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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2013-2014

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du mercredi 27 novembre 2013

Présidence de M. Christophe Sirugue

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

1

Programmation militaire 2014-2019

Suite de la discussion d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, relatif à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense et la sécurité nationale (nos 1473, 1551, 1531, 1537, 1540).

Discussion générale (suite)

M. le président. Cet après-midi, l’Assemblée a continué d’entendre les orateurs inscrits dans la discussion générale.

La parole est à M. Jean-Yves Le Déaut.

M. Jean-Yves Le Déaut. Le Président de la République a sanctuarisé le budget de la défense ; nous vous en félicitons, monsieur le ministre de la défense. Il maintient la France à un niveau d’ambition élevé sur la scène internationale, comme on a pu le vérifier récemment sur les dossiers du Mali, de la Syrie et de l’Iran.

L’armée remplit une triple mission : assumer la protection du territoire et de la population française, mettre en œuvre la dissuasion militaire et intervenir sur les théâtres extérieurs.

La loi de programmation militaire que nous examinons maintient l’essentiel des programmes d’équipements et stabilise les études amont – il les augmente même, comme vous l’avez dit hier à M. Fillon – à hauteur de 730 millions d’euros par an, ce qui nous permet de préparer l’avenir, car ces études constituent le socle des innovations technologiques de demain.

La présente loi lance également de nouveaux programmes que nous avons demandés lors de l’examen du budget, comme ceux qui permettent d’acquérir des drones longue endurance, ou encore des satellites d’observation et d’écoute.

Je voudrais insister particulièrement sur le chapitre II de cette loi qui affiche une priorité à l’amélioration de nos capacités de renseignement et de cyberdéfense, qui sont mises en relation étroite.

L’affaire Snowden a révélé que l’État était devenu, depuis plus de dix ans, aveugle et sourd. À quoi sert de classifier des documents « confidentiel défense » si nos réseaux, nos données et nos produits sont accessibles à tous les hackers de la planète, mais également à des gouvernements qui n’ont pas hésité à détourner des documents confidentiels et à espionner nos ambassades ? La cyberdéfense est le cinquième espace de combat, après la terre, l’air, la mer et l’espace. Cette loi pose les bases qui vont permettre au Premier ministre de définir la politique et de coordonner l’action gouvernementale en matière de sécurité des systèmes d’information.

L’article 14 – c’est un point majeur – donne enfin une sécurité juridique aux opérations techniques qui permettent tant la prévention d’attaques informatiques que leur traitement. On ne peut que constater la recrudescence des opérations d’espionnage informatique, de déstabilisation d’entreprises ou même d’États, de saturation de réseaux et de services essentiels ou encore de sabotages informatiques.

Nos équipements sont d’autant plus vulnérables qu’ils comportent tous aujourd’hui des briques numériques de provenances diverses. Cette loi élabore une doctrine française en matière de cyberdéfense ; elle conforte la souveraineté de l’État dans la protection de l’information ; elle permet une meilleure sécurisation des systèmes d’information des entreprises les plus sensibles, notamment des opérateurs d’importance vitale qui seront tenus de notifier les incidents significatifs ; enfin, elle positionne la France comme une nation majeure en matière de sécurité et de cyberdéfense. En permettant à certains services de l’État de pénétrer dans des systèmes tiers, on pourra mieux comprendre et déjouer les cyberattaques.

On ne peut que déplorer la naïveté de la loi précédente, car déjà à cette époque on connaissait les grandes oreilles d’Échelon, dans le Yorkshire, au service du renseignement électronique américain. La loi précédente ne permettait pas de désassembler des logiciels, de débrider des systèmes d’exploitation, de vérifier les flux informatiques ou de faire de la rétro-ingénierie pour mieux comprendre la nature des menaces. Elle ne donnait pas les moyens de tracer les flux véhiculant des logiciels malveillants. Les services de renseignement étaient techniquement performants, mais juridiquement impuissants.

La présente loi de programmation permet également, quand la sécurité du pays est en jeu et dans certaines conditions, les interceptions de communications, les captations de données informatiques ou les interceptions de correspondance. Il faut sans doute aller plus loin pour que ces nouvelles possibilités juridiques ne restent pas des vœux pieux mais soient effectivement opérationnelles. Il faut, comme je le précisais dans le débat budgétaire, encourager davantage les échanges entre la défense, le monde académique et l’industrie. Le monde cyber est dual : 60 % de la recherche actuelle sur ces thématiques sont assurés dans le domaine civil. Il faut, à mon sens, passer à la vitesse supérieure et autoriser les meilleurs laboratoires de recherche à mener, en lien avec l’armée et sous le contrôle du Premier ministre, des recherches offensives.

Il faut, enfin, mieux informer le grand public du risque numérique, le sensibiliser à la nécessité d’une hygiène informatique et mieux coopérer au niveau européen en matière de cybersécurité et de cyberdéfense. Ces nouvelles possibilités et cette nouvelle ambition seront, grâce à la LPM, accompagnées de l’amélioration du contrôle parlementaire de l’activité des services de renseignement. Nous vous en félicitions.

Il faut prendre les menaces au sérieux, ce qui suppose de mieux les connaître. Le cyberespace est un nouveau terrain d’affrontement. La cybersécurité doit devenir une grande cause nationale si l’on veut préserver les intérêts fondamentaux de la nation, car c’est bien un enjeu de souveraineté. La loi de programmation militaire que nous allons voter doit nous permettre d’y parvenir ; nous vous en remercions. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Goujon.

M. Philippe Goujon. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, alors que la loi de programmation militaire prévoit de faire du ministère de la défense l’un des plus importants contributeurs à l’effort de réduction des effectifs, il faut rappeler que, s’il représente 10 % des emplois publics de l’État, il comptera pour 60 % des suppressions de postes prévues au budget 2014. Je voudrais donc aujourd’hui relayer les inquiétudes des militaires et de leurs familles, qui ne savent toujours pas si leur base ou leur régiment sera touché après 2014 par les restructurations, s’ils devront déménager et rescolariser leurs enfants dans une autre ville.

La vision comptable ne doit pas obérer l’absolue nécessité pour l’armée de rester attractive, aussi bien du point de vue de la diversité des métiers auxquels elle forme que de celui de la juste rémunération d’un engagement personnel total. L’armée a besoin d’engagement et de compétences.

La loi de programmation prévoit des mesures de dépyramidage afin de réduire la masse salariale, mais il n’est écrit nulle part que les économies dégagées permettront de revaloriser la condition militaire. Or les dernières mesures catégorielles prévues en faveur des personnels, évaluées à 55 millions, restent en attente d’application. Les mesures d’incitation au départ anticipé sont également inférieures à celles prévues par la précédente loi de programmation.

Qu’est-il proposé, monsieur le ministre, pour aider véritablement les militaires concernés, notamment les officiers qui sont invités par le Livre blanc à se réinsérer dans la vie professionnelle post-défense ? Le dispositif actuel d’aide à la reconversion, s’il a montré sa relative efficacité – il faut le reconnaître – vis-à-vis des militaires du rang et des sous-officiers, est loin de parvenir encore à aider les officiers à retrouver un emploi civil. Alors que les officiers sont majoritairement visés par votre plan de réduction d’effectifs, que comptez-vous faire pour soutenir le commandement et les initiatives particulières d’appui à la reconversion institutionnelle ? La loi de programmation évoque la reconversion dans d’autres emplois publics. Pourquoi, dès lors, au lieu de ce jeu de vases communicants, ne pas préserver ces emplois au sein du ministère de la défense ?

Par ailleurs, les avantages en nature de la condition militaire ne sont plus ce qu’ils étaient. Les casernements sont vétustes, voire pour certains insalubres, et l’armée n’a plus les moyens de les entretenir. Le ministère compte sur la vente d’emprises foncières, notamment à Paris, pour alimenter les ressources exceptionnelles attendues. Pouvez-vous nous préciser quelles sont ces emprises ? Si elles devaient être cédées à la Ville de Paris à un prix symbolique, en application de la loi Duflot, cela diminuerait d’autant l’apport financier indispensable qu’elles sont censées constituer.

Le chef d’état-major de l’armée de terre lui-même a exprimé au Sénat ses inquiétudes sur la cohérence du modèle d’armée à venir, mais aussi sur les conditions d’exercice du métier militaire et sur les conditions de vie du personnel. À titre d’exemple, le plan VIVIEN d’hébergement des militaires du rang, qui devait initialement être bouclé en 2013, a été reporté en 2017, ce qui oblige nombre des personnes concernées à se loger dans des conditions précaires. Le cadrage budgétaire pourrait même obliger à revoir à la baisse le standard d’équipement du combattant et à diminuer les droits à dotation, au risque de créer des situations de pénurie temporaire d’équipement des forces en cas de déclenchement d’une intervention d’urgence. Même la qualité de l’alimentation se dégrade, avec un coût des denrées par repas réduit à trois euros et vingt centimes.

Vous ne prévoyez aucun investissement non plus en matière d’innovation, ce qui va obérer la capacité opérationnelle de nos forces et mettre en péril de nombreuses PME, en contradiction avec le pacte gouvernemental défense PME qui peine aujourd’hui à prendre corps, comme a pu le signaler récemment le conseil des industries de défense. Depuis un an, sa mise en œuvre est jugée par les acteurs industriels comme trop lente et manquant de pragmatisme. L’Observatoire économique de la défense englobe les 27 000 fournisseurs du ministère de la défense et les 4 000 PME et ETI de la base industrielle et technologique de défense, qui représentent pourtant des forces d’innovation, d’emploi et d’excédent commercial de notre pays. Or ces entreprises sont en attente et, pour certaines d’entre elles, déjà moribondes.

Selon le chef d’état-major de l’armée de terre, vous prenez le risque, induit par une baisse du moral des troupes, d’affecter notre capacité opérationnelle. La question importante du conjoint du militaire n’est pas non plus abordée, alors que l’on sait les difficultés d’une vie rythmée par les affectations, les déménagements et l’incertitude sur l’avenir, liée à la nature de l’engagement consenti et à l’éventualité – particulièrement dans le contexte actuel – que le contrat ne soit pas renouvelé.

Enfin, monsieur le ministre, je tiens à dire la déception qui est la mienne, en ma qualité de maire de l’arrondissement où doit être située la future implantation du ministère de la défense, à Balard : depuis un an et demi, je suis en attente d’un contact avec vous, alors que nombre de questions restent posées quant aux conséquences du fonctionnement d’un ensemble aussi considérable dans un quartier de Paris en pleine mutation.

M. Jean Launay, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Il faut assister aux réunions de chantier !

M. Philippe Goujon. Dans un contexte géostratégique marqué par le redéploiement stratégique des États-Unis vers les théâtres opérationnels de l’Asie et du Pacifique, la France devra assumer un leadership régional, poursuivre son engagement au sein de l’OTAN et relancer l’Europe de la défense. Reste, dans un contexte budgétaire contraint, à donner corps durablement à cette ambition. Toute diminution de moyens induirait en effet inéluctablement l’abandon d’une composante – au moins – de notre autonomie stratégique.

M. Gwenegan Bui, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères. Silence consterné de l’Assemblée !

M. le président. La parole est à Mme Bérengère Poletti.

Mme Bérengère Poletti. Monsieur le président, madame la présidente de la commission de la défense nationale et des forces armées, mesdames, messieurs les rapporteurs, monsieur le ministre de la défense, mes chers collègues, la loi de programmation militaire est un exercice capital pour la défense car elle fixe pour les cinq années à venir les grandes orientations stratégiques, politiques, budgétaires et industrielles d’un secteur dédié à la défense du pays et au soutien de nos valeurs démocratiques et républicaines. Mais les conséquences de la présence ou de l’absence de ce secteur dans nos territoires peuvent être également déterminantes pour le développement économique et social.

Le Livre blanc de 2013 sur la défense et la sécurité nationale, ainsi que cette loi de programmation militaire pour la période 2014-2019, contiennent malheureusement des mesures qui affaibliront durablement nos capacités en matière de défense. La programmation s’établit, sur la période 2014-2019, à 190 milliards d’euros hors pensions, dont plus de 6 milliards reposent sur des recettes exceptionnelles dont la réalité reste à démontrer. Cela s’ajoute à la déflation des effectifs déjà largement entamée puisqu’elle concerne plus de 33 000 emplois. Or, nous le voyons bien, le besoin de financement des opérations extérieures devient majeur, avec le Mali hier, la Centrafrique demain – pour la Syrie, il s’en est fallu de peu.

Dans un contexte économique et budgétaire difficile, la défense est considérée une fois de plus comme l’une des premières variables d’ajustement budgétaire.

Les principales missions de l’armée sont de permettre à la France de protéger son territoire, d’organiser la dissuasion nucléaire et d’être en mesure d’intervenir dans le cadre de missions extérieures.

Les menaces sont d’un nouveau genre ; les relations internationales ont été complètement modifiées au cours des soixante dernières années ; la technologie a considérablement progressé et la présence tactique de l’armée doit bien évidemment s’adapter aux nouvelles contraintes. Regrouper les casernes, renforcer la présence militaire sur des bases hautement stratégiques pour la défense du pays et développer des technologies nouvelles, par exemple les drones : ce sont là autant d’axes de réforme qui doivent, bien évidemment, être déclinés par l’état-major de l’armée dans la loi de programmation 2014-2019, comme dans la précédente. Cependant, en ce qui concerne les conséquences de la restructuration au niveau local, les territoires ne vont pas encaisser les coups de la même manière selon la valeur foncière de leurs terrains ou le contexte socio-économique.

Pour certains, avec un accompagnement significatif du ministère de la défense, une valorisation foncière des terrains abandonnés par l’armée et une restructuration des bâtiments, il peut y avoir des occasions de développement économique – je pense au secteur du logement et à l’installation d’établissements publics ou privés susceptibles de rendre des services supplémentaires à la population.

Chez nous, dans les Ardennes, terre ô combien touchée par tous les conflits qui ont traversé notre pays ces derniers siècles et où les habitants sont extrêmement attachés à la présence militaire, les choses ne se présentent pas du tout de cette manière.

Les arguments d’aménagement du territoire, même s’ils n’entrent pas dans la stratégie militaire et on le comprend, doivent être entendus par le Gouvernement. Le départ du 12e régiment de chasseurs de Sedan, dans les années 1980, a eu un impact économique et social terrible sur ce bassin de vie. Le chômage y est très important et les Ardennais ont coutume de dire que le coup porté par l’armée a été fatal à la région.

Aujourd’hui, l’émotion est grande dans les Ardennes, puisqu’une fois encore, il est question du départ du 3e régiment du génie de la ville chef-lieu. En effet, le Livre blanc 2013 annonce l’éventuelle dissolution de ce régiment, présent chez nous depuis 1947.

La menace n’est pas nouvelle. À chaque livre blanc son lot de fermetures de structures militaires, obligeant évidemment les élus locaux à réagir. En 2008, l’ensemble des élus de la majorité, accompagnés des élus de l’opposition, avaient organisé l’union sacrée autour de son régiment du génie. C’est tous unis que nous nous étions rendus à plusieurs reprises au ministère de la défense, pour faire connaître les conséquences difficiles de telles décisions sur le tissu économique et social local.

Le conseil général des Ardennes a beaucoup contribué, alors, à emporter la décision politique de maintenir le 3e régiment du génie à Charleville-Mézières, puisqu’il a consacré 2,6 millions d’euros à des travaux utiles au maintien de cette garnison dans les Ardennes. De plus, les effectifs ont été renforcés puisque, actuellement, ce sont plus de mille militaires qui sont présents dans ce régiment ardennais.

Mais qu’a fait le cabinet du ministre de la défense, lorsqu’il a été sollicité par les élus ardennais en 2013 ? Il a d’abord reçu les élus de gauche, sans aucun égard pour le président du conseil général des Ardennes, et ensuite les élus de droite, séparément…Quel sectarisme ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Monsieur le ministre, je pense qu’il serait plus raisonnable d’éviter de faire de la politique politicienne sur de tels sujets : ce n’est pas la meilleure manière de convaincre les Ardennais de votre bonne volonté.

Qu’a annoncé le Gouvernement en septembre dernier ? Les fermetures de 2014, mais rien sur celles de 2015 à 2019… Mais c’est vrai, il y a des élections municipales en 2014…

M. Jean Launay, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Pas vous, madame !

M. Richard Ferrand. Quelle déception !

M. Gwenegan Bui, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères. Et l’escadron de Rennes, sous Sarkozy ?

Mme Bérengère Poletti. …et vous avez préféré cacher des décisions qui pourraient vous être préjudiciables lors de ces élections et laisser nos territoires dans le doute.

Monsieur le ministre, je souhaite qu’aujourd’hui vous puissiez nous annoncer le maintien durable du 3e régiment du génie dans les Ardennes et que vous nous fassiez des annonces qui concernent nos territoires sur la totalité de la loi de programmation, dans l’intérêt de nos territoires comme des militaires concernés. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Richard Ferrand.

M. Richard Ferrand. Presque au terme du débat approfondi qui s’est déroulé depuis hier dans cet hémicycle, permettez-moi d’aborder un sujet que je crois essentiel, sans prétendre pour autant que le meilleur ait été gardé pour la fin.

De toute première importance sont en effet les services de santé des armées, dont vous avez eu l’occasion récemment, monsieur le ministre, de réaffirmer le rôle central.

Au commencement est l’édit du 17 janvier 1708, qui établit les services de santé militaires. Unifiés au sein du Service de santé des armées en 1962, ils ont une longue histoire d’adaptation aux évolutions de la société et de ses forces armées.

Aujourd’hui, le SSA joue un rôle essentiel, qu’il s’agisse du soutien aux soldats ou de la stratégie de défense et de sécurité nationale définie dans le Livre blanc.

Il s’appuie sur cinq grandes composantes indissociables : la médecine des forces, c’est-à-dire le soutien opérationnel, cœur de métier du service, qui s’articule autour de cinquante-cinq centres médicaux des armées intégrés aux bases de défense ; la médecine hospitalière, qui comprend neuf hôpitaux d’instruction des armées, chargée d’hospitaliser les blessés et de former des spécialistes entraînés et disponibles pour la projection ; la formation de l’ensemble des personnels médicaux ; la recherche biomédicale de défense, qui confère au SSA son rôle d’agent principal de protection des populations, en cas de risque nucléaire, radiologique, bactériologique et chimique ; enfin, le ravitaillement sanitaire.

Acteur à l’efficacité reconnue, le SSA est néanmoins sous tension et les évolutions des mondes de la santé et de la défense lui imposent de s’adapter en permanence. Depuis une vingtaine d’années, le SSA a déjà entrepris d’importantes réformes ; aujourd’hui, il accélère sa mutation : c’est tout le sens du projet « SSA 2020 ».

Ce véritable changement de modèle obéit à un double principe de concentration et d’ouverture dynamique sur les enjeux de santé publique.

Le principe de concentration a pour objectif de recentrer le SSA, en vue de densifier les moyens, sur sa mission première de soutien de santé opérationnel. Ce soutien est évidemment crucial à chaque déploiement, depuis la préparation opérationnelle médicale du combattant jusqu’à sa réinsertion, en passant par les interventions sur le terrain.

Centré sur l’opérationnel, ce modèle est conforme aux ambitions stratégiques de la France. Il concerne la réactivité des armées, leur capacité à entrer en premier sur un théâtre d’opérations et à s’adapter à la multiplicité des formes d’engagement. Les exemples récents, je pense bien sûr au Mali, nous rappellent son importance et nous devons nous assurer de le conserver et de l’améliorer encore.

L’excellence s’impose : on ne saurait concevoir une mission sans la garantie d’un soutien médical au meilleur niveau et sur l’ensemble du spectre. C’est un devoir de la nation envers ses soldats qui risquent leur vie et c’est une question d’efficacité de nos armées.

Le second principe est celui de l’ouverture du SSA au service public de santé. Il a pour objectif d’améliorer le dialogue avec les acteurs de la santé publique, en visant à intégrer davantage le SSA dans l’offre de soins des territoires de santé.

Cette ouverture est en effet nécessaire à plusieurs titres : pour la performance technique, grâce à une collaboration avec les meilleurs professionnels de santé, et pour des raisons d’efficience économique.

Il s’agit d’optimiser les coûts et les services rendus par les hôpitaux militaires et de maintenir les investissements indispensables à des prestations de qualité. En clair, les synergies entre les hôpitaux civils et militaires doivent s’amplifier, pour atteindre plusieurs objectifs d’intérêt général. La formation des femmes et des hommes qui exercent dans les hôpitaux d’instruction des armées a tout à gagner d’interactions amplifiées avec les hôpitaux civils, pour partager les connaissances et les pratiques.

La maîtrise de certains domaines bien particuliers, comme la traumatologie ou la chirurgie thoracique, sont de nature à renforcer l’offre de compétences.

Enfin, certaines zones de notre territoire doivent aussi bénéficier à plein de la présence des hôpitaux militaires pour renforcer localement l’offre publique de soins, parfois défaillante ici ou là. Mais aussi vrai que le partage et l’action commune de ces services de santé se rejoignent dans l’intérêt public, le SSA doit conserver ses valeurs propres et sa singularité dans la disponibilité et la réactivité de ses personnels, dont les missions obéissent d’abord et avant tout aux impératifs de la défense nationale.

Bien que le présent projet de loi ne soit pas bavard sur le sujet, je suis convaincu, monsieur le ministre, que vous aurez à cœur de renforcer le lien indéfectible qui unit nos armées à leur service de santé, dont la vocation qui est d’être auprès de nos soldats dépasse les seuls théâtres d’intervention, pour répondre aux exigences de santé publique dans l’intérêt de tous nos concitoyens, civils et militaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Patrick Hetzel.

M. Patrick Hetzel. Au terme de cette discussion générale de la loi de programmation militaire, force est de constater que beaucoup d’arguments ont déjà été avancés pour mettre en perspective le manque d’ambition de celle-ci, alors que le monde que nous connaissons devient de plus en plus instable.

Je voudrais profiter de cette intervention pour aborder un point particulier de votre politique de défense sur lequel je m’interroge. En effet, je voudrais vous faire part, comme je l’ai déjà fait par écrit avec un grand nombre de mes collègues parlementaires, les présidents des conseils généraux du Bas-Rhin et du Haut-Rhin et le président du conseil régional d’Alsace, de notre profond désaccord et de nos inquiétudes, suite à votre récente annonce de la suppression du 110e régiment d’infanterie de Donaueschingen, en Allemagne.

Certes, je comprends la nécessité pour la défense de contribuer à l’effort de redressement des comptes publics, mais je souhaite néanmoins appeler votre attention sur les conséquences très préjudiciables qu’aurait la suppression de ce régiment, aussi bien pour la pérennité de la Brigade franco-allemande que pour l’avenir de la coopération européenne en matière de défense.

M. Yves Fromion. Évidemment !

M. Patrick Hetzel. En effet, alors que nous sommes, en Alsace, comme vous le savez, très attachés à la coopération franco-allemande, notamment en matière de défense, force est de constater que la dissolution du 110e régiment d’infanterie serait de nature à remettre profondément en cause l’équilibre même de la Brigade franco-allemande, fondée sur une implantation équivalente des forces des deux pays de part et d’autre du Rhin.

