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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2013-2014

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du mardi 29 avril 2014

SOMMAIRE

Présidence de M. Christophe Sirugue

1. Fixation de l’ordre du jour

2. Activités privées de protection des navires

Présentation

M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche

M. Arnaud Leroy, rapporteur de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire

M. Nicolas Bays, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées

Mme Anne-Yvonne Le Dain, rapporteure pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

Discussion générale

M. Olivier Falorni

M. François-Michel Lambert

M. André Chassaigne

M. Christophe Bouillon

M. Martial Saddier

M. Philippe Folliot

Mme Viviane Le Dissez

M. Dino Cinieri

M. Joaquim Pueyo

Mme Catherine Quéré

M. Gilbert Le Bris

Discussion des articles

Article 1er

M. Guillaume Chevrollier

Amendement no 31

Articles 2 à 8

Article 9

Amendement no 39

Article 10

Après l’article 10

Amendement no 27 rectifié

Article 11

Amendements nos 32 , 38

Article 12

Amendement no 3

Article 13

Amendement no 2

Articles 14 à 17

Article 18

Amendements nos 40 , 47 et 48 , 56

Article 19

Amendements nos 41 , 28 , 49 , 53 (sous-amendement)

Article 20

Amendement no 42

Article 21

M. Charles de La Verpillière

M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d’État

Article 22

Amendements nos 1 , 33 , 34

Article 23

Article 24

Amendements nos 5 , 6

Article 25

Article 26

Amendement no 7

Article 27

Article 28

Amendement no 43

Article 29

Article 30

Amendement no 8 deuxième rectification

Après l’article 30

Amendements nos 35 , 37

Article 31

Amendement no 9

Article 32

Amendement no 11 et 10

Article 33

Article 34

Amendement no 51 rectifié

Après l’article 34

Amendements nos 44 rectifié , 52 (sous-amendement)

Article 35

Article 36

Amendements nos 14 , 15 rectifié , 45 , 16

Article 37

Amendements nos 17 , 46 , 54

Articles 38 à 41 A

Article 41

Amendement no 18, 19, 20, 21, 22, 26, 23, 25 et 24

Après l’article 41

Amendement no 50 rectifié

Explications de vote

M. Christophe Bouillon

M. Martial Saddier

M. Philippe Folliot

Vote sur l’ensemble

M. Arnaud Leroy, rapporteur

M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d’État

3. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Christophe Sirugue

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

1

Fixation de l’ordre du jour

M. le président. La Conférence des Présidents, réunie ce matin, a arrêté les propositions d’ordre du jour suivantes pour la semaine du 19 mai 2014 :

Proposition de loi relative à l’exercice de l’autorité parentale ;

Proposition de loi relative aux pouvoirs de l’inspection du travail.

Il n’y a pas d’opposition ?… Il en est ainsi décidé.

2

Activités privées de protection des navires

Discussion, après engagement de la procédure accélérée, d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi relatif aux activités privées de protection des navires (nos 1674, 1861, 1833, 1860).

Présentation

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche.

M. Nicolas Bays, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées. Excellent ministre !

M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, le projet de loi qui est soumis ce soir à votre examen vise à autoriser et à encadrer le recours à des entreprises privées de protection à bord d’un navire français dans les zones les plus exposées à la piraterie. C’est un texte attendu de longue date par les professionnels…

M. Martial Saddier. Tout à fait !

M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d’État. …puisqu’il s’agit d’une part d’assurer la sécurité de nos navires, d’autre part de renforcer la compétitivité du pavillon français et du transport maritime.

Ce projet de loi était, je le rappelle, l’un des engagements forts pris par le Gouvernement après la réunion du Comité interministériel de la mer. Il a fait l’objet d’un travail approfondi et d’un suivi particulièrement étroit de la part des services de mon ministère, en lien avec ceux des ministères de l’intérieur et de la défense, ainsi que du Secrétariat général de la mer.

Je veux rendre hommage à l’excellent travail accompli par les parlementaires – j’y reviendrai – mais aussi à un travail plus ancien : le remarquable rapport sur la piraterie rendu en janvier 2011 par M. Jack Lang à la demande du Secrétaire général des Nations Unies. Ce rapport insistait déjà à l’époque sur les recommandations formulées à partir de 1999 par l’Organisation maritime internationale. Il a révélé combien il est important que les États se saisissent de ce sujet de toute urgence. C’est dans cette lignée que s’inscrit le texte que je soumets aujourd’hui à la représentation nationale, qui correspond d’ailleurs aussi à l’une des préconisations formulées dans l’excellent rapport de M. Arnaud Leroy sur la compétitivité des transports maritimes, rendu le 12 novembre dernier.

C’est dire combien nous avons souhaité agir rapidement après la réunion du Comité interministériel de la mer. Nous voici donc ici réunis pour donner un fondement législatif à cette évolution du droit très attendue. Et pour cause : la piraterie fait peser une menace majeure sur le commerce maritime international et sur la sécurité des approvisionnements. Malgré un recul apparent au large de la Corne de l’Afrique – où nous avons appris encore aujourd’hui que des otages avaient été libérés – et dans le détroit de Malacca, le phénomène s’accentue toutefois dans d’autres régions, notamment dans le Golfe de Guinée. En 2013, le Bureau maritime international a recensé un total de plus de 264 attaques.

Outre ses conséquences physiques et psychologiques sur les marins, ce phénomène entraîne également pour les armateurs de lourdes conséquences dont le montant annuel total oscillerait entre 5 et 8,5 milliards d’euros – ce qui s’explique par le renchérissement des primes d’assurance et par les dispositions opérationnelles prises pour éviter certaines zones.

Assurer la sécurité du transport maritime constitue donc un enjeu économique considérable pour les armateurs dont les navires transitent ou opèrent régulièrement dans ces zones à haut risque. Pour garantir la protection des navires civils battant pavillon français, l’État a d’ores et déjà mis à disposition des équipes de protection embarquée de la marine nationale composées d’un effectif total de 152 militaires. Le déploiement de ces équipes, dont l’efficacité et la qualité sont largement saluées par les armateurs, présente toutefois des contraintes d’ordre logistique et diplomatique qui ne sont pas toujours compatibles avec les délais commerciaux très serrés des professionnels. Malgré cette implication, toutes les situations à risque ne peuvent aujourd’hui être couvertes par la marine nationale, alors même que le besoin réel de protection armée est croissant, vous en conviendrez.

Les dispositifs de sécurité que le projet de loi a pour objet d’autoriser et d’encadrer viennent en complément – et non en substitution – de ce qui existe déjà, ainsi que des différents dispositifs visant à prévenir les attaques. Je pense notamment à la mise en place de centres spécialement destinés au signalement de la présence de navires dans les zones à risque. S’il est adopté, le projet permettra aux armateurs de mieux protéger les navires battant pavillon français.

Il s’agit d’autoriser les armateurs à recourir à des agents d’entreprises privées de sécurité pour faire face aux risques croissants d’attaque. Le Gouvernement a souhaité donner suite à cette demande qui émane notamment des armateurs, afin de mieux assurer la sécurité des navires battant pavillon français, de leur équipage et de leur cargaison : c’est un impératif de sécurité.

C’est aussi un impératif de compétitivité, disais-je. En effet, en présentant ce projet de loi, j’entends également renforcer l’attractivité du pavillon français. C’est un enjeu majeur : la France dispose de la première surface maritime en Europe. De très nombreux États européens disposant d’une façade maritime et d’une flotte de commerce importante se sont d’ores et déjà dotés d’un tel dispositif. Le Gouvernement a donc souhaité donner aux navires français les mêmes outils que ceux dont disposent leurs concurrents étrangers. Ainsi, le présent projet de loi participera du renforcement de la compétitivité du pavillon français.

Permettez-moi de rappeler ce dont chacun ici est convaincu : la flotte de commerce française incarne un secteur économique décisif. Il faut faire en sorte que nos compagnies maritimes nationales et notre pavillon demeurent compétitifs. Ce secteur rassemble en effet plus de trois cents navires et représente un gisement d’emplois considérable. Il compte dans ses rangs des géants nationaux qui figurent parmi les premiers armateurs au monde. À eux seuls, les marins représentent 12 500 emplois qui dépendent directement de cette activité.

Grâce à ce projet de loi, nous estimons que plusieurs centaines d’emplois directs pourront être créés afin de sécuriser les navires battant pavillon français qui, face à la menace pirate, sont vulnérables dans l’ensemble des zones à risque – zones que le Gouvernement veillera à définir en lien étroit avec les armateurs.

Conscient du caractère exceptionnel que revêt le fait d’autoriser des acteurs privés à assurer la sécurité des navires marchands, le Gouvernement a, dans le présent projet, veillé à ce que cette pratique s’exerce conformément aux lignes directrices définies au niveau international et à ce qu’elle soit strictement encadrée à de nombreux égards, afin d’éviter d’éventuelles dérives. Elle sera ainsi encadrée en sorte de n’être autorisée que dans les zones à haut risque de piraterie et que sur certains types de navires. Si des équipes de protection de trouvent à bord de navires naviguant en dehors de ces zones, leurs armes devront être remisées, de même que dans les eaux territoriales des pays fréquentés par les navires – sauf en cas d’accord particulier conclu avec lesdits pays, en application du principe bien connu du « passage inoffensif » défini par la Convention internationale de Montego Bay. De même, l’accès aux secteurs concernés sera strictement encadré grâce à la mise en place d’un agrément administratif similaire à celui qui existe pour les activités de protection exercées à terre – je pense notamment aux convoyeurs de fonds –, agrément auquel s’ajoutera une certification externe obligatoire des entreprises.

Vous demandez également l’apport de garanties professionnelles pour tous les acteurs, qu’il s’agisse des dirigeants et des gérants qui devront être titulaires d’une autorisation d’exercer, ou des agents qui devront posséder une carte professionnelle après examen de leur moralité, de leurs compétences maritimes et de leurs compétences en matière de protection armée. Les référentiels de formation seront définis par l’État et les centres de formation seront également agréés pour délivrer des formations adéquates.

Nous encadrerons aussi les conditions d’armement par un dispositif strict : seules certaines catégories d’armes et de munitions seront autorisées. Les modalités d’acquisition, de détention, de transfert et de stockage des armes et des munitions à bord seront précisément réglementées.

Nous voulons également garantir la transparence de l’activité par des contrôles administratifs réalisés sur le territoire national et à bord des navires, ainsi que par un suivi régulier des activités des entreprises et de leurs agents. Nous devons en outre assurer la transparence et la traçabilité de l’activité par plusieurs dispositifs tels que la déclaration d’embarquement des équipages de sécurité, la tenue de registres d’activité ou encore le signalement des incidents.

Enfin, nous ne devons rendre possible l’usage de la force que dans le cadre strict de la légitime défense.

C’est la responsabilité de l’État de s’assurer que les navires battant pavillon français ont les moyens de se protéger. Ce texte recherche un équilibre entre l’ouverture aux entreprises privées d’une activité susceptible d’employer des armes et un encadrement strict sur plusieurs aspects que je viens de détailler, et dont les principes sont prévus par les dispositions de la présente loi.

Madame et messieurs les rapporteurs, je vous remercie pour le travail de qualité que vous avez mené en commission. Je remercie également l’ensemble des parlementaires de leur implication sur ce sujet précis et technique, mais ô combien important économiquement. La question est également d’importance pour ce qui est de la position de la France et de son implication pour garantir la sécurité et permettre à nos armateurs d’assurer leur activité économique dans de bonnes conditions. Je vous remercie, mesdames et messieurs les députés, pour la qualité des échanges que nous avons eus, ainsi que pour les remarques, indications ou suggestions visant à améliorer le texte.

Je salue l’implication de la commission du développement durable, qui montre notre volonté partagée d’un encadrement sérieux de la protection privée des navires afin d’assurer leur sécurité, mais aussi notre volonté pragmatique, qui nous permet d’offrir aux compagnies françaises de transport maritime les meilleures conditions de travail et de compétitivité.

Plus largement, au-delà même du fait qu’à côté de ce dispositif nouveau, la Marine nationale conservera l’ensemble de ses prérogatives, la France continue à agir au niveau international pour lutter contre la piraterie, notamment en participant à différentes opérations initiées par l’Union européenne ou par l’OTAN – je pense, par exemple, à l’opération Atalante – et reste très active sur le plan diplomatique. Il s’agit d’un texte important et attendu, car c’est un engagement du Gouvernement. C’est aussi un chantier que le Parlement a voulu mener avec pour objectif d’aboutir à un texte opérationnel. Je vous remercie pour la qualité de vos travaux et j’espère que ce texte, qui est attendu, recueillera l’unanimité ou du moins un large consensus. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, RRDP et UMP.)

M. le président. La parole est à M. Arnaud Leroy, rapporteur de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire.

M. Nicolas Bays, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées. L’excellent rapporteur Arnaud Leroy !

M. Arnaud Leroy, rapporteur de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, chers collègues, je me félicite que nous nous retrouvions ce soir pour discuter de ce texte. Je l’avais moi-même appelé de mes vœux dans un rapport sur la compétitivité des services et transports maritimes, rapport que je vous ai remis, monsieur le secrétaire d’État, à la fin de l’année dernière.

Avant de commencer nos débats sur la piraterie, je rappellerai quelques chiffres clés concernant le transport maritime : 90 % du commerce mondial, du volume des marchandises qui transitent sur notre planète, se fait par voie maritime. S’agissant de la piraterie, il y a eu 4 000 attaques en trente ans et 234 attaques ont été recensées depuis le début de 2013. Le phénomène est donc d’importance.

M. le secrétaire d’État a évoqué le coût de la piraterie maritime. J’ai, de mon côté, des estimations un peu plus « tragiques » que celles du Gouvernement : selon les chiffres donnés par l’organisation One Earth Future, ce coût peut atteindre 12 milliards d’euros par an, qu’il s’agisse de rançons ou de coûts de carburant – il y a aussi un impact environnemental, car il faut accélérer dans les zones à risques pour pouvoir s’échapper –, sans parler des surprimes d’assurance.

Je tiens à saluer le travail que nous avons mené avec mes collègues rapporteurs de la commission de la défense et de la commission des lois. Je remercie également mes collègues de tous les groupes : en commission du développement durable, ils ont adopté ce projet à l’unanimité, c’est assez rare pour être signalé. Il s’agit d’un texte technique, attendu par les marins pour sécuriser leurs conditions de travail et par les armateurs pour pouvoir exercer leur profession et ne pas perdre de marchés.

Lors de nos débats en commission, nous avons essayé de conserver l’équilibre du texte. À l’origine, ce projet de loi a été décrié et il a été très long à sortir des services de l’État, car on y voyait la porte ouverte au mercenariat. Il est important de rappeler cet élément, car dans le passé, il y a eu des propositions de loi qui ne faisaient aucune distinction selon le type de gardes armés, qu’il soient à terre ou en mer, ce qui en faisait effectivement des mercenaires potentiels.

Monsieur le secrétaire d’État, vous avez souhaité circonscrire l’activité de ces gardes armés en mer, sur des navires battant pavillon français, avec un système d’accréditation que nous avons examiné de près.

J’ai voulu, pour ma part, ajouter au texte un certain pragmatisme et de la flexibilité. J’ai fait adopter quelques amendements pour aller vite et mettre en place un système réactif. Car la piraterie est un sujet mouvant, les zones évoluent très rapidement et les types de navires qui peuvent avoir recours aux services de sécurité à bord sont très divers. Il fallait donc introduire une réelle flexibilité dans le texte. Je remercie les services du Gouvernement et de l’administration d’avoir permis un dialogue constructif sur ces questions.

J’ai également voulu m’assurer, en tant que rapporteur, du traitement des pirates éventuellement restés à bord. Que faire demain si un homme, qui a voulu attaquer un navire battant pavillon français, est capturé ou blessé ? Comment doit-il être jugé ? Comment les capitaines doivent-ils s’organiser ? Il s’agit d’un élément important et, surtout, d’un rappel à une loi existante.

J’en viens à la sécurité juridique qui entoure le capitaine dans ce nouvel environnement constitué de gardes armés à bord des navires. Nous avons eu, lors des auditions en commission, beaucoup de questions relatives à la présence à bord de deux autorités potentielles. Le texte est assez clair pour ce qui est de savoir qui commande et qui est responsable. La commission des lois a fait un travail remarquable sur la question de la légitime défense et son encadrement.

Voilà, monsieur le secrétaire d’État, comment nous avons abordé ce texte, avec, vous l’avez rappelé dans votre propos, le souci d’assurer à notre marine de commerce les mêmes armes que ses concurrents. Il est important de rappeler que ce type de dispositif a été adopté dans de nombreux États européens avec lesquels nous sommes en compétition.

Je sais, grâce à mon travail sur la compétitivité, que ce sujet était devenu majeur pour une partie de nos armateurs, qui étaient prêts à dépavillonner, non par manque de patriotisme, mais par besoin de se protéger, car la Marine nationale, même si elle fait beaucoup d’efforts, n’est pas toujours en capacité d’assurer 100% des demandes de protection, par manque d’effectifs, mais aussi par manque de réactivité par rapport au rythme du commerce maritime.

Voilà les éléments sur lesquels nous avons travaillé. Je suis optimiste quant à l’avenir de ce texte et je suis heureux que les décrets aient déjà été élaborés. J’espère que ce texte fera rapidement son chemin au Sénat afin que nous puissions proposer ce nouveau dispositif aux armateurs français le plus tôt possible.

Le groupe SRC sera ravi d’apporter son soutien à ce projet, confortant ainsi l’ambition maritime qui a toujours été la vôtre, monsieur le secrétaire d’État, et que nous partageons dans cet hémicycle. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP.)

M. le président. La parole est à M. Nicolas Bays, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées.

M. Nicolas Bays, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées. Monsieur le président, madame et monsieur les rapporteurs, monsieur le secrétaire d’État – cher Frédéric –, mes chers collègues, la commission de la défense est saisie pour avis du projet de loi dont nous débattons ce soir.

Ce texte autorise et encadre les activités privées de protection des navires battant pavillon français. En ce sens, il répond à une demande forte et légitime de la part des armateurs, dont la préoccupation première est la protection des personnes et des biens embarqués.

La menace principale à laquelle sont confrontés les navires reste la piraterie et le brigandage maritimes. D’après les dernières données du Bureau maritime international, 264 actes de piraterie ont été recensés en 2013, soit le plus petit nombre d’incidents enregistrés depuis 2007. Il convient de s’en réjouir, mais il ne faudrait pas en déduire qu’un relâchement de l’effort est possible. Je rappelle en effet que 90 % du transport de marchandises au niveau mondial s’opère par la voie maritime, qui constitue à ce titre la colonne vertébrale de l’économie globalisée.

Par ailleurs, n’oublions pas que la piraterie est fluctuante et mobile. Si l’on enregistre une baisse du nombre d’attaques dans certaines zones – la Corne de l’Afrique, par exemple –, le phénomène peut parallèlement s’amplifier dans d’autres régions, comme on le constate actuellement dans le golfe de Guinée. Aujourd’hui les principales zones dangereuses, outre celles déjà citées, sont situées à proximité de passages étroits : Panama, Suez, Bab El Mandeb et détroit de Malacca.

La protection des navires français est une mission dont la Marine nationale s’acquitte depuis fort longtemps, et celle-ci reste plus que jamais d’actualité. Je rappelle que, depuis décembre 2008, la Marine française participe à l’opération Atalante, qui a permis une diminution considérable des actes de piraterie dans le golfe d’Aden et au large des côtes somaliennes. Dans la même zone géographique, la France fait également partie de la force multinationale 151 de l’OTAN.

En outre, depuis 2009, la Marine nationale offre, sous certaines conditions, la possibilité aux navires français de recourir à des équipes de protection embarquées. Depuis leur création, quatre-vingt-treize EPE ont été déployées. Les demandes formulées par les armateurs à la pêche et pour les navires affrétés par le ministère de la défense sont satisfaites à 100 %. En revanche, le taux moyen de satisfaction des demandes pour les navires de commerce n’atteint que 70 % environ. En effet, les délais de mise en place d’une EPE sont soumis à de fortes contraintes logistiques et diplomatiques et s’avèrent donc parfois difficilement compatibles avec les impératifs économiques des armateurs. En outre, il semble évident que ceux-ci minimisent leurs demandes, conscients que toutes ne pourront être honorées.

À l’heure actuelle, vingt-cinq EPE peuvent être constituées, dont quinze sont présentes sur les thoniers senneurs des Seychelles. Depuis le début de leur déploiement, les EPE ont repoussé une quinzaine d’attaques et n’ont eu à déplorer aucun blessé. Je tiens ici à rendre hommage à leurs membres, dont la qualité et le sens de l’engagement sont unanimement reconnus.

Cependant, la Marine nationale n’est pas en capacité de répondre à l’ensemble des besoins, et toute une partie de la flotte française demeure privée d’une protection adaptée, alors qu’elle souhaiterait y avoir recours. On ne saurait évidemment s’en satisfaire, dans la mesure où sont en jeu des vies humaines et, secondairement, la protection des biens. Le recours à l’action complémentaire de gardes privés armés est donc nécessaire, à condition d’être strictement encadré.

