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Edition J.O. - débats de la séance

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2013-2014

Compte rendu
intégral

Première séance du lundi 23 juin 2014

Présidence de Mme Laurence Dumont

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à seize heures.)

Suspension et reprise de la séance

Mme la présidente. La commission des finances tenant une réunion en application de l’article 88, la séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures dix.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

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Projet de loi de finances rectificative pour 2014

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2014 (nos 2024, 2049).

Présentation

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre des finances et des comptes publics.

M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics. Madame la présidente, monsieur le président de la commission des finances, madame la rapporteure générale, mesdames et messieurs les députés, le projet de loi de finances rectificative que nous avons l’honneur, Christian Eckert et moi-même, de vous présenter est la première étape – j’ai coutume de dire l’« acte I » – de la mise en œuvre du pacte de responsabilité et de solidarité annoncé par le Président de la République et le Premier ministre.

Ce pacte de responsabilité répond à une exigence, qui est d’accélérer le rythme de la reprise, et il s’appuie sur un triple constat : la France a d’abord besoin de retrouver sa compétitivité car lorsqu’un pays souffre, comme le nôtre, d’un déficit commercial chronique, c’est d’abord la production qu’il faut soutenir. La France a aussi besoin que nous allégions la pression fiscale et sociale, notamment celle qui pèse sur les ménages aux revenus modestes. La France a enfin besoin, et c’est une évidence, de poursuivre sa politique d’assainissement budgétaire et financier pour stabiliser puis résorber le stock de dette et les déficits qui nous ont été laissés.

Compétitivité, pouvoir d’achat et maîtrise de nos comptes publics : voilà les trois enjeux du pacte de responsabilité et de solidarité, et ils correspondent chacun à une nécessité profonde et, me semble-t-il, à une volonté largement partagée par nos concitoyens.

L’annonce du pacte de responsabilité et de solidarité a créé une attente dans notre pays : l’enjeu aujourd’hui est d’être au rendez-vous de cette attente. Au rendez-vous des nouvelles marges de manœuvre dont nos entreprises ont besoin pour embaucher et investir. Au rendez-vous du pouvoir d’achat pour les ménages aux revenus proches du SMIC, dont l’impôt et les cotisations seront allégés. Et puis, mesdames et messieurs les députés – et parce que chaque budget implique de faire des choix – nous devons être aussi au rendez-vous des économies budgétaires qui permettent de financer ces mesures de soutien à l’activité dans le respect de nos objectifs de redressement.

Le Chef de l’État et le Gouvernement se sont engagés devant vous à ce que les premières mesures de ce pacte entrent en vigueur le plus rapidement possible. Dans un contexte de reprise de l’activité, c’est la clé de notre réussite.

Les acteurs économiques ont besoin de mesures immédiates, mais ils ont aussi besoin de visibilité pour sortir du climat d’incertitude où les ont plongés six années où la croissance a été en moyenne égale à zéro, six années ponctuées par certaines phases de récession destructrices. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement a donné à ce collectif budgétaire une perspective à horizon 2017, tout en y inscrivant l’ensemble des mesures de baisse de cotisations ou d’impôts applicables en 2014 mais aussi en 2015.

Ce choix permettra d’appliquer en priorité les mesures les plus favorables à la croissance et à l’investissement, avec pour objectif de peser de toutes nos forces en faveur de la reprise économique au moment où elle se dessine partout en Europe. Les entreprises bénéficieront ainsi d’un ensemble d’allégements pour leur permettre de retrouver des marges pour embaucher, innover et investir.

C’est ainsi que 4,5 milliards d’euros seront d’abord consacrés à l’allégement des cotisations patronales entre 1 et 1,6 SMIC. C’est l’objectif « zéro charge URSSAF au niveau du SMIC », mesure fortement créatrice d’emploi qui sera mise en œuvre dès le 1er janvier 2015. Ensuite, 4,5 milliards d’euros viendront alléger les cotisations patronales entre 1,6 et 3,5 SMIC à partir de 2016, mesure qui bénéficiera particulièrement aux entreprises industrielles et exportatrices. Enfin, 1 milliard d’euros de baisses de charges sont proposés en faveur des indépendants dont le revenu est inférieur à 3 SMIC.

Ce soutien à l’investissement et à l’innovation se poursuivra dans les années à venir, avec la suppression de la contribution sociale de solidarité des sociétés, la C3S, à horizon 2017, avec, dès 2015, une première phase d’abattement, et la diminution progressive du taux d’impôt sur la société.

La contribution exceptionnelle sera ainsi supprimée en 2016, ouvrant la voie à une diminution du taux normal à partir de 2017, jusqu’à 28 % à horizon 2020. Parmi toutes ces mesures, le Gouvernement vous propose de mettre en œuvre dès 2015 celles qui sont dans l’immédiat les plus créatrices d’emplois et les plus favorables aux PME et aux entreprises de taille intermédiaire.

Cette mise en œuvre progressive permettra de concilier visibilité et suivi, par la représentation nationale et par le Gouvernement, de la bonne mise en œuvre des contreparties attendues des entreprises, avec ce que d’aucuns ont appelé des « réunions de chantier » annuelles. Au niveau de chaque branche, au sein de chaque comité d’entreprise, les partenaires sociaux seront de leur côté en charge d’assurer le suivi de l’utilisation des marges de manœuvre ainsi accordées aux entreprises.

Cette stratégie est cohérente. Elle se situe dans le prolongement du crédit d’impôt compétitivité emploi, qui se déploie en ce moment même : les premières entreprises concernées ont déjà bénéficié de 7 milliards d’euros de baisse de leur impôt sur les bénéfices. D’ici à la fin de l’année, ce chiffre représentera 12 milliards d’euros au total : c’est dire l’engagement qui est le nôtre en faveur des entreprises, c’est-à-dire des salariés et des entrepreneurs de notre pays – je dis bien « salariés et entrepreneurs » parce que je n’oppose pas les entreprises et ceux qui y travaillent, de même que je n’oppose pas les entreprises et les ménages.

Le pouvoir d’achat des ménages fait en effet partie intégrante du pacte de responsabilité et de solidarité, d’abord parce que restaurer la compétitivité de nos entreprises et leur permettre de créer plus d’emplois, c’est donner durablement du pouvoir d’achat aux ménages ; ensuite parce que nous voulons que les ménages, qui ont pris toute leur part de l’effort d’assainissement de nos comptes publics depuis 2011, notamment ceux qui ont des revenus modestes, voient leurs efforts fiscaux et sociaux atténués. Je pense en particulier – mais pas seulement – aux effets du gel du barème de l’impôt sur le revenu, qui a conduit à faire entrer dans l’impôt des personnes dont les revenus pouvaient être modestes et ne progressaient pas ou très peu. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement propose d’alléger les prélèvements pesant sur les ménages : 2,5 milliards d’euros d’allégement de cotisations vous seront ainsi proposés dans le projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale pour les salariés payés entre 1 et 1,3 SMIC, soit un gain de 500 euros par an pour un salarié au SMIC.

Le projet de loi de finances rectificative prévoit, pour sa part, une mesure d’allégement de l’impôt sur le revenu, et ce dès l’automne 2014. Cette mesure, qui a fait l’objet de concertations, concernera 3,7 millions de foyers fiscaux, dont 1,9 million ne verseront rien au Trésor public en septembre. Elle consiste, vous le savez, en une réduction d’impôt de 350 euros – 700 euros pour un couple – et allégera l’imposition de ces ménages d’environ 1,16 milliard d’euros en 2014. C’est une première mesure, dont le principe sera pérennisé dans le projet de loi de finances pour 2015 afin de permettre une baisse de l’impôt sur le revenu des Français aux revenus modestes ou moyens.

Le Gouvernement assume totalement cette priorité donnée aux revenus modestes et aux classes moyennes. J’insiste sur le terme de « classes moyennes » car, quand je parle des 3,7 millions de foyers se situant dans le bas du barème de l’impôt sur le revenu, c’est de la classe moyenne que je parle. Quand je propose de faire sortir 1,9 million de ménages du barème de ce même impôt, c’est encore une fois de la classe moyenne que je parle : c’est elle qui profitera de cette mesure. Il en va de même pour la baisse des cotisations des indépendants ou pour celles des salariés gagnant moins de 1 500 euros nets par mois.

Je n’oppose pas des catégories de Français, et je suis conscient de l’effort qui a été consenti par tous les Français. Mais l’urgence, me semble-t-il, n’est pas de diluer nos moyens dans un allégement qui profiterait un tout petit peu à beaucoup : l’urgence consiste à agir d’abord en faveur de ceux qui ont le plus souffert de ce qui restera comme la plus longue crise de l’après-guerre – je pense non seulement à ceux qui ont besoin d’un emploi, mais aussi à tous ceux qui, malgré leurs revenus modestes, ont dû contribuer à l’effort de redressement.

C’est au nom de cette même exigence que nous avons souhaité exempter les personnes aux revenus les plus faibles du report d’un an de la revalorisation des prestations sociales. Les retraites de base des retraités gagnant moins de 1 200 euros et les minima sociaux resteront revalorisés en fonction de l’inflation, et le revenu de solidarité active, le RSA, sera revalorisé de 2 % au-delà de l’inflation comme prévu par le plan pauvreté.

L’effort doit être d’autant plus juste et équilibré qu’il est nécessaire et qu’il en va de l’avenir de tous les Français. Car, au fond, qui a le plus à perdre à la dégradation de nos finances publiques ? Qui en paiera les conséquences ? Ce sont évidemment ceux qui ont le plus besoin de la puissance publique : les classes moyennes et les ménages aux revenus modestes. La réalisation du plan d’économies qui vous est proposé est donc indispensable : indispensable pour poursuivre l’assainissement de nos finances publiques et permettre ainsi la réduction de la dette ; indispensable pour assurer la pérennité de notre modèle social, dont la vocation est de bénéficier à tous les Français ; indispensable aussi pour soutenir les entreprises – et donc l’emploi – et pour alléger la charge fiscale pesant sur les ménages moyens et modestes, contribuant ainsi à leur rendre du pouvoir d’achat pour consommer et financer leurs projets.

Je sais qu’il existe des craintes sur l’impact de ces économies sur la croissance. Mais elles sont accompagnées par un ensemble de mesures tant fiscales et sociales, avec le pacte que je viens de vous présenter, que monétaires, avec les récentes annonces de la Banque centrale européenne et une inflation historiquement basse, qui contribueront à soutenir le pouvoir d’achat et la demande.

Avec un taux de dépense publique supérieur à 57 % de la richesse nationale, il est possible de réaliser des économies sans remettre en cause la qualité du service public. Ces économies seront faites par l’ensemble des administrations, à proportion de leur poids dans la dépense publique ; mais chacun peut constater que l’État y prend depuis deux ans toute sa part. Ce collectif budgétaire en est la preuve et les débats que nous aurons à l’automne pour le budget de l’année prochaine permettront de le confirmer.

Voilà, madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, l’esprit et les grands axes du projet de loi de finances rectificative qui vous est proposé aujourd’hui. Il constitue la première étape, et cette première étape est décisive parce qu’elle conditionne l’application immédiate des principales mesures capables d’aider la reprise économique. C’est ce qui a guidé le Gouvernement dans la préparation de ce texte ; c’est l’objectif qui structure toute sa politique économique et sociale depuis deux ans ; c’est la condition du retour de la confiance dans notre pays.

« Établir un budget, c’est faire un choix », disait Pierre Mendès France à cette même tribune, il y a soixante ans jour pour jour, dans son discours de politique générale. Le choix que nous vous proposons aujourd’hui, c’est celui de la cohérence et de la continuité, parce que c’est dans la cohérence et dans la continuité que se jouent la solidité et, en fin de compte, la réussite de notre politique économique. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC.)

M. Dominique Baert. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé du budget.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget. Madame la présidente, monsieur le président de la commission des finances, madame la rapporteure générale, mesdames et messieurs les députés, depuis le début de la législature, l’assainissement des finances publiques est l’objectif de toutes les lois de finances que vous avez examinées. Je veux tout d’abord rappeler que cette politique porte ses fruits. Contre les critiques systématiques, qui perdent de vue l’essentiel et minent notre capacité collective d’atteindre l’objectif – que, je pense, nous partageons tous – d’assurer la soutenabilité à long terme de nos services publics et de notre modèle social, je veux répéter aux Français que leurs efforts payent. Alors qu’une lecture rapide des déclarations des uns ou des autres pourrait parfois laisser penser le contraire, l’évidence est là : les déficits se réduisent. Les mesures des lois de finances successives ont permis de réduire, dès la fin de l’année 2013, et parfois grâce à quelques mesures antérieures, le déficit structurel à un niveau proche de son plus bas depuis 2002 : en dix-huit mois, les déséquilibres budgétaires accumulés pendant une décennie ont été largement apurés.

Ce projet de loi de finances rectificative illustre notre volonté de poursuivre dans cette voie. Le déficit budgétaire, hors investissements d’avenir prévus dans le cadre du deuxième programme d’investissements d’avenir – le PIA 2 –, sera de 71,9 milliards d’euros en 2014, en diminution de 2,9 milliards d’euros par rapport à l’exécution pour 2013, monsieur le président Carrez !

M. Charles de Courson. Trente ans d’efforts !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Comme le rappelle l’article liminaire, le déficit public atteindrait 3,8 %, en baisse continue depuis 2012,…

M. Éric Woerth. Heureusement !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. …et le déficit structurel serait de 2,3 %, son plus bas niveau depuis 2001.

Mme Valérie Pécresse. Ce n’est pas ce que dit la Cour des comptes !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Pour maintenir cette orientation, le Gouvernement a annoncé, lors de la présentation du programme de stabilité en avril dernier, la réalisation de 4 milliards d’euros d’économies supplémentaires en 2014. Ces réductions de dépenses en cours de gestion sont une première réponse à la procédure dite de « correction des écarts » qui a été enclenchée à la suite du dépôt du projet de loi de règlement pour 2013. Le Gouvernement aurait pu se contenter de respecter à la lettre la loi organique du 17 décembre 2012 ; il aurait pu attendre le projet de loi de finances pour 2015 pour proposer des mesures de correction. Il vous propose, avec ce projet de loi de finances rectificative, de ne pas attendre pour corriger les écarts constatés en 2013 et d’adopter dès maintenant des mesures de correction.

Les 4 milliards d’euros d’économies supplémentaires concernent toutes les administrations, sauf les collectivités territoriales qui, elles, prendront leur part aux économies prévues dans les trois années à venir.

Le projet de loi de finances rectificative prévoit 1,6 milliard d’euros d’annulations de crédits sur le budget de l’État – j’y reviendrai dans un instant. Le projet de loi de financement de la Sécurité sociale rectificative prévoit une économie de 1,1 milliard d’euros sur les régimes obligatoires de base.

Par ailleurs, un autre ensemble d’économies ne nécessite pas de traduction législative : les moindres dépenses du Fonds national d’action sociale, financé par la branche famille de la Sécurité sociale, d’une part, et celles de l’UNEDIC, d’autre part, constatées en fin d’année 2013, sont pérennisées en 2014 pour un montant de 0,9 milliard d’euros au total, dont 0,6 milliard sur l’UNEDIC.

Enfin, les décaissements au titre du programme d’investissements d’avenir sont moins importants que prévu, pour 400 millions d’euros : ces moindres dépenses sont une bonne nouvelle, non pas tant pour leur impact budgétaire, finalement assez limité, que pour ce qu’elles révèlent de l’action du Commissariat général à l’investissement, qui ne se précipite pas dans la sélection des projets qu’il finance. Il prend le temps nécessaire pour retenir les projets les plus prometteurs : c’est une garantie de bonne gestion pour des investissements qui mobiliseront les deniers publics sur plusieurs années.

J’en reviens aux annulations proposées par le projet de loi de finances rectificative : annuler un montant de 1,6 milliard d’euros en cours de gestion, dont 1 milliard d’euros sur des crédits « frais », c’est-à-dire au-delà de la réserve de précaution, cela a rarement été vu dans notre histoire budgétaire – c’est peut-être même sans précédent. Cela illustre notre volonté, qui porte ses fruits, de tenir la dépense…

Mme Valérie Pécresse. Alors là, c’est raté !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. …et d’engager sans tarder des économies.

Monsieur le président de la commission des finances, vous avez sans doute en tête les annulations de crédits qui avaient été prévues par la loi de finances rectificative de mars 2012. Ce précédent est intéressant et la comparaison souligne l’ambition des annulations proposées dans ce collectif. En effet, en mars 2012, le montant des annulations était de 1,2 milliard contre 1,6 milliard dans le présent projet de loi. De plus, les annulations de 2012 portaient uniquement sur des crédits gelés, alors que ce projet de loi de finances rectificative annule 1 milliard d’euros de crédits situés hors réserve de précaution.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Cela prouve votre pessimisme !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Le gouvernement d’alors proposait en 2012 des annulations sans savoir s’il lui reviendrait de tenir la norme en fin d’année puisqu’il diminuait nettement la réserve de précaution. En réalité, il prenait le risque, dans le cadre d’un rabot, que les annulations s’avèrent insoutenables en fin d’année. Nous proposons, pour notre part, des annulations qui maintiennent la réserve de précaution à un niveau élevé, soit de l’ordre de 6,8 milliards d’euros, pour garantir la bonne exécution du budget en fin d’année.

Au final, les dépenses de l’État sous norme en valeur seraient inférieures de 3,1 milliards d’euros à l’exécution 2013 à périmètre constant, compte tenu de la baisse intervenue en loi de finances initiale et des annulations qui vous sont proposées aujourd’hui.

Ce texte anticipe, par ailleurs, une charge de la dette inférieure de 1,8 milliard d’euros à la prévision de la loi de finances initiale. Les taux d’intérêt notamment sont plus bas qu’attendu : c’est le signe que la politique économique et budgétaire du Gouvernement inspire confiance aux créanciers de l’État. Je remarque qu’en d’autres temps, certains gouvernements auraient pu être tentés de présenter cette moindre dépense comme une économie supplémentaire qui serait venue documenter des mesures de redressement. Ce n’est pas le choix qui a été fait. Cette économie n’est pas forcément pérenne car une remontée progressive des taux d’intérêt et de l’inflation reste possible. Par prudence, nous nous contentons de constater cette moindre dépense, sans en tirer de conséquences pour l’avenir.

Le projet de loi de finances rectificative révise également les recettes fiscales nettes de l’État de 5,3 milliards d’euros à la baisse. Cette réévaluation tire les conséquences de l’exécution 2013 : l’effet base, c’est-à-dire les moindres recettes constatées en fin d’année 2013 par rapport à la prévision, vient minorer mécaniquement la prévision pour 2014 à hauteur de 4 milliards d’euros.

Compte tenu de l’exécution 2013, nous proposons également de revoir à la baisse de 2 milliards d’euros la croissance spontanée des recettes fiscales, en particulier celles de l’impôt sur le revenu et de l’impôt sur les sociétés.

La prévision des recettes fiscales est toujours difficile. Prenons l’exemple de la TVA. À la fin de l’année 2013, nous avions constaté une plus-value de 1,5 milliard d’euros en comptabilité nationale par rapport à la dernière prévision associée au collectif de fin d’année. Toutefois, les recouvrements sur les premiers mois de l’année nous ont incités à la prudence et nous n’avons retenu qu’un tiers de l’effet base, avec une révision à la hausse de 500 millions d’euros de la TVA nette. Jusqu’à la fin de l’année, comme toujours, des incertitudes demeurent : la consommation des ménages dans son ensemble, mais également les comportements des consommateurs – ils peuvent préférer les produits taxés à taux réduit à ceux taxés au taux plein, ou inversement –, l’évolution du marché immobilier, qui représente une part non négligeable de l’assiette, les consommations des organismes publics et des banques.

Il faut garder une certaine prudence quand on parle de prévisions et accepter le fait que l’exercice peut être difficile. Il est possible que la taxe sur la valeur ajoutée ou l’impôt sur les sociétés soient moindres qu’escompté, mais il est également possible que l’impôt sur le revenu soit plus important que prévu ou que la charge de la dette soit inférieure à nos prévisions. Les informations nouvelles qui apparaîtront dans les mois à venir, en particulier les recouvrements et l’évolution de la situation économique, nous permettront d’affiner nos estimations lors du dépôt du projet de loi de finances pour 2015 puis du projet de loi de finances rectificative de fin d’année.

Au final, compte tenu de ces mouvements en recettes et en dépenses, le solde de l’État est revu à la baisse de 1,4 milliard d’euros par rapport à la prévision de la loi de finances initiale.

Mesdames, messieurs les députés, les mesures adoptées dans toutes les lois de finances depuis le début de la législature ont eu pour objet de réduire progressivement le déficit public. Ces mesures sont indispensables car je rappelle que nous avons trouvé, en 2012, une situation budgétaire historiquement dégradée : une trajectoire de dette publique en forte augmentation et sur le point de dépasser 90 points de PIB, un déficit structurel de 5 points de PIB, c’est-à-dire 100 milliards d’euros, tout cela dans un contexte macroéconomique particulièrement défavorable, avec une croissance de l’activité quasiment nulle.

Dès le début de la législature, nous avons fait le choix de l’assainissement des finances publiques et nous le confirmons aujourd’hui. La réduction du déficit est indispensable pour assurer la pérennité de notre modèle social qui ne peut être financé éternellement à crédit, pour redonner au service public des marges de manœuvre alors que la charge de la dette est la deuxième dépense du budget de l’État, enfin pour éviter de reporter sur les générations à venir une dette trop importante.

Il est vrai que certaines mesures de réduction du déficit avaient été prises en 2011. Elles ont été utiles pour commencer à assainir les comptes.

Mme Valérie Pécresse. Merci !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Mais leur nature était très différente des mesures proposées aujourd’hui par le Gouvernement. Jusqu’en 2012, en effet, un ensemble de mesures générales pesant de manière indifférenciée sur tous les ménages, voire parfois simplement injustes, ont été prises.

Mme Valérie Pécresse. C’est faux !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. J’en rappellerai quelques-unes : le gel du barème de l’impôt sur le revenu, la suppression de la demi-part attribuée aux veuves, la hausse des taxes sur les contrats d’assurance maladie solidaires et responsables.

Mme Valérie Pécresse. La surtaxe à l’impôt sur le revenu, la TVA anti-délocalisation !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Depuis le début de cette législature, les mesures adoptées ont certes mis chacun à contribution, mais l’effort demandé a été proportionné aux revenus de chacun.

Mme Valérie Pécresse. C’est faux !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Nous avons rétabli l’ISF, qui avait été vidé de sa substance par votre réforme de 2011, mesdames, messieurs de l’opposition. Nous avons rétabli les droits de succession et de donation que la loi TEPA avait fortement minorés. Nous avons mis en place une tranche d’impôt sur le revenu à 45 %. Nous avons abaissé le plafond du quotient familial, qui profite largement aux ménages les plus aisés. Dans le même temps, nous avons limité les effets pervers des mesures prises précédemment, en particulier le gel du barème, avec le renforcement de la décote et, maintenant, l’allégement d’impôt sur le revenu proposé dans ce projet de loi de finances rectificative et l’allégement de cotisations salariales prévu par le projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale, deux mesures qui profitent aux ménages moyens et modestes. Enfin, pour que personne n’échappe à l’effort demandé à tous, nous avons renforcé les moyens de la lutte contre la fraude fiscale, avec le succès que l’on peut aujourd’hui mesurer grâce à la prise de conscience, par ceux de nos compatriotes qui avaient jusqu’ici omis de déclarer des comptes à l’étranger, que les temps avaient changé. En faisant payer l’impôt par tous, cette politique nous permet d’en répartir plus justement la charge, grâce à la mesure d’allégement dès 2014 présentée par Michel Sapin il y a quelques instants.

Les mesures que nous avons adoptées depuis le début de la législature ont effacé les allégements consentis aux plus aisés pendant une décennie. La meilleure preuve du rétablissement de la progressivité du système fiscal est le rendement des impôts qui assurent la redistribution entre ménages : l’impôt sur le revenu a retrouvé son niveau d’avant 2002 et l’ISF, dont l’allégement était totalement incompréhensible alors que des efforts étaient demandés à tous, atteindra cette année un rendement de 5,3 milliards d’euros.

Nous avons augmenté les prélèvements obligatoires pour réduire le déficit, c’est vrai. Mais ces augmentations ont permis de renforcer la progressivité du système fiscal, de demander une plus grande contribution à ceux qui ont davantage de revenus et de patrimoine. Dans le même temps, les augmentations pour les plus aisés s’accompagnent d’allégements pour les plus modestes. Du début à la fin de la législature, notre politique fiscale restera conforme à notre objectif : rétablir la progressivité du système fiscal pour réduire les inégalités.

Pour l’avenir, le Gouvernement vous propose de poursuivre l’assainissement des finances publiques en le fondant sur des économies en dépenses. Ces économies seront réalisées selon les mêmes principes : chacun y prendra sa part, en fonction de sa capacité contributive, sans passe-droit. Chaque administration fera des économies en fonction de sa part dans la dépense publique totale, chaque bénéficiaire de la dépense publique sera mis à contribution.

Toutefois, il y aura des exceptions à cette règle ; elles concerneront les ménages les plus modestes, qui seront préservés. Les petites retraites et les minima sociaux resteront indexés sur l’inflation et le RSA sera revalorisé de 2 % au-delà de l’inflation.

La réduction de la dépense n’est pas forcément synonyme de retrait de l’État ou de réduction de notre protection sociale. Je le constate chaque jour, il existe des marges d’économies dans tous les champs de l’action publique. Ces économies doivent être faites pour réduire le déficit mais également pour que chacun constate que l’argent public est employé au mieux, sans gaspillage.

J’ai entendu les craintes qui peuvent exister quant à l’impact potentiel de ces économies sur la croissance et l’emploi,…

M. Pascal Cherki. Ah !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. …et je souhaite compléter la réponse que j’ai apportée sur ce point lors de la présentation du texte en commission des finances.

La politique économique et budgétaire que propose le Gouvernement est un bloc dont on ne peut dissocier les différentes composantes. Le pacte de responsabilité et de solidarité, le crédit d’impôt compétitivité emploi, les emplois d’avenir, le nouveau programme d’investissements d’avenir, le programme d’économies : toutes ces mesures ne peuvent être prises de manière isolée, elles forment un ensemble cohérent. Dans le contexte macroéconomique que nous anticipons, ces mesures doivent soutenir les créations d’emplois. Ces créations d’emplois, le programme de stabilité les évalue à 175 000 en 2015 puis à plus de 200 000 par an à compter de 2016.

Il est vrai que, en théorie, une réduction de la dépense publique a un impact sur la croissance, au moins à court terme. Mais en pratique, tout dépend de la nature de la dépense publique sur laquelle on agit. La dépense d’investissement est indispensable pour la croissance à court comme à long terme. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement a mis en œuvre un programme d’investissements d’avenir de 12 milliards d’euros qui sera entièrement sanctuarisé dans les trois ans qui viennent.

Inversement, avec plus de 1 200 milliards d’euros de dépenses, on ne peut nier qu’il existe certaines dépenses qui ne sont pas utiles pour la croissance, voire qui l’entravent parce qu’elles conduisent à gaspiller nos ressources. Réduire de telles dépenses a un impact très limité sur la croissance.

Madame la rapporteure générale, vous apportez, dans votre rapport, un soutien clair et explicite à la politique proposée par le Gouvernement…

M. Christophe Caresche. Absolument !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. …et je vous en remercie.

Vous notez également que le maintien du statu quo conduirait à une hausse brutale du déficit et emporterait des conséquences potentiellement désastreuses. Nous courrions en effet le risque que les créanciers de l’État perdent confiance dans sa signature, ce qui entraînerait une augmentation des coûts de financement supportés par l’État, et donc de ceux des entreprises et des ménages, Cette situation, notre pays l’a connue à l’automne 2011 : elle a conduit à une stagnation prolongée de la croissance et à une hausse brutale du chômage.

Monsieur le président de la commission, mesdames, messieurs les députés, nous faisons face depuis 2012 à une situation budgétaire historiquement dégradée qui est le résultat des politiques menées pendant dix ans. Notre responsabilité est de poursuivre l’assainissement des finances publiques. Nous accomplirons cette tâche et, comme depuis le début de la législature, nous le ferons dans la justice aux fins de relancer la croissance et de préserver notre modèle social. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure générale de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la croissance est le fil rouge du Gouvernement et ce projet de loi de finances rectificative en est le point d’équilibre. Équilibre entre réduction des dépenses pour une gestion sérieuse des deniers publics, la relance des entreprises et le soutien au pouvoir d’achat de nos concitoyens. Ce PLFR est un triptyque, et c’est bien l’équilibre entre ces trois axes qui en fait la force, la crédibilité, et qui surtout signe son efficacité économique et sociale.

Ce fil rouge de la croissance passe par un équilibre entre ces trois axes, et c’est celui qui a été défendu par les présidents et premiers ministres sociodémocrates réunis ce week-end à Paris à l’initiative du Président de la République.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Ce fil rouge de la croissance doit devenir le fil rouge de l’Europe. C’est lui qui permettra à l’Europe d’assurer ses équilibres financiers et de créer des emplois pour l’ensemble des Européens.

Créer de l’emploi, c’est ajouter le chaînon manquant dans la chaîne économique. Le chaînon manquant aujourd’hui, c’est l’investissement. La France est le n3 mondial de l’innovation. Ce n’est pas moi qui l’invente, c’est l’agence américaine Reuters qui le dit : je ne crois pas qu’on puisse la soupçonner de vouloir être excessivement favorable à la France. Elle attribue à notre pays 11 % de l’innovation mondiale, et seulement 4 % à l’Allemagne.

Avec un tel pedigree, comment se fait-il que notre pays se retrouve dans une situation économique et sociale si difficile ? La faute à qui ? Sans doute et surtout, à un manque d’investissement. Depuis le début des années 2000, le taux d’investissement des entreprises françaises, c’est-à-dire le montant investi rapporté à la valeur ajoutée, hors immobilier, baisse continûment : il est inférieur à celui de l’Allemagne et à celui des grandes économies européennes.

Et aujourd’hui, nous en payons l’addition : sans investissement suffisant, pas de produits à vendre ; sans produits, pas de ventes ; sans ventes, pas d’emplois ; sans emplois, pas de pouvoir d’achat pour les salariés ; sans pouvoir d’achat, pas de débouchés pour les entreprises françaises. On entre alors dans une spirale négative et c’est bien cette spirale, économique et sociale, qu’il faut casser.

Recréer le chaînon manquant de l’investissement, c’est ce qui a été fait à travers le CICE. Les employeurs et chefs d’entreprise, vous l’avez dit monsieur le ministre, viennent, à l’occasion de la clôture de leurs comptes de 2013, de prendre connaissance des montants qui vont leur être versés, et je dois dire que pour un certain nombre d’entre eux, qui peut-être n’y croyaient pas, c’est une très bonne nouvelle, propre à redynamiser l’investissement.

Recréer le chaînon manquant de l’investissement, c’est également l’objectif du pacte de responsabilité et de solidarité, dont les principales mesures vont commencer à être mises en œuvre au travers du projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale.

Cette dynamique-là est indispensable, et elle commence à prendre. C’est ce que révèle en tout cas la dernière enquête de l’INSEE sur les investissements dans l’industrie, qui consiste à interroger les entrepreneurs sur l’évolution de leur taux d’investissement. En avril dernier, les chefs d’entreprise de l’industrie nous ont dit qu’ils anticipaient une hausse de 4 % de leurs investissements pour 2014.

Au total, notre pays aura réalisé, à l’égard des entreprises françaises, le plus gros effort jamais engrangé. Il faut que les entreprises l’entendent ; il faut qu’elles donnent des gages à l’ensemble des Français et en premier lieu à leurs salariés, en faisant franchir une étape supplémentaire au dialogue social.

Cet effort ne pourra porter vraiment ses fruits que s’il y a adhésion du pays. L’adhésion ne se décrète pas, elle se vit, elle se construit. Elle se vit si on a la certitude de pouvoir bénéficier du surcroît de richesse créée. Cette adhésion passe par une politique en faveur du pouvoir d’achat des Français, qu’ils travaillent, qu’ils soient chômeurs ou retraités. Pour que cette politique marche, il faut qu’elle avance sur les deux pieds : celui du futur – c’est l’investissement –, celui du présent – le pouvoir d’achat. C’est bel et bien à l’œuvre depuis le début de cette législature : je ne vais pas revenir sur la revalorisation de 25 % de l’allocation de rentrée scolaire, la revalorisation de la décote pour les ménages aux revenus les plus modestes, la création des emplois d’avenir qui bénéficie à 150 000 jeunes, ou encore la revalorisation des traitements chez les fonctionnaires de catégorie C, qui ont vu augmenter leurs revenus de 30 à 60 euros par mois au cours du dernier trimestre.

Avec ce projet de loi de finances rectificative, le Gouvernement nous propose d’aller plus loin, en réduisant l’impôt sur le revenu – de 700 euros pour un couple qui gagne moins de 28 000 euros par an, de 350 euros pour un célibataire – et en baissant les cotisations salariales, à hauteur de 500 euros pour une personne qui gagne le SMIC.

Remettre les ménages français au cœur de la politique économique de notre pays, c’est ce que le Gouvernement fait avec ce projet de loi de finances rectificative et avec le projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale, parce que les Français, mes chers collègues, sont et resteront toujours le socle sur lequel s’appuiera notre réussite économique et sociale.

Mme Sandrine Mazetier. Très juste !

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Pour financer l’effort en faveur des entreprises, il y a deux options : augmenter les impôts ou réduire les dépenses publiques. Dans ce projet, le Gouvernement a choisi la seconde option.

Je voudrais profiter de cette tribune pour revenir sur les chiffres publiés dans mon rapport, qui ont donné lieu à quelques interprétations, erronées parfois, polémiques pour certaines, là où il n’y a pas lieu d’y avoir polémique.

Réduire les dépenses, c’est une nécessité pour une gestion sérieuse. Réduire les dépenses publiques est une nécessité économique, après le dérapage qu’elles ont connu entre 2007 et 2012, puisque je rappelle que c’est à ce moment-là qu’elles ont atteint le niveau le plus élevé de notre histoire.

Réduire les dépenses publiques, c’est aussi respecter nos concitoyens, en faisant en sorte de mettre un terme aux doublons qui peuvent exister. Je vais prendre un exemple très concret : il y a aujourd’hui en France des territoires qui ont trois agences de développement économique. Ne vous méprenez pas, je n’ai rien contre les agences de développement économique. Je constate juste que sur certains territoires, il y en a trois : celle de la région, celle du département et celle de l’agglomération. Cela coûte donc trois fois aux contribuables, pour des missions relativement équivalentes. Par ailleurs, lorsqu’une entreprise sollicite un accompagnement, elle a trois dossiers à remplir – en général, ce ne sont pas les mêmes –, ce qui induit pour elle des coûts supplémentaires.

Réduire les doublons relève donc de la bonne gestion ; mais chacun comprendra que cela détruit des emplois. Dans mon rapport, j’ai été amenée à citer une évaluation du ministère des finances et des comptes publics, concernant l’impact des réductions de dépenses publiques sur l’emploi. C’est une évaluation, il faut la prendre pour ce qu’elle est. C’est une simulation qui vise à éclairer nos débats et rien de plus.

Cette évaluation souligne clairement qu’une réduction des dépenses publiques ne peut se faire que si on a une stratégie active de soutien et d’accompagnement de la croissance, qui permette de compenser les emplois détruits, voire d’en créer plus. Et c’est exactement ce qui est proposé par le Gouvernement. C’est bien l’équilibre à atteindre qui est gage de réussite et d’efficacité.

J’ai aussi publié cette évaluation à l’attention de nos collègues de l’UMP, surtout ceux qui s’enferment dans la surenchère en demandant toujours plus de réductions de dépenses.

Mme Valérie Pécresse. Ça dépend lesquelles !

M. Patrick Ollier. Ils ne sont pas là, ceux-là…

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Mes chers collègues de l’opposition, un plan d’économies de 130 milliards d’euros sur cinq ans, c’est-à-dire quasiment trois fois ce qui est proposé par le Gouvernement, casserait, vous vous en rendez bien compte, l’équilibre recherché. Je voudrais le dire en un mot : votre plan d’économies de 130 milliards d’euros mettrait tout simplement la France à mal, et pour longtemps.

M. Éric Alauzet. C’est une folie !

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Persister à faire de la surenchère sur la baisse des dépenses publiques est d’autant plus incompréhensible que lorsqu’on analyse les amendements que vous avez déposés en commission des finances, on s’aperçoit qu’ils conduisent tous à une dégradation des finances publiques. Si nous les avions adoptés, nous aurions dégradé d’au moins 16 milliards d’euros nos finances publiques.

M. Jean-François Lamour. Pour l’instant, on ne peut pas dire que vos résultats soient bons !

M. Patrick Ollier. Vous ne faites pas mieux !

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Si la finalité première de notre action économique est bien la croissance, sa finalité seconde est de réduire notre déficit et notre dette. Le présent projet de loi révise la prévision de solde public de 3,6 % à 3,8 % du PIB, comme le prévoyait déjà le programme de stabilité présenté en avril dernier.

La révision du déficit public résulte d’une révision des prévisions de recettes de 5,3 milliards d’euros, après les moins-values fiscales de 3,5 milliards d’euros constatées en loi de règlement par rapport à la loi de finances rectificatives de décembre 2013.

Cette révision témoigne d’un réel effort de sincérité budgétaire, surtout quand on connaît la difficulté que représente la prévision des recettes fiscales, comme l’a montré un récent référé de la Cour des comptes et comme l’a confirmé l’audition des directions financières du ministère sur ce sujet.

Cette baisse des recettes prévisionnelles est partiellement compensée par un ajustement supplémentaire de 4 milliards d’euros, dont 1,6 milliard sur l’État et 2,4 milliards sur les administrations de Sécurité sociale.

Concernant l’effort portant sur le budget général, tous les ministères ont été sollicités et les économies proposées l’ont été sur des postes pour lesquels un effort supplémentaire était possible, sans affecter en cours d’année la conduite des politiques publiques.

Par ailleurs, il faut souligner que sur les 1,6 milliard d’euros de crédits ainsi annulés, près d’un milliard concerne des crédits frais, tandis que les 600 millions restant résultent de l’annulation de crédits gelés, comme l’a rappelé M. le ministre. Il s’agit donc d’un effort supplémentaire substantiel et je mets en garde l’opposition contre la tentation d’en demander toujours plus dans ce domaine, comme certains ont pu sembler le souhaiter.

Je tiens par ailleurs à souligner que le présent projet constate une moindre dépense supplémentaire de 1,8 milliard d’euros sur la charge de la dette et que ces moindres dépenses pourraient même se révéler d’un montant supérieur après l’abaissement du taux directeur de la BCE.

Je signale que si les taux d’intérêt sont historiquement bas, bien sûr il faut y voir l’impact de la politique monétaire menée par la BCE, mais aussi la crédibilité de la France, la crédibilité de sa politique économique, qui expliquent que les investisseurs nous font confiance.

En conclusion, ce projet de loi de finances rectificative est un projet crédible, qui nous place sur une trajectoire de redressement économique et budgétaire. J’appelle donc à le voter, comme l’a fait notre commission la semaine passée, avec les amendements qu’elle a adoptés, et sur lesquels nous reviendrons dans le fil de la discussion. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC.)

Mme Eva Sas et M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Tout d’abord, je me félicite, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, que le Gouvernement ait décidé – contrairement à l’année dernière – de procéder à un collectif en ce milieu d’année 2014. Un collectif – et je m’adresse plus particulièrement à vous, monsieur le secrétaire d’État – n’est pas seulement justifié par la nécessité d’adopter de nouvelles mesures fiscales. Un collectif, c’est d’abord une œuvre de transparence et de sincérité budgétaire.

Mme Valérie Pécresse. Eh oui !

M. Jean-François Lamour. La transparence, ce n’est pas la qualité première de ce Gouvernement !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Et pourquoi avons-nous tellement besoin de transparence et de vérité ? Tout simplement parce que nous avons, cette année, un besoin de financement de 180 milliards d’euros à couvrir et qu’il faut absolument garder la confiance de nos créanciers.

M. Dominique Baert. Ce n’est pas un besoin nouveau !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Or, quand les comptes sont transparents, on garde la confiance de ses créanciers.

Par ailleurs, il y a manifestement une dégradation.

Cette dégradation, vous l’avez estimée à une moins-value de 5 milliards d’euros s’agissant des recettes, en particulier sur l’impôt sur le revenu et sur l’impôt sur les sociétés. Vous la justifiez essentiellement par l’effet-base, à cause des 15 milliards de moins qu’il a fallu constater en 2013. Je pense qu’elle va être liée à des phénomènes propres à l’année 2014, et c’est ce qui est inquiétant.

Tout d’abord, votre budget repose sur une prévision de croissance à 1 %. Premier trimestre : zéro. Deuxième trimestre : guère plus de zéro. Les premiers indicateurs ne sont pas très favorables : il faudrait un rattrapage extraordinaire pour arriver à 1 %.

Ensuite, quand on est conduit à dégrader à nouveau la prévision de recettes de l’impôt sur le revenu de plus de 3 milliards en 2014, après les 5 milliards de 2013, c’est qu’il y a un véritable essoufflement, et derrière, des modifications substantielles, structurelles, du comportement des agents économiques.

S’agissant de l’impôt sur les sociétés, mes chers collègues, la diminution de son produit traduit, hélas ! l’effritement, pour ne pas dire l’effondrement progressif des marges de toutes nos entreprises.

En face de ces 5 milliards de recettes en moins, pour essayer de ne pas trop dégrader le déficit, vous proposez 3,4 milliards d’annulations de crédits. Dieu merci, comme on le fait depuis des années, on trouve 1,8 milliard du côté des intérêts de la dette.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Nous ne les avons pas comptés !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Cela ne durera pas, il faut en être conscient. Quoi qu’il en soit, il faut compléter cette somme en réduisant d’1,6 milliard les autres dépenses. Là, messieurs les ministres, j’apprécie l’effort que vous avez fait : réussir à convaincre les ministères dépensiers que, sur ces 1,6, milliard, 1 milliard soit pris sur des crédits qui ne sont pas déjà gelés, cela relève de l’exploit ! En même temps, cela montre, monsieur Sapin, soit du réalisme, soit même un peu de pessimisme quant aux mois à venir.

M. Michel Sapin, ministre. Et voilà !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. En effet, si vous préférez ne pas hypothéquer la réserve des crédits gelés, c’est parce que vous vous dites – et vous avez raison – que le second semestre sera difficile. (Interruptions sur les bancs du groupe SRC.)

Il sera difficile, parce que nous allons être confrontés à un double risque – je le dis dès à présent à cette tribune. Le premier risque va peser sur les recettes : je pense que nous aurons de nouvelles moins-values à constater. Le second risque, qui est nouveau par rapport à l’exécution 2013, pourrait peser sur les dépenses : je pense que nous allons assister à des dérapages de crédits.

Par exemple, les opérations extérieures : Jean-François Lamour l’a dit lors de l’audition du ministre Le Drian, nous savons que leur montant approchera 1 milliard, alors que nous n’avons inscrit que 450 millions.

M. Jean-François Lamour. Eh oui !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Et puis il y a toutes les interventions sociales, qu’on n’hésite pas à augmenter. Nous assisterons donc à des dérapages.

Tout cela conduit à une augmentation du déficit de 2014 : il va s’approfondir, s’aggraver, de 1,4 milliard d’euros. Dès le programme de stabilité du mois d’avril dernier, le Gouvernement a été conduit à ajuster la prévision de déficit public en la portant de 3,6 à 3,8 points de PIB. Je reprends les avertissements de la Cour des comptes, qui malheureusement a fait preuve d’une grande lucidité.

M. Charles de Courson. « Malheureusement » est de trop, monsieur le président !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Malheureusement, s’agissant de la situation de notre pays.

M. Dominique Lefebvre. Cela fait quelques années qu’elle est mauvaise !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Nous devons tous être conscients que les déficits publics de notre pays viennent de passer au-dessus de la moyenne tant de la zone euro que de l’Union européenne. Il en est de même s’agissant de la dette publique, qui a atteint 94 % du PIB. Je me demande d’ailleurs, messieurs les ministres, si votre longévité aidant – faisons ce pari – vous ne serez pas à la fin de 2015 les ministres d’une dette publique de 100 % du PIB !

Au rythme actuel de trois points par an, avec une dette qui était à 94 % à la fin de 2013 et qui sera de 97 % à la fin de 2014 – nous y sommes, c’est inéluctable – vous risquez en effet d’attacher votre nom au basculement de notre pays dans une dette publique au-delà de 100 %.

Mme Karine Berger. Vos propos ne sont pas très justes, monsieur le président !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Ceci, madame Berger est très dangereux.

M. Dominique Baert. À qui la doit-on, cette dette ? À vous !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. À partir de l’analyse de 150 années de faillites d’États, de brillants économistes expliquent que nous sommes en zone dangereuse lorsque la dette se situe aux alentours de 100 % du PIB.

N’oublions jamais que cent points de base de plus sur notre dette représentent immédiatement deux à trois milliards, ce qui conduit à l’explosion de notre budget. Disant cela, j’ai conscience d’aider le Gouvernement.

M. Dominique Baert. Ne nous aidez surtout pas !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Nous devons poursuivre dans la voie de la réduction des déficits publics. Je ne suis pas un intégriste du retour à l’équilibre à marche forcée mais, peu à peu, nous devons y revenir. Or, chacun d’entre nous le sait, nous n’avons plus aucune marge de manœuvres du côté des recettes : il n’est plus possible d’augmenter les impôts et les prélèvements.

D’ailleurs, la Cour des comptes l’a noté : entre 2015 et 2017, les baisses d’impôt seront très faibles malgré le Pacte de responsabilité et de solidarité puisqu’elles s’élèveront non à 35 milliards mais à 14 milliards – les hausses d’impôts étant quant à elles de 21 milliards. Une telle baisse est très bienvenue, mais ce n’est tout de même pas considérable.

M. Michel Sapin, ministre. En tout cas, cela nous change !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Monsieur le ministre, en insistant sur la nécessaire maîtrise de l’augmentation de la dépense publique, je poursuis mon travail de soutien au Gouvernement.

En effet, chaque fois que l’on propose une augmentation moins rapide de la dépense, cela provoque des oppositions forcenées et dogmatiques que je ne parviens pas à comprendre. Entre 2015 et 2017, nos 1200 milliards de dépenses publiques continueront de croître de 20 milliards chaque année, ce qui représente 60 milliards. Que l’on ne nous parle donc pas d’économies ! Affirmer que l’on réalisera 50 milliards d’économies parce que l’augmentation de la dépense ne sera pas de 110 milliards en trois ans mais de 60 milliards seulement, c’est un raisonnement baroque !

M. Éric Alauzet. Vous avez vous aussi procédé ainsi !

M. Charles de Courson. C’est du Molière !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Dans votre excellent rapport, madame la rapporteure générale, vous avez écrit que la réduction de la dépense publique avait des effets récessifs.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Je n’ai pas écrit cela comme cela !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Vous n’auriez pas dû autant écouter votre collègue et amie Karine Berger, qui vous entraîne vers un mauvais raisonnement ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean-Marc Germain. Pas d’attaque personnelle !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Madame Berger, avec un record du monde des dépenses publiques, qui s’élèvent à 57 %, notre pays – si je suivais vos dires – devrait être également recordman en matière de croissance, or, nous en sommes très loin !

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. À qui le devons-nous ?

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Je vous invite à méditer un graphique extrêmement intéressant qui figure dans le rapport de la Cour des comptes et qui, lui, est plus inquiétant encore. Il illustre l’évolution de la dépense publique en France et en Allemagne depuis 2001.

En 2001, l’écart de la dépense publique entre nos deux pays par rapport au PIB était de quatre points ; en 2013, il était de douze points. Trois fois plus ! Eh bien, grâce à la baisse des dépenses publiques, madame Berger, les performances de l’Allemagne en matière de croissance sont très supérieures aux nôtres. Voilà la réalité ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

Qu’est-ce qui est récessif ?

M. Dominique Lefebvre. Vous !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. L’augmentation forcenée et tous azimuts des impôts et des prélèvements !

Mme Karine Berger. C’est faux !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. C’est elle qui mine la confiance et entretien la défiance face à l’avenir.

À ce propos, monsieur le ministre, vous m’avez promis que le rapport sur les départs et les retours de contribuables français dans notre pays au titre de 2012 serait remis à la fin du mois de juin. Je souhaite vraiment le lire car je suis très inquiet.

L’effondrement de l’assiette de l’impôt sur le revenu pour les très hauts revenus montre bien qu’il se passe quelque chose. L’hyperconcentration de cet impôt est considérable puisque 1 % des foyers fiscaux en paient 48 %. Lorsque quelques milliers d’entre eux quittent notre pays, l’effet est absolument dévastateur.

Mme la présidente. Je vous prie de bien vouloir conclure.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Je vous remercie de votre indulgence, madame la présidente. J’évoquerai donc en quelques mots rapides la mesure fiscale concernant les ménages les plus modestes.

Elle va dans le bon sens, je ne le nie pas, mais elle est mal calibrée, insuffisante et même injuste. En effet, un célibataire qui gagne 1,1 fois le SMIC bénéficiera d’une ristourne de 350 euros. S’il en gagne 1,2, il n’a plus rien. On dénombre dix millions de ménages appartenant aux classes moyennes qui gagnent entre 1,1 SMIC et 30 000 à 35 000 euros par an, or, croyez-moi, vivre en Île-de-France avec cette somme-là, pour un ménage avec des enfants, c’est très difficile.

M. Jean-François Lamour. C’est en effet très serré !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Eh bien, ces dix millions de ménages ne disposeront que d’un droit en 2014 : payer au titre des mutuelles santé, payer au titre de l’abaissement du plafond du quotient familial, payer au titre de la refiscalisation des heures supplémentaires, et j’en passe ! Et que dire de tous ces petits retraités dont le revenu imposable sera majoré de 10 % ?

M. Charles de Courson. S’ils ont eu des enfants !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Au mois de septembre, ces classes moyennes auront vraiment la gueule de bois !

Alors, écoutez l’opposition !

M. Nicolas Sansu. L’opposition de gauche !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. La proposition qu’elle vous fait est solide et de qualité : prenez une mesure un peu plus ambitieuse en augmentant d’un milliard supplémentaire la réduction fiscale en faveur des ménages modestes ! Adressez-vous ainsi à cette dizaine de millions de ménages modestes et de classes moyennes qui font l’économie de la France ! Ce sont eux qui travaillent, mais, à force de travailler et de payer des impôts sans jamais avoir droit à quoi que ce soit, ils finissent par se décourager.

Mme Sandrine Mazetier. Qu’est-ce que c’est que ce discours ?

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Afin de financer cette réduction fiscale supplémentaire d’un milliard, nous vous proposons trois mesures d’économie.

Abandonnez la réforme des rythmes scolaires et nous obtiendrons 500 millions (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), remettez de l’ordre dans l’aide médicale d’État et nous obtiendrons 200 millions, rétablissez le jour de carence dans la fonction publique et nous obtiendrons 300 millions ! Vous pouvez trouver immédiatement un milliard en supprimant des dépenses complètement inutiles ! Suivez la proposition constructive de l’opposition ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Motion de rejet préalable

Mme la présidente. J’ai reçu de M. Christian Jacob et des membres du groupe de l’Union pour un mouvement populaire une motion de rejet préalable déposée en application de l’article 91, alinéa 5, du règlement.

La parole est à Mme Valérie Pécresse.

Mme Valérie Pécresse. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des finances, madame la rapporteure générale, chers collègues, l’an dernier, pour notre budget 2013, la majorité avait décidé de faire l’impasse sur toute rectification de la loi de finances en cours d’exécution.

On connaît le résultat : un écart de près de 15 milliards d’euros entre vos prévisions de recettes et la réalité des sommes encaissées par l’État. L’impôt tue l’impôt. Aucun économiste, aucun mathématicien, aucun statisticien n’était vraiment parvenu à démontrer la courbe de Laffer mais la gauche française, elle, l’a fait.

Refus de consommer, d’investir, délocalisations, recours au travail au noir : l’overdose fiscale que vous avez infligée aux Français depuis 2013…

M. Jean-Marc Germain. Vous êtes un peu amnésique !

Mme Valérie Pécresse. …a eu des conséquences très graves sur la croissance et l’emploi. Nous vous l’avions dit et vous avez refusé de nous entendre. Alors, sans doute échaudés par cette situation totalement inédite dans l’histoire de nos finances publiques, vous avez décidé cette année de présenter un collectif budgétaire.

Ce retour à davantage de sincérité dans la gestion du budget de l’État est une bonne chose que nous saluons. Cela étant dit, observons désormais le fond de votre projet de loi de finances rectificative.

Attachons-nous d’abord au constat.

Bercy nous dit que les recettes fiscales sont en recul de 4,8 milliards du fait de moindres rentrées de l’impôt sur le revenu et de l’impôt sur les sociétés.

Très logiquement, le projet de loi que nous examinons devrait donc soit s’attacher à retrouver un montant équivalent de recettes nouvelles, soit – et ce serait naturellement la solution la plus vertueuse – dégager un montant équivalent d’économies pour ne pas dégrader un peu plus encore le déficit de nos finances publiques.

Eh bien, ce n’est pas la solution que vous avez choisie !

Nos recettes baissent de 4,8 milliards et vous ne réduisez les dépenses que de 3,4 milliards, et encore, pour 1,8 milliard, cette baisse de dépense ne résulte-t-elle que d’une réduction de la charge de la dette liée à un environnement de taux très favorable en raison de la politique monétaire très accommodante de la Banque centrale européenne !

Alors, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, je vous pose une première question : qu’arrivera-t-il le jour où les taux d’intérêt remonteront car, inéluctablement, ils remonteront ? On ne peut pas construire durablement une politique budgétaire sur de tels aléas.

Dans son discours de politique générale, Manuel Valls avait placé son mandat sous le sceau des économies, madame la rapporteure générale. Dix semaines plus tard, il y a déjà renoncé. Son premier acte budgétaire est un nouveau creusement des déficits.

François Hollande a été élu sur l’engagement de réduire le déficit public à 3 % du PIB en 2013. Il aura finalement été de 4,1 % en 2013, comme Gilles Carrez, président de la commission des finances, l’avait d’ailleurs annoncé et alors que Pierre Moscovici l’avait traité à cette occasion-là, je crois, de menteur. Eh bien, la réalité a donné raison à M. Carrez !

Le déficit public s’affiche à 3,8 % en 2014 – si vous réussissez à tenir vos objectifs. En deux ans, les renoncements de François Hollande à agir sur les dépenses auront donc coûté 38 milliards d’impôts supplémentaires aux Français. Une bonne part de leur effort a été consacrée à augmenter la dépense et non à réduire les déficits. C’est un comble !

C’est la crise, me direz-vous. Certes, mais qui veut bien s’en donner la peine observera que nos comptes publics sont bien plus dégradés que ceux de nos voisins européens.

Pas besoin d’études savantes pour établir ce constat. Il suffit de lire le dernier rapport de la Cour des comptes, qui a d’ailleurs eu l’amabilité de faire remarquer que, sur les trente dernières années, les dépenses publiques ont baissé en valeur nette lors de la seule année 2011.

Que nous dit la Cour ? Je la cite : « La dette publique française a augmenté plus que la moyenne européenne et se situe désormais au-dessus de celle-ci ». Et la Cour d’ajouter : « Les dépenses publiques ont crû en France en 2013 alors qu’elles ont baissé dans le reste de l’Europe, et la progression des recettes y a été plus forte qu’ailleurs. »

Pour être encore plus clair : vous avez tout lâché sur la dépense et vous avez assommé les Français d’impôts. Et cela n’est pas l’effet de la crise, mais de votre politique.

M. Michel Sapin, ministre. Ce n’est pas vrai !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Les bras m’en tombent !

Mme Valérie Pécresse. L’arrivée de Manuel Valls à Matignon infléchit-elle cette tendance ? Je l’ai dit : malheureusement, non.

Je cite Manuel Valls : « Je suis pour le respect de nos engagements, pour le sérieux budgétaire ». Le serment solennellement prononcé à cette même tribune il y a un peu plus de dix semaines a été oublié.

Avant même d’avoir réalisé la moindre économie, le nouveau gouvernement a annoncé – comme par hasard juste avant les élections européennes – une baisse d’impôt sur le revenu de 1,1 milliard d’euros.

Pour paraphraser un mot historique, vous aviez le choix entre tenir vos engagements et la défaite. Vous avez renoncé à vos engagements, ce qui ne vous a pas épargné la défaite.

Mme Karine Berger. Oh la la !

Mme Valérie Pécresse. Car ne nous y trompons pas, votre baisse d’impôt est très largement un leurre.

C’est un leurre car elle succède à une hausse d’impôt massive et n’en corrige que très partiellement les effets.

Rien que pour 2014, les classes moyennes subissent la fiscalisation de la majoration de 10 % des pensions de retraite pour les retraités ayant élevé trois enfants ou plus, la fiscalisation de l’abondement des entreprises pour les complémentaires santé et l’abaissement du plafond du quotient familial à 1 500 euros.

Et tout cela, c’est sans compter les mesures que vous aviez prises en 2012 et qui, pour la première fois en 2014, sont effectives en année pleine – je pense principalement à la refiscalisation des heures supplémentaires.

D’un côté, vous prenez 4,5 milliards, de l’autre vous en rendez 1,1. Au final, c’est toujours 3,4 milliards qui manquent dans la poche des Français à la fin de l’année !

Votre baisse d’impôts est un leurre car elle ne touche que 1,1 million de contribuables alors que plus de 5 millions de foyers sont touchés, qui appartiennent très largement à la classe moyenne. Gilles Carrez a en effet démontré que, proportionnellement, les plus touchés ne sont pas les ménages les plus aisés mais ceux qui gagnent entre 20 000 et 40 000 euros par an. Pas les riches, n’en déplaise au Président de la République ! Ceux-là verront cette année encore leurs impôts augmenter, plus que les autres. Est-ce juste ?

C’est un leurre, car cette baisse d’impôt est financée par une recette exceptionnelle, au demeurant déjà inscrite au budget : la régularisation des avoirs non déclarés à l’étranger.

Alors, je sais bien, monsieur Eckert, que cette présentation permet de raconter une belle histoire : les amendes des riches fraudeurs venant financer la baisse d’impôts des Français les plus modestes. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe SRC.)

Mais que ferez-vous l’année prochaine lorsque cette recette exceptionnelle se sera tarie ? Que ferez-vous les années suivantes lorsque, par définition, le produit de ces amendes ne sera plus là, l’argent ayant été rapatrié ?

Irez-vous dire aux ménages modestes, messieurs les députés de la gauche de la gauche, que le trésor s’étant tari, ils vont devoir remettre la main à la poche ?

M. Dominique Baert. On empruntera auprès du groupe UMP ! (Rires sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Mme Valérie Pécresse. Ce n’est pas drôle, madame Berger ! La vérité, on la connaît d’avance : c’est une nouvelle fois la classe moyenne, parce qu’elle est la plus nombreuse, qui sera mise à contribution pour colmater les déficits que vous ne serez pas parvenus à résorber par la baisse des dépenses publiques.

Je ne crois pas que les ménages français rient en ce moment, madame Berger. Car le plus inquiétant dans votre politique, c’est bien votre incapacité à proposer et à réaliser des réformes durables susceptibles de replacer la France sur le chemin de la croissance et de l’emploi.

Je n’aurais pas la cruauté de rappeler ici…

M. Razzy Hammadi. Votre bilan !

Mme Valérie Pécresse. …toutes les prises de position de la nouvelle conseillère économique du Président de la République.

M. Pascal Cherki. Allez-y, qu’on rigole !

Mme Valérie Pécresse. « Arrêtons le massacre ! », le titre de sa fameuse tribune ne pouvait pas être plus éloquent et son contenu plus explicite.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Vous n’aurez pas la cruauté de le rappeler, mais vous le faites tout de même !

Mme Valérie Pécresse. Je n’en citerai que quelques lignes : « Les choix de politique économique du gouvernement sont quasiment inexistants […] » C’est pour vous, monsieur le ministre ! « La déclaration de politique générale de Manuel Valls l’annonçait : c’est un programme qui ne vise ni à soutenir la demande à court terme, ni à élever le potentiel de croissance de long terme. […] Les réductions de dépenses sont un énième coup de rabot synonyme de non-choix : coup de rabot sur les dépenses, gel des points d’indice des fonctionnaires et gel des prestations. Jusqu’à quand ? Jusqu’à ce que salariés de la fonction publique et les bénéficiaires des prestations sociales se révoltent et descendent dans la rue ? Et là, on desserrera la corde, comme vient de le faire le gouvernement sous la pression des députés, pour resserrer deux boulons ailleurs. »

Espérons simplement pour la politique économique de la France que la lucidité de Mme Boone ne se perde pas dans les sables élyséens.

Oui, il faut des baisses d’impôt massives. Mais il faut au préalable des réformes structurelles profondes, génératrices d’économies. Il faut d’abord en finir avec cette instabilité fiscale étourdissante qui nuit à la consommation et à la compétitivité des entreprises. Qui ne sait pas combien il paiera d’impôts demain ne peut pas consommer ni investir, et il ne dépense pas aujourd’hui.

Prenons le cas du CICE. Personne n’est capable de savoir ce que vous allez en faire, et les entreprises craignent sa remise en cause. Vous devriez le supprimer une fois pour toutes et le remplacer par une baisse de charges simple et pérenne d’un même montant. Cela rassurerait tout le monde !

Il y a un an, j’ai demandé à votre prédécesseur, monsieur le ministre, de me fournir les chiffres du CICE pour les entreprises d’Île-de-France. Je n’ai pas eu de réponse. Est-ce quelques centaines de millions d’euros, est-ce un milliard ?

M. Razzy Hammadi. Les données sont disponibles sur internet !

Mme Valérie Pécresse. Si vous aviez laissé la TVA anti-délocalisation en place, les entreprises bénéficieraient depuis deux ans de 13 milliards de baisses de charge. Reconnaissez-vous enfin l’erreur que vous avez commise en supprimant ce dispositif que nous avions fait adopter ?

De la même manière, alors que vous avez annoncé une baisse de l’imposition sur les bénéfices des entreprises dans le cadre du pacte de responsabilité – cette éternelle Arlésienne – vous proposez à l’article 5 de ce PLFR de prolonger d’un an la contribution exceptionnelle à l’impôt sur les sociétés.

Quelle est la logique ? Quelle peut-être votre crédibilité auprès des entrepreneurs ?

M. Jean-François Lamour. Aucune !

Mme Valérie Pécresse. D’un côté, vous promettez des baisses d’impôts, de l’autre, vous prolongez la surtaxe à l’impôt sur les sociétés. Où est la cohérence ?

M. Jean-François Lamour. Nulle part !

Mme Valérie Pécresse. Dès lors que vous proposez de baisser le coût du travail et la fiscalité des entreprises, il faut le faire, monsieur le ministre. L’urgence de notre situation commande de prendre des mesures fortes pour relancer notre compétitivité.

Le décrochage de notre économie devient préoccupant. Car désormais ce n’est plus seulement l’Allemagne qui nous distance, mais une grande partie de l’Europe qui, elle, a compris l’urgence des réformes et a eu le courage de les faire. Nous, nous faisons tout le contraire.

Où sont les réformes ? Manuel Valls misait beaucoup sur une nouvelle étape de la décentralisation pour faire des économies. J’ai lu attentivement les projets de loi présentés au Conseil des ministres la semaine dernière. Où sont les économies ?

Ici même, le 8 avril dernier, dans son discours de politique générale, il nous affirmait : « Je proposerai la suppression de la clause de compétence générale ». Dix semaines plus tard, le projet de loi entérine la possibilité pour toutes les collectivités de financer la culture, le sport, le tourisme, le numérique, le logement, l’habitat, la politique de la ville et la rénovation urbaine. Comme le remarque avec beaucoup de justesse notre collègue Alain Rousset, président socialiste de l’Association des régions de France : « Exit la notion de compétence exclusive qui avait pourtant été annoncée par le Président de la République et le Premier ministre. »

Exit aussi une vraie simplification de la carte administrative. Tout le monde l’a compris : il n’y aura pas d’économies sans suppression d’un échelon administratif. Or que fait le Premier ministre ? Prenons le cas de l’Île-de-France : au lieu de supprimer un des quatre échelons existant, il en ajoute un cinquième en annonçant qu’il redonnera aux territoires de la Métropole du grand Paris leur personnalité juridique. Communes, territoires, départements, métropole, région : cinq niveaux d’administration !

Une fois encore, les choix ne sont pas les bons. Ce n’est pas en agrégeant trois régions pour créer une énorme « Poichenli » allant de Dreux à Tulle, en passant par chez vous, monsieur le ministre.

M. Michel Sapin, ministre. Argenton-sur-Creuse !

Mme Valérie Pécresse. Cela représente cinq cents kilomètres du nord au sud, autant que de Paris à Amsterdam : ce n’est pas ainsi que l’on fera la moindre économie, vous le savez bien.

Renoncement encore et mauvais choix que de concentrer la baisse des dépenses sur la réduction des investissements. Amputer les crédits de la recherche et l’université, c’est sacrifier l’avenir et se priver un peu plus d’une chance de rebondir. J’ai apprécié l’euphémisme dans lequel vous avez enveloppé cette suppression de crédits de recherche : les investissements d’avenir seraient sous-consommés. Ils le sont lorsque l’on décide de ne pas les dépenser ! Le progrès technique est pourtant un facteur clé de croissance à long terme, et je ne crois pas que vous l’ignoriez.

Couper les crédits destinés aux infrastructures de transports, comme le drame de Brétigny l’a tragiquement montré, c’est menacer la sécurité des Français. C’est emboliser des régions entières, c’est priver des milliers de Français d’emplois liés à ces grands chantiers et, là encore, c’est hypothéquer la compétitivité future de notre pays.

Plus encore que les chiffres, il y a des symboles puissants qui montrent le « massacre » – je cite Mme Boone – dont est responsable votre politique économique et l’effritement inexorable de la position française en Europe et dans le monde.

Il y a d’abord cette fuite des investisseurs et l’incapacité de fleurons de notre économie comme Lafarge, Alstom, PSA, Club Méditerranée, à conserver les moyens d’un développement indépendant.

Il y a aussi l’effacement désormais presque total de notre pays sur la scène européenne. Les Français ont été, comme moi, très durement atteints dans leur fierté par l’épisode qui a suivi le discours de politique générale de Manuel Valls.

Le Premier ministre se faisait fort d’aller réclamer à Bruxelles un nouvel équilibre et un nouveau délai pour rétablir nos comptes publics. Nos négociateurs n’étaient pas encore à la Gare du Nord qu’ils ont dû rebrousser chemin en raison de la fin de non-recevoir cinglante de Bruxelles.

Ce refus n’était pas seulement celui de quelques technocrates zélés. Il exprimait d’abord et avant tout le ras-le-bol de tous ces peuples – en particulier d’Europe du sud – qui ont fait tant d’efforts pour surmonter la crise, commencent à en toucher les fruits, et qui voient la France, avec désinvolture, s’exonérer des règles qu’elle leur a imposées faute de s’être elle-même réformée.

En 2009, Nicolas Sarkozy parvenait à convaincre Angela Merkel de la justesse de ses vues pour sauver les banques européennes de la banqueroute. Cinq ans plus tard, Matteo Renzi refusait la main tendue par la France pour plaider la cause des pays en délicatesse budgétaire avec Bruxelles, de peur de désigner l’Italie, qui activement se redresse, comme un pays n’assumant pas sa part des réformes.

Le contraste est saisissant. Ce constat est surtout terrifiant pour la France, son rang et la fierté des Français.

Ce premier texte budgétaire du nouveau gouvernement Valls aurait pu être l’acte I du redressement de la France. Il est malheureusement le symbole du renoncement.

Que la gauche meure est une chose, mais il ne faudrait pas que la France sombre avec elle. À la lumière des risques que ce texte fait courir à l’avenir de notre pays, il n’y a pas lieu à délibérer. C’est pourquoi je vous demande de le rejeter. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je voudrais répondre au réquisitoire de Mme Pécresse. Elle semble oublier qu’elle a exercé quelques fonctions dans un gouvernement précédent.

M. Dominique Baert. Nous, nous ne l’avons pas oublié !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je n’aurai pas, pour ma part, la cruauté d’annoncer que je ne rappellerai pas les chiffres du déficit budgétaire lorsqu’elle était à Bercy, puis de le faire quand même !

Mme Valérie Pécresse. J’ai baissé les dépenses, c’est le président de la Cour des comptes qui le dit !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je pense que pour la crédibilité de notre travail collectif – et je le souhaite le plus collectif possible –, il est bon d’éviter les contre-vérités majeures. Vous nous dites qu’il est de bon ton d’avoir fait cette année, contrairement à l’année dernière, un collectif budgétaire.

Je maintiens – et cela me permet de répondre au président de la commission des finances – qu’un collectif budgétaire a essentiellement pour fonction de prendre un certain nombre de mesures fiscales et budgétaires. Affirmer qu’il a vocation à assurer la transparence vis-à-vis du Parlement, des marchés et de la Commission européenne, c’est sous-estimer quelque peu la capacité d’observation de ceux qui nous regardent. Ceux-là, qu’ils aient prêté à la France ou que la France soit leur partenaire, suivent nos débats. Ils savent que nous transmettons un programme de stabilité, et ils examinent son contenu. En outre, le Parlement s’est prononcé sur ces éléments.

Ceux qui nous prêtent de l’argent comme ceux qui nous regardent car la France est leur partenaire suivent les débats en commission des finances. Et, monsieur le président de la commission, je peux en témoigner puisque j’y étais encore il y a peu : tous les ministres se succèdent régulièrement devant la commission des finances pour faire le point. Je ne dirai pas chaque mois, mais au moins chaque trimestre. Nous avons de nombreuses occasions de communiquer au Parlement l’état des finances publiques.

Si nous avons pris la décision de présenter un collectif budgétaire cette année, c’est parce que nous souhaitons faire adopter des mesures fiscales.

Mme Valérie Pécresse. De nouvelles dépenses !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Vous avez essayé de les tourner en dérision, madame Pécresse, mais 1,1 milliard d’euros en faveur de ceux qui sont au seuil d’imposition de l’impôt sur le revenu, je ne pense pas que cela soit anecdotique.

Il y a aussi des mesures budgétaires. À ce propos, je voudrais corriger une deuxième erreur, qui a été commise par vous-même et par M. Carrez. Lorsque vous dites que nous profitons du fait que la charge de la dette est inférieure de 1,8 milliard aux prévisions, c’est vrai, mais nous n’inscrivons pas cette somme comme une économie : elle n’est pas comptée dans les 4 milliards d’économies que nous avons présentées, monsieur le président de la commission. Vous êtes suffisamment informé de ces éléments pour ne pas commettre cette erreur, qui a été réitérée par Mme Pécresse.

Pardon, mes chers collègues, mais quelle est cette idée selon laquelle nous entrerions dans l’histoire parce que nous serions les premiers à franchir le seuil des 100 % de PIB pour la dette publique ? Quand un vase déborde, est-ce à cause de la dernière goutte qui y a été versée ?

Mme Valérie Pécresse. Trente-huit milliards, ça fait quand même beaucoup !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je n’ai pas besoin de prédire l’apocalypse. La réalité, Mme Pécresse, est que c’est le gouvernement auquel vous apparteniez qui a doublé la dette publique. Si nous sommes aujourd’hui contraints, et si nous approchons du seuil des 100 %, c’est bien parce que nous avons eu des prédécesseurs, orfèvres en la matière ! Nous, nous faisons tout, bien entendu, pour contenir la dépense.

J’en viens aux fameuses « fausses économies ». Monsieur le président de la commission, l’honnêteté intellectuelle – et je sais que vous êtes intellectuellement honnête – commande de dire que tous les gouvernements de la France – et vous avez été le rapporteur général du budget de ces gouvernements pendant dix ans –, toutes les institutions internationales, qu’il s’agisse de Bruxelles, de l’OCDE, du FMI, comptabilisent les économies de dépenses suivant les standards que nous utilisons.

Il y a une évolution tendancielle de la dépense, qui est le résultat des engagements pris, parfois pluriannuels, de l’inflation et de l’évolution de certaines dépenses, notamment celles des prestations sociales. Les économies sont donc calculées sur les mêmes standards que ceux que vous avez appliqués pendant dix ans et qu’appliquent ceux qui regardent nos budgets et nos résultats.

Mme Valérie Pécresse. Oui, mais ce n’est pas en volume !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je tiens également à répondre de façon solennelle au sujet du produit du Service de traitement des déclarations rectificatives, le fameux STDR, relatif aux avoirs détenus à l’étranger. J’ai tout d’abord une nouvelle à vous annoncer : samedi, nous avons dépassé 1 milliard de recettes, ce qui rend notre prévision de 1,8 milliard tout à fait crédible.

Mme Valérie Pécresse. Et l’année prochaine ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. J’y viens, madame Pécresse. Je vous ai écoutée attentivement et je vous prie de faire de même.

Par ailleurs, nous avons encore plus de 20 000 dossiers à traiter – en réalité près de 25 000, mais peu importe – et la moyenne des avoirs déclarés est environ de 900 000 euros. Il est facile de faire le calcul sur un coin de table : ces 20 000 dossiers, représentant chacun 900 000 euros, font, vous me l’accorderez, un total de 20 milliards d’avoirs déclarés. Compte tenu des délais de prescription, nous avons pu recouvrer une partie seulement des impôts qui étaient dus, soit sous la forme d’impôt sur le revenu, lorsque c’est possible, soit d’impôt sur la fortune, ce qui est souvent le cas, avec des pénalités. Mais l’année prochaine…

Mme Valérie Pécresse. Et les suivantes ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. J’y arrive, madame Pécresse ! Selon mon estimation, l’assiette de l’ISF a augmenté d’une vingtaine de milliards d’euros. L’ISF augmentera donc mécaniquement, au bas mot, de 250 millions d’euros – et encore, je suis prudent. Ces avoirs vont donc entrer dans l’assiette de l’ISF.

Par ailleurs, nous n’aurons pas traité les 20 000 ou 25 000 dossiers à la fin de l’année, pour des raisons qui tiennent à notre méthode de travail – nous interrogeons les gens sur l’origine des fonds et de nombreux allers-retours ont lieu avec l’administration fiscale. Je suis donc très confiant et je pense, premièrement, que nous atteindrons les chiffres annoncés cette année, deuxièmement, que ce mouvement se prolongera l’année prochaine, et troisièmement, que l’augmentation de l’assiette entraînera, au moins en partie, une augmentation durable des recettes.

Le dernier point sur lequel je voudrais vous répondre est le crédit d’impôt compétitivité emploi, que vous tournez en dérision.

Mme Valérie Pécresse. Ce n’est pas vrai !

M. Nicolas Sansu. Vous avez pourtant voté la TVA sociale, madame Pécresse !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Si, vous le tournez en dérision ! Vous avez dit que les entreprises sont inquiètes et ne savent pas quoi faire. Cela fait un an, et même un an et demi, que nous entendons toujours la même chose. Avec votre groupe, vous n’arrêtez pas de tourner le CICE en dérision, en répétant que c’est compliqué.

Mme Valérie Pécresse. C’est vrai que c’est compliqué !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Ce n’est pas compliqué ! C’est la même chose que les allégements Fillon, madame Pécresse. Allez voir les cabinets d’experts-comptables : c’est être bien méprisant que de dire que ce sera compliqué pour eux.

Mme Valérie Pécresse. Cela coûte cher d’aller voir un expert-comptable !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Il suffit de cocher quelques cases. Beaucoup ont été préfinancés, mais finalement assez peu par rapport au volume traité. Et aujourd’hui, tout le monde est en train de dire qu’il faut conserver cette mesure sans la modifier. Cela a pris un certain temps, parce qu’il s’agit d’un crédit d’impôt et qu’il est perçu au moment où l’impôt devrait être payé,…

Mme Valérie Pécresse. C’est faux !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. …c’est-à-dire avec un décalage temporel que chacun ici connaît, notamment les anciens ministres du budget. C’est une mesure qui est maintenant entrée dans les mœurs, et dont les entreprises se sont approprié à la fois le mécanisme, assez simple, et le produit. Nous ne comptons donc pas y toucher à court terme. Cette mesure a en outre l’avantage de s’ajouter à un allégement de charge. Vous dites, madame Pécresse, qu’il faut la remplacer par un allégement de charges, mais vous aurez à la fois le fromage et le dessert !

Mme Valérie Pécresse. Quand ?

M. Nicolas Sansu. Bel aveu !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Le CICE sera conservé l’année prochaine et il y aura par ailleurs, à partir du 1er janvier 2015, un allégement de charges d’environ 4,5 milliards pour les entreprises et de 2,5 milliards pour les salariés, si toutefois le Parlement veut bien nous suivre et voter le PLFRSS – j’espère d’ailleurs que vous participerez à nos débats avec assiduité.

Mme Valérie Pécresse. Faites un seul allégement : ce sera plus simple !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Vous aurez le fromage et le dessert, disais-je,…

Mme Valérie Pécresse. Ce n’est pas le choc de simplification qu’on nous avait promis !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. …c’est ainsi, me semble-t-il, que nous entrerons dans le cercle vertueux qu’a fort bien décrit tout à l’heure Mme la rapporteure : compétitivité, emploi, pouvoir d’achat et demande, un schéma que tout le monde connaît bien. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SRC et écologiste.)

Mme Valérie Pécresse. Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ?

Mme la présidente. Dans les explications de vote sur la motion de rejet préalable, la parole est à M. Éric Alauzet, pour le groupe écologiste.

M. Éric Alauzet. En complément de ce que vient de dire Christian Eckert sur l’absence de collectif budgétaire l’année dernière, il faut se souvenir de la situation où nous nous trouvions au printemps 2013 : la France insistait alors auprès de la Commission européenne pour repousser l’échéance des 3 % et infléchir la courbe de réduction des déficits. Cette inflexion a finalement permis d’équilibrer le budget pour 2013 sans qu’il soit nécessaire d’engager d’autres opérations. Il est clair qu’il n’y avait pas besoin de collectif budgétaire en 2013.

Concernant maintenant le CICE, je me rappelle qu’au moment où le Gouvernement a annoncé le pacte de responsabilité, il a aussi proposé à l’ensemble des acteurs économiques, dans le cadre des Assises de la fiscalité, de mettre à plat l’ensemble des aides aux entreprises et de fondre par exemple le CICE dans d’autres dispositifs, de type allégement de charges. Et ce sont les entreprises elles-mêmes qui ont souhaité qu’on ne touche à rien ! Il n’y a donc aucun problème de ce côté-là. La complexité dont vous parlez, madame Pécresse, s’est manifestée au début, au démarrage, au moment des avances de CICE. Mais à présent que le dispositif est lancé, il n’y a plus aucun problème.

Vous avez fait un vrai réquisitoire, mais trop de critique tue la critique ! Tout y est passé, et sans aucune nuance ! Or, quand tout y passe, on se dit qu’il y a forcément une dose d’autocritique, qu’il ne peut pas en être autrement : autocritique sur l’impôt, sur la dépense publique ou sur la dette, par exemple. S’agissant de la dette, votre position, c’est un peu : « Faites ce que je vous dis et pas ce que je fais. » Combien de cadeaux avez-vous fait aux plus favorisés ? Et comment les avez-vous financés ? Avec la dette ! Le plan de relève de 2009 a certes eu quelque utilité, mais il a fait long feu ! Et il s’est soldé par une augmentation de la dette et des impôts. En la matière, vous avez vraiment manqué de courage. Vous pouvez regretter que cette majorité en ait, vous promettez d’en avoir quand vous reviendrez aux affaires, mais pour l’instant c’est cette majorité qui a le pouvoir, et qui a du courage.

Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas Sansu, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. Nicolas Sansu. Madame la présidente, messieurs les ministres, madame la rapporteure générale, j’ai un peu de mal à comprendre le positionnement de l’UMP et de l’opposition. Quand, il y a deux ans, lors du collectif budgétaire de 2012, l’UMP s’était opposée à la suppression de la TVA sociale et à la remise en ordre de l’ISF, c’était logique. Mais sur ce PLFR pour 2014, au-delà du petit jeu que joue toute opposition, et même s’il y a, reconnaissons-le, une différence de degré, les choix qui sont aujourd’hui proposés par le Gouvernement ne devraient pas vous effrayer, madame Pécresse.

Le secrétaire d’État au budget vient d’expliquer que le CICE était comparable aux lois Fillon, ce qui est vrai. On nous a expliqué que le CICE et la TVA sociale étaient à peu près la même chose, ce qui est vrai. Il s’agit en effet du même mécanisme : on allège des prélèvements sur les entreprises pour les reporter sur les ménages, via la TVA. M. le secrétaire d’État a même dit que les entreprises auraient le fromage et le dessert – je ne fais que reprendre son expression, qui ne me serait pas venue à l’esprit –, puisqu’elles recevront 41 milliards en 2015.

Je ne vois donc pas ce qui peut vous effrayer, madame Pécresse ! La récente prise de position des responsables européens sociaux-démocrates en faveur de la nomination de M. Junker est une autre preuve criante que vous n’avez aucune raison de vous effrayer. Notre pays ne va pas bien : il souffre de la désindustrialisation et d’une forme d’atonie. Il souffre surtout des choix de politique économique désastreux que vous avez faits quand vous étiez au pouvoir, madame Pécresse, et aussi d’une certaine continuité de la politique actuelle avec la vôtre, alors qu’il aurait fallu une véritable rupture, un « changement maintenant » !

Les députés du Front de gauche, que l’on appellera les frondeurs de 2012 – puisqu’il y a les frondeurs de 2014 –, sont mobilisés pour ouvrir une nouvelle voie, qui s’avère de plus en plus nécessaire, alors que les inégalités de revenus et de patrimoines ne cessent d’exploser. Les députés du Front de gauche n’approuvent pas ce collectif budgétaire qui, avec le projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale de la semaine prochaine, va accroître les inégalités, sociales et territoriales. Pour autant, la droite ne saurait nous convaincre, madame Pécresse.

Nous ne participerons donc pas au vote sur votre motion de rejet préalable.

Mme la présidente. La parole est à M. Christophe Caresche pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Christophe Caresche. Il y a quelque chose d’assez fascinant chez vous, madame Pécresse, c’est que vous ne semblez jamais habitée par le doute. Les responsabilités que vous avez exercées devraient pourtant vous inciter à un peu plus d’humilité. Il est toujours très difficile de s’entendre dire par ceux qui ont laissé filer la dette et les déficits qu’on n’en fait pas assez pour lutter contre la dette et les déficits. La vérité, c’est que la France est entrée dans la crise avec des finances publiques dégradées, des entreprises affaiblies et un taux de chômage élevé. Et c’est pour cela qu’elle a des difficultés à sortir de la crise. C’est ce qui nous différencie de l’Allemagne, qui avait fait un certain nombre de réformes avant la crise.

Mme Valérie Pécresse. Et l’Italie ? Et l’Espagne ?

M. Christophe Caresche. C’est celle-là, la difficulté à laquelle nous sommes confrontés. Au moment où s’ouvre ce débat, la question que nous devons nous poser – et Mme Rabault a eu raison de la poser comme elle l’a fait –, c’est de savoir si l’équilibre qui nous est proposé par le Gouvernement à travers le pacte de responsabilité, entre la réduction de la dépense publique, le soutien à la demande et la réduction des déficits, est le bon. Or, le projet qui nous est proposé permettra à la fois d’agir fortement sur la croissance et sur l’emploi, et de continuer dans la voie qu’ont suivie ce Gouvernement et cette majorité depuis 2012, à savoir celle du sérieux budgétaire.

Les évaluations que propose Mme Rabault dans son rapport montrent d’ailleurs que le nombre d’emplois qui seront créés, à la fois par les mesures en direction des entreprises contenues dans le PLFR et le PLFRSS, et par le CICE, devrait être très largement supérieur au nombre de suppressions d’emplois qui pourraient être liées aux réductions de dépenses. Il faut, cela étant dit, se méfier de ces évaluations, d’effets multiplicateurs un peu mécaniques, car les choses dépendront aussi de la manière dont on procédera à la réduction de la dépense.

On nous dit que nous n’en faisons pas assez et qu’il faudrait aller plus loin, notamment dans la réduction de la dépense publique,…

Mme Valérie Pécresse. Non ! Dans la réforme !

M. Christophe Caresche. …mais cela risquerait, comme l’a notamment souligné le Haut conseil des finances publiques, d’avoir un impact récessif important sur la croissance, au moment où notre pays est justement en train d’entrevoir une perspective nouvelle de croissance.

Mme Valérie Pécresse. Jean Pisani-Ferry dit l’inverse !

M. Christophe Caresche. Le remède de cheval que vous voulez infliger à la France risquerait de lui être fatal.

Mme Valérie Pécresse. Lisez Jean Pisani-Ferry !

M. Christophe Caresche. Mais on nous dit aussi, d’un autre côté, que nous allons trop loin dans la réduction de la dépense. Il y aurait, là aussi, un risque de dérapage pour les finances publiques. Une augmentation de la demande peut aussi aboutir à une augmentation trop importante des déficits. Le projet qui nous est présenté par le Gouvernement me semble donc être bien calibré et aller dans la bonne direction.

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

M. Charles de Courson. Monsieur le ministre, qu’y a-t-il dans ce projet de loi de finances rectificative ? Peu de chose… La triste vérité, c’est que vous proposez une petite mesure fiscale relative à l’impôt sur le revenu, inspirée d’une vieille méthode, le tango argentin. Elle a en effet pour objectif d’exonérer 1,9 million de foyers fiscaux de l’impôt sur le revenu, dont plus de la moitié était devenue imposable du fait de vos mesures.

Je me permets de vous renvoyer à la page 54 du rapport de Mme la rapporteure générale : c’est exactement le même nombre de personnes qui sont devenues imposables du fait des mesures que vous avez votées depuis que vous êtes au pouvoir, hors effets spontanés.

M. Dominique Lefebvre. C’est faux !

Mme Sandrine Mazetier et Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Ce ne sont pas les mêmes !

M. Charles de Courson. On compte 1 940 000 nouveaux contribuables du fait des six à sept principales mesures que vous avez prises, et 1 900 000 de moins par la proposition que vous faites. C’est le tango argentin !

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Savez-vous seulement danser le tango, monsieur de Courson ?

M. Charles de Courson. Mme la rapporteure vient de préciser que ce ne sont pas les mêmes personnes. Alors ne croyez pas qu’à l’automne vous n’aurez pas des remontées d’huile !

En effet, même si nous n’avons jamais réussi à obtenir les chiffres, il semble qu’au moins la moitié des 1,9 million de personnes qui deviendront non-imposables en 2014 sont entrées dans l’impôt du fait des mesures que vous avez prises. En d’autres termes, entre les 1,9 million de nouveaux contribuables depuis votre arrivée au pouvoir et les 1,9 million de contribuables que vous sortez de l’impôt, environ 1 million de personnes ne sont pas les mêmes. Est-ce que vous me suivez ? (Sourires.)

Le premier effet de ce projet de loi de finances rectificative est donc le tango argentin. Comme disait ma grand-mère,…

Mme Karine Berger. Oh non, ne parlez pas de votre grand-mère ! (Sourires.)

M. Charles de Courson. …on aurait mieux fait de ne rien faire, monsieur le ministre !

Quant aux économies, elles sont tout à fait insuffisantes. Monsieur le ministre, vous avez déclaré qu’en réalisant 1 milliard d’euros d’économies, en dehors des 600 millions d’euros annulés sur la réserve, vous étiez remarquables. Or, pour maintenir le déficit au niveau que nous avions voté en loi de finances initiale, les économies n’auraient pas dû s’élever à 1,6 milliard, mais à 3 milliards d’euros. Aurait-il été difficile de réaliser 1,6 milliard d’économies supplémentaires ? Non ! Vous pouviez d’ailleurs prélever une partie de ce montant sur la réserve qui, je le rappelle, s’élevait à 7 milliards d’euros – elle n’est plus que de 6,4 milliards, puisque les 1,6 milliard d’euros d’économies que vous présentez comprennent 600 millions annulés sur la réserve.

Plus grave : quand la Cour des comptes nous a exposé son opinion sur la situation budgétaire, elle a annoncé un dérapage supplémentaire de 2 à 4 milliards d’euros par rapport à ce que prévoit la loi de finances rectificative. Cela signifie, monsieur le ministre, que les déficits publics ne seront pas de 3,8 %, mais de 4 %.

Mme la présidente. Merci de conclure, monsieur le député.

M. Charles de Courson. En 2013, ils étaient de 4,3 %. Ainsi, la réduction des déficits publics est très faible, et tout à fait insuffisante.

(La motion de rejet préalable, mise aux voix, n’est pas adoptée.)

Motion de renvoi en commission

Mme la présidente. J’ai reçu de M. Christian Jacob et des membres du groupe de l’Union pour un mouvement populaire une motion de renvoi en commission déposée en application de l’article 91, alinéa 6, du règlement.

La parole est à M. Éric Woerth.

M. Éric Woerth. Madame la présidente, messieurs les ministres, mesdames et messieurs les députés, voilà enfin un collectif budgétaire ! Gilles Carrez l’a dit, il était temps ! Un collectif budgétaire n’est pas un exercice inutile : il permet de remettre les pendules à l’heure, ce qui est évidemment nécessaire dans ce monde incertain, sur le plan économique comme sur le plan financier. Alors que le gouvernement précédent s’y était refusé l’année dernière, le gouvernement actuel a déposé un collectif au milieu de cette année : tant mieux.

Ce texte mérite cependant d’être renvoyé en commission, pour de nombreuses raisons. J’en ai sélectionné quelques-unes ; j’en ai probablement oublié d’autres, mais vous en ajouterez si vous le voulez. Il faut rectifier un certain nombre de dispositions, en préciser d’autres, et éclaircir quelques éléments. Il faut également, probablement, que le Gouvernement s’engage un peu plus. Enfin, il faut approfondir deux ou trois autres points. Tout cela nécessite un renvoi du texte à notre excellente commission des finances.

Tout d’abord, il convient de rectifier le cadrage macroéconomique de ce collectif budgétaire. D’autres orateurs et oratrices l’ont expliqué avant moi : le taux de croissance de 1 % prévu par le collectif, que vous n’avez pas révisé, n’est pas tout à fait hors d’atteinte, mais presque. J’admets qu’un peu de volontarisme est nécessaire lorsqu’on est au Gouvernement, mais la croissance du premier trimestre et probablement celle du second semestre empêcheront d’atteindre cet objectif de 1 %. Peut-être aurait-il fallu faire preuve d’un peu de prudence dans ce collectif, et prévoir ce phénomène dès maintenant plutôt que d’avoir à le constater en fin de parcours. Le Haut conseil des finances publiques indique d’ailleurs assez clairement que cette prévision de croissance, extrêmement importante pour construire les équilibres du collectif, est extraordinairement fragile.

Deuxième élément de fragilité : l’évolution de la masse salariale. Cette donnée est surtout importante dans le projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale, où elle conditionne de nombreuses mesures. Contrairement à ce que pense le Gouvernement, la trajectoire d’évolution de la masse salariale prévue par ce collectif, puissamment optimiste, ne sera pas atteinte.

Les prévisions d’inflation, fixées à 1,2 % pour 2014, sont probablement trop élevées. Bien que de telles prévisions facilitent les choses, vous auriez dû les revoir.

Dans le même temps, les prévisions de recettes sont certainement surévaluées. Elles l’étaient d’ailleurs déjà en 2013, puisqu’on a constaté un décalage colossal de 15 milliards d’euros entre vos prévisions et la réalisation effective. En 2014, on observe une nouvelle fois un décalage de 5 milliards d’euros entre vos prévisions et l’exécution à mi-parcours : ce montant, partagé entre l’impôt sur le revenu et l’impôt sur les sociétés, est très important. D’ailleurs, vous ne procédez qu’à un ajustement partiel en dépenses, puisque vous prévoyez un effort supplémentaire de 3,4 milliards d’euros de baisse des dépenses à comparer aux 5 milliards de manque à gagner en recettes : ce n’est évidemment pas suffisant. Au sein de ces 3,4 milliards d’euros d’économies supplémentaires, un peu moins de 2 milliards correspondent à un simple constat – je pense en particulier à la charge de la dette.

En dehors de ces rectifications qui nécessitent, me semble-t-il, un nouvel examen du texte par la commission des finances, vous devez préciser un certain nombre de points. Je pense notamment aux questions de déficit, qui se trouvent au cœur de notre combat.

En 2013, le déficit a dérapé de manière extrêmement importante, puisqu’il a été supérieur de 12,6 milliards d’euros à votre prévision. Ce constat pose une vraie question quant à la crédibilité des textes que vous nous soumettez, alors que la situation économique actuelle n’est pas comparable à celle que nous avons connue il y a quelques années – elle est certes compliquée, mais elle n’a rien à voir avec celle que la France a connue en 2009 et 2010.

À l’instar de Charles de Courson, je déplore la faiblesse des efforts que vous réalisez pour réduire le déficit budgétaire. Vous dites toujours que vos efforts sont « sans précédent ». C’est une formule que le Gouvernement affectionne : au-delà des ministres en charge des questions économiques et financières, tous les membres du Gouvernement affirment que leurs mesures sont « sans précédent ».

Mme Karine Berger. Ce sont bien des efforts sans précédent : les statistiques le montrent !

M. Dominique Baert. Et vos déficits, monsieur Woerth, n’étaient-ils pas sans précédent ?

M. Éric Woerth. Ces éléments de langage sont extrêmement intéressants.

M. Michel Sapin, ministre. Ils doivent être assez répandus, à droite comme à gauche !

M. Éric Woerth. Ce n’est pas « sans prédécesseur », mais « sans précédent ». Ce qui est sans précédent, c’est l’impopularité du Président de la République, mais pour le reste, il y a toujours eu des précédents.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. C’est petit !

M. Éric Woerth. C’est un peu facile, je l’admets, et pas très technique, même si je pourrais illustrer mes propos par des chiffres.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je vous ai connu meilleur !

M. Éric Woerth. Le déficit prévisionnel pour l’année 2014 est passé de 3,6 % à 3,8 %, et la Cour des comptes et le Haut conseil des finances publiques prévoient qu’il s’élèvera plutôt à 4 %. Ce sera le cas, évidemment !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. En effet !

M. Éric Woerth. Si tous les aléas que j’ai évoqués au cours des trois premières minutes de mon intervention se réalisent, le déficit dépassera 4 %, à comparer aux 4,3 % de l’année dernière. Votre effort a donc porté sur 0,3 point de PIB : ce n’est rien du tout ! Vous pouvez soupirer, monsieur Eckert, mais c’est vrai : l’effort est extrêmement faible.

M. Michel Sapin, ministre, , M. Christian Eckert et , Secrétaire d’État. C’est un effort sans précédent !

M. Éric Woerth. En revanche, l’effort réalisé par la majorité précédente était sans précédent. (Sourires.) En effet, nous avons connu des déficits très élevés…

M. Michel Sapin, ministre. Sans précédent !

M. Éric Woerth. Très élevés, monsieur Sapin : il y a eu des précédents dans l’histoire ! Mais il y avait une raison : la France était en récession. D’ailleurs, l’augmentation de la dette n’a pas été plus importante en France que dans beaucoup d’autres pays.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Mais nous sommes partis de plus haut !

M. Éric Woerth. La situation économique était donc extraordinairement nouvelle – c’est le moins qu’on puisse dire.

M. Henri Jibrayel. Et maintenant, tout va bien !

M. Éric Woerth. Sous le gouvernement de François Fillon, lors du quinquennat de Nicolas Sarkozy, les déficits ont été réduits à un rythme bien plus élevé que celui que vous proposez aujourd’hui. Les courbes de réduction des déficits ont tendance à s’aplatir. En réalité, vous faites de moins en moins d’efforts : ceux-ci portent de moins en moins sur les dépenses et de plus en plus sur les recettes, mais ces dernières ne rentrent pas.

S’agissant des dépenses, vous procédez à de nombreux coups de rabot : il n’y a pas beaucoup de rénovation structurelle ni de questionnement sur la dépense publique. Vous utilisez beaucoup les gels et les surgels : le budget de l’État est d’ailleurs le seul endroit où l’on ne connaît pas de réchauffement climatique. (Sourires.)

M. Jean-François Lamour. Excellent !

M. Éric Woerth. Vous gelez et surgelez sans arrêt. Très sincèrement, je ne crois pas que ce soit la bonne manière de s’attaquer aux déficits publics aujourd’hui. Vous le savez bien : la seule solution consiste à procéder à des réformes structurelles, sur l’assurance maladie par exemple. D’ailleurs, il y a plein de propositions dans vos cartons et dans les tiroirs des bureaux de vos ministères, mais vous prenez garde de ne pas les sortir, car ces réformes seraient socialement beaucoup plus compliquées à mener qu’une simple réforme des collectivités territoriales.

La contrepartie de cette faible réduction des déficits est évidemment l’augmentation de la dette. Celle-ci s’est accrue de 84 milliards d’euros supplémentaires en 2013, et nous allons passer le cap de 2 000 milliards d’euros de dette en France. Vous affirmez sans arrêt que M. Sarkozy a augmenté la dette d’une façon absolument scandaleuse. Pourtant, M. Hollande augmente la dette au même rythme que M. Sarkozy, mais sans crise – c’est-à-dire, probablement, par immobilisme. En un an et demi, entre la mi-2012 et la fin de l’année 2013, l’augmentation de la dette française a suivi le même rythme que lors du quinquennat de M. Sarkozy.

Quant à l’augmentation des impôts, elle est désastreuse, sur le plan psychologique comme sur le plan budgétaire, puisqu’elle rapporte deux fois moins que prévu. Il y a donc là matière, me semble-t-il, à retourner en commission des finances pour préciser tous ces éléments budgétaires.

Ce « sans précédent » doit faire l’objet de comparaisons. Le Haut Conseil des finances publiques affirme que nous sommes les mauvais élèves de la classe européenne. Quand on regarde ce que font nos partenaires, tant en matière de réduction des dépenses publiques que de diminution des déficits et de la dette, on s’aperçoit que tous les pays de la zone euro vont plus vite que nous. On ne peut donc pas parler d’un effort historique de la France pour tendre vers l’équilibre des finances publiques : ce n’est pas vrai ! Le rythme de la zone euro est plus rapide que celui que suit aujourd’hui le gouvernement français.

Il convient d’éclaircir les dispositions de ce texte relatives aux baisses d’impôts. On l’a dit à plusieurs reprises : le retour de vacances sera douloureux. En dehors des diminutions d’impôts prévues par ce collectif, l’augmentation de l’impôt sur le revenu est estimée entre 3,5 et 4 milliards d’euros, en raison de la baisse du quotient familial et d’autres mesures qui ont déjà été évoquées, et sur lesquelles je ne reviendrai pas – sans parler de la TVA ! À la fin de l’été, les ménages subiront donc une augmentation très forte des impôts : leur réveil sera extrêmement douloureux.

Vous essayez de réduire l’intensité de la douleur que vous avez vous-mêmes provoquée. Il est d’ailleurs assez curieux d’entendre le nouveau Premier ministre affirmer le contraire de son prédécesseur. M. Valls déclare sans arrêt que trop d’impôt tue l’impôt, devant M. Ayrault qui a fortement augmenté les impôts.

Dans cette affaire, on observe une sorte de bricolage permanent, auquel nous nous sommes d’ailleurs également livrés : on n’arrive pas à stabiliser la loi fiscale. Vous engagez des diminutions d’impôts, à hauteur de 350 euros pour une personne seule et de 700 euros pour un couple, sur les revenus inférieurs à 1,13 fois le SMIC. Tout cela est extrêmement compliqué. En deux ans, sans changement particulier de la situation économique, on ne peut pas modifier sans arrêt les dispositions fiscales. Vous avez augmenté fortement les impôts, mais vous disposez de suffisamment d’experts dans les ministères que vous dirigez pour avoir mesuré les conséquences de vos actes. Au bout de deux ans, vous changez la législation fiscale et vous réduisez les impôts au motif qu’ils tuent la croissance : vous pouviez vous en apercevoir il y a deux ans !

Ces changements posent un vrai problème pour l’avenir du pays : ils nuisent par principe à la confiance et empêchent toute mise en perspective. Pour assurer la croissance, les acteurs économiques ont besoin d’une vision claire de leurs perspectives. En l’occurrence, cette vision n’est pas juste puisque vos mesures fiscales ne s’appliquent qu’à 3,5 millions de personnes. Et les autres ? Monsieur Sapin, ce sont les classes moyennes qui devraient constituer la vraie cible du Gouvernement.

Or les classes moyennes ne sont pas à une fois ou 1,13 fois le SMIC : elles sont au dessus. Et elles vont payer « plein pot ». Vous exonérez certains et vous en taxez d’autres. Il n’y a là ni logique ni cohérence !

Quant au financement, il ne peut reposer sur la seule lutte contre la fraude. Il faut cependant noter une certaine continuité de la politique de l’État en la matière, avec les cellules de régularisation, etc. Nous avons été pionniers dans ce domaine, vous avez poursuivi, amélioré et amplifié cette action : tant mieux ! La continuité de l’État est importante, et l’on ne peut que s’en féliciter.

Cela étant, on ne peut utiliser cet argent pour financer des baisses d’impôt. Pour ceux qui peuvent en profiter, ces baisses sont durables alors que les ressources supplémentaires ne le sont évidemment pas.

En outre, les baisses de dépenses sont extrêmement faibles : 1,6 milliard sur les 4 milliards d’euros d’effort supplémentaire que vous consentez, c’est extrêmement faible. Et, contrairement aux propos du Premier ministre et du ministre de la défense, la défense y contribue à hauteur de 200 millions d’euros. Il vous faudra expliquer cette incohérence.

La nuit est tombée sur le « grand soir » fiscal de M. Ayrault, si vous me permettez cette expression imagée. On n’en parle plus !

Mme Valérie Pécresse. Ça a fait pschitt !

M. Éric Woerth. M. Ayrault avait annoncé, à cette tribune même, puis en se répandant dans toute la presse, un « grand soir » fiscal : il fallait, disait-il, réformer de fond en comble la fiscalité française. Cela a abouti à une baisse de 350 euros jusqu’à 1,13 fois le SMIC, de 700 euros pour les couples. Rien à voir avec un « grand soir » fiscal, ce que je regrette.

Il faut également renvoyer ce projet en commission car le Gouvernement doit s’engager davantage en faveur des entreprises. Aujourd’hui, les entreprises sont dans le flou. Elles le seront probablement un peu moins après le projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale. Mais le moins que l’on puisse dire, c’est que le pacte de responsabilité n’est pas clairement établi. J’en veux pour preuve la surtaxe de l’impôt sur les sociétés. Reporter d’un an sa disparition, alors qu’il s’agit tout de même de dix points – Valérie Pécresse l’a très bien rappelé –, est assez contradictoire avec le discours pro-entreprises que vous tenez.

Mme Valérie Pécresse. Totalement contradictoire !

M. Éric Woerth. Je suis naturellement favorable à un tel discours, mais il serait préférable de passer aux actes. La surtaxe de l’impôt sur les sociétés devait disparaître en 2015, or ce ne sera pas le cas. Il aurait également fallu parler un peu de la contribution sociale de solidarité des sociétés ; ce n’est pas le cas non plus.

Un renvoi du texte en commission permettrait d’approfondir un certain nombre de points, notamment l’affaire des 50 milliards. Valérie Rabault y insiste beaucoup. Certes, elle a raison de dire qu’il faut faire des économies, mais elle n’en tire pas exactement les mêmes conclusions que nous. Pour ma part, je pense qu’il n’y a aucun effet récessif.

M. Michel Sapin, ministre. Il peut y en avoir un si c’est fait n’importe comment !

M. Éric Woerth. On peut faire toutes les études économiques que l’on veut, appeler tous les techniciens de l’économie à la rescousse : ce n’est pas récessif. Ce n’est pas en diminuant de 50 milliards d’euros les prélèvements obligatoires, dont le niveau est excessif, que la France entrera en récession ! Sinon, avec un tel niveau de prélèvements obligatoires, elle devrait au contraire connaître une croissance exceptionnelle et être en surchauffe continue ! Or l’on voit bien qu’il n’y a aucun lien avec le niveau de la dépense publique et la croissance.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Entendre cela de la part d’un ancien ministre du budget !

M. Éric Woerth. Bien au contraire, à un certain niveau, les choses sont totalement contracycliques : 50 milliards d’euros ne représentent en réalité pas grand-chose. Il faut donc absolument faire ces 50 milliards d’économies, et le faire très vite. Le problème, c’est qu’ils ne sont documentés nulle part. Nous ne sommes pas les seuls à le dire : M. Migaud est le premier à le faire observer. À un moment donné, il faudra nous éclairer, car il ne ne suffit pas de prétendre que fusionner départements et régions rapportera entre 10 et 25 milliards. Il faudra nous dire comment vous atteindrez ces 50 milliards d’économies, car une trentaine de milliards ne sont absolument pas documentés.

Entre le projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale et le projet de loi de finances rectificative, il faut travailler à une meilleure cohérence. Vous baissez certaines cotisations patronales ; vous baissez certaines cotisations salariales ; vous baissez les impôts sur une partie de la population ; vous les augmentez sur une autre partie ; vous augmentez la TVA. Bref, vous suivez des directions divergentes. Il faut davantage étudier les économies possibles sur les dépenses.

Pour l’ensemble de ces raisons et pour bien d’autres, il faut faire la lumière sur ce projet de loi de finances rectificative un peu trouble, et le renvoyer à cette fin en commission sans plus tarder. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Permettez-moi, madame la présidente, d’apporter quelques éléments de réponse pour indiquer les raisons pour lesquelles le projet de loi de finances rectificative n’a pas à être renvoyé en commission.

S’agissant de l’identification des contribuables qui seraient rentrés dans l’impôt sur le revenu ou qui auraient vu leur impôt majoré, il faut avoir un peu d’humilité, mesdames et messieurs les députés. Comment les identifier alors que le dépôt des déclarations de l’année en cours s’achève à peine et que, pour un certain nombre de foyers fiscaux, les dispositions en cause se cumulent ? Il ne vous aura pas échappé que les mesures concernant les heures supplémentaires ne concernent que les actifs, lesquels peuvent toutefois être également concernés par l’imposition de la contribution de leur employeur à leur complémentaire santé, et que, par ailleurs, les heures supplémentaires ne font plus l’objet d’une ligne spécifique dans la mesure où elles ne sont plus défiscalisées.

Comment voulez-vous donc que le Gouvernement, même avec la meilleure volonté du monde, puisse vous dire l’impact de la fin de la défiscalisation des heures supplémentaires, alors même qu’il n’a pas connaissance de leur volume ? Certes, on pourrait, et c’est ce que nous avons fait, se fonder les déclarations de 2012 tout en tenant compte d’un certain nombre d’évolutions.

S’agissant cette fois des retraités, monsieur Woerth, la suppression de la demi-part des personnes ayant élevé des enfants date de 2009. Mais ses effets demeurent, car vous avez eu l’idée habile, diraient certains, diabolique, diraient d’autres,…

M. Dominique Baert. Perfide ! (Sourires.)

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. …de rendre son application progressive au fil du temps. Et cette année…

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Ce sera la dernière !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Certes, mais elle vient après trois autres années. Cette année, donc, il y a encore des gens, des retraités, concernés par cette mesure.

M. Charles de Courson. Quarante-sept mille !

M. Éric Woerth. Vous n’êtes pas revenus sur la mesure !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Mais à cette mesure s’ajoute une autre : la fiscalisation d’une partie de la majoration de pension de 10 % pour ceux qui ont élevé des enfants. Vous pouvez contester ces mesures, madame Pécresse, c’est votre droit : vous en défendiez d’autres, concernant notamment le bouclier fiscal.

Je veux répondre à l’accusation récurrente qui nous est faite de ne pas vouloir dire quels contribuables sont réellement concernés. Ce n’est pas exact. Il y a un certain nombre de mesures dont l’effet s’est étalé dans le temps, si bien qu’il est assez difficile aujourd’hui, même s’il y a des progrès à cet égard, de faire la part des choses.

S’agissant de l’inflation, monsieur Woerth, les effets d’une hausse des prix inférieure aux prévisions sont divers. Cela simplifie en effet, comme vous l’avez souligné, l’évolution des dépenses, mais cela rend aussi les recettes moins dynamiques. Il y a donc, vous le savez pour avoir été ministre, des effets négatifs et des effets positifs sur le budget. Comment se compensent-ils ? Il est relativement difficile de réponse, mais, si j’en crois un certain nombre de rapports, j’ai tendance à penser que, structurellement, c’est plutôt équilibré.

Réduire la dépense est de plus en plus difficile, dites-vous. Vous avez raison. Les premières économies sont généralement plus faciles à réaliser que les suivantes.

M. Éric Woerth. Par des gels !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. En 2014, nous avons programmé 15 milliards d’euros d’économies. Celles qui figurent dans ce PLFR sont des économies supplémentaires. D’après vous, elles ne seraient pas documentées.

Mme Valérie Pécresse. Elles ne le sont pas !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Un certain nombre le sont, et elles figurent dans le projet de loi. Mais il ne vous a pas échappé, vous qui êtes assidus à nos travaux en commission, qu’il y aura prochainement un débat d’orientation des finances publiques, qui donnera au Parlement l’occasion de prendre connaissance des fameuses « lettres plafonds ». Vous qui avez exercé d’éminentes fonctions, vous savez que nous sommes en pleine période d’arbitrage et de rédaction de ces lettres plafonds, et qu’il ne s’agit pas simplement de trois lignes assorties de quelques chiffres, mais qu’elles comportent un certain nombre de mesures, que vous aurez l’occasion de commenter et d’analyser. Le débat aura donc lieu, et il se poursuivra au moment de l’examen du projet de loi de programmation des finances publiques pour 2015, 2016 et 2017.

Vous avez également parlé de bricolage fiscal, en confessant vous y être vous-même livrés… La mesure fiscale en faveur des ménages aurait certes pu être préparée et calibrée différemment, mais, en disant cela, je vous lance une invitation au travail commun. Le Gouvernement a clairement souhaité – le Premier ministre l’a dit – que cette mesure soit pérenne en volume. C’est un point acquis. Mais il a également souhaité qu’elle prenne une forme autre qu’une simple réduction d’impôt – et, sur ce point, je vous rejoins.

Je souhaite que, tout en conservant à la mesure son amplitude, nous puissions lui donner une forme plus compréhensible, plus lisible, en aménageant l’entrée du barème de l’impôt sur le revenu.

Enfin, le service de traitement des déclarations rectificatives n’est pas une cellule de mise en conformité, mais un service de traitement des demandes de régularisation, qui présente quelques différences avec ce que vous avez pu pratiquer, je le dis tranquillement et sans polémique. Un certain nombre de conditions sont prévues, notamment l’absence d’anonymat.

M. Éric Woerth. Oui.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Les personnes qui se déclarent le font sans intermédiaire, en déclinant leur nom et adresse, ce qui est très différent de ce qui se pratiquait avant. Les règles ont été précisées par mes prédécesseurs quant au mode de calcul et de pénalités, et l’administration les suit scrupuleusement.

M. Éric Woerth. C’est la même administration ! Elle est toujours scrupuleuse !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je tenais à le dire, car il s’agit de procédures particulièrement volumineuses, que nous avons l’intention de poursuivre et d’amplifier. Des mesures plus coercitives seront prévues à l’encontre de ceux qui n’utiliseraient pas les quelques mois qui leur sont encore accordés pour se mettre en conformité avec le droit. Au niveau international, les choses progressent et c’est bien, le ministre s’est exprimé sur le sujet et le fera encore très prochainement.

Il serait utile pour les personnes concernées d’utiliser ce service de traitement de mise en conformité avant d’être rattrapées par d’autres procédures. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Michel Sapin, ministre. Excellent conseil !

Mme la présidente. Nous en venons aux explications de vote.

La parole est à Mme Eva Sas, pour le groupe écologiste.

Mme Eva Sas. Monsieur Woerth, j’ai eu l’impression que vous aviez déposé une motion de renvoi pour la forme : lorsque vous nous dites que les prévisions sont trop optimistes, on pourrait encore en discuter, mais affirmer que la réduction des déficits ne va pas assez loin, c’est un exploit… Je ne me suis jamais sentie aussi proche de la majorité qu’en vous écoutant.

M. Dominique Lefebvre. Il faut qu’il continue à parler ! (Sourires.)

Mme Eva Sas. Comment peut-on prétendre que cette réduction est insuffisante, alors que l’effort est sans précédent depuis le début du quinquennat ? Vous allez même encore plus loin puisque vous niez l’évidence, à savoir que la réduction des déficits a un impact récessif, notamment sur l’emploi,…

M. Éric Woerth. C’est faux !

Mme Eva Sas. …ce que tout le monde reconnaît à part vous.

Mme Valérie Pécresse. Regardez les autres pays ! Regardez l’Allemagne !

Mme Eva Sas. Je suis quelque peu stupéfaite que vous niiez l’évidence à ce point, et je ne pourrai évidemment pas soutenir la motion que vous avez défendue. Je ne me suis jamais sentie aussi solidaire du Gouvernement qu’en ce moment.

M. Michel Sapin, ministre. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Roger-Gérard Schwartzenberg, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. M. Woerth a prononcé un discours critique, fondé sur beaucoup de convictions, mais assez peu de souvenirs eu égard aux fonctions éminentes qu’il a exercées – il est vrai que c’est un peu la règle du jeu. Toutefois, son argument sur la croissance mérite attention : l’estimer à 1 % pour 2014, c’est un espoir, sans doute pas une certitude, et là risque de se trouver la source de nombreux problèmes. Cela étant, je partage le sentiment exprimé à l’instant par Eva Sas, mais également par le FMI – qu’elle m’excuse de la mettre ainsi en compagnie de Christine Lagarde (Sourires) –, quand M. Woerth dit qu’il faudrait accélérer la réduction des déficits : il y a tout de même dans nombre d’instances, y compris au FMI, des réflexions sur la nécessité d’atténuer un peu le rythme de réduction des déficits publics afin de ne pas provoquer d’effets trop dépressifs sur l’activité économique. Nous devrions être sensibles à ce paramètre. Le Gouvernement l’est sans doute lui aussi, mais affiche de manière marmoréenne – comment faire autrement ? – l’objectif des 3 % en 2015, alors que chacun doute qu’il sera atteint.

Un dernier mot : dans les recettes énumérées par le Gouvernement pour boucler ce difficile collectif budgétaire, et plus globalement le budget pour 2014, on a tendance à oublier l’augmentation de la TVA intervenue au début de cette année, à hauteur de six milliards et demi d’euros, et destinée à financer en partie le CICE. Quand je vois que, pour certaines entreprises, par exemple dans la grande distribution, le CICE a un impact de 70 millions d’euros – je pense à Carrefour –, je me dis que la charge imposée aux consommateurs n’était peut-être pas indispensable aux profits d’entreprises déjà florissantes.

M. Nicolas Sansu. Tout à fait d’accord !

Mme la présidente. La parole est à M. Christophe Castaner, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Christophe Castaner. Pourquoi cette motion de renvoi en commission ?

M. Dominique Baert. Bonne question !

M. Christophe Castaner. Pour notre part, nous n’avons qu’un seul objectif : accélérer la reprise en soutenant massivement l’investissement et l’emploi ainsi que le pouvoir d’achat des plus modestes. Vous, monsieur Woerth, ne cherchez qu’à vous accorder un pardon pour vos bilans passés. Vous dites que nous gelons, que nous surgelons, mais le gel dont, pour notre part, nous nous souvenons, c’est celui des barèmes, que vous avez imposé.

M. Éric Woerth. Vous avez continué !

M. Christophe Castaner. J’ai tout de même noté dans vos propos un peu plus de réalisme que dans ceux de Mme Pécresse, et même quelques actes de contrition lorsque vous avez reconnu les déficits passés. Nous savons que l’UMP est toujours très attachée à bien tenir ses comptes, mais manifestement un peu moins ceux de la nation… En 2007, Nicolas Sarkozy nous avait dit qu’il allait baisser les impôts à hauteur de quatre points de PIB, et votre majorité les a fortement augmentés – sauf pour les plus fortunés.

Chacun a en tête votre bilan, mais il est nécessaire de le rappeler après ces longs numéros d’oubli : en cinq ans, la dette publique a augmenté de 612 milliards, la dépense publique a explosé – plus 170 milliards – et l’injustice fiscale a privé de recettes l’État au profit des plus riches – faut-il rappeler le bouclier fiscal, dont le coût est évalué par la Cour des comptes à 3,6 milliards ? Entre 2007 et 2011, le déficit structurel est passé de 2 % à 3,9 % du PIB. Pourtant, vous avez su l’accompagner de vingt-quatre nouvelles taxes, que vous avez réinventées ou inventées tout court. J’ajoute que Michel Sapin, dans son ministère précédent, a vu son budget augmenter alors que les crédits affectés au programme « Accès et retour à l’emploi » avaient systématiquement baissé de 2007 à 2012, le nombre de chômeurs augmentant pourtant d’un million. Il est vrai que certains budgets avaient bien augmenté : celui de l’Élysée de 252 %.

Pourquoi demandez-vous un renvoi en commission ? Pour ne pas mettre en œuvre la réduction exceptionnelle de l’impôt sur le revenu pour les ménages modestes, premières victimes de votre gel du barème et de votre suppression de la demi-part des veuves ? Pour reporter le financement de l’apprentissage, pourtant particulièrement nécessaire ? Pour contester notre volonté de redresser les comptes publics alors que le déficit structurel prévu pour 2014 est le plus bas depuis 2001 ? N’oubliez pas, avant de nous proposer de retourner en commission, l’état dans lequel vous avez laissé la France ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

M. Charles de Courson. Éric Woerth a raison : personne ne croit, y compris au Gouvernement, à la possibilité de tenir l’objectif des 3,8 %. Vous serez à 4 %, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, comme l’année dernière où vos prédécesseurs avait dérapé de 0,3 point. L’objectif de 3 % de déficit en 2015 est d’ores et déjà inatteignable.

M. Michel Sapin, ministre. Pourquoi ?

M. Charles de Courson. Deuxième point : monsieur le secrétaire d’État, vous avez évoqué un aspect tout à fait passionnant du débat, à savoir que nous votons dans le brouillard. J’ai demandé à Mme la rapporteure générale d’essayer d’obtenir de vos services le nombre de personnes devenues imposables du fait des différentes mesures votées depuis deux ans. Le tableau figurant à la page 54 du rapport est intéressant, puisqu’il les évalue à 1,9 million, soit exactement le même nombre que celui des personnes que vous voulez faire rebasculer dans la non-imposition. Mais connaissez-vous le nombre de ceux qui n’étaient pas imposables au titre des revenus 2012, qui le sont devenus du fait des différentes mesures inscrites dans la loi de finances initiale pour 2014, et qui redeviendront non imposables si le Parlement vote l’article 1er ? Sera-ce la moitié, les deux tiers ?

D’autre part, vous avez soulevé un problème méthodologique : si vous calculez combien va perdre un militaire retraité qui a élevé cinq enfants et qui a repris une activité, avec heures supplémentaires à la clé, dans une entreprise dotée d’une complémentaire santé généreuse, vous verrez que l’impact sera considérable. Vous faites comme si aucune catégorie de contribuables n’était, si j’ose dire, « polyhandicapée », alors qu’il y a au moins des dizaines de milliers de « polyhandicapés ».

Dernier point : s’agissant du service de traitement des déclarations rectificatives, vous dites financer des mesures permanentes avec une recette qui ne sera pas exceptionnelle, mais si l’on estime, en moyenne, à 900 000 euros par personne concernée la détention d’actifs à l’étranger, cela fait, multiplié par 25 000, 22 milliards d’euros, soit, pour l’année prochaine, de l’ordre de 250 millions de recettes au titre de l’ISF et autant au titre de l’IR, soit au total 500 millions. Il manquera encore 1,3 milliard.

(La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n’est pas adoptée.)

Discussion générale

Mme la présidente. Dans la discussion générale, la parole est à M. Éric Alauzet.

M. Éric Alauzet. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des finances, madame la rapporteure générale, en commission des finances, j’ai à plusieurs reprises posé à Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes, la question suivante : « Pouvez-vous nous indiquer quel sera l’impact des réductions budgétaires sur le niveau d’activité et l’emploi ? » Sa réponse est restée très générale. Il a reconnu que l’impact sur l’emploi existait en indiquant, immédiatement après, que la réduction des dépenses publiques était bénéfique à long terme, sous-entendu qu’elle allégerait l’économie, qui pourrait alors mieux s’exprimer pour créer de l’emploi.

Les informations que vous avez mises à notre disposition, madame la rapporteure générale, éclairent le débat. Hélas ! Il faut reconnaître que les chiffres que vous publiez ne peuvent qu’inquiéter : si le pacte de responsabilité devrait créer environ 190 000 emplois d’ici 2017, les réductions de dépenses qui contribuent à son financement en supprimeront 250 000. L’argument du risque de contre-productivité est avancé, et la question de l’intérêt de l’ampleur des réductions budgétaires demeure par conséquent. « Tout ça pour ça », a-t-on envie de dire, même si je reconnais que la formule est un peu brutale.

Ne voyez, dans cette interpellation, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, aucune forme de défiance, mais une interrogation inquiète et une demande insistante d’approfondissement de la réflexion. Je le dis d’autant plus que, vous le savez, j’ai soutenu le Gouvernement depuis le début du mandat car je partage la conviction que notre pays ne peut plus vivre au-dessus de ses moyens. Mais j’ai aussi toujours fait valoir que l’équilibre des déficits ne passait pas exclusivement par la réduction des dépenses publiques et qu’il existait d’autres leviers, en prônant notamment une trajectoire d’extinction de l’évasion fiscale à l’échelle européenne qui donne une véritable légitimité à la trajectoire de réduction des déficits publics. Cette bataille est difficile justement parce qu’elle se situe à l’échelle européenne, mais elle est cruciale.

Il est certain que les moyens de notre pays se sont réduits. Pas seulement parce que nous avons trop dépensé mais aussi parce que les recettes n’ont pas suivi. Depuis la fin des années 1970, l’État a tenté à plusieurs reprises de relancer l’activité, du gouvernement de Raymond Barre à celui de François Fillon en passant par celui Michel Rocard, et, à chaque fois, cela a conduit à une augmentation des prélèvements obligatoires, au recours à l’emprunt et à la situation tendue que nous connaissons actuellement.

Pourquoi en sommes-nous là ? La faute à la faible croissance, certes en partie. Elle s’érode de façon inexorable depuis les années 1980, et nous aurions tort de miser à l’avenir sur une trop forte croissance et sur une capacité à rivaliser à court et à moyen terme avec les pays à bas coût de main-d’œuvre. On ne sait plus très bien où s’arrête la responsabilité du déficit dans le ralentissement de la croissance et où commence celle de ce ralentissement dans l’accroissement des déficits – c’est l’histoire de l’œuf et de la poule.

Mais la croissance n’est donc pas seule en cause : la constitution rapide de fortunes qui échappent à l’impôt dans un espace mondial et européen encore trop peu et mal contrôlé explique une partie des déséquilibres budgétaires. Au moment où nous demandons aux Français des efforts importants, il est essentiel de les assurer dans la justice et donc d’évaluer l’enrichissement des acteurs économiques durant ces trente dernières années afin que ceux-ci contribuent à hauteur de leurs profits alors que les inégalités se sont accrues. Dans la même logique, alors que l’audit citoyen de la dette publié récemment tend à mettre en évidence les profits substantiels des détenteurs de cette dette, il importe également de mettre à contribution celles et ceux qui en ont tiré des profits conséquents. La situation actuelle est également la conséquence de l’épuisement de notre industrie, de ses difficultés à investir, à proposer des produits ou des services de gamme élevée et innovants, en particulier dans le secteur de la transition énergétique. Mais la responsabilité des élus politiques dans cette inertie n’est pas neutre.

Bien entendu, on ne peut pas changer de politique tous les quatre matins, mais, puisque ce projet de loi de finances rectificative vient renforcer certaines des orientations prises, il est nécessaire d’adapter nos politiques pour prendre en compte tous les éléments que je viens de citer.

Depuis décembre 2012 – je fais référence au CICE –, le sens de l’action du Gouvernement n’a pas varié. Le pacte de responsabilité est venu confirmer et amplifier sa politique économique consistant à donner aux entreprises les moyens de reconstituer leurs marges de manœuvre pour se projeter dans l’avenir, innover, investir et, à terme, créer de l’emploi.

Face au risque de récession, et pour répondre aux difficultés vécues par les ménages modestes, le Gouvernement a également envoyé un certain nombre de signes. Ainsi, le pacte de solidarité contribuera à effacer les augmentations d’impôts – parfois significatives – subies par des personnes dont les revenus n’avaient pourtant pas, ou peu progressé.

De même, dès 2014, les ménages dont les revenus sont inférieurs à 1,16 fois le SMIC bénéficieront d’un crédit d’impôt de 350 à 700 euros, un effort rendu possible grâce aux résultats de la lutte contre la fraude fiscale des particuliers. Cela illustre parfaitement ce que j’indiquais précédemment : la réduction des déficits et la relance de l’activité peuvent aller de pair grâce à la mobilisation des fonds stériles déposés – voire dissimulés – à l’étranger.

Dans la même logique, grâce à un allégement de cotisations sociales, c’est un revenu supplémentaire de 500 euros qui sera apporté en 2015 aux ménages dont les revenus sont intérieurs à 1,3 SMIC. Il faut sans doute remonter loin dans l’histoire de notre pays pour retrouver trace d’un tel coup de pouce aux ménages disposant de revenus modestes.

Malheureusement, devant les moindres recettes fiscales, le Gouvernement propose de geler les prestations sociales, une initiative qui passe d’autant plus mal que les faibles gains de croissance – comme Thomas Piketty l’a brillamment montré – ont été accaparés par la minorité de ménages extrêmement favorisés ayant pu accumuler du capital.

C’est pour prendre en compte l’ensemble de ces éléments que les écologistes déposeront un certain nombre d’amendements dans le débat parlementaire. Pour atteindre nos objectifs, il devient en effet impérieux de mieux encadrer et de flécher les outils adoptés par la majorité.

Concernant les prestations sociales, un consensus semble émerger au sein de la majorité au sujet de la revalorisation des prestations aux personnes atteintes de maladies professionnelles ou victimes d’accidents du travail. Par ailleurs, nous proposons de supprimer l’article 6, qui prévoit l’absence de revalorisation des aides au logement.

Sur le plan écologique, l’ensemble des députés de notre groupe – ainsi, nous l’imaginons, que de nombreux députés siégeant sur d’autres bancs de la majorité – a été saisi d’incompréhension en apprenant la réallocation au budget de la défense des 220 millions d’euros initialement consacrés au programme « Innovation pour la transition énergétique et écologique ». Il s’agit d’un signal très négatif, qui augure mal de l’avenir du projet de loi sur la transition énergétique. La transition énergétique n’est pourtant pas un levier parmi d’autres de la renaissance économique, il en est le cœur. C’est en tout cas notre conviction, en tant qu’écologistes.

On nous explique que cette annulation n’a qu’un caractère mécanique, technique, dans la mesure où les crédits inscrits n’ont pas pu être dépensés. Cette décision n’en exige pas moins des explications détaillées et, au minimum, un report des crédits concernés sur les exercices budgétaires suivants.

Outre le maintien de ces budgets d’investissement, les écologistes suggèrent une série de mesures qui, tout en améliorant la qualité de vie des Français, permettront de lutter contre les gaspillages et les atteintes à la santé – je pense en particulier aux avantages inconsidérés donnés au carburant diesel – et de favoriser la transition de notre économie et de notre production d’énergie, notamment dans les secteurs des transports et des déchets, terrains privilégiés de l’économie circulaire.

De même, la TVA doit être considérée comme un outil de la transition écologique. De ce point de vue, la décision d’augmenter le taux de 7 % plutôt que celui de 19,6 % a brouillé le message.

Concernant les entreprises, il est essentiel de prendre toutes les mesures et les précautions nécessaires afin que les aides proposées n’aillent pas nourrir ni les dividendes ni les hauts salaires. Elles doivent par ailleurs constituer des outils au service du mouvement d’extinction de la fraude fiscale. La justice sociale est en effet une condition du rééquilibrage des comptes publics, qui est notre objectif commun.

Nous devons donc nous assurer que le soutien apporté aux entreprises soit véritablement utile à l’économie et qu’il réponde à une obligation de moyens. Ainsi, en complément du travail mené par les partenaires sociaux et des différents dispositifs adoptés avec le CICE, il faut renforcer le fléchage des aides, abaisser les plafonds, améliorer la transparence, le contrôle et l’évaluation.

Enfin, nous proposons que la contribution exceptionnelle à l’impôt sur les sociétés, payée par les grandes entreprises, ne soit supprimée qu’à la condition que les sociétés fassent la démonstration qu’elles contribuent normalement, à travers leurs impôts, à l’effort collectif. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologistesur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Roger-Gérard Schwartzenberg.

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, même si nous connaissons votre compétence et la sincérité de votre engagement, la conjoncture rend difficile l’élaboration de ce collectif budgétaire.

En effet, il reste nécessaire de poursuivre le redressement des comptes publics, de diminuer la dette et de réduire le déficit, tout en atténuant, si possible, le rythme de cette réduction, puisque désormais, même le FMI déconseille des politiques budgétaires trop restrictives et susceptibles de contrarier une croissance déjà très faible.

Dans un tel contexte, le collectif budgétaire que vous présentez aujourd’hui n’est sans doute pas celui – plus attractif, moins austère – que vous auriez souhaité nous proposer dans d’autres circonstances.

C’est particulièrement vrai pour la situation des ménages. Certes, ces derniers se voient adresser deux principales mesures positives : la réduction exceptionnelle de l’impôt sur le revenu pour les ménages modestes, qui bénéficiera à 3,7 millions de foyers fiscaux, et l’allégement, prévu à partir du 1er janvier prochain par le projet de loi de financement rectificatif de la sécurité sociale pour 2014, des cotisations salariales pour les salariés percevant entre une fois et 1,3 fois le SMIC.

Par ailleurs, grâce à deux amendements similaires, déposés l’un par notre groupe, l’autre par le groupe socialiste, il y aura prolongation, en 2014, de l’exonération de la taxe d’habitation pour les personnes ayant bénéficié de cette exonération au titre de l’année 2013.

Même si leur montant total – 5 milliards d’euros à l’horizon 2017 – est limité, ces mesures contribueront à soutenir un peu le pouvoir d’achat et la consommation, qui a reculé d’un demi-point au premier trimestre 2014.

En fait, l’exécutif, qui a longtemps prôné exclusivement la politique de l’offre, au point de lui consacrer des sommes considérables, a introduit un recours, minimaliste, à la politique de la demande. Son policy mix est un cocktail comprenant neuf dixièmes de Milton Friedman et un dixième de Keynes – des proportions très inégales, donc, mais qui permettent de rappeler que l’expression « social-libéralisme » n’est pas seulement un oxymore, et que cette formule ambivalente comprend tout de même l’adjectif « social ».

Toutefois, la répartition entre l’offre et la demande reste très inégale. Les lois de finances à venir sont tournées à 90 % vers l’offre : elles prévoient 41 milliards d’euros de baisses d’impôts pour les entreprises, mais seulement 5 milliards pour les ménages, sous forme de baisses d’impôt sur le revenu ou de réduction de cotisations sociales.

Par ailleurs, le gel des prestations sociales pose un important problème. Certes, je remercie le ministre des finances d’avoir accepté le 24 avril, au moment de la mise au point définitive du programme de stabilité, la proposition de notre groupe de fixer à 1 200 euros le seuil en dessous duquel les pensions de retraite y échapperont. La mesure concerne 6,5 millions de retraités, soit presque la moitié d’entre eux. Mais le gel est maintenu pour les pensions de retraite d’un montant supérieur et pour les retraites complémentaires. Il devait également s’appliquer aux aides personnelles au logement, mais la commission des finances a fait le nécessaire en supprimant l’article 6. L’aide prévue par le budget de la sécurité sociale devrait, je pense, connaître un sort identique.

Mais, si les ménages connaissent une certaine rigueur, il n’en va pas de même des entreprises, qui bénéficient d’un important soutien.

Pour combattre le chômage, il paraît sans doute utile d’alléger les charges des entreprises et de les soutenir, car, sans elles, il ne peut y avoir de créations d’emplois dans la durée. C’est l’objet du crédit d’impôt compétitivité-emploi, entré en vigueur dès 2013, et du pacte de responsabilité annoncé par le Président de la République lors de sa conférence de presse du 14 janvier 2014.

Le CICE représente 20 milliards d’euros par an à compter de 2014, soit une somme considérable, de surcroît financée en partie par une augmentation de la TVA de 6,5 milliards d’euros au 1er janvier 2014.

Comme je l’avais fait observer au moment de l’adoption, dans le cadre du PLFR pour 2012, des deux sous-amendements particulièrement succincts et sommaires qui avaient permis la création de ce crédit d’impôt, le CICE, dans sa forme actuelle, présente deux lacunes majeures.

La première est son absence de sélectivité : le soutien qu’il propose s’adresse indistinctement à toutes les entreprises, qu’elles soient, ou non, industrielles, exportatrices et soumises à la concurrence internationale ou bénéficiaires, voire largement bénéficiaires. Ainsi, la grande distribution, comme d’ailleurs de nombreuses sociétés du CAC 40, a profité largement du CICE : son effet en 2013 aura été de 70 millions d’euros pour Carrefour, de 44,8 millions pour Auchan et de plusieurs dizaines de millions d’euros pour le groupe Casino, et il devrait atteindre, en 2014, 80 millions d’euros pour GDF-Suez. À l’évidence, il serait nécessaire de mieux cibler le dispositif en le concentrant sur les secteurs ou les entreprises qui en ont le plus besoin pour leur développement.

La seconde lacune est l’imprécision de la « contrepartisation », si vous me pardonnez ce néologisme, très laid, j’en conviens, mais qui a le mérite d’éviter l’emploi du mot conditionnalité, lequel semble provoquer de nombreuses réserves…

Le CICE a en effet été conçu avec l’intention déterminée d’aider les entreprises à développer l’emploi et l’investissement, et non pour leur permettre de poursuivre à leur guise d’autres objectifs. À cet égard, les atermoiements et louvoiements du président du MEDEF, M. Gattaz, ou les doléances plaintives de son vice-président, M. Roux de Bézieux – lequel paraît souvent plus suffisant que nécessaire (Sourires) – ne rassurent guère quant à leur volonté réelle d’appliquer le dispositif tel qu’il a été envisagé, et non à leur manière.

Il ne s’agit pas d’une nouvelle forme de mécénat, et encore moins d’un blanc-seing. L’utilisation du CICE par les entreprises doit être conforme à l’objectif assigné par la loi à ce dispositif ; à ce titre, elle doit se traduire par des engagements réciproques et donner lieu à des contreparties de la part des entreprises. Le Président de la République l’a d’ailleurs souligné lors de sa conférence de presse du 14 janvier : « Ces contreparties doivent être définies au plan national et déclinées par branches professionnelles. Elles porteront sur des objectifs chiffrés d’embauches, d’insertion des jeunes, de travail des seniors (… ). Un "observatoire des contreparties" sera mis en place et le Parlement y sera associé. »

Je terminerai en abordant un tout autre sujet, puisque nous avons déposé plusieurs amendements destinés à lutter contre la pauvreté de l’enfance.

Bien que notre pays soit la cinquième puissance économique mondiale, 14,3 % de sa population, soit 8,7 millions de personnes, vit sous le seuil de pauvreté. Parmi elles, on dénombre plus d’un million d’enfants pauvres. Comme leurs parents, et plus encore dans les familles monoparentales, les enfants pauvres connaissent de fortes difficultés pour satisfaire leurs besoins élémentaires : se nourrir, se vêtir, se loger. Et pour eux, le repas pris à la cantine scolaire est souvent le seul véritable repas de la journée. C’est pourquoi il est nécessaire d’agir davantage pour qu’ils puissent effectivement accéder à la cantine, comme les autres élèves.

Nous proposons de diminuer d’une manière générale le prix des repas pris à la cantine, en leur appliquant non plus le taux réduit de TVA de 5,5 %, mais un taux super-réduit de 2,1 %. Je connais les objections à ce genre de réduction de taux, objections fondées sur le droit européen. Certains précédents ont montré que, parfois, ces procédés sont admis.

Par ailleurs et surtout, nous proposerons, lors de l’examen d’un prochain texte, de rendre la cantine scolaire gratuite pour les enfants des familles les plus défavorisées, c’est-à-dire pour les élèves qui dépendent d’un foyer fiscal dont les revenus se situent sous le seuil de pauvreté. Enfin, nous proposerons de faire passer du taux plein de 20 % au taux réduit de 5,5 % la TVA sur plusieurs produits et équipements de première nécessité pour la petite enfance.

Ne pratiquons pas ce que Bourdieu appelait la « cécité aux inégalités sociales ». L’indifférence à la pauvreté – et spécialement à la pauvreté infantile – ne serait pas admissible dans une République qualifiée de « sociale » par sa Constitution, et dont la devise se réfère à la fraternité. Il faut bâtir une France plus juste et plus humaine, une France qui soit réellement attentive à chacune et à chacun, une France qui soit main tendue et espoir partagé, pour aller ensemble vers un autre destin, vers un meilleur destin.

Mme la présidente. La parole est à M. Gaby Charroux.

M. Gaby Charroux. Madame la présidente, messieurs les ministres, madame la rapporteure générale, nous entamons ce soir l’examen du projet de loi de finances rectificative pour 2014, qui contient les premières mesures du pacte de responsabilité et de solidarité.

Évidemment, ce projet phare de la politique économique du gouvernement ne vise pas à affronter les lobbies bancaires et patronaux. Il ne vise pas non plus, par exemple, à s’attaquer aux coûts du capital, aux inégalités sociales et à l’hémorragie industrielle. Il propose d’accélérer le rythme des réformes en diminuant de 41 milliards d’euros les contributions des entreprises et en réduisant de 50 milliards d’euros par an la dépense publique d’ici 2017. Cela représente 50 milliards d’euros de moins par an pour le service public, et risque – selon Mme la rapporteure générale – de détruire 250 000 emplois. Cela représente aussi 11 milliards d’euros de moins pour les collectivités territoriales, soit 11 milliards d’euros de moins pour le service public local.

Malgré l’effet récessif prévisible de ces baisses de dépenses publiques, le Gouvernement persévère dans son idée de mener une politique de l’offre doublée d’une politique d’austérité.

Cette politique bride l’activité et entretient la spirale du chômage et des déficits, faute de soutenir le pouvoir d’achat des ménages : nous le répétons depuis deux ans, et les résultats semblent le démontrer. « Prendre un autre chemin conduirait à l’échec », assure M. le Premier ministre. Nous voudrions lui répondre que le chemin suivi nous a déjà conduits à des difficultés, à des échecs, et qu’une réorientation s’impose afin de permettre à notre pays de sortir réellement de la crise.

Ce n’est évidemment pas le chemin suivi par ce collectif budgétaire. Certes, ce texte nous propose en premier lieu une mesure de réduction exceptionnelle de l’impôt sur le revenu des ménages les plus modestes dont l’ambition est de sortir 680 000 foyers de l’impôt sur le revenu. Cela témoigne, bien sûr, d’une belle ambition, mais comme l’a admis l’un de nos collègues, cette mesure consiste simplement à « coller une grosse rustine » dans l’attente d’une baisse d’impôt ciblée sur les premières tranches, qui sera peut-être accompagnée d’un geste sur la taxe d’habitation. Vous nous annoncez ainsi une baisse de 2,5 milliards d’euros de l’imposition des ménages, mais cela ne représente que 6 % du montant des baisses consenties par ailleurs aux entreprises.

Nous avons, pour ce qui nous concerne, déposé des amendements. Ils s’appuient sur le constat que les tentatives de remédier, par des bricolages législatifs, aux conséquences du gel du barème de l’impôt sur le revenu, conduisent à une situation illisible, mais aussi – à nos yeux – injuste. Le candidat François Hollande a répété à l’envi, lors de la campagne présidentielle, que ce qui guidait son ambition était la justice, sociale et fiscale. Nous aussi ! Mais l’impôt n’est compris et consenti par nos concitoyens que lorsqu’il est juste et lisible. Il ne semble pas que ce soit le cas aujourd’hui. Où est donc la réforme fiscale dont notre pays a besoin ?

La mesure que vous nous proposez bénéficiera certes aux plus modestes, mais elle ne bénéficiera pas aux dix-sept autres millions de foyers qui paient l’impôt sur le revenu, parmi lesquels des millions de foyers modestes et moyens. En outre, de nombreux ménages vont voir leur impôt augmenter au titre d’autres mesures déjà votées comme la baisse du plafond du quotient familial, la fiscalisation de la part patronale des couvertures complémentaires, la suppression de l’exonération d’impôt des majorations de retraite ou pensions de charge de famille, et d’autres mesures du même genre, sans oublier – bien sûr – la hausse de la TVA entrée en vigueur au 1er janvier dernier.

Nous regrettons, nous aussi, l’abandon de projet de réforme de la fiscalité annoncée par l’ancien Premier ministre Jean-Marc Ayrault en début d’année. Cet abandon nous prive d’un débat essentiel. Nos concitoyens attendent de la clarté, et surtout plus de justice. Or, je le répète, l’impôt sur le revenu n’est malheureusement plus le correcteur des inégalités qu’il était avant que les grandes réformes libérales de la décennie passée ne détricotent notre système fiscal. Le manque de justice fiscale et de justice sociale a creusé un fossé entre les citoyens et la Nation, que vous avez douloureusement mesuré – et nous aussi – lors des dernières échéances électorales.

Outre les mesures d’allégement de cotisations salariales et patronales dont nous discuterons la semaine prochaine dans le cadre du projet de loi de financement de la Sécurité sociale rectificative, le présent collectif budgétaire prévoit d’alléger encore la fiscalité des entreprises en supprimant en 2016 la surtaxe qui pèse sur les plus grandes entreprises. L’État renonce ainsi à plus de 2,5 milliards d’euros de recettes. Cette mesure, présentée comme un préalable au mouvement de baisse de l’impôt sur les sociétés, constitue pour nous un très mauvais signal. Elle ne va pas dans le sens d’un rééquilibrage de l’imposition des bénéfices des PME et des grandes entreprises, rééquilibrage souhaité par tous. Vous connaissez pourtant aussi bien que nous l’état de souffrance et de difficulté de nos petites et moyennes entreprises.

Je rappelle que selon le rapport sur les prélèvements obligatoires joint au projet de loi de finances pour 2013, le taux implicite de l’impôt sur les sociétés varie aujourd’hui de 42,9 % pour les PME à 24,9 % pour les grandes entreprises. Face à ce constat, supprimer la contribution exceptionnelle sur l’impôt sur les sociétés n’a pas de sens. Au cours des débats, nous proposerons de fixer dès à présent le taux plancher de l’impôt sur les sociétés à 28 % – taux envisagé pour 2020 – afin de contribuer à ce rééquilibrage.

Mais nous n’échapperons pas, à gauche, à l’exigence de conduire une réflexion de fond sur l’assiette de l’impôt sur les sociétés aussi bien que sur la modulation du taux en fonction de l’usage que les entreprises font de leurs bénéfices. Nous sommes, pour notre part, partisans de réserver le bénéfice des réductions d’impôt aux seules entreprises qui réinvestissent la plus grande part de leurs bénéfices, ou de n’appliquer le taux réduit que sur les parts de bénéfices effectivement réinvestis.

Nous reviendrons, bien sûr, au cours du débat, sur les 1 600 millions d’euros d’annulations de crédits, qui concernent peu ou prou tous les ministères et poursuivent la logique excessive de réduction aveugle des déficits publics.

Par ailleurs, ce projet de loi pousse la logique austéritaire jusqu’au gel des allocations personnalisées au logement et des allocations de logement à caractère social, les APL et les ALS. Toutefois, la commission des finances a su faire le nécessaire pour revenir sur ce point. Nous souhaitons que la position de la commission des Finances soit reprise par notre assemblée au cours de la discussion, avec l’aval du Gouvernement, car si la mesure originelle était maintenue, elle constituerait un marqueur négatif de la stratégie poursuivie au regard d’autres mesures prises l’an passé, comme la hausse de la TVA, la baisse du plafond du quotient familial, la fiscalisation de la part patronale des couvertures complémentaires, la suppression de l’exonération d’impôt des majorations de retraite pour charge de famille.

Pourquoi, alors, multiplier les mesures en direction des ménages modestes et moyens et ne pas faire contribuer davantage à la solidarité nationale ceux qui ont les plus hauts revenus ?

Vous le savez : ce sont les plus gros patrimoines qui ont continué de croître. Les plus hauts revenus continuent de bénéficier de niches fiscales et de dispositifs d’exonération particulièrement enviables et rentables. Selon l’OCDE, il existe des marges de manœuvre pour accroître les taux supérieurs de l’impôt sur le revenu, afin de maximiser les recettes fiscales. Pourquoi ne pas remettre en cause, par exemple, le niveau des abattements en matière d’assurance-vie, l’abattement sur les dividendes, les niches qui réduisent de moitié le rendement de l’impôt de solidarité sur la fortune ? Pourquoi ne pas prendre à bras-le-corps la question des niches fiscales, par exemple ? Nous ne nions pas que s’attaquer à ce serpent de mer représente une tâche qui peut sembler démesurée. Mais nous savons, dans le même temps, que les dix niches fiscales les plus importantes – sur un total d’environ 460 – représentent près de 30 milliards d’euros, sur un total de 70 milliards.

Nous devrions nous pencher de nouveau sur les dispositifs dérogatoires tels que le régime d’intégration fiscale dit « régime mère-fille », qui ne bénéficie qu’aux grands groupes ; nous devrions aussi durcir les conditions de déductibilité des intérêts d’emprunt et supprimer des niches coûteuses et inefficaces, ainsi que le proposent certains de nos amendements. En faisant cela, finalement, vous donneriez les signes attendus d’une politique de gauche que nous réclamons depuis 2012. Vous montreriez ainsi que le message de désespoir, de désarroi envoyé par les électeurs ces trois derniers mois a été entendu.

Pour notre part, nous abordons l’examen de ce texte avec la conviction qu’il est urgent et nécessaire de réorienter la politique conduite, notamment depuis quelques mois, vers des mesures plus justes et plus efficaces. Je me félicite que nous soyons de plus en plus nombreux sur les bancs de gauche à le penser. Nous sommes en effet convaincus que certains de nos amendements, et certains amendements de nos collègues des groupes écologiste et socialiste, pourraient faire consensus à gauche. Il est urgent de tracer un autre chemin que celui que nous dicte la pensée unique, qui semble n’a rien appris de six années de crise.

Alors que l’Europe s’engouffre de plus en plus dans l’impasse du moins-disant social, il nous semble urgent de réorienter notre politique budgétaire, de conduire une politique porteuse d’une ambition sociale affirmée, et d’apporter ainsi la démonstration – y compris à nos voisins européens – qu’il existe une autre voie pour la France et pour les peuples européens que la course à la baisse des coûts et au démantèlement de l’État social.

M. Nicolas Sansu. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Bruno Le Roux.

M. Bruno Le Roux. Madame la présidente, messieurs les ministres, madame la rapporteure générale, chers collègues, le 14 janvier dernier, le Président de la République annonçait sa volonté de mettre en œuvre un pacte de responsabilité et de solidarité. Dans son discours de politique générale, puis dans le pacte de stabilité, M. le Premier ministre a décliné la politique économique et budgétaire que nous menons, que nous corrigeons aujourd’hui.

Je rappellerai en quelques mots que, de 2002 à 2012 notre déficit commercial n’a cessé de croître, entraînant une perte de compétitivité préoccupante pour les entreprises françaises. Dans le même temps, les déficits budgétaires n’ont cessé de se creuser, entraînant une croissance ininterrompue de la dette, dont la précédente majorité s’était fait une spécialité. Dès le lendemain des élections, le Président de la République et le gouvernement de Jean-Marc Ayrault ont pris la mesure de la situation et commencé à redresser les comptes publics.

Ils ont aussi – car cela n’aurait pas suffi – commandé à Louis Gallois un rapport sur la compétitivité de nos entreprises, à partir duquel nous continuons à travailler. Ce rapport est au fondement de la politique que nous menons depuis plusieurs mois pour que nos entreprises retrouvent des marges, gagnent en compétitivité, conquièrent des marchés et embauchent. C’est bien cela, le cœur de notre engagement : ce n’est pas simplement de retrouver la maîtrise des comptes publics, mais de retrouver la croissance pour faire baisser le chômage. L’emploi, l’emploi, toujours l’emploi !

Vous avez raison, madame la rapporteure générale, de souligner qu’il faut considérer le pacte de responsabilité, à l’horizon 2017, dans son ensemble, et pas en isolant telle ou telle mesure – comme cela est fait dans quelques notes. Il faut ramener ces mesures à la globalité du pacte, en prenant en compte l’effet levier de la croissance, sur la compétitivité des entreprises, sur la baisse de la mauvaise dépense publique. Ce pacte de compétitivité représente 0,6 point de croissance supplémentaire à l’horizon 2017 – nous espérons plus : ce chiffre est un minimum. Nous verrons à ce moment-là que cela se traduira en emplois, et donc que cela fera baisser le chômage. Cela ne sera pas dû uniquement à la politique de redressement que nous menons, mais aussi à l’action des entreprises qui auront pu investir, regagner des parts sur le marché intérieur, partir à la conquête de nouveaux marchés en Europe, adopter de nouvelles stratégies à l’exportation : c’est bien ce que nous voulons leur permettre aujourd’hui.

Avec ces deux textes – le projet de loi de finances rectificative que nous examinons aujourd’hui et le projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale – que je ne veux pas séparer car ils forment un tout, nous mettons donc en œuvre ce que nous avons adopté en votant la confiance au Gouvernement et le pacte de stabilité. Je ne reviendrai pas sur l’ensemble de ces mesures : elles sont équilibrées et permettront de soutenir la compétitivité, ce qui est essentiel. Elles doivent aussi permettre d’alléger la fiscalité des ménages modestes qui ont déjà pris une grande part aux efforts faits pour le redressement des finances publiques.

Je ne reviendrai pas sur les allégements d’impôt : vous les avez mentionnés. Ils représentent 1,1 milliard d’euros de pouvoir d’achat en plus. La réduction d’impôt sur le revenu représente 350 euros pour les contribuables aux revenus inférieurs à 1,1 fois le SMIC, soit 700 euros pour un couple. 3,7 millions de foyers fiscaux modestes verront leur impôt réduit. 1,9 million de foyers fiscaux deviendront non imposables.

Dans un contexte de redressement des finances publiques, il s’agit d’un triple effort de renforcement de la compétitivité de nos entreprises, de baisse de la dépense publique et de soutien au ménage les plus modestes.

C’est un beau symbole que de financer ces mesures par la lutte sans merci que la majorité et le Gouvernement mènent contre la fraude fiscale. Il s’agit non pas d’assurer une stricte équivalence entre les recettes et les dépenses, mais de tenir les deux bouts de la chaîne, d’autant que peu avait été fait auparavant pour faire rentrer dans les caisses de l’État le produit de la fraude. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Cet équilibre peut encore être amélioré, comme cela a déjà été fait en commission. Mon groupe a émis des propositions qui se sont traduites par des amendements sur la lutte contre l’optimisation fiscale des entreprises, sur la taxe communale sur la consommation finale d’électricité pour donner de l’air aux collectivités, ou encore sur l’exonération de la taxe d’habitation.

Je tiens à saluer la volonté de dialogue dont a fait preuve le Gouvernement sur le contrôle et l’évaluation des aides destinées à renforcer la compétitivité des entreprises.

En conclusion, je souhaite rappeler toute l’importance que nous accordons à la question du logement et à toutes les aides destinées aux ménages modestes, non pas simplement celles mentionnées à l’article 6 du présent projet de loi de finances rectificative, mais également celles figurant à l’article 9 du projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale : allocation de logement à caractère social, aide personnalisée au logement, allocation de logement à caractère familial.

Il s’agit de mesures touchant les ménages les plus modestes. Les préserver, donc annuler les gels initialement prévus, s’inscrirait dans la logique des mesures évoquées à l’instant.

Nous avons plusieurs exigences : sortir de cette crise qui dure, réussir à redresser notre économie, et réussir à redonner perspectives et espoir à nos concitoyens, notamment les plus modestes et les classes moyennes. C’est ce que nous faisons dès maintenant, à travers ce projet de loi de finances rectificative. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Bruno Le Maire.

M. Bruno Le Maire. Nous avons compris de l’intervention de Bruno Le Roux que les économies prévues par ce collectif budgétaire, déjà bien modestes, risquaient d’être encore davantage rabotées par de nouvelles dispositions dont nous allons discuter.

Nous pouvons nous demander à quoi sert ce collectif budgétaire, qui est minuscule. Il sert d’abord à soustraire de l’impôt sur le revenu un certain nombre de contribuables qui y sont redevables en raison des mesures supplémentaires que vous avez adoptées l’année dernière.

Mme Marie-Christine Dalloz. Exactement !

M. Bruno Le Maire. L’expression de « tango argentin », utilisée par Charles de Courson, est très belle. Pour ma part, j’utiliserai celle de « valse triste » : un pas en avant, deux pas en arrière ! (Sourires.)

Mme Marie-Christine Dalloz. Très bien !

M. Bruno Le Maire. Ainsi, les contribuables sont désabusés : tous ceux qui ne devaient pas payer vont finalement payer quand même, et tous ceux qui s’étaient préparés à payer vont s’apercevoir qu’ils économiseront peut-être 100 ou 150 euros, mais, en définitive, la pression fiscale aura continué à augmenter en France, pour atteindre un niveau de prélèvement obligatoire avoisinant cette année 45 %.

J’imagine la colère de tous ceux qui sont accablés d’impôts supplémentaires depuis deux ans, des classes moyennes qui travaillent, des familles nombreuses qui ont vu leur impôt augmenter en raison du plafonnement du quotient familial, quand ils vous entendent parler des 1,9 million de personnes qui vont sortir de l’impôt sur le revenu. Ils ont un profond sentiment d’injustice ! Ils pensent que ce sont toujours eux qui paient et qui doivent supporter la charge de la nation.

Je reconnais votre bonne intention, qui est d’accorder une attention particulière aux ménages les plus modestes. Mais pensez également à tous ces ménages qui ont des revenus peu élevés, qui travaillent, qui ont des familles nombreuses, et qui aujourd’hui ne s’en sortent pas ! Ils ne peuvent pas comprendre votre politique, car elle est à la fois inefficace et injuste.

Ce collectif sert aussi à prolonger jusqu’à 2016 la surtaxe de l’impôt sur les sociétés pour financer la baisse des cotisations sociales. C’est tout simplement déshabiller Pierre pour habiller Paul, en reprenant toujours la même antienne : les grandes entreprises sont condamnables et doivent être matraquées fiscalement, au profit des petites.

Je ne crois pas à ce discours d’opposition entre les grandes et les petites entreprises. Les grandes entreprises représentent aujourd’hui près du tiers de l’emploi en France, 50 % des exportations, les deux tiers des dépenses de recherche et de développement, qui, évidemment, profitent également à toutes nos PME.

Soutenir les petites entreprises, c’est aussi ne pas alourdir la fiscalité des grandes entreprises, et c’est surtout ne pas la modifier systématiquement. En effet, votre geste, aussi modeste soit-il, est révélateur du message que vous n’avez de cesse d’envoyer : la fiscalité est un jouet que vous manipulez en permanence, au détriment de la stabilité fiscale du pays.

Ce collectif est également une nouvelle occasion de revirements : par exemple, la suppression du gel des aides personnelles au logement, sans doute une concession aux frondeurs de votre majorité, donne une impression de bricolage, là où nous aurions besoin de vision ; d’hésitation, là où nous aurions besoin de détermination.

À force de vouloir satisfaire tout le monde, votre aile gauche et votre aile droite, votre aile interventionniste et votre aile libérale, vous aboutissez à la cacophonie et à l’insatisfaction généralisée dans le pays. Tant qu’à faire, j’aurais effectivement préféré la grande remise à plat fiscale promise par Jean-Marc Ayrault. Mais je constate qu’elle est aujourd’hui aux oubliettes.

D’ailleurs, nous voyons bien à quoi sert M. Valls dans ce quinquennat : il est le syndic de faillite des deux premières années de M. Hollande. Des propositions de Mme Duflot sur le logement à celles de M. Ayrault sur la fiscalité, tout ce qui avait été proposé a aujourd’hui rang d’accessoire.

Je ne reviendrai pas sur le cadre prévisionnel de croissance et de déficit, que M. Migaud lui-même juge illusoire, et qui n’intègre même pas les milliards d’euros dépensés depuis quinze jours, entre la réforme du régime des intermittents du spectacle qu’il faudra compenser et les deux milliards d’euros que nous coûte le maintien d’Arnaud Montebourg au Gouvernement de la République. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Plus sérieusement, de quoi nos entreprises ont-elles besoin ? Elles auraient besoin de stabilité fiscale, vous leur donnez du mouvement perpétuel. Elles auraient besoin de simplicité, vous ajoutez de la complexité. Elles auraient besoin d’un choc de compétitivité, c’est à peine une pichenette.

Les ménages auraient besoin d’un allégement des impôts, vous les allégez pour une minorité des ménages et les alourdissez pour une majorité. Ils auraient besoin d’un salaire net plus élevé, avec des heures supplémentaires défiscalisées, vous les avez supprimées. À la TVA sociale, vous avez préféré le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, qui n’améliorera pas le salaire net. Ils auraient besoin de confiance, vous leur donnez de la défiance et opérez des revirements permanents.

Les fais sont têtus, le chômage reste dramatiquement élevé, en particulier celui des jeunes, la croissance est atone alors qu’elle reprend partout ailleurs dans le monde, le déficit commercial reste abyssal. Je ne suis pas certain que ce collectif budgétaire change grand-chose à cette situation. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Le collectif budgétaire pour 2014, dont nous commençons aujourd’hui l’examen, est un quadruple aveu d’échec du Gouvernement : insuffisance à redresser les comptes publics de notre pays dans la justice, insuffisance à relancer la compétitivité de nos entreprises, insuffisance à redonner du pouvoir d’achat aux ménages et, enfin, insuffisance à renouer avec la croissance.

Premièrement, alors que vous aviez voulu faire croire que la hausse massive des impôts serait payée par les plus riches des ménages, ce sont en fait les classes modestes et moyennes qui en ont été le plus affectées.

Le Premier ministre avait promis, le 27 septembre 2012 que « neuf contribuables sur dix » ne seraient pas concernés par les hausses de fiscalité. Mais le peuple français a bien vu que l’augmentation des impôts et des cotisations sociales a bien plus frappé les classes moyennes que les très riches, et que ce sont les deux tiers des Français qui ont payé la note.

Oui, ce sont bien les classes moyennes qui ont payé en 2013 la majorité des 14 milliards d’euros d’impôts nouveaux sur les ménages voulus par le Gouvernement. Six contribuables sur dix ont ainsi été touchés par le gel du barème de l’impôt sur le revenu, soit seize millions de foyers. Vous qui l’aviez tant dénoncé quand vous étiez dans l’opposition, pourquoi ne pas l’avoir supprimé dès votre arrivée au pouvoir ?

Au total, 95 % des 9,5 millions de salariés effectuant des heures supplémentaires qui ont été touchés par la fin de la défiscalisation sont des ménages modestes. Ils perdent à présent 500 euros par an en moyenne. Nous en mesurerons cette année l’effet en année pleine.

Nous ne pouvons pas non plus croire que les 7,5 millions de retraités imposables qui ont vu leur retraite amputée de 0,3 % soient « riches ». L’augmentation de six euros de la redevance audiovisuelle touche également la quasi-totalité des ménages.

Le relèvement du forfait social sur la participation et l’intéressement de 8 % à 20 % a pénalisé les 8,8 millions de salariés du secteur privé, soit les deux tiers du total des salariés du privé, qui bénéficient chaque année du bénéfice des systèmes d’intéressement ou de participation. Ils perdront en moyenne 500 euros par an. Enfin, 2,5 millions d’indépendants ont été touchés par la hausse de cotisations de 1,3 milliard d’euros.

Vous avez gravement amputé le pouvoir d’achat des ménages, en baisse globalement de 0,9 %, une première depuis 1984, ce qui représente une baisse moyenne de 1,5 % à 1,9 % du pouvoir d’achat de chaque ménage.

Pour 2014, les conséquences de votre politique ont également eu des effets désastreux pour les ménages modestes. Ainsi, la suppression de l’exonération d’impôt sur le revenu des majorations de retraite ou de pension pour charges de famille, qui majore les retraites, non pas de 10 %, mais de 10 % à 30 % selon les régimes, a touché 3,8 millions de foyers fiscaux, à hauteur de 1,1 milliard d’euros, soit 300 euros en moyenne par foyer fiscal.

En outre, la suppression de l’exonération fiscale de la participation de l’employeur aux contrats collectifs de complémentaire santé a amputé de 960 millions d’euros le pouvoir d’achat de 13,2 millions de salariés, soit 140 euros par foyer.

Ces mesures injustes, ajoutées à l’extension en année pleine de la fiscalisation des heures supplémentaires et à l’abaissement du plafond du quotient familial pour chaque demi-part, ont fait rentrer dans l’impôt sur le revenu un nombre considérable de nos concitoyens. Ce nombre est estimé à près d’un million de foyers en deux ans et demi, d’après les chiffres de notre rapporteure générale.

Pourtant, les revenus de ces concitoyens souvent modestes n’ont pas augmenté. La « pause fiscale » promise par le Président de la République pour répondre au ras-le-bol fiscal des ménages n’a donc été qu’un mirage, car nous n’oublions pas les 6,5 milliards d’euros d’augmentation de la TVA au 1er janvier 2014, qui ont touché l’ensemble de nos concitoyens.

La France, selon le rapport Eurostat publié la semaine dernière, est le troisième pays d’Europe pour le poids de sa fiscalité. C’est pourquoi, voyant le drame se profiler, le Gouvernement a décidé en urgence de présenter une mesure visant à compenser les effets catastrophiques de sa politique.

Ainsi, les mesures proposées à l’article 1er visent à rendre non imposables 1,9 million de foyers qui seraient sinon soumis à l’impôt sur le revenu. Mais, parmi ces foyers, près de la moitié étaient probablement devenus imposables du fait des mesures prévues par la loi de finances pour 2014.

Avec vous, c’est deux pas en arrière, un pas en avant ! Après avoir ponctionné le pouvoir d’achat des ménages français de plus de 20 milliards d’euros en deux ans, vous leur rendez 1,16 milliard d’euros, soit 6 % de la hausse !

Votre politique relève de l’amateurisme le plus total et ne fait que renforcer la défiance de nos concitoyens à l’égard du Gouvernement. Le pacte de confiance est rompu, et les mesurettes proposées ne sont pas à la hauteur des enjeux.

De plus, comme le dit dans un style très « Cour des comptes » notre collègue Dominique Lefebvre, la mesure du Gouvernement fait sortir de l’impôt sur le revenu autant de contribuables qu’il n’y en était entré, mais il n’est pas certain que cela soit les mêmes. Nous sommes même certains du contraire !

En effet, monsieur le secrétaire d’État, nous souhaiterions obtenir des réponses, que la rapporteure générale n’a pas pu nous apporter, car les services qui sont sous votre autorité ne les ont pas fournis. Je répète la question : combien de personnes non imposables au titre des revenus de 2012 sont devenues imposables au titre des revenus de 2013 du fait de mesures prévues par la loi de finances pour 2014 ? Combien de ces foyers vont redevenir non imposables ?

Vous dites, monsieur le secrétaire d’État, que vous ne savez pas répondre à cette question, car vous n’avez pas encore exploité les déclarations. Mais nul besoin de les exploiter toutes ! Un échantillon de 10 000 déclarations est suffisant pour permettre aux services de répondre à cette question, qui est au cœur de notre débat.

En outre, les évaluations préalables jointes au projet de loi font apparaître un problème méthodologique assez grave. En effet, on nous avait expliqué qu’il n’était pas possible de calculer l’incidence de la fiscalisation de la majoration pour enfant des pensions de retraites, et une note de la page 110 semble le confirmer. Qu’en est-il ?

Par ailleurs, comment se fait-il que le tableau de la même page ne dise rien de l’impact de l’article 1er sur les recettes fiscales d’autres collectivités territoriales et sur les autres administrations publiques ? Je fais référence à tous les avantages liés à l’éligibilité ou non à l’impôt.

Enfin, qu’en est-il de la perte de recettes liée au fait que 1,9 million de foyers fiscaux ne seront plus redevables de l’impôt sur le revenu ? Vos errements économiques placent la représentation nationale, mais également, et de manière bien plus grave, l’ensemble des Français, devant une incertitude insupportable.

C’est pourquoi le groupe UDI vous demande de revenir immédiatement sur les trois mesures injustes qui ont fait basculer un nombre important de nos concitoyens, 1,9 million en deux ans et demi, dans l’impôt sur le revenu.

Deuxièmement, votre politique a échoué à redresser les comptes publics de notre pays. Alors que le candidat Hollande promettait pendant la campagne présidentielle de ramener le déficit de la France à 3 % dès 2013, les déficits publics se sont réduits beaucoup plus lentement, du fait des erreurs tant du Gouvernement que de sa majorité.

Il atteindra, selon la Cour des comptes, 4 % en 2014, et l’objectif de 3 % fixé par Bruxelles pour 2015 semble d’ores et déjà hors d’atteinte. Sur le front des recettes, alors qu’il manquait 14,6 milliards d’euros au budget de l’État pour 2013, la situation se répète en 2014, conséquence d’un excès de fiscalité imposé tant aux ménages qu’aux entreprises depuis maintenant un peu plus de deux ans. Sur le front de la réduction de la dépense publique, une grande partie des 50 milliards d’euros promis est encore virtuelle.

En effet, selon la Cour des comptes, si 20 des 50 milliards d’euros d’économies sont acquis – réforme de 2013 des régimes de retraite complémentaire, sachant que ce n’est pas l’État qui les a réformés, mais les partenaires sociaux ; gel du point d’indice de la fonction publique, décision gouvernementale – ou supposent le prolongement d’efforts déjà engagés – notamment objectif de croissance de l’ONDAM à 2,4 %, moyenne des quatre dernières années –, des économies à hauteur de 30 milliards d’euros sont encore peu documentées, voire pour certaines d’entre elles incertaines, car elles devront être réalisées par des administrations publiques dont l’État ne maîtrise pas les dépenses. C’est le cas des régimes complémentaires d’assurance vieillesse, de l’UNEDIC et, surtout, des collectivités territoriales à hauteur de 11 milliards d’euros.

Ces dernières risquent de compenser en partie la baisse des dotations que leur verse l’État par une hausse des taux des impôts locaux ou un accroissement de leur endettement, puisque vous n’avez, en l’espèce, prévu aucune mesure. J’ajoute que vous avez multiplié les « fusils à un coup » : vous ne pourrez ni décaler deux fois la revalorisation des retraites du 1er avril au 1er octobre ni poursuivre les petits hold-up traditionnels, que vous avez commis comme d’ailleurs vos prédécesseurs, tels que les prélèvements sur les chambres consulaires ou sur le Centre national du cinéma et parfois sur la Caisse des dépôts et consignations.

Le déficit de l’État se dégrade de 1,4 milliard d’euros : les recettes baissent de 4,8 milliards, alors que les dépenses ne sont réduites que de 3,4 milliards. Pourquoi les dépenses ne sont-elles pas réduites à hauteur du recul des recettes, soit 4,8 milliards pour stabiliser le niveau du déficit, ce qui suppose 1,6 milliard d’euros supplémentaire ? En définitive, nous assistons à la dérive des dépenses publiques, certes petite, pas massive, mais c’est tout de même une dérive, et de la dette qui dépassera 2 000 milliards d’euros fin 2014. Tout le monde sait, monsieur le ministre, que, si Dieu vous prête vie encore un an, vous serez « Monsieur 100 % » ! Il en faut bien un, me répondrez-vous ! Mais, manque de chance, cela tombera sur vous !

La Cour des comptes indique que « d’importantes sources d’économies peuvent être mobilisées sans dégrader la qualité des services publics et diminuer l’ampleur de la redistribution ». Il est temps d’agir !

Mes chers collègues, je dirai, pour conclure, que tous les voyants sont au rouge. Il est grand temps de prendre les mesures qui s’imposent pour redresser les finances publiques de notre pays ! Sans de grandes et courageuses réformes de structures, il est impossible de maîtriser durablement la dépense publique, comme le démontre d’ailleurs le Gouvernement.

C’est pourquoi il doit lancer sans tarder des chantiers essentiels : au niveau territorial en renforçant les intercommunalités ; au niveau de la fonction publique en accélérant la diminution des effectifs. J’ai noté avec satisfaction et je vous en félicite, monsieur le ministre, que vous avez continué à réduire en 2013 de 17 000 le nombre de fonctionnaires de l’État ! Redoublez d’efforts et vous atteindrez 30 000, cela reviendra à ce que nous avons fait pendant cinq ans !

Mme Marie-Christine Dalloz. Très bien !

M. Charles de Courson. Nous reprendrons tous ces éléments lorsque nous débattrons des articles.

Mme la présidente. La parole est à Mme Eva Sas.

Mme Eva Sas. Madame la présidente, messieurs les ministres, monsieur le président de la commission des finances, madame la rapporteure générale, chers collègues, nous abordons à cette heure l’examen du premier texte budgétaire depuis les élections municipales et européennes. Vous comprendrez donc qu’il ne s’agit pas d’un simple projet de loi de finances rectificative, mais aussi de la réponse que nous devons apporter au message que nous ont adressé les Français. Or nous constatons que ce collectif maintient les deux axes sur lesquelles repose invariablement la politique budgétaire depuis le début de la législature : la réduction des déficits et les allégements inconditionnels accordés sans contrepartie aux entreprises.

Nous notons bien qu’une inflexion a eu lieu, et elle va dans le bon sens, avec les mesures en faveur des ménages aux revenus modestes, notamment les allégements d’impôt sur le revenu jusqu’à 1,1 fois le SMIC, les allégements de cotisations sociales salariales pour les salariés jusqu’à 1,3 fois le SMIC et les mesures en faveur des artisans. Mais ce n’est pas d’une inflexion dont nous avons besoin, mais d’une véritable réorientation. De plus en plus de voix se font entendre au sein de la majorité pour estimer qu’un rééquilibrage est nécessaire, un rééquilibrage entre économies et investissements et un rééquilibrage entre ménages et entreprises.

En effet, si l’on prend l’ensemble des mesures fiscales, le déséquilibre reste flagrant, puisque les ménages recevront 2 milliards d’euros en 2015, alors que les entreprises percevront, elles, 23 milliards ! C’est une question de justice, mais c’est aussi une question d’efficacité. Dans ce débat qui s’engage, les écologistes veulent être force de propositions, car leur objectif est, d’abord, de contribuer à une plus grande efficacité de nos politiques publiques, notamment dans les domaines de l’emploi et de l’environnement.

C’est pourquoi nous vous ferons des propositions d’amendements autour de trois axes : la conditionnalité des aides aux entreprises et en particulier du crédit d’impôt compétitivité emploi et du crédit d’impôt recherche ; l’aide directe à l’emploi avec les emplois d’avenir et les contrats d’apprentissage et le soutien à la transition écologique pour faire émerger un nouveau modèle de développement porteur d’emplois et protecteur de l’environnement, ce qui suppose, en premier lieu, de maintenir le budget de l’écologie.

En effet, si l’emploi est notre priorité partagée, nous pouvons diverger sur les solutions à adopter. Comme le Haut Conseil des finances publiques le soulignait déjà le 22 avril dernier, il existe, je cite, « un risque que les effets positifs sur l’emploi et les salaires de la politique d’offre n’atténuent pas les effets négatifs sur l’activité de la consolidation budgétaire », d’où l’importance d’une politique d’aides aux entreprises mieux ciblée, d’un soutien direct à l’emploi comme la relance des emplois d’avenir et de l’apprentissage que proposent certains de nos collègues, que nous soutiendrons, et de mesures en faveur du revenu des ménages dont une part croissante se retrouve aujourd’hui dans la plus grande difficulté.

Notre priorité, c’est aussi, vous le savez bien entendu, l’environnement. Et je ne peux passer ici sous silence deux mesures que portera ce projet de loi de finances rectificative qui sont lourdes de sens pour nous, écologistes. La baisse de 288 millions d’euros du budget de l’écologie, dont 220 sont transférés au budget de la défense, et la taxe poids lourds, devenue péage de transit dont le réseau taxable est réduit de plus de deux tiers et le rendement de moitié.

Nous avons appris que cette révision serait introduite par amendement dans le projet de loi de finances rectificative. Les écologistes ne peuvent pas comprendre que l’on abandonne ici les objectifs environnementaux et financiers de cette taxe poids lourds. Est-il devenu secondaire de diminuer le trafic des poids lourds sur nos routes ? Comment allons-nous financer demain nos transports collectifs, puisque le manque à gagner qui résulte de cette décision dépasse les 500 millions d’euros ? Est-ce que ce seront les ménages qui paieront, demain, à la place des poids lourds ?

Pourquoi ne pas vous être appuyés sur l’excellent travail de la mission parlementaire de Jean-Paul Chanteguet, qui avait proposé des aménagements tels que l’exonération des premiers kilomètres, aménagements qui auraient permis de conserver l’ambition de cette fiscalité environnementale tout en prenant en compte les intérêts de tous ? Vous comprendrez, monsieur le ministre, que ces deux éléments nous font douter de l’ambition du Gouvernement en matière d’écologie. Nos familles, nos enfants ont besoin d’un environnement sain et d’une planète vivable pour grandir en toute sérénité. Nous ne pouvons plus continuer à favoriser le développement d’un modèle économique polluant et consommateur de ressources.

Les écologistes ne peuvent renoncer à cette conviction et espèrent encore vous la faire partager. Depuis plusieurs jours maintenant, la question nous est posée sans cesse de savoir si nous voterons ce projet de loi de finances rectificative et si nous nous inscrivons, de ce fait, dans la majorité. J’ai envie aujourd’hui, monsieur le ministre, de vous retourner la question. Souhaitez vous travailler avec les écologistes et d’autres députés sur les amendements que nous proposons ? Souhaitez-vous maintenir l’ambition de la France en matière d’écologie, notamment en maintenant le budget que vous lui consacrez ? Souhaitez-vous, en définitive vraiment, que les écologistes fassent partie de la majorité ?

M. Éric Alauzet. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Robert.

M. Thierry Robert. Madame la présidente, messieurs les ministres, monsieur le président de la commission, madame la rapporteure générale, chers collègues, nous sommes aujourd’hui invités à commencer l’examen du projet de loi de finances rectificative pour 2014 proposé par le Gouvernement. Ce collectif budgétaire est le symptôme de la prise de conscience par la majorité du réel auquel elle est confrontée depuis maintenant deux ans. Contrairement à la loi de finances de 2014 et dans la lignée de la déclaration du Président de la République le 14 janvier dernier, le texte propose un certain resserrement des dépenses qui est, par ailleurs, à saluer.

Je citerai, par exemple, les 18 milliards d’euros d’économies réalisées par l’État grâce à une plus grande maîtrise des crédits et la baisse des dépenses d’intervention et de fonctionnement des agences de l’État. Dans le projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale pour 2014, on peut également se féliciter de la réduction de charges pour les entreprises : cotisations salariales, cotisations patronales, cotisations familiales des travailleurs indépendants et suppression de la C3S qui fait l’unanimité, ou presque, dans les rangs de l’Assemblée nationale. En aidant les entreprises, le Gouvernement fait le choix de soutenir le poumon de notre vie économique, un poumon qu’on n’oublie souvent d’écouter, mais jamais de solliciter.

Si la suppression de la C3S, seule mesure concrète issue des Assises de la fiscalité des entreprises, est à saluer, il n’en demeure pas moins que nos entreprises, notamment les plus petites d’entre elles, attendent toujours des mesures fortes. L’urgence est tant économique qu’administrative pour ces dernières. Ce qui est particulièrement attendu, c’est une réforme adaptée de l’impôt sur les sociétés : un élargissement de son assiette, une forte baisse de son taux facial avec un taux plancher pour les grandes entreprises et, corrélativement, le nettoyage de toutes les « niches » dont la plupart ne sont plus efficientes sur le plan économique.

Je ne citerai ni les nombreux rapports institutionnels sur l’utilisation du crédit d’impôt recherche comme simple outil de défiscalisation pour certaines multinationales ni la réalité des taux de l’impôt sur les sociétés, car le délai imparti de cet exercice est trop court. Ce sont pourtant des questions sur lesquelles le Gouvernement devra se pencher très rapidement. En l’absence de telles réformes et dans l’attente également du « choc de simplification administrative » pour les entreprises annoncé par le Président de la République, je proposerai à la représentation nationale un dispositif d’incitation à la formation des dirigeants des entreprises de moins de dix salariés et ayant moins de 2 millions d’euros de chiffre d’affaires.

Ces femmes et ces hommes qui s’investissent de toutes leurs forces dans la vie économique et créent des emplois pour nos compatriotes méritent notre soutien. Ils manquent trop souvent de moyens humains pour constituer les services spécialement chargés des problématiques de gestion, de certaines questions de droit, de comptabilité et j’en passe. Inciter ces entrepreneurs à se former, c’est en fait travailler pour la survie de ces entreprises.

En triplant le taux horaire du crédit d’impôt pour la formation des dirigeants d’entreprise portant sur l’imposition de leur bénéfice réel défini à l’article 244 quater M du code général des impôts, il vous est proposé de contribuer à sécuriser l’emploi des salariés, mais aussi à aider financièrement ces entreprises, lesquelles sont les plus exposées aux difficultés de trésorerie. Par ailleurs, concernant l’outre-mer et étant moi-même député de La Réunion, je me dois de reconnaître que le Gouvernement a pris acte des avertissements lancés par les Ultramarins.

Nos territoires dépendent encore beaucoup de l’État et il est extrêmement important de continuer à les soutenir tout en préparant leur avenir dans différents secteurs économiques. Même si les annulations de crédit de l’outre-mer sont relativement faibles, je resterai évidemment attentif aux choix qui en découleront. J’évoquerai, enfin, le récent accord des ministres des finances de l’Union européenne concernant l’interdiction des montages hybrides. Compte tenu des effets positifs espérés de cette mesure sur les recettes de l’État, pouvez-vous nous dire à quel moment, messieurs les ministres, la France transposera-t-elle cette révision majeure de la directive « mère-fille » ?

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Lefebvre.

M. Dominique Lefebvre. Madame la présidente, messieurs les ministres, madame la rapporteure générale, mes chers collègues, courage, constance et cohérence… c’est cette règle des trois C que nous devons appliquer aujourd’hui considérant la situation politique, économique et sociale que connaît notre pays. C’est la règle que nous devons appliquer pour y adjoindre deux autres C – la confiance et la croissance –, donc pour répondre à la seule question qui vaille aujourd’hui, en tout cas celle qui précède toutes les autres, à savoir comment recréer de l’emploi en France et faire reculer le chômage.

L’emploi, oui, l’emploi dans nos entreprises, bien sûr, l’emploi fondé sur une stratégie de croissance durable, supposant que notre économie et nos entreprises retrouvent de la compétitivité et sachent s’affirmer dans une économie mondiale toujours plus ouverte à laquelle nous devons nous adapter si nous ne voulons pas disparaître.

Cette adaptation et cette modernisation de notre économie et de nos entreprises, nous avons tous les atouts pour les réussir : une capacité d’innovation sans pareille, une main-d’œuvre qualifiée, des infrastructures solides et attractives. Il nous faut aussi davantage investir, il nous faut une politique industrielle ambitieuse et innovante, il nous faut savoir assurer le financement de l’économie.

Il nous faut, bien sûr, davantage de dialogue social, comme il nous faut aussi nous rassembler autour des intérêts fondamentaux de notre pays, intérêts qui exigent que nous sachions réformer pour donner à la France les atouts pour réussir : réformer l’État, réformer nos collectivités locales, réformer notre protection sociale, réformer le marché du travail parce que les protections que nos concitoyens attendent légitimement pour aujourd’hui et pour demain, nous ne pourrons les garantir si nous ne nous réformons pas.

Alors, oui, messieurs les ministres, nous attendons de vous et vous pouvez attendre de nous du courage, de la constance et de la cohérence. Comme l’a souligné avant moi le président de notre groupe, Bruno Le Roux, vous pouvez compter sur le soutien du groupe socialiste pour mettre en œuvre les engagements essentiels pris par le Président de la République et le Premier ministre devant la nation pour assurer le redressement du pays, des engagements que nous avons approuvés lors de la déclaration de politique générale du Premier ministre, Manuel Valls, des engagements que nous avons réitérés lorsque nous avons approuvé la déclaration du Gouvernement précédant la transmission du programme de stabilité à la Commission européenne.

Le courage, aujourd’hui, c’est de refuser, contrairement à nos prédécesseurs, de céder à la politique de la facilité, de la fuite en avant dans les déficits et les mesures démagogiques, la loi TEPA restant le meilleur exemple de la démagogie alliée à l’inefficacité. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Le courage, aujourd’hui, c’est de refuser de mentir aux Français sur la situation du pays et la réalité des efforts à fournir par tous, comme de refuser de répondre à des impatiences légitimes par des mesures qui annonceraient des lendemains qui déchantent.

La constance, aujourd’hui, c’est de refuser de conduire une politique au fil de l’eau, les yeux rivés sur tel ou tel sondage d’opinion ou même sur tel ou tel indicateur ou note de conjoncture.

Non, la politique économique et budgétaire que nous devons conduire ne peut s’accommoder d’à-coups, encore moins de remises en cause aussi hâtives qu’infondées. Elle doit s’inscrire dans la durée et dans le temps nécessaire pour produire ses effets. Elle doit s’inscrire dans la durée pour être comprise et soutenue par nos concitoyens.

La cohérence, aujourd’hui, c’est de refuser de faire une chose et son contraire, c’est-à-dire, d’un côté, affirmer la nécessaire maîtrise de la dépense publique et la réduction des déficits comme l’indispensable baisse des prélèvements obligatoires et, de l’autre, reculer finalement devant les choix politiques difficiles que supposent la réduction de la dépense publique et les réformes de structure sans lesquelles notre pays ne pourra garder sa place dans le concert international, tout en cédant à la tentation toujours présente d’augmenter ici ou là tel ou tel prélèvement obligatoire, nous le constaterons encore une fois dans la discussion des amendements.

Nous abordons avec ce projet de loi de finances rectificative une discussion qui s’achèvera la semaine prochaine avec le projet de loi de financement de la Sécurité sociale rectificative.

Ces deux textes forment un tout cohérent, et doivent faire l’objet d’une discussion commune. Ils auraient même dû, ce que ne permettent ni nos lois organiques ni la procédure parlementaire, faire l’objet d’un vote unique tant ils ne prennent leur sens qu’ensemble. Je le rappelle ici pour celles et ceux qui pensent que l’un des deux pourrait davantage être voté que l’autre, il faut les accepter ou les refuser tous les deux.

Ces textes ont un objectif et un seul, le retour de la croissance et la création d’emploi. Les trois volets sont indissociables. Le premier, c’est la trajectoire de redressement des finances publiques. Le second, la justice fiscale et sociale et le soutien à la consommation des ménages. Le troisième, la compétitivité de nos entreprises et des mesures sans précédent d’allégements fiscaux et sociaux pour leur permettre de rebondir.

Sur le premier point, la trajectoire de redressement des finances publiques, nous devons poursuivre nos efforts pour maîtriser la dépense publique.

M. Dominique Baert. Il n’y a pas le choix !

M. Dominique Lefebvre. Ce n’est pas, comme je l’entends dire parfois, une politique d’austérité. La dépense publique continue à progresser, un peu plus vite que le PIB, encore plus vite que l’inflation. C’est ce mouvement qu’il faut inverser. Comme vous l’avez expliqué, messieurs les ministres, ce n’est pas un haut niveau de dépenses publiques qui détermine le caractère égalitaire d’un pays et sa compétitivité. Sinon, nous serions le pays le plus égalitaire, ce qui n’est pas le cas comme nous l’avons d’ailleurs montré dans le groupe de travail sur la fiscalité des ménages.

Il faut continuer cet effort, et le débat qui a été amorcé sur l’effet supposé récessif de telle ou telle mesure de maîtrise de la dépense publique est en réalité largement inopérant, voire sans fondement. Il est vrai que les mesures de réduction de dépenses publiques peuvent avoir un effet récessif, mais nous n’en sommes plus là parce que notre situation budgétaire, celle qui nous a été léguée par nos prédécesseurs, ne nous donne plus de marge.

Mme Marie-Christine Dalloz. Un tel argument, cela marche six mois. Cela fait deux ans et demi !

M. Dominique Lefebvre. Face à ces analyses, qui résultent de modèles macro-économiques dont les résultats sont parfois conditionnés par les hypothèses qu’ils intègrent, il faudrait savoir ce à quoi aboutirait une autre politique dans l’avenir, à court, moyen et long terme, en particulier en termes de destruction d’emplois et de perte de croissance.

Nous n’avons pas les moyens d’augmenter la dette publique.

Mme Marie-Christine Dalloz. Pourtant, c’est ce que vous faites !

M. Dominique Lefebvre. La charge des intérêts est certes stabilisée, mais à 45 milliards d’euros. C’est insupportable. Ce sont 45 milliards d’euros qui ne peuvent pas être investis dans notre pays. Nous ne devons pas laisser une telle situation aux générations futures.

En ce qui concerne la justice fiscale et sociale et le soutien à la consommation des ménages, ces deux textes contiennent des mesures extrêmement importantes. Elles sont fondées sur le plan du soutien conjoncturel à la consommation des ménages, elles sont par ailleurs ciblées sur celles et ceux de nos concitoyens qui consommeront directement ce pouvoir d’achat qui leur est retransmis soit par les dispositions fiscales de l’automne soit par celles qui interviendront au 1er janvier prochain avec un allégement des cotisations salariales.

Ce sont des mesures de justice, car ces catégories de citoyens ont été particulièrement frappées par des mesures injustes qu’ont prises nos prédécesseurs, comme le gel du barème ou la suppression de la demi-part des veuves, mais également, de manière collatérale, par des mesures justes que nous avons prises qui ont fait entrer certains dans l’impôt. Dans le rapport que nous vous avons remis, nous avons bien montré qu’il pouvait y avoir des effets de seuil parfois très brutaux, avec des taux de prélèvement prohibitifs. Nous avons donné des exemples à 80 %, on aurait pu en donner à 120 % vers le bas du barème. En gagnant un peu plus, entre le fait de percevoir moins de prestations et celui de commencer à payer des impôts, on peut y perdre au bout du compte, ce qui n’est pas incitatif à l’emploi.

Je pense que le dispositif qui interviendra au 1er janvier, et dont nous discuterons dans le cadre du PLFSS, est une voie d’avenir. Quant aux mesures que nous prenons là, nous avons devant nous, sur la base des orientations du groupe de travail sur la fiscalité des ménages, la perspective d’une remise à plat débouchant sur un système plus simple, plus juste et plus cohérent.

Enfin, s’agissant de la compétitivité, il faut sortir du débat selon lequel les difficultés de nos entreprises seraient davantage liées à un problème de demande qu’à un problème d’offre. Nous avons perdu des parts de marché, notamment en Europe, ce qui prouve que la question monétaire n’est pas seule en cause.

Nous devons faire un effort, et celles et ceux qui considèrent ces mesures comme des cadeaux au patronat ou aux entreprises se trompent d’analyse.

Dans le monde d’aujourd’hui, nous avons besoin d’aider nos entreprises à investir, à embaucher. C’est le principe du pacte de solidarité, du pacte de confiance que nous voulons passer avec elles. Nous aurons chaque année à discuter de ces mesures, et je souhaiterais que, dans cet hémicycle, on arrête les discours et les postures laissant à penser qu’un chef d’entreprise n’aurait pas le sens de l’intérêt général, n’aurait pas un comportement citoyen, n’aurait pas à la fois pour son entreprise, pour ses salariés et pour notre nation l’envie de réussir.

Il y a évidemment des déclarations d’amour, il y a surtout des preuves d’amour. Je crois que nous arriverons dans ce pacte de responsabilité et de confiance à redresser le pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-François Lamour.

M. Jean-François Lamour. Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, ce collectif est pour le Gouvernement une sorte de quadrature du cercle, dont la résolution est de plus en plus improbable. Le président de la commission des finances, Gilles Carrez, Valérie Pécresse et Éric Woerth l’ont parfaitement démontré.

Je focaliserai mon intervention sur le sort réservé au budget de la défense, qui paie une fois encore un lourd tribut à l’objectif de redressement des finances publiques.

Nos débats doivent être l’occasion d’éclairer la situation réelle de ce budget stratégique, à propos duquel l’exécutif dit, depuis plusieurs mois, tout et son contraire. Il nous faut aujourd’hui obtenir des réponses claires sur la réalisation de la loi de programmation militaire votée en décembre dernier et malheureusement déjà remise en cause. C’est, me semble-t-il, le minimum que le Gouvernement doive aux parlementaires, bien sûr, mais, surtout, aux armées, et en particulier à celles et ceux qui sont engagés sur de nombreux théâtres d’opérations.

En première analyse, ce collectif prévoit 350 millions d’euros d’annulations de crédits, partiellement compensées par des ouvertures de crédits à hauteur d’environ 250 millions. Si l’on s’en tient à ces chiffres, le manque à gagner pour nos armées serait donc de 100 millions.

Cette réduction n’est pas anodine dans un contexte où chaque euro compte ; elle n’est pas non plus anecdotique, le Président de la République ayant plusieurs fois réitéré son engagement de respecter intégralement la loi de programmation militaire, mais le diable, comme souvent, se cache dans les détails et, derrière l’habile jeu d’écritures auquel se sont livrés les fonctionnaires de Bercy, apparaît une ponction nettement plus substantielle effectuée sur le budget de la défense. Le présent collectif appelle donc un certain nombre d’observations et de questions.

Je souhaiterais tout d’abord évoquer les points relevés par notre collègue Valérie Rabault dans son rapport, et m’associer ainsi à ses inquiétudes quant aux modalités de compensation partielle des annulations de crédits.

Le redéploiement de ressources issues du programme d’investissements d’avenir, en remplacement de crédits budgétaires annulés, ne sera pas sans conséquences sur l’exécution du budget 2014. L’augmentation de la part des ressources exceptionnelles, désormais supérieure à 3 % sur le périmètre de la LPM, fragilise de fait le budget de la défense. Je déplore à cet égard que l’incertitude prenne de plus en plus de place dans un secteur qui ne souffre ni l’imprévision, ni l’aléa, en particulier pour les prochains exercices budgétaires.

Dans le prolongement de cette première remarque, je demande que nous soyons totalement informés des actions touchées par l’annulation de 198 millions d’euros de crédits, dont 110 millions non encore mis en réserve, sur le programme 146 « Équipement des forces ».

Dans le rapport de Mme Rabault, nos collègues auront pu comme moi relever également une crainte à peine voilée quant à la survenance de la deuxième tranche de 250 millions d’euros attendue avant la fin 2014 au titre de la clause de compensation. Je ne peux là encore qu’abonder dans le sens de la rapporteure générale et demander un engagement concret du Gouvernement sur cette somme complémentaire.

J’en viens à des questions qui ne recouvrent pas directement le périmètre de ce collectif mais qui, néanmoins, impacteront le budget de la défense.

Tout d’abord, nous nous souvenons que, démontrant sa parfaite maîtrise de la rhétorique du « oui mais », le Président de la République, tout en confirmant son engagement d’exécuter intégralement la LPM, vous a demandé, messieurs les ministres, ainsi qu’au ministre de la défense, de faire des propositions d’ici à la fin du mois de juin pour améliorer les conditions de gestion des matériels et projets, autrement dit, faire de nouvelles économies sur le budget des armées.

Nous sommes le 23 juin, au début de l’examen de ce collectif et, pour l’instant, nous n’avons aucune nouvelle de ces propositions, d’où ma question : pouvez-vous nous dire si nous devons nous attendre à des amendements en cours de débats ou à de nouvelles annulations de crédits hors collectif dans les prochains mois ?

Enfin, je ne peux clore cette intervention sans avoir interrogé le Gouvernement sur le devenir de 400 millions d’euros dus au titre du programme d’investissements d’avenir et qui semblent avoir été aspirés dans une sorte de triangle des Bermudes budgétaire. Je me contenterai à cet égard de citer la Cour des comptes, en page 205 de son rapport de mai dernier consacré au budget 2013 : « Les crédits de la mission "Défense" pour 2014 ont été amputés de 400 millions d’euros pour financer des dépenses de 2013 : des crédits du programme d’investissements d’avenir de la LFI 2014 ont en effet été utilisés en janvier 2014 pour payer une fraction de la subvention du CEA au titre de 2013. » Et la Cour de conclure : « Si cette opération a permis de diminuer les restes à payer de la mission, elle a réduit d’autant les crédits disponibles pour l’exercice 2014. »

À ce jour, je ne suis pas parvenu à obtenir la moindre explication sur cette manœuvre budgétaire qui confine à la cavalerie pure et simple. En tout état de cause, si cette consommation était avérée, et non compensée, cela signifierait que le budget de la défense souffre à l’heure actuelle d’un retard d’un demi-milliard d’euros par rapport à la loi de finances initiale.

Sur l’ensemble de ces points, je ne doute pas, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, que vous aurez à cœur de nous apporter des réponses précises.

Mme Marie-Christine Dalloz. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à Mme Marion Maréchal-Le Pen.

Mme Marion Maréchal-Le Pen. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, chers collègues, où sont dans ce texte tous les chocs annoncés depuis des semaines par le Gouvernement : chocs de confiance, de compétitivité, de responsabilité ? Je ne vois rien de tout cela, pas même la première étape. Comme d’habitude, avec les socialistes, le changement, c’est pour demain ! Aucune des baisses d’impôts promises aux entreprises, aucun bol d’air pour nos TPE-PME. Vous vilipendez les paradis fiscaux sans voir qu’avec vos prédécesseurs vous avez transformé la France en un enfer fiscal. Le tout pour un service public de moins en moins performant.

En début d’année, vous aviez prévu un déficit de 3,8 % du PIB ; avant même la mi-parcours, la Cour des comptes craint que le déficit soit à peine réduit à 4 %. En effet, les recettes fiscales ne rentrent pas et vous avouez qu’il manque 5 milliards d’euros de recettes cette année encore. Si les recettes de l’impôt sur le revenu ne rentrent plus, c’est que niveau de vie des Français stagne, voire régresse. Si les recettes de l’impôt sur les sociétés ne rentrent plus, c’est que les entreprises ne gagnent plus d’argent et que leurs marges s’effondrent.

Ignorant l’échec continu de vos choix économiques, vous remettez une couche en milieu d’année : 500 millions par ci, 500 millions par là. Il n’y a aucune ligne directrice, seulement le réflexe comptable de passer un coup de rabot supplémentaire, oubliant par là même toute politique de relance,…

M. Dominique Baert. Non ! On ne peut pas dire ça !

Mme Marion Maréchal-Le Pen. …indispensable pour faire repartir la création de richesses et équilibrer le budget.

Vos choix sont aveugles et aucune rationalisation sérieuse des dépenses n’est proposée. On attend toujours, par exemple, la suppression annoncée de la clause générale de compétence. Malgré toutes vos promesses d’arrêter la réduction drastique du budget de la défense, celui-ci est encore rogné de 350 millions d’euros, après les 650 millions de coupes de la fin 2013 ; soit un milliard en six mois ! L’armée continue d’être la variable d’ajustement. La situation est si catastrophique qu’elle n’avait plus de quoi payer le chauffage fin octobre 2013 et que le ministre a dû intervenir en urgence pour que les soldats puissent passer l’hiver décemment. Vous n’avez pourtant de cesse de rappeler la nécessité d’une armée performante, en multipliant les opérations extérieures. Avec ces choix de baisses permanentes, nous allons à contre-courant de l’ensemble des grandes puissances du monde, qui augmentent, elles, leurs budgets de défense.

L’insécurité coûte 10 milliards d’euros par an à l’État, selon une estimation dans la fourchette basse, et les Français vous sollicitent prioritairement sur ce sujet. Pourtant, vous décidez encore de tailler dans les budgets de la gendarmerie et de la police nationale. La justice et l’administration pénitentiaire ne sont pas mieux traitées. Ces économies irresponsables seront les coûts de demain. Alors que, dans le même temps, vous avez au début de votre mandat décidé d’embaucher 60 000 fonctionnaires supplémentaires dans l’éducation nationale. Comprenne qui pourra.

M. Régis Juanico. Très bonne décision !

Mme Marion Maréchal-Le Pen. Vous avez multiplié les armes pour lutter contre la fraude fiscale sans qu’aucun plan d’envergure contre la fraude sociale, pourtant estimée de 15 à 20 milliards d’euros par an, soit adopté.

Malgré l’augmentation spectaculaire de l’immigration clandestine ces dernières années, les crédits réservés à la lutte contre cette immigration irrégulière, de 73 millions d’euros, diminuent de 3 %. Parallèlement, le budget réservé au droit d’asile, à hauteur de 503,7 millions, est le seul en augmentation dans ce programme. Dans celui-ci, 463 millions d’euros d’aides provisoires – logement et allocations – sont consacrés aux demandeurs d’asile, alors que le Gouvernement gèle les aides au logement pour les familles et les étudiants français, et que de nombreuses familles sont dans le besoin urgent et non satisfait d’obtenir un logement. Ces choix budgétaires ne sont que le reflet de la politique d’immigration subie conduite depuis des décennies par vous et vos prédécesseurs et de la systématique priorité étrangère sur la priorité nationale, même en période de crise.

Vous communiquez mercredi sur la loi sur la transition énergétique mais vous annulez 170 millions de crédits le lundi suivant. Vous dites que vous misez sur la recherche et l’innovation mais vous coupez encore les dépenses de recherche en ne supprimant pas moins de 400 millions d’euros de crédits. Vous passez devant les députés une loi de finance rectificative basée sur une prévision de croissance de 1 % pour 2014, laquelle est contestée notamment par la Cour des comptes et le Haut Conseil des finances publiques. La même Cour des comptes prévoit que la dette publique dépassera 2 000 milliards d’euros à la fin de l’année 2014.

Vous avez joué sur le sentiment de responsabilité des Français vis-à-vis de leur pays en répétant sans cesse que ces sacrifices paieraient. De désillusion en désillusion, ils ont compris que leurs efforts ne paieront pas sans un changement radical du modèle économique.

Votre politique est celle d’un sous-préfet et non d’un gouvernement souverain, d’un comptable qui obéit aux ordres de l’Union européenne suite à la signature du traité budgétaire européen.

M. Dominique Baert. Qu’avez-vous contre les sous-préfets ?

Mme Marion Maréchal-Le Pen. En deux ans et demi de pouvoir, vous aurez en tout et pour tout porté le déficit de 4,9 à 4 % du PIB, et la dette continue inéluctablement d’augmenter. Heureusement que l’Union européenne impose aux États membres d’introduire prochainement dans le calcul du PIB l’économie clandestine, drogue, prostitution, pour le gonfler artificiellement et atteindre plus aisément l’objectif des 3 % de déficit !

Combien de chômeurs, d’entreprises françaises devront tomber avant que vous changiez de cap ? Des économies, certes, mais pourquoi refuser dogmatiquement d’autres pistes : la remise en cause de la monnaie unique ; la lutte contre la financiarisation de l’économie – pour mémoire, le remboursement des intérêts de la dette est le premier poste de dépense de l’État –,…

Mme la présidente. Merci de conclure.

Mme Marion Maréchal-Le Pen. …la régulation de nos frontières pour réindustrialiser le pays, la fin d’un modèle social ouvert aux quatre vents de la planète, la rationalisation des subventions d’État, qui serait bienvenue après l’enterrement suspect des rapports Morange et Perruchot, la réduction de notre participation à l’Europe… ? Toutes ces pistes qui sont oubliées et qui seraient pourtant des remèdes de bon sens pour parvenir au terme de cette crise.

Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Bachelay.

M. Guillaume Bachelay. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des finances, madame la rapporteure générale, mes chers collègues, le projet de loi de finances rectificative, avec son pendant relatif au financement de la Sécurité sociale, concrétise les premières dispositions du pacte de responsabilité et de solidarité.

Il vise, c’est un premier enjeu, à renforcer nos entreprises dans la compétition internationale. Pour sortir de la crise, amplifier la reprise, créer des emplois, le pays a besoin d’entreprises performantes, innovantes, exportatrices. Depuis le début de la législature, avec la banque publique d’investissement, les filières, la « nouvelle France industrielle », le nouveau plan d’investissements d’avenir largement tourné vers la transition énergétique, la nouvelle doctrine des participations de l’État, nous ne cessons d’agir pour redonner de la force à l’appareil productif.

Mais, parce que le taux de marge des sociétés non financières a atteint en 2012 un étiage historiquement faible, parce que le chômage précarise des vies et des territoires, renforcer les capacités d’investissement et d’embauche des entreprises est d’intérêt général. La baisse des prélèvements sur les entreprises, parmi d’autres leviers et après le crédit d’impôt compétitivité emploi, répond à ce défi. Le texte qui nous est soumis propose, au 1er janvier 2015, d’alléger les cotisations patronales pour les employeurs d’un salarié au SMIC et de réduire les cotisations familiales des travailleurs indépendants – artisans et commerçants notamment –, ainsi que de supprimer progressivement, d’ici à 2017, la contribution sociale de solidarité des sociétés, suppression qui concernera en priorité, comme l’avait d’ailleurs souhaité le groupe SRC, les PME et TPE. Ce sera également un soutien au secteur industriel, sur lequel cette contribution sociale, on le sait, pèse plus fortement.

Le soutien aux entreprises implique que celles-ci s’engagent en retour à investir, former, embaucher. Visibilité et efficacité doivent être conjuguées. La visibilité, c’est tracer une perspective claire dans la durée pour les acteurs économiques qui en ont besoin ; l’efficacité, vous l’avez rappelé, monsieur le ministre, c’est l’évaluation par les partenaires sociaux, le Parlement, le Gouvernement, ce que certains ont appelé, dans les branches professionnelles, les « réunions de chantier », de l’usage de ces marges de manœuvre.

Le pouvoir d’achat est la deuxième priorité – celle du Gouvernement et de notre groupe, son président Bruno Le Roux l’a souligné tout à l’heure. Pas davantage qu’il ne faut opposer entrepreneurs et salariés, il ne faut séparer ménages et entreprises. Dès la loi de finances pour 2014, nous avons réindexé le barème de l’impôt sur le revenu, qui avait été gelé en 2011, et rehaussé le revenu fiscal de référence au bénéfice des ménages modestes.

Avec les deux collectifs, il s’agit d’aller plus loin. Dès cet automne, 3,7 millions de foyers fiscaux verront leur impôt sur le revenu allégé, dont près de 2 millions qui ne seront pas imposables ou ne le seront plus. Voilà pour le PLFR. Quant au projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale, il propose entre autres d’alléger dès 1er janvier prochain les cotisations salariales entre 1 et 1,3 SMIC, ce qui représentera, pour un salarié à temps plein rémunéré au SMIC, un gain de pouvoir d’achat d’environ 500 euros par an.

Le troisième enjeu, c’est le rétablissement de nos comptes publics. Engagé, il doit être poursuivi. De 5,2 % du PIB en 2011, 4,9 % en 2012, 4,3 % en 2013, depuis deux ans, le déficit public se réduit. C’est par la maîtrise de la dépense publique – 4 milliards d’euros d’économies supplémentaires – que le Gouvernement entend poursuivre la trajectoire, sans altérer la qualité du service public rendu aux usagers.

Assainir les comptes publics, c’est agir pour le financement de notre modèle social et pour une puissance publique active, présente, protectrice, et ce d’abord pour ceux qui en ont le plus besoin, c’est-à-dire les ménages modestes et moyens. Lorsque nous sommes arrivés aux responsabilités du pays, il y a deux ans, les comptes publics étaient dégradés, la compétitivité des entreprises diminuée, le pouvoir d’achat amputé.

M. Dominique Baert. Eh oui ! Il ne faut pas l’oublier !

M. Guillaume Bachelay. En commission, la semaine dernière, l’un de nos collègues du groupe UMP a évoqué la mythologie et Pénélope pour mettre en cause ce PLFR. Mais, dans notre débat aujourd’hui, c’est plutôt Léthé, figure de l’oubli, qui semble caractériser l’opposition. Ses orateurs, qui sont aussi nos prédécesseurs, ont en effet oublié qu’entre 2007 et 2012 la dette a été aggravée de plus de 600 milliards d’euros et le déficit annuel de la Sécurité sociale de plus de 8 milliards, tandis qu’entre 2002 et 2012 la balance commerciale, juge de paix de la compétitivité, positive en 2002 quand la gauche a quitté les responsabilités, est passée à un déficit record de 70 milliards d’euros.

Oubli encore en matière fiscale puisque, durant le précédent quinquennat, les baisses d’impôts pour les plus aisés ont été le plus souvent financées par une multiplication de prélèvements et de taxes – près d’une vingtaine supplémentaire – sur les ménages populaires et les classes moyennes.

M. Dominique Baert. Eh oui !

Mme Marie-Christine Dalloz. Assumez vos responsabilités propres !

M. Guillaume Bachelay. Voilà ce qu’il faut réparer. Voilà pourquoi il faut redresser.

Mes chers collègues, le texte qui nous est proposé repose sur un équilibre entre réduction des déficits, compétitivité des entreprises et soutien au pouvoir d’achat. Cet équilibre, c’est celui de la crédibilité, de l’efficacité et de la justice sociale. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz.

Mme Marie-Christine Dalloz. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des finances, madame la rapporteure générale, mes chers collègues, les alertes fusent. Après l’avis du Haut Conseil des finances publiques, la Cour des comptes estime que le déficit public pourrait encore dépasser les engagements du Gouvernement. Il y a deux mois, le Premier ministre annonçait un plan de 50 milliards d’euros d’économies sur trois ans, en précisant que les engagements seraient tenus. La Cour des comptes a pourtant estimé le contraire dans le rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques qu’elle vient de publier. Son premier président, Didier Migaud, a précisé que, si 20 milliards correspondent « à des orientations déjà décidées », « la réalisation des 30 milliards restants est encore incertaine, car peu documentée ». J’y reviendrai ultérieurement.

Monsieur le ministre, vous êtes dans la négation et dans l’erreur. Il ne suffit pas de faire de belles déclarations pour qu’elles deviennent des réalités. Les Français sont en souffrance, leur pouvoir d’achat est rogné un peu plus chaque jour. Vous avez beau parler de justice, fiscale et sociale, un sentiment d’injustice prédomine partout en France,…

M. Jean-François Lamour. Eh oui !

Mme Marie-Christine Dalloz. …qu’il s’agisse des retraités, des salariés du secteur privé et du secteur public, des professions libérales, voire des cadres, sans parler des chefs d’entreprise, bien évidemment. Monsieur le ministre, le temps de la réflexion et des illusions est terminé ; le temps doit être à l’action, il faut enfin prendre la mesure des réalités.

Première réalité – elle vous rattrape –, après les hausses massives d’impôts que vous avez adoptées dans le projet de loi de finances rectificative dès 2012 et dans les PLF pour 2013 et 2014, vous annoncez dans ce projet de loi de finances rectificative une baisse d’impôts au profit de 3,7 millions de foyers.

Parallèlement, les contribuables français subiront en 2014 de nouvelles hausses d’impôts, par le biais de quatre mesures dont l’impact sera considérable : l’effet, en année pleine, de la fiscalité des heures supplémentaires ; la fiscalisation de la majoration des 10 % pour les retraités qui ont eu trois enfants ; la fiscalisation de l’abondement des complémentaires de santé ; la baisse du quotient familial.

Deuxième réalité : la réduction d’impôt sur le revenu de 350 euros pour une personne seule et de 700 euros pour un couple touchera 3,7 millions de foyers modestes dont le revenu fiscal de référence n’excède pas le montant imposable d’un salaire égal à 1,13 fois le SMIC pour une personne seule. Cette mesure ne concerne que les plus bas revenus. Elle est très limitée et elle contribuera à fragiliser encore un peu plus les classes moyennes. La mesure initialement annoncée était calibrée sur 3,2 millions de ménages avec un plafond de salaire de 1,1 fois le SMIC. Les 500 000 foyers supplémentaires sont l’effet des recommandations du Conseil d’État qui a émis des réserves et fortement incité le Gouvernement à prévoir un mécanisme de lissage. Ces 500 000 foyers, dont le revenu fiscal de référence est légèrement supérieur à 1,1 SMIC bénéficieront d’un avantage dégressif, jusqu’à 1,13 SMIC, mais ce n’est en aucun cas un geste supplémentaire.

Ce geste fiscal est un trompe l’œil puisque votre gouvernement n’a fait qu’augmenter l’impôt sur le revenu de manière considérable pour de nombreux contribuables depuis deux ans – plus de 19,8 milliards d’euros depuis juin 2012. Le nombre de foyers fiscaux imposables a considérablement augmenté. En catastrophe, votre gouvernement cherche à corriger le tir et à éviter que son discours sur la baisse des impôts ne vienne se heurter à la réalité vécue par des millions de ménages au mois de septembre. Cette baisse sera donc applicable sur l’impôt sur le revenu 2014 au titre des revenus 2013. Mais, au-delà du fait que ce geste est insuffisant, puisqu’il n’est que d’un milliard d’euros comparativement aux 4 à 5 milliards d’euros de hausse des impôts sur le revenu, et sans même parler des autres augmentations d’impôts pour les ménages en 2014 – TVA, droits de mutation à titre onéreux ou cotisations de retraite –, il est surtout injuste pour les classes moyennes inférieures qui vont connaître un déclassement par rapport aux foyers les plus modestes. L’effort fiscal est transféré sur les classes moyennes et nous allons assister à un resserrement du pouvoir d’achat en bas de barème. Par conséquent, travailler plus rapportera beaucoup moins.

Troisième réalité : l’exécution budgétaire. Ce sont 15 milliards d’euros de rentrées fiscales qui manquaient à votre budget fait en 2013, les augmentations d’impôts ayant rapporté deux fois moins que prévu. Ce sont 5 milliards d’euros de recettes en moins qui sont annoncées par rapport à vos attentes en 2014 et cette baisse est notamment compensée par des annulations de crédit à hauteur de 3,4 milliards d’euros. Par rapport au solde prévisionnel inscrit dans la loi de finances initiale, que nous avons voté en décembre 2013, le solde présenté dans le projet de loi de finances rectificative s’alourdit de 1,4 milliard d’euros. Tout ceci constitue un net recul.

Enfin, dernière réalité, et non la moindre : la Cour des comptes vient de rendre un rapport sur les prévisions budgétaires de 2014. Le premier président pointe du doigt un dérapage du déficit public à 4 %. Dans le détail, il faudrait réduire de plus de 13 milliards les dépenses de l’État, de 8,5 milliards celles des collectivités locales et de 7,9 milliards celles de la Sécurité sociale. Monsieur le ministre, ce projet de loi de finances n’est pas adapté à l’ampleur de la situation. Alors que les plus hautes autorités financières ont tiré la sonnette d’alarme, allez-vous les écouter et réagir ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Christine Pires Beaune.

Mme Christine Pires Beaune. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, madame la rapporteure générale, mes chers collègues, cette année, le projet de loi de finances rectificative est un texte court de six articles. Avec le projet de loi de financement rectificatif de la Sécurité sociale, ils constituent la première étape de la mise en œuvre du pacte de responsabilité et de solidarité et du programme d’économies de 50 milliards d’euros annoncés le 14 janvier dernier par le chef de l’État. Je ne reviendrai pas sur la description précise que les ministres viennent de nous faire, mais je souhaite insister sur la baisse de la fiscalité pour les ménages. Le projet de loi de finances rectificative prévoit un allégement de l’impôt sur le revenu dès l’automne 2014, qui s’appliquera sur les revenus de l’année 2013 et concernera 3,7 millions de foyers fiscaux, dont 1,9 million qui sortiront de l’impôt sur le revenu. Il consiste en une réduction d’impôt de 350 euros pour un célibataire et de 700 euros pour un couple, soit une diminution totale d’environ 1,16 milliard d’euros en 2014. Cette bonne nouvelle se traduira dans les faits dès la rentrée prochaine.

Si j’insiste sur cette baisse, c’est pour souligner que le législateur avait oublié ce mécanisme depuis quatre ans. Entre 2010 et 2012, la droite a augmenté les impôts de 30 milliards d’euros, et entre 2012 et 2014 la gauche les a augmentés de 30 milliards également. Ces hausses n’ont pas manqué de déclencher des polémiques et des débats sur le niveau des impôts. Il me paraît toutefois essentiel de voter les deux amendements présentés par le groupe SRC et adoptés en commission des finances concernant la suppression du gel des aides personnelles au logement et la reconduction pour un an de l’exonération de la taxe d’habitation et de la redevance audiovisuelle pour environ 250 000 contribuables modestes. Mes chers collègues, cette année nous fêterons, si vous me permettez cette expression, le centième anniversaire de l’impôt progressif sur le revenu,…

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Tout à fait !

Mme Christine Pires Beaune. …institué par la loi de finances du 15 juillet 1914, grâce à l’action de Joseph Caillaux. En un siècle, cet impôt initialement juste et proportionnel à la richesse des foyers fiscaux est devenu de moins en moins progressif avec des tranches qui mériteraient d’être revues et où s’entremêlent déductions et niches fiscales en tous genres. Pourtant, l’objectif de cet impôt était de répondre au plus près à l’article 13 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 : « Pour l’entretien de la force publique, et pour les dépenses d’administration, une contribution commune est indispensable. Elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés. » Je regrette qu’aujourd’hui notre fiscalité ne réponde plus à ce principe constitutionnel. Récemment, M. le Premier ministre a déclaré que « trop d’impôts tue l’impôt ». C’est d’ailleurs la raison principale qui a motivé le Gouvernement et sa majorité à concrétiser les baisses d’impôts que nous allons voter. Mais notre fiscalité et en particulier l’impôt sur le revenu sont devenus compliqués. Les taux, les assiettes et les déductions se multiplient, rendant incompréhensibles les modes de calculs pour nos concitoyens. Toute cette confusion crée un sentiment d’injustice fiscale, ressenti par de trop nombreux contribuables. Le système du quotient familial, dans lequel un enfant de riche est beaucoup plus « avantageux » sur le plan fiscal qu’un enfant de pauvre, est injuste, lui aussi.

Monsieur le secrétaire d’État au budget, vous avez annoncé qu’une refonte plus globale du bas du barème de l’impôt sur le revenu serait inscrite dans le prochain projet de loi de finances pour 2015. Tirons les leçons de ces cent dernières années de gestion de l’impôt sur le revenu et adoptons un système juste, simple, compréhensible et accepté par tous ! Revenons à l’esprit de la loi voulue par Joseph Caillaux. Ce projet de loi de budget rectificatif constitue donc une première étape. Les effets escomptés du pacte de responsabilité et de solidarité devront nous permettre d’approfondir les allégements fiscaux à destination des ménages aux revenus moyens.

Pour conclure, je souhaite insister sur l’adoption en commission d’un amendement relatif à la taxe communale sur la consommation finale d’électricité. Afin de tenir compte du contexte contraint des collectivités locales, et en particulier des communes, j’ai déposé un amendement avec de nombreux collègues et le soutien de la rapporteure générale, Valérie Rabault, ainsi que du président de la commission des finances, Gilles Carrez. Cet amendement prévoit que les communes de plus de 2 000 habitants percevront à nouveau de plein droit le produit de cette taxe dont elles peuvent reverser tout ou partie à l’autorité organisatrice de distribution de l’électricité. Je vous invite à voter cet amendement et à adopter ce projet de loi de finances rectificative pour 2014. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Baert.

M. Dominique Baert. Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la rapporteure générale, n’oublions pas qu’en juin 2012, quand François Hollande accède à l’Élysée, la France doit combattre trois déficits : un déficit extérieur de 75 milliards d’euros, un déficit public de près de 100 milliards d’euros, un déficit d’emplois avec près de 3 millions de chômeurs. En deux ans, de nouveaux instruments de politique économique et d’emploi ont été mis en place et des efforts ont été accomplis. Trop, selon les impressions de nombre de nos concitoyens ; trop peu, si l’on s’en tient aux données chiffrées. Malgré les réductions de dépenses et les hausses d’impôts, en l’absence de croissance, les résultats pour probants qu’ils soient – Christian Eckert les a rappelés tout à l’heure avec force – ne sont pas encore à la hauteur de nos espoirs. Si le déficit extérieur et celui de l’État ont baissé – respectivement de 60 et 71 milliards d’euros –, ce n’est pas le cas du chômage.

En réalité, ces trois déficits ne sont pas indépendants et la séquence de la réduction n’est pas neutre. Réduire le déficit d’emplois par une politique accommodante de la dépense peut paraître sympathique, voire prioritaire au regard des analyses premières de la gauche ; mais la dépense en hausse va, dans le même temps, augmenter le déficit public, puisque la dépense publique va croître plus vite que les recettes, et creuser le déficit extérieur, compte tenu des élasticités d’importation de la France d’aujourd’hui. Aussi, après l’illusion d’une amélioration grâce à une augmentation des dépenses, les déséquilibres des comptes publics et extérieurs seraient-ils encore plus forts. À l’inverse, la clé d’une action commune sur les trois déficits passe dans un premier temps par la réduction du déficit extérieur. De fait, celui-ci, quand il est dû comme c’est le cas actuellement à une compétitivité insuffisante, est la cause fondamentale d’une croissance insuffisante, donc de recettes fiscales insuffisantes, donc d’un déficit public excessif, et la cause évidente, également, de destructions et de créations insuffisantes d’emplois.

Dans la France de 2014, au niveau où sont nos déficits, c’est celui-là qui tient les deux autres. La France n’a plus le choix de sa séquence de politique économique, car les faits sont têtus. Michel Sapin le disait tout à l’heure : c’est d’abord la production qu’il faut soutenir. Améliorer la compétitivité de nos fabrications, c’est accroître nos ventes et, partant, le PIB ; c’est donc favoriser l’accroissement des capacités de production et de l’investissement et stimuler durablement, par le mécanisme bien connu de l’accélérateur, l’activité sans laquelle il n’y aura pas de pouvoir d’achat, d’emploi ni de recettes fiscales. Là est le ressort du pacte de responsabilité, le mécanisme qui vise à accélérer le rythme de la reprise économique et à réduire ensemble les trois lourds déficits hérités de la précédente majorité. Les stratégies d’hier de la droite ont été un dramatique échec et leurs conséquences sont lourdes pour la France : dérapage des déficits, dette si énorme que son remboursement grève nos charges pour longtemps, choix fiscaux injustes, terriblement lourds pour les modestes et généreux envers les plus fortunés.

Dans ce contexte, ouvrir les vannes de la dépense publique ne serait qu’une oasis temporaire, sans doute agréable et plus facile à promouvoir que la réduction responsable des dépenses. Cependant, les liquidités budgétaires ne seraient versées que sur le sable d’un outil productif insuffisamment consolidé.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. C’est beau !

M. Dominique Baert. À l’inverse, les choix, difficiles, faits par le Gouvernement et par notre majorité doivent être tenus sans faille, en bloc, comme le disait cet après-midi le secrétaire d’État au budget, sans être sans cesse remis en cause. Il y va de la lisibilité de la politique économique de la France, de sa crédibilité et de la confiance qu’elle inspire. Les taux d’intérêt sont très bas et les financements existent, mais pour que la croissance s’affirme, il faut un déclic, une envie d’investir dans l’avenir. Créer cette confiance est l’objet du pacte de responsabilité, lequel pour réussir pleinement ses effets a besoin de constance et dans les engagements et dans les paroles. Député de la majorité, j’ai été élu pour soutenir le Président de la République, son Premier ministre et les choix du Gouvernement, non pas d’autres, surtout quand il n’existe pas d’autres choix économiques raisonnables, sérieux ou adaptés aux circonstances économiques et politiques de l’instant. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La discussion générale est close.

2

Ordre du jour de la prochaine séance

Mme la présidente. Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures quarante-cinq :

Suite du projet de loi de finances rectificative pour 2014.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures quinze.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Nicolas Véron