M. Yves Fromion. Très bien ! C’est ça, la réalité !

M. Patrick Hetzel. Votre homologue allemand n’a d’ailleurs pas manqué de réagir, suite à l’annonce de cette suppression, qui aurait sans nul doute mérité une véritable discussion entre partenaires, plutôt qu’une décision unilatérale de la part des seules autorités françaises.

En outre, je suis persuadé que le couple franco-allemand est et doit rester le socle indéfectible de la construction européenne, et cela est d’autant plus vrai dans le domaine de la défense, quand les États européens n’ont aujourd’hui d’autre choix que de mutualiser leurs efforts pour espérer maintenir des capacités opérationnelles crédibles et ainsi peser sur la scène internationale.

M. Yves Fromion. Très bien !

M. Patrick Hetzel. Or, la dissolution du 110e régiment d’infanterie porte non seulement atteinte à la pérennité de la Brigade franco-allemande, mais également à l’avenir de notre défense européenne, dont le renforcement est pourtant indispensable. La Brigade franco-allemande est une réalisation concrète, qui participe pleinement à la construction d’une véritable Europe de la défense, comme le Sénat l’a rappelé dans un amendement adopté lors de l’examen de la loi de programmation militaire dont nous sommes en train de débattre.

En tout état de cause, à quelques jours du Conseil européen de décembre qui sera consacré aux questions de défense, la suppression du 110e régiment d’infanterie envoie un signal particulièrement négatif à nos partenaires européens, ce que je regrette vivement.

M. Yves Fromion. Excellent rappel à l’ordre !

M. Patrick Hetzel. Pour finir, il semble évident, monsieur le ministre, qu’une telle décision ne relève pas uniquement du contrat opérationnel de nos armées, mais comporte bien une dimension éminemment stratégique et politique, puisque le 110e régiment d’infanterie est, à ce jour, le dernier régiment français présent sur le sol allemand.

M. Francis Hillmeyer. Eh oui !

M. Patrick Hetzel. Cette question ne saurait donc nullement s’apprécier à la seule aune d’une variable d’ajustement budgétaire et mérite d’être discutée, notamment ici, au Parlement.

Dans le même temps, j’appelle dès à présent à un dialogue ouvert avec l’ensemble des élus concernés, aussi bien en France qu’en Allemagne, afin de trouver une solution acceptable et équilibrée, capable de conforter l’existence de la Brigade franco-allemande tout en ouvrant la réflexion sur son engagement opérationnel ainsi que sur sa doctrine d’emploi.

Car ne nous y trompons pas : malgré certaines critiques dont elle a pu faire l’objet, cette brigade reste plus que jamais un symbole fort de la réconciliation franco-allemande, qu’il convient de préserver dans la perspective d’un approfondissement de la politique de sécurité et de défense commune de l’Union européenne.

M. Francis Hillmeyer. Évidemment !

M. Patrick Hetzel. Je suis certain, monsieur le ministre, que mes arguments méritent une attention particulière et que vous saurez revenir sur ce qui ne me semble être à ce stade qu’un projet extrêmement malvenu. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Cresta.

M. Jacques Cresta. Sans être un spécialiste des questions de défense, j’ai jugé important d’être présent ce soir, afin d’aborder ce projet de loi de programmation militaire sous un aspect qui me semble essentiel : celui de l’emploi.

Je ne suis naturellement pas le seul, ni le premier, à souligner ici la haute qualité de notre industrie de défense. Le rapport annexé rappelle utilement les perspectives matérielles qui sont celles de l’armée française. Les récentes interventions extérieures nous ont permis de définir avec beaucoup de précision quels seront les besoins de notre armée à l’avenir et combien déterminant sera le rôle de nos entreprises du secteur pour élaborer les matériels efficaces et pertinents.

Dans cette perspective, cette loi de programmation rompt avec les précédentes, qui sacrifiaient trop souvent des équipements utiles. Pour produire ces équipements, nous bénéficions d’un tissu industriel exceptionnel, d’un faisceau d’entreprises dans lesquelles l’État a conservé une importante participation.

Ce tissu industriel n’est pas seulement important pour assurer un approvisionnement sûr en équipements, il l’est aussi pour notre dynamisme économique : il représente 165 000 emplois, répartis sur tout le territoire, dont 20 000 hautement qualifiés.

Nous devons donc être satisfaits du maintien des différents programmes. Il est essentiel de préserver les principaux secteurs de compétences de notre industrie de défense et le Gouvernement prend les engagements qui s’imposent. Il est également important de maintenir notre excellence dans le domaine de la recherche et des technologies car c’est dans cette préparation essentielle que se construisent les futurs chiffres d’affaires de nos entreprises.

Les chiffres sont clairs : en moyenne annuelle, les crédits destinés aux études représenteront 730 millions par an et la définition des priorités, attentive à la fois à notre situation actuelle et aux perspectives d’avenir concernant les équipements et matériels, montrent que ce gouvernement fait preuve d’une véritable vision en la matière.

Je tiens également à souligner l’importance que revêt à mes yeux la présentation annuelle d’un rapport au Parlement sur l’exécution de cette loi. C’est pour moi un signe de reconnaissance du travail parlementaire et de l’évidente volonté de clarté exprimée par ce gouvernement.

M. Christophe Guilloteau. Cela n’a rien à voir.

M. Jacques Cresta. Nous sommes donc loin des hésitations de la précédente majorité (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

M. Yves Fromion. Ben voyons !

M. Nicolas Dhuicq. Celle de Lionel Jospin !

M. Jacques Cresta. …qui nous ont fait prendre un retard considérable sur des matériels devenus essentiels et qui ont également mis en difficulté des PME, des PMI ou des ETI.

Ce gouvernement renforce la coopération avec la recherche civile et nous devons nous en féliciter.

Mais je tenais aussi à dire un mot sur les exportations, qui représentent aujourd’hui 30 % du chiffre d’affaires de nos entreprises de défense. Sur ce sujet, nous discutons dans des circonstances assez particulières. En effet, nous allons examiner bientôt dans cet hémicycle le nouveau Traité international sur le commerce des armes adopté par l’Assemblée générale des Nations unies le 2 avril dernier.

Je ne vous l’apprends pas : les deux directives de la Commission européenne formant le « paquet défense » constituaient jusqu’à présent l’une des législations les plus abouties sur cette question, la position commune de décembre 2008 du Conseil européen relative au contrôle des exportations de technologie et d’équipement militaires étant quant à elle à l’honneur de l’Union et de ses États membres.

M. Yves Fromion. Très bien !

M. Jacques Cresta. Je pense en particulier à certains de ses critères pour l’octroi d’autorisations : lutte contre les risques de détournement de technologie ou des équipements militaires ou de réexportation de ceux-ci dans des conditions non souhaitées ; compatibilité des exportations avec la capacité technique et économique du pays destinataire.

Ces contraintes sont justes et nécessaires et nous avions raison de les instaurer. Nous devons donc nous féliciter de la mise en place de normes internationales régulant plus sévèrement le commerce de l’armement à l’échelle mondiale : l’Union européenne a ouvert la voie…

M. Nicolas Dhuicq. …d’eau !

M. Jacques Cresta. …et nous devons en être satisfaits.

C’est une avancée pour le bien de l’humanité mais, plus pragmatiquement, sans être cynique, c’est également une bonne nouvelle pour nos entreprises qui pourront enfin, à terme, lutter économiquement à armes égales avec des entreprises déloyales qui ne pensent qu’à leurs profits et qui devront respecter des règles de plus en plus contraignantes, au bénéfice de tous. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Yves Fromion. Ah ! La gauche ! Jaurès avec nous !

M. le président. Je vous remercie.

Les différents orateurs s’étant exprimés pendant la discussion générale, la parole est à M. le ministre de la défense.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense. Monsieur le président, madame la présidente de la commission de la défense, monsieur le président de la commission des lois, madame la rapporteure, messieurs les rapporteurs, mesdames et messieurs les députés, en reprenant la parole au terme de la discussion générale, je voudrais d’abord remercier l’ensemble des orateurs.

Quelle que soit leur position, leurs interventions ont rappelé toute l’attention que la Nation portait, à travers ses représentants, aux enjeux qui s’attachent à notre politique de défense et à son renouvellement. Ce premier consensus, autour de l’importance du sujet dont nous débattons ici, me semble fondamental.

La Défense nationale, en effet, n’intéresse pas certains Français en particulier quand d’autres seraient moins concernés. Elle réunit tous nos concitoyens face à des défis communs et elle les rassemble dans l’unité d’un destin, celui d’un pays, la France, qui évolue dans un environnement stratégique complexe, incertain, qui voit des menaces peser sur sa sécurité et sur celle de l’Europe.

J’ai écouté avec, je crois, beaucoup d’attention toutes les voix qui se sont exprimées depuis hier. Nombre d’entre elles sont allées dans le sens de ce projet de loi de programmation militaire, qu’elles ont d’ailleurs déjà contribué à enrichir dès les échanges qui ont eu lieu en commission.

Je salue à cet égard le président Bruno Le Roux, qui a rappelé avec Philippe Nauche et Christophe Léonard combien il est important de ne pas « baisser la garde ». Je pense aussi au député Stéphane Saint-André, qui a exprimé pour son groupe un soutien d’ensemble, très informé et argumenté, ce dont je le remercie.

D’autres voix, sur des sujets divers, ont bien sûr fait entendre un écho plus discordant, mais je sais gré à plusieurs représentants de l’opposition de s’être exprimés sans esprit partisan et avec hauteur – l’enjeu le mérite bien – ; je pense en particulier aux interventions significatives de MM. Cornut-Gentille, Lellouche, Lefebvre, Guaino, Lamblin et quelques autres. J’ai pris note de tous les arguments, de toutes les positions et je voudrais maintenant y répondre en partie car je ne pourrai pas répondre aux cinquante-sept intervenants de la discussion générale.

M. Nicolas Dhuicq. Si ! Si !

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Cela serait trop complexe même si en commission – j’y suis allé souvent, vous avez bien voulu le reconnaître – j’ai déjà eu l’occasion de répondre sur nombre de sujets.

Au terme de cette discussion générale, je souhaite donc reprendre quelques points qui me semblent essentiels.

J’ai observé que le thème du « déclassement stratégique » a hanté certains propos, sans doute parce que les débats étaient nocturnes, mais je dois dire que même en cherchant bien je n’ai trouvé nulle trace de quelque dérive que ce soit dans ce projet de loi de programmation militaire.

Pourtant, nous avons plusieurs fois entendu que la France ne serait plus aujourd’hui une puissance globale et qu’il fallait, par une sorte d’acte de contrition, en prendre enfin acte. Je ne sais pas si, comme le disait M. de Rugy, nous avons été une puissance globale mais je sais que la France est aujourd’hui présente en de nombreux points du globe, y compris avec ses territoires, et qu’il n’est guère de zone dont nous puissions nous désintéresser.

Je ne considère absolument pas que nous ayons renoncé à notre rang. À force d’entendre cette espèce d’acharnement, il y a de quoi être un peu surpris. Cette « boulimie » de déclinisme me paraît être un plaisir malsain, voire presque coupable lorsqu’il s’agit des enjeux liés à la sécurité du pays.

Comment peut-on prétendre sérieusement que nous perdrions notre rang ou notre souveraineté avec une armée qui comptera en 2019 185 000 militaires, 225 avions de chasse, 4 sous-marins nucléaires lanceurs d’engins, un porte-avions nucléaire, 15 frégates de premier rang, 6 sous-marins d’attaque, des capacités d’entrée en premier dans les trois milieux terrestre, aérien et maritime, sur des théâtres de guerre comme de gestion de crise, des forces spéciales renommées et renforcées qui passent de 3 000 à 4 000 hommes, des moyens de transport stratégique en voie de renouvellement, le lancement d’une dizaine de satellites militaires dans les années à venir ?

Bref, il n’est pas très sérieux de continuer à tenir ce discours du déclin annoncé voire, ai-je même entendu, de la « défense bonsaï ». Si elle est « bonsaï », c’est avec des bonsaïs géants ou grotesques ! Vraiment, je trouve que ces propos finissent par être un peu déplacés. Je serais même tenté de dire à ce moment : le déclassement, cela suffit !

Nous n’avons pas besoin non plus de céder à la tentation un peu française du « cocorico » pour constater que nos forces armées, notre industrie, nos ingénieurs et nos soldats, mais aussi nos services de renseignement, comptent parmi les meilleurs et compteront encore à ce rang, puisque c’est notre souci et que c’est notre objectif pour 2019, au terme de cette loi.

Je veux réaffirmer ici que notre présence dans le monde restera importante, significative, et que la France assumera ses responsabilités, en particulier parce qu’elle est membre du Conseil de sécurité et que cette loi de programmation permettra à notre pays de continuer à assurer l’ensemble de la défense de ses intérêts et de ses responsabilités. À cet égard, je partage les observations que M. Lefebvre a faites tout à l’heure.

C’est pourquoi, je crois nécessaire de rappeler quelques réalités inscrites dans ce projet de loi de programmation militaire, que la passion des propos tenus a peut-être fait un peu oublier.

Tout d’abord, ce projet de loi de programmation militaire traduit une ambition forte, tant au regard de la situation de nos finances publiques que par comparaison avec nos grands partenaires. Ce projet est ambitieux et réaliste, et le dire n’a rien de rhétorique.

L’ambition, c’est d’avoir marqué, comme l’a fait le Président de la République et comme l’ont reconnu nombre d’entre vous, un effort de défense significatif. Qui soutenait, il y a un an – même au sein de la commission de la défense –, que nous pourrions maintenir en 2014 et 2015, fût-ce en valeur, les ressources de 2012 et 2013 pour la défense ?

Dans un contexte pourtant difficile, le maintien de ce budget à son niveau actuel puis son augmentation à compter de 2016 résultent d’un arbitrage politique fort, comme j’ai eu l’occasion de le rappeler hier en répondant au Premier ministre François Fillon. Le budget de la défense est au même niveau que celui que nous avons trouvé en 2012, lequel était supérieur à celui de 2011. Je souhaite que l’Assemblée nationale prenne bien en compte cette affirmation d’une volonté politique forte.

Les montants financiers inscrits dans la loi, jusqu’à 190,5 milliards, devraient inciter à tenir des propos plus mesurés, surtout à un moment, cela a été rappelé, où nos voisins – ce n’est pas une raison, mais c’est un constat, surtout par rapport au concept de « déclassement » – opèrent des coupes sombres et diminuent significativement leur budget de la défense, à commencer par nos amis britanniques. Je ne parle pas de nos amis américains qui, entre 2013 et 2017, diminueront de 178 milliards de dollars leur budget de la défense. Il est vrai que les dimensions ne sont pas les mêmes mais, dans la situation que nous connaissons, nous gardons quant à nous nos orientations et notre base.

Voilà pour ce qui est de l’ambition budgétaire.

Je reviens sur un point sur lequel M. Cornut-Gentille et d’autres parlementaires m’ont interrogé à propos des OPEX. Je me propose de relever une erreur d’interprétation afin d’éviter que de faux débats ne voient le jour. Lorsque l’inscription budgétaire des OPEXpasse de 630 millions en 2013 à 450 millions pour 2014 et tout au long de la loi de programmation, c’est un avantage pour le budget de la défense.

En effet, les surcoûts d’OPEX sur des décisions d’intervention comme, par exemple, celle qui aura lieu en République Centrafricaine, sont pris en charge sur l’ensemble du budget de l’État, en dehors du budget de la défense.

C’est d’ailleurs ce qui s’est passé dans le cadre de la loi de finances rectificatives, puisque notre budget a été abondé de 578 millions, soit, à l’euro près, le surcoût OPEX de 2013. Je voulais apporter cette précision puisqu’il a été question d’un « pari » sur les OPEX et qu’il n’y a pas de risque majeur sur ce plan-là.

Je souligne également que nous avons pris une série de dispositions pour garantir les ressources exceptionnelles dont, pour la première fois, l’origine est précisément décrite dans le rapport annexé au projet de loi ; nous aurons l’occasion d’en reparler tout à l’heure.

De même, nous avons inscrit dans la loi, sur ce sujet, une clause de sauvegarde particulièrement exigeante, rejoignant en cela les points de vigilance signalés par tous vos rapporteurs, aussi bien à l’Assemblée – notamment par le député Jean Launay au nom de la commission des finances – qu’au Sénat.

Nous avons prévu des examens périodiques de l’évolution de la programmation et, spécialement, un rendez-vous dès 2015 pour que nous puissions précisément faire le point ensemble sur certains grands enjeux, comme cela a été d’ailleurs relevé par vos rapporteurs.

Enfin, nous avons décidé, je le dis à l’intention de MM. Cornut-Gentille et Lefebvre, de sécuriser notre entrée en programmation. Le Parlement n’a voté aucune amputation sur le budget de 2014.

Des questions se posaient quant à la loi de finances rectificative de fin 2013 et au report de charges ; or nous avons obtenu une ressource additionnelle de 500 millions d’euros, qui témoigne de la volonté du Gouvernement de maintenir inchangée l’ambition de cette loi, quelles que soient les vicissitudes de fin de gestion de l’année précédente.

J’ai bien entendu l’appel de M. Cornut-Gentille et je veux l’assurer que je travaille activement, avec le ministère des finances, à la mise en place des dispositifs qui permettront à l’ensemble des ressources exceptionnelles d’être effectivement au rendez-vous dès 2015. Certains craignaient qu’il faille attendre 2016 ou 2017 : sachez que nous mettons tout en œuvre pour que ces ressources exceptionnelles soient au rendez-vous en 2015, comme elles le seront en 2014.

Le député Daniel Boisserie a justement relevé le progrès introduit par l’article 4 ter, qui permet au Parlement de vérifier l’exécution de l’ensemble de ces dispositions. M. Frédéric Lefebvre a fait une proposition qui va dans le même sens, et dont nous aurons l’occasion de discuter lors de l’examen de cet article. Personne ne peut nier que la possibilité qui est désormais donnée à la commission de la défense d’effectuer des contrôles sur pièce et sur place marque une avancée, puisque la commission contrôlera aussi bien la mise en œuvre de la loi de programmation que sa sécurisation pour l’avenir.

Deuxième remarque : notre ambition ne saurait se mesurer à l’aune de la seule arithmétique. Le nombre ne fait pas une stratégie et, sur la base de l’effort que nous consentons, c’est une nouvelle stratégie militaire, adaptée à notre environnement, que porte ce projet de loi. Je vous rappelle d’abord qu’il fait suite à un nouveau Livre blanc, qui offre une vision renouvelée de notre environnement stratégique, fondée sur le retour d’expérience, mais aussi sur une analyse géopolitique, qui ont l’un et l’autre été assez largement partagées dans cet hémicycle.

Menaces de la force, risques de la faiblesse, dangers de la mondialisation : la clarté de la vision du Livre blanc est difficilement contestable, et je crois qu’elle n’est pas contestée. Cette analyse met également en évidence les enjeux majeurs que constituent la prolifération et la cyberdéfense, comme l’ont justement souligné les députés Francis Hillmeyer et Jean-Yves Le Déaut, qui ont mis le doigt sur ces risques nouveaux et sur l’urgence d’y parer.

Nous allons adapter nos forces à la réalité des opérations et des risques de conflits, grâce notamment à l’application, dans nos forces, du principe de différenciation. Monsieur Fromion, sachez que ce principe de différenciation, sur lequel vous m’avez interrogé, résulte d’une conviction, à savoir que l’on ne saurait préserver nos ambitions et assurer notre sécurité sans faire aujourd’hui des choix. Et ces choix, nous les avons faits en fonction de l’analyse des conflits.

Oui, nous avons fait le choix de décrire des forces adaptées aux conflits majeurs, nous avons fait le choix de la modernisation maximum des équipements dans les secteurs clés où la supériorité technologique de premier rang est le facteur déterminant du succès, alors que certains croyaient pouvoir prophétiser la fin de la guerre. Oui, nous avons fait le choix de prévoir, en outre, des forces prioritairement adaptées à la gestion des crises au milieu des populations, en conservant par exemple une armée de terre aux effectifs importants et faciles à déployer, alors que d’autres militaient – j’ai entendu beaucoup d’experts s’exprimer ainsi – pour une armée limitée au nucléaire, d’un côté, et aux forces spéciales, de l’autre. Ce n’est pas notre choix.

Dans le même registre, nous avons également pris les moyens d’assurer la continuité de la mission de protection de notre territoire outre-mer et la surveillance de nos espaces maritimes, répondant ainsi aux préoccupations exprimées par MM. Gwendal Rouillard, Gwenegan Bui, Philippe Folliot et Philippe Vitel. Je tiens à leur dire que nous sommes engagés dans le renouvellement des bâtiments navals correspondants, qu’il s’agisse des B2M ou des BSAH, et je confirme également à M. Vitel le maintien du programme BATSIMAR, qui n’interviendra qu’en fin de programmation, mais qui est maintenu dans nos objectifs.

M. Jean Launay, rapporteur pour avis. C’est bien !

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Ces choix raisonnés sont ceux de l’efficacité militaire, autant que de l’économie de nos moyens. Nous avons besoin du Rafale, qui est sans doute le meilleur avion de combat opérationnel à l’heure actuelle, mais nous avons également besoin de nos Mirage 2000, qui sont parfaitement adaptés à nombre de crises et de théâtres d’opérations, pour de nombreuses années encore. Nous avons besoin de missiles anti-navire lourds de type EXOCET, mais aussi de missiles anti-navire légers pour faire face à des menaces asymétriques, des vedettes ou des bâtiments légers et rapides, par exemple.

Ce principe de différenciation est également novateur dans le domaine de l’entraînement. Le député Philippe Meunier a voulu critiquer la mise en place d’un deuxième cercle de pilotes de chasse. Je tiens à lui rappeler, et Mme Marie Recalde l’a déjà fait avant moi, qu’il n’a jamais été question de constituer une armée de l’air à deux vitesses, mais simplement d’appliquer un principe militaire bien connu, celui de l’économie des forces. Nous avons besoin de pilotes entraînés, capables d’intervenir immédiatement dans des opérations lourdes face à un adversaire du meilleur niveau ; mais nous avons aussi besoin de pilotes aptes à remonter en puissance sur des avions d’armes et à servir en renfort dans des missions de gestion de crise ou de protection. Tel est, dans le cas de l’armée de l’air, le principe de différenciation, porté d’ailleurs avec détermination – et vous pouvez l’interroger – par le chef d’état-major de l’armée de l’air.

M. Philippe Meunier. Naturellement !

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Ces choix stratégiques se sont traduits par des décisions fortes concernant nos capacités militaires. Je vous ai fait part de l’attention privilégiée que j’accorde à la préparation et à l’activité opérationnelles, trop souvent sacrifiées. Beaucoup l’ont souligné, et je l’ai moi-même constaté en visitant nos forces : l’entretien programmé des matériels et l’activité opérationnelle des forces, qui ont trop souvent été sacrifiés, doivent désormais constituer une priorité, et cesser d’être une variable d’ajustement, comme par le passé.

M. François André. Oui !

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. J’entends donc bien, à travers cette loi de programmation, revaloriser financièrement ces secteurs.

J’ai indiqué hier au Premier ministre François Fillon que la présente loi de programmation consacrerait 800 millions d’euros annuels de plus que la précédente à l’entretien programmé des matériels. Et, pour corriger la description un peu apocalyptique que vous avez faite de l’état des rechanges, mais aussi de l’état d’efficacité et d’opérabilité des matériels majeurs, il y aura une hausse moyenne annuelle de 4,3 %. J’ai déjà indiqué à la commission de la défense qu’il s’agissait là pour moi d’une priorité.

