancer par radiothérapie, ce dispositif étant bien entendu appelé à s’étendre à d’autres maladies chroniques, ou enfin la reconnaissance des actions de télémédecine.

Je voudrais aussi revenir sur la fin du « tout T2A ». Rappelons que l’engagement avait été pris lors de la loi Hôpital, patients, santé et territoires de baser le financement de l’hôpital, public ou privé, sur la T2A, avec un objectif de convergence dont on ne compte plus les effets néfastes. C’était l’alpha et l’oméga de la politique de financement de l’hôpital. Il est aujourd’hui possible de conserver le bénéfice d’une tarification à l’activité, mais de la pondérer en y associant des correctifs comme la dégressivité, qui devrait empêcher l’inflation d’actes inopportuns. Pour toutes ces raisons, et parce que ce texte permet des avancées considérables, en particulier dans la lutte contre le tabagisme, le groupe socialiste, républicain et citoyen votera contre la motion de renvoi en commission. Nous avons déjà eu en commission tous les échanges nécessaires, et de qualité, notamment sur les ventes de médicaments à l’unité ou encore les médicaments biosimilaires. (Applaudissements sur les sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Door.

M. Jean-Pierre Door. Sans la moindre caricature, madame la ministre, M. Accoyer a défendu avec beaucoup de calme, de sérieux et de talent cette motion de renvoi en commission. Et il a parfaitement raison ! Il ne se dégage de ce PLFSS pour 2014 aucune vision cohérente, aucune réforme structurelle ambitieuse pour l’avenir de notre protection sociale. Mais vous vous permettez, madame la ministre, de balayer d’un revers de main les propositions de la Cour des comptes… Vous préférez trouver quelques boucs émissaires, en particulier les familles, avec vos mesures relatives à la PAJE ou au quotient familial, les Français des classes moyennes, avec la taxation des PEA, des plans d’épargne logement, des contrats d’épargne logement et des assurances vie, les professions indépendantes, avec l’augmentation de la cotisation du RSI, les retraités, avec la réduction de pouvoir d’achat correspondant à l’absence de revalorisation, six mois durant, de leur retraite, et enfin l’industrie pharmaceutique à qui l’on demande 1 milliard d’euros d’économies, au risque de la détruire.

En revanche, vous fermez les yeux sur la restructuration souhaitée et souhaitable de l’hôpital public. Enfin, et c’est le pire, vous faites, madame la ministre, rentrer par la fenêtre, avec un amendement surprise, la clause de désignation pour les contrats d’assurance santé…

M. Bernard Accoyer. C’est scandaleux !

Mme Bérengère Poletti. Et anticonstitutionnel !

M. Jean-Pierre Door. …qui était sortie par la porte suite au recours déposé devant le Conseil constitutionnel, du fait d’une atteinte à la liberté de la concurrence.

Pour conclure, je rappelle que la commission a été saisie de 360 amendements. Aujourd’hui, en l’espace d’un quart d’heure, 300 amendements supplémentaires ont été déposés sans que nous puissions en débattre. Aucun des 660 amendements n’a été retenu par l’opposition.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Ce n’est pas à vous de les retenir ou non, mais à la commission des finances ! Quelle mauvaise foi ! Combien de mandats avez-vous accomplis, monsieur Door ?

M. Jean-Pierre Door. Il faut donc revoir ce texte en commission : c’est pourquoi nous voterons cette motion de renvoi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. Sans surprise, le groupe UDI votera cette motion de renvoi en commission, et ce pour plusieurs raisons. Tout d’abord, ce projet de loi de financement de la Sécurité sociale ne répond pas aux enjeux de la protection sociale : il pèse sur le travail, alors que le Gouvernement s’apprête à annoncer un allégement de la branche famille, mais aussi sur le pouvoir d’achat, avec les taxes complémentaires que vous proposez, et enfin sur la compétitivité des entreprises, alors même que, d’année en année, la France recule sur l’échelle des pays compétitifs et des pays développés.

Ce texte ne répond pas non plus aux besoins de soins et aux nécessités de la répartition de l’offre dans les territoires. La lutte contre les déserts médicaux est au point mort. Vous ne réformez pas la carte hospitalière, non plus que la spécialité des hôpitaux. Aucun de ces enjeux n’est pris en compte dans ce PLFSS.

Mme Bérengère Poletti. Il n’y a aucune réforme !

M. Francis Vercamer. De surcroît, peu d’économies sont réalisées, et celles qui le sont reposent pour 56 % sur le médicament, lequel ne représente pourtant que 15 % du budget. Cela a donc peu de chances de réduire le déficit très important que vous laissez se produire.

Vous ne tenez pas non plus compte des préconisations formulées par la Cour des comptes. M. Accoyer a notamment évoqué la chirurgie ambulatoire, où gisent 4 à 6 milliards d’économies potentielles. Vous ne tenez pas davantage compte des études conduites par la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés, par exemple sur l’explosion des hospitalisations ponctuelles ou des coûts de transport.

Le déficit demeure important, malgré la surtaxation des familles modestes et des classes moyennes sur l’épargne logement, le PEA ou encore l’épargne vie – et avec un effet rétroactif qui est, disons-le comme ça, pour le moins anachronique.

M. Christian Jacob. Pour ne pas dire davantage !

M. Francis Vercamer. Enfin, votre projet de loi de financement est sans cap, sans ambition et sans vision. Il ne comporte aucune réforme structurelle et ne respecte pas la parole donnée par le Gouvernement. La commission n’est pas davantage respectée, avec le dépôt tardif de tant de nouveaux amendements.

Mme Bérengère Poletti. Exactement !

M. Francis Vercamer. Je vous propose donc de retourner en commission, précisément, afin de continuer à travailler sur ce texte ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)

(La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n’est pas adoptée.)

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Jean-Marc Germain.

M. Jean-Marc Germain. L’examen du projet de loi de financement de la Sécurité sociale, tout comme celui du projet de loi de finances, est l’un des moments les plus importants de la vie démocratique, où l’on donne sens au mot « responsabilité » – la responsabilité, c’est de ne pas transmettre nos dettes aux générations futures. C’est le moment où les convictions politiques prennent corps – les nôtres, à gauche, sont le progrès et la justice. C’est à cette aune que nous voulons être et que nous serons jugés.

Quels sont les progrès que les Français attendent en matière de protection sociale ? Le progrès consiste d’abord à faire en sorte que le troisième âge ne soit plus celui de la fin de vie, mais celui d’une troisième vie. Quel plus beau défi ? L’allongement de l’espérance de vie n’est pas un fardeau, mais une chance, considérons-la comme telle !

Il fallait pour cela adapter notre système de retraite par répartition au vieillissement. Nous l’avons fait avec la prise en compte de la pénibilité, avec la compensation des inégalités de carrière dont sont victimes les femmes et avec la validation des périodes de chômage ainsi que des périodes de stage et de formation en alternance pour les jeunes.

Il faut ensuite adapter la société à son vieillissement : c’est le grand chantier annoncé par le Premier ministre pour 2014, et nous attachons du prix à ce que la pompe soit amorcée dès l’an prochain. Nous avons, comme vous le savez, madame la ministre, adopté un amendement en commission en ce sens.

Le progrès consiste ensuite à moderniser la politique familiale. Aimer les familles ne signifie pas regretter, comme le fait l’opposition, celles de l’ancien temps : maman à la maison, papa au travail, et ce pour toute la vie. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Véronique Louwagie. Vos propos sont humiliants pour les femmes ! Ça confine au sexisme !

M. Jean-Marc Germain. Aimer les familles, c’est permettre à chacun d’aimer qui il veut avec les mêmes droits, en commençant par le mariage pour tous. Aimer les familles, c’est mettre un signe égal entre les pères et les mères pour qu’ils mènent pleinement leur vie professionnelle, et donc développer massivement les modes de garde, comme nous le faisons. Aimer les familles, c’est donner plus à celles qui ont moins, pour que chaque enfant ait les mêmes chances. Voilà les grands principes qui nous animent et qui trouvent leur traduction financière dans ce PLFSS.

Le progrès consiste enfin à refaire de notre système de santé le premier au monde. La médecine accomplit chaque jour des progrès considérables et elle en fera encore plus dans les années qui viennent, notamment par la conjugaison féconde des biotechnologies, des nanotechnologies, des alicaments et de la médecine personnalisée. Ces progrès seront sources de dépenses, mais aussi d’économies. Ainsi, lorsque l’entreprise Sorin, dans ma circonscription, double la durée de vie d’un pacemaker et rend possible son réglage à distance, elle permet à la Sécurité sociale d’économiser des centaines de milliers d’euros.

Cela n’exonère pas des efforts de rationalisation de notre système de santé, et c’est précisément la logique de la stratégie nationale de santé que vous avez annoncée, madame la ministre : développer la prévention et les soins de premier recours, rationaliser les parcours de soins et améliorer la couverture, notamment par la généralisation des complémentaires santé et du tiers payant.

Toutefois, notre devoir consiste aussi à équilibrer les comptes. C’est un peu notre croix : nous passons toujours après vous, chers collègues de l’opposition. C’est bien normal, c’est l’alternance démocratique.

M. Guy Teissier. Et nous allons revenir !

M. Jean-Marc Germain. Ce qui est moins normal, c’est que vous nous avez toujours laissé une montagne de dettes, sans doute par idéologie, pour justifier ensuite une réduction du périmètre de la protection sociale, comme le défendent les libéraux, mais aussi parce que vous avez pris l’habitude de distribuer des cadeaux fiscaux sans être capables de les financer. De ce point de vue, le dernier quinquennat a été édifiant : il fut celui des chèques, du premier au dernier jour – des chèques en or pour les plus aisés mais des chèques en bois pour le pays.

M. Guy Teissier. Nous verrons bien comment les Français vous jugeront !

M. Jean-Marc Germain. Le gouvernement Jospin, avec Martine Aubry, avait rétabli les comptes de la Sécurité sociale. Vous le faites à nouveau, madame la ministre, et il faut du courage. Vous en avez, nous en avons : nous avons montré je crois que nous ne gouvernons pas pour être populaires !

M. Guy Teissier. Ça, c’est sûr !

M. Jean-Marc Germain. Notre engagement n’est ni la hausse fiscale, ni même la pause fiscale – si nous pouvons un jour baisser les impôts car les comptes seront redressés et les priorités financées, alors nous le ferons – mais la justice fiscale. La justice fiscale, c’est ce que nous réalisons depuis juin 2012 : alignement de la fiscalité du capital sur celle du travail, rétablissement de l’impôt sur les sociétés, prélèvements sur les hauts revenus, réduction des niches fiscales inutiles et injustes.

M. Guy Teissier. Et augmentation du chômage !

M. Jean-Marc Germain. Il faut poursuivre. Nous le faisons cette année avec le PLFSS, et je vous renvoie aux propos de notre rapporteur Gérard Bapt sur ce sujet. Je souhaite que nous le fassions encore plus l’an prochain, avec une refondation du financement de la protection sociale. Un débat légitime existe sur la bonne assiette des impôts sur la production, qui a rebondi cette année avec la question de l’excédent brut d’exploitation. De ce point de vue, je suis favorable à une cotisation sur la valeur ajoutée.

M. Bernard Accoyer. La TVA sociale !

M. Jean-Marc Germain. D’autres débats ont cours, sur l’introduction éventuelle d’une CSG progressive, qui pourrait remplacer avec davantage de justice les cotisations sur les salaires, ou sur l’articulation entre le crédit d’impôt compétitivité emploi, le crédit d’impôt recherche et les prélèvements sociaux.

M. Jérôme Guedj. Très bien !

M. Guy Teissier. Encore des impôts !

M. Jean-Marc Germain. Je conclurai par une phrase de Jean Jaurès : « C’est en allant vers la mer que le fleuve reste fidèle à sa source ».

M. Christian Jacob. Laissez donc Jaurès là où il est !

M. Jean-Marc Germain. Avec ce PLFSS, nous restons fidèles à notre source : la justice et le progrès. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Door.

M. Jean-Pierre Door. Dans les couloirs de la Cour des comptes, on considère qu’il est urgent de s’attaquer au déficit de l’assurance maladie.

M. Gérard Bapt, rapporteur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013. Ce n’est pas nouveau : cela fait des années !

M. Jean-Pierre Door. « Des gisements d’économies considérables existent », confirme le président Migaud.

M. Gérard Bapt, rapporteur. M. Séguin disait déjà la même chose en son temps !

M. Jean-Pierre Door. Ces économies se trouvent dans les hôpitaux surtout, à hauteur de cinq milliards d’euros, car la médecine de ville, poursuit M. Migaud, confirme qu’elle a été responsable, respectant son objectif de dépenses les années passées.

En 2011, madame la ministre, quand vous étiez dans l’opposition, vous ne cessiez ici même de reprocher à la majorité de l’époque ses « économies de bout de chandelles ». (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe UMP.) Vous plaidiez alors pour des réformes de structure et étiez « prête à assumer vos responsabilités ». Or, qu’avons-nous aujourd’hui ? Un PLFSS qui est la copie conforme du précédent. Il n’y a aucune nouveauté par rapport à 2013 : ce texte est complètement atone, dénué de tout ingrédient constructif. C’est votre deuxième projet législatif destiné à améliorer notre protection sociale.

M. Christian Jacob. C’est aussi le dernier !

M. Jean-Pierre Door. Résultat : aucun enthousiasme, échec complet sur toute la ligne. Et un déficit prévu à près de 13 milliards d’euros, dont 6,5 milliards pour la seule branche maladie.

Les Français sont tristes. L’inquiétude les ronge. L’avenir leur fait peur.

M. Philippe Le Ray. Très juste !

M. Jean-Pierre Door. Vous frappez fort, avec un chômage en hausse, une activité en baisse, des impôts et des taxes multipliés.

M. Christian Jacob. Eh oui !

M. Jean-Pierre Door. Votre popularité n’est pas au mieux.

M. Christian Jacob. C’est le moins que l’on puisse dire !

M. Jean-Pierre Door. Et vous construisez ce PLFSS pour 2014 sur des économies en trompe l’œil. Les 3,5 milliards d’économies réelles reposent essentiellement, pour 800 millions d’euros, sur le décalage d’avril à octobre de la revalorisation des pensions de retraite, pénalisant d’autant le pouvoir d’achat des retraités moyens. Ils apprécieront !

M. Bernard Accoyer. Exactement !

M. Jean-Pierre Door. Ils se trouvent également dans la modulation de la PAJE en fonction des revenus, pour 100 millions d’euros, qui touche directement aux familles. Elles apprécieront !

M. Christian Jacob et Mme Bérengère Poletti. Eh oui !

M. Jean-Pierre Door. Mais le coup de rabot sur les frais de gestion de la Sécurité sociale n’est que bien timide : environ 400 millions d’euros. Vous pouviez mieux faire !

Alors, et c’est inquiétant, vous inventez de nouveaux impôts pour les ménages, surtout les plus modestes…

M. Guy Teissier. Ils adorent ça !

M. Jean-Pierre Door. …avec la taxation à 15,5 % des PEL, des CEL et des PEA ainsi que des contrats d’assurance vie qu’ils avaient privilégiés pour améliorer leur avenir personnel, mais aussi celui de leur famille et de leurs enfants.

M. Bernard Perrut. Que d’imagination !

M. Gérard Bapt, rapporteur. Les plus modestes souscrivent-ils souvent un PEA ? Allons !

M. Jean-Pierre Door. Mais le fait est que vous n’aimez pas les familles. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Bernard Accoyer. Exact !

M. Olivier Véran. Caricature !

M. Jean-Pierre Door. Vous baissez le quotient familial et fiscalisez les contrats collectifs de santé, au risque de les voir se réduire comme peau de chagrin.

M. Christian Jacob. Il fallait que ce soit dit !

Mme Véronique Louwagie. C’est une politique anti-familles !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Et antilibérale !

M. Jean-Pierre Door. Vous n’aimez pas non plus les professions libérales, les artisans et commerçants. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Vous créez une nouvelle cotisation déplafonnée et donc augmentée du régime social des indépendants. Et quelle erreur de porter la taxe spéciale sur les contrats d’assurance de 9 à 14 % pour les contrats non responsables ! Bien entendu, cela augmentera ipso facto les cotisations de ces contrats. Le président de la Mutualité lui-même est stupéfait et indigné de n’avoir pas obtenu la baisse des taxes des contrats responsables, tant réclamée par de multiples manifestations avant votre élection, et que vous souteniez.

La presse d’aujourd’hui se faisait l’écho du divorce consommé entre votre Gouvernement et la Mutualité française, comme en témoigne son vote contre votre projet de loi dont elle juge, je cite son président, qu’il s’agit d’un empilement de mesures pensées dans l’urgence, sans concertation avec les principaux acteurs. C’est peu dire du jugement que le président de la Mutualité porte à votre égard !

En rétablissant les « clauses de désignation » qui, comme M. Accoyer l’a rappelé, avaient été censurées dans la loi sur l’ANI, vous faites un pied de nez au Conseil constitutionnel.

M. Bernard Perrut. Incroyable !

M. Jean-Pierre Door. Vous serez sans doute encore dans votre tort lorsque nous lui soumettrons ce PLFSS.

Madame la ministre, vous affectez pour la deuxième année la CASA au FSV…

M. Bernard Perrut. C’est un hold-up !

M. Jean-Pierre Door. … alors que vous aviez promis que c’était une exception pour 2013 et qu’enfin, en 2014, la CASA financerait la future loi sur l’autonomie.

M. Christian Paul, rapporteur de la commission des affaires sociales. Que vous aviez promise et que vous n’avez jamais faite !

M. Jean-Pierre Door. Certains de vos collègues au parti socialiste, ils sont présents du reste, s’insurgent, comme nombre d’associations de personnes âgées et dépendantes et comme l’UMP, contre ce détournement. Par conséquent, nous demandons que la CASA abonde dès cette année la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie.

De nombreux articles de ce projet de loi vont à contre-courant de ce qu’il conviendrait de faire si votre idéologie ne l’emportait pas de façon aussi criante. L’abandon de la convergence tarifaire entre le public et le privé a mis à mal les établissements privés, qui sont aujourd’hui majoritairement dans le rouge. Ou alors il vous faut avouer que l’hospitalisation privée ne fait plus partie de vos projets et qu’elle est vouée à disparaître, au grand désespoir d’une majorité de Français !

M. Christian Jacob. Il a raison !

Mme Bérengère Poletti. C’est sans doute l’explication !

M. Christian Paul, rapporteur. Caricature, monsieur Door !

M. Jean-Pierre Door. D’autres articles mettent à mal la tarification à l’activité, la T2A dont parlait M. Touraine, pourtant parfaitement déployée depuis 1995 dans tous les pays européens. Vous allez à contresens de l’histoire et les finances de la Sécurité sociale en subiront les conséquences.

Abandon des réformes structurelles engagées par la majorité précédente, rétropédalage, détricotage : voilà ce que l’opinion perçoit de plus fragrant dans ce texte de loi.

Mme Bérengère Poletti. C’est effectivement ce que les Français disent !

M. Jean-Pierre Door. Mais, au mépris des préconisations de la Cour des comptes, vous fermez les yeux sur une réforme pourtant nécessaire, indispensable : celle des hôpitaux publics et de la carte hospitalière.

Nous aurions pourtant pu croire que la médecine de ville avait votre soutien, puisque vous prônez certaines mesures avec le plan de stratégie nationale de santé et fixez un objectif de dépenses raisonnable, à 2,4 %. Aussi, quelle mauvaise surprise de voir surgir des amendements du rapporteur asphyxiant la médecine libérale et réanimant à coups de millions d’euros les centres de santé publics !

M. Bernard Accoyer. Rapporteur, étrangleur !

M. Jean-Pierre Door. Tout d’abord, vous voulez remettre en cause, à marche forcée, la convention médicale négociée jusqu’en 2015, à l’aide d’un règlement arbitral si besoin. Là encore, les syndicats médicaux jugeront. Puis vous oubliez que ces centres publics de santé, ex « dispensaires » du XIXsiècle, accusent un important déficit, comme l’a montré un récent rapport de l’IGAS que j’ai également lu.

M. Christian Paul, rapporteur. Vous avez d’excellentes lectures !

M. Jean-Pierre Door. Se faire les apôtres du salariat médical, en ressuscitant les officiers de santé, est peut-être le choix des socialistes. Ce n’est pas le nôtre, étant donné ce qui existe dans ce domaine chez certains de nos voisins européens.

M. Bernard Accoyer. Très bien !

M. Jean-Pierre Barbier. C’est le retour de Mme Bovary !

M. Jean-Pierre Door. Enfin, près de la moitié de votre plan d’économies, soit un bon milliard d’euros, impacte l’industrie pharmaceutique. Vous vous acharnez ainsi sur un secteur exportateur, créateur de milliers d’emplois non délocalisables et qui, surtout, avait signé un pacte de confiance en juillet dernier lors du Conseil stratégique des industries de santé. Il s’agit non seulement d’une rupture de confiance, mais également d’un reniement du rapport Gallois.

M. Bernard Accoyer. C’est vrai !

M. Jean-Pierre Door. Quel mauvais message vous adressez à ce secteur industriel, pourtant véritable fleuron de l’économie française !

Pour conclure, madame la ministre, le rapport Gallois rappelle l’urgence de la concertation sur le financement de la protection sociale. Vous avez perdu deux années, alors que Pascal Lamy lui-même déclarait : « La France a un potentiel de croissance de 1 % au plus ; et pour avoir plus, il faut aller par des réformes de structure ». Or, nous ne voyons rien à l’horizon !

M. Patrick Hetzel. En effet !

M. Jean-Pierre Door. Madame la ministre, ce PLFSS n’est pas responsable. Vous fuyez devant les réformes nécessaires et vous détruisez même celles qui étaient en marche. Ce PLFSS n’est pas davantage sincère car la croissance, le PIB, la masse salariale sont évalués à la louche et sont à géométrie variable.

En somme, l’électroencéphalogramme de ce PLFSS est totalement plat et nous ne le voterons pas. Vous êtes bien isolés, avec le vote défavorable de nombreux partenaires sociaux. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. Nous abordons aujourd’hui l’examen du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2014 dans un contexte d’inquiétude générale pour le dynamisme économique de notre pays et l’équilibre de nos finances publiques. Alors même que les Français sont particulièrement attachés à leur protection sociale, ils perçoivent clairement que la Sécurité sociale est à la croisée des chemins et qu’elle doit faire face à des défis d’ampleur.

