Accueil > Travaux en séance > Les comptes rendus > Les comptes rendus de la session > Compte rendu intégral

Afficher en plus grand
Afficher en plus petit
Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2013-2014

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du lundi 20 janvier 2014

SOMMAIRE

Présidence de Mme Laurence Dumont

1. Égalité entre les femmes et les hommes

Discussion des articles (suite)

Article 1er (suite)

Amendement no 210

M. Sébastien Denaja, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, porte-parole du gouvernement

Amendement no 102

Mme Catherine Coutelle, présidente de la délégation de l’Assemblée nationale aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes

Amendement no 160

Articles 2 A et 2 B

Article 2 C

Amendement no 293

Après l’article 2 C

Amendement no 199

Article 2 D

Article 2 E

Amendements nos 110 , 83 , 233 rectifié

Après l’article 2 E

Amendements nos 290 rectifié , 80 rectifié , 234 , 295 rectifié , 253 , 289 , 82 , 85 , 197 rectifié , 31 rectifié , 298

Article 2 F

Article 2 G

Amendement no 334

Après l’article 2 G

Amendements nos 198 rectifié , 200

Article 2

Amendements nos 71 , 260 , 327 , 109 , 128 et 129 , 27 , 221 , 132 , 274 , 131 , 326

Article 2 bis A

Mme Danièle Hoffman-Rispal

Amendements nos 28 rectifié , 139 et 154 , 155 , 156 , 124

Après l’article 2 bis A

Amendement no 220 rectifié

Article 2 bis B

Amendement no 157

Article 2 bis C

Article 2 bis D

Amendement no 106

Article 2 bis E

Amendement no 164

Après l’article 2 bis E

Amendements nos 162 , 26 rectifié , 29 rectifié , 25

Article 2 bis

Article 2 ter

Article 3

Amendement no 148

Article 3 bis

Amendements nos 196 , 201 , 207

Articles 4 et 5

Article 5 bis

Article 5 ter

Amendements nos 209 , 122 , 322 (sous-amendement)

Article 5 quater A

Amendements nos 213 , 323 rectifié

Article 5 quater

Article 5 quinquies A

Amendement no 108

2. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de Mme Laurence Dumont

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

1

Égalité entre les femmes et les hommes

Suite de la discussion d’un projet de loi adopté par le Sénat

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, pour l’égalité entre les femmes et les hommes (nos 1380, 1663, 1631, 1657).

Discussion des articles (suite)

Mme la présidente. Cet après-midi, l’Assemblée a commencé la discussion des articles du projet de loi, s’arrêtant à l’article 1er.

Article 1er (suite)

Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Guégot, pour soutenir l’amendement n210.

Mme Françoise Guégot. Cet amendement me tient à cœur, car il aborde la question de la formation tout au long de la vie, en particulier la mise en place de formations adaptées dans le secteur public comme dans le secteur privé à tous les stades et à tous les niveaux de carrière. Cela me semble absolument indispensable pour amplifier les efforts en la matière et pour accélérer l’accès des femmes aux fonctions les plus importantes.

Si l’article 1er précise l’ensemble des actions à mettre en œuvre en faveur de l’égalité entre les hommes et les femmes, insister sur l’idée que ces actions doivent être conduites grâce à des formations tout au long de la vie me semble essentiel.

Mme la présidente. La parole est à M. Sébastien Denaja, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour donner l’avis de la commission.

M. Sébastien Denaja, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Je partage l’objectif poursuivi par votre amendement, ma chère collègue. Permettez-moi toutefois de souligner qu’il me semble manquer un petit peu de clarté et de précision. Je ne suis pas certain que son insertion à cet alinéa serait heureuse.

Sur le fond, je préfère la modification proposée par notre collègue Catherine Coutelle dans son amendement n198, qui va permettre de modifier les dispositions du code du travail relatives à la formation professionnelle.

En tout état de cause, la commission a émis un avis défavorable. À titre personnel, il est « plutôt défavorable ».

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre des droits des femmes, porte-parole du Gouvernement, pour donner l’avis du Gouvernement.

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, porte-parole du gouvernement. Madame la députée, je partage totalement votre point de vue : l’enjeu de formation des acteurs est essentiel, mais, à vrai dire, votre proposition me semble déjà prise en compte dans les différents items de l’article 1er. J’ai donc le sentiment que l’on répond déjà à cette préoccupation. Cela étant, comme je suis d’accord sur le fond, le Gouvernement rend un avis de sagesse.

(L’amendement n210 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Maud Olivier, pour soutenir l’amendement n102.

Mme Maud Olivier. Cet amendement consiste à intégrer à la politique pour l’égalité entre les femmes et les hommes des actions visant à porter à la connaissance du public les recherches sur la construction sociale des rôles sexués.

Selon le Laboratoire de l’égalité, « les stéréotypes sexués se construisent et s’apprennent très tôt, dans tous les lieux de socialisation (famille, école, travail…) et à travers les vecteurs de transmission culturelle (médias, internet, publicité…). Ils sont tellement intériorisés qu’ils fonctionnent comme des « prêts-à-penser » dont la validité n’est que rarement remise en cause. Or, ces stéréotypes alimentent l’idée de la différence des sexes selon laquelle il serait « naturel » que les femmes et les hommes aient des rôles différents et hiérarchisés dans nos sociétés. »

Le soutien aux recherches sur les stéréotypes constitue une des trois mesures principales de la feuille de route sur laquelle s’est engagé le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, dans le cadre du comité interministériel aux droits des femmes et à l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes du 30 novembre 2012. Cette feuille de route souligne que ces recherches constituent des ressources essentielles à la conduite de politiques publiques d’égalité femmes-hommes et indique que leur développement constitue dès aujourd’hui une priorité.

Il est donc essentiel que cette loi globale sur l’égalité entre les femmes et les hommes intègre, et de manière ambitieuse, la question de la diffusion de ces recherches, et permette ainsi à chacun et chacune de prendre conscience des stéréotypes, les débusquer et contribuer à limiter leurs effets.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Sébastien Denaja, rapporteur. L’objectif de cet amendement nous a semblé déjà satisfait par l’alinéa 4 de l’article 1er. Les actions de lutte contre les stéréotypes qui y sont visées englobent les préoccupations de l’auteure de l’amendement.

La question se pose de savoir s’il revient bien aux pouvoirs publics de choisir et peut-être même de hiérarchiser les travaux de recherche qui méritent d’être mis en avant, notamment eût égard au principe d’indépendance de la recherche.

La commission a donc émis un avis défavorable, mais pour restituer le climat dans lequel se sont déroulés ses travaux sur ce sujet, il n’est pas certain qu’elle vivrait l’adoption de cet amendement avec beaucoup d’émotion. (Sourires.)

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Indéniablement, la recherche portant sur les inégalités entre les hommes et les femmes a besoin d’être soutenue, parce que c’est elle qui vient nous éclairer et nous aider à décider des politiques publiques à mettre en œuvre.

Avec ma collègue Geneviève Fioraso, nous avons engagé de nombreuses actions pour soutenir davantage la recherche. C’est le cas, par exemple, de la grande enquête Virage sur les violences faites aux femmes que Mme Huguette Bello évoquait, et dont je précise qu’elle concernera aussi bien évidemment les départements et territoires d’outre-mer.

Je suis donc favorable à l’esprit de cet amendement : pour inscrire ces recherches scientifiques dans la durée, il faut en effet les positionner comme fondamentales dans tout le travail que nous pouvons faire pour éclairer nos politiques publiques.

Mme la présidente. La parole est à Mme Axelle Lemaire.

Mme Axelle Lemaire. Sur ce sujet important, la France a pris un certain retard. Il y a trente ans, il était possible de considérer qu’elle était pionnière dans l’approche sexuée des politiques publiques en matière de lutte contre les inégalités entre les femmes et les hommes. Depuis, des pays tels que le Royaume-Uni, le Canada ou les pays scandinaves nous ont non seulement rattrapés en termes de quantité et de qualité de production universitaire en ces domaines, mais nous ont aussi dépassés à bien des égards.

Il me semble donc essentiel de combler ce retard et d’inscrire la France comme pays pilote dans la recherche sur le domaine de l’approche sexuée et la différence des sexes dans les politiques publiques. La mesure de cette approche est d’autant plus importante qu’elle est difficile à appréhender. C’est par exemple le cas pour le développement international qui, de plus en plus, utilise des indicateurs sexués. La France aurait tout intérêt à jouer ce rôle pionnier. Le groupe socialiste soutient donc l’amendement de Mme Olivier.

Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Coutelle, présidente de la délégation de l’Assemblée nationale aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes.

Mme Catherine Coutelle, présidente de la délégation de l’Assemblée nationale aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes. Il faut appeler les choses par leur nom. Il s’agit de favoriser les études de genre à l’université et dans les instituts de recherche. La France, comme vient de le dire Mme Lemaire, a du retard. Je pense donc que cet amendement est excellent.

(L’amendement n102 est adopté.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Huguette Bello, pour soutenir l’amendement n160.

Mme Huguette Bello. Le texte que nous examinons passe totalement sous silence la situation de nos aînées. Cet amendement a pour objet de combler cette lacune. En effet, malgré une augmentation incontestable de l’activité féminine et en dépit des droits familiaux liés aux enfants, les niveaux de pension de droit propre des femmes sont très inférieurs à ceux des hommes.

Des parcours professionnels plus souvent interrompus, un travail à temps partiel plus fréquent mais aussi les inégalités salariales ont une traduction mécanique au moment de la retraite. Certes, les droits familiaux et conjugaux compensent en partie le faible niveau des pensions servies aux femmes, mais ils ne le résorbent pas puisque la retraite globale des femmes représente moins de 70 % de celle des hommes. Les femmes sont nombreuses à subir des situations de grande précarité. Près de 15 % des femmes de plus 75 ans vivent sous le seuil de pauvreté. À la Réunion, plus de la moitié des femmes de moins de 65 ans se retrouvent dans cette situation, et ce pourcentage augmente avec l’âge.

Il est à craindre que ces compensations aient un moindre impact dans les années à venir en raison des divorces plus nombreux ou encore des nouvelles formes d’union.

Par ailleurs, il est important de porter une attention particulière aux femmes qui, parce qu’elles sont déjà retraitées et n’ont plus d’enfants à charge, ne bénéficieront pas des mesures de ce présent projet de loi alors même qu’elles ont subi des législations défavorables durant leur vie active.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Sébastien Denaja, rapporteur pour avis. Madame Bello, il me semble que cet amendement est déjà satisfait par l’alinéa 6 de l’article 1er qui vise à lutter contre la précarité des femmes de manière générale. Il englobe donc nécessairement la question des femmes retraitées. On peut d’ailleurs s’interroger sur l’intérêt à distinguer différentes catégories de femmes selon leur situation.

Si je comprends néanmoins les objectifs que vous visez, toutes les dispositions de l’ensemble du titre Ier de ce projet de loi ont justement pour objet de réduire les écarts de salaires entre les femmes et les hommes, donc à lutter, à terme, contre la paupérisation des femmes une fois qu’elles sont à la retraite.

Pour toutes ces raisons, je vous invite à retirer cet amendement qui me semble satisfait et qui correspond aux préoccupations du Gouvernement et de tous ceux qui ont travaillé sur ce texte. Sinon, je serais obligé de rappeler l’avis émis par la commission, qui est défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Même avis. Nous partageons évidemment les mêmes objectifs, madame Bello, mais il me semble que l’article 1er y répond déjà sans qu’il soit besoin de préciser les catégories de femmes concernées – ce qui pourrait d’ailleurs, a contrario, se révéler limitatif et exclure les femmes qui n’entreraient pas dans l’une d’entre elles.

Mme la présidente. La parole est à Mme Huguette Bello.

Mme Huguette Bello. Je ne retire pas mon amendement dans la mesure où il n’y a pas un mot dans le texte sur nos aînées. Il me semble indispensable que soit évoqué le problème des femmes ayant une retraite quelquefois inférieure de 40 % à celle des hommes. Il serait étrange que, dans un texte aussi important que celui-là, il n’y ait pas un mot sur elles.

(L’amendement n160 n’est pas adopté.)

(L’article 1er, amendé, est adopté.)

Articles 2 A et 2 B

Mme la présidente. Les articles 2 A et 2 B ont été supprimés par la commission.

Article 2 C

Mme la présidente. Sur l’article 2 C, je suis saisie d’un amendement n293.

La parole est à Mme Barbara Romagnan, pour le soutenir.

Mme Barbara Romagnan. L’objectif poursuivi par cet amendement est que les métiers majoritairement exercés par des femmes soient reconnus à égalité par rapport à ceux qui sont exercés par les hommes.

Il ne s’agit pas seulement, d’ailleurs, de faire en sorte que, au sein d’une même profession, les hommes et les femmes aient des carrières comparables et soient payés à égalité. Selon la DARES, les femmes sont, pour l’essentiel, concentrées dans douze familles professionnelles dans lesquelles se trouvent peu d’hommes. De plus, les métiers concernés sont très souvent sous-payés par rapport à ceux exercés majoritairement par des hommes. Je prendrai un seul exemple : après le même nombre d’années d’études et avec des responsabilités qui ne sont pas moindres, le début de carrière des infirmières est bien moins valorisé et valorisant que celui d’un métier exercé par des hommes. Cette situation s’explique sans doute par le fait que les métiers que les femmes exercent de façon majoritaire requièrent un certain nombre de qualités ou de compétences que d’aucuns jugent innées ou naturelles. On ne reconnaît donc pas des compétences de ce type ou, en tout cas, pas autant qu’elles le mériteraient.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Sébastien Denaja, rapporteur. Une fois encore, je partage l’objectif, à ceci près que l’ajout me semble inutile dans la mesure où les dispositions de l’article L. 1132-1 du code du travail prohibent déjà, s’agissant des systèmes de classification, toute discrimination en raison du sexe. Dès lors, l’avis de la commission est défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Même avis.

Mme la présidente. La parole est à Mme Barbara Romagnan.

Mme Barbara Romagnan. Je m’en remets à ce qui vient d’être expliqué ; par conséquent, je retire mon amendement. Néanmoins, je tiens à exprimer des réserves, car la façon dont on évalue à l’heure actuelle les inégalités conduit à ce que, très souvent, le phénomène ne soit pas pris en compte, malgré l’existence de l’article L. 1132-1 du code du travail, que je connais, bien entendu, et auquel le rapporteur a eu raison de faire référence. On se contente d’observer la situation au sein d’une profession, sans la comparer avec d’autres. Je ne suis pas sûre que mon amendement soit satisfait, mais je fais confiance au rapporteur.

(L’amendement n293 est retiré.)

(L’article 2 C est adopté.)

Après l’article 2 C

Mme la présidente. La parole est à Mme la présidente de la délégation aux droits des femmes, pour soutenir l’amendement n199.

Mme Catherine Coutelle, présidente de la délégation aux droits des femmes. L’accord national interprofessionnel, ANI, conclu en 2013 prévoit que les organisations liées par une convention de branche doivent ouvrir des négociations sur les modalités du temps partiel, lequel est surabondamment utilisé dans certains secteurs. Les entreprises en tirent un bénéfice maximum en termes d’organisation du travail, parfois au détriment de la santé de ceux qui sont employés à temps partiel.

À travers cet amendement, nous souhaitons faire en sorte que, lorsque la négociation n’a pas été engagée par l’employeur, les cotisations patronales seront dues, si le salarié le demande, sur la base du temps plein. Cela permettrait d’améliorer la situation des salariés travaillant à temps partiel, en particulier en prévision de la retraite, car on sait bien que le temps partiel aboutit à des retraites partielles.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Sébastien Denaja, rapporteur. C’est un sujet qui mériterait que les partenaires sociaux soient consultés au préalable, comme nous avons eu l’occasion de le dire ici même sur de telles questions.

Par ailleurs, sur ce sujet précis, il faut rappeler que des mesures ont été récemment adoptées dans le cadre de la réforme des retraites et de la loi relative à la sécurisation de l’emploi pour limiter le recours au temps partiel. Il nous semble qu’il faut, pour l’instant, attendre que ces mesures produisent leurs effets avant de modifier éventuellement les règles applicables.

Quoi qu’il en soit, sur un tel sujet, l’avis du Gouvernement est déterminant, dans la mesure où celui-ci est en possession de tous les éléments concernant les négociations sociales et leurs prolongements. En tout état de cause, l’avis de la commission est défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Même avis. Nous partageons évidemment, madame la présidente de la délégation aux droits des femmes, votre préoccupation. La loi de sécurisation de l’emploi a fixé à vingt-quatre heures la durée minimale de travail hebdomadaire et a demandé aux branches de négocier sur le sujet ; nous leur avons accordé six mois de plus pour ce faire. Il faut bien prendre ce délai pour ce qu’il est, à savoir le signe que la disposition est importante. Nous faisons le pari selon lequel les branches peuvent parvenir à des solutions ambitieuses, dont je vous donnais quelques exemples tout à l’heure. Cela peut marcher ; cela commence d’ores et déjà à marcher. Le Gouvernement ne souhaite donc pas modifier maintenant le cadre législatif sur ce sujet. Cela ne nous empêche pas, comme je vous le disais en introduction, de travailler sur l’accès aux droits sociaux pour les personnes engagées sur de petits temps partiels : nous l’avons fait pour les droits à la retraite et nous allons continuer à le faire en ce qui concerne les indemnités journalières. Avis défavorable.

(L’amendement n199 n’est pas adopté.)

Article 2 D

(L’article 2 D est adopté.)

Article 2 E

Mme la présidente. Sur l’article 2 E, je suis saisie de plusieurs amendements.

Nous commençons par l’amendement n110.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Sébastien Denaja, rapporteur. C’est un amendement rédactionnel.

(L’amendement n110, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Sonia Lagarde, pour soutenir l’amendement n83.

Mme Sonia Lagarde. Cet amendement vise à compléter le contenu de l’accord relatif à l’égalité professionnelle, prévue par l’article L. 2242-5 du code du travail, en faisant en sorte que l’entreprise se fixe certains objectifs concrets parmi une liste fixée par décret pour agir en faveur de l’égalité professionnelle. Il pourrait s’agir du recrutement, de la formation professionnelle ou encore de la politique de rémunération.

Cette mesure reprend l’une des préconisations du rapport préparatoire à la concertation avec les partenaires sociaux sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, rédigé par Brigitte Grésy. Dix leviers ont été identifiés qui devraient obligatoirement figurer dans l’accord sur l’égalité et être assortis d’indicateurs chiffrés de progression sur trois ans.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Sébastien Denaja, rapporteur. Ce sujet va revenir de façon récurrente à propos de cet article comme des suivants. L’article 2 transcrit dans la loi une disposition de l’accord national interprofessionnel du 19 juin 2013. La modification proposée devrait plutôt faire l’objet d’une consultation des partenaires sociaux – c’est à cette doctrine que l’Assemblée nationale semble s’être ralliée ces derniers mois. L’avis est donc défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Madame la députée, nous partageons évidemment votre souci de garantir une meilleure effectivité de la loi, mais nous avons déjà précisé les thèmes devant être systématiquement abordés en fonction de la taille des entreprises dans le cadre du décret de décembre 2012 précisant les obligations des entreprises dans le cadre des plans sur l’égalité professionnelle et des accords collectifs. Votre amendement n’apporterait ainsi rien de plus par rapport à ce qui figure déjà dans l’article L. 2242-5 du code du travail. Je vous demande donc de le retirer, faute quoi le Gouvernement émettrait un avis défavorable.

Mme la présidente. Madame Lagarde, maintenez-vous l’amendement n83 ?

Mme Sonia Lagarde. Non, madame la présidente, je le retire.

(L’amendement n83 est retiré.)

Mme la présidente. La parole est à M. Sergio Coronado, pour soutenir l’amendement n233 rectifié.

M. Sergio Coronado. Tout à l’heure, lors de la discussion générale, tous les parlementaires ayant pris la parole ont souligné les écarts de rémunération qui existent toujours entre les femmes et les hommes, et ce malgré de nombreuses lois. De plus, ces écarts sont stables depuis une vingtaine d’années.

Dans le cadre de la loi de 2006 relative à l’égalité salariale entre les femmes et les hommes, dite loi Ameline, il était prévu que les entreprises mettent fin aux inégalités de rémunération entre les hommes et les femmes dans un délai de cinq ans. Si ce délai n’était pas respecté, ces entreprises devaient être sanctionnées.