Tel est l’objet du projet de loi, qui propose de compléter notre arsenal juridique et opérationnel en poursuivant deux objectifs principaux. Tout d’abord, comme je viens de l’évoquer, il s’agit de garantir la sécurité des navires français dans les zones dangereuses. Mais le texte doit également renforcer la compétitivité du pavillon français. Il favorisera aussi le développement d’entreprises nationales et pourra notamment permettre le rapatriement, en France, d’une activité jusqu’alors assurée par les filiales étrangères de sociétés françaises.

Je tiens à l’affirmer avec force : il ne s’agit en aucun cas d’abdiquer un élément de souveraineté au profit du secteur privé, et les membres des équipes de protection ne sont pas des mercenaires. Prétendre le contraire serait faire preuve d’une méconnaissance conceptuelle et juridique totale.

Il ne s’agit pas davantage d’un « ballon d’essai », prélude à une privatisation rampante des missions dévolues à nos forces armées. La Marine n’envisage pas de réduire son effort, et continuera de mettre ses EPE à la disposition des armateurs. L’offre privée ne se substituera donc pas à l’offre publique ; elle viendra utilement la compléter.

Il importe d’être à la fois pragmatique et vigilant, et le projet de loi apporte une réponse cohérente et équilibrée à ces questions en les entourant de toutes les garanties nécessaires.

Il prévoit d’une part que les nouvelles activités seront strictement limitées à des cas spécifiques et les encadre d’autre part de manière particulièrement rigoureuse par un système complet de certification, d’autorisation et d’agrément ex ante auquel s’ajoute un régime de contrôle ex post. À l’initiative de son rapporteur, la commission de la défense a adopté plusieurs amendements, dont certains l’ont également été par la commission saisie au fond, ce dont je me réjouis, tel l’amendement relatif à la levée de l’interdiction faite aux dirigeants et agents des entreprises de protection de faire état de leur ancienne qualité de fonctionnaire de police ou militaire. Je crois savoir que le Gouvernement n’y est pas favorable mais nous aurons l’occasion d’en débattre tout à l’heure.

Une importante question demeure, relative à la taille minimale des équipes de protection. La commission de la défense considère qu’en-deçà de trois agents la protection d’un navire ne saurait être assurée de manière satisfaisante. Je sais, cher Arnaud Leroy, que la commission du développement durable défend une position différente consistant à laisser aux armateurs et à l’entreprise privée de protection le soin de mener une analyse de risque afin de déterminer le nombre pertinent d’agents à embarquer. Je formule le vœu que nous trouvions une voie médiane susceptible de concilier les positions de nos commissions respectives. À cet égard, l’amendement à l’article 19 proposé par le Gouvernement me semble susceptible de satisfaire nos deux commissions.

Je conclurai mon intervention en invitant l’ensemble de nos collègues à adopter le projet de loi. Attendu de longue date par les armateurs et les équipages, il permettra d’une part d’assurer la sécurité de l’ensemble de la flotte française et d’autre part de restaurer la compétitivité de notre pavillon qui sera ainsi à même de faire jeu égal avec les pavillons étrangers. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme Anne-Yvonne Le Dain, rapporteure pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

Mme Anne-Yvonne Le Dain, rapporteure pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je commencerai par une brève citation d’Edward Elliott et Terry Rossio : « Un bateau, c’est ça vous savez, ce n’est pas une quille, une coque, un pont, un moteur ou des voiles, ils en ont tous ; un vrai navire, c’est une liberté. » En effet, c’est une liberté, celle de commercer et transporter. Aujourd’hui, 90 % des produits transitent dans le monde par voie maritime. Il en va donc de la liberté de travailler sans être attaqué et subir aucune violence physique ni mise en péril des personnes, des biens, des cargaisons et des navires, ni payer ensuite des assureurs en raison des dégâts sur les personnes et les biens et des pertes, des naufrages et des drames humains, économiques et nationaux. Les îles de la Sonde, le golfe de Guinée plus récemment et l’espace Aden-Arabie-Somalie sont des espaces stratégiques de plus en plus soumis à la piraterie.

Celle-ci constitue une menace ancienne dans l’histoire maritime de notre pays. Aujourd’hui, 40 % des bateaux des armateurs français naviguent sous pavillon étranger faute d’être autorisés à recourir à une protection armée à bord, ce que proposent en droit la plupart des pays européens et en fait des pays comme la Grande-Bretagne, Israël et les États-Unis d’Amérique, contrairement à la France. Certes, dans certains cas importants, la marine française se donne la possibilité, sous l’autorité de M. le Premier ministre, de soutenir et accompagner nos navires lorsqu’ils transportent des marchandises avec des plats-bords normaux et responsables. Cependant, même si nous assurons une telle protection par voie et décision de M. le Premier ministre, dès lors que le commerce maritime s’identifie de fait au commerce mondial, il convient que la France autorise des entreprises françaises et européennes à faire monter à bord des équipes armées.

Pour la commission des lois que je représente ici, la question de l’armement est essentielle, tout comme celle de l’ordre de tirer et de l’emploi de la force. Notre droit comporte deux principes fondamentaux, la légitime défense et l’autorité du capitaine à bord. Le choix très sage opéré par le Gouvernement en la matière attribue la responsabilité d’ouvrir le feu et de porter le fer à la personne qui se sent attaquée et menacée. Pour autant, le texte propose un encadrement juridique très strict. La responsabilité de l’individu est assortie d’un cadrage important de la nature, de l’autorité, de l’origine et du compte rendu de l’usage de la force. Quant aux armes, elles devront être acquises sur le territoire de l’Union européenne, ce qui n’est pas anodin. Il s’agit évidemment d’éviter tout trafic. Elles ne pourront donc pas être revendues hors du territoire de l’Union européenne.

En matière d’emploi de la force, le texte s’inscrit dans le cadre de l’article L. 122-5 à L. 122-7 du code pénal qui fixe le concept de légitime défense, en particulier de sa nécessité. Le capitaine a autorité en droit sur toute personne et peut employer tout moyen de coercition, mais nous introduisons là un concept nouveau selon lequel le danger ressenti par la personne autorise à ouvrir le feu. Il s’agit d’un changement considérable qui n’a rien d’anodin. À l’heure actuelle, 70 % des demandes formulées auprès de M. le Premier ministre, donc de l’Amirauté sont acceptées par la Marine nationale. Ce n’est pas suffisant, ce n’est pas 100 % et mes collègues ont indiqué le nombre de graves incidents et de drames humains qui ont lieu chaque année dans le monde, près de 300, ce qui est considérable. Cela concerne 12 500 marins sous pavillon français.

Dans cet esprit, nous pensons à eux, à nos marchandises, à nos armateurs, à notre économie et à la défense du drapeau français. J’ai rappelé que 40 % de nos bateaux ne naviguent pas sous pavillon français afin de faire usage de personnes armées. Il s’agit donc non seulement d’œuvrer à la création d’emplois mais également de ramener des bateaux sous pavillon français, disons-le clairement. Tel est, en bref, l’enjeu de la loi. Il n’est pas anodin, il est même extrêmement important et c’est un travail aussi beau que nécessaire qui a été accompli, monsieur le ministre.

La commission des lois s’est réunie le 26 avril dernier et a déposé des amendements, dont un de coordination. Vous nous avez rassurés au sujet des règles applicables aux armes et à l’usage de la force en nous précisant que les conditions d’acquisition, de détention, de transport et de mise à disposition des armes seront établies par décret en Conseil d’État. Vous nous avez précisé également l’impossibilité d’en fournir par voie clandestine.

L’usage de la force est déterminé et l’autorité du capitaine trouve une limite cohérente avec le principe de légitime défense. La notion de décision éminemment personnelle de la personne amenée à tirer constitue un élément de droit aussi nouveau qu’essentiel. Le sujet de la carte professionnelle a également été abordé et nous avons été rassurés. Il ne s’agira pas d’une carte à proprement parler mais plutôt d’une dématérialisation de numéros identifiant des personnes ayant témoigné clairement de leur compétence et de leur capacité validée par l’administration française. Cela est essentiel, car la notion de carte professionnelle nous paraît tout à fait pertinente. Qu’elle soit dématérialisée n’empêche pas qu’elle comporte les insignes tricolores si par hasard elle prenait la forme d’un document quelconque.

Enfin, comme l’a souligné M. le rapporteur pour avis de la commission de la défense, il serait illogique que certains fonctionnaires de police ou de gendarmerie ne puissent faire état de leur fonction alors que ceux des douanes ou de l’administration pénitentiaire le peuvent. Nous en discuterons ce soir.

Il s’agit en tout cas d’un texte important qui contribuera à l’économie de notre pays, à la reconnaissance de la valeur de notre personnel de sécurité, de nos armées et plus généralement de la formation qu’ils ont reçue avant de passer dans le civil, ce que font beaucoup d’entre eux. Je les salue et les remercie de leur professionnalisme. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

M. Nicolas Bays, rapporteur pour avis. Très bien !

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Olivier Falorni.

M. Olivier Falorni. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission du développement durable, madame et messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, le projet de loi relatif aux activités privées de protection des navires qui nous réunit ce soir dans cet hémicycle a pour objet l’encadrement législatif du renforcement de la lutte contre la piraterie. Aux confins de l’histoire, de la géographie, de l’économie et de la diplomatie, la mer subit une criminalité qui lui est particulière, dont la piraterie constitue l’illustration la plus visible. Si elle semblait reléguée à des temps lointains dans les mémoires collectives et à un passé révolu de la marine à voile et de l’île de la Tortue, réduite à hanter les romans et les films d’aventure, elle prolifère aujourd’hui sur la côte somalienne, dans le golfe de Guinée et dans les détroits de Malacca et de Singapour.

M. Yannick Moreau. Et à La Rochelle ! (Sourires.)

M. Olivier Falorni. En dépit du déploiement significatif de forces navales nationales et internationales, elle demeure de fait une menace réelle contre laquelle nous ne parvenons pas à lutter globalement avec les moyens publics. Activité entrepreneuriale parfois reconnue voire réglementée par les États au cours de l’Histoire, la piraterie est aujourd’hui un modèle d’entreprise à risque particulièrement attrayant en raison d’un coût d’entrée faible et d’un gain potentiel énorme. Elle s’est professionnalisée au point de devenir une véritable filière économique internationale s’appuyant sur des réseaux en partie légaux, tels ceux des intermédiaires chargés de la négociation des rançons, ainsi que sur la criminalité organisée. Elle entretient également des collusions avec les groupes terroristes avec lesquels elle interfère localement.

Le renouveau de la piraterie maritime résulte de la convergence de plusieurs facteurs, au premier rang desquels la réduction des capacités de contrôle des espaces maritimes par les grandes puissances navales depuis la fin de la guerre froide, l’augmentation du trafic maritime et des échanges internationaux, l’affaiblissement des États et l’instabilité politique accrue autour de voies maritimes vitales. Ainsi, c’est dans le détroit de Malacca et au large de la corne de l’Afrique, le plus souvent dans les eaux territoriales des États riverains, que près de 80 % des attaques comptabilisées entre 2000 et 2006 ont été commises. La piraterie maritime connaît une résurgence et une croissance importante depuis les années 1990. Elle fait peser une menace réelle sur les navires de haute mer. Ainsi, plus de 4 000 actes de piraterie ont été recensés entre 1990 et 2010.

En 2013, près de 264 actes de piraterie ont été constatés. Si le chiffre est globalement en baisse, certaines zones géographiques subissent une croissance importante de tels actes. La situation a d’abord été critique dans le détroit de Malacca il y a une vingtaine d’années. Aujourd’hui, les problèmes se concentrent en Asie du Sud-Est, dans le golfe d’Aden et dans le golfe de Guinée. Selon les estimations de la Banque mondiale, le montant des rançons versées aux pirates entre 2005 et 2012 dans le seul golfe d’Aden s’élève à un demi-milliard de dollars. Il s’agit donc d’une activité lucrative contre laquelle nous devons trouver les moyens de lutter plus efficacement. Par l’arrêté du 22 mars 2007, l’État français met à disposition des propriétaires de navires exposés à des risques de piraterie des équipes de protection embarquées.

De plus, la résolution numéro 1918 du Conseil de sécurité des Nations unies, adoptée à l’unanimité en avril 2010, demandait à tous les États « (d’)ériger la piraterie en infraction pénale dans leur droit interne, (d’)envisager favorablement de poursuivre les personnes soupçonnées de piraterie qui ont été appréhendées au large des côtes somaliennes et (de) les incarcérer ». Ces attaques sont très souvent violentes, nous sommes donc conscients qu’il est impératif d’agir pour la prévention des atteintes physiques et psychologiques que les marins subissent. La piraterie maritime a également des conséquences économiques lourdes pour les armateurs. Les pertes financières sont évaluées à environ 10 milliards de dollars chaque année. N’oublions pas que 90 % du transport de marchandises transite par voie maritime : sa sécurisation doit donc rester une priorité.

Aujourd’hui plusieurs mesures existent. Tout d’abord, le signalement volontaire de la présence d’un navire dans une zone à risque auprès de centres dédiés par les autorités publiques. Ensuite, la mise en place de mesures passives et non létales de nature à faire obstacle à la prise du navire, conformément aux recommandations de l’Organisation maritime internationale. Enfin, la mise en œuvre d’une procédure d’analyse de risque appropriée au navire et au voyage considéré. La protection armée proposée par le présent projet de loi a pour objet de compléter ces mesures.

Les forces engagées aujourd’hui sont de deux ordres. Premièrement, les forces navales engagées dans les opérations conduites à l’initiative de l’Union européenne ou sous l’égide de l’OTAN. Deuxièmement, la mise à disposition d’équipes de protection embarquées de la marine nationale, qui assurent la protection des intérêts français dans les zones dangereuses. Au total, c’est un effectif de 152 militaires de la marine nationale qui est engagé dans cette mission.

Mais la mobilisation de ces forces armées françaises ne suffit pas pour répondre à la totalité des risques encourus par les marins et les armateurs. Cette mobilisation se heurte aussi à des contraintes d’ordre logistique, ainsi qu’à des contraintes d’ordre diplomatique. En effet, les délais commerciaux très restreints des professionnels nécessitent une réactivité accrue des forces de sécurité. Actuellement, l’État répond à environ 70 % de la trentaine de demandes reçues chaque année – ce chiffre ne prenant pas en compte les demandes non formulées. Nous sommes donc bien conscients que ce projet de loi répond à un réel besoin permettant de mettre en place un cadre légal nécessaire, autorisant et encadrant le recours à des services de protection privée des navires.

Le recours à des forces privées pour la protection des navires est courant chez nos voisins européens. Ce projet de loi s’inscrit donc dans un mouvement généralisé à de nombreux pays. Aussi bien en Belgique qu’à Chypre, en Allemagne, en Grèce ou encore en Espagne, la présence d’entreprises privées armées à bord des navires nationaux est autorisée. Il y a donc un impératif de compétitivité et d’attractivité pour le pavillon français. En effet, certains armateurs, dont les bateaux naviguent dans des zones dangereuses, préfèrent souvent battre un pavillon étranger afin d’être en mesure de pouvoir se protéger avec une équipe privée. Il importe donc de défendre le pavillon français et de lui donner les moyens d’être compétitif face à ses concurrents étrangers. En alignant la législation française sur celles de ses concurrents, ce projet de loi vise ainsi à promouvoir le pavillon français et soutenir la marine commerciale française, à laquelle nous sommes profondément attachés.

Monsieur le ministre, je tiens à vous exprimer le soutien de l’ensemble des membres du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste à votre projet de loi. Cela dit, nous pensons aussi que l’encadrement législatif de cette activité privée de protection doit être strictement et efficacement contrôlé. En effet, confier des armes à une entreprise privée en lui donnant les moyens de se défendre contre une menace – jusqu’à la possibilité de répliquer et de tuer dans les cas extrêmes –, cela comporte des risques et symboliquement, ce n’est pas anodin. Le projet de loi proposé par le Gouvernement instaure ce cadre légal, autorisant et encadrant le recours à des services de protection privée des navires battant pavillon français dans les zones de piraterie.

Si nous nous félicitons de la rigueur de l’encadrement prévu, qui limite cette activité privée aux zones à haut risque de piraterie et à certains types de navire seulement, je tiens cependant à dire que le groupe RRDP regrette que la protection des navires ne puisse pas se faire par des moyens publics. Pour pallier cette absence de moyens, l’encadrement rigoureux de l’accès au secteur par la mise en place d’un agrément administratif et d’une certification obligatoire des entreprises, devant être obtenue en amont de l’autorisation d’exercice, est indispensable afin de renforcer les précautions minimales.

Le projet de loi soumet aussi les dirigeants et gérants à l’obligation d’être titulaires d’une autorisation d’exercer, et les agents à l’obtention d’une carte professionnelle. Ces deux contraintes permettront d’attester l’honorabilité et les aptitudes professionnelles des acteurs du secteur.

Par ailleurs, le contrôle et la régulation du secteur, confiés au Conseil national des activités privées de sécurité, constituent une bonne mesure car elle est directement inspirée de celle mise en œuvre pour les activités de sécurité privée régies par le livre VI du code de la sécurité intérieure.

M. le président. Il faut conclure, cher collègue.

M. Olivier Falorni. Pour mettre fin à la piraterie, il ne faut pas seulement s’attaquer aux pirates. Nous devons également prendre des mesures à l’égard des États victimes de ces actes. La piraterie nécessite une approche globale par le retour à la paix, la reconstruction de l’État et l’aide au développement. Sur le fonds, ce projet de loi répond donc à une demande effective, mais nous devons rester vigilants en matière de privatisation de la sécurité. Cantonnée au domaine de la piraterie navale, elle est utile, mais il ne faudrait pas ouvrir la porte à une privatisation généralisée. Pour conclure, si nous sommes convaincus que nous devons redoubler de prudence sur la privatisation de l’activité de protection, les députés du groupe RRDP voteront ce projet de loi qui, globalement, pallie les manques constatés tout en restreignant les dangers inhérents à cette privatisation. (Applaudissements sur les bancs des groupes RRDP et SRC.)

M. le président. Je remercie les orateurs de bien vouloir s’en tenir au temps de parole qui leur est alloué.

La parole est à M. François-Michel Lambert.

M. François-Michel Lambert. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’Assemblée nationale doit examiner à présent le projet de loi relatif aux activités privées de protection des navires. Ce projet de loi vise principalement à lutter contre la piraterie maritime en autorisant les armateurs à recourir aux services de gardes armés privés à bord des navires sous pavillon national. En guise de préambule, le groupe écologiste tient à rappeler que le développement exponentiel du transport commercial, par la route ou par la mer, est la conséquence directe d’un modèle économique fondé sur la consommation intensive des ressources, modèle qui arrive à bout de souffle. Les difficultés causées par cet état de fait existent, comme aujourd’hui la question sécuritaire, et nous ne pouvons les éluder : tôt ou tard, il faudra les régler. C’est l’objet de cette loi, j’y reviendrai. Mais s’attaquer aux conséquences ne suffit pas. Il faut avant tout s’attaquer aux causes, en favorisant l’émergence de sociétés économes en matières premières et en relocalisant nos économies.

Ceci étant précisé, je tiens à souligner le très bon travail du rapporteur au fond, mon collègue Arnaud Leroy qui, après avoir rédigé un rapport sur la compétitivité des transports et des services maritimes, a su porter cette loi équilibrée devant la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, et maintenant en séance publique de notre assemblée. Il convient de souligner également le rapport d’information construit et argumenté sur les entreprises de services de sécurité et de défense – les ESSD –, rendu en février 2012 par nos collègues députés de la commission de la défense, Christian Ménard et Jean-Claude Viollet. Ce rapport estimait que la France était « désormais prête à autoriser l’embarquement de personnels privés armés à bord des navires commerciaux traversant des zones dangereuses ».

Les sujets relatifs à la sécurité – a fortiori la sécurité privée – font souvent l’objet de positions tranchées, voir caricaturales. Or, les débats sur ce texte devant les différentes commissions ont démontré que, lorsque les enjeux de sécurité sont abordés avec rigueur et sérieux, loin des faits divers, alors la représentation nationale, dans toutes ses composantes, peut traiter ces sujets dans un relatif consensus. Il faut s’en réjouir et s’en inspirer pour d’autres textes. Ce texte ne doit pas, selon moi, être abordé sous le strict angle de la sécurité des biens et des personnes.

Il a trait également et avant tout à la compétitivité des transports et des services maritimes, thème du rapport de mon collègue Arnaud Leroy. Je ne reviendrai pas sur mes remarques préliminaires, mais parce que les échanges entre les différentes régions du monde continueront à perdurer, nous avons encore besoin, pour de longues années, de routes maritimes sûres, nonobstant la nécessité d’un changement de modèle économique.

La piraterie maritime constitue aujourd’hui une menace majeure pour le commerce maritime international, mettant en péril la sécurité des approvisionnements. Si, ces dernières années, on a pu noter un net recul des attaques dans l’océan Indien, elles se sont a contrario accentuées dans le golfe de Guinée. Au total, toutes zones géographiques confondues, ce sont ainsi plus de 200 attaques qui ont été recensées en 2013 par le Bureau maritime international.

Au-delà des atteintes physiques et psychologiques pour les équipages, qu’il ne faut jamais perdre de vue, les conséquences économiques du développement de la piraterie maritime sont lourdes pour les armateurs, puisqu’elles représentent 7 à 12 milliards de dollars par an. Elles sont imputables pour moitié aux dépenses de carburant – résultant de l’accélération de la vitesse de transit dans les zones à risques –, ainsi que des coûts liés aux assurances, des dépenses de sécurité et des primes aux équipages.

Actuellement, seules quelques mesures préventives existent en France : signalement volontaire de la présence du navire dans une zone à risque, mesures passives et non létales de nature à faire obstacle à la prise du navire, procédure d’analyse de risque approprié au navire et au voyage considéré. En outre, le Gouvernement a engagé des forces navales dans des opérations conduites à l’initiative de l’Union européenne ou de l’OTAN, et prévu la mise à disposition d’équipes de protection embarquées de la marine nationale. Cependant, ces mesures restent insuffisantes, puisque l’État ne répond favorablement qu’à 70 % de la trentaine de demandes annuelles, et souvent incompatibles avec les contraintes commerciales.

L’autorisation, pour les armateurs, de recourir à des services de protection privée est donc un impératif de compétitivité pour les entreprises ayant recours au pavillon, tout autant que pour l’attractivité de ce dernier. La France est l’un des derniers pays européens à ne pas avoir autorisé la protection de navires par les entreprises privées. Onze nations sur quinze bénéficiant d’une flotte commerciale importante autorisent déjà cet usage contractuel de la sécurité privée, et se sont dotées de dispositifs législatifs et réglementaires relatifs.

Toutefois, et j’insiste fortement sur ce point, la recherche de la compétitivité commerciale ne doit pas être un prétexte pour accepter toutes les dérives sécuritaires. Il était naturellement hors de question pour le groupe écologiste, comme d’ailleurs pour la quasi-majorité de mes collègues, d’accepter un nouveau type de mercenariat en haute mer, avec des mercenaires qui auraient envahi les ports, entraînant avec eux les dérives que l’on peut imaginer. On l’a compris, c’est là que réside, en réalité, l’enjeu principal du texte : protéger les navires par le recours à des sociétés de sécurité privées, mais en encadrant strictement ce recours au moyen de principes auxquels nous sommes attachés.

Autant le dire tout de suite, ce texte équilibré répond à nos inquiétudes. Sans faire ici l’exégèse de chaque article, nous voulons saluer plusieurs points du projet de loi : le recours aux entreprises de sécurité privée uniquement dans des zones à risques et sur certains types de navires définis par décret ; la mise en place d’un agrément administratif et d’une certification obligatoire des entreprises, ce qui doit permettre un contrôle rigoureux de 1’accès au secteur – les acteurs de la sécurité privée des navires se professionnalisent, sur des compétences portant tout autant sur les aspects liés à la protection elle-même que sur les compétences maritimes.

En ce qui concerne le secteur très délicat de l’armement, le projet de loi permet la mise en place d’un dispositif strict indispensable. La nécessaire transparence de l’activité est permise à travers l’instauration d’un régime de contrôles administratifs sur le territoire national et à bord des navires, avec un suivi régulier des activités. Bref, si le groupe écologiste est fermement opposé au développement d’une société où le tout sécuritaire prédominerait, il sait faire preuve de responsabilité lorsque la situation exige que les personnes et les biens soient protégés – à condition, évidemment, que de solides garanties soient érigées afin de préserver les libertés. Dans la mesure où ce texte permet cet équilibre et à la condition qu’il ne soit pas dénaturé par l’examen des différents amendements en séance, nous voterons pour l’adoption de ce projet de loi.

Pour finir, alors que nous traitons du sujet de la piraterie, qui entraîne parfois des prises d’otages, permettez-moi, mes chers collègues, d’avoir une pensée pour la famille et les amis de Gilberto Rodrigues Leal, enlevé en novembre 2012 et dont le décès a été annoncé récemment. Je pense également à Serge Lazarevic et à sa famille, dernier otage français dans le monde, retenu au Sahel depuis son enlèvement en novembre 2011. Nous espérons tous un dénouement rapide et heureux à ce terrible drame, qui nous rappelle que nous avons le devoir de protéger nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs des groupes écologisteSRC.)

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, messieurs et madame les rapporteurs, je retrouve avec plaisir la commission du développement durable au sein de laquelle j’ai siégé pendant plusieurs années. Je me limiterai à lire le discours qui a été préparé par mon collègue Patrice Carvalho. Il m’a demandé de le remplacer ce soir suite à un empêchement imprévu. Vous ne retrouverez donc pas mon style habituel : je vais lire avec une certaine neutralité ! (Sourires.)

M. Nicolas Bays, rapporteur pour avis. C’est dommage !

M. André Chassaigne. À l’évidence, la piraterie maritime fait peser sur le commerce international et la sécurité des approvisionnements une menace qui s’est accrue.

Mme Anne-Yvonne Le Dain, rapporteure pour avis. Particulièrement en Auvergne ! (Sourires.)

M. André Chassaigne. L’enjeu n’est pas anodin si nous considérons que 90 % du transport des marchandises dans le monde s’effectue par voie maritime. Les données chiffrées sont impressionnantes, comme l’ont déjà dit plusieurs intervenants depuis le début de cette discussion – vous constatez que j’ai écouté les orateurs précédents !

Au total et toutes zones géographiques confondues, le Bureau maritime international a recensé deux cent trente-quatre attaques depuis le début de l’année 2013. Selon les années, entre trois cents et cinq cents marins sont concernés par des actes de piraterie, qui causent entre cinq et vingt-cinq morts par an.

Au coût humain, qui est inacceptable, s’ajoute un coût économique pour les armateurs, qui est évalué entre 7 et 12 milliards de dollars par an, en raison du surplus de carburant nécessaire à l’accélération de la vitesse de transit dans les zones à risque, du surenchérissement des assurances ou encore des dépenses supplémentaires de sécurité.

Il faut néanmoins observer que les actes de piraterie se concentrent sur des espaces limités et identifiés, en général à proximité de passages étroits, dans l’Océan Indien et en particulier le golfe d’Aden, qui constitue le passage obligé vers le canal de Suez par lequel transite 15 % du pétrole mondial et la totalité des échanges par conteneurs entre l’Europe et la Chine. Autres endroits à risque : le bassin somalien, le golfe de Guinée, l’Indonésie, les détroits de Singapour et le Bangladesh.

De nombreuses initiatives ont été engagées au niveau international et européen et la France y a pris sa part. Je pense à l’opération Atalante lancée dans le golfe d’Aden à l’initiative de l’Union européenne ainsi qu’au dispositif français de contrôle naval instauré dans l’océan Indien et dans le golfe de Guinée.

La question du renforcement de ces initiatives internationales et européennes doit être posée afin de les rendre plus efficaces. Nous constatons, en effet, que là où elles ont été conduites, les actes de piraterie reculent. À l’inverse, d’autres s’opèrent là où des dispositions n’ont pas encore été prises.

Le projet de loi qui nous est soumis concerne la protection à bord des navires qui battent pavillon français ou relèvent d’intérêts français.

En l’état actuel de notre droit, l’État met à disposition des propriétaires ou des exploitants de bâtiments exposés à un risque de piraterie des équipes de protections embarquées. Le dispositif représente plus de cent cinquante personnels militaires de la marine nationale, dont un nombre limité de fusiliers marins ayant reçu une formation et un entraînement adaptés.

Ces unités, au nombre de vingt-six, sont amenées à intervenir dans les zones à risque que j’évoquais tout à l’heure.

En raison de moyens et d’effectifs limités, la marine nationale ne peut répondre à toutes les demandes de protection des navires français. Elle couvre néanmoins 70 % des vingt-cinq à trente-cinq demandes reçues chaque année, ce qui n’est pas négligeable mais demeure insuffisant.

Un dispositif semble donc s’imposer par le recours à des protections privées. Un nombre important de nos partenaires européens parmi les plus proches a franchi le pas. Je mesure bien qu’un défaut de réponse suffisante pour garantir la sécurité des navires mettrait en cause l’attractivité du pavillon français et donc son avenir.

Néanmoins, toutes les garanties doivent être prises. D’abord, la protection privée des navires ne saurait se substituer à la coopération des États pour sécuriser les zones à risque. Je l’ai dit tout à l’heure : ainsi, nous obtenons des résultats. Il faut donc étendre cette intervention à toutes les zones à risque par des accords multilatéraux.

Le deuxième élément est que nous ne saurions accepter ce qui s’apparenterait à des réseaux de mercenaires, comme l’a évoqué le rapporteur. Cette exigence pose la question du recrutement, de ses critères, de la validation professionnelle au regard de la formation et du parcours du postulant.

Qui, en effet, va former ces personnels ? Car cette formation repose sur la nécessité de bien connaître et maîtriser la vie et l’activité maritimes. Cette connaissance-là ne s’improvise pas.

En second lieu, il y a le maniement des armes. L’intervention armée relève du droit régalien des États dans le respect du droit international. Des agents privés ne peuvent faire usage de leurs armes qu’en cas de légitime défense.

Or ces personnels auront à faire face à des actes de piraterie consistant notamment à prendre un navire d’assaut, ce qui relève, par leur forme, d’actes de guerre.

Ils seront donc amenés à organiser une riposte à la hauteur de l’attaque, comme ont mission d’y procéder des militaires. Nous sommes loin des évaluations de la légitime défense, mais bien dans une logique d’affrontement militaire.

Si nous voulons sortir de cette ambiguïté juridique aux conséquences qui peuvent être graves, nous avons besoin de préciser l’articulation à établir entre la protection privée à bord des navires et le recours à des forces militaires dans le cas d’affrontement armés relevant de leur compétence.

Quel que soit l’intérêt de ce projet de loi, nous voyons bien qu’un certain nombre de questions se pose encore. Nous ne doutons pas que les réponses seront apportées durant nos débats. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

M. le président. La parole est à M. Christophe Bouillon.

M. Christophe Bouillon. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame et messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, la piraterie maritime semblait, il y a encore peu de temps, relever de l’histoire. Dans les esprits de nos concitoyens se mêlaient alors les souvenirs de Barbe Noire ou Francis Drake. Depuis une décennie la piraterie connaît une seconde jeunesse. Beaucoup moins romanesques que leurs prédécesseurs, les nouveaux pirates sont devenus une véritable menace pour l’économie mondiale : 90 % du transport mondial s’effectuant par voie maritime, cette criminalité est un fléau particulièrement néfaste pour le commerce mondial.

En 2011, vingt-huit navires ont été détournés, quatre cent soixante-dix marins enlevés, quinze assassinés. En 2013, deux cent trente attaques ont été recensées concernant entre trois cents et cinq cents membres d’équipages.

En examinant ce texte, c’est à ces marins, à leurs familles et à leurs proches, que nous pensons bien évidemment.

En permettant aux navires battant pavillon français d’avoir à leur bord du personnel de sécurité armé, nous permettrons à ces marins d’exercer leur métier, difficile, dans de bonnes conditions. Ce personnel formé, obéissant à des règles professionnelles strictes, ne sera donc pas composé de mercenaires mais de professionnels de la sécurité, comme il en existe dans d’autres branches d’activité. Nous ne pouvons en effet faire l’économie de cette mesure qui protégera des vies humaines tout en sécurisant l’activité des armateurs.

Une vie humaine n’est pas quantifiable. Le coût de la piraterie ne peut donc être évalué par les seules pertes commerciales liées à son déploiement. Selon les calculs ce sont entre 7 et 9 milliards d’euros qui sont perdus chaque année du fait de cette criminalité. La solution pérenne à la piraterie se trouve à la croisée de l’économie du développement dans les zones touchées, de la géopolitique des conflits et de la diplomatie internationale.

D’ores et déjà des initiatives fortes ont été prises en la matière. L’opération Atalante a ainsi mobilisé une force navale européenne en Somalie, et continuera jusqu’à la fin de l’année 2014. Les opérations Allied ProtectorOcean Shield ont également permis de sécuriser une partie de nos océans et de faire reculer la piraterie. L’armée française n’est pas en reste : elle déploie aujourd’hui deux cents fusiliers de la marine nationale qui interviennent pour protéger nos navires.

La résolution 2077 du Conseil de sécurité des Nations unies du 12 novembre 2012 a réaffirmé l’engagement de la communauté internationale, dans son ensemble, contre ce fléau. Cependant, force est de constater que les armées ne peuvent, à elles seules, assurer cette activité. Or en l’état actuel de notre droit, le recours aux prestataires de sécurité était impossible pour les armateurs. Dès lors ceux-ci se retrouvaient face à un dilemme : se mettre hors la loi en embarquant des gardes privés ou laisser courir un risque à leurs équipages. Cette situation n’étant plus tenable, notre droit devait évoluer, c’est chose faite aujourd’hui.

L’ouverture de cette possibilité de recours aux gardes armés sur les navires se fait de manière encadrée. C’est nécessaire. Nous n’ouvrons pas, en effet, un marché comme un autre. Des garanties devaient être posées d’emblée, elles le sont : contrôle du casier judiciaire, limitation à certaines zones maritimes et à certains types de navires, interdiction de la sous-traitance, suivi strict des armes embarquées, détention d’une carte professionnelle d’agent de protection, usage de la force uniquement en cas de légitime défense. Tels sont les garde-fous mis en place pour que ce marché, pas comme les autres, puisse être suffisamment encadré et bénéficier avant tout à nos navires.

Mes chers collègues, en adoptant ce texte nous renforçons le pavillon français, sa viabilité économique, tout en protégeant nos marins. Ce texte fait l’objet d’un large consensus parmi nous. Les témoignages, les propos, le travail mené par les rapporteurs ont confirmé la volonté sur tous les bancs de l’hémicycle de faire aboutir ce texte dans les meilleurs délais. Je m’en réjouis, car cela prouve que la représentation nationale peut s’unir lorsqu’il s’agit de l’intérêt général de la France. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

M. le président. La parole est à M. Martial Saddier.

M. Martial Saddier. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, madame et messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, très attendu par les armateurs, le projet de loi relatif aux activités privées de protection des navires que nous examinons aujourd’hui a été retardé. Néanmoins, nous saluons son examen ce soir.

À l’issue de nos travaux en commission, ce texte a été très largement amélioré, notamment grâce aux amendements présentés par le rapporteur de la commission saisie au fond, Arnaud Leroy, qui ont répondu à la plupart de nos interrogations et ont levé les ambiguïtés contenues dans le projet de loi initial du Gouvernement. Il fait désormais l’objet d’un important consensus puisqu’il a été adopté en commission des lois et en commission de la défense nationale – je salue le travail de ces deux commissions saisies pour avis – ainsi qu’à l’unanimité de la commission du développement durable, saisie au fond.

Les membres du groupe UMP se sont, de surcroît, montrés largement favorables à une adoption et à une mise en œuvre rapide de ce texte. Je crois que nous avons très largement contribué à l’amélioration, aux discussions et aux travaux en commission.

En effet, 90 à 95 % du transport mondial des marchandises est actuellement assuré par le fret maritime. Dans notre pays, la marine marchande emploie environ 12 500 navigants français, 3 000 navigants étrangers et 8 500 personnes sédentaires.

De plus, notre pavillon français hissé à l’arrière d’un navire et flottant aux vents participe indéniablement à l’image et à la représentativité de la France dans le monde.

Alors que l’on pensait la piraterie réduite voire même cantonnée à des films à grand succès, cette forme de banditisme pratiquée sur la mer est réapparue à la fin du XXe et au début du XXIe siècle sous une forme nouvelle, plus moderne et malheureusement plus violente. Le nombre d’attaques de navires n’a cessé, depuis ces dernières d’années, d’augmenter dans certaines parties du globe, en particulier dans le golfe d’Aden, au large des côtes somaliennes et dans l’océan Indien. Selon le Bureau maritime international, plus de deux cents attaques ont été recensées depuis le début de l’année 2013, toutes zones géographiques confondues.

Au-delà de la recrudescence d’actes de piraterie observée depuis quelques années, le modus operandi de ces nouveaux forbans a nettement évolué. Ils utilisent fréquemment des bateaux mères, ciblent davantage les navires croisant très au large des côtes mais aussi certains navires exposés en raison de leurs caractéristiques nautiques tels que les portes containers et les thoniers, et retiennent souvent en otage l’équipage jusqu’au versement d’une rançon.

La multiplication de ces actes de piraterie fait peser un danger constant et réel sur les femmes et les hommes à bord de ces navires. En effet, certaines prises d’otages ont malheureusement tourné au drame, entraînant parfois la mort d’un ou plusieurs membres de l’équipage. Elles ont également marqué fortement l’opinion publique, les entreprises et les armateurs, ainsi que les familles, bien évidemment.

Depuis plusieurs années, des progrès ont été accomplis dans la lutte contre la piraterie, grâce principalement à l’engagement des pays d’Asie du Sud-Est, des États-Unis, de la Russie, du Japon et de la France. Les gouvernements qui se sont succédé à la tête de notre pays se sont également joints à cette démarche – je viens de le préciser – en participant activement à l’opération européenne Atalante. Cette mobilisation et cette coopération internationales ont ainsi permis d’améliorer efficacement la situation dans certaines parties du globe, même si des difficultés subsistent en raison de la taille des zones maritimes à contrôler et de la sensibilité de certaines d’entre elles – je pense aux mers d’Afrique, et plus particulièrement au golfe de Guinée.

Pour que nous soyons efficaces, il est aujourd’hui nécessaire d’autoriser le recours à des forces de sécurité privées. Notre pays ne dispose, en effet, ni des moyens de placer des équipes d’agents du GIGN ou de l’armée sur l’ensemble des navires traversant ces zones, ni de la possibilité d’organiser des convois. Comme le souligne l’exposé des motifs du projet de loi, l’État ne peut répondre favorablement qu’à 70 % des demandes reçues chaque année. C’est déjà une sacrée performance !

Face à ce constat et à l’impossibilité pour notre pays de répondre positivement aux demandes formulées par les armateurs, nous sommes tous d’accord sur le même principe : il nous faut recourir à des entreprises privées de sécurité, plus réactives, afin de garantir la sécurité du transport maritime. Cette solution, très attendue par les professionnels du secteur de la marine marchande, permettrait aussi de préserver l’attractivité et la compétitivité du pavillon français ; elle limiterait corrélativement les risques de dépavillonnement.

Néanmoins, le projet de loi relatif aux activités privées de protection des navires, tel qu’il a été présenté en conseil des ministres le 3 janvier dernier, a soulevé de nombreuses interrogations sur les bancs du groupe UMP.

Nos principaux doutes ont porté sur la définition des zones à l’intérieur desquelles les activités de protection pourraient s’exercer. Il était tout simplement inadapté de fixer par décret les zones de piraterie en raison des menaces encourues. Ces zones sont particulièrement fluctuantes, et il est donc inapproprié de vouloir les cartographier une bonne fois pour toutes dans un texte qu’il serait ensuite difficile de modifier rapidement. Nous le savons tous, les actes de piraterie sont rarement commis dans des zones précises, et une classification par décret ne permettrait donc pas d’intégrer les nouvelles zones à menaces émergentes.

De plus, il ne nous paraissait pas judicieux d’encadrer de façon trop restrictive l’activité des agents de protection, ainsi que les armes dont ils pouvaient disposer. L’installation d’une caméra à bord du navire, disposition qui avait également été proposée dans un amendement en commission des lois, ne nous semblait pas adaptée non plus. Ces différentes restrictions auraient nécessairement désavantagé les entreprises françaises face aux entreprises étrangères, car d’autres pays ont déjà pris des initiatives en matière de protection de leur marine marchande.

Avec mes collègues du groupe UMP, nous avons constamment formulé ces nombreuses observations lors de nos travaux dans les commissions des lois, de la défense nationale et du développement durable. Elles ont été entendues et prises en compte par Mme et MM. les rapporteurs, dont je salue ici le travail et l’implication. Les soixante-treize amendements déposés et portés par le rapporteur en commission du développement durable ont indéniablement amélioré le projet de loi et apporté des avancées sur de nombreux points ambigus du texte initial.

À l’article 9, l’interdiction de faire état, dans les documents contractuels ou publicitaires d’une entreprise privée de protection des navires, de la qualité d’ancien fonctionnaire de police ou d’ancien militaire de l’un des dirigeants ou agents de l’entreprise a été supprimée. Les députés du groupe UMP ont fortement soutenu cet amendement, qui répond en partie à notre préoccupation : nous redoutions en effet que le projet de loi initial pénalise les entreprises françaises et qu’il crée sans le vouloir les conditions d’une concurrence déloyale.

Autre avancée majeure du projet de loi, que nous saluons : la nouvelle rédaction de l’article 18. Après avoir affiché son souhait de limiter le recours aux décrets d’application, qui était – il faut bien le reconnaître – récurrent dans le projet de loi du Gouvernement, le rapporteur a proposé l’instauration d’un comité réunissant des représentants des armateurs, de la marine nationale, du ministère chargé des transports et de celui des affaires étrangères. Ce comité se réunirait à la demande de l’un de ses membres, dans le but d’évaluer l’opportunité d’une redéfinition des zones dans lesquelles le recours à une société privée de protection des navires est autorisé. Il conviendrait d’ailleurs d’encadrer cette disposition, en prévoyant un délai maximal pour la réunion de ce comité – j’avais déjà fait cette remarque en commission. Nous sommes convaincus que cette mesure permettra une certaine réactivité que ne pouvait pas assurer un décret, dont la rédaction peut prendre plusieurs mois, monsieur le secrétaire d’État.

Comme je l’ai souligné en commission du développement durable, il est nécessaire de parfaire cette mesure. Compte tenu du caractère d’urgence que peut revêtir l’évolution d’une zone de piraterie, il convient de fixer un délai, de deux ou trois mois, pour que le comité se réunisse une fois la saisine demandée par l’un de ses membres. Il ne faudrait pas que la disposition permettant de remédier à la longueur d’élaboration d’un décret aboutisse à un délai encore plus long que celui caractérisant la procédure qu’elle vise à contourner ! Nous sommes-nous bien compris, monsieur le secrétaire d’État ?

M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d’État. Tout à fait.

M. Martial Saddier. J’espère qu’une telle proposition sera techniquement et juridiquement possible, et qu’elle sera suivie lors de nos débats de ce soir, le rapporteur s’étant engagé, avec l’appui du président de la commission du développement durable, à déposer un amendement en ce sens – n’est-ce pas, monsieur le président Chanteguet ?

M. Jean-Paul Chanteguet, président de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire. Je vous écoute.

M. Martial Saddier. Je le sais !

Nos travaux au sein des différentes commissions ont également permis de lever le flou concernant l’identification des responsabilités en cas d’intervention. Désormais, un agent sera identifié dans l’annexe au contrat passé entre l’armateur et l’entreprise privée de protection des navires, et il sera investi de la fonction de chef des agents de protection présents à bord. Cet agent devra être capable de communiquer avec le capitaine dans la langue de travail à bord. Sans remettre en cause l’autorité du capitaine, cette mesure aura pour effet de définir clairement les responsabilités tant des officiers de la marine marchande que des équipes de protection privées présentes à bord des navires.

De nombreuses améliorations ont été apportées quant à la fixation du nombre minimum d’agents embarqués à bord du navire exerçant cette activité. Au lieu d’être fixé par un décret qui ne peut prendre pleinement en compte les risques, le nombre minimal d’agents est désormais défini conjointement par l’amateur, les assureurs et l’entreprise privée de protection, qui prendront en considération la conception du navire quant à ses moyens de défense.

La nouvelle rédaction de l’article 24 prévoit que la validité des cartes professionnelles des agents privés sera vérifiée par l’armateur au plus tôt soixante-douze heures avant l’embarquement de l’équipe, et non plus par le capitaine du navire, qui ne disposait ni des moyens ni des compétences pour effectuer une telle vérification.

Enfin, le projet de loi rappelle désormais que le sort des pirates capturés à bord doit être conforme à la législation française, quelle que soit la cruauté des actes qu’ils aient commis. Ils doivent ainsi être consignés à bord, à l’initiative du capitaine et sous le contrôle des autorités judiciaires, conformément à l’article L. 5531-19 du code des transports. Le capitaine sera aussi chargé d’informer sans délai la représentation française du pays de la prochaine escale du navire.

Fortement souhaité par les armateurs, qui veulent bénéficier d’outils pouvant répondre à leurs besoins et susceptibles d’assurer efficacement leur protection, le projet de loi relatif aux activités privées de protection des navires a fait l’objet d’avancées indispensables, grâce à l’excellent travail des rapporteurs et des parlementaires présents en commission. Je tiens à souligner une nouvelle fois que les députés du groupe UMP ont pris toute leur part dans l’amélioration de ce texte. Ont ainsi été levés les nombreuses ambiguïtés et les doutes qui pesaient sur le texte tel qu’il avait été initialement déposé par le Gouvernement. C’est pourquoi, avec mes collègues du groupe UMP, nous voterons en faveur de ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Folliot.

M. Nicolas Bays, rapporteur pour avis. Le rugbyman Philippe Folliot ! (Sourires.)

M. Philippe Folliot. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame et messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, en ce début de XXIsiècle, il pourrait sembler surprenant à une partie de nos compatriotes de nous voir débattre du renforcement de la lutte contre la piraterie maritime. Il s’agit pourtant d’une menace séculaire qui pèse sur la sécurité maritime.

Le renouveau de la piraterie depuis le début des années 1990 est lié à la convergence de plusieurs facteurs.

Premier facteur : l’augmentation exponentielle du trafic maritime, alors que, depuis la fin de la guerre froide, la capacité de contrôle des espaces et des routes maritimes par les grandes puissances navales s’est réduite. La mondialisation, c’est la « maritimisation » du monde. Du reste, on peut s’interroger quant aux capacités des marines d’un certain nombre de pays à assumer leurs fonctions régaliennes en matière de contrôle de l’espace maritime, mais aussi d’accompagnement. Je profite d’ailleurs de mon intervention pour exprimer nos inquiétudes quant à l’évolution du budget de la défense en général, et de la part de ce dernier consacrée à notre marine nationale en particulier.

Deuxième élément : l’affaiblissement d’États incapables de sécuriser leurs espaces maritimes et, parallèlement, le renforcement de groupes criminels, parfois mafieux, usant pleinement des opportunités offertes par les nouvelles technologies et la mondialisation.

Selon le décompte annuel du Bureau maritime international, 264 incidents ont eu lieu en 2013, dont douze détournements.

Pôle historique de la piraterie, l’Asie du Sud-Est connaît une inquiétante flambée des attaques autour des détroits de Malacca, de Lombok et de la Sonde. Le golfe d’Aden et le golfe de Guinée sont aujourd’hui deux foyers majeurs, trente-et-un incidents ayant eu lieu au large du Nigeria et quinze au large de la Somalie.

M. André Chassaigne. Je l’ai déjà dit ! (Sourires.)

M. Philippe Folliot. Quant à l’espace Caraïbes, quatrième zone mondiale traditionnelle de piraterie, il connaît un recul de ces actes. Le point commun de ces régions est autant la difficulté de les contrôler que leur importance stratégique pour la sécurisation des routes maritimes internationales. À Malacca comme en Aden, ce sont bien nos intérêts nationaux qui peuvent être mis en péril.

Loin des Barbe-Noire ou des Jack Rackham qui peuplaient les récits de notre jeunesse,…

M. André Chassaigne. Quelle culture ! (Sourires.)

M. Philippe Folliot. …les pirates actuels sont des paysans ou des pêcheurs appauvris qui ont sombré dans la délinquance et le trafic, des mafias parfois extrêmement violentes et bien équipées, ou des gangs isolés. Les profils de ces pirates sont très divers, selon leurs moyens et leur région d’origine. Leurs cibles sont indifféremment les navires de commerce et de pêche ou des bateaux de plaisance, sans attention particulière pour le pavillon du navire attaqué. Plusieurs intervenants l’ont déjà dit : dès lors qu’il existe des situations d’extrême pauvreté, la piraterie est la conséquence d’un mal plus profond, celui du sous-développement. Nous pourrions également évoquer les problèmes engendrés dans certaines régions par la pêche industrielle : ainsi, des pêcheurs traditionnels ne pouvant plus subvenir aux besoins de leur famille se sont laissé tenter par ces travers que sont la piraterie et le brigandage.

M. André Chassaigne. Tout à fait !

M. Philippe Folliot. Les pirates n’hésitent plus à utiliser un armement lourd et très mobile. Ils agissent autant en haute mer qu’au mouillage, lorsque les navires sont les plus vulnérables.

À l’échelle mondiale, le coût de cette piraterie moderne est aujourd’hui extrêmement élevé. Il s’agit d’abord d’un coût humain, à travers les atteintes physiques et psychologiques inadmissibles contre les marins. Outre les décès dont nous avons parlé, il faut évoquer les prises d’otages, systématiques en cas d’attaques réussies dans l’océan Indien et de plus en plus fréquentes dans le golfe de Guinée. Les périodes de captivité durent plusieurs semaines, voire plusieurs mois, et sont très éprouvantes, menant parfois au décès de membres d’équipage.

Il s’agit ensuite d’un coût économique, compte tenu de l’impact des actes de piraterie sur le commerce international. Les surcoûts liés à la piraterie pour les armateurs sont évalués entre 7 et 12 milliards de dollars chaque année, du fait des dépenses de carburant, des frais d’assurance, des dépenses de sécurité et du versement de primes de risque aux équipages. Les compagnies françaises sont directement concernées, avec le transport de 15 millions de passagers par an, et à l’heure où 72 % de nos importations et exportations sont assurés par des voies maritimes.

Par ailleurs, une catastrophe aux conséquences environnementales considérables n’est pas à exclure. Peu après le détournement du Sirius Star par des pirates somaliens en novembre 2008, un scénario a circulé dans la presse, décrivant une marée noire intentionnellement ou accidentellement déclenchée par les pirates. Si aucune attaque pirate n’a eu de telles conséquences jusqu’à présent, le risque est néanmoins réel.

On le voit bien, lutter contre la piraterie maritime en assurant la sécurité des équipages et des navires constitue un enjeu considérable, tant pour les armateurs que pour la communauté des États. Cela participe également au renforcement de la compétitivité du pavillon français et du transport maritime national face à une concurrence étrangère de plus en plus rude.

La France, l’Europe et le monde ont déjà réagi en déployant des escadres au large de la Somalie : ce sont les opérations Atalante, menée par l’Union européenne,Ocean Shield, conduite par l’OTAN. Si cette présence constante a indéniablement diminué les risques, elle ne parvient toujours pas à assurer une sécurité maximale.

Depuis 2008, l’État français met donc à disposition des navires battant pavillon français environ 150 fusiliers et commandos marins. Mais là encore, malgré leur expertise, leur professionnalisme et leur dévouement, l’État ne répond favorablement qu’à environ 70 % de la trentaine de demandes de protection reçues chaque année.

Les entreprises privées de protection des navires, du fait d’un prépositionnement plus important, pourraient donc jouer un rôle complémentaire fondamental de celui aujourd’hui dévolu à la Marine nationale. Sur les quinze pays de l’Union européenne disposant d’une flotte de commerce importante, onze autorisent déjà la présence d’entreprises privées armées à bord de leurs navires.

Ce projet de loi alignera donc la législation française sur celles de ses partenaires, qui sont aussi ses concurrents. Au-delà de cette nécessaire harmonisation européenne, ce texte s’inscrit dans la droite ligne du rapport d’information de nos ex-collègues Christian Ménard et Jean-Claude Viollet relatif aux sociétés militaires privées remis sous la précédente législature. Déjà, les auteurs considéraient que « notre pays est désormais prêt à autoriser l’embarquement de personnels privés armés à bord des navires commerciaux traversant des zones dangereuses ».

Ce texte répond enfin à une demande de l’ensemble des professionnels du secteur maritime qui ont pris à témoin l’État sur ses propres limites et la nécessité d’une légalisation de la protection maritime par des agents embarqués.

À notre sens, le débat ne doit donc pas porter sur la question de l’embarquement de ces équipes, mais sur le contrôle que doivent exiger les armateurs et le Gouvernement autant sur leurs propres soldats que sur les privés. Nous ne voyons donc pas d’obstacle à l’adoption de ce projet de loi, si l’ensemble des conditions d’armement, les exigences de traçabilité et les conditions dans lesquelles il pourra être fait usage de la force sont suffisamment encadrées, ce qui nous semble être le cas.

Le texte prévoit que la nouvelle activité de protection privée des navires sera d’une part strictement circonscrite à un nombre limité de cas spécifiques, d’autre part, encadrée de manière rigoureuse avec un système complet de certification, d’autorisation et d’agrément. Il prévoit enfin un contrôle du respect des règles qu’il fixe à terre comme en mer, instaure un suivi strict des armes embarquées, interdit la sous-traitance et n’admet le recours à la force que dans le cadre de la légitime défense.

Ainsi, l’offre privée ne se substituera pas à l’offre publique. Elle doit simplement être considérée comme un complément visant à assurer une protection effective et efficace des personnes et des biens quand la marine nationale ne peut, seule, honorer pleinement une telle mission. Elle devra enfin permettre le développement d’une offre française structurée dans ce domaine, et la pleine reconnaissance du savoir-faire de nos soldats, courtisés par les sociétés anglo-saxonnes.

À cet égard, nous souhaitons que l’examen de ce projet de loi permette d’ouvrir une réflexion plus large sur le rôle et la place des entreprises de services de sécurité et de défense. Comme l’ont relevé nos ex-collègues Ménard et Viollet dans leur excellent rapport auquel j’ai fait allusion, celles-ci se sont largement développées à l’étranger ces vingt dernières années puisqu’on en dénombre près de 1500 actives à travers le monde, offrant des prestations très variées, du conseil et ingénierie de la sécurité au soutien opérationnel ou encore à l’intelligence économique.

Le chiffre d’affaires global du secteur se situerait entre 100 et 200 milliards de dollars par an, le ministère des affaires étrangères évoquant même 400 milliards.

Encourager le déploiement de ces entreprises, devenues des acteurs incontournables de la sécurité internationale, représente donc un enjeu hautement stratégique pour notre pays.

Dans le droit fil du rapport Ménard-Viollet, nous considérons essentielle l’adoption rapide d’un cadre législatif spécifique dont l’objectif serait de clarifier les activités que la France autorise et prohibe en définissant une véritable liste, de sorte que nos ESSD soient encouragées ; de préciser les conditions de certification des entreprises, d’habilitation de leurs agents et d’armement ; de faciliter le régime d’exportation de matériels légers de sécurité et de veiller à ce que ces sociétés n’assurent pas de missions contraires aux intérêts de la France.

C’est pourquoi, conformément à l’une des dix-huit propositions émises par l’UDI en matière de défense, nous défendrons un amendement proposant que le Gouvernement remette un rapport au Parlement contenant des mesures qui permettront le développement de ce secteur stratégique en France.

Nous voterons ce texte.

M. Nicolas Bays, rapporteur pour avis. Très bien.

M. le président. La parole est à Mme Viviane Le Dissez.

Mme Viviane Le Dissez. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame, messieurs les rapporteurs, chers collègues, depuis la loi du 22 mars 2007 établissant la responsabilité du ministère de la défense dans la protection du trafic maritime, l’évolution de la menace que représente la piraterie et la modification des réponses apportées au niveau international nous ont conduits à évoluer, nous aussi, sur la question des activités privées de protection des navires.

Alors que le recours à des entreprises privées de protection des navires est possible dans la plupart des grands États maritimes de l’Union européenne, les enjeux de sécurité et la concurrence internationale ont, effectivement, rendu indispensable cette adaptation de notre régime juridique.

Cette évolution, annoncée à l’occasion du comité interministériel de la mer qui s’est tenu en décembre dernier est une condition, un levier indispensable à la compétitivité du pavillon français, qui représente environ 600 navires pour notre marine marchande.

Si les récents chiffres indiquent une baisse des attaques de piraterie par rapport à 2011, l’ampleur et les conséquences de ce phénomène ne doivent pas être sous estimées.

Cette évolution est dictée par la nécessité de renforcer la sécurité des hommes, des biens et des navires, indispensable dans les zones les plus exposées à la piraterie, mais également par l’impact économique considérable de ce phénomène sur l’ensemble de la planète.

Le Bureau maritime international estime le coût des marchandises volées en 2012, uniquement dans le golfe de Guinée, dans une fourchette certes large, entre 34 et 100 millions de dollars. Mais au-delà des conséquences directes des actes de pirateries, les retentissements économiques sont multiples.

Doivent ainsi être pris en compte les surcoûts qui découlent du déroutement des navires ; les dépenses de carburant dues à l’accélération dans certaines zones à risque ; les surprimes d’assurance ou encore les marchés qui échappent aux compagnies françaises en raison de l’aléa relatif au fait de se voir attribuer ou non une équipe de protection embarquée.

Alors que 90 % du transport de marchandises se fait par voie maritime, il est

effectivement devenu impératif d’adapter notre législation à ces contraintes et de permettre à la France de développer une offre dans le marché de la protection des navires, à l’instar d’autres puissances maritimes européennes comme les Pays-Bas, l’Italie et la Grande-Bretagne.

La réticence originelle de la France vis-à-vis de ces activités privées de protection a imposé le temps de la réflexion nécessaire à ce virage culturel, et fait de nous l’un des derniers pays européens à légiférer. Un virage culturel indispensable au regard de la nécessité de s’aligner sur les autres puissances maritimes européennes qui autorisent le recours à ces activités.

Car si l’organisation des équipes de protection embarquées a été jugée exemplaire dans le rapport des députés Viollet et Ménard sur les sociétés militaires privées, publié en février 2012, seuls 70 % de la trentaine de demandes de protection reçues chaque année reçoivent une réponse positive. Je précise à ce propos que les fins de non-recevoir s’expliquent principalement par les contraintes diplomatiques qui ne permettent pas de couvrir certaines zones, et non par le manque d’équipes disponibles.

Alors que nous nous apprêtons à entériner cette évolution législative, je constate que les nombreux travaux qui ont précédé ce texte, ont participé à cette évolution culturelle et à l’ébauche d’une solution adaptée et équilibrée, une solution qui permet d’offrir l’alternative indispensable aux armateurs de navires battant pavillon français en matière de sécurité ; une solution qui permet aux entreprises françaises de se positionner sur ce marché. Positionnement qui devrait aboutir à la création de plus de 300 emplois et surtout, une solution qui garantit le cadre juridique indispensable au contrôle effectif de ce dispositif.

Car si la crainte du développement d’une activité de mercenaire se rapproche du fantasme, la définition précise et la limitation des activités de protection sont les préalables indispensables à toute évolution sur le fait d’autoriser ce recours à de véritables entreprises de services de sécurité et de défense.

Les travaux de la commission ont d’ailleurs été féconds sur ces points et les différentes propositions de l’excellent rapporteur Arnaud Leroy ont permis ainsi de parvenir à un meilleur équilibre entre l’encadrement effectif des activités de protection privée et la nécessité de soutenir l’offre française en la matière.

Ils ont également permis d’encadrer la responsabilité juridique des officiers de la marine marchande, de garantir aux pirates le droit fondamental à un procès équitable, ou encore d’améliorer le fonctionnement administratif du Conseil national des activités privées de sécurité.

Par ailleurs, nous devons saluer la limitation du recours aux décrets qui découle également des travaux en commission et qui devrait permettre une entrée en vigueur rapide de ce texte. Car si le temps de la préparation et de l’évolution culturelle était, certes, indispensable, nous avons la responsabilité de donner rapidement les moyens à la grande puissance maritime que nous sommes, de se défendre en mer comme sur les marchés. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Dino Cinieri.

M. Dino Cinieri. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, depuis 2008, les armateurs de navires français bénéficient de la protection de la Marine nationale pour prévenir les risques d’attaques de pirates.

Mais nos militaires n’ont pas le don d’ubiquité et ne peuvent pas, à eux seuls, assumer cette tâche à la fois considérable et indispensable.

Vous avez à juste titre rappelé, monsieur le secrétaire d’État, que plus de deux cent soixante attaques ont été recensées depuis le début de l’année 2013, et il est urgent d’agir car au niveau mondial, les conséquences sont estimées entre 5,1 et 8,7 milliards d’euros chaque année.

Votre projet de loi sur les activités privées de protection des navires prévoit par conséquent d’autoriser la présence de gardes armés à bord de navires battant pavillon français croisant dans les zones infestées de pirates. Ce texte permettra également la création d’entreprises privées de protection des navires.

Il existe deux zones d’intérêt du point de vue français : le nord-ouest de l’océan Indien au large de la Somalie et le golfe de Guinée. Dans l’océan Indien, la piraterie est un phénomène en régression notamment grâce à l’opération Atalante engagée par divers pays dont ceux de l’Union européenne : cinq attaques en 2013, dont aucune n’a réussi, contre une centaine en 2011.

La situation contraste avec celle du golfe de Guinée où une centaine d’attaques sont recensées annuellement. Si l’on ne peut parler d’une explosion du phénomène qui s’apparente souvent à du brigandage, celui-ci a néanmoins évolué. Vous dites, monsieur le secrétaire d’État, que les « zones à risques » seront soigneusement précisées et, au besoin, modifiées pour s’ajuster au déplacement de la piraterie. Mais admettez que cela s’apparente à une partie de bataille navale ou de « touché-coulé » ! À chaque fois qu’une zone sera identifiée, les pirates se déplaceront afin de pouvoir attaquer des bateaux non sécurisés.

Lors des Assises de la mer qui se sont tenues à Biarritz en novembre 2012, cette question a été abordée par le ministre de la défense qui a rappelé qu’en douze ans, compte tenu des budgets contraints, la Marine nationale est passée de 46 000 à 37 000 personnels. Elle a également perdu un navire et un aéronef sur cinq et 40 % de ses frégates.

Il s’agit donc de répondre à une demande urgente des armateurs pour combler les 25 % de la protection non assurés par la Marine nationale. L’État n’a malheureusement plus les moyens de mener seul ses prérogatives régaliennes de sécurité.

Mais, mes chers collègues, le texte que nous examinons arrive malgré tout un peu tard car le retard pris par ce débat risque de pénaliser une offre française qui arrive dans un marché déjà mature. En effet, la France est l’un des derniers États maritimes de l’Union européenne à interdire la présence de gardes privés à bord des navires battant son pavillon.

Ce temps perdu pour les armateurs et les entreprises de services de sécurité et de défense françaises désireuses de s’implanter dans ce secteur a, en revanche, largement profité aux sociétés britanniques qui dominent actuellement le marché de la protection privée des navires lequel est estimé à plusieurs milliards de dollars.

Vous estimez, monsieur le secrétaire d’État, que 400 à 500 emplois seront créés. C’est une bonne nouvelle mais il ne faudrait pas que cela soit un prétexte pour diminuer ensuite le nombre de militaires.

Nous espérons par conséquent que cette autorisation de recourir aux sociétés privées se fera en bonne complémentarité avec les actions de la marine ainsi que la mission de lutte contre la piraterie de l’Union européenne. La protection privée des navires ne doit pas être confondue avec du mercenariat et j’aimerais avoir la garantie que la volonté du Gouvernement n’est pas d’aller vers une privatisation des services liés à la sécurité et la défense. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Joaquim Pueyo.

M. Joaquim Pueyo. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, loin d’un imaginaire héroïque rendu familier par les œuvres de fiction, la piraterie maritime est toujours d’actualité et ne constitue pas un épiphénomène. Je ne répéterai pas les chiffres du rapport du Bureau maritime international pour 2013 déjà plusieurs fois cités ni ceux évoqués par Nicolas Bays lors d’une récente réunion de la commission de la défense. Je rappellerai combien les conséquences de ce phénomène sont lourdes en termes humains et financiers. Ces attaques obligent la filière à se structurer pour recourir à des services de protection relevant des marines nationales ou de services privés. Les grandes institutions internationales apportent une réponse à ce fléau, qu’il s’agisse de l’OTAN ou de l’Union européenne, qui a développé la mission Atalante. Saluons à cet égard les 1200 personnes qui y participent pour l’efficacité de l’action qu’elles mènent au large des côtes de la Somalie.

Toutefois, la piraterie persiste, se déplace. Malgré un impact certain, les forces déployées ne peuvent couvrir les aires géographiques concernées, dont l’importance complique considérablement la lutte contre la piraterie. Trois grandes zones sont ainsi recensées : l’Asie, la Corne de l’Afrique et le Golfe de Guinée. De surcroît, la piraterie n’est pas un phénomène homogène mais protéiforme, le mode opératoire et les cibles sont très variables : des larcins opportunistes commis par des pirates peu armés visant argent et objets pouvant être facilement revendus aux prises d’otages avec violences envers l’équipage et demandes de rançon en passant par des détournements de navire pour en vider les cargaisons, la marchandise la plus prisée étant les hydrocarbures, le pétrole raffiné.

Heureusement, des mesures de prévention ont efficacement enrayé ce phénomène : le respect des règles de bonne pratique de l’Organisation maritime internationale, la présence active des marines nationales dans les zones concernées et, enfin, le recours croissant à la des équipes de protection publique ou privée à bord des navires. À cet égard, il faut préciser que la présence de personnels formés, équipés et entraînés est particulièrement déterminante pour repousser une attaque. Les équipes de protection embarquées de la marine nationale française donnent satisfaction même si, comme cela a été rappelé à plusieurs reprises, les délais d’obtention des accords diplomatiques conduisent à un refus dans 30 % des cas. Ces contraintes font que les armateurs ne font pas systématiquement appel aux EPE. Les chiffres officiels sous-estiment ainsi leurs besoins, qui seraient deux fois plus élevés dans des conditions optimales.

La marine nationale ne peut pas y répondre et le recours à des activités privées de protection des navires paraît, dès lors, indispensable, eu égard aux enjeux humains et financiers. Le texte que nous examinons réglemente strictement cette nouvelle activité commerciale. Les entreprises intéressées devront produire une « certification attestant de la qualité de leurs pratiques professionnelles », sujet qui a constitué l’un des enjeux des discussions au sein de la commission de la défense. Un haut niveau de garantie est ainsi offert : les agents titulaires d’une carte professionnelle ne seront ni des forces spéciales, ni des mercenaires, ils devront être clairement distingués des forces armées publiques avec lesquelles ils agiront en complémentarité. Le rôle du Conseil national des activités privées de sécurité sera à cet égard déterminant pour la crédibilité de la mise en œuvre du dispositif législatif.

Sur le plan du commerce et de l’emploi, ce texte pourrait également permettre de renforcer l’attractivité du pavillon français car la position de la France se distingue dans ce domaine. La plupart des pays de l’Union européenne ayant légalisé les activités de protection privée des navires, le marché est actuellement occupé par des sociétés d’origine anglo-saxonnes. Cette légalisation permettra le développement d’entreprises françaises et offrira l’opportunité d’une seconde carrière à des militaires en fin de contrat – encore aujourd’hui, j’ai eu des témoignages de l’intérêt que certains d’entre eux portent à ce texte. Enfin, je pense qu’une fois la loi mise en œuvre, il sera bon de mener une évaluation placée sous le contrôle du Parlement.

Pour toutes ces raisons, je soutiens ce texte équilibré qui participera à la lutte contre ce fléau, contribuera au renforcement de la compétitivité du pavillon français dans la convergence avec nos partenaires européens. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme Catherine Quéré.

Mme Catherine Quéré. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission du développement durable, monsieur le rapporteur, madame et monsieur les rapporteurs pour avis, chers collègues, mon propos sera bref : de nombreux arguments ont déjà été exposés et le consensus semble se faire autour de ce projet de loi, texte clair, concret et applicable quasiment en l’état. L’enjeu en est aisément palpable. Assurer la sécurité des navires sous pavillon français pour renforcer la compétitivité des entreprises françaises dans ce secteur est primordial. Ce quasi-consensus, nous le devons au travail et à la pédagogie de notre rapporteur Arnaud Leroy, auquel je tiens à rendre hommage. Lorsqu’il a commencé les auditions et qu’il m’a parlé de pirates, je vous avouerai que mon intérêt ne s’est pas porté naturellement sur ce sujet. Mais après le brillant rapport qu’il a rédigé et la mise en perspective qu’il a établie, j’ai compris la nécessité et l’urgence de légiférer.

Il a su éveiller notre intérêt pour ce projet de loi. La piraterie est un véritable fléau de la fin du XXsiècle et du début du XXIsiècle. Elle s’attaque aux navires, retient en otage des équipages, exige des rançons, torture et tue les victimes. Elle constitue une menace majeure pour nos économies modernes, une menace pour le commerce maritime international et la sécurité des approvisionnements, particulièrement pour les navires sous pavillon français. Rappelons que 90 % du transport des marchandises au niveau mondial se fait par voie maritime. Pour les armateurs, le coût de la piraterie s’élève à près de 9 milliards d’euros par an.

La piraterie est aussi une menace pour les humanistes car elle est la conséquence malheureuse et criminelle de l’évolution du monde, de la mondialisation et des déséquilibres croissants entre le nord et le sud, entre les pays industrialisés et les pays les plus pauvres. Car, dans la grande majorité des cas, c’est bien la pauvreté et la faiblesse de la puissance publique qui incitent à agir tous ceux qui décident de porter atteinte aux navires et à leurs personnels.

La réponse juridique française n’était pas totalement satisfaisante jusqu’ici ; elle n’était pas suffisante. La réponse des États et les aménagements consentis par les armateurs ont permis une mise en échec des actes pirateries mais à un coût significatif pour l’économie maritime internationale. En outre, les armateurs de notre pays devaient faire face à une contrainte difficile à gérer : la loi française n’autorise qu’une protection exercée par l’autorité publique alors même que nos principaux partenaires et concurrents admettent le recours à des protections privées plus souples et moins coûteuses. Il en allait donc de la protection des personnes et de l’attractivité du pavillon français.

La France est l’un des derniers grands États maritimes de l’Union européenne à ne pas avoir adopté de législation spécifique portant sur le recours à des entreprises privées de protection des navires. Cette exception française prend fin ce soir grâce au travail du rapporteur, qui a su combler un vide juridique et renforcer le caractère immédiatement opérationnel du dispositif. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Gilbert Le Bris.

M. Gilbert Le Bris. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, pensons-nous possible d’assurer la surveillance et la protection de notre pays, de notre hexagone, avec ses 550 000 kilomètres carrés, grâce à une quinzaine de voitures de police ? Non, bien sûr ! Même si comparaison n’est pas toujours raison, c’est à peu près la mission qui incombe à la force Atalante et aux quelques navires militaires de la communauté internationale dans l’Océan indien, océan dangereux.

Pourtant le travail effectué par nos bâtiments de guerre et avions de reconnaissance est remarquable. Il a permis de quasiment éradiquer le drame de la piraterie dans ce secteur de notre planète. La vérité oblige à dire que les gardes privés à bord des navires marchands et les équipes de protection embarquées, les EPE, à bord de nos bateaux de pêche ou spécialisés ont largement contribué à cette réaction nécessaire et efficace.

Les EPE de la marine nationale ont montré toutes leurs compétences depuis juillet 2009 à bord des thoniers senneurs français. Isolés en plein océan, bas sur l’eau, quasiment statiques pendant la phase de ramassage du filet, ces navires – je les connais car ils sont de Concarneau – constituaient des proies faciles pour les pirates somaliens. Or pas un n’a été victime de piratage : les commandos et fusiliers commandos à bord ont bien veillé au grain.

Bien sûr, l’idéal serait que chaque navire battant pavillon français puisse bénéficier d’une telle protection, mais l’on sait que cela n’est pas possible car la totalité de nos effectifs n’y suffiraient pas.

Le recours à la sécurité privée est donc la solution la mieux adaptée à la situation et l’on peut estimer que désormais, plus du tiers des navires de commerce l’emploient dans les secteurs dangereux. Un véritable secteur économique de la protection maritime s’est donc développé mais, en France – et c’est un euphémisme de le dire –, ce type d’activité n’a jamais été encouragé par l’État.

Dans le domaine de la piraterie, les entreprises françaises, qui n’ont pas le droit d’embarquer des équipes armées sur les bateaux, se font doubler par les Anglo-saxons. Dans leur rapport d’information de février 2012, Christian Ménard et Jean-Claude Viollet tiraient la conclusion suivante : « Les armateurs, longtemps hostiles à la présence de gardes armés pour la protection contre la piraterie maritime y sont désormais favorables. Les rapporteurs considèrent qu’il est crucial d’organiser le secteur. Cela suppose tout d’abord de légiférer afin de définir clairement un ensemble d’activités autorisées par la loi. Il pourra en découler un système d’agrément des sociétés et des employés à même de clarifier et d’assainir le marché. Cette démarche relève désormais de l’urgence alors que le monde avance sans attendre la France. » Quelle lucidité de la part de nos anciens collègues à qui je veux ici rendre hommage : ils n’ont jamais varié dans leur approche et ont été, avec d’autres, les précurseurs du texte qui nous est soumis aujourd’hui.

Ce projet de loi est indispensable, opportun et bénéfique. Pourquoi ?

D’abord, parce que la maritimisation, c’est-à-dire l’importance croissante de la mer dans les échanges et dans la vie des peuples, est une donnée contemporaine et pérenne. On l’a dit, 90 % des échanges mondiaux – en termes de tonnage et non de valeur – sont désormais effectués par voie de mer ; 30 000 navires transitent annuellement par les lignes de communication maritime reliant l’Asie et l’Europe. C’est dire que les activités de piraterie, très anciennes, ne sont pas près de connaître un terme. Bien sûr, nous n’en sommes plus au temps de la tête de mort et des os croisés sur fond noir du pavillon des pirates des Caraïbes, mais comme le montrait Jack Lang dans le rapport qu’il a rédigé pour l’ONU, on assiste à un triple phénomène en la matière : l’amplification, l’intensification de la violence et la sophistication du mode opératoire.

Il a fallu réagir et cela a été bien fait par les forces militaires tant à l’échelle de l’Europe que de l’OTAN ou des pays d’Asie.

Il a fallu adapter le droit et cela a été fait internationalement : document de Montreux du 17 septembre 2008, code de conduite adopté à Genève le 9 novembre 2010, recommandation de la Commission européenne du 11 mars 2010, circulaire de l’Organisation maritime internationale du 25 mai 2012 et loi française du 5 janvier 2011 sur la lutte contre la piraterie.

Ce texte apporte aujourd’hui un complément nécessaire : agrément, labellisation officielle, utilisation du savoir-faire de nos anciens militaires. Notre pays a tout à gagner à l’adoption de ce projet de loi. Bien sûr, des précisions seront nécessaires, et j’ai en particulier mentionné à la commission de la défense le rapport à établir entre la notion juridique individuelle de légitime défense et son élargissement nécessaire à la défense de tout un équipage. Mais retenons surtout, chers collègues, que cette avancée législative est particulièrement bienvenue ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Nicolas Bays, rapporteur pour avis. Exactement !

M. le président. La discussion générale est close.

Discussion des articles

M. le président. J’appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles du projet de loi.

Article 1er

M. le président. La parole est à M. Guillaume Chevrollier, inscrit sur l’article 1er.

M. Guillaume Chevrollier. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, chers collègues, ce projet de loi relatif aux activités privées de protection des navires, très attendu par les professionnels concernés, a tardé à venir. Il répond à une nécessité du fait du développement préoccupant de la piraterie, de l’incapacité de notre marine nationale à répondre aux besoins de sécurité de tous nos navires et de leurs équipages ainsi que des mesures déjà adoptées par d’autres pays. Ce projet de loi est donc bienvenu, même si l’on peut s’inquiéter de la définition par décret des zones de piraterie : n’est-ce pas une procédure trop lourde et inadaptée quand les pirates peuvent se déplacer rapidement d’une zone à l’autre, ainsi qu’on peut le constater actuellement avec le développement de la piraterie dans le golfe de Guinée ?

Par ailleurs, nous devons veiller à ne pas imposer un encadrement trop strict et trop contraignant de l’activité privée de protection des navires. Le choix du nombre de gardes privés doit relever de la responsabilité de l’armateur, qui doit analyser les risques. Notre but doit être de défendre la compétitivité du pavillon français et du transport maritime, afin de les aider à gagner des parts de marché. Ce texte est une des conditions nécessaires ; il faudra veiller à ce que l’application des décrets n’intervienne pas trop tardivement, risque réel quand on connaît la réserve des ministères régaliens sur ce sujet.

M. Charles de La Verpillière. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Arnaud Leroy, rapporteur, pour soutenir l’amendement n31.

M. Arnaud Leroy, rapporteur. Amendement rédactionnel.

(L’amendement n31, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

(L’article 1er, amendé, est adopté.)

Articles 2 à 8

(Les articles 2, 3, 4, 5, 6, 7 et 8 sont successivement adoptés.)

Article 9

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État, pour soutenir l’amendement n39.

M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d’État. Dans le projet de loi initial, il est prévu que les documents contractuels et publicitaires émis par les sociétés privées de protection des navires ne peuvent faire état de la qualité d’ancien fonctionnaire de police ou d’ancien militaire que pourrait avoir l’un des dirigeants ou agents de l’entreprise. Cette disposition reprend les termes du code de la sécurité intérieure relatif aux entreprises exerçant des activités privées de surveillance et de gardiennage, de transport de fonds et de protection physique des personnes.

Il est en effet nécessaire pour le Gouvernement, et c’est l’objet du présent amendement, de maintenir une distinction sans ambiguïté entre ce qui relève des prérogatives de la sécurité publique et le champ des activités privées de sécurité, afin d’éviter par le biais d’un affichage des fonctions précédemment exercées au nom de l’État de faire naître une confusion. Le caractère particulier de l’activité privée de protection physique des navires exige que toute précaution soit prise pour éviter cette confusion avec l’action publique, ce pour quoi nous soumettons à votre approbation le présent amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Arnaud Leroy, rapporteur. Nous touchons à l’une des difficultés que nous avions identifiées en commission du développement durable, nous conduisant à adopter une démarche inverse. Différents orateurs ont évoqué l’émergence d’un marché de services de gardes armés à bord de navires : dans un contexte de concurrence internationale, les sociétés françaises entreront en compétition avec des sociétés britanniques, israéliennes, sud-africaines ou encore nord-américaines. Dans l’ensemble des pays concernés, on est autorisé à mettre en avant sa qualité d’ancien amiral, d’ancien membre des SWAT, des Navy SEALs et j’en passe. La commission du développement durable s’est donc prononcée en faveur d’un alignement sur les conditions de compétition du marché international. Rappelons en effet cet élément fondamental du transport maritime : en dépit de notre pavillon français, nous sommes confrontés à une concurrence féroce dans l’ensemble des secteurs de ce marché international.

M. Martial Saddier. Vous avez raison !

M. Arnaud Leroy, rapporteur. J’entends, monsieur le secrétaire d’État, vos références au code de sécurité intérieure : nous avons évoqué ces difficultés lors de réunions pour tenter de trouver un compromis.

M. Martial Saddier. Ne vous laissez pas influencer, monsieur le rapporteur !

M. Arnaud Leroy, rapporteur. Ne vous inquiétez pas, monsieur Saddier : j’ai étudié la question !

M. Martial Saddier. Je vous fais confiance !

M. Arnaud Leroy, rapporteur. Je vous indique, monsieur le secrétaire d’État, que je donnerai un avis favorable à votre amendement.

M. Martial Saddier. Patatras !

M. Arnaud Leroy, rapporteur. J’aimerais cependant que vous travailliez en concertation avec l’ensemble des députés, principalement ceux appartenant à la commission de la défense, celle-ci ayant un intérêt particulier à trouver un débouché potentiel pour les marins commandos français ou encore pour certains anciens militaires intéressés par ce secteur, qui ont des atouts à faire valoir. Il faut savoir que beaucoup de Français participent déjà à cette activité dans des sociétés immatriculées dans d’autres États.

Je souhaite donc que nous trouvions, dans le cadre des textes réglementaires qui suivront, la flexibilité nécessaire et la possibilité d’organiser une publicité permettant à terme d’éviter au maximum une concurrence déloyale à l’encontre de nos sociétés sur ces marchés.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission de la défense.

M. Nicolas Bays, rapporteur pour avis. Monsieur le secrétaire d’État, la commission de la défense, dans son ensemble, s’est interrogée sur la pertinence de cette disposition dans la mesure où l’appartenance passée aux forces de police ou aux forces armées constitue non seulement un argument commercial non négligeable, mais également une garantie de professionnalisme a priori pour le client.

M. Martial Saddier. Très juste !

M. Nicolas Bays, rapporteur pour avis. En outre, une telle interdiction créerait un handicap de compétitivité pour nos entreprises nationales par rapport à la concurrence, notamment anglo-saxonne.

M. Martial Saddier. Excellent !

M. Nicolas Bays, rapporteur pour avis. Les armateurs qui se retournent vers les sociétés privées savent très bien à qui ils s’adressent : aucune confusion ne sera donc possible, d’autant qu’une telle appartenance, un tel passé militaire sont généralement connus ou peuvent du moins aisément l’être. C’est pourquoi, au nom de la commission de la défense, je souhaiterais que le Gouvernement s’en remette à la sagesse de l’Assemblée nationale.

M. Joaquim Pueyo. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure pour avis de la commission des lois.

Mme Anne-Yvonne Le Dain, rapporteure pour avis. J’abonde dans le sens de mes collègues rapporteurs et j’ajoute, au nom de la commission des lois, deux autres arguments. Tout d’abord, par cette disposition, on limiterait une telle restriction aux seuls fonctionnaires de police et de gendarmerie, puisqu’elle ne serait pas appliquée aux fonctionnaires des douanes, des ERIS – Équipes Régionales d’Intervention et de Sécurité – et de l’administration pénitentiaire, pourtant autorisés dans le cadre de leur profession à porter les armes. On créerait ainsi une distorsion au sein même de l’administration publique.

Ensuite, la plupart des militaires, une fois à la retraite, continuent de fait à être appelés « mon Lieutenant », « mon Général » ou « mon Amiral ». C’est un fait, c’est une pratique, c’est une coutume : amiral un jour, amiral toujours ! Ne pas leur permettre de faire état de leur ancienne qualité entre donc en contradiction avec la réalité.

Enfin, je tiens à souligner que les clients de ces entreprises de sécurité très particulières, amenées à monter à bord, seront des armateurs. Or les armateurs sont des gens avertis, concernés, qui investissent des fonds importants dans les navires, dans la marchandise : ils sont donc parfaitement formés et informés, tout comme les capitaines des navires. Mais ce n’est pas le cas pour les sociétés de gardiennage ou de sécurité, qui peuvent être embauchées ici ou là pour protéger une fête foraine, une foire : leur situation est très différente car la clientèle n’est pas la même.

J’ai donc tendance à considérer qu’interdire à des fonctionnaires de police ou de gendarmerie de faire état, une fois à la retraite, de la formation, de la compétence et du professionnalisme de nos armées et de notre police serait un grand dommage, d’autant plus que cela est pratiqué dans le reste du monde. Nous défendons certes le pavillon français, mais nous défendons aussi les hommes et les femmes de France compétents et talentueux.

M. Martial Saddier. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Martial Saddier.

M. Martial Saddier. Monsieur le secrétaire d’État, depuis vingt et une heures trente, un très large consensus, pour ne pas dire une unanimité, règne sur tous les bancs de cet hémicycle : vous ne pouvez pas prendre la responsabilité, dès le premier amendement présenté par le Gouvernement, de briser ce consensus ! Vous ne pouvez pas rester insensible à l’appel de Mme et MM. les rapporteurs ! Et si cela ne devait pas suffire, je me joins, au nom des députés UMP, à cet appel : de cette façon, vous ne pourrez définitivement pas demeurer insensible à ce large consensus !

M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d’État. Je ne suis jamais insensible !

M. Martial Saddier. Je ne reviendrai pas sur la réalité et l’horreur de ce dont nous parlons ce soir, même si ces faits se produisent à des milliers de kilomètres de cet hémicycle et des foyers des Françaises et des Français qui nous regardent ou qui liront sur internet le compte rendu de nos travaux. On ne peut pas ignorer la réalité internationale : d’autres pays avant nous ont pris des initiatives pour épauler les armateurs et les familles confrontés à ce type de drames inqualifiables. Je crois que l’on ne peut pas rester insensible aux arguments développés par les uns et les autres. J’ai moi même rappelé au cours de la discussion générale que s’assurer la collaboration d’anciens professionnels qui, dans leur précédent métier, ont fait usage d’armes et ont été confrontés à pareilles situations, constituait un gage de sécurité et de professionnalisme. Dans tous les autres pays, les parlements confrontés à la même situation ont ouvert – c’est le bon sens – le droit à ceux qui montent sur les bateaux pour protéger les femmes et les hommes, pour protéger les biens et les personnes, de faire référence aux qualités professionnelles acquises dans leur précédent métier.

Monsieur le secrétaire d’État, nous en avons débattu en commission de la défense, en commission des affaires étrangères et en commission du développement durable, saisie au fond : sur ce point, il y a eu unanimité des députés au sein de ces commissions, tout comme, vous l’avez compris, il y a unanimité sur les bancs de l’hémicycle. Si l’on peut comprendre l’amendement du Gouvernement, je pense que l’appel à la sagesse de l’Assemblée, et même l’appel au rejet de votre amendement, est soutenu sur tous les bancs. Je ne peux pas croire que le premier amendement gouvernemental sera celui qui brise le consensus d’une soirée qui se présentait si bien, dans le respect des femmes et des hommes présents sur ces navires, du pavillon français et du transport maritime.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d’État. Tout d’abord, je veux rassurer Martial Saddier : nous avons déjà voté plusieurs articles. L’unanimité règne donc ! Nous devons simplement améliorer le texte et prendre en compte certaines situations juridiques. J’ai bien entendu que vous faisiez référence à l’ensemble des pays disposant d’un corpus législatif s’appliquant à pareille situation ; mais nous sommes la France, et la France est régie par la loi de 1994 relative à la lutte contre la piraterie et aux modalités de l’exercice par l’État de ses pouvoirs de police en mer. Nous devons donc veiller, par référence à cette loi, à ne pas créer de contradiction entre les statuts.

J’entends toutefois votre appel à la sagesse ; je m’appuierai donc sur l’ouverture proposée par Arnaud Leroy concernant la nécessité d’apporter des précisions dans le cadre des dispositions réglementaires qui pourront être adoptées. Mais il est clair, pour répondre à Mme la rapporteure, que nous traitons de situations et de métiers qui ne sont pas les mêmes : l’ambiguïté peut exister pour la police et la gendarmerie, contrairement à d’autres fonctionnaires, notamment aux douaniers. Il ne s’agit pas de remettre en cause leur professionnalisme, mais simplement d’éviter qu’il ne soit tiré profit, à des fins commerciales, d’une activité antérieure au service de l’État.

Pour autant, comme cela a bien été précisé, la référence, dans les documents contractuels, à la qualification, au savoir-faire, à l’expérience professionnelle est non seulement autorisée mais quasiment obligatoire.

Afin de poursuivre nos débats dans ce climat serein, avec la volonté de construire ensemble ce dispositif, il serait bon que les députés entendent la nécessité d’avoir une loi parfaite. Pour cela, nous devons prendre en compte la loi de 1994 et poursuivre dans la voie que vous avez indiquée, monsieur le rapporteur, à savoir préciser les choses dans le cadre des textes réglementaires à venir.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Arnaud Leroy, rapporteur. Je dois avouer que j’ai adopté une position de repli, et je l’assume, pour essayer d’avancer et de trouver un compromis, en comprenant les obligations de M. le secrétaire d’État.

Soyons pratiques. Je pense que les armateurs choisiront des équipes de gardes armés professionnels, qui disposent de diplômes et surtout d’une expérience. Dans le recrutement de certains équipages techniques, il est fait toujours référence à l’expérience des personnels sur certains postes à bord du navire. Nous parlons ici de documents publicitaires. Nous devons être clairs sur le type de document dont il s’agit : il ne faut pas exclure la possibilité de mettre en avant, une fois que la relation contractuelle a débuté, les compétences et les grades, si nécessaire, des personnes qui seront recrutées.

M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d’État. Merci, monsieur le rapporteur !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n39.

Mes chers collègues, je vous demande de lever la main si vous êtes pour…

(L’amendement n39 est adopté.)

(L’article 9, amendé, est adopté.)

Article 10

(L’article 10 est adopté.)

Après l’article 10

M. le président. La parole est à M. Nicolas Bays, rapporteur pour avis de la commission de la défense, pour soutenir l’amendement n27 rectifié, portant article additionnel après l’article 10.

M. Nicolas Bays, rapporteur pour avis. Le présent amendement reprend le dispositif d’un amendement adopté par la commission de la défense qui soumet les entreprises privées de la protection des navires à la contribution sur les activités privées de sécurité, laquelle alimente le budget du Conseil national des activités privées de sécurité, le CNAPS. De ce fait, il poursuit deux objectifs : garantir au CNAPS les moyens nécessaires à l’accomplissement des nouvelles missions qui lui sont confiées par le projet de loi et assurer l’équité fiscale entre toutes les sociétés dont l’activité est régulée par cet organisme.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Arnaud Leroy, rapporteur. Certes, cet amendement est intéressant (Sourires). Toutefois, je propose au rapporteur pour avis de la commission de la défense de déposer à nouveau cet amendement lors de l’examen du projet de loi de finances rectificative. Qu’il se rassure : je resterai dans l’hémicycle jusqu’à ce que l’amendement soit appelé, à quatre ou cinq heures du matin s’il le faut !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d’État. Si la disposition que propose le rapporteur pour avis devait être adoptée, elle ne pourrait l’être que dans le cadre d’un projet de loi de finances. Aussi, je ne peux qu’émettre un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission de la défense.

M. Nicolas Bays, rapporteur pour avis. Après les explications du rapporteur et du secrétaire d’État et dans le souci que perdure la bonne ambiance qui règne ici ce soir, je retire l’amendement.

(L’amendement n27 rectifié est retiré.)

Article 11

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure pour avis de la commission des lois, pour soutenir l’amendement n32.

Mme Anne-Yvonne Le Dain, rapporteure pour avis. Cet amendement prévoit que la qualification professionnelle soit validée par un titre, fût-il acquis dans le cadre de la validation des acquis de l’expérience.

La notion de titre nous paraît tout à fait essentielle et importante. Cela permettrait d’éviter de s’en remettre, un jour, à une commission pour décider si, dans le détroit de Malacca ou en Somalie, des personnes peuvent être reconnues aptes à lutter contre la piraterie. J’ajoute qu’en France, il y a des gens qui se donnent le mal d’acquérir des diplômes et que nous enverrions ainsi un signal à cette jeunesse qui a du courage.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Arnaud Leroy, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d’État. Défavorable. Le fait de créer des titres conduirait à une procédure extrêmement complexe et chronophage puisqu’il faudrait les enregistrer dans le répertoire national des certifications professionnelles après instruction et avis de la Commission nationale de la certification professionnelle. Or, il est nécessaire d’agir avec célérité et dans l’urgence compte tenu de la matière qui nous occupe.

Aussi, madame la rapporteure pour avis, je vous demande de bien vouloir retirer cet amendement. À défaut, j’émets un avis défavorable.

Mme Anne-Yvonne Le Dain, rapporteure pour avis. Je le retire !

(L’amendement n32 est retiré.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État, pour soutenir l’amendement n38.

M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d’État. L’article 11 prévoit la possibilité pour le représentant de l’État dans le département du siège de l’entreprise de retirer, pour des motifs d’ordre public, l’agrément délivré par le Conseil national des activités privées de sécurité. Or la désignation de l’autorité de l’État territorialement compétente relève du domaine réglementaire. Le présent amendement a donc pour objet de laisser au pouvoir réglementaire le soin de désigner l’autorité compétente.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Arnaud Leroy, rapporteur. Favorable.

(L’amendement n38 est adopté.)

(L’article 11, amendé, est adopté.)

Article 12

M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n3.

M. Arnaud Leroy, rapporteur. C’est un amendement rédactionnel.

(L’amendement n3, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

(L’article 12, amendé, est adopté.)

Article 13

M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n2.

M. Arnaud Leroy, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de coordination avec ce que nous avons adopté en commission.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d’État. Favorable.

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure pour avis de la commission des lois.

Mme Anne-Yvonne Le Dain, rapporteure pour avis. Je souhaite remercier le Gouvernement d’avoir retiré toute référence au fait qu’une une seule commission, celle d’Île-de-France, aurait été autorisée à statuer pour donner à des entreprises l’autorisation d’exercer dans le domaine de la protection maritime. Cela aurait en effet très fortement incité les entreprises en question à avoir leur siège en Île-de-France alors qu’à l’évidence, il est possible qu’elles soient situées dans le Nord-Pas-de-Calais, en Bretagne, en Languedoc-Roussillon, en Rhône-Alpes – le long d’un grand fleuve –, voire en Aquitaine, monsieur le rapporteur. Voilà un geste élégant et bienvenu pour l’économie de nos provinces !

(L’amendement n2 est adopté.)

(L’article 13, amendé, est adopté.)

Articles 14 à 17

(Les articles 14, 15, 16 et 17 sont successivement adoptés.)

Article 18

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État, pour soutenir l’amendement n40.

M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d’État. Monsieur le président, si vous m’y autorisez, je présenterai également les amendements nos 47 et 48.

M. le président. Je vous en prie, monsieur le secrétaire d’État.

M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d’État. Le Gouvernement, soucieux de la sérénité et du consensus qui règnent ce soir dans cet hémicycle,…

M. Martial Saddier. Pas sur l’amendement n39 !

M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d’État. …souhaité, après avoir entendu les interventions précises des rapporteurs et des députés, en particulier celle de M. Saddier, soumettre à votre vote les amendements nos 40, 47 et 48 qui visent à reformuler les alinéas relatifs aux zones dans lesquelles l’exercice de l’activité est autorisé. Vos remarques ont en effet porté sur la nécessité de pouvoir faire évoluer rapidement le zonage, de disposer d’un comité susceptible d’alerter le Gouvernement sur l’intérêt de modifier ce zonage. Aussi, afin d’assurer une meilleure réactivité concernant l’évolution du zonage, nous semble-t-il préférable que les zones soient définies par un arrêté du Premier ministre et non par un décret, comme cela était proposé initialement.

Dans le même esprit, il s’agit de reformuler le rôle du comité pour le concentrer sur un rôle d’alerte du Gouvernement en cas d’évolution de la menace. Ainsi, ce comité pourra se saisir de la nécessité de modifier le zonage et formuler une recommandation au Premier ministre.

M. Martial Saddier. Il manque les délais !

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur les amendements nos 40, 47 et 48 ?

M. Arnaud Leroy, rapporteur. Favorable, avec un grand « F ».

En commission, nous avons mis l’accent sur la nécessité de favoriser la réactivité en évitant la complexité d’une procédure trop lourde telle que le recours un décret. Nous soutenons donc ces amendements, et j’espère, monsieur le secrétaire d’État, que vous pourrez compter sur le soutien du SG-Mer, placé auprès du Premier ministre.

Afin de rassurer M. Saddier, j’en viens à la question du délai.

M. Martial Saddier. Je suis impatient ! (Sourires.)

M. Arnaud Leroy, rapporteur. J’avais pris moi-même l’engagement, devant la commission du développement durable, de proposer un mécanisme réactif en termes de délais. Je vous soumettrai donc dans quelques instants l’amendement n56, qui s’inscrit dans la logique de cet article en permettant au comité de se réunir dans les quinze jours suivant la demande d’un de ses membres.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission de la défense.

M. Nicolas Bays, rapporteur pour avis. Monsieur le secrétaire d’État, je suis particulièrement favorable à l’amendement n40 permettant de définir les zones à risques par arrêté du Premier ministre et non par décret. Il introduit un élément de souplesse bienvenu qui garantira la réactivité nécessaire quant à la définition des zones dangereuses.

Toutefois, je formulerai deux observations.

Premièrement, les menaces sont extrêmement mobiles. Par conséquent, il serait souhaitable que le futur arrêté du Premier ministre ne définisse pas de manière trop stricte les zones à risque.

Pourrait-on envisager d’étendre le périmètre des zones dangereuses connues à une étendue couvrant l’équivalent d’un, deux ou trois jours de navigation supplémentaires ? Ceci permettrait aux navires d’assurer leur protection pendant encore quelques milles après la sortie de la zone à risques, afin de s’assurer que toute menace est effectivement écartée. Un tel prolongement aurait la vertu de limiter les « effets de bord » inhérents à un zonage trop strict.

La seconde observation a trait aux types de navires susceptibles d’embarquer des gardes privés. Il faudra, là aussi, que le décret prévu à l’alinéa 6 définisse un champ relativement large. Nous connaissons les navires qui forment les cibles traditionnelles des attaques : pétroliers à pleine charge, câbliers, navires de pêche, bâtiments de recherche sismique par exemple. Mais ne faudrait-il pas que les navires relevant de l’activité de grande plaisance soient également éligibles au dispositif ? La référence à l’activité commerciale menée permettrait de couvrir toutes les catégories de bâtiments pertinentes.

M. le président. La parole est à M. Martial Saddier.

M. Martial Saddier. Monsieur le président, même si la soirée se déroule bien, je veux dire à mes collègues de la majorité que nous reviendrons au cours de la navette sur les dispositions de l’amendement n39. On a bien vu qu’il vous a fallu réveiller leurs bras ankylosés pour qu’il soit adopté. Bien entendu, je ne remets pas en cause la présidence ; je ne l’ai jamais fait et je ne le ferai jamais.

Étant acteur, avec de nombreux collègues de l’UMP, de ce consensus général, je ne voudrais pas gâcher la suite de nos travaux.

S’agissant des amendements nos 40, 47, 48 et 56, nous sommes extrêmement favorables à ce que le zonage ne soit plus défini par décret. Le Gouvernement a été sensible aux remarques formulées par les députés des trois commissions concernées sur la nécessité d’introduire de la souplesse dans le dispositif.

Les armateurs demandent que la République française puisse être évolutive.

Par ailleurs, je remercie particulièrement le président de la commission et le rapporteur qui, une fois de plus, ont tenu parole. Très modestement, comme je le fais à chaque fois, j’étais intervenu pour demander de la réactivité. J’avais demandé un délai de trois mois. Le président de la commission et le rapporteur s’étaient engagés à faire une proposition dans l’hémicycle : là où je demandais trois mois, ils proposent quinze jours. Je ne peux que saluer la parole tenue, en souhaitant vivement que, d’un même élan, l’ensemble des bras s’élèvent à l’appel du président de séance.

(L’amendement n40 est adopté.)

(L’amendement n47 est adopté.)

(L’amendement n48 est adopté et l’amendement ntombe.)

M. le président. Nous en venons à l’amendement n56, qui a été présenté par M. le rapporteur.

(L’amendement n56, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

(L’article 18, amendé, est adopté.)

Article 19

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État, pour soutenir l’amendement n41.

M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d’État. Je présenterai en même temps les amendements n41 et 49 du Gouvernement, qui visent à introduire un nombre plancher d’agents correspondant au minimum incompressible pour garantir la protection efficace d’un navire.

Le projet de loi présenté en Conseil des ministres prévoyait de renvoyer à un décret la fixation de ce seuil. Le rapporteur a modifié le texte, préférant au décret la fixation du nombre minimal en fonction d’une analyse de risque. Je souhaite, pour la crédibilité et la solidité du dispositif, inscrire dans la loi un nombre minimum d’agents, en conformité avec les recommandations communément admises au niveau international. Craignant qu’une protection limitée à deux agents ne soit insuffisante, je souhaite fixer leur nombre à trois. Je sais que cette position est partagée par la commission de la défense, puisqu’un amendement a été adopté en ce sens.

M. Philippe Folliot. Eh oui ! Très bien !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Arnaud Leroy, rapporteur. Avis favorable.

M. le président. La parole est à M. Martial Saddier.

M. Martial Saddier. Monsieur le ministre, depuis le début de la séance, vous avez fait preuve avec la majorité d’une certaine souplesse. Vous êtes revenu sur certaines dispositions du projet initial pour donner plus de liberté. Je voudrais signaler que les professionnels semblent plutôt favorables à ce que le nombre minimum d’agents présents sur bateau résulte d’une concertation entre les différents acteurs.

M. Nicolas Bays, rapporteur pour avis. Ce n’est pas vrai !

M. Martial Saddier. Je tenais juste à le souligner, de manière à ce qu’avant les navettes, nous puissions étudier ce point avec les professionnels.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Arnaud Leroy, rapporteur. Il faut voir la fixation d’un nombre minimal comme une réponse aux professionnels, aux associations de chargeurs et d’armateurs européens. Je pense à nos collègues d’Europe du nord qui éditent souvent des recommandations. Il y a un vrai débat sur le nombre minimal et celui de trois revient souvent. J’entends cela, comme j’entends l’exigence de souplesse dont vous parliez. L’analyse de risque est maintenue : nous avons ce plancher, mais l’armateur a la possibilité de dire quel est le nombre suffisant, avec la société privée de gardes armés. Cette possibilité de sur-mesures existe. Nous avons nous, en tant que législateurs élaborant une loi pour le pavillon français, l’obligation de nous assurer que les conditions de sécurité minimales sont respectées.

Suite à mes discussions avec Nicolas Bays et avec certains militaires, je pense que nous avons raison de vouloir fixer le minimum à trois pour assurer une présence minimale sur les différentes parties du navire.

Je tiens à préciser qu’il est hors de question, dans la loi, de soumettre un garde armé à l’obligation d’assurer un quart. Il faut que nous soyons précis : les gardes armés, à bord, ne feront pas de quart. Leur nombre ne doit donc pas obéir à des possibilités de rotation.

(L’amendement n41 est adopté.)

M. le président. Je suis de deux amendements, nos 28 et 49, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Nicolas Bays, rapporteur pour avis, pour soutenir l’amendement n28.

M. Nicolas Bays, rapporteur pour avis. Cet amendement reprend le dispositif d’un amendement adopté par la commission de la défense à l’unanimité. Il réintroduit, en le complétant, l’article 19 tel qu’il était initialement rédigé. Il vise à fixer à trois le nombre minimal d’agents susceptibles de composer une équipe privée de protection. Il s’agit d’éviter, pour des raisons de coût notamment, tout sous-dimensionnement de l’équipe. Ce plancher semble en effet constituer le minimum incompressible permettant d’assurer la protection efficace d’un navire en toutes circonstances. Il s’agit non seulement de garantir la sécurité des personnes et des biens, mais aussi celle des agents privés de protection. En deçà de ce seuil, il suffirait d’une arme enrayée, ou d’un blessé au sein de l’équipe de sécurité, pour réduire à néant la protection du navire, si celui-ci était attaqué sur ses deux bords. Rendre obligatoire la présence d’au moins trois hommes ne permet évidemment pas d’écarter tout risque. Néanmoins, il apparaît comme le standard exigible pour réduire ce type d’aléas.

Mais je retire mon amendement au profit de l’article 49 du Gouvernement, déjà défendu.        

(L’amendement n28 est retiré.)

M. le président. Nous en venons précisément à l’amendement n49, qui a en effet été présenté par M. le secrétaire d’État.

Cet amendement fait l’objet d’un sous-amendement n53.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir et donner l’avis de la commission sur l’amendement n49.

M. Arnaud Leroy, rapporteur. En commission, j’avais expliqué que nous observions depuis un certain temps le développement de ce qu’on appelle le système de sécurité passive. Nous sommes en train de parler de compétitivité, de politique économique : certaines sociétés françaises sont en pointe dans ce domaine et cherchent à développer ce marché. Je pense qu’il est de notre responsabilité, en tant que législateurs, de valoriser et accompagner ces développements. Mon sous-amendement ne vise pas du tout à sous-dimensionner la protection du navire : c’est en sus que viendrait cette capacité.

J’entends M. le rapporteur pour avis de la commission de la défense, Nicolas Bays, parler des coûts. J’ai toujours pris pour principe qu’un armateur ne mettrait pas en danger son équipage, son navire et sa cargaison. À partir de ce postulat, nous pouvons accepter une certaine flexibilité, faire confiance et, j’espère, appuyer le développement de systèmes d’autoprotection des navires, comme équipements marins. Il ne s’agit pas du navire du futur, dont les délais sont beaucoup plus longs. Le canon à bruit et diverses techniques non létales sont intéressants et nous devrions les encourager.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur ce sous-amendement ?

M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d’État. Sagesse.

M. le président. La parole est à M. Martial Saddier.

M. Martial Saddier. J’ai entendu les arguments avancés, et je remercie les rapporteurs. Ma remarque ne vise qu’à lever une éventuelle ambiguïté. Puisqu’on parle de souplesse, et même si je n’aime pas que le Parlement se réfère aux décrets, pourquoi retirer un amendement qui prévoit un décret – ce qui apporte de la souplesse – au profit d’une rédaction rigide fixant dans la loi le nombre à trois, sans prévoir aucune possibilité de fenêtre législative qui permette de revenir sur ce nombre ultérieurement ?

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Arnaud Leroy, rapporteur. L’ambition du rapporteur pour avis de la commission de la défense était de revenir au texte initial. Il faut donc, dans ce cas, regarder l’ensemble du texte initial, qui prévoit un certain nombre de décrets, y compris sur les types de navire. Ma lecture était qu’un décret pouvait prévoir, pour un navire de telle jauge, trois agents par exemple – à l’époque, nous étions sur un minimum de quatre. Pour certains navires, le seuil montait à cinq ou six : nous perdions toute flexibilité.

Je comprends votre souci. Moi, j’ai une crainte, c’est que la multiplication des décrets soit cause d’alourdissement. Nous avons donc essayé de limiter autant que possible la référence aux décrets. Si vous êtes favorable à ce décret, je vous invite à lire l’ensemble des articles qui en prévoient parallèlement, par exemple pour le type de navire éligibles à l’embarquement de gardes armés.

C’est un ensemble et on ne peut pas regarder l’amendement de M. Bays sans examiner l’ensemble des autres articles.

(Le sous-amendement n53 est adopté.)

(L’amendement n49, sous-amendé, est adopté et l’amendement n36 tombe.)

(L’article 19, amendé, est adopté.)

Article 20

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État, pour soutenir l’amendement n42.

M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d’État. Il vise à préciser les protections dont les agents peuvent faire l’objet.

M. Martial Saddier. « Peuvent » ou « doivent » ?

M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d’État. « Doivent. »

M. Martial Saddier. Ce n’est pas une petite différence !

(L’amendement n42, accepté par la commission, est adopté.)

(L’article 20, amendé, est adopté.)

Article 21

M. le président. La parole est à M. Charles de La Verpillière.

M. Charles de La Verpillière. L’article 21 définit les conditions dans lesquelles les agents privés chargés de la protection d’un navire pourront ouvrir le feu en cas d’attaque de ce navire par des pirates.

Tel qu’il est rédigé, parce qu’il se réfère aux articles 122-5 à 122-7 du code pénal, cet article semble indiquer que l’ouverture du feu ne pourra être décidée que par chaque garde armé en particulier, estimant individuellement qu’il se trouve dans une situation de légitime défense.

La question que je souhaiterais poser au ministre est la suivante : ne conviendrait-il pas d’envisager aussi une autre hypothèse – qui s’ajouterait donc à celle d’une appréciation individuelle par les gardes armés – dans laquelle l’ouverture du feu serait commandée par le capitaine du navire ?

En effet, l’article L. 5531-1 du code des transports confère à ce dernier des pouvoirs très étendus pour assurer la sécurité du bâtiment et favoriser la bonne exécution de sa mission qui est d’arriver à bon port. Cet article précise même que le capitaine du navire est dépositaire de l’autorité publique.

On peut donc se demander s’il ne faudrait pas l’autoriser à décider lui aussi de l’ouverture ou non du feu. Encore une fois, je précise que dans mon esprit cette hypothèse n’est pas alternative mais qu’elle s’ajouterait à la faculté donnée aux gardes armés d’apprécier individuellement une situation de légitime défense justifiant l’ouverture du feu.

Ma question est donc la suivante, monsieur le ministre : pensez-vous que, tel qu’il est rédigé, l’article 21 limite vraiment l’ouverture du feu au cas où elle est décidée individuellement par les gardes armés s’estimant en état de légitime défense ou pensez-vous que cet article, éventuellement modifié, pourrait autoriser le capitaine du navire à la commander ?

M. Gilbert Le Bris. Très bonne question !

M. le président. Puisque vous avez parlé assez longuement, monsieur de La Verpillière, je vous rappelle que nous ne sommes pas dans le cadre d’une discussion générale mais d’une intervention sur un article.

Je mets donc aux voix…

M. Charles de La Verpillière. Le ministre ne me répond pas ? C’est dommage !

M. le président. Sans doute, mais il fallait intervenir dans la discussion générale, cher collègue. Je suis désolé. Cela dit, si le ministre veut répondre, je l’accepte, mais je vous rappelle les règles des interventions sur les articles.

La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d’État. En deux mots seulement.

Ce texte doit être très clair. Si le capitaine est le dépositaire de l’autorité, ce n’est pas lui qui est responsable de la sécurité. Il existe un lien contractuel – et c’est tout l’objet du texte – entre le capitaine représentant l’armateur et la société dont la mission spécifique est d’assurer la sécurité du navire.

Les capitaines et les professionnels eux-mêmes ne souhaitent pas qu’il y ait de confusion et sont extrêmement soucieux de la clarification des missions. Votre point de vue reviendrait à rendre les responsabilités respectives de chacun plus confuses.

M. Charles de La Verpillière. Au moins, c’est une réponse !

(L’article 21 est adopté.)

Article 22

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 1 et 33.

La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n1.

M. Arnaud Leroy, rapporteur. Cet amendement se situe dans la même veine que celui concernant les différents types de systèmes embarqués.

Il me semble intéressant de préciser que les armes pourraient être létales et non létales. En effet, nous disposons d’équipements permettant de neutraliser des personnes sans les blesser ni, a fortiori, les tuer. Dans des espaces réduits comme l’on en trouve à bord des navires, ces armes peuvent être intéressantes pour éviter, notamment, les dommages collatéraux.

Je le répète, si les pirates arrivent à monter à bord, les opérations se dérouleront dans des espaces très réduits comme des coursives et des ponts qui peuvent être également occupés par des membres de l’équipage. Il importe d’éviter les accidents.

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure pour avis de la commission des lois, pour soutenir l’amendement n33.

Mme Anne-Yvonne Le Dain, rapporteure pour avis. Lors de sa réunion ce mois-ci et pour les mêmes raisons, la commission des lois a soulevé ce problème.

La technologie permet aujourd’hui de disposer d’armes non létales extrêmement performantes et il ne faut pas s’en priver. Il serait bien d’affirmer, je crois, qu’elles composent l’équipement naturel et normal des personnes qui assurent la protection de nos citoyens et de nos entreprises. Il en existe de toutes sortes et de toutes natures.

Dans l’hypothèse où les pirates seraient montés à bord – ce qu’évoquait à l’instant M. Leroy – le combat se ferait au corps-à-corps. Les armes non létales peuvent constituer un instrument de sécurisation très profond puisqu’elles entraînent une neutralisation de fait.

Ces amendements, en autorisant explicitement l’utilisation d’armes létales et non létales, permettront aux entreprises de bien réfléchir à la manière dont elles protégeront tel ou tel navire dans telle ou telle circonstance et sur tel ou tel périmètre. Ensuite, c’est à l’agent, individuellement, de prendre sa décision. Nous l’avons vu tout à l’heure : c’est bien lui, en responsabilité, qui se sent en danger et qui décidera d’utiliser une arme. Cela ne se fera pas sur ordre du capitaine puisque, dans ce cas-là, la situation serait un peu compliquée, l’ordre de porter le feu ou le fer étant donné par quelqu’un qui ne serait pas forcément lui-même en danger.

Je remercie et salue le Gouvernement pour la sagesse dont il a fait preuve en décidant de rendre à l’individu la responsabilité de se protéger lui-même et, éventuellement, de porter le feu ou le fer.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur ces deux amendements identiques ?

M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d’État. Je ne suis pas favorable à une telle distinction, qui ne correspond à aucune nomenclature ni à aucun concept juridique très stable. Je propose en revanche de renvoyer cette question au décret et, donc, au règlement.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Arnaud Leroy, rapporteur. Je retire mon amendement.

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure pour avis de la commission des lois.

Mme Anne-Yvonne Le Dain, rapporteure pour avis. Je retire également le mien.

M. Nicolas Bays, rapporteur pour avis. Sage décision !

(Les amendements identiques nos 1 et 33 sont retirés.)

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure pour avis de la commission des lois, pour soutenir l’amendement n34.

Mme Anne-Yvonne Le Dain, rapporteure pour avis. Soucieuse d’éviter au maximum que les armes parlent, je propose de clarifier les circonstances dans lesquelles un homme ou une femme armés à bord a été amené à porter le feu ou le fer : la menace doit être avérée et caractérisée et il doit être démontré qu’il n’était pas possible de procéder autrement.

Aujourd’hui, la technologie le permet à travers, notamment, la fixation de caméras sur les armes, voire sur le toit du navire, pour témoigner de la réalité d’une attaque. Cela me semble particulièrement important dans l’hypothèse où il y aurait mort d’hommes ou que de graves accidents nécessitant des hospitalisations se seraient produits – n’oublions pas que nous sommes en général dans des zones éloignées de tout ou très difficiles et qu’un homme blessé à bord devra être hospitalisé. Tout cela est très compliqué et délicat.

Il faut pouvoir montrer à un tribunal ou, faisant suite à une intention juridique déposée soit par le corps ennemi, soit par un pays étranger, que l’attaque était évidente et forfaite, que les agents se sont défendus en toute légalité et légitimité.

Voilà pourquoi je propose la fixation de caméras, nouvelle manière de concevoir en passif et en actif la défense de notre économie et de notre personnel.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Arnaud Leroy, rapporteur. Avis défavorable pour deux raisons.

Primo, la maritimisation de ces équipements n’est pas nécessairement assurée. Chaque fois que l’on aborde les questions liées au domaine maritime nous sommes confrontés à la capacité de résistance des équipements utilisés à terre : sont-ils utilisables en mer avec les mêmes garanties ? Gros point d’interrogation !

Secondo, et je demande à Mme la rapporteure pour avis de bien prendre cela en considération, rien n’empêche une société de faire de cette question un argument commercial. Demain, une société de gardes armés peut faire valoir sa capacité d’installer des caméras sur les armes afin d’apporter des preuves de l’agression – éléments d’importance à faire valoir dans un procès – mais cela doit relever de la liberté qu’ont ces sociétés de proposer cette option à l’armateur afin que ce dernier envisage lui-même la façon maximale ou minimale dont il veut être protégé en cas de procès.

Une inscription dans la loi ne me semble pas de bonne politique, non plus d’ailleurs que de procéder par voie réglementaire, comme vous le souhaitez. Depuis le départ, nous avons conçu ce texte de façon à ce qu’il soit appliqué le plus rapidement possible. Entre législateurs, évitons de pondre des décrets sur des questions de ce type ! Au-delà du décret, nous serions confrontés à une complexité technique qui nous placerait dans une impasse pour plusieurs mois.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d’État. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Martial Saddier.

M. Martial Saddier. Sur le fond, je peux comprendre les arguments de Mme la rapporteure pour avis mais je soutiens M. le rapporteur et M. le ministre.

Techniquement, en effet, il n’est pas aussi simple que l’on veut bien le dire d’équiper toutes les armes d’un navire d’appareils de vision.

J’espère que M. le rapporteur émettra le même avis sur l’amendement n35 qui sera bientôt discuté car il est en effet encore moins simple d’assurer la surveillance d’un navire par vidéo en mer, jour et nuit, quel que soit le temps, qui plus est en transférant les images à la société de gardiennage.

J’ajoute un autre argument : nous parlons au nom de la République. Si nous imposons ce dispositif aux gardes armés sur les navires au nom de la République française, pourquoi ne pas l’imposer demain à l’ensemble des forces armées, à la gendarmerie, à la police, aux douaniers ? En tout cas, comment expliquer que les uns devraient le faire et pas les autres ?

Enfin, dernier argument, je dis bien dernier eu égard aux enjeux humains : la concurrence déloyale par rapport aux autres sociétés, le rapporteur y a fait allusion.

Il est donc sage de rejeter cet amendement.

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure pour avis de la commission des lois.

Mme Anne-Yvonne Le Dain, rapporteure pour avis. Je souhaite rappeler qu’à la tribune, tout à l’heure, j’ai fait référence Jack Sparrow, le capitaine de « Pirates des Caraïbes » ! (Sourires.) Dans le même esprit, je signale que Jacques-Yves Cousteau filmait des mérous à cinquante mètres de profondeur voilà à peu près cinquante ans et qu’aujourd’hui l’IFREMER descend à 4 500 mètres. Les caméras fonctionnent donc très bien sous l’eau ou en surface, avec des gouttes, voire des vagues !

Si je n’entends donc pas le premier argument, je retiens en revanche le second – la simplification – mais, à mon sens, la question que j’ai soulevée était traitée dans le même décret que précédemment. Il me semble donc qu’il aurait valu le coup de mettre en œuvre ce dispositif !

Néanmoins, je retire l’amendement, au bénéfice de Jack Sparrow, cela va de soi ! (Sourires).

(L’amendement n34 est retiré.)

(L’article 22 est adopté.)

Article 23

(L’article 23 est adopté.)

Article 24

M. le président. La parole est à M. Arnaud Leroy, rapporteur, pour soutenir l’amendement n5.

M. Arnaud Leroy, rapporteur. Il s’agit d’un simple amendement rédactionnel.

(L’amendement n5, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Arnaud Leroy, rapporteur, pour soutenir l’amendement n6.

M. Arnaud Leroy, rapporteur. Amendement rédactionnel.

(L’amendement n6, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

(L’article 24, amendé, est adopté.)

Article 25

M. le président. La commission a supprimé l’article 25.

Article 26

M. le président. La parole est à M. Arnaud Leroy, rapporteur, pour soutenir l’amendement n7.

M. Arnaud Leroy, rapporteur. Amendement rédactionnel.

(L’amendement n7, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

(L’article 26, amendé, est adopté.)

Article 27

(L’article 27 est adopté.)

Article 28

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État, pour soutenir l’amendement n43.

M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d’État. Cet amendement vise à ce que les registres dans lesquels l’ensemble des opérations est retracé puissent être transmis aux autorités compétentes à tout moment, y compris lorsque le siège de l’entreprise est à l’étranger, ce que ne permet pas l’article 31 relatif aux contrôles administratifs sur le territoire national.

(L’amendement n43, accepté par la commission, est adopté.)

(L’article 28, amendé, est adopté.)

Article 29

(L’article 29 est adopté.)

Article 30

M. le président. La parole est à M. Arnaud Leroy, rapporteur, pour soutenir l’amendement n8 deuxième rectification.

M. Arnaud Leroy, rapporteur. Amendement rédactionnel.

(L’amendement n8 deuxième rectification, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

(L’article 30, amendé, est adopté.)

Après l’article 30

M. le président. La parole est à Mme Anne-Yvonne Le Dain, rapporteure pour avis, pour soutenir l’amendement n35, portant article additionnel après l’article 30.

Mme Anne-Yvonne Le Dain, rapporteure pour avis. Toujours dans l’esprit de garantir la sécurité des navires, mais aussi pour donner une sorte de supplément d’âme, et même un argument commercial, aux entreprises françaises qui s’engageraient dans ces métiers, cet amendement prévoit que les navires soient équipés d’une caméra. Celle-ci pourrait enregistrer, non pas ce qui se passe sur le navire, mais autour du navire et à distance de celui-ci, de façon à signifier clairement qu’il y a bien eu agression. Sans être forcément très coûteux, ce pourrait être un élément de différenciation par rapport aux concurrents anglais, israéliens, sud-africains et américains, qui sont aujourd’hui les premiers sur le marché de la sécurité en mer. Ce petit élément de différenciation, nous pourrions l’obtenir en faisant confiance au professionnalisme des militaires, des gendarmes, des gardiens de prison…

M. Martial Saddier. Vous n’avez pas le droit d’y faire référence ! Le ministre ne veut pas ! (Sourires.)

Mme Anne-Yvonne Le Dain, rapporteure pour avis. …qui seraient amenés à faire ces métiers-là. Ce serait à la fois simple et pertinent, et les images seraient immédiatement effacées en l’absence d’attaque.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur cet amendement n35 ?

M. Arnaud Leroy, rapporteur. Je pense qu’il y manque une référence à la CNIL… C’est de l’humour ! (Sourires.) Vous avez fait référence à Pirates des Caraïbes et à Jacques-Yves Cousteau, mais je reviendrai sur deux arguments que j’ai déjà exposés. Premièrement, rien n’interdit à une société de proposer ce type de services si elle est en mesure de le faire. Deuxièmement, votre amendement renvoie à un décret en Conseil d’État. Or, comme je l’ai déjà dit à plusieurs reprises, et vous m’excuserez d’être un peu répétitif sur ce sujet, nous voulons que ce texte soit à la fois réactif et transparent, pour éviter de perdre du temps.

Il importe enfin, lorsqu’il est question de la mer, de se méfier des analogies avec ce que l’on peut trouver à terre. Vous avez fait référence aux films tournés à 4 000 mètres de profondeur. Moi aussi, j’ai collectionné les fiches Cousteau dans ma jeunesse, j’ai regardé les émissions qui passaient sur France 2…

M. Philippe Folliot. C’était Antenne 2 !

M. Arnaud Leroy, rapporteur. …et recherché à la braderie de Lille un exemplaire du Monde du silence. Mais ce que nous devons nous demander, c’est si les équipements dont on dispose aujourd’hui sont adaptés au gros temps, que traversent presque quotidiennement les navires de commerce. Il faut songer aussi à la question des preuves : que faire si l’on n’a que des images floues ou incomplètes ? Prenons garde, sur cette question, à ne pas créer nous-mêmes des difficultés supplémentaires.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d’État. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Gilbert Le Bris.

M. Gilbert Le Bris. Il faut en effet veiller à ne pas trop alourdir la barque en matière de surveillance, et avoir à l’esprit la manière dont les choses se passent réellement en mer. Sur les thoniers concarnois, que j’ai déjà évoqués tout à l’heure et que je connais bien, il n’est pas possible d’avoir des caméras pour surveiller tout ce qui se passe sur les bateaux, lesquels sont constamment en mouvement.

J’ajouterai un argument, qui va dans le sens de ce qu’a dit le rapporteur : cela pourrait être utilisé contre les armateurs par les avocats de pirates qui auraient été pris. Si jamais les images ne sont pas bonnes, si elles sont floues, si la caméra ne marche pas à ce moment-là, soyez sûrs que les avocats de la partie adverse en feront un argument en leur faveur !

M. Philippe Folliot. Vous avez raison !

M. Gilbert Le Bris. Ils ont déjà utilisé tous les arguments possibles, lorsque des pirates ont été jugés en France. Ce texte est bien tel qu’il est. Surtout, ne demandons pas davantage de moyens matériels et de surveillance, car cela dénaturerait totalement l’objectif qui est le nôtre.

M. Philippe Folliot. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Martial Saddier.

M. Martial Saddier. Je ne résiste pas au plaisir d’intervenir sur cette question des caméras embarquées sur des navires. Je pense effectivement qu’assurer la vidéosurveillance d’un navire de plusieurs dizaines, voire plusieurs centaines de mètres de long, n’est pas aussi simple que certains le disent, et cela ne peut en tout cas relever d’une unique caméra. Il est vrai par ailleurs que, du point de vue du droit, le Parlement risque, de bonne foi et en voulant les clarifier, de compliquer certaines procédures juridiques.

Je voudrais enfin – ce sera mon troisième argument – faire le parallèle avec une situation que beaucoup d’entre nous connaissent bien, en tant qu’élus locaux : l’installation, dans certains bâtiments, de caméras de vidéosurveillance. Même si l’on fait appel à une société extérieure, les caméras sont bien, en général, la propriété de celui qui possède le bâtiment. Or l’amendement propose que ce soit la société privée qui équipe le navire. Qu’arrivera-t-il donc aux caméras si l’armateur change de société privée de protection ? Et quid de la maintenance ? Pour préserver l’esprit de ce projet de loi et le consensus qui l’entoure, il serait de bon ton de rejeter cet amendement.

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure pour avis.

Mme Anne-Yvonne Le Dain, rapporteure pour avis. Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, je retirerai évidemment cet amendement, qui suscite beaucoup d’émois. Il n’a jamais été question d’assurer la vidéosurveillance du bateau, jamais ! Il s’agissait de placer une caméra au sommet du navire pour scruter l’horizon et voir les pirates arriver, c’est tout. Sachant par ailleurs que les caméras sont parfaitement amarinées et que des dispositifs aimantés existent, qui permettent de très bien les fixer – je connais ces choses, étant un peu scientifique –, il n’est pas nécessaire de les ligoter ou de les attacher par des nœuds de chaise, mais tout simplement de recourir à des technologies de base…

Je pense que nous y viendrons, parce que les faits nous y conduiront. Au développement de la piraterie, nous opposons ce texte fort, grâce auquel les navires battant pavillon français pourront désormais travailler dans de bonnes conditions, en embarquant des entreprises à leur bord. Cela donnera de la force au pavillon français et créera de l’emploi, or c’est la seule chose qui importe.

(L’amendement n35 est retiré.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Folliot, pour soutenir l’amendement n37.

M. Philippe Folliot. Certains amendements sont plus consensuels que d’autres et je ne doute pas que mon amendement, sur un texte lui-même éminemment consensuel, recueillera l’assentiment de l’ensemble de la représentation nationale. Et ce pour une bonne et simple raison : il s’appuie sur les conclusions du rapport d’information sur les sociétés militaires privées, présenté en février 2012 par deux éminents anciens collègues que je tiens à saluer, Christian Ménard, député UMP, et Jean-Claude Viollet, député socialiste. Ces deux hommes qui furent des pivots de la commission de la défense ont fait un travail remarquable, d’une manière générale, et particulièrement dans ce rapport.

Celui-ci indique que les entreprises de services de sécurité et de défense, les ESSD, se sont largement développées à l’étranger ces vingt dernières années et qu’on estime à près de 1 500 les sociétés militaires privées actives à travers le monde. Celles-ci offrent des prestations très variées : conseil et ingénierie de la sécurité, soutien aux opérations et bases militaires, ou encore intelligence économique.

Comme l’indiquent les rapporteurs, le chiffre d’affaires global du secteur, quoique difficile à évaluer, se situerait entre 100 et 200 milliards de dollars par an. Pour l’ensemble des ESSD, le ministère des affaires étrangères évoque même le chiffre de 400 milliards de dollars de chiffre d’affaires et des effectifs pouvant atteindre un million à travers le monde. Les sociétés anglo-saxonnes concentrent aujourd’hui l’essentiel des effectifs et des moyens. Parmi les sociétés françaises, on dénombre trente à quarante entités, pour un chiffre d’affaires moyen de trois millions d’euros, qui sont essentiellement, du reste, basées à l’étranger.

Toujours selon les rapporteurs, encourager le déploiement d’ESSD représente un enjeu stratégique pour notre pays dans la gestion du maintien de la paix. Cela donnera une activité en lien avec leur métier à nos militaires récemment arrivés en fin de contrat, permettra de diffuser notre savoir-faire et une approche française auprès des casques bleus comme des structures civiles et militaires locales. En Afghanistan, où je suis allé à cinq reprises, les contractors un rôle essentiel. Leur confier des missions permettra également d’implanter des Français sur des théâtres de crise où nos soldats ne sont pas déployés.

M. le président. Merci de conclure, cher collègue.

M. Philippe Folliot. Je conclus, monsieur le président, mais il s’agit là d’un amendement particulièrement important, qui pourrait ouvrir des perspectives nouvelles à ce texte consensuel.

Dans le droit fil du rapport Ménard-Viollet, nous considérons qu’il faudra clarifier sous la forme d’une liste les activités que la France autorise et prohibe en matière de défense, de sorte que nos ESSD soient encouragées ; préciser les conditions de certification des entreprises, les conditions d’habilitation de leurs agents et les conditions de leur armement ; faciliter le régime d’exportation de matériels légers de sécurité ; veiller, enfin, à ce que ces sociétés n’assurent pas de missions contraires aux intérêts de la France.

M. le président. Merci…

M. Philippe Folliot. C’est pourquoi nous proposons que le Gouvernement remette un rapport au Parlement, contenant des mesures qui permettront le développement de ce secteur stratégique en France.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Arnaud Leroy, rapporteur. J’essaierai de faire plus court : avis défavorable.

M. Philippe Folliot. Oh !

M. Arnaud Leroy, rapporteur. Monsieur Folliot, j’ai bien insisté, lors de la présentation du texte, sur le fait que son objet était clair et qu’il concernait précisément les gardes armées à bord de navires. Or vous faites ici référence à l’ensemble des activités des sociétés de gardes armées privées.

M. Philippe Folliot. Je demande seulement un rapport !

M. Arnaud Leroy, rapporteur. Mais ce n’est pas du tout le lieu. On peut discuter de l’évolution de ces sociétés, de leur définition juridique, une question que vous connaissez et que le rapport que vous citez a dû aborder, ou de la question du mercenariat, qui a rejoint à un moment la question des gardes armées à bord des navires. Mais nous devons nous garder de brouiller le message de ce texte, qui est très clair, qui concerne un type précis de personnel et de compétences professionnelles, et qui définit clairement les responsabilités des sociétés, de l’État, des armateurs et des autres parties prenantes. Voilà la raison de mon avis défavorable.

M. Philippe Folliot. Ce n’est pas convaincant !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d’État. Au risque de vous décevoir, je dois vous dire, monsieur Folliot, que le Gouvernement a émis un avis défavorable à votre amendement, parce que la question des ESSD, que vous évoquez, est tout à fait distincte du problème abordé dans ce texte, à savoir les règles régissant les entreprises privées de protection de navires.

Sans alourdir les débats par des références à des textes existants, je mentionnerai tout de même la loi du 14 avril 2003, relative à l’activité des ESSD hors du territoire français. Je vous renverrai également à certains engagements internationaux, ou encore à certains documents, notamment celui de Montreux, qui fixe un certain nombre de règles. Mais il s’agit là, je le répète, d’un autre débat.

M. le président. La parole est à M. Philippe Folliot.

M. Philippe Folliot. Je regrette, mais nous sommes en plein dans le sujet. Le texte évoque la création d’ESSD nationales, certes dans le cadre précis de la protection des navires, mais vous ne pouvez pas dire qu’un amendement qui propose d’examiner dans un rapport les possibilités d’extension des ESSD est hors sujet ! Je ne suis pas d’accord avec l’argumentation du rapporteur et du ministre et je regrette vivement leur position. Je ne fais, en outre, que reprendre des éléments qui ont été brillamment développés par nos ex-collègues Ménard et Viollet. Je regrette la frilosité du rapporteur, et plus encore celle du ministre, car il ne s’agissait que d’accepter la publication d’un rapport, en vue d’une évolution future.

(L’amendement n37 n’est pas adopté.)

Article 31

M. le président. Je suis saisi par M. Arnaud Leroy, rapporteur, d’un amendement de rectification, n9.

(L’amendement n9, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

(L’article 31, amendé, est adopté.)

Article 32

M. le président. Je suis saisi par M. le rapporteur de deux amendements de coordination, nos 11 et 10.

(Les amendements nos 11 et 10, acceptés par le Gouvernement, sont successivement adoptés.)

(L’article 32, amendé, est adopté.)

Article 33

(L’article 33 est adopté.)

Article 34

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État, pour soutenir l’amendement n51 rectifié.

M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d’État. Il s’agit, par cet amendement, de tirer les conséquences d’une décision du Conseil constitutionnel du 29 novembre 2013. S’agissant d’un certain nombre de dispositions, le Conseil constitutionnel a estimé qu’il fallait doter ce texte de garanties, notamment prévoir la présence du capitaine ou de son représentant et de l’occupant des lieux en cas de visite d’un navire, et définir des voies de recours. L’amendement précise ainsi qu’en cas de visite d’un navire, des recours peuvent être formés devant le premier président de la cour d’appel, puis devant la Cour de cassation.

Par ailleurs, il comporte des dispositions spécifiques aux navires se trouvant dans un port, une rade ou à quai depuis au moins soixante-douze heures.

En d’autres termes, nous tirons les conséquences des remarques et de la censure du Conseil constitutionnel et gommons un certain nombre de scories législatives.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Arnaud Leroy, rapporteur. Devant un tel amendement, je ne peux que m’incliner et émettre un avis favorable. (Sourires.)

(L’amendement n51 rectifié est adopté et l’amendement n12 tombe.)

(L’article 34, amendé, est adopté.)

Après l’article 34

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État, pour soutenir l’amendement n44 rectifié, portant article additionnel après l’article 34, qui fait l’objet d’un sous-amendement n52.

M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d’État. Je m’en tiens aux explications précédemment énoncées.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir le sous-amendement n52.

M. Arnaud Leroy, rapporteur. Il s’agit d’un sous-amendement de conséquence, la nouvelle rédaction de l’article 62 du code des douanes ayant une incidence sur la loi du 4 janvier 1993.

L’avis de la commission est favorable sur l’amendement n44 rectifié.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur le sous-amendement ?

M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d’État. Avis favorable.

(Le sous-amendement n52 est adopté.)

(L’amendement n44 rectifié, sous-amendé, est adopté.)

Article 35

(L’article 35 est adopté.)

Article 36

M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n14.

M. Arnaud Leroy, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de cohérence.

(L’amendement n14, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n15 rectifié.

M. Arnaud Leroy, rapporteur. C’est un amendement rédactionnel.

(L’amendement n15 rectifié, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État, pour soutenir l’amendement n45.

M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d’État. Cet amendement vise à préciser le texte et à faire figurer le mot « et », de façon à éviter l’ambiguïté sur les sanctions qui peuvent être prononcées.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Arnaud Leroy, rapporteur. Avis favorable.

(L’amendement n45 est adopté.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n16.

M. Arnaud Leroy, rapporteur. Cet amendement a pour objet de supprimer le mot « commis ».

(L’amendement n16, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

(L’article 36, amendé, est adopté.)

Article 37

M. le président. La parole est à M. Arnaud Leroy, rapporteur, pour soutenir l’amendement n17.

M. Arnaud Leroy, rapporteur. Cet amendement vise à corriger une erreur rédactionnelle.

(L’amendement n17, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État, pour soutenir l’amendement n46.

M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d’État. Cet amendement a pour objet d’interdire la sous-traitance, pour éviter notamment la survenance de difficultés en termes d’engagement de la responsabilité. C’est un gage de qualité. Nous précisons, par cet amendement, que la « prestation ne pourra être fournie que par une seule entreprise privée de protection des navires », sans qu’elle puisse être l’objet de sous-traitance.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Arnaud Leroy, rapporteur. Avis favorable. Nous nous trouvions face à un vide, qui est à présent comblé. C’est important dans l’hypothèse d’un procès et de la recherche de responsabilités.

(L’amendement n46 est adopté.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État, pour soutenir l’amendement n54.

M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d’État. Cet amendement a pour objet de tirer les conséquences d’un amendement précédemment adopté. Pour garantir l’effectivité des règles relatives à la composition de l’équipe de sécurité, et plus précisément au nombre minimal d’agents présents, une sanction est nécessaire. Aussi l’amendement a-t-il pour objet d’instituer une peine d’emprisonnement de trois ans et une amende de 45 000 euros en cas de manquement à cette règle que vous avez adoptée.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Arnaud Leroy, rapporteur. Avis favorable.

M. le président. La parole est à M. Martial Saddier.

M. Martial Saddier. Je ne reviens pas sur le débat ayant conduit tout à l’heure à la fixation d’un nombre minimal de trois agents de protection. Pour que cette règle soit respectée, elle doit évidemment être sanctionnée.

Sans prétendre avoir une connaissance parfaite du code pénal, il me semble excessif d’infliger trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende…

M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d’État. C’est la loi pénale !

M. Philippe Folliot. C’est le tarif !

M. Martial Saddier. …à quelqu’un qui n’aurait pas respecté ce minimum de trois agents. S’agit-il, pour reprendre le terme qui vient d’être employé, du bon tarif ? À quoi correspond cette peine ? Ne pourrait-on, d’ici la navette, mieux l’ajuster ? Si la sanction est nécessaire, celle définie me paraît excessive.

M. Nicolas Bays, rapporteur pour avis. C’est une forme de mise en danger de la vie d’autrui !

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d’État. Il faut rappeler l’enjeu de la disposition que vous avez adoptée : il ne s’agit pas simplement d’imposer la présence de quelques membres d’équipage supplémentaires, mais bien de disposer d’équipes permettant de garantir la sécurité des personnes présentes à bord. Les manquements à cette disposition constituent, comme cela a été dit, une forme de mise en danger de la vie d’autrui. En tout état de cause, il est important que l’on puisse disposer de sanctions effectives. La dimension pénale est primordiale, car elle conditionne l’application de la loi.

(L’amendement n54 est adopté.)

(L’article 37, amendé, est adopté.)

Articles 38 à 41 A

(Les articles 38, 39, 40 et 41 A, qui ne font l’objet d’aucun amendement, sont successivement adoptés.)

Article 41

M. le président. Je suis saisi de plusieurs amendements, nos 18, 19, 20, 21, 22, 26, 23, 25 et 24, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.

La parole est à M. le rapporteur, pour les soutenir.

M. Arnaud Leroy, rapporteur. Il s’agit d’amendements de cohérence.

(Les amendements nos 18, 19, 20, 21, 22, 26, 23, 25 et 24, acceptés par le Gouvernement, sont successivement adoptés.)

(L’article 41, amendé, est adopté.)

Après l’article 41

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État, pour soutenir l’amendement n50 rectifié.

M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d’État. Cet amendement a pour objet de combler une lacune et de rendre applicables les dispositifs de l’ISPS à un certain nombre de ports qui sont actuellement exclus de son champ – je pense notamment à ceux situés en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie et à Wallis-et-Futuna.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Arnaud Leroy, rapporteur. Avis favorable.

(L’amendement n50 rectifié est adopté.)

Explications de vote

M. le président. Nous en venons aux explications de vote.

La parole est à M. Christophe Bouillon, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Christophe Bouillon. Monsieur le secrétaire d’État, chers collègues, je serai bref car chacun a pu constater le climat de large consensus qui a régné dans cet hémicycle à l’occasion de l’examen de ce projet de loi. Cela nous a permis d’arriver à bon port, sans être empêchés par quelque entrave que ce soit, au terme d’un travail important mené par les rapporteurs et un certain nombre de collègues en commission.

L’objectif est atteint : il fallait répondre à une urgence pour le pavillon français. Comme cela a été rappelé, les enjeux concernent tant la sécurité que la compétitivité. Le projet de loi répond à cette urgence, à cette volonté, et permettra – du moins peut-on l’espérer – que, demain, l’on en finisse avec ce fléau qui met en danger nombre de marins et est source de nuisances économiques.

Je veux saluer l’état d’esprit qui a régné ce soir et le travail réalisé. C’est pourquoi, bien évidemment, nous voterons ce projet de loi avec un grand enthousiasme.

M. le président. La parole est à M. Martial Saddier, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Martial Saddier. Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, ce projet de loi est très attendu par les professionnels du secteur. Je veux à mon tour saluer l’esprit qui a présidé à nos travaux, tant en commission que dans l’hémicycle. Ce projet répond à la réalité : la piraterie est un fait en 2014. L’horreur de certains actes a marqué les familles concernées et l’opinion publique. Par ailleurs, ce texte s’inscrit dans le contexte international concurrentiel du transport maritime.

Le groupe UMP veut saluer un certain nombre d’avancées que nous avions, comme d’autres, proposées en commission comme en séance publique. Nous avons apporté de la souplesse et donné des gages de confiance aux professionnels, en particulier aux armateurs, ainsi qu’aux sociétés privées, qui seront en mesure, demain, grâce aux avancées de ce texte, de mieux protéger les personnes et les biens. Nous saluons les avancées effectuées sur le zonage, qui est renvoyé à la souplesse du décret, et le délai de quinze jours pour réunir la commission.

Nous regrettons toutefois qu’il ne puisse pas être fait référence aux anciens métiers des personnels des sociétés de sécurité, comme c’est le cas dans de nombreux pays : nous souhaitons que la navette le permette – monsieur le ministre, je me tourne vers vous, car on a bien compris que la majorité était également très sensible à cet argument.

Monsieur le secrétaire d’État, comme vous avez pu le remarquer, j’ai écouté attentivement vos explications concernant les sanctions. Il faudrait, ici également, profiter de la navette pour revenir sur ces sanctions, qui me paraissent excessives, en cas de non-respect du minimum de trois agents de sécurité.

M. Arnaud Leroy, rapporteur. M. Ciotti ne va pas être content !

M. Martial Saddier. On a bien compris que le Gouvernement avait profité de l’article 34 de ce texte pour appliquer un certain nombre de remarques du Conseil constitutionnel, au moyen de deux amendements qui ne font pas moins de huit pages. Nous en prenons acte et comprenons parfaitement que le Gouvernement ait saisi cette opportunité législative.

Je souhaite enfin que la navette se déroule dans un délai très court, afin que l’attente des armateurs ne soit pas déçue. Nous comptons sur la majorité et le Gouvernement pour que ce texte aboutisse au plus vite avec nos collègues sénateurs.

Au bénéfice de ces remarques, le groupe UMP votera en faveur de ce texte.

M. le président. La parole est à M. Philippe Folliot, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

M. Philippe Folliot. Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la séance de ce soir constitue, en quelque sorte, une anti-séance de questions d’actualité et il est à certains égard regrettable que nos concitoyens ne puissent pas avoir connaissance, plus largement, d’une autre facette du travail parlementaire.

Nous avons tous fait preuve de beaucoup de dignité, de responsabilité et de sérieux : ce texte va permettre de répondre à un besoin. En effet, comme les uns et les autres l’ont dit, ce sujet est porteur de conséquences économiques, sécuritaires et, comme je l’ai rappelé tout à l’heure, environnementales.

Il y a aussi un élément d’ordre sociétal : la nécessité de permettre à nos marins d’exercer leur activité et de voguer sur les mers en toute sérénité. Les amendements présentés par les uns et les autres ont permis d’enrichir ce texte ; des progrès significatifs ont été réalisés par rapport à la version d’origine pour aboutir au texte que nous allons voter dans quelques instants. Cela mérite d’être souligné.

Il faut souligner également l’excellent travail de tous nos rapporteurs. Je pense tout particulièrement au rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées, Nicolas Bays ; je salue son implication, son travail, sa volonté d’enrichir, à son niveau, ce texte. Un tel travail honore le Parlement et la représentation nationale.

Merci, enfin, monsieur le secrétaire d’État, d’avoir été à l’écoute sur bien des points – à l’exception d’un amendement important que nous avons présenté. Je ne doute cependant pas que, dans le cadre de discussions interministérielles, vous sachiez convaincre vos collègues d’avancer sur cette question dans le cadre d’un autre texte. Nous avons ouvert une perspective aux entreprises de sécurité privée uniquement sur les navires, mais il existe d’autres enjeux, non seulement économiques, mais aussi sécuritaires. Nous ne pouvons pas rester sourds trop longtemps ! Pendant que nous restons frileux, nombre de sociétés, anglo-saxonnes pour l’essentiel, font du business – pardonnez-moi ce terme – dans ce secteur-là.

Le principe de réalité doit s’imposer. Au regard de la difficulté de la situation économique et sociale de notre pays, avec le taux de chômage que nous connaissons, nous devons ouvrir des perspectives et offrir des possibilités d’emploi à nos militaires. Je terminerai par là, monsieur le président : nos militaires, après avoir consacré une bonne partie de leur vie professionnelle au service des armes de la France, pourraient trouver dans ces activités de protection des navires une seconde carrière professionnelle, dans laquelle ils pourraient faire valoir les acquis de leur première carrière. Je crois que cet aspect méritait d’être souligné. Pour l’ensemble de ces raisons, le groupe UDI unanime soutiendra ce texte avec force, vigueur, conviction et volonté !

Vote sur l’ensemble

M. le président. Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi.

(Le projet de loi est adopté.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Arnaud Leroy, rapporteur. Monsieur le secrétaire d’État, nous nous sommes vus souvent au cours de ces derniers mois pour discuter des conclusions de mon rapport sur la compétitivité des services et transports maritimes. Il contenait vingt-six propositions dont l’une, ce soir, a cheminé. J’espère que nous pourrons à nouveau en discuter au cours des mois à venir.

En tout état de cause, vous pourrez compter sur un large soutien dans cet hémicycle, au-delà des bancs de la majorité, sur la question de la croissance bleue, et d’une manière générale sur les sujets relatifs à la mer. Nous avons le devoir de rappeler aux Français que nous avons un espace maritime important, aux enjeux spatiaux d’envergure nationale – comme l’a rappelé M. Folliot. Cet espace maritime est riche de potentialités d’emplois et de recherches. Il offre des opportunités pour l’avenir, et je compte sur vous pour continuer à discuter des enjeux maritimes lors d’autres séances.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d’État. Je dirai simplement quelques mots, monsieur le président.

Je tiens d’abord à saluer le travail réalisé par Mme et MM. les rapporteurs. Je salue également l’ensemble des députés, quelle que soit leur sensibilité. Nous ne pouvons que nous réjouir du climat dans lequel nous avons fait progresser ce texte. Nous avons avancé rapidement – même si certains auraient préféré que ce texte eût été examiné bien avant, il y a quelques années. Il a été adopté ce soir à l’unanimité, grâce à l’esprit d’ouverture et à la souplesse des uns et des autres. L’Assemblée nationale a pris en compte cette préoccupation. Il s’agit d’un enjeu humain, d’un enjeu de sécurité : nous devons cela à nos compatriotes embarqués. Comme cela a été dit, cela permettra aussi d’améliorer notre compétitivité.

Je souhaite que le processus parlementaire se poursuive dans le même esprit, avec la même volonté d’aboutir rapidement, pour permettre au pouvoir réglementaire de prendre des décrets promptement.

M. Philippe Folliot. C’est important !

M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d’État. Il est en effet très important que des décrets soient pris pour que la loi soit mise en application dans les meilleurs délais.

M. Philippe Folliot. C’est essentiel !

M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d’État. Pour le reste, cher rapporteur, nous partageons l’ambition maritime. C’est un combat, une forme de passion : sans cette passion, nous ne serions pas ici, n’est-ce pas ? Certains la partagent, alors même qu’ils ne sont pas élus de zones littorales : cela n’en donne que plus de force à cette cause. Ce qui importe, c’est de toujours nous faire les avocats de la croissance bleue, de toujours promouvoir les potentialités de la mer, de toujours rappeler ce qu’elle peut apporter à notre nation. Nous avons tous cette conviction. Merci à tous ! (Applaudissements.)

3

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, demain, à quinze heures :

Questions au Gouvernement ;

Proposition de loi relative au Contrôleur général des lieux de privation de liberté.

La séance est levée.

(La séance est levée, le mercredi 30 avril 2014, à une heure cinq.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Nicolas Véron