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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2013-2014

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du mercredi 30 octobre 2013

SOMMAIRE

Présidence de M. Christophe Sirugue

1. Lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière - Procureur de la République financier

Présentation commune

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé du budget

M. Yann Galut, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

Mme Sandrine Mazetier, rapporteure pour avis de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Discussion générale commune

M. Philippe Vigier

M. Éric Alauzet

M. Alain Tourret

M. Jean-Jacques Candelier

M. Yves Goasdoué

M. Étienne Blanc

Mme Marietta Karamanli

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué

Texte adopté par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture (Lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière)

Amendements nos 1 , 2 , 3 , 4 , 5 , 6 , 7

Texte adopté par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture (procureur de la République financier)

2. Simplification des relations entre l’administration et les citoyens

M. Hugues Fourage, rapporteur de la commission mixte paritaire

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la réforme de l’État, de la décentralisation et de la fonction publique

Discussion générale

Mme Elisabeth Pochon

M. Guy Geoffroy

M. Michel Zumkeller

M. Paul Molac

M. Yves Goasdoué

Mme Françoise Descamps-Crosnier

Vote sur l’ensemble

3. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Christophe Sirugue

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

1

Lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière

-

Procureur de la République financier

Lectures définitives (discussion générale commune)

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, en lecture définitive, du projet de loi relatif à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière (nos 1422, 1493) et du projet de loi organique relatif au procureur de la République financier (nos 1424, 1494).

La Conférence des présidents a décidé que ces textes donneraient lieu à une discussion générale commune.

Présentation commune

M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le président, madame et monsieur les rapporteurs, mesdames et messieurs les députés, c’est la troisième fois que nous discutons de ce texte. Vous êtes donc en situation de statuer définitivement sur ce projet de loi de lutte contre la corruption et la grande délinquance économique et financière et sur le projet de loi organique relatif au procureur de la République financier.

Ces textes contiennent des dispositions aggravant la sévérité des peines encourues par la grande délinquance économique et financière et par la corruption. Ils améliorent surtout l’effectivité de l’exécution de ces peines. Ils enregistrent des progrès, aussi bien sur le plan national qu’international. Ils émanent d’une volonté clairement exprimée par le Président de la République et de sa résolution très forte à lutter contre la corruption et la grande délinquance économique et financière.

En effet, ces délits et ces crimes fragilisent le pacte social et ont des effets ravageurs sur le pacte républicain. Il est temps de disposer d’un arsenal répressif garantissant la sévérité et l’effectivité des peines. Cet arsenal doit être à la hauteur de l’astuce qui nourrit constamment ce type de délits et de crimes, et qui en est devenue l’aspect courant.

Ces textes se trouvent aujourd’hui en troisième lecture devant votre assemblée. Ils ont donc connu une navette parlementaire que ne connaissent pas beaucoup de textes de loi. Ils se sont enrichis tout au long des discussions, grâce aux auditions, grâce au travail très attentionné de vos deux rapporteurs et grâce aux discussions en séance publique.

Les divergences entre les deux chambres sont apparues assez tôt. Certaines d’entre elles se sont durcies. Une commission mixte paritaire a eu lieu en juillet, qui n’a pas pu aboutir. Vous avez donc revu ces textes en deuxième lecture début septembre et vous avez tenu compte à cette occasion de plusieurs observations émise par le Sénat.

Aujourd’hui, vous avez rétabli une rédaction qui tient compte d’un certain nombre de propositions pertinentes adoptées au Sénat, mais qui revient en substance quand même au texte tel que vous l’aviez conçu dès la première lecture.

Le Sénat, lui, a confirmé en deuxième lecture au début de ce mois d’octobre ses divergences avec l’Assemblée nationale. D’ailleurs, des divergences ont pu également être constatées en son sein même, entre la séance plénière et la commission des lois, cette dernière ayant des positions plus proches de l’Assemblée sur certains points.

Parmi les divergences affirmées par le Sénat, figure son refus de la possibilité que vous ouvrez aux associations de se constituer partie civile. Le Sénat a donc supprimé l’article premier, qui reconnaissait ce droit aux associations dont l’objet social consiste à lutter contre la corruption.

La jurisprudence de la Cour de cassation a pourtant évolué récemment, il y a quelques mois : elle reconnaît désormais à des associations dont l’objet vise à lutter contre la corruption la possibilité de se constituer partie civile. Ce droit est d’ailleurs conforme à des préconisations fortes énoncées par l’OCDE, et le Gouvernement avait pris l’engagement de permettre à ces associations d’agir contre la corruption.

Une inquiétude a été formulée, au Sénat notamment, quant au risque d’instrumentalisation de l’action publique à des fins privées. Ce risque est vraiment réduit. En tout cas, il peut être contenu. En effet, des garanties sont apportées, aussi bien en matière d’objet social que d’ancienneté de ces associations. Surtout, elles auront l’obligation de disposer d’un agrément préalable.

Il faut bien noter que reconnaître à ces associations le droit de se constituer partie civile est en cohérence avec l’objectif de lutte active contre la corruption économique et financière. Cette lutte peut précisément être menée grâce à la vigilance de ces associations représentant la société civile, car c’est elle qui est pénalisée par ces actes de corruption, de fraude, et de délinquance économique et financière.

Cette disposition est en cohérence avec les dispositions que vous avez choisi de retenir sur les lanceurs d’alertes et sur l’amélioration du statut des repentis. Il y a là un dispositif en forme de trépied permettant, en plus de l’action publique pouvant toujours être initiée par le ministère public, à la société civile d’aider la justice à identifier les réseaux et à repérer et à démanteler les circuits. Nous savons en effet que ces pratiques délictueuses et criminelles sont très sophistiquées.

Cette aide pourra par exemple être apportée par les associations, les fonctionnaires, les personnes qui, dans le cadre de leur activité professionnelle, ont connaissance de ces actes délictueux ou criminels, ou par ces repentis qui choisissent de sortir de ce parcours de délinquance et de criminalité.

Il y a donc une logique qu’il est souhaitable de maintenir. C’est ce que votre commission a choisi de faire avant cette discussion en séance plénière.

Le Sénat a également modifié l’article 2 bis relatif à l’assouplissement de la preuve du délit et choisi de remplacer ces dispositions par une aggravation de la peine encourue. Le rapporteur du Sénat a pris acte des améliorations rédactionnelles que vous aviez introduites sur cette disposition, mais il a considéré que demeurait un risque de non-conformité à la Constitution, au regard de la présomption d’innocence.

L’observation n’est ni mineure, ni négligeable. Pour ma part, je suis extrêmement attentive aux risques d’anti-constitutionnalité. Nous avons donc examiné les choses de très près, et interrogé beaucoup de monde.

Comme vous, mesdames et messieurs les députés, nous partageons le souci de mieux appréhender et réprimer ces délits, parce qu’ils reposent souvent sur des circuits et des méthodes visant à brouiller le parcours des flux financiers et à dissimuler l’origine de ces fonds. Lorsque des indices montrent que ces montages ne traduisent pas une rationalité économique, il y a lieu de considérer qu’il faut armer la justice de façon à ce qu’elle puisse sévir.

Nous avons évidemment examiné ce sujet de très près. Il apparaît que le Conseil constitutionnel a déjà accepté des présomptions non irréfragables en matière pénale. Par ailleurs, la Cour de cassation a reconnu sur le plan conventionnel le délit de non-justification de ressources imputable à une personne qui fréquente habituellement des personnes coupables de délits et de crimes procurant un bénéfice direct. Il s’agit donc, non pas de dispositions inédites ou sans précédent, mais d’une situation qui, par analogie, peut se rattacher aux deux cas que je viens d’indiquer.

Le Gouvernement exprime ainsi son souci d’armer l’autorité judiciaire de façon à ce qu’elle soit en capacité de poursuivre, tout en fournissant des garanties : il est toujours possible d’apporter la preuve en cours de procédure, et les droits de la défense seront dans ce cas-là bien entendu respectés.

Par ailleurs, le Sénat a également supprimé l’article 9 septies relatif à la protection des lanceurs d’alerte : il a choisi de réduire le champ de la protection de ces derniers en le limitant aux témoignages adressés aux seules autorités judiciaires ou administratives.

Comme vous, le Gouvernement pense qu’il vaut mieux élargir ce champ de protection des lanceurs d’alerte parce que, à l’instar des repentis et des associations de lutte contre la corruption, ils permettent d’agir de façon plus efficace dans la lutte contre la corruption et contre la fraude fiscale.

Enfin, le Sénat a choisi une fois de plus de supprimer les dispositions relatives à la création du procureur de la République financier. Le débat sur ce sujet a été extrêmement nourri : chacun d’entre vous a pris la parole, d’abord dans la discussion générale et ensuite dans la discussion sur les articles, puisque de nombreux amendements visaient à la suppression de ce parquet financier.

Je rappelle que ce parquet financier aura sa propre légitimité et des moyens dédiés, et fonctionnera avec des magistrats spécialisés. C’est la clé de voûte même de l’amélioration de la lutte contre la corruption et la délinquance économique et financière. Par conséquent, le Gouvernement comme vous-mêmes tient à la création de ce parquet financier.

Vous avez aujourd’hui le dernier mot sur ce texte. Je m’en réjouis…

M. Yann Galut, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. C’est une bonne chose !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je ne me permettrai pas de dire ce que j’en pense ! Mais il est temps que ce texte aboutisse, parce qu’il est urgent de disposer de moyens efficaces.

Mme Sandrine Mazetier, rapporteure pour avis de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Tout à fait !

M. Yann Galut, rapporteur. Il y a urgence !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Il y a lieu de donner ces moyens à l’autorité judiciaire, et d’adresser à l’ensemble de la société le signal de la détermination de la représentation nationale et du Gouvernement à lutter contre la corruption, la fraude fiscale et la délinquance économique et financière. C’est particulièrement important dans une période qui est difficile pour l’ensemble de nos concitoyens.

Ils ne comprendraient pas qu’on tergiverse, qu’on diffère, qu’on se défausse encore, qu’on cherche des prétextes pour ne pas donner à l’autorité judiciaire les moyens d’agir efficacement, depuis la détection du délit ou du crime jusqu’au prononcé et à l’exécution de la sanction sur le plan national et international.

Je vous remercie pour tout le travail accompli. Je remercie particulièrement les deux rapporteurs, le président de la commission des lois, et chacune et chacun des députés. J’ai bien pu mesurer à quel point vous êtes fortement engagés dans ce combat. Vous en avez pris la mesure, et c’est heureux pour notre démocratie. Merci. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé du budget.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé du budget. Mme la garde des sceaux vient d’apporter d’excellentes explications, de surcroît fort complètes, que je partage. Je suis donc soumis à un cruel dilemme : soit être redondant, ce qui serait, compte tenu de nos échanges précédents sur ce sujet qui nous a beaucoup mobilisés, peu convenable pour votre patience ; soit ne rien dire, ce qui serait une manière de ne pas manifester mon intérêt pour la chose. Mon intervention sera donc brève et, je l’espère, complémentaire des excellents propos de Mme la garde des sceaux.

J’insisterai d’abord sur la dimension la plus symbolique et sans doute la plus novatrice de ce texte de loi, qui permet de surmonter la classique opposition, souvent véhiculée par voie de presse, entre l’administration de Bercy et celle de la justice lorsqu’il s’agit de questions relatives à la lutte contre la fraude fiscale. Je pense, comme Mme la garde des sceaux, que cette opposition entre le verrou de Bercy et l’écrou de la place Vendôme a vécu.

Il est essentiel que l’administration fiscale continue à jouer son rôle de traque contre les fraudeurs en mobilisant la compétence hautement technique de ses services en matière de détection de la fraude fiscale, y compris la plus sophistiquée. Mais dès lors que cette fraude sophistiquée est détectée, il convient de pouvoir appliquer les peines correspondantes. Il est tout à fait normal que ceux qui ont fraudé longtemps ne puissent pas disposer d’un temps long pour rembourser les sommes qu’ils doivent à la République. Dès lors que la poursuite pénale sera justifiée, l’administration fiscale transmettra donc à la justice, via la Commission des infractions fiscales, les dossiers des contribuables qui n’en sont pas encore ou qui n’ont pas voulu l’être, afin qu’ils puissent s’acquitter définitivement de ce qu’ils doivent à la République et de leurs pénalités.

Vous avez souhaité, en ce domaine, une plus grande transparence et une nouvelle articulation du rôle de l’administration fiscale et de l’administration de la justice. Dans cet esprit, vous avez fait deux propositions que nous avons faites nôtres, Christiane Taubira et moi. Elles sont au cœur de ce texte. La première tend à assurer la plus grande transparence quant aux conditions dans lesquelles statue la Commission des infractions fiscales.

Vous avez à ce titre suggéré de modifier la composition de ladite commission, qui pourra comprendre non seulement des magistrats de la Cour des comptes et du Conseil d’État, mais également des magistrats issus de l’administration de la justice. Cela permettra de rendre publics les critères permettant de déterminer si les dossiers devant faire l’objet de poursuites doivent être transmis ou non à l’administration judiciaire. Il s’agit là d’un progrès considérable. Nous avons donc été amenés à réarticuler plus harmonieusement les relations entre nos deux administrations, lesquelles travailleront mieux ensemble.

Autre progrès : la création du parquet financier. C’est le sujet le plus sensible, sur lequel des désaccords sont apparus entre l’Assemblée nationale et le Sénat. Nous nous retrouvons donc ce soir pour que vous puissiez statuer définitivement sur ce texte, après avoir rétabli ce que les sénateurs ont décidé de supprimer. Ce parquet financier est un dispositif fondamental. Il doit permettre, comme vient de le souligner Mme la garde des sceaux, à l’administration judiciaire de disposer de tous les moyens lui permettant d’instruire et de poursuivre. Sa création est un progrès considérable.

L’administration française se donne ici un moyen substantiel pour renforcer l’efficacité des poursuites. J’espère que, dans votre grande sagesse, vous rétablirez le texte du Gouvernement dans sa version initiale pour que le verrou s’articule à l’écrou et que la seule cellule promise à ceux qui ont oublié depuis trop longtemps de se mettre en conformité avec le droit fiscal ne soit pas la régularisation, mais une sanction méritée.

Autre observation : nous avons voulu que les fraudeurs disposent de quelques semaines, ou mois, pour se mettre en conformité avec le droit, mais nous n’avons pas souhaité que cette régularisation se déroule dans des conditions exorbitantes du droit commun.

M. Yann Galut, rapporteur. Excellente initiative !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Nous avons voulu qu’elle ait lieu devant les services de l’administration fiscale, et notamment devant ceux de la Direction nationale des vérifications de situations fiscales, comme c’est le cas pour tout autre dossier. Nous avons souhaité qu’elle se fasse selon des barèmes qui ne soient pas laissés à la discrétion de l’administration fiscale, parce que c’est ainsi que naît le soupçon. Ces barèmes ont été rendus publics et portés à la connaissance de la représentation nationale, et correspondent très exactement au texte que vous avez voté.

C’est la raison pour laquelle, avant que la circulaire ne soit signée, j’ai souhaité que les conditions de régularisation soient rendues publiques devant votre assemblée. Le lendemain, il y a donc trois mois, cette circulaire a été prise. Depuis cette date, 4 000 dossiers ont été déposés devant l’administration fiscale, ce qui est beaucoup plus que les demandes de régularisation des deux dernières années.

Compte tenu de ce qui est attendu en termes de retours financiers auprès de notre administration et de ce que nous savons de ces dossiers, nous avons bon espoir aujourd’hui, en dépit de ce que j’ai pu entendre lorsque cette circulaire a été prise, de voir les objectifs de recettes que nous nous sommes assignés dans le cadre du projet de loi de finances pour 2014 au titre de la lutte contre la fraude fiscale atteints : 1 milliard pour les personnes physiques et 1 milliard pour les entreprises.

Si le rythme de rentrée des dossiers continue à aller bon train, ce que nous constatons, nous réussirons à atteindre en 2014 un niveau de recettes au titre de la lutte contre la fraude fiscale inégalé, ce dont je ne peux que me réjouir. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes SRC et écologiste.)

Mme Sandrine Mazetier, rapporteure pour avis et M. Yann Galut, rapporteur. Très bien !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Enfin, nous voulons poursuivre tout ce travail. La lutte contre la fraude fiscale est un travail au long cours. Cela suppose que ceux qui fraudent ne soient jamais convaincus que la vigilance s’altère et que la volonté s’érode. Ils doivent être, à chaque instant, assurés que la détermination de l’État à les poursuivre est totale.

C’est la raison pour laquelle nous devons profiter des projets de loi de finances, des projets de loi de finances rectificative ou des textes spécifiques, à l’instar de celui que nous examinons ce soir, pour parfaire et mieux articuler les dispositifs. Dans le cadre du projet de loi de finances pour 2014, il nous reviendra, par conséquent, d’approfondir notre réflexion commune et de compléter les mesures portant sur l’optimisation fiscale ou la fraude des entreprises.

Je pense par exemple à la suite que nous pourrons donner à un certain nombre de propositions de l’Inspection générale des finances relatives aux prix de transfert. Je pense aussi à ce que nous avons déjà accompli depuis la loi de finances rectificative de 2012 pour taxer un certain nombre d’avoirs déposés à l’étranger dont la traçabilité n’est pas facile à établir. Je pense à ce que nous avons décidé concernant l’inversion de la charge de la preuve s’agissant du transfert des bénéfices. Je pense à vos propositions sur la comptabilité analytique. Ce sont de nombreux sujets sur lesquels, mesdames, messieurs les députés de toutes sensibilités, vous avez beaucoup travaillé.

Majorité et opposition se sont parfois alliées. Je citerai, à ce titre, le travail remarquable accompli par MM. Alain Muet et Eric Woerth et les suggestions intéressantes du président de la commission des finances Gilles Carrez. Enfin je veux, comme vient de le faire Mme Taubira, adresser un salut particulier et des remerciements très chaleureux aux deux rapporteurs : Yann Galut, devenu le plumitif du sujet puisqu’il fait une tournée nationale avec son livre sur la fraude fiscale, dont je vous conseille la lecture bien que n’étant pas intéressé aux droits d’auteur, et Sandrine Mazetier, qui elle-même a accompli un travail tout à fait remarquable…

Mme Sandrine Mazetier, rapporteure pour avis. Et sans droits d’auteur ! (Sourires.)

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. …sous la haute autorité du président de la commission des lois dont je salue la présence. Tout cela s’étant déroulé dans un excellent climat, je ne vois pas de raison pour que le débat s’éternise et que ce projet de loi soit mal voté ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

M. le président. La parole est à M. Yann Galut, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

M. Yann Galut, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Nous arrivons au bout d’un chemin que nous avons emprunté en mai dernier, voici maintenant plusieurs mois, à l’initiative, rappelons-le, du Gouvernement. Ce chemin nous a conduits à proposer une nouvelle législation pour lutter contre la fraude et l’évasion fiscale. L’objectif poursuivi était de nous placer en la matière au même niveau que les autres pays.

Reconnaissons en effet que l’évasion fiscale était, d’une certaine façon, tolérée dans notre pays. Nous n’avions ni la volonté politique, ni les outils juridiques pour affronter ce fléau qui, doit-on le rappeler, coûte entre 40 et 80 milliards d’euros par an, donc l’équivalent du budget de l’éducation nationale. Un fléau qui n’a d’ailleurs, on doit aussi le rappeler, aucun lien avec ce que l’on peut appeler la pression fiscale. L’évasion fiscale n’est en effet pas un phénomène français, mais un phénomène mondial. Dans chaque pays, occidental ou en voie de développement, le pourcentage de l’évasion fiscale est à peu près le même, à savoir environ 8 % du PIB.

En Europe, l’évasion fiscale représente entre 1 000 et 2 000 milliards d’euros par an. Il aurait donc fallu agir bien plus tôt. La nouvelle législation que nous proposons permet de renforcer la coopération entre les deux ministères concernés par la lutte contre l’évasion fiscale. Je salue à cette occasion le travail que nous avons eu la chance d’accomplir avec les services de M. Cazeneuve et de Mme Taubira. En travaillant à l’élaboration de cette loi, en amendant le texte nous avons senti leur volonté commune de lutter contre ce fléau, et cela alors même qu’existe parallèlement dans notre pays, faut-il le rappeler, un débat sur le rapport à l’impôt.

Cette volonté a aussi été portée pendant de longues années par la société civile, par les ONG, par des journalistes, lesquels ont été, eux aussi, des lanceurs d’alerte. Nous sommes donc parvenus à cette nouvelle législation qui renforce les moyens juridiques, les moyens d’action contre cette évasion fiscale. Comme l’ont rappelé Mme la garde des sceaux et M. le ministre du budget, grâce à cette nouvelle loi, les peines pour fraude fiscale aggravée seront beaucoup plus lourdes. L’introduction de la notion de bande organisée permettra aux services d’enquêtes, police fiscale ou douane judiciaire, d’intervenir avec des moyens renforcés.

Nous ouvrons aussi d’autres possibilités, qui font d’ailleurs débat, je peux le concevoir. L’utilisation de fichiers arrivés de façon illégale a ainsi soulevé une vraie question juridique – je fais ici référence à la liste HSBC. Nous y répondons en nous mettant au niveau des autres pays. En effet, que ce soit en Italie, en Espagne, aux États-Unis ou en Allemagne, leur exploitation est possible.

Nous avons aussi créé un statut du repenti fiscal et mis en place, même s’il conviendra peut-être de l’améliorer, le statut de lanceur d’alerte.

Et puis, pour donner une cohérence, un sens à cette action, nous créons le procureur financier national. Il a été contesté, je peux le comprendre, mais c’est une pierre angulaire du combat que nous menons contre la fraude et l’évasion fiscales. Nous progressons donc vraiment.

Lors de l’élaboration de ces textes, nous avons proposé de mettre en place, en respectant la législation en vigueur, une procédure de régularisation. Vous avez voulu, monsieur le ministre, qu’il s’agisse bien d’une procédure et non d’une cellule de régularisation, ce qui traduit bien la politique que nous menons : il ne peut pas y avoir de prime aux fraudeurs. Les fraudeurs ont une fenêtre de tir de quelques mois pour se faire connaître et régulariser leur situation, mais dans des conditions respectant la législation en vigueur. Les premiers résultats que vous nous avez annoncés confirment le bien-fondé de ce choix puisque plus de 4 000 repentis fiscaux se sont déclarés de façon très transparente auprès des services fiscaux, ce qui est extrêmement positif.

J’ai pourtant sur ce sujet une question, si ce n’est une suggestion, car c’est au Gouvernement qu’il appartient de décider. Nous avions annoncé que la période de régularisation se terminerait avec l’entrée en vigueur de la loi. Mais, comme ce fut le cas dans d’autres pays, n’aurions-nous pas intérêt à laisser quelques semaines de plus à celles et ceux qui souhaitent revenir et entrer dans la légalité ? Cela me semble important mais le choix vous appartient, et c’est à vous qu’il reviendra d’indiquer comment vous envisagez les choses.

Comme vous l’avez souligné, monsieur le ministre, madame la garde des sceaux, nous sommes entrés dans une ère nouvelle des relations entre le ministère de la justice et le ministère des finances afin de combattre le fléau de l’évasion fiscale. Nous étions un certain nombre à nous interroger sur ce qu’on a appelé le verrou de Bercy. Un travail collectif a été mené, notamment avec Sandrine Mazetier, pour améliorer et fluidifier les relations, et nous devons continuer dans ce sens.

Non, le combat n’est pas terminé. Ce n’est pas parce que nous aurons amélioré les choses que la fraude fiscale, par miracle, va disparaître. Nous devons donc continuer à affirmer notre volonté politique. Cette volonté politique, le Gouvernement, avec Pierre Moscovici, la porte au niveau européen. L’échange automatique de données devrait ainsi entrer en application le 1er janvier 2015. Notre gouvernement est en pointe pour mener le combat sur cette question, il faut le souligner.

Vous avez également abordé, monsieur le ministre, un sujet qui nous tient particulièrement à cœur : l’optimisation fiscale. Je sais que vous travaillez en excellente entente avec les députés socialistes de la commission des finances, et plus largement d’ailleurs avec toutes celles et tous ceux qui s’intéressent à cette question à laquelle nous devons apporter des solutions.

Lors des travaux préparatoires, nous avions évoqué certains points qui reviennent dans le débat. Dans la lutte contre l’évasion fiscale aussi, nous pouvons nous inspirer de ce qui se fait dans d’autres pays. Je pense par exemple à la déclaration préalable des schémas d’optimisation fiscale, déclaration faite à l’administration. Je pense aussi à l’évolution de la notion d’abus de droit pour les prix de transfert, ou à d’autres propositions qui sont en discussion. Je tiens en tout cas à saluer la qualité du dialogue que nous avons eu avec vous et avec vos services.

Dernier point, qui me tient particulièrement à cœur : j’ai déjà attiré votre attention lors du débat sur le projet de loi de finances sur l’escroquerie à la TVA, qui n’est pas exactement de la fraude fiscale et qui coûte au budget de la nation un minimum de 10 milliards d’euros. Là aussi, une collaboration entre le ministère de la justice, celui des finances et celui de l’intérieur amélioreront les choses. D’autres pays se sont inscrits dans cette démarche et je souhaite que nous ayons une réflexion dans les semaines qui viennent sur la manière de lutter avec efficacité contre ce fléau.

Les députés, dans leur immense majorité, ont donc souhaité rétablir le texte qui avait été voté le 17 septembre dernier et je vous invite, mes chers collègues, à aller dans ce sens. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

M. le président. La parole est à Mme Sandrine Mazetier, rapporteure pour avis de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.

Mme Sandrine Mazetier, rapporteure pour avis de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Nous arrivons donc au bout d’un processus législatif qui n’est qu’un pas de plus dans une longue marche. Ce qui fait la différence, c’est la détermination. Il y a des moments où elle est grande, ce qui se prouve par des actes, des instructions données aux services, des textes portés conjointement par la Chancellerie et l’administration fiscale – et il y en a d’autres où cela se passe différemment, ainsi que le montre l’actualité.

Hier, les quotidiens faisaient état d’audiences extraordinaires supplémentaires organisées par le parquet de Nanterre pour régler de vieilles affaires de fraude fiscale remontant à 2005. Il émane ici, de tous les groupes, une même détermination à lutter contre ce scandale pour notre République et nos finances publiques qu’est la fraude fiscale. Mais j’ai le sentiment que de telles audiences n’auraient pas été organisées en d’autres temps, que des affaires de fraude fiscale banales n’auraient pas fait l’objet d’une telle célérité s’il n’y avait pas eu à la tête de l’État et au sein de l’exécutif une détermination identique de l’administration fiscale et des services de la justice à détecter et à sanctionner ce fléau qu’est la fraude fiscale, et à obtenir réparation.

L’actualité nous montre aussi que de nombreux banquiers suisses n’osent plus sortir de leur pays de peur d’être rattrapés par des actions publiques d’autres pays. La France est engagée dans une bataille mondiale qui se mène à tous les niveaux au sein de l’OCDE. Elle propose des standards élevés de transparence et d’échange de données et d’information, et elle œuvre aussi au sein de l’Union européenne pour que des standards élevés et des pratiques analogues existent dans tous les pays de l’Union.

La bataille n’est pas achevée, loin de là. Il y a en France des standards de transparence, des outils donnés à nos administrations et aux autorités de contrôle qui n’existent pas dans tous les pays.

Le fichier des comptes bancaires est pour nous un outil classique pour lutter contre la fraude fiscale, l’évasion fiscale ou l’optimisation – prochaine frontière dans notre combat commun – et les bras nous en tombent quand nous apprenons qu’il n’y a que cinq pays en Europe qui disposent de tels fichiers. C’est un outil extraordinairement précieux pour tracer les flux de capitaux et l’évaporation fiscale, et donc pour mener cette bataille de manière conjointe et avec efficacité. Il y a d’ailleurs encore moins de pays, et toujours pas le nôtre, qui ont des fichiers de l’assurance vie, mais cela va venir !

Ce texte est donc un pas de plus, un pas décisif, mais il n’aurait pas existé sans la détermination commune de l’administration fiscale et de l’administration de la justice. Bernard Cazeneuve y a fait allusion : il est à la mode d’opposer en permanence un certain nombre d’administrations entre elles, et singulièrement, sur de tels sujets, le verrou de Bercy et l’écrou de la Chancellerie. Or vous nous avez prouvé, aux rapporteurs, aux parlementaires de la majorité et, j’ose l’espérer, à ceux de l’opposition également, que lorsqu’il y a une volonté, il y a un chemin.

Par ce texte, vous y apportez une pierre supplémentaire. Nous allons voter dans quelques jours les budgets de l’administration des finances, de la justice et de la police, qu’il ne faut pas oublier et qui est bien utile dans ces domaines. Nous leur donnons des moyens humains, des moyens financiers. Nous leur donnons aussi des moyens légaux considérables. Ce ne sont pas moins de soixante mesures qui ont été prises depuis l’adoption du projet de loi de finances rectificative de 2012, que ce soit à l’initiative du Gouvernement ou à celle des parlementaires.

Ce texte en est la preuve, j’espère qu’il sera voté dans la version adoptée par l’Assemblée nationale, très inspirée de celle de l’exécutif. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

Discussion générale commune

M. le président. Dans la discussion générale commune, la parole est à M. Philippe Vigier.

M. Philippe Vigier. Le 10 avril 2013, François Hollande annonçait à la télévision que le Gouvernement allait déposer au Parlement un projet de loi relatif à la lutte contre la fraude fiscale et un projet de loi organique relatif au procureur de la République financier, en souhaitant que l’ensemble de leurs dispositions puissent être mises en œuvre dans les meilleurs délais.

Huit mois plus tard, et après deux examens difficiles à l’Assemblée nationale, ces deux projets de loi sont toujours un peu embourbés dans les navettes parlementaires. Surtout, les désaccords, Mme la garde des sceaux a bien insisté sur ce point, et les divisions au sein de votre propre majorité ont affaibli à nos yeux la portée de ces deux projets de loi qui ne sont aujourd’hui que l’ombre des engagements pris par François Hollande.

La lutte contre la corruption et la fraude fiscale est pourtant vitale pour préserver l’autorité de l’État et garantir l’égalité de nos concitoyens et de nos concitoyennes devant l’impôt. Je suis témoin de la volonté des deux rapporteurs en ce domaine. Ils viennent de dire encore à l’instant qu’une partie du chemin avait été accomplie, et qu’il fallait aller plus loin.

L’ensemble des responsables politiques, sur tous les bancs, partagent ce combat, qui se nourrit traditionnellement du consensus républicain et qui, quelque part, a été ébréché dans les méandres de votre majorité. Vous aviez parlé à l’époque de la faillite d’un seul homme pour ne pas avoir à rendre compte de la faillite de la gauche morale. Vous avez voulu confisquer cette République exemplaire et laver plus blanc que blanc pour faire oublier que cette gauche morale, dans l’esprit d’un grand nombre de nos compatriotes, vous lui avez tourné le dos.

Vous qui moquiez la propension du précédent gouvernement à légiférer dans l’urgence, vous vous êtes distingués par votre impréparation et votre précipitation, comme en témoigne la lettre rectificative à laquelle vous avez recouru pour créer un procureur de la République financier que le Conseil d’État avait tant décrié. Le couperet tombe. Ces deux projets de loi ne convainquent ni vos alliés, ni vos opposants au Sénat, qui dans sa sagesse vient de vous faire subir un nouveau camouflet. Les raisons de ces échecs sont simples. La création du procureur de la République financier, enterrée deux fois par le Sénat, constitue un risque de déstabilisation pour notre justice.

Face à une délinquance économique et financière multiforme, sans cesse en mutation, imbriquant fraude fiscale et criminalité organisée, la réponse apportée par notre justice ne peut et ne doit être la division et l’éparpillement des autorités chargées des enquêtes et de la poursuite. La réponse à la fraude fiscale multiforme ne doit pas être une usine à gaz. La justice doit être réactive, la dispersion étant, chacun le sait, la pire des solutions.

Pourtant, c’est un coup dur que vous portez à l’unicité du parquet, madame la garde des sceaux, ainsi qu’à la cohérence de notre organisation judiciaire, avec la création de ce procureur auquel vous attribuez une compétence floue – les magistrats le disent aussi – et susceptible d’entrer en conflit avec les compétences des autres parquets financiers ou de les concurrencer, puisque c’est une compétence nationale placée sous l’autorité du procureur général de Paris. Vos déclarations sur sa supposée indépendance ne sont que des vœux pieux : la nomination d’un procureur de la République financier ne présente pas plus de garanties d’indépendance que la nomination de n’importe quel autre procureur.

Il est d’ailleurs vexant pour notre assemblée de devoir débattre une troisième fois de ces dispositions, alors même que vous annonciez une grande consultation pour une réforme judiciaire d’envergure, une justice du vingt et unième siècle.

Le groupe UDI ne jouera pas avec vous aux apprentis sorciers et s’oppose une nouvelle fois à la création de ces procureurs financiers. Nous appelons de nos vœux une réforme ambitieuse de la justice qui permette d’en finir avec l’addition des lois de circonstance, que vous aviez tant dénoncées dans l’opposition, qui se révèlent insuffisantes, voire improductives, avant même d’avoir été adoptées.

Pour autant, nous sommes convaincus, et vous le savez, que notre justice doit être mieux armée pour mener une guerre sans merci contre ces nouvelles formes de délinquance. Nous avons toujours soutenu, en première comme en deuxième lecture, le projet de loi relatif à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique.

Mme Sandrine Mazetier, rapporteure pour avis. Exact !

M. Philippe Vigier. Nous le ferons de nouveau ce soir, parce que c’est une exigence. Nous sommes conscients des faiblesses de ce projet de loi mais nous ne fermons pas la porte. Nous ne ferons pas comme vous, quand vous étiez dans l’opposition et que des avancées, certes insuffisantes, étaient proposées. Rappelez-vous, nous avions créé une police fiscale, dotée de pouvoirs judiciaires : comme c’était un texte de la majorité, hors de question pour vous de le voter ! Nous considérons quant à nous que, face à un tel enjeu, il faut avancer. Yann Galut a insisté, et il a bien fait, sur des fraudes comme les carrousels à la TVA. Combien de milliards échappent encore à l’État ! Je sais, monsieur le ministre du budget, que vous êtes très attentif aux recettes fiscales de notre pays, et vous savez qu’il faut absolument lutter contre les carrousels à la TVA.

Le groupe UDI soutient le renforcement du régime répressif de la fraude fiscale et des capacités de contrôle de l’administration fiscale, l’extension du champ de compétence de la brigade nationale de répression de la délinquance fiscale au blanchiment des fraudes fiscales, ou encore la création de circonstances aggravantes pour les fraudes fiscales les plus graves, qui sont prévus par ce projet de loi. Les débats parlementaires ont même permis, je tiens à le souligner, des avancées, comme la création du statut du repenti cher à Yann Galut et adopté à l’initiative de la rapporteure pour avis Sandrine Mazetier, ou encore le renversement de la charge de la preuve en matière de blanchiment.

Nous considérons en revanche que vous commettez une erreur majeure, je le répète pour la dernière fois, en refusant de nous écouter sur ce que nous appelons le verrou de Bercy. Yann Galut a lui-même employé l’expression. Il faut rappeler que les fraudes fiscales majeures ne peuvent être poursuivies d’office par le procureur de la République, qui doit attendre que l’administration fiscale ait déposé plainte avant de déclencher l’action publique. Peut-être la garde des sceaux en garde-t-elle une ombre de regret dans son sourire…

Cette emprise de l’administration sur les fraudes fiscales est en totale contradiction avec les objectifs de transparence et d’indépendance de la justice que nous avons en partage. Nous le savons, ces transactions donnent à nos concitoyens le sentiment que les puissants ne dépendent pas de la justice de droit commun, que tous ne sont pas égaux devant la loi. Ce sentiment, mes chers collègues, il faut que nous en soyons tous conscients, nourrit la défiance des Français vis-à-vis des institutions et fragilise le pacte républicain. Personne ne doit pouvoir passer entre les mailles du filet. Telle est la conviction que nous portons.

Nous pensons donc qu’il est indispensable que le procureur financier soit informé, dès lors qu’il y a des fraudes fiscales de grande envergure, que des procédures transactionnelles sont en cours, et qu’il puisse également les valider, au-delà du pouvoir normal et discrétionnaire du ministre et du rôle de la Commission des infractions fiscales. Je crois d’ailleurs savoir que le rapporteur n’y est pas particulièrement opposé. Nos collègues sénateurs – entendez la sagesse sénatoriale ! – ont adopté en commission un amendement, proposé par le rapporteur socialiste qui plus est, tendant à cet objectif.

Henri Emmanuelli, qui n’est pas là ce soir, avait soulevé ce problème en commission. Je me souviens très bien de son intervention. Il avait souhaité que le présent texte permette de lutter contre la propension de notre administration, qu’il a dirigée à une époque, à reculer devant les contentieux fiscaux les plus importants et à leur préférer les transactions. Il avait formulé une proposition très simple, que je reprends à mon compte : pourquoi ne pas instituer un montant à partir duquel nous pourrions transmettre au procureur les transactions, après avis de la Commission ?

Le blocage du Gouvernement sur ce point nous paraît incompréhensible. Vous bridez ainsi l’arsenal que nous mettons en place ensemble et dont j’ai souligné les avantages. La fraude, qui représente, cela a été dit, un manque à gagner de 60 à 80 milliards d’euros, soit quelque 1 000 euros par Français, doit être combattue avec la plus grande fermeté, surtout dans ces moments difficiles. La République exemplaire, promise maintes fois par le Président de la République, ne doit pas simplement être un slogan de campagne. C’est une exigence absolue pour nous tous, pour protéger notre démocratie. La République exemplaire doit appartenir aux Françaises et aux Français. Pour cela, cette ambition doit se nourrir de l’apport de toutes les forces républicaines qui la représentent.

Je déplore que le Gouvernement n’ait pas suffisamment entendu notre groupe sur la question du procureur financier. J’espère encore et je veux croire que vous saurez faire les gestes nécessaires pour que ces projets de loi puissent recueillir l’assentiment de toute la représentation nationale. Il en va, me semble-t-il, de notre démocratie. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI, UMP et RRDP.)

M. Yann Galut, rapporteur. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Éric Alauzet.

M. Éric Alauzet. Le soutien du groupe écologiste au projet de loi contre la fraude est évidemment acquis. C’est un projet de loi qui n’était pas initialement inscrit au programme législatif et que nous devons à la réaction bienvenue du Gouvernement à une désastreuse affaire de fraude au plus haut niveau. Une loi qui transforme un événement malheureux en progrès réel pour notre société. Une loi par laquelle le Gouvernement et les groupes parlementaires de la majorité ont fait preuve d’un bel opportunisme pour répondre à des questions qui étaient posées depuis si longtemps.

Je veux insister sur le lien entre la loi sur la fraude et nos priorités, pour mieux mettre en lumière la profondeur de ce texte. Nous avons, au Gouvernement et au Parlement, une obsession commune : lutter contre le chômage et créer de l’emploi. Pour y parvenir, nous avons besoin de moyens financiers : intervention de l’État et des collectivités, moyens privés, notamment des banques. Nous avons aussi besoin de confiance. Pour retrouver les moyens financiers et la confiance, il faut réduire la dette. Baisser la dette, c’est redonner des moyens à la puissance publique, garantir des taux bas, accessibles aux ménages et aux entreprises, et mobiliser des prêteurs. Réduire la dette, pour restaurer les comptes publics, c’est donc la condition d’une économie saine et offensive pour assurer la transition écologique.

Ce redressement des comptes publics, nous voulons le faire dans la justice. Cela signifie que chacun doit contribuer à hauteur de ses moyens à la solidarité nationale. Il est de notre responsabilité d’éliminer les échappatoires à l’impôt, même si, sur certains bancs de cet hémicycle, à droite, on donne un peu facilement l’absolution à celles et ceux qui tentent de s’y soustraire au motif que son niveau serait confiscatoire, argument peu raisonnable dans la mesure où chacun sait que la tentation de l’évitement existe dans tous les pays, y compris ceux qui ont la fiscalité la plus faible.

Quels sont les leviers pour réduire la dette ? L’augmentation des impôts d’abord. Nous l’avons fait, vous l’avez fait – pour ce qui nous concerne en visant les plus favorisés. Reconnaissons toutefois que cela a parfois éclaboussé les classes moyennes, d’autant que nous n’avons pu effacer immédiatement les mesures prises par le précédent gouvernement. La réduction de la dépense publique ensuite. Chacun s’y emploie, à tous les niveaux, mais quand elle est trop violente, l’objectif de justice lui-même est remis en cause. Bref, l’augmentation des impôts comme la réduction de la dette peuvent troubler nos objectifs de justice.

Devant les limites de ces leviers, mieux lutter contre la fraude et la grande délinquance économique et financière apparaît désormais comme une évidence, pour donner de l’air à l’économie, soutenir le pouvoir d’achat des ménages et créer de l’emploi. Dans la mesure où l’impôt ne pourra pas beaucoup augmenter, où la baisse de la dépense publique devra être modérée pour ne pas nous exposer à l’austérité, nous ne devons pas manquer la présente occasion. La restauration de l’assiette fiscale constitue désormais le troisième pilier du renouveau économique.

Cet enjeu répond précisément au double défi qui est devant nous. Le premier est le défi financier, celui du rendement, alors que la fraude et l’évasion fiscales font s’évaporer entre 30 et 80 milliards de recettes fiscales tous les ans. Les sommes en jeu représentent tout simplement ce qui permettrait que la dette ne pèse plus sur notre économie ! Le second enjeu est le défi de la justice et de l’ordre moral. Il est désormais impensable d’imaginer que des efforts de quelque nature, augmentation des impôts ou réduction de l’action publique, puissent être consentis quand tant d’injustice fiscale demeure. Il incombe à chaque citoyen, plus que jamais en période de crise, d’honorer sa charge. C’est le contrat républicain qui est en jeu et le consentement à l’impôt de l’ensemble de nos concitoyens. Si les plus riches échappent à l’impôt, pourquoi l’ensemble des Français devraient-ils y consentir ?

Depuis des mois, c’est pas à pas et avec détermination que la majorité construit un arsenal législatif permettant à notre pays de mieux s’armer contre la fraude et l’évasion fiscales : loi de finances rectificative de 2013, dont les mesures sont parfois passées inaperçues, loi sur la transparence des activités bancaires, présente loi sur la fraude qui revient ce soir en dernière lecture, loi de finances initiale pour 2014, encore en discussion, avec des dispositions importantes pour lutter contre l’optimisation fiscale des grandes entreprises.

Sur cette question de l’optimisation fiscale, nous ne sommes qu’à l’aube du premier jour. Pourtant, les résultats sont bien tangibles, les rendements des mesures sont réels. Le bilan de la lutte contre la fraude en 2012, publié par la délégation nationale à la lutte contre la fraude, témoigne d’une meilleure efficacité. Ainsi, nous sommes capables de détecter plus de fraudes et donc de récupérer des montants plus élevés qui avaient été injustement soustraits aux réglementations en vigueur. Le contrôle fiscal réalisé en 2012 a permis de générer 18 milliards d’euros de droits et de pénalités, soit 10 % de plus que l’année précédente. Le résultat de cette lutte, à laquelle le Gouvernement souhaite donner toute son ampleur pour ne plus regarder, impuissant, les milliards s’évaporer, doit aujourd’hui être pris en compte dans les analyses de la Commission européenne, du Fonds monétaire international ou encore de la Cour des comptes sur la situation française et la trajectoire de réduction de la dette.

Si les objectifs de réduction de la dette sont clairs, rien ne dit comment nous devons y parvenir : réduction de la dépense, augmentation des impôts, restauration de l’assiette fiscale. Or les organismes européens ou français, dans leur orthodoxie bien connue, n’ont pas encore pris en compte cette dernière dimension. Il est plus que temps qu’ils prennent enfin en considération la volonté de lutter contre l’évasion fiscale et de restaurer l’assiette fiscale.

Cette prise en compte est d’autant plus nécessaire que la communauté internationale trouve aujourd’hui des convergences plus fortes sur ce sujet que sur la question de l’harmonisation fiscale ou de la réduction de la dette publique. Nous ne sommes pas seuls, même si la France est en pointe, à avoir déclaré la guerre aux paradis fiscaux : un mouvement international est en marche. Les États-Unis ont été pionniers, en mettant en œuvre dès 2010 le FATCA, qui impose à l’ensemble des banques mondiales de déclarer aux autorités américaines tous les mouvements affectant un compte détenu par un citoyen américain. En Angleterre, David Cameron, qui incarne pourtant le libéralisme en Europe, a pu ouvrir le G8 de juin dernier en Irlande du Nord – tout un symbole – en annonçant qu’il avait obtenu de dix de ses territoires d’outre-mer, qui sont tous des paradis fiscaux, qu’ils signent l’accord de l’OCDE sur le partage automatique des données fiscales. Depuis, David Cameron a fait de la lutte contre l’optimisation fiscale l’une de ses priorités. Il a d’ailleurs annoncé qu’il utiliserait sa présidence du G8 cette année pour mener une action transfrontalière contre l’évasion fiscale.

Les discussions porteront également sur la nécessité de créer des registres internationaux, afin de débusquer les identités cachées derrière les trusts, ces sociétés écrans qui permettent de contourner les contraintes fiscales des différents pays. Les scandales des derniers mois autour de Google, de Starbucks ou encore d’Amazon, accusées de ne pas payer assez d’impôts dans les pays où elles sont implantées, ont entraîné une forte réaction des opinions publiques. La Commission européenne, en raison de ses pouvoirs en matière de contrôle et de concurrence, a réclamé cet été à trois États membres, les Pays-Bas, l’Irlande et le Luxembourg, des renseignements sur les accords fiscaux qu’ils négocient au cas par cas pour attirer sur leur sol les multinationales, afin de vérifier que certaines entreprises ne bénéficient pas d’avantages indus. L’Irlande, pays à fiscalité privilégiée pour un grand nombre d’entreprises, a décidé de se montrer moins clémente. S’il ne semble pas d’actualité de modifier son taux réduit d’impôt sur les sociétés, actuellement de 12,5 %, il est par contre envisagé de rendre impossibles les montages permettant de loger les profits réalisés dans des holdings, avant de les localiser dans des juridictions à fiscalité nulle, comme les îles Caïman, les Îles Vierges britanniques ou les Bermudes. Pour cela, les entreprises enregistrées en Irlande ne devraient plus bénéficier du statut d’apatrides fiscales.

C’est dans cet esprit général que s’inscrit ce projet de loi renforçant les moyens de lutte contre la fraude, durcissant les peines et instaurant de la transparence dans ce milieu opaque. Je retiendrai, à titre de satisfaction personnelle pour notre groupe, la protection donnée aux lanceurs d’alerte et la transparence faite sur les trusts, parmi d’autres mesures proposées par les groupes de la majorité qui ont, comme nous, enrichi le projet du Gouvernement.

Mme Sandrine Mazetier, rapporteure pour avis. Ce sont d’excellentes mesures.

M. Éric Alauzet. En cette période difficile où les débats sont compliqués, où les agents économiques, à fleur de peau, sont extrêmement réactifs et où les décisions sont difficiles à prendre, cette loi est une bonne surprise. Nous pouvons, Gouvernement et Parlement, nous féliciter mutuellement de pouvoir l’adopter. (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste et SRC.)

M. le président. La parole est à M. Alain Tourret.

M. Alain Tourret. À l’occasion de cette dernière lecture, nous pouvons regretter qu’un accord n’ait pu être trouvé avec le Sénat même si certaines de ses dispositions, qualifiées de « pertinentes » par notre rapporteur, sont venues enrichir notre texte. La lutte contre la fraude fiscale et contre la grande délinquance économique et financière s’impose à nous. Vous l’aviez dit, madame la garde des sceaux, en reprenant une phrase du Président de la République : c’est ainsi que la République affirme son exemplarité, condition même de son autorité.

C’est une nécessité absolue, tant il est vrai que la fraude fiscale est un chancre qui mine la démocratie. Elle revient à voler les pauvres, qui ne peuvent pas frauder : qu’on le veuille ou non, seuls les riches peuvent frauder. De tout temps, les Français les plus riches ont fraudé et trafiqué. Les grands fraudeurs étaient ici le roi de France, là quelque cardinal ou surintendant des finances. La IIIRépublique a failli sombrer sous les scandales financiers – affaire de Panama, affaire Stavisky. La VRépublique a été celle de la garantie foncière. Et en 2013, alors que M. Bernard Tapie a obtenu plus de 400 millions d’euros à la suite de manœuvres que certains qualifieront d’escroquerie en bande organisée, on apprend que le fisc, en vertu d’une décision d’un précédent ministre, ne s’est pas montré envers lui d’une rigueur insoutenable.

Il est vrai qu’en matière de fraude fiscale, les chiffres sont plus ahurissants les uns que les autres. On parle de 40 milliards, ou 50, ou même 80 milliards d’euros, alors que l’État n’en récupère que 18 milliards. Cette fraude est énorme. C’est un mal absolu. Or, paradoxe suprême, elle bénéficie d’une étonnante bienveillance de la part de l’opinion. Prenons un chef d’entreprise fraudant à la TVA et optimisant ses manœuvres avec la complicité d’une armada de juristes dont le sens de l’État laisse à désirer : on trouve cela normal. Et le petit fraudeur bénéficie de même d’une grande complaisance, ici un artisan, là un autre professionnel…

Il est pourtant vrai que le législateur a tenté de réagir. Le 30 décembre 2009 a été créée la brigade nationale de répression de la délinquance fiscale, et les peines applicables ont été alourdies. Combien de fraudeurs terminent pour autant en prison pour payer leurs délits et leurs infractions ? Très peu. Vous le savez, monsieur le rapporteur, par votre profession. Au contraire, dans les pays anglo-saxons, et en particulier aux États-Unis, les peines sont extrêmement lourdes.

En France, commettez un hold-up et volez 1 million d’euros : vous passerez aux assises et, même avec un bon avocat, vous écoperez de cinq à dix ans de réclusion criminelle. En revanche, si vous êtes un bon chef d’entreprise, bien conseillé, et que vous fraudez le fisc de la même somme grâce à un montage compliqué de sociétés écrans, on vous proposera une transaction et si vous réglez la somme convenue, vous n’aurez vraisemblablement pas à passer devant le tribunal correctionnel. Deux poids, deux mesures : dix ans de prison, contre de l’argent !

Nous comprenons bien que pour Bercy, omniprésent et omnipotent en matière de fraude fiscale, il s’agit avant tout de récupérer une partie de l’argent perdu du fait de la fraude. Mais cette manière d’agir peut-elle avoir valeur d’exemplarité ? Transiger, c’est nier l’exemplarité de la peine. Le résultat est évident : la fraude se complexifie et se renforce chaque année, tant le fraudeur, s’il est à la tête d’une grande entreprise, possède un sentiment d’impunité.

On m’objectera que l’État s’est purifié et que la fraude régresse. C’est totalement faux. L’indice de perception de la corruption publié par l’ONG Transparency International classe la France en vingtième position en 2002, mais en vingt-deuxième position seulement en 2012. Malgré tout ce qui a pu être fait, nous avons régressé. Plus grave encore : selon la même organisation, la France continue d’être perçue par les milieux d’affaires internationaux comme l’un des pays riches dans lesquels l’administration et la classe politique – malheur à nous ! – sont plus perméables qu’ailleurs à la corruption. Comment en serait-il autrement quand ces dernières années ont vu le démantèlement d’un certain nombre de brigades spécialisées ? Au lieu d’être renforcées, elles ont perdu soixante-dix enquêteurs chargés de la fraude fiscale ! Soixante-dix ! Qu’on le veuille ou non, nous venons de vivre dix années d’impuissance volontaire en matière de fraude fiscale.

Le procureur financier est-il la réponse adaptée à cet état de la délinquance ? Certains en doutent. En tout état de cause, c’est un geste fort. Toutefois, l’architecture judiciaire est déjà complexe et je crains les conflits de pouvoirs, qui se feront au détriment de l’efficacité. Il aurait été préférable de mener une réflexion autour des pouvoirs dévolus à la Chancellerie et au ministère des finances. Est-ce à cette dernière qu’il faut confier la lutte contre la fraude fiscale ? Il est vraisemblable, et d’aucuns en sont convaincus, que c’est à la Chancellerie de mener l’enquête, d’assurer les poursuites et d’engager la répression. J’ai entendu tout à l’heure le ministre du budget tenter, avec son talent habituel, de nous convaincre du contraire, en avançant un principe de « complémentarité ». Je connais son objectif et son expertise, mais je n’en demeure pas moins dubitatif. Peut-être y aura-t-il une nouvelle grande réforme sur ce sujet dans les années à venir. La fraude fiscale est en effet un crime économique et les fraudeurs, surtout en col blanc, sont des délinquants qui doivent être punis avec la rigueur de la loi.

Madame la garde des sceaux, monsieur le ministre, nous allons voter ces textes, comme vous l’avez compris, mais il sera sans doute utile de procéder à leur évaluation année après année. (Applaudissements sur les bancs des groupes RRDP, SRCécologiste.)

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Bravo !

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Candelier.

M. Jean-Jacques Candelier. Nous sommes appelés à statuer définitivement sur ces deux textes, sur fond de désaccord persistant entre l’Assemblée et le Sénat. Toutefois, l’examen du texte au cours de la navette a permis d’enrichir le projet de loi relatif à la lutte contre la fraude fiscale. Il a connu d’incontestables évolutions, alimentées en partie par les recommandations des rapports d’enquête et d’information produits par le Parlement et par le travail des associations qui luttent contre le fléau de la fraude et de l’évasion fiscales et qui tentent de mobiliser l’opinion. Sans cesse mieux informés de la réalité de ce scandale, nos concitoyens sont de plus en plus nombreux à considérer que la lutte contre la fraude, l’évasion et l’optimisation fiscales est un véritable enjeu de société et une priorité de l’action politique. La crise souligne l’exigence de tourner la page de l’argent facile et de s’attaquer au cancer financier qui ronge nos économies.

La fraude, l’évasion et l’optimisation fiscales sont au cœur des dérèglements actuels. Contrairement à ce que certains ont pu affirmer en 2009, nous n’en avons pas encore fini avec les paradis fiscaux, l’aggravation des inégalités sociales, politiques et économiques ou le contournement des règles fiscales, pas plus que nous n’en avons fini avec la mise en concurrence des territoires. Ce combat ne fait en réalité que commencer. Dès le début de la discussion, notre groupe s’est positionné avec la volonté de rendre le dispositif le plus efficace possible, de le doter de la plus grande capacité opératoire, afin qu’il soit susceptible de marquer des points et de rendre à l’État les recettes fiscales et sociales qui manquent de la part des banques et des grandes entreprises ainsi que les impôts dont les cabinets spécialisés s’acharnent à exempter leurs clients.

De notre point de vue, ces projets de loi constituaient dès leur parution une avancée quant aux voies et aux moyens que l’État se donnait pour réduire la fraude, l’évasion et l’optimisation fiscales. Nous approuvons les améliorations apportées par nos deux assemblées en matière d’aggravation des sanctions, de renforcement de la coopération entre l’administration fiscale et les autorités judiciaires ou de protection des lanceurs d’alerte. Nous nous réjouissons également de l’adoption d’amendements que nous avions proposés, comme celui sur la prévention de la fraude aux carrousels de TVA ou cet autre qui facilite les poursuites en matière de blanchiment. Ils permettent d’élargir l’éventail des instruments de poursuite et de sanction. Enfin, nous sommes favorables à la création d’un procureur financier, qui illustre là aussi la volonté de notre pays de se doter de moyens renouvelés de lutte contre la fraude fiscale et la corruption.

Notre groupe souhaite donc l’adoption de ces textes, qui constituent incontestablement une inflexion majeure dans les politiques conduites jusqu’à présent dans notre pays et qui recèlent des potentiels qu’il nous faut désormais pleinement valoriser et exploiter. Il s’agit d’un premier pas important, mais la route est encore longue. Nous posons la première pierre d’une véritable stratégie nationale de lutte contre la fraude et l’optimisation fiscales, qui exige des moyens, des méthodes et des procédures à la hauteur des enjeux.

La Commission européenne évalue la fraude fiscale en France entre 38 et 48 milliards d’euros, soit 11 à 14 % du total des recettes fiscales de l’État, dont 15 à 20 milliards de fraudes fiscales internationales. Si l’on ajoute à la fraude proprement dite les techniques d’optimisation agressive de certaines grandes entreprises, notamment à travers la manipulation des prix de transfert, ce seraient 60 à 80 milliards qui s’évaporeraient sous l’effet de la fraude ou de l’optimisation.

Le Parlement européen évalue à mille milliards d’euros le total des sommes faisant défaut dans les caisses des pays de l’Union européenne. Faire cesser ce vol organisé à grande échelle nous impose d’être beaucoup plus offensifs. Indépendamment du travail législatif qui se poursuivra le mois prochain dans le cadre de l’examen des articles non rattachés du projet de loi de finances, nous devons nous attaquer aux enjeux que constitue le manque de moyens et de coordination de l’administration fiscale et de la justice. Le Gouvernement peut imposer le reporting pays par pays aux multinationales établies en France. Cette transparence sur le chiffre d’affaires, les bénéfices et les impôts payés dans chaque pays permettra au fisc de déjouer les manipulations des prix de transfert entre filiales des multinationales. Bref, cela permettra d’imposer enfin Total ou Google sur leurs bénéfices.

La Cour des comptes a récemment rendu un référé sur les services administratifs chargés de la lutte contre la fraude dans lequel elle insiste sur la nécessité de mieux organiser la communauté du renseignement face à des phénomènes qui prospèrent du fait des déséquilibres d’information entre leurs initiateurs et les contrôleurs. Le rapport de la commission d’enquête sénatoriale sur le rôle des banques dans l’évasion fiscale s’est attaché, lui, à analyser le rôle de la cellule de renseignement financier Tracfin et a souligné la nécessité de la consolider. Le Gouvernement pourrait donner douze mois aux banques opérant en France pour fermer leurs filiales dans les paradis fiscaux, sous peine d’un retrait de la licence bancaire. De fait, les banques françaises ont, si je ne m’abuse, 527 filiales dans les paradis fiscaux, dont 360 pour la seule BNP Paribas !

Afin de mieux combattre et mieux prévenir les contournements des règles par la finance, il est urgent de nous doter d’un FATCA européen, c’est-à-dire d’un échange automatique d’informations fiscales entre États, d’exiger des superviseurs financiers beaucoup plus de fermeté qu’ils n’en ont montré jusqu’ici, mais également de les aider, en leur donnant plus de moyens, notamment juridiques.

Cette question des moyens se pose aussi pour les services fiscaux et les services judiciaires, qui ne peuvent plus matériellement faire face à la situation. Le Gouvernement pourrait embaucher rapidement au moins 1 000 agents de contrôle fiscal pour renforcer les 5 000 vérificateurs actuellement en poste. Chacune des nouvelles recrues rapporterait à l’État au moins 2,3 millions d’euros par an grâce aux redressements fiscaux opérés, soit quarante fois le montant de son traitement.

Mieux combattre, c’est aussi élargir le champ de l’intervention des services judiciaires. Nous regrettons que le projet de loi n’offre pas plus de souplesse au plan procédural. Le monopole du ministre du budget sur les poursuites consécutives à des signalements en matière de fraude fiscale n’est pas satisfaisant, dans un contexte marqué par une considérable accélération et complexification des dérives financières.

Le rapport d’information d’Alain Bocquet et Nicolas Dupont-Aignan a souligné, quant à lui, la nécessité d’actualiser les conventions fiscales, de mieux contrôler les sous-traitances et les prix de transfert, de taxer les restructurations internationales, à l’exemple de l’Allemagne, de clarifier l’action pénale dans un contexte de diversification des incriminations et de créer un délit spécifique d’incitation à la fraude fiscale, afin de s’adapter aux systèmes qui façonnent l’évasion des capitaux. On parle aussi d’assurer, comme en Allemagne, un droit de suite fondé sur la nationalité, pour lutter contre les faux transferts de domicile à l’étranger.

Le travail qui reste à accomplir est immense, mais il n’est pas hors de portée. Notre pays doit en tout état de cause continuer à peser de tout son poids dans les négociations internationales et auprès de ses partenaires européens pour obtenir des avancées concrètes. Nous devons faire preuve de davantage d’audace et ne pas craindre de faire figure d’exemple.

Pourquoi renvoyer obligatoirement la lutte à un FATCA européen, potentiellement introuvable ? Je ne suis pas opposé par principe à un FATCA franco-français, directement applicable, sur le modèle américain. Il faut aussi un programme de révision des conventions fiscales, de façon à les rendre plus contraignantes : je pense à l’établissement de nouveaux accords bilatéraux contraignants entre la France et des pays comme la Suisse.

Nous sommes aujourd’hui en retard sur nos voisins concernant de nombreux sujets législatifs ou réglementaires. Comme vous le savez, les parlementaires du Front de gauche sont particulièrement mobilisés. Vous pouvez donc compter sur notre détermination dans les mois et les années qui viennent, pour faire reculer les pratiques financières prédatrices, dont l’évasion et l’optimisation fiscale ne sont qu’un maillon. Nous voterons pour ces textes. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

M. le président. La parole est à M. Yves Goasdoué.

M. Yves Goasdoué. Après avoir fait couler beaucoup d’encre, et ne voyez pas là une publicité cachée pour le livre de notre excellent rapporteur (Sourires), la lutte contre la fraude fiscale et la délinquance économique revient devant notre assemblée en dernière lecture. Une dernière lecture, car il est grand temps d’agir et grand temps de rétablir, car c’est bien de cela qu’il s’agit, l’égalité devant l’impôt.

Bien entendu, la fraude fiscale est un sujet vieux comme l’impôt. Toujours plus sophistiqués, toujours plus ingénieux, les moyens déployés par appât du gain sont de plus en plus difficiles à appréhender. À nous de nous montrer plus intelligents, plus imaginatifs, plus incisifs aussi, pour enrayer cette progression.

Il serait présomptueux et irréaliste de penser que les projets de loi qui nous occupent ce soir mettront définitivement fin à ces abus, mais il est de notre devoir d’engager une lutte sans merci. Cette lutte nous tient à tous à cœur, et particulièrement à vous, monsieur le ministre du budget. Puisque l’occasion m’en est donnée, je veux signaler à l’ensemble de nos collègues la qualité de la dernière petite note que vous nous avez fait parvenir – à cette heure avancée, nous sommes entre spécialistes ! – qui, en quelques pages, nous fait nous remémorer tout ce qui a été fait dans les derniers textes que nous avons examinés, qu’il s’agisse du projet de loi de finances rectificative de l’été, de celui de la fin de l’année ou de ceux dont nous discutons ce soir. Nous pouvons en être fiers.

Les débats durent maintenant depuis quelques mois, au cours desquels nous avons pu entendre tout et son contraire. Aussi je souhaiterais remettre certaines choses en perspective, rappeler l’essence même des textes que nous examinons, dire pourquoi de telles mesures sont nécessaires à la paix sociale et en quoi elles sont à la hauteur de nos attentes.

Depuis le changement de majorité, nous avons pris la mesure de notre situation budgétaire et en avons tiré les conséquences. Pour retrouver notre souveraineté et notre indépendance à l’égard du monde de la finance, nous nous engageons vers une maîtrise des dépenses sans précédent. L’effort résultera majoritairement d’économies, mais il induira inévitablement une part de prélèvements. Ces prélèvements ne peuvent être admis que dans un contexte de justice sociale. La lutte contre la fraude fiscale, contre ces délinquants dont certains nous expliquent qu’il est quasiment normal qu’ils aillent se réfugier dans des paradis fiscaux, est le corollaire de notre prochaine loi de finances.

Les chiffres ont été rappelés. Ils varient entre 60 et 80 milliards d’euros, ce qui représente tout de même environ 2 000 euros par foyer fiscal. Ce manque à gagner représente le double de l’effort de redressement proposé pour l’année 2014. Comment ne pas s’en indigner ? Notre combat est donc plus que jamais nécessaire.

Je n’aborderai que les éléments les plus emblématiques du texte, dont nous avons déjà discuté. Le premier est le nouveau droit accordé aux associations agréées de lutte contre la corruption de déclencher des poursuites en matière d’atteinte à la probité. Il répond à une exigence démocratique et constitue la garantie d’une plus grande transparence de la vie publique. Prétendre, comme je l’ai quelquefois entendu sur certains bancs de l’opposition, que les associations agréées seraient tentées d’abuser du droit qui leur serait donné est un curieux raisonnement : ceux qui abusent, ce sont les fraudeurs, pas les associations !

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Ça va de soi !

M. Yann Galut, rapporteur. Bien sûr !

M. Yves Goasdoué. Quant au prétendu risque de privatisation de la justice, on croit quand même rêver : il n’existe, me semble-t-il, que dans l’imagination de celles et ceux qui considèrent que la situation actuelle doit perdurer, ce qui n’est pas notre cas.

Autre avancée notable : la protection des personnes de bonne foi qui révèlent une infraction, autrement dit les lanceurs d’alerte. Est-il si choquant de placer l’intérêt général au-dessus de l’enrichissement personnel frauduleux ? Cette mesure n’a rien à voir avec la délation, contrairement à ce que j’ai souvent entendu. En effet, le lanceur d’alerte ne sera pas rémunéré, sa déclaration sera encadrée et sa bonne foi vérifiée. On ne peut laisser des pressions économiques, financières ou morales empêcher une personne de révéler un délit. C’est aussi simple que cela.

Les textes que nous allons voter permettent également aux autorités compétentes, police et douanes, dans des conditions encadrées, j’insiste sur ces mots, d’utiliser des éléments de preuve dont ils ont eu connaissance et cela, quelle que soit leur origine. L’action publique en sera améliorée. De nombreux pays ont déjà franchi ce pas, dont l’Allemagne, qui n’est pas, que je sache, un pays totalitaire. Refuser ces moyens de preuve lorsque leur origine est illicite, c’est partir à la guerre en proclamant le désarmement.

Pour avancer, affranchissons-nous des faux débats. Je pense d’abord à celui entourant la création du procureur financier. Ce nouveau juge donnera une meilleure visibilité à l’action menée contre la fraude fiscale. Il incarnera, aux yeux des Français et de nos partenaires européens, le bras armé de la lutte contre la criminalité financière, et ouvrira la voie à une coopération internationale plus fructueuse.

On nous dit, y compris mon ami Alain Tourret, que ce sera compliqué : on se heurterait à des conflits de compétence. Mais le droit français en est truffé ! Dans les faits, nous les réglons toujours. Ce sont en réalité des balivernes, c’est l’argutie avancée par celles et ceux qui souhaitent que rien ne bouge.

Je pense également, comme autre faux débat, au verrou de Bercy tant discuté. Nous créons les conditions, en particulier grâce à Sandrine Mazetier, d’une meilleure coopération entre les systèmes judiciaire et administratif.

M. Yann Galut, rapporteur. C’est un excellent compromis !

M. Yves Goasdoué. Nous savons qu’en l’état des choses, notre système judiciaire ne peut tout absorber. Il y a une certaine incohérence à appeler, comme certains de nos collègues, à la judiciarisation sans limite de la fraude fiscale quand on s’est attelé pendant dix ans à affaiblir notre système judiciaire en réduisant cruellement ses moyens et en dépénalisant à marche forcée le droit des affaires.

Mme Sandrine Mazetier, rapporteure pour avis. Très juste !

M. Yves Goasdoué. Enfin, je pense à tous les amendements visant à affaiblir le texte qui ont été déposés par certains députés de l’opposition, qui au nom des droits de la défense, qui au nom de grands principes. C’est tout juste si le projet n’a pas été qualifié de liberticide ! Mais ce qui est liberticide, c’est de faire payer les citoyens honnêtes à la place des fraudeurs !

Mes chers collègues, il est temps de prendre nos responsabilités, de prouver que nous souhaitons endiguer ce fléau. À l’heure où un grand effort de solidarité est demandé, de telles fraudes ne peuvent rester impunies. Je vous appelle donc, pour reprendre les termes de Mme la garde des sceaux, à voter ces textes afin de doter la France de l’arsenal répressif dont elle a besoin pour organiser une lutte efficace contre la fraude fiscale et la grande délinquance financière. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

M. Éric Alauzet. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Étienne Blanc.

M. Étienne Blanc. Le présent texte reprend les dispositifs que nous avons adoptés et qui, je le rappelle, avaient été votés par l’UMP en matière de lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière. La rigueur et l’honnêteté auraient voulu que chacun rappelle dans cette enceinte, puisque ces dispositifs ont fait l’unanimité, que l’UMP les avaient votés, mais surtout qu’ils se situent dans la droite ligne de toute la série de textes qui ont été votés entre 2007 et 2012 et dont l’objectif était de renforcer les moyens donnés à la puissance publique pour lutter contre la fraude fiscale.

J’ai d’ailleurs déjà indiqué qu’à l’époque le parti socialiste et Europe Écologie-Les Verts n’avaient pas voté un certain nombre de dispositifs. Ce fut notamment le cas de la création de la fameuse BNRDF, la brigade nationale de répression de la délinquance fiscale, qui pour la première fois donnait la possibilité à l’administration fiscale de mieux se coordonner avec la justice et de lancer enfin des poursuites en s’appuyant sur des méthodes et des moyens d’investigation proprement judiciaires.

M. le ministre du budget a affirmé qu’en 2012 l’opposition avait voté non pas contre ce dispositif, mais contre la loi de finances. Mais c’était dedans ! Il aurait peut-être été utile à l’époque de dire de manière plus claire que la droite, que vous fustigiez par ailleurs, était bien inspirée de mettre en œuvre ce dispositif.

Mme Sandrine Mazetier, rapporteure pour avis. Un peu tard !

M. Étienne Blanc. Aujourd’hui, vous améliorez ce dispositif qui, comme toute disposition législative d’ailleurs, méritait de l’être. Vous étendez le champ de compétence de la brigade, ce qui est clairement une bonne chose. Au fur et à mesure de l’avancée des poursuites, on s’aperçoit en effet que la possibilité d’investiguer sur tel ou tel champ d’action n’est pas inscrite dans les textes. Mais la ficelle est tout de même un peu grosse : immédiatement après l’affaire Cahuzac, le Président de la République annonce un texte de loi pour empêcher qu’une telle fraude ne se reproduise, et que fait ce texte ? Il prévoit des circonstances aggravantes pour un certain nombre de délits en matière fiscale ! Pensez-vous réellement que c’est cela qui permettra d’atteindre l’objectif fixé ? C’est de la poudre aux yeux !

Vous décidez, chose extraordinaire, d’aggraver les sanctions pénales contre les fraudeurs. La commission, assez judicieusement, a enquêté sur les sanctions qui étaient prononcées contre les fraudeurs : il se trouve que les peines maximales prévues, peines d’emprisonnement ou amendes, n’ont jamais été prononcées par un tribunal ! Jamais !

M. Daniel Gibbes. C’est vrai !

M. Étienne Blanc. Mais bien sûr, cela vous permet de faire montre dans la presse d’une sévérité absolue, d’afficher jusqu’où vous êtes disposés à aller. Mais aucun juge, aucun magistrat ne vous suivra ! Tout cela n’est bien évidemment que de la poudre aux yeux.

J’entendais tout à l’heure le représentant du groupe écologiste affirmer que la droite n’avait jamais légiféré sur le sujet. Mais enfin, cher collègue, connaissez-vous seulement l’histoire des textes en matière fiscale ?

M. Éric Alauzet. Citez-les précisément !

M. Étienne Blanc. Les textes les plus répressifs ont été adoptés entre 1974 et 1981. L’État a alors été doté de moyens. Et la gauche les a votés.

Par ailleurs, Europe Écologie-Les Verts souligne que le problème dans notre pays, c’est la dette : à cause de la dette, on augmente les impôts et, par suite, on incite à la fraude fiscale. Vous avez bien raison !

M. Éric Alauzet. On ne s’est pas tout à fait compris, je pense !

M. Philippe Gosselin. C’est assez bien résumé !

M. Étienne Blanc. Je voulais appeler votre attention sur un événement qui vient de se produire dans une région que vous connaissez bien puisque vous la cogérez avec le parti socialiste, la région Rhône-Alpes, qui vient de perdre la note AAA. Pourquoi ? Parce qu’en l’espace de dix ans, sa dette a été multipliée par six ! Ainsi, vous affirmez certains principes ici, mais vous ne les mettez pas en application lorsqu’il s’agit de gérer une région. Or, comme vous le dites pourtant avec raison, l’endettement est une calamité pour notre pays parce qu’il génère une surfiscalité.

M. Yann Galut, rapporteur. Et vous connaissez bien la question !

M. Étienne Blanc. Les conseils que vous prodiguez ici, vous seriez bien inspirés de les appliquer dans les collectivités que vous gérez.

Je voudrais par ailleurs revenir sur les positions du Sénat, qui a retranché de votre texte deux dispositifs. Le premier concerne les droits et pouvoirs nouveaux que vous octroyez aux associations. C’est une vieille question, qui ne doit pas être traitée à la légère et surtout que l’on ne peut régler différemment selon le sujet. Voilà quelques semaines, Mme Duflot, le ministre de l’égalité des territoires et du logement,…

M. Sébastien Denaja, Mme Sandrine Mazetier et rapporteure pour avis. La ministre !

M. Étienne Blanc. …nous a expliqué à cette même tribune les importantes difficultés que nous connaissons en matière d’urbanisme parce que des associations loi 1901 formulent des recours, déposent des requêtes devant les tribunaux administratifs pour faire annuler des permis de construire, plans locaux d’urbanisme et autres schémas de cohérence territoriale.

M. Yann Galut, rapporteur. Mais vous confondez tout ! De quoi avez-vous peur ?

M. Étienne Blanc. Ici même, il a donc été dit qu’il fallait absolument restreindre le champ d’intervention des associations, le limiter, le cantonner ! Ce que vous dites en matière d’urbanisme ne vaut visiblement pas pour la fraude fiscale. Mais nous sommes ici pour faire du droit, pas de la casuistique. Nous sommes ici pour énoncer des principes généraux.

L’opposition vous met en garde contre les deux inconvénients que le texte présente sur ce sujet. Le premier, c’est qu’il va permettre à des associations d’instrumentaliser l’opinion sur des sujets et des dossiers choisis. Les exemples ne manquent pas. Le second inconvénient est que, en s’appuyant ainsi sur les associations, la majorité se lance dans une véritable privatisation de la justice, un procédé qu’elle stigmatise par ailleurs.

Chers collègues, vous allez en effet permettre à des personnes privées de se substituer aux parquets pour lancer des procédures en leur lieu et place, ce qui n’est tout de même pas anodin. Le dire ici ne signifie pas que nous soyons par principe favorables à la fraude fiscale, que la droite ferait montre de complaisance. C’est au contraire poser une question de droit essentielle : peut-on au travers d’un texte de cette nature changer profondément des principes anciens de notre droit positif, qui confie aux parquets, exclusivement, le soin de lancer l’action publique ?

M. Yann Galut, rapporteur. Il n’y a pas d’exclusivité du parquet à lancer une action publique !

M. Étienne Blanc. L’autre raison qui justifie notre rejet du texte est l’affaire du parquet financier que vous créez, madame le garde des sceaux.

M. Sébastien Denaja. La garde des sceaux !

M. Étienne Blanc. La semaine dernière je vous interrogeais en qualité de rapporteur spécial du budget de la justice sur les postes que vous entendez créer. Il est prévu 580 nouveaux postes pour l’année 2014, dont 35 seront affectés au parquet financier. Croyez-vous que ce soit la priorité ? Vous affirmez que c’en est une parce qu’il faut créer un parquet financier indépendant, mais en quoi sera-t-il plus ou moins indépendant qu’un autre procureur de la République de n’importe quel département de France ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Avec nous, il le sera tout autant !

M. Étienne Blanc. C’est un parquet financier !

Par ailleurs, et sur ce point nous n’avons jamais reçu de réponse de la part de la Chancellerie, les affaires de fraude fiscale sont rarement autonomes : elles résultent souvent d’autres activités criminelles, telles que la prostitution ou le trafic de drogues, dont les fruits sont ainsi soustraits au fisc. Nous avons créé des dispositifs particulièrement adaptés, selon les magistrats eux-mêmes : les JIRS, juridictions interrégionales spécialisées. Si vous voulez mieux lutter contre la fraude fiscale, il faut renforcer leurs moyens. Au lieu de cela, vous créez un nouveau parquet, un monstre froid. Je constate que les avocats, les magistrats, les personnels de greffe, tous sans exception vous expliquent que c’est une erreur, que ce dispositif ne correspond pas à la réalité, mais vous persévérez.

Telles sont les raisons pour lesquelles le groupe UMP a décidé de voter contre vos textes, madame le garde des sceaux. Sur le premier volet, vous améliorez les choses à la marge, vous êtes contrainte de proposer une loi de circonstance en raison de la fameuse affaire que j’ai évoquée tout à l’heure. Nous voterons ces dispositifs. En revanche, nous ne sommes favorables ni à l’article 1er relatif aux droits octroyés aux associations, ni à la création du parquet financier. C’est pourquoi nous voterons contre l’ensemble de votre texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Sandrine Mazetier, rapporteure pour avis. Piteux prétexte !

M. le président. La parole est à Mme Marietta Karamanli.

Mme Marietta Karamanli. Les deux projets de lois que nous examinons visent, d’une part, à lutter contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière et, d’autre part, à créer un procureur de la République financier si nécessaire.

Je resterai brève, car beaucoup de choses ont été très bien dites. J’insisterai sur les objectifs de ces projets, les raisons d’un nouvel examen par l’Assemblée et les enjeux des réformes proposées.

Le présent texte rétablit certaines dispositions du texte initial, notamment les articles 13 à 15 et 17 à 20 bis, qui redéfinissent l’architecture de la justice économique et financière en supprimant les juridictions régionales spécialisées, en clarifiant les compétences des juridictions interrégionales spécialisées et en créant un procureur de la République financier.

Le parquet financier que le projet de loi entend créer fait ainsi partie d’un ensemble. Celui-ci a pour objectif de renforcer l’information et les prérogatives des administrations fiscale et douanière pour mieux cibler les contrôles, de déceler les fraudes, cela me paraît nécessaire au vu des propos qui ont été tenus tout à l’heure, et bien entendu de faire en sorte que les grands délinquants soient sanctionnés.

Concernant la création même du parquet financier, il s’agit de mettre en place un organe spécialisé d’enquête et de poursuite à compétence nationale bénéficiant de moyens dédiés et s’appuyant sur des magistrats au profil déterminé. Il aura pour objet de traiter exclusivement des atteintes à la probité, de la fraude fiscale complexe à dimension internationale, des délits boursiers mais aussi des infractions à la taxe sur la valeur ajoutée. Comme l’a dit à plusieurs reprises Mme la garde des sceaux, l’institution judiciaire doit être active pour repérer et poursuivre les infractions relevant de ces contentieux.

Si l’architecture de ce texte est a priori cohérente, elle a pourtant été rejetée. N’ayant pu obtenir toutes les garanties concernant la place et le rôle du procureur financier, son indépendance et ses moyens, et prenant appui sur le fait que les procédures judiciaires resteraient conditionnées aux diligences des services du ministère du budget, nos collègues du Sénat ont en effet supprimé l’institution. Ils ont ensuite délibéré, pour la forme, sur le projet de loi organique qui visait justement à assurer audit procureur un traitement au moins équivalent à celui des autres magistrats.

Ils ont fait valoir l’absence de réforme constitutionnelle du Conseil supérieur de la magistrature. Cette réforme n’a pas été adoptée, mais l’intention du Gouvernement est bien d’y parvenir et il n’a cessé d’œuvrer dans ce sens. Certains ont feint et feignent encore de considérer qu’une réunion du Congrès pour adopter la réforme du CSM est disproportionnée pour mettre en place une parité entre magistrats et personnalités extérieures au sein du conseil.

Vouloir répondre simultanément à toutes les questions posées par un problème complexe, c’est assurément prendre le risque de ne répondre à aucune. Notre volonté est au contraire d’adopter une première réponse.

Pour ce faire, je voudrais revenir aux enjeux de ce texte. Les paradis fiscaux abritent entre 20 et 30 billions, c’est-à-dire de vingt à trente fois 1 000 milliards de dollars d’actifs financiers. Ce manque à gagner est important et conduit certains États au bord de la faillite.

Il est erroné de penser que les assemblées politiques ne peuvent et ne veulent rien faire contre des pratiques délictueuses de très grande portée et portant sur des montants considérables. Pendant des décennies, le secret bancaire a fait de la Suisse une place forte imprenable. Or il a suffi que le gouvernement américain menace de retirer aux banques helvétiques leur licence aux États-Unis pour que celles-ci acceptent de fournir des données bancaires secrètes aux services fiscaux américains. Certains auteurs ont pu évoquer « la force de frappe combinée des grandes nations industrialisées », capable de faire plier n’importe quel paradis fiscal, mafia ou filière délinquante organisée.

M. le président. La discussion générale commune est close.

La parole est à M. le ministre délégué.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Mesdames, messieurs les députés, je vous remercie infiniment pour votre contribution, sur tous les bancs de cet hémicycle, à ce débat. L’ensemble des interventions de la majorité et de l’opposition témoignent, s’il en était besoin, que, par-delà les différences qui peuvent exister entre nous, il y a une volonté conjointe de lutter efficacement et durablement contre la fraude fiscale. Cependant, je ne peux que regretter – ils le comprendront bien – que les parlementaires de l’opposition, voyant la détermination du Gouvernement à agir, n’aient pas souhaité, sur ce sujet, apporter la démonstration qu’il pouvait y avoir des questions sur lesquelles nous nous rassemblions.

La création du parquet financier semble être le sujet de la discorde et de votre décision de ne pas nous rejoindre sur ce texte. Je vais tenter jusqu’à la dernière minute de vous convaincre que c’est une mauvaise raison. En effet, ce parquet donnera à la justice les moyens dont elle a besoin pour instruire et poursuivre dans de bonnes conditions ; c’est aussi la garantie qu’aucune infraction fiscale, même identifiée par les services de Bercy, ne sera occultée par la justice lorsqu’il y a matière à poursuivre.

Je veux le dire à Alain Tourret qui est parti avant que de recueillir notre réponse : il est absurde de considérer que la capacité qu’a Bercy d’examiner des dossiers fiscaux complexes et d’appliquer des peines après que des fautes ont été constatées serait une manière d’impunité, sous prétexte qu’il y aurait une transaction. Je le redis : il n’y a pas de transaction opaque opérée par l’administration fiscale lorsque des infractions sont constatées, et ce pour la bonne et simple raison que l’administration fiscale n’a aucun pouvoir pour appliquer des arrangements ou conclure des transactions qui seraient en contravention avec le droit que vous avez voté au sein de la représentation nationale.

Pour qu’il ne demeure aucune ambiguïté sur ce point, je vous ai proposé, et nous tiendrons cet engagement, que l’administration de Bercy élabore chaque année un rapport extrêmement précis sur les conditions dans lesquelles les infractions ont été constatées et sanctionnées, de manière à ce que chacun d’entre vous puisse mesure le décalage qui peut exister entre le droit que vous votez et les conditions dans lesquelles l’administration fiscale l’applique. Ce rapport sera une bonne manière de réconcilier l’ensemble de la représentation nationale avec l’administration de Bercy quant à la manière dont celle-ci applique le droit en vigueur.

Dire comment le droit s’applique, donner des critères à partir desquels la sanction est appliquée, rendre compte des sommes perçues, indiquer quelles sont l’amende et la pénalité moyennes appliquées aux dossiers en fonction de leur nature, c’est une manière d’assurer la transparence quant au fonctionnement de l’administration de Bercy. Je tiens à ce que cette transparence soit faite et je prends devant vous l’engagement que ce rapport sera élaboré chaque année et qu’il vous sera remis.

Je voudrais également insister, en réponse à l’interpellation de Yann Galut, sur les conditions de la régularisation.

Vous m’avez demandé, monsieur le rapporteur, pourquoi nous ne souhaitions pas prolonger le délai imparti aux fraudeurs pour se mettre en conformité avec le droit. Je veux, sur ce point, apporter une réponse précise. Quel serait le sens d’un propos, tenu par un membre du Gouvernement devant cette assemblée, qui consisterait à dire qu’une loi durcissant les conditions de pénalisation va être adoptée et que, par conséquent, tous ceux qui, après le vote de cette loi, ne seront toujours pas en conformité avec le droit seront appelés à ne jamais régulariser leur situation, de manière à ce que nous puissions les attraper ? Bien entendu, si nous pouvons les attraper, nous le ferons, mais cette idée selon laquelle la pénalisation renforcée du délit serait pour nous un argument permettant d’inciter ceux qui sont en infraction à ne pas se mettre en conformité avec le droit est absurde.

Il le serait tout autant que les conditions dans lesquelles ils régularisent leur situation après que la loi a été votée soient les mêmes que celles qui prévalaient avant. Sinon, cela voudrait dire que nous réduisons le décalage entre les conditions qui sont faites à ceux qui se mettent en conformité avec le droit et les conditions applicables à ceux qui, ayant oublié de le faire, sont rattrapés par la patrouille et doivent rendre des comptes à l’administration fiscale et à la justice.

À partir du moment où nous durcissons les conditions de la peine dans la loi, il est normal que ceux qui régularisent leur situation après se voient appliquer des conditions plus dures qu’avant que cette loi ait été adoptée par la représentation nationale.

L’idée est donc simple, monsieur Galut : on doit pouvoir à tout moment se mettre en conformité avec le droit, car nulle administration ne saurait inciter ceux qui ont décidé de ne pas payer l’impôt à continuer à ne pas le faire – il faut que chaque contribuable paye l’impôt et il n’est jamais trop tard pour s’acquitter de son devoir –, mais il est tout à fait normal qu’après que la loi a été votée les conditions dans lesquelles on se met en règle soient elles-mêmes durcies, dans la mesure où la loi durcit les peines qui s’appliquent à ceux qui seront attrapés.

Je dis donc trois choses aux fraudeurs.

Premièrement, venez tout de suite ; le barème qui a été rendu public devant la représentation nationale est le meilleur que vous puissiez escompter dans le temps long de l’histoire de la régularisation.

Deuxièmement, si vous venez après la promulgation de la loi – je vous invite tout de même à le faire –, les conditions seront durcies, mais vous pourrez continuer à régulariser votre situation, dans un cadre certes durci, parce que la loi durcit les peines. C’est une manière d’inciter les gens à venir maintenant et cela nous garantit, s’ils viennent après, que nous pourrons percevoir les recettes qui correspondent aux sommes qu’ils nous doivent, augmentées des pénalités et autres amendes justifiées par leurs manquements.

Troisièmement, tous ceux qui ont été en contravention au regard du droit fiscal, dans des proportions graves ou en ayant mobilisé des moyens qui constituent des infractions pénales connexes, s’exposent bien entendu à voir leur dossier transmis par la commission des infractions fiscales à la justice, de telle sorte que la totalité des poursuites puisse être engagée et que le droit passe. De là vient qu’il n’y a pas le verrou d’un côté et l’écrou de l’autre, mais le verrou et l’écrou ensemble, pour qu’aucun espace ne soit jamais laissé à ceux qui fraudent leur permettant de gagner du temps. Lorsque l’on fraude, le temps, c’est de l’argent ; l’argent en question a vocation à aller dans les caisses de l’État. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

Texte adopté par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture (Lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière)

M. le président. J’appelle en premier lieu, conformément à l’article 114, alinéa 3, du règlement, dans le texte adopté par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture, le projet de loi relatif à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière.

L’Assemblée est d’abord invitée à statuer sur les amendements dont elle est saisie, lesquels portent sur le dernier texte voté par l’Assemblée.

La parole est à M. Étienne Blanc, pour soutenir l’amendement n1.

M. Étienne Blanc. Il s’agit d’un amendement tendant à supprimer l’article 1er. Pour reprendre ce que j’ai indiqué tout à l’heure, nous considérons que cet article, qui étend les possibilités pour les associations loi de 1901 qui feront l’objet d’un agrément de lancer des poursuites, pose deux problèmes.

Premièrement, il s’agit manifestement d’une extension du champ de privatisation de la justice. Sur ce point, il faudra que le Gouvernement s’explique, car, d’un côté, la majorité actuelle dit que la puissance publique doit être forte et disposer de moyens importants et, de l’autre, elle souhaite aujourd’hui partager cette puissance avec des structures de droit privé. Pour quelle raison ? Nous n’avons reçu aucune explication sérieuse.

Deuxièmement, quels seront les moyens et les freins que vous pourrez instaurer pour éviter une instrumentalisation ? En effet, saisir l’institution judiciaire est relativement facile. Le choix du moment où on lance la procédure est essentiel, parfois pour des raisons d’opportunité, parfois aussi pour des raisons politiques. Or, sur ce point non plus nous n’avons pas eu d’explication précise.

Voilà pourquoi, rejoignant en cela les arguments développés devant la Haute assemblée par d’éminents juristes et au sein de sa commission des lois, nous considérons que les choses sont allées trop loin. La commission des lois de notre assemblée commet une erreur en rétablissant dans le texte l’article 1er. C’est tout le sens de cet amendement de suppression.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Yann Galut, rapporteur. Nous avons déjà eu ce débat à de nombreuses reprises, tant dans l’hémicycle, lors des différentes lectures de ce texte, qu’en commission. Nous avons répondu à vos arguments.

Je n’arrive pas à comprendre votre réticence à accueillir ces associations anticorruption qui ont pourtant montré, dans des affaires récentes, leur utilité. Je souhaite leur rendre hommage car, sans leur combat, certaines affaires n’auraient pas été portées devant la justice pénale – je pense en particulier à celle des biens mal acquis.

Il n’y a pas là de privatisation de la justice ; il y a des voies parallèles. Je vous ai entendu tout à l’heure nous expliquer qu’il y avait, dans notre droit, une exclusivité du parquet pour ce qui est de lancer l’action publique. Je ne partage pas cet avis : il existe d’autres moyens pour la déclencher. De ce point de vue, nous nous inscrivons dans le cadre de ce qui existe déjà. Par ailleurs, nous voulons, effectivement, que les associations puissent intervenir, tout en encadrant la procédure, puisqu’elles devront bénéficier d’un agrément. Il existe aussi des voies habituelles et tout à fait explicites dans le droit français pour contrer, voire sanctionner les procédures abusives.

Nous avons déjà eu ce débat, mais vous n’êtes pas convaincus par nos arguments. Je ne peux que donner un avis défavorable sur votre amendement.

M. François Vannson. Hélas !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Répéter des inexactitudes n’en change pas la nature, monsieur le député. Vous savez parfaitement qu’il n’y a pas de compétence exclusive du parquet ni de privatisation de l’action publique. Vous appelez le Gouvernement à se prononcer mais cela fait la troisième fois que nous en discutons ! Relisez donc le Journal officiel : nous n’avons pas cessé d’argumenter, d’expliquer, de citer des articles du code de procédure pénale. Si vous alliez jusqu’au bout de votre raisonnement, vous refuseriez toute situation où les associations peuvent prendre l’initiative de l’action publique. Les articles 2-1 à 2-22 du code de procédure pénale permettent aux associations, sur des contentieux différents, de déclencher l’action publique et de se constituer partie civile. Si vous étiez cohérent, vous présenteriez aussi des amendements pour supprimer chacune de ces dispositions afin d’empêcher les associations de se constituer parties civiles sur des contentieux liés à la consommation, à la protection de l’environnement, à la protection des animaux, à la défense de la langue française, à la pédopornographie, etc. Abrogez tout ! Si vous ne le faites pas, acceptez alors que les associations puissent se constituer partie civile dans d’autres domaines.

Sur le fond, nos divergences sont profondément politiques. Nous acceptons pour notre part que les citoyens fassent irruption dans l’action publique, que la société civile participe à la vitalité de la démocratie. Nous saluons la vigilance de ces associations grâce auxquelles des situations de corruption, qui pourraient échapper à la puissance publique, sont dénoncées pour que la lutte contre la corruption et la fraude fiscale soit effective et réelle. C’est donc une divergence politique que nous assumons. J’espère que vous assumerez, pour votre part, votre position.

Avis défavorable car, dans ce cas-là comme dans d’autres, nous tenons à ce que la société civile contribue à la lutte contre la corruption et la fraude fiscale. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

M. le président. La parole est à M. François Vannson.

M. François Vannson. Très brièvement, je voudrais profiter de ce moment pour vous faire une remarque sur l’économie générale de ce texte, en dressant un parallèle avec les politiques de santé publique. Une bonne politique de santé publique met en place et mobilise des moyens curatifs, bien sûr, mais prend aussi des mesures de prévention.

Revenons-en à ce texte. Nous sommes tous ici des républicains, respectueux des lois de la République. Il va de soi que l’UMP, par le passé, a toujours été très sensible à ces problèmes de fraude fiscale et a su se montrer offensive.

Aujourd’hui, cette fraude, nous la combattons, mais regardez la situation. La pression fiscale, qui n’a cessé de croître ces deux dernières années et tout particulièrement ces derniers mois, suite aux différentes lois de finances, nuit à la compétitivité de notre pays, ….

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Cela n’a rien à voir !

M. François Vannson. …n’incite pas des investisseurs à venir chez nous, et serait même de nature à encourager ceux qui pourraient être tentés de frauder.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Ce n’est pas vrai.

M. François Vannson. Revenons, d’autre part, sur le nouveau droit qui sera ouvert aux associations. Je ne suis pas convaincu par les arguments de droit qui viennent d’être défendus dans notre hémicycle. Pour lutter contre la fraude fiscale, identifier les méfaits, il faut des moyens. Je ne vois pas de quels moyens pourront disposer ces associations, et cette mesure contribuera à encombrer encore davantage les tribunaux.

(L’amendement n1 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Étienne Blanc, pour soutenir l’amendement n2.

M. Étienne Blanc. Il est défendu.

(L’amendement n2, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Étienne Blanc, pour soutenir l’amendement n3.

M. Étienne Blanc. Cet amendement vise à supprimer les dispositions relatives à la création du procureur de la République financier. J’avais posé trois questions importantes sur ce sujet. La première portait sur la qualification que vous lui donnez. Vous affirmez qu’il s’agira d’un magistrat indépendant ; mais j’aimerais que l’on nous explique en quoi ce procureur sera plus, ou moins, indépendant que les autres magistrats du parquet. Relisez bien toutes vos interventions, madame la garde des sceaux, vous avez souvent répété que ce magistrat serait indépendant.

La deuxième question concerne les arbitrages. Là encore, je vous avais interrogée en séance mais vous n’aviez pas répondu. Le procureur de Paris est compétent pour les affaires boursières. Lorsqu’une affaire boursière se combinera avec une affaire de fraude, qui arbitrera entre le procureur financier et le procureur de Paris ? Vous ? Et vous nous parlez d’indépendance ?

Quant à ma troisième question, elle a trait aux affaires complexes. On le sait bien aujourd’hui, très souvent les affaires fiscales sont le fruit d’affaires criminelles pénales au sens large, qu’elles soient délictuelles ou criminelles. Or, vous voulez sectoriser cette complexité, sortir de son champ l’aspect fiscal et délinquance économique. Mais enfin, votre intérêt est d’avoir une vision d’ensemble ! C’est en tout cas ce que tentent de vous faire comprendre les parquetiers et les JIRS. Sur ce sujet-là, vous ne vous êtes jamais expliquée et c’est la raison pour laquelle nous défendons la position du Sénat, qui est de supprimer purement et simplement ce Parquet financier.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Yann Galut, rapporteur. Ici encore, nous avons longuement débattu, en commission comme en hémicycle, de la question du procureur de la République. Peut-être nos incompréhensions tiennent-elles tout simplement à une divergence d’approche, tant sur la question des juges du siège que sur celle des juges du parquet. Les dernières affaires le démontrent depuis un an et demi : le pouvoir politique n’intervient plus auprès des magistrats. Les réticences que vous exprimez, en tout cas sous ce gouvernement, ne trouveront pas de prise qui pourrait faire penser que le procureur financier, comme l’ensemble des procureurs de notre République, dépendrait des instructions orales qui étaient parfois, voire souvent, l’une de vos manières d’intervenir. Je peux en tout cas vous rassurer sur ce point.

Par ailleurs, je ne reviendrai pas sur l’intérêt d’un tel procureur financier qui incarnera la lutte contre la fraude fiscale et établira une liaison avec le futur procureur européen.

Enfin, je ne voudrais pas être désagréable avec vous, mon cher collègue, mais je ne peux que vous conseiller de relire, si vous ne l’avez déjà fait, le projet de loi dont nous débattons puisque vous citez l’exemple d’une différence de compétence entre le procureur de la République de Paris et le procureur financier sur les délits boursiers alors que notre projet de loi transfère totalement la compétence des infractions boursières au procureur financier. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Avis également défavorable. Je suis assez perplexe car j’ai l’impression que M. Blanc manque de mémoire sur lui-même, ses actions, ses propos.

M. Étienne Blanc. C’est l’âge. (Sourires.)

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je ne me permettrais pas de dire cela, ce n’est pas visible…. en tout cas pas à cette heure ni à cette distance. (Rires) Vous développez les mêmes arguments depuis la première lecture, mais la situation a évolué depuis. Tout d’abord, nous n’avons pas cessé de vous répondre. Selon vous, je n’arrêterais pas de dire qu’il s’agira d’un procureur indépendant. Or, je ne l’ai pas dit à la tribune, ce qui ne m’empêchera pas de vous le dire là, maintenant : oui, il sera indépendant, autant que les autres. Les procureurs sont en effet indépendants, comme s’y est engagé ce gouvernement qui a pris des dispositions en ce sens et s’y tient ! Entre le 25 juin, date de la première lecture, et aujourd’hui, où vous présentez pour la troisième fois de tels amendements, il s’est passé deux choses. Nous avons tout d’abord débattu du projet de réforme constitutionnelle, présenté par le Gouvernement, par lequel nous proposons d’inscrire dans la Constitution le respect de l’avis conforme du Conseil supérieur de la magistrature sur les nominations des magistrats du parquet, du ministère public, donc des procureurs.

Vous n’avez pas voté cette réforme, persistant dans votre refus d’inscrire dans la Constitution ce qui est devenu notre pratique.

Par ailleurs, la loi du 25 juillet 2013 a été promulguée. Elle définit les attributions du garde des sceaux, l’interdiction de donner des instructions individuelles et les relations entre le garde des sceaux et les parquets généraux. Que vous veniez nous répéter les mêmes arguments, soit, mais convenez au moins que nous avons répondu. Reconnaissez au moins que, même si nous vous répondions les mêmes choses, cohérentes, solides, construites et illustrées une dizaine de fois, vous refuseriez toujours d’en convenir. Cela, je veux bien l’entendre, mais ne dites pas qu’on ne vous répond pas parce que nous n’avons pas cessé de le faire.

Ce magistrat sera donc indépendant. Et ne me dites pas que c’est moi qui arbitrerai puisque la loi l’interdit. Non seulement je ne le faisais pas avant même que le code de procédure pénale ne l’interdise, mais dorénavant, suite à l’initiative du Gouvernement et au vote de cette Assemblée, c’est devenu impossible.

Cessez donc de mettre en doute l’indépendance des magistrats. Il s’agit peut-être pour vous d’une façon de vous montrer désagréables à mon égard…

M. Guy Geoffroy. Jamais !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. …mais je n’en saisirais ni la raison ni la démonstration. Surtout, c’est faire preuve de désobligeance à l’endroit des magistrats en prenant le risque, de surcroît, de fragiliser l’institution judiciaire. Je ne pense pas que ce soit votre objectif. Cette remise en cause permanente de l’indépendance de la magistrature ne sert pas la démocratie et il serait dommage de s’y obstiner.

M. le président. La parole est à M. François Vannson.

M. François Vannson. Permettez-moi, madame la Garde des Sceaux, de m’exprimer avec la distance nécessaire à l’expression de mon désaccord. Je siège dans cette assemblée depuis vingt ans et, depuis vingt ans, je vois régulièrement s’engager le débat récurrent sur l’indépendance du Parquet.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Ne le rouvrons pas ce soir une fois de plus !

M. François Vannson. J’ai toujours eu la plus haute considération pour les magistrats qui, dans les faits, sont indépendants et agissent en leur âme et conscience. Cependant, il n’est pas interdit de penser qu’un gouvernement doit donner une impulsion à la politique pénale.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Vous nous l’avez prouvé !

M. François Vannson. En matière de fraude fiscale et de délits financiers, notamment, le Gouvernement se doit d’être mieux informé que d’autres personnes ou institutions. Face à l’évolution permanente de ces domaines, où œuvrent des gens doués d’une imagination débordante, il n’est tout de même pas illusoire que la Chancellerie donne des orientations aux parquets. Vous allez donc créer, en plus du reste, une distorsion dans le corps de la magistrature. C’est pourquoi je voterai moi aussi en faveur de cet amendement.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. N’importe quoi ! Il n’y a aucune distorsion ! Quel yaourt !

M. le président. La parole est à M. Guy Geoffroy.

M. Guy Geoffroy. Permettez-moi de revenir brièvement sur l’argumentaire de M. le rapporteur. Il me semble audacieux, voire hasardeux de sa part d’avoir fait état, comme d’un point bien établi, du lien hypothétique entre le procureur financier et le futur procureur européen, lien qui renforcerait la validité de ce texte. M. le rapporteur n’ignore certainement pas que l’enjeu de la mise en place du parquet européen – parquet, non procureur, et c’est plus qu’une nuance –, en débat depuis plus de dix ans ici comme dans les instances européennes, est crucial. Or, la question n’est pas encore tranchée. La Commission et plusieurs États membres souhaitent en effet que le parquet européen ne soit compétent que sur les questions relatives à la défense des intérêts financiers de l’Union. Si l’on en restait là, le lien établi par M. le rapporteur semblerait évident, mais la France, avec d’autres – et le sujet est encore actuellement en débat –, estime avec constance qu’à terme le parquet européen ne saurait limiter ses interventions à la seule défense des intérêts financiers de l’Union, et qu’il devrait pouvoir intervenir dans le cadre plus général de la criminalité transnationale à l’échelle européenne. Voilà qui mérite d’être retenu pour tempérer vos ardeurs suscitées par le lien magique que vous avez tissé entre le parquet européen et le procureur financier qui nous occupe.

(L’amendement n3 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Étienne Blanc, pour soutenir l’amendement n4.

M. Étienne Blanc. Il s’agit d’un amendement de cohérence qui tend à supprimer l’article 17 pour tenir compte de la suppression du procureur financier.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Vous devenez incohérent !

M. Étienne Blanc. Je saisis cette occasion pour préciser à M. le rapporteur qu’il aurait raison pour les affaires ne comportant qu’une infraction boursière ; mais certaines affaires complexes peuvent se composer pour partie d’une infraction boursière, et de manière connexe d’autres infractions. Comment arbitrerez-vous alors ? C’est pourtant le propre de ces affaires fiscales que d’être complexes, leur complexité tenant à l’origine des fonds qui font l’objet de la fraude.

D’autre part, madame le Garde des Sceaux, je ne suis pas seul à penser ce que je pense de la création de ce parquet financier, de son organisation et de son indépendance.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Cela n’en fait pas une vérité !

M. Étienne Blanc. Je vous renvoie aux syndicats de magistrats, qu’ils soient d’ailleurs de gauche ou de droite, qui sont tous extrêmement réservés à l’égard de cette création mais qui, dans le même temps, sont tous unanimes pour prôner le renforcement des JIRS. Je veux bien recevoir les foudres du Gouvernement qui prétend nous avoir répondu et expliqué la mesure, mais le fait est que si nous n’avons pas été convaincus, ni les magistrats, ni leurs syndicats ni l’institution judiciaire dans son ensemble ne l’ont été davantage.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Yann Galut, rapporteur. Avis défavorable. Je renvoie M. Blanc au texte dont nous débattons : vous avez raison de souligner que la question des délits connexes pourrait se poser, mais la loi y répond à l’article 705-1 du code de procédure pénale que le présent projet de loi vise à modifier comme suit : « Le procureur de la République financier et les juridictions d’instruction et de jugement de Paris ont seuls compétence pour la poursuite, l’instruction et le jugement des délits prévus aux articles L. 465-1 et L. 465-2 du code monétaire et financier. Cette compétence s’étend aux infractions connexes ».

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Même avis.

(L’amendement n4 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Étienne Blanc, pour soutenir l’amendement n5.

M. Étienne Blanc. Il s’agit là encore d’un amendement de cohérence. J’en profite, à la fois en qualité de rapporteur du budget et de porte-parole de mon groupe sur ce texte, pour rappeler à Mme le Garde des Sceaux qu’elle prévoit de mettre trente-huit magistrats et greffiers à la disposition de ce procureur financier. Je constate pourtant que dans l’organisation actuelle de l’institution judiciaire, nous manquons de magistrats, de greffiers et de postes en général. L’attribution de moyens spécifiques à cette activité n’est ni justifiée ni judicieuse. Là encore, vous pouviez mieux affecter ces moyens en renforçant les JIRS.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Yann Galut, rapporteur. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Vous ne pouvez pas dire des choses pareilles, monsieur Blanc.

M. Étienne Blanc. Mais si !

M. Yann Galut, rapporteur. Oui, il en est capable ! (Sourires.)

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. C’est vrai, et c’est bien pourquoi il les dit ! (Rires.) Vous arguez du fait que nous manquons de magistrats pour refuser de créer le parquet financier et, par conséquent, d’organiser la lutte contre la fraude. Tandis que nous donnons une impulsion en introduisant des dispositions dans la loi qui faciliteront l’action de la justice grâce au procureur financier, il faudrait, selon votre logique, donner des moyens supplémentaires aux JIRS.

M. Étienne Blanc. Tout à fait !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le fait de les donner aux uns ou à l’autre ne règle aucunement la question des moyens. Pire encore : vous tenez ces propos alors même que pendant cinq ans, vous avez pratiqué la révision générale des politiques publiques et instauré une carte financière, et qu’en conséquence, les gouvernements successifs que vous avez soutenus ont supprimé des emplois de magistrats, de greffiers et de fonctionnaires dans les institutions judiciaires ! Vous n’avez pas anticipé les départs à la retraite et cela produit aujourd’hui la situation suivante : 350 postes de magistrats ne sont pas pourvus – nous avons les postes et les budgets, mais pas les magistrats.

Mme Sandrine Mazetier, rapporteure pour avis. Eh oui !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Alors que vous auriez dû ouvrir au moins 300 postes de magistrats par an, vous vous êtes contentés d’en ouvrir entre 80 et 120, et voilà qu’aujourd’hui vous venez nous demander de ne pas lutter contre la fraude fiscale et la corruption, et de ne pas affecter des emplois au parquet financier au motif qu’il manque des magistrats ! C’est un peu fort !

M. Sébastien Denaja. Eh oui !

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. C’est même « beaucoup fort » !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Vous donnez là une sacrée permission aux fraudeurs, aux corrompus et aux corrupteurs ! En clair : avis défavorable. (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste et SRC.)

M. le président. La parole est à M. Étienne Blanc.

M. Étienne Blanc. Nous avons avec madame la Garde des Sceaux un différend profond – et, semble-t-il, définitif : mes espoirs s’envolent.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je vous le confirme !

M. Étienne Blanc. J’en suis navré. L’examen des augmentations budgétaires des dix dernières années révèle que l’augmentation la plus faible a lieu en 2014, puisque votre budget total augmente de 1,7 %, ce qui, avec un taux d’inflation à 1,4 %, donne une augmentation nette de 0,3 % ; au contraire, le budget de la justice augmentait toujours de plus de 2 % depuis dix ans. Je veux donc bien vous entendre, mais s’il existe un gouvernement qui, au terme de sa deuxième année de mandat, a cessé, comme cela se faisait depuis dix ans, de remettre la justice française au niveau des autres institutions judiciaires européennes, c’est le vôtre, et non pas les nôtres ! (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je ne saurais vous laisser désinformer l’Assemblée de la sorte. Il est vrai que le budget de la justice a connu plusieurs augmentations, mais elles ont été affectées à l’administration pénitentiaire, compte tenu notamment de votre politique pénale et carcérale.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Eh oui : les frais de justice !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. En revanche, dans le secteur judiciaire, vous avez supprimé des postes avec la RGPP et d’autres avec la carte judiciaire.

M. Yann Galut, rapporteur. Des centaines ! Partout en France !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Vous nous parlez d’augmentations : il ne s’agit pas là que d’arithmétique. Il faut en regarder la teneur : c’est précisément parce que vous supprimiez ou ne renouveliez pas des postes que le budget de la justice a dû augmenter, notamment pour la part consacrée aux pensions à due proportion de la réduction de la masse des cotisations. Les augmentations dont vous parlez ne concernent donc ni les capacités d’intervention ni les effectifs de la justice, mais simplement ses coûts liés aux charges de pensions. C’est par votre politique de bricolage imprévoyant que vous avez provoqué ces hausses.

M. François Vannson. Oh !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Oui, je le confirme : aujourd’hui, toutes nos juridictions souffrent d’un manque de magistrats. Voilà la réalité ! Cessez donc d’additionner des chiffres comme si les gouvernements que vous avez soutenus avaient fait preuve d’attention et de volontarisme pour donner à la justice les moyens de fonctionner.

M. Guy Geoffroy. Mais c’est justement ce qu’ils ont fait !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. La paupérisation de la justice est le résultat direct de vos politiques successives.

M. Guy Geoffroy. Mais non ! Affirmations gratuites !

(L’amendement n5 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Étienne Blanc, pour soutenir l’amendement n6.

M. Étienne Blanc. Cet amendement de conséquence me permettra de dire à Mme la Garde des Sceaux combien son raisonnement est extraordinaire. Vous prévoyez la plus faible augmentation du budget de la justice depuis dix ans, et vous nous expliquez tout de même que vous ferez mieux qu’auparavant ! Vous vous étiez pourtant engagés à conduire une politique vigoureuse de soutien à la sécurité et à la justice. J’essaie sans animosité de vous présenter de simples statistiques : nous n’avons plus connu de croissance de 1,7 % depuis plus de dix ans, madame la ministre !

M. François Vannson. Les chiffres sont têtus…

M. Étienne Blanc. Vous prétendez faire beaucoup mieux avec beaucoup moins, mais vous êtes sans doute la seule à y croire – et cela, hélas, est définitif !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. C’est totalement inexact !

(L’amendement n6, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Étienne Blanc, pour soutenir l’amendement n7.

M. Étienne Blanc. Il est défendu.

(L’amendement n7, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Nous avons achevé l’examen des articles du projet de loi. Je rappelle que la conférence des présidents a décidé que les explications de vote et le vote par scrutin public sur le projet de loi auront lieu le mardi 5 novembre après les questions au Gouvernement.

Texte adopté par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture (procureur de la République financier)

M. le président. J’appelle maintenant, conformément au troisième alinéa de l’article 114 du Règlement, dans le texte adopté par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture, le projet de loi organique relatif au procureur de la République financier (n1424).

Je rappelle que la conférence des présidents a décidé que le vote par scrutin public dans les salles voisines de la salle des séances aura également lieu le mardi 5 novembre, à l’issue du vote sur le projet de loi ordinaire.

2

Simplification des relations entre l’administration et les citoyens

Commission mixte paritaire

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du rapport de la discussion mixte paritaire du projet de loi habilitant le Gouvernement à simplifier les relations entre l’administration et les citoyens (n1417).

La parole est à M. Hugues Fourage, rapporteur de la commission mixte paritaire.

M. Hugues Fourage, rapporteur de la commission mixte paritaire. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des lois, mes chers collègues, nous parlons de simplification et l’heure est avancée, je m’appliquerai donc le principe directeur du texte que nous souhaitons adopter : être le plus bref et le plus efficace possible !

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Excellent !

M. Yann Galut. Excellente initiative de simplification ! (Sourires.)

M. Hugues Fourage, rapporteur. J’espère que le texte sera adopté à l’unanimité. Il constitue la première pierre de ce que le Président de la République a appelé « choc de simplification ». Permettez-moi de rappeler simplement, mes chers collègues, que la modernisation de l’action publique est essentielle à la construction d’un nouveau modèle français alliant solidarité et compétitivité. Je tiens également à préciser que simplification ne signifie pas déréglementation ni dérégulation.

Le texte qui arrive aujourd’hui devant notre assemblée a été examiné en CMP. On aurait pu penser que celle-ci aurait du mal à adopter un nouveau texte, car celui du Sénat et celui de l’Assemblée Nationale étaient quelque peu différents. Mais la CMP s’est déroulée de manière parfaitement consensuelle. Les discussions en CMP ont abouti, pour l’essentiel, au texte adopté par l’Assemblée nationale. Nous avons adopté, à l’article 1A, le renversement du principe général du droit selon lequel le silence de l’administration vaut décision de rejet. Il vaudra désormais accord.

C’est là une véritable révolution administrative. Cependant, entre l’adoption du texte par l’Assemblée et la CMP, le secrétariat général de la défense et la sécurité nationale a attiré notre attention sur les risques que comporte ce nouveau principe en matière de sécurité nationale. La CMP a donc expressément précisé qu’il pourrait ne pas s’appliquer en ce domaine. Nous avons adopté, à l’article 1er, à l’initiative du Gouvernement, le dispositif « Dites-le nous une seule fois ». La CMP a précisé que les avis préalables communiqués au demandeur seront accompagnés de leur motivation.

L’article 2, relatif à la création d’un code des relations entre le public et l’administration, l’article 2 bis, qui facilitera l’échange d’informations entre administrations pour simplifier la vie des usagers, l’article 3, qui prévoit l’aménagement du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique et l’article 4, relatif au titre de séjour des demandeurs d’asile, ont été adoptés conformément au texte de notre assemblée, parfois avec quelques aménagements rédactionnels. Je vous invite donc, mes chers collègues, à adopter le texte, à l’unanimité je l’espère. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Bravo !

M. Yann Galut. Excellente intervention !

M. le président. La parole est à Mme la ministre de la réforme de l’État, de la décentralisation et de la fonction publique.

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la réforme de l’État, de la décentralisation et de la fonction publique. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, monsieur le président de la commission des lois, nous sommes appelés à discuter des conclusions de la commission mixte paritaire. Je ne ferai pas meilleur résumé que M. le rapporteur et me contenterai donc de quelques réflexions. Nous allons conforter le modèle français. Le fameux « choc de simplification » est au rendez-vous. Vous aviez, mesdames et messieurs les députés, soulevé un certain nombre de questions, relatives en particulier au dispositif « dites-le nous une fois ». Depuis lors, un travail intéressant a été mené par les parlementaires qui le souhaitaient. On s’est alors rendu compte qu’il fallait communiquer quinze fois le chiffre d’affaires et dix fois les effectifs d’une entreprise. Vous avez voulu que tout cela se fasse dans une grande transparence mais aussi une grande sécurité juridique. Tel a été le travail à la fois de votre assemblée et du Sénat, sur lequel je ne reviens pas.

Nous nous inscrivons dans une continuité républicaine. Nous avons amélioré, grâce au travail des parlementaires et à leur demande, un dispositif qui s’était heurté à la question des échanges de données. Nous pouvons vous assurer, mesdames et messieurs les députés, que le dispositif « dites-le nous une fois » sera juridiquement encadré et que les transmissions de données personnelles seront toujours réservées. Manifestement, ces différentes étapes ont l’heur et l’air de satisfaire M. le rapporteur, et le Gouvernement également. Nous apporterons beaucoup de soin à la codification. Elle semble toujours simple, mais la codification des relations entre les citoyens et l’administration demandera un travail important.

Les résultats de la commission mixte paritaire montrent que trois questions sont débattues. Un travail très sérieux aura lieu en amont, avec les parlementaires, pour aboutir à une codification répondant aux vrais besoins, une protection des libertés et un respect des données personnelles, tout en maintenant une administration efficace capable d’utiliser le numérique comme un outil et seulement comme tel. La CNIL, cette fois-ci, nous donnera acte des efforts accomplis pour que tout cela se fasse dans le respect du droit français et peut-être aussi, car c’est important, d’un certain nombre de nos traditions. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Très bien !

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Bravo ! Excellente synthèse !

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à Mme Elisabeth Pochon.

Mme Elisabeth Pochon. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, nous examinons en dernière lecture les conclusions de la commission mixte paritaire relatives au projet de loi habilitant le Gouvernement à simplifier le droit par voie d’ordonnance, comme l’y autorise l’article 38 de la Constitution, dans le domaine de la simplification des relations entre l’administration et le citoyen. Le texte, qui aura un impact direct sur la vie de nos concitoyens pendant tout le quinquennat, dégage trois grands principes : celui du silence valant accord, ce qui signe la rénovation du processus de décision de l’administration, celui de la confiance a priori, qui institue de nouveaux rapports entre l’administration et les citoyens, et celui du « dites le nous en une seule fois », qui souligne la nécessité de réduire le nombre et la fréquence des données à fournir aux administrations.

Le texte fixe également des objectifs et des modalités de simplification. Ainsi, l’article 1er instaure un délai de douze mois par ordonnance pour le recours à la voie électronique pour les usagers. La communication à la personne des avis préalables est également prévue. L’article 1bis pose les fondements de l’échange dématérialisé. Le texte comble également un vide, qui est un paradoxe dans notre pays de droit écrit, en prévoyant la rédaction d’un code rassemblant des règles éparpillées dans trois grandes lois et le toilettage de dispositifs dispersés. Les parlementaires disent leur confiance au Gouvernement pour prendre par voie d’ordonnance des mesures pour simplifier et améliorer les procédures, pour rendre l’administration plus efficace et plus attentive aux Français, pour favoriser la croissance, la compétitivité et l’emploi en améliorant la réactivité des services de l’État.

La demande des parlementaires d’être associés au long processus de l’élaboration des ordonnances a été favorablement reçue par Mme la ministre, débouchant sur une coopération législative au service de nos concitoyens et de notre pays. Les projets de simplification seront conduits par des équipes interministérielles et pluridisciplinaires, associant les administrations, les collectivités territoriales, les entreprises et les usagers. Les citoyens seront associés à une plate-forme Internet collaborative qui invitera chacun à donner son avis et contribuer aux projets. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Très bien !

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Excellent !

M. le président. La parole est à M. Guy Geoffroy.

M. Guy Geoffroy. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, l’heure avance, mais la relation entre l’administration et les citoyens aussi. Le projet de loi que nous examinons sous la forme du texte de la CMP en est une évocation et une confirmation, il faut le dire très simplement et sans retenue. Je voudrais à mon tour saluer le consensus atteint par la commission mixte paritaire, qui n’était pas écrit d’avance. La CMP a adopté le texte à l’unanimité et vous formulez le vœu, monsieur le rapporteur, qu’il en aille de même dans notre hémicycle. Vos présentations brèves mais complètes, ce qui n’est pas toujours évident, prouvent que nous allons dans la bonne direction.

Rappelons très rapidement de quoi il s’agit, sans trop entrer dans le détail. Approfondir la dématérialisation des relations entre administration et administrés, on en parle beaucoup, mais c’est bien plus compliqué qu’on ne veut bien le dire. Le texte permet, me semble-t-il, de modifier les comportements et de favoriser le contact avec l’administration par voie électronique ou télé-procédure. Autoriser la communication des avis, en particulier ceux qui sont négatifs, rendus par une autorité au cours de l’instruction d’un dossier, cela n’est pas négligeable. Prenons l’exemple des permis de construire. Combien de permis de construire prennent du temps, trop de temps et parfois non sans dommages, parce que les avis éventuellement formulés par diverses autorités, sans même évoquer les demandes de pièces modificatives, ne sont pas portés à la connaissance du pétitionnaire. S’ils l’étaient, et ils le seront dorénavant, cela permettrait de gagner du temps et d’instruire plus efficacement le dossier.

Habiliter le Gouvernement à codifier les relations entre le public et les administrations, ce n’est pas une mince affaire. J’ai cru comprendre, madame la ministre, que vous aviez conscience, et le Gouvernement avec vous, de l’importance de réaliser cette œuvre nécessaire, sans trop compliquer les choses, mais en rendant par la codification la lecture des textes beaucoup plus cohérente et aisée. Il importe enfin de prévoir, et c’est l’une des dispositions les plus importantes du texte, l’inversion du principe selon lequel le silence de l’administration vaudrait refus tacite. Il vaudra désormais accord tacite.

Je ne passerai pas sous silence, mais je n’en ferai pas non plus une difficulté, l’étrange cavalier législatif que nous avons relevé. En effet, le Gouvernement a fait adopter en séance à l’Assemblée une disposition visant à transposer la directive modifiant le statut de résident de longue durée dans l’Union européenne. Nous ne sommes pas tout à fait dans le cadre du texte, mais vous avez bénéficié et vous bénéficiez toujours, madame la ministre, de toute la mansuétude du jury que constitue notre assemblée et l’opposition a bien accepté qu’il en soit ainsi.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. C’est gentil ! Je vous reconnais bien là !

M. Guy Geoffroy. Il nous faut enfin évoquer l’ultime amendement que vous avez présenté en commission mixte paritaire, ce qui est assez rare.

M. Hugues Fourage, rapporteur de la commission mixte paritaire. Il faut innover !

M. Guy Geoffroy. Il vise à ajouter une exception à la règle du silence de l’administration, à la demande du secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale. Le rapport de la commission mixte paritaire aurait d’ailleurs mérité d’être plus explicite sur ce point, mais le travail réalisé mérite une confiance implicite, à défaut de disposer des éléments explicites sur lesquels la fonder. Comme vous le voyez grâce à ces quelques illustrations du texte, nous pouvons dire, à l’issue de toute cette procédure et de tout ce travail, que le groupe UMP a montré son intérêt et son attachement à la démarche.

M. Hugues Fourage, rapporteur de la commission mixte paritaire. C’est vrai !

M. Guy Geoffroy. Il serait donc illogique avec lui-même et en contradiction avec son engagement de toujours s’il changeait d’avis. Nous voterons donc le texte en lui souhaitant, puisque c’est un texte d’habilitation, le meilleur avenir possible. En effet, avec la validation du principe des ordonnances, ce que nous nous apprêtons à voter, ce sont des objectifs partagés, des intentions louables et des ambitions estimables. Tout reste à faire, madame la ministre, du côté du Gouvernement. Vous ne serez donc pas étonnée que nous vous donnions rendez-vous, non pour nuire à la poursuite de l’initiative, mais pour veiller à ce qu’elle ait bien été menée à son terme, pour la ratification de l’ordonnance et pour veiller au suivi des habilitations que nous allons vous donner. C’est la moindre des choses que le Parlement puisse vous indiquer cela aujourd’hui. Le groupe UMP, sans hésitation et en ayant le sentiment, comme tous les groupes de cette assemblée, de participer à une tâche utile et nécessaire, votera le texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. Hugues Fourage, rapporteur de la commission mixte paritaire et M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Michel Zumkeller.

M. Michel Zumkeller. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des lois, mes chers collègues, au vu des débats que nous avons eus précédemment et des conclusions de la commission mixte paritaire, ce projet de loi est véritablement un texte de consensus. Il vise un objectif que l’on pourrait difficilement contester : simplifier les relations entre l’administration et les citoyens, tout en faisant du service public un service qui, comme son nom l’indique, soit réellement à destination du public. S’inscrivant dans la continuité du processus de rapprochement de l’administration avec le public, engagé dans les années 1970, ce texte est la traduction législative des orientations décidées par le comité interministériel pour la modernisation de l’action publique initié en 2012.

Ces dispositions s’inscrivent dans un mouvement plus large de simplification des relations entre les acteurs de la société dans son ensemble. C’est notamment dans ce cadre que nous avons adopté, dernièrement, le projet de loi relatif à la simplification et à la sécurisation de la vie des entreprises. Étant donné l’accord de nos deux assemblées sur les mesures du texte, la CMP est parvenue très aisément à établir un texte commun, quasiment semblable à celui que nous avons adopté en première lecture, préalablement enrichi par le Sénat. Sur le fond, la principale mesure est bien celle de l’inversion du principe que nous connaissons actuellement, selon lequel le silence de l’administration vaut rejet. Le projet de loi consacre ainsi le principe selon lequel le silence gardé pendant deux mois par l’administration vaut acceptation dans un grand nombre de situations.

Ce texte signe également la fin du principe de non-communicabilité des documents préparatoires et le début d’un véritable dialogue entre l’administration et les citoyens. Ces mesures vont dans le bon sens. De plus, la nouvelle codification spécifique aux relations entre les citoyens et l’administration est une première étape. Elle doit être l’occasion de clarifier les dispositions existantes, mais aussi de prendre le chemin de la dématérialisation qui participe de la modernisation et de la facilitation des échanges. À cet effet, les nouvelles technologies de l’information sont devenues l’une des voies privilégiées de la simplification administrative.

Au-delà, ce projet de loi autorise la mise en œuvre de trois mesures de simplification qui seront les bienvenues – à la condition, bien sûr, que le Gouvernement s’en saisisse une fois l’habilitation accordée. Il sera, dès lors, possible de bénéficier de mesures de modernisation aussi variées que la saisine de l’administration par courrier électronique, l’autorisation des délibérés à distance des organismes collégiaux, ou encore la communication des avis donnés par une autorité ou un organisme en cours d’instruction. Dans la même logique, en première lecture, nous avons habilité le Gouvernement à prendre par voie d’ordonnance les dispositions destinées à la réalisation du projet « dites-le nous une fois », dont la vocation est de systématiser les échanges d’informations entre administrations afin d’éviter notamment la redondance et la perte de temps pour l’ensemble des acteurs. Là encore, nous ne pouvons que soutenir ces très bonnes intentions.

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Bravo ! Très bonne conclusion ! (Sourires.)

M. Michel Zumkeller. Je n’ai pas tout à fait terminé, mais la suite devrait également vous plaire, monsieur le président. Enfin, le nouvel article 4 du projet de loi permet la transposition d’une directive européenne applicable aux réfugiés, dans le cadre du statut de « résident de longue durée de l’Union européenne ». Ainsi, désormais, un ressortissant d’un pays tiers pourra, au bout de cinq années de résidence légale et ininterrompue, se voir délivrer un titre de séjour d’une durée de validité d’au moins cinq ans et renouvelable de plein droit, bénéficiant de fait d’une égalité de traitement avec les nationaux dans la majorité des domaines.

Pour terminer…

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Ah ! (Sourires.)

M. Michel Zumkeller. …j’en viens au désaccord, déjà exprimé en première lecture, que nous avons sur la forme. Nous avons été nombreux à regretter le recours aux ordonnances, car faire le choix de soumettre au Parlement un projet de loi d’habilitation n’est jamais la solution la plus satisfaisante. Ce choix résonne comme une promesse, sans nous donner l’assurance que les mesures seront réellement prises. Surtout, il dessaisit le Parlement de tout contrôle. Nous serons donc particulièrement vigilants quant à la mise en œuvre effective de ces mesures.

Mes chers collègues, la simplification doit être un fil rouge pour nous tous. Elle est un corollaire indissociable de l’allégement des démarches administratives, du contrôle par les citoyens des décisions prises à leur égard, de la possibilité pour eux de contester les actes administratifs. Cependant, il reste beaucoup à faire pour mettre le service public au service du public. Parce que le service public n’est pas un produit de consommation comme les autres, l’administré doit être au cœur des relations administratives. Ce projet de loi ne répond pas à tous les critères d’une véritable « révolution administrative », mais il va dans la bonne direction, celle de la simplification et de l’efficience de notre administration et de ses relations avec tous nos concitoyens. Pour l’ensemble de ces raisons, le groupe UDI votera en faveur de ce projet de loi. (Applaudissements sur de nombreux bancs.)

M. le président. La parole est à M. Paul Molac.

M. Paul Molac. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous voici en présence d’un troisième projet de loi d’habilitation à prendre des ordonnances, qui constitue la troisième partie du choc de simplification annoncé par le Président de la République. Le Gouvernement a choisi de recourir aux ordonnances prévues par l’article 38 de notre Constitution, au motif qu’il évitera ainsi l’examen par le Parlement de ces nombreuses dispositions techniques, qui entraînerait un encombrement excessif du travail parlementaire.

On pourrait regretter une telle décision, mais ce projet de loi a su rester dans un champ restreint qui se prête à un recours aux ordonnances. Par ailleurs, nous apprécions, madame la ministre, votre engagement portant sur l’association du Parlement aux travaux qui conduiront à la publication des ordonnances prévues par ce texte – puissiez-vous faire des émules parmi vos collègues ! En préalable à notre discussion sur le fond, nous souhaitons également attirer l’attention sur la nécessité que le légitime objectif de simplification ne dissimule pas un discours de dénigrement de l’administration et de l’encadrement liés aux procédures qui font l’architecture de notre système économique et social. Une simplification mal ficelée peut, en effet, aboutir à des dérives. La norme n’est pas qu’une contrainte, elle peut également être une garantie. C’est sans doute la raison pour laquelle la France demeure, en 2013, le premier pays pour les investissements américains en Europe. L’administration française et la qualité des services publics restent un gage de sécurité pour les investisseurs, a fortiori pour les citoyens.

Pour ce qui est du fond du projet de loi d’habilitation qui nous est aujourd’hui soumis, celui-ci fera indéniablement œuvre de simplification et de rationalisation dans la relation parfois houleuse qui lie les citoyens à leur administration. L’article 1er A contient la mesure phare du projet, qui instaure l’inversion de l’acception des décisions par l’administration en instaurant le fait que le silence gardé pendant deux mois par l’autorité administrative sur une demande vaudra acceptation, et non plus refus. C’est un changement que nous estimons très important.

La communication aux demandeurs des avis préalables, prévue à l’article 1er, est dans la même veine. Ces mesures inciteront l’administration à renforcer la transparence des procédures administratives. Il y aura des exceptions nécessaires, qu’il conviendra d’identifier clairement, en concertation avec les parlementaires et les acteurs concernés. L’article 1er instaure diverses mesures visant à l’établissement d’échanges avec l’administration par voie électronique. Ces mesures d’adaptation aux évolutions technologiques permettront à nos concitoyens d’avoir des relations rénovées avec leur administration. L’exemple du plébiscite de la télé-déclaration pour l’impôt sur le revenu nous montre que les citoyens font désormais confiance aux échanges électroniques, tout autant que l’administration est prête à sauter le pas technologique. De même, la reconnaissance des lettres recommandées par courrier électronique permettra de prendre en compte l’évolution des échanges postaux d’aujourd’hui et de faciliter la compilation des documents, tout autant qu’elle incitera à moins consommer de papier et à réduire l’empreinte carbone des échanges postaux.

Lors de l’examen du texte en commission, nous avions défendu un amendement visant à prendre en compte les difficultés accrues auxquelles sont confrontés les Français de l’étranger. Si celui-ci a été retiré, car n’entrant pas dans le champ de ce projet de loi, il n’en demeure pas moins que la question méritera un jour d’être traitée. En effet, les communications des Français de l’étranger avec les différentes administrations sont rendues plus difficiles par l’éloignement des consulats et des ambassades. Dans de nombreuses situations, l’obligation de fournir des documents originaux et le refus des copies numériques ralentissent de façon considérable les formalités administratives et multiplient les allers-retours postaux. D’autant que les services postaux et de communications peuvent être d’une qualité très médiocre dans certains pays.

Nous avions également défendu un amendement qui proposait de généraliser le recours à la voie électronique pour la diffusion des documents des autorités administratives, et de favoriser l’open data, dont de nombreuses expériences, au niveau local comme national, ont démontré l’intérêt. Nous avons été satisfaits de la réponse de la ministre, nous annonçant que le projet data.gouv.fr qui ouvre aux citoyens l’ensemble des données publiques, satisferait notre demande. La création, prévue à l’article 2, d’un code relatif aux relations entre le public et les administrations, permettra aux citoyens d’y voir plus clair dans les possibilités de démarches.

L’article 2 bis consiste à faciliter les échanges d’informations ou de données entre les administrations par ce que Mme la ministre appelle la procédure du « dites-le nous une seule fois ». Si nous comprenons l’objectif de recoupement de données visant à éviter la multiplication de fournitures de formulaires par les citoyens et les entreprises – Mme la ministre précisait qu’une petite entreprise est obligée d’envoyer 3 000 informations par an à l’administration –, nous vous invitons à être le plus rigoureux possible dans certains cas. Certes, vous avez mis des garde-fous, notamment en matière de secret médical, mais je ne peux que vous recommander la plus grande prudence : il est tout de même inquiétant de savoir des sociétés privées sont désormais habilitées à réaliser les procédures de codage des actes médicaux, ce qui leur donne l’occasion de consulter des dossiers médicaux qui pourraient ensuite être utilisés à mauvais escient.

L’article 3 prévoit l’habilitation du Gouvernement à modifier le code de l’expropriation pour cause d’utilité publique, qui, en dépit de deux précédentes habilitations législatives, n’a pu être modifié dans les délais. Enfin, l’article 4 transpose la directive adoptée par le Parlement européen et le Conseil le 11 mai 2011. Il s’agit là d’une mesure que nous soutenons pleinement, car elle vise à nous mettre en conformité avec le droit européen en renforçant les droits des bénéficiaires d’une protection internationale.

Au final, mes chers collègues, nous estimons qu’avec un tel projet de loi, nous faisons œuvre d’utilité dans la vie quotidienne de nos citoyens, ainsi que pour les agents administratifs appelés à leur rendre un service de bonne qualité. Nous ne craignons pas le recours aux ordonnances, ni le pouvoir réglementaire, et j’estime même que les régions devraient disposer de ce pouvoir – mais nous aurons certainement l’occasion d’en discuter dans le cadre de la prochaine loi de décentralisation ou de la loi sur les métropoles. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Je savais qu’il réussirait à en parler ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. Yves Goasdoué.

M. Yves Goasdoué. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des lois, mes chers collègues, on peut discuter tardivement de choses importantes.

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Ce qui n’empêche pas d’en parler brièvement !

M. Yves Goasdoué. J’ai bien compris, monsieur le président. (Sourires.)



Les lois inutiles affaiblissent les lois nécessaires, disait Montesquieu. J’ai un peu le sentiment que, trop souvent, nous avons voté des lois inutiles, dont l’accumulation nous conduit aujourd’hui à proposer une loi nécessaire. Cependant, madame la ministre, l’habilitation n’est pas une garantie, et les textes s’empilent depuis 2004. Gageons que, cette fois, le Parlement et le Gouvernement feront œuvre utile !

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Je l’espère !

M. Yves Goasdoué. La tâche est immense…

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Je vous le confirme !

M. Yves Goasdoué. …car il s’agit de faire entrer l’administration française dans la modernité, de faire en sorte que, peu à peu, cette administration arc-boutée sur ses prérogatives de puissance publique – comme on disait lorsque j’étais étudiant en droit – cède le pas à un État, des collectivités, des établissements publics en prise directe avec les usagers, qui échangent, qui répondent et construisent leurs décisions en toute transparence – car c’est bien de cela que nous parlons. Ce ne sera pas chose aisée car il s’agit, n’en doutons pas, d’une véritable révolution culturelle.

Faire en sorte que l’informatique entre dans le quotidien des collectivités locales, tout en protégeant les libertés individuelles, n’est pas une évidence. Faire en sorte qu’une administration – je pense en particulier à celles qui ne disposent pas de compétences particulières – se sente juridiquement saisie par un courrier électronique, se sente dans l’obligation d’y répondre, comme ce serait le cas avec un courrier classique, n’a rien d’évident.

Bien entendu, la mesure phare est celle qui consiste à inverser le principe ayant prévalu jusqu’alors, selon lequel le silence de l’administration vaut rejet : ce silence vaudra désormais acceptation, ce qui me paraît une bonne chose. Le projet de loi d’habilitation définit les contours du nouveau principe, qui se limite aux actes individuels. Il convient de faire preuve de vigilance car, l’enfer étant pavé de bonnes intentions, on peut se retrouver avec des décisions implicites d’acceptation parfaitement illégales et faisant grief à des tiers.

La modernité, c’est aussi en finir avec la « boîte noire », c’est-à-dire le secret du processus décisionnel de l’autorité administrative : l’administré doit désormais pouvoir voir au travers de la boîte noire. Notre collègue Guy Geoffroy a eu raison de souligner l’importance de ce principe, en particulier en matière de droit de l’urbanisme.

Madame la ministre, monsieur le président de la commission des lois, le texte que nous allons voter habilite le Gouvernement à réaliser un travail gigantesque. Je souhaite que cette réforme soit pragmatique, qu’elle tienne compte des capacités des agents publics et des collectivités territoriales. En un mot, oui à la modernisation et à la simplification, non à l’empilement des obligations et des normes – mais je sais que le Gouvernement saura contourner cet écueil. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme Françoise Descamps-Crosnier.

Mme Françoise Descamps-Crosnier. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues – peu nombreux à cette heure –, le projet de loi qui nous est soumis à l’issue de la commission mixte paritaire ambitionne d’engager un vaste chantier, cela a déjà été maintes fois rappelé : celui de la simplification des relations entre l’administration et les citoyens. Dans un pays comme le nôtre où l’État de droit et son bras armé, l’administration, ont pris, de par l’histoire, une place considérable, simplifier leurs relations avec le corps social peut parfois sembler une gageure. Pourtant, depuis la décision du Président de la République d’engager notre pays dans un choc de simplification, indispensable au salut de sa compétitivité et à la confiance du corps social dans ses institutions, il faut saluer les efforts continus et répétés du Gouvernement pour concrétiser de manière opérationnelle cette volonté de la majorité. À cet égard, ce projet de loi d’habilitation doit permettre de répondre à ce qui est pour les citoyens une exigence. Il fait écho au projet de loi d’habilitation à prendre par ordonnances diverses mesures de simplification et de sécurisation de la vie des entreprises voté en première lecture par notre assemblée au début du mois, notre excellent collègue Jean-Michel Clément en sait quelque chose pour s’être particulièrement investi sur le sujet.

Le Parlement prend toute sa part de ce travail de simplification normative et administrative, avec un certain consensus dont nous pouvons nous féliciter. C’est donc toute la République qui est tendue vers l’objectif de rationalisation et de simplification de la règle. Notre travail participe de la nécessaire intelligibilité et accessibilité de la loi, objectifs à valeur constitutionnelle. Notre assemblée est donc amenée à permettre au Gouvernement, par ce projet de loi, de procéder par voie d’ordonnances pour faire avancer un certain nombre de sujets, dont la plus grande dématérialisation des procédures administratives n’est pas le moindre. Il s’agit de mettre l’administration en conformité avec les capacités technologiques et les exigences de notre temps. En effet, la façon de vivre et, partant, les attentes de nos concitoyens ont profondément changé ces deux dernières décennies. Ils sont entrés dans l’ère numérique bien plus vite que nos administrations n’ont pu le faire et, chemin faisant, ils sont devenus l’aiguillon de la réforme administrative : le pouvoir central tend moins à indiquer à nos concitoyens le chemin à suivre qu’il ne répond aux nouvelles demandes que le corps social lui adresse.

Le cœur nucléaire du projet de loi en est l’illustration : la transition du régime de refus tacite des administrations vers un régime d’accord tacite en cas de silence des administrations au-delà d’un délai de deux mois lorsque celles-ci sont saisies sur une demande individuelle des citoyens, représente une petite révolution dont je ne suis pas sûre que nous appréhendions encore toute la portée. Alain Richard l’a rappelé lors de l’examen du texte au Sénat : le renversement que nous nous apprêtons à voter consiste à accorder une priorité de principe à l’intérêt particulier sur l’intérêt général, une priorité mais non une supériorité. Il n’en demeure pas moins que réside là un risque que des décisions irrégulières du point de vue du droit puissent passer, ce qui représenterait un manquement inacceptable. Aussi, l’encadrement strict de ce renversement dans le texte apporte des garanties bienvenues.

Mais notre vigilance ne doit pas seulement se borner au droit : celui-ci vit à travers les administrations qui ont la charge de le mettre en œuvre. À n’en pas douter, cette modification induit pour elles et pour leurs agents un renversement des méthodes de travail. Il s’agit pour le pouvoir central d’accompagner au mieux non seulement ses propres agents dans cette réforme, mais également les agents des autres acteurs publics, je pense tout particulièrement aux collectivités territoriales. Je n’ai pas de doutes sur leurs capacités d’adaptation : s’adapter, c’est un maître mot de nos administrations. Le Livre blanc sur l’avenir de la fonction publique, en 2008, avait érigé l’adaptabilité au rang de valeur professionnelle de la fonction publique, et les agents qui auront à mettre en œuvre les mesures prévues par le futur code relatif aux relations entre le public et les administrations auront à cœur de participer à l’amélioration des relations des services publics dont ils ont la charge avec les citoyens-usagers.

Mais il est indispensable, pour éviter les écueils que j’évoquais un peu plus tôt, d’accompagner au mieux le changement. J’appelle particulièrement l’attention du Gouvernement sur cette question essentielle et je me réjouis que vous ayez, madame la ministre, indiqué que les parlementaires, ainsi que les collectivités territoriales, seraient associés aux travaux. Il faut faire œuvre et vigilance communes sur un tel sujet !

« L’abondance est le fruit d’une bonne administration », nous rappelle Jean Jaurès ; puisse cette idée guider notre action dans la mise en œuvre de la future loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean-Yves Le Déaut et Mme Elisabeth Pochon. Très bien !

M. le président. La discussion générale est close.

Vote sur l’ensemble

M. le président. Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi, compte tenu du texte de la commission mixte paritaire.

(L’ensemble du projet de loi est adopté.)

3

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, demain, à neuf heures trente :

Discussion, en procédure d’examen simplifié, de quatre projets de loi autorisant la ratification de conventions internationales ;

Discussion du projet de loi pour la réalisation et l’exploitation d’une nouvelle ligne ferroviaire Lyon-Turin ;

Discussion, sur le rapport de la commission mixte paritaire, des projets de loi relatifs à l’indépendance de l’audiovisuel public.

La séance est levée.

(La séance est levée, le jeudi 31 octobre 2013, à zéro heure trente-cinq.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance



de l’Assemblée nationale



Nicolas Véron