Il était utile qu’un dispositif législatif prévoie une date butoir. En effet, lorsque la dissuasion ne suffit pas, il faut parfois passer par la contrainte. Pourtant, la réforme des retraites menée en 2010 a supprimé cette date limite. Cet amendement vise à en rétablir une, en fixant l’échéance au 31 décembre 2016. À cette date, les entreprises devront s’être mises en accord avec la loi et avoir supprimé ces écarts tout à fait scandaleux. Le délai me semble correct, puisque toutes les entreprises ne s’étant pas encore mises en conformité auront ainsi deux années pour négocier et programmer les mesures permettant de mettre un terme à cette injustice.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Sébastien Denaja, rapporteur. Tout le monde, en la matière, poursuit les mêmes objectifs et le Gouvernement est résolument engagé dans la direction que vous indiquez. Il faudra encore de longs et pénibles efforts pour parvenir aux objectifs que, encore une fois, nous partageons tous.

Cela dit, compte tenu de la situation et des éléments dont vous disposez vous-même sur l’état des négociations entre les partenaires sociaux, l’échéance que vous proposez de fixer au 31 décembre 2016 apparaît sans doute encore trop proche. De plus, le texte que vous nous proposez suppose une approche différenciée selon les entreprises et les secteurs concernés. Pour ces raisons, la commission a émis un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. L’expérience nous montre que l’instauration d’une date butoir n’est pas efficace. L’objectif que vous avez rappelé devait être atteint en 2010. Or, en 2009, il a bien fallu y renoncer.

En outre, une telle mesure ne résout pas concrètement le problème des inégalités salariales, puisqu’elle ne dit en rien en quoi les accords ou les plans adoptés font faire des progrès.

Selon nous, l’essentiel est que l’inspection du travail contrôle véritablement – et nous veillons à ce que ce soit le cas – que les accords ou les plans soient adoptés et qu’elle en étudie le contenu. Cela nous semble préférable à la définition d’une date butoir : au-delà du caractère incantatoire de cette mesure, nous serions vraisemblablement conduits, soit à la repousser, soit à reconnaître que les objectifs ne sont pas atteints. Avis défavorable, par conséquent.

Mme la présidente. La parole est à Mme Axelle Lemaire.

Mme Axelle Lemaire. Le groupe socialiste comprend très bien l’argument de notre collègue M. Coronado concernant la date butoir. Nous y étions d’ailleurs plutôt favorables par le passé. La question a fait l’objet d’un débat politique en 2010, au moment de la loi sur les retraites, mais aussi d’un débat entre les partenaires sociaux, lesquels ont négocié l’accord national interprofessionnel.

L’option retenue a été de prévoir des sanctions dans le cas où les négociations au sein des entreprises n’auraient pas été entamées. On a décidé de ne pas retenir le principe d’une date butoir pour déclencher les sanctions, que l’on ne saurait d’ailleurs pas mettre en œuvre et qui pourrait se révéler contre-productif. J’aimerais donc appeler, en la matière, à une certaine prudence. L’ANI a été signé tout récemment ; il me semble qu’il faut faire confiance aux partenaires sociaux et à la volonté qu’ils ont affichée de réduire les écarts de rémunération. Cela dit, la question de la date butoir pourrait éventuellement être posée de nouveau, à plus longue échéance, en l’absence de résultats tangibles.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Jo Zimmermann.

Mme Marie-Jo Zimmermann. Je n’avais pas l’intention d’intervenir, mais M. Coronado a tout à fait raison. Aujourd’hui, nous n’en sommes plus à demander le retrait d’un tel amendement. En effet, si nous avons demandé, au moment du débat sur les retraites en 2010, de revenir sur cette question c’est bien parce que la loi Ameline de 2006 prévoyait déjà un délai, de cinq ans.

Après avoir travaillé pendant dix ans sur ce sujet, je suis plus que favorable aux dates butoir, qui seules permettent, même lorsque les  intentions sont bonnes, de mettre un terme à toute discussion en la matière.

Mme la présidente. La parole est à M. Sergio Coronado.

M. Sergio Coronado. Je ne saurai mieux dire que Mme Zimmermann. J’espère que le groupe socialiste, qui avait usé d’arguments très forts en 2010 pour défendre la date butoir, ne fera pas moins bien que la loi Ameline. Si cela n’a pas fonctionné, c’est que le Gouvernement précédent, en supprimant la date butoir, ne l’a pas souhaité, madame la ministre.

Mme Marie-Jo Zimmermann. Voilà !

M. Sergio Coronado. Vous parlez de faire confiance aux inspecteurs du travail, mais je ne vous ferai pas l’injure de rappeler que le plus célèbre d’entre eux dénonce leur trop faible nombre pour mener à bien les contrôles dans les entreprises. Si l’on ne s’attelle pas à mettre en œuvre des mesures coercitives, tout cela ne sera qu’un vœu pieux.

Cela fait une vingtaine d’années que des mesures sont adoptées, que ces écarts de rémunérations perdurent. Il est désormais temps de passer à l’action ! (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste et GDR.)

Mme Barbara Romagnan et M. Denys Robiliard. Oui !

(L’amendement n233 rectifié n’est pas adopté.)

(L’article 2 E, amendé, est adopté.)

Après l’article 2 E

Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements, nos 290 rectifié, 80 rectifié et 234, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à Mme Marie-George Buffet, pour soutenir l’amendement n290 rectifié.

Mme Marie-George Buffet. Combien de lois sur l’égalité salariale entre les hommes et les femmes avons-nous votées, pour constater finalement que l’écart des rémunérations est encore de 27 % ? Peut-être faut-il donc trouver des recettes nouvelles, pour que les entreprises acceptent réellement de « passer à l’action », comme l’a dit Sergio Coronado ? Aussi, je regrette que nous n’ayons pas accepté cette date butoir.

J’entends les représentants du patronat nous dire aujourd’hui qu’il faut diminuer les cotisations patronales. Mais lorsque nous leur parlons alors de « pacte de responsabilité », ils nous répondent que, pour ce qui est de créer des emplois, il faut quand même rester prudent et ne pas l’écrire noir sur blanc ! Cette loi doit donc marquer un coup d’arrêt à cette façon de faire qui veut que, alors que l’État s’engage, les résultats du côté des entreprises et du grand patronat font à chaque fois défaut ! Il faut appliquer la méthode des sanctions, quand, après un effort de négociation, de démocratie sociale, il ne se passe rien en matière d’égalité salariale.

Cet amendement a donc pour objet de supprimer la réduction générale de cotisations patronales lorsque le refus d’évoluer sur cette question est patent. Si l’on ne prend pas de telles mesures, les inégalités salariales seront toujours les mêmes dans cinq ou dix ans !

Mme la présidente. La parole est à Mme Sonia Lagarde, pour soutenir l’amendement n80 rectifié.

Mme Sonia Lagarde. Cet amendement vise à compléter le dispositif prévu par le projet de loi en matière de promotion de l’égalité salariale entre hommes et femmes au sein de l’entreprise. Les femmes gagnent en moyenne 17,5 % de moins que les hommes en Europe, 28 % de moins en France dans le secteur privé.

En proposant d’exclure du bénéfice de la commande publique les entreprises qui ne s’engageraient pas, dans le cadre du dialogue avec les représentants du personnel, sur cet objectif d’égalité salariale, le projet de loi marque une avancée notable.

Pour autant, celle-ci reste timide, car le levier de la commande publique demeure, par définition, inopérant sur les entreprises qui, pour une raison ou pour une autre, ne candidatent pas aux marchés publics. Cet amendement vise à étendre la portée effective de cette obligation d’agir pour l’égalité salariale en permettant d’exclure du bénéfice des exonérations de cotisations sociales et, plus largement, des dispositifs exonérant d’impôts, toutes les entreprises qui ne seraient pas, au 1er janvier 2015, couvertes par un accord relatif à l’égalité salariale.

Mme la présidente. La parole est à Mme Véronique Massonneau, pour soutenir l’amendement n234.

Mme Véronique Massonneau. Cet amendement a pour objectif de renforcer l’obligation, pour les entreprises, de recourir à la négociation sur les mesures en faveur de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. Il est ainsi proposé de réduire les exonérations de cotisations sociales sur les bas salaires, réductions qui existent déjà pour les entreprises ne respectant pas leurs obligations de négociations de branche. Cet amendement vise à instaurer la négociation sur l’égalité professionnelle comme autre critère pour bénéficier d’une exonération totale sur les cotisations sociales sur les bas salaires.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ces trois amendements ?

M. Sébastien Denaja, rapporteur. Marie-George Buffet a raison : beaucoup de lois ont été adoptées en la matière, sans produire tous leurs effets, et parfois aucun. D’où la nécessité d’inventer des recettes nouvelles, ce que propose justement le projet de loi, notamment à l’article 3, madame Lagarde.

Contrairement à ce que vous avez dit, le levier de la commande publique est puissant : celle-ci représente 75 milliards d’euros par an, soit plus de 10 % du PIB. Agir sur ce point incitera les entreprises à respecter leurs engagements en matière d’égalité salariale entre les hommes et les femmes. Vous aurez d’ailleurs noté que la commission des lois a étendu l’interdiction de soumissionner à l’ensemble des contrats publics, contrats de partenariat et délégations de service public.

Par ailleurs, la législation prévoit déjà des sanctions et l’une des recettes consiste tout simplement à les appliquer. C’est ce qu’a fait la ministre en prenant un décret prévoyant de sanctionner ce que j’ai pour habitude d’appeler les « entreprises machos ». De fait, les sanctions tombent et beaucoup d’entreprises sont en train de consentir des efforts pour les éviter sachant qu’elles peuvent parfois être lourdes – jusqu’à 1 % de la masse salariale.

D’un point de vue juridique, cumuler la sanction que vous proposez et celles qui existent déjà n’irait pas sans soulever des difficultés au regard du principe de proportionnalité. C’est pour ne pas fragiliser le texte dont nous débattons que la commission a émis un avis défavorable sur ces trois amendements.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur ces trois amendements ?

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Que les choses soient bien claires. La volonté du Gouvernement est de ne pas laisser impunis les comportements réfractaires à l’égard de l’égalité professionnelle puisque le dispositif de contrôle et de sanctions s’applique enfin. Depuis sa mise en œuvre, en janvier 2013, 4 000 plans ou accords nous ont d’ailleurs été adressés, ce qui signifie bien que les entreprises ont compris que la sanction pouvait tomber : plus de 500 d’entre elles ont été mises en demeure, et cinq sanctions financières ont été prononcées, ce qui représente, pour chacune des entreprises concernées, plusieurs milliers d’euros à payer chaque mois, jusqu’à ce qu’elles se mettent en conformité.

Le dispositif de sanctions fonctionne. Il n’est pas bienvenu de le modifier, a fortiori moment où nous lui donnons enfin une réalité. Il faut, au contraire, continuer à l’appliquer avec détermination, sans changer les règles du jeu. Avis défavorable.

(Les amendements nos 290 rectifié, 80 rectifié et 234, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Barbara Romagnan, pour soutenir l’amendement n295 rectifié.

Mme Barbara Romagnan. Cet amendement, parmi d’autres, vise à rendre dissuasif le recours excessif au temps partiel ou à diminuer son impact négatif pour les personnes concernées.

Les emplois à temps partiel se sont fortement développés en France à la fin des années 1990, en lien avec les politiques publiques qui visaient à soutenir ce type d’emplois en les rendant moins coûteux pour les entreprises. Le temps partiel permet une grande fluidité dans l’organisation des horaires, donc des gains de productivité, d’autant qu’il y est recouru lors des périodes de travail les plus denses.

Les emplois à temps partiel sont majoritairement occupés par des femmes. Concentrés dans le secteur tertiaire, ils sont généralement peu qualifiés, mal considérés et très peu rémunérés, ce qui signifie que les salariés à temps partiel percevront des retraites amoindries.

Soi-disant compatibles avec la vie familiale, beaucoup de ces emplois à temps partiel, dans la grande distribution ou dans les entreprises d’entretien, s’exercent justement à des horaires particulièrement inadaptés à la vie familiale. Les femmes, la plupart du temps, subissent le temps partiel et lorsqu’elles le choisissent, c’est par défaut, pour prendre en charge leurs enfants ou leurs parents âgés.

Les entreprises qui recourent à ces emplois, particulièrement dans la grande distribution, ne sont pas à plaindre. Il ne nous paraît donc pas injustifié de les faire cotiser davantage.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Sébastien Denaja, rapporteur. Pour ce qui est de dissuader les entreprises de recourir de manière excessive au temps partiel, qui frappe effectivement les femmes bien plus que les hommes, nous ne partons pas de rien, puisque la majorité a adopté des mesures fortes, allant dans le sens que vous souhaitez, madame Romagnan.

Je vous renvoie à la loi du 14 juin 2013 pour la sécurisation de l’emploi, qui a limité le recours au temps partiel en prévoyant une durée hebdomadaire minimale de 24 heures et en limitant le nombre d’avenants. Je l’ai dit et je le répète, il est de bonne méthode d’évaluer d’abord les effets de cette réforme, avant de modifier, le cas échéant, une législation que nous venons à peine d’adopter.

J’ajoute que le Gouvernement a indiqué à la commission qu’un bilan, sur ce sujet précis, serait effectué dans le courant de l’année 2014. Nous pourrons donc éventuellement renforcer ces dispositions dans un délai très bref. Avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Même avis. Cet amendement tend à revenir sur la loi pour la sécurisation de l’emploi, alors que nous nous apprêtons à évaluer ce dispositif cette année. Comme vous le savez, nous avons donné davantage de temps – six mois – aux branches pour qu’elles puissent négocier comme convenu. Je vous propose de laisser la législation faire œuvre utile. Nous y reviendrons si nécessaire.

Mme la présidente. La parole est à Mme Barbara Romagnan.

Mme Barbara Romagnan. Je partage le point de vue du rapporteur et de la ministre sur la mise en œuvre de l’ANI. Néanmoins, le dispositif proposé dans cet amendement n’est pas incompatible avec l’existant. Recourir au temps partiel, même de 24 heures hebdomadaires, favorise encore les entreprises, dont la plupart, je le rappelle ne sont pas dans le besoin. En outre, les salariés concernés ont souvent une productivité supérieure, puisqu’on les fait travailler à des moments où la productivité attendue doit être forte. Je pense qu’il est juste de faire cotiser davantage ces entreprises.

Mme la présidente. La parole est à Mme Axelle Lemaire.

Mme Axelle Lemaire. La question que pose ma collègue Barbara Romagnan est éminemment politique, c’est celle de la majoration du coût du travail s’agissant des temps partiels. Faut-il en augmenter le coût pour dissuader les employeurs d’y recourir ? La question a été directement posée au ministre du travail, Michel Sapin, lors des auditions menées par la délégation aux droits des femmes dans le cadre de la préparation de ce projet de loi et la réponse fut tout aussi claire que la question : il faut laisser du temps à la démocratie sociale. Nous avons décidé de demander aux partenaires sociaux de négocier très précisément sur ce sujet. Ils sont soumis à des obligations de résultat en la matière, avec des décisions à rendre dans un certain délai.

Le groupe socialiste comprend totalement les impatiences qui s’expriment, et le ministre les entend aussi. Mais dans le cadre de la méthode utilisée, nouvelle pour le législateur français, à savoir faire confiance à la négociation sociale, je demande le retrait de cet amendement.

Mme Danièle Hoffman-Rispal. Bravo !

Mme la présidente. La parole est à M. Sergio Coronado.

M. Sergio Coronado. Il est évident que cet amendement est éminemment politique ! Il faut tout de même savoir dans quel pays nous vivons, et je n’entends pas du tout à cet égard les mêmes propos chez les partenaires sociaux. S’il y a certaines résistances de la part des syndicats, le discours du patronat, lui, n’a pas varié depuis une vingtaine d’années en matière de coût du travail et de réduction de ce coût.

Si la nouvelle politique du Gouvernement consiste simplement à faire confiance, comme vient de nous le dire Mme Lemaire, nous serons au rendez-vous dans vingt ans pour continuer à déplorer, comme nous venons de le faire à la tribune, le maintien des écarts de salaire et le peu d’empressement des partenaires sociaux à régler cette question !

Mme Claude Greff et Mme Marie-Jo Zimmermann. Très bien !

M. Sergio Coronado. Nous ne vivons pas dans le même monde, madame Lemaire. Il ne s’agit pas dans le cas présent de montrer son impatience, mais de dresser le constat d’une expérience vécue depuis vingt ans par notre pays,...

Mme Marie-Jo Zimmermann. Quarante ans !

M. Sergio Coronado. …à savoir que les écarts n’ont pas évolué.

(L’amendement n295 rectifié n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements, nos 253 et 289, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à Mme Véronique Massonneau, pour soutenir l’amendement n253.

Mme Véronique Massonneau. Cet amendement vise à lutter contre le recours abusif des entreprises au temps partiel. Il ne s’agit pas d’un cavalier législatif car il est de notoriété publique que la majorité des personnes ayant un contrat en temps partiel sont des femmes. En 2012, 6,6 % des travailleurs concernés étaient des hommes contre 30,6 % de femmes. Sur l’ensemble des travailleurs en temps partiel, la répartition observée est de 82 % de femmes contre 18 % d’hommes, une différence trop importante qui mérite que l’on s’attarde sur ses origines. À cette fin, il convient de lutter contre le recours abusif au temps partiel car, si certains sont voulus, beaucoup sont encore subis, aussi faut-il en encadrer strictement le recours par les employeurs. Cet amendement vise par conséquent à majorer de 10 % les cotisations sociales de l’employeur lorsque le nombre de ses salariés à temps partiel est au moins égal à 20 % du nombre total des salariés.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-George Buffet, pour soutenir l’amendement n289.

Mme Marie-George Buffet. Tous ces amendements visent à lutter contre le recours abusif, par les employeurs, au temps partiel, un temps partiel qui, on ne le répétera jamais assez, concerne pour 82 % les femmes. Là est peut-être l’une des causes principales des écarts de salaire que nous connaissons aujourd’hui.

M. le rapporteur et Mme la ministre nous renvoient à la loi relative à l’accord national interprofessionnel et la fameuse obligation d’une durée minimale de travail de vingt-quatre heures par semaine pour les contrats à temps partiel, présentée comme une avancée majeure. Malheureusement, les dérogations prévues par la loi de sécurisation de l’emploi et la possibilité de négocier des accords dérogatoires au niveau des branches compromettent l’application effective de cette mesure. Ce plancher de vingt-quatre heures ne bénéficiera in fine, du fait du nombre de dérogations prévues, qu’à un nombre très limité de salariés à temps partiel.

Vous nous dites qu’il y a six mois de négociations, mais la démocratie sociale s’exerce dans un cadre très fermé : l’application de cette mesure des vingt-quatre heures, point final ! Or le sujet n’est pas de savoir si l’on travaille vingt heures, vingt-quatre heures, vingt-six heures ou douze heures ! Le sujet est de savoir comment dissuader les entreprises de proposer massivement aux femmes des temps partiels, que ce soit dans la filière du commerce ou dans une autre. Ce n’est pas d’imposer aux entreprises de leur proposer un contrat de travail de vingt-quatre heures, sauf si elles demandent de faire moins, sauf si l’accord de branche est différent, sauf si ce sont des étudiantes. Non, ce n’est pas cela le sujet. Le sujet est de savoir comment dissuader les entreprises de recourir, pour réduire massivement le coût du travail, au temps partiel. C’est donc bien à la source qu’il faut agir pour dissuader.

Pour cela, il faut pénaliser les entreprises qui emploient plus de 15 % de personnels en temps partiel. Tel est l’objet de cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Sébastien Denaja, rapporteur. Nous pouvons dire qu’il y a unanimité sur ces bancs pour lutter contre le temps partiel subi et vouloir dissuader avec efficacité les entreprises d’y recourir et de précariser encore davantage les femmes. La communauté de vue, sur ce sujet, est totale, j’en suis certain. Les seules divergences concernent, une fois de plus, la méthode : quand et comment.

La loi sur la sécurisation de l’emploi apporte déjà quelques réponses. J’ai bien entendu qu’elles ne vous satisfaisaient pas, mais encore faut-il que nous en connaissions déjà les effets réels.

Nous devons par ailleurs tenir compte d’un élément nouveau. Voilà en effet six jours à peine que le Président de la République, dans sa conférence de presse, a lancé un grand appel à la responsabilité des partenaires sociaux. Le débat est donc devant nous dans les tout prochains mois, le Président de la République ayant même indiqué que le Gouvernement engagerait alors sa responsabilité. Sachant que ce débat portera sur les contreparties offertes par les entreprises, il va donc de soi que la question du temps partiel, de sa limitation et de ses éventuelles sanctions en fera partie. Tel est l’élément nouveau que nous devons prendre en compte. La commission a émis un avis défavorable sur ces deux amendements.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Je ne voudrais tout de même pas que l’on entende ce soir que la loi relative à la sécurisation de l’emploi aurait traité de manière minimaliste la question du temps partiel. Cette loi va loin au contraire ! Nous avons accompli des progrès qui étaient attendus depuis des années, voire des décennies,…

Mme Marie-Jo Zimmermann. Ah bon ?