Comme je l’ai déjà indiqué dans mon propos liminaire, je veux insister sur le fait que nous avons également besoin de combler des lacunes, que chacun s’accorde aujourd’hui à constater. Je me réjouis de cet accord, mais aussi d’avoir pris les décisions qu’il convenait de prendre s’agissant des drones, puisque nous allons bientôt recevoir les premiers drones MALE, que suivront bientôt, puisque la question m’a été posée, les drones tactiques. Il n’y a aucun blocage sur ce point : ils sont bien inscrits dans la loi de programmation, car c’est une nécessité. Nous allons également recevoir le Multi-Role Transport Tanker, ou MRTT : je donnerai mon accord pour notifier le contrat au début de l’année 2014 et nous serons livrés…

M. Philippe Meunier. Quand ?

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Je vous l’ai indiqué en commission : vous n’avez pas bien suivi… J’ai indiqué que la question serait à nouveau posée à la fin de 2015, et ce que je viens de vous dire est parfaitement cohérent avec les propos que j’ai tenus à ce moment-là.

M. Christophe Guilloteau. C’est faux !

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Ce n’est pas un sujet sur lequel il faut me chercher,…

M. Christophe Guilloteau. Si !

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. …étant donné le retard que vous avez pris pour décider de renouveler le ravitaillement en vol, qui est pourtant déterminant et structurant.

Mme Danièle Hoffman-Rispal. Tout à fait !

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. D’ailleurs, mesdames et messieurs les députés, si nous avons dû faire appel, entre autres, au soutien des Américains pour l’opération au Mali, c’est précisément parce que nos avions ravitailleurs sont vraiment en nombre insuffisant et extrêmement anciens !

M. François André et M. Richard Ferrand. Très bien !

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Il fallait agir avant ! Je suis désolé de vous dire qu’il s’agit en plus d’avions français. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Ne cherchez pas à faire de la polémique sur ce point : ce n’est pas le bon sujet…

M. Jean Launay, rapporteur pour avis. Ils le savent bien !

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. …d’autant plus que ces engagements seront pris tout de suite, sitôt votée la loi de programmation.

Pour répondre à une question qui m’a été posée par le député-maire d’Orléans sur l’A400M, je rappellerai les trois chiffres à retenir, que j’ai déjà mentionnés à Orléans, lorsque j’ai reçu le premier A400M, ou Atlas : 15 livrés sur la période, 50 avions de transport tactique au total. Il n’y a là aucune rupture avec les engagements antérieurs. La seule différence, c’est que nous exécutons.

M. Nicolas Dhuicq. Mais c’est la date de fin qui compte !

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Tout cela s’accompagne aussi d’un renforcement des forces spéciales. On remarque surtout les réductions d’effectifs, mais dans les forces spéciales, comme en matière de cyberdéfense, les effectifs seront renforcés, car ce sont là des domaines nouveaux qu’il faut développer.

Certains d’entre vous, enfin, se sont interrogés sur la nécessité de renouveler des équipements en fin de vie ; j’ai déjà précisé, dans mon propos liminaire, qu’un certain nombre de programmes qui avaient été ralentis, ou dont l’engagement n’avait pas eu lieu au cours de la programmation précédente, seront engagés : je pense notamment au programme Scorpion.

M. François André. Oui !

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. On m’a critiqué, parce que le programme Scorpion n’est pas engagé. Eh bien, je l’engage…

M. François André. Il n’a pas été engagé avant !

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. …parce qu’il faut que l’armée de terre ait ces moyens nouveaux et performants. Il en va d’ailleurs de même d’un certain nombre de sujets que j’ai déjà évoqués en commission.

Ces choix se structurent dans des stratégies de projets, que j’entends développer au cours de la programmation. Je pense par exemple au projet de l’armée de l’air, Cognac 2016, qui intègre à la fois de nouvelles articulations entre les forces et la perspective de différenciation que j’ai évoquée tout à l’heure ; je songe également au projet de service de santé des armées pour 2020, que vient d’évoquer M. Ferrand, et dont j’ai exposé hier la stratégie devant l’ensemble des cadres du service de santé des armées et des cadres de la santé publique. Je vous rappelle ce que j’ai déjà annoncé, mais que certains semblent avoir oublié : il n’y aura pas de fermetures d’hôpitaux militaires.

M. Richard Ferrand. Très bien !

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Sur ces questions, la facilité consisterait à fermer des établissements : c’est douloureux, mais c’est rapide. Mais nous, face à l’enjeu important que représente le service de santé des armées, nous avons fait le choix de sortir par le haut, en élaborant, avec le service public, un projet qui garantisse la spécificité du service de santé des armées, tout en assurant un bon partenariat avec le secteur public. Je dois dire que ce projet est assez largement approuvé, contrairement à ce que j’ai pu entendre tout à l’heure.

En matière de stratégie, je songe également au projet de supply chain de bout en bout, actuellement à l’étude pour que la chaîne de soutien soit beaucoup plus performante.

Toujours au chapitre de la stratégie, certains d’entre vous ont regretté une absence de débat sur la dissuasion. Je me suis expliqué sur cette question dans mon intervention liminaire, comme je m’étais déjà exprimé au moment du débat budgétaire, et j’ai rappelé le choix du Président de la République en la matière : il convient de maintenir la dissuasion dans ses deux composantes complémentaires, sans céder à l’attrait d’une décision spectaculaire, telle que l’arrêt de la composante aéroportée, que préconise assidûment M. Hervé Morin. Il sait bien qu’une telle suppression n’aurait pas d’impact financier majeur, puisque la deuxième composante représente 7 % de l’agrégat nucléaire, qui représente lui-même 12 % de notre budget. Une telle mesure serait donc surtout spectaculaire ; mais elle n’en aurait pas moins un impact négatif sur nos options opérationnelles, sur notre liberté de manœuvre et sur notre posture de dissuasion. C’est pourquoi nous nous y refusons, mais cela n’empêche pas que le débat se poursuive.

M. Philippe Folliot. Absolument !

M. Yves Fromion. On veut en parler !

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Ce n’est pas notre choix, et ce n’est pas le vôtre non plus, monsieur Fromion. Je préfère le rappeler, car vous ne m’avez pas dit la même chose la dernière fois.

M. Yves Fromion. Je peux tout de même en parler !

M. Richard Ferrand. Vous êtes grognon, monsieur Fromion !

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Il y a une cohérence globale dans le choix de la dissuasion. Nous pouvons continuer d’en discuter ; Mme Patricia Adam a fait des propositions hier, et le Gouvernement accepte volontiers que la réflexion se poursuivre après la loi de programmation. Je n’ai absolument pas peur de ce débat, considérant toujours que la dissuasion est notre sécurité fondamentale. C’est une posture sur laquelle je ne transigerai pas.

M. Richard Ferrand. Très bien !

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Enfin, ce projet de loi est tourné vers l’avenir. Tout d’abord, il marque une priorité forte au bénéfice de nos industries de défense. MM. Candelier et Foulon ont exprimé quelques craintes que je peux comprendre sur l’avenir de ces industries, mais je voudrais les rassurer. Nous conservons les neuf secteurs clés des industries de défense que j’ai évoqués dans mon propos introductif hier. Nous limitons les conséquences de la LPM passée, qui auraient pu être dramatiques, car cette loi a engagé notre industrie sur une trajectoire peu réaliste, mais c’était avant la crise. Notez que je n’ai jamais polémiqué sur les raisons de la non-application de la loi de programmation précédente.

M. François André. Vous en avez mal été récompensé !

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. S’agissant en tout cas de la LPM précédente, des engagements pris à l’égard de nos industriels n’ont pas pu être tenus parce que la loi de programmation n’a pas été appliquée. La seule critique que je puisse faire, c’est qu’il n’y ait pas eu de révision des contrats passés avec les industriels au moment où il aurait fallu le faire, c’est-à-dire au moment où l’on s’est aperçu que la loi de programmation ne pouvait pas être respectée, en grande partie parce qu’elle était trop optimiste, et du fait de la crise. Et nous nous trouvons aujourd’hui dans la nécessité de rediscuter avec les industriels pour qu’ils aient une visibilité et un plan de charge cohérent. Je dis à MM. Candelier et Foulon, qui m’ont interpellé sur ce point, que cette discussion avance plutôt bien et devrait permettre de passer sans encombre cette période.

Nous avons consenti un effort décisif sur la recherche et les technologies, beaucoup plus important qu’auparavant, et nous renforçons notre stratégie d’exportations d’armement. Sur ce point, l’année 2012 n’avait pas été exceptionnelle, mais je peux vous dire à cet instant que les contrats d’exportations passés en 2013 par une nouvelle méthode d’approche seront nettement meilleurs. Cela démontre la qualité de nos industriels, et le fait qu’une bonne articulation entre l’action du Gouvernement et l’action des industriels peut produire de bons résultats.

À cet égard, je suis optimiste quant aux perspectives d’exportations de l’avion Rafale, sur lesquelles j’ai été interrogé. Le troisième risque, ou le troisième pari, évoqué par M. Cornut-Gentille me semble un pari raisonné qui devrait nous permettre d’aboutir et de passer cette période de creux dans la chaîne de construction du Rafale. Après les « onze plus onze plus quatre », il y aura des possibilités d’exportation qui nous permettront d’attendre la suite des livraisons de la quatrième tranche puis celles de la cinquième tranche, puisqu’il faudra bien remplacer les Mirages par une autre génération de Rafales. La chaîne ne sera donc pas arrêtée, d’autant plus que je viens d’engager avec Dassault un accord pour la mise en œuvre d’un nouveau standard du Rafale équipé du nouveau pod de désignation laser, et que la loi de programmation militaire prévoit un financement de l’ordre de 700 millions d’euros pour le drone de combat futur qui permettra au bureau d’études de la société Dassault d’être complètement mobilisé sur cet objectif.

J’en profite aussi pour rassurer M. Chassaigne, qui ne peut être présent ce soir et s’en est excusé auprès de moi, sur l’externalisation de l’entretien des hélicoptères Puma. Il s’agit de marchés ponctuels de délestage, qui visent notamment à pallier certaines difficultés rencontrées par le SIAé. C’est donc bien une réponse à un besoin conjoncturel qui n’a pas vocation à s’étendre sur le long terme. À l’inverse, le SIAé est en train d’étudier les modalités d’une intervention accrue sur le C 130, alors même que cette activité est aujourd’hui externalisée. C’est important de le noter : il n’y a pas de dogmatisme de ma part dans un sens ni dans un autre sur ce point. J’essaie de trouver la meilleure solution industrielle, et aussi la plus économique.

M. Fromion m’a interrogé sur le programme de satellites d’écoute électromagnétique Ceres. Ce programme a été décalé, et sans faire de polémique, cela n’a pas été de mon fait. Beaucoup de programmes spatiaux ou de renseignement ont été décalés, car ce n’était pas la priorité antérieure. À mes yeux, le renseignement est une priorité, et cela intègre le lancement du satellite d’écoute électromagnétique Ceres. Je notifierai ce programme dès la fin de cette année 2013, et nous n’avons pas choisi l’option low cost.

M. Yves Fromion. C’est cela que je voulais savoir !

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Au contraire, nous avons retenu l’option qui est la plus performante.

Ce projet de loi de programmation militaire est aussi tourné vers l’avenir dans le domaine des ressources humaines. Contrairement aux propos que j’ai entendus à plusieurs reprises – mais qui devaient faire partie des éléments de langage d’une formation politique –, les effectifs de l’État ne font pas l’objet d’arbitrages occultes entre le ministère dont j’ai la charge et celui de l’éducation nationale. Ce n’est pas du tout comme cela que les choses se passent. Je précise à cette occasion que les économies qui sont consenties par la défense seront réinvesties dans la défense, contrairement à ce que j’ai pu entendre. Nous avons des objectifs chiffrés, et la sanctuarisation financière sera respectée.

La réalité est qu’au regard du budget sanctuarisé dont je dispose, nous avons dû faire des choix entre l’impératif de conserver une ressource humaine dont chacun a salué avec raison la valeur, l’impératif d’équipement également reconnu par les uns et les autres, et l’impératif industriel. C’est dans ce cadre que l’on aboutit à une déflation de 23 500 postes, et non pas en les affectant à l’éducation nationale.

Ces déflations sont adaptées au contrat opérationnel prévu à l’horizon du Livre blanc. Les économies ainsi dégagées permettront de contribuer à l’équilibre et à la cohérence stratégique de l’ensemble. À titre d’exemple, les 4,4 milliards d’euros d’économies réalisées grâce à cette déflation des effectifs sont équivalents à l’effort de recherches et technologies consenti sur la durée de la LPM.

En réponse à Nicolas Bays, je souligne que le Livre blanc conforte la place de la réserve. Le budget de la réserve sera sanctuarisé au sein même du budget de la défense, et nous prévoyons une incitation particulière de la réserve citoyenne dans le domaine sensible de la cyberdéfense.

Permettez-moi de dire quelques mots du moral, puisque cette question a été évoquée par plusieurs intervenants. Pour ma part, je me rends au moins une fois par semaine parmi nos forces armées. Je n’y fais pas uniquement une prise d’armes. J’y passe du temps, et je rencontre les différents acteurs lors de tables rondes : officiers, sous-officiers, hommes du rang.

Je vais vous dire quelles sont leurs interrogations : la première est de mettre fin au désastre Louvois ; la deuxième est de résoudre la désorganisation chronique et les conséquences néfastes pour la vie quotidienne qui résultent de la mise en place précipitée des bases de défense. Cette organisation n’est pas totalement adaptée aujourd’hui, et crée des situations parfois ubuesques, et parfois désespérantes. La troisième interrogation porte sur la préparation opérationnelle et l’activité des forces, et c’est la raison pour laquelle j’ai décidé de renforcer la préparation opérationnelle et l’entretien programmé du matériel.

Il est incontestable, notamment, que Louvois pèse. Chacun sait la catastrophe que cela représente. J’ai reçu il y a quelque temps une question écrite, n25388, rédigée de la manière suivante : « Monsieur le ministre, quand le système Louvois va-t-il être totalement opérationnel afin que nos militaires puissent être libérés de ces difficultés financières très préoccupantes pour eux ? » Je donne ici ma réponse : ce système ne sera jamais totalement opérationnel.

Mais le plus intéressant est que l’honorable parlementaire qui me pose cette question est un certain Hervé Morin.

M. François André. C’est honteux !

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Il n’est malheureusement pas là pour m’entendre. Je veux lui répondre en citant le rapport d’audit qui avait été remis au ministre Morin lorsqu’il était en fonction, le 8 novembre 2010 : le système Louvois est « en l’état peu robuste, difficilement maintenable et difficilement exploitable. » Donc ce système ne sera jamais au rendez-vous, et je suis très heureux de vous avoir donné en avant-première, mesdames et messieurs les députés, le texte de la réponse à la question écrite que je vais adresser demain au député Hervé Morin. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP.)

Ce projet de LPM est encore tourné vers l’avenir, en ce qu’il apporte une contribution tout à fait substantielle à l’adaptation de notre droit positif aux questions de défense. Ce sont des sujets compliqués et difficiles. Je veux ici remercier le président Urvoas et M. Verchère et saluer la commission des lois pour leur contribution décisive à la définition du bon point d’équilibre entre l’accroissement du contrôle parlementaire sur l’action du Gouvernement en matière de renseignement et l’efficacité indispensable de cette activité. Le contrôle, nous en sommes pleinement convaincus, est le garant de la légitimité démocratique de l’action de nos services. Et ceux-ci vont se trouver confortés par les divers outils juridiques que la LPM met à leur disposition.

À cet égard, je tiens à rassurer M. Candelier : l’ensemble des dispositions renforçant les moyens d’action des services a été passé au crible de la jurisprudence du Conseil constitutionnel et de la Cour européenne des droits de l’homme.

Par ailleurs, je comprends et je partage le point de vue du président Urvoas selon lequel il convient de progresser encore dans la sécurisation par la loi de certains modes d’action des services de renseignement, qui tout à la fois sont indispensables et présentent les plus forts risques pour les libertés publiques. Je le remercie d’avoir, par ses propositions relatives aux dispositifs techniques de repérage, d’observation, ou de captation de données, ou encore aux interceptions de sécurité, attiré notre attention sur des sujets certes très délicats mais à l’évidence incontournables. Comme indiqué dans le Livre blanc, il est essentiel, pour nos services, d’être à la hauteur de la réalité et de l’intensité des menaces qui peuvent peser sur nos intérêts fondamentaux. Je tiens à rassurer le président Urvoas : le Gouvernement a bien l’intention non seulement de s’y consacrer, mais également de revenir devant le Parlement pour en discuter durant cette législature. Nous utiliserons pour cela les rendez-vous que prévoient déjà les lois en vigueur.

À la présidente Élisabeth Guigou et à M. Folliot je tiens à dire que, concernant l’Europe de la défense, nous avons pris les initiatives qu’il fallait avant la réunion du Conseil européen du mois de décembre, en privilégiant le pragmatisme et le concret. J’en ai déjà parlé devant la commission et lors de mon propos introductif : je m’attache en priorité à promouvoir des projets opérationnels capacitaires et industriels qui soient concrets et qui permettent d’effectuer des sauts qualitatifs dans chacun de ces domaines. J’ai bon espoir, à ce moment, que nous puissions aboutir à des avancées importantes vers l’Europe de la défense. Il ne suffit pas de prononcer les mots, il faut essayer d’avancer dans cette direction. Je voulais rassurer M. Folliot sur ce point et sur la volonté du Gouvernement de poursuivre en ce sens.

MM. Hetzel et Marty ont fait état de leurs préoccupations à propos de la brigade franco-allemande. Je tiens à dire clairement que nous entendons bien poursuivre l’activité de cette brigade créée en 1987. Si nous allons procéder à la dissolution du 110e régiment d’infanterie, nous allons renforcer la brigade franco-allemande par l’insertion en son sein du 1er régiment d’infanterie de Sarrebourg, aux effectifs plus nombreux, mieux équipé et plus performant, qui contribuera à la compétence et aux capacités de cette brigade.

Cela n’a pas été décidé sans concertation ou sans consultation, mais en bonne intelligence avec M. Thomas de Maizière, ministre de la défense allemand. Je vous le précise dès à présent, il y aura une parité, à quelques unités près, entre le nombre de soldats français en Allemagne et le nombre de soldats allemands en France. Notre volonté est intacte, et notre relation avec les autorités allemandes, en particulier avec le ministre de la défense, est très étroite et efficace.

Mesdames et messieurs les députés, je me suis exprimé longuement mais je n’ai pas pu répondre à toutes vos questions. Le projet de loi qui vous est présenté ce soir concilie les souverainetés financière et stratégique, qui sont au cœur du projet global du Président de la République. Il s’inscrit à ce titre dans une tradition constante de la VRépublique en faveur de l’indépendance de notre pays. C’est aussi un projet de loi fondateur dans bien des domaines, qu’il s’agisse de la stratégie militaire ou des avancées qu’il comporte dans le domaine normatif.

Ce projet de loi est attendu par la communauté militaire, et plus largement par la communauté de la défense : ces hommes et ces femmes ont besoin de connaître le cap que la nation donne à ses armées comme à ses entreprises dans ce domaine régalien par excellence. Nous voulons leur fournir le cadre indispensable, répondre aux attentes du court terme et lancer notre défense sur les projets qui la conduiront au tournant des années 2020.

Ce projet de loi est également attendu par nos grands partenaires internationaux, qui en suivent l’évolution avec beaucoup d’attention – j’ai moi-même été amené à le leur expliquer – et attendent de la France qu’elle soit fidèle à l’image d’excellence qu’elle a donnée dans le domaine militaire lors de chacune des crises internationales récentes.

Au cours de la discussion générale, le Général de Gaulle a été abondamment cité. Permettez-moi de conclure moi aussi par une citation du Général de Gaulle dans Vers l’armée de métier

M. Nicolas Dhuicq. « Je vous ai compris » ?

M. Philippe Folliot. Vous vous comparez au Général de Gaulle, monsieur le ministre ?

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. J’ai parlé de la permanence de la VRépublique, monsieur Folliot.

Dans Vers l’armée de métier, le Général de Gaulle a écrit que nous ne devions pas « conserver l’armée de nos habitudes, mais construire l’armée de nos besoins ». C’est exactement ce que j’essaie de faire. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP.)

Discussion des articles

M. le président. J’appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles du projet de loi.

Article 1er

M. le président. La parole est à M. Nicolas Dhuicq, inscrit sur l’article 1er.

M. Nicolas Dhuicq. Monsieur le ministre, nous nous situons actuellement à peu près au tiers du quinquennat de l’actuelle majorité et de l’actuel chef de l’État : il est donc temps de prendre des décisions. À cet égard, il est assez étonnant que nous n’ayons pas encore eu, comme il est de coutume sous la VRépublique, de discours du Président de la République au sujet de ses ambitions et de sa politique de dissuasion. Je n’ai, de mémoire, pas entendu François Hollande s’exprimer sur cette question, comme François Mitterrand, Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy l’avaient fait après leur élection.

L’article 1er évoque des objectifs. La voix de la France, la position, le rang et la puissance de notre pays s’articulent autour de la défense de sa langue, de sa culture, de son économie et de ses finances bien mises à mal ces dernières années. L’outil militaire sert avant tout à continuer la politique par d’autres moyens, en espérant ne jamais devoir faire la guerre.

Monsieur le ministre, vous venez de nous dire que vous vouliez mettre en place l’armée de nos besoins. Mais cette loi de programmation militaire s’avance justement sur de longues années sans pouvoir clairement définir, comme chacun d’entre nous, quelles seront les menaces dans quatre ou cinq ans : par nature, celles-ci sont toujours imprévisibles ! Par sécurité, ces menaces nécessiteraient que la France ait enfin, à nouveau, une pensée stratégique pour définir ses objectifs, mais aussi qu’elle prévoie des moyens importants en pourcentage de ce qui nous reste de produit intérieur brut.

Quand je compare l’effort que nous faisons avec celui de l’Allemagne, qui a l’ambition de devenir la première puissance continentale dans les cinq ou dix prochaines années, réformant même son appareil politique si nécessaire et nous dominant à terme en matière industrielle, je m’interroge sur la portée de cette loi de programmation militaire. Malgré l’habilité de vos déclarations, je le répète, monsieur le ministre : nous sommes en phase de déclin.

(L’article 1er est adopté.)

Article 2 et rapport annexé

M. le président. Nous en venons à l’article 2 et au rapport annexé.

La parole est à M. Nicolas Dhuicq.

M. Nicolas Dhuicq. Pardonnez-moi pour la répétition, monsieur le ministre, mais avec cet article 2, nous entrons dans le nœud de la question. Vous définissez les ressources exceptionnelles, dont l’opposition vous rappelle une nouvelle fois qu’elles ne seront pas au rendez-vous ! Déjà, lors du précédent quinquennat, elles ne furent pas au rendez-vous.

