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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2014-2015

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du mercredi 08 octobre 2014

Présidence de Mme Laurence Dumont

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

1

Transition énergétique

Suite de la discussion d’un projet de loi

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte (nos 2188, 2230).

Le temps de parole restant pour la discussion de ce texte est de six heures et vingt-huit minutes pour le groupe SRC, dont 427 amendements restent en discussion ; deux heures et vingt-sept minutes pour le groupe UMP, dont 1 092 amendements restent en discussion ; deux heures et six minutes pour le groupe UDI, dont 95 amendements restent en discussion ; cinquante-sept minutes pour le groupe écologiste, dont 214 amendements restent en discussion ; une heure et vingt-sept minutes pour le groupe RRDP, dont 81 amendements restent en discussion ; une heure et huit minutes pour le groupe GDR, dont 69 amendements restent en discussion ; quarante minutes pour les députés non inscrits.

Discussion des articles (suite)

Mme la présidente. Cet après-midi, l’Assemblée a poursuivi la discussion des articles du projet de loi, s’arrêtant à l’amendement n1874 à l’article 1er.

Article 1er (suite)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements, nos 1874 et 896, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l’amendement n1874.

M. Patrick Hetzel. Madame la présidente, madame la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, monsieur le président de la commission spéciale, mesdames, messieurs les rapporteurs, cet amendement a pour objet de modifier la rédaction de l’alinéa 28, en substituant aux mots : « à 50 % à l’horizon 2025 » les mots : « sous réserve qu’il n’y ait aucun impact sur la sécurité d’approvisionnement. » L’objectif est de s’assurer que la transition énergétique, telle qu’elle est prévue par le Gouvernement, reste compatible avec la nécessaire sécurisation de nos approvisionnements énergétiques. C’est une question qui, de toute évidence, a été sous-estimée, ce qui justifie notre amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. Claude de Ganay, pour soutenir l’amendement n896.

M. Claude de Ganay. Il est défendu.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure de la commission spéciale, pour donner l’avis de la commission.

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure de la commission spéciale. La sécurité d’approvisionnement est l’un des objectifs assignés à la politique énergétique nationale. Il est donc inutile de préciser que notre future politique énergétique ne devra pas avoir d’impact négatif sur la sécurité d’approvisionnement. Ces deux amendements sont donc satisfaits. Avis défavorable.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, pour donner l’avis du Gouvernement.

Mme Ségolène Royal, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie. Même avis.

Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Hetzel.

M. Patrick Hetzel. Madame la rapporteure, vous indiquez que ces amendements sont déjà satisfaits. Toutefois, dans la mesure où l’article 1er est particulièrement bavard et s’inscrit, de toute évidence, dans une démarche programmatique, je pense qu’il serait opportun d’apporter la précision que nous proposons au sujet de la sécurité d’approvisionnement.

M. Damien Abad. Très bien !

(Les amendements nos 1874 et 896, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. La parole est à M. Claude de Ganay, pour soutenir l’amendement n760.

M. Claude de Ganay. Je souhaite au préalable réagir aux propos qu’a tenus en fin d’après-midi le président Chassaigne.

Je vous précise, mon cher collègue, que j’ai défendu un certain nombre d’amendements, avec sincérité et conviction. Ma circonscription abrite une centrale nucléaire ; 2 000 emplois sont concernés. L’ensemble de la population, comme les agents EDF, qui se posent des questions sur leur avenir, m’ont interpellé. Il me paraît donc logique que je consacre un certain temps à la défense de mes amendements portant sur cette question.

Madame la rapporteure, tout à l’heure, vous avez parlé de dix-neuf centrales.

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. Dix-neuf réacteurs !

M. Claude de Ganay. Je ne parlais pas de leur fermeture. Il y a cinquante-huit réacteurs en France, mais j’évoquais, au titre de la solidarité et de la mutualisation, dix-neuf centrales réparties sur le territoire.

J’en viens à l’amendement n760. Notre collègue de Rugy n’est pas là, mais je veux rappeler que la facture d’électricité française est l’une des moins élevées d’Europe. Or 70 % de notre électricité est produite par le parc nucléaire national. En Allemagne, les ménages paient leur électricité deux fois plus cher qu’en France et, depuis 2008, 1,4 million de ménages supplémentaires sont tombés dans la précarité énergétique.

Le prix de l’électricité est aussi un facteur de compétitivité : en France, les entreprises paient leur électricité 40 % moins cher que la moyenne européenne. A contrario, les exportations allemandes ont été réduites d’en moyenne 10 milliards d’euros par an sur les cinq dernières années en raison des coûts de la transition énergétique.

Le présent amendement tend à assurer une transition énergétique garantissant le maintien du pouvoir d’achat des Français et de la compétitivité des entreprises implantées sur le territoire national.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. Le maintien d’un prix attractif est l’un des objectifs de notre politique énergétique. Il a été réaffirmé à travers l’adoption de l’un de mes amendements, auquel M. Saddier s’est d’ailleurs associé.

M. Martial Saddier. Ah bon ?

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. L’avis est donc défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Ségolène Royal, ministre. Même avis.

Mme la présidente. La parole est à M. Martial Saddier.

M. Martial Saddier. Nous avons eu cet après-midi des débats extrêmement riches, dont la qualité a été saluée sur internet, en particulier sur les sites des députés, y compris – du moins je l’espère – ceux des députés de la majorité. Nos débats ont notamment porté sur la justification de certains choix qui sont proposés dans ce texte – l’horizon 2025, le niveau de 50 % – et sur leurs incidences techniques, économiques, financières et sociales. Des questions très précises ont été posées par les députés des groupes UDI et UMP sur les conséquences des décisions que vous vous apprêtez à prendre dans ce projet de loi concernant l’évolution du prix de l’électricité.

Même si le prix de l’électricité a augmenté en France – nous avons eu un débat intéressant à ce sujet –, il reste aujourd’hui bien inférieur à la moyenne européenne ; il représente ainsi la moitié du prix pratiqué chez notre principal allié, et néanmoins concurrent économique et industriel, à savoir l’Allemagne. Je répète que, pour que ses entreprises restent compétitives, l’Allemagne a fait le choix de faire payer une partie du coût de l’énergie des entreprises par les ménages. Ce n’est pas le cas en France, et c’est heureux.

Nous avons posé des questions précises sur le coût de l’énergie, sans obtenir de réponse précise – et je vois que cela continue. L’étude d’impact est, elle aussi, absolument silencieuse sur ce point. Au-delà de la réponse que vient de nous donner Mme la rapporteure – qui a le mérite d’exister –, et d’un avis défavorable de Mme la ministre, nous n’avons toujours pas le début d’une estimation du coût. Nous pourrions comprendre que vous ne nous indiquiez qu’une fourchette, car il s’agit de perspectives pour 2025, soumises à des incertitudes économiques, techniques et scientifiques – je pense en particulier aux avancées de la recherche. On sait qu’en dix ans les choses évoluent très vite.

Mais il y a un juste milieu entre la définition d’une fourchette, la formulation de grands principes, l’élaboration d’une étude d’impact qui pourrait éclairer nos concitoyens, et le néant actuel sur l’impact de vos décisions sur le prix de l’énergie en 2025 ou en 2050 en France. Admettez, madame la ministre, madame la rapporteure, mes chers collègues, que nous pourrions peut-être, ensemble, faire progresser le débat.

Au lieu de cela, lorsque nous soulevons la question des incidences des dispositions que vous allez voter ce soir sur l’évolution du coût de l’énergie, qui intéresse pourtant au premier chef les Français, vous nous jetez à la figure – cela a été le cas à la fin de la précédente séance – l’argument selon lequel nous nous livrerions à de l’obstruction parlementaire.

Monsieur le président de la commission spéciale, est-ce faire de l’obstruction que de demander, en notre qualité de députés, combien pourrait coûter l’électricité dans notre pays en 2025 ?

M. François Brottes, président de la commission spéciale. En dix ans, vous n’avez pas répondu vous-même à cette question !

M. Martial Saddier. Non seulement ce n’est pas de l’obstruction, mais c’est faire preuve de bon sens ; c’est tout simplement, pour les députés que nous sommes, faire notre travail, même tard la nuit – ce qui est bien normal –, au service de la France, des Françaises et des Français.

M. Damien Abad. Très bien !

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Vous êtes vraiment gonflé, monsieur Saddier ! Tous les tarifs que vous avez fixés ont été annulés par le Conseil d’État !

Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Hetzel.

M. Patrick Hetzel. Les explications que nous avons obtenues sont en effet très laconiques, ce qui est assez surprenant. Si nous défendons cet amendement sur le coût de l’électricité, c’est tout simplement parce que, comme vous le savez, nos concitoyens nourrissent des inquiétudes à ce sujet.

On cite assez régulièrement le cas de l’Allemagne. De fait, le coût de l’énergie y est plus élevé qu’en France, mais il ne faut pas oublier que, en contrepartie, celui du logement y est plus faible. Aujourd’hui, si nous voulons nous assurer que le pouvoir d’achat de nos concitoyens ne sera pas dégradé à la suite de décisions liées à la transition énergétique, pas plus que ne le sera la compétitivité de nos entreprises, en raison du coût de l’énergie, nous avons besoin de donner des garanties.

Or nous sommes en train de débattre d’un texte législatif portant sur la transition énergétique. Il serait donc tout à fait légitime d’y inscrire que l’intention du législateur est d’empêcher tout impact à la hausse sur le prix de l’électricité. C’est la raison pour laquelle nous avons déposé cet amendement. Nous n’avons pas obtenu de réponse à cette question, ni de la part de Mme la rapporteure ni de la part du Gouvernement. J’y insiste : nous aimerions savoir quelles sont vos intentions en la matière.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure.

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. Je ne voudrais pas être trop insistante, mais permettez-moi de rappeler qu’un amendement adopté collectivement hier visait à insérer dans le texte les mots suivants : « Maintient un prix de l’énergie compétitif et attractif » au niveau international. Votre demande est donc tout à fait satisfaite.

M. Damien Abad et M. Martial Saddier. Cela ne veut rien dire !

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. Ce sont pourtant les termes sur lesquels nous sommes tombés d’accord, chers collègues de l’opposition !

Mme la présidente. La parole est à M. Damien Abad.

M. Damien Abad. Madame la rapporteure, avec tout le respect que je vous dois, je ne peux pas vous laisser affirmer que l’amendement que nous défendons est satisfait par les mots que vous venez de citer et que nous avons insérés hier dans le texte. Si nous avons décidé d’adopter un tel amendement hier, c’est parce que le mot « compétitif » n’est pas suffisamment présent dans le projet de loi.

C’est une chose de dire qu’un prix doit être compétitif au plan international, c’en est une autre de dire que la réduction de la part du nucléaire dans le mix énergétique ne doit pas avoir de conséquences néfastes, telles qu’une hausse du prix de l’énergie ou une remise en cause de la sécurité des approvisionnements.

Pour ma part, je suis très inquiet, car les amendements présentés successivement par le groupe UMP sont des amendements de bon sens. Nous voulions vous donner quitus en nous assurant que la part de la réduction du nucléaire dans le mix énergétique n’aurait pas de conséquence. Si c’était vraiment le cas, si cette mesure, comme la réduction des gaz à effet de serre, pour revenir à l’amendement que M. Chassaigne a présenté tout à l’heure, n’avait aucun effet sur le niveau des prix et la sécurité de l’approvisionnement, tous ces amendements auraient été adoptés à l’unanimité.

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Ils n’ont pas de portée normative !

M. Damien Abad. Si ces derniers vous gênent, c’est parce que vous savez que les dispositions que vous prenez auront bel et bien des conséquences. Les Français jugeront.

Il est bien entendu impossible d’évaluer précisément la hausse des tarifs dans les quatre ou cinq prochaines années, mais j’aurais aimé que vous nous donniez une trajectoire ; que vous ne l’ayez pas fait me paraît très inquiétant. De deux choses l’une : soit vous disposez d’une telle trajectoire d’évolution des prix de l’énergie mais vous ne voulez pas la communiquer à la représentation nationale, ce qui est regrettable, soit vous n’en disposez pas, ce qui n’est pas très rassurant pour les différents acteurs du secteur et, surtout, pour les consommateurs, qui risquent de voir leur facture énergétique exploser.

Quand bien même vous n’accepteriez pas ces amendements, j’aurais aimé qu’ils permettent de discuter sur la trajectoire, sur l’évolution de prix, c’est-à-dire sur du concret. Nous aurions ainsi pu établir une analyse des coûts et des bénéfices – selon l’expression que vous avez utilisée à juste titre, madame la ministre –, ce qui est malheureusement impossible, en l’état, avec ce projet de loi, puisque les coûts n’y sont pas présentés. Ils ne figurent pas dans l’étude d’impact, et vous ne les avez pas non plus évoqués lors de notre discussion sur l’article 1er.

Nous sommes donc dans l’incapacité de faire un bilan détaillé et éclairé, alors même que l’enjeu est de taille pour notre pays, puisqu’il s’agit du coût de l’énergie. Je rappelle en effet que c’est un des derniers avantages comparatifs de notre pays au sein de l’Europe : comme vous le savez, les entreprises qui viennent s’implanter en France sont attirées par la qualité des infrastructures et un certain nombre d’autres facteurs, en particulier le coût de l’énergie. Je crains que les choix inscrits dans ce projet de loi ne remettent en cause cet avantage. Il serait donc souhaitable que vous nous apportiez des éléments de réponse, à défaut d’une réponse précise.

Mme la présidente. La parole est à M. Martial Saddier.

M. Martial Saddier. Je vous remercie d’avoir répondu à la question, madame la rapporteure, ou du moins d’avoir essayé. La réponse que vous avez apportée, cependant, consiste à nous dire, la main sur le cœur, que nous devons faire confiance au Gouvernement et à la majorité, qui feront du mieux qu’ils pourront. Mais s’adresser en ces termes aux millions de Françaises et de Français qui s’inquiètent du prix de l’énergie ne peut nous satisfaire. Toutes celles et tous ceux qui nous regardent sont plus qu’inquiets de voir qu’aucune réponse précise n’a été apportée depuis lundi soir. Ils sont terrorisés à l’idée de ce qui se profile car, nous le savons bien, les choix inapplicables vers lesquels on s’oriente se traduiront par une augmentation extrêmement importante du prix de l’énergie.

Nous avons posé des questions en commission, et Dieu sait que nos travaux, il y a deux semaines, ont été appréciés par toutes celles et tous ceux qui les ont suivis – beaucoup moins, sans doute, ceux du samedi, en raison de la manière dont ils se sont terminés. Pendant trois jours et trois nuits, de mercredi à vendredi, les gens ont apprécié les questions extrêmement précises qui ont été posées, la qualité de nos débats, la capacité des parlementaires – de la majorité comme de l’opposition –, à s’exprimer en spécialistes sur les questions énergétiques ; je pense en particulier au président de la commission spéciale et à M. Julien Aubert, pour n’en mentionner que deux. Les parlementaires sont d’ailleurs si crédibles, en tant que spécialistes, que les gens qui nous regardent ne peuvent pas croire, madame la rapporteure, madame la ministre, que vous n’ayez pas la moindre idée de l’évolution du coût de l’énergie.

Nous sommes là au cœur du projet de loi. De deux choses l’une : soit vous connaissez précisément l’ordre de grandeur de l’augmentation du prix de l’énergie qui découlera des décisions que vous vous apprêtez à prendre, auquel cas vous mentez à la représentation nationale, soit vous n’avez pas même le début du commencement d’une idée de l’impact sur le prix de l’énergie, ce qui est gravissime, car nous jouons avec l’avenir énergétique de la France.

Il convient que la représentation nationale soit éclairée d’ici à la fin de nos débats. J’ose imaginer que vous ne pourrez pas vous présenter devant le Sénat sans avoir répondu à un certain nombre de nos questions. Dans cette hypothèse, et ce sera pour notre plus grand plaisir, nous pourrions nous retrouver en commission spéciale puis dans l’hémicycle, et le Gouvernement pourrait prévoir deux ou trois semaines pour ces discussions dans le cadre d’un débat pour lequel la procédure du temps législatif programmé ne serait pas engagée.

En effet, nous parlons de l’avenir énergétique de la France, c’est-à-dire d’un enjeu fondamental pour notre pays, pour sa place dans l’Europe et dans le monde dans le siècle à venir. Les questions qui ont été posées depuis lundi après-midi au cours de nos débats sont d’une importance telle qu’elles méritent mieux qu’une absence de réponse ou des réponses beaucoup trop générales.

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Leboeuf.

M. Alain Leboeuf. Pour aller dans le même sens que mon collègue, j’aimerais ajouter que M. le président de la commission spéciale a fourni tout à l’heure un début de réponse à l’appui d’une formule mathématique. Il a expliqué que la facture que paient les Français est le résultat de la quantité d’énergie consommée multipliée par le prix du kilowattheure.

Depuis le début, monsieur Brottes, vous n’osez pas dire aux Français que leurs factures augmenteront. Le problème n’est pas que vous refusiez de répondre à l’opposition. Depuis que ce plan a été annoncé, les Français que nous rencontrons dans nos circonscriptions ne sont pas défavorables au projet de la transition énergétique, mais ils s’inquiètent de savoir combien cela leur coûtera ; on nous pose sans arrêt la question.

Mme Geneviève Gaillard. Ils sont contents qu’il y ait moins de nucléaire !

M. Alain Leboeuf. En essayant de vous faire dire ce qui va réellement se passer, nous nous faisons donc simplement les porte-parole de ces interrogations.

J’en reviens à la formule que vous avez évoquée tout à l’heure, monsieur le président de la commission spéciale. Vous avez laissé entendre que, même si le prix augmentait, la baisse de la consommation – donc de l’autre coefficient – permettrait à chaque habitant et à chaque entreprise de s’y retrouver. Vous nous avez donc expliqué que le prix allait augmenter ; les choses sont claires. En outre, à combien s’élèveront les investissements nécessaires pour faire en sorte que la consommation d’énergie des Français diminue ? Votre raisonnement est en réalité macroéconomique, alors que les Français veulent savoir ce que cela va leur coûter à eux.

Reprenons la formule mathématique : la consommation multipliée par le prix est égale à la facture de chaque Français.

Nous souhaitons avoir une réponse claire, concrète sur cette formule que vous avez utilisée tout à l’heure, monsieur le président de la commission.

M. Jean-Marie Tetart et M. Claude de Ganay. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. François Brottes, président de la commission spéciale.

M. François Brottes, président de la commission spéciale. J’apprécie que les arguments échangés lors d’une confrontation soient honnêtes. Or monsieur Saddier, que nous avons entendu à l’instant, ne manque pas de culot – je le dis avec beaucoup de calme, comme d’habitude.

M. Martial Saddier. Vous avez presque dit que j’étais malhonnête !

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Il faut un culot monstre pour tenir de tels propos, monsieur Saddier. Je veux rappeler à ceux qui suivent nos débats que, lorsque vous étiez aux responsabilités, vous avez laissé s’accumuler une dette de 5 milliards d’euros liée à la contribution au service public de l’électricité, la CSPE ; nous avons dû faire payer les consommateurs pour la renflouer. Vous pouvez certes fixer aujourd’hui des exigences en matière de rigueur, mais que ne les avez-vous pas satisfaites lorsque vous étiez aux responsabilités !

J’aimerais vous rappeler également, et je vous donnerai davantage de détails si vous le souhaitez, que trois arrêts du Conseil d’État ont cassé des décisions tarifaires que vous aviez prises ; à la suite de cela, les Français ont subi une hausse des prix de l’électricité. Heureusement, madame la ministre a prix le taureau par les cornes pour neutraliser au maximum les effets de ce lourd passif ! Et vous venez aujourd’hui nous donner des leçons sur ce que l’énergie coûtera demain ? Mais commencez par regarder vos chaussures ! Regardez la situation que vous nous avez laissée s’agissant des tarifs de l’électricité et du gaz !

Sur les tarifs du gaz, qu’a fait le Gouvernement qui est en place depuis l’alternance ? Il a révisé la formule, ce qui a permis de faire baisser les tarifs. Vous seriez bien inspirés de faire preuve d’une grande humilité sur ces questions, dans la mesure où, sur un certain nombre de plans, vous avez très mal agi pour le pouvoir d’achat de nos concitoyens.

Puisque nous en sommes aux détails, chacun sait que le tarif de l’électricité se compose du coût de la production d’énergie – cela concerne le nucléaire –, de celui du transport et de la distribution de l’électricité – cela concerne l’ensemble des énergies produites – et de la fameuse CSPE, laquelle pèse aujourd’hui à hauteur de 10 % du tarif final et pour laquelle, comme je viens de le rappeler, vous nous avez laissé une ardoise significative.

Le premier enjeu de ce texte, ainsi que Mme la ministre l’a rappelé à plusieurs reprises, est la sobriété, l’économie d’énergie. C’est en investissant dans ce chantier, en réduisant la consommation que nous parviendrons durablement à baisser les factures. Pour le reste, vous savez bien que la tarification de l’électricité n’est pas une science exacte en matière de prévision, du fait de ses multiples composantes, qui font notamment intervenir l’interconnexion avec les pays voisins.

Vous voulez nous enfermer dans un débat qui consiste à faire croire que vous seriez les seuls à vous préoccuper du pouvoir d’achat des Français, alors que vous nous avez laissé une dette considérable dans ce domaine et que les tarifs que vous avez votés ont été cassés et ont nécessité des rattrapages significatifs. À votre place, comme on dit chez moi, je ferais le canard ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. Michel Sordi. Ce n’est pas une raison pour ne pas répondre !

Mme la présidente. La parole est à M. Julien Aubert.

M. Julien Aubert. Chers collègues, je ne sais pas si je suis très bon pour mimer le canard, mais je tâcherai de faire noblement mon travail.

J’ai du mal à suivre votre argumentation, monsieur le président de la commission.

Tout d’abord, puisque vous tenez tant à tout mettre sur la place publique, je vous rappelle que la dernière fois que l’actuelle ministre de l’énergie a commenté les tarifs d’EDF, elle a provoqué une chute de leur valeur en bourse, au sujet de laquelle les petits actionnaires nous ont interpellés.

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Cela n’a posé aucun problème aux consommateurs !

M. Patrick Hetzel. Bien sûr que si ! Il s’agit de la valeur des parts de l’État, et l’État c’est tout le monde !

M. Julien Aubert. Quand on veut déterminer qui est responsable de quoi, on ne peut pas…

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Nous sommes bien obligés de gérer le passif !

M. Julien Aubert. C’est certain, il y a des pierres dans le jardin de la droite,…

M. Germinal Peiro. Ce sont des rochers !

M. Julien Aubert. …mais cela fait maintenant deux ans que vous êtes au pouvoir. Il faudrait vous réveiller !

Il est vrai que déterminer les responsabilités de chacun est un marronnier de la rhétorique quand on est au pouvoir. Les deux premières années, on accuse le prédécesseur ; les deux qui suivent, on accuse le climat ; la cinquième, on prépare sa sortie. Vous entrez dans la deuxième période, mais je pense que ce débat mérite mieux que de tels arguments, qui – je m’excuse de vous le dire, monsieur le président de la commission – n’apportent rien.

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Je vous donnerai les arrêts du Conseil d’État !

M. Michel Sordi. Ce n’est pas une réponse !

M. Julien Aubert. Nous vous posons des questions sur l’avenir, et vous rétorquez que, parce que nous avons fait pire avant, nous devons à présent vous laisser faire n’importe quoi.

M. François Brottes, président de la commission spéciale. C’est trop facile !

M. Julien Aubert. Même si ce que vous avez dit est vrai – je me sens d’autant plus libre pour le dire que je n’étais pas député à l’époque… (Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Excusez-moi, mais alors à quel moment débute la responsabilité ? Il est déjà difficile, parfois, d’assumer la responsabilité de ses propres actes, notamment quand elle vous est attribuée par les autres – mais je ne reviendrai pas là dessus ! (Sourires sur les bancs du groupe UMP.) Si, en plus, on se met à juger les actes des autres, les choses deviennent encore plus compliquées, monsieur le président Brottes !

Pour en revenir au débat, j’aurai une seule question : j’ai bien entendu Mme le ministre… Voici que Mme Duflot vient s’asseoir près de nous : elle a compris son erreur et veut intégrer l’UMP ! (Sourires.)

Mme Cécile Duflot. C’est parce que vous avez besoin d’aide !

M. Julien Aubert. On vous donnera une carte à la fin de la séance !

J’ai entendu Mme le ministre, disais-je, expliquer tout à l’heure que, si l’on prend comme critère le coût de la production du kilowattheure, le nucléaire est mal placé. Dans ce cas, il faut que l’on m’explique : comment, en procédant à une diversification énergétique permettant de minorer une énergie trop chère, n’en arrive-t-on pas à une diminution du coût ? Soit vous craignez que les énergies qui prendront la place du nucléaire augmentent le coût de l’électricité, et dans ce cas il faut se demander pourquoi on le fait ; soit le prix est moins élevé, et alors, logiquement, vous ne devriez pas craindre l’adoption de cet amendement qui est la conséquence logique de votre diversification.

M. Patrick Hetzel. CQFD !

M. Julien Aubert. Expliquez-nous ; discutons de manière très concrète des différents éléments entrant en ligne de compte. Vous avez peut-être raison ; vous avez même sans doute raison – vous voyez que je suis très honnête intellectuellement –, des erreurs ont été commises.

M. Germinal Peiro. C’est certain !

M. Julien Aubert. Mais, franchement, qu’est-ce que les Français qui nous regardent ce soir en ont à faire ? Qu’est-ce que cela leur apporte ?

M. François Brottes, président de la commission spéciale. On les paye encore, vos erreurs !

Mme la présidente. Monsieur le président Brottes, laissez M. Aubert s’acheminer vers sa conclusion !

M. Julien Aubert. Je pourrais vous dire que, lorsque nous avons pris le pouvoir en 2002, nous avons dû assumer votre héritage !

Concrètement, pour être très pratique, si j’allume ma télévision pour me renseigner sur la stratégie énergétique de l’avenir, qu’est-ce que cela m’apporte de savoir que le président Brottes fait un réquisitoire contre ce que l’UMP a fait pendant dix ans ? Rien ! Même si vous aviez intellectuellement raison, pratiquement, vous avez déjà tort, car nous sommes ici pour discuter de l’avenir !

Par conséquent, vous devriez me répondre. Pour résumer l’argumentaire – car mon intervention était, il est vrai, un peu longue, ce dont je vous prie de m’excuser –, Mme Royal nous a expliqué que le prix du kilowattheure nucléaire était beaucoup plus élevé que ce que l’on croyait et que les énergies vertes étaient donc finalement beaucoup moins chères. Si l’on veut réduire la part du nucléaire dans l’électricité, Pourquoi, dès lors, cela ne se traduit-il pas automatiquement par une baisse du coût de l’électricité, puisqu’elle sera majoritairement produite par des sources moins chères ? C’est une simple règle de trois !

Mme la présidente. La parole est à M. Martial Saddier.

M. Martial Saddier. Monsieur le président de la commission spéciale, il faut croire que cela va vraiment mal pour que vous en soyez réduit à prendre la parole au nom du Gouvernement, au nom des rapporteurs, et à parler comme vous venez de le faire !

M. François Brottes, président de la commission spéciale. J’ai pris la parole en mon nom !

M. Martial Saddier. Je vous donne acte que, si vous ne m’avez pas taxé de malhonnêteté, vous avez sous-entendu que je n’étais pas honnête. La différence est subtile, mais admettons, au nom des combats, notamment montagnards, que nous avons partagés. Mais Mme Duflot s’est montrée plus subtile en faisant référence à la marmotte plutôt qu’au canard ! (Sourires.)

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Nous n’avons pas les mêmes valeurs !

M. Martial Saddier. Nous posons des questions extrêmement précises, et qui intéressent nos concitoyens, concernant l’impact de ces dispositions sur la facture énergétique de nos concitoyens et des industriels de notre pays, la France, que nous aimons toutes et tous. Ce n’est quand même pas une petite question, chers collègues ! Nous sommes au cœur du texte ; les uns et les autres défendons, et c’est bien normal, une vision du mix énergétique qui, au fond, n’est pas si différente que cela. Or nous posons en réalité une question très simple : le Parlement français peut-il voter, en toute transparence, un texte qui soit clair et précis en ce qui concerne l’impact financier ? Après trois jours et trois nuits de débats en commission, après trois jours et trois nuits de débats à l’Assemblée nationale, nous enverrions le texte chez nos amis et collègues sénateurs sans avoir abordé, ou du moins encadré, l’incidence financière de ce texte sur le prix de l’énergie à l’horizon 2025 ? Vous rendez-vous compte de ce que doivent penser de vous les Françaises et les Français qui nous regardent au moment où nous parlons ? Or, pardonnez-moi de me répéter mais, à ce moment précis de nos débats, nous n’avons toujours pas eu le début d’un commencement de la moindre réponse !

Encore une fois, je prends acte de ce que le président de la commission spéciale a dit cet après-midi : « Ne nous demandez pas au centime d’euro près le coût du mégawattheure en 2025 parce qu’il se passera plein de choses en dix ans ». Mais entre l’exiger au centime près et ne pas avoir le début du commencement d’une fourchette ou d’un ordre de prix de l’incidence des décisions que vous vous apprêtez à prendre, avouez quand même que c’est un peu fort de café !

Autre argument, monsieur le président de la commission spéciale : vous avez dit que le texte – on y viendra avec les articles 2 et 3 – exigerait une meilleure isolation des bâtiments pour diminuer la consommation. Dont acte ! Mais là encore, depuis le début de la commission spéciale, vous savez bien que l’isolation a un coût, que ce sont nos concitoyens qui la paieront en plus de la facture énergétique qui va augmenter, et qu’il ne sert à rien ou pas à grand-chose – je ne cesse de le répéter depuis le début, et là aussi je n’ai pas reçu le début du commencement d’une réponse – d’isoler mieux un bâtiment si l’on y trouve une chaudière de quarante ans d’âge fonctionnant au fioul, complètement désuète et défectueuse et qui consomme une quantité d’énergie fossile absolument scandaleuse. Il n’y a pas de vision globale sur ce texte, et l’étude d’impact sur ce point est totalement vide.

Enfin, je termine par un clin d’œil – vous ne m’en voudrez pas, monsieur le président de la commission spéciale, de vous l’adresser ! Si, après deux ans et demi au pouvoir, la majorité actuelle, quand elle est un peu poussée dans ses retranchements, voire dans les cordes et dans le coin du ring, n’a d’autre ressource que de se tourner vers l’ancienne majorité en lui disant : « On n’y peut rien, ce n’est pas de notre faute, c’est vous qui l’avez fait avant ! », alors je vous répondrais que si vous ne vous sentez plus capable d’assumer les défis qui se présentent à vous, il faut nous le dire : on gagnera du temps !

M. François Brottes, président de la commission spéciale. On assume les ardoises !

M. Martial Saddier. Recevoir ce soir, monsieur le président Brottes, des leçons sur le pouvoir d’achat, étant donné l’état dans lequel se trouvent le Président de la République, le Gouvernement et la majorité aux yeux des Françaises et des Français,…

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Vous voulez qu’on parle de l’UMP ?

M. Martial Saddier. …et l’état du pouvoir d’achat des ménages, que vous avez ponctionnés, permettez-moi de vous dire très calmement que c’est tout simplement inacceptable ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Damien Abad.

M. Damien Abad. Gardez votre sang-froid, monsieur le président Brottes !

Cette question du prix de l’énergie est centrale. Si l’opposition était seule à la soulever, vous seriez fondé à me dire que nous sommes dans un jeu politique classique ; mais je vous rappelle que le médiateur de l’énergie lui-même s’inquiète des risques de hausse du prix de l’énergie.

M. Martial Saddier. Bien sûr !

M. Patrick Hetzel. Très juste !

M. Damien Abad. Il l’a dit dans ses rapports successifs, et vous ne pouvez pas l’accuser le médiateur de partialité. Il soulève un certain nombre d’enjeux et de problèmes, ce qui est exactement son rôle.

Ce qui nous dérange en fait dans ce texte, c’est que vous ne voulez pas aborder la question du prix de l’énergie, et cela parce que vous ne voulez tout simplement pas regarder la réalité en face. La transition énergétique aura un coût, c’est vrai, et il devra être assumé par les Français. Nous sommes là au cœur du sujet : on ne peut pas se contenter de décider, du haut de la stratosphère, quel pourcentage on donnera au nucléaire, quel autre on attribuera aux énergies renouvelables, ou encore combien d’éolien terrestre on fera. On ne peut pas s’en tenir là, sans revenir au réel, au concret, en l’occurrence à la facture énergétique.

Je ne voudrais pas, après l’explosion de la feuille d’imposition des Français en raison du matraquage fiscal de votre gouvernement, que l’on se retrouve demain avec une facture énergétique qui explose à son tour ; sinon, les lendemains seront extrêmement difficiles ! Je ne voudrais pas non plus, pour paraphraser le président Brottes, que, si jamais les Français nous rappellent un jour au pouvoir,…

M. Denis Baupin, rapporteur de la commission spéciale. Ne parlez pas de malheur !

M. Damien Abad. …on soit obligé d’assumer vos ardoises !

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Vous reconnaissez au moins que nous en avons ! Et elles se sont accumulées pendant dix ans !

M. Damien Abad. Nous devons parvenir ensemble à dégager un consensus sur la question de l’énergie.

Monsieur le président Brottes, vous qui avez fait adopter une proposition de loi sur la tarification progressive, vous connaissez bien la question des tarifs et du prix de l’énergie.

M. François Brottes, président de la commission spéciale. C’est exact !

M. Damien Abad. Vous savez donc que c’est une question centrale dans un projet de loi sur la transition énergétique.

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Bien sûr !

M. Damien Abad. Quand un enjeu est central comme celui-là, on se doit de fournir des réponses.

Je ne vous demande pas une réponse précise, madame la ministre, mais donnez-nous au moins une fourchette, une trajectoire – quelque chose !

M. Martial Saddier. On n’a rien ! On est dans le noir !

M. Damien Abad. Ou alors répondez-nous que vous allez commander une étude, car cette absence répétée de réponse est inquiétante. Nous sommes prêts à vous aider, mais il faut que vous commenciez par sortir de ce mutisme. En l’état, nous avons toutes les raisons de craindre que la facture énergétique des Français s’alourdisse.

Dites-nous comment vous allez faire et comment vous allez mesurer l’impact de l’évolution du prix de l’énergie, qui est un enjeu central – tellement central que le président Brottes lui-même en avait fait une proposition de loi.

Sur ce sujet, l’opposition n’est pas seule à s’interroger : les Français se posent la même question, de même, je le répète, que le médiateur national de l’énergie, lequel s’est inquiété, dans son dernier rapport, de la hausse des tarifs.

À cet égard, M. de Rugy nous a donné les chiffres. Je vous l’accorde, bien sûr, l’augmentation des tarifs ne date pas d’aujourd’hui. Mais nous aimerions savoir s’il y a une accélération de cette augmentation, quels sont les risques, comment vous allez les contenir, quelles mesures vous allez éventuellement prendre pour corriger cette situations ; cela s’appelle la prospective, cela s’appelle la prévision – cela s’appelle tout simplement faire de la politique.

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Cela s’appelle aussi le chèque énergie !

M. Damien Abad. Il faut essayer de mettre la France sur le chemin d’une transition énergétique efficace et non pas trop coûteuse pour les Français.

Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Hetzel.

M. Patrick Hetzel. Monsieur le président de la commission spéciale, je suis un peu surpris par les arguments qui ont été avancés. L’idée que nous défendons en l’occurrence est très simple : lorsqu’on traite de la transition énergétique, il est important de se préoccuper du coût de l’énergie ; et selon toute vraisemblance, vous en êtes vous-même convaincu. Or, quand on examine l’étude d’impact, force est de constater que nous n’avons pas d’informations sur ces éléments.

M. Martial Saddier. Il n’y a rien !

M. Patrick Hetzel. Nos concitoyens se trouvent d’ores et déjà dans une situation extrêmement difficile, ainsi que nous vous l’avons indiqué. Lorsque nous demandons au Gouvernement – c’est à lui de s’exprimer sur ce sujet puisque c’est son projet de loi – quelle sera la trajectoire, quelle sera l’incidence de ce projet de loi sur la transition énergétique en termes de coûts de l’énergie, nous n’obtenons absolument aucune réponse, si ce n’est de M. le président Brottes, qui nous a dit en substance : « Regardez ce que vous avez fait avant 2012 » !

M. Martial Saddier. Scandaleux !

M. Patrick Hetzel. Nous sommes aujourd’hui en 2014, nous sommes en train de préparer l’avenir : ayons donc la décence d’apporter des réponses sérieuses et concrètes à nos concitoyens.

Si nous soutenons l’amendement défendu par M. de Ganay il y a quelques instants, la raison en est très simple : nous souhaitons que cette loi sur la transition énergétique n’ait pas d’incidence négative sur le pouvoir d’achat. C’est pourquoi nous souhaitons éviter une hausse du coût de l’énergie. Aussi longtemps que nous n’obtiendrons aucune garantie sur ces questions, nous défendrons cet amendement ; il est hors de question de le retirer. On voit bien en effet qu’il y a manifestement une gêne sur ce sujet : le Gouvernement ne voulant pas s’exprimer, il faut que le président de la commission spéciale vole au secours du Gouvernement. C’est assez surprenant !

J’aimerais que nos concitoyens puissent avoir une réponse précise quant au coût de l’énergie qui découlera de ce projet de transition énergétique que Mme Royal défend maintenant depuis quelque temps.

Encore une fois, c’est là un élément essentiel. Pour le moment, notre mix énergétique nous permet de bénéficier d’un coût de l’énergie parmi les plus bas en Europe ; pouvez-vous garantir qu’avec ce projet de loi, nos concitoyens conserveront un coût de l’énergie aussi bas qu’aujourd’hui ?

M. Martial Saddier. Aucune réponse du Gouvernement : c’est incroyable !

(L’amendement n760 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de plusieurs séries d’amendements identiques pouvant être soumises à une discussion commune.

Nous commençons par les amendements identiques nos 98, 186, 450, 913, 937, 1151 et 1659.

La parole est à M. Julien Aubert, pour soutenir l’amendement n98.

M. Julien Aubert. Merci, madame la présidente – que l’Académie me pardonne ! (Sourires sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Catherine Coutelle. C’est vraiment nul !

M. Julien Aubert. Comme nous l’avons déjà dit, nous pensons que 2025 est une échéance trop proche, mais puisque vous avez refusé notre proposition de supprimer l’alinéa 28, nous allons vous soumettre toute une série d’amendements de repli visant à reculer cette échéance par tranches de cinq ans.

Je vous propose ici la date de 2050, qui devrait être, dans l’hypothèse la plus pessimiste, celle du déploiement de la filière de quatrième génération. Dans cette hypothèse, ce calendrier permet un « tuilage » intelligent.

Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l’amendement n186.

M. Patrick Hetzel. Cet amendement vise à substituer à 2025 la date de 2050 dans l’alinéa 28 de l’article 1er, qui vise à réduire la production d’électricité nucléaire. Il s’agit certes d’une promesse du candidat Hollande…

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Les Français l’ont votée !

M. Patrick Hetzel. Vous ne pouvez pas dire cela, monsieur le président !

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Mais si !

M. Patrick Hetzel. En revanche, tous les experts s’accordent à dire que si cet objectif est respecté, le coût de l’énergie augmentera mécaniquement.

La seule manière de réduire la part de l’énergie nucléaire dans la production d’électricité sans entraîner une augmentation de son prix est de lisser davantage le processus. Selon les experts, la bonne échéance est non pas 2025 mais 2050. D’ailleurs, les députés de la majorité qui sont membres de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques arrivent aux mêmes conclusions.

Une telle proposition est donc de nature à faire consensus dans cet hémicycle, d’autant que, comme le débat qui vient d’avoir lieu l’a démontré, nous n’aurons aucune garantie quant à l’évolution du coût de l’énergie. Dans ces conditions, reporter l’échéance à 2050 serait une solution raisonnable pour éviter une augmentation de ce coût.

Mme la présidente. La parole est à M. Martial Saddier, pour soutenir l’amendement n450.

M. Martial Saddier. Les Français se sont exprimés depuis 2012, monsieur le président de la commission spéciale !

M. Thierry Mariani. Et plus d’une fois même !

M. Martial Saddier. En effet, et nous attendons avec impatience leur vote de l’année prochaine.

Cet amendement est extrêmement important, parce qu’il bat en brèche l’affirmation selon laquelle l’opposition serait une partisane acharnée du tout-nucléaire – dont je rappelle pour la énième fois qu’il n’a jamais existé –, incapable de proposer la moindre solution de remplacement.

La présente proposition, défendue par la quasi-totalité des députés de l’opposition présents ce soir, prouve que nous sommes favorables à une évolution du mix énergétique, pourvu que la réduction de la part du nucléaire soit indexée sur la capacité de notre système scientifique et technique d’assurer une montée en puissance concomitante des énergies alternatives.

Ce que nous refusons, c’est la promotion au rang de dogme législatif de ce qui n’est qu’un compromis politique entre le candidat François Hollande, certes élu Président de la République, et les écologistes, alors que tout le monde sait que cet objectif de réduction de 50 % à l’échéance 2025 est inatteignable.

Cet amendement vise à permettre à la France de faire évoluer son mix énergétique dans des délais compatibles avec la montée en puissance des énergies alternatives et les progrès des connaissances scientifiques et de façon à lisser l’augmentation du prix de l’énergie.

Je vous le demande solennellement, madame la ministre : quel sera l’impact de vos propositions sur le coût de l’énergie supporté par nos concitoyens, déjà étranglés sur le plan fiscal et qui n’arrivent plus à payer leurs factures ? Au nom des Françaises et des Français, je vous supplie, madame la ministre, de nous répondre enfin sur ce point ! (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Claude de Ganay, pour soutenir l’amendement n913.

M. Claude de Ganay. Je m’oppose, comme mes collègues, à la fixation d’une échéance aussi peu réaliste, notamment sur le plan économique. L’enjeu est d’importance pour les entreprises de cette filière et la proposition d’une prorogation jusqu’en 2050 relève du bon sens.

Mme la présidente. La parole est à M. Damien Abad, pour soutenir l’amendement n937.

M. Damien Abad. Madame la ministre, puisque vous refusez de nous dire quel impact vos décisions auront sur le coût de l’énergie, je vais reformuler notre question.

Comme vous le savez, la Commission de régulation de l’énergie estime que le prix de l’énergie augmenterait de 30 % à l’horizon 2017. Ma question est simple : confirmez-vous ou infirmez vous cette estimation de la CRE ?

Vous avez, en présentant ce texte, fait de la lutte contre la précarité énergétique l’enjeu principal de votre projet de loi. Dans ces conditions, il est pour le moins paradoxal de refuser de dire quelle sera l’incidence de vos choix sur le prix de l’énergie. Le chèque-énergie ne risque-t-il pas d’être la rustine destinée à faire passer les hausses de prix prévues par la CRE ?