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. …grâce aux dispositions relatives au minimum horaire, au temps complémentaire surrémunéré, et d’autres encore qui ont suivi sur le temps partiel, en particulier dans le cadre de la réforme des retraites et l’accès aux droits sociaux. Je ne voudrais pas que l’on sous-évalue toutes ces avancées.

S’agissant du minimum horaire, si cette mesure était si minimaliste que cela, les branches n’auraient pas tant de mal à négocier pour parvenir à la faire respecter. Le Gouvernement a décidé de donner la main aux branches et aux partenaires sociaux pour négocier, avec, pour le coup, une date butoir. Je propose que nous puissions les accompagner. C’est ce que nous faisons déjà auprès d’une vingtaine d’entre elles que nous accompagnons par des commissions mixtes paritaires où un médiateur est nommé en plus des partenaires sociaux représentés pour aboutir au résultat que nous espérons. Ce serait donc, me semble-t-il, de bonne politique que de procéder à une évaluation avant de légiférer autrement. Avis défavorable.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-George Buffet.

Mme Marie-George Buffet. Mettons de côté les vingt-quatre heures de durée minimum d’activité, si vous le voulez – je veux bien que nous considérions cette disposition, malgré toutes les dérogations dont elle est assortie, comme un progrès. C’est en effet sur tout autre chose que portent les amendements qui vous sont présentés, à savoir proposer des mesures législatives pouvant s’apparenter à des armes de dissuasion pacifiques pour décourager les entreprises d’embaucher massivement les femmes à temps partiel. Il ne s’agit pas de discuter de ces vingt-quatre heures, mais des moyens réels d’empêcher les entreprises de recourir à des salariées au temps partiel, comme elles le font aujourd’hui. Tel est le sens de ces amendements – je suis même prête, à cet égard, à mettre de côté la question de l’ANI, malgré toute mon opposition à cette loi !

Vous parlez du pacte de responsabilité. J’ai écouté attentivement, comme vous, M. le Président de la République lors de sa conférence. Mais dans la réponse du MEDEF, qui a parlé d’un million d’emplois en contrepartie, sans pour autant coucher sur le papier cette promesse, je n’ai pas entendu parler de temps partiel. On peut certes mettre beaucoup de choses dans le pacte de responsabilité, mais en attendant, je ne vois rien en la matière !

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Jo Zimmermann.

Mme Marie-Jo Zimmermann. Si j’interviens une nouvelle fois, c’est parce que cela fait un certain nombre d’années que nous dénonçons, les uns et les autres, notamment à la délégation aux droits des femmes, le temps partiel. Nous ne cessons de le répéter, ce temps partiel est l’une des raisons de la précarité des femmes aujourd’hui. Lorsque nous avons légiféré en juin 2013 sur le temps partiel, l’on m’avait promis que nous légiférerions sérieusement en la matière à l’occasion du texte relatif à l’égalité professionnelle. Je m’attendais donc à des mesures qui permettent réellement aux entreprises d’être placées face à leurs responsabilités lorsqu’elles recourent trop au temps partiel.

Je comprends que vous vouliez, madame la ministre, prendre le temps de mesurer les effets de la loi votée, mais je suis tout de même très déçue qu’un gouvernement qui veut lutter contre la précarité des femmes n’approuve pas ce type d’amendements qui vont dans le bon sens en ce qu’ils proposent un début de solution au problème du temps partiel des femmes. Nous ne pouvons pas continuer à admettre que des entreprises usent et abusent du temps partiel pour les femmes, et à prétendre dans le même temps se préoccuper de ce problème. Non, on ne s’en occupe pas !

Mme la présidente. La parole est à Mme Axelle Lemaire.

Mme Axelle Lemaire. Passons sur le fait qu’il est tout de même assez extraordinaire de recevoir des leçons des députés UMP en la matière. Nous aurons tout entendu !

L’approche adoptée par ce texte est pragmatique. Il s’agit de combler les interstices des inégalités. Nous l’avons déjà expliqué, mais il me semble vraiment utile de donner des exemples. S’agissant par exemple des salariés à temps partiel, en particulier les petits temps partiels, dont le volume horaire est trop faible pour accéder à certains droits, nous avons, depuis la réforme des retraites, abaissé le seuil à 150 heures par trimestre, au lieu de 200 heures, ce qui profitera à de nombreuses femmes salariées, qui verront ainsi leurs trimestres comptabilisés dans leurs droits à pension.

Un groupe de travail a d’ores et déjà été créé au ministère du travail sur la question du travail à temps partiel.

Par ailleurs, permettez-moi de vous rappeler, car aucun amendement n’a été déposé à l’article 2 F, que la commission y a inséré une disposition consistant à ce que les déplacements entre deux lieux de travail pour le même employeur et sur une même journée soient comptabilisés dans les horaires de travail et, par conséquent, dans la rémunération. Vous avez bien compris à qui s’adresse cette mesure : aux femmes, surtout à celles qui travaillent pour des entreprises de services à la personne, en particulier aux employées de ménage, qui constituent une part importante de l’ensemble des travailleuses précaires. Il n’est donc pas acceptable d’entendre dire que rien n’est fait dans ce projet de loi en faveur des salariées à temps partiel !

Mme Marie-Jo Zimmermann. Je n’ai pas dit cela !

Mme Claude Greff. Elle n’a rien compris !

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Jo Zimmermann.

Mme Marie-Jo Zimmermann. J’ai présidé la délégation aux droits des femmes pendant dix ans, madame la députée ; j’ai toujours dénoncé le temps partiel. N’incriminez donc pas ainsi les députés de l’UMP, et ne me donnez pas de leçons. Cessez donc de nous expliquer ici des choses que vous ne parviendrez jamais à expliquer aux femmes !

Mme Axelle Lemaire. C’est pourtant la loi !

Mme Brigitte Bourguignon. Vous n’avez rien fait en votre temps !

(Les amendements nos 253 et 289, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Sonia Lagarde, pour soutenir l’amendement n82.

Mme Sonia Lagarde. Dans la même logique que l’amendement n80, que j’ai défendu il y a quelques instants, cet amendement vise à durcir le dispositif prévu à l’article L.2242-5 du code du travail en relevant le plafond de la pénalité de 1 % à 5 % des rémunérations. Cela étant, j’ai bien entendu la réponse de M. le rapporteur sur le cumul des sanctions, et je retire donc cet amendement de peur qu’il ne subisse la même sanction.

(L’amendement n82 est retiré.)

Mme la présidente. Vous avez de nouveau la parole, Mme Lagarde, pour soutenir l’amendement n85.

Mme Sonia Lagarde. Ce projet de loi impose aux entreprises de nouvelles obligations destinées à garantir davantage l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. L’amendement n85 vise simplement à mieux veiller au respect de ces obligations en s’appuyant sur les délégués du personnel qui auraient pour mission, entre autres, de saisir l’inspection du travail en cas de non-respect par l’employeur des obligations mentionnées à l’article précité du code du travail.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Sébastien Denaja, rapporteur. C’est à regret, madame Lagarde, que je vous propose une nouvelle fois de retirer votre amendement car, après analyse du droit en vigueur, il nous semble déjà satisfait. Les délégués du personnel ont déjà la possibilité de signaler les dysfonctionnements et les carences qu’ils auraient pu constater à l’agent de contrôle. Si vous mainteniez l’amendement, la commission y serait défavorable, mais peut-être les termes de notre échange vous convaincront-ils de le retirer ?

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Même avis.

(L’amendement n85 est retiré.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Barbara Romagnan, pour soutenir l’amendement n197 rectifié.

Mme Barbara Romagnan. Il s’agit d’un amendement important qui n’entraîne toutefois pas de conséquences considérables. La possibilité de prise en charge par l’employeur des cotisations patronales additionnelles sur la base du temps, pour les salariés à temps partiel, est trop peu mise en œuvre. L’amendement vise à ce que cette question soit systématiquement abordée dans le cadre de la négociation annuelle sur le temps de travail.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Sébastien Denaja, rapporteur. Conformément à la « jurisprudence Barbemolle »…

M. Matthias Fekl. Chère au président de la commission des lois !

Mme Marie-Anne Chapdelaine. L’excellent président !

M. Sébastien Denaja, rapporteur. …qui, en commission des lois, permet au président d’écourter les débats lorsqu’ils sont redondants. Plutôt que de répéter des propos que nous venons d’échanger, j’émets donc, au nom de la commission, un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Sans invoquer cette jurisprudence dont j’ignorais l’existence, (Sourires) je vous dirai simplement, madame la députée, que votre amendement est déjà satisfait par l’article 2 E du projet de loi, qui précise que la mise en œuvre des mesures visant à supprimer les écarts de rémunération est suivie dans le cadre de la négociation annuelle sur les salaires prévue à l’article L.2242-8 du code du travail. Ainsi, le lien est déjà établi et votre préoccupation satisfaite. Je vous propose donc de retirer cet amendement ; à défaut, le Gouvernement y sera défavorable.

Mme la présidente. La parole est à Mme Barbara Romagnan.

Mme Barbara Romagnan. À mon sens, l’amendement n’est pas satisfait. Mais je peux me tromper, et j’accepte donc de le retirer. Je cite l’article L.2248-2 du code du travail : « Chaque année, l’employeur engage une négociation annuelle obligatoire portant sur : 1° les salaires effectifs ; 2° la durée effective et l’organisation du temps de travail, notamment la mise en place du travail à temps partiel ou l’augmentation de la durée du travail à la demande des salariés ». Mon amendement ne visait qu’à demander une simple précision.

J’ajouterai à cet égard quelques éléments à mon argumentation générale sur le temps partiel. Je rappelle que nous encourageons aujourd’hui les entreprises à recourir au temps partiel qui, pour elles, est rentable – conséquence d’un certain nombre de modifications adoptées dans les années 1990. Or, si la loi n’impose rien en la matière, alors il ne se passera rien ! C’est pourtant bien à cela que nous servons. Tel est donc le sens des amendements déposés à cet article par différents groupes politiques.

Même à temps plein, les emplois concernés sont sous-payés, très majoritairement occupés par des femmes et presque toujours à temps partiel, d’où un niveau de ressources encore moindre. Il s’agit des femmes les plus pauvres – quand elles ont du travail ! En outre, que certains camarades me pardonnent mais nous avons toujours défendu la même chose !

Mme Marie-Jo Zimmermann. Et voilà ! Très bien !

Mme Barbara Romagnan. Je suis donc extrêmement déçue. Je conviens que ce projet de loi contient beaucoup d’excellentes mesures et je le voterai avec enthousiasme. L’ANI et la loi sur les retraites comprennent également des avancées concernant les droits des femmes au travail. Cela étant dit, dans une loi sur l’égalité entre les femmes et les hommes, j’estime que, s’agissant du volet professionnel, se contenter de cela sur le temps partiel revient à faire bien moins que ce que les femmes qui travaillent à temps partiel peuvent attendre de nous !

Mme Marie-Jo Zimmermann et Mme Claude Greff. Bravo !

(L’amendement n197 rectifié est retiré.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Véronique Massonneau, pour soutenir l’amendement n31 rectifié.

Mme Véronique Massonneau. Il s’agit là du même combat ! Les inégalités salariales dans l’entreprise n’ont pas qu’un impact immédiat. Un salaire plus faible entraînera plusieurs autres conséquences négatives : une moindre indemnité de chômage en cas de période de demande d’emploi, une incitation plus importante à opter pour le congé parental plutôt que le conjoint mieux payé, mais aussi une retraite inférieure puisque les cotisations vieillesse auront été moindres. Ce n’est plus acceptable.

Cet amendement vise à instaurer un dispositif tout à la fois incitatif pour les entreprises – car il les obligerait à se mettre en conformité avec les objectifs d’égalité salariale, et les sanctionnerait par une augmentation des cotisations vieillesse patronales –…

Mme Marie-Jo Zimmermann. Et voilà !

Mme Véronique Massonneau. …t réparateur pour les femmes concernées, puisqu’il permettrait d’augmenter leurs futures pensions. Il est proposé d’instaurer une sanction progressive selon le taux d’écart entre les salaires des hommes et ceux des femmes : plus l’écart sera important, plus forte sera la sanction.

Le groupe écologiste avait déjà proposé l’adoption de ce dispositif à l’occasion de la réforme des retraites, en vain hélas. Cette mesure semble avoir toute sa place ici, dans ce projet de loi pour l’égalité entre les femmes et les hommes.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Sébastien Denaja, rapporteur. Comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire, le mécanisme de sanction que vous proposez d’instaurer s’ajouterait aux sanctions existantes. Dès lors, l’argument est davantage d’ordre juridique que politique : nous nous exposerions à des difficultés au regard du principe de proportionnalité, puisqu’il y aurait sinon une double peine, en tout cas un mécanisme de double sanction pour une même raison. C’est pourquoi la commission a émis un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Même analyse et même avis.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Jo Zimmermann.

Mme Marie-Jo Zimmermann. Je ne comprends plus. Au fil des années, la délégation aux droits des femmes a reçu de nombreuses recommandations, comme certaines collègues encore présentes ici peuvent en témoigner. Que les jeunes députées n’aient pas eu le temps de lire ces recommandations, je respecte ce fait. Que les autres ne se souviennent même plus de ce qu’elles ont voté, je ne comprends plus ! Ma fierté a été d’inclure ces recommandations dans nos rapports, à tout le moins, en me disant que le gouvernement socialiste à venir en tiendrait compte.

Mme Axelle Lemaire. Venez donc chez nous ! Il y a une place libre à côté de moi !

Mme Marie-Jo Zimmermann. Vos collègues les ont votées à la délégation aux droits des femmes ; j’osais donc espérer que ce soir, elles adopteraient les amendements correspondants. Sinon, où est la cohérence ? Les bras m’en tombent !

Mme Claude Greff. Oui, c’est une question de cohérence !

Mme Brigitte Bourguignon. Que n’avez-vous agi quand vous le pouviez ?

Mme Axelle Lemaire. Pour la cohérence, vous vous êtes trompée de parti politique !

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-George Buffet.

Mme Marie-George Buffet. Si ma mémoire est bonne, la ministre chargée de défendre le projet de loi sur les retraites avait prétendu avec force que l’on ne pouvait régler la question des inégalités en matière de retraites dans ce projet-là, mais bien plutôt dans la loi sur l’égalité entre les femmes et les hommes, qui permettrait d’agir sur les écarts de salaire et sur le temps partiel.

Mme Marie-Jo Zimmermann. Absolument !

Mme Claude Greff. Nous y sommes !

Mme Marie-George Buffet. Elle nous l’avait dit clairement : il faudrait attendre le présent texte. C’est donc maintenant, sans attendre la prochaine loi sur les retraites ! J’espère  que demain, lorsque nous présenterons des amendements concernant les femmes étrangères, on ne nous demandera pas d’attendre la réforme du droit d’asile !

La loi porte sur l’égalité entre les femmes et les hommes. Je trouve dommage que nous n’agissions pas maintenant, alors même que nous y avions été encouragées lors du débat sur les retraites !

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Sébastien Denaja, rapporteur. Vous le savez, madame Zimmermann : j’ai pour vous la plus grande estime. Cependant, je vous saurais gré de bien vouloir nous épargner un débat entre nos jeunes collègues et d’autres plus expérimentées, ou entre la jeunesse et la sagesse,…

Mme Marie-Jo Zimmermann. Je n’ai pas dit cela !

M. Sébastien Denaja, rapporteur. …pour ne pas employer un autre terme qui rime avec ces deux-là et qui, dans ma bouche, serait tout à fait inélégant et contreviendrait à l’esprit même de nos rapports et de l’estime que j’ai pour vous.

Mme Virginie Duby-Muller. Ce n’était pas son propos !

M. Sébastien Denaja, rapporteur. Il va de soi que la délégation aux droits des femmes conserve la mémoire, ne fût-ce qu’administrative, de ce qu’elle a voté dans le passé. Comme vous le savez mieux que moi, les députés sont épaulés par d’éminents administrateurs qui, s’il le fallait, nous rappelleraient la mémoire de la vie de nos institutions.

Convenez néanmoins que l’objet de cet amendement est d’instaurer un nouveau mécanisme de sanction, qui s’ajouterait aux sanctions existantes – dont on a par ailleurs le droit de critiquer l’insuffisance. Si nous adoptions l’amendement n31 rectifié, il y aurait donc deux types de sanctions, et nous nous exposerions donc à une difficulté au regard du principe de proportionnalité souvent invoqué par le Conseil d’État. Le texte courrait ainsi le risque de la fragilité juridique. Voilà tout mon argument, que je souhaitais rappeler en réitérant l’avis défavorable de la commission pour cette seule raison.

(L’amendement n31 rectifié n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Barbara Romagnan, pour soutenir l’amendement n298.

Mme Barbara Romagnan. Cet amendement instaure la banalisation d’une journée annuelle sur le temps de travail pour l’information et la sociabilisation des employés à temps partiel, afin de lutter contre leur isolement et la méconnaissance de leurs droits.

En effet, dans certains secteurs d’activité, comme les services à la personne, le lieu de travail se trouve chez l’employeur, c’est-à-dire dans différentes familles. Les employés n’ont donc pas la possibilité de se rencontrer, ils ne connaissent pas leurs droits et sont extrêmement peu syndiqués.

L’idée est de leur permettre de se rencontrer, de connaître leurs droits et de pouvoir les défendre, ainsi que de fixer, pour les salariés de ces branches, la périodicité des visites médicales à une par an au minimum, ce qui n’est pas le cas.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Sébastien Denaja, rapporteur. Défavorable.

Je sais que notre collègue Mme Barbara Romagnan s’est beaucoup investie en la matière, mais je l’invite sur ce sujet à retirer son amendement.

L’information des salariés à temps partiel sur leurs droits est assurément une question très importante. Mais les modalités proposées soulèvent certaines interrogations : l’organisation d’une journée annuelle prise sur le temps de travail est-elle vraiment le moyen le plus adapté ? D’autres modalités d’information des salariés ne pourraient-elles pas être envisagées ?

Face à  de telles questions, est-ce vraiment à nous de répondre ? Nous avons eu l’occasion de le dire : laissons aux partenaires sociaux le soin de trancher. C’est pourquoi, madame Romagnan, il serait plus sage de retirer cet amendement, afin de laisser débattre ceux qui sont les plus à même de le faire.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Défavorable.

Madame la députée, je suis sensible à votre souci d’informer au mieux les salariés. Mais votre proposition relève du dialogue social, pas du domaine législatif. Ce serait donc contrevenir au dialogue social que d’imposer, de façon uniforme, une telle obligation à toutes les entreprises.

Mme la présidente. La parole est à Mme Barbara Romagnan.

Mme Barbara Romagnan. Si vous avez d’autres modalités à proposer, je suis ouverte à vos suggestions. Nous sommes tous sensibles au dialogue social et aux partenaires sociaux. En l’occurrence, ce n’est pas une question de sensibilité, mais de rapport de forces. Les salariées de ces secteurs d’activité sont-elles en mesure d’imposer ce rapport de forces ? Je ne le crois pas. Par conséquent, il importe que nous, la représentation nationale, nous qui portons l’intérêt général, donnions des signes pour les aider dans cette négociation.

Je maintiens donc l’amendement.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-George Buffet.

Mme Marie-George Buffet. J’ai été interpellée il y a quelques jours par une jeune femme employée dans un supermarché qui tenait à m’expliquer les difficultés qu’elle rencontrait pour se défendre contre certaines pressions de ses cadres : à son temps partiel émietté, à ses conditions de travail, s’ajoutait la difficulté à contacter l’union locale de son syndicat, à avoir un contact réel avec les délégués élus. Dans cette branche du commerce, c’est, dans certains endroits, le no man’s land syndical ! Les gens arrivent au travail, font quelques heures et repartent, subissant des temps de transport importants.

La proposition de notre collègue Romagnan n’est peut-être pas la bonne. On nous dit qu’il y a d’autres pistes, monsieur le rapporteur, mais peut-être faut-il y travailler maintenant. Sinon, nous ne répondrons pas à ce problème, qui est bien réel et qu’il nous faut prendre en compte.

Mme la présidente. La parole est à Mme Danièle Hoffman-Rispal.

Mme Danièle Hoffman-Rispal. S’agissant des services à la personne, je voudrais répondre à Mme Romagnan.

Il y a plusieurs cas possibles. Lorsque les salariés dépendent d’une association, ce qui est souvent le cas, ou d’une entreprise, les syndicats existent. J’y ai été confrontée puisque, en tant qu’adjointe au maire de Paris, je les recevais très régulièrement.

Reste le cas de celles et ceux des employés qui travaillent en gré à gré à domicile – il s’agit donc de personnes seules. C’est en effet une situation beaucoup plus difficile et leurs conditions de travail, j’en suis d’accord, sont très compliquées, mais je ne vois pas comment votre amendement pourrait les aider. C’est plutôt dans le cadre de la loi sur le vieillissement qu’il faudra voir comment nous pourrions améliorer tel ou tel service par rapport à l’allongement de la vie, en tenant compte du fait qu’une personne âgée peut avoir besoin de quelqu’un de huit heures à dix heures du matin et de dix-huit heures à vingt-heures. Le temps partiel est donc parfois obligatoire et il faudra plutôt y travailler dans ce cadre.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Comme nous allons en finir avec les dispositions relatives au temps partiel,  je ne voudrais pas que l’on clôture cette partie de la discussion sur un malentendu.

Je suis tout aussi attachée que vous – je vous le dis à tous, sur tous les bancs – à la nécessité de lutter contre la précarité des temps partiels subis pour les femmes. J’estime, de ce point de vue, que tout ne passe pas par la loi. Nous avons refusé un certain nombre d’amendements, mais cela ne veut pas dire que nous ne sommes pas attentifs aux sujets que vous évoquez.

D’une part, la loi de sécurisation de l’emploi a apporté des avancées. Il faut laisser le temps au temps. Nous ne réclamons que quelques mois pour que soient mises en application les dispositions que vous avez votées ici même en juin dernier. Ensuite, nous ferons le bilan, et s’il est utile d’aller plus loin, nous le ferons. Mais c’est par le dialogue social que nous avons voulu poursuivre ce travail et je pense que c’est de bonne politique que de nous laisser faire.

D’autre part, tout ne passe pas par la loi. Suite à une conférence de progrès que nous avions organisé sur la question du temps partiel dans les services de propreté, nous avons adopté une circulaire qui impose aux pouvoirs publics, notamment à l’État, de toujours recourir au mieux-disant en matière de prestations de nettoyage, pour faire en sorte que ce soient les entreprises qui assurent un temps continu, mais aussi une formation pour progression de carrière à leurs salariés, qui remportent les marchés plutôt que les entreprises qui parient sur la précarité.

Je reviens maintenant sur l’exemple que je vous ai donné tout à l’heure. Nous accompagnons les branches auxquelles nous avons demandé de négocier durant les six mois à venir. Nous ne les laissons pas dans la nature, car nous voulons vraiment qu’elles aboutissent.

Dernier exemple de notre volonté sur cette question, c’est l’accès aux droits sociaux pour les salariés à temps partiel. Nous avons fait certains progrès dans la réforme des retraites en permettant aux salariés d’accéder aux droits à retraite dès 150 heures travaillées. Nous allons emprunter la même voie dans quelques jours – ou quelques semaines –, s’agissant de l’accès aux indemnités journalières. C’est un sujet sur lequel on ne peut pas nous faire le procès de ne pas avancer. Nous avançons, mais plus globalement, il y a un sujet derrière tout cela : les services à la personne et la qualité de travail au sein de ce secteur. Sachez que, là encore, le Gouvernement travaille sur cette question et reviendra avec des propositions, en passant par le dialogue social qui nous semble indispensable pour que les acteurs s’approprient les mesures que nous adoptons.

Mme la présidente. La parole est à Mme Barbara Romagnan.

Mme Barbara Romagnan. Personne ne doute ici de la volonté de tous de lutter contre le temps partiel. J’estime seulement que nous employons des méthodes bien naïves pour atteindre nos objectifs. J’espère me tromper.

Je retire l’amendement.

(L’amendement n298 est retiré.)

Article 2 F

(L’article 2 F est adopté.)

Article 2 G

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre, pour soutenir l’amendement n334.

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Il s’agit simplement de supprimer le mot « quinquennal » afin d’améliorer la rédaction de cet article.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Sébastien Denaja, rapporteur. Cet amendement n’a pas été examiné par la commission. À titre personnel, j’émets un avis plutôt réservé, car je ne vois pas l’intérêt de supprimer le mot « quinquennal ». Cela implique qu’il n’y aurait plus de périodicité imposée pour la remise d’un rapport. Cela nous laisse dans le flou.

Si Mme la ministre pouvait nous en dire un peu plus, ma pente naturelle étant de lui faire confiance, j’émettrais alors un avis plutôt favorable. Mais en l’état actuel de nos débats, qui ont été limités, madame la ministre, j’ai quelques réserves.

Mme la présidente. Monsieur le rapporteur, vous dites avoir un avis « plutôt réservé » ou « plutôt favorable » : il va falloir clarifier votre position ! (Sourires.)

La parole est à Mme la ministre.

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. C’est très simple : nous restons sur le principe indiqué par l’article. Mais nous laissons aux instances que sont la Commission nationale de la négociation collective, d’une part, et le Conseil supérieur de l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes, d’autre part, le soin de définir le rythme de transmission des rapports appropriés.

Je le répète, le principe reste le même. Simplement, ces instances nous semblent mieux à même de définir le rythme de transmission.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Sébastien Denaja, rapporteur. Comprenant mieux les enjeux de la suppression de ce mot, je peux maintenant, madame la présidente, émettre un avis clairement favorable. (Sourires.)

(L’amendement n334 est adopté.)

(L’article 2 G, amendé, est adopté.)

Après l’article 2 G

Mme la présidente. La parole est à Mme Barbara Romagnan, pour soutenir l’amendement n198 rectifié, tendant à insérer un article additionnel après l’article 2 G.

Mme Barbara Romagnan. Cet amendement vise à intégrer parmi les catégories d’action de formation professionnelle les actions de promotion de la mixité dans les entreprises.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Sébastien Denaja, rapporteur. Je suis ravi, chère collègue, de pouvoir émettre, sur l’amendement que vous proposez, un avis favorable. (« Ah ! » sur divers bancs.)

Il est très utile d’ajouter des actions de promotion de la mixité dans les entreprises et des actions de sensibilisation à la lutte contre les stéréotypes.



Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Vous aurez compris que la mixité professionnelle faisait partie de nos priorités. Je l’ai indiqué publiquement, nous allons lancer cette année une dizaine de plans d’action en faveur de la mixité dans des secteurs très déséquilibrés : la petite enfance, le transport, les BTP, l’aide aux personnes âgées etc. Il est intéressant que les entreprises soient associées et mobilisées sur ce travail, notamment par des actions sur la formation et la sensibilisation.

Votre amendement, madame Romagnan, est relativement pertinent. Cela étant, en mesurons-nous tous les effets ? Je n’en suis pas tout à fait sûre. Je m’en remets donc à la sagesse.

(L’amendement n198 rectifié est adopté.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Barbara Romagnan, pour soutenir l’amendement n200.

Mme Barbara Romagnan. Cet amendement, un peu plus lourd que le précédent, propose, pour les salariés à temps partiel, que la durée du droit individuel à la formation soit calculée sur la base d’un emploi à temps complet.

Ce n’est pas parce qu’on travaille à temps partiel – je dirais même que c’est souvent l’inverse – qu’on n’a pas besoin d’un droit à la formation à temps plein.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Sébastien Denaja, rapporteur. C’est à regret, madame Romagnan, que je vous suggère de bien vouloir retirer cet amendement car, cette fois, l’échéance est très proche : c’est dans deux jours, le 22 janvier, que sera débattue en Conseil des ministres un projet de loi sur la formation professionnelle. Chacun en conviendra, c’est dans ce cadre que cet amendement trouverait davantage sa place. En tout cas, ce sujet y sera forcément traité. Votre impatience, madame la députée, devra souffrir quelque délai, soit quelques heures avant que le Gouvernement ne dévoile sa copie sur le sujet.

Si vous ne retiriez pas votre amendement, l’avis de la commission serait défavorable.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-George Buffet.

Mme Marie-George Buffet. Si j’ai bien compris, monsieur le rapporteur, vous émettez un avis défavorable dans le cadre de la présente loi, mais vous laissez augurer un avis favorable à ce même amendement dans le cadre de la future loi sur la formation professionnelle. (Sourires.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Barbara Romagnan.

Mme Barbara Romagnan. Je suis prête à retirer mon amendement si Mme la ministre s’engage à ce qu’il soit repris dans le cadre de la loi sur la formation professionnelle.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur cet amendement ?

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Comme l’a dit très justement M. le rapporteur, le projet de loi relatif à la formation professionnelle sera présenté mercredi en conseil des ministres. Il instaurera en particulier le compte personnel formation. C’est dans ce cadre qu’il sera possible de majorer les droits à formation des salariés à temps partiel. N’anticipons pas la discussion du projet de loi présenté par Michel Sapin. Tout semble indiquer que votre amendement, madame la députée, sera satisfait par ce texte. Je vous demande donc de bien vouloir le retirer.

Mme la présidente. La parole est à Mme Barbara Romagnan.

Mme Barbara Romagnan. Dans le doute, je préfère le maintenir. S’il est satisfait, il le sera deux fois. La loi ne serait pas pour autant en contradiction avec ce que nous aurions voté.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Dès lors, l’avis du Gouvernement est défavorable.

(L’amendement n200 n’est pas adopté.)

Article 2

Mme la présidente. Deux orateurs sont inscrits sur l’article 2.

La parole est à Mme Françoise Guégot.

Mme Françoise Guégot. L’article 2 nous permet d’aborder un point important du texte, en l’espèce la prestation partagée d’accueil de l’enfant. Il s’agit d’inciter les pères à prendre une partie du congé parental afin de s’impliquer davantage en la matière. Nous abordons concrètement la question de l’égalité entre les hommes et les femmes, en particulier en visant à réduire la proportion de femmes prenant en charge tout ce qui relève de la famille, qui s’élève à 80 %. Le principe d’une prestation partagée me semble une bonne chose. Cela étant, un certain nombre d’interrogations demeurent.

Comme je l’ai dit dans le cadre de la discussion générale, l’article 2 renvoie à un décret susceptible de faire évoluer la durée du congé parental des femmes et de leur conjoint. Aujourd’hui, il s’élève à trente mois à partir du deuxième enfant, augmentés de six mois pour le conjoint. En tout état de cause, le congé parental pour une femme, à partir du deuxième enfant, serait donc limité à une durée de trente mois. Dès lors qu’il s’agit d’un mécanisme réglementaire, on peut bien évidemment tout envisager en matière de rapport et de positionnement du partage de la prestation et du congé parental.

À titre personnel, je ne suis pas opposée au principe de réduction de la durée du congé parental. Comme beaucoup d’autres, je pense qu’une durée de trente-six mois d’interruption professionnelle, c’est beaucoup. Cela constitue pour les femmes un handicap majeur pour la reprise d’une activité. Réduire la durée du congé parental n’est pas un projet totalement stupide, mais nous n’en avons pas réellement débattu. Des éléments d’éclaircissement seraient bienvenus.

Mme la présidente. Merci, madame la députée. Votre temps de parole est épuisé.

Mme Françoise Guégot. Je souhaite développer deux autres points, madame la présidente.

Mme la présidente. Vous en aurez l’occasion lors de la discussion des amendements, madame la députée.

La parole est à M. Régis Juanico.

M. Régis Juanico. L’article 2 du projet de loi pour l’égalité entre les femmes et les hommes est très important. En effet, il porte création de la prestation partagée d’éducation de l’enfant en lieu et place du complément de libre choix d’activité. La réforme du congé parental est un dispositif qui s’inscrit dans une politique plus large menée par le Gouvernement visant à une meilleure conciliation entre vie professionnelle et vie personnelle. Ainsi, l’accord national interprofessionnel sur la qualité de vie au travail et l’égalité professionnelle fait l’objet de traductions législatives dans le texte, comme l’accompagnement renforcé vers l’emploi pour les femmes à l’issue du congé parental. De même, le plan d’accueil de la petite enfance porte création de 275 000 places d’accueil supplémentaires – 100 000 en accueil collectif, 100 000 pour les assistantes maternelles et 75 000 pour les enfants de moins de trois ans re-scolarisés.

Michel Heinrich, député UMP, et moi-même avons publié un rapport dans le cadre du comité d’évaluation et de contrôle lorsque Claude Greff était ministre. Il portait sur la performance des politiques sociales et prônait des orientations similaires, en particulier une réforme s’inspirant de ce qu’ont fait nos amis allemands et suédois, c’est-à-dire un congé parental réduit à quatorze mois, mieux rémunéré à hauteur de deux tiers du salaire antérieur et plafonné et enfin mieux partagé entre les hommes et les femmes, ce qui est l’objet de l’article 2 du texte que nous examinons ce soir. Actuellement, 97 % des bénéficiaires du CLCA sont des femmes. Afin que les hommes prennent eux aussi leurs responsabilités éducatives et parentales, il faut voter l’article 2.

Mme la présidente. Nous en venons à la discussion des amendements.

Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 71 et 260.

La parole est à Mme Virginie Duby-Muller, pour soutenir l’amendement n71.

Mme Virginie Duby-Muller. La réforme du complément de libre choix d’activité telle qu’elle est proposée n’est pas satisfaisante. Le dispositif vise à ce qu’un nombre accru de pères ait recours au congé parental. Certes, il bénéficie actuellement aux mères à hauteur de 96 %, contre 4 % pour les pères. Pour autant, comment expliquer que la France soit le pays d’Europe dont les cadres et dirigeants comptent le pourcentage de femmes le plus élevé, soit 39 %, loin devant des pays comme le Danemark, la Suède ou la Finlande qui ont pourtant mis l’accent sur le partage du congé parental entre les deux parents ? Celui-ci n’est donc pas, en France, un frein à la carrière des femmes. (Exclamations sur quelques bancs du groupe SRC.)

Mme Sylvie Tolmont, rapporteure pour avis de la commission des affaires culturelles et de l’éducation. Incroyable !

Mme Virginie Duby-Muller. L’article 2 va à l’encontre du désir personnel de certaines femmes et élude la réalité concrète des mères pour lesquelles le congé parental est le meilleur choix financier. En outre, les familles de plus de deux enfants devront trouver une solution pour la garde de ceux qui ont deux ans et demi jusqu’à leur entrée à l’école si les pères ne peuvent ou ne veulent pas utiliser le congé. Or les solutions de garde actuelles sont insuffisantes ou inappropriées. Vous vous êtes engagée à pallier ce manque, madame la ministre, mais sans disposer des moyens financiers pour le faire. En outre, vous n’êtes pas sans savoir que ce sont les collectivités territoriales qui créent les crèches, halte-garderies, jardins d’éveil et jardins passerelles.

Dans un contexte de diminution de la DGF, les collectivités locales ne pourront consentir des efforts supplémentaires. Peut-être faudrait-il valoriser le statut des assistantes maternelles, dont le travail est remarquable, en particulier en milieu rural. Au fond, l’article 2 dénote une parfaite méconnaissance de la réalité, de l’organisation de la vie des familles et des contraintes et responsabilités inhérentes à certaines professions comme artisan, commerçant, chef d’entreprise et travailleur frontalier. Par conséquent, l’amendement n71 vise à supprimer l’article 2, dans la mesure où il s’immisce dans l’organisation de la vie des couples et revêt un caractère punitif.

Mme la présidente. La parole est à Mme Claude Greff, pour soutenir l’amendement n260.

Mme Claude Greff. Il est aisé de déduire de mon intervention lors de la discussion générale que je ne suis pas favorable à l’article 2. Je souhaite donc le supprimer pour les raisons suivantes. L’égalité n’est pas l’égalitarisme brutal. La liberté du couple de déterminer quel parent prendra un congé parental est remise en cause par l’article 2. Il s’agit d’une intrusion de l’État dans un choix qui relève de la responsabilité du couple, l’égalité consistant à permettre à l’un comme à l’autre de bénéficier du droit au congé parental et des aides induites et non à l’imposer. C’est parce que je suis sensible à la famille et aux responsabilités qui en découlent que je ne souhaite pas que l’on impose aux hommes six mois de congé parental.

On attend d’une telle mesure la réduction de fait du congé parental pour le deuxième enfant. En effet, pour des raisons économiques évidentes, c’est le plus souvent le conjoint dont le revenu est le plus faible qui opte pour le congé parental, afin de ne pas réduire excessivement les ressources du ménage. Selon cette logique, le couple renoncera tout de même à ce que le conjoint au revenu le plus élevé prenne le congé parental. Il en résultera donc, comme le prévoit l’article 2, la diminution de la durée du congé de trente-six à trente mois pour le couple.

Il y a bien là l’introduction d’une inégalité entre couples, car certains conjoints ne voudront ou ne pourront pas bénéficier de leurs droits pour des raisons professionnelles comme le CDD, l’intérim ou la poursuite d’études. Ces couples seront alors privés de solution de garde au cours des six mois précédant le troisième anniversaire de l’enfant et sa possible scolarisation. Le congé parental sera donc de plus en plus inaccessible pour les couples.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Sébastien Denaja, rapporteur. Il s’agit d’une disposition très importante du projet de loi. Rappelons l’objectif poursuivi. Il s’agit tout d’abord d’améliorer le partage des tâches éducatives entre les parents. Nous sommes soucieux de ne pas éloigner trop longtemps les femmes du marché du travail. Il faut également faire évoluer le regard de la société. C’est souvent sur les femmes que pèsent certains risques qui dissuadent les chefs d’entreprise d’en recruter une. Il faut donc que le risque d’absence pour raisons parentales pèse aussi sur les pères et non, comme c’est le cas aujourd’hui, quasi-exclusivement sur les femmes. Un changement des mentalités s’impose donc. Le dispositif de la PREPARE, dont le nouveau nom me semble heureux – on me pardonnera cet auto satisfecit –, prépare à la fois l’enfant à sa future vie d’adulte et la mère, car c’est essentiellement d’elle dont il est question aujourd’hui, au retour à l’emploi.

En outre, la commission des lois saisie au fond et dont je suis rapporteur a veillé à ajuster le dispositif et surtout à remédier à un certain nombre de difficultés éventuelles. Tout le monde peut en convenir, au rang un, c’est-à-dire lorsque le couple a un enfant, le progrès est réel. Un congé de six mois, absolument inédit, est accordé au second parent, les six mois du père, en quelque sorte. La première rédaction pouvait prêter à confusion, mais il faut bien comprendre que la mère dispose évidemment du congé de maternité de quatre mois auxquels s’ajoute une année entière, six mois pour la mère et six mois pour le père.

Au rang un, le progrès est donc incontestable. Comme vous l’avez dit, madame Greff, nous assumons le choix de réduire éventuellement la durée du congé pour les rangs deux et trois de trois ans à deux ans et demi au cas où le père ne prendrait pas de congé. D’une certaine manière, il s’agit d’un pari. Nous pensons pouvoir en la matière imiter nos voisins allemands. Actuellement, 97 % du demi-million de personnes qui prennent ce type de congé et bénéficient de ce type de prestations sont des femmes. Seuls 18 000 des 550 000 personnes qui prennent ce congé et bénéficient de ces prestations sont des hommes.

C’est donc, osons le terme, un pari. Les projections inspirées du dispositif allemand laissent espérer que, au cours des prochaines années, 100 000 pères s’engagent dans cette voie au lieu des 18 000 actuels. Nous aurons alors fait des progrès considérables. Pour toutes ces raisons, il faut repousser les amendements de suppression. Il faut aussi donner une chance aux dispositions prévues de produire leurs effets. Le Parlement demeure en tout état de cause habilité à évaluer le dispositif et à déterminer si le pari a été tenu. Pour ma part, je crois fermement que le pari fait par le Gouvernement, conforté par les parlementaires, sera gagné. J’émets donc un avis défavorable sur les amendements de suppression de l’article 2.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. M. le rapporteur vient de rappeler les axes principaux de l’article 2 auquel, moi aussi, je tiens évidemment beaucoup. Nous l’avons conçu comme une réponse claire aux inégalités professionnelles dont les racines plongent souvent dans l’inégale répartition, entre les hommes et les femmes, des tâches domestiques et des responsabilités parentales. On sait que cette inégale répartition des tâches se creuse davantage à l’arrivée d’un enfant au sein d’une famille : à chaque nouvel enfant s’installent des pratiques, des comportements, qui ont pour résultat de faire reposer quasi exclusivement sur les épaules de la femme la responsabilité personnelle, qu’elle doit cumuler avec la responsabilité professionnelle – ce qui la lèse dans l’accès aux promotions et à une carrière équivalente à celle d’un homme.

Il est donc extrêmement important de donner une impulsion aux changements de comportement, et c’est ce que nous faisons avec cette réforme du congé parental, dont la vocation est aussi de changer les regards portés sur cette mesure. Non, il n’est pas réservé aux femmes. Oui, nous incitons les pères à le prendre au premier enfant en ajoutant six mois supplémentaires pour le deuxième membre du couple ; dans le cas de familles avec au moins deux enfants, choisissant une interruption d’activité jusqu’aux trois ans du dernier enfant, nous prévoyons que six mois soient réservés au père – à défaut d’être pris, ils seront perdus.

Nous assumons le fait qu’une telle mesure revient à réduire à deux ans et demi, contre trois ans actuellement, le droit pour les femmes de prendre un congé parental, considérant qu’il est de leur intérêt de ne pas s’éloigner trop durablement du marché du travail. À le faire, elles se trouvent lésées, et subissent notamment un décrochage salarial qu’on estime à près de 10 % pour chaque année d’interruption d’activité.

Certains ont demandé ce qui se passerait pour les couples dont le deuxième membre ne pourrait absolument pas s’arrêter, par exemple parce qu’il exerce une profession libérale. Ayez bien en tête, mesdames et messieurs les députés, que le Gouvernement a prévu 275 000 nouvelles solutions d’accueil pour les enfants de moins de trois ans d’ici à 2017 et que cette réforme du congé parental entrera vraisemblablement en vigueur aux alentours de juillet 2014. Le temps que les enfants concernés atteignent les deux ans et demi, les solutions d’accueil seront donc bien plus nombreuses qu’aujourd’hui. De plus, en prévoyant – car nous avons veillé à aboutir à un texte équilibré – six mois supplémentaires de congé parental pour les familles avec un seul enfant, nous allons libérer des places dans les crèches et les autres structures collectives d’accueil, qui pourront être utilisées par les parents se trouvant dans les situations compliquées que vous avez décrites.

Quand on met bout à bout tous les avantages offerts aux parents par ce texte, l’intérêt d’une réforme en profondeur des mentalités paraît évident. Il faut parvenir à libérer les hommes salariés de la stigmatisation pesant aujourd’hui sur ceux qui voudraient être pères à part entière et s’investir dans leur vie familiale, et faire disparaître l’« effet réputation » pesant sur les seules femmes. Aujourd’hui, quand une jeune femme de trente ans paraît devant un employeur pour un entretien d’embauche, il ne faut pas s’étonner que l’employeur, prenant en compte son âge, craigne qu’elle ne s’absente à brève échéance pour prendre un congé maternité, voire un congé parental, et sous-évalue donc la rémunération qui lui est offerte par rapport à celle qu’aurait perçue un homme pour le même poste. Demain, grâce à notre réforme, l’employeur n’aura pas plus de raison de craindre la prise d’un congé parental s’il a une femme en face de lui, puisqu’un jeune homme sera tout aussi susceptible de prendre ce congé. Il n’y aura donc plus de discrimination intériorisée entre les hommes et les femmes, et c’est bien l’objectif que nous poursuivons avec ce texte.

Cette réforme essentielle constitue l’un des axes forts du texte, et je souhaite que vous la souteniez le plus largement possible. Le Gouvernement est donc défavorable aux amendements de suppression de l’article 2.

Mme la présidente. La parole est à Mme Claude Greff.

Mme Claude Greff. Personne ne nie que l’article 2 soit extrêmement important, madame la ministre : avec cet article, vous vous apprêtez à bouleverser la vie des jeunes couples. Le pari que vous faites, monsieur le rapporteur, est bien éloigné des réalités. Pour les personnes plongées au quotidien dans les difficultés professionnelles, le fait de prendre un congé pour élever leurs enfants ne relève pas de la seule volonté, mais dépend aussi des contraintes économiques et professionnelles auxquelles chacun peut être confronté : on ne peut donc exclure que certains hommes – ou certaines femmes – ne puissent pas prendre le congé parental.

Par ailleurs, si vous vouliez que votre projet soit aussi innovant que vous le dites, pourquoi ne pas avoir prévu un congé parental plus court – qui éloignerait donc moins longtemps les femmes du monde du travail et serait mieux accepté, tant par le monde professionnel que par les familles –, mieux rémunéré – ce que seule une réduction de durée peut autoriser dans un contexte où nous devons éviter à tout prix d’augmenter les dépenses de l’État – et, pourquoi pas, fractionné ? Le fractionnement serait très pragmatique et favoriserait l’intérêt de l’enfant – qui prime, à mes yeux, sur l’intérêt du couple. En effet, certains parents se sentent plus à l’aise avec un enfant de deux ans, ou estiment que leur enfant est très bien à la crèche, et aura davantage besoin d’être accompagné quand il aura six ans.

Enfin, si vous vouliez vraiment une loi égalitaire, vous auriez pu proposer quinze mois de congé pour une femme et quinze mois pour un homme, plutôt que six mois pour la femme et six mois pour l’homme. Pourquoi légiférer à moitié ?

Mme la présidente. La parole est à M. le président Christian Jacob.

M. Christian Jacob. Je veux dire un mot au sujet du fractionnement du congé parental. À mon sens, la vraie réforme serait de permettre à l’un des deux parents, à certains moments de la vie de l’enfant – l’entrée en sixième, ou un décrochage scolaire…

Mme Claude Greff. Voilà, c’est ça !

M. Christian Jacob. …de prendre le congé parental. Lorsque j’ai mis en place la PAJE, j’ai essayé de mettre cette proposition en débat, en vain. Si d’autres tentatives en ce sens, postérieures à la mienne, ont été tout aussi infructueuses, je continue à penser que nous devons maintenir l’objectif d’une plus grande souplesse dans l’utilisation du congé parental. En effet, l’obligation de le prendre au début de la vie de l’enfant constitue une contrainte forte ; en fonction des besoins de la famille et de l’enfant, on devrait pouvoir le prendre à d’autres moments.

Je suis bien conscient, pour y avoir été moi-même confronté, de la complexité et des difficultés qu’une telle mesure peut présenter pour les employeurs. Néanmoins, je persiste à penser que nous gagnerions beaucoup en modernité en avançant sur ce point, plutôt qu’en répartissant le congé entre le père et la mère, ce qui crée une contrainte supplémentaire. Ce qui est important pour l’épanouissement de la famille et de l’enfant, c’est de pouvoir utiliser le congé parental aux moments où l’enfanta le plus besoin d’être accompagné.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Sébastien Denaja, rapporteur. Sur une question aussi importante, il ne me paraît pas superflu d’apporter quelques précisions, tant aux parlementaires ayant soulevé certains problèmes qu’à ceux de nos concitoyens qui s’y intéressent. En réponse à M. Jacob, je veux d’abord dire qu’il faut veiller à distinguer ce qui relève du congé parental de ce qui relève de la prestation versée.

M. Christian Jacob. Oui, je suis d’accord !

M. Sébastien Denaja, rapporteur. Les possibilités de fractionner le congé existent, mais il a été fait le choix de les limiter aux trois ans de l’enfant, (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe UMP) ne serait-ce que pour des raisons pratiques. En effet, les CAF seraient confrontées à de graves difficultés de gestion de la prestation si le bénéfice de celle-ci pouvait être étalé, comme le proposent certains, jusqu’à l’âge de dix-huit ans.

Pour ce qui est du reproche, formulé par Mme Greff, d’une loi insuffisamment égalitaire, je tiens à préciser que la loi ne préjuge pas du sexe du second parent. Si je parle du père plutôt que du second parent, c’est par commodité, puisqu’à l’heure actuelle, le congé parental est pris à 97 % par les femmes, mais les choses peuvent changer. En tout état de cause, la loi reste parfaitement neutre, et c’est à la société qu’il appartient de s’engager, si elle le souhaite, dans la voie de l’égalité.

Enfin, Mme Greff a également évoqué le cas où le père – ou le second parent, pour être exact – ne serait pas éligible à la PREPARE. Dans ce cas, le premier parent – le plus souvent la mère – bénéficiera bien de 36 mois de prestation. Dans la même logique, les familles monoparentales ne seront pas touchées par l’éventuelle réduction de 36 mois à 30 mois du versement de la prestation : aucune femme seule n’a à craindre une telle réduction, qui constituerait effectivement une régression. J’insiste sur le fait que la réforme ne prévoit que des progrès. Laissons donc leur chance aux dispositions prévues, afin qu’elles puissent produire les effets bénéfiques que l’on attend d’elles.

Mme la présidente. La parole est à M. Régis Juanico.

M. Régis Juanico. Je comprends assez mal les critiques formulées sur les bancs de l’opposition, en particulier quand il nous est reproché de ne pas aller assez loin. Cette première étape en appelle d’autres, mais elle a, en tout état de cause, le mérite d’exister : il faut bien enclencher le mouvement, ce que vous n’avez pas fait, chers collègues. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Christian Jacob. On a créé la prestation !

M. Régis Juanico. Je le répète, cet article 2 constituant une première étape, je ne comprends pas que vous puissiez en demander la suppression. Certes, le rapporteur a parlé d’un pari, mais nous disposons tout de même d’éléments nous permettant d’évaluer les bénéfices que nous pouvons attendre d’une telle mesure. En Allemagne, la réforme de 2007 a fait passer la proportion de pères bénéficiant de l’allocation parentale de 3 % à 21 %, ce qui constitue un excellent résultat.

Mme Claude Greff. Ils ne sont pas confrontés aux mêmes difficultés économiques que nous !

Mme Virginie Duby-Muller. Ce n’est pas comparable !

M. Régis Juanico. Les Allemands sont allés beaucoup plus loin que nous dès le départ, en prévoyant douze mois plus deux mois pour les pères, et une allocation proportionnelle représentant 67 % du précédent salaire, plafonnée à 1 800 euros par mois. Avant, peut-être, d’en arriver là, commençons déjà par accomplir ce progrès social consistant à ajouter six mois supplémentaires au bénéfice des pères pour le premier enfant, et à réduire la durée du CLCA – car, on le sait bien, c’est également un enjeu important pour les femmes…

Mme Claude Greff. Mais oui, on le sait !

M. Régis Juanico. En effet, plus elles sont éloignées du marché du travail, plus elles ont de difficulté à réintégrer ce marché ; ainsi, si 72 % des femmes entrant dans le dispositif du CLCA travaillent, elles ne sont plus que 50 % parmi les mères de trois enfants qui en sortent. Il est, à nos yeux, nécessaire de lutter contre ce phénomène.

Mme Claude Greff. Faites donc le congé plus court, mieux rémunéré et fractionné !

Mme la présidente. La parole est à Mme la présidente de la délégation aux droits des femmes.

Mme Catherine Coutelle, présidente de la délégation aux droits des femmes. L’article 2 recouvre une mesure phare de ce texte de loi, et c’est à juste titre que Mme la ministre tient beaucoup à ce qui va constituer un véritable tournant. J’entends bien, madame Greff, votre proposition d’un congé plus court et mieux rémunéré – c’était d’ailleurs une proposition de la délégation aux droits des femmes. Cela étant, il faut tenir compte des spécificités de la situation française. Dans un excellent rapport, très bien documenté, sur le congé parental, Marie-Françoise Clergeau a montré qu’à l’heure actuelle, 400 000 parents – essentiellement des femmes – prennent ce congé. Nous ne pouvons pas passer d’un seul coup d’un congé de trois ans à un congé d’un an : une telle réduction serait trop brutale et mettrait en difficulté des femmes sans formation, occupant un emploi précaire et risquant d’avoir des difficultés à retrouver un emploi.

Si nous avons tous l’ambition d’aller un jour plus loin, il est plus raisonnable de nous en tenir, pour le moment, à ce que propose le texte : c’est une formule excellente qui ne constitue en rien, contrairement à ce qu’affirme Mme Duby-Muller, une atteinte à la liberté des familles. Il est tout de même étrange, quand on ouvre des droits nouveaux, de se voir accusés d’attenter aux libertés : nous ne sommes pas dans un régime totalitaire et nos concitoyens ne sont en rien obligés de prendre ces droits nouveaux !

Mme Claude Greff. Mais si, justement !

Mme Catherine Coutelle, présidente de la délégation aux droits des femmes. Par ailleurs, cela est extrêmement important en termes de mentalités : nous voulons envoyer un signal, notamment aux entreprises, en leur faisant comprendre que, désormais, un jeune homme est tout aussi susceptible qu’une jeune femme d’interrompre son activité professionnelle pour prendre un congé parental. Pour toutes ces raisons, nous devons avoir à cœur de défendre cette réforme.

Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Guégot.

Mme Françoise Guégot. Une petite mise au point me paraît nécessaire, madame la présidente. Le président Jacob vient d’évoquer le fractionnement, qui faisait l’objet d’un amendement déposé par notre groupe, mais déclaré irrecevable. Je veux souligner que le groupe UMP, que je représente ce soir, n’a pas déposé d’amendement de suppression. Nous considérons, comme je l’ai dit, que le partage du congé parental et de la prestation versée est évidemment une très bonne chose. Notre but était simplement de voir le débat ouvert et d’obtenir des éclaircissements de la part de la ministre et du rapporteur.

Il faut éviter que les femmes restent trop longtemps éloignées de l’emploi. Nous sommes nombreux à penser que la période de trois ans est bien trop longue et que les pères doivent prendre leurs responsabilités.

Madame la ministre, vous avez rappelé devant les employeurs que le congé parental pourra demain être partagé. Ce point me paraît en effet essentiel. Il changera la donne concernant les discriminations que subissent les femmes en fonction de leur âge et relativement au risque de grossesse.

Une fois encore, le groupe UMP n’est pas du tout opposé à cet article, dont nous n’avons pas demandé la suppression. Nous avons cependant besoin d’éclaircissements, nous avons besoin de débattre de ce sujet absolument essentiel. La question du fractionnement est tout de même importante, puisque nous sommes tous d’accord pour convenir qu’à certains âges, nos enfants ont parfois plus besoin de nous qu’entre la naissance et trois ans.

Mme la présidente. La parole est à Mme Axelle Lemaire.

Mme Axelle Lemaire. Il est important de rappeler l’objectif recherché avec l’instauration de ce nouveau dispositif : l’égalité entre les femmes et les hommes, entre les mères et les pères. Or, j’ai entendu quelqu’un, dont la position n’est d’ailleurs pas nécessairement représentative de l’ensemble du groupe UMP, employer les mots « égalitarisme brutal et punitif » pour qualifier cette mesure.

Mme Claude Greff. Je n’ai pas dit que cet égalitarisme était punitif !

Mme Axelle Lemaire. Je n’ai pourtant pas le sentiment que des pays comme le Canada ou la Suède, qui affichent actuellement la plus grande égalité entre les femmes et les hommes dans le monde, et qui ont instauré voilà de nombreuses années des dispositifs similaires, font preuve d’un égalitarisme brutal et punitif. Il me paraît donc utile de tenir compte des exemples étrangers.

Il serait également opportun de se rappeler les débats qui ont eu lieu au moment du lancement de la PAJE, la prestation d’accueil du jeune enfant, en 2004. À l’époque, on s’inquiétait de la durée de cette prestation dont la longueur présentait le risque d’éloigner les femmes du marché du travail. C’est ce qui s’est passé.

Mme Claude Greff. C’est faux !

M. Christian Jacob. Le taux de professionnalisation s’améliore, au contraire !

Mme Claude Greff. Cela leur permet justement d’aller travailler !

Mme Axelle Lemaire. Les études actuelles prouvent que le fait d’encourager les femmes à revenir sur le marché du travail lorsque leur situation familiale le leur permet favorise une plus grande égalité entre les femmes et les hommes.

Mme Claude Greff. Ça ne vole pas haut, au parti socialiste, en ce moment !

Mme Axelle Lemaire. J’aimerais apporter deux autres précisions. Premièrement, concernant les modes d’accueil, vous avez dit que le statut des assistantes maternelles devait être revu ; il le sera. La ministre de la famille s’y est fermement engagée et annoncera un plan en ce sens.

Mme Claude Greff. Vous êtes le Gouvernement ? Vous parlez au nom du Gouvernement ?

Mme la présidente. Veuillez conclure, chère collègue.

Mme Axelle Lemaire. Il est difficile de conclure lorsqu’on est sans cesse interrompue, madame la présidente.

Deuxièmement, le dispositif mis en place permet le maintien de la prestation lorsque l’enfant atteint l’âge des trois ans mais n’obtient pas une place dans une maternelle. Il est également important d’en tenir compte.

Mme Claude Greff. On se demande à quoi sert la ministre !

Mme Axelle Lemaire. Le système est donc progressif dans le temps et modulable selon le nombre d’enfants, ce qui constitue une première réponse satisfaisante.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Claude Greff et Mme Marie-Jo Zimmermann. Ah, enfin !

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Peut-être suis-je utopiste en la matière, mais j’aimerais rassembler le plus possible les bonnes volontés sur ce sujet et je suis sûre que nous pouvons y arriver. Je vais donc lever quelques malentendus que j’ai entendus dans la bouche de Mme Greff ou de M. Jacob et qui me semblent durer.

Pourquoi ne pas instaurer un congé plus court et mieux rémunéré ? Vous avez raison ; c’est précisément ce que nous proposons dans le texte en laissant la possibilité aux parents qui préféreraient avoir accès à un congé plus court et mieux rémunéré de choisir le COLCA, le complément optionnel de libre choix d’activité, qui était accessible à partir du troisième enfant et dont nous étendons le bénéfice aux familles de deux enfants.

Ce dispositif consiste à prendre un an de congé au lieu de trois, mais avec une rémunération plus importante de près de 900 euros par mois. Nous avons décidé de l’appliquer de façon expérimentale dans un premier temps parce qu’il est délicat d’agir dans ce domaine : il ne faudrait pas que la possibilité offerte aux parents de prendre un congé plus court et mieux rémunéré incite des femmes qui n’auraient pas pensé à se retirer du marché du travail à le faire davantage, car cela leur portera préjudice, même si elles ne le font que pendant un an.

L’expérimentation vise à nous permettre d’évaluer nos politiques publiques, mais elle est effective. Les parents qui voudront accéder à ce dispositif sur les territoires concernés par l’expérimentation pourront le faire. Nous verrons alors si c’est bien la voie de l’avenir. Mme Guégot demandait tout à l’heure où nous voulions aller : nous laissons la possibilité aux parents de tester plusieurs dispositifs afin de déterminer ceux qui fonctionnent le mieux.

Par ailleurs, quand vous évoquez cette réforme du congé parental, mesdames, messieurs les députés de l’opposition, en particulier madame Greff, on a l’impression qu’on va imposer un modèle unique à toutes les familles selon lequel, à partir du deuxième enfant, la mère sera tenue de prendre deux ans et demi et le père six mois.

Sachez tout d’abord qu’on préfère parler de premier parent et de second parent parce que, précisément, il se peut que ce soit le contraire, c’est-à-dire que le père prenne deux ans et demi et la mère six mois. En outre, on n’oblige personne à prendre un congé parental. Il s’agit seulement d’ouvrir de nouveaux droits. De la même façon qu’aucune femme n’est obligée aujourd’hui de prendre le congé parental qui lui est ouvert, aucun homme ne sera demain obligé de prendre la partie du congé parental qui lui est réservée. Il s’agit seulement d’une possibilité. D’ailleurs, le père pourra ne prendre qu’une partie de ce congé, ou le prendre en conservant une activité à temps partiel.

Il y a dans la réforme une souplesse beaucoup plus importante que ne le laisse croire la façon dont elle est parfois caricaturée. Les deux parents peuvent par exemple prendre ce congé parental en conservant un temps partiel à un moment où ils ont l’impression que leur enfant a particulièrement besoin de la présence de ses deux parents. Ils peuvent également choisir de travailler à 80 % et fixer une journée libre qui sera différente pour la femme et pour l’homme. Ce dispositif permet donc beaucoup de souplesse.

Enfin, concernant le fractionnement, l’objectif est de permettre aux parents d’être présents auprès de leur enfant non seulement jusqu’à l’âge de trois ans mais aussi à d’autres moments où celui-ci pourrait avoir besoin d’eux. J’y tiens tout particulièrement. C’est ce qu’on dénomme de manière plus générale les congés familiaux, qu’il s’agisse du congé pour enfant malade ou du congé de solidarité familiale, par exemple, qui permet d’accompagner un ascendant malade.

Mme Claude Greff. Cela existe déjà !

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. À cet égard, j’appelle votre attention sur l’article 5 quinquies A, qui prévoit qu’après une concertation entre les partenaires sociaux, le Gouvernement devra remettre au Parlement avant le 31 décembre 2014 un rapport qui porte sur une harmonisation des droits aux différents types de congé existants, tant parentaux que personnels, en termes de conditions d’ouverture et d’indemnisation, ainsi que sur la portabilité de ces droits et le cadre de leur mise en œuvre. Nous aurions aimé que, dans l’accord sur l’égalité professionnelle, les partenaires sociaux abordent ce sujet et aillent aussi loin que ce que vous avez évoqué. Ils ne l’ont pas fait ; mais nous allons les y pousser, pour faire en sorte que ces droits à congés familiaux soient aussi protégés que le droit à congé parental.

À mes yeux, je le répète, la réponse à apporter n’est pas la même selon qu’il faut permettre à un ménage d’être présent auprès de son enfant avant l’âge de trois ans lorsqu’il n’est pas scolarisé, c’est-à-dire lorsqu’une présence à temps complet est requise, ou qu’il s’agit pour un couple d’être disponible de temps en temps lorsque l’enfant est plus âgé et qu’il est scolarisé.

(Les amendements identiques nos 71 et 260 ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre, pour soutenir l’amendement n327.

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Le présent amendement vise à mettre en cohérence les dispositions du code de la Sécurité sociale. Il supprime la mention de l’allocation parentale d’éducation, qui désormais n’existe plus, et il remplace la mention du complément de libre choix d’activité par la mention de la prestation partagée d’éducation de l’enfant, ainsi que la commission des lois en avait décidé.

(L’amendement n327, accepté par la commission, est adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Sébastien Denaja, rapporteur, pour soutenir l’amendement n109.

M. Sébastien Denaja, rapporteur. C’est un amendement de précision, madame la présidente.

(L’amendement n109, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements, nos 128 et 129, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.

La parole est à M. Frédéric Reiss, pour les soutenir.

M. Frédéric Reiss. L’article 2 instaure une période de partage des droits du complément de libre choix d’activité entre les deux parents. Le fait d’être en couple n’implique pas nécessairement que les deux personnes soient les parents d’un enfant commun. La notion juridique de couple est trop large et évasive.

En l’état, le texte imposerait la prise de congé parental par une personne qui pourrait n’avoir aucun lien juridique avec le ou les enfants de son conjoint. Cela n’aurait donc aucun sens et serait défavorable aux familles concernées.

Nous proposons donc avec l’amendement n128 de remplacer « les deux membres du couple » par « la mère et le père de l’enfant ». L’amendement n129 aurait pour objet, si le précédent n’était pas adopté, de remplacer ces termes par les mots : « parents de l’enfant ». Cette expression est d’ailleurs déjà employée à l’alinéa 52 du projet de loi.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur les amendements nos 128 et 129 ?

M. Sébastien Denaja, rapporteur. Avec l’amendement n128, j’ai le sentiment que les députés de l’UMP jouent une séquence nostalgique, car son objet est plus restrictif que ce que le droit permet. Nous en avions d’ailleurs déjà débattu en commission. En effet, comme vous le savez, mon cher collègue, les parents peuvent être de même sexe. J’émets donc un avis défavorable à cet amendement.

Quant à l’amendement n129, il a reçu un avis défavorable de la commission au titre de l’article 88 de notre règlement. Cependant, nous nous sommes prononcés sur un amendement du même type le 18 décembre dernier et j’avais moi-même accepté que l’expression « les deux membres du couple » soit remplacée par les mots « parents de l’enfant », car cette dernière n’exclut personne. Au demeurant, nous avons poussé l’analyse juridique pour savoir si l’usage de l’une ou l’autre de ces expressions pouvait poser problème. Elles sont strictement synonymes et le code de la Sécurité sociale emploie aussi souvent l’une que l’autre. Pour autant, je m’en tiens à l’avis de la commission, qui est défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur ces deux amendements ?

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Mon avis sera plus tranché. J’estime que ce qui compte, ce n’est pas tant le lien de parenté que la charge effective et affective de l’enfant qui incombe à l’adulte. Si l’un des deux membres d’un couple n’est pas le parent de l’enfant, il doit néanmoins pouvoir consacrer du temps à ce dernier par le biais du congé parental. Je suis donc défavorable aux amendements nos 128 et 129.

(Les amendements nos 128 et 129, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Véronique Massonneau, pour soutenir l’amendement n27.

Mme Véronique Massonneau. Contrairement à une idée reçue, le code du travail ne protège pas spécifiquement les personnes en congé parental comme il protège les femmes en période de grossesse ou de congé maternité. Le présent amendement a donc pour objet d’étendre cette protection au congé parental indemnisé par la prestation partagée d’accueil de l’enfant. Cela protégera mieux les femmes qui s’arrêtent en leur garantissant de manière plus précise un retour dans leur poste à la fin du congé.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Sébastien Denaja, rapporteur. On ne peut que souscrire à une disposition qui viserait à protéger davantage les femmes ; l’objectif est louable. Je suis néanmoins défavorable à cet amendement, et ce pour deux raisons. Premièrement, vous introduiriez avec cette disposition une rupture d’égalité entre les femmes salariées selon qu’elles sont mères ou non face au risque de changement de situation professionnelle. Deuxièmement, la jurisprudence sanctionne d’ores et déjà les licenciements discriminatoires liés à l’usage par les salariés de leurs droits à congé…

Mme Catherine Coutelle, présidente de la délégation aux droits des femmes. Cela se fait quand même !

M. Sébastien Denaja, rapporteur. …en invoquant le motif lié à la situation de famille qui figure parmi les motifs fixés à l’article L. 1 132-1 du code du travail sur les discriminations prohibées.

Si ces arguments vous convainquent, peut-être accepterez-vous de retirer votre amendement, madame Massonneau. À défaut, la commission émettra un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Même avis que la commission. Je fonderai essentiellement cet avis sur la deuxième partie de l’explication du rapporteur : le bénéfice éventuel de congés familiaux fait déjà partie des motifs de discrimination prohibés. L’amendement n27 est déjà satisfait par l’état actuel du droit : il reçoit donc un avis défavorable du Gouvernement.

Mme la présidente. Maintenez-vous votre amendement, madame Massonneau ?

Mme Véronique Massonneau. Oui, madame la présidente.

(L’amendement n27 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Guégot, pour soutenir l’amendement n221.

Mme Françoise Guégot. Je souhaite insister sur l’importance de cet amendement, que j’ai déjà défendu en commission et qui consiste à porter d’un à trois mois le délai de prévenance de l’employeur pour la prise du congé parental.

Si nous voulons recueillir l’adhésion du plus grand nombre de nos concitoyens sur cette question de l’égalité professionnelle et de la prise du congé parental par les hommes, nous ne devons pas oublier que notre pays compte des petites structures, des petites entreprises – je pense par exemple à des cabinets médicaux implantés dans ma circonscription, qui emploient une voire deux assistantes. Lorsque les pères pourront prendre ce congé parental, il n’y aura pas de signes « avant-coureurs ». Il me semble donc tout à fait essentiel de prévoir, particulièrement dans les petites structures, un délai de prévenance de trois mois pour permettre à l’entreprise de s’organiser.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Sébastien Denaja, rapporteur. Madame la députée, les partenaires sociaux ont récemment eu l’occasion de discuter de ce point, et leurs conclusions sont contraires à votre amendement.

Mme Françoise Guégot. Ce n’est pas une raison !

M. Sébastien Denaja, rapporteur. Compte tenu de la jurisprudence que nous appliquons lorsque le débat parlementaire porte sur un point débattu par les partenaires sociaux, l’avis de la commission est défavorable.

Mme Françoise Guégot. C’est un très mauvais signal que vous donnez aux petites entreprises !

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. J’entends vos arguments, madame la députée, mais nous devons parvenir à un équilibre entre la souplesse laissée à l’entreprise pour s’adapter à la nouvelle donne et le droit du salarié à s’adapter à sa propre réalité – par exemple, au fait qu’il ait trouvé ou non une solution de garde pour son enfant. Imaginez que vous imposiez au salarié de prévenir très en amont son employeur, mais qu’il trouve entre-temps une solution de garde et change donc d’avis : il n’aura pas la possibilité de revenir sur sa décision. Je considère donc qu’il est protecteur pour les salariés…

Mme Françoise Guégot. Non !

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. …de leur permettre d’annoncer à leur employeur leur décision de prendre un congé parental un mois à l’avance. Ce délai est suffisant et laisse aux salariés une marge de manœuvre pour s’adapter à leur propre réalité. Il serait un peu périlleux de modifier cet équilibre, sur lequel même les partenaires sociaux n’ont pas voulu revenir – et pour cause ! L’avis du Gouvernement est donc défavorable.

(L’amendement n221 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements, nos 132 et 274, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Frédéric Reiss, pour soutenir l’amendement n132.

M. Frédéric Reiss. Comme Claude Greff l’a souligné tout à l’heure, l’article 2 ne prend pas en compte le cas des couples au sein desquels il existe une forte disparité de revenus. Or l’application du présent article à ces parents conduirait à les priver du salaire principal, qui ne pourrait être compensé par la prestation d’accueil de l’enfant. Dès lors, il serait injuste de priver l’un des membres du couple d’une partie de son congé parental alors même que son conjoint se trouve dans l’impossibilité matérielle de faire valoir son droit au congé, sous peine de diminuer gravement les ressources de la famille.

Mme la présidente. La parole est à Mme Claude Greff, pour soutenir l’amendement n274.

Mme Claude Greff. Il s’agit d’un amendement de repli. Je souscris aux propos de mon collègue Frédéric Reiss et propose de prévoir que l’article 2 n’est pas applicable aux couples dont l’écart de revenu est supérieur ou égal à 10 %.

Afin d’assurer l’équilibre budgétaire du ménage, les disparités de revenus au sein d’un couple peuvent justifier que seul l’un des parents prenne le congé parental.

Mme Ségolène Neuville. C’est justement contre cela que nous voulons lutter !

Mme Claude Greff. En effet, le montant des prestations – actuellement, le complément de libre choix d’activité, à hauteur de 572,81 euros par mois pour une activité totalement interrompue – peut être largement inférieur à la perte de salaire que subirait l’un des parents. L’absence de solution de garde ou le coût de celle-ci peut également intervenir. Dans de telles situations, il est donc préférable de privilégier la liberté de choix et la responsabilité du couple, qui pourra effectuer son choix sur une base économique rationnelle.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements ?

M. Sébastien Denaja, rapporteur. Ces deux amendements présentent une faille principale, concrète et pratique : il est difficile d’apprécier l’écart de salaire. À quel moment tient-on compte des primes ? Comment prend-on en compte les aléas auxquels pourrait être exposé l’un ou l’autre des parents ? La mise en œuvre d’un tel dispositif présenterait donc des difficultés pratiques considérables.

Autre argument, peut-être plus significatif : ces dispositions entraîneraient une rupture d’égalité entre les couples, ce qui n’est pas le but de cet article 2. Sauf, bien évidemment, pour les familles monoparentales, il n’y a pas lieu de distinguer les familles selon leur situation.

Outre les difficultés pratiques et la rupture d’égalité, j’ajoute – mais nous l’avons déjà dit – que le second parent, c’est-à-dire celui dont les revenus sont les plus élevés, n’est pas obligé de prendre six mois de congé. Le Gouvernement tiendra ses engagements quant à la création de 200 000 places d’accueil pour les enfants : le parent qui aura décidé de prendre son congé pourra donc retrouver plus rapidement le chemin de son emploi. L’avis de la commission sur ces deux amendements est donc défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. C’est un peu l’histoire de l’œuf et de la poule : au fond, pourquoi existe-t-il des inégalités de salaires entre les hommes et les femmes ? Notamment parce que les femmes ont des carrières plus interrompues que les hommes – je le disais dans mon discours introductif. Nous voulons lutter contre les inégalités de salaires entre les hommes et les femmes en ne faisant plus peser sur les seules épaules des femmes la nécessité d’interrompre sa carrière quand vient l’enfant, mais en partageant mieux cette interruption entre les hommes et les femmes. C’est ainsi que nous résorberons une grande partie des inégalités de salaires. Les propositions consistant à exonérer du partage du congé parental les couples où les inégalités de salaires sont particulièrement fortes vont donc à l’encontre de la philosophie de cette réforme.

Je crains qu’il n’existe d’autres malentendus sur ce sujet. Il est vrai qu’au niveau national, les inégalités de salaires entre les hommes et les femmes sont de l’ordre de 25 à 27 %. Cependant, ces inégalités sont beaucoup moins importantes au sein d’un couple, car nous savons bien que les couples se forment dans les mêmes milieux sociaux. Au sein d’un couple dont l’homme et la femme travaillent à temps complet, la différence de salaire est en moyenne de 4 %. On ne peut donc pas expliquer le fait que 97 % des congés parentaux soient pris par des femmes en disant que 97 % des femmes gagnent moins que leur mari. Ce n’est pas comme cela que cela se passe ! Cette situation s’explique plutôt par l’existence de représentations sociales et de modèles, contre lesquels cette réforme du congé parental essaie de lutter. Je donne donc un avis défavorable à ces deux amendements.

Mme la présidente. La parole est à Mme Claude Greff.

Mme Claude Greff. Madame la ministre, j’ai bien entendu votre argumentaire, mais soyons honnêtes : les inégalités salariales ne sont pas uniquement générées par le congé parental ! Aujourd’hui, à travail égal, le salaire d’une femme n’est pas égal à celui d’un homme ; l’explication de ces inégalités est davantage culturelle que liée au congé parental.

J’ai écouté les deux éléments de votre réponse et, à chaque fois, j’ai eu le sentiment que, pour vous, le congé parental est uniquement dirigé vers l’homme ou vers la femme, c’est-à-dire vers le couple. Pour ma part, ce qui me touche profondément, c’est surtout l’accueil de l’enfant. Toutes les décisions que vous prenez aujourd’hui, notamment la réduction de six mois du congé parental s’il n’est pas pris par le père, auront, au bout du compte, un impact sur l’enfant, qui n’aura pas le plaisir d’être accompagné par l’un de ses parents dans sa prime enfance. Voilà ce qui me dérange fondamentalement : indirectement, c’est l’enfant qui sera pénalisé par les décisions que vous prenez aujourd’hui.

(Les amendements nos 132 et 274, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Virginie Duby-Muller, pour soutenir l’amendement n131.

Mme Virginie Duby-Muller. Il s’agit d’un amendement de repli.

L’article 2 ne prend aucunement en compte certaines situations particulières. Le présent amendement vise donc à créer une dérogation aux dispositions de cet article pour certaines professions : les artisans, les commerçants, les chefs d’entreprise, les professionnels libéraux, les salariés en contrat à durée déterminée, les salariés intérimaires, les étudiants et les travailleurs frontaliers. L’exercice de ces professions implique d’importantes responsabilités et une organisation avec des horaires atypiques : la réforme n’est donc pas adaptée.

S’agissant des travailleurs frontaliers, avez-vous prévu des conventions particulières avec les pays tiers ?

Je veux aussi citer un exemple concret. Dans un couple, l’homme est salarié tandis que la femme est interne en médecine ; ils ont trouvé une assistante maternelle pour garder leurs jumeaux, mais celle-ci ne travaille pas le mercredi. Le père peut, s’il le souhaite, prendre un congé parental pour garder ses jumeaux le mercredi ; la mère ne le peut pas, même pour six mois seulement, car elle risquerait de perdre son année entière d’études. Encourager les couples à partager, pourquoi pas, mais encore faut-il que le partage soit réaliste ; sinon, au lieu de favoriser l’égalité hommes-femmes, la loi viendra compliquer la vie des familles.

Mme Catherine Coutelle, présidente de la délégation aux droits des femmes. Mais non, il s’agit d’un droit nouveau !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Sébastien Denaja, rapporteur. Ma chère collègue, vous voulez exclure de l’obligation du partage de la PREPARE les couples au sein desquels l’un des parents exerce une profession qui figure dans une liste que vous avez dressée – une sorte d’inventaire à la Prévert, peut-être la poésie en moins. (Murmures.)

Mme Virginie Duby-Muller. C’est minable !

M. Sébastien Denaja, rapporteur. Je ne fais pas le tour des professions visées. Si nous nous intéressions à chacune de ces professions, nous rencontrerions déjà des difficultés juridiques immenses. Par exemple, l’identification juridique précise d’un travailleur frontalier…

Mme Virginie Duby-Muller. Votre réflexion à mon encontre était machiste !

M. Sébastien Denaja, rapporteur. Non, ma chère collègue : le seul adjectif que vous ne pouvez pas employer ce soir à mon encontre est « machiste ». Vous me feriez beaucoup de peine ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Virginie Duby-Muller. Argumentez plutôt sur le fond !

Mme la présidente. Du calme, mes chers collègues ! Le débat se passait bien jusqu’à présent…

Monsieur le rapporteur, vous avez la parole.

M. Sébastien Denaja, rapporteur. À l’origine, madame Duby-Muller, l’argumentaire ne vous était pas adressé : il était prévu pour répondre à M. Poisson, premier signataire de cet amendement.

Mme Claude Greff. Et alors ? Ce n’est pas le problème !

M. Sébastien Denaja, rapporteur. C’est à lui que j’aurais adressé exactement les mêmes mots, sur le même sujet.

M. Philippe Gosselin et Mme Claude Greff. Cela ne change rien !

M. Sébastien Denaja, rapporteur. Madame Duby-Muller, ne voyez donc rien qui porte atteinte à votre personne dans cet argumentaire !

Mme Claude Greff. C’est incroyable, ça !

M. Sébastien Denaja, rapporteur. Qu’est-ce qui est incroyable, madame Greff ?

Mme Claude Greff. Vous vous adressez à M. Poisson, qui n’est pas présent dans l’hémicycle, alors que c’est ma collègue Virginie Duby-Muller qui a défendu l’amendement !

Mme la présidente. Madame Greff, laissez le rapporteur s’exprimer !

Vous avez la parole, monsieur le rapporteur.

M. Sébastien Denaja, rapporteur. Nous allons avoir une semaine entière de débat. Je crois faire preuve de la plus grande courtoisie avec chacun des membres de cette assemblée.

Mme Claude Greff. Nous aussi !

M. Denys Robiliard. Non, madame Greff !

M. Sébastien Denaja, rapporteur. Nous sommes tous des collègues.

Mme Virginie Duby-Muller. Votre réponse était déplacée !

M. Sébastien Denaja, rapporteur. Madame Duby-Muller, je vous expliquais juste que je vous délivre le même argumentaire que celui que j’aurais adressé à notre collègue Poisson.

Mme Claude Greff. C’est vraiment intolérable !

M. Sébastien Denaja, rapporteur. J’emploie les mêmes mots, les mêmes termes que ceux que je comptais utiliser pour répondre à M. Poisson. Je ne savais pas, madame, que ce serait vous qui défendriez cet amendement. Je pense donc que vous pourriez retirer les termes que vous venez d’employer à mon encontre.

Revenons au fond. Vous voulez exclure un certain nombre de couples de l’obligation de partage de la PREPARE, parce que l’un des membres du couple exercerait l’une des professions énumérées dans votre amendement.

Mme Claude Greff. « Un inventaire à la Prévert, la poésie en moins » : si quelqu’un vous a écrit ça, il y a un problème !

Mme la présidente. Madame Greff, je vous demande de vous taire.

Mme Claude Greff. Mais je n’insulte pas ma collègue, moi !

Mme la présidente. Madame Greff, seul le rapporteur a la parole.

Mme Claude Greff. Je n’ai pas parlé longtemps. J’ai aussi le droit de m’exprimer !

Plusieurs députés du groupe SRC. Non !

Mme Claude Greff. Je n’insulte pas ma collègue, contrairement au rapporteur qui va répéter ce qui a déjà été dit, et en moins bien !

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Ça va, maintenant !

Mme la présidente. Dans ces conditions, nous allons peut-être devoir nous coucher plus tôt que prévu !

Monsieur le rapporteur, merci de poursuivre.

M. Sébastien Denaja, rapporteur. Madame la présidente, si c’est bien vous qui distribuez la parole, je la reprends.

Madame Duby-Muller, je ne conteste pas le bien-fondé ni la sincérité de votre argumentaire. Je suis défavorable à votre amendement pour des raisons que j’ai déjà exposées. D’abord, il introduirait une rupture d’égalité entre les couples, ce qui n’est pas le souhait du Gouvernement ni de ceux qui ont réfléchi à ce dispositif. Par ailleurs, je le répète : le second parent n’est pas du tout contraint de prendre les six mois de congé qui lui reviennent. Dans ces conditions, il y a tout lieu de rejeter votre amendement, auquel la commission a donc donné un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Même avis que le rapporteur. J’y ajouterai cependant un argument concernant les conséquences pour les CAF si elles avaient à gérer un tel dispositif. Leur imposer de vérifier pour chacun des 500 000 bénéficiaires du congé parental la profession du conjoint avant d’identifier s’ils entrent dans le mécanisme du partage du congé parental ou non, rendrait cette gestion très complexe. Gardons cet argument à l’esprit. En outre, votre proposition introduirait des inégalités entre les couples. C’est pourquoi je pense qu’il vaut mieux en rester au dispositif qui vous est proposé.

Avis défavorable donc.

Mme la présidente. La parole est à M. Frédéric Reiss.

M. Frédéric Reiss. Cet amendement n’est pas anodin. Il ne s’agit pas, madame la ministre, monsieur le rapporteur, d’un inventaire à la Prévert. L’amendement aborde la question des travailleurs frontaliers et le grave problème de l’harmonisation de législations, en Alsace avec l’Allemagne ou la Suisse. Il se pose quotidiennement pour bon nombre de personnes, d’où l’utilité de cet amendement.

(L’amendement n131 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre, pour soutenir l’amendement n326.

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Le présent amendement vise à préserver les droits pour les parents d’enfants nés ou adoptés avant le 1er juillet 2014, en maintenant en vigueur tous les textes du code de la Sécurité sociale modifiés par notre loi, et pas seulement ceux du livre V sur les prestations familiales, mais également les textes connexes – assurance vieillesse du parent au foyer, maintien de droits aux prestations maladie, maternité etc. C’est un amendement de clarification.

(L’amendement n326, accepté par la commission, est adopté.)

(L’article 2, amendé, est adopté.)

Article 2 bis A

Mme la présidente. La parole est à Mme Danièle Hoffman-Rispal, inscrite sur l’article 2 bis A.

Mme Danièle Hoffman-Rispal. Les articles 2 bis A et 2 bis B nous font avancer vers l’égalité entre les femmes et les hommes. Ils permettront aux futurs pères de s’investir dans la sphère familiale. C’est là une des clés de l’égalité. Il faut donc les protéger lorsqu’ils choisissent d’accompagner leur compagne à des examens médicaux par exemple. C’est particulièrement important dans le cadre des petites entreprises où il n’est pas toujours évident pour un père de dire qu’il s’absente pour accompagner son épouse à un rendez-vous médical. Les dispositions de la loi permettront d’éviter les ricanements ou les remarques désagréables – tout ce que l’on peut entendre dans une entreprise et pour y avoir passé trente-deux ans de ma vie, je sais de quoi je parle, et surtout dans une petite entreprise – lorsqu’un homme exprimera son intention de partager ce moment important pour le couple et l’enfant, au moment des examens médicaux ou pendant les quatre semaines après la naissance. Il pourra le faire sans risquer d’être pénalisé. Que la loi permette à un homme de s’impliquer davantage avant et après la naissance est un pas important vers l’égalité à laquelle nous aspirons toutes et tous.

Mme la présidente. La parole est à Mme Véronique Massonneau, pour soutenir l’amendement n28 rectifié.

Mme Véronique Massonneau. Le projet de loi cherche à inciter les pères à s’impliquer davantage dans la répartition des tâches d’éducation. Il s’agit potentiellement d’une révolution culturelle qui pourrait avoir des conséquences sur la vie professionnelle des couples. Si les pères s’impliquent plus dans l’éducation de leurs enfants, cela pourrait avoir des conséquences négatives sur leur carrière comme c’est le cas aujourd’hui pour les femmes. Si l’on souhaite les inciter à s’impliquer au même niveau que leur compagne, il est normal de les protéger contre des licenciements abusifs qui pourraient en découler.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Sébastien Denaja, rapporteur. Nous avons déjà eu ce débat en commission. L’extension de la protection que vous proposez semble disproportionnée au regard des besoins de protection des salariés. Pour ces raisons, la commission a émis un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Madame la députée, attardons-nous un moment sur ce que prévoit désormais l’article 2 bis A. Premièrement, aucun employeur ne pourra rompre le contrat de travail d’un homme salarié pendant les quatre semaines qui suivent la naissance de son enfant, c’est une nouveauté. Deuxièmement, une autorisation d’absence pour se rendre à trois des examens médicaux obligatoires sera délivrée aux futurs pères pour accompagner le mieux possible l’arrivée de l’enfant. Ces mesures constituent de véritables leviers pour faire évoluer la société et favoriser l’implication des pères. En l’état actuel, elles paraissent suffisantes sans qu’il soit besoin de les compléter par une protection supplémentaire. Je vous demanderai de bien vouloir retirer votre amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.

Mme la présidente. Retirez-vous l’amendement, madame Massonneau ?

Mme Véronique Massonneau. Je le maintiens.

(L’amendement n28 rectifié n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements, nos 139 et 154, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.

La parole est à M. Frédéric Reiss, pour les soutenir.

M. Frédéric Reiss. L’article 2 bis A assure aux hommes salariés une protection contre le licenciement dans les quatre semaines suivant la naissance de leur enfant. Nous souhaiterions que ce dispositif soit sans équivoque. Il faut en effet s’assurer que cette protection ne puisse s’appliquer qu’aux parents d’un enfant afin d’éviter tout abus ainsi qu’une augmentation démesurée de recours devant les juridictions prud’homales qui ne seraient pas fondés. Le dispositif doit être restreint au père, qu’il soit biologique ou adoptif, mais ne doit pas uniquement concerner les salariés. D’autres travailleurs pourraient un jour se trouver concernés par cette protection. Voilà pour ces deux amendements.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Sébastien Denaja, rapporteur. L’article 2 bis A résulte de l’adoption d’un amendement que j’avais défendu devant la commission. Il vise à protéger les pères en alignant leur situation sur celle qui existe pour les mères, en les protégeant contre les licenciements pendant une durée de quatre semaines suivant la naissance de leur enfant. Votre amendement vise à étendre ce dispositif à tous les pères, y compris non salariés. J’insiste sur le fait que l’article prévoit une protection contre le licenciement. Par définition, un licenciement vise la situation d’un salarié. Je ne vois pas à quel autre travailleur, non salarié, vous songeriez. Mais je veux bien que vous m’éclairiez afin que je puisse éventuellement me ranger à votre avis. Votre amendement n’a pas de raison d’être d’autant que la protection des salariés se justifie par l’existence d’un lien de subordination à un employeur. C’est pourquoi nous cherchons à protéger au plan juridique les salariés dans l’exécution d’un contrat de travail. Au vu de ces arguments, peut-être pourriez-vous retirer vos amendements. À défaut, j’émets un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Même avis que le rapporteur pour les mêmes raisons.

Mme la présidente. La parole est à M. Frédéric Reiss.

M. Frédéric Reiss. En fait, les arguments du rapporteur concernent l’amendement n155 que je n’ai pas encore défendu. Il a lui-même utilisé le mot « père » dans son intervention. Je ne vois donc pas pourquoi on ne pourrait pas remplacer « homme salarié » par « père ».

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Sébastien Denaja, rapporteur. Je pense qu’il y a un quiproquo. Votre argumentaire concernait deux amendements différents. Sur la notion de père salarié, il n’y a aucun doute sur le fait que l’article vise les pères. Aucun employeur ne peut rompre le contrat de travail d’un « homme salarié » pendant les quatre semaines suivant la naissance de « son » enfant. C’est donc bien le père qui est protégé par cette disposition.

Dans la rédaction initiale, je m’étais contenté d’écrire « le salarié ». Dans la mesure où le masculin est parfois englobant, on aurait pu croire que nous restreignions les droits des femmes. C’est pourquoi j’ai demandé que nous ajoutions les mentions d’ « homme salarié » et de « naissance de son enfant ». Vous ne pouvez qu’être rassuré, monsieur le député, l’article 2 bis A vise la situation des pères salariés. Dans ces conditions, vous pourriez retirer l’amendement.

Mme la présidente. Retirez-vous les amendements nos 139 et 154, monsieur Reiss ?

M. Frédéric Reiss. Oui, madame la présidente.

(Les amendements no139 et 154 sont retirés.)

Mme la présidente. La parole est à M. Frédéric Reiss, pour soutenir l’amendement n155.

M. Frédéric Reiss. Défendu.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Sébastien Denaja, rapporteur. Suggestion de retrait, à défaut, avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Avis également défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Frédéric Reiss.

M. Frédéric Reiss. Je retire l’amendement.

(L’amendement n155 est retiré.)

Mme la présidente. La parole est à M. Frédéric Reiss, pour soutenir l’amendement n156.

M. Frédéric Reiss. La nécessité d’une faute « grave » pour rompre le contrat de travail du père d’un enfant ne permettrait pas aux employeurs de conserver une marge de manœuvre assez large. La faute doit être entendue largement. Il doit pouvoir s’agir d’un licenciement pour faute ou pour cause réelle et sérieuse. La suppression de l’exigence de la faute grave permettrait de ne pas instaurer une immunité totale du père qui serait nuisible au fonctionnement de l’entreprise. C’est pourquoi nous proposons de supprimer le mot « grave ».

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Sébastien Denaja, rapporteur. L’amendement vise le licenciement pour motif disciplinaire, qui ne peut s’appliquer que pour une cause réelle et sérieuse et une faute grave ou lourde. Votre amendement introduirait une rupture d’égalité avec les femmes salariées pour lesquelles l’article L. 1225-4 du code du travail prévoit que la rupture du contrat de travail a lieu en cas de faute grave. Il y aurait là une distorsion. Dans ces conditions, je vous suggère de retirer votre amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Avis défavorable. Votre amendement reviendrait à amoindrir considérablement la portée de la mesure de protection que nous introduisons pour les pères salariés, ce qui serait pour le moins dommage.

Mme la présidente. Maintenez-vous l’amendement, monsieur Reiss ?

M. Frédéric Reiss. Je le retire.

(L’amendement n156 est retiré.)

Mme la présidente. La parole est à M. Sébastien Denaja, rapporteur, pour soutenir l’amendement n124.

M. Sébastien Denaja, rapporteur. L’amendement est défendu.

(L’amendement n124, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

(L’article 2 bis A, amendé, est adopté.)

Après l’article 2 bis A

Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Coutelle, présidente de la délégation aux droits des femmes, pour soutenir l’amendement n220 rectifié portant article additionnel après l’article 2 bis A.

Mme Catherine Coutelle, présidente de la délégation aux droits des femmes. Le 9 mars 2012, le conseil des prud’hommes de Nanterre prenant acte du harcèlement d’une salariée dans une entreprise et de l’annulation de son licenciement a condamné l’employeur à indemniser la victime et Pôle Emploi. Pour cet organisme, le remboursement est prévu en cas d’annulation du licenciement, mais pas dans les cas de harcèlement sexuel et de discrimination. Le tribunal de Nanterre n’avait donc pas vraiment le droit d’annuler le licenciement. L’employeur n’a pas fait appel et l’on ne sait pas s’il a versé des indemnisations, mais il a été condamné.

Cet amendement vise à préciser dans le code du travail que l’employeur devra rembourser les allocations-chômage à Pôle emploi et indemniser le salarié concerné lorsque le licenciement visé aura été effectué en raison de motifs discriminatoires, dont le sexe, de l’état de grossesse ou encore de faits de harcèlement sexuel subi et refusé.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Sébastien Denaja, rapporteur. En l’état actuel du droit, l’annulation du licenciement par le juge, quel qu’en soit le motif, implique, premièrement, que le licenciement n’a jamais été prononcé, deuxièmement, que le contrat de travail s’est poursuivi, troisièmement, que des indemnités sont attribuées au salarié si celui-ci choisit de ne pas réintégrer son entreprise.

Vous comprendrez donc, madame Coutelle, que l’avis de la commission ne peut qu’être défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Mon analyse sera la même que celle du rapporteur : le droit actuel permet déjà de répondre à vos préoccupations. Je vous demanderai donc de bien vouloir retirer votre amendement. À défaut, l’avis du Gouvernement sera défavorable.

Mme la présidente. La parole est à Mme la présidente de la délégation aux droits des femmes.

Mme Catherine Coutelle, présidente de la délégation aux droits des femmes. Je dois dire en toute sincérité, monsieur le rapporteur, que je n’ai pas compris votre argumentation. Je veux bien retirer mon amendement mais je tiens à souligner que le conseil des prud’hommes de Nanterre n’avait pas de base légale pour prononcer sa décision.

(L’amendement n220 rectifié est retiré.)

Article 2 bis B

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement n157.

M. Philippe Gosselin. L’expression « vivant maritalement » pose un problème d’interprétation. Elle pourrait conduire à une exclusion des concubins du dispositif, puisque le concubinage est défini par la vie commune et non par la vie maritale. En outre, il nous paraît plus judicieux d’avoir recours à la notion de mariage, telle qu’elle est définie dans le code civil.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Sébastien Denaja, rapporteur. L’article 2 bis B introduit par notre commission, à l’initiative de la commission des affaires sociales et du groupe SRC, vise à octroyer trois autorisations d’absence à un père salarié pour lui permettre d’assister à certains examens prénataux, notamment les échographies. La rédaction retenue pour qualifier juridiquement le père est calquée sur celle de l’article L. 1225-35 du code du travail qui prévoit qu’« Après la naissance de l’enfant et dans un délai déterminé par décret, le père salarié ainsi que, le cas échéant, le conjoint salarié de la mère ou la personne salariée liée à elle par un pacte civil de solidarité ou vivant maritalement avec elle bénéficient d’un congé de paternité et d’accueil de l’enfant de onze jours consécutifs ou de dix-huit jours consécutifs en cas de naissances multiples. »

J’émets donc un avis défavorable à cet amendement, pour des raisons de cohérence rédactionnelle.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Même avis. Il est important de conserver le même périmètre pour les absences qui concernent le même public.

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Gosselin.

M. Philippe Gosselin. Mon amendement ne modifierait en rien le périmètre. L’erreur se situe plutôt dans l’article cité par notre rapporteur. Je regrette que vous ne vous livriez pas à une élévation juridique. J’entends bien votre argument mais il ne me paraît pas tout à fait recevable.

Mme la présidente. La parole est à M. Sergio Coronado.

M. Sergio Coronado. Une question nous préoccupe : le dispositif s’applique-t-il également à l’épouse d’une femme enceinte, dans le cadre d’un mariage homosexuel ?

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Sébastien Denaja, rapporteur. Oui, même si la formulation n’est pas très heureuse – je vous invite à vous reporter à l’alinéa 2 du l’article 2 bis B. L’épouse d’un mariage homosexuel sera désignée par l’expression suivante : « le conjoint salarié de la femme enceinte ». Il faut considérer dans ce cas-là qu’il s’agit non pas d’un masculin englobant mais d’un masculin neutre. Nous nous situons là sur le simple plan de l’analyse grammaticale ou orthographique, je ne sais. Il est minuit vingt et vous pardonnerez au rapporteur d’avoir quelques moments de défaillance : je suis d’abord député de l’Hérault et j’ai dû me lever tôt pour être parmi vous à l’heure.

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Gosselin.

M. Philippe Gosselin. Il n’y aura aucun blâme mais au contraire beaucoup de compréhension pour les réveils matinaux de notre rapporteur. Je remarque simplement que si Mme la garde des sceaux avait pris les ordonnances prévues dans la loi qui porte son nom, nous n’aurions peut-être pas à nous interroger ce soir sur ces termes. Le rapporteur n’y est pour rien, en effet.

(L’amendement n157 n’est pas adopté.)

(L’article 2 bis B est adopté.)

Article 2 bis C

(L’article 2 bis C est adopté.)

Article 2 bis D

Mme la présidente. La parole est à M. Sébastien Denaja, rapporteur, pour soutenir l’amendement n106.

M. Sébastien Denaja, rapporteur. L’article 2 bis D est issu de l’adoption par notre commission d’un amendement proposé par Axelle Lemaire et d’autres membres du groupe SRC visant à inscrire dans les statuts de la nouvelle Banque publique d’investissement sa vocation à favoriser l’entrepreneuriat féminin, disposition de nature à rencontrer l’adhésion de sa vice-présidente.

Le présent amendement vise à apporter quelques améliorations rédactionnelles.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. C’est une grande satisfaction pour moi que de pouvoir émettre un avis favorable, madame la présidente.

(L’amendement n106 est adopté.)

(L’article 2 bis D, amendé, est adopté.)

Article 2 bis E

Mme la présidente. La parole est à M. Frédéric Reiss, pour soutenir l’amendement n164.

M. Frédéric Reiss. L’article 2 bis E autorise l’expérimentation de l’ouverture aux familles de deux enfants du montant majoré de la prestation partagée d’éducation de l’enfant. Nous considérons que les personnes ayant le plus besoin d’une aide financière sont celles qui ont le plus grand nombre d’enfants. Il n’est donc pas judicieux de limiter ce dispositif aux parents ayant seulement deux enfants. Nous proposons de l’ouvrir aux parents d’« au moins » deux enfants. Cette modification permettrait de faciliter le retour à l’emploi des parents ayant plus de deux enfants car il leur est toujours difficile de trouver des modes de garde alternatifs concomitants, surtout lorsque leurs enfants ont des âges rapprochés.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Sébastien Denaja, rapporteur. Je vais pouvoir vous rassurer : l’actuelle COLCA est déjà applicable aux familles de trois enfants. Les dispositions que nous avons adoptées en commission, sur mon initiative et sur celle de ma collègue Marie-Françoise Clergeau, sur la base du rapport qu’elle a rendu, proposent d’étendre la possibilité d’utiliser ce mécanisme à partir de deux enfants par famille. Il n’est donc pas restreint aux familles de deux enfants. De mémoire – vous me corrigerez si nécessaire, en vous référant à l’étude d’impact –, je crois que seules 2 500 familles bénéficient de ce dispositif. Tout l’objet de l’expérimentation est d’inciter davantage de familles concernées à y avoir recours.

Je vous demande donc, mon cher collègue, de bien vouloir retirer votre amendement. À défaut, l’avis sera défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Le rapporteur ayant été d’une grande clarté, je n’ai rien à ajouter : avis défavorable également. Le droit actuel satisfait l’amendement.

Mme la présidente. Retirez-vous votre amendement, monsieur Reiss ?

M. Frédéric Reiss. Oui, madame la présidente.

(L’amendement n164 est retiré.)

(L’article 2 bis E est adopté.)

Après l’article 2 bis E

Mme la présidente. La parole est à Mme Huguette Bello, pour soutenir l’amendement n162.

Mme Huguette Bello. Il est incontestable que de nombreuses femmes doivent s’arrêter de travailler quand elles ont de très jeunes enfants en raison de l’absence de places d’accueil pour les enfants de moins de trois ans. Le manque de places est estimé entre 300 000 et 500 000. Insuffisante, l’offre de garde de la petite enfance est, de plus, mal répartie sur le territoire. À La Réunion, le taux d’équipement en places de crèche est ainsi de 35 pour mille alors qu’il est de 63 pour mille dans l’hexagone. Le Gouvernement a certes annoncé un plan ambitieux, sur quatre ans, de 275 000 places mais le retard est tel qu’il ne sera pas résorbé.

Cet amendement vise à demander un rapport destiné à recueillir les éléments et à définir les objectifs qui permettront d’établir une programmation pluriannuelle territorialisée des places d’accueil, des financements publics et des besoins en personnels. Une telle programmation est rendue encore plus nécessaire par la réforme du complément de libre choix d’activité. En effet, selon l’étude d’impact, les modalités prévues pour la nouvelle prestation partagée d’éducation de l’enfant entraîneront une réduction nette de la durée de la prestation versée car à peine 20 % des pères prendront les congés qui leur sont réservés. Il en résultera alors une économie de 300 millions d’euros pour la branche famille que le Gouvernement a prévu de consacrer intégralement à la création de places en crèches.

Il est à noter également que le développement des modes de garde s’accompagne de créations d’emplois, lesquels sont non délocalisables. Je vous citerai l’exemple de Saint-Paul où les 35 micro-crèches ont créé 220 emplois environ.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Sébastien Denaja, rapporteur. Madame Bello, sans m’attacher au fond de votre argumentation, je voudrais préciser la doctrine de la commission des lois en matière de remise de rapports, alors que plusieurs amendements ont été déposés en ce sens, autrement dit je vais vous exposer ce que nous appelons la « jurisprudence Urvoas ». Les dispositions de ce type, dont nos débats regorgent, sont dépourvues d’effet normatif puisqu’aucune sanction n’est prévue si le Gouvernement ne remet finalement pas de rapport. Dans le cas contraire, ces demandes pourraient constituer une sorte d’injonction qui n’a pas lieu d’être dans les rapports qui doivent prévaloir entre le législatif et de l’exécutif.

En commission, nous avons supprimé un grand nombre de rapports demandés par nos collègues du Sénat dans un souci d’intelligibilité et de clarté de la loi. Nous entendons également répondre à certaines préoccupations récemment exprimées, au déplaisir du président de la commission des lois, par le président du Conseil constitutionnel.

Pardonnez-moi d’avoir été long mais cela me permettra d’être plus lapidaire s’agissant d’amendements ultérieurs allant dans le même sens. Avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Comme je l’ai souligné dans mon discours introductif, le Gouvernement attache une très grande importance à la création de nouvelles solutions d’accueil. La création de 275 000  d’entre elles d’ici à 2017 est là pour en attester. Nous agissons dans le cadre d’une gouvernance rénovée, à travers une nouvelle convention d’objectifs et de gestion passée avec la CNAF mais aussi grâce à la préfiguration des schémas territoriaux des services aux familles, lancée dans seize départements depuis le début du mois de janvier.

Toutes ces mesures se sont appuyées sur plusieurs travaux menés par les corps d’inspection, notamment la mission de l’IGAS sur la modernisation de la gouvernance des politiques d’accueil de la petite enfance.

C’est la raison pour laquelle il ne me paraît pas particulièrement nécessaire à ce stade de mobiliser à nouveau l’expertise publique sur ces questions. Avis défavorable.

(L’amendement n162 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Véronique Massonneau, pour soutenir l’amendement n26 rectifié.

Mme Véronique Massonneau. De nombreuses femmes se voient contraintes d’arrêter de travailler pour garder leurs enfants, faute de mode de garde alternatif. Les chiffres sont d’ailleurs bien connus : il manque 400 000 à 500 000 places d’accueil pour les jeunes enfants. Cela pèse bien plus sur les mères que sur les pères puisque 96,5 % des enfants gardés par leurs parents le sont par leur mère.

Le Gouvernement a fait des annonces ambitieuses pour répondre à ce problème : 100 000 places en crèche, 100 000 places chez les assistantes maternelles et 75 000 places en école maternelle. C’est une bonne chose, naturellement ; mais ces annonces ne suffiront pas. Pour aller plus loin dans la réflexion et avoir une vision plus globale des besoins d’intervention publique dans le domaine de la petite enfance, nous proposons d’initier une réflexion sur un véritable service public de la petite enfance, qui permettra de mettre à plat les besoins et d’y répondre avec plus de précision.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Sébastien Denaja, rapporteur. Avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Pour les mêmes raisons que pour l’amendement précédent, l’avis est défavorable.

(L’amendement n26 rectifié n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Barbara Pompili, pour soutenir l’amendement n29 rectifié.

Mme Barbara Pompili. Trop peu de pères utilisent leur droit au congé de paternité. Qu’ils n’y pensent pas ou n’osent pas l’utiliser, les résultats sont là : moins d’un père sur deux prend ce congé. Or c’est dans les premiers jours de la vie du nouveau-né que la répartition dans les tâches domestiques et d’éducation se met en place. Si l’on souhaite que les pères s’impliquent davantage, il faut qu’il soit présent dans ces moments essentiels.

Le présent amendement propose donc de réfléchir à rendre le congé de paternité obligatoire afin que tous les pères puissent y recourir sans crainte pour leur carrière et sans culpabilisation de la part de la société.

De plus, il est important de l’étendre car onze jours ne suffisent pas pour s’impliquer dans les premiers jours de l’enfant. Quatre semaines permettraient aux pères de jouer pleinement leur rôle.

Par ailleurs, monsieur le rapporteur, je tiens à faire une observation sur la question des rapports : nous sommes malheureusement obligés de demander des rapports au Gouvernement puisque l’Assemblée nationale fait une application particulièrement stricte, pour ne pas dire restrictive, de l’article 40 de la Constitution. Les amendements que nous déposons sont en effet systématiquement rejetés et ne permettent pas la tenue d’un débat dans l’hémicycle. Le seul moyen d’en débattre dans l’hémicycle est donc cette demande de rapport, certes pas complètement satisfaisante, mais qui permet au moins d’aborder ces questions.

M. Philippe Gosselin. Vous avez raison !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Sébastien Denaja, rapporteur. Il est vrai que tout le monde n’a pas la chance d’être sénatrice ou sénateur, l’application de l’article 40 au Sénat étant, paraît-il, beaucoup plus souple ; telle n’est pas la règle dans cette maison. Quoi qu’il en soit, pour les mêmes raisons que celles avancées pour les précédents amendements, l’avis est défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Je vais développer un peu plus. Nous poursuivons le même objectif : le congé de paternité gagnerait en effet à être mieux connu, et il relève sans doute de la responsabilité des pouvoirs publics de le faire mieux connaître. Aujourd’hui, seuls 66 % des pères prennent ce congé.

Je vous annonce que des améliorations seront apportées dans le cadre du projet de loi relatif à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires, qui sera présenté par Marylise Lebranchu, lequel prévoit de rendre ce congé de paternité de plein droit pour les fonctionnaires.

Par ailleurs, nous introduisons des mesures importantes dans le présent projet de loi : il est par exemple prévu une protection pendant les quatre semaines suivant la naissance de l’enfant pour les salariés, mais également pour les collaborateurs libéraux, ce qui n’était pas le cas auparavant.

Votre propos porte également sur un allongement de la durée du congé de paternité au-delà des onze jours actuels. Cela pose une question financière, non seulement au regard de l’article 40 de la Constitution pour les députés, mais également concrètement pour le Gouvernement. Je ne pense donc pas qu’un rapport suffirait à résoudre cette question : pour vous répondre très franchement, dès que nous aurons les moyens financiers de faire ce que vous préconisez, à savoir allonger le congé de paternité, nous devrons le faire, et je m’y engage. La question se résume donc à ceci : quand aurons-nous ces moyens financiers ? Ce n’est pas un rapport qui nous aidera à répondre à cette question ; la volonté politique en revanche est bien là. Avis défavorable.

Mme la présidente. La parole est à Mme Barbara Pompili.

Mme Barbara Pompili. Madame la ministre, je vous remercie d’avoir répondu sur le fond à cet amendement ; je le retire.

(L’amendement n29 rectifié est retiré.)

Mme la présidente. La parole est à M. Sergio Coronado, pour soutenir l’amendement n25.

M. Sergio Coronado. Je tiens tout d’abord à rassurer M. le président de la commission des lois : c’est le dernier amendement du groupe écologiste demandant un rapport – l’heure est tardive, cela pourrait l’achever ! (Sourires.) Je connais la jurisprudence de notre commission sur ce sujet.

Plus sérieusement, ma collègue Barbara Pompili a rappelé la difficulté qu’ont les parlementaires à faire émerger un certain nombre de sujets dans nos débats, l’Assemblée nationale étant tenue par l’article 40 d’une façon parfois un peu restrictive.

Le présent amendement est donc un amendement de fond, visant à demander au Gouvernement un rapport sur un congé parental amélioré. Nous avons vu, tout au long de ces débats, que la réforme proposée par le Gouvernement est soutenue mais qu’elle ne va pas assez loin. Un nombre important de parlementaires qui sont intervenus depuis le début des discussions ont souhaité un congé parental mieux rémunéré, plus court et permettant de rendre le partage des tâches réel. Nous proposons donc que le Gouvernement s’engage à étudier, dans un rapport, l’impact qu’aurait un congé parental amélioré.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Sébastien Denaja, rapporteur. Pardonnez le caractère lapidaire de ma réponse : l’avis est défavorable.

(L’amendement n25, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Article 2 bis

Mme la présidente. La commission a supprimé l’article 2 bis.

Article 2 ter

(L’article 2 ter est adopté.)

Article 3

Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Guégot, pour soutenir l’amendement n148.

Mme Françoise Guégot. L’article 3 consiste à pénaliser les entreprises qui n’auraient pas rempli leurs obligations, en leur interdisant de soumissionner à la commande publique. Mme la ministre a rappelé que cela concerne des entreprises déjà sanctionnées, voire condamnées à titre pénal pour ne pas avoir respecté le droit ou par méconnaissance du code du travail. L’article 3 pénalisera donc ces entreprises de manière très importante car, ainsi que le rapporteur l’a indiqué tout à l’heure, la commande publique représentait en 2012 près de 75 milliards d’euros : elle pèse donc lourdement sur le plan économique. Cette disposition crée ainsi une double peine.

De plus, elle créera une différence de traitement très importante entre les entreprises travaillant majoritairement avec la commande publique et celles du secteur privé : ces dernières ne subiront pas d’impact sur la vie économique de leur structure, contrairement à celles travaillant pour le secteur public. Il y a donc non seulement une double peine, mais également une discrimination fondée sur l’environnement des entreprises. Enfin, la pénalisation sera très forte pour les salariés, qui subiront directement cette double peine alors même que ce sont les chefs d’entreprise concernés qui devraient en supporter le poids. C’est la raison pour laquelle nous demandons la suppression de cet article.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Sébastien Denaja, rapporteur. L’article 3 est important : comme indiqué précédemment, il constituera un levier puissant pour inciter les entreprises à respecter leurs obligations légales. En la matière, on peut légitimement attendre d’entreprises qui bénéficient d’argent public qu’elles se montrent vertueuses sur le plan des obligations qui leur incombent en matière d’égalité entre les femmes et les hommes.

J’ai du reste souhaité, avec l’accord de la commission, étendre l’interdiction de soumissionner aux marchés publics aux contrats de partenariat et aux délégations de service public. Il va de soi en effet que, pour exercer par délégation une mission de service public, l’entreprise concernée doit respecter les obligations que je viens d’évoquer. Pour toutes ces raisons, nous sommes attachés – surtout de notre côté de l’hémicycle – à ces dispositions de l’article 3, qui constitueront un véritable levier.

Pour autant, il n’y a pas lieu de considérer ces dispositions comme étant punitives. Le but est d’inciter les entreprises : si elles veulent travailler avec des marchés publics et bénéficier de contrats au titre de la commande publique, alors elles devront le mériter. De plus, les contraintes que cela pourrait engendrer pour les entreprises seront extrêmement modestes : il s’agira, sur le modèle de l’attestation de conformité avec les obligations fiscales notamment, de cocher une croix sur un formulaire.

M. Philippe Gosselin. Cela ne se résume pas à une croix sur un formulaire : il y a des conséquences pour l’entreprise !

M. Sébastien Denaja, rapporteur. On ne peut donc pas dire que nous alourdirons les contraintes pesant sur les entreprises concernées. Seule l’entreprise qui se verra attribuer le marché devra prouver qu’elle est bien en conformité, et c’est bien le moins ! Les entreprises le font déjà pour leurs obligations en matière fiscale. Nous entendons, avec cet article, servir d’autres objectifs, auxquels chacun ici souscrit car ils sont éminemment louables. Avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. M. le rapporteur a suffisamment détaillé sa réponse ; je me contenterai de rappeler l’importance que j’attache à cet article. Il fait rentrer l’égalité professionnelle de façon effective dans la pratique des entreprises qui réfléchiront à deux fois, si elles souhaitent soumissionner à des marchés publics, avant de manquer à leurs obligations en la matière. Je pense qu’il relève tout à fait de la responsabilité des pouvoirs publics d’utiliser le levier de la commande publique pour promouvoir l’exemplarité.

(L’amendement n148 n’est pas adopté.)

(L’article 3 est adopté.)

Article 3 bis

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement n196.

M. Philippe Gosselin. Même si l’article précédent a été voté, je tiens à dire qu’il crée de vrais risques pour les entreprises : dans le marasme économique dans lequel nous sommes, je trouve cette double peine fâcheuse.

L’amendement n196 propose de supprimer l’article 3 bis, car il pourrait avoir de graves conséquences sur la libre concurrence dans les secteurs concernés par les marchés publics – nous venons de voir quelques-unes de ces conséquences – et sur la liberté de contracter. Les personnes publiques et privées faisant des appels publics à la concurrence sont déjà dans une position dominante vis-à-vis de leurs cocontractants potentiels, et l’imposition de clauses telles qu’elles sont prévues par l’article 3 bis ne pourrait que renforcer cette position dominante. À terme, et même si ce n’est pas le but recherché, ces dispositions pourraient dissuader les cocontractants potentiels qui n’auraient pas les moyens techniques, humains ou financiers de les remplir. Telle est la raison de cet amendement n196 de suppression.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Sébastien Denaja, rapporteur. Les risques évoqués ne sont pas avérés, parce que l’article 3 bis ne fait que confirmer une possibilité déjà existante pour les marchés publics. En effet, en application de l’article 14 du code des marchés publics, il est possible d’imposer des clauses sociales dans les conditions d’exécution d’un marché. Il ne s’agit donc que d’étendre cette possibilité aux contrats qui ne sont pas régis par le code des marchés publics. Les risques que vous avez évoqués n’étant pas avérés, cher collègue, je pense qu’il y aurait tout lieu de retirer votre amendement ; à défaut, j’émets un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Même avis.

Mme la présidente. La parole est à Mme Axelle Lemaire.

Mme Axelle Lemaire. Je précise qu’il s’agit ici d’étendre les obligations évoquées dans l’article précédent, non plus à la phase de soumissionnement, c’est-à-dire en réponse à un appel d’offres, mais lorsque l’entreprise a déjà obtenu un marché public. On peut donc considérer qu’elle est liée avec l’État et qu’elle bénéficiera de l’argent public. Le niveau d’exemplarité et de responsabilité qui doit s’appliquer à elle est plus élevé encore.

Par ailleurs, je ne peux pas m’empêcher de relever un certain paradoxe ou un manque de cohérence par rapport au discours qui a été développé précédemment ici. Il nous a été reproché en effet de refuser soit l’introduction d’une date butoir, soit des sanctions financières à l’encontre des entreprises qui n’aboutiraient pas à des résultats satisfaisants en matière de négociations salariales et de diminution des inégalités de rémunération entre les femmes et les hommes salariés. On ne peut pas une fois tenir un discours défavorable aux entreprises puis, la fois suivante, un autre qui leur serait favorable. Une chose est certaine : le champ d’application de l’article 3 bis est très réduit puisqu’il étend en réalité le code des marchés publics aux établissements à caractère public, industriel et commercial. Nous sommes donc dans le domaine public pour le type de contrat comme pour les établissements concernés. Il me semble tout à fait normal d’utiliser l’argent public à bon escient.

(L’amendement n196 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Frédéric Reiss, pour soutenir l’amendement n201.

M. Frédéric Reiss. L’utilisation, à la première phrase de l’alinéa 2 de l’article 3 bis, du terme « conditions » n’est pas judicieuse. Les conditions peuvent en effet être suspensives ou résolutoires. Il convient donc d’utiliser une expression aux conséquences un peu moins lourdes afin de ne pas remettre en cause la sécurité juridique des contrats passés dans le cadre des marchés publics. Aussi proposons-nous de remplacer le mot « conditions » par le mot « modalités ».

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Sébastien Denaja, rapporteur. Le code des marchés publics utilise le terme de « conditions d’exécution ». Votre amendement pourrait donc être retiré. À défaut, j’émets un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Même avis.

(L’amendement n201 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Frédéric Reiss, pour soutenir l’amendement n207.

M. Frédéric Reiss. Il est défendu.

(L’amendement n207, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

(L’article 3 bis est adopté.)

Articles 4 et 5

(Les articles 4 et 5 sont successivement adoptés.)

Article 5 bis

Mme la présidente. La commission a supprimé l’article 5 bis.

Article 5 ter

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n209.

M. Jean-Frédéric Poisson. Il est défendu.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Sébastien Denaja, rapporteur. Monsieur le député, je vous invite à retirer cet amendement parce que l’amendement n122 que nous allons examiner dans un instant, s’il est adopté, ce que j’ose espérer, vous donnera satisfaction puisqu’il est fait justement référence à la notion d’ancienneté. À défaut, j’y suis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Même avis.

Mme la présidente. Monsieur Poisson, maintenez-vous cet amendement ?

M. Jean-Frédéric Poisson. Oui, madame la présidente.

(L’amendement n209 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n122 qui fait l’objet d’un sous-amendement n322.

La parole est à M. Sébastien Denaja, rapporteur, pour soutenir l’amendement.

M. Sébastien Denaja, rapporteur. Il est défendu.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre, pour soutenir le sous-amendement n322.

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Il s’agit d’un sous-amendement de clarification qui vise, à la première phrase de l’alinéa 3 de l’article 5 ter, à supprimer les mots : « et les déroulements de carrière », car la notion de déroulement de carrière est déjà prise en compte dans le premier alinéa de l’article L. 2323-47 modifié par l’article 5 ter.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur le sous-amendement n322 ?

M. Sébastien Denaja, rapporteur. Je suis défavorable à ce sous-amendement car la référence au déroulement de carrière qui figure à l’alinéa 4 de l’article 5 ter n’insère cette notion qu’à l’article L. 2323-47 du code du travail, c’est-à-dire pour le rapport de situation comparée des entreprises de moins de 300 salariés. Cette référence doit figurer également à l’article L. 2323-57 du même code relatif au rapport de situation comparée des entreprises de plus de 300 salariés.

C’est cette référence au déroulement de carrière qui permet en fait qu’un indicateur dynamique, auquel tant la commission des lois que la délégation aux droits des femmes sont attachées, figure dans le rapport de situation comparée.

Madame la ministre, j’espère avoir été assez clair pour justifier cet avis défavorable à votre sous-amendement.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Le sous-amendement prévoit que le rapport de situation comparée fait une photographie de la promotion sexuée à un moment donné. Il ne s’agit pas de retracer l’ensemble des déroulements de carrière sur plusieurs années, ce qui peut paraître extrêmement complexe et lourd à gérer pour les entreprises en question. Si mon sous-amendement n’est pas adopté, je serai défavorable à l’amendement.

(Le sous-amendement n322 n’est pas adopté.)

(L’amendement n122 est adopté.)

(L’article 5 ter, amendé, est adopté.)

Article 5 quater A

Mme la présidente. La parole est à M. Frédéric Reiss, pour soutenir l’amendement n213.

M. Frédéric Reiss. Prendre en compte de l’impact des inégalités entre les femmes et les hommes dans l’évaluation des risques pour la santé et la sécurité des travailleurs revient exactement à dire que les inégalités elles-mêmes sont des risques. Or une inégalité mettrait-elle en danger physique un salarié sur son lieu de travail ?

De plus, l’insertion des inégalités dans cette évaluation des risques revient à élever l’égalité entre les femmes et les hommes au rang d’obligation de résultat pour l’employeur, tout comme celle de la sécurité.

Voilà pourquoi nous souhaitons supprimer l’article 5 quater A.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Sébastien Denaja, rapporteur. Une fois de plus, vous défendez avec constance un amendement dont vous n’êtes pas le premier signataire. Je vous invite à retirer cet amendement parce que l’imperfection rédactionnelle que vous avez relevée sera corrigée par l’amendement n323 rectifié du Gouvernement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Monsieur Reiss, si j’ai bien compris votre amendement vise à supprimer la prise en compte du sexe dans l’analyse des risques pour la santé et la sécurité des travailleurs. Bien au contraire, je crois qu’une analyse en fonction du sexe est très utile pour mettre en place des actions de prévention qui soient adaptées à la situation. Pour illustrer mon propos, je vous donnerai un chiffre : on constate sur les dix dernières années que les accidents du travail ont augmenté, chez les femmes, de plus de 21 %…

Mme Catherine Coutelle, présidente de la délégation aux droits des femmes. Absolument !

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. …tandis que, chez les hommes, ils ont baissé de 18 %. Cette inégalité devant les accidents du travail nous montre que les femmes sont plus exposées à des risques tels que les risques psychosociaux, de mal-être au travail. Cela nous incite à développer, au contraire, tout ce qui nous permettra d’apporter des réponses adaptées en fonction du sexe.

(L’amendement n213 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre, pour soutenir l’amendement n323 rectifié.

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Cet amendement va dans le même sens que ce que je viens de dire. Nous proposons, après le mot : « risques », de rédiger ainsi la fin de l’alinéa 2 de l’article 5 quater A : « tient compte de l’impact différencié de l’exposition au risque en fonction du sexe ». Cela permet de mieux faire le lien entre l’évaluation des risques et la prise en compte du sexe des salariés concernés et donc de tenir compte de l’éventuelle différence d’impact sur la santé d’une exposition à un risque professionnel selon le sexe du salarié. Ces situations sont aujourd’hui avérées. Nous devons y faire face grâce à des constats qui seront plus clairs et plus fréquents et qui nous permettront d’adapter nos réponses.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Sébastien Denaja, rapporteur. Favorable.

(L’amendement n323 rectifié est adopté.)

(L’article 5 quater A, amendé, est adopté.)

Article 5 quater

(L’article 5 quater est adopté.)

Article 5 quinquies A

Mme la présidente. La parole est à M. Sébastien Denaja, rapporteur, pour soutenir l’amendement n108.

M. Sébastien Denaja, rapporteur. C’est un amendement rédactionnel.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Favorable.

(L’amendement n108 est adopté.)

(L’article 5 quinquies A, amendé, est adopté.)

Mme la présidente. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

2

Ordre du jour de la prochaine séance

Mme la présidente. Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :

Questions au Gouvernement ;

Lecture définitive du projet de loi organique interdisant le cumul de fonctions exécutives locales avec le mandat de député ou de sénateur et du projet de loi interdisant le cumul de fonctions exécutives locales avec le mandat de représentant au Parlement européen ;

Propositions de loi visant à réduire l’activité des moniteurs de ski ;

Suite du projet de loi pour l’égalité entre les femmes et les hommes.

La séance est levée.

(La séance est levée, le mardi 21 janvier 2014 à une heure.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Nicolas Véron