La reconduction constante du budget de la nation – en particulier du budget régalien par excellence qu’est celui de nos forces armées – avec des recettes exceptionnelles montre dans quel état se trouve malheureusement une grande partie de la classe politique actuelle, qui a le ventre plein et considère cette longue période de paix sur le continent européen comme la norme historique, alors qu’il s’agit en réalité d’une anomalie historique, à l’exception notable des frappes en Serbie. Je veux le rappeler au moment où nous allons commémorer nos morts de 1914 : la Serbie a reçu des bombes européennes et des bombes de l’OTAN à quelques encablures de notre pays ! Cette exception a certainement traumatisé, à l’époque, une partie de nos armées qui se souvenaient de la lutte courageuse du peuple serbe pendant la Première Guerre mondiale, après les deux guerres balkaniques de 1912 et 1913 qui avaient déjà causé 100 000 morts.

De grâce, monsieur le ministre, faisons en sorte d’avoir enfin un Gouvernement et une classe politique dignes de la nation et de la République, qui élaborent des budgets réels. Donnez des recettes exceptionnelles pour gager les dépenses liées aux emplois d’avenir et le versement de 1,8 milliard d’euros supplémentaires au budget de l’Union européenne,…

Mme Patricia Adam, rapporteure de la commission de la défense nationale et des forces armées. Vos arguments ne sont pas à la hauteur du débat, monsieur Dhuicq !

M. Nicolas Dhuicq. …mais cessez de donner à la défense des recettes exceptionnelles qui ne seront pas au rendez-vous – vous le savez pertinemment !

Du reste, votre projet de loi prévoit une clause de revoyure dans cinq ans. J’espère que dans cinq ans,…

Mme Émilienne Poumirol. Vous ne serez plus là !

M. Jean-Jacques Candelier. Vous avez déjà l’air malade !

M. Nicolas Dhuicq. …la classe politique française se sera ressaisie et qu’un pourcentage du PIB digne de notre pays sera enfin consacré à la défense.

M. le président. La parole est à M. Philippe Meunier.

M. Philippe Meunier. Monsieur le ministre, l’article 2 et le rapport annexé de votre projet de loi affaiblissent notre capacité de défense. Je ne reviendrai pas sur la dissuasion nucléaire : nous sommes à vos côtés pour en maintenir les deux composantes, y compris lorsque vos alliés politiques souhaitent les faire disparaître toutes les deux.

Plusieurs députés du groupe SRC. Et vos alliés ? Et M. Morin ?

M. Philippe Meunier. Je ne parle pas de M. Morin, mais des écologistes représentés ici par M. de Rugy.

M. Yves Fromion. Chers collègues de la majorité, en politique, la caricature ne sert à rien !

M. Philippe Meunier. S’agissant des forces terrestres, je ne répéterai pas mon intervention lors de la discussion générale, mais je souhaite rappeler deux problématiques majeures.

Ma première remarque concerne nos chars Leclerc. Vous mettez sous cocon 50 chars Leclerc : il nous en reste 200. Vous annoncez dans le cadre de la LPM la rénovation de nos chars, mais vous savez très bien qu’elle n’interviendra pas avant la prochaine LPM, pour la période 2020-2025. Cela pose un vrai problème, s’agissant notamment de leur adaptabilité aux combats urbains.

Deuxième remarque : le parc de l’aviation légère de l’armée de terre comprendra encore des Gazelles. Or, comme vous le savez, celles-ci ne sont pas blindées, ce qui pose de graves problèmes de sécurité pour nos pilotes.

S’agissant de la marine, je ne reviendrai pas sur le décalage des livraisons, mais je tiens à vous parler du missile Scalp naval, monsieur le ministre. Lors de l’examen du budget de la défense, notre collègue Fromion était intervenu sur la nécessité de poursuivre la chaîne de production des canons CAESAR si le matériel en question n’était pas exporté. Dans la mesure où le nombre de missiles Scalp sera limité à 200, ne pensez-vous pas qu’il serait utile de prévoir au moins l’achat de composants, ce qui permettrait éventuellement, suite à une attaque massive de notre armée nationale, de relancer cette chaîne de production pour nos Scalps navals qui ne sont pas exportés ? Vous pouvez peut-être nous informer sur ce sujet, monsieur le ministre.

S’agissant de l’armée de l’air, je ne reviendrai pas sur la polémique des pilotes de premier et de deuxième rangs, mais vous savez très bien, monsieur le ministre, qu’elle pose un vrai problème. Quant aux KC-135, il est vrai que leur remplacement, annoncé dans le cadre de la précédente LPM, n’a pas eu lieu, mais les avions volaient encore ; or, à la fin de la période couverte par la présente LPM, ils ne voleront plus.

M. le président. Nous en venons à l’examen des amendements à l’article 2 et au rapport annexé.

La parole est à M. Yves Fromion, pour soutenir l’amendement n76.

M. Yves Fromion. Cet amendement vise à compléter l’alinéa 8 du rapport annexé, qui évoque le transfert du centre de gravité du système de défense américain vers le Pacifique. Nous devons prendre conscience de la nécessité, pour les Européens, de ne pas baisser la garde. Certains ne l’ont sans doute pas compris, mais je m’adresse aux Français, et non aux autres. Il convient donc d’ajouter une phrase à l’alinéa 8, afin que soit clairement exprimé l’engagement de ne pas réduire les crédits de la défense à un moment où nous serons amenés à prendre, avec les Européens, une part plus importante dans la défense de l’Europe.

Je profite de la défense de cet amendement pour vous répondre, monsieur le ministre, puisque je n’ai pas eu le plaisir de le faire quand vous avez rappelé mes propos sur le nucléaire.

M. Jean Launay, rapporteur pour avis. Ce n’est pas la règle du jeu !

M. Yves Fromion. Il ne s’agit pas de parler du nucléaire d’aujourd’hui, que personne ne conteste :…

M. Christophe Guilloteau. Si, les Verts !

M. Yves Fromion. …j’ai moi-même rédigé un rapport sur cette thématique. Le sujet n’est pas là ! Vous inscrivez des crédits de recherche pour le nucléaire : quelles sont les orientations ? Relisez ce que j’ai écrit, au lieu d’inventer quoi que ce soit : la calomnie ne sert à rien. Vous avez prétendu que je remettais en cause le nucléaire :…

M. Jean-Yves Le Drian, ministre et Mme Patricia Adam, rapporteure. Pas du tout !

M. Yves Fromion. …ce n’est pas ce que j’ai dit ! J’ai simplement demandé quelles orientations vous donniez aux responsables de notre outil nucléaire pour l’avenir, dans le cadre du programme de recherche financé en dehors du laser Mégajoule. Vous ne m’avez pas répondu, mais c’est votre droit. Existe-t-il une réflexion sur la nature des composantes qui devront succéder à celles qui sont aujourd’hui en service ? C’est tout ce que je demande.

M. le président. La parole est à Mme Geneviève Gosselin-Fleury, rapporteure de la commission de la défense nationale et des forces armées, pour donner l’avis de la commission sur cet amendement.

Mme Geneviève Gosselin-Fleury, rapporteure de la commission de la défense nationale et des forces armées. Monsieur Fromion, vous semblez indiquer que ce sont les évolutions de la politique étrangère des États-Unis qui dictent notre politique actuelle.

M. Nicolas Dhuicq. On le voit bien sur la Syrie !

Mme Geneviève Gosselin-Fleury, rapporteure. C’est tout à fait inexact.

M. Yves Fromion. Ce n’est pas moi qui le dis : c’est écrit à l’alinéa 8 !

Mme Geneviève Gosselin-Fleury, rapporteure. Non, monsieur Fromion.

Quant à votre inquiétude sur une éventuelle réduction de l’effort de défense, votre amendement est totalement satisfait, puisque l’ensemble des ressources annuelles, tant budgétaires qu’exceptionnelles, seront constantes en valeur jusqu’en 2016 et en augmentation à partir de 2017. Vous n’avez donc aucune inquiétude à avoir. Votre amendement est satisfait : c’est pourquoi la commission lui a donné un avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. le ministre de la défense, pour donner l’avis du Gouvernement.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Sur l’amendement n76, l’avis du Gouvernement est le même que celui de la commission : j’ai déjà eu l’occasion de donner des explications à M. Fromion en commission.

Je souhaite répondre à la question de M. Meunier sur le Scalp et le CAESAR, qui a fait l’objet d’une discussion avec M. Fromion en commission – j’y ajoute le missile de croisière naval. Je maintiens que cette question sera examinée lors de la révision de la fin de l’année 2015 : nous vérifierons alors la bonne adaptation entre la chaîne de production et les capacités à l’exportation constatées. Vous avez bien voulu m’en donner acte.

(L’amendement n76 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Nauche, pour soutenir l’amendement n43.

M. Philippe Nauche. Cet amendement vise à mettre en cohérence la LPM avec le livre blanc sur la défense et la sécurité nationale quant à la prise en compte du changement climatique, qui exacerbe les risques environnementaux ou stratégiques et augmente leur probabilité d’occurrence et leur impact.

(L’amendement n43, accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Yves Fromion, pour soutenir l’amendement n78.

M. Yves Fromion. Cet amendement a le même esprit que celui que je viens de défendre.

Compte tenu des analyses du Livre blanc sur les menaces qui entourent notre pays, il est indispensable de ne réduire en rien notre effort de défense.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Geneviève Gosselin-Fleury, rapporteure. Avis défavorable. Il est évident que l’adaptation de notre stratégie s’accompagne naturellement d’une mise en adéquation des moyens financiers nécessaires à cette adaptation.

(L’amendement n78, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Candelier, pour soutenir l’amendement n46.

M. Jean-Jacques Candelier. Cet amendement est sage, car il ne vise personne en particulier, du moins dans sa rédaction. Nous proposons que notre pays ne puisse signer d’accords de défense avec des pays qui financent le terrorisme djihadiste. Il est établi que le Qatar, je ne pense pas me tromper, et l’Arabie saoudite dépensent des milliards de dollars dans le financement et l’armement des mouvements islamistes, mouvements qui sont actuellement au cœur des problèmes que vivent la Tunisie, l’Égypte, le Mali, la Syrie ou encore la Libye. Monsieur le ministre, vous êtes parfaitement informé de cette réalité, non par de simples articles de presse, mais par le biais de notes stratégiques de vos propres services. On ne peut plus fermer les yeux. Nous ne sommes pas dans des allégations, mais dans l’information produite par nos services de renseignement. On ne peut pas d’un côté lutter, comme au Mali, contre l’islamisme armé et, de l’autre, soutenir et défendre des puissances qui jouent double jeu. Il faut un monde plus sûr, il faut agir de manière éthique. C’est en quelque sorte l’objet de cet amendement n46.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Geneviève Gosselin-Fleury, rapporteure. La commission a donné un avis défavorable. Nous comprenons l’esprit de cet amendement, monsieur Candelier. Mais les accords de défense – domaine extrêmement sensible – résultent d’un processus diplomatique et stratégique complexe. Pour ces raisons, nous ne pouvons être favorables à votre amendement.

M. Yves Fromion. C’est particulièrement clair !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. L’amendement de M. Candelier fait état d’un risque. En aucun cas, nous ne pourrions engager un accord de défense avec un État dont la politique inclurait le financement du terrorisme international. Nous faisons, au contraire, de la lutte contre le terrorisme et contre ce genre de pratique étatique une des conditions de nos relations. Chacun peut partager ce point de vue. Cela étant, je ne peux accepter un amendement qui laisse entendre que nous tolérerions aujourd’hui ce type de comportement de la part d’États auxquels nous sommes liés. C’est pourquoi je suis opposé à cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Nicolas Dhuicq.

M. Nicolas Dhuicq. L’amendement de notre collègue Candelier est particulièrement lucide et important. Je l’ai évoqué lors de la discussion générale, nous connaissons de véritables guerres civiles au sein du monde musulman, avec l’émir du Qatar qui se voit en nouveau prophète. L’amendement de notre collègue tombe à point nommé, mes chers collègues. En effet, chaque député vient de recevoir un magnifique fascicule de l’ambassade du Qatar, imprimé en Espagne du reste, dans lequel on peut découvrir que tous les Qataris sont épris d’humanisme et de liberté – assertion quelque peu contradictoire avec le sort qui est réservé aux travailleurs. J’ai d’ailleurs demandé au ministre des affaires étrangères combien de Françaises et de Français étaient retenus contre leur volonté au Qatar. Comme à d’autres, en effet, on leur prend leur passeport à l’arrivée au Qatar et lorsqu’ils sont licenciés, ils doivent renoncer à leurs indemnités de licenciement.

Dans ce contexte géostratégique, la Russie, dont la voix a été heureusement écoutée, est le seul grand pays qui a sagement décidé que la solution militaire en Syrie n’était pas la bonne, le seul grand pays qui défend les chrétiens d’Orient de manière directe et officielle, le seul grand pays qui a compris que les Alaouites se faisaient massacrer ainsi que les Chiites, auxquels les Sunnites reprochent de ne pas être de vrais musulmans. Dans un tel contexte d’entrisme et de stratégie d’influence de la part du Qatar, il est essentiel que l’amendement de notre collègue Candelier soit adopté et soutenu.

(L’amendement n46 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. François de Rugy, pour soutenir l’amendement n114.

M. François de Rugy. L’objet de cet amendement est de faire la transparence sur le coût du démantèlement de la dissuasion nucléaire. Il ne s’agit pas d’être dans une position uniquement de principe. Chacun peut avoir son sentiment sur la dissuasion nucléaire. Mais il s’agit d’être concret et précis. C’est pourquoi la transparence en ce domaine est indispensable.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Geneviève Gosselin-Fleury, rapporteure. La commission a donné un avis défavorable parce que le coût du démantèlement des deux composantes de la dissuasion nucléaire est une information classifiée. Il n’est pas question de la rendre publique. En outre, nous vous avons indiqué que dans le cadre des rapports budgétaires de la mission « Défense », un certain nombre de ces informations sont données au rapporteur.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Nicolas Dhuicq.

M. Nicolas Dhuicq. Je salue la constance des élus écologistes qui montrent, au contraire de beaucoup, qu’ils ont une ligne idéologique et qu’ils s’y tiennent. La semaine dernière, nous avons eu droit au même type d’amendement déposé par M. Baupin du même groupe écologiste. La stratégie est simple : démontrer que le coût du démantèlement croît vers l’infini et que, dans ces conditions, le budget de la nation ne pourra pas le supporter. Comme le budget ne pourra pas le supporter, il faut sortir du nucléaire civil et militaire. La stratégie est claire et a le mérite de la cohérence. Mais j’appelle l’attention de la représentation nationale sur le fait que de tels amendements remettront, à terme, directement en cause notre politique de défense globale.

Mme Émilienne Poumirol. C’est spécieux.

M. le président. La parole est à M. François de Rugy.

M. François de Rugy. Je ne suis pas convaincu par l’argument de Mme la rapporteur…

M. Nicolas Dhuicq. Nous non plus.

M. François de Rugy. …selon lequel ces éléments sont classifiés alors que d’autres sont fournis au rapporteur du budget. C’est pour le moins contradictoire. La question du coût de démantèlement ne touche pas à ce que l’on pourrait assimiler à un élément stratégique vis-à-vis d’éventuels adversaires.

Par ailleurs, je remercie M. Dhuicq d’avoir salué notre constance. Mais en l’occurrence, il s’agit d’être cohérents avec les engagements que nous prenons sur le terrain diplomatique, puisque nous participons à des discussions sur le désarmement nucléaire. Et je ne parle même pas de la question du nucléaire iranien, qui a été dans l’actualité ces derniers jours, à titre préventif en quelque sorte. Il existe des traités de non prolifération et des traités de désarmement. Dans ce cadre, il serait logique de savoir combien coûterait un démantèlement partiel ou total.

(L’amendement n114 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 39 et 144, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Joaquim Pueyo, pour soutenir l’amendement n39.

M. Joaquim Pueyo. Il s’agit de compléter l’alinéa 31 du rapport annexé. Cet amendement propose deux mécanismes alternatifs tendant à ce que les États qui supportent, sur les budgets nationaux, des dépenses de défense et de sécurité dont bénéficie l’ensemble des États membres de l’Union ne puissent être sanctionnés au titre du Pacte de stabilité et de croissance pour le cas où leurs déficits publics excéderaient les objectifs fixés par le Pacte. À défaut, nous demandons au moins que soit étendu le mécanisme européen Athena qui permet le financement en commun d’une partie des dépenses relatives à des opérations militaires menées dans le cadre de l’Union européenne.

L’effort budgétaire en matière de défense et de sécurité est inégalement réparti en Europe : en dehors de la France et du Royaume-Uni, très peu de pays participent à cet effort. C’est encore plus vrai si l’on considère l’aptitude et la volonté des États à mener des opérations extérieures qui bénéficient à la sécurité de l’ensemble de l’Union : en la matière, la France et le Royaume-Uni apparaissent comme les seuls pays qui ont à la fois les capacités et la volonté de s’engager dans de telles opérations.

De ce point de vue, on peut considérer que les États membres qui assurent seuls – et à leurs seuls frais – l’essentiel de la sécurité de l’Europe, dans des cas bien précis, produisent une sorte de « bien public » européen, ou du moins une externalité positive pour l’ensemble de l’Europe. S’ils devaient être contraints de faire porter sur leurs dépenses militaires une part trop importante de l’effort de réduction de leurs déficits auquel ils sont obligés en vertu des règles européennes, c’est la sécurité de l’ensemble de l’Union qui s’en trouverait affaiblie, ce qui n’est assurément pas dans l’intérêt des Européens. Il est donc souhaitable que les modalités d’application des règles encadrant les déficits publics soient organisées de façon à ne pas produire d’effets pervers sur la sécurité de l’Europe, tant que l’Union ne sera pas en mesure de l’assurer elle-même.

M. Yves Fromion. Très bien.

M. le président. La parole est à M. le ministre, pour soutenir l’amendement n144.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Je comprends la démarche de M. Pueyo, qu’il expose dans son amendement n39. Cela étant, je reste prudent et c’est la raison pour laquelle je propose l’amendement n144.

L’amendement de M. Pueyo risque en effet de susciter de nombreuses demandes de la part d’autres secteurs qui souhaiteraient, eux aussi, être exclus du plafond des 3 %. Dans le cadre de la préparation du Conseil européen du mois de décembre, on examinera un sujet important concernant la fiscalité pour la défense, consistant à obtenir des incitations fiscales dès qu’un programme industriel d’armement est mis en œuvre dans le cadre d’une coopération. Je souhaite plutôt me battre sur ce point et j’espère qu’il sera retenu au moment du prochain Conseil européen. En tout cas, je ne veux pas trop disperser les efforts.

Par ailleurs, je comprends votre préoccupation. C’est pourquoi je suis favorable à l’extension du dispositif Athena, qui est un mécanisme de financement des coûts communs des opérations militaires de l’Union européenne, dont le budget est abondé par les États membres à proportion de leur PIB. Son coût doit rentrer dans l’exclusion du plafond des 3 %, d’autant que la révision de ce mécanisme est prévue au deuxième semestre 2014. Des pistes peuvent être explorées, portant sur l’inscription en exclusion des crédits dépensés par les différents acteurs pour des opérations de type EUTM Mali ou EUTM Somalie ou la mise en œuvre des coûts communs pour la mise en place des groupements tactiques de l’Union européenne qui, vous le savez, nécessitent aussi des financements. Il y a là un bon sujet qui pourrait être retenu au niveau de l’Union européenne.

C’est pourquoi je suis défavorable à l’amendement n39, mais que, dans son prolongement, j’ai déposé l’amendement n144.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur les amendements nos 39 et 144 ?

Mme Geneviève Gosselin-Fleury, rapporteure. La commission n’a examiné que l’amendement n39 de M. Pueyo, l’amendement du Gouvernement ayant été déposé ultérieurement. L’amendement n144 du Gouvernement est un amendement de compromis. Si M. Pueyo veut bien retirer son amendement, nous donnerions un avis favorable à l’amendement du Gouvernement.

M. le président. La parole est à M. Nicolas Dhuicq.

M. Nicolas Dhuicq. L’amendement n39 démontre en creux que la politique de défense ne peut être que nationale et que la souveraineté ne se partage pas, non plus que la dissuasion. Il va induire un clivage terrible entre les nations qui paieront le prix du sang, comme la France, et ceux qui s’exonéreront de leur devoir par quelques deniers, dont je doute même qu’ils les versent.

Oui, c’est un clivage terrible que vous induisez au sein du continent européen, où seuls quelques États-nations comme la France essaient de continuer leur chemin alors que d’autres comme les Pays-Bas deviennent de simples principautés abandonnant leur souveraineté nationale.

Il y a un risque majeur dans un moment où, je le répète, seuls deux pays sont contributeurs nets : l’Italie et la France. Le projet de loi de finances prévoit déjà une augmentation de 1,8 milliard d’euros de la contribution au budget de l’Union européenne. Le rabais britannique, grâce à Mme Thatcher, coûtera 1,4 milliard d’euros cette année aux contribuables français.

Il me paraît donc plus raisonnable de revoir globalement nos contributions au budget de l’Union européenne plutôt que d’induire ce clivage terrible entre le prix du sang et un rapport purement monétaire au devoir majeur qui incombe au citoyen d’un pays libre : donner éventuellement sa vie si cela est nécessaire pour maintenir la liberté.

M. le président. La parole est à M. Christophe Léonard.

M. Christophe Léonard. Cet amendement, que je cosigne avec Joaquim Pueyo, me permet de rappeler dans cette enceinte qu’il n’y a pas, à mes yeux, de puissance économique sans puissance militaire. Qu’il s’agisse de la Chine ou des États-Unis, nous voyons à l’œuvre un effort de réarmement, mouvement à l’écart duquel l’Union européenne ne peut se tenir.

C’est ce qu’entend souligner l’amendement n39. J’entends bien les préoccupations de M. le ministre et la sensibilité qu’il exprime. Mais la France, par l’effort militaire qui est le sien, contribue à la reconnaissance internationale de l’Union européenne et donc au renforcement de celle-ci dans les négociations internationales comme celle qui vient d’avoir lieu autour du nucléaire iranien. Notre pays ne doit pas subir une double peine. Il serait bon que l’Union européenne intègre dans l’application des règles du pacte de stabilité et de croissance le paramètre de l’effort militaire que la France consent, aux côtés du Royaume-Uni. Ce sont ces deux pays qui portent la défense de notre espace européen et il importe que notre gouvernement, à l’occasion de la prochaine réunion du Conseil européen de décembre, mette clairement ce sujet sur la table. Je ne doute pas que la proposition de M. le ministre permettra de faire entendre la voix de la France à la hauteur de l’effort qui est le sien, qui ne doit plus la pénaliser du point de vue de la contrainte budgétaire européenne.

M. le président. La parole est à M. Philippe Folliot.

M. Philippe Folliot. Les propos de M. Léonard me paraissent empreints de bon sens. Toutefois, débattre sur la question de savoir si les dépenses militaires doivent être soumises à l’application de la règle des 3 %, c’est renoncer à une autre option, ou en tout cas nous éloigner d’un objectif majeur : bâtir des budgets en équilibre et avoir des finances vertueuses, ce qui doit être le propre de toute politique.

Il est vrai que les pays membres de l’Union font des efforts très disparates en matière de défense. Comme l’a souligné M. Dhuicq, certains s’engagent sur le terrain, d’autres non. Nous voterons donc l’amendement du ministre, c’est mieux que rien, mais le problème ne sera pas résolu. Pour l’UDI, il ne pourra l’être que le jour où il y aura au sein du budget de l’Union européenne une enveloppe spécifiquement dédiée à l’Europe de la défense et à la PESC.

C’est un enjeu majeur que d’essayer d’aboutir à une solidarité financière. Quand la France intervient au Mali, elle doit supporter la quasi-totalité de l’effort financier alors qu’elle n’agit pas que pour elle, mais aussi pour l’ensemble des pays européens. Il serait logique qu’ils participent à cet effort, à travers cette solidarité.

Alors, monsieur le ministre, oui, nous voterons votre amendement, mais ce n’est qu’un petit signe avant que vous ne vous engagiez plus fortement lors du prochain Conseil européen de la défense.

M. le président. La parole est à M. François de Rugy.

M. François de Rugy. Même si j’ai la plus grande bienveillance et même de l’amitié à l’égard des collègues qui ont signé l’amendement n39, je ne l’aurais pas voté. Je comprends l’idée qui l’inspire, mais laisser entendre que des dérogations aux règles budgétaires européennes de déficit pourraient exister pour des dépenses de défense, mais pas des dépenses consacrées aux transports, aux universités ou aux hôpitaux m’aurait personnellement posé un problème.

En revanche, je souscris à l’amendement proposé par le ministre, qui va dans le bon sens même s’il ne revêt qu’un caractère presque symbolique et est extrêmement limité, comme l’ont souligné d’autres collègues. Il doit nous amener à faire un constat lucide – et c’est un militant de la construction politique européenne qui le dit : l’Union européenne, du fait de l’absence d’Europe politique véritable, est totalement incapable d’avoir une politique de défense.

M. le président. La parole est à M. Yves Fromion.

M. Yves Fromion. Les deux propositions de l’amendement de Joaquim Pueyo figurent dans le rapport que nous avons rédigé ensemble, à la demande de la commission des affaires européennes, lequel a donné lieu à un débat dans notre assemblée. Mais je suis de votre avis, monsieur le ministre : je suis obligé de reconnaître que l’une de ces propositions est rationnelle et réaliste et que l’autre, si elle est souhaitable, n’a sans doute pas la moindre chance d’être prise en considération à court terme.

Le mécanisme de financement Athena fonctionne aujourd’hui. Il serait pertinent d’essayer de le pousser un peu plus loin et de l’améliorer. Votre proposition s’inscrit dans le pragmatisme du moment, elle a donc quelque chance d’être retenue par la Commission. À titre personnel, je voterai donc non pas pour l’amendement de M. Pueyo, même si j’en suis en quelque sorte co-signataire, mais pour celui du Gouvernement.

M. le président. Maintenez-vous votre amendement n39, monsieur Pueyo ?

M. Joaquim Pueyo. Je veux remercier tous ceux qui ont participé à ce débat.

L’idée de base est simple : il paraît normal que lorsqu’un pays membre de l’Union européenne participe à des opérations extérieures pour le bien de la sécurité de l’Europe, il soit dédommagé. Nous sommes allés plus loin en ajoutant la référence aux 3 %. Ce n’était pas une forme de provocation, mais presque.

M. Christophe Léonard. Un amendement d’appel !

M. Joaquim Pueyo. Il s’agissait pour nous de faire en sorte que les pays qui contribuent peu aux opérations extérieures prennent bien conscience de cet aspect.

Monsieur le ministre, vous avez repris dans votre amendement la deuxième partie du nôtre et je vous en remercie. Dans la mesure où l’esprit de notre proposition est conservé et où vous vous êtes engagé à soumettre ce problème au prochain Conseil européen consacré à la défense, qui aura lieu dans quelques semaines, je retire mon amendement.

(L’amendement n39 est retiré.)

(L’amendement n144 est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Yves Fromion, pour soutenir l’amendement n77.

M. Yves Fromion. Il est dans le même esprit que les précédents. J’ai trouvé assez anormal que nulle part dans le corps du projet de loi ne figure de façon explicite une référence aux dispositifs européens, notamment ceux du traité de Lisbonne. Il faut dire que dans le Livre blanc, l’Union européenne n’est guère mieux traitée. Mon amendement vise simplement à préciser que la loi de programmation s’inscrit dans la volonté qui nous anime tous de pousser en avant la politique de défense européenne – je ne parle pas de l’Europe de la défense, qui n’existe guère – et de faire avancer l’esprit européen, volonté aussi présente dans l’amendement du ministre.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Geneviève Gosselin-Fleury, rapporteure. Monsieur Fromion, nous ne sommes absolument pas d’accord avec votre exposé sommaire. Cette loi de programmation ne fait preuve en aucun cas de « désinvolture condamnable à l’endroit des institutions européennes ».

Par ailleurs, votre amendement est déjà satisfait par l’alinéa 31 du rapport annexé : « La France œuvrera avec ses principaux partenaires européens en faveur du renforcement de la politique de sécurité et de défense commune de l’Union européenne, conduisant à une défense commune européenne crédible et autonome. » Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Même avis. Votre amendement en tant que tel, monsieur Fromion, ne me gêne pas, mais si vous voulez vraiment faire adopter vos propositions, il faut modifier vos exposés sommaires.

M. Yves Fromion. Je peux le faire si vous voulez !

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. C’est un peu tard. Je vous avais déjà fait cette remarque en commission et vous n’en avez pas tenu compte.

(L’amendement n77 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Folliot, pour soutenir l’amendement n88.

M. Philippe Folliot. Cet amendement vise à inscrire dans le marbre de la loi de programmation militaire la création d’une académie européenne du renseignement.

Notre pays est doté d’une académie nationale du renseignement qui a fait ses preuves. Si nous voulons aller plus loin dans la politique de sécurité et de défense commune à laquelle nous sommes toutes et tous si attachés, il faudra aussi partager si ce n’est les renseignements eux-mêmes, du moins la façon d’appréhender la question et les enjeux qui y sont liés. C’est tout le sens de cet amendement qui, je n’en doute pas, recueillera l’unanimité dans cet hémicycle.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Geneviève Gosselin-Fleury, rapporteure. Désolée de vous décevoir, monsieur Folliot, mais la commission a donné un avis défavorable à votre amendement. Le renseignement ne fait pas partie des activités qui relèvent de la politique de sécurité et de défense commune : il appartient aux domaines de souveraineté de chaque État. Mais vous savez bien sûr que les services de renseignement européen coopèrent déjà, de façon bilatérale et au cas par cas.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. La proposition de M. Folliot est intéressante. L’académie du renseignement créée en France à la suite du Livre blanc de 2008 est une réussite et participe à une gestion modernisée des ressources humaines du renseignement. Il n’est pas certain que nos partenaires européens soient aussi avancés dans leurs réflexions. Même si cette idée suscite la sympathie, elle me paraît prématurée compte tenu de la nature des coopérations existant en Europe, d’autant que le renseignement, comme l’a souligné Mme la rapporteure, n’est pas de la compétence de l’Union européenne.

M. le président. La parole est à M. Philippe Meunier.

M. Philippe Meunier. À titre personnel, je soutiens la position de la rapporteure et du ministre, même si ce dernier utilise le langage diplomatique pour qualifier une proposition que je ne trouve pas du tout « sympathique » pour ma part.

(L’amendement n88 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n41 qui fait l’objet d’un sous-amendement no 143.

La parole est à M. Philippe Nauche, pour soutenir l’amendement.

M. Philippe Nauche. Cet amendement vise à préciser les modalités de la « redynamisation de l’effort de l’Union européenne en matière de gestion de crise et de maintien de la paix ». Nous considérons que pour être davantage réactives en matière de gestion de crise, les institutions européennes doivent mobiliser de façon plus rapide, cohérente et efficace l’ensemble des instruments de gestion de crise à leur disposition. Pour cela, elles doivent s’attacher à optimiser leur façon de travailler et mettre un terme aux cloisonnements institutionnels qui persistent entre la Commission et le Service européen d’action extérieure.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Geneviève Gosselin-Fleury, rapporteure. Favorable, avec un sous-amendement rédactionnel pour assurer la cohérence de cet amendement.

M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission de la défense nationale et des forces armées, pour soutenir le sous-amendement n143.

Mme Patricia Adam, rapporteure de la commission de la défense nationale et des forces armées. Il est défendu.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur le sous-amendement et l’amendement ?

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Avis favorable.

(Le sous-amendement n143 est adopté.)

(L’amendement n41, sous-amendé, est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Candelier, pour soutenir l’amendement n47.

M. Jean-Jacques Candelier. Je n’ai pas de doute sur le sort qui sera réservé à mon amendement, car l’adopter ne ferait de toute manière pas sortir la France de l’OTAN.

M. Yves Fromion. Défaitiste !

M. Jean-Jacques Candelier. Je souhaite cependant que le débat ait lieu sur quelques points particuliers. Comment accepter que la France ait repris toute sa place dans le fonctionnement de l’OTAN ? Je rappelle que Jean-Marc Ayrault, alors président du groupe socialiste, avait déposé en 2008 une motion de censure à l’occasion du retour de la France dans le commandement intégré de l’OTAN.

M. Yves Fromion. Absolument !

M. Jean-Jacques Candelier. Notre groupe continue de penser que l’OTAN est une organisation du passé qui coûte cher, qui ne connaît que la logique du rapport de forces et qui n’est pas réformable. Il y a une contradiction entre la volonté affichée d’autonomie et de réactivité de nos forces et l’inscription de notre stratégie au sein de l’Alliance atlantique. L’OTAN est un carcan, une relique du passé qui peine à justifier son existence. Elle se croit investie de la sécurité du monde, allant ainsi contre la responsabilité et les compétences mêmes de l’Organisation des Nations unies. Or, ainsi que je l’ai dit en discussion générale, cette dernière est la seule référence !

Par ailleurs, le projet de défense antimissile balistique, évoqué à l’alinéa 33, conduira au renforcement de la course à l’armement et de la prolifération d’armes de destruction massive et de missiles balistiques dans le monde, notamment dans les pays déclarés hostiles. Il s’agit d’un projet dangereux et déstabilisateur pour la sécurité internationale. En outre, un tel projet nécessite une technologie de guerre qui coûterait plusieurs centaines de millions d’euros chaque année pendant dix ans, au seul bénéfice des entreprises américaines.

Nous demandons donc que la France se retire de l’OTAN, d’une part, et du projet de défense antimissile, projet onéreux qui tourne le dos à l’ambition de désarmement mondial et à l’exigence de dialogue entre les nations, d’autre part.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Geneviève Gosselin-Fleury, rapporteure. Comme vous l’aviez imaginé, il est défavorable : il n’est pas question de rouvrir le débat qui a eu lieu en son temps sur le retour de la France dans le commandement intégré de l’OTAN.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Nicolas Dhuicq.

M. Nicolas Dhuicq. Certains discours ne manquent pas de sel ! Rappelez-vous qu’un certain ministre des affaires étrangères avait mené le combat contre le retour des officiers français au sein de nombreux commandements de l’OTAN, à l’exception notable du comité des plans nucléaires.

Néanmoins, un élément de cet amendement est assez intéressant : l’alinéa 33 soulève en effet quelques questions, monsieur le ministre. En effet, il traite dans la même phrase d’une combinaison associant la dissuasion et la défense antimissile balistique – qui avait fait couler beaucoup d’encre, en particulier concernant les BRICS – technologie que la France pouvait apporter et qui ne semble plus du reste être à la mode aujourd’hui.

Cette association d’une « combinaison appropriée de capacités nucléaires, conventionnelles et de défense antimissile » incidemment glissée dans l’alinéa 33 m’inquiète quelque peu lorsque l’on sait le primat que nous portons à la question de la dissuasion comme arme essentiellement politique de non-emploi. Nombre d’entre nous avaient fait part de leurs inquiétudes quant à la création d’un prétendu bouclier antimissile balistique, dont le président Reagan avait fait, avec la guerre des étoiles, une arme de destruction massive, très efficace financièrement, auprès de feue l’Union soviétique.

Je redoute qu’il y ait là encore un peu de la pensée géostratégique américaine, les États-Unis suivant uniquement, comme toute grande puissance, comme nous, leurs propres intérêts. En ce sens, je trouve cet aliéna particulièrement dangereux.

(L’amendement n47 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Yves Fromion, pour soutenir l’amendement n72.

M. Yves Fromion. Je me suis beaucoup exprimé sur ce sujet lors de la motion de renvoi en commission. Je ne vais donc pas vous infliger une nouvelle fois ma démonstration.

Mme Patricia Adam, rapporteure. Merci !

M. Yves Fromion. Elle était pourtant éclatante ! Mais elle n’a pas été convaincante, et j’en suis désolé. Mais cela vous permettra de réfléchir pour le futur.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Geneviève Gosselin-Fleury, rapporteure. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Gilbert Le Bris.

M. Gilbert Le Bris. Je ne me suis pas encore exprimé, et cet amendement me donne l’occasion de le faire. J’ai suivi un certain nombre de lois de programmation militaire et de budgets militaires, leur conception, leur exécution. J’ai même appris à cette occasion une expression : « pousser la bosse ». Cela signifie faire des financements glissants, tellement glissants qu’ils aboutissent à l’oubli complet…

M. Yves Fromion. C’est encore le cas : cela représente trois milliards !

M. Gilbert Le Bris. À tel point qu’en 2012, M. le ministre a trouvé trois milliards de financements qui n’étaient pas assurés !

J’ai écouté avec beaucoup d’attention les orateurs de l’opposition et j’ai remarqué qu’ils nous reprochaient de risquer de ne pas mettre en place les financements nécessaires à la loi de programmation, instruits par leur propre expérience. « Mea culpa », semblaient-ils nous dire ! Puis, ils nous ont dit qu’il faudrait des MRTT. « On ne les a pas faits, mea culpa ! » Qu’il faudrait aussi des drones, « mea culpa ! », qu’il faudrait également des ANL, « mea culpa ! » et qu’il faudrait plus de FREMM, « mea culpa ! Mea maxima culpa ! ».

Mais vous battez votre coulpe sur notre poitrine, ce qui est très peu agréable.

M. Philippe Meunier. Mais non ! Ce n’est pas sérieux !

M. Gilbert Le Bris. Nous préférerions que votre autocritique vous amène à reconnaître que, finalement, vous n’avez pas fait ce qu’il fallait dans le domaine de la défense et que vous souhaiteriez nous voir réaliser enfin ce que vous n’avez pas accompli. Mon groupe se prononce donc défavorablement sur l’amendement de M. Fromion. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

(L’amendement n72 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. François de Rugy, pour soutenir l’amendement n115.

M. François de Rugy. Une fois n’est pas coutume, j’emploierai la même formule que M. Fromion : étant déjà intervenu à maintes reprises dans la discussion générale sur la question de la dissuasion nucléaire, je pense que nous avons déjà échangé les arguments. Les amendements n’ont pas d’autre but que d’ouvrir un espace de débat. J’ai entendu la présidente de la commission s’engager à ce que cet espace de débat existe dans les semaines ou les mois qui viennent au sein de la commission. Je m’y investirai donc au nom du groupe écologiste, qui est très attaché à la tenue d’un débat sur la question de la dissuasion nucléaire.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Geneviève Gosselin-Fleury, rapporteure. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Yves Fromion.

M. Yves Fromion. Je ne vois vraiment pas en quoi mon excellent collègue M. de Rugy et moi pourrions avoir un point de vue commun sur la suppression de l’alinéa 40 : je n’ai jamais demandé cela ! S’il s’agit de parler de la dissuasion nucléaire, nous sommes entièrement d’accord, mais je ne demande pas que l’on supprime cet alinéa ! Je ne voudrais pas qu’il y ait de confusion mentale sur le sujet.

M. Gwenegan Bui, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères. Nous avions parfaitement compris !

M. le président. La parole est à M. Christophe Guilloteau.

M. Christophe Guilloteau. La constance de M. de Rugy est amusante : il nous a déjà fait le coup l’année passée. Il est donc cohérent avec lui-même, heureusement, tout comme certains de ses collègues d’ailleurs. Il nous a joué le même tour pour le budget, ainsi que l’autre jour en commission : cette sorte de focus sur la dissuasion doit le tarauder du matin jusqu’au soir !

Cela étant, Mme la rapporteure a dit tout à l’heure que certains éléments étaient déjà classifiés et que nous ne pourrions pas y avoir accès. Cela pose déjà un problème pour la tenue d’un débat, monsieur de Rugy. Pour ma part, j’y suis totalement défavorable, et je pense que mes collègues du groupe UMP le sont également, eux qui étaient initialement des députés RPR, à l’origine avec le Général de Gaulle de ce qui est devenu la dissuasion nucléaire. Vous comprendrez donc, monsieur, que nous soyons défavorables à votre amendement.

(L’amendement n115 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 48 et 49, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.

La parole est à M. Jean-Jacques Candelier, pour les soutenir.

M. Jean-Jacques Candelier. Dans un contexte budgétaire contraint, ce texte reconduit sans le justifier notre arsenal nucléaire, ce qui aboutit à un déséquilibre de notre outil de défense au détriment des forces conventionnelles, pourtant plus adaptées aux conflits actuels. Monsieur le ministre, vous vous déclarez favorable à la dénucléarisation de tous les pays du monde : alors pourquoi certains pays développent-ils leurs arsenaux ? Le Gouvernement prend souvent ce fait comme une donnée, mais il oublie de dire que c’est en réaction à nos propres efforts de modernisation. Le serpent se mord la queue et la course à l’armement continue !

Nous devons toutefois garder la stricte suffisance avant que les autres ne consentent les efforts nécessaires. Cela exclut les programmes de modernisation et de développement de nos armements nucléaires. La poursuite de la modernisation des composantes de la dissuasion nucléaire qui préparent leur renouvellement n’est pas conforme au principe de stricte suffisance et ne respecte pas les engagements que nous avons souscrits dans le cadre du traité de non-prolifération de ne pas développer les armements nucléaires. Enfin, la dissuasion nucléaire ne peut être présentée comme la clef de voûte de notre sécurité alors que sa doctrine d’emploi ne définit toujours pas ce que sont exactement nos intérêts vitaux et que la guerre froide est finie !

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements ?

Mme Geneviève Gosselin-Fleury, rapporteure. Concernant l’amendement n48, monsieur Candelier, la simulation conduite par le Commissariat à l’énergie atomique est bien évidemment indispensable à la pérennité de notre dissuasion. Toutefois, elle n’est pas suffisante. La mise en œuvre de notre dissuasion nécessite des expertises, un savoir-faire de nos militaires, qui doivent s’entraîner et être disponibles. Cela ne peut être remplacé par une simple simulation. Avis donc défavorable.

Concernant l’amendement n49, je voulais vous dire qu’il n’est pas question d’augmenter le nombre de têtes nucléaires. Comme le rappellent le Livre Blanc ainsi que le rapport annexé, il s’agit simplement de moderniser la mise en œuvre et les vecteurs de ces têtes nucléaires. Pour cette raison, nous donnerons un avis également défavorable à cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Ces deux amendements méritent quelques explications. Le Gouvernement y est défavorable car il nous est en effet proposé de geler la situation. Il y a une confusion entre la simulation et la stricte suffisance. La simulation, c’est le remplacement de l’essai, tandis que la stricte suffisance signifie que nos capacités sont au plus bas niveau compatible avec la défense de nos intérêts vitaux : elle évolue donc en fonction de l’évolution générale des pays voisins et de la manière dont nous concevons la protection de nos intérêts vitaux au plus bas niveau. On ne peut donc pas rester en situation gelée, même en stricte suffisance. Nous avons là une différence d’appréciation. Par ce biais, vous voulez en fait arrêter le dispositif et la capacité nucléaires. Ce n’est pas notre choix. Le Gouvernement s’oppose donc à ces deux amendements.

M. le président. La parole est à M. Nicolas Dhuicq.

M. Nicolas Dhuicq. M. Candelier confond le projectile et le vecteur. Chacun ici sait que le nombre de têtes, qui est désormais public, s’établit à 300 et correspond exactement à la stricte suffisance pour avoir une permanence à la mer, avec un jeu suffisant pour nos quatre SNLE et pour l’ASMPA. En outre, les têtes doivent être entretenues : elles ne sont pas opérationnelles tout le temps. Et accessoirement, nous ne mettons pas que des têtes dans les missiles : nous mettons parfois des leurres, comme le font certains de nos adversaires.

Si nous suivons le raisonnement de M. Candelier et ne faisons pas évoluer nos vecteurs dans les trente ans à venir, il suffit de quelques antécédents pour lire la toile qui se présente devant nous. Projetons-nous quelques siècles en arrière : la phalange macédonienne a dominé le monde antique pendant un certain temps. Mais lorsque la légion romaine est arrivée, souple, manipulable au sens premier du terme, elle a défait la phalange. Il en ira exactement de même pour nos vecteurs si les efforts d’investissements, sur lesquels d’ailleurs nous avons des interrogations, comme sur les SNLE, ne sont pas consentis : nous perdrons la course, nous perdrons la bataille. La question donc n’est pas d’augmenter notre puissance de feu mais de maintenir de la capacité du chef de l’État à déposer les projectiles, si besoin, en tous temps et en tous lieux.

M. le président. La parole est à M. François de Rugy.

M. François de Rugy. Je voterai l’amendement de M. Candelier. J’en profite pour m’étonner des propos que M. Guilloteau a tenus tout à l’heure. Je pourrais lui demander ce qu’il pense de la comparaison que vient de faire M. Dhuicq entre la dissuasion nucléaire et son éventuel renouvellement et les armées romaine et macédonienne. Mais cela risquerait de nous emmener dans un débat historique un peu long à cette heure déjà avancée.

J’ajoute que lorsqu’on a des propositions à faire, il me paraît logique de les défendre et en commission et en séance publique. C’est ce que nous avons presque tous fait, quel que soit le banc sur lequel nous siégeons. Et en matière de dissuasion nucléaire, on ne peut pas dire que l’on souffre d’un trop-plein de débats et d’échange. Nous sommes en effet fort peu nombreux à poser des questions sur ce sujet – mais il faut dire aussi que ces questions viennent de différents points de l’échiquier politique. Hier, M. Morin, du groupe UDI, s’est exprimé de façon très claire sur la dissuasion nucléaire. Il a parlé de tabou nucléaire, comme je l’avais fait. Et il a même parlé des « nucléocrates ». Je rappelle au passage que M. Morin est un ancien ministre de la défense.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Ce n’est pas une raison !

(Les amendements nos 48 et 49, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Nauche, pour soutenir l’amendement n42.

M. Philippe Nauche. Cet amendement vise à préciser que les forces spéciales et les forces conventionnelles vont de pair et ne peuvent se substituer les unes aux autres.

M. Yves Fromion. Très juste !

M. Philippe Nauche. En effet, les forces spéciales ne constituent pas une quatrième armée, mais sont les corps d’élite issus de l’armée de terre et de la marine nationale, disposant d’une chaîne de commandement spécifique.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Geneviève Gosselin-Fleury, rapporteure. Favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Favorable également. Cet amendement me permet de m’arrêter sur les forces spéciales, ce que je n’ai pas encore eu l’occasion de faire depuis le début de l’examen de ce texte. Bien évidemment, il n’y aura pas une quatrième armée faite des forces spéciales. Cela dit, il faut que les choses soient très claires entre nous, qu’il n’y ait pas d’ambiguïté.

