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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2014-2015

Compte rendu
intégral

Première séance du jeudi 16 octobre 2014

Présidence de Mme Catherine Vautrin

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1

Projet de loi de finances pour 2015 (suite)

Première partie (suite)

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2015 (nos 2234, 2260).

Hier soir, l’Assemblée a commencé la discussion des articles du projet de loi, s’arrêtant à l’amendement n164 à l’article 2.

Article 2 (suite)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 164 et 426, qui visent à supprimer l’article.

La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement n164.

M. Hervé Mariton. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État chargé du budget, monsieur le président et madame la rapporteure générale de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, mes chers collègues, il s’agit de proposer la suppression de la suppression de la première tranche de l’impôt sur le revenu.

De nombreux députés sur ces bancs, du moins, clairement, à droite, considèrent que l’impôt sur le revenu est concentré sur un trop faible nombre de foyers. La réforme proposée par le Gouvernement va à l’envers de ce que beaucoup proposent en termes de réforme de l’impôt sur le revenu.

Nous sommes ainsi favorables à une fiscalité sur les personnes qui soit à base large et à taux faible : la base la plus large possible et le taux le plus faible possible.

Cela devrait valoir pour la fiscalité des personnes. Cela peut aussi nous inspirer pour d’autres champs de la fiscalité.

Le Gouvernement fait l’inverse de cela. Nous l’avons évoqué en commission. Au printemps, notre collègue Dominique Lefebvre avait conduit avec M. Auvigne des travaux tout à fait intéressants sur la fiscalité des ménages, qui comprenaient une analyse de l’impôt sur le revenu, notamment des problèmes posés par le début de barème. Ils constataient un prélèvement marginal tout à fait excessif sur les revenus des classes moyennes inférieures.

Le dispositif proposé par le Gouvernement ne résout pas cela. Sa mesure, qui procède d’un affichage politique, est démagogique. Elle envisage la distribution de pouvoir d’achat de manière tout à fait étatique. Faute de relancer l’économie et le pouvoir d’achat par le développement de l’économie, le Gouvernement propose une mesure de court terme, qui peut être aimable à quelques uns.

M. Christophe Castaner. Elle concerne tout de même neuf millions de foyers fiscaux !

M. Hervé Mariton. C’est en tout cas un très mauvais service rendu à la fiscalité de notre pays et c’est tout sauf une bonne réforme de l’impôt sur le revenu.

Mme Marie-Christine Dalloz. Bravo !

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l’amendement n426.

Mme Marie-Christine Dalloz. L’article 2 pose un vrai problème, celui de l’hyper concentration de l’impôt, qui casse le consentement à l’impôt, au détriment de la solidarité nationale. Il faut donc impérativement trouver une solution – et c’est ce que nous préconisons – sur une base beaucoup plus large, avec des taux plus faibles, parce que, là, on est sûr du consentement.

La réalité c’est, premièrement, que les deux derniers budgets que vous avez appliqués comprenaient une progression fiscale tellement importante que vous voulez revenir en arrière aujourd’hui. Pourtant, le mal est fait : la casse fiscale a été faite, puisque, on l’a bien vu, les foyers fiscaux ont modifié leur comportement. Lorsqu’ils pouvaient le faire, ils ont différé des revenus, ce qui explique les moindres recettes fiscales que vous enregistrez chaque année.

Aujourd’hui, nous prônons une notion de consentement à l’impôt et une base plus large.

La réalité c’est, deuxièmement, que l’entrée dans la tranche à 14 % est bien plus brutale et douloureuse. J’en veux pour preuve les graphiques de madame la rapporteure : dès que ne bénéficie plus de la décote, la progressivité de l’impôt est très rapide.

L’impôt en France, historiquement, se caractérise par une progressivité douce. Or, là, la pente est énormément accentuée. C’est pour cette raison que nous proposons la suppression de l’article 2.

Mme la présidente. La parole est à la rapporteure générale de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, pour donner l’avis de la commission.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. La commission émet un avis défavorable à ces amendements.

Tout d’abord, pour répondre à M. Mariton selon lequel les 1 % les plus riches contribuent plus que les autres, rappelons que ces Français paient notamment 31 % de l’impôt sur le revenu. Cela correspond exactement à la distribution des revenus existante. On est donc dans une homothétie, une translation absolument parfaite sur ce point et il serait faux de dire que ce mouvement est accéléré par l’impôt sur le revenu.

Ensuite, Mme Dalloz a affirmé qu’en entrant plus tard dans l’impôt, on bénéficie alors moins de la décote. Pour autant, vous payez toujours moins : si, aujourd’hui, vous êtes à une tranche inférieure à 14 %, une fois que l’article 2 aura été voté, vous paierez moins ; si vous êtes actuellement dans une tranche d’imposition supérieure à 14 %, vous paierez la même chose.