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Leboeuf, pour soutenir l’amendement n1151.

M. Alain Leboeuf. Il est défendu.

Mme la présidente. La parole est à M. Charles-Ange Ginesy, pour soutenir l’amendement n1659.

M. Charles-Ange Ginesy. Ce débat me paraît manquer cruellement de chiffres. Sans être opposé à la réduction de la production nucléaire et tout en reconnaissant la nécessité de faire évoluer notre mix énergétique, je pense qu’il n’est pas raisonnable d’annoncer une réduction de 50 % de la part de l’électricité d’origine nucléaire.

Le nucléaire est quand même le fer de lance de la politique énergétique française depuis des décennies. Il nous a permis de disposer d’une énergie à bon marché. Imposer une telle diminution de la production d’énergie nucléaire sans en évaluer au préalable l’impact provoquera une augmentation du prix de revient pour nos entreprises et du coût de l’électricité supporté par les particuliers.

Il serait bon de disposer d’une évaluation de l’incidence de ces mesures sur la politique énergétique française, de laisser aux énergies renouvelables le temps de monter en puissance, et de maîtriser la hausse du coût de la vie supporté par les ménages français.

Une réduction de 50 % de la part du nucléaire dans la production d’électricité d’ici à 2025 n’est pas un objectif raisonnable ; il faut repousser l’échéance à 2050 au moins.

Mme la présidente. Nous en venons aux amendements identiques, nos 100, 451,1042 et 1152.

La parole est à M. Julien Aubert, pour soutenir l’amendement n100.

M. Julien Aubert. Cet amendement vise à repousser l’échéance à 2045. La référence étant toujours le calendrier de déploiement de la technologie de quatrième génération, 2045 est l’hypothèse intermédiaire, 2040 étant l’hypothèse haute et 2050 l’hypothèse pessimiste. L’idée, encore une fois, n’est pas de faire de l’obstruction.

Mme Catherine Coutelle. Ben voyons !

M. Philippe Plisson, rapporteur de la commission spéciale. Pendant que vous y étiez, vous auriez pu décliner l’amendement année après année !

M. Julien Aubert. C’est l’occasion de débattre de la quatrième génération, la seule génération de renouvellement du parc existant, à un moment où la Cour des comptes souligne l’urgence d’améliorer la gestion du parc des centrales.

Or je n’ai pas encore entendu au cours de nos échanges le moindre début de commencement de réflexion sur l’articulation entre le prolongement des réacteurs existants et la mise en service de réacteurs de troisième et de quatrième génération. C’est pourtant là le vrai sujet. Comment sinon élaborer un plan de charges financier, avant même de déterminer les modalités de réduction du nucléaire, et respecter les échéances fixées ? Il ne faudrait pas, par exemple, devoir au même moment renouveler trois centrales, acheter un EPR, lancer un prototype de quatrième génération et installer 5 000 éoliennes.

Je ne nie pas que ce soit un peu théorique, mais je propose que nous ayons au moins ce débat.

J’aimerais avoir la réponse de Mme le ministre et de Mme le rapporteur pour savoir comment elles voient le sujet de la quatrième génération et comment celui-ci s’articule avec le renouvellement des centrales. Nous sommes confrontés à un objectif très théorique de 50 %, sans vouloir entrer dans le concret, tout en sachant que ce choix aura des conséquences. Qu’on ne l’inscrive pas dans la loi, je veux bien, puisque visiblement c’est impossible et que ce n’est pas la vocation du législateur ; mais cela ne nous empêche pas, dans un débat sur la stratégie énergétique, d’en discuter pour que les choses soient claires et figurent au compte rendu.

Mme la présidente. La parole est à M. Martial Saddier, pour soutenir l’amendement n451.

M. Martial Saddier. L’amendement idéal, pour nous, est celui qui tend à fixer l’échéance à 2050, ce qui se justifie sur le plan technique avec les réacteurs de quatrième génération. Mais nous avons déposé un certain nombre d’amendements de repli qui sont une chance offerte à la majorité.

Alors que nous sommes censés débattre du prix de l’énergie, nous n’avons aucune réponse de la majorité ni du Gouvernement, ce qui n’est tout simplement pas acceptable. Une fois encore, nous sommes au cœur du débat.

Avez-vous la capacité, mes chers collègues, puisque vous êtes nombreuses et nombreux, de vous émanciper du groupe écologiste ?

M. Philippe Plisson, rapporteur. Nous n’y tenons pas du tout !

M. Martial Saddier. Au fond, c’est cela que nous vous proposons à travers ces amendements de repli. Vous êtes enfermés, menottés, monsieur le président de la commission spéciale, bâillonnés, madame la rapporteure, madame la ministre…

Mme Catherine Coutelle. Vous, vous êtes un peu répétitif !

M. Martial Saddier. …enfermés dans un accord idéologique et politique qui fixe une échéance à 2025, comme elle aurait pu être à 2020, à 2027 ou à 2030, et vous avez pour consigne, quoi qu’il arrive, d’apporter une majorité, quelles que soient les incidences pour la filière, pour les Françaises et les Français.

M. Philippe Plisson, rapporteur. Nous nous enrichissons avec les écologistes ! C’est un honneur de travailler avec eux !

M. Martial Saddier. Quel que soit le prix à payer, il faut que nous allions nous coucher ce soir avec l’échéance de 2025 inscrite dans le marbre de la loi.

Eh bien, nous, nous pensons tout d’abord que nous devons des réponses aux Françaises et aux Français.

Madame la ministre, madame Royal, pas vous, pas ici ! Pas avec la relation que vous avez avec les Françaises et les Français ! Vous leur devez la vérité. Vous leur devez une fourchette sur l’incidence financière des décisions que vous vous apprêtez à prendre ce soir avec votre majorité.

Vous ne pourrez pas, madame Royal, mesdames et messieurs les députés de la majorité, sortir de nos débats, en commission puis dans l’hémicycle, sans avoir apporté à nos compatriotes un début de commencement de réponse sur l’incidence financière de ce texte sur le prix de l’énergie. C’est tout simplement impensable. Si vous y échappez ici, vous n’y échapperez pas au Sénat. Et, quand bien même ce serait le cas, nous y reviendrions en CMP puis, en cas d’échec, en nouvelle lecture. Il est tout simplement incroyable, inadmissible, impensable, que la représentation nationale puisse décider de l’avenir énergétique de la France sans avoir un début de commencement de réponse sur l’incidence sur le prix de l’énergie.

M. Arnaud Richard. C’est impensable, en effet !

M. Martial Saddier. Si nous étions la majorité, que diriez-vous si ce soir nous avions osé présenter un texte de loi sans donner une fourchette de l’incidence des prix sur nos concitoyens ?

M. Paul Molac. Vous avez fait pire !

M. Martial Saddier. C’est tout à fait impensable. L’amendement qui vise à choisir pour échéance 2050 nous permettrait de trouver un consensus – « un compromis », comme vous l’avez dit, madame Royal, cet après-midi, quand le groupe écologiste a avalé son chapeau en acceptant la date de 2025.

Comme celle-ci ne rime à rien, madame Duflot, nous vous proposons 2050. Cette échéance nous permettrait d’émettre un vote consensuel. Le présent amendement, qui est un amendement de repli, vous permettrait de sortir du dogmatisme, du pacte passé entre les écologistes et candidat François Hollande.

Nous vous proposons de préserver le pouvoir d’achat des Françaises et des Français ; nous vous proposons de préserver la facture énergétique des Françaises et des Français avec cet amendement de repli qui vise à fixer l’échéance à 2045.

Je vous le redemande et nous ne cesserons de le faire : comment, combien et quand ? Quelle sera l’incidence sur la facture énergétique des Françaises et des Français des décisions que vous vous apprêtez à prendre ?

Mme la présidente. La parole est à M. Damien Abad, pour soutenir l’amendement n1042.

M. Damien Abad. Comme je suis pressé d’entendre la réponse de la ministre sur le coût de l’énergie et de savoir ce qu’elle pense du chiffrage de la CRE, selon laquelle les tarifs vont augmenter de 30 % d’ici à 2017…

M. Denis Baupin, rapporteur. Si la loi n’est pas votée !

M. Damien Abad. …vous pouvez considérer que mon amendement est défendu.

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Leboeuf, pour soutenir l’amendement n1152.

M. Alain Leboeuf. Je serai bref, mais le sujet est trop important pour qu’on n’y passe pas un petit peu de temps.

La transition énergétique et l’extinction progressive de la part du nucléaire dans notre pays soulèvent trop d’interrogations pour que nous n’entrions pas vraiment, ce soir, dans le sujet.

J’ai participé, avec M. Aubert, à l’autre débat qui a duré plusieurs heures et chacun reconnaissait que 2025 n’était pas une échéance adéquate pour imaginer d’abaisser jusqu’à 50 % la part du nucléaire.

Il nous faut donc retarder la date couperet : nous vous avons démontré la pertinence d’une échéance fixée à 2050 ; si elle ne vous convient pas, nous sommes prêts à faire l’effort de l’arrêter à 2045, mais je crois que nous devons être raisonnables ensemble.

Encore une fois, les Français nous écoutent ; ils veulent savoir quel va être le montant de leur facture demain. Il y a surtout nos entreprises, qui ont besoin, elles aussi, de savoir dans quelles proportions leur facture énergétique évoluera demain. La compétitivité de chacune de nos entreprises en dépend.

Mme la présidente. Nous abordons la série d’amendements identiques suivante.

La parole est à M. Julien Aubert, pour soutenir l’amendement n102.

M. Julien Aubert. La date de 2040 correspond à l’hypothèse la plus optimiste pour le déploiement des réacteurs de la quatrième génération. Afin de donner toute sa place au débat, je n’en dirai pas plus.

Mme la présidente. La parole est à M. Martial Saddier, pour soutenir l’amendement n452.

M. Martial Saddier. Il est identique au précédent, mais je voudrais prendre une nouvelle fois à témoin Mme la ministre, M. le président de la commission spéciale et Mme la rapporteure, même si on nous reprochera d’avoir gaspillé du temps… (Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Catherine Coutelle. C’est le moins que l’on puisse dire !

M. Martial Saddier. Faites attention, parce que les gens nous regardent ! (Mêmes mouvements.) Oui, oui, faites les malins !

Une nouvelle fois, disais-je, je m’adresse à celles et à ceux qui nous regardent, depuis trois jours et trois nuits : en leur nom, au nom de vos électeurs – puisque tout à l’heure Mme Royal s’est permis de s’adresser aux électeurs de nos circonscription –, permettez-moi plus modestement de parler au nom des électeurs de vos circonscriptions. Nous n’avons toujours pas de réponse quant à l’impact de votre politique sur la facture énergétique qu’ils recevront, à la suite des décisions que vous vous apprêtez à prendre.

Il est tout simplement incroyable que nous n’ayons pas le début d’un commencement de réponse à cette question précise.

Mme Brigitte Allain. Ce que vous faites est lamentable !

Mme la présidente. La parole est à M. Damien Abad, pour soutenir l’amendement n1044.

M. Damien Abad. Madame la présidente, comme j’ai de la constance dans les idées et qu’il me tarde vraiment d’avoir la réponse de la ministre…

Mme Catherine Coutelle. Arrêtez !

M. Damien Abad. Mais non, il ne faut pas arrêter ! Savez-vous pourquoi ? Parce que la question du prix de l’énergie est centrale. Vous le savez vous-mêmes. Qu’allez-vous dire aux personnes qui sont dans vos circonscriptions ? Qu’il faut arrêter de discuter du prix de l’énergie ?

Qu’allez-vous leur dire quand ils viendront vous voir parce que leur facture énergétique a augmenté ? Nous débattons de vrais sujets et quand on est ministre, on se doit de répondre. C’est comme cela, la République, c’est comme cela, la démocratie. C’est aussi comme cela qu’on défend les droits du Parlement et qu’on redorera un peu le blason de la politique.

Un petit peu de courage, cela fera du bien à tout le monde !

M. Philippe Plisson, rapporteur. Marchand de tapis ! Arrêtez de vous prendre au sérieux !

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Leboeuf, pour soutenir l’amendement n1153.

M. Alain Leboeuf. Il est défendu.

Mme la présidente. La parole est à M. Julien Aubert.

M. Julien Aubert. Madame la présidente, je sens que les esprits s’échauffent et mon sens de la sagesse me conduit à demander une suspension de séance.

Mme la présidente. La suspension est de droit.

Suspension et reprise de la séance

Mme la présidente. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt-deux heures quarante, est reprise à vingt-deux heures cinquante.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

Nous en venons à une nouvelle série d’amendements identiques.

La parole est à M. Michel Sordi, pour soutenir l’amendement n133.

M. Michel Sordi. Il me semble plus raisonnable, madame le ministre, de substituer 2025 à 2035 afin de rééquilibrer le mix énergétique français sans passer par un arrêt brutal d’unités de production d’électricité d’origine nucléaire – vous direz que c’est une obsession – parfaitement opérationnelles.

Ce lissage dans le temps permettra, de surcroît, d’en réduire l’impact financier pour les consommateurs.

Mme la présidente. La parole est à M. Martial Saddier, pour soutenir l’amendement n453.

M. Martial Saddier. Manifestement, soit la majorité a décidé de ne pas répondre à l’opposition, donc, de se livrer à de l’obstruction législative, ce que je n’ose croire (Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC)

Je suis désolé, mais nous avons posé au moins vingt fois des questions précises concernant simplement le prix de l’électricité !

Voulez-vous que l’on vous montre les centaines de messages que nous recevons sur nos sites internet qui, à l’instant où je parle, nous demandent de poursuivre ? « Martial, continue ! Demande à Mme Royal quelle sera l’incidence de ce texte sur le prix de l’électricité ? », voilà les messages que je reçois !

M. Denis Baupin, rapporteur. Sur quel site, Martial ?

M. Martial Saddier. Demandez une suspension de séance, madame Royal, et je vous montrerai les messages me priant de continuer à vous poser des questions sur ce qu’il en sera du prix de l’électricité. Je veux bien m’accuser ; peut-être me fais-je mal comprendre.

M. Philippe Plisson, rapporteur. On cherche des animateurs chez Eurodisney, vous devriez postuler ! Allez donc faire le guignol là-bas !

M. Martial Saddier. Faisons donc une comparaison : entre 2002 et 2007 – vous étiez alors dans l’opposition –, nous avons voté la loi sur l’eau. Nous avons réalisé un certain nombre d’avancées à partir d’un texte qui avait été discuté sous M. Jospin, lequel n’était pas parvenu à trouver une majorité pour le voter, contrairement à nous.

Eh bien, qu’auriez-vous dit, dans cet hémicycle, si nous l’avions voté sans aborder la question du prix de l’eau ? Aujourd’hui, tout est absolument transparent, si vous me passez la formule, qu’il s’agisse de l’eau potable, de la distribution, de l’eau usée, de l’assainissement collectif ou individuel. Des moyennes, réalisées par agences de bassins et elles aussi totalement transparentes, sont même inscrites sur les factures.

Ce soir, vous proposez de débattre sur ce bien commun et vital pour la nation dont les Français ont besoin chaque jour – l’énergie, notamment l’électricité – et de voter un texte qui prétend écrire l’histoire énergétique de la France à l’horizon 2050 – excusez du peu ! –, certes avec des étapes intermédiaires – en 2025 –, mais sans apporter pour autant la moindre réponse sur ce que pourrait être l’évolution du prix de l’énergie, notamment de la facture dont nos concitoyens devraient s’acquitter chaque année. Il est tout de même incroyable que nous en soyons là !

Je vous pose donc à nouveau la question à l’occasion de cet amendement d’appel : peut-on aller se coucher ce soir…

M. Philippe Plisson, rapporteur. Plaise à Dieu !

M. Martial Saddier. …en sachant quelle sera l’incidence des décisions que vous vous apprêtez à prendre quant au mix énergétique sur la facture dont les Français devront s’acquitter ?

M. Damien Abad. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Claude de Ganay, pour soutenir l’amendement n747.

M. Claude de Ganay. Il est défendu.

Mme la présidente. La parole est à M. Damien Abad, pour soutenir l’amendement n1045.

M. Damien Abad. Le P-DG d’EDF a estimé que le projet « grand carénage » n’avait de sens que si la durée de vie des centrales pouvait dépasser cinquante ans, soit vingt ans de plus par rapport à la moyenne établie à ce jour. L’année 2035 correspond donc à la période de fin de vie de l’actuelle génération nucléaire, si l’on se fonde sur l’hypothèse la plus optimiste.

Je profite également de cet amendement pour redemander à Mme la ministre de nous éclairer, si j’ose dire, sur le prix de l’énergie. En effet, elle n’a pas voulu nous répondre sur son évolution – mais je suis sûr qu’elle le fera après l’examen de l’ensemble de ces amendements identiques.

Je lui ai posé différemment la question en lui demandant si elle confirmait ou non les prévisions de la CRE, à savoir une augmentation du prix de 30 % d’ici à 2017. Reformulons de nouveau la question : à partir de quel niveau considère-t-il que le prix « compétitif » de l’énergie, pour reprendre la formule du texte, ne le serait plus ?

Il s’agit d’un sujet central sur lequel nous avons réellement besoin de votre éclairage, car il en va de la facture énergétique des Français. Au-delà, il en va également de la précarité énergétique. Nous en débattrons tout à l’heure,…

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Oui, tout à l’heure…

M. Damien Abad. …ainsi que du chèque énergie, car la corrélation entre ce dernier et l’évolution des prix est majeure : il n’est pas possible de segmenter le débat et de répondre sur un point sans répondre sur l’autre.

Nous attendons donc impatiemment votre estimation, une fourchette ou, à tout le moins, votre éclairage.

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Leboeuf, pour soutenir l’amendement n1154.

M. Alain Leboeuf. Monsieur le président de la commission spéciale, j’ai essayé, tout à l’heure, de vous poser une question en revenant sur une explication que vous avez fournie.

Vous avez évoquez une équation, pour les ménages, entre le prix payé et les volumes consommés et vous avez assuré que, demain, le coût ne sera pas plus élevé puisque si un facteur augmente, en l’occurrence le prix du kilowatt – de combien, d’ailleurs ? –, l’autre diminuera – le volume consommé.

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Je n’ai pas du tout dit cela !

M. Alain Leboeuf. C’est en tout cas comme cela que vous avez essayé d’expliquer que, demain, le coût pour les ménages diminuera et qu’il ne faut donc pas s’inquiéter. Telle est l’équation que vous avez exposée.

J’y reviens donc, puisque nous avons besoin, les Français ont besoin, d’avoir une réponse claire à ce propos.

Le prix payé par un ménage repose sur la consommation multipliée par le prix du kilowattheure, dont nous avons compris qu’il augmenterait. Afin de diminuer leur consommation, il faudra bien que les ménages investissent et financent les travaux qu’ils devront réaliser dans leurs habitations afin de réaliser des économies d’énergie. Tout cela doit être pris en compte.

Les Français ont besoin de savoir, car c’est leur pouvoir d’achat qui est en jeu. S’agissant, cette fois, des entreprises, c’est leur compétitivité qui l’est, et c’est là le sujet majeur pour notre économie, donc pour nos emplois.

Vous voyez bien que cette question n’est pas anodine et que nous devons avoir une réponse claire quant à ce que sera le prix de l’électricité, demain, lorsque cette loi sur la transition énergétique aura été votée.

Mme la présidente. Je suis saisie d’une dernière série d’amendements identiques, nos 106, 454, 751, 1155 et 1866.

La parole est à M. Julien Aubert, pour soutenir l’amendement n106.

M. Julien Aubert. Mes chers collègues, je n’ai, hélas, pas pu défendre mon amendement n104, dans la précédente série d’amendements identiques, et je sens que vous en avez été émus.

Ces séries d’amendements identiques avaient pour but de pousser notre assemblée à réfléchir à la date optimale à laquelle il convient de ramener la part du nucléaire dans la production électrique de 75 à 50 %, étant entendu, car c’est notre point de départ, que 2025 n’est pas la bonne date. Plusieurs paramètres sont à prendre en compte.

La première série d’amendements identiques proposait la date la plus lointaine, puisqu’il s’agissait de fixer comme horizon le passage à la quatrième génération de réacteurs. Si nous ne retenons pas cette solution, alors le délai du passage aux 50 % doit être calculé en fonction de l’état du parc actuel. L’amendement n104 proposait ainsi de prendre comme critère la fin du « grand carénage », soit l’horizon 2035.

Le présent amendement propose une dernière solution de repli. Nous proposions 2035 et vous proposez 2025 : pourquoi, alors, ne pas retenir la date de 2030 ? Même si nous n’y croyons pas beaucoup, nous estimons qu’il sera tout de même plus facile de fermer dix-neuf réacteurs en quinze ans qu’en dix.

Ces amendements, madame le ministre, appellent des éclaircissements sur la stratégie que vous entendez adopter. Compte tenu de l’état du parc, ne pensez-vous pas qu’il serait plus raisonnable de repousser la date que vous avez retenue pour ramener la part du nucléaire dans la production électrique de 75 % à 50 % ?

L’autre question essentielle, qui a déjà été posée à de multiples reprises par mes collègues, est celle du coût de l’électricité, sujet éminemment plus complexe. Nous y insistons, car les deux objectifs que nous poursuivons avec la transition énergétique, c’est la préservation de la compétitivité des entreprises, d’une part, et la conservation d’un modèle social de l’énergie fondé sur une électricité à bas coût, d’autre part.

Même si la Cour des comptes a montré dans son dernier rapport que le coût de l’électricité nucléaire avait augmenté de 21 % au cours des dernières années, même si certains membres de votre majorité contestent les effets profondément bénéfiques du nucléaire sur le pouvoir d’achat, nous souhaitons que ce débat ait lieu. Il importe que la question du coût de l’électricité soit l’alpha et l’oméga de ce projet de loi, et la boussole qui permettra de nous orienter pour faire les choix énergétiques à venir. Il est normal que le coût des investissements se répercute sur la facture des Français ; en revanche, il est absolument inadmissible de leur faire payer des absences de choix ou des dérapages liés à des incertitudes.

J’espère que Mme la rapporteure et Mme la ministre pourront, par leur réponse, éclaircir ce débat.

Mme la présidente. La parole est à M. Martial Saddier, pour soutenir l’amendement n454.

M. Martial Saddier. Madame la ministre, la question qui est posée à ce moment du débat, c’est celle de la confiance qui peut exister entre vous, votre majorité, les Françaises et les Français et, plus largement, entre la classe politique, la représentation nationale, les Françaises et les Français.

Comment voulez-vous que les Françaises et les Français accordent encore leur confiance à la classe politique si, à l’issue de ce débat, nous ne les avons pas éclairés sur l’impact financier que pourraient avoir, à l’horizon 2020, 2030, 2040 ou 2050, des choix énergétiques aussi importants que ceux que vous leur proposez ?

Comment voulez-vous que les Françaises et les Français aient encore confiance dans la classe politique, alors que cela fait trois jours et trois nuits que l’opposition pose des questions extrêmement précises, sans jamais obtenir de réponse ? L’opposition, c’est l’opposition… Et dans le jeu de la démocratie française, l’opposition a vocation à redevenir majoritaire, et la majorité à devenir l’opposition. Mais le respect, la transparence et l’attention prêtée aux questions posées sont bien la base d’un débat démocratique.

Madame la ministre, permettez-moi de vous poser une question. Vous vous êtes exprimée cette semaine contre la politique familiale du Gouvernement ; j’ai cru comprendre que vous étiez également défavorable à l’augmentation du prix du gazole, et que vous étiez pour le moins dubitative quant au dispositif qui remplacerait la taxe sur les poids lourds. Le fait que vous ne répondiez pas à nos questions, je vous le dis très amicalement, madame la ministre, commence à laisser croire qu’au fond de vous, vous ne croyez pas non plus à ce texte, ni aux propositions qu’il comporte.

Mme Ségolène Royal, ministre. Ce n’est pas malhabile…

M. Martial Saddier. Pas malhabile ! Je vous remercie, je le prends comme un compliment, madame la ministre. Mais je me demande vraiment, madame Royal, si, au fond de vous, vous ne placez pas ce texte – et ce serait tout à votre honneur – sur le même plan que l’aberration qui consiste à s’attaquer à la politique familiale ; sur le même plan que celle qui consiste à augmenter le prix du gazole, sans que cela serve à financer le changement des véhicules les plus défectueux, ceux de nos concitoyens qui sont en grande précarité énergétique ; sur le même plan, enfin, que l’aberrant dispositif relatif aux poids lourds. Rassurez-moi, madame la ministre, ne me laissez pas aller dormir avec ce doute : au fond de vous, croyez-vous sincèrement à ce texte ? (Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Si vous y croyez, apportez, s’il vous plaît, des réponses aux modestes questions que je vous pose avec mes collègues depuis lundi.

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Bravo ! Vous allez passer au zapping !

Mme la présidente. La parole est à M. Claude de Ganay, pour soutenir l’amendement n751.

M. Claude de Ganay. Il est défendu.

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Leboeuf, pour soutenir l’amendement n1155.

M. Alain Leboeuf. Il est défendu.

Mme la présidente. La parole est à M. Damien Abad, pour soutenir l’amendement n1866.

M. Damien Abad. L’équation que vous avez posée est insoluble, madame la ministre, puisque vous voulez réduire la part du nucléaire tout en maintenant le pouvoir d’achat des Français, et sans augmenter leur facture énergétique.

Comment comptez-vous vous y prendre ? Où allez-vous placer le curseur ? Vous dites que vous allez réduire la part du nucléaire dans la production électrique à 50 %, mais vous ne dites rien des conséquences que cette mesure aura sur les prix. Or on sait très bien que réduire la part du nucléaire aura forcément une conséquence sur les prix et le pouvoir d’achat des Français.

L’opposition n’est pas la seule à vous le dire. Je vous ai déjà signalé toute à l’heure que le médiateur national de l’énergie s’inquiète. Le sujet, en outre, a été abordé au niveau européen : la Commission européenne elle-même a engagé des travaux et publié des rapports sur les prix et le coût de l’énergie. Le fait, du reste, que vous parliez davantage du coût de l’énergie que de son prix montre bien que vous voulez éviter le débat sur le prix unitaire, pour ne pas avoir à assumer des hausses futures. Vous préférez parler du coût de l’énergie, un coût que vous jugez soutenable, même s’il doit aboutir à des hausses de prix. Il faut dire les choses aux Français, les prendre à témoin et leur dire quelle sera l’évolution des prix.

Madame la ministre, votre collègue Delphine Batho, lors de son intervention sur l’article 1er, a regretté que ce texte ne soit pas une loi de programmation sur la transition énergétique. De fait, ce n’en est pas une car aucun montage financier n’est prévu. Si vous ne voulez pas répondre à l’opposition, répondez au moins à votre ancienne collègue, qui se demande pourquoi vous ne présentez pas une loi de programmation et pourquoi vous n’avez pas les moyens de vos ambitions.

Mme Ségolène Royal, ministre. Cette argumentation est moins subtile que la précédente…

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Elle est même un peu bateau…

M. Damien Abad. Je sais que cela ne vous fait pas plaisir, madame la ministre, mais c’est la vérité ! Il faut que vous réagissiez et que vous nous disiez clairement quelles sont vos intentions.

La semaine prochaine, nous examinerons le projet de loi de finances et le projet de loi de programmation des finances publiques, avec des objectifs chiffrés. Nous parlerons de prix et de coût. Pourquoi, dès lors, ne sommes-nous pas capables de faire aujourd’hui, à propos de ce projet de loi sur la transition énergétique, ce que nous ferons la semaine prochaine ?

Notre collègue Martial Saddier a évoqué tout à l’heure le projet de loi de financement de la Sécurité sociale, et les énormités qu’il contient pour casser encore un peu plus la famille.

M. Stéphane Travert. Nous sortons du sujet !

M. Damien Abad. Nous allons débattre de ces dispositions. Alors, pourquoi le projet de loi sur la transition énergétique serait-il le seul texte à propos duquel on n’oserait pas aborder la question du prix ?

M. Martial Saddier. Eh oui ! C’est incroyable !

M. Damien Abad. Je le répète : l’opposition n’est pas la seule à s’exprimer ainsi. Le médiateur national de l’énergie, dont j’ose croire que vous reconnaissez le rôle et l’importance, dit la même chose, tout comme la CRE, la Commission européenne, tous les acteurs de la filière énergétique, ainsi que les Français. Vous ne pouvez pas rester sourds et insensibles à toutes ces demandes, à toutes ces attentes.

Il faut que vous nous donniez des réponses concrètes, que vous nous exposiez clairement les choix que vous avez faits et la manière dont vous comptez résoudre cette équation impossible, qui consiste à réduire sensiblement la part du nucléaire dans la production électrique tout en maintenant le pouvoir d’achat des Français.

M. Martial Saddier. Très bien !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ces cinq séries d’amendements identiques ?

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. Ces débats ont déjà eu lieu, très longuement, lors des réunions de la commission, laquelle est évidemment défavorable à l’ensemble de ces amendements.

Chers collègues de l’UMP, cela fait des heures que vous nous reprochez de ne pas donner de chiffres.

M. Damien Abad. Des prix !

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. Vous vous préoccupez du prix de l’énergie et de l’impact qu’aura la loi sur le consommateur, ce qui est tout à fait louable. Puisque vous souhaitez, pour votre part, prolonger de vingt-cinq ans la vie des centrales, je suis persuadée que vous avez fait un calcul précis et rigoureux du coût de votre proposition…

M. Damien Abad. Ce que le Gouvernement n’a pas fait !

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. …et que vous vous êtes préoccupé de l’impact qu’aurait une prolongation de la vie des réacteurs jusqu’en 2050 sur le prix de l’électricité pour les particuliers et les entreprises, étant entendu que cette prolongation nécessiterait des travaux.

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Vous avez dû le faire, puisque vous, vous êtes sérieux !

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. Pouvez-vous nous éclairer sur cette question ?

M. Damien Abad. C’est la première fois que c’est le rapporteur qui pose des questions !

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Pour donner son avis, il importe d’être éclairé !

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Ségolène Royal, ministre. Ces amendements ont pour objectif de réduire la part du nucléaire dans la production d’électricité à 50 % à l’horizon 2030. Ils modifieraient donc le texte du Gouvernement, qui prévoit l’horizon 2025.

J’observe néanmoins qu’après des heures et des heures de discussion, vous vous rapprochez des positions du Gouvernement, et je vous en félicite.

M. Martial Saddier. Il s’agit d’un amendement de repli !

Mme Ségolène Royal, ministre. Vous admettez qu’il faut bâtir un nouveau mix énergétique, puisque vous écrivez que la part du nucléaire dans la production d’électricité doit être ramenée à 50 % en 2030.

Je ne vous ferai même plus le procès de vouloir gagner du temps et occuper le terrain. Tous les réseaux sociaux, puisque vous les évoquiez, sont scandalisés par vos techniques d’obstruction. Mais je vais vous répondre sur le fond.

Puisque vous proposez de réduire à 50 % la part du nucléaire dans la production d’électricité d’ici à 2030, j’imagine que vous avez fait les calculs que vous me demandez, et que vous avez déterminé quel sera l’impact de cette mesure sur les prix. Je n’imagine pas, en effet, que vous fassiez des propositions sans avoir produit une étude d’impact et sans avoir fait des calculs précis.

M. Damien Abad. C’est ce qu’on appelle une pirouette, madame la ministre !

Mme Ségolène Royal, ministre. Puisque vous êtes très attentifs à l’évolution des prix, je suis certaine que vous avez fait ce calcul.

M. Damien Abad. On attend le vôtre !

Mme Ségolène Royal, ministre. Puisque nous sommes dans une co-construction, je vous serai fort obligée de nous donner les réponses aux questions que vous vous posez, car je prends vos préoccupations très au sérieux. Puisque nous avons des objectifs voisins – nous nous situons à l’horizon 2025, et vous à l’horizon 2030 –, à cinq années près, nous pourrons faire une règle de trois et nous mettre d’accord sur ces prix, qui sont certainement satisfaisants, sans quoi vous n’auriez pas fait cette proposition.

M. Damien Abad. Je comprends pourquoi elle a été battue par Olivier Falorni !

Mme Ségolène Royal, ministre. Le nouveau mix énergétique va réduire les factures des consommateurs, c’est cela qu’il faut comprendre. Tout d’abord, nous avons agi pour contrôler et modérer la hausse du prix de l’électricité. Depuis de nombreuses années, une augmentation automatique de 5 % était programmée pour intervenir au 1eraoût.

M. François Brottes, président de la commission spéciale. L’héritage !

Mme Ségolène Royal, ministre. Il était soi-disant impossible d’arrêter cette escalade de la hausse des prix, mais je l’ai fait. J’ai pris un arrêté qui a annulé la hausse de 5 %. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.) Parallèlement, nous avons remis en place un examen de la constitution des prix de l’électricité. Un décret est en cours de consultation et sera prochainement publié pour remettre de l’ordre et améliorer la transparence et l’information des citoyens sur la formation du prix de l’électricité. Vous voyez donc que c’était possible.

La préoccupation du Gouvernement est justement que les Français paient le juste prix de leur électricité, avec un juste calcul, sans subir des augmentations systématiques et répétées.

La facture va aussi baisser, c’est tout l’objectif de ce projet de loi, parce que la priorité de ce texte, ce sont les économies d’énergie.

M. Damien Abad. C’est la décroissance !

Mme Ségolène Royal, ministre. Nous voulons aider les Français à faire des travaux d’économie d’énergie et d’amélioration de la performance énergétique : remplacer les vieilles chaudières, installer des compteurs individuels, faire les travaux d’isolation, etc.,…

M. Martial Saddier. Ce sera gratuit ?

Mme Ségolène Royal, ministre. …grâce au crédit d’impôt pour la transition énergétique qui est prévu dans le projet de loi de finances pour 2015, et qui sera voté. Il s’appliquera avec effet rétroactif au 1er septembre 2014.

Les factures vont aussi baisser parce que les collectivités locales vont pouvoir faire des travaux d’isolation, grâce au prêt de 5 milliards de la Caisse des dépôts et consignations. Cela aura un impact sur les impôts locaux : si les collectivités consomment moins d’énergie dans les collectivités publiques, la facture fiscale sera réduite.

La facture baissera aussi pour les plus précaires, puisque le projet de loi vous propose de créer un chèque énergie qui se substituera aux tarifs sociaux, après une phase transitoire qui permettra de bien en évaluer le fonctionnement. Ce dispositif s’appliquera aussi à l’achat de fioul, lequel n’est aujourd’hui pas concerné par les tarifs sociaux.

Enfin, la facture baissera parce que c’est l’objectif même du mix énergétique. Vous posez des questions auxquelles j’ai déjà répondu tout à l’heure. Je vous ai dit que je ne voulais pas opposer les énergies les unes aux autres.

M. Martial Saddier. Nous non plus !

Mme Ségolène Royal, ministre. Vous êtes en train de dire que le nucléaire coûte moins cher que le renouvelable : n’entrez pas dans cette logique. Ce n’est pas l’intérêt du modèle énergétique. Et sur ce terrain, en plus, ce n’est pas la réalité. C’est d’ailleurs ce qu’a souligné le rapport de la Cour des comptes, le nucléaire coûtera de plus en plus cher, pour deux raisons : parce que les critères de sûreté sont de plus en plus rigoureux, et parce que nos centrales arrivent en fin de vie. Elles ont rendu de grands services, il ne s’agit pas de les remettre en cause, mais elles arrivent en fin de vie. Nous devons donc organiser le meilleur investissement possible pour les remplacer.

C’est tout le sens du mix énergétique : lorsque nous allons faire monter en puissance les énergies renouvelables, cela va en diminuer le coût, alors qu’aujourd’hui le nucléaire neuf coûte déjà un petit peu plus cher que les énergies renouvelables. Nous avons assisté à ce phénomène dans les pays qui ont massivement investi dans les énergies renouvelables. Ces énergies vont donc devenir très compétitives, c’est l’objet du mix énergétique, qui est calculé avec raison, avec équilibre, sans opposer les énergies les unes aux autres.

Vous m’avez également interrogé sur le rapport de la Commission de régulation de l’énergie, qui a effectivement estimé, en février 2013, que le coût de l’énergie augmenterait de 30 %. Mais cela n’a aucun rapport avec le mix énergétique, ni avec ce projet de loi, puisque ce rapport date de 2013.

M. Damien Abad. Justement !

Mme Ségolène Royal, ministre. C’est précisément pour répondre à ce risque d’augmentation des prix de l’énergie auquel conduirait le tout nucléaire que sont proposés le nouvel équilibre énergétique et la programmation pluriannuelle de l’énergie.

M. Damien Abad. C’est très intéressant !

Mme Ségolène Royal, ministre. De plus, la Commission de régulation de l’énergie explique que cette hausse est due à l’ardoise de 5 milliards d’euros de la contribution au service public de l’électricité que vous avez laissée.

M. Bertrand Pancher. Augmentez les tarifs de l’électricité !

Mme Ségolène Royal, ministre. Le rapport de la Commission de régulation de l’énergie explique très clairement qu’à cause de la dette de contribution au service public de l’électricité que vous avez laissée, un rattrapage sera nécessaire. C’est bien pour lutter contre l’impact de ce rattrapage sur les factures des citoyens et des entreprises que nous mettons en place ce nouveau mix énergétique, que nous maîtrisons à nouveau la constitution et la structuration des tarifs de l’électricité et que nous faisons un effort considérable sur l’isolation des logements et la performance énergétique des bâtiments. Ainsi nous pourrons réduire la facture des citoyens tout en diminuant la facture énergétique de la France, en particulier en termes d’importation d’hydrocarbures.

Cette nouvelle logique joue sur tous les claviers des différentes énergies, en particulier sur la performance énergétique et sur la façon de construire. Tout cela figure dans le projet de loi, et il est fort dommage que, par une technique d’obstruction, nous n’en soyons pas venus à discuter ne serait-ce que du titre II, consacré au bâtiment.

M. Damien Abad. C’est vous qui avez décidé du temps programmé !

Mme Ségolène Royal, ministre. C’est tout à fait regrettable, car à force de répéter les mêmes choses, les mêmes questions, les mêmes amendements, vous privez les Français de ce débat parlementaire.

M. Julien Aubert. Nous continuerons tant que nous n’aurons pas de réponses !

Mme Ségolène Royal, ministre. Je vais vous donner un exemple de diminution de la facture énergétique : nous sommes récemment allés visiter des HLM dans le XIe arrondissement, dans un bâtiment à énergie positive. Nous sommes entrés dans un logement où vit une famille de deux adultes et leurs deux enfants. Leur facture d’énergie, sur deux mois, est de 0,95 centime d’euros !

C’est possible parce que maintenant, nous savons construire des bâtiments à énergie passive ou à énergie positive.

M. Julien Aubert. Combien ça coûte ?

Mme Ségolène Royal, ministre. Cela coûte 10 % de plus. Et l’investissement est rattrapé en trois ans.

M. Julien Aubert. Voilà un calcul économique, c’est bien !

Mme Ségolène Royal, ministre. Cet investissement est rattrapé en trois ans parce qu’un bâtiment bien isolé s’abîme beaucoup moins. Les bâtiments construits à énergie positive, qui ont de très fortes performances énergétiques, requièrent beaucoup moins d’entretien et se dégradent beaucoup moins. C’est donc gagnant pour tout le monde.

De même, grâce à ce projet de loi, tous les nouveaux permis de construire de bâtiments publics devront prévoir des bâtiments à énergie passive ou à énergie positive, c’est le bon sens même. Cela va entraîner une baisse des prix de l’éco-construction, car si le prix est actuellement encore légèrement supérieur, c’est du fait de la rareté.

M. Julien Aubert. C’est une prophétie !

Mme Ségolène Royal, ministre. En créant massivement une obligation de construire des bâtiments à énergie passive ou à énergie positive, nous allons faciliter la constitution de filières de bâtiments, de fournitures, de matériaux, de savoir-faire, nous allons améliorer la formation des architectes et des maîtres d’œuvre. Tous ces métiers nouveaux et toutes ces filières d’avenir vont monter en puissance.

Cela marque l’intelligence, l’équilibre et le non-sectarisme du projet énergétique qui vous est proposé. Je remercie d’ailleurs les parlementaires de la majorité d’être si nombreux à prendre part à ce débat, car ils ont compris qu’il s’agissait d’un enjeu très important pour l’avenir des Français. Il est très rare de réfléchir à ce qui se passera d’ici à 2025 ou 2030. Il n’y a pas beaucoup de textes de loi qui nous donnent l’occasion de redessiner, de définir et d’inventer notre avenir commun. En plus, nous le faisons en mettant en place des actions concrètes qui vont être directement et dès maintenant ressenties par des Français soucieux de leur pouvoir d’achat et de leur confort, mais qui sont aussi citoyens du monde. Ils seront citoyens du monde tout en se faisant du bien à eux-mêmes : en réduisant leurs factures d’énergie, en réalisant des travaux, ou en consommant plus intelligemment.

Je veux saluer les initiatives qui prennent place dans certaines régions, soutenues par l’ADEME, telles que les familles à énergie positive. Sans même faire de travaux, mais en étant informées sur la façon d’utiliser le matériel, les lumières, le chauffage, elles diminuent déjà de 15 à 20 % leur consommation énergétique. Savez-vous, par exemple, que si tous les Français éteignaient leurs appareils en veille, ce sont 2 milliards d’euros qui seraient économisés tous les ans ? Il est donc aussi prévu toute une éducation à la citoyenneté, au comportement, à l’éducation dès le plus jeune âge pour économiser l’énergie.

Tout ce travail va se mettre en place grâce à ce projet de loi, puisque des plates-formes d’information devront être créées dans toutes les communautés de communes. Le ministère a lancé un appel à projets, il va aider financièrement ces plates-formes à se mettre en place, et c’est donc très rapidement que nous allons sentir les effets de ce projet de loi sur le terrain. Je suis convaincu que les Français vont s’en saisir. Les entreprises ont déclaré à 75 % qu’elles croyaient en la transition énergétique, et qu’elles attendaient ce projet de loi avec impatience.

Messieurs les députés de l’opposition, je pense que vous donnez un très mauvais exemple, et en voulant ralentir l’adoption de ce projet de loi, vous ralentissez l’adoption des bonnes solutions que les Français attendent. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Julien Aubert.

M. Julien Aubert. Madame le ministre,…

Plusieurs députés du groupe SRC. Madame la ministre !

M. Julien Aubert. …malheureusement, vous aviez bien commencé ce débat, mais je suis au regret de vous annoncer qu’au fil de nos échanges, c’est une image négative du Gouvernement que vous donnez. Vous perdez votre patience. L’idée de départ était de convier l’opposition à un simulacre de débat, et vous attendiez que nous restions passifs en acceptant vos réponses incomplètes, espérant que le projet passerait ainsi et que vous pourriez prétendre avoir trouvé un consensus sur l’énergie.

La réalité des choses est que nous avons travaillé, et nous avons mis des propositions sur la table à plusieurs reprises. Vous n’avez jamais pris aucun contact avec l’opposition avant ce débat, et d’après ce que je me suis laissé dire par certains de vos alliés qui sont récemment venus me parler, il en a été de même pour eux. Finalement, nous ne le prenons pas mal.

Vous prétendez ensuite que nous faisons de l’obstruction dans ce débat. L’obstruction, ce n’est pas cela. Nous avons des questions, nous les posons, et vous pensez que, comme à une autre époque, il suffit de ne pas répondre pour que l’opposition se lasse et tourne la page. Mais ce n’est pas le cas, parce que ce sont des sujets importants.

Il est possible de faire des phrases creuses, d’enchaîner des commentaires futiles, de dériver, de déraper, de caricaturer…

M. Philippe Plisson, rapporteur. C’est vrai, vous en avez fait la preuve !

M. Julien Aubert. …mais à la fin de la journée, les questions subsistent. La grande question est celle du coût. Un exemple de la grande mauvaise foi qui est la vôtre, et qui est aussi celle d’une partie de la majorité, est de dire que parce que nous avons examiné des amendements qui proposaient des dates s’échelonnant de 2050 à 2030, nous nous rapprochions de la position du Gouvernement qui propose la date de 2025.

M. François Brottes, président de la commission spéciale. C’est un constat !

M. Damien Abad. C’est un amendement de repli !

M. Julien Aubert. C’est d’une totale mauvaise foi. Le choix a été fait de mettre ces amendements en discussion commune, et je ne le conteste pas, parce que cela permet d’accélérer les débats – cela évite au Gouvernement d’avoir à donner son avis à plusieurs reprises –, mais vous aurez bien compris que notre option favorite était de fixer un horizon à 2045 ou 2040, nullement à 2030. C’est d’ailleurs écrit noir sur blanc dans l’exposé sommaire de nos amendements, il suffit de le lire : nous disons que cette date n’a pas de valeur du point de vue industriel, mais que si l’on peut élargir le calendrier, il vaut mieux gagner cinq ans.

Vous êtes donc de mauvaise foi. Il ne faut pas s’étonner, après avoir fait preuve de mauvaise foi et caricaturé l’opposition en boucle, de ne pas avoir de débat sur le fond.

M. Philippe Plisson, rapporteur. Vous êtes un expert en mauvaise foi ! Un professeur de mauvaise foi !

M. Julien Aubert. Merci, monsieur Plisson, je constate qu’avec toute votre science, nous assistons à une forme de renversement. Un gouvernement qui peut s’appuyer sur les ministères et des experts dépose un projet de loi, et lorsque l’opposition demande combien cela coûte, sa réponse consiste à dire : « À vous de chiffrer vos amendements » ! C’est très fort, vous vous êtes totalement déchargés de toute responsabilité. Je vous propose que pour le prochain débat, s’il y a une deuxième lecture, nous rédigions nous-même l’étude d’impact avec nos assistants parlementaires et les moyens que nous avons. Comme ça, les choses seront plus claires. Mais, malheureusement, j’ai l’impression que nous aurons la responsabilité de l’exécutif sans en avoir les moyens.

Je souhaite néanmoins progresser, et puisque que vous avez voulu nous narguer en nous demandant d’avancer des chiffres sur les coûts, je vais essayer d’entrer dans ce débat. J’espère, jusqu’à la dernière minute de notre temps de parole, que la flamme de l’envie de dialogue se ranimera. Mais je ne me fais pas beaucoup d’illusions, car j’ai bien compris qu’en fait, vous essayez vous-même de consommer le temps pour arriver à un résultat qui vous permettra de dire que nous avons fait de l’obstruction.

La réalité, c’est que c’est vous qui portez ce texte, madame le ministre. Si l’on ne dépasse pas l’article 1er, c’est vous qui en serez responsable. C’est vous qui avez choisi le temps programmé,…

Plusieurs députés du groupe SRC. C’est faux !

M. Julien Aubert. …c’est vous qui avez choisi d’accélérer le débat, c’est vous qui avez choisi d’engager la procédure accélérée, c’est vous qui avez choisi le nombre d’amendements. Vous aviez tous les outils à votre disposition : c’est donc vous qui porterez la responsabilité de ce texte.

M. Damien Abad. Très bien !

M. Julien Aubert. D’ailleurs, vous aurez bien compris qu’au fil des débats, nous n’avons pas été convaincus par vos arguments.

Mme Clotilde Valter. On l’avait remarqué !

M. Julien Aubert. Vous nous demandez combien ça coûte. Puisque vous n’avez pas la réponse, je vais essayer de vous proposer un chiffrage. Je ne vous dis pas que j’ai tous les éléments, mais au moins, il y a quelque chose.

Nous avons évalué le coût total de votre plan à 290 milliards d’euros, dont 100 milliards pour la fermeture des centrales – je l’ai déjà expliqué tout à l’heure – et 190 milliards pour le développement des énergies vertes électriques. Cela ne sert à rien de remuer la tête comme cela : fournissez des chiffres, monsieur Baupin ! (Exclamations sur les bancs du groupe écologiste et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. Denis Baupin, rapporteur. Pourquoi voulez-vous payer pour fermer des centrales ? Il suffit d’éteindre. Cela ne coûte rien.

M. Julien Aubert. Ah oui ? Il n’y a aucune indemnisation de l’opérateur ? Alors là, c’est encore plus grave que je ne le pensais : non seulement il n’y a pas d’étude d’impact dans votre texte, mais en plus, il n’y a même pas d’étude d’impact dans votre tête ! (Exclamations sur les bancs du groupe écologiste et sur de nombreux bancs du groupe SRC.) Je comprends maintenant pourquoi vous voulez fermer les centrales.

M. Denis Baupin, rapporteur. Pourquoi voulez-vous que la fermeture des centrales présente un coût ?

M. Julien Aubert. C’est très grave de constater que le rapporteur n’a visiblement pas prévu que quand on ferme une centrale, cela a un impact économique. (Mêmes mouvements.)

M. Philippe Plisson, rapporteur. Quelle arrogance !

M. Denis Baupin, rapporteur. Expliquez-nous, monsieur Aubert !

M. Julien Aubert. En face de cela, j’évalue le coût du grand carénage, c’est-à-dire du choix de maintenir le réseau nucléaire actuel en lui apportant des améliorations, notamment en termes de durée de vie des centrales. Je prends le chiffre avancé par la Cour des comptes, qui est de 110 milliards d’euros pour nos cinquante-huit réacteurs. Il s’agit de prolonger vingt réacteurs…

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Jusqu’en 2050 ?

M. Julien Aubert. Il s’agit de prolonger les réacteurs. Si vous ajoutez au débat la question des horizons… Mais je pense que vous aurez l’occasion d’apporter des précisions dans le cadre de votre réponse.

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. C’est une question importante ! Voulez-vous prolonger les réacteurs pour vingt-cinq ans ? Jusqu’en 2050 ?

M. Julien Aubert. Non, pas jusqu’en 2050. Si vous aviez lu notre amendement, vous auriez vu que nous fixons plutôt l’horizon à 2040 ou 2045 – disons 2045.

Le coût du grand carénage est donc évalué à 110 milliards d’euros, selon l’estimation de la Cour des comptes. Je vous fais un tarif global : je n’essaie même pas de faire un abattement.

M. Razzy Hammadi. Livré vendu ! (Sourires.)

M. Julien Aubert. Votre plan coûte donc 290 milliards d’euros, tandis que le nôtre coûte 110 milliards. Pour que votre pari économique soit réalisé, il faut donc que les coûts de production de l’énergie verte électrique soient divisés par trois. Si vous réussissez le pari de diviser par trois, par rapport à la situation actuelle, le prix de l’éolien et du photovoltaïque, alors effectivement, la comparaison vous est favorable, puisqu’entre 290 milliards et 110 milliards, le rapport est d’un à trois. Il suffit de diviser ces montants par le nombre de kilowattheures produits pour obtenir le prix de l’énergie par usager – dans les deux cas, vous diviserez le coût total par le même dénominateur. La situation est donc simple : votre plan coûte trois fois plus cher que le grand carénage.

M. Damien Abad. Eh oui !

M. Julien Aubert. Voilà nos chiffres. Nous attendons maintenant les vôtres.

Mme la présidente. Avant de donner la parole à M. Saddier, je veux rectifier vos propos, monsieur Aubert. Je ne peux pas vous laisser dire que le choix a été fait d’accélérer le débat. Comme je vous l’ai expliqué, les séries d’amendements identiques sont incompatibles, et donc exclusives les unes des autres.

M. Denis Baupin, rapporteur. Bien sûr, c’est indiqué sur la feuille jaune !

Mme la présidente. La discussion commune de ces amendements est donc logique : il n’y a pas de choix délibéré d’accélérer le débat.

M. Julien Aubert. Ce n’est pas ce que j’ai dit !

Mme la présidente. Je ne vous demande pas de me répondre, monsieur Aubert, j’apporte juste une petite précision.

M. Julien Aubert. Laissez-moi vous répondre !

Plusieurs députés du groupe SRC. M. Aubert n’a pas la parole !

Mme la présidente. Je vous en prie, monsieur Aubert.

M. Julien Aubert. Je n’ai pas dit cela.

Mme la présidente. Si, monsieur Aubert, j’ai noté que vous aviez parlé d’un choix qui aurait été fait d’accélérer. Ce n’est pas exact.

M. Julien Aubert. J’ai dit deux choses. Premièrement, on a fait le choix de grouper les amendements, ce que je ne conteste pas, même si cela donne l’impression d’une accélération du débat. Deuxièmement, Mme le ministre a fait le choix d’accélérer la procédure en déclarant l’urgence sur ce texte.

Plusieurs députés des groupes SRC et écologiste. Mme « la » ministre !

Mme Françoise Descamps-Crosnier. De toute façon, il le fait exprès !

Mme la présidente. La parole est à M. Martial Saddier.

M. Martial Saddier. Comme le président de la commission spéciale se plaît régulièrement à rappeler à mon collègue Aubert un certain nombre de pages d’histoire de cette belle et prestigieuse maison, je me permettrai de faire une remarque à la majorité. Lorsque vous accusez l’opposition d’aujourd’hui de faire de l’obstruction, permettez-moi de vous rafraîchir la mémoire sur quelques épisodes intervenus entre 2002 et 2012, monsieur le président de la commission spéciale, mesdames et messieurs les députés qui étiez présents à l’époque…

M. Razzy Hammadi. Ce n’est pas moi, je n’étais pas là !

M. Dominique Potier. Vous allez nous parler des agissements de M. Brottes !

M. Martial Saddier. Je veux d’abord vous rappeler l’épisode des quelque 1 000 amendements déposés sur le projet de loi portant réforme des retraites. Pendant près de deux semaines, chacun d’entre vous était venu, jour et nuit, en prenant l’exemple d’une profession pêchée au plus profond de nos territoires…

M. Daniel Goldberg. Quel mépris !

M. Martial Saddier. Vous en étiez aussi, monsieur Brottes.

M. François Brottes, président de la commission spéciale. J’avais parlé des bûcherons.

M. Razzy Hammadi. C’est un combat juste !

M. Daniel Goldberg. Nous aimons les professions de notre pays !

M. Martial Saddier. Vous l’avez avoué tout à l’heure : faute avouée est à moitié pardonnée. Quand vous étiez dans l’opposition, vous n’avez pas manqué de faire obstruction au travail parlementaire.

M. Julien Aubert. Vous, monsieur Brottes ? Je ne peux pas le croire ! (Sourires.)

M. Martial Saddier. Pendant des jours et des nuits, vous étiez même allé repêcher les professions disparues pour illustrer les conséquences de la réforme des retraites que nous portions.

Je vous rappelle les nombreuses fois où vous êtes allés réveiller le président Ayrault, à vingt-trois heures, vingt-trois heures quinze ou vingt-trois heures trente précises pour qu’il demande une vérification du quorum, dans le but d’interrompre nos travaux. Je le dis sous le contrôle du président de notre groupe, Christian Jacob, qui nous a rejoints.

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Lui, il ne l’a jamais fait !

M. Martial Saddier. Enfin, je passe sous silence les textes qui ont fait l’objet de plusieurs dizaines de suspensions de séance et de plusieurs dizaines, parfois plusieurs centaines, de scrutins publics. Je veux donc vous dire, chers collègues de la majorité, madame la ministre,…

M. Jean-Patrick Gille. Que vous êtes des amateurs ?

M. Martial Saddier. …que depuis lundi après-midi, notre porte-parole, M. Aubert, a dû demander trois ou quatre scrutins publics et trois suspensions de séance.

M. Jean-Patrick Gille. Petits joueurs !

Mme Catherine Coutelle. Et sur la proposition de loi relative à l’autorité parentale et à l’intérêt de l’enfant, combien en avez-vous demandé ?

M. Martial Saddier. Je le demande solennellement : considérez-vous qu’après trois jours et trois nuits de débats, l’opposition, qui a seulement demandé trois suspensions de séance et trois ou quatre scrutins publics, se serait inscrite dans une démarche d’obstruction législative ?

Plusieurs députés du groupe SRC. Oui !

Mme Chantal Guittet. On n’avance pas, vous baratinez !

M. Martial Saddier. C’est tout simplement scandaleux. C’est inacceptable ! J’ai évoqué tout à l’heure le principe de l’alternance démocratique. Lors de la précédente législature, nous avions proposé la création de la procédure du temps programmé : vous ne l’aviez pas votée, mais vous l’utilisez et vous l’imposez à l’opposition d’aujourd’hui tout en l’ayant critiquée hier. Permettez-moi de le rappeler à vos bons souvenirs.

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. En somme, vous nous reprochez d’appliquer une procédure que vous avez votée !

M. Martial Saddier. Par ailleurs, madame la ministre, monsieur le président de la commission spéciale, je ne peux pas vous laisser dire que nous serions responsables en quoi que ce soit du déroulement des travaux. Ce n’est pas nous qui avons imposé la constitution d’une commission spéciale, et ce en fixant la durée de ses travaux à une seule semaine – nous demandions deux semaines. En commission, pendant trois jours et trois nuits, l’opposition a réalisé un travail technique et constructif ; je dois d’ailleurs reconnaître qu’un certain nombre de nos amendements ont pu être adoptés, pendant que nous disposions encore du temps nécessaire pour les défendre. Pendant trois jours et trois nuits, de manière intelligente aux yeux de nos concitoyens,…

M. Daniel Goldberg. Laissez-les en juger !

M. Martial Saddier. …nous avons pu débattre de près de 1 300 amendements, alors que le samedi, en une seule journée, toute seule, la majorité socialiste a expédié – il n’y a pas d’autre mot – 1 027 amendements, refusant de prolonger les travaux de la commission spéciale la semaine dernière, la veille de l’ouverture des débats en séance publique.

M. Damien Abad. Le travail est bâclé ! Ce n’est pas sérieux !

M. Martial Saddier. Ce n’est pas nous non plus qui avons décidé d’engager la procédure accélérée – excusez du peu –, privant le Parlement d’un aller-retour entre les deux chambres qui me semble pourtant nécessaire au bon déroulement de nos débats. Enfin, cerise sur le gâteau, après avoir bâillonné la commission, après avoir empêché la navette, vous avez décidé d’imposer le temps programmé.

Le travail de la commission a été réduit à la moitié du temps nécessaire, le temps programmé a été appliqué et la procédure d’urgence a été engagée alors même que nous parlons de décisions devant produire des effets à l’horizon 2030 ou 2050. Mes chers collègues, madame la ministre, avouez quand même qu’il est un peu fort de café de reprocher ce soir aux députés de l’opposition d’oser poser des questions de fond et débattre, alors que nous n’avons pas pu le faire complètement en commission.

Je vous repose donc la question, puisque vous n’avez pas répondu. Certes, comme le président Brottes l’a rappelé, des élections ont eu lieu en 2012 ; mais, depuis, il y a eu des élections municipales et des élections sénatoriales. Vous vous êtes donné pour objectif d’être tranquilles. Mais, et c’est probablement un record sous la VRépublique, après trois jours et trois nuits de débats, vous n’aurez pas été fichus d’aller plus loin que l’article 1er, dans un texte qui compte plus de cinquante articles. Vous allez transmettre au Sénat un texte dont un seul article aura été débattu par l’ensemble des composantes de la représentation nationale. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Daniel Goldberg. Vous reconnaissez votre stratégie !

M. Martial Saddier. Madame la ministre, monsieur le président de la commission spéciale, je vous le demande solennellement : au cas où le Sénat renverrait le texte devant l’Assemblée nationale, prenez-vous l’engagement solennel que vous ferez en sorte d’éviter que nous ayons, en deuxième lecture, les mêmes conditions de travail totalement scandaleuses qu’en première lecture ? Aurons-nous deux semaines de travaux en commission spéciale et un temps nécessaire, non programmé, pour débattre en séance publique de la bonne composition du mix énergétique ? Je ne vous le demande pas pour nous, mais pour les Françaises et les Français qui nous regardent, et pour que nous soyons tout simplement capables de répondre à une question aussi précise que celle que nous posons depuis vingt et une heures trente : quelle sera l’augmentation de la facture énergétique pour nos concitoyens ?

M. Damien Abad. C’est la question centrale !

M. Martial Saddier. Au moment où nous parlons du mix énergétique pour l’avenir de notre pays, un député de l’opposition ou de la majorité doit avoir le droit de se demander si les dispositions proposées obéreront la compétitivité économique de nos entreprises et pèseront sur la facture énergétique de nos concitoyens. C’est quand même la moindre des choses que la majorité comme l’opposition aient un commencement de début de réponse sur ce point !

Enfin, madame la ministre, même si je ne suis pas le plus ancien des députés de cet hémicycle – je commence tout de même à me situer au milieu du curseur –, je suis assez surpris. Le rôle du Parlement consiste notamment à voter le budget, à contrôler l’action du Gouvernement et l’application au quotidien des lois que nous votons. Or c’est la première fois qu’à des questions précises de l’opposition, le Gouvernement et la majorité répondent : « Avez-vous réalisé une étude d’impact ? ».

M. Damien Abad. C’est surréaliste !

M. Martial Saddier. Nous avions justement modifié la Constitution pour que le Gouvernement se présente dans l’hémicycle avec une étude d’impact précise. Or, face à des questions précises, c’est la première fois que le Gouvernement et la majorité répondent en renvoyant ces questions à l’opposition. C’est du jamais vu !

Mme Clotilde Valter. Il faut bien innover !

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. Puisque vous faites une proposition, vous avez bien dû penser à son impact !

M. Martial Saddier. Ce que vous nous proposez ce soir, c’est de voter la main sur le cœur les dépenses énergétiques qui viendront obérer le pouvoir d’achat de nos concitoyens. Isolez vos maisons, changez votre chaudière, changez votre voiture, augmentez votre facture de gazole, et surtout dormez tranquilles : on vous expliquera éventuellement comment financer tout cela dans le cadre du prochain projet de loi de finances. Franchement, ce n’est pas très sérieux. Ce n’est pas à l’honneur de la représentation nationale et du Parlement. En commission comme dans l’hémicycle, notre débat aurait mérité beaucoup mieux. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Damien Abad.

M. Damien Abad. Je rejoins complètement les propos de mon collègue Saddier.

Mme Marie-Lou Marcel. Dans ce cas, ce n’est pas la peine de les répéter !

M. Damien Abad. Sur la procédure, vous ne pouvez pas dire tout et son contraire. Vous ne pouvez pas déclarer que ce projet de loi est fondamental, qu’il nous engage pour les prochaines décennies, et en même temps appliquer le temps programmé. Sinon, cela veut dire que vous bafouez le Parlement, ou que vous accordez peu de crédit à la représentation nationale.

De deux choses l’une. Soit votre projet de loi, comme vous le dites, nous engage pour plusieurs décennies, et est fondamental pour la transition énergétique, auquel cas il mérite mieux que ce simulacre de débat et que cette procédure du temps programmé que vous avez tant vilipendée lorsque vous étiez dans l’opposition. Soit il s’agit d’un projet de loi fantaisiste, auquel cas le temps programmé a pour but d’éviter que nous ne révélions les contradictions qu’il contient.

Vous ne pouvez pas dire tout et son contraire : il faut faire un choix. Soit votre texte est fondamental, et alors vous devez reconnaître que la procédure que vous avez utilisée n’est pas adaptée. Soit vous considérez que c’est un texte secondaire, qui n’engage pas pour les prochaines décennies, et la procédure peut alors se justifier. Il s’agit là de la méthode et de la procédure.

Quant à vos réponses, madame la ministre, madame la rapporteure, bien que ce soit mon premier mandat, je tombe des nues. Voir une ministre siéger au banc du Gouvernement et répondre à une question en posant une question à l’opposition, c’est quand même un peu fort de café ! Je veux bien que l’on fasse toutes les pirouettes et toutes les acrobaties intellectuelles que l’on veut, mais répondre à une question en posant une question, ce n’est pas sérieux.

M. Julien Aubert. C’est la méthode jésuite !

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. Il s’agissait simplement de savoir si votre proposition était fondée !

M. Damien Abad. Cette attitude n’est pas au niveau du débat que nous attendons. Nous avons posé à plusieurs reprises la question de l’enjeu central, pour nous et pour les Français : celle du prix de l’énergie, celle de la facture énergétique.

Et pour une fois, madame la ministre, nous n’avons pas été déçus. Vous avez même répondu au-delà de nos espérances. J’ai bien noté – et cela sera inscrit au compte rendu des débats –, car nous allons nous donner rendez-vous dans les prochains mois et les prochaines années, que vous avez dit ce soir devant la représentation nationale que la facture énergétique des Français allait baisser.

J’ai bien noté aussi que vous avez dit que le rapport de la CRE prévoyait une augmentation de 30 % des tarifs de l’énergie, mais que grâce à votre projet de loi sur la transition énergétique, l’augmentation ne sera pas de 30 %, mais que les tarifs diminueront. Nous avons tous bien entendu vos propos, madame la ministre. Je veux bien vous faire crédit de cela. Simplement, nous allons nous donner des rendez-vous. Car lorsque vous prenez de tels engagements, à savoir la baisse de la facture énergétique des Français en pleine période de hausse des tarifs des prix de l’énergie, il va falloir les assumer.

Il ne serait ni sérieux ni respectueux des travaux du Parlement que de faire des déclarations à l’emporte-pièce et d’être obligé de les corriger ensuite en expliquant que ce sont des facteurs externes qui ont finalement aggravé le prix de l’énergie.

Honnêtement, j’aurais préféré que vous nous disiez que vous faites un choix, celui de la transition énergétique, que vous voulez réduire la part du nucléaire, que vous assumez le fait que cette réduction entraînera une hausse des prix de l’énergie, et que vous allez essayer de contenir cette hausse en prenant des mesures correctrices.

Le fait de ne pas assumer vos choix est bien pire. Non seulement vous affirmez que vous allez réduire la part du nucléaire dans le mix énergétique, mais qu’en plus, vous allez réduire la facture énergétique des Français. Si vous y réussissez, je vous dirai : bravo, mais j’aimerais que vous m’expliquiez comment vous y arriverez.

Pour ma part, j’aurais préféré entendre un discours de vérité. Je pense que les Français sont mûrs pour l’entendre. Ils en ont assez de la course aux promesses, des objectifs inatteignables qui ne créent que de la frustration. Ils en ont assez d’entendre tout et n’importe quoi. Ce soir, nous aurions aimé vous entendre dire : « J’ai fait un choix, un pari, celui de la transition énergétique. Ce pari aura un coût, un prix. Il aura des conséquences pour les Français, mais nous ferons tout pour le contenir au maximum. »

Vous auriez pu ainsi justifier votre politique par le chèque énergie ou par d’autres dispositions que vous souhaitez prendre pour lutter contre la précarité énergétique. Mais venir nous dire, comme vous le faites ce soir, que la facture énergétique des Français va diminuer, et qu’elle va diminuer grâce à vos choix stratégiques et énergétiques, c’est se moquer du monde et cela manque cruellement de sérieux.

Comme beaucoup de mes collègues, j’aurais préféré, à défaut d’obtenir des chiffres et d’avoir des trajectoires précises, entendre au moins un discours de vérité et vous entendre assumer vos convictions et vos positions. Pour notre part, nous pensons que l’équation qui consiste à réduire la part du nucléaire dans le mix énergétique tout en maintenant ou augmentant le pouvoir d’achat des Français en maîtrisant la facture énergétique est une équation impossible, irréaliste. Tout au contraire, vous allez faire exploser notre modèle social et notre modèle énergétique. Ce n’est pas avec des rustines comme le chèque énergie, ou d’autres, que vous allez corriger cela.

En vous entêtant dans vos choix et en n’assumant pas leurs conséquences politiques, économiques, sociales et environnementales, vous êtes bien loin de la réalité de la transition énergétique française. Plus les Français vont se rendre compte des conséquences de celle-ci, plus ils la rejetteront lorsqu’ils verront la facture énergétique. Après les débats que nous avons eus sur le matraquage fiscal, incessant et impétueux, je ne voudrais pas que les Français viennent nous voir dans nos circonscriptions pour se plaindre que leur facture énergétique a explosé non pour des facteurs externes, mais parce que ce gouvernement a fait des choix stratégiques visant à réduire la part du nucléaire, qui constitue notre dernier avantage comparatif. Je trouverais cela regrettable et c’est pourquoi je souhaiterais que vous assumiez vos positions. À défaut d’être d’accord avec nous, vous en seriez au moins sortis grandis. Aujourd’hui, nous subissons la double peine : d’une part, vous n’assumez pas vos convictions et d’autre part, la facture énergétique augmentera. Mais je vous donne rendez-vous dans les prochains mois et les prochaines années. Seuls les faits nous départageront et seuls les Français jugeront.

Mme la présidente. La parole est à M. Bertrand Pancher.

M. Bertrand Pancher. Je ne sais pas si c’est la fatigue, madame la ministre, à moins que cela ne soit la mienne qui explique que je n’ai pas tout compris. Je ne sais pas si c’est une technique de votre part que de répondre à la provocation par une autre provocation. Mais vous avez fait preuve d’un tel aplomb dans vos affirmations que cela n’a pas fini de me surprendre.

Je n’arrive toujours pas à comprendre pourquoi vous ne posez pas le constat que les tarifs de l’électricité vont forcément augmenter.

M. Martial Saddier et M. Damien Abad. Bien sûr.

M. Bertrand Pancher. Vous dites à tout le monde que rien ne va bouger parce que vous bloquez les tarifs et, en même temps, vous regrettez que la dette de la CSPE soit aussi élevée : ce n’est pas la moindre des contradictions. On sait très bien que si le montant de la CSPE est aussi élevé, c’est parce que l’on n’a pas régulièrement augmenté comme il le fallait les tarifs de l’électricité.

Vous êtes au pouvoir depuis maintenant deux ans et demi, vous ne pouvez donc pas, en permanence, rejeter la responsabilité sur l’ancienne majorité. Nous avons tous collectivement fait le choix de nous engager dans les énergies renouvelables et il faudra de toute évidence en faire davantage. Cela ne sera pas simplement équilibré par une parité des prix avec l’énergie nucléaire – il est probable que cela soit le cas un jour, mais tel n’est pas le cas pour l’heure. Par conséquent, il n’y a pas d’autre alternative que de continuer à augmenter le prix de l’électricité.

Mme la présidente. La parole est à M. Christophe Bouillon.

M. Christophe Bouillon. Depuis quelques jours maintenant, chacun a conscience que nous assistons à la chronique d’un départ annoncé.

M. Julien Aubert. Celui du Gouvernement ?

M. Damien Abad. De la ministre ? Rappelez Batho !

M. Christophe Bouillon. L’on comprend, surtout ce soir, l’attitude de nos collègues UMP. Même si vous n’aimez pas le mot, il faut bien constater que vous faites de l’obstruction.

M. Damien Abad. Non.

M. Christophe Bouillon. Je vais vous faire plaisir, chers collègues, et surtout à Julien Aubert qui aime les définitions de l’Académie française en vous en livrant une : l’obstruction est « l’action de freiner, d’entraver la marche de quelque chose ; pratiquer l’obstruction dans une assemblée décrit la manœuvre tendant à retarder ou à empêcher l’adoption d’une mesure et d’un texte. »

M. Julien Aubert. Vous avez donc un dictionnaire !

M. Christophe Bouillon. C’est ce que vous faites depuis plusieurs jours. Voulez-vous des chiffres ? Je vais vous en donner. S’agissant de vos amendements, vous en avez déposé près de 600 en commission spéciale et 1 400 en séance. Au regard de tels chiffres, on pourrait se dire que vous avez énormément travaillé pour proposer au débat dans l’hémicycle des propositions nouvelles, des idées qui pourraient enrichir et améliorer le texte. Que nenni ! Sur ces 1 400 amendements, plus des deux tiers sont des amendements répétitifs, déposés en triple exemplaire, voire plus. Vous en avez ces jours-ci fait la démonstration.

Vous avez, et M. Saddier se faisait tout à l’heure le chroniqueur du passé, eu recours à une pratique bien connue, celle de l’amendement miroir. Vos assistants parlementaires ont dû s’activer pour multiplier les mêmes amendements. En fait, sur ces 1 400 amendements, seuls 475 sont réellement originaux. Vous disposiez de douze heures trente pour les défendre. Le groupe SRC a quant à lui déposé 515 amendements et dispose de huit heures trente pour les soutenir. Nous nous sommes organisés pour défendre nos amendements dans l’hémicycle et nous sommes en mesure de le faire.

M. Damien Abad. Vous êtes pour le temps programmé ?

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. Pourquoi êtes-vous contre aujourd’hui alors que vous y étiez favorable hier ?

M. Christophe Bouillon. Tout cela pour vous dire que cela est possible. Mais il est vrai que cela vous aurait détourné de la manœuvre qui est la vôtre. Car depuis le début des débats, vous avez délibérément opté pour la chronique d’un départ annoncé. Nous le savons, vous avez depuis le début l’intention de quitter l’hémicycle parce que vous cherchez une raison pour ne pas voter ce texte.

Depuis quelque temps maintenant, vous avez, comme un sparadrap à vos chaussures, le Grenelle.

M. Damien Abad. Ne nous parlez pas de chaussures ! Rappelez-vous le cireur de chaussures à l’Élysée !

M. Christophe Bouillon. Il y avait le Grenelle I que nous avions voté. À l’époque, vous aviez ressenti l’urgence de la question climatique, la nécessité de s’engager fortement dans une transition énergétique. Cela a du reste été rappelé à maintes reprises dans le débat, huit Français sur dix la souhaitent, huit dirigeants d’entreprises sur dix souhaitent que l’on puisse mener de façon urgente la politique de transition énergétique.

M. Damien Abad. Mais 80 % ne savent pas ce qu’est la transition énergétique.

M. Christophe Bouillon. Depuis le début, vous cherchez à tourner le dos à cette période que certains regrettent sans doute, à savoir celle du Grenelle.

Puisque l’on parle de temps programmé, je rappelle que trente heures de débat avaient été prévues pour le Grenelle II, alors que le projet comportait deux fois plus d’articles. Pour ce qui nous concerne, nous avions déposé un certain nombre d’amendements que nous avons défendus jusqu’au bout. Je rappelle également que 1 400 amendements avaient été déposés et nous sommes allés jusqu’au bout de la discussion dans l’hémicycle. Nous avions en effet opté pour une démarche de responsabilité, à savoir celle qui consiste à défendre nos amendements jusqu’au bout afin de contribuer au débat. Si nous avions voté le Grenelle I, c’est parce que nous étions d’accord avec les objectifs poursuivis, et parce que, le président de la commission spéciale l’a rappelé, vous nous aviez convaincus qu’il était important que, sur ce sujet, la France parle d’une seule voix à la veille de sommets européens. Si nous avions pu observer un recul déjà perceptible au moment du Grenelle II, nous avons néanmoins choisi une démarche responsable.

Depuis le début de nos travaux, nous vous avons proposé – et j’en félicite Mme la ministre – une démarche de co-construction.

M. Damien Abad. Ce n’est pas vrai.

M. Julien Aubert. On est obligé de supporter cela ?

M. Christophe Bouillon. Vous avez parlé du temps qui a été fixé pour ce débat. Soyons sérieux. Depuis deux ans, de nombreux acteurs ont participé au débat national sur la transition énergétique : associations, ONG, syndicats, acteurs majeurs de la transition énergétique et de l’énergie en général ont contribué à cette réflexion. Les CESER comme la commission nationale du débat sur la transition énergétique ont donné des avis. Bref, chacun a pu s’exprimer. Et depuis plusieurs mois, on connaît la teneur de ce projet de loi.

Il a été procédé à plus de quarante heures d’audition – je rappelle ces chiffres parce que je crois qu’ils sont éclairants –, et pas moins de 206 acteurs du monde de l’énergie sont venus devant nous pour donner leur sentiment sur ce texte de loi majeur. Il y a eu plus de quarante-cinq heures de discussion en commission spéciale.

M. Damien Abad. Trente-cinq.

M. Christophe Bouillon. Et vous le savez comme moi, il n’y a pas de temps programmé en commission spéciale. Nous étions présents le samedi, vous n’y étiez pas et nous le déplorons.

M. Julien Aubert. Vous ne vouliez pas nous écouter.

M. Christophe Bouillon. Vous auriez pu être présents car votre argument sur la tenue des élections sénatoriales ne tenait pas la route une seule seconde. Vous savez comme moi que les élections sénatoriales ne concernaient pas tous les départements et parmi les membres de la commission spéciale dans vos rangs, il y avait des parlementaires qui n’étaient pas concernés par ces élections. (« Lesquels ? » sur les bancs du groupe UMP.)

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Sept !

M. Christophe Bouillon. Comme nous, ils pouvaient rester jusqu’au bout pour défendre nombre d’amendements.

Depuis le début, nous sommes dans une démarche de coproduction. Nous l’avons montré au sein de la commission spéciale et nous le montrons encore aujourd’hui. La preuve en est l’adoption, après discussion, par le Gouvernement d’un certain nombre d’amendements émanant de différents groupes.

Je veux aussi insister sur le travail des cinq rapporteurs, qui ont contribué à faire avancer le texte dans le bon sens. D’un côté, une obstruction, certes polie, que vous voulez déguiser, mais qui a été programmée parce que depuis le début, c’est le récit que vous voulez écrire.

M. Julien Aubert. On a compris !

M. Denis Baupin, rapporteur. Nous vous avons écouté, monsieur Aubert. Vous pourriez en faire de même !

M. Julien Aubert. Maintenant, c’est la majorité qui fait de l’obstruction.

M. Martial Saddier. Assumez votre échec !

M. Christophe Bouillon. De l’autre, une co-construction assumée et apaisée.

Depuis le début, vous nous parlez de l’ « Autre débat ». Il aurait pu vous amener à adopter une autre attitude que celle d’une opposition systématique. Vous avez choisi l’obstruction, c’est bien dommage car vous montrez aux Français que vous ne souhaitez pas que la France puisse se doter d’un texte qui est bon pour l’environnement, bon pour l’emploi et bon pour le pouvoir d’achat des Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Julien Aubert. C’est du recyclage.

Mme la présidente. La parole est à M. Christian Jacob.

M. Christian Jacob. Monsieur Bouillon, sauf erreur de ma part, je ne me souviens pas que le temps programmé ait été appliqué pour le Grenelle.

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Il l’a été pour le Grenelle 2 !

M. Christian Jacob. En tout cas, je ne pense pas qu’il ait été limité à 30 heures.

Par ailleurs, la question que nous sommes tous en droit de nous poser est de savoir pour quelles raisons, politiquement, vous avez décidé de bâcler ce texte.

M. François de Rugy. Voilà deux ans et demi qu’on en parle !

M. Christian Jacob. Eh bien, justement ! Nous vous avons entendu dire à plusieurs reprises que ce texte était en gestation depuis deux ans. Pourquoi donc, après avoir attendu deux ans pour l’inscrire à l’ordre du jour, et une fois qu’il est inscrit, pourquoi ne réserver que trois jours à son examen en commission ?

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Trois jours et une nuit !

M. Christian Jacob. Cela ne change rien.

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Cela change tout !

M. Christian Jacob. Mais non, absolument rien. Faut-il citer les propos qu’a tenus le président de notre assemblée, dans sa conférence de presse, sur les cadences infernales ? M. Bartolone a évoqué l’usage à répétition du temps programmé, jugeant que ce n’était pas raisonnable, et rappelé que, durant les deux premières années de la XIIe législature, sous laquelle le temps programmé a été créé, celui-ci a été appliqué à 23 reprises, puis 57 fois dans les deux premières années de la XIIIe législature, et que vous l’avez utilisé 110 fois.

M. Damien Abad et M. Julien Aubert. Incroyable !

M. Martial Saddier. Scandaleux !

M. Christian Jacob. Ce n’est pas moi qui le dis, mais le président de notre assemblée.

Vous avez donc décidé de bâcler ce texte, qui est en gestation depuis deux ans. Vous l’inscrivez au dernier moment et il ne fait l’objet que de trois jours de débats en commission. En outre, vous avez recours à la procédure d’urgence. Au nom de quoi recourir à l’urgence pour des mesures dont l’application est prévue pour 2030, voire pour 2040 ou 2050 ? Cela ne peut s’expliquer que par une volonté politique de bâcler ce texte.

Plusieurs députés du groupe de l’UMP. Eh oui !

M. Christian Jacob. Non seulement vous recourez à la procédure d’urgence, mais vous appliquez aussi le temps programmé, en le limitant en outre à 30 heures.

M. François de Rugy. Vous n’avez pas demandé de temps supplémentaire.

M. Christian Jacob. Avez-vous demandé davantage de temps ? J’ai du reste très clairement contesté en Conférence des présidents – vous étiez présent, monsieur de Rugy – tant le recours à la procédure d’urgence que l’application du temps programmé. La majorité étant majoritaire, comme on nous le répète régulièrement, vous avez décidé d’appliquer le temps programmé et de le limiter à 30 heures, puis de limiter les débats en commission. Ce n’est pas moi qui ai fait cette proposition, ni vous non plus, cher collègue, mais le groupe socialiste.

Pour des raisons politiques qui m’échappent un peu, et qui sont peut-être liées à des arbitrages internes, vous avez décidé de bâcler ce texte. Assumez-le donc jusqu’au bout.

Pour la seconde lecture, M. Saddier vous demande au moins de prendre l’engagement de consacrer à ce texte, pour y travailler sérieusement, un minimum de deux semaines en commission et le temps qui sera nécessaire dans l’hémicycle.

Puisque vous contestez la citation que je viens de faire des propos du président Bartolone, permettez-moi de citer le texte de la conférence de presse qu’il a tenue ce matin : « les cadences imposées sont devenues intenables. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : si l’on s’en tient aux deux premières années, la procédure accélérée a été engagée 23 fois sous la XIIlégislature, 57 fois sous la XIIIe et 110 fois sous la XIVe législature ».

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Il ne s’agit pas du temps programmé, mais de la procédure accélérée.

M. Christian Jacob. Au temps pour moi ! Il n’empêche que votre décision de recourir ainsi à l’urgence n’a pas d’autre explication que votre désir de squeezer ou de bâcler le débat, ou de trouver je ne sais quel arbitrage interne.

Mme la présidente. Cette correction s’imposait. Les chiffres que vous avez cités, monsieur Jacob, se réfèrent en effet à la procédure accélérée pour les XIIe, XIIIe et XIVe législatures respectivement. Le temps programmé, quant à lui, a été utilisé 32 fois sous la précédente législature et 14 fois sous l’actuelle. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. Pour une moitié de législature, c’est moins que 16 !

Mme la présidente. Je ne fais que donner les chiffres tels qu’ils figurent au compteur et ne puis vous dire ce qui se passera dans les deux ans et demi qui viennent.

La parole est à M. le président de la commission spéciale.

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Monsieur le président Jacob, vous savez bien que le temps programmé n’a pas été inventé au début de la législature précédente et qu’il a été utilisé à tour de bras dès son instauration. Vous n’avez pas eu une législature complète pour utiliser le temps programmé, mais vous vous êtes saisis de cette procédure, de telle sorte que les textes étaient systématiquement examinés en urgence et en temps programmé, ce qui n’a rien à voir avec notre propre pratique.

Sur la méthode, beaucoup de choses ont déjà été dites. L’urgence, ce n’est pas la panique. L’urgence, cela veut dire que le texte fait l’objet d’une lecture devant notre assemblée et d’une lecture au Sénat, avant de revenir pour une nouvelle lecture à l’Assemblée nationale. Compte tenu du temps que l’on met à débattre d’un texte, à publier les décrets et à appliquer les actions dans la société, qui les attend avec impatience, il ne faut pas, en effet, perdre de temps.

M. Christian Jacob. Pourquoi, alors, ne procédez-vous pas ainsi pour tous les textes ?

M. François Brottes, président de la commission spéciale. C’est une évidence et ce principe a du reste été appliqué par de nombreuses majorités.

Pourquoi, maintenant, appliquer le temps programmé dans la présente séquence ? Monsieur Jacob, vous qui m’avez tout appris, ou presque, vous savez que des contraintes constitutionnelles imposent à l’examen de la loi de finances un calendrier très contraint et très précis et qu’en tout état de cause, si nous n’avions pas terminé le débat sur ce texte à la fin de cette semaine, il aurait été reporté après la loi de finances.

M. Martial Saddier. Et alors ? Nous parlons de 2030, et même de 2050 !

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Le choix qui a été fait est que, pour que nous puissions adopter définitivement ce texte avant la fin de l’année, il devait être voté en première lecture avant la loi de finances. Vous le savez pertinemment et je ne veux donc pas polémiquer sur ce point, car vous avez les éléments de réponse aux questions que vous nous avez posées.

M. Christian Jacob. C’est vous qui êtes maîtres de l’ordre du jour !

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Je reviendrai également sur les éléments rappelés par M. Bouillon. La ficelle est grosse, en effet : votre logique consiste à démontrer que vous pouvez utiliser l’intégralité de votre temps de parole avant même que l’article 1er soit voté. Nous y sommes.

M. Julien Aubert. C’est un procès d’intention !

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Monsieur Aubert, vous nous avez dit à plusieurs reprises que vous aviez déposé des milliers d’amendements qui n’avaient pas pu être débattus. Vous en avez en effet déposé 1 421, en disposant d’un temps de parole qui n’est pas de 12 heures 25, mais de 13 heures 25, puisqu’il faut compter l’heure supplémentaire à laquelle a droit M. le président Jacob en sa qualité de président de groupe. Vous aviez donc 13 heures 25 pour débattre, non de 1 421 amendements, mais de 473 amendements différents. Vous avez donc largement le temps de défendre sereinement et tranquillement l’ensemble de ces amendements.

M. Martial Saddier. La preuve que non !

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Bien évidemment, quand on répète quinze fois la même chose, c’est sûr que ça prend un peu de temps…

M. Martial Saddier. Nous sommes obligés de répéter nos questions puisque nous n’obtenons aucune réponse !

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Je tenais à ce que tout le monde sache que vous avez décidé a priori d’adopter cette attitude d’obstruction – que toutes les oppositions ont du reste adoptée.

M. Julien Aubert. Arrêtez donc !

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Pour en revenir au fond, car c’est ce qui importe, vous avez donné des chiffres relatifs à la prolongation et à l’arrêt des centrales.

M. Julien Aubert. On y arrive enfin !

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Le rapport signé par M. Denis Baupin, reprenant les éléments fournis par la Cour des comptes, retient le chiffre de 110 milliards d’euros, tandis que vous avancez quant à vous celui – très exagéré selon moi – de 100 milliards d’euros en cas de démantèlement. En tout état de cause, vous venez de démontrer que nous parvenions à des chiffres identiques pour la prolongation et pour l’arrêt des centrales.

Vous avez ensuite évoqué la date de 2050.

M. Julien Aubert. 2045 !

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Imaginez-vous une seule seconde qu’il ne faudrait pas avoir changé tous les réacteurs pour qu’ils continuent de fonctionner en 2050 au niveau que vous envisagez ? Il n’est pas sérieux de citer les chiffres que vous évoquez pour évaluer les conséquences financières et économiques d’une prolongation du parc actuel jusqu’à 2050 – sans parler des difficultés techniques.

Ce que je prends très au sérieux, en revanche – et Mme la ministre s’est également exprimée sur ce point –, c’est que vous êtes d’accord pour que le nucléaire représente 50 % du mix électrique français en 2030.

M. Julien Aubert. Vous entendez ce que vous avez envie d’entendre ! Nous ne sommes pas « d’accord » pour 2030 !

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Vous avez bien proposé 2030. Nous ne sommes donc pas très loin les uns des autres et je vois se dessiner peu à peu une certaine unanimité, sur tous les bancs de l’Assemblée nationale, …

M. Julien Aubert. C’est très drôle ! Vous devriez faire du théâtre, monsieur Brottes !

M. François Brottes, président de la commission spéciale. … pour envisager, à une échéance qui n’est pas très lointaine de l’horizon 2025-2030, une répartition beaucoup plus équilibrée du mix électrique. Il faut nous réjouir de ce moment …

M. Julien Aubert. Allons donc !

M. François Brottes, président de la commission spéciale. … qui, à l’issue de débats un peu longs, montre finalement que vous avez un certain sens de la responsabilité, qui vous honore. Je voulais me féliciter de cette avancée car, si elle ne vous conduit pas à vous ranger pleinement à notre texte, vous n’êtes pas très loin de la limite que nous souhaitons nous fixer pour objectif.

M. Julien Aubert. C’est incroyable !

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Par ailleurs, vous raisonnez toujours comme si le modèle ancien devait être le modèle futur.

M. Martial Saddier. Pourquoi dites-vous cela ?

M. François Brottes, président de la commission spéciale. En réalité, la transition énergétique est un modèle nouveau : parce qu’il y aura des économies d’énergie du fait de la réhabilitation thermique des bâtiments, parce qu’il n’y aura plus de pointes car on saura lisser la consommation d’électricité, parce qu’il n’y aura plus d’intermittences car on saura stocker l’électricité, …

M. Julien Aubert. Vous êtes un prophète, monsieur Brottes – mais nul n’est prophète en son pays !

M. François Brottes, président de la commission spéciale. … parce que ces technologies sont matures et maîtrisées, et qu’il ne reste plus qu’à poser le modèle économique – ce qui est précisément l’objet du texte que nous examinons –, on ne raisonnera plus comme avant.

Réussir la transition énergétique, comme l’a justement souligné Mme la ministre, c’est donc redonner des marges à nos concitoyens et, surtout, de l’air à la planète. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. Monsieur le président Jacob, je précise qu’il est de droit pour tout président de groupe de demander en Conférence des présidents que le temps législatif programmé soit porté, une fois par session, à 50 heures. Sauf erreur, cette demande n’a pas été formulée pour ce texte.

La parole est à M. Christian Jacob.

M. Christian Jacob. Comme je l’ai indiqué en Conférence des présidents, nous contestons tout d’abord la procédure d’urgence, dont l’application aboutit aujourd’hui à un texte bâclé. Ensuite, lorsque vous décidez envers et contre tout d’appliquer le temps programmé, ne nous demandez pas de cautionner cette procédure.

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. C’est facile !

M. Christian Jacob. J’ajoute que, lorsque j’ai demandé, à propos d’un autre texte, de porter le temps programmé à 50 heures, cela m’a été refusé, alors que c’était de droit – on m’a expliqué, comme toujours, que la majorité était majoritaire. De toute façon, j’ai dit que je refusais de cautionner cette procédure qui vise à bâcler le texte.

Si vous aviez l’intention d’avoir un vrai débat, le président pouvait porter le temps programmé à 40 ou à 50 heures. Tous les groupes de la majorité pouvaient le demander. Or, vous n’avez pas fait ce choix. Ayez au moins le courage politique d’assumer vos décisions.

Mme la présidente. Je ne sais pas pourquoi vous vous adresser à moi, monsieur le président. Je ne faisais qu’expliquer à tous nos collègues – qui, par définition, ne participent pas tous à la Conférence des présidents – comment le temps programmé peut éventuellement être porté à 50 heures. Cette mesure est de droit une fois par session, à la demande d’un président de groupe.

La parole est à M. Julien Aubert.

M. Julien Aubert. M. Bouillon, que j’aime beaucoup par ailleurs, et le président de la commission spéciale, nous ont donné un exemple typique de ce que les Français détestent : c’était du cinéma. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Parole d’expert !

M. Philippe Plisson, rapporteur. C’est un spécialiste qui parle : The Artist !

M. Julien Aubert. Regardez comment vous récompensez le travail de coopération de l’opposition : c’est un très bon exemple. Nous vous expliquons que 2025 n’est pas la bonne date. Pendant deux heures, nous obligeant à nous répéter, vous faites mine de comprendre que nous voulons 100 % de nucléaire et que nous sommes opposés à un objectif de 50 %. Au bout de deux heures durant lesquelles nous expliquons que le problème est celui de la date que l’on fixe pour atteindre cet objectif, vous nous reprochez d’avoir beaucoup parlé et fait de l’obstruction. Lorsque nous déposons des amendements évoquant cette date, nous vous proposons plusieurs hypothèses, en précisant que nous préférons un objectif plus lointain, à savoir 2045, ou 2040 – c’est ce que nous aurions dit si nous avions eu l’occasion de parler d’une manière différenciée. Il est indiqué noir sur blanc que 2030 est une proposition de repli par rapport aux autres dates butoirs proposées. En d’autres termes, monsieur le président, cela signifie – car vous avez moins de pratique parlementaire qu’on ne vous en prête –, que cette date, qui est celle qui nous convient le moins parmi toutes celles que nous proposons, nous paraît encore préférable à toutes celles que vous proposez. Il est donc d’une mauvaise foi caractérisée d’affirmer que l’opposition propose la date de 2030.

Pendant deux heures, vous nous avez accusés d’être pour le tout nucléaire et contre les 50 %, alors que nous vous expliquions que nous voulions discuter de la date. Et lorsque nous en venons à discuter de la date, au lieu de réfléchir aux enjeux, vous faites mine de considérer que notre dernier amendement de repli reflète notre position, ce qui vous permet de dire : « Finalement, on est d’accord sur la date ! » Quel bel exemple de débat, monsieur le président, quelle bonne foi !

Il suffit de savoir lire. Il faut aussi compter. En matière de chiffrage, nous avons passé des heures et des heures à vous dire quel était le chiffrage du plan que vous souhaitiez mettre en œuvre. Pour que le président annonce qu’il va proposer un chiffrage alternatif, il faut attendre minuit et quart, le dernier jour de débat !

Plusieurs députés du groupe SRC. Le dernier jour, pour vous !

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Quel aveu !

M. Julien Aubert. Vous vous trompez, chers collègues…

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Faute avouée, à moitié pardonnée !

M. Julien Aubert. Non, non, vous vous trompez, c’est bien le dernier jour de débat ! Vendredi sera un jour de monologue. Rappelez-vous ce que vous avez fait en commission spéciale : nous avons eu trois jours de débat ; vous avez eu un jour de monologue. Ne mettez pas le monologue dans le débat, chers collègues, car lorsque l’on discute tout seul devant la glace, on peut se dire : « Miroir, mon beau miroir ! », mais ce n’est pas un débat. Pour avoir un débat, il faut être deux. D’ailleurs, nous venons d’avoir un débat, mais nous n’avons pas eu un échange. Car nous avons émis des arguments, et il a fallu attendre, je le répète, minuit et quart, le dernier jour du débat, pour que le président de la commission spéciale dise : « C’est vrai, on me propose un chiffrage, je relève le défi. »

M. Philippe Plisson, rapporteur. C’est Fernandel… en moins drôle !

M. Julien Aubert. Un calcul sur un coin de table, en doublant les 100 milliards…Vas-y que j’t’enfume !

Non, ce n’est pas sérieux. Mais je m’aperçois que vous savez compter, puisque je constate que tant Christophe Bouillon que le président Brottes ont passé de longues heures à dénombrer les amendements de l’opposition, en distinguant ceux qui sont identiques et ceux qui sont différents. Visiblement, nous ne disposons pas du même temps : tandis que nous, pauvres hères, rédigions nos amendements pour essayer d’être à l’heure dans le cadre de la procédure accélérée, vous, président, aviez toute latitude de faire la distinction entre nos amendements. Avez-vous pu dresser des statistiques ? Cela nous intéresserait, car, pour notre part, nous n’en avons pas eu le temps !

Notre collègue Christophe Bouillon nous a accusés de faire de l’obstruction. Non, nous avons simplement essayé de faire passer des idées. Comme vous ne nous écoutez pas, nous répétons nos arguments. Ensuite, vous nous accusez de répéter.

C’est en fait un problème de terminologie. Et puisque j’ai réussi à vous convaincre que le dictionnaire a parfois de l’intérêt, voici la définition qu’il donne du terme « opposition » : « Étymologie : du latin oppositus, placé devant, situé en face, opposé, contraire, venant du verbe opponere, placer pour faire obstacle, placer contre, placer en face, opposer. […] En politique, l’opposition désigne l’ensemble des mouvements et partis qui s’opposent aux forces politiques détenant le pouvoir. Dans un régime représentatif, c’est un élément essentiel du pluralisme démocratique…

M. Philippe Plisson, rapporteur. Christine Boutin lisait la Bible, vous lisez le dictionnaire : on progresse !

M. Julien Aubert. …En démocratie, l’opposition permet aux citoyens d’être informés de manière contradictoire sur la politique conduite par le Gouvernement et de leur proposer une alternative politique, sur la base d’un programme qui doit être réalisable. »

M. Philippe Plisson, rapporteur. C’est le Petit Aubert ! (Rires.)

M. Julien Aubert. Mais dans le cas précis, c’est l’opposition qui avait un programme réalisable, tandis que vous, vous n’aviez pas de programme chiffré. Évidemment, cela nous a quelque peu gênés : lorsque l’on arrive en séance avec plus de chiffres et de réalisme que le Gouvernement qui est censé avoir préparé la copie, on se demande si, finalement, on n’a pas récupéré le pouvoir trop tôt, ou si une inversion des pôles n’est pas survenue !

En fait vous avez un problème avec le débat parlementaire, avec l’échange, avec la liberté d’expression. Lorsqu’un député de l’opposition s’exprime, c’est forcément pour faire de l’obstruction. Que vous soyez capables de nous accuser, avec une mauvaise foi caractérisée, d’être pour le tout nucléaire, après que nous avons tenté pendant des heures de vous convaincre que nous voulions discuter du champ d’horizon du nucléaire, cela caricature votre position.

Et lorsque je vois que le Gouvernement préfère lire ses courriers pendant les débats, je réalise que l’opposition, en réalité, ne sert pas à grand-chose. C’est la raison pour laquelle, effectivement, le vrai débat s’arrête là.

Monsieur le président Brottes, madame le ministre, j’ai un regret : que vous ayez pu dire que l’opposition avait dès le départ l’intention d’épuiser son temps de parole avant que l’examen de l’article 1er soit achevé. J’ai certes quelques défauts, mais ceux qui me connaissent bien savent que je suis sincère. Si j’ai envie de mentir, je mens ; mais quand je veux dire la vérité, je la dis. (Sourires.) Je vais donc vous dire le fond de ma pensée.

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Un grand moment !

M. Julien Aubert. Je n’ai pas passé six mois à travailler sur ces questions, je n’ai pas passé quarante-cinq heures avec mon collègue Daniel Fasquelle à arbitrer des débats de la société civile sur l’énergie, pour me faire plaisir avec une série d’amendements bidons, aux fins d’obstruer le processus parlementaire ! Ceux qui étaient en commission pourront témoigner du fait que nous n’avons pas essayé de faire de l’obstruction et que nous avons tenté d’enrichir le débat.

M. François Brottes, président de la commission spéciale. C’est exact.

M. Julien Aubert. Nous avons un désaccord sur la procédure qui, de notre point de vue, devait nous laisser le temps d’examiner l’intégralité des articles. Je maintiens qu’en une journée, ça n’était pas possible.

S’agissant de l’attitude de l’opposition, j’ai clairement expliqué à Mme le ministre que nos dix propositions clés, sous la forme d’amendements, étaient sur la table. J’ai interrogé Mme le ministre à trois reprises, par une question orale lors des débats parlementaires, dans le cadre de son audition, et lors des questions sans débats. Je lui ai parlé de notre débat sur la transition énergétique et lui ai présenté nos propositions, notre doctrine. À aucun moment, le Gouvernement n’a reconnu que l’opposition avait effectué un travail.

Parce que c’est cela que les Français attendent. Ils ne souhaitent pas de l’opposition qu’elle vienne les mains dans les poches, en critiquant ce que fait le Gouvernement. Nous avons fait un travail ; nous vous l’avons donné.

Du fond du cœur, j’aurais souhaité que Mme Royal nous dise qu’elle était prête à retenir, non pas tout, mais une partie de nos propositions, tel l’objectif du zéro charbon, ou la création d’un commissariat à la transition énergétique, des propositions sur lesquelles nous pouvons nous rejoindre. Je comprends que le Gouvernement ne puisse accepter certaines propositions, sur le potentiel nucléaire par exemple, non pas sur le principe, mais en raison des accords politiques qui le lient.

C’est toute la différence entre une loi de co-construction, qui aurait repris certaines propositions très concrètes de l’opposition, issues d’un diagnostic long et, à mon avis, raisonnables, et le rejet strict de tout amendement de l’opposition. Cela signifie que, pour vous, tout le travail préparatoire que nous avons fait ne sert à rien. Si l’on veut valoriser le travail parlementaire, il ne faut pas que la majorité se permette de dire : vous avez juridiquement tort parce que vous êtes politiquement minoritaires. C’est trop facile. Nous sommes politiquement minoritaires, mais nous avons travaillé sur ce sujet. Je ne laisserai pas dire que l’opposition a voulu sciemment faire capoter ce projet !

Le temps qui a été alloué n’est à la hauteur ni de l’enjeu ni du nombre d’articles. Qu’on le veuille ou non, il est impossible d’examiner sereinement 65 articles en vitesse accélérée. Nous sommes très nombreux, il y a eu des débats, et, effectivement, quand les écologistes parlent, nous avons envie de leur répondre, car ils disent quand même beaucoup de coquilles…

M. François de Rugy. Vous aviez un autre mot sur le bout de la langue !

M. Julien Aubert. Je ne dis pas beaucoup de « bêtises », mais beaucoup de « coquilles » !

C’est tout simplement une question d’approche. Si Mme le ministre avait accepté de conclure un accord, l’opposition aurait pu s’abstenir. Elle aurait pu même voter pour si, par exemple, sur le nucléaire, qui est le point central du texte, nous étions parvenus à vous convaincre sur le potentiel nucléaire.

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. Et retenu la date de 2030 ?

M. Julien Aubert. Mais cette démarche n’a jamais été initiée, ni en commission, où nous n’avons pu examiner que cinq ou six de nos propositions, ni dans l’hémicycle. Il ne faut donc pas vous étonner si, effectivement, nous en sommes venus à nous dire qu’il valait mieux se battre sur de grands principes, puisque, sur les points concrets, nous n’étions pas écoutés. C’est ce que nous avons fait, faisant valoir nos arguments, tentant de défendre une filière nucléaire. Croyez-moi, ce soir, nous en sommes fiers !

Mme la présidente. La parole est à M. Martial Saddier.

M. Martial Saddier. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission spéciale, madame la rapporteure, que retiennent les gens qui nous écoutent et nous regardent ?

M. Philippe Plisson, rapporteur. Que c’est le Grand-Guignol ! Que c’est une parodie de démocratie ! Que votre attitude est d’un ridicule achevé !

M. Martial Saddier. Si vous décidez de lever la séance dans quarante minutes, madame la présidente, nous n’aurons toujours pas la réponse à une question très précise, qui a commencé d’être posée à 21 h 30. Je suis un couple, je suis un retraité, j’ai un, deux ou trois enfants ; quelle que soit ma situation, ma facture annuelle d’électricité s’élève à x euros aujourd’hui. Avec ce qu’ils sont en train de nous proposer, que paierai-je dans cinq, dix, quinze ou vingt ans ? Plus, ou moins qu’aujourd’hui ? Lorsque vous osez répondre, madame la ministre, et sans aucune autre forme de développement, que les gens paieront moins pour leur électricité dans dix ans, ce n’est franchement pas sérieux !

Acculés au fond du ring, vous avez prétendu que nous avions défendu un amendement proposant la date de 2030, alors que, vous le savez très bien, comme ceux qui nous ont regardés, nous avons défendu un amendement proposant la date de 2050, puis des amendements de repli. Ceux-ci visaient à vous interroger sur l’évolution du prix de l’électricité. Au fond, nous n’arrivons pas à croire que, dans le tas de papiers qui est devant vous, ou dans les dossiers de l’armada de conseillers que vous avez derrière vous, ne se trouve pas la courbe de l’évolution du prix de l’électricité dans les dix, quinze ou vingt ans qui viennent. Si ce n’est pas le cas, c’est encore beaucoup plus grave que ce que nous pensions !

Si vous aviez répondu à chacune de nos questions précises sur l’impact économique, sociologique, environnemental des décisions que vous vous apprêtez à prendre, nous n’en serions pas à l’article 1er ce soir ; nous serions allés beaucoup plus loin.

Enfin, je voudrais éclairer celles et ceux qui nous regardent sur un point du règlement. Monsieur le président de la commission spéciale, vous avez fait le choix, et c’était votre droit, de nommer cinq rapporteurs, dont, subtilement, un écologiste. Avez-vous proposé de nommer un rapporteur de l’opposition ? Non. À cet instant des débats, alors que l’opposition aura bientôt épuisé son temps de parole, je vous demande solennellement de faire le total des durées d’intervention des cinq rapporteurs, qui n’ont pas été comptabilisées.

M. Denis Baupin, rapporteur. C’est faux !

M. Philippe Plisson, rapporteur. Vous ne connaissez même pas le règlement. Le temps de parole d’un rapporteur est comptabilisé quand il s’exprime sur un autre titre que celui dont il est rapporteur.

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. Et nous n’avons pas abusé de notre temps de parole !

M. Martial Saddier. Ceux qui nous regardent comprendront ainsi pourquoi la trentaine de députés de la majorité présents ce soir sont restés sagement silencieux. Votre stratégie a consisté à laisser répondre, quelques fois, pas souvent, Mme la ministre – son temps de parole, et c’est normal, n’est pas comptabilisé –, mais aussi Mme la rapporteure et M. le président de la commission spéciale, pour épuiser le temps de parole de l’opposition et pour pouvoir ensuite, tranquillement, en solo, ainsi que vous l’aviez fait en commission, dérouler le texte et bâcher l’ensemble des articles.

Dernière preuve, s’il en était besoin. Ce n’est pas nous qui avons inscrit à l’article 55 les mesures législatives qui pourraient déboucher sur la fermeture de 19 réacteurs. Comment osez-vous affirmer solennellement ce soir, en ayant organisé les travaux comme vous l’avez fait en commission spéciale et dans l’hémicycle, en ayant choisi la procédure d’urgence et le temps programmé, et en n’ayant pas laissé de rapporteur à l’opposition, comment osez-vous affirmer que l’opposition aurait disposé encore de temps de parole, une fois l’Assemblée parvenue à l’examen de l’article 55 ? La vérité, c’est que vous vous êtes livrés à de basses manœuvres politiques, pour faire en sorte qu’au terme de l’article 1er, ou de l’article 2, l’opposition ait épuisé son temps de parole, et que vous vous retrouviez tranquilles, entre vous, pour dérouler l’accord politique que M. Hollande a passé avec les écologistes à l’occasion de la présidentielle.

Mme la présidente. Pour l’exactitude de ce qui sera retranscrit au Journal officiel, le temps de parole des rapporteurs, lorsqu’ils s’expriment sur un titre sur lequel ils ne sont pas rapporteurs, est évidemment décompté. Quand M. Baupin a pris la parole, son temps a été décompté.

M. Denis Baupin, rapporteur. Sinon, j’en aurais profité et me serais exprimé bien plus longuement ! (Sourires.)

Mme la présidente. Il en a été de même lorsque M. Plisson a pris la parole. Je précise également, monsieur le président, que le temps de parole restant du président du groupe UMP est de cinquante-quatre minutes.

M. André Chassaigne. Il viendra donc vendredi !

Mme la présidente. La parole est à M. François de Rugy.

M. François de Rugy. Je voudrais simplement dire à nos collègues de l’UMP et à ceux qui nous écoutent ou liront les comptes rendus de nos débats qu’il est triste d’en arriver là. Vous savez très bien que la préparation de ce texte a tout d’abord commencé par un débat national sur l’énergie qui a mobilisé l’ensemble des acteurs – syndicats de salariés, syndicats patronaux, associations, etc. Il a donné lieu à des conclusions. Le Gouvernement a ensuite travaillé sur un projet de loi, qui a été transmis avant l’été pour consultation à un certain nombre d’instances comme le Conseil économique, social et environnemental. Les dispositions de ce texte étaient sur la table et connues, en toute transparence.

La ministre de l’écologie a ensuite présenté le projet de loi en conseil des ministres et il a été adopté cet été, en pleine connaissance de cause. Dans mon groupe, d’ailleurs, plusieurs députés, dont Denis Baupin, ont commencé à travailler sur leurs amendements dès cet été.

Une commission spéciale a été constituée, ce qui témoigne de l’intérêt que nous portons à ce texte très important. Un débat y a eu lieu. Vous dénoncez le fait que la procédure d’urgence – laquelle porte bien mal son nom ; la preuve… – s’applique à ce texte sur lequel vous vous livrez, vous, à une piteuse course de lenteur. Or, suite à la réforme de 2008, que vous avez voulue et qui permet d’intégrer au texte débattu en séance publique les amendements adoptés en commission, une première lecture, de fait, a lieu en commission. Nous sommes donc ici quasiment en deuxième lecture, et c’est très bien ainsi.

Quant au temps programmé, je me suis livré à un petit calcul tout simple. Mon groupe a déposé environ 200 amendements et nous disposons de deux heures et cinquante-cinq minutes pour les défendre, si j’inclus l’heure dont je bénéficie en tant que président de groupe.

M. Martial Saddier. Vous avez un rapporteur !

M. Julien Aubert. Et cela fait deux ans que vous négociez !

M. François de Rugy. Cela fait moins d’une minute par amendement. M. Baupin, qui est co-rapporteur, s’exprime depuis trois jours sur le temps du groupe écologiste, comme Mme la présidente vient de le rappeler, sauf à ce que vous contestiez à nouveau la présidence de séance.

Votre groupe, qui a déposé 400 amendements différents, disposait de treize heures et vingt-cinq minutes, soit plus de deux minutes par amendement ! Ensuite, tout est une question de bonne gestion du temps, d’anticipation. L’on attend normalement des responsables politiques qu’ils soient à la hauteur d’un tel sujet.

M. Martial Saddier. Et la discussion générale ?

M. François de Rugy. Monsieur Aubert, vous prétendez que votre groupe avait dix propositions. Puisque vous avez parlé de « coquilles » à propos des nôtres, à mon tour de me demander pourquoi vous nous avez « ennuyés » pendant des heures ! Moi aussi j’emploie des euphémismes. Et j’aimerais bien avoir le décompte du temps utilisé par M. Aubert.

M. Martial Saddier. Ces propos sont scandaleux ! Il est le porte-parole du groupe !

M. François de Rugy. Si vous aviez vraiment eu des amendements sur un sujet aussi important, comme vous le déclarez, vous auriez été vingt, trente, quarante députés UMP. Or, vous êtes un quarteron de beaux parleurs qui font traîner les débats.

M. Julien Aubert. C’est incroyable ! Un quarteron ! Nous ne vous avons pas insulté, monsieur de Rugy. Gardez vos nerfs !

M. François de Rugy. Je ne fais que saluer la mémoire d’un ancien Président de la République qui avait bien fait d’employer cette expression.

M. Julien Aubert. N’est pas De Gaulle qui veut, monsieur de Rugy ! Vous n’êtes pas à l’Opéra-Bouffe ici !

M. François de Rugy. Pour ce qui est de la lutte pour l’indépendance énergétique face aux importations de pétrole, de gaz ou d’uranium, où sont vos propositions ? Pourquoi ne les présentez-vous pas ? Et les nouvelles filières industrielles qui peuvent créer des milliers d’emplois dans notre pays ? Voilà l’ampleur du sujet sur lequel les Français nous attendent ! Peut-être sont-ils partagés, comme nous le sommes nous-mêmes, mais il serait de l’honneur de cette assemblée de faire vivre le débat sur un texte comme il peut exister dans le pays.

De même, concernant les économies d’énergie, Mme la ministre a fait des propositions très concrètes et opérationnelles pour que les Français puissent être acteurs de la transition énergétique. C’est cela qui nous intéresse. Vous auriez pu être à la hauteur de ces débats comme nous avons été à la hauteur des débats autour du Grenelle – M. Jacob s’en souvient. Oui, nous avons défendu avec M. Yves Cochet les amendements jusqu’au bout, sans excès, sans obstruction, mais en raison du temps programmé, nous n’avons pas pu tous les soutenir. Nous n’avons pas pour autant manœuvré pour gaspiller du temps en début de discussion. Soyez à la hauteur et utilisez le temps qu’il vous reste pour défendre vos propositions sur le fond au lieu de poursuivre cette mascarade.

Mme la présidente. La parole est à M. Damien Abad.

M. Damien Abad. Je voudrais que M. de Rugy retrouve ses esprits. Tenir de tels propos et nous traiter de quarteron n’est pas acceptable devant la représentation nationale.

Monsieur de Rugy, vous ne pouvez pas nous faire le procès d’avoir rabaissé le débat. Nous vous avons expliqué que, concernant la procédure, vous vous étiez trompés. Je ne suis d’ailleurs pas certain que tous les membres de votre groupe soient d’accord avec vous lorsque vous déclarez que le temps programmé serait une bonne chose en l’espèce. L’on ne peut pas prétendre que ce texte est fondamental tout en invoquant la procédure d’urgence et le temps programmé dès qu’il s’agit d’aborder le fond du débat. Ce n’est pas nous, à l’UMP, qui avons décidé des modalités du débat. Ce n’est pas nous qui avons décidé de constituer une commission spéciale.

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Vous l’avez souhaité !

M. Damien Abad. Ce n’est pas nous qui avons décidé du nombre de rapporteurs. Ce n’est pas nous qui avons décidé de ne pas choisir de rapporteur dans l’opposition.

Surtout, c’est un peu fort de café de nous reprocher de refuser le débat. Tout d’abord, M. Aubert a raison, l’Autre débat a existé. Nous avons mené beaucoup d’auditions et rencontré de nombreux acteurs du secteur de l’énergie qui, d’ailleurs, pourront juger eux-mêmes de ce qu’ils ont vu dans l’hémicycle, des réponses de Mme la ministre.

M. François Brottes, président de la commission spéciale. C’est sûr !

M. Damien Abad. Depuis tout à l’heure, elle est plongée dans son courrier, dans ses lectures. Elle n’écoute que d’une oreille et n’entend plus les Français. Qu’elle n’entende pas l’opposition n’est pas très grave, mais qu’elle n’entende plus les Français, c’est plus regrettable.

M. Philippe Plisson, rapporteur. Tout cela est pitoyable.

M. Damien Abad. Monsieur Plisson, je vous invite à relire l’intervention de Mme Batho sur l’article 1er. Vous ne pourrez pas dire qu’elle appartient à l’opposition. Jusqu’à preuve du contraire, elle fait partie de votre majorité, et elle a même été ministre. Cherchez donc à comprendre pourquoi elle a regretté qu’il ne s’agisse pas d’un projet de loi de programmation, pourquoi elle a jugé que ce texte n’était pas à la hauteur des enjeux. Vous voyez bien que le débat était nécessaire. Je regrette que nous n’ayons pas pu aborder l’ensemble du texte.

Vous avez choisi le temps programmé parce que vous étiez contraints par un projet de loi de finances déjà compliqué à gérer au sein de votre majorité, sans parler du projet de loi de financement de la Sécurité sociale, et vous avez dû accepter des compromis. Vous l’avez reconnu implicitement, monsieur le président de la commission spéciale.

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Pas du tout : les délais sont constitutionnels.

M. Damien Abad. Paradoxalement, vous avez mis deux ans et demi à rédiger ce projet de loi mais à présent, vous voulez aller très vite.

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Nous avons mené une large concertation.

M. Christian Jacob. Pas avec les parlementaires !

M. Damien Abad. Je sais que Mme la ministre s’est fait l’apôtre de la démocratie participative mais j’imagine que vous respectez également la démocratie représentative. Or, nous sommes ici les représentants du peuple. Si une concertation doit avoir lieu, c’est aussi et d’abord avec nous ! Vous dites que le débat a déjà eu lieu, avec tel comité, telle organisation, avec tel groupe de la majorité, mais vous refusez le principal, au sein de l’Assemblée nationale, dans notre hémicycle, avec la représentation nationale.

Pourquoi ? Soit vous voulez éviter de dévoiler au grand jour vos divisions et vos vicissitudes, soit vous voulez éviter d’aborder les vrais sujets. Celui du prix de l’énergie en témoigne. Nous avons essayé de vous démontrer que vous aviez oublié la compétitivité, la dimension européenne, que votre parti pris idéologique en matière nucléaire vous pousse à engager la France dans des choix stratégiques dont les conséquences économiques, sociales et environnementales seront graves.

Le pire, c’est que beaucoup de députés de la majorité, qui sont des gens sérieux, le savent bien et s’en rendent compte. Eux-mêmes s’interrogent quant à l’opportunité et la pertinence d’un tel texte, et ne comprennent pas la pertinence d’un certain nombre de choix stratégiques. Les centrales nucléaires ne sont pas installées uniquement chez les députés de l’opposition. Les députés de l’opposition ne sont pas les seuls à être attachés à la filière nucléaire. Sur l’autel d’un accord qui nous semble aujourd’hui dépassé et passéiste, le risque est grand de faire des choix énergétiques dangereux pour la compétitivité de la France par rapport à l’Allemagne et aux autres pays européens.

Nous risquons de perdre notre dernier avantage comparatif, le coût de l’énergie. J’espère que l’avenir vous donnera raison mais j’en doute quand j’entends dire que vos choix énergétiques permettront de réaliser des économies d’énergie qui conduiront à diminuer la facture énergétique des Français, alors même que la Commission de régulation de l’énergie prévoit que cette facture augmentera de 30 % à l’horizon 2017 – et encore cette prédiction ne tient-elle pas compte de ce texte.

Il est dommage que ces questions centrales n’aient été que peu abordées et que Mme la ministre ne se soit pas davantage investie dans le débat. Nous aurions aimé avoir des réponses, connaître vos convictions. Finalement, nous n’aurons pas pu aborder les vrais sujets mais c’est ainsi et nous devrons en tirer les conséquences. Espérons au moins que ce texte vous servira de leçon quant au recours abusif à la procédure d’urgence et au temps programmé.

Déclarer l’urgence pour un texte qui vise un horizon à 2025 ou 2030 s’apparente plutôt à de la précipitation, laquelle n’est pas bonne conseillère. Elle sert plutôt à masquer un certain nombre de choses, ce qui est bien dommage. Les acteurs de l’énergie attendaient autre chose de ce débat. La transition énergétique aurait dû être beaucoup plus engageante pour nous tous. Je regrette ce simulacre de débat là où nous avions rendez-vous avec les Français, autour de la question centrale de l’indépendance énergétique.

Nous avons construit, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, les conditions de notre indépendance alimentaire en bâtissant l’Europe. De la même manière que nous avons créé la Communauté européenne du charbon et de l’acier, nous devons mettre en place cette Communauté européenne de l’énergie. Quand on voit le peu de concertation qui entoure les choix énergétiques des différents pays, la manière dont vous avez abordé ce problème, et dont vous avez refusé d’intégrer la Communauté européenne de l’énergie, je suis convaincu que nous devrions tous ensemble revoir ce texte, au Sénat et en commission. Surtout, nous devons travailler pour remettre enfin la France sur le chemin, non pas de la décroissance durable, mais de la croissance et de l’énergie positive.

Mme la présidente. La parole est à M. Julien Aubert.

M. Julien Aubert. M. de Rugy semble se demander pourquoi nous ne vous avons pas soumis nos dix propositions. Vous verrez que les choses sont bien faites car, si la voix de l’opposition va s’éteindre, il n’en ira pas de même de ses idées. L’important est que les idées survivent. Par conséquent, nous vous avons facilité la tâche et vous trouverez dans les exposés sommaires les clés pour comprendre l’importance de nos amendements. Ils commencent par « Cet amendement très important », ou par « Cet amendement important », ou par « Cet amendement ». Quand l’exposé sommaire commence par « Cet amendement très important », cela signifie qu’il s’agit de l’une des dix propositions de l’UMP.

Comme je n’aime pas terminer sur une note négative et que je sens votre extrême tension – vos propos très agressifs en témoignent –, nous allons profiter des quinze dernières minutes qui nous restent pour vous présenter la doctrine stratégique en matière énergétique de l’UMP, ce qui vous permettra, quand bien même nous ne pourrions défendre nos amendements, de débattre entre vous. Vous reconnaîtrez aisément ces amendements et peut-être même aurez-vous envie de les adopter pour bâtir une loi de co-construction.

Notre première proposition, que vous avez repoussée, consiste à sanctuariser le potentiel nucléaire de la France, c’est-à-dire à sortir du sujet de la capacité nucléaire, très réducteur, pour envisager l’aspect économique, les filières. Il s’agit de stabiliser ce potentiel puisque la capacité peut évoluer, diminuer ou augmenter, l’essentiel étant de conserver cette valeur ajoutée, cette filière d’excellence.

Notre deuxième proposition en matière de stratégie énergétique est complémentaire de la question du potentiel nucléaire : elle consiste à décider comment nous augmenterons les énergies non nucléaires dans l’électricité. Nous sommes favorables à une augmentation douce des énergies vertes, qui ne serait pas soumise à un objectif contraignant. On laisserait les énergies vertes électriques croître naturellement ; en revanche, nous souhaitons accorder la priorité financière aux énergies vertes non électriques, principalement la biomasse ou encore la géothermie. C’est en effet préférable pour éviter que ne surviennent des problèmes de gestion de la tension ou d’autres, évoqués par M. Laurent, concernant l’articulation entre les énergies girondines et les énergies jacobines.

Troisièmement, nous pensons qu’il faut inverser les priorités : plutôt que de tirer notre modèle énergétique par les énergies vertes, il faut le tirer par les énergies rouges. Il ne s’agit pas là d’idéologie ; nous avons simplement constaté qu’en Allemagne, l’idée consistant à subventionner les énergies vertes a abouti à un résultat contraire aux objectifs, à savoir que les émissions de dioxyde de carbone ont augmenté en raison des importations de charbon. Au contraire, la manière la plus directe de diminuer l’impact du dioxyde de carbone est donc de taper directement là où ça fait mal en fixant des objectifs en matière d’énergies rouges : d’abord un objectif « zéro charbon » à atteindre en cinq ou dix ans, puis un objectif de réduction de la dépendance à l’égard des énergies fossiles – ce qui suppose d’adopter un amendement, hélas repoussé, visant à fixer un objectif de 50 % d’énergies fossiles en 2050, et non pas de 66 %.

Voilà pour l’amont, c’est-à-dire la production. J’en viens aux utilisations en aval. En matière de transport, l’UMP défend l’idée qu’il faut substituer au tout électrique une approche flexible consistant à encourager toutes les technologies d’avenir de manière à éviter de reproduire la jurisprudence Minitel, c’est-à-dire de parier sur une seule technologie pour, in fine, être confronté à une rupture technologique. Il faut pour ce faire encourager le tout électrique, l’hybride et le gaz sur certains types de flottes, notamment les transports en commun, et profiter de cette différenciation des flottes pour leur affecter des énergies d’avenir.

Compte tenu des événements géopolitiques qui se produisent au Proche-Orient ou encore en Russie et de l’incertitude pesant sur la date à laquelle se produira la révolution du stockage de l’électricité, il convient d’encourager au cœur des transports toutes les stratégies mixtes, qui favorisent la flexibilité. C’est par exemple le cas de l’hybridation, que l’État devrait promouvoir, et d’autres technologies – un attrait pour la flexibilité que nous manifestons aussi dans les filières en amont, avec le principe du power to gas, par exemple.

S’agissant du logement, le principal problème ne tient pas tant à la rénovation qu’au diagnostic énergétique, qui est aujourd’hui bien trop compliqué et qui doit être simplifié. Pour cela, il doit être effectué par un intervenant indépendant lié à l’État par un contrat et doit être gratuit. En outre, dès lors que le particulier respecte le diagnostic énergétique qui lui est présenté et les propositions qui lui sont faites, le bénéfice du crédit d’impôt ou d’une modulation de la taxe foncière doit être automatique. Nous proposons donc la création d’un service public du diagnostic énergétique plus restreint que celui que prône le Gouvernement, ainsi qu’une modulation qui pourra être locale ou nationale. L’État pourra ainsi se doter d’une véritable politique dans ce domaine et approcher le citoyen au plus près en encadrant la rénovation avec précision.

En matière de gouvernance, M. Laurent l’a déjà indiqué : le principal problème tient à la tension qui oppose les défenseurs d’une énergie jacobine et les tenants d’une énergie girondine, et qui présente le risque de provoquer des problèmes d’articulation sur le réseau. Pour embrasser tout à la fois le plan de renouvellement du nucléaire, le plan de développement national des énergies vertes et la question de la coordination avec les stratégies régionales et locales, nous estimons nécessaire d’instituer un nouvel acteur sous la forme d’un commissariat à la transition énergétique, relié au Premier ministre, qui permettrait de disposer d’une vision à long terme et sur l’ensemble du territoire de ce que doit être la transition énergétique.

Mme Ségolène Royal, ministre. Encore de la bureaucratie !

M. Julien Aubert. Non, car il ne s’agirait pas d’une administration nouvelle mais de la fusion de services existants qui, loin de provoquer un surcroît de normes, simplifierait au contraire le dispositif actuel.

Au plan local, le réseau des sous-préfectures pose problème, notamment dans les zones rurales, et les sous-préfets s’interrogent. C’est à notre sens le niveau adapté pour mener une politique ambitieuse de transition énergétique. Nous sommes en faveur de la labellisation de certains sous-préfets qui seraient chargés de piloter la transition énergétique et qui, en la matière, seraient un interlocuteur unique pour un territoire donné. Voilà qui permettrait d’accélérer, de simplifier et de coordonner les procédures d’agrément. Tel ou tel sous-préfet pourrait donc être la voie d’entrée pour des questions telles que les gaz de schiste, par exemple.

Je reviens un instant aux questions de production pour indiquer que nous sommes favorables à la prospection des gisements de pétrole de schiste – et non pas de gaz de schiste – mais non à leur exploitation tant que les méthodes d’extraction n’auront pas évolué. En effet, l’Institut français du pétrole nous indique qu’il existe a priori des réserves de pétrole ; selon nous, il faut les évaluer – ce qui va beaucoup moins de soi pour le gaz. De surcroît, tout effort de prospection doit se concentrer sur des régions possédant déjà une tradition pétrolifère, car de fortes réactions sociales peuvent surgir dans les régions qui en sont dépourvues.

Voilà les propositions que nous vous faisons en matière de transition énergétique ; elles sont le fruit de notre doctrine. Si d’aventure j’en avais oublié une, vous pourriez toujours vous référer au document que nous vous avons transmis. Vous avez défendu un argument de nature politique selon lequel nous aurions participé au débat sans même y avoir réfléchi et dans le seul but de le bloquer ; c’est tout le contraire. Vous trouverez toutes nos propositions sous forme d’amendements. Peut-être ne partagez-vous pas notre point de vue ; hélas, nous n’avons pas pu en discuter. Prenez au moins le temps d’analyser ces propositions parce que les problèmes que nous soulevons existent et parce que notre diagnostic se fonde sur une doctrine réaliste – dont nous pensons naturellement qu’elle est meilleure. En tout état de cause, ces idées sont sur la table et sont désormais vôtres.

M. Jean-Luc Laurent. Dommage que vous n’ayez pas conservé assez de temps pour en discuter !

M. Julien Aubert. L’opposition est maintenant contrainte de se taire, mais nos idées survivront, avec ou sans vous !

Mme la présidente. Je vous remercie, monsieur le député, tout en vous signalant combien je suis magnanime, car le strict respect du règlement aurait pu m’inciter à vous interrompre. L’article 54 vous interdit en effet de vous écarter du sujet de l’amendement actuellement en discussion.

M. Christian Jacob. Ses propos y étaient liés !

Mme la présidente. De très loin, monsieur le président Jacob. S’agissant des amendements restant en discussion, vous avez naturellement tout loisir de nous dire qu’ils sont défendus et ainsi de rester parmi nous.

(Les amendements identiques nos 98, 186, 450, 913, 937, 1151 et 1659 ne sont pas adoptés.)

(Les amendements identiques nos 100, 451, 1042 et 1152 ne sont pas adoptés.)

(Les amendements identiques nos 102, 452, 1044 et 1153 ne sont pas adoptés.)

(Les amendements identiques nos 133, 453, 747, 1045 et 1154 ne sont pas adoptés.)

(Les amendements identiques nos 106, 454, 751, 1155 et 1866 ne sont pas adoptés.)

2

Ordre du jour de la prochaine séance

Mme la présidente. Prochaine séance, ce matin, à neuf heures trente :

Discussion de la proposition de loi visant à la simplification et au développement du travail, de la formation et de l’emploi ;

Discussion de la proposition de loi organique visant à instaurer le vote par voie électronique des Français de l’étranger à l’élection présidentielle et à l’élection des représentants au Parlement européen.

La séance est levée.

(La séance est levée, le jeudi 9 octobre 2014, à zéro heure cinquante-cinq.)

La Directrice du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Catherine Joly