Une récente enquête mettait ainsi en évidence que huit Français sur dix sont inquiets pour l’avenir de notre système de santé, 59 % pensant par ailleurs que l’État dépense trop en matière de santé. Selon une autre étude, sept Français sur dix estiment que l’argent public consacré à la politique de protection sociale et de santé est utilisé de manière inefficace. L’inquiétude manifestée par nos concitoyens suppose une réponse forte de l’exécutif, qui trouve normalement sa traduction opérationnelle dans ce PLFSS.

Disons-le d’emblée : d’une telle réponse, ce projet de loi de financement de la Sécurité sociale est totalement dépourvu. Pour le groupe UDI, ce projet de loi se contente au contraire d’expédier les affaires courantes de la Sécurité sociale. Composé de mesures éparses, disparates, sans logique d’ensemble, il n’est décidément pas à la hauteur des enjeux. Comme l’année dernière, il ne fixe pas de cap. Il ne traduit la mise en œuvre d’aucune réforme structurelle majeure qui démontrerait que ce gouvernement a pris la dimension des défis que les différentes branches doivent relever.

Cette absence incompréhensible de réformes s’accompagne, comme l’année dernière, d’une mise sous perfusion fiscale de notre protection sociale. Il faut bien vous reconnaître une forme de cohérence. Face aux nécessités de transformation parfois radicales qui traversent notre système de protection sociale, vous avez une réponse systématique : l’alourdissement de la fiscalité.

Sur le plan des recettes, ce PLFSS s’inscrit en effet dans la continuité de celui pour 2013, qui alourdissait déjà les cotisations sur les emplois à domicile et sur les auto-entrepreneurs, qui élargissait le périmètre de la taxe sur les salaires au détriment de l’épargne salariale et qui créait un prélèvement sur les indépendants, une taxe sur la bière et une contribution additionnelle sur les retraités.

Vous persévérez cette année en augmentant, sous couvert d’harmonisation, les prélèvements sociaux sur les produits de placement tels que l’assurance vie ou l’épargne logement. L’élargissement de l’assiette des prélèvements sociaux s’appliquant aux exploitants agricoles et le déplafonnement de l’assiette des cotisations d’assurance vieillesse de base des artisans et commerçants affiliés au régime social des indépendants, participent de la même logique.

Pourtant, plus de prélèvements et plus d’impôts ne font ni une politique de santé, ni une politique familiale. En outre, ce poids de la fiscalité constitue un frein chaque jour plus puissant à l’envie d’entreprendre, à la compétitivité des entreprises, à la création d’emplois et à la création in fine de recettes pérennes, issues de l’activité économique, pour notre protection sociale.

C’est d’ailleurs l’un des premiers reproches que nous vous avions faits l’année dernière, et que nous ne pouvons que renouveler. Le Gouvernement ne répond pas à cette question, pourtant essentielle : comment assurer à notre protection sociale des recettes qui ne pèsent pas principalement sur le travail ?

Le groupe centriste, de longue date, avait identifié cet enjeu et formulé une proposition de TVA sociale, portée avec ardeur, notamment, par notre collègue sénateur Jean Arthuis. La précédente majorité avait mis en œuvre, tardivement il est vrai, une TVA compétitivité que l’actuel gouvernement s’est empressé de détricoter, avant finalement de reconnaître qu’il y avait bien un problème de coût du travail et de tenter de le régler avec le crédit d’impôt compétitivité emploi, qui s’avère d’ailleurs inefficace.

Bref, en présentant les mesures d’ajustement du financement des régimes de retraites, le Premier ministre a finalement annoncé, pour 2014, l’engagement d’une réforme pour que le financement de la protection sociale, en particulier la branche famille, pèse moins sur le travail. Pour autant, nous ne voyons toujours rien venir, y compris dans ce PLFSS, et ce alors même qu’un rapport d’évaluation vient de confirmer que le CICE n’atteint pas sa cible.

Bien au contraire, vous venez d’ajouter ce matin encore un amendement après l’article 45 qui, en cherchant à contourner la censure par le Conseil constitutionnel de l’article 1er de la loi relative à la sécurisation de l’emploi, illustre votre politique de matraquage fiscal des entreprises : il prévoit de soumettre les prestations complémentaires au forfait fiscal à hauteur de 20 % pour celles qui choisiraient de souscrire un contrat auprès d’un autre assureur que celui recommandé par l’accord professionnel.

Pour sa part, le groupe UDI a fait des propositions concrètes, dans la première partie du projet de loi de finances pour 2014, pour alléger le coût du travail. La majorité les ayant évidemment rejetées, il est urgent que le Gouvernement présente, à son tour, ses propositions.

Aux prélèvements nouveaux et distincts opérés çà et là, au travers des différentes dispositions de ce PLFSS, vous ajoutez quelques tours de passe-passe. Ainsi en est-il de l’article 15, qui affecte une partie des fonds dédiés à la dépendance des personnes âgées au Fonds de solidarité vieillesse. On ne peut que regretter les tentatives d’équilibre financier obtenues en grattant les fonds de tiroirs, au détriment des actions auxquelles ces recettes étaient à l’origine affectées. Il s’agit là d’une facilité comptable qui n’est pas une mesure de gestion saine sur le long terme. Elle inquiète, par ailleurs, les structures spécialisées dans l’accompagnement des personnes âgées.

En fait, cet exemple illustre à quel point, en réalité, c’est la question même des orientations fixées à notre protection sociale qui est posée. Là encore, aucun choix structurel fondamental clair n’est effectué, aucun cap n’est fixé.

Bien sûr, le groupe UDI peut rejoindre le Gouvernement sur un certain nombre de dispositions présentées dans ce texte qui lui semblent aller dans le bon sens. Il en est ainsi, en particulier, des efforts engagés pour favoriser le développement de la télémédecine, que nous appelions nous-mêmes de nos vœux. Il en est de même des mesures favorisant les coopérations entre professionnels de santé, ou l’expérimentation des tarifications dans le parcours de soins.

De même, nous ne pouvons qu’accueillir favorablement l’ambition du Gouvernement de mener une politique de soutien à la modernisation des établissements de santé. Pour autant, ses propositions restent trop partielles et ne dissipent pas les effets démobilisateurs de mesures plus discutables. Ainsi, l’un des axes essentiels de cette politique repose encore une fois sur le médicament : on attend de la baisse du prix du médicament 870 millions d’euros d’économies. Pourtant, ce secteur qui ne contribue qu’à 15 % des dépenses de santé, représente déjà 56 % des économies demandées.

Surtout, on s’interroge sur les motivations et les perspectives d’économies qui justifient la mise en œuvre soudaine de l’expérimentation de la vente de médicaments à l’unité. Cette expérimentation, qui concerne les antibiotiques, a été décidée sans concertation avec les organisations des professionnels de la filière, en particulier les officines pharmaceutiques. Elle ne précise rien de la manière dont sera assurée la sécurité de l’usager, ni des conditions dans lesquelles, face aux risques, la responsabilité des différents acteurs de la filière pourrait être engagée. En outre, on ne sait rien des économies potentielles attendues d’une telle mesure, ni de l’évaluation de son impact sur l’activité des industriels.

M. Jean-Pierre Barbier. C’est exact !

M. Francis Vercamer. Par ailleurs, nous doutons que la tendance observée chez nos concitoyens à accumuler des médicaments non utilisés dans leur armoire à pharmacie soit due à un conditionnement inadapté. L’amélioration de l’observance et du respect des prescriptions médicales jusqu’à leur terme aurait sans doute un impact plus significatif en la matière et, sur ce point, le rôle d’information du pharmacien mériterait d’être approfondi. Pour ces différentes raisons, vous comprendrez que nous considérions que cette expérimentation soit pour le moins prématurée.

Autre mesure contestable : la prolongation de l’expérimentation des nouveaux modes de rémunération. Entendons-nous bien : le groupe UDI est évidemment favorable au principe de ces nouveaux modes de rémunération. Ils permettent de dépasser le seul paiement à l’acte et s’inscrivent dans la perspective du développement de nouveaux modes de coopération entre professionnels de santé. Ils participent, de ce fait, à cette logique de parcours de soins que nous croyons davantage adaptée pour prendre en charge, sur le long terme, le suivi des maladies chroniques.

Encourager une meilleure coordination des soins et favoriser une meilleure prise en charge des patients dans le cadre d’équipes pluridisciplinaires, demeurent des enjeux majeurs en termes d’organisation de notre système de santé. Nous pensons à cet égard qu’il est indispensable de passer un cap, de franchir une étape en engageant plus significativement notre système de santé dans une logique de parcours de soins.

Dans cette perspective, le groupe UDI estime qu’il est temps d’envisager la généralisation des nouveaux modes de rémunération. Nous ne pouvons que constater et regretter que le PLFSS reste très en retrait par rapport à ces objectifs.

De la même manière, le PLFSS reporte à 2018 la généralisation de la facturation des séjours hospitaliers par les établissements de santé à l’assurance maladie. Cette disposition permet pourtant d’avoir une meilleure visibilité de l’activité et de la dépense hospitalière, d’en assurer un meilleur suivi et de disposer, là encore, d’une meilleure information sur l’articulation des soins entre la médecine de ville et l’hôpital dans le cadre du parcours de santé. À ce titre, nous pensons indispensable la généralisation de ce dispositif à l’échéance 2016.

Je l’ai dit tout à l’heure, il manque à ce PLFSS des orientations susceptibles de réformer, de manière structurelle, notre protection sociale et de rétablir sur le long terme l’équilibre de nos comptes sociaux. C’est le cas en particulier de la réforme de notre organisation hospitalière, dont on ne distingue pas les prémices. Nous restons dans l’attente d’une véritable stratégie de l’offre hospitalière, qui permette d’assurer une répartition territoriale équitable des établissements de santé en tenant compte des besoins des territoires et des populations.

Cette réflexion nous paraît d’autant plus impérative que vous prévoyez dans ce projet de budget un mécanisme de financement dérogatoire des hôpitaux ayant une faible activité. Au cours des débats en commission, le rapporteur a d’ailleurs précisé, ce qui ne manque pas de nous surprendre, que ces financements pourraient concerner des établissements dont la santé financière n’est pas en jeu.

Oui, cela peut surprendre quand on connaît des établissements de santé qui jouent un rôle structurant dans l’offre de santé de leur territoire, qui sont pourtant en difficulté financière et qui ne pourraient pas bénéficier de ce dispositif.

À notre sens, cette mesure n’a d’intérêt que si elle s’inscrit dans le cadre d’une véritable refonte préalable de l’offre hospitalière publique et privée dans les territoires, refonte qui s’appuie sur la définition d’une répartition cohérente des établissements, la recherche d’une complémentarité entre eux ainsi que la structuration d’une offre de services qui privilégie la qualité et la sécurité des soins dans l’intérêt des patients. C’est cette réflexion et cet effort d’organisation qui font justement défaut dans ce projet de loi de financement de la Sécurité sociale.

Une impulsion favorable au développement de nouveaux modes d’organisation est également nécessaire concernant les actes chirurgicaux eux-mêmes, avec le potentiel d’économies que recèle l’extension de la chirurgie ambulatoire. Comme la Cour des comptes l’a souligné dans son rapport sur la Sécurité sociale en 2013, le développement de la chirurgie ambulatoire contribue à l’efficience de notre système de santé et à l’efficacité des prises en charge et constitue un levier pour la maîtrise des dépenses de soins.

La Cour des comptes évalue à 5 milliards d’euros les économies potentielles liées au développement de la chirurgie ambulatoire. Le groupe UDI estime que ce potentiel de modernisation des pratiques hospitalières susceptible de générer, certes sur le long terme, ce niveau d’économies, mérite de mobiliser les acteurs de notre système de santé, qu’il s’agisse de l’hôpital public ou des ARS.

Au registre des réformes structurelles dont la mise en œuvre se fait attendre figure aussi la coexistence de nombreux régimes spéciaux de protection sociale. Dans un esprit de simplification, de rationalisation et de convergence, le groupe UDI propose l’extinction progressive de ces derniers, afin d’arriver à un seul régime.

Enfin, l’examen de ce PLFSS est l’occasion pour notre groupe d’appeler l’attention du Gouvernement sur différents aspects de la politique de santé publique qui demandent une inflexion ou parfois des précisions. C’est le cas en ce qui concerne les déserts médicaux. Il est nécessaire d’intensifier l’action visant à permettre aux territoires déficitaires en offre de soins de combler leur retard. Dans ce contexte, le groupe UDI est attaché à ce que ces zones soient directement concernées par les expérimentations favorisant le développement de la télémédecine.

D’une manière générale, nous resterons particulièrement vigilants sur ce sujet des déserts médicaux, sur lequel notre groupe avait formulé des propositions. Pour l’heure, les réponses du Gouvernement restent, à notre sens, en deçà de l’ampleur du problème.

Par ailleurs, nous avons pris note de l’augmentation des moyens affectés à la prise en charge de l’autisme dans le cadre du troisième plan 2013-2017. Je pense que nous avons également tous conscience de l’ampleur des besoins, en particulier pour le développement de l’accueil des enfants dans des structures spécialisées de type SESSAD. Face à cette situation, les moyens, bien que renforcés, restent contraints.

Dans ce contexte, l’un des objectifs de l’État et des ARS en région est de combler l’inégalité de prise en charge de l’autisme sur les territoires, en ciblant les secteurs géographiques dépourvus ou insuffisamment pourvus en structures d’accueil. Cette priorité, bien compréhensible, ne doit cependant pas masquer la nécessité de combler le manque de places dans les structures d’ores et déjà existantes, qui souffrent de ce déficit de capacités d’accueil face aux sollicitations dont elles font l’objet de la part des familles concernées.

Un autre point particulièrement aigu est celui de l’insuffisance de la recherche sur les cancers pédiatriques, qui représentent 1 % de l’ensemble des cancers. La recherche reste essentiellement axée sur les cancers des adultes. Or la plupart des tumeurs malignes détectées chez les enfants sont spécifiques et ne peuvent pas se soigner de la même manière. Les avancées sur les cancers des adultes bénéficient très peu aux enfants. Nous proposons donc au Gouvernement d’engager une réflexion sur les moyens qu’il serait possible de mettre en œuvre pour développer la recherche sur les cancers pédiatriques. Il y a là un objectif de santé publique sur lequel nous devrions pouvoir tous nous retrouver.

Pour le reste, madame la ministre, vous aurez compris que cette année encore, le flou de ce PLFSS nous fait craindre, dès 2014, la présence de plusieurs loups menaçant l’avenir de notre protection sociale. C’est la raison pour laquelle nous voterons contre. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Roumegas.

M. Jean-Louis Roumegas. La commission des affaires sociales a eu à analyser, débattre et amender un texte complexe dans des délais très courts, sans le recul et la sérénité nécessaires. C’est donc avec un sentiment de frustration que les écologistes abordent ce débat.

Mme Bérengère Poletti. Ils ont raison !

M. Jean-Louis Roumegas. Cela dit, nous savons dans quel climat de contraintes budgétaires nous nous trouvons et nous mesurons la difficulté d’assurer le financement de notre système de protection sociale à court terme, en garantissant la capacité des générations futures à en disposer à long terme.

M. Jean-Marc Germain. Très bien !

M. Jean-Louis Roumegas. Nous approuvons donc, comme nous l’avions fait l’an dernier, la volonté affichée par le Gouvernement en matière de maîtrise du déficit des comptes de la Sécurité sociale, et de l’assurance maladie en particulier. Cet équilibre est indispensable pour mener une politique de santé publique ambitieuse.

Nous approuvons aussi les efforts visant à redonner au citoyen les moyens d’un parcours de santé dans la proximité, à travers l’extension des maisons de santé, l’instauration du tiers payant pour les jeunes femmes à la recherche d’une contraception de qualité…

Mme Bérengère Poletti. C’est insuffisant !

M. Jean-Louis Roumegas. …et l’annonce de la volonté du Gouvernement d’étendre, à terme, le tiers payant à tous les citoyens.

Nous avons également la satisfaction d’avoir fait adopter en commission deux amendements du groupe écologiste. Le premier concerne le maintien du droit à l’aide à la complémentaire santé pour les bénéficiaires du minimum vieillesse sans qu’ils aient à déposer un dossier chaque année, ce qui ne correspond pas à la situation peu évolutive de ces personnes en général. C’était l’une des recommandations du rapport de notre collègue sénatrice Aline Archimbaud.

M. Christian Paul, rapporteur. Très bon rapport !

M. Jean-Louis Roumegas. Le second vise à demander un rapport sur l’amélioration des conditions de traitement des dossiers des victimes de l’amiante et surtout des ayants droit du dispositif de la cessation anticipée d’activité pour les travailleurs de l’amiante.

Cependant, l’exigence d’équilibre financier aurait pu être plus justement répartie. L’un des principes de l’ordonnance du 4 octobre 1945 est que chacun contribue selon ses moyens et reçoit selon ses besoins. Les 3,8 milliards d’euros d’exonérations, de réductions ou d’abattements de cotisations accordés aux entreprises correspondent-ils bien à ce principe ? D’autant qu’au même moment, l’ANI prévoit que la participation des employeurs aux contrats collectifs de complémentaire santé sera fiscalisé pour le salarié – comme si finalement c’était aux moins pauvres, aux salariés, récents bénéficiaires d’un droit à une complémentaire santé, de financer la solidarité et l’aide aux plus démunis.

Après ces remarques préalables, j’en viens à ce qui nous semble être le point essentiel : au-delà du pilotage financier de court terme, il y a une nécessité de remises en cause structurelles. Nous devons passer d’une logique curative, qui conduit au gaspillage de l’argent public, qui tombe dans un puits sans fond, à une logique de prévention. Parce que si nous continuons à considérer la crise de la Sécurité sociale comme une simple crise budgétaire, nous ne résoudrons pas les problèmes. La crise de la Sécurité sociale, c’est d’abord une crise sanitaire. Et de ce point de vue, le moins que l’on puisse dire c’est qu’il y a encore des progrès à accomplir.

Songez que le déficit de l’assurance maladie est équivalent à la prise en charge, ces quinze dernières années, des maladies chroniques. La montée des maladies chroniques est un phénomène majeur dans notre pays, mais aussi dans tous les pays développés. Les cancers sont devenus la première cause de mortalité, les maladies cardiovasculaires sont en augmentation constante, l’obésité et le diabète se développent, comme les allergies, les maladies respiratoires ou les affections du système nerveux.

Pour faire face à cette épidémie, nous soutenons une politique de prévention basée sur deux piliers : l’éducation à la santé et la mise en place d’une véritable politique de santé environnementale.

Si le Gouvernement cherche des pistes de financement pour cette politique de prévention, il peut s’appuyer sur notre travail en commission, où certaines améliorations ont déjà été obtenues. Je pense à la proposition de Gérard Bapt de taxer les boissons énergétiques, qu’il a défendue avec ténacité. Nous avions nous aussi fait des propositions dans le même sens. Nous y reviendrons lors de l’examen des amendements.

En revanche, nous regrettons que certaines de nos propositions concernant l’accès aux soins des plus démunis, tirées du rapport d’Aline Archimbaud et qui représentent un levier majeur de réduction des dépenses, à moyen et long terme, n’aient pas pu être examinées au nom du principe du cavalier social, qui nous a été opposé de façon, à notre sens, contestable.

Le Gouvernement pourrait s’appuyer aussi sur les amendements que nous présenterons en séance. En matière de médicaments, nous souhaitons nous assurer que la prise en charge soit conditionnée à une réelle utilité thérapeutique et économique des nouveaux médicaments. Combien de médicaments inutiles sont encore remboursés aujourd’hui alors que notre pays est champion du monde de la consommation médicamenteuse ?

Ce PLFSS comporte de timides mesures visant à rationaliser notre politique du médicament, telles que l’expérimentation du médicament à l’unité – nous espérons qu’elle aboutira et qu’elle n’est pas lancée dans le but caché d’enterrer cette belle idée – ainsi que des mesures en faveur des médicaments génériques. Ces dispositions sont loin de traiter en profondeur la gabegie de notre politique du médicament. La loi sur le médicament reste inaboutie et ne nous affranchit pas du modèle économique du toujours plus qui est la règle. Quand rationaliserons-nous clairement notre politique du médicament dans toute la chaîne d’expertise et de décisions ? Il faut clarifier et dénouer l’enchevêtrement des autorisations de mise sur le marché, des critères de service rendu, des prix et des niveaux de remboursement.

D’un côté, on nous oppose les menaces sur l’emploi, le chantage aux délocalisations, de l’autre, une filière nourrie aux mamelles du crédit d’impôt recherche et de notre système de protection sociale. Mais, je le dis ici avec force, ce n’est pas à l’industrie pharmaceutique de dicter la politique sanitaire de la France. L’État doit se ressaisir de la commande publique.

M. Jean-Pierre Door. Quand cette industrie sera partie de France, vous la regretterez !

M. Jean-Louis Roumegas. En matière de santé environnementale, cette année encore nous avons déposé des amendements visant à instaurer des taxes comportementales. Ce n’est pas parce que nous aimons les taxes, mais parce que ça marche – nous sommes à ce propos heureux que la taxe sur les boissons énergétiques ait été retenue – et que cela modifie les comportements. La modification des comportements est une clé essentielle pour contenir les dépenses de santé.

Nous proposons donc de créer une recette provenant des premières immatriculations de nouveaux véhicules diesel. Il n’y a pas débat en la matière, puisque les effets néfastes du diesel sur la santé sont reconnus, et au moins on ne nous objectera pas que cette taxe piégerait les propriétaires actuels de véhicules diesel, puisqu’il s’agit seulement de décourager de nouvelles immatriculations.

Nous proposons également de décourager l’usage de l’aspartame, qui correspond à une logique low cost de l’industrie agroalimentaire et qui est dangereux pour les femmes enceintes, et de l’huile de palme, dont on connaît les effets néfastes et sur la santé et sur l’environnement. Des amendements ont également été déposés en faveur du vélo dans le cadre des déplacements professionnels car c’est un facteur de réduction des maladies et bon pour l’environnement.

Madame la ministre, en 2012 vous nous promettiez une grande loi de santé publique pour 2013. Aujourd’hui, vous l’annoncez pour 2014. Mais le PLFSS pour 2014 doit d’ores et déjà traduire des priorités fortes : sortir de la logique comptable et contenir les risques sanitaires à travers des démarches de solidarité et de prévention. Ensemble, faisons le pari que les bons choix d’aujourd’hui seront les économies de demain. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et sur quelques bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme Dominique Orliac.

Mme Dominique Orliac. Ce projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2014 s’inscrit dans un mouvement d’effacement progressif des déficits de la Sécurité sociale, mouvement amorcé par la loi de finances rectificative de 2012 et la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2013.

Ce texte fixe le déficit du régime général et du Fonds de solidarité vieillesse à 12,8 milliards d’euros en 2014, contre 16,2 milliards en 2013, l’effort d’économies reposant essentiellement sur la branche maladie, la plus déficitaire des quatre branches de la Sécurité sociale.

Parmi les mesures importantes figurent les 800 millions d’euros de rentrées liés au décalage de six mois de l’actualisation des pensions de retraite, auquel le groupe RRDP s’était fortement opposé. Par ailleurs, 500 millions d’euros de réduction des frais de gestion au sein des organismes de Sécurité sociale, 200 millions d’économies sur les dépenses de la branche famille et 2,5 milliards d’économies en matière de santé viennent renforcer ce dispositif.

Disons-le d’emblée, ce projet de loi de financement ressemble beaucoup au précédent, tout du moins en ce qui concerne l’assurance maladie. Nous notons que cette année encore, les économies frapperont le médicament. Ce dernier est depuis longtemps la variable d’ajustement facile : 15 % du budget de la santé, mais 50 % des économies prévues dans les différents projets de loi de financement, avec une recette d’un milliard d’euros cette année encore ! Cela place l’industrie pharmaceutique au premier rang des contributeurs aux économies de la branche maladie, alors que d’autres pistes d’économies auraient pu être trouvées. Force est de constater que le décret d’application concernant la recommandation temporaire d’utilisation économique pour un traitement de la dégénérescence maculaire liée à l’âge aurait peut-être, après avis de l’Agence nationale de sécurité du médicament, pu permettre à l’assurance maladie de ne pas gaspiller 400 millions d’euros en 2012.

Pour le groupe RRDP, la politique de santé ne se limite pas à la gestion des crises sanitaires, à la surveillance des dépenses, à la limitation des dépassements d’honoraires ou à une réforme de l’hôpital jamais réalisée. Il faut avoir le courage d’une refondation, car les paramètres classiques ont changé. C’est encore plus nécessaire alors que l’industrie du médicament est entrée en récession en 2012. Ce qui était difficilement supportable sur un marché en croissance devient insupportable sur un marché en recul, alors que nous vivons une crise financière très importante.

L’industrie de santé doit redevenir créatrice d’emplois et exportatrice. Il devrait y avoir, selon les propos du Premier ministre devant le Comité stratégique des industries de santé, « une meilleure coordination entre les politiques publiques et les stratégies industrielles, pour éviter un décalage de compétitivité économique et scientifique qui serait dommageable ».

M. Jean-Pierre Barbier. Bravo !

Mme Dominique Orliac. Madame la ministre, votre projet de loi de financement va à l’encontre de ces déclarations.

D’autre part, la contribution des complémentaires santé, à hauteur de 150 millions d’euros, engagée il y a un an en faveur du développement des nouveaux modes de rémunération, en particulier pour les médecins traitants – c’était un engagement conventionnel – est à l’ordre du jour et compromet la poursuite de l’engagement de ces complémentaires santé.

Il y a aussi les décotes de tarif pour les radiologues et les biologistes, la maîtrise médicalisée, la baisse du prix des génériques, qui devrait être couplée au déplafonnement de la remise à 17 % par souci de transparence, afin que les baisses ne soient pas supportées uniquement par l’officine. Je rappelle le rôle important de santé publique que jouent les pharmacies d’officine, essentiellement en milieu rural.

M. Bernard Perrut. Très bien !

Mme Dominique Orliac. L’officine doit évoluer vers une véritable profession de santé et être un partenaire essentiel dans le parcours de soins, si par contrat on lui en donne les moyens. Ce n’est pas encore le cas. Même la nouvelle rémunération à l’honoraire est actuellement bloquée. Le rôle de la télémédecine pour les pharmaciens est essentiel. Cette omission a été rattrapée par la commission et je m’en réjouis.

Madame la ministre, votre projet vise à mettre en place des expérimentations sur la dispensation des médicaments à l’unité. Même si vos déclarations sur le kilo et demi de médicaments périmés que conserverait chaque Français peuvent faire une image choc, cette orientation n’ira sans doute pas dans le sens que vous souhaitez.

Cette dispensation est pratiquée dans plusieurs pays comme la Suède, la Norvège, le Canada, par des pharmaciens qui sont rémunérés pour cette tâche. Toutes les études montrent que cela n’a pas évité le gaspillage.

Mme Bérengère Poletti. Eh oui !

Mme Dominique Orliac. Ce n’est en effet pas l’emboîtage qui est en cause, mais l’arrêt des traitements en cours ou les prescriptions inadaptées.

Mme Bérengère Poletti. Tout à fait.

Mme Dominique Orliac. Une récente étude de pharmacologues français a conforté cette analyse. La France a le plus fort taux de consommation de médicaments par habitant, mais c’est aussi le pays où les prescriptions non conformes sont les plus fréquentes.

Mme Bérengère Poletti. Exactement.

Mme Dominique Orliac. Une étude nationale serait peut-être utile pour mesurer l’ampleur de leurs conséquences sur la population. Par ailleurs, les conditionnements décidés par la Haute autorité de santé sont adaptés à la prescription et à la durée du traitement, avec les recommandations réglementaires d’observance.

En ce qui concerne les médicaments génériques, la substitution associée au tiers payant et l’action des pharmaciens ont été efficaces mais, dès 2015, il faudra penser que les pertes de brevets seront significatives. Il y aura un pallier et vous n’aurez plus comme levier que la pression sur les prix, avec pour conséquences la concentration des laboratoires de génériques et leur possible délocalisation. Une véritable politique industrielle et de recherche sur le médicament est nécessaire : depuis des années, excepté le crédit d’impôt recherche, rien n’a été fait, à la différence de nombreux pays, pour la mise en place d’une véritable politique et d’une collaboration entre recherche privée et recherche publique.

M. Gérard Bapt, rapporteur. C’est ce que nous faisons !

Mme Dominique Orliac. Cette industrie représente 7 milliards d’euros positifs dans notre commerce extérieur. Elle représentait le double il y a quatre ans, et à cela s’ajoute une perte grave de brevets nationaux. Nous sommes déjà tributaires de l’étranger pour les nouvelles thérapeutiques.

Pour ce qui concerne les biosimilaires, c’est un domaine émergent. Avant une décision aussi rapide, aussi inédite, comme le montre la complexité de cet article, il aurait été utile d’avoir un vrai débat scientifique, global, lancé par le ministère ou la Haute autorité de santé.

En ce qui concerne les dispositifs médicaux, une économie de 120 millions est prévue. Or, le tissu industriel français dans ce domaine est fait de PME qui peuvent subir les conséquences de ces mesures. Elles seraient alors à la merci de grands groupes internationaux, ce qui pénaliserait notre indépendance nationale.

Comme je vous l’ai dit à plusieurs reprises, la sécurité dans le domaine des dispositifs médicaux doit être une véritable préoccupation. Sécurité et efficacité de ces produits de haute technicité doivent être prouvées.

Enfin, je voudrais insister sur les problèmes de sécurité en matière de médicament, car des événements récents montrent que la loi Bertrand sur la sécurité sanitaire, votée à la suite de l’affaire du Mediator, n’est pas du tout adaptée à la demande actuelle de la population.

Les problèmes se succèdent : le dossier PIP, les pilules de troisième génération déremboursées en France et agréées par les instances européennes, le débat sur les statines, avec des risques majeurs en cas d’arrêt – mille décès seraient en jeu, d’après la récente étude EVANS – les débats sur les nouveaux anticoagulants oraux, le Vectarion, produit retiré malgré la réticence de certains experts, le Thiotépa, médicament anticancéreux retiré par l’ANSM mais autorisé pour un nouvel exploitant par la même Agence… Des efforts ont cependant été faits à l’ANSM, mais le système de surveillance des médicaments reste largement perfectible : il y a sept agences qui se chevauchent ou se concurrencent ! Il faut rationaliser.

L’ONDAM historiquement bas qui a été fixé, 2,4 % pour les soins de ville et 2,3 % pour l’hôpital, suppose 2,5 milliards d’économies par rapport à l’évolution spontanée des dépenses. Quant à l’ONDAM médico-social, fixé à 3 %, inférieur à celui de l’an passé, il ne couvrira certainement pas l’augmentation des salaires et des prix.

Mme Bérengère Poletti. Tout à fait.

Mme Dominique Orliac. La modification de la répartition de la CSG entre la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie et le Fonds de solidarité vieillesse, à partir de la contribution additionnelle prélevée à hauteur de 0,3 % sur les retraites et les pensions d’invalidité, privera de près d’un milliard d’euros la future réforme de l’autonomie. Heureusement, la commission a modifié partiellement l’article.

Mme Bérengère Poletti. Très partiellement ! Un tout petit peu…

Mme Dominique Orliac. Le groupe RRDP constate toutefois que le renforcement des soins de premier recours est affiché comme un élément important, en cohérence avec la stratégie nationale de santé. Le financement facilité des coopérations libérales, la généralisation des rémunérations des équipes pluri-professionnelles, l’amélioration de la couverture maternité des praticiens et auxiliaires médicaux conventionnés seront donc des points-clefs de votre recentrage sur les soins primaires.

La réforme de la tarification à l’activité annoncée de longue date, la fin donc du « tout T2A » contribuera par l’évolution du financement des hôpitaux à la définition d’un véritable service public territorial de santé, avec un mécanisme de dégressivité tarifaire. Nos hôpitaux de proximité attendent avec impatience cette réforme.

Nous saluons les mesures prises concernant l’aide au sevrage tabagique des jeunes âgés de 20 à 25 ans. Cependant, des mesures éducatives chez les plus jeunes seraient utiles et intéressantes. En outre, la taxation des boissons énergisantes doit être considérée comme une mesure de santé publique.

Nous saluons également les mesures relatives à la contraception des mineurs. Cependant, les mesures votées au Sénat dans le cadre du projet de loi relatif à la consommation et qui concernent directement la santé, comme la vente libre des tests de grossesse ou des lentilles de contact, sont très inquiétantes.

M. Jean-Pierre Barbier. Oui !

Mme Bérengère Poletti. Très inquiétant !

Mme Dominique Orliac. Qu’un pan entier de la santé soit discuté dans le cadre d’un projet de loi relatif à la consommation et non dans le cadre d’une loi de santé publique est difficilement compréhensible.

M. Denis Jacquat. Très juste !

Mme Dominique Orliac. Ce PLFSS ne marque donc pas de rupture conceptuelle, ne comporte pas de modifications radicales. Les taxes conjoncturelles et répétitives ne sont pas des réformes structurantes. Nous n’avons pas changé d’avis par rapport à ce que nous disions déjà lorsque nous étions dans l’opposition. Toutefois, vous avez mis en place une stratégie nationale de santé. Nous partageons ses orientations, mais votre PLFSS pour 2014 ne la finance pas. De ce fait, une réforme profonde de la politique de santé risque d’être reportée.

M. Denis Jacquat. Très juste !

Mme Dominique Orliac. Ce texte devrait nous donner l’occasion de clarifier les relations entre l’État, l’assurance maladie, les assurances et les complémentaires santé, les industriels de la santé, les professionnels prescripteurs et les usagers.

Madame la ministre, lors de la discussion du projet de loi de financement pour 2013, vous nous aviez promis de réelles réformes structurelles. Le PLFSS pour 2014 n’y répond en rien. Il nous faudra, en tant que législateur, apporter des réponses concrètes au défi majeur qui est le nôtre : créer les conditions d’accès à des soins de qualité et de proximité pour tous nos concitoyens, particulièrement pour les jeunes et les étudiants.

Cela demande une refondation que nous attendons, car les paramètres classiques de la santé ont changé. Nous allons donc suivre attentivement l’évolution de ces débats. (Applaudissements sur les bancs des groupes RRDP et UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. Cette année encore, comme déjà l’an dernier, le PLFSS ne rompt pas avec ceux votés lors des deux précédents quinquennats. Dans la continuité du projet de loi sur les retraites, vous refusez toujours d’envisager de nouvelles modalités de financement de la protection sociale, ce qui vous conduit à réduire les budgets.

Cependant, si l’attente était supportable l’an dernier, quelques mois après le retour de la gauche au pouvoir, elle n’est aujourd’hui plus acceptable.

Concernant le financement, tout d’abord, le maintien d’un déficit important de la Sécurité sociale en 2014 montre que la maîtrise comptable des dépenses ne règle rien.

Ce déficit devrait atteindre 13,2 milliards, selon les prévisions du Gouvernement. Notons que s’il est relativement peu élevé au regard de l’ensemble du budget de la Sécurité sociale, puisqu’il en représente environ 3 %, ce qui, au passage, et à la différence de l’État, reste dans les clous du Traité de Lisbonne, il est cependant persistant, puisque depuis douze ans aucun budget de la Sécurité sociale n’a été à l’équilibre.

Plusieurs raisons expliquent cette situation. Tout d’abord, ce budget est systématiquement bâti sur des prévisions de croissance irréalistes, comme nous n’avons pas manqué de le faire remarquer l’an dernier. Le Gouvernement tablait sur une croissance de 0,9 % en 2013. Au final, elle ne devrait pas dépasser 0,1 %, concrétisant nos craintes que la contraction des dépenses publiques que vous avez imposée ne tue la croissance et l’emploi.

Ainsi, le déficit pour cette année 2013 va être accru de 1,7 milliard par rapport à vos prévisions, et ceci bien que les dépenses soient inférieures aux objectifs fixés pour chacune des branches de la Sécurité sociale.

Cette situation vient confirmer ce que nous ne cessons de répéter : le déficit de la Sécurité sociale n’est pas dû à un excès de dépenses, mais bien à une insuffisance de recettes. C’est dû au chômage et aux fermetures d’entreprises qui se poursuivent, aux exonérations de cotisations sociales patronales que vous maintenez sans aucun contrôle, à votre refus persistant de faire contribuer tous les revenus, et notamment ceux des placements financiers, à la protection sociale.

Enfermés dans ce carcan libéral qui ne vous distingue plus des choix opérés par la droite, vous maintenez un ONDAM insuffisant pour répondre aux besoins de santé et un ONDAM hospitalier qui ne risque pas de permettre aux hôpitaux publics de surmonter leurs difficultés actuelles, puisqu’il se situera à 2,3 % alors que les dépenses des hôpitaux devraient augmenter de plus de 3 %.

Lorsque Édouard Couty avait rendu les conclusions de sa mission sur l’avenir de l’hôpital, j’avais salué un travail sérieux, fruit d’une large concertation, et qui prenait le contre-pied de la loi HPST en proposant de revenir sur la généralisation aveugle de la T2A.

M. Couty souhaitait que l’État « fixe les objectifs et rende des arbitrages politiques », ce qui me semble essentiel mais nécessite évidemment de prendre des décisions d’ordre financier. Or, non seulement la réforme de la T2A ne se fait qu’à dose homéopathique mais, cette année encore, le Gouvernement fixe un ONDAM hospitalier inférieur à l’évolution des dépenses des hôpitaux. Avez-vous décidé de tourner le dos aux conclusions de ce rapport qui, pourtant, était consensuel, tout au moins à gauche ?

Certes, ce PLFSS comporte quelques points positifs. On peut ainsi se réjouir de la réforme des modalités de financement de la Haute autorité de santé qui, dorénavant, ne sera plus alimentée par des taxes en provenance des laboratoires pharmaceutiques sur les produits desquels elle est amenée à se prononcer, ce qui lui laissera davantage d’indépendance.

Je me réjouis également de l’amélioration de la protection sociale des femmes médecins ou auxiliaires médicales en cas de grossesse, de l’expérimentation de la délivrance de médicaments à l’unité afin de vérifier si c’est une mesure utile ou encore du renforcement de l’aide au sevrage tabagique à destination des jeunes.

De même, si l’on peut se réjouir de la poursuite des expérimentations sur les nouveaux modes de rémunération alternatifs au paiement à l’acte, qui favorisent le travail collectif et permettent de rémunérer les actes de santé publique et de prévention, il convient de faire remarquer que cette expérimentation dure depuis maintenant cinq ans, puisqu’elle a été demandée en 2008. Il serait peut-être temps, aujourd’hui, de tirer quelques conclusions et d’oser avancer plus résolument, bien sûr sur la base du volontariat, vers d’autres modes de rémunération que le paiement à l’acte.

De même, on peut regretter que la réforme de la tarification à l’activité des établissements de santé prévue à l’article 33 soit cantonnée à certaines cliniques privées, les ex-hôpitaux locaux étant financés jusqu’en 2015 et de façon dérogatoire par une dotation annuelle de financement.

On reste là encore très loin des préconisations du rapport Couty concernant la nécessité d’une profonde réforme du financement des hôpitaux publics et, notamment, des grands établissements comme l’AP-HP, les Hôpitaux civils de Lyon ou l’Assistance publique de Marseille, qui sont également soumis à des contraintes de service publics fortes – certes différentes des établissements situés dans des zones isolées ou peu denses mais tout aussi incompatibles avec un financement par tarification à l’activité.

Il en est de même concernant la tarification au parcours pour les maladies chroniques, qui figure également dans les préconisations du rapport Couty. On peut s’étonner que l’expérimentation prévue à l’article 34 se limite à l’insuffisance rénale chronique et au traitement du cancer par radiothérapie, laissant ainsi de côté la grande majorité des maladies chroniques et notamment le diabète, qui constitue un vrai problème national.

Enfin, dans un autre registre, celui des prestations familiales, le recentrage opéré sur les familles les plus modestes pourrait être considéré comme une mesure positive s’il ne se faisait au détriment des catégories moyennes et du principe d’universalité des prestations sociales.

Plus généralement, et votre décision récente de diminuer la part des employeurs dans le financement de cette branche le prouve, on peut craindre que vous ne prépariez le terrain à la fiscalisation de la branche famille…

M. Bernard Accoyer. C’est sûr !

Mme Jacqueline Fraysse. … et à sa sortie de la Sécurité sociale, autrement dit, au transfert de son financement par les cotisations sociales patronales et salariés vers les seuls ménages au moyen de l’impôt, ce qui n’est pas acceptable parce qu’il s’agit, là encore, d’un réel recul social.

M. Marc Dolez. Très bien !

Mme Jacqueline Fraysse. Mais, au bout de compte, ce qui ressort le plus fortement de ce PLFSS, ce sont ses manques.

Certes, ce texte ne prévoit pas ouvertement de nouvelles mesures dites de « responsabilisation des patients », peut-être parce qu’il est enfin admis que s’agissant de personnes ayant besoin de soins, le problème n’est pas de les responsabiliser mais de les soigner.

Mais en décidant de financer le forfait médecin traitant par une taxe sur les organismes complémentaires d’assurance maladie, vous savez que son montant sera inévitablement répercuté sur les cotisations facturées aux assurés. Surtout, vous ne revenez pas sur dix années de désengagement de l’assurance maladie organisé par la droite à coup de franchises médicales, de forfaits hospitaliers et de déremboursements.

M. Bernard Accoyer. Oh ! Jusque-là, vous aviez été gentille ! (Sourires.)

Mme Jacqueline Fraysse. C’est pourtant là un obstacle essentiel à l’accès aux soins.

Quant à la prévention, la seule mesure prévue dans ce texte concerne l’aide au sevrage tabagique à destination des jeunes. C’est bien, mais c’est aussi dire à quel point la médecine préventive est et restera encore le parent pauvre de notre système de santé.

Rien non plus, dans ce registre, face à l’impact négatif de la pollution environnementale sur la santé, pourtant aujourd’hui scientifiquement prouvé et dernièrement encore confirmé par l’OMS et par le Commissariat général au développement durable, lequel estime que la pollution de l’air coûte entre 700 millions et 1,7 milliard par an au système de soins en France.

Pourtant, aucune mesure n’est prévue pour lutter contre ce fléau, absence qui fait suite à celle des associations de santé environnementale lors de la Conférence sur l’environnement et qui laisse mal augurer du contenu de la grande loi de santé publique que vous nous promettez. Or, nous n’avancerons pas sans l’expérience et la parole citoyenne jointe à celle des experts.

Un autre manque concerne l’industrie pharmaceutique, qui semble passer à travers les gouttes. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP).

Je vois que la sensibilité est toujours très vive, à droite, quand on parle de l’industrie pharmaceutique ! Très bien ! Au moins, cela vous réveille ! (Rires.)

M. Denis Jacquat. Nous n’étions pas endormis ! Votre première partie était très bonne, et voilà que vous dérapez !

Mme Jacqueline Fraysse. La fusion de la taxe sur le chiffre d’affaires des laboratoires et de la taxe sur les premières ventes de médicaments, source de tant d’inquiétudes pour les entreprises concernées mais aussi pour mes collègues de droite, ne leur coûtera rien si l’on en croit l’étude d’impact et les propos rassurants de M. Cazeneuve.

Si le Gouvernement n’aggrave pas les taxes sur les médicaments, il ne fait rien non plus pour aligner leur prix sur celui pratiqué chez nos voisins, alors même que le rapport de la députée européenne Michèle Rivasi rendu public avant l’été montre que la Sécurité sociale pourrait économiser 10 milliards si elle alignait les prix de ses médicaments sur celui des pays voisins de l’Union européenne.

M. Jean-Pierre Door. Et s’il n’y avait plus de malades, nous serions tranquilles !

Mme Jacqueline Fraysse. Il y a là un beau gisement d’économies que vous laissez inexploité. Pourquoi ? Vous m’avez répondu en commission que les professionnels ont tendance en France à prescrire plus systématiquement de nouvelles molécules en première intention.

Je ne saurais me satisfaire de cette explication qui montre surtout l’excellence du lobbying pratiqué par les laboratoires auprès des médecins et ses effets pervers, mais n’explique pas pourquoi les mêmes médicaments sont vendus plus cher en France qu’en Allemagne par exemple.

Et si l’on peut comprendre que la France veille au maintien et au développement de son industrie pharmaceutique, ce n’est évidemment pas le rôle de la Sécurité sociale que de la soutenir. J’ajoute que les résultats financiers des laboratoires confirment leur bonne santé, d’autant que s’y ajoutent les millions d’euros qu’ils vont percevoir au titre du CICE.

Concernant la santé des salariés, les mauvais signes en direction des employeurs s’ajoutent à un manque de volontarisme manifeste. En effet, après avoir promis au MEDEF, dans le cadre de la réforme des retraites, de compenser le coût du volet pénibilité, déchargeant ainsi de fait les employeurs de toute responsabilité concernant la santé de leurs salariés, le Gouvernement cautionne le sous-financement de la branche accidents du travail-maladies professionnelles.

M. Bernard Accoyer. Ce n’est pas vrai.

Mme Jacqueline Fraysse. Alors que le rapport Diricq situe entre 587 millions et 1,10 milliard le coût pour le régime général de la sous-déclaration des accidents du travail et des maladies professionnelles, vous maintenez une compensation très en-dessous de la réalité que tout le monde connaît. Est-ce, là encore, pour préserver la compétitivité des entreprises, une obsession qui décidément hante davantage le Gouvernement que celle de la vie et de la santé de nos concitoyens ?

Enfin, d’autres mesures sont inacceptables. Il en est ainsi du siphonage des excédents du fonds pour l’emploi hospitalier au profit de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales.

M. Bernard Accoyer. C’est vrai.

Mme Jacqueline Fraysse. Il est en effet incompréhensible que les hôpitaux dont la situation financière est déjà délicate participent au financement d’une caisse de retraite qui, avant compensation aux autres régimes, et notamment du privé, est excédentaire.

M. Bernard Accoyer. Oui.

Mme Jacqueline Fraysse. Autre siphonage, celui des excédents de la Caisse d’assurance maladie des industries électriques et gazières, véritable détournement des cotisations des salariés et des pensionnés.

Mais en matière de mesure inacceptable, le summum est atteint avec la concrétisation de la promesse faite au patronat de compenser la hausse des cotisations décidée dans le cadre de la réforme des retraites au terme d’un complexe jeu de tuyauterie budgétaire qui revient, au bout du compte, à désengager le patronat du financement de la politique familiale.

M. Bernard Accoyer. Vous allez un peu vite en besogne.

Mme Jacqueline Fraysse. Pour synthétiser et pour conclure, avec ce PLFSS, le Gouvernement était confronté à un choix : revenir sur les reculs imposés depuis dix ans par la droite en développant une politique audacieuse de justice fiscale et de progrès social en direction de nos concitoyens permettant d’améliorer l’accès aux soins, la prévention et la santé des salariés ainsi que les prestations familiales ; ou bien poursuivre sur la voie ultralibérale, répondant ainsi aux injonctions de la Commission européenne, en cherchant à réduire à tout prix le déficit budgétaire sur le dos de nos concitoyens sans commencer à mieux répartir la richesse nationale entre les salariés et les prélèvements sur les entreprises.

C’est hélas ce choix que vous avez fait, un choix dans lequel, sincèrement, nous ne nous retrouvons pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

M. Marc Dolez. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Gérard Sebaoun.

M. Gérard Sebaoun. Je vais essayer de sortir un peu de la morosité qui s’est installée après les discours de mes deux prédécesseurs.

Je crois en effet que ce PLFSS est cohérent avec la politique de santé que le Gouvernement entend conduire et contribuera à améliorer l’accès aux soins les plus pertinents pour tous et partout sur notre territoire.

Pour illustrer mon propos, je m’attarderai sur deux articles relatifs à la branche maladie qui ne sont pas à première vue les plus emblématiques mais qui concourront à coup sûr à améliorer la prise en charge des patients avec, qui plus est, la perspective de réelles économies pour l’assurance maladie.

Le premier, l’article 29, traite de la télémédecine et répond à l’engagement n7 du Pacte territoire-santé que vous avez présenté, madame la ministre, pour lutter contre les déserts médicaux. Il propose le financement d’expérimentations durant quatre ans et dans quatre régions pilotes et leur évaluation par la Haute autorité de santé. Le cadre juridique est connu et établi depuis 2009 dans la loi HPST.

Au-delà des options développées dans l’étude d’impact, je veux donner deux exemples clairs, empruntés à la cardiologie, qui plaident en faveur du développement ciblé de la télémédecine. Le premier est l’insuffisance cardiaque, pathologie prioritaire pour la télémédecine. Il s’agit de l’une des maladies chroniques les plus sévères : 50 % de décès dans les cinq ans suivant la première consultation, 210 000 hospitalisations par an, première cause d’hospitalisation après 60 ans. On estime son coût à environ 20 000 euros par an et par patient.

A la lecture de comptes rendus d’expériences menées en France et à l’étranger, la télésurveillance et le télésuivi sont susceptibles de réduire les hospitalisations itératives et de générer des économies importantes.

Second exemple : celui de la télésurveillance des stimulateurs cardiaques et des défibrillateurs implantables. Pour imaginer l’enjeu, il faut avoir à l’esprit que 70 000 stimulateurs et défibrillateurs cardiaques sont implantés annuellement dans notre pays.

Les études nous apprennent qu’il n’y a pas de différence en termes d’événements cliniques graves avec la surveillance à distance, que celle-ci permet de limiter les consultations habituelles en centre spécialisé, peu productives, coûteuses en personnel et pourvoyeuses de nombreux déplacements inutiles, et qu’elle permet également une baisse du nombre d’hospitalisations.

Là encore, la qualité de vie des patients semble améliorée, et ce progrès rejoint significativement l’économie de santé.

Le deuxième article qui vient étayer mon propos est l’article 37, qui propose d’expérimenter la délivrance des médicaments à l’unité, comme c’est déjà le cas dans plusieurs pays développés, en choisissant comme cible les antibiotiques dits critiques. Sans méconnaître les interrogations qui se sont exprimées en commission sur le circuit du médicament et sa traçabilité, je retiens deux bonnes raisons à ce choix. La première, c’est la surconsommation médicamenteuse. Une étude à paraître, menée à l’hôpital européen Georges Pompidou à Paris, met en évidence des données très alarmantes : un risque d’accident médicamenteux dépassant les 80 % après 80 ans et un taux d’hospitalisations liées à des accidents médicamenteux atteignant 10 % en France.

La deuxième, c’est l’antibiorésistance, qui ne cesse de progresser. En France, ce sont 4 000 décès qui sont liés chaque année à la virulence de certains microbes et à une consommation d’antibiotiques de 30 % supérieure à la moyenne européenne. C’est dans les pays scandinaves – Finlande, Norvège, Suède – que l’antibiorésistance est la plus faible, car l’usage des antibiotiques y est mieux maîtrisé. Je me garderai cependant d’établir un lien direct entre délivrance à l’unité et meilleure maîtrise de l’antibiorésistance.

M. Jean-Pierre Barbier. Ah bon ?

M. Gérard Sebaoun. Je n’oublie pas non l’usage massif des antibiotiques en médecine vétérinaire.

Je veux, pour finir, évoquer l’article additionnel après l’article 27, qui a été présenté par Christian Paul, notre rapporteur de la branche maladie, et voté en commission par la majorité. Cet amendement conforte l’engagement n12 du pacte « territoire santé », en proposant d’introduire un principe d’équité dans les rémunérations, s’ajoutant au paiement à l’acte, entre médecins libéraux et médecins travaillant en centre de santé.

Je dois dire – et cela ne vous étonnera pas – que je ne partage pas les commentaires qu’ont faits en commission, sur cet amendement, certains de mes collègues de l’UMP, évoquant un « glissement vers un système totalement étatisé », l’« asphyxie et la destruction de la médecine générale »…

M. Bernard Accoyer. Très bien !

M. Gérard Sebaoun. …la « stigmatisation permanente des professions libérales » ou encore, pour conclure, une « forme de détournement de fonds de la caisse maladie ».

Je crois au contraire que la lutte contre les déserts médicaux, notamment en zones urbaines et périurbaines, passe par une attention particulière aux centaines de centres de santé qui rendent aujourd’hui les plus grands services à la population. Nous sommes là dans le droit fil du récent rapport de l’IGAS.

Il faut cesser de rejouer sans arrêt la bataille idéologique entre médecine libérale et médecine socialisée. Il est temps de se détourner de ceux qui amalgament à dessein la liberté, à laquelle nous sommes tous très attachés, et un libéralisme débridé, clairement inflationniste en matière de santé. Je le dis avec d’autant plus de sérénité que dans leur très grande majorité les médecins libéraux sont favorables à la régulation, au travers du système conventionnel.

Madame la ministre, j’ai souhaité m’appuyer sur quelques exemples que je crois démonstratif, afin d’affirmer que le PLFSS que nous examinons sera utile aux Français, quitte à bousculer parfois, mais toujours avec tact et mesure, quelques chapelles et quelques égoïsmes. (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Christian Hutin. Très bien ! Voilà un exposé très didactique !

M. le président. La parole est à Mme Bérengère Poletti.

Mme Bérengère Poletti. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2014 prévoit 346,2 milliards d’euros de dépenses. Ce sont des montants considérables, qui avoisinent ceux du budget de l’État. C’est dire combien les enjeux qui se cachent derrière ces sommes colossales sont importants, et combien ils doivent nous conduire à réfléchir, analyser, amender et étudier ce texte avec un grand sens des responsabilités.

Malheureusement, madame la ministre, madame la présidente de la commission, il faut bien reconnaître que cette année, les choses ne se sont pas vraiment passées avec le respect qui s’impose pour le Parlement : pas de texte lors de l’audition des ministres, et surtout une audition organisée à douze heures trente, dont la fin était programmée à quinze heures au plus tard, ce qui veut dire que nous n’avons eu que deux heures trente pour auditionner cinq ministres et six rapporteurs, et pour entendre les députés représentant les groupes politiques.

M. Jean-Pierre Door. C’est vrai !

Mme Bérengère Poletti. Pour la première fois, la parole n’a pas été donnée aux députés pour interroger le Gouvernement sur ce texte pourtant fondateur des politiques de santé.

M. Bernard Perrut. Absolument ! On n’a pas pu parler !

Mme Bérengère Poletti. Je vous demande solennellement madame la présidente de la commission – et je sais que vous serez sensible à ma requête – de ne plus accepter de programmer dans de telles conditions la commission chargée d’examiner le PLFSS avec le Gouvernement. L’examen de ce texte a lieu à la même époque tous les ans : les ministres peuvent donc s’organiser, afin d’être disponibles pour le Parlement.

M. Bernard Accoyer. Bien sûr ! Ils sont à la disposition du Parlement !

Mme Bérengère Poletti. Comme le PLF, le PLFSS affiche des prétentions d’économie qui ne sont que des mirages, puisque celles-ci ne sont plus que de 3,5 milliards d’euros, lorsque la hausse tendancielle des dépenses est neutralisée.

M. Bernard Perrut. Tout à fait !

Mme Bérengère Poletti. Le Gouvernement affiche aujourd’hui un ONDAM à 2,4 %, mais malheureusement les efforts demandés ne s’accompagnent pas des réformes de structure, qui seraient pourtant indispensables pour consolider dans le temps la maîtrise des dépenses de santé.

Ainsi, la suppression l’année dernière de la convergence des tarifs entre établissements publics et privés, et la suppression prévue dans la loi de finances du jour de carence dans la fonction publique, démontrent combien le Gouvernement, pour des raisons démagogiques, renonce à des leviers de réforme structurelle indispensables.

Après avoir, pendant des années, critiqué un gouvernement qui augmentait pourtant considérablement l’ONDAM médico-social chaque année, vous faites une nouvelle fois le contraire de ce que vous avez promis à la France. L’ONDAM médico-social est de 3 % cette année, avec des déclinaisons – 3,1 % pour les personnes handicapées et 2,7 % pour les personnes âgées. Je vous rappelle que l’an dernier, ces taux étaient respectivement de 3,3 % et 4,6 %. Cette baisse se traduira évidemment par l’absence de mesures nouvelles, et probablement par l’arrêt de la médicalisation des établissements. À ce titre, pouvez-vous nous dire, madame la ministre, combien il reste aujourd’hui d’EHPAD à médicaliser, et combien vous entendez en médicaliser pendant l’année 2014 ?

Vous reprenez des crédits non consommés à la CNSA pour construire l’ONDAM médico-social de 2014, soit 70 millions d’euros. J’ai déposé un amendement à l’article 7, afin de redoter la CNSA, qui a besoin de ces 70 millions d’euros. Cette solution me semble préférable à l’agitation de nos collègues socialistes qui, devant la fureur de leurs électeurs, ont déposé un amendement tendant à instaurer un virement de crédits, financés par de nouvelles taxes, sur les contrats d’assurance, sur les boissons énergisantes, et j’en passe – cela fera plaisir à leurs électeurs !

La réalité de la CASA, c’est que, tant pour l’année 2013 que pour l’année 2014, vous avez réinventé la vignette automobile, une taxe pensée pour la cause des personnes âgées dépendantes, mais détournée depuis pour financer le FSV. Vous critiquez les anciens gouvernements, mais tout le monde sait que l’ONDAM médico-social n’a jamais été autant doté qu’au cours des dix dernières années, ce qui a permis la modernisation des établissements et services, et la médicalisation indispensable liée au vieillissement des personnes. Mais votre seul projet pour les personnes retraitées et âgées, c’est de les accabler d’impôts nouveaux !

M. Bernard Perrut. Eh oui ! Ils vont devoir payer !

Mme Martine Pinville, rapporteure. Vous y allez un peu fort !

Mme Bérengère Poletti. Mais vous n’en êtes pas à un renoncement près. Je ne prendrai qu’un exemple, qui est évident, celui des franchises médicales. Après les avoir dénoncées et vilipendées, après avoir expliqué aux Français qu’elles étaient injustes, vous vous asseyez tranquillement sur tous vos discours pour en encaisser le rendement depuis que vous êtes au pouvoir !

Par ailleurs, nous devrons avoir un échange autour de l’article 44, relatif à la contraception des mineures, parce que la prise en charge que vous proposez n’est que partielle – il ne s’agit que d’un tiers payant – et qu’il se pose des problèmes de respect de l’anonymat. Par ailleurs, au travers ce PLFSS, il est une nouvelle fois porté atteinte aux politiques familiales, qui ont pourtant démontré, décennie après décennie, leur efficacité.

M. Jean-Pierre Door. Eh oui !

Mme Bérengère Poletti. Je terminerai en évoquant les dépenses liées aux indemnités journalières, qui ont fait l’objet d’un vote unanime des députés de la MECSS. Je souhaite sincèrement que nous puissions avancer significativement sur le sujet de l’organisation des contrôles et d’une meilleure connaissance de ces dépenses.

Puissions-nous, mesdames les ministres, avoir des échanges nourris, respectueux et ambitieux pour le contrôle de la dépense publique et la santé des Français ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Véronique Massonneau.

Mme Véronique Massonneau. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, suivant la ligne directrice lancée l’année dernière, ce projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2014 conserve deux caractéristiques que les écologistes approuvent totalement. C’est tout d’abord la fin des déremboursements systématiques.

Si ce procédé peut s’entendre dans certaines circonstances – il fait d’ailleurs l’objet de l’un de nos amendements, que mon collègue Jean-Louis Roumégas a défendu en commission et défendra dans cet hémicycle –, il ne faut pas, pour autant, systématiser cette pratique à des fins purement financières.

Réduire les déficits et combler ce que l’on appelle communément le « trou de la Sécu » est un objectif auquel nous souscrivons, mais lorsqu’il s’agit de problématiques de santé, il convient d’œuvrer avec une très grande prudence, pour ne pas risquer d’aggraver les inégalités devant les soins entre les plus démunis et les plus aisés. La logique ne doit pas être exclusivement comptable, mais structurelle.

Le second point que je voulais saluer est le renouvellement de la mise en place d’expérimentations. Comme je viens de le dire, s’il est un domaine où il convient d’agir avec une grande prudence, c’est bien celui de la santé. Ne pas jouer aux apprentis sorciers est donc un gage d’intelligence et de sagesse. Dans ce PLFSS, l’expérimentation de la tarification au parcours pour l’insuffisance rénale chronique et le traitement du cancer par radiothérapie me semble être particulièrement intéressante. D’autres parcours, notamment pour les personnes en situation de handicap, mériteraient, eux aussi, d’être dotés d’un tel dispositif, mais on peut légitimement penser que si l’expérimentation proposée est concluante, on pourra l’élargir à d’autres types de parcours.

Après avoir souligné ces deux points qui me semblent positifs, je souhaite à présent m’exprimer sur la branche famille de ce PLFSS, dans laquelle on notera quelques bonnes mesures. Ainsi, la majoration du complément familial pour les familles sous le seuil de pauvreté est un dispositif juste et intéressant. De même, la suppression du critère de revenu minimum pour les parents souhaitant bénéficier du complément de libre choix du mode de garde semble aller dans le bon sens, tout comme le maintien du rythme de l’augmentation de l’allocation de logement familial.

A l’inverse, nous avons quelques réserves sur l’article 56 qui, par la mesure de financement qu’il propose, concrétise la volonté de réduire les dépenses de cette branche famille. L’ajout d’un palier supplémentaire dans l’attribution de l’allocation de base de la prestation d’accueil du jeune enfant va en effet avoir pour conséquence de concentrer une allocation à taux plein pour les ménages les plus modestes, au détriment des classes moyennes qui ne bénéficieront plus que d’une allocation à taux réduit. Mais nous reviendrons plus en détail sur ce sujet lors de l’examen des articles.

Comme son nom l’indique, un PLFSS vise à assurer le financement de notre modèle social. Il ne s’agit donc pas du meilleur véhicule législatif pour mener à bien les réformes structurelles de notre politique familiale, mais plutôt de leur suite nécessaire, qui relève surtout de l’économie. Alors que la loi sur l’égalité entre les femmes et les hommes n’a pas encore été examinée par notre assemblée, et que la loi sur la famille n’en est qu’au stade de la concertation, je tiens d’ores et déjà à exprimer la volonté des écologistes de voir s’engager une véritable réforme, ambitieuse et réaliste, de la politique familiale française.

Ambitieuse, car il ne faut plus se contenter de mesures à la marge : le financement n’en est que plus compliqué, car le système s’essouffle et devient obsolète. De vraies mesures d’économies doivent être intimement liées à une réflexion en profondeur. Réaliste, car il est temps de voir les familles françaises telles qu’elles sont, et pas comme l’image d’Épinal les présente. Ce matin, le Conseil économique, social et environnemental a remis un rapport demandant aux pouvoirs publics de prendre en compte les évolutions sociologiques des familles. Nous partageons ce constat, et je suis sûre que c’est aussi votre cas, madame la ministre : la famille française n’est plus celle qu’a trop souvent voulu nous présenter l’opposition lors de débats récents. La famille française, ce n’est pas forcément un papa, une maman et trois enfants ; ce peut être cela, mais ce peut être aussi une famille monoparentale, recomposée, homoparentale, avec un, deux ou trois enfants.

Notre branche famille doit prendre en compte toutes ces familles, et pas seulement celles qui correspondent au modèle prôné dans la période de l’après-guerre. Optimiser les dépenses et réduire le déficit de la branche famille, afin de sauvegarder notre système de Sécurité sociale, est un objectif auquel nous souscrivons ; un objectif qu’il faut toutefois atteindre en assurant la justice sociale et l’équité dans notre société, tout en prenant en compte ses évolutions. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et sur quelques bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme Véronique Besse.

Mme Véronique Besse. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, le contexte dans lequel nous abordons l’examen de ce projet de loi de financement de la Sécurité sociale nous appelle à un véritable devoir de vérité envers nos concitoyens.

Le poids de la dette remet en cause la crédibilité de notre pays, car il fait peser une menace sans précédent sur nos épaules, et surtout sur celles des générations futures. Le retour à l’équilibre des comptes de la Sécurité sociale est une nécessité absolue, mais, une fois de plus, le compte n’y est pas, puisque le déficit abyssal de la Sécurité sociale atteindra, selon les prévisions, 13 milliards d’euros en 2014.

Alors que le contexte économique actuel exige des réformes importantes, ce projet de loi de financement est marqué par de nouvelles hausses des prélèvements et une augmentation des dépenses. Il n’est ni à la hauteur de la situation, ni des attentes des Français.

Au-delà de la question centrale du budget de la Sécurité sociale, l’enjeu de ce texte est d’abord de garantir la solidarité nationale. Et pour ce faire, ce projet de loi doit protéger les Français.

Le constat est sans appel : de plus en plus de Français ne se font plus soigner. Faute d’argent, nombre de nos concitoyens n’ont plus accès aux soins. Le message est clair : les Français n’ont plus les moyens, et ils n’ont plus confiance en la Sécurité sociale. Il faut donc réagir, cette situation n’est pas tenable.

Le vieillissement de la population et la période difficile que nous traversons imposent des dépenses parfois importantes mais toujours nécessaires aux besoins de tous. Notre système social est juste car il est universel et s’appuie sur le principe de solidarité.

Comment, dans ces conditions, accepter que le fonds destiné aux personnes dépendantes soit détourné à d’autres fins ? Alors même que la question de la dépendance des personnes âgées devrait être une urgence nationale, le Gouvernement réaffecte les deniers prévus à cet effet pour combler le déficit de la Sécurité sociale, c’est tout simplement inacceptable.

Garantir la solidarité nationale implique également d’avoir le sens des responsabilités afin de ne pas faire payer le poids de nos dettes aux futures générations. Mais comment garantir la solidarité lorsque la fraude sociale atteint les proportions que nous connaissons aujourd’hui ? La fraude sociale constitue sans aucun doute le poste de dépenses sur lequel les plus grandes économies peuvent être réalisées. Ces arnaques à la Sécurité sociale représentent un gaspillage très important qui pèse sur les contribuables. Si tout le monde ne joue pas le jeu, la cohésion sociale en fait évidemment les frais.

La fraude aux allocations sociales atteindrait au moins 5 milliards d’euros, et ce chiffre est sans doute sous-estimé par rapport à la réalité. Parmi les prestations les plus fraudées, on trouve d’abord le RSA, puis les aides au logement, les allocations familiales et les mutuelles, qu’il s’agisse d’omissions ou de fausses déclarations.

Par nature temporaires, les aides sociales ont vocation à soutenir les Français dans des périodes difficiles. Elles n’ont pas vocation à être définitives et distribuées les yeux fermés, sans aucune contrepartie ou sans aucun contrôle.

Garantir la solidarité nationale implique aussi le redéploiement des ressources au sein de notre système de protection sociale afin de prendre en compte à la fois les évolutions de la démographie et les besoins sociaux.

Car ce système est exigeant. Il impose de développer des politiques de prévention audacieuses et volontaristes afin que les dépenses ne soient pas uniquement destinées à réparer des maux, mais aussi à les prévenir.

Garantir la solidarité nationale, ce serait également revenir sur les montants alloués à l’aide médicale d’État. Cela ne signifie pas pour autant ne pas venir en aide aux plus démunis, mais ce dispositif coûte environ 800 millions d’euros aux Français pour ouvrir l’accès à notre système de santé à des étrangers, parfois et même souvent en situation irrégulière.

Et qu’en est-il du problème de la désertification médicale ? Notre pays ne manque pas de médecins, mais leur répartition ne répond pas aux besoins de la population. Consulter un médecin est de plus en plus difficile dans certaines zones. Les territoires ruraux sont là encore laissés pour compte. Garantir la solidarité nationale passe aussi par là : l’égal accès de tous les Français aux soins, et donc, à un médecin. Une fois de plus, ce projet de loi de financement de la Sécurité sociale passe à côté de son sujet.

M. le président. La parole est à M. Denys Robiliard.

M. Denys Robiliard. Monsieur le président, mesdames les ministres, ce projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2014 s’inscrit dans la continuité du PLFSS pour 2013 : il ne prévoit pas de déremboursement, et les problèmes de financement de la Sécurité sociale doivent être résolus sans diminution des droits des assurés. Ce n’est pas rien de le constater au vu des pratiques précédentes.

Je vais centrer mon propos sur les dispositions relatives à la branche accidents du travail et maladies professionnelles.

S’agissant tout d’abord de l’équilibre général, le solde de la branche AT/MP pour l’ensemble des régimes obligatoires de base de la Sécurité sociale a été négatif de 600 millions d’euros en 2012. Or cette branche est bâtie par construction sur une tarification du risque et intègre la sinistralité, elle a donc vocation à l’équilibre. J’espère donc que tant en 2013 qu’en 2014, nous pourrons constater un retour à l’équilibre.

Notre rapporteur a constaté d’autre part que le PLFSS que nous discutons n’apporte pas de modification sensible au régime et se borne, en son article 53, à tirer les conséquences légales d’une décision du Conseil constitutionnel du 6 mai 2011 ayant affirmé le droit des marins au bénéfice de la législation sur la faute inexcusable.

Notre rapporteur a donc préféré mettre en avant l’impact de l’instauration de la pénibilité dans le régime de retraite sur les CARSAT. Il y voit une mise en danger de la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles et même une atteinte au dialogue social. Le dispositif de la pénibilité a reçu l’assentiment des organisations syndicales de salariés. Par conséquent, sous couvert de défense du dialogue social, c’est donc à la défense des seules thèses patronales que s’est livré notre rapporteur.

Enfin, notre rapporteur considère que le régime AT/MP ne devrait pas évoluer. Il loue le compromis que constitue la loi du 9 avril 1898. Il loue le caractère subsidiaire de l’indemnisation relativement à la réinsertion professionnelle de l’accidenté et rappelle à ce propos l’exposé des motifs de la loi du 30 octobre 1946. Il se félicite également du taux actuel d’accidents du travail qui s’est révélé historiquement bas en 2012, mais qui reste quand même de 35 pour mille, soit 3,5 %, ce qui ne saurait en soi nous satisfaire.

Surtout, son rapport explique la cause de cette baisse du taux : « À court terme, il convient de relever l’effet de la conjoncture économique. Un examen rétrospectif des évolutions annuelles des effectifs salariés et du nombre d’accidents avec arrêt permet de distinguer les périodes de croissance et de décroissance des effectifs : en période de croissance, le nombre d’accidents tend à augmenter 1,25 fois plus que le nombre de salariés alors qu’en période de décroissance, il diminue tendanciellement 2,6 fois plus que le nombre de salariés. » Autrement dit, c’est parce que l’économie va mal que le nombre d’accidents est en baisse, rapporté au millier de salariés, et non pas parce que les choses vont mieux. Cela est sans doute dû au fait que les premiers emplois atteints sont ceux pourvus en intérim, et que le taux d’accidents du travail dans les entreprises intérimaires est supérieur.

Tout doit être fait pour prévenir les accidents du travail et les maladies professionnelles, et l’on ne saurait se satisfaire durablement du régime actuel. Le fameux compromis de 1898 a été établi sur la base d’une réparation automatique, mais seulement partielle, des accidents du travail. Pouvons-nous encore nous satisfaire de ce régime aujourd’hui, alors que les accidents de la route, par exemple, sont complètement indemnisés de façon automatique depuis la loi du 5 juillet 1985, dite loi Badinter ? Le fait générateur de la responsabilité est l’implication du véhicule terrestre à moteur.

Ajoutons que les critères de la faute inexcusable ont considérablement évolué. La définition classique en avait été posée par la Cour de cassation en 1941. La définition contemporaine a été posée, pour les maladies professionnelles, dans un arrêt portant sur l’amiante du 28 février 2002 ; et pour les accidents du travail dans un arrêt du 11 avril 2002.

Aujourd’hui, avec la conscience du risque qu’a l’employeur et l’obligation de résultat en matière de sécurité, il y a automaticité de l’obligation de réparation intégrale du préjudice, qui a été confirmée par une décision du Conseil constitutionnel du 18 juin 2010.

Notre régime oblige à intenter un procès pour être automatiquement indemnisé. Peut-être pourrait-on faire l’économie du procès en réformant la notion de faute inexcusable. Il s’agit évidemment de considérations prospectives, puisque ce n’est pas l’objet du présent projet. Mais on peut y penser à terme s’agissant de la branche AT/MP. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Denis Jacquat.

M. Denis Jacquat. Monsieur le Président, mesdames les ministres, mes chers collègues, la possibilité de créer 22 000 emplois à très court terme, c’est-à-dire dès le début de 2014, est la conclusion parfaitement réaliste de l’association des directeurs au service des personnes âgées, et ceci à pression fiscale constante.

Pour ce faire, il faut affecter intégralement les crédits de la CASA et les crédits de la CNSA attribués aux départements.

Depuis avril 2013, presque tous les retraités payent la contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie, la CASA, soit 0,3 % de leur revenu. Cette aide rapportera 600 millions d’euros en 2014.

Par ailleurs, en 2013, l’État a pris 170 millions d’euros sur les crédits de la CNSA destinés aux personnes âgées pour les attribuer aux départements. Ces 170 millions d’euros ajoutés aux 600 millions d’euros de la CASA font 770 millions d’euros. Et 770 millions d’euros, ce sont 22 000 emplois.

Il s’agit de 22 000 emplois non délocalisables, stables, dans un secteur reconnu par tous les experts comme l’un des plus créateurs d’emplois à court et moyen terme. Ces créations d’emplois seraient à répartir sur l’ensemble du pays et constitueraient un élément majeur d’aménagement du territoire. Les zones rurales, où les personnes âgées sont nombreuses, pourraient être fortement bénéficiaires de ce dispositif.

De plus, la création d’emplois pour aider les personnes âgées permettrait de diminuer la pression physique et psychique parfois insupportable qui pèse sur les aidants.

Dans notre pays, il y a plus de 20 000 établissements et services à domicile.

Il s’agit donc de créer un emploi par établissement et service dans des métiers qui correspondent à de vrais retards du secteur, à de vrais besoins et attentes, aux évolutions à venir de l’aide aux aînés, et à différents niveaux de qualification tels que psychologues, responsables de coordination, animateurs, assistants de vie sociale, personnels d’entretien et de ménage.

L’affectation des crédits est simple : les crédits de la CASA sont affectés à chaque établissement et service par la CNSA. Ceux de la CNSA, gérés par les départements, le sont par chaque département. La somme doit être forfaitaire et ne faire l’objet d’aucune constitution de réserve de la CNSA ou des départements.

Il s’agit de créer des emplois et d’aider les personnes âgées, pas de mettre en place une nouvelle usine à gaz ingérable avec la bureaucratie qui l’accompagne.

En conclusion, on peut affirmer que ce DEA, ou dispositif emploi autonomie, doit utiliser les crédits déjà votés par le Parlement pour aider les personnes âgées. Ce DEA associe les départements, qui sont très attachés à leur rôle dans l’aide aux aînés et démontrent ainsi leur engagement. Enfin, fait notable, les retraités par la CASA financent l’aide pour eux-mêmes ou leurs parents, en favorisant l’emploi de leurs enfants et petits-enfants.

Mesdames les ministres, adopter le DEA c’est engager une mécanique efficace de solidarité entre les générations et améliorer les conditions de vie de nos aînés. C’est engager, dès maintenant, la loi sur l’aide à l’autonomie. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Joëlle Huillier.

Mme Joëlle Huillier. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, la semaine dernière dans cet hémicycle, nous avons voté – je n’ai pas peur de le dire – la meilleure réforme des retraites depuis vingt ans, parce qu’elle redresse les déficits, qu’elle repose sur des efforts partagés et qu’elle répare des injustices.

M. Rémi Delatte. Vous vous contentez de peu !

Mme Joëlle Huillier. L’excellent rapport de notre collègue Michel Issindou le montre bien : les comptes de la branche vieillesse se redressent. Le déficit du régime général passe de 4,8 milliards d’euros en 2012 à 3,3 milliards d’euros aujourd’hui, grâce aux apports de recettes votées l’an dernier, notamment la hausse du forfait social et des prélèvements sur les revenus du capital.

Surtout, ce déficit continuera de se réduire fortement en 2014, descendant à 1,2 milliard d’euros grâce aux mesures proposées dans la réforme, la hausse des cotisations et le décalage de l’indexation des pensions. Enfin, l’augmentation nécessaire, mais modérée, de la durée de cotisation après 2020 devrait permettre à la branche de retrouver l’équilibre à long terme.

Cet équilibre pourra aussi être assuré à l’avenir, en cas de variation conjoncturelle, par le recours au fonds de réserve des retraites, qui retrouve ainsi sa vocation originelle : soutenir les régimes après 2020. Nos prédécesseurs avaient décidé, eux, de le siphonner pour financer la dette via la CADES.

En matière de financement, nous n’avons donc aucune leçon à recevoir. Alors que la droite, en dix ans, a été incapable de résorber le déficit de la branche vieillesse et a mis en péril l’ensemble des comptes sociaux, c’est bien ce Gouvernement et cette majorité qui assurent, depuis dix-huit mois, le relèvement du régime général et de la Sécurité sociale.

La différence avec le passé, c’est que l’effort, cette fois, est partagé. Les salariés comme les employeurs, les jeunes comme les plus âgés, le public comme le privé : tout le monde est mis à contribution car les retraites sont l’affaire de tous les Français.

C’est dans l’idée d’appliquer la même règle à tous que ce projet de loi propose la création d’une cotisation vieillesse déplafonnée pour les travailleurs indépendants, dont le régime est le seul encore plafonné à ce jour. Par définition, elle ne concernera que les revenus les plus élevés, soit à peine un quart des artisans et des commerçants.

En parallèle, nous devrions nous pencher, madame la ministre, sur les dysfonctionnements qui affectent le RSI, qui ont été mis en exergue par la Cour des comptes et que les entrepreneurs subissent depuis plusieurs années.

Mme Véronique Louwagie. Nous sommes d’accord !

Mme Joëlle Huillier. Enfin, ce PLFSS permet de financer plusieurs mesures de justice, dont certaines sont issues de la réforme des retraites : je pense à la possibilité pour 400 000 jeunes de mieux valider leurs trimestres d’apprentissage ou au maintien de la protection sociale des volontaires du service civique sans coût supplémentaire pour l’État. Mais je pense aussi et surtout aux petites retraites agricoles : après l’attribution, en 2013, de points gratuits aux exploitants ayant dû cesser leur activité pour cause de maladie ou d’infirmité, ce texte propose de financer la retraite complémentaire des conjoints et aides familiaux, ainsi que de nouveaux droits par l’utilisation des réserves de la MSA et la réduction d’une forme d’optimisation ou niche sociale.

J’entends ce qu’on nous dit, à droite de cet hémicycle, sur la charge supplémentaire que représenterait ce dernier dispositif pour les exploitants, mais dans un système contributif, il faut garantir des cotisations à un bon niveau si l’on veut assurer des retraites décentes ; or, dans le système actuel, certains agriculteurs augmentent leurs revenus au détriment de leurs droits à pension. Si j’en crois les amendements de suppression qu’elle a déposés, l’opposition a choisi de sacrifier les retraites agricoles : c’est son choix. Là encore, nous n’avons aucune leçon à recevoir de ceux qui se prétendent à longueur d’année les meilleurs défenseurs des agriculteurs et qui, pendant dix ans, n’ont rien fait pour revaloriser leurs pensions.

M. Jean-Pierre Barbier. Ça, ce n’est pas gentil !

Mme Joëlle Huillier. Conformément aux engagements du Président de la République, c’est bien ce Gouvernement et cette majorité qui améliorent la protection sociale des travailleurs de la terre.

Enfin, je veux conclure mon intervention sur la question de l’affectation de la CASA : à mon sens, il ne faut pas opposer retraite et soutien à l’autonomie. Le rapport de notre collègue Martine Pinville le montre bien : la CNAV contribue aussi, par ses dépenses d’action sociale, au maintien à domicile. Comme je le dis souvent, c’est avant la retraite qu’il faut assurer la prévention de la perte d’autonomie : après, il est déjà trop tard.

Alors que nos prédécesseurs formulaient hier des promesses sans lendemain aux personnes âgées, c’est bien ce Gouvernement et cette majorité qui présentent aujourd’hui un calendrier, un phasage…

M. Jean-Pierre Barbier. Un calendrier, un phasage : cela ne coûte pas cher !

Mme Joëlle Huillier. …et un contenu de la future grande loi sur l’adaptation de la société au vieillissement de la population. Nous relevons aujourd’hui le défi des retraites dans l’efficacité et la justice. Nous relèverons demain le défi du grand âge dans l’équité et la responsabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Rémi Delatte. Donc, tout va bien !

M. le président. La parole est à M. Bernard Perrut.

M. Bernard Perrut. Madame la ministre, si je ne doute pas de votre volonté quand je vous entends évoquer un effort historique sur les dépenses de santé, je reviens vite à la réalité quand j’analyse votre projet de loi de financement de la sécurité sociale. Deux qualificatifs me viennent alors à l’esprit : d’une part un manque d’ambition, d’autre part de nouveaux impôts et des hausses de cotisations, loin des recommandations de la Cour des comptes et des gisements d’économies potentielles.

Si le Gouvernement affiche un objectif de croissance des dépenses de l’assurance maladie de 2,4 %, il faut rappeler que cet objectif ne peut être tenu que parce que la précédente majorité a exécuté l’ONDAM à 2,5 %, puis 2,4 % les années passées, et dégagé des sources d’économies. D’ailleurs, 500 millions d’euros d’économies supplémentaires réalisées par la médecine de ville en 2013 sont reportés en 2014 pour la construction du nouvel ONDAM.

Faute de faire des choix, madame la ministre, vous n’engagez pas une démarche durable de refondation de la sécurité sociale que les Français attendent. Vous remettez même en cause la convergence tarifaire entre établissements publics et privés,…

Mme Ségolène Neuville. C’est une bonne mesure !

M. Bernard Perrut. …ainsi qu’une grande partie de la tarification à l’activité qui responsabilise pourtant les établissements. Le président de la Mutualité française résume très bien votre PLFSS en le qualifiant « d’empilement de mesures pensées dans l’urgence, sans concertation avec les principaux acteurs ». Toutes les mutuelles de santé sont aujourd’hui inquiètes devant vos mesures de taxation des contrats.

Vous allez au plus facile. Vos efforts d’économies, que vous annoncez à 6 milliards d’euros, ne s’élèvent en fait qu’à 3,5 milliards d’euros…

M. Jean-Marc Germain. Si c’était si facile, vous n’aviez qu’à le faire vous-mêmes avant !

M. Bernard Perrut. …puisqu’ils sont notamment liés à un certain nombre de mesures contestables – je pourrais parler du décalage de la revalorisation des pensions de retraites ou de la modulation de la prestation d’accueil du jeune enfant.

M. Jean-Marc Germain. La précédente majorité a augmenté le déficit de 20 milliards d’euros : vous devriez donc apprécier nos économies, même à hauteur de 3 milliards d’euros !

M. Bernard Perrut. Il est vrai que vous avez l’habitude de décider de nouvelles charges : cela ne vous fait pas peur, qu’il s’agisse de la hausse des cotisations issue de la réforme des retraites, de la hausse de la fiscalité sur certains produits de placement populaires comme les PEA ou les PEL, de la nouvelle cotisation déplafonnée pour le régime social des artisans, commerçants et patrons de PME qui vont encore payer et seront découragés,…

Mme Sophie Rohfritsch. Toujours les mêmes !

M. Bernard Perrut. …de la baisse du quotient familial, ou de la fiscalisation des contrats collectifs. Je crois même que certains membres de votre majorité voudraient aussi mettre en place une CSG progressive sur les revenus. Comment ne pas parler de matraquage fiscal ?

Que penser de votre attitude, madame la ministre, quand vous détournez les fonds créés pour la prise en charge de la dépendance pour les affecter au fonds de solidarité vieillesse, ou quand vous menez une politique familiale que vous assimilez de plus en plus à une politique sociale et qui frappera de nombreuses familles déjà soumises à la pression fiscale, avec des baisses de quotient familial, de l’allocation de base de la prestation d’accueil du jeune enfant, du complément de libre choix d’activité, entre autres ? Vous allez jusqu’à créer de nouveaux prélèvements sur l’assurance-vie, les PEA et les PEL au détriment du pouvoir d’achat, en pénalisant l’épargne longue, l’épargne en actions, puisque le taux accordé sera celui en vigueur au moment de la clôture du plan, avec une rétroactivité au 26 septembre 2013 alors que nous n’avons pas encore voté cette mesure.

Comment pouvez-vous être encore crédible, madame la ministre, auprès des agriculteurs quand vous instaurez un mode de financement des mesures de revalorisation des retraites agricoles qui pèsera uniquement sur les agriculteurs – 300 millions d’euros – et non sur la solidarité nationale, comme l’avait indiqué le Président de la République ? Vous allez jusqu’à augmenter les prélèvements sociaux des exploitants sous forme sociétaire et à ponctionner les réserves de la MSA. Ce n’est pas ce qu’attendent nos amis agriculteurs sur les territoires.

M. Jean-Pierre Barbier. Sûrement pas !

M. Bernard Perrut. Que penser de la généralisation de la complémentaire santé et de votre volonté de réintégrer les clauses de désignation, ce qui va à l’encontre de l’économie et de l’emploi dans le domaine de l’assurance et renforcera l’abus de position dominante des institutions de prévoyance ? Il faut le dire : cette mesure est contraire à la décision du Conseil constitutionnel.

En conclusion, ce PLFSS ne répond pas aux enjeux. J’ai lu dans certains articles qu’il était sans grande cohérence ni perspective pour les professionnels de santé. Nous connaissons pourtant les attentes des associations d’aide à domicile, des aidants, des familles, des EHPAD et autres établissements.

Madame la ministre, j’espère que votre projet de loi sur la longévité sera à la hauteur des attentes des Français : nous y contribuerons si vous le menez sur la bonne voie. Une grande loi de santé publique est également nécessaire : nous y participerons car les notions de santé, de protection et de famille illustrent ce que sont les âges de la vie. Mais dans l’immédiat, nous ne pouvons vous suivre sur le PLFSS que vous présentez. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Linda Gourjade.

Mme Linda Gourjade. Monsieur le président, mesdames les ministres, chers collègues, le Premier ministre a annoncé le 3 juin les décisions du Gouvernement pour rénover notre politique familiale. Le présent projet de loi de financement de la sécurité sociale apporte une traduction législative aux mesures relatives aux prestations familiales. Les autres mesures annoncées le 3 juin dernier ont été inscrites notamment dans la convention d’objectifs et de gestion signée par l’État et la caisse nationale d’allocations familiales le 16 juillet dernier, ou ont trouvé leur place dans le projet de loi de finances pour 2014.

Les mesures du PLFSS apportent sans conteste aux familles les plus vulnérables une augmentation de prestations ciblée tout en contribuant au redressement financier de la branche famille. Elles permettront également de mieux concilier vie familiale et vie professionnelle.

Nous devons avant tout, en responsabilité, conforter la pérennité de notre politique familiale. Pour 2014, l’objectif de dépense de la branche famille est fixé à 59,2 milliards d’euros, soit une hausse de 2,1 %. Jusqu’à aujourd’hui, la branche famille affiche un déficit de 2,6 milliards d’euros principalement imputable au gouvernement précédent, qui a fait porter à cette branche des dépenses supplémentaires sans financement associé.

Le redressement des comptes de la branche famille prévu dans ce PLFSS s’articule autour de plusieurs mesures telles que la rénovation de la prestation d’accueil du jeune enfant. L’allocation de base de la PAJE sera modulée selon les niveaux de ressources des familles ; cette modulation du montant de l’allocation de base s’appliquera aux enfants nés à partir du 1er avril 2014. La prime à la naissance, déjà sous condition de ressources, sera réajustée. Le montant du complément de libre choix d’activité sera uniformisé afin que son montant soit le même pour tous les allocataires, quel que soit leur niveau de ressources. De même, le complément de libre choix du mode de garde versé aux parents qui font garder leurs enfants chez une assistante maternelle, par une garde à domicile ou dans une micro-crèche sera élargi à toutes les personnes exerçant une activité professionnelle, sans qu’il soit nécessaire de percevoir des revenus. Cette mesure vise à soutenir le retour à l’emploi des parents.

L’objectif de ces mesures est d’apporter plus de justice entre les familles à haut revenus et les familles les plus modestes. Certaines familles sont plus vulnérables et leur risque de précarité est plus élevé, avec un enfant sur cinq vivant en situation de pauvreté. C’est le cas des familles monoparentales et des familles nombreuses.

Deux aides spécifiques existent : le complément familial et l’allocation de soutien familial. Elles seront majorées de 50 % pour le premier et de 25 % pour la seconde, sur cinq ans. Ces mesures bénéficieront à 400 000 familles pour la première et à 735 000 familles pour la seconde, comme l’a déjà précisé notre rapporteure Marie-Françoise Clergeau. L’ajustement de l’allocation de soutien familial sera effectué par décret.

Notre politique familiale porte avant tout une grande ambition en matière de service aux familles, pour assurer les meilleures chances à tous les enfants et permettre aux parents de concilier vie familiale et vie professionnelle. Elle se concrétisera par une mobilisation pour l’accueil des moins de trois ans, avec la création de 275 000 nouvelles solutions d’accueil en cinq ans, mais aussi par un soutien renforcé à la parentalité.

La mobilisation pour la petite enfance n’est pas seulement quantitative : elle est aussi qualitative. Elle vise à réduire les inégalités territoriales et sociales.

Réduire les inégalités territoriales, d’abord. Je rappelle les chiffres cités par Mme la ministre de la famille : aujourd’hui, les solutions d’accueil pour cent enfants de moins de trois ans varient de 9 % à 80 % selon les départements.

Réduire les inégalités sociales, ensuite, car elles se créent dès le plus jeune âge. Conformément à l’engagement du Premier ministre, les crèches devront accueillir au moins 10 % d’enfants pauvres. La dotation du fonds national d’action sociale progressera de 7,5 % par an, pour atteindre 6,5 milliards d’euros en 2017.

Tous les leviers seront mobilisés afin que les collectivités soient aidées. La création de deux fonds permettra aux territoires de bénéficier d’aides supplémentaires pour les projets venant combler des déserts en matière de services ou visant à répondre à des besoins nouveaux pour les familles. Pour que les acteurs locaux puissent définir des objectifs de développement des solutions d’accueil et de service d’aide aux parents, des schémas territoriaux seront définis avec tous les partenaires, en présence de l’État : leur objectif sera d’affecter les fonds au mieux pour réduire les inégalités territoriales.

Voilà, mes chers collègues, l’ensemble des mesures portées dans ce PLFSS pour la rénovation de la politique familiale. Ces dispositifs permettront à la fois de renforcer la justice sociale, avec un soutien aux familles les plus vulnérables, de développer de nouveaux services pour toutes les familles par la mobilisation d’un plan d’investissement sans précédent en direction de l’enfance, et de permettre le redressement financier de la branche famille dans la justice par une mise à contribution mesurée des familles les plus aisées. Comme l’a affirmé le Premier ministre devant le Haut conseil de la famille, « nous en apportons la preuve pour la pérennité, la consolidation, le renforcement de l’équité de la politique familiale française » qui est au cœur de notre pacte républicain. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme Véronique Louwagie.

Mme Véronique Louwagie. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014, ainsi que les projets de loi récemment examinés – je pense notamment au projet de loi portant sur les retraites – présentent la même caractéristique : le manque d’ambition. Pourtant, l’ambition pourrait alimenter les veines de ce grand malade qu’est notre système de soins.

Madame la ministre, contrairement à ce que vous affirmez, votre projet poursuit celui de 2013, qui se caractérisait déjà par une diminution de la protection sociale. Contrairement à une idée reçue, les personnes malades qui renoncent à se faire soigner pour des raisons financières sont plus nombreuses en France qu’aux États-Unis, selon une enquête réalisée dans neuf pays. Les personnes les plus touchées par ce phénomène sont les femmes – 41 % contre 23 % des hommes – et les 18-39 ans – 40 % contre 22 % des 60 ans et plus.

Les soins dentaires sont en tête des soins le plus souvent sacrifiés – 25 % – devant les achats de lunette ou de lentilles de correction – 7 %. Mais certaines personnes doivent aussi renoncer à leurs achats de médicaments – 7 %.

En outre, 33 % des personnes interrogées assurent avoir déjà renoncé à des soins pour des raisons financières, soit 10 % de plus qu’aux États-Unis, alors qu’en Grande-Bretagne, en Suède, en Espagne et en Autriche, ce phénomène ne touche que 4 % à 11 % de la population.

À partir du moment où nos concitoyens renoncent à se faire soigner, nous sommes devant une véritable rupture d’égalité inacceptable et moralement insupportable.

M. Gérard Sebaoun. C’est le bilan de votre politique !

Mme Véronique Louwagie. Dès lors que ce comportement s’enracine au quotidien, c’est la question du droit élémentaire à accéder aux soins qui se pose. Lorsque la santé devient un luxe – et avec la crise, c’est le cas de nombreuses personnes –, c’est la philosophie même de la Sécurité sociale héritée de 1945 qui est remise en cause !

Concernant l’équilibre général et le volet recettes de ce PLFSS, autant dire qu’ils reposent sur un malentendu tant les économies auxquelles il prétend aboutir paraissent floues.

Vous annoncez ainsi 6 milliards d’euros d’économies sur le budget de la sécurité sociale. Mais en creusant quelque peu, et si l’on neutralise la hausse tendancielle des dépenses, il ne reste plus que 3,5 milliards d’économies réelles, lesquelles reposent essentiellement sur le tour de passe-passe de la revalorisation des pensions de retraite qui passe du 1er avril au 1er octobre, soit 800 millions d’euros pris dans la poche des retraités ; sur la modulation de la prestation d’accueil du jeune enfant, la PAJE, en fonction des revenus, soit 100 millions d’euros pris sur les familles ; sur la revalorisation d’un point de moins que l’inflation des retraites complémentaires gérées par les partenaires sociaux, soit l, 2 milliard d’euros pris dans la poche des retraités, grâce à une réforme dans laquelle l’État n’est pas intervenu ; et enfin sur un rabot de 500 millions d’euros sur les frais de gestion des organismes de sécurité sociale.

Pis, le PLFSS continue à faire peser des prélèvements supplémentaires sur les Français, malades des impôts et des taxes que le Gouvernement leur fait subir depuis dix-huit mois. Votre ordonnance, madame la ministre, est toujours aussi amère…

M. Christophe Borgel. C’est la potion qui est amère…

Mme Véronique Louwagie. …et vous continuez, pour reprendre une expression célèbre de Françoise Giroud, à « tirer sur l’ambulance ». Les ménages ne vont pas être taxés à doses homéopathiques, tant s’en faut !

Votre réforme des retraites se traduira par une hausse des cotisations issues de la réforme des retraites, soit 6,5 milliards d’euros, tandis que l’article 8, qui prévoit une refonte des prélèvements sociaux sur les produits de placement de type assurance vie, PEL, PEA, va générer une hausse de 600 millions d’euros de prélèvements sur ces produits d’épargne et donc sur leurs titulaires.

Les entreprises ne sont pas mieux loties puisque l’article 10 de votre texte va créer une cotisation déplafonnée de 0,30 % pour 2014 assise sur le régime social des indépendants, le RSI. En plus de la cotisation vieillesse de base plafonnée, qui augmentera de 0,10 point en 2014, les artisans, commerçants et patrons de petites et moyennes entreprises industrielles seront soumis à une nouvelle cotisation sur l’ensemble de leurs revenus d’activité. N’avez-vous donc pas constaté les défaillances de petites entreprises, qui ont atteint un paroxysme avec près de 90 % ?

Par ailleurs, madame la ministre, vous avez déclaré devant la commission des affaires sociales vouloir « engager la réforme du financement de l’hôpital public afin de tourner la page de la loi HPST », comme si cette loi était responsable de tous les maux. Pourtant, dans quelques jours dans ma circonscription, sera signé le premier contrat local de santé de Basse-Normandie avec un centre intercommunal d’action sociale, qui résulte de ladite loi. Ce dispositif vise ainsi à réduire les inégalités territoriales et sociales de santé, notamment dans les territoires les plus démunis en matière de soins.

Mes chers collègues, vous l’aurez compris, ce projet de loi ne me paraît aucunement répondre aux enjeux que représente la santé des Français et au défi de modernisation de notre système de soins. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jérôme Guedj.

M. Jérôme Guedj. Monsieur le président, mesdames les ministres, permettez-moi tout d’abord d’avoir une pensée pour Jean-Marie Barbier, l’ancien président de l’association des paralysés de France, qui nous a quittés aujourd’hui. J’ai eu le bonheur, au sein du conseil de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie dont il fut longtemps le vice-président, de siéger aux côtés de ce militant acharné de la société inclusive pour les personnes en situation de handicap. En tant qu’acteur associatif, il suivait attentivement les débats parlementaires et faisait valoir les sujets qui le préoccupaient. Nous avons une pensée pour lui et ses proches.

Parmi les combats qu’il menait figurait la réussite de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, ce bel outil créé hier, qui a fait ses preuves dans le paysage médico-social. Si je parle de la CNSA, c’est parce que dans les semaines qui viennent, elle aura à adopter son budget 2014 pour mettre en œuvre les dépenses dans le champ médico-social. Concomitamment à l’exercice de ce budget 2014, je veux me féliciter, en cette semaine bleue des personnes âgées, de l’annonce, confirmée la semaine par le Premier ministre, de la loi d’adaptation et de programmation de la société au vieillissement. C’est une bonne nouvelle pour notre pays, mesdames les ministres. Le travail avait été engagé tout au long de l’année 2013, je pense à la remise des rapports de Luc Broussy, du professeur Aquino et de notre collègue Martine Pinville. Un calendrier a été fixé. Des mesures ont été engagées dès le précédent PLFSS. Le parcours de soins à destination des personnes âgées – PAERPA –, la révolution du premier recours ainsi que la lutte contre les déserts médicaux concourent aussi à permettre l’adaptation de la société au vieillissement. Sans système de santé accessible et efficace, il n’y a pas de soutien à domicile.

Le Président de la République a, en janvier, souhaité que cette réforme puisse porter sur les enjeux du reste à charge, qui doit diminuer en établissement, de l’amélioration des dispositifs à domicile et des aides aux aidants. Voilà une feuille de route passionnante et stimulante. Cette réforme trouvera sa place en 2014, et je suis convaincu que cette année sera mise à profit pour anticiper certaines des mesures qui figureront dans cette loi. Cela doit être porté par le budget de la CNSA, par des mesures nouvelles dont nous estimons qu’elles peuvent être financées par une partie de la contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie, la CASA, ou à défaut par une mobilisation des réserves de la CNSA. Tel est le plaidoyer que je fais ici pour défendre la cause du vieillissement et de la réussite de la future loi, promise pendant tant d’années, mais qui est aujourd’hui sur l’établi parlementaire.

J’aborderai maintenant un autre sujet, profitant de la liberté offerte par la discussion générale pour livrer quelques sujets de réflexion. Se pose la question du financement de la protection sociale et des modalités de ce financement. L’année qui s’est écoulée a été une année importante de réflexion. Il y a tout juste un an, le 26 septembre dernier, le Premier ministre installait le Haut conseil du financement de la protection sociale, qui a remis un premier rapport le 7 juin dernier. Si j’en parle, c’est parce qu’il invite la société tout entière à aller plus loin dans la réforme du financement de la protection sociale. Je déplore que ce rapport soit si peu présent dans le débat public car il posait des questions intéressantes, notamment sur la clarification des tuyauteries de financement, et aussi sur les mesures dites dérogatoires, à savoir les 30 milliards de pertes de recettes sous forme d’exonérations ou les 48 milliards sous forme d’exemptions. Il s’interrogeait également sur les prélèvements sociaux sur le patrimoine, car une partie des revenus du patrimoine n’y est pas encore soumise, même si des corrections ont été apportées. Il posait aussi la question de la progressivité du prélèvement social. La CSG étant un financement qui abonde l’ensemble des branches concernées par le PLFSS, je souhaite que nous ayons à l’esprit cette interrogation que nous relayons avec soixante-quinze collègues députés. Nous souhaitons que la CSG puisse répondre à cet objectif d’un financement plus juste. Or la justice en matière de financement, c’est l’article 13 de la Déclaration des droits de l’homme : c’est le principe de la progressivité du prélèvement. C’est un enjeu pour nous en termes de redistribution et de pouvoir d’achat.

Il existe certes des difficultés techniques, parfois constitutionnelles. Mais le président Mitterrand se plaisait à dire que là où il y a une volonté, il y a un chemin. Il a pu être trouvé avec la création de la CSG, il pourrait être trouvé, dans une réflexion que nous souhaitons coopérative entre les parlementaires et le Gouvernement, sur une CSG progressive. Voilà ce que, en député libre et en militant politique engagé, je souhaitais apporter comme contribution au débat sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Nous pouvons aller plus loin, dans le cadre d’un calendrier progressif, vers plus de justice fiscale, avec pour perspective, pourquoi pas, la fusion de l’impôt sur le revenu et la CSG et commencer à réfléchir à cette disposition. Cette discussion générale ouvre la possibilité de lancer le débat. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Dominique Tian.

M. Dominique Tian. Monsieur le président, mesdames les Ministres, mes chers collègues, le Gouvernement vient de ponctionner ménages et entreprises par le vote de la loi de finances pour 2014, et vous vous apprêtez à continuer cette ponction par la loi de financement de la sécurité sociale.

Dans la ligne des précédents PLFSS, celui-ci repose à nouveau sur une augmentation des prélèvements et marque un dérapage continu des dépenses, sans réelles mesures d’économies, alors que le contexte économique extrêmement difficile exige des réformes d’ampleur. Cette orientation est très préoccupante dans un pays qui consacre déjà 33 % de sa richesse nationale aux dépenses de protection sociale, en tête de la plupart des pays de l’OCDE. Il faut arrêter cette spirale infernale qui conduit à l’asphyxie de notre économie et donc au déclin de notre modèle social.

Vous n’avez pas le courage de baisser les dépenses, alors vous avez décidé de taxer les revenus tirés de l’épargne longue. L’article 8 va modifier rétroactivement les prélèvements sociaux sur les plus-values de tous les produits d’épargne. C’est un très mauvais signal qui est donné à l’ensemble des épargnants français et la rétroactivité représente une insécurité juridique qu’il faut dénoncer.

Vous n’avez pas le courage de baisser les dépenses, alors vous prévoyez par l’article 10 la création d’une nouvelle cotisation d’assurance vieillesse dans le régime des artisans, commerçants et patrons de petites et moyennes entreprises, assise sur la totalité de leur revenu d’activité. Cette décision va peser sur les revenus des indépendants.

Nous pouvons nous arrêter un instant sur l’article 15, nouvelle « taxe vignette » du gouvernement socialiste. L’affectation pour la seconde année de suite – Denis Jacquat en a parlé – du produit de la contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie au Fonds de solidarité vieillesse, et non pas à la perte d’autonomie, a suscité de vives protestations jusque dans vos rangs. M. Jérôme Guedj, notamment, s’en est ému sur son site internet.

Je m’attarderai un instant, madame la ministre, sur votre marotte consistant à repousser indéfiniment la facturation individuelle des établissements de santé publics. Par ce projet de loi, vous avez prévu de l’appliquer en 2018. Les cliniques et hôpitaux privés s’en acquittent, puisque c’est la loi, depuis 2005. Quelle légitimité a ce report alors que la convergence des tarifs entre public et privé est préconisée par la CNAMTS elle-même ?

Tout le monde le sait parfaitement, c’est un manque de transparence et parfois une incapacité des hôpitaux à remplir cette obligation.

Vous renoncez à la maîtrise de la dépense hospitalière en confortant une organisation des soins de moins en moins efficiente, inadaptée à la montée en charge des maladies chroniques. Les mesures relatives à l’hôpital vont à contre-courant des réformes qu’il faudrait engager dans le secteur public et fragilisent les établissements de santé privés.

Les gisements d’économies sont pourtant connus de tous : réduction des surcapacités hospitalières publiques et, comme le préconise la Cour des comptes, développement de la chirurgie ambulatoire, susceptible de dégager 5 milliards d’euros. Vous savez qu’emprunter une telle voie est possible car les hôpitaux et cliniques privés l’ont suivie.

J’en viens maintenant à la mauvaise gestion de notre système de sécurité sociale, notamment de la branche maladie.

Je me référerai à un article paru le 16 octobre dans le Républicain Lorrain sur le Subutex, « produit hors de contrôle » – un sujet dont toute la presse parle alors qu’il est peu évoqué dans notre hémicycle ou dans les ministères. Comment un médecin a-t-il pu délivrer 25 000 boîtes de Subutex en deux ans et demi sans un seul contrôle ou avertissement de la caisse primaire d’assurance maladie ? Les propos des avocats du médecin, cités par le journaliste, sont révélateurs : « Six mois après l’ouverture de l’information judiciaire et la mise en examen de mon client, je ne sais toujours pas pourquoi la CPAM n’a pas mis un frein à ces dérives plus tôt. Ils ont laissé faire… S’il y avait eu des vérifications, cette affaire n’aurait jamais pris de telles proportions ».

M6 reviendra dimanche sur cette affaire et sur le Subutex à travers une émission consacrée à un homme qui joue avec une multitude de cartes Vitale pour se livrer à un trafic de ce médicament. L’IGAS, vous le savez, a indiqué dans un rapport que plusieurs millions de cartes Vitale surnuméraires circulaient en France sans que l’on sache vraiment à quoi elles servent. Eh bien, vous le saurez en regardant cette émission, madame la ministre.

Plusieurs journaux ont aussi évoqué à cette affaire : Le Figaro, MarianneValeurs actuelles (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), qui a consacré récemment un dossier à la fraude sociale. Quatre journalistes ont été envoyés auprès de médecins pour obtenir des arrêts de travail. Cela n’a posé aucun problème : tous les médecins consultés ont accordé en moins de dix minutes dans la plupart des cas un arrêt de maladie d’au moins trois jours.

M. Christian Hutin. C’est une insulte pour la profession médicale !

M. Dominique Tian. Ne niez pas la réalité, mon cher collègue, ou alors attaquez les journalistes.

Vous, madame la ministre, vous avez supprimé le jour de carence alors que chacun sait que les arrêts de travail font l’objet de nombreuses fraudes. Nous atteignons des records au niveau européen.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Le Subutex, les arrêts maladie : c’est une vraie bouillabaisse que vous faites !

M. Dominique Tian. Chacun sait que les arrêts de travail plus ou moins bidon sont une réalité et que leur coût est très élevé.

Sur RMC, j’ai écouté une interview assez édifiante du docteur Didier Legeais, vice-président de l’Union des chirurgiens de France, qui a indiqué qu’il considérait que la fraude médicale était un « sujet majeur » et qui a dénoncé la mise en place de réseaux de passeurs qui « amènent aujourd’hui des malades du monde entier… ».

Mme Françoise Dubois. Vous passez votre temps à écouter la radio et à regarder la télé !

M. Olivier Véran. Il est peut-être chroniqueur à Télé Z !

M. Dominique Tian. Nos concitoyens qui ont de plus en plus de difficultés à financer leur complémentaire santé veulent que notre système de protection sociale soit juste et équitable. Prenez donc l’exemple de l’Allemagne…

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Avec ses 18 millions de pauvres !

M. Dominique Tian. On y discute de l’affectation des résultats de l’assurance maladie alors qu’en France, nous creusons le déficit. Je ne voterai donc pas ce PLFSS. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Fanélie Carrey-Conte.

Mme Fanélie Carrey-Conte. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, je souhaiterais centrer mon propos sur la problématique de l’accès aux soins à travers la question précise de l’accès aux complémentaires santé.

Ce débat est à mettre en perspective avec des discussions que nous avons déjà eues ensemble à plusieurs reprises dans cet hémicycle : lors de l’examen de la proposition de loi sur les réseaux de soins ou lors des débats sur l’ANI. À chaque fois se posait en arrière-plan la question de la généralisation de la complémentaire santé conformément aux engagements du Président de la République, et donc plus globalement des liens entre assurance maladie obligatoire et assurance maladie complémentaire.

Aujourd’hui, la mise en œuvre de la stratégie nationale de santé, dont ce PLFSS constitue l’an I, a donné une nouvelle impulsion à tout cela en fixant de nouvelles étapes mais surtout en réaffirmant le cadre de nos orientations politiques. Car oui, la question de la répartition des rôles entre assurance maladie obligatoire et assurance maladie complémentaire s’inscrit bien dans le cadre d’une vision politique de la sécurité sociale et doit à ce titre donner lieu à une discussion démocratique, comme un appel public nous y invitait récemment et comme vous vous y êtes engagée, madame la ministre.

Cette vision politique, nous l’assumons pleinement : renforcement de l’assurance maladie obligatoire – à rebours du mouvement de désengagement mis en œuvre ces dernières années –, ambition de procéder à une reconquête sélective en articulation avec des complémentaires santé. En tant qu’élément nécessaire dans l’accès aux soins, nous considérons que celles-ci doivent être accessibles à tous, et surtout être régulées et encadrées par la puissance publique.

En ce sens, ce PLFSS marque plusieurs étapes importantes.

Rappelons d’abord le relèvement, le 1er juillet dernier, des plafonds permettant de bénéficier de la CMU complémentaire et de l’aide à l’acquisition de la complémentaire santé, l’ACS, qui a permis à 750 000 nouvelles personnes de bénéficier de ces aides et dispositifs.

Soulignons ensuite dans ce PLFSS les exigences qui entoureront les contrats complémentaires destinés aux personnes bénéficiant de l’ACS. Une mise en concurrence des organismes complémentaires sera mise en place qui ne s’apparentera ni à un appel d’offres, ni à la mise en œuvre de contrats collectifs. Cette procédure permettra de faire pression sur le secteur afin d’augmenter les exigences de qualité dans les contenus de ces contrats. Cela constituera donc un élément supplémentaire en matière de régulation.

J’en profite pour attirer votre attention, madame la ministre, sur le fait qu’il faudra prévoir un accompagnement pour les personnes aujourd’hui bénéficiaires de l’ACS dont le contrat n’aurait pas été retenu dans le cadre de la mise en concurrence et qui devront changer d’opérateur et de garantie pour continuer à percevoir l’aide. Il faudra veiller à ce qu’il n’y ait pas de rupture dans l’accès aux droits.

J’en viens, enfin, à la refonte des contrats solidaires et responsables. Il s’agit là d’un point majeur. Rappelons les enjeux qui y sont attachés : ils sont un outil de régulation – oui, on revient toujours à cette question –, qui porte autant sur le contenu des contrats que sur les tarifs. Cet outil est assorti d’un moyen : une fiscalité qui doit permettre de différencier véritablement les contrats solidaires et responsables de ceux qui ne le seront pas.

S’agissant du contenu de ces contrats, la séance devra confirmer ce que nous avons voulu préciser en commission à travers un amendement du rapporteur : que le panier de soins proposé devra comprendre des prestations liées à la prévention ainsi que les frais d’optique. Ce sont là deux éléments importants.

Autre élément concernant le contenu : la mise en place d’une régulation des tarifs afin d’en finir avec la solvabilisation des dépassements d’honoraires. Il est fondamental que dans le contrat solidaire et responsable, la prise en charge de ces dépassements soit plafonnée. Nous aurons à débattre de ce sujet. Si l’on souhaite mettre en œuvre une véritable politique de limitation des dépassements – qui nécessitera évidemment d’autres outils au-delà des indispensables contrats solidaires et responsables –, et être en cohérence avec le contrat d’accès aux soins, alors se posera la question d’aller en-dessous des 150 % de limitation que nous avons votés en commission.

Au-delà de ces points, des questions se posent et des étapes restent à franchir.

Il s’agit d’abord de la généralisation de la complémentaire santé. L’ANI a été une étape pour les salariés et nous nous occupons avec ce PLFSS des bénéficiaires de l’ACS, mais la question de l’accès aux complémentaires des jeunes, des chômeurs, des non salariés, des personnes âgées dont les revenus se situent au-dessus du plafond de ressources de l’ACS reste posée. Il faudra pour toutes ces personnes prévoir d’autres étapes, ce qui pose la question des moyens à mettre en œuvre pour rendre cette généralisation effective.

Ceci m’amène à mon deuxième point : la nécessaire poursuite de la réflexion sur la remise à plat des aides fiscales et sociales accordées aux aides à la complémentaire santé. Certaines mesures ont été prises dans le projet de loi de finances mais tout n’a pas été dit et fait s’agissant du caractère anti-redistributif des exonérations de cotisations employeurs pour les contrats collectifs. De même, s’agissant de la fiscalité des contrats, une étape a été franchie avec la modulation de la TSCA, mais il y a d’autres leviers qui pourraient être utilisés. Peut-être pourrait-on aller plus loin avec une différenciation de la fiscalité en fonction de critères comme la solidarité intergénérationnelle ou la fixation des cotisations en fonction des niveaux de revenus.

Nous poursuivons toujours le double objectif de favoriser des contrats de qualité et de dégager des marges de manœuvre financières pour aller au bout du processus de généralisation de la complémentaire santé. Lors du débat sur la transposition de l’ANI, nous avions fait adopter un amendement demandant un rapport en ce sens : il faudra être attentifs à ses conclusions pour prendre des décisions en conséquence.

Voici quelques questions pour la suite, une fois franchies les nouvelles étapes importantes inscrites dans ce PLFSS dans le sens d’un meilleur accès aux soins pour toutes et tous. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Barbier.

M. Jean-Pierre Barbier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous voici réunis pour débattre du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014, prérogative essentielle du Parlement.

Il nous appartient d’être à la hauteur de cette grande ambition et de prendre nos responsabilités pour permettre à la solidarité nationale de s’exercer pleinement, tout en veillant à sauvegarder les équilibres financiers. Car une solidarité durable ne peut être financée à crédit ou alimentée par un excès de prélèvements sur l’activité et sur l’emploi.

Si je devais résumer votre projet de budget, madame la ministre, je dirais qu’il porte dans les mots une ambition démesurée pour une réalité malheureusement bien plus modeste.

Ce PLFSS manque d’audace et cède à la facilité en faisant, une fois encore, peser l’essentiel des mesures d’économies sur le médicament, qui représente 15 % des dépenses de santé mais qui participe à hauteur de 56 % aux économies.

L’industrie pharmaceutique est plus que jamais la variable d’ajustement de l’assurance maladie. Comme l’année dernière, votre discours repose sur une communication stigmatisante sur le médicament et sur tous les acteurs de la chaîne, de l’industriel jusqu’au pharmacien d’officine.

Vous fragilisez l’avenir de ce secteur industriel qui représente plus de 100 000 emplois directs. Vous serez responsable de ce naufrage et des suppressions d’emplois à venir. À force de tirer sur la corde, madame la ministre, celle-ci finira par céder et notre industrie pharmaceutique perdra pied face à une concurrence mondiale de plus en plus forte.

Votre stratégie fragilise aussi les 22 000 officines et leurs 120 000 salariés. Ils sont pourtant des acteurs incontournables du système de soins et participent à un réseau de proximité fort qui a beaucoup œuvré pour le développement des génériques. Et aujourd’hui, comme seul remerciement, vous voulez porter un nouveau coup à leur marge constituée en grande partie grâce à cette substitution, substitution que vous poussez au-delà des limites du raisonnable avec les médicaments biosimilaires.

Madame la ministre, votre PLFSS cède à la facilité en continuant d’augmenter les prélèvements sur les Français.

Le PLFSS allonge une liste de nouvelles charges devenue insupportable pour nos concitoyens : je pense particulièrement à la mesure contenue à l’article 8 qui vise à taxer les placements de PEL ou PEA, instruments privilégiés de l’épargne des classes moyennes, peut-être « aisées », me direz-vous – il faudra un jour nous en donner votre définition.

Il y a l’aspect comptable : 600 millions d’euros de prélèvements supplémentaires. Et il y a l’aspect moral et psychologique : la rétroactivité à partir de 1997 au taux unique de 15,5 %. Par ce dispositif, vous portez un coup de poignard dans la confiance des Français vis-à-vis de l’épargne longue. Vous contribuez à alimenter le ras-le-bol fiscal, ce qui est destructeur pour notre économie.

Enfin, le PLFSS cède à la facilité en n’engageant aucune réforme de structure. J’en veux pour preuve votre mesure relative à la mise en place d’un mécanisme de financement dérogatoire des hôpitaux ayant une faible activité.

Nous sommes tous ici sensibles aux enjeux de l’offre de soins. Néanmoins, gardons-nous des fausses bonnes idées, souvent démagogiques et complètement inadaptées à la réalité de nos finances publiques et à l’objectif visant à permettre à nos concitoyens d’être bien soignés. En matière de santé publique, la proximité n’est pas toujours l’alliée de l’efficacité et de la sécurité pour le patient. Là encore, le PLFSS n’est pas à la hauteur. J’aurais aimé, comme beaucoup de mes collègues, que l’on travaille sur la carte hospitalière, l’offre de soins, les déserts médicaux et la spécialisation des établissements.

Le Gouvernement succombe aussi à la facilité lorsqu’à l’article 36, il reporte de 2016 à 2018 la facturation individuelle des établissements de santé à l’assurance maladie, laquelle aurait permis de mieux suivre les dépenses hospitalières, de responsabiliser les praticiens hospitaliers et de construire de meilleurs parcours de soins.

Il y a là clairement deux poids, deux mesures : on autorise une fois de plus aux établissements publics une souplesse que l’on refuse aux médecins, infirmiers, kinésithérapeutes ou pharmaciens libéraux, dont les prescriptions sont pistées. Les outils informatiques adaptés existent dans le monde libéral ; pourquoi cette réticence à les étendre à l’hôpital ? Il ne s’agit pas d’opposer médecine publique et libérale, mais de mieux encadrer les dépenses de santé. Imposons un minimum de contraintes au milieu hospitalier quand on sait les économies que cela peut générer, comme l’a relevé la Cour des comptes : quelque 5 milliards d’euros.

Au final, ce PLFSS 2014 est des plus fades : sans ambition, sans vision, sans saveur autre que le goût immodéré de la gauche pour les impôts, les taxes, l’essorage continu du contribuable et des entreprises. N’oublions pas non plus pour terminer les nouvelles mesures portant atteinte à la famille : la baisse du quotient familial et la division par deux de l’allocation de base de la prestation d’accueil du jeune enfant pour 12 % des bénéficiaires !

L’indigestion n’est plus loin et ce n’est certainement pas l’ordonnance du Gouvernement et de sa majorité parlementaire qui permettront de guérir notre système de santé et notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Ségolène Neuville.

Mme Ségolène Neuville. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous débattons aujourd’hui du budget de la Sécurité sociale pour 2014. Je voudrais à cette occasion appeler votre attention sur l’état de l’hôpital public après dix ans de gestion désastreuse par la droite.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Ça, c’est pour Barbier !

Mme Ségolène Neuville. Mesdames et messieurs de l’opposition, depuis dix-sept mois que vous n’êtes plus aux affaires, l’hôpital public reprend des couleurs. C’est grâce à vous, madame la ministre, grâce à la suppression de la convergence tarifaire, que nous avons décidée ici, l’année dernière, et grâce à la réforme de la tarification, que nous démarrons dans ce PLFSS. Mais attention, cet hôpital public, il est encore convalescent : pour qu’il retrouve sa pleine santé, il reste encore beaucoup à faire.

Mesdames et messieurs de l’opposition, pendant dix ans vous vous êtes acharnés à décourager l’ensemble des agents des hôpitaux publics : vous les avez accusés de tous les maux : inorganisation, conservatisme, lenteur, paresse, inefficience…

M. Dominique Tian. Non, c’est la Cour des comptes !

Mme Ségolène Neuville. Le dénigrement de l’hôpital public est un de vos sports favoris. La semaine dernière encore, en commission, vous avez défendu avec ferveur un article additionnel dont l’exposé des motifs stigmatisait clairement la fonction publique hospitalière, l’accusant d’être pléthorique et de coûter trop cher.

M. Dominique Tian. C’est exact !

Mme Ségolène Neuville. Même en admettant que l’on souhaite réduire la santé à son seul aspect économique, vous vous limitez à une vision à très court terme. Mesdames et messieurs de l’opposition, quand on a pour seul objectif de fermer des hôpitaux parce qu’ils ne sont pas assez rentables selon les sacro-saints critères de la T2A, eh bien, on crée des déserts médicaux, et on met en danger l’accès aux soins de nos concitoyens. Quand un hôpital rural ferme, les médecins du territoire s’en vont. Le résultat, c’est que les gens tardent pour se faire soigner, et, quand ils n’ont plus le choix, ils finissent par arriver dans un état dramatique chez le médecin. Au final, cela coûte beaucoup plus cher, à la fois sur le plan humain et sur le plan financier.

C’est pourquoi je me réjouis de la pertinence de l’article 33 de ce PLFSS, qui prévoit de faire sortir de la T2A les établissements de santé qui assurent l’accès aux soins dans des zones géographiquement isolées. Il est évident que ces établissements ont avant tout une mission de service public sur des territoires peu denses en population : ils ne peuvent pas multiplier les actes pour être rentables selon la T2A, puisqu’il n’y a pas assez de malades sur ces territoires pour faire ces actes. Le système de tarification doit donc être revu pour ces établissements.

Il est fini, le temps où l’activité médicale devait s’adapter au système de tarification. Désormais, c’est le système de tarification qui s’adapte à l’activité médicale, et donc, aux patients. C’est cela que nous mettons en œuvre avec la réforme de la tarification : la tarification redevient ce qu’elle aurait toujours dû rester, un simple outil de gestion, au service de la politique de santé que nous souhaitons mener.

M. Jean-Pierre Barbier. L’exception française !

Mme Ségolène Neuville. Ainsi, pour lutter contre l’inflation des actes qu’a provoquée mécaniquement la T2A, nous instaurons, avec l’article 33, une dégressivité des tarifs quand le nombre d’actes réalisés dépasse largement le nombre attendu de ces actes. Cette dégressivité est la meilleure façon d’éviter la surenchère et d’encourager au contraire la pertinence des actes.

De la même façon, la tarification doit s’adapter à la prise en charge des patients souffrant de maladies chroniques : c’est pourquoi l’article 34 instaure la possibilité de mener des expérimentations hors T2A pour le financement de l’insuffisance rénale chronique et du traitement des cancers par radiothérapie.

Il s’agit là de mesures de bon sens, puisque l’on sait que le nombre de séances de radiothérapie par patient est limité par les effets indésirables induits par ces séances : pourquoi vouloir rémunérer à l’acte, quand on sait que la trop grande répétition d’un acte est nocive pour la santé ?

Mes chers collègues, vous l’avez compris, la réforme de la tarification des établissements de santé est bien engagée, et c’est une bonne chose. L’époque où le codage était devenu plus important que le soin lui-même est révolue. Espérons que les hôpitaux vont reprendre l’habitude d’embaucher des soignants plutôt que de payer des prestataires extérieurs pour faire du « surcodage intelligent ».

Espérons que la motivation intrinsèque des soignants redevienne le moteur du service public de la santé, plutôt que la rentabilité, le gain de parts de marché, ou l’intéressement à l’activité. Cette motivation intrinsèque des soignants, c’est ce que l’on appelait dans le temps la vocation, un mélange de générosité et d’altruisme. Ce dévouement des soignants, cette générosité, cet altruisme, qui devraient être les fondements de tout acte de soin, c’est ce que l’hôpital public a de plus précieux. Prenons-en soin ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Rémi Delatte.

M. Rémi Delatte. Madame la ministre, votre PLFSS 2014 ne se présente pas sous les meilleurs auspices.

D’abord parce que le déficit des comptes sociaux 2013, à hauteur de 17,3 milliards, sera supérieur de 2,5 milliards à ce que vous aviez arrêté dans le PLFSS 2013. Triste constat dressé par la commission des comptes de la sécurité sociale dans son rapport de septembre dernier ! Cruelle révélation pour vous, madame la ministre, qui étiez parmi ceux qui, hier, fustigeaient notre politique et se faisaient forts d’équilibrer les comptes en deux ans...

Mais, surtout, dure réalité pour les Français qui, malgré le pilonnage fiscal dont ils sont les victimes depuis dix-huit mois, déplorent la dégradation des équilibres de notre protection sociale !

Plusieurs éléments de ce PLFSS grèvent le déficit évalué par la commission des comptes de la Sécurité sociale à 22,1 milliards d’euros. Je n’en retiendrai que deux.

D’abord, l’injustice croissante que vous entretenez entre le secteur public et le secteur privé. La loi HPST a confié une mission de santé publique au secteur public comme au secteur privé. Pourquoi, madame la ministre, n’avez-vous pas le courage de confirmer les mécanismes de convergence plutôt que de déstabiliser totalement notre système de santé ?

Ensuite, la contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie, la CASA. Ce dossier relève autant de l’improvisation que du cynisme.

Pour ce qui est de l’’improvisation, le président Hollande a déclaré, le 25 février dernier, devant le congrès de l’UNIOPSS : « la réforme de la dépendance des personnes âgées « sera prête d’ici à la fin de l’année » et les conditions de son financement seront déterminées « à ce moment-là ».

Nous aurions pu alors nous féliciter d’entendre le Président de la République tenir une promesse électorale, d’autant qu’il reprenait les conclusions du rapport Rahola, issu de la consultation nationale menée en 2011 par Roselyne Bachelot et Marie-Anne Montchamp. Cette synthèse situe en effet la réforme de la dépendance dans une approche globale du vieillissement autour de l’acceptation du vieillissement comme un élément positif du parcours de vie, d’une part, et de la place du lien social, qu’il soit familial, amical ou collectif, comme composante essentielle du bien vieillir et de la prévention de la perte d’autonomie, d’autre part.

Si nous sommes, les uns et les autres, enclins à soutenir cette voie, c’était sans compter avec le Premier ministre qui, une nouvelle fois, désavoue le Président de la République puisque, le 14 octobre dernier, il annonce que le Gouvernement va engager des concertations pour définir les contours d’une future loi sur l’adaptation au vieillissement qui pourrait être présentée en cours d’année 2014. Il y a manifestement des incohérences de vues et de calendriers entre l’Élysée, Matignon et Ségur…

M. Christian Paul, rapporteur. Pas du tout ! Grossière erreur !

M. Rémi Delatte. Hélas, elles ne sont pas de nature à redonner confiance aux Français…

J’en viens au cynisme, maintenant.

Mme la ministre déléguée aux personnes âgées et à l’autonomie, qui rêvait d’engager la réforme de la perte d’autonomie dès son arrivée au Gouvernement, nous révéla en réalité que le premier volet de la future loi serait financé en 2015 par les 645 millions de la CASA, qui sera alors – j’ose dire « enfin ! » – affectée à la prise en charge des personnes âgées.

Nous voici en rupture totale avec les fondements de notre protection sociale de 1945 ! Vous ponctionnez dans les poches des retraités dès le PLFSS 2013 en créant cette contribution de 0,3% sur les pensions et vous la détournez aussitôt au profit du Fonds de solidarité vieillesse.

C’est tout de même un prélèvement de 450 millions d’euros en 2013 et vous persistez en 2014 à hauteur de 600 millions d’euros. Excusez du peu ! Comme le déplore la Conférence nationale des directeurs d’établissements pour personnes âgées et handicapées, il s’agit d’un« racket.»

Votre résignation, madame la ministre – je m’adresse aussi à votre collègue, Mme Delaunay –, est vraiment cynique, car vous annoncez qu’en 2015, cette contribution ne sera pas mobilisée pour une prise en charge de la dépendance sous la forme d’un cinquième risque, mais pour financer des mesures de prévention de la perte d’autonomie et d’adaptation de la société au vieillissement et l’aide aux aidants.

Pourquoi attendre 2015 puisque, d’ores et déjà dans le cadre des plans « Bien vieillir » et « Alzheimer », ainsi que dans l’engagement des conseils généraux sur ces problématiques, de nombreuses actions appellent des financements complémentaires ?

À Mme la ministre chargée des personnes âgées et de l’autonomie, je dis : « Retrouvez votre détermination originelle, exigez que la contribution des retraités serve dès maintenant aux finalités pour lesquelles elle a été créée ! » Plusieurs amendements en ce sens lui seront soumis.

D’ailleurs, madame la ministre, au-delà de cet enjeu majeur du grand âge, je voudrais vous interroger sur la façon dont vous renflouerez le Fonds de solidarité vieillesse en 2015 lorsque vous aurez enfin décidé d’affecter la CASA à la dépendance. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Sylviane Bulteau.

Mme Sylviane Bulteau. Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, le projet de loi de financement de la Sécurité sociale est incontestablement l’un des textes les plus importants pour la vie quotidienne des Français.

La « Sécu », comme l’appellent familièrement, mais avec affection, nos concitoyens, reste au cœur de notre pacte social.

À notre arrivée quel était le bilan ? Quel était le constat ? L’accès aux soins était dégradé, pour plusieurs raisons.

Pour des raisons financières, d’abord, 15 % de la population déclarent avoir renoncé aux soins, et les dépassements d’honoraires ont triplé entre 1990 et 2010. Pour des raisons d’inégalités territoriales, ensuite : depuis cinq ans, 2 millions de Français supplémentaires sont touchés par la désertification médicale.

Il fallait donc réagir face à l’immobilisme de vos prédécesseurs, madame la ministre, et le bilan de la première année donne à voir combien notre volonté politique est tournée, d’une part, vers le sauvetage de notre Sécurité sociale et, d’autre part, vers un meilleur accès aux soins pour les Français.

Je vous donne quelques exemples emblématiques : la lutte contre les dépassements d’honoraires, le pacte territoire santé, changer la formation des médecins et faciliter leur installation, l’amélioration de l’accès aux soins des plus démunis, l’amélioration de l’accès à la contraception et à l’IVG, la garantie d’une couverture complémentaire pour tous les salariés

Ce PLFSS est un texte qui protège plus et mieux nos concitoyens et je voudrais notamment souligner les mesures engagées pour la jeunesse.

L’article 16 reconfigure les exonérations en faveur de l’apprentissage pour faire suite au projet de loi sur les retraites qui permet aux apprentis de valider autant de trimestres d’assurance vieillesse qu’en compte leur période d’apprentissage.

L’article 44 instaure le tiers payant sur les consultations et examens préalables à la contraception chez les mineures de seize ans. Nous avions déjà instauré la gratuité de la contraception. Aujourd’hui, il faut aller plus loin dans l’accès, et notamment l’accès financier qui demeure un véritable frein et engendre des grossesses non désirées à cause de la prise irrégulière d’une contraception, pour des raisons financières. En effet, les consultations et les examens de biologie coûtent cher. Là encore, il est de notre responsabilité de lever ces obstacles.

Pour être certains de la réussite de ce dispositif, si je peux me permettre une suggestion, madame la ministre, et afin de toucher un maximum de jeunes filles, mais aussi de jeunes garçons, nous devrions réfléchir pour l’avenir à la mise en place d’un véritable « Pass Contraception », comme l’ont fait bon nombre de régions. Dans la mienne, les Pays de la Loire, ce dispositif que j’ai contribué à mettre en place il y a quelques années existe et fonctionne bien. Il est anonyme, gratuit et accompagné par des professionnels de santé.

Il faut également souligner les mesures envers les familles les plus fragiles, avec la majoration du complément familial pour ceux qui vivent en dessous du seuil de pauvreté, ainsi qu’un rééquilibrage de l’allocation de base de la prestation d’accueil du jeune enfant vers ceux qui en ont le plus besoin.

Pour terminer, madame la ministre, un mot sur la stratégie nationale de santé, présentée le 23 septembre dernier, qui vise à réorganiser notre système à partir des soins primaires et de la médecine de premier recours. Cette stratégie nationale va corriger de lourds dysfonctionnements et remettre au centre la médecine générale dont nous avons tant besoin sur nos territoires.

II faut davantage de coordination et de cohérence. Il faut se recentrer sur la personne prise en charge par les professionnels de proximité. Je suis très heureuse, pour ma part, que nous envisagions d’appliquer à notre tour le modèle cohérent recommandé par l’OMS, d’autant plus que la France est le dernier pays de l’Europe des quinze en matière d’inégalités sociales de santé. C’est dire la négligence, au cours des dix dernières années, des gouvernements de droite successifs !

Mme Ségolène Neuville. C’est sûr !

M. Jean-Pierre Barbier. Mais non !

Mme Sylviane Bulteau. Le PLFSS, madame la ministre, correspond à nos valeurs et à nos principes : le redressement dans la justice ainsi que la préservation et même le renforcement de notre modèle social. La droite, depuis dix ans, a gravement amoindri la vigueur de la solidarité nationale, parfois par pure idéologie libérale et sans réflexion sur le sens politique que revêt la Sécurité sociale. Vous rendez à nos concitoyens, madame la ministre, et nous avec vous, davantage de protection dans un contexte de crise économique et sociale qui donne à voir cette impérieuse nécessité.

M. Christian Hutin. Très bien !

Mme Sylviane Bulteau. Telle est notre conception du rôle de l’État, qui doit demeurer demain le garant du vivre ensemble, c’est-à-dire le ferment d’une citoyenneté s’incarnant dans une équitable redistribution des richesses où doit primer l’un des principes phares d’une société solidaire et humaine : « De chacun selon ses moyens, à chacun selon ses besoins ». (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme Gisèle Biémouret.

Mme Gisèle Biémouret. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2014 présenté aujourd’hui à l’Assemblée nationale fait partie d’un ensemble de mesures qui améliorent la situation financière de la protection sociale tout en réduisant les inégalités de santé sur le territoire. Les mesures d’économies proposées s’élèvent à près de 2,4 milliards d’euros pour 2014 et représentent un effort sans précédent en termes de réduction des déficits.

Mais contrairement à la politique menée pendant près de dix ans par les gouvernements de droite successifs, ces économies ne sont pas des mesures comptables. Elles ont une véritable finalité d’amélioration du système de santé. Le PLFSS doit être analysé comme un moteur de la stratégie nationale de santé que vous avez présentée aux Français le 23 septembre dernier, madame la ministre. Non seulement il propose d’améliorer les finances de la protection sociale, mais il met également en œuvre, sous forme de mesures concrètes, les priorités dégagées en matière de santé par la nouvelle orientation nationale.

Je voudrais insister particulièrement sur trois mesures : la réforme de la protection sociale complémentaire santé, la politique de santé publique dès le plus jeune âge et la réduction des inégalités territoriales de l’offre de santé. Alors que près de 2,5 millions de personnes ne disposaient pas d’une couverture complémentaire de santé en 2012, dont près de la moitié pour des raisons financières, le dispositif que vous proposez pour les bénéficiaires de l’aide à la complémentaire de santé, madame la ministre, devrait leur permettre d’accéder à une couverture dont la qualité serait reconnue. En sélectionnant les assureurs sur la base d’un cahier des charges, vous assurez ainsi aux plus démunis une assurance complémentaire de santé de qualité.

Lors de l’accord sur la sécurisation de l’emploi qui prévoyait la généralisation de la complémentaire santé à tous les salariés, certains ont exprimé la crainte d’un accroissement des inégalités entre les salariés et les autres catégories de personnes. Or les mesures proposées font accéder toute personne à une couverture complémentaire, quel que soit son statut social, conformément à l’engagement du Président de la République de généraliser d’ici 2017 l’accès à une couverture complémentaire de qualité. Ces dispositions pratiques répondent à l’objectif qui est le nôtre, celui d’un système de santé encore plus solidaire réduisant les inégalités sans ajouter les problèmes de santé aux problèmes financiers que connaissent les plus démunis.

La majoration du complément familial pour les familles vivant en-dessous du seuil de pauvreté procède du même état d’esprit et je la salue, même si la question sera réglée par voie réglementaire. En matière de politique de santé publique, les mesures visant à renforcer la prise en charge du sevrage tabagique pour les jeunes de vingt à vingt-cinq ans ainsi que l’instauration du tiers payant pour la prescription d’un contraceptif pour les jeunes de plus de quinze ans nous prouvent que le Gouvernement fait de la jeunesse une priorité dans le domaine de la santé aussi. Ce sont également des exemples du lien entre les mesures financières du texte et la politique nationale de santé publique, qui sera débattue ici dans quelques mois.

Quant à la réduction des inégalités territoriales de l’offre de santé, les dispositions relatives au développement de la télémédecine, la généralisation des rémunérations d’équipe, l’amélioration du financement des coopérations entre professionnels de santé devraient faire reculer les déserts médicaux en favorisant une médecine pratiquée davantage en équipe. Le gouvernement est donc mû, mais cela ne peut être une surprise pour personne, par une volonté politique, celle de tracer un axe fort en vue d’améliorer la prise en charge de la santé de nos concitoyens. Le texte poursuit l’amélioration du financement de la Sécurité sociale. Le travail de rétablissement des comptes opéré depuis seize mois nous donnera, j’en suis sûre, la capacité de mettre en œuvre une politique volontariste de santé pleinement inscrite dans la durée. Il améliorera les déterminants de santé et l’état de santé de nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Christian Hutin. Bravo !

M. le président. La parole est à Mme Sophie Rohfritsch.

Mme Sophie Rohfritsch. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, si le PLFSS affiche un taux d’évolution limité à 2,4 %, c’est comme chaque année grâce à un plan d’économies, annoncées pour 2014 à 2,4 milliards d’euros. Mais ces économies, contrairement aux préconisations de la Cour des comptes, font porter d’essentiel de l’effort sur le médicament, sous des formes variées il est vrai : effort sur les prix négociés à la baisse par le comité économique des produits de santé, effort sur les volumes à travers la maîtrise des prescriptions, effort sur les génériques. À propos des volumes, il me semble normal que les recommandations de la Haute autorité de santé conduisent à soumettre le volume des médicaments prescrits aux exigences de bonnes pratiques. Je note cependant que la classe des médicaments à vignette orange, toujours remboursés à 15 %, n’évolue pas. La haute autorité de santé considère pourtant que leur bénéfice médical devrait les exclure du remboursement, ce qui permettrait de réaliser une économie estimée à 200 millions d’euros.

À propos de la baisse des prix, qui constitue l’essentiel de l’effort demandé à l’industrie du médicament, combien de temps encore pourrez-vous agir de la sorte, madame le ministre, pour boucler le budget de l’assurance-maladie sans compromettre la dynamique et même la présence industrielle en France ? Il faut à toute entreprise de la lisibilité. La seule lisibilité en la matière pour les industries du médicament est celle de la baisse sans fin des prix, y compris pour les industriels qui produisent en France et exportent à partir de notre pays. Le risque est réel de décourager définitivement leurs investissements et de compromettre la position industrielle de la France dans le secteur pharmaceutique. Les efforts devraient être mieux répartis entre acteurs du système de santé. Des pans entiers de l’activité comme la recherche clinique ou la bio-production pharmaceutique vont être freinés. À terme ce sont l’emploi, la croissance et la compétitivité du secteur qui seront mis en cause, secteur qui est en récession depuis 2012, comme l’a souligné tout à l’heure Mme Orliac.

Ce risque, le conseil stratégique des industries de santé réuni par M. le Premier ministre au début de l’été l’a signalé. Il a engagé un certain nombre de mesures pour promouvoir la filière des produits de santé et élaborer une politique du médicament plus cohérente, préservant d’abord l’accès des Français aux médicaments innovants et rendant à cette industrie stratégique une véritable attractivité sans perdre de vue la situation structurellement déficitaire de l’assurance maladie. Or on nous propose aujourd’hui une politique totalement schizophrène, qui ne tient aucun compte des recommandations du CSIS, dans un environnement pourtant très concurrentiel qui ne joue absolument plus en faveur de la France ni même de l’Europe.

À propos des médicaments génériques, je ne ferai qu’une remarque sur les biosimilaires. On ne peut raisonner pour leur prescription de la même manière que pour celle des génériques chimiques. La sécurité de la prescription doit absolument primer et la substitution doit être encadrée, sans pour autant renoncer à des baisses de prix dès lors que le brevet tombe.

Le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2014 ne laisse donc entrevoir aucun remède efficace pour soigner ni sauver notre régime de protection sociale. L’objectif de ramener le déficit du régime général à 12,8 milliards d’euros en 2014 suppose des réformes structurelles, seules à même de s’attaquer aux véritables causes du déficit.

M. Dominique Tian. Tout à fait !

M. Jean-Marc Germain. De quelles réformes parlez-vous ? Celles proposées par la convention de l’UMP sur la santé ?

Mme Sophie Rohfritsch. La suppression de la convergence des tarifs entre établissements publics et privés l’an dernier, rappelée à de nombreuses reprises mais sur laquelle il faut insister, et la suppression avérée du jour de carence dans la fonction publique constituent autant de gisements d’économies qui sont négligés. Côté recettes, l’effort pèsera sur des contributeurs déjà fortement et exagérément sollicités, en particulier dans le cadre du PLF que nous avons adopté cet après-midi : les retraités dont la revalorisation des pensions est décalée de six mois, les familles dont les prestations familiales sont recentrées, les classes moyennes, toujours elles, dont l’épargne est ponctionnée par la fiscalisation rétroactive des PEL, PEA et autres contrats d’assurance vie. Le deuxième PLFSS du quinquennat de François Hollande manque cruellement d’ambition sauf, comme c’est désormais l’habitude, en matière d’inventivité fiscale ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean-Pierre Barbier. Bravo !

M. le président. La parole est à M. Richard Ferrand.

M. Richard Ferrand. Monsieur le président, madame la ministre, madame et messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, il est inexact de dire que nous ne serions inégaux que devant la maladie. Nous sommes d’abord inégaux devant l’accès aux soins. Or le fondement de notre modèle solidaire à vocation égalitaire est d’en offrir et d’en garantir un à chacun. Mais face aux évolutions contemporaines que sont le vieillissement de la population, le développement des maladies chroniques et le progrès technique, la capacité de notre système de santé est mise en question : équilibre financier menacé et menaçant, fonctionnement très cloisonné, prise en charge certes excellente mais concentrée sur des épisodes au détriment du parcours de soins, inégalités territoriales persistantes. En un mot, notre système de santé appelle lui aussi nos bons soins.

Tel est le diagnostic auquel entend répondre la stratégie nationale de santé. Le déploiement des soins de premier recours a été érigé en priorité absolue, en particulier dans les déserts médicaux. Il faut se féliciter du choix de réorganiser notre système de santé autour d’une médecine de parcours, et de la bataille engagée pour combler la fracture territoriale. C’est l’égalité dans les territoires et entre eux qui donne la mesure de la justice sociale et de la continuité du service public, donc des valeurs de la République. À l’heure où d’aucuns se désolent de la dissolution du pouvoir politique dans la mondialisation et l’Union européenne, il n’est pas vain de rappeler qu’en matière de santé la puissance publique nationale a encore tout son rôle à jouer.

Pour conforter le maillage territorial, le pacte « territoire santé » a été une première étape dont le PLFSS constitue un approfondissement et dont la future loi de santé publique devra être l’aboutissement. Ce projet global impliquera davantage de respiration régionale, assortie naturellement d’une réforme des ARS qui ne fonctionnent pas toujours de manière optimale, et c’est un euphémisme. Il faudra en particulier redéfinir leurs missions prioritaires et je présenterai un amendement en ce sens. Réfléchir au mode de gouvernance, en particulier au rôle des élus en leur sein, sera tout aussi indispensable, car la répartition de l’offre de soins sur un territoire est indissociable de la politique d’aménagement du territoire.

Le dispositif de coopération entre professionnels de santé, institué par l’article 51 de la loi HPST, doit monter en puissance. « Renverser l’architecture » de l’article 51, comme le propose le rapport Cordier, semble constituer une piste intéressante.

Nous devons aussi repenser la formation et les compétences des professionnels de santé, jusqu’à la « création de nouveaux métiers de santé », pour reprendre les termes forts employés par Mme la ministre. Il nous faudra concrétiser des transferts de compétences définitifs et, pourquoi pas, accorder une place plus centrale aux infirmiers. Une sensibilisation réelle et en profondeur des futurs médecins aux enjeux de l’égalité territoriale dans l’exercice de leur profession doit être mise en place. Il s’agirait de faire véritablement prendre conscience aux futurs praticiens que leur mission s’inscrit aussi dans une perspective de réduction des inégalités, dans la prise en compte de la précarité, mais également dans la mobilisation optimale des deniers publics.

Redonner un souffle territorial supposera, d’une part, de veiller à ce que les CHU, loin d’assécher des territoires en concentrant l’activité, viennent au contraire les irriguer et, d’autre part, de réformer le modèle économique des centres de santé pour en pérenniser l’activité. Comme le souligne le récent rapport de l’IGAS, les centres de santé revêtent une réelle utilité sanitaire et sociale, en assurant des services précieux dans des zones déficitaires, et en pratiquant le tarif opposable et le tiers payant. En accueillant des populations précaires, le service public – ou son proche parent, le centre de santé – pallie la carence de l’initiative privée. Il faudra donc veiller à la consolidation et au développement de ces structures, sans que cela conduise pour autant à dédouaner les professionnels libéraux.

Ceci nous amène à la deuxième clef de l’accès aux soins : la question financière. Chiffres et études montrent tous une tendance criante au renoncement aux soins parce que, disons-le simplement, trop de nos concitoyens ne gagnent pas assez. La question des inégalités sociales vient souvent s’additionner aux difficultés territoriales, parfois sous la forme d’une double peine – un peu comme l’écotaxe. (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP.) C’est ici tout l’enjeu de l’accès universel à une complémentaire santé, tâche à laquelle le Gouvernement s’attelle depuis le début du quinquennat.

Je tiens enfin à réaffirmer ici que la régulation de l’installation des médecins ne sera jamais taboue – comme elle ne l’est pas, aujourd’hui déjà, pour d’autres professionnels de santé. Mes chers collègues, les inégalités territoriales de santé en France sont profondes et, surtout, se creusent encore. Définir un service public territorial de santé et offrir une solution de proximité pour tous les Français : telle est la « révolution » du premier recours que nous propose Mme la ministre, telle est l’ambition que nous partageons avec vous. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Olivier Véran.

M. Olivier Véran. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, il y a cinquante ans aujourd’hui, le prix Nobel d’économie Kenneth Arrow traitait pour la première fois d’économie de la santé. Il aura fallu un demi-siècle pour mieux appréhender les dépenses de santé, auxquelles la France consacre pas moins de 11 % de son PIB, soit 2 500 euros par Français et par an. Face à cette inadéquation croissante entre des besoins évolutifs et des ressources épuisables, il est normal de s’interroger. D’abord, parce que la santé est devenue un choix parmi d’autres pour distribuer les ressources publiques, en compétition avec d’autres domaines qui ont un impact direct sur l’état de santé, comme l’environnement. À quel moment vaut-il mieux investir un euro dans la lutte contre la pollution plutôt que dans les soins de santé, en termes d’impact sanitaire ? Et que dire des perspectives en matière de médecine préventive ?

Maîtriser les dépenses de santé, donc, pour ne pas fragiliser plus avant notre modèle social. Mais comment ? La droite a fait ses choix pendant dix ans : effritement de la prise en charge des soins par l’assurance maladie, mesures de déremboursement, franchises médicales, idéologie de l’hôpital-entreprise. Nous, la majorité progressiste, nous faisons un tout autre choix, avec un tout autre résultat. Un tout autre choix, puisque la maîtrise des dépenses ne repose plus sur des mesures de désengagement de l’assurance maladie : pas de déremboursement, pas de nouvelles franchises – et vous n’avez pas souhaité, madame la ministre, de nouvelles taxes comportementales. La maîtrise durable des dépenses d’assurance maladie repose exclusivement sur des gains d’efficience, portant essentiellement sur le prix des médicaments, sur des actions de maîtrise médicalisée des dépenses, sur le renforcement de la pertinence de certaines prises en charge.

Un tout autre résultat, disais-je, puisqu’après une réduction d’un milliard d’euros des déficits du budget de la Sécurité sociale en 2013, le Gouvernement prévoit une baisse de 3,4 milliards d’euros en 2014. Ce volet financement est assorti d’un changement de dynamique, en ville comme à l’hôpital. Nous avons de nombreuses raisons de nous réjouir du système de santé français. Des professionnels de qualité, formés dans d’excellentes conditions, dévoués totalement à leur exercice ; une offre de soins diversifiée, qui repose sur un binôme hôpital public et médecine de ville, que les Français plébiscitent ; une recherche publique reconnue à travers le monde, et un environnement propice à accueillir les industries de santé, favorisant l’innovation et l’emploi ; des patients devenus usagers, qui se sentent partie prenante du système de soin ; enfin, un financement solidaire dans son principe, comme l’a voulu le Conseil national de la Résistance, et qui engage fortement le budget de l’État.

Mais les imperfections demeurent, trop nombreuses. Leur persistance est désormais vécue comme un échec, voire comme un renoncement à un idéal d’universalité et de solidarité, auxquels les Français sont légitimement attachés. Pour tenir compte de cette situation, vous avez présenté, madame la ministre, avec Geneviève Fioraso, les grandes lignes de la stratégie nationale de santé, qui va engager la politique sanitaire de la France pour les prochaines années. Le principe est à la fois novateur et simple : il s’agit de repenser l’organisation de l’offre de soins à partir d’objectifs de santé publique.

Le présent PLFSS en esquisse déjà un certain nombre de contours, avant la loi annoncée pour 2014. Je citerai, sans être exhaustif, la rémunération d’équipes de santé, le financement de coopérations entre professionnels de santé, le déploiement de la télémédecine, la rénovation en profondeur de la stratégie de soutien à l’investissement en établissements de santé, de nouveaux moyens en faveur des personnes âgées et handicapées, la simplification de l’accès à l’innovation en santé pour les hôpitaux.

Pour ce qui est du mode de financement des hôpitaux, vous poursuivez, et la majorité vous soutient, la sortie progressive du tout T2A, et introduisez une modulation des tarifs en fonction des volumes d’actes réalisés. Je défendrai, au travers d’un amendement, la prise en compte de la pertinence des soins dans cette régulation prix-volumes, car ce n’est pas parce qu’un acte est réalisé plus fréquemment d’une année sur l’autre qu’il n’est pas justifié ; par ailleurs, changer trop brutalement les règles de fonctionnement de la tarification à l’hôpital risquerait de créer trouble et anxiété chez un secteur hospitalier trop souvent amené, par le passé, à se réadapter sous la contrainte.

En ce qui concerne le financement de la protection sociale, je suis très sensible à l’annonce que vous avez faite de stopper net l’effritement de la prise en charge des soins par l’assurance maladie obligatoire. Vous connaissez mon engagement à faire mieux rembourser des soins onéreux, comme les prothèses optiques, dentaires ou auditives, des soins indispensables au bien-être et à l’autonomie des personnes, mais auxquels les Français renoncent bien trop souvent. Je suis également sensible à la révision annoncée des contrats dits responsables des complémentaires, contrats qui devront à l’avenir être aussi plus visibles, mieux lisibles pour les usagers, trop souvent perdus dans une jungle d’offres dans laquelle les professionnels de santé eux-mêmes peuvent se perdre.

Enfin, et dans un tout autre registre, je défendrai demain un amendement qui fait suite au rapport que je vous ai remis, madame la ministre, sur la filière du sang. Cet amendement soutient l’idée qu’une filière industrielle de production de médicaments dérivés du sang, lorsqu’elle respecte les règles éthiques s’imposant à la filière et auxquelles les Français sont profondément attachés, lorsqu’elle fait appel à la générosité de millions de donneurs de sang bénévole, se doit d’être valorisée, en l’occurrence d’être exonérée d’une partie de la contribution fiscale qui s’impose aux laboratoires pharmaceutiques. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Christian Paul, rapporteur. Très bonne proposition !

M. le président. La parole est à M. Christian Hutin.

M. Jérôme Guedj. Nous terminons la discussion générale par un feu d’artifice !

M. Christian Hutin. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, comme vous l’aurez remarqué, je suis le dernier orateur inscrit, comme ce fut déjà le cas lors de l’examen du projet de loi portant réforme des systèmes de retraites.

M. Christian Paul, rapporteur. C’est un privilège ! (Sourires.)

M. Christian Hutin. Je pense, en tout cas, que ce n’est pas une discrimination. Je ne serais pas dans mon rôle, madame la ministre, si je n’évoquais pas ce soir la question de l’amiante. En tant que président du groupe d’étude Amiante à l’Assemblée nationale, dès que je reçois le PLFSS, je me précipite systématiquement sur l’article 52 afin de m’assurer, ce qui me paraît légitime, que le financement du FCAATA et du FIVA est garanti, sécurisé, sacralisé, sanctuarisé. Si j’insiste sur cette nécessaire sanctuarisation, c’est qu’il me semble que la nature même de la maladie, sa gravité, les souffrances des victimes, les drames provoqués dans les familles, et la considérable énergie déployée par les associations de victimes, justifient que l’on n’ajoute pas des risques financiers à la complexité et à l’ampleur du drame, que l’on fasse en sorte de ne pas accroître encore l’angoisse des victimes.

Il est essentiel que le Gouvernement garantisse ces deux fonds, c’est pourquoi je ne suis pas d’accord avec ce qui a été dit au sujet d’un prétendu désengagement de l’État. L’année dernière, nous avons décidé ensemble, sur tous les bancs, que le fonds de roulement du FIVA, d’un montant sans doute excessif, devait être reversé à la branche AT/MP de la Sécurité sociale, ceci dans un esprit de bonne gestion – qui relève de notre responsabilité, car nous sommes comptables de l’argent public. Certes, l’État n’abonde pas le fonds cette année, pas plus qu’il ne l’avait fait l’année dernière. Mais, sur le plan légal et moral, l’État est engagé : ce n’est pas notre génération qui est responsable, mais nous sommes comptables de ce drame et de ce scandale d’État.

Par conséquent, je sais, madame la ministre, que vous réaffirmerez, durant les débats, l’engagement de l’État à abonder le FIVA si cela devenait nécessaire – ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Un amendement de nos collègues écologistes va dans ce sens, tandis qu’un amendement de l’UMP considère plutôt que le désengagement de l’État constitue un transfert de charge indue sur la branche AT/MP.

La deuxième partie de mon intervention concernera mon amendement au PLFSS 2013. D’une manière qui pouvait sembler exagérément optimiste, j’avais demandé un rapport sur la deuxième voie potentielle permettant l’ouverture de droits à un certain nombre de salariés exclus du dispositif « amiante ». Je vous remercie d’avoir enfin accepté d’ouvrir la porte, madame la ministre, car cela faisait dix ans qu’il y avait un blocage absolu sur cette question ; dix ans que les intérimaires, les sous-traitants, les artisans, les commerçants et, d’une manière générale, toutes les personnes qui, sans que ce soit reconnu, ont travaillé au contact de l’amiante, attendaient une mesure en leur faveur.

Pour ce qui est du délai dans lequel le rapport devra être rendu, nous avions négocié une durée de neuf mois – j’avais même acheté des dragées. En tout état de cause, vous avez débloqué la rédaction de ce rapport, madame la ministre. L’inspecteur de l’IGAS chargé de ce dossier a déjà bien avancé ; je le recevrai, fin novembre, dans le cadre du groupe d’étude Amiante, afin qu’il nous communique au moins un rapport d’étape, voire plus. Ce rapport est très attendu car, à l’instar de tout ce que vous entreprenez depuis que vous êtes au Gouvernement, il est imprégné de justice. Certes, cette deuxième voie de l’amiante aura un coût, qui reste à déterminer – des questions ont été posées à ce sujet à M. le premier président de la Cour des comptes. L’essentiel, c’est qu’une possibilité soit offerte à tous ceux qui, ayant été exposés à l’amiante, méritent d’être rassurés. Je vous remercie donc d’avoir accepté cet amendement, qui entraînera certainement la prise de décisions dans le cadre des prochains projets de lois de financement de la Sécurité sociale, en 2015, 2016 et 2017. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La discussion générale est close.

2

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :

Questions au Gouvernement sur des sujets européens ;

Suite de la discussion du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2014.

La séance est levée.

(La séance est levée, le mercredi 23 octobre 2013, à une heure quinze.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance



de l’Assemblée nationale



Nicolas Véron