M. Christophe Castaner. Ils le savent !

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. On peut donc disserter longuement sur la pente, une fois entré dans l’impôt.

Mme Marie-Christine Dalloz. Justement !

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Toujours est-il que si, aujourd’hui, on est dans une tranche inférieure à 14 %, on paiera moins après l’adoption de l’article 2. Ce qui compte, c’est l’argent que les Français déboursent, même si la pente de l’impôt peut être un peu plus importante qu’auparavant.

Enfin, vous abordez très souvent la situation des classes moyennes et vous avez raison. Aujourd’hui, un foyer comprenant deux parents et deux enfants est imposable si ses revenus annuels dépassent un peu 27 000 euros. Avec l’article 2, ce foyer fiscal commencera à payer l’impôt sur le revenu si son revenu annuel dépasse 39 900 euros.

Je ne sais pas si vous considérez qu’avec un tel montant de revenus, on est ou non dans la classe moyenne. On est sans doute dans le début de la classe moyenne. Cet article 2 répond aussi à cette situation.

Pour toutes ces raisons, la commission a émis un avis défavorable à vos amendements.

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé du budget, pour donner l’avis du Gouvernement.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget. Bien entendu, le Gouvernement est défavorable à ces amendements de suppression.

Madame la rapporteure a utilement évoqué la distribution des revenus. En effet, vous accordez beaucoup d’importance – et pourquoi pas – à la part d’impôt sur le revenu payé par les Français les plus aisés mais vous occultez le fait que la concentration de l’impôt est essentiellement le résultat de la concentration des revenus. Nous aurons probablement l’occasion d’y revenir de façon plus précise dans les heures et les jours qui viennent.

Je répète ce que je disais hier. Madame Dalloz, vous étiez l’une des premières à vous émouvoir l’an dernier et l’année précédente du nombre de contribuables que ces affreux socialistes, matraqueurs fiscaux, auraient fait rentrer dans l’impôt sur le revenu,…

M. Charles de Courson. Ça c’est vrai !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. …en oubliant d’ailleurs que l’entrée dans le revenu de ces contribuables était très souvent due à des mesures que vous aviez prises…

Mme Marie-Christine Dalloz. Ça faisait longtemps !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. …sous forme de bombes à retardement, puisque vous aviez eu la perversité, madame Dalloz,…

Mme Marie-Christine Dalloz. Oh !

M. Charles de Courson. Fait personnel ! (Sourires.)

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. …de mettre en place la suppression de la demi-part des veuves, une décision qui était la vôtre, après avoir pris soin de n’en faire porter les effets que sur vos successeurs.

L’année dernière, vous disiez donc que trop de personnes étaient entrées dans l’impôt sur le revenu. Et cette année, alors même que le Gouvernement sort, si j’ose dire, environ trois millions de foyers fiscaux de l’impôt sur le revenu et fait baisser l’impôt de huit millions de foyers fiscaux, cet impôt est devenu le bon impôt citoyen, celui qui est le ciment de la société… (Sourires.)

Vous oubliez d’ailleurs que l’impôt sur le revenu n’est que le troisième impôt que paient les Français. Le premier, très majoritairement, est la taxe sur la valeur ajoutée, dont les recettes avoisinent 150 milliards d’euros ; le second, la contribution sociale généralisée, avec 90 milliards d’euros ; le troisième, l’impôt sur le revenu.

M. Charles de Courson. Et les cotisations sociales ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. J’en termine en vous disant, madame la CSG… pardon madame Dalloz,…

Mme Marie-Christine Dalloz. Décidément, ce matin, j’aurai tout porté !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Mais vous êtes solide, madame Dalloz, solide et robuste…

Livrez-vous à un exercice, comme je viens de le faire encore à l’instant avec quelques journalistes. Demandez à l’un de nos concitoyens combien il paie d’impôt sur le revenu. En général, il le sait, surtout en cette saison… Puis, interrogez-le sur la CSG qu’il paie. En général, il y a un grand blanc. Les plus informés et attentifs vous répondront 7,5 % : ce taux dépend de la nature des revenus. Mais lorsque vous demandez le montant exact de CSG acquitté, en général, les Français ne le connaissent pas.

M. Éric Woerth. Il est sur la fiche de paie !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. C’est à cause du prélèvement à la source.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Oui, c’est probablement le prélèvement à la source.

M. Charles de Courson. Et la TVA ? Combien payez-vous de TVA ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. La TVA, c’est pire. Moi, je ne sais pas, je l’avoue.

Le Gouvernement entend bien évidemment rétablir plus de justice avec cette mesure, qui va permettre à huit millions de foyers fiscaux de voir leur impôt sur le revenu baisser. La progressivité de l’impôt sur le revenu, que certains disent insuffisante, que d’autres disent excessive, est effectivement d’abord le résultat de la concentration des revenus, non du système fiscal, qui se trouvera d’ailleurs simplifié par cette disposition.

Le Gouvernement est donc défavorable à ces amendements.

M. Christophe Castaner. Bravo ! Au moins, c’est clair !

Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas Sansu.

M. Nicolas Sansu. Je m’opposerai évidemment aux amendements de suppression de l’article 2. La ficelle est quand même un peu grosse de la part de nos collègues UMP, qui ont fait en sorte d’instaurer un bouclier fiscal,…

Mme Marie-Christine Dalloz. Vous l’avez supprimé !

M. Nicolas Sansu. …et de diminuer la contribution des plus hauts revenus. Ils n’ont eu de cesse de le faire durant les cinq années où ils ont gouverné, entre 2007 et 2012. Aujourd’hui, comme l’a dit le secrétaire d’État, ils découvriraient la nécessité d’un impôt citoyen, qui serait payé par tous.

Nos collègues UMP ont tout de même une constante, la volonté d’augmenter l’impôt proportionnel, et non progressif. Nous le savons bien. Tous leurs travaux visaient à augmenter la TVA, non la progressivité de l’impôt. Comme l’a dit le secrétaire d’État, l’impôt sur le revenu n’est que le troisième impôt. Aujourd’hui, la tentation est grande d’augmenter la TVA : j’ai d’ailleurs entendu parler d’une hausse de 3 % ou même de 3,5 % de la part de certains candidats à la primaire de droite…

Mme Marie-Christine Dalloz. Ça m’intéresse, finalement !

M. Nicolas Sansu. Madame Dalloz, c’est la réalité ! Vous parlez d’une fiscalité à faible taux et à assiette large. Mais nous n’allons pas rester sur un malentendu : nous allons présenter un amendement n646 qui va vous satisfaire. Il aura, je l’espère, le même effet pour les classes les plus modestes mais permettra d’introduire de la progressivité, avec des taux de 4 %, 8 % et 12 %, qui sont en-dessous des taux proposés ici, avec une entrée dans l’impôt à 14 %.

Nous pourrons ainsi discuter justement de cette volonté de revoir l’architecture fiscale et surtout, d’instaurer un impôt progressif, sans pénaliser les classes les plus modestes.

Comme l’a dit M. le secrétaire d’État, le gel du barème, décidé par le gouvernement Fillon et malheureusement confirmé par le gouvernement Ayrault, et la suppression de la demi-part pour les veuves ont été de formidables leviers pour faire entrer dans l’impôt les foyers les plus modestes.

Mme Marie-Christine Dalloz. Eh oui !

M. Nicolas Sansu. Je précise que notre groupe a voté contre et présenté, à chaque projet de loi de finances, un amendement visant à annuler ces mesures ! Cette année, de petites grands-mères ont, pour la première fois, payé des impôts. Si nous sommes très favorables au fait que ces personnes ne soient plus assujetties à l’impôt sur le revenu, nous considérons qu’il faudrait revoir notre fiscalité de manière plus globale.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz.

Mme Marie-Christine Dalloz. Je suis heureuse d’être venue ce matin, car j’ai entendu deux nouvelles, monsieur le secrétaire d’État. Il semblerait que le nombre de foyers fiscaux bénéficiaires de l’article 2 connaisse une inflation, puisque de 9 millions, on est passé à 11 millions ce matin. Il s’agit d’une mesure inflationniste rapide !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je n’ai jamais dit cela !

Mme Marie-Christine Dalloz. Vous avez parlé de 8 millions, plus 3 millions.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Non, j’ai parlé de 8 millions, dont 3 millions.

Mme Marie-Christine Dalloz. J’ai été ravie d’entendre également un nouveau concept, celui de la « concentration des revenus ».

M. Nicolas Sansu. Ce n’est pas nouveau, malheureusement !

Mme Marie-Christine Dalloz. Vous avez traité les idées de notre groupe de perverses, mais je voudrais que nous en revenions à la vérité. Le coût de l’article 2 est de 3,2 milliards d’euros. La recette fiscale globale de l’impôt sur le revenu augmente de 600 millions – vous me direz que c’est l’effet des bases, mais vous voyez bien que les rentrées fiscales sont, chaque année, de 1,5 milliard inférieures aux prévisions. Il existe donc un delta : qui paye la réalité de cette augmentation ?

Mme la présidente. La parole est à Mme Véronique Louwagie.

Mme Véronique Louwagie. Madame la rapporteure générale, vous avez remis aux membres de la commission un document relativement intéressant, émanant de la direction générale du trésor et de la direction de la fiscalité, qui présentait pour 2013 et 2014 l’évolution de certaines mesures et l’impact des mesures prises par le Gouvernement.

On constate que 1,35 million de foyers sont devenus imposables consécutivement à l’application de mesures telles que la fiscalisation des heures supplémentaires, l’alignement de l’imposition des revenus du capital sur ceux du travail, la fiscalisation de la part patronale de la complémentaire santé, la majoration de la pension. Il est intéressant de constater que ces mesures représentent 8 milliards d’euros et que 20 % des foyers ont payé 75 % des hausses d’impôts. Ces mesures ont entraîné une hyperconcentration de l’impôt.

Plus encore, 6 milliards, sur ces 8 milliards, sont concentrés sur les revenus des neuvième et dixième déciles, c’est-à-dire sur les classes moyennes. Le Gouvernement a donc choisi de concentrer l’impôt sur les classes moyennes. On peut ne pas être favorable à un tel choix ! La concentration de l’impôt sur le revenu sur un nombre réduit de foyers n’est pas une bonne chose. Les principes de l’universalité de l’impôt et de l’égalité des citoyens devant l’impôt méritent d’être posés. C’est le sens de cet amendement.

(Les amendements identiques nos 164 et 426 ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je suis saisie de quatre amendements, nos 1, 646, 759 et 819 deuxième rectification, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour soutenir l’amendement n1.

Mme Véronique Louwagie. Il est défendu.

Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas Sansu, pour soutenir l’amendement n646.

M. Nicolas Sansu. Je l’ai dit précédemment, il s’agit d’un amendement de cohérence. Les mesures prévues à l’article 2 redonneront de l’air et du pouvoir d’achat à 9 millions de foyers, parmi les plus modestes – les personnes plus modestes encore n’en bénéficieront pas. Je ne reviendrai pas sur le gel du barème ou sur la suppression de la demi-part pour les veuves ; nous voterons l’article 2. Mais par cet amendement, nous souhaitons poser la question de la réforme fiscale globale et de la place de l’impôt progressif dans l’architecture fiscale globale, un débat légitime, vous l’avez dit, monsieur le secrétaire d’État.

Je l’ai rappelé lors de la discussion générale, les députés du Front de Gauche se prononcent pour une fiscalité beaucoup plus progressive et qui intègre un impôt sur le revenu qui, aujourd’hui, ne représente plus que 3 % du PIB, quand les parts de la TVA et de la CSG sont respectivement de 7 % de 4,4 %.

Je ne reviendrai pas sur l’attitude de nos collègues de l’UMP. Réfléchissant à la refonte globale du système, notre cohérence est de travailler à la fois sur le bas et sur le haut du barème, en prévoyant la création de neuf tranches. Nous obtenons ainsi un impôt plus progressif, plus lissé, et qui comprend une tranche supérieure à 50 %.

Cet amendement vise aussi à rattraper le gel du barème, dévastateur, et à rétablir la demi-part pour les veuves. Il prévoit également de retirer la majoration de retraite ou de pension pour charge de famille. N’ayant pas accès aux modélisations de Bercy, nous espérons que cet amendement ne défavorisera pas les couches les plus modestes. Il a au moins le mérite de poser la question du consentement à l’impôt. Je l’ai cité hier, le leader de la CFDT lui-même s’est inquiété du risque d’accentuer « l’idée reçue selon laquelle une moitié de ménages financerait les dépenses publiques dont profiterait l’autre moitié. » Nous devons être très attentifs à ce sentiment qui se fait jour, et sur lequel certains surfent.

En complément de cet élargissement de l’impôt sur le revenu, nous estimons qu’il aurait été plus efficace en termes de redistribution, à montants équivalents, d’augmenter les prestations sociales. Cette dernière mesure aurait bénéficié à ceux qui n’ont pas acquitté l’impôt sur le revenu cette année, alors que 48 % des foyers fiscaux ne bénéficieront pas du coup de pouce.

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l’amendement n759.

M. Charles de Courson. Lorsque la commission a travaillé sur la question de l’imposition des ménages, nous avons découvert qu’il existait des variations très préoccupantes du bloc comprenant l’impôt sur le revenu, la PPE et l’ensemble des prestations sociales. Ainsi, des personnes modestes qui gagnent 100 euros de plus peuvent se voir prélever jusqu’à 73 euros ! L’exemple typique est celui d’une personne au SMIC, à mi-temps, et qui passe à plein-temps. Sur les 600 euros supplémentaires qu’elle gagne, il lui en reste grosso modo 23 %. L’ensemble des prélèvements et des prestations fait que le revenu disponible varie très faiblement, alors que les gens travaillent davantage.

La commission ayant conclu qu’il fallait supprimer la PPE et la recycler, le groupe UDI a déposé un amendement de réflexion. La PPE qui, je le rappelle, est le succédané d’une annulation par le Conseil constitutionnel d’un essai de modulation de la CSG, a échoué et n’a pas atteint son objectif. Elle coûte un peu plus de 4 milliards : 2,2 milliards d’euros sont versés à ceux qui ne sont pas imposables, et 1,8 milliard d’euros vient en déduction de l’impôt sur le revenu pour les foyers qui l’acquittent.

Il s’agit donc de supprimer la PPE et de prévoir un impôt sur le revenu négatif, de 12 % entre 0 et 3 000 euros de revenu par part et de 9 % entre 3 000 et 6 000 euros de revenu par part. Cela aurait pour avantage d’éviter que la décote n’accentue encore la progressivité de l’impôt quand on entre dans l’impôt, puisque l’on passe de 21 à 28 % de taux marginal, ce qui est la principale critique que l’on peut adresser à la réforme actuelle.

Mme la présidente. Veuillez conclure, monsieur de Courson.

M. Charles de Courson. Il me reste à évoquer la constitutionnalité de l’article 2, madame la présidente. J’ai posé la question cette nuit, mais M. le secrétaire d’État n’y a pas répondu. Existe-t-il un risque d’inconstitutionnalité, lorsque l’on sait que le taux marginal de 28 % redescend à 14 %, pour remonter ensuite jusqu’à 45 % ?

Mme la présidente. La parole est à M. Jérôme Lambert, pour soutenir l’amendement n819, deuxième rectification.

M. Jérôme Lambert. Il est compréhensible que les contribuables disposant d’un revenu imposable inférieur à 6 000 euros n’acquittent pas l’impôt sur le revenu. En 2014, le pourcentage de foyers non imposables à l’impôt sur le revenu était de 51,5 %, part déjà très importante. Le présent projet de loi de finances, en supprimant la première tranche du barème de l’impôt sur le revenu, accroîtra le nombre de contribuables non assujettis à l’impôt sur le revenu.

Toutefois, l’impôt, et spécialement l’impôt progressif sur le revenu, n’est pas qu’une recette. Il est d’abord une contribution aux charges publiques communes, l’un des principaux liens qui rattachent les citoyens à la communauté nationale. Déjà, la déclaration des droits de l’homme de 1789 disposait que « Pour l’entretien de la force publique, et pour les dépenses d’administration, une contribution commune est indispensable. Elle doit être également répartie entre tous les citoyens en raison de leurs facultés. »

L’impôt sur le revenu étant un lien entre les citoyens et la nation, il faut éviter une rupture trop généralisée de ce lien civique, de cette contribution, symbole d’appartenance à la communauté nationale. Dès lors, au lieu de supprimer la première tranche, ce qui accroîtrait le nombre de foyers non imposables, l’on pourrait diminuer sensiblement le taux auquel cette tranche est soumise en l’abaissant de 5,5 % à 1 %.

En l’absence de réforme fiscale en profondeur, qui traiterait de la fusion entre l’impôt sur le revenu et la CSG et prévoirait un prélèvement à la source, la progressivité de l’imposition des ménages n’est pas assurée, puisque les recettes de TVA et de CSG sont bien supérieures à celles de l’impôt sur le revenu. La « suppression » annoncée de la première tranche est en réalité un renforcement de la décote que, sur le fond, nous soutenons dans cet amendement puisque l’augmentation des prélèvements obligatoires s’est révélée trop importante ces deux dernières années pour les classes moyennes inférieures.

Néanmoins, en matière de communication, l’annonce de la suppression de la première tranche peut paraître clivante et maladroite. C’est la raison pour laquelle nous préconisons une modulation des taux, tout en maintenant dans notre amendement l’effet favorable de la décote sur les ménages les plus modestes.

J’ajoute qu’il est assez hypocrite de prôner la suppression de la première tranche au motif de justice fiscale, alors même que des taxes et des redevances, sur la télé ou sur le gazole par exemple, qui concernent les personnes les plus modestes, continueront d’augmenter !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur l’ensemble de ces amendements ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Avis défavorable. Monsieur Sansu, vous parlez de progressivité sur les hauts revenus. Je veux rappeler qu’une tranche à 45 % a été créée et que le plafond global des niches, qui était de 18 000 euros + 4 % du revenu imposable, a été réduit à 10 000 euros.