D’abord, je veux rendre hommage aux forces spéciales, qui se sont imposées comme une capacité de premier plan dans toutes les crises récentes et sur les théâtres les plus variés. Elles constitueront une capacité prioritaire dans la loi de programmation militaire qui je l’espère sera votée mardi prochain. Elles ont en effet dans le nouveau modèle d’armée une place particulière, ce qui fait que leurs effectifs passeront de 3 000 à 4 000 en fin de loi de programmation, avec une chaîne de commandement spécifique qui restera directement sous l’autorité du chef d’état-major des armées. Les moyens et l’interarmisation du Commandement des opérations spéciales seront donc accrus, comme sa capacité à se coordonner avec les services de renseignement.

Les forces spéciales bénéficient de critères de recrutement spécifiques. Nous avons choisi d’augmenter les effectifs car nous avons pu constater les limites actuelles, alors que leur capacité à entrer en premier a été avérée dans les différentes opérations récentes. Aussi, le présent projet de loi de programmation prévoit-il à leur bénéfice des programmes classés majeurs : moyens de transmission sécurisés Melchior, véhicules terrestres spéciaux, C 130 rénovés. Elles bénéficieront aussi de dotations renforcées pour l’aéromobilité, en Cougar rénovés et en Tigre.

Vous le voyez, un effort très significatif est donc fait en direction des forces spéciales parce qu’elles sont tout à fait indispensables et qu’elles entrent dans le nouveau modèle d’armée qui a été esquissé dans le Livre blanc et appliqué concrètement dans le projet de loi de programmation militaire. Je tenais à apporter ces précisions afin d’éviter toute ambiguïté. Il peut y avoir des arrière-pensées, compréhensibles, mais les choix sont faits dans la loi de programmation militaire et ils doivent s’appliquer. La place des forces spéciales doit être significativement renforcée à tous égards.

(L’amendement n42 est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Folliot, pour soutenir l’amendement n83.

M. Philippe Folliot. Il s’agit de mettre fin à cette forme de supplice chinois auquel nos forces sont soumises. Comme les plans de suppression d’unités ne sont pas annoncés de manière globale et transparente, des malaises et des interrogations se font jour, y compris dans des unités qui ne sont pas du tout menacées. C’est pourquoi nous demandons que le ministère de la défense puisse faire part de ses intentions au plus tard dans les six mois suivant la promulgation de la présente loi. Je rappelle que toute fermeture doit donner lieu à préavis : d’un an pour les personnels militaires, de deux ans pour les personnels civils. Cela facilitera les choses de savoir ce qu’il en est.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Geneviève Gosselin-Fleury, rapporteure. Monsieur Folliot, nous avons dit en commission que nous comprenions la motivation sociale de votre amendement. Toutefois, M. le ministre a dit aussi qu’il ne servait à rien de dévoiler un grand plan d’ensemble si c’était pour le détricoter au fil des années. Voilà pourquoi la commission est défavorable à votre amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. J’ai déjà eu l’occasion de répondre à M. Folliot sur cette question. Je veux dire à la représentation nationale que la question est de savoir ce qui va se passer, et non ce qui s’est passé auparavant. Très concrètement, cela veut dire qu’il y aura beaucoup moins de fermetures de sites que par le passé.

Votre amendement est peut-être lié au fait qu’il y a eu, au cours de la loi de programmation militaire passée, un nombre assez important de fermetures de sites qui ont occasionné des traumatismes, ce que je comprends. Là, nous sommes dans une perspective plus réduite, ce qui rend l’analyse plus difficile et la décision plus complexe. C’est la raison pour laquelle j’ai décidé de procéder annuellement, au moins jusqu’à la révision de la loi de programmation à la fin de 2015. J’ai indiqué à plusieurs reprises les critères principaux qui entreraient dans les éléments du choix : l’aménagement du territoire, la cohérence de l’ensemble de la capacité militaire du secteur, ou la prise en compte de déserts militaires éventuels.

Si l’on anticipe trop, je ne suis pas sûr que les jugements soient opportuns. C’est ce que j’ai pu constater d’ailleurs y compris sur des décisions que j’ai dû prendre en 2012 – et j’assume volontiers le passé. Il n’est pas toujours opportun de dire six ans à l’avance ce qu’il faut faire, car les conditions peuvent changer, les circonstances et les priorités peuvent évoluer. Je m’en tiens donc à cette logique, même si je comprends vos interrogations.

M. le président. La parole est à M. Philippe Meunier.

M. Philippe Meunier. Monsieur le ministre, vous ne pouvez pas vous en sortir comme cela. Nous soutiendrons l’amendement de M. Folliot car, comme il le dit, c’est un supplice chinois. Il y a des communes qui sont dans l’expectative, puisqu’elles savent que 34 000 postes de militaires vont disparaître et que des sites vont fermer. Vous le savez, et vous ne pouvez pas traiter ce dossier comme cela.

Lors de la précédente loi de programmation militaire, le Gouvernement avait pris ses responsabilités et annoncé ce qu’il allait faire.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Mais ça a changé après !

M. Philippe Meunier. Il faut annoncer les choses, sinon toutes les interprétations sont possibles. Pourquoi ne le faites-vous pas ? Pour des raisons politiques, de retour sur sondage ? Vous savez que vous allez supprimer 34 000 postes et vous passez votre temps à vous projeter sur les cinq ans à venir. Alors, projetez-vous aussi par rapport à la fermeture de ces bases, rassurez les communes, ce qui leur permettra, ainsi qu’aux familles de militaires, de préparer ce que vous avez déjà décidé de faire.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Monsieur Meunier, vous me demandez de rendre public ce que j’ai décidé de faire. Je vous réponds que je n’ai rien décidé du tout, sauf l’échéance 2014. J’ai seulement demandé que l’on travaille sur un certain nombre d’hypothèses. Il y aura nettement moins de fermetures de sites que lors de la précédente loi de programmation militaire, ce qui rend les choix plus exigeants. Par ailleurs, la déflation se fera seulement pour un tiers dans les unités opérationnelles, ce qui ne rime pas nécessairement avec fermetures de sites. J’ajoute qu’un travail d’analyse fonctionnelle est engagé pour assurer la déflation sur les organismes centraux. C’est un travail difficile qu’il faut mener avec beaucoup de vigilance, de précision et de minutie, et c’est ce à quoi je m’emploie. Dans cet ensemble, il y aura un certain nombre de fermetures de sites que je n’ai pas encore décidées parce que je n’ai pas encore les propositions.

Comme je l’ai dit en commission, on m’a fait des propositions avant l’été pour des fermetures en 2014. Je ne les ai pas toutes suivies car je tiens à aller sur place pour me rendre compte de la réalité des situations et essayer de trouver les solutions les plus cohérentes et les moins traumatisantes pour l’environnement, et en particulier pour les territoires. J’agirai ainsi jusqu’à la révision de la programmation en 2015.

M. le président. La parole est à M. Yves Fromion.

M. Yves Fromion. Monsieur le ministre, bien évidemment vous avez le droit de choisir la méthode qui vous paraît la plus adaptée. Mais, comme je l’ai rappelé en défendant la motion de renvoi en commission, vous avez écrit que les restructurations se feront avec prévisibilité, transparence et équité. Si vous ne dites ce qui va se passer que la veille pour le lendemain, il n’y a plus de prévisibilité ! Il ne fallait pas écrire dans la loi de programmation militaire que vous mettriez en avant la prévisibilité des fermetures et des restructurations, car le compte n’y est pas, comme l’on dit à la CGT.

(L’amendement n83 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Candelier, pour soutenir l’amendement n50.

M. Jean-Jacques Candelier. Les armes ne sont pas des produits comme les autres. La commande publique est souvent contrainte par les impératifs industriels et la cadence minimale de production – on parle souvent du Rafale par exemple. L’État intervient à travers ce qu’on appelle les crédits d’études amont. C’est donc tout à fait particulier.

Par ailleurs, l’industrie de défense est une composante essentielle de notre autonomie stratégique, comme le dit bien le rapport annexé : « La France fait le choix de considérer que l’industrie de défense est une composante essentielle de son autonomie stratégique. Elle est aussi un facteur de compétitivité pour l’ensemble de l’économie. Elle joue un rôle majeur pour l’emploi industriel. »

Cet amendement vise à compléter cet alinéa par la phrase suivante : « Elle doit être sous le contrôle public », ce qui met en jeu la souveraineté nationale de l’aide publique. Malheureusement, cette proposition va à l’opposé de ce qui se passe en ce moment. Nous avons appris par la presse que le ministre de l’économie, M. Pierre Moscovici, le vendredi 15 novembre avait cédé 4,7 % du capital de Safran, certainement pour entrer dans les clous de l’austérité.

Nous proposons de créer un pôle public national regroupant les industries de défense, qui actuellement s’occupent uniquement de rentabilité financière. Une maîtrise publique permettrait d’éviter que la course aux profits ne conduise à la course à l’armement et que la conception, la fabrication et la vente d’armes ne soient pas banalisées.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Geneviève Gosselin-Fleury, rapporteure. La portée de cet amendement nous semble incertaine. S’agit-il de nationaliser, ou renationaliser, les industries de défense ? Cela ne nous semble ni réaliste ni souhaitable. L’État détient des participations dans la plupart des industries de défense, il est même dans certains cas l’actionnaire unique. À l’intérieur de ces entreprises, les administrateurs de l’État jouent leur rôle de contrôle.

Je veux aussi vous rappeler qu’une autre forme de contrôle est assurée par la commission de la défense, puisque nous avons le pouvoir d’auditionner les dirigeants des entreprises et même de créer des missions de contrôle. Enfin, s’agissant des exportations d’armement, cette activité de l’industrie de la défense est soumise à des contrôles particulièrement rigoureux. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Défavorable également. L’industrie de défense doit pouvoir, en fonction des situations, accéder à des sources de financement diversifiées afin de financer son développement, qu’il s’agisse de l’autofinancement de produits de défense, de l’acquisition de sociétés, du développement civil, du marché dual ou de la conquête de marchés à l’export.

Le contrôle par des actionnaires privés d’une entreprise de défense ne peut être interdit par principe. Il existe aussi de nombreuses petites entreprises de droit privé dans le domaine de la défense. Je suis pour un pragmatisme efficace en la matière. Les situations des différents groupes de défense sont variées. Ce qui importe, c’est la bonne adéquation de la répartition du capital au projet de développement stratégique de l’entreprise. Le contrôle de l’État, comme l’a rappelé la rapporteure, s’exprime par bien d’autres leviers, qu’il s’agisse de la commande publique, des accords contractuels ou du contrôle des exportations. L’enjeu, pour le ministre de la défense, consiste à s’assurer que les leviers sont utilisés à bon escient, dans l’intérêt du ministère et pour la mise en œuvre de ses commandes.

M. le président. La parole est à M. Nicolas Dhuicq.

M. Nicolas Dhuicq. Il y a du vrai dans cet amendement, présenté alors que 4 % de la société Safran ont été cédés sans que la représentation nationale n’ait été saisie. Les administrateurs, ce n’est pas tout à fait la même chose que les représentants du peuple. Or il existe des domaines qui ne peuvent appartenir qu’à la nation souveraine, et l’énergie en fait partie. Je trouve toujours intéressant de constater la différence de notre positionnement avec celui de M. Schröder, ancien chancelier de la République fédérale allemande, qui travaille aujourd’hui pour Gazprom.

Enfin, cet amendement intervient au moment où nous allons perdre des compétences dans le domaine des munitions, des tubes d’artillerie, des armes individuelles de petit calibre. Régulièrement, nous délaissons des éléments de la souveraineté nationale à des actionnaires extérieurs, qui pourraient agir à terme pour le compte de puissances extérieures ne partageant pas nos intérêts.

Certains amendements de nos collègues sont encore empreints d’illusions sur l’Union européenne. Mais nous voyons bien que les politiques de défense sont inspirées par des intérêts nationaux différents. Non, la République fédérale allemande n’a pas les mêmes intérêts géostratégiques que les nôtres. Oui, la République fédérale allemande cherche par tous les moyens, avec Krauss-Maffei et d’autres grandes sociétés, à récupérer nos actifs. Le jour où l’ensemble de nos actifs, comme le dit M. Candelier, seront entre les mains de puissances étrangères, comment produirons-nous les armements dont nous aurons besoin ?

(L’amendement n50 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Nauche, pour soutenir l’amendement n44.

M. Philippe Nauche. L’éco-conception des équipements de défense permet de diminuer la consommation énergétique, d’augmenter l’autonomie et la discrétion ; elle permet d’anticiper les réglementations très contraignantes ; enfin, elle permet d’envisager dès le départ la problématique du démantèlement.

Des équipements produits par notre industrie sont déjà éco-conçus : c’est le cas notamment des A 400M et des FREMM. Cet amendement vise à ce que cette démarche puisse être généralisée.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Geneviève Gosselin-Fleury, rapporteure. Avis favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. La rédaction de l’amendement paraît un peu curieuse mais je n’ai pas d’objection de principe sur le fond. Cette démarche est déjà prise en compte dans une des instructions ministérielles qui régit la conduite des opérations d’armement. Elle repose sur la prise en compte de l’environnement, le plus en amont possible, dans les documents relatifs aux opérations, sur une cartographie, pour chaque projet, des substances dangereuses et sur un inventaire des différents aspects environnementaux significatifs et maîtrisables du système d’armes, de façon à définir les exigences environnementales appropriées. Avis favorable.

M. Yves Fromion. Nous avons déjà des chars biodégradables !

M. le président. La parole est à M. Nicolas Dhuicq.

M. Nicolas Dhuicq. Cet amendement intègre-t-il la politique des carburants des États-Unis d’Amérique, en particulier de l’armée de l’air américaine ? Celle-ci travaille uniquement avec du carburant synthétique, afin d’économiser au maximum les réserves stratégiques, d’exploiter le pétrole d’Afrique de l’Ouest, au passage en en privant la France, et de préserver ses intérêts, tout cela dans un contexte de rapprochement prévisible avec l’Iran.

Encore une fois, notre politique étrangère n’est pas nouvelle : vos prédécesseurs, monsieur le ministre, entretenaient les mêmes relations avec les monarchies pétrolières. Un jour, les États-Unis reprendront pied en Iran tandis que nous, nous serons de l’autre côté du Golfe, avec des monarchies relativement instables, comme vient de le rappeler fort justement M. Candelier. Bref, votre préoccupation, cher collègue, concerne-t-elle aussi la stratégie américaine, qui vise à imposer des modifications des moteurs d’aéronefs pour fonctionner à terme avec le carburant que les États-Unis auront choisi tout seuls d’employer, afin de préserver leurs réserves stratégiques ?

(L’amendement n44 est adopté.)

M. le président. La parole est à M. le ministre, pour soutenir l’amendement n17.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Cet amendement, qui va de pair avec les nos 16, 18 et 19, vise à permettre une majoration des ressources exceptionnelles de 500 millions d’euros, conduisant au total de 190,48 milliards.

Il s’agit d’apporter une garantie supplémentaire à l’engagement du Gouvernement pour la mise en œuvre de la loi de programmation. Cette disposition permet de sécuriser intégralement, en début de programmation et d’ici la première actualisation de la LPM, les commandes et livraisons des opérations d’investissement prévues par le présent projet de loi. Elle permet de se prémunir contre un accroissement des reports de charges.

Certains d’entre vous ont bien voulu saluer cet effort important du Gouvernement. Afin de respecter la trajectoire budgétaire globale sur laquelle la France est engagée, ce supplément de ressources proviendrait non de crédits budgétaires mais de recettes exceptionnelles. Ces ressources sont mentionnées aux alinéas 308 à 312 du rapport annexé, qui précisent les ressources exceptionnelles auxquelles il pourra être fait appel.

Cette garantie permet le lancement des principaux engagements d’armement de l’année 2013 et de l’année 2014, avec l’ensemble des commandes indiquées. Jusqu’à la première actualisation, programmée en 2015, la disponibilité des ressources pour les nouvelles opérations d’armement fera l’objet d’une analyse régulière.

Si un manque de ressources disponibles pour ces programmes par rapport aux prévisions apparaissait dès le début de l’année 2014, le complément de recettes exceptionnelles introduit par le présent amendement serait immédiatement activé. L’engagement du Gouvernement pour la solidité de sa loi de programmation est donc très fort. Il s’agit d’éviter l’accroissement d’un report de charges, tel celui que j’ai trouvé, à 3 milliards d’euros.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Geneviève Gosselin-Fleury, rapporteure. Avis favorable.

M. le président. La parole est à M. Philippe Meunier.

M. Philippe Meunier. Dans le projet de loi de finances rectificative, 650 millions ont été carottés, pardonnez-moi l’expression, du budget de la défense. Pour compenser, vous ajoutez 500 millions à la LPM via cet amendement. Cela signifie que 150 millions sont perdus. Et si ces 500 millions d’euros sont gagés sur les recettes exceptionnelles, cela n’est pas vraiment une garantie. En effet, les recettes exceptionnelles prévues dans le présent projet étaient déjà destinées à des opérations définies : vous nous avez expliqué que tout était calé, que les recettes attendues avaient déjà leur affectation. Sur quoi gagez-vous donc les 500 millions supplémentaires ? Et quid des 150 millions d’euros perdus ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Il s’agit d’un droit de tirage potentiel en ressources exceptionnelles si d’aventure…

M. Nicolas Dhuicq. Si d’aventure !

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. …nous avions à faire face à un manque de financement. Il s’agit d’éviter que le report de charges dû à la fin de gestion 2013 pénalise l’entrée en programmation. Il s’agit d’une opportunité majeure, validée par le ministre du budget.

M. le président. La parole est à M. Yves Fromion.

M. Yves Fromion. Pour nous qui appréhendons les choses par bribes, ce n’est pas simple à saisir. Si nous comprenons bien, les 650 millions d’euros de gel « non dégelé » qui figurent au PLFR sont définitivement perdus. Ces 500 millions ne sont donc pas une restitution.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Les 650 millions de la fin de l’exercice 2013 ont fait l’objet, si j’ose dire, d’un gel définitif. Il ne vous aura pas échappé, toutefois, que nous avons bénéficié de 578 millions pour le surcoût des opex, alors que certains prédisaient que nous ne pourrions les réaliser. Enfin, pour éviter un report de charges supplémentaire aux 3 milliards dont j’ai hérité, je dispose d’un droit de tirage de 500 millions d’euros. Pour compenser les 650 millions d’euros, il me faut encore trouver 150 millions sur ma propre gestion.

(L’amendement n17 est adopté.)

M. le président. La parole est à M. le ministre, pour soutenir l’amendement n18.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Il a le même objet, il est défendu.

(L’amendement n18, accepté par la commission, est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Candelier, pour soutenir l’amendement n51.

M. Jean-Jacques Candelier. Comment financerons-nous le budget de la défense dans les prochaines années, une fois que tous les actifs de l’État auront été vendus ? Cette question est légitime car le Gouvernement, tout comme le précédent, propose de céder ses participations et de privatiser. Cette politique ne répond à aucune logique industrielle et n’a aucun sens, le seul but étant de trouver un peu d’argent. Un budget se compose de deux parties, les recettes et les dépenses, et la mission « Défense » ne saurait être éternellement financée par des recettes exceptionnelles. Nous n’acceptons ni cette gestion à courte vue ni de nouvelles cessions de participations de l’État dans les industries de défense qui constitueraient de nouveaux abandons de la maîtrise publique dans un secteur aussi déterminant pour l’indépendance et la souveraineté nationale.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Geneviève Gosselin-Fleury, rapporteure. Il s’agit de pouvoir mobiliser des cessions additionnelles de participations d’entreprises si nécessaire. Bien évidemment, nous ne souhaitons pas nous priver de cette possibilité. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Nicolas Dhuicq.

M. Nicolas Dhuicq. Nous voterons l’amendement de M. Candelier, car il a parfaitement raison. Le Gouvernement nous invente les finances quantiques : tout change de place, les euros bougent, ils n’occupent pas toujours la même position par rapport aux objets de la nation, il manque 150 millions, 78 si on recalcule, 50 par-ci par-là…Et c’est la même chose en matière de politique industrielle ! Nous cédons à des intérêts extérieurs et purement privés les joyaux de la nation française. C’est inadmissible.

M. François André. Oh, ça va !

Mme Patricia Adam, rapporteure. Et c’est un député UMP qui dit cela !

M. Nicolas Dhuicq. Cette politique ne peut durer. Elle est de surcroît paradoxale car dans l’histoire, ceux-là même qui ont fait campagne contre les privatisations furent ceux qui privatisèrent le plus ensuite. Mes chers collègues, abandonnez la SFIO, écoutez nos camarades du parti communiste français, écoutez les gaullistes ! Refusez cette finance quantique qui nous conduit au désastre ! Conservez les joyaux de la nation française ! Nous voterons l’amendement de M. Candelier parce qu’il a compris la souveraineté nationale, il a compris que nos ouvriers et nos ingénieurs, à terme, doivent avant tout servir les intérêts de la nation. Nul ici ne sait quel sera l’avenir, nul ici ne peut prédire quelles seront les surprises stratégiques à venir, nul ici ne peut dire de quels armements, et à quel niveau, nous aurons besoin dans dix ou vingt ans. Voilà pourquoi cet amendement est particulièrement sage et pourquoi les gaullistes le soutiendront.

M. Philippe Gosselin. Le CNR est ressuscité !

Mme Patricia Adam, rapporteure. De Gaulle doit s’en retourner dans sa tombe.

(L’amendement n51 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. le ministre, pour soutenir l’amendement n19.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. L’amendement n19 s’inscrit dans le prolongement des amendements nos 17 et 18 pour ce qui concerne les 500 millions d’euros supplémentaires de ressources exceptionnelles.

(L’amendement n19, accepté par la commission, est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Folliot, pour soutenir l’amendement n85.

M. Philippe Folliot. Cet amendement tend à ce que les commissions compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat soient informées de chaque affectation au budget de la défense de recettes exceptionnelles. Hier, à la tribune de l’Assemblée, le rapporteur Jean Launay a tenu, dans une présentation technique et brillante en bien des points, des propos néanmoins inquiétants, en particulier sur les cessions de fréquences et le potentiel décalage entre les recettes espérées et leur réalisation. Notre information sur ce sujet est donc essentielle, car les recettes exceptionnelles engagent la sincérité du projet de loi de programmation militaire.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Geneviève Gosselin-Fleury, rapporteure. Monsieur Folliot, nous vous avons déjà dit en commission que votre amendement était satisfait, suite notamment à un amendement du rapporteur de la commission de la défense du Sénat qui consacre, au niveau législatif, les réunions que nos commissions tiennent habituellement avec le ministère de la défense pour informer les parlementaires sur l’exécution des lois de finances et de programmation militaire.

Nous allons par ailleurs vous proposer un amendement n11 à l’article 4 sexies de M. Launay, pour que le rapport sur l’exécution de la LPM ventile les ressources issues des recettes exceptionnelles entre actions et sous-actions pour les programmes concernés. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Philippe Folliot.

M. Philippe Folliot. Je retire mon amendement.

(L’amendement n85 est retiré.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques, nos 81 rectifié, 117 rectifié et 125 rectifié.

La parole est à Mme Geneviève Gosselin-Fleury, rapporteure, pour soutenir l’amendement n81 rectifié.

Mme Geneviève Gosselin-Fleury, rapporteure. Cet amendement, accepté par la commission, vise à faciliter l’autorisation du port de l’insigne des blessés de guerre créé en 1914 qui obéit aujourd’hui à des conditions complexes. Je laisse la parole à M. Fromion, à l’origine de cette initiative, pour la présenter plus en détail.

M. le président. La parole est à M. Yves Fromion, pour soutenir l’amendement n117 rectifié.

M. Yves Fromion. Je ne reviendrai pas sur les tenants et les aboutissants qui m’ont conduit à présenter en commission un amendement jugé si intéressant qu’il a été repris, d’après ce que je vois, par nos collègues du groupe socialiste.

Cet amendement vise à clarifier les modalités d’autorisation du port de cette médaille créée au cours de la Première guerre mondiale pour les blessés, consolidée lors du deuxième conflit mondial et qui perdure aujourd’hui. Initialement, c’était une médaille pendante. Puis l’on s’est avisé qu’au cas où la médaille commémorative d’une campagne aurait déjà été décernée, il pouvait suffire d’y apposer une étoile rouge, mais on découvre aujourd’hui que les soldats en opex ne reçoivent pas de médaille commémorative… Nous voulons donc tout simplement, par cet amendement, redonner à cette distinction des modalités dignes de l’idée qui prévalait au moment de sa création.

Madame la présidente, pour éviter tout malentendu, et bien qu’étant à l’initiative de cette proposition, je vous propose d’en faire un amendement de l’ensemble de la commission de la défense. Il s’agit de nos blessés, de l’armée française.

Mme Patricia Adam, rapporteure. C’est pour cette raison que nous l’avons déposé !

M. Yves Fromion. Vous faites ce que vous voulez à titre personnel, mais je propose que cela devienne un amendement de la totalité de la commission de la défense et non pas simplement de l’un ou de l’autre, dans des conditions qui ressemblent un peu au vol du coucou.

M. le président. La parole est à M. Christophe Léonard, pour soutenir l’amendement n125 rectifié.

M. Christophe Léonard. Cet amendement que je cosigne avec Mme Récalde et M. Nauche est identique. Il vise à rendre transparentes les conditions de port de l’insigne des blessés de guerre, qui a été créé pour les soldats de la Grande guerre 14-18 puis prorogé pour ceux de la guerre 39-45 et de nouveau par la loi du 8 novembre 1952.

En effet, les conditions d’autorisation du port de cet insigne restent aujourd’hui complexes et peu lisibles. Alors que le Président de la République a lancé les manifestations de commémoration du centenaire de la Première guerre mondiale et que nombreux sont les soldats qui, au nom des valeurs de la France, risquent leur vie et sont blessés, au service de la patrie, sur les terrains extérieurs, il paraît indispensable de clarifier la reconnaissance de la nation envers les femmes et les hommes qui servent nos armées.

Ces amendements prévoient aussi qu’un décret de précision soit pris après avis du Conseil d’État.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Avis très favorable, comme je l’avais déjà dit en commission en réponse à M. Fromion. La France a pu déplorer 919 blessés sur le seul théâtre afghan, auxquels il faut ajouter ceux du Mali, du Liban, de Côte d’Ivoire ou du Tchad. Cette proposition rejoint la préoccupation du Gouvernement d’harmoniser les conditions d’attribution du port de cet insigne et constituera un signe fort de la reconnaissance de la nation. Il est très important qu’elle rassemble l’Assemblée nationale.

M. le président. La parole est à M. Philippe Folliot.

M. Philippe Folliot. J’aurai à ce moment une pensée pour mon grand-père, Eugène Folliot, grand blessé de la guerre 14-18, qui a pu arborer, si vous me permettez l’expression, cette distinction. Nous allons bien évidemment souscrire à cet amendement. Je le dis d’autant plus volontiers que je suis député d’une ville dont le régiment a compté nombre de blessés, notamment en Afghanistan,

M. le président. La parole est à M. Philippe Meunier.

M. Philippe Meunier. Je remarque, une fois de plus, l’élégance d’Yves Fromion, qui propose que son amendement soit cosigné par l’ensemble de la commission. J’aimerais à l’avenir, s’agissant de ce type de proposition, comme aussi la fameuse « carte à cheval » de M. Guilloteau, que l’on ne se livre pas à une sorte de course à l’échalote pour s’en attribuer la paternité et que nous puissions véritablement travailler ensemble dans l’intérêt national.

M. le président. La parole est à Mme la Présidente de la commission de la défense nationale et des forces armées.

Mme Patricia Adam, rapporteure. Je ne voulais pas m’exprimer pour ne pas allonger les débats, mais je dois apporter quelques corrections. Nous sommes tous d’accord sur l’objet de cet amendement, dont nous avons largement discuté en commission. L’amendement de M. Fromion n’était cependant pas correctement rédigé, ce dont il a convenu, aussi les administrateurs de la commission l’ont-ils réécrit tel qu’il est à présent.

M. Yves Fromion. Vous auriez tout aussi bien pu le sous-amender.

Mme Patricia Adam, rapporteure. Absolument. Nous pouvons peut-être arrêter là. Aucune malversation n’a été commise ! Il s’agissait simplement de réécrire un amendement qui a ensuite été validé par tout le monde et que nous allons sans doute voter à l’unanimité.

M. Philippe Gosselin. Il faut simplement reconnaître les paternités.

(Les amendements identiques nos 81 rectifié, 117 rectifié et 125 rectifié sont adoptés à l’unanimité.)

M. Yves Fromion. A-t-il bien été indiqué qu’il s’agissait d’un amendement de l’ensemble de la commission ?

Mme Patricia Adam, rapporteure. Ce n’est pas nécessaire.

M. Yves Fromion. Si, tout de même.

Mme Patricia Adam, rapporteure. Mais il vient d’être adopté à l’unanimité !

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Candelier, pour soutenir l’amendement n52.

M. Jean-Jacques Candelier. Le statut général des militaires est défini en contradiction avec la Constitution et la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Il est interdit aux militaires d’adhérer à des groupements professionnels, ce qui les prive de toute possibilité de défendre leurs intérêts et d’exprimer leurs revendications.

Les militaires sont conscients que la spécificité de leurs missions est incompatible avec le droit de grève, comme c’est le cas pour d’autres professions. Ils acceptent tout aussi bien les restrictions sur le droit d’expression lorsqu’il s’agit de préserver l’indépendance des armées et l’aspect opérationnel.

Malgré tout, l’absence de dialogue social et le décalage croissant entre les conditions de travail en temps de paix et celle des autres citoyens fait naître un sentiment de malaise de plus en plus important, qui trouve également son origine dans le dysfonctionnement des structures de concertation mises en place par le ministère : Conseil supérieur de la fonction militaire et présidents de catégories ont montré leurs limites et ne recueillent pas la confiance.

Les efforts de rénovation de la concertation et du dialogue social dans l’armée seront vains en l’absence de l’octroi de la liberté d’association, de représentation et d’expression aux militaires, dans le respect, bien sûr, des principes de neutralité et de discipline qui s’attachent à leur statut.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Geneviève Gosselin-Fleury, rapporteure. La commission partage votre diagnostic mais pas vos conclusions, monsieur Candelier. Certes, il existe dans certaines unités un malaise, dû à plusieurs facteurs : les dysfonctionnements du système Louvois et la sous-dotation budgétaire des bases de défense, mais aussi, comme vous l’avez dit, le dysfonctionnement des structures de concertation.

Pour autant, donner la liberté syndicale aux militaires ne résoudrait sans doute pas tous ces problèmes. C’est pourquoi les deux rapporteures ont préféré prendre l’initiative d’ouvrir la voie à la réforme du système de concertation en consacrant un chapitre entier de la LPM au dialogue social, afin d’épauler le ministre dans le travail qu’il conduit sur le thème de la concertation au sein du Conseil supérieur de la fonction militaire. Nous ouvrons notamment la possibilité de créer des commissions militaires de concertation au sein de chaque organisme d’emploi. Nous apportons donc une réponse différente au diagnostic que vous faites. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Mme la rapporteure a rappelé plusieurs éléments du projet de LPM, en particulier la rénovation du processus de concertation dans les organismes fonctionnels. Le CSFM achève ses travaux sur le sujet et devrait se prononcer dans quelques jours. Pour ma part, je voudrais dire à M. Candelier que je suis défavorable sur le fond à son amendement.

Tout d’abord, l’article L. 4121-4 du code de la défense spécifie que l’adhésion à des groupements professionnels est incompatible avec les règles de la discipline militaire. Ensuite, cette faculté d’adhérer à des groupements professionnels n’est pas le souhait des armées elles-mêmes. Enfin, le service de la nation, qui ne peut être qu’entier et neutre au plan politique, n’est pas compatible avec l’existence de syndicats ou de groupements professionnels. À cet égard, le vote en 2005 du statut général des militaires avait démontré qu’il existe un large consensus national sur cette question.

Je vous rappelle également que lorsqu’il a reçu la communauté militaire et les conseils de la fonction militaire le 30 septembre dernier, le Président de la République leur a dit qu’ils n’avaient pas l’exercice du droit syndical. Il n’est pas question de le proposer ici, car un consensus existe pour que cette représentation ne soit pas admise, dans la mesure où elle est incompatible avec le statut militaire.

Enfin, il n’y a là rien de contradictoire avec la Convention européenne des droits de l’homme, dont l’article 11 « n’interdit pas que des restrictions légitimes soient imposées à l’exercice de ces droits par les membres des forces armées, de la police ou de l’administration de l’État ». Les États sont donc habilités par ce texte à imposer aux forces armées des restrictions en matière d’appartenance syndicale. Pour toutes ces raisons de fond, qui n’empêchent en rien la rénovation de la concertation, je suis fermement défavorable à votre amendement.

M. le président. La parole est à M. Nicolas Dhuicq.

M. Nicolas Dhuicq. Nous vivons dans une société de plus en plus procédurière et paranoïaque, d’où la difficulté d’exercer certains métiers à responsabilité. Le corps médical en sait quelque chose : les médecins échographistes, par exemple, renoncent à certains actes tant les menaces de procès sont fortes. Plusieurs d’entre nous ont été frappés par les conséquences de la triste affaire d’Uzbin. Les officiers et les sous-officiers qui, sur le terrain, sont confrontés à la situation fluide, chaotique et imprévisible qu’est le combat, doivent en temps de guerre prendre des décisions. Si la proposition de M. Candelier était adoptée, il se créerait non seulement des syndicats de militaires, mais aussi des syndicats et associations de familles de militaires d’active, qui pourraient intenter des procès pour contester les décisions prises sur le terrain par des professionnels. À terme, cher collègue, l’exercice du commandement deviendrait totalement impossible.

La tendance à la transparence et le désir de pureté absolue sont en soi totalitaires. Notre pays et les autres démocraties occidentales meurent de ce processus de judiciarisation qui empêche la prise de décisions et l’exercice des responsabilités. Or, quelle plus haute responsabilité y a-t-il que celle des officiers et des sous-officiers, qui doivent épargner la vie de leurs hommes tout en remplissant leurs missions ? Ils sont parfois contraints de prendre des décisions qui, au bout du chemin, entraînent la mort. C’est ce qui fait la noblesse et la particularité du métier de militaire, à nul autre pareil.

M. le président. La parole est à M. Gilbert Le Bris.

M. Gilbert Le Bris. Comme a pris l’habitude de le dire M. Dhuicq, je dirai à M. Candelier qu’il y a du vrai dans ce qu’il dit. Pour autant, je ne le suivrai pas jusqu’au bout.

La question qu’il pose est valable : il faut faire bouger les lignes en matière de dialogue social et de concertation dans les armées. Avec notre ancien collègue Étienne Mourrut, j’ai rédigé sur ce sujet un rapport qui a été publié en janvier 2012 avec l’approbation unanime de la commission de la défense nationale. Vous seriez bien inspiré, monsieur le ministre, d’utiliser certaines des seize préconisations qu’il contient. Je n’en mentionnerai qu’une seule : le système de représentation comprend actuellement un dispositif électif et un mécanisme de tirage au sort – que les militaires, non sans humour, préfèrent parfois appeler « triage au sort ». Quoi qu’il en soit, il conviendrait d’instaurer un ensemble complet de mécanismes démocratiques permettant aux militaires d’être représentés. Regardez donc de près ces préconisations, monsieur le ministre !

M. le président. La parole est à M. François de Rugy.

M. François de Rugy. Pour aller dans le même sens, je ne partage pas pleinement l’objectif de M. Candelier, qui peut donner l’impression de viser sans le dire à la constitution de sections syndicales ou de syndicats au sein des armées. Pour autant, la question qui se pose en filigrane est celle du dialogue social, de la représentation permettant de faire remonter certaines revendications, n’ayons pas peur des mots. Il faut traiter cette question, comme l’a bien montré l’épisode du système Louvois : il va de soi que dans toute structure non pas démocratique, car le terme n’est pas adapté, mais dans laquelle existerait une forme d’expression interne, une situation de ce genre aurait été rapportée bien plus tôt. Elle n’aurait pas été étouffée, alors qu’elle affecte l’aspect essentiel de la condition d’un soldat – sa paie.

En outre, on constate aujourd’hui l’émergence de formes d’expression détournées et parfois gênantes comme les blogs anonymes, ou encore les blogs de conjointes de soldats, qui s’expriment à leur place. De même, police et gendarmerie n’ont pas le même statut : la première est dotée de syndicats, pas la seconde. Dans un corps aussi important que l’armée française, il faut pouvoir exprimer les problèmes liés à la condition sociale des militaires. Il faut formuler des propositions nouvelles pour répondre à ce besoin.

M. le président. La parole est à M. Philippe Folliot.

M. Philippe Folliot. Je ne suis pas sûr que la situation du dialogue social au sein des armées soit aussi difficile, voire apocalyptique que ne le laissent penser certains. Il va de soi que le groupe UDI est totalement opposé à l’amendement qui nous est soumis, car il remet fondamentalement en cause les principes du statut militaire qui font non seulement sa spécificité, mais aussi sa force au regard de la nature de l’engagement : ce sont les principes d’autorité et de respect, mais aussi de camaraderie et d’esprit de corps, en somme tous ces principes qui font l’attachement qu’ont les militaires à leur statut.

Adopter cet amendement, ce serait donc assurément introduire un ver dans le fruit.

M. François André. Dans le fruit rouge !

M. Philippe Folliot. Cela, nous ne saurions l’accepter.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Je précise à M. Le Bris que le texte du projet de loi tel qu’il a été modifié par les initiatives des rapporteures prévoit que les modes de désignation aux instances que sont les conseils de la fonction militaire et le Conseil supérieur de la fonction militaire seront modifiés pour mettre fin comme il se doit aux dysfonctionnements liés par exemple à la distinction entre tri et élection. C’est déjà chose faite dans la gendarmerie, laquelle est représentée au CSFM, que je préside. J’ai proposé que sa prochaine session, qui sera la 90ème et qui se tiendra en décembre, soit l’occasion d’engager un processus de rénovation des modes d’élection, quelque peu archaïques, et du contenu de la concertation. Tout cela figure dans le rapport annexé du présent projet de loi, et les perspectives sont bonnes. Mais cela n’a rien à voir avec l’esprit de la proposition de M. Candelier, à laquelle je suis complètement défavorable.

(L’amendement n52 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Christophe Léonard, pour soutenir l’amendement n38 rectifié.

M. Christophe Léonard. Le Livre blanc de 2013 a défini un nouveau modèle d’armée pour la France. Sa mise en œuvre dans la loi de programmation militaire pour 2014-2019 est la garantie de préserver l’indépendance et la souveraineté de notre pays. Elle nécessite l’adaptation de nos forces dans le cadre d’un processus de déflation des effectifs de nos armées, dont les conséquences économiques et sociales ne peuvent être ignorées.

Cet amendement vise donc à ce que le pilotage de la réduction des effectifs réponde dorénavant à des critères de choix lisibles et républicains qui soient subordonnés à trois principes : prévisibilité, équité et transparence.

Je vous ai interrogé plusieurs fois, monsieur le ministre, le 29 mai en séance publique, le 23 octobre en commission élargie et enfin le 30 octobre de nouveau dans cet hémicycle, sur la méthode qui serait adoptée pour accomplir cette déflation. Par touches successives, vous avez théorisé une mise en œuvre visant à préserver autant que possible les unités opérationnelles, et ce dans la limite du tiers des déflations opérées, visant à éviter au maximum les dissolutions d’unités, à faire des choix en cohérence avec le schéma d’organisation fonctionnelle de nos forces, à intégrer les contraintes économiques, y compris en termes d’aménagement, qui existent dans les garnisons, à prendre en considération les paramètres d’aménagement, mais aussi les caractéristiques socio-économiques des territoires, et enfin à préserver le lien entre l’armée et la nation grâce à une présence géographique cohérente de nos armées.

Cet amendement vise simplement à fixer ces critères dans le rapport annexé. J’en profite, s’agissant du débat sur l’amendement n83 – j’avais demandé la parole, monsieur le président, mais vous ne m’avez pas vu – pour indiquer que je préfère la méthode qui sera appliquée au fait du Prince, comme il s’est manifesté lors de la précédente LPM dans ma circonscription…

M. Yves Fromion. Enfin, voyons ! C’est insensé !

M. Christophe Léonard. …lorsqu’en 2008 le centre d’entraînement commando de Givet a été supprimé.

Vous avez également exprimé votre souci, monsieur le ministre, d’obtenir l’adhésion à cette évolution des personnels civils et militaires, ce que l’amendement porté par nos deux rapporteures vient appuyer en renforçant la concertation et le dialogue spécifiques au personnel militaire. Avec ces deux amendements, nous satisfaisons de manière concrète et pragmatique la préoccupation exprimée par les députés de l’opposition avec l’amendement n83 que la représentation nationale a rejeté il y a quelques instants.

Ce projet de loi de programmation respecte les droits du Parlement, respecte nos soldats et respecte aussi les territoires et les élus locaux. C’est un excellent texte et je lui renouvelle ici le soutien entier du groupe socialiste.

M. le président. Je rappelle que je ne donne qu’une fois la parole par groupe sur chaque amendement, car je suis aussi garant de la durée du débat. Or, les groupes politiques se sont accordés en Conférence des présidents pour que la discussion générale soit particulièrement longue, afin d’éviter que chacun ne reprenne la parole à l’occasion du débat sur les amendements. Tels sont les éléments qui ont été convenus, et qu’il faut respecter.

M. Philippe Gosselin. Vous vous faites violence, monsieur le président !

(L’amendement n38 rectifié, accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. La parole est à M. François de Rugy, pour soutenir l’amendement n118.

M. François de Rugy. Monsieur le président, je ne partage pas tout à fait ce que vous avez dit. Il ne s’agit pas d’un accord de la Conférence des présidents, mais d’un accord avec le groupe UMP, portant sur le fait de rallonger la discussion générale…

M. le président. Évoqué en Conférence des présidents.

M. François de Rugy. Oui, j’étais présent et j’ai émis pour ma part un avis défavorable. Ce n’était pas dans le but de squeezer les débats sur les amendements ! Par ailleurs, je pense que la séance est très bien conduite et je n’ai pas d’autre remarque à faire !

Mon amendement porte sur la question des effectifs. J’ai déjà eu l’occasion d’en parler en commission, c’est ce qu’on appelle parfois le « dépyramidage ». S’agissant des restructurations, un gros effort est à nouveau demandé à l’armée française, à laquelle on impose d’importantes réductions de postes. Cela s’est déjà produit au cours de la précédente législature et de la précédente loi de programmation militaire, avec un objectif d’économies de fonctionnement. On peut discuter ensuite pour savoir comment sont utilisées ces économies, si elles sont reversées au budget général de l’État ou si elles sont réinjectées dans le budget de la défense. Le problème est que dans la précédente législature cela s’est traduit par une hausse de la masse salariale, ce qui est tout de même assez paradoxal quand on a supprimé autant de postes.

On constate qu’il y a un niveau d’encadrement très élevé en France, puisque le taux des officiers avoisine les 17 %. Notre amendement propose de revenir à ce qu’était le taux d’encadrement en 2008, c’est-à-dire à 15,5 %.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Geneviève Gosselin-Fleury, rapporteure. Nous avons donné un avis défavorable à votre proposition, monsieur de Rugy, de revenir au taux d’encadrement de 15,5%, qui était celui de 2008.

M. Yves Fromion. Ce qui ne veut rien dire !

Mme Geneviève Gosselin-Fleury, rapporteure. Le texte de la LPM propose de revenir à 16 %, soit le taux d’encadrement de 2010. Il faut savoir qu’entre 2008 et 2010, le ministère de la défense a dû envoyer un grand nombre d’officiers au sein de l’OTAN – la Cour des comptes les estime à 881. Par ailleurs, il y a, à l’intérieur du ministère, un certain nombre de structures qui emploient des officiers : je pense à la DGA et au service de santé des armées. Nous considérons que revenir à un taux d’encadrement de 16 % est déjà un objectif ambitieux.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. C’est déjà un effort extrêmement important que celui qui va être fait.

M. Yves Fromion. Absolument !

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Suivre la proposition de M. de Rugy serait excessif et quasiment impossible à réaliser, car beaucoup trop violent.

M. Yves Fromion. C’est un faucheur de têtes !

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Je suis donc défavorable à l’amendement.

(L’amendement n118 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Candelier, pour soutenir l’amendement n53.

M. Jean-Jacques Candelier. Le volontariat dans les armées permet à des jeunes de connaître une première intégration parmi les acteurs de la défense nationale. Il est conclu pour une durée de douze mois renouvelables, avec un maximum de cinq ans.

Le volontaire dans les armées est soumis au règlement de discipline générale dans les armées et au régime de permission des militaires. Il reçoit une solde mensuelle comprise entre 734 et 869 euros. Il bénéficie en outre de diverses prestations en nature. Il est entretenu par l’État ou perçoit une allocation équivalente qui s’ajoute à sa solde.

Aspect intéressant : les personnes ayant effectué un volontariat dans les armées jusqu’à leur terme ont vocation à intégrer la réserve opérationnelle.

Densifier le lien armée-nation peut se faire par le développement du volontariat dans les armées. Tel est l’objet de mon amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Geneviève Gosselin-Fleury, rapporteure. La commission est entièrement d’accord avec vous, monsieur Candelier. Avis favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Favorable.

(L’amendement n53 est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Christophe Guilloteau, pour soutenir l’amendement n36.

M. Christophe Guilloteau. Cet amendement est quasiment le même que l’amendement n83 défendu tout à l’heure par M. Folliot.

Je voudrais revenir sur les propos du ministre. Le projet de loi indique, page 84, dans le rapport annexé, que les réductions d’effectifs obéiront à un triple principe de prévisibilité, d’équité et de transparence.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. En effet.

M. Christophe Guilloteau. Le principe de transparence devrait impliquer que l’on dise, six mois avant que la loi soit promulguée, quelles sont les bases et les casernes qui seront fermées. C’est une question de transparence. Aujourd’hui, il y a des rumeurs qui circulent. Je pense que, comme moi, vous les entendez ou vous les lisez.

Mme Patricia Adam, rapporteure. Il ne faut pas les écouter !

M. Christophe Guilloteau. Confirmer un peu à l’avance les fermetures qui auront lieu n’est tout de même pas extraordinaire ! Un de nos collègues nous a expliqué tout à l’heure avoir découvert celle qui le concernait dans la presse lors de la précédente législature. Si c’est vrai, ce n’est pas une bonne chose. Dites-le donc dès maintenant, monsieur le ministre, cela ne vous coûterait pas grand-chose. C’est une question de transparence, de prévisibilité et de transparence pour les familles.

M. Yves Fromion. Excellente requête !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Geneviève Gosselin-Fleury, rapporteure. Défavorable, pour les mêmes raisons que celles évoquées précédemment à propos de l’amendement de M. Folliot.

M. Yves Fromion. On ne peut pas être toujours sourd au bon sens !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. J’espère qu’il n’y a pas de malentendu, mais c’est peut-être le cas…

L’exigence que je pose est d’informer des mesures éventuelles de fermeture de sites au moins un an à l’avance pour les unités liées à l’armée de terre et deux ans pour les unités liées à l’armée de l’air.

M. Yves Fromion. Voilà une précision.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. J’appelle votre attention sur le fait qu’il y en aura beaucoup moins que lors de la précédente législature, et je dis cela sans vouloir être polémique.

M. Christophe Guilloteau. Vingt-quatre, c’est moins que cinquante-quatre !

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Effectivement, et de surcroît seulement un tiers d’unités opérationnelles seront touchées, ce qui n’implique pas obligatoirement de fermetures de sites. Les choses sont beaucoup plus précises, minutieuses et prises en amont qu’avant. La simplicité consisterait à dire que je ferme telle et telle base, que ce sera douloureux sur le moment et qu’après, on n’en parlera plus. La solution que j’ai choisie est beaucoup plus exigeante.

Un an avant donc…

M. Yves Fromion. Très bien ! Au moins, on le sait !

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Mais M. Guilloteau propose de publier la liste des unités concernées six mois avant la promulgation de la loi de programmation ! Ce n’est pas la même chose !

J’informerai donc la commission de la défense un an à l’avance de la fermeture des sites et des critères qui m’ont amené à les choisir.

M. Yves Fromion. Peut-on préciser ce que vous venez de dire dans un sous-amendement, monsieur le ministre ?

M. le président. Je vous rappelle que l’on ne peut pas sous-amender comme cela en séance.

(L’amendement n36 n’est pas adopté.)

(L’article 2le rapport annexé, amendés, sont adoptés.)

Article 3

M. le président. La parole est à M. Nicolas Dhuicq, inscrit sur l’article.

M. Nicolas Dhuicq. Nous débattons d’une loi dont un trentième des recettes dépend de recettes exceptionnelles. Cette proportion me semble assez importante. Elle met rien qu’en elle-même en doute la sincérité de ce budget, dans un contexte où le Sénat semble avoir entendu cet après-midi que 7 milliards d’euros manquent aux recettes fiscales nationales attendues. Car à force d’avoir augmenté les taxes sur les particuliers et sur les entreprises, aujourd’hui, les rentrées d’argent diminuent.

Monsieur le ministre, quelles que soient vos qualités personnelles…

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Nombreuses !

M. Yves Fromion. Et reconnues !

M. Nicolas Dhuicq. …et votre patriotisme, qui ne sont pas mis en doute, cette proportion d’un sur trente me semble particulièrement conséquente.

Nous avons sans doute ici tous lu le seul discours concernant les armées qu’a prononcé le candidat François Hollande, avant de devenir Président de la République. En digne disciple d’Heisenberg et du principe d’incertitude, il avait laissé entendre plusieurs choses qu’a sans doute entendues M. Candelier, parce qu’il me semble qu’accessoirement, de façon subliminale, il avait proposé la syndicalisation dans les armées. Monsieur le ministre, il faut relire attentivement le discours du chef de l’État.

Vous poursuivez donc dans la lignée d’Heisenberg et d’autres grands physiciens en nous proposant une loi aléatoire avec un trentième de ressources exceptionnelles. Nous y reviendrons au cours de la soirée.

M. le président. La parole est à M. Philippe Meunier.

M. Philippe Meunier. Le président de la commission des finances Gilles Carrez nous a annoncé la semaine dernière qu’il manquait 11,5 milliards de recettes fiscales.

Avec l’article 3, vous prenez des engagements sur le financement de votre LPM. Tout à l’heure, vous avez fait adopter par notre assemblée, grâce à un tour de passe-passe, les amendements n°s 17 et 18 qui proposent une majoration des recettes exceptionnelles de 0,5 milliard.

Monsieur le ministre, tout cela est très inquiétant. Comme vient de le dire M. Dhuicq, vous avez beau faire tout ce qu’il faut pour essayer de sauver votre budget, nous sommes un certain nombre à penser que vous n’arriverez pas à tenir vos objectifs, s’agissant notamment des recettes exceptionnelles.

Mme Patricia Adam, rapporteure. On dirait que vous l’espérez !

M. Yves Fromion. On ne s’en réjouit pas, mais comme vous nous faites la leçon…

M. Philippe Meunier. Monsieur le ministre, il va falloir dire la vérité aux Français. Votre loi de programmation militaire est basée sur un postulat de recettes exceptionnelles de plus de 6 milliards d’euros. Or il y a 11 milliards d’euros en moins de recettes fiscales pour la France. Franchement, il ne faut pas être grand mathématicien pour comprendre que vous n’arriverez pas à tenir vos engagements,…

M. Eduardo Rihan Cypel. Que des bêtises !

M. Philippe Meunier. …d’autant que 650 millions d’euros vous ont déjà été retirés dans le cadre de la loi de finances rectificative 2013.

M. le président. La parole est à M. Lionel Tardy.

M. Lionel Tardy. Il est assez intéressant d’observer que la trajectoire financière de la nouvelle LPM repose largement sur un financement issu de recette exceptionnelles. Ce sont les mêmes recettes exceptionnelles que fustigeait Bernard Cazeneuve, alors député, lors de l’examen de la LPM 2009-2014 à l’Assemblée nationale le 8 juin 2009, en défendant une motion d’irrecevabilité. Vous excuserez du peu ! Je crois que tout est dit sur cet article.

M. le président. Nous en venons à l’examen des amendements.

La parole est à M. le ministre, pour soutenir l’amendement n16.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. C’est la même chose que pour les amendements n°s 17 et 18. Il s’agit d’abonder les ressources exceptionnelles en les faisant passer de 6,1 milliards à 6,6 milliards.

Je vais répondre une nouvelle fois aux observations qui m’ont été faites. Lors de l’examen du budget pour 2013, on m’avait dit que jamais je n’aurais les ressources exceptionnelles prévues. Elles ont été au rendez-vous. On m’avait dit qu’en 2014, je n’aurais pas les ressources exceptionnelles prévues. Elles sont là. Il est vrai que, pour la loi de programmation militaire précédente, les ressources exceptionnelles n’ont pas été au rendez-vous, et mes prédécesseurs se sont fait un peu chahuter sur ce point. Pour ma part, je suis très vigilant et très exigeant. J’ai compris que vous l’aviez remarqué et je vous prie de croire à ma ténacité pour que les ressources exceptionnelles soient au rendez-vous. D’autant que la sanctuarisation de l’ensemble budgétaire, soit 190 milliards plus les 500 millions d’euros qui sont l’objet de l’amendement n16, ont été garantis en conseil de défense.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Geneviève Gosselin-Fleury, rapporteure. Favorable.

M. le président. La parole est à M. Philippe Meunier.

M. Philippe Meunier. Monsieur le ministre, je ne remets pas en cause votre ténacité de Breton. Je n’en doutais pas une seule seconde ! Toutefois, s’agissant des recettes exceptionnelles, vous avez précisé, notamment en commission, qu’elles étaient « gagées » sur des fréquences et des biens immobiliers.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Oui.

M. Philippe Meunier. Sur quoi les 0,5 milliard sont-ils gagés ?

M. le président. La parole est à M. Philippe Folliot.

M. Philippe Folliot. La foi du charbonnier et votre optimisme, monsieur le ministre, sont tout à fait intéressants !

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Ça marche, mon cher !

M. Philippe Folliot. Comme on dit chez nous, c’est à la fin de la foire qu’on compte les bouses. (Rires.) Par conséquent, c’est à la fin de la loi de programmation militaire que nous verrons si les recettes exceptionnelles sont là. Nous l’espérons de tout cœur, monsieur le ministre. Cela étant, il est normal et même légitime que nous puissions vous interroger au regard de tous ces éléments d’incertitude. D’autant qu’il y a, et j’ai eu l’occasion de vous interroger à ce sujet, monsieur le ministre une contradiction entre votre choix, que nous soutenons, d’affecter à la défense toutes les recettes découlant de la vente du patrimoine immobilier de l’armée et le soutien apporté par le Gouvernement à la loi de cession du foncier. J’ai interrogé plusieurs fois Mme la ministre du logement au sein de cet hémicycle à propos de l’exception défense, elle a toujours refusé de se prononcer. Vous comprenez donc, monsieur le ministre, que les doutes sont légitimes.

M. Frédéric Lefebvre. D’où l’importance d’un débat annuel déconnecté de l’examen de la loi de finances !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Il faudrait mettre un terme au débat ! Les ressources exceptionnelles, M. Folliot, ne sont pas plus aléatoires que les ressources budgétaires.

M. Nicolas Dhuicq. C’est inquiétant ! La réciproque est-elle vraie ?

M. Lionel Tardy. C’est bien ce qui fait peur !

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Vous l’avez vous-même constaté par le passé, d’où les doutes dont vous faites état. Ce qui m’importe à moi, c’est la garantie et la sanctuarisation du paquet, que les ressources soient exceptionnelles ou budgétaires. J’ai annoncé ne pas vouloir polémiquer, mais comme vous y mettez de l’ardeur je vais quand même répondre. L’ancienne loi de programmation ne fournissait ni identification des types de ressources exceptionnelles susceptibles d’être affectées, ni calendrier d’affectation.

M. François André. Comme on a pu le voir !

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Résultat, vous n’avez pas eu de recettes exceptionnelles. Depuis que j’ai la responsabilité de nos armées, j’en ai et j’en aurai jusqu’au terme du mandat. En effet, l’ensemble des 190 milliards d’euros, maintenant 190,5 milliards, sont sanctuarisés et font l’objet d’un accord global. La liste et le calendrier des ressources exceptionnelles susceptibles d’être mobilisées se trouvent page 93 du texte.

(L’amendement n16 est adopté.)

(L’article 3, amendé, est adopté.)

Article 3 bis

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Candelier, inscrit sur l’article.

M. Jean-Jacques Candelier. Je m’étais effectivement inscrit, monsieur le président, mais j’ai obtenu les informations que je souhaitais. Je m’abstiendrai donc.

M. le président. La parole est à M. Nicolas Dhuicq.

M. Nicolas Dhuicq. Nous en venons aux opérations extérieures. L’exécutif découvre que le retrait un peu précipité d’Afghanistan n’apportera naturellement pas les économies attendues. Celles-ci ne viennent qu’après, car le retrait coûte lui aussi de l’argent. Accessoirement, certaines de nos collègues se sont émues un peu tard du retour de la lapidation. Il ne fait pas de doute qu’une fois les armées occidentales parties d’Afghanistan, nos amis talibans ne tarderont pas à reconquérir le terrain. Ce jeu du chat et de la souris est pour eux une habitude. Il est délétère pour les Afghans eux-mêmes. Tout cela parce que nous n’avons ni le courage ni la volonté ni la force morale nécessaires pour rester au moins deux générations.

M. Gwenegan Bui, rapporteur pour avis. C’est une occupation !

M. Nicolas Dhuicq. Il en ira de même au Mali. Vous avez déclaré, monsieur le ministre, avec le chef de l’État, qu’un contingent d’un millier d’hommes à peu près resterait engagé à la fin de l’année. Ils seront sans doute beaucoup plus nombreux, sans compter le corps expéditionnaire supplémentaire de 1200 à 1400 hommes qui sera engagé en République Centrafricaine. Par conséquent, les dépenses provisionnées pour les opérations extérieures croîtront de manière imprévue.

M. Yves Fromion. Alors même qu’elles sont déjà extrêmement élevées !

M. Nicolas Dhuicq. D’après le texte, cela relèvera de l’interministériel. Certes ! Mais tous vos collègues, monsieur le ministre, voient leur budget diminuer, à quelques notables exceptions près, dont celui de l’éducation nationale.

Mme Émilienne Poumirol. Cela vous gêne décidément beaucoup !

M. Nicolas Dhuicq. Cela signifie-t-il que vous demanderez à M. Peillon, au nom de la sécurité nationale, d’abroger la délétère loi de réforme des rythmes scolaires (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) qui translate aux communes une charge qu’elles ne peuvent assumer, en particulier les communes rurales ? Pour les 10 000 habitants de la petite communauté de communes rurales dont je suis maire, cela représente 100 000 euros d’impôts supplémentaires.

Mme Patricia Adam, rapporteure. Quel est votre métier, monsieur Dhuicq ?

M. Nicolas Dhuicq. Ils seront prélevés sur des entreprises et des contribuables qui n’en peuvent plus, ce qui explique que vous subissiez ces baisses de recettes que vous n’aviez pas prévues. En effet, vous aviez oublié qu’augmenter les impôts encourage l’évasion fiscale en proportion, sans parler des retraités qui quittent le territoire national pour aller au Portugal. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Émilienne Poumirol. Assez !

M. Nicolas Dhuicq. Vous n’aurez pas, monsieur le ministre, les recettes de vos collègues !

M. Yves Fromion. Très fine analyse !

M. le président. La parole est à M. Philippe Meunier.

M. Philippe Meunier. Bercy n’est jamais en panne d’idées pour récupérer de l’argent là où cela est possible. Je rappelle que 650 millions d’euros ont été pris au budget de la défense dans la loi de finances rectificative. L’article 3 bis a été modifié par le Sénat. Vous nous dites qu’un montant de 450 millions d’euros pour les opex correspond mieux à l’impératif de sécurité. Je n’en doute pas, mais avez-vous à tout le moins l’engagement de MM. les ministres des finances et du budget que leurs administrations ne s’amuseront pas l’année prochaine ni la suivante à reprendre de la main gauche plus que ce qu’elles vous auront donné de la main droite, comme en 2013 ?

M. le président. Nous en venons à l’examen des amendements. La parole est à M. Lionel Tardy, pour soutenir l’amendement n91.

M. Lionel Tardy. Cet amendement vise à supprimer l’alinéa 2 de l’article, afin que les opex en cours fassent l’objet chaque année d’un débat au Parlement suivi d’un vote. Rappelez-vous, mes chers collègues, du fameux débat sur l’éventuelle intervention en Syrie organisé en septembre dernier. Pour ma part, je n’y ai pas participé car je doutais de son utilité et je ne regrette pas du tout mon choix. Le débat a laissé un goût amer à beaucoup d’entre nous, venus uniquement pour écouter la bonne parole du Gouvernement, d’ailleurs en décalage complet avec l’actualité qui avait changé entre la date de convocation du Parlement en séance extraordinaire et la date du débat.

Cet exemple m’incite à penser qu’un débat sans vote sur les opex chaque année n’est pas utile. À un débat sans vote dont toutes les interventions sont limitées sauf celles du Gouvernement, je préfère un véritable contrôle. En ce sens, le bilan écrit et financier prévu à l’alinéa suivant me paraît beaucoup plus judicieux. Certes, le travail susceptible d’en découler sera moins visible, mais à mon avis beaucoup plus approfondi. Surtout, il ne me paraît pas judicieux d’envisager un seul débat sur toutes les opérations extérieures, par nature très différentes. Pour toutes ces raisons et à la lumière du cas syrien, mon amendement propose de ne pas maintenir ce débat annuel.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Geneviève Gosselin-Fleury, rapporteure. Défavorable. L’article 3 bis constitue une avancée pour les droits du Parlement car il prévoit l’organisation chaque année d’un débat sur les opérations extérieures en cours.

M. Lionel Tardy. Sans vote !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Même avis. Je souhaite revenir sur ce qu’a dit M. Meunier à propos des opex et de l’alinéa 1 de l’article 3 bis. Pour l’exercice 2013, le surcoût lié aux opex est intégralement remboursé par rapport au chiffre de base de 630 millions d’euros, puisque nous bénéficions de 578 millions. Il s’agit d’un remboursement à l’euro près.

M. Philippe Meunier. Mais, monsieur le ministre, on vous prend 650 millions d’euros !

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. C’est une sorte d’anticipation de cet alinéa 1, selon lequel les surcoûts nets sont assurés par un financement interministériel. Certes, ce n’était pas le cas avant, mais c’est le cas maintenant et je m’en réjouis.

M. le président. La parole est à M. François de Rugy.

M. François de Rugy. Je suis en complet désaccord avec l’amendement de M. Tardy. Notre Parlement ne souffre pas d’un trop-plein de débats sur les questions de politique étrangère et de défense !

M. Lionel Tardy. Sans vote, c’est du bla-bla !

M. François de Rugy. On a tendance à négliger, une fois passée l’actualité, que nous sommes présents sur de nombreux territoires extérieurs. Il est intéressant de ménager des moments de débat à ce sujet. Je ne partage d’ailleurs pas du tout votre avis, cher collègue, sur le débat portant sur la Syrie. Il est vrai que l’opposition UMP a pour le moins eu du mal à arrêter sa position. Voyez-vous, j’ai écouté le président du groupe UMP et j’ai eu beaucoup de mal à distinguer la position de son groupe sur la Syrie, sur une éventuelle intervention et sur la stratégie à adopter.

J’écoute ce soir les interventions de M. Dhuicq. D’aucuns ont un peu pris l’habitude de sourire de ses interventions, y compris sur les bancs de son groupe.

M. François André. Ce n’est pas drôle, c’est risible !

M. François de Rugy. Il n’en aborde pas moins des sujets sérieux. Ce qu’il vient de dire sur l’Afghanistan, par exemple, est-ce la position de l’ensemble du groupe UMP ? Je n’en sais rien. En tout cas, ce sont des sujets qui me semblent intéressants.

M. Lionel Tardy. Vous qui êtes tout seul ce soir, vous n’avez certes pas ce genre de problème !

M. François de Rugy. M. Fillon a dit hier un certain nombre de choses, je l’ai invité à débattre. J’ai dû échanger de nouveau avec lui par la suite pour mieux comprendre sa position sur la Russie par exemple. Voilà de nombreux sujets de débat. Mais si cet amendement était adopté, ce serait autant d’occasions en moins de débattre de la politique étrangère et de défense de la France.

M. François André. Ce qui serait dommage !

M. le président. La parole est à M. Yves Fromion.

M. Yves Fromion. Sur un sujet comme celui-là, il faut éviter les positions purement idéologiques, ne pas s’arrêter au pied de la lettre. Il faut, me semble-t-il, progresser avec le temps. Les opex, au fond, ne sont pas un phénomène si ancien. Peu à peu, nos institutions s’accommodent d’une nouvelle donne. La proposition avancée par M. Tardy me semble tout à fait intéressante. Lorsque la France s’engage en dehors de ses frontières, comme elle s’apprête à le faire en République Centrafricaine, il est quand même normal que le Parlement soit informé !

Mme Patricia Adam, rapporteure. Comme le prévoit déjà la Constitution !

M. Yves Fromion. Il faut que les choses évoluent. Un débat annuel est un débat qui a lieu après coup, qui ne permet pas d’anticiper. Il ne s’agit évidemment pas de changer les institutions françaises. Néanmoins, plus tôt le Parlement est informé, mieux cela vaut.

Mme Émilienne Poumirol. Il l’est !

M. Yves Fromion. En la matière, nous avons intérêt à nous ranger à la position de Lionel Tardy. Quant à notre M. de Rugy, il n’a bien entendu aucun mal à être d’accord avec ses collègues, car il est tout seul sur les bancs de son groupe ! C’est bien plus facile ! (Sourires sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Patricia Adam, rapporteure. À l’UMP, c’est plus difficile !

M. le président. La parole est à M. Philippe Folliot.

M. Philippe Folliot. Je n’approuve pas du tout les propos de Lionel Tardy sur la Syrie. Nos institutions sont claires : engager nos forces armées relève de la responsabilité du chef de l’État.

M. Yves Fromion. Certes, mais ce n’est pas le sujet !

M. Philippe Folliot. N’accroissons pas la complexité là où nous avons des atouts. Dans le cas du Mali, le Président de la République a pris en quelques heures une bonne et sage décision.

M. Lionel Tardy. Cela n’a rien à voir !

M. Philippe Folliot. Si on débat à l’Assemblée de chaque opération extérieure potentielle avant même son déclenchement, on affaiblira la position de l’exécutif et sa capacité à atteindre les objectifs fixés. Cela ne me paraît pas bon.

(L’amendement n91 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Folliot, pour soutenir l’amendement n84.

M. Philippe Folliot. Cet amendement vise à ce qu’il y ait, non pas un, mais deux débats par an sur les opex. (Rires.)

M. Yves Fromion. C’est encore mieux !

M. Lionel Tardy. Ah, les centristes !

Mme Patricia Adam, rapporteure. Qui dit mieux ?

M. Philippe Folliot. En vertu de l’article 35 de la Constitution, un débat a lieu obligatoirement au Parlement pour autoriser la prolongation d’une opex au-delà de quatre mois. Comme je l’avais dit lors de l’examen du projet de loi constitutionnelle de 2008, l’application stricte de ce texte conduit à se limiter à ce seul débat au bout de quatre mois, sans qu’il n’y en ait plus aucun par la suite. Le plus logique aurait été de prévoir la tenue d’un débat tous les quatre mois. Le projet de loi propose un débat annuel. C’est très bien, mais il y a une solution intermédiaire : six mois ! (Sourires.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Geneviève Gosselin-Fleury, rapporteure. Monsieur Folliot, l’article 3 bis prévoit la tenue d’un débat annuel. Par ailleurs, dans le cadre de l’examen des crédits de la mission « Défense », le vote de la dotation prévisionnelle des opex est aussi l’occasion d’avoir un débat sur les opex en cours. Cela fait donc bien deux débats dans l’année. Avis donc défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Philippe Meunier.

M. Philippe Meunier. Puisqu’il s’agit du même sujet, j’aimerais répondre à M. de Rugy sur la position de l’UMP concernant la Syrie. Christian Jacob a été très clair, et nous nous sommes opposés à une intervention en Syrie. Pour une raison simple : comme vous, monsieur de Rugy, pour le nucléaire, nous essayons d’être cohérents. Nous ne pouvons pas, d’un côté, soutenir le Gouvernement quand il décide d’aller combattre les colonnes islamistes au Mali et de l’autre approuver que l’on aide leurs frères d’armes en Syrie.

Monsieur Folliot, si vous demandez à présent deux réunions annuelles, cela s’explique peut-être par le mariage entre M. Borloo et M. Bayrou. (Sourires.) Mais nous ferons preuve de cohérence, comme pour l’amendement de M. Tardy : nous voterons contre cet amendement.

(L’amendement n84 n’est pas adopté.)

(L’article 3 bis est adopté.)

2

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, demain, à neuf heures trente :

Discussion, en deuxième lecture, de la proposition de loi visant à reconnaître le vote blanc aux élections ;

Discussion de la proposition de loi visant à rétablir les avantages liés aux heures supplémentaires ;

Discussion de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, autorisant l’expérimentation des maisons de naissance.

La séance est levée.

(La séance est levée à une heure quinze.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Nicolas Véron