Fixer un taux, c’est très bien, mais il faut aussi réfléchir à l’assiette. Une assiette mitée, en particulier pour les plus hauts revenus, réduit l’impôt, ce qui n’est pas sans conséquence sur la progressivité. Enfin, dividendes d’action et intérêts d’obligations sont désormais taxés comme les revenus du travail. Ces améliorations ont été mises en œuvre depuis deux ans et je ne doute pas que vous y êtes favorable, monsieur Sansu.

M. Nicolas Sansu. Je les ai même votées !

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. J’apporterai quelques éléments de réponse aux questions soulevées par cet intéressant débat. Vous vous référez sempiternellement, monsieur de Courson, à la pente de 28 %, mais ce qui importe, c’est de bien vérifier que le taux moyen d’imposition est constamment en progression et il l’est, une telle vérification ayant évidemment été faite. Le taux moyen d’imposition, c’est-à-dire ce que paie le contribuable rapporté à son revenu imposable, est constamment en progression. La sortie de la décote aboutit à un taux un peu supérieur à 11 % et comme le taux marginal est de 14 %, le taux moyen ne peut qu’augmenter, c’est mathématique. Le Gouvernement s’en est assuré avant d’avancer la proposition dont nous discutons.

Je vous rappelle, monsieur Sansu, que l’assiette de l’impôt sur le revenu que vous évoquez a été élargie. Cette majorité y a inclus les revenus du capital, c’est-à-dire les dividendes, les intérêts et les régimes relatifs aux revenus immobiliers qui de toute évidence sont venus élargir l’assiette de l’impôt sur le revenu. Le monde n’est certes pas parfait mais les choses, je l’espère, continueront à progresser.

Mme Dalloz a fustigé le calcul aboutissant à une augmentation de l’impôt sur le revenu de 600 millions d’euros en s’étonnant que nous en annoncions une diminution. L’augmentation de 600 millions d’euros a été calculée par rapport à la dernière révision du produit de l’impôt sur le revenu. Celle-ci figure dans les documents budgétaires faisant déjà état des baisses enregistrées par la loi de finances rectificative ou lors des dernières révisions de prévision d’impôt sur le revenu, en particulier sa diminution de 1,3 milliard d’euros incluse dans la diminution de 3,2 milliards d’euros.

Il y a là uniquement un effet mécanique de l’augmentation des revenus imposables, à propos duquel d’ailleurs nous sommes particulièrement prudents. En effet, l’élasticité prise en compte dans les modèles employés a été revue pour tenir compte des taux d’élasticité récemment constatés. Vous faites allusion, monsieur Sansu, au gel du barème de l’impôt sur le revenu, mais il appartient à une époque révolue ! Je vous rappelle qu’il a été dégelé l’an dernier et qu’il l’est encore cette année. Autrement dit, nous prenons en compte l’augmentation due soit à l’inflation soit à l’augmentation moyenne des revenus de nos concitoyens. Tels sont les éléments de réponse qui amènent le Gouvernement à proposer aux auteurs des amendements de les retirer à défaut de quoi je proposerai à l’Assemblée de les rejeter.

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Ma première observation prendra la forme d’une question à vous adressée, monsieur le secrétaire d’État. On observe en matière d’impôt sur le revenu un phénomène nouveau. Depuis trois ans, faiblement en 2012, à hauteur de moins d’un milliard d’euros, puis de façon très importante en 2013 et plus encore en 2014, le rendement est très inférieur à la prévision. On constate un écart d’un milliard d’euros en 2012, cinq milliards en 2013 et au moins 5,5 milliards en 2014. Il s’agit d’un phénomène tout à fait nouveau sur les raisons duquel il faut absolument s’interroger. L’une d’entre elles, et je m’adresse ici à M. Sansu, est à mon avis l’hyperconcentration de l’impôt sur le revenu, très bien expliquée dans le rapport de Dominique Lefebvre. En effet, 1 % des ménages, soit 370 000 foyers fiscaux, acquittent aujourd’hui 32 % de l’impôt sur le revenu, soit une concentration importante.

J’attire votre attention sur le taux marginal, monsieur Sansu. Le taux marginal pour les revenus très élevés, constitués avant tout de revenus du patrimoine, est de 45 % augmenté de 4 % de contribution exceptionnelle et de 15,5 % de prélèvements sociaux, soit en tout 65 %. J’ai le sentiment, et je ne suis pas le seul, que nous assistons à des modifications de comportement des quelques milliers de contribuables situés tout en haut du barème. Deux signaux incitent à le penser. Les délocalisations de contribuables dont les revenus sont supérieurs à 300 000 euros par an ont doublé en 2012 par rapport à 2011, passant d’un peu moins de 300 à 450. En outre, la chute des recettes fiscales est plus importante sur les bénéfices non commerciaux, les produits financiers et les BIC, ce qui laisse penser que des revenus restent dans l’entreprise ou que des adaptations de comportement ont lieu.

Quand le phénomène prend de telles proportions et se chiffre en milliards, il doit absolument être étudié. Je vous demande donc très précisément la chose suivante, monsieur le secrétaire d’État : menons dès le mois d’avril, sur la base de l’amendement déposé en loi de finances rectificative au mois de décembre 2012 dont Eric Woerth se souvient très bien car nous l’avions défendu ensemble, l’analyse précise des départs et des retours de contribuables en 2013 à partir de l’ISF, de l’exit tax et de l’impôt sur le revenu. Nous ne pouvons pas attendre le mois de septembre 2015 pour étudier le phénomène ! Il serait par ailleurs souhaitable d’obtenir une analyse précise par types de revenu afin de comprendre le phénomène affectant les BIC et les BNC. Nous ne pouvons demeurer dans le déni ! Il s’agit de cinq ou six milliards d’euros ! J’attire votre attention sur ceci, monsieur Sansu : ce qu’on ne trouve pas dans le haut du barème de l’impôt sur le revenu, on le récupère grâce à la taxe sur le gazole ! Voilà comment fonctionnent les recettes fiscales de l’État !

Mme la présidente. La parole est à M. Éric Woerth.

M. Éric Woerth. Un mystère, qui n’est sans doute pas celui de la chambre jaune, entoure l’impôt sur le revenu. On ne comprend plus très bien ce qu’il en est et il existe une incertitude dont Gilles Carrez a très bien fait état, les recettes réelles ayant été très éloignées des recettes attendues sans que l’on sache pourquoi. Le projet de loi de finances pour 2015 prévoit une augmentation des recettes liées à l’impôt sur le revenu que je vous ai bien entendu justifier, monsieur le secrétaire d’État, par un effet mécanique et par le choix de retenir l’élasticité la plus prudente possible. Mais enfin il en allait de même l’année dernière et l’impôt sur le revenu n’en a pas moins été inférieur de 5,5 milliards d’euros aux prévisions, soit très en-deçà. Libre à vous d’estimer que les recettes de l’impôt sur le revenu augmenteront de 600 ou 700 millions d’euros en 2015, mais les recettes sont mécaniquement en baisse par rapport à la prévision que vous avez retenue l’année dernière. En outre, vous prévoyez une diminution accrue pour les contribuables de la première tranche. Tout cela est un peu mystérieux et nécessite me semble-t-il une explication plus complète que celle que vous avez avancée.

Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas Sansu.

M. Nicolas Sansu. Je répondrai à M. le secrétaire d’État et me défendrai face à M. le président de la commission ! Je suis bien conscient que l’assiette a été élargie, monsieur le secrétaire d’État, et c’est très bien. Nous avons voté l’intégration des revenus du capital dans le revenu fiscal de référence. Quant au dégel, je ne le remets pas en cause mais l’entrée dans le barème de l’impôt intègre l’absence de dégel en 2011 et 2012, tout simplement. Il est exact, monsieur le président de la commission, que 1 % des ménages acquittent le tiers de l’impôt sur le revenu, mais quel est leur taux moyen d’imposition sur le revenu ? Voilà ce qui importe !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Très bien !

M. Nicolas Sansu. Il existe en effet une hyperconcentration des revenus et des patrimoines. La fiscalité du patrimoine, dont traite en particulier l’article 5 du projet de loi de finances, ne fait qu’en renforcer la concentration et cela soulève de vraies questions en termes de fiscalité. Enfin, et même si je ne dispose pas de tous les éléments comme M. le président de la commission des finances en dispose,…

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Nous avons exactement les mêmes !

M. Nicolas Sansu. …à propos de l’exil des forces vives, il me semble qu’un rapport vient de paraître avant-hier montrant qu’il n’en est rien.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Complètement bidonné !

M. Nicolas Sansu. Si vous dites du rapport de mon collègue élu dans le même département que le mien qu’il est bidonné, M. le président de la commission des finances, il ne va pas être très content, d’autant que son rapport remet en cause ce que vous venez de dire à propos de l’exil des forces vives !

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Je dirai avec un peu d’humour que l’amendement de notre collègue Sansu, membre du groupe communiste et apparentés, aboutit à vider l’ISF de sa substance ! Peut-être notre collègue n’a-t-il pas mesuré les conséquences de ce qu’il propose ? (Sourires.) Vous proposez en effet, cher collègue, un taux marginal de 50 % augmenté du prélèvement de 4 % que vous n’abrogez pas et des prélèvements sociaux de 15,5 %, soit en tout 70 %. Or l’ensemble composé de l’ISF, de l’IR et de la CSG, comme vous le savez, est plafonné à 75 %. Vous allez donc vider l’ISF de sa substance, ce qui est complètement excessif ! J’en viens à ce que vous avez dit de l’amendement du groupe UDI, monsieur le secrétaire d’État, et qui appelle deux observations. Certes, le taux moyen d’imposition est progressif, mais je parle du taux marginal et vous ne contestez pas qu’il est d’abord de 28 % puis descend à 14 % avant de remonter à nouveau !

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Ce qui compte, c’est ce que l’on paie !

M. Charles de Courson. Cela est-il constitutionnel ? Je vous mets en garde, monsieur le secrétaire d’État, pour la raison très simple que le Conseil constitutionnel ne raisonne pas en taux moyen mais en taux marginal. L’un des inconvénients de la réforme que vous proposez est d’accentuer la progressivité de l’impôt payé par ceux qui y entrent puis de la réduire et l’augmenter à nouveau pour les tranches suivantes. Cela n’est-il pas contraire à la Constitution ? Par ailleurs, l’amendement de l’UDI a pour objet de soulever la question de la PPE. Tous ceux qui ont contribué aux travaux de la commission sur l’imposition des revenus des ménages présidée par notre collègue Dominique Lefebvre ont conclu, à quelques nuances d’appréciation près, que la PPE n’a pas atteint son objectif. Je rappelle que celle-ci ne représente pas 2,2 milliards d’euros mais quatre, 1,8 milliard imputé en crédit d’impôt sur le revenu et 2,2 milliards versés pour ceux qui ne sont pas imposables. Le but était de recycler ces quatre milliards d’euros pour en faire une utilisation plus efficace visant à encourager à l’activité et au travail. Quelle est la position du Gouvernement sur ce point, monsieur le secrétaire d’État ?

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Lefebvre.

M. Dominique Lefebvre. La fiscalité est un sujet complexe et politiquement sensible. Le rôle de l’opposition, dans le débat, est d’y semer la confusion par ses propos.

Mme Véronique Louwagie. Non, de rétablir la vérité !

M. Dominique Lefebvre. J’aimerais commenter certains propos qui ont été tenus. Je retiens de l’intervention de Mme Louwagie que l’impôt idéal, pour elle, c’est la flat tax, c’est-à-dire un taux inchangé quel que soit le niveau de revenu excluant toute progressivité.

Mme Véronique Louwagie. Ce n’est pas ce que j’ai dit !

M. Dominique Lefebvre. Je voudrais revenir sur les éléments de progressivité. Vous avez raison, monsieur le président Carrez, de rappeler que 1 % des ménages payent 40 % de l’impôt sur le revenu.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances et M. Charles de Courson. 32 % !

M. Dominique Lefebvre. Le problème est que ces 1 % des ménages représentent tout de même près de 10 % des revenus, et que si l’on consolide l’impôt sur le revenu et la CSG, comme nous l’avions fait dans notre rapport, ils n’en payent que 16 %. Les 10 % des ménages les plus riches, qui payent 70 % de l’impôt sur le revenu, et représentent d’ores et déjà 35 % de l’ensemble de ces revenus, ne payent en réalité que 49 % – si j’ose dire – de l’impôt sur le revenu et la CSG. Autrement dit, 35 % des revenus payent 49 % de l’impôt. Et vous jugez cela parfaitement excessif !

J’en viens à un autre point. J’ai entendu hier Mme Dalloz expliquer qu’elle était pour un impôt sur le revenu à assiette large et à taux bas. Mais à chaque fois que nous réintégrons un revenu non imposé dans l’assiette de l’impôt sur le revenu, vous le récusez ! Ce fut le cas de la majoration de 10 % des pensions, qui est un revenu, comme des complémentaires santé. Or quelle est la différence, monsieur Woerth, entre les 850 milliards d’euros de l’assiette de l’impôt sur le revenu et les 1200 milliards d’euros de la CSG ? Ce sont bien tous ces revenus qui sont exonérés de l’impôt qui forment de l’impôt sur le revenu en gruyère. Un jour, il faudra bien que vous soyez cohérents !

En tout état de cause, et je veux le dire aussi à M. Sansu, une plus grande lisibilité du système suppose une refonte d’ensemble. La fusion de l’impôt sur le revenu et de la CSG a fait l’objet de travaux importants. Elle suppose un certain nombre d’étapes préalables : il faudrait instaurer le prélèvement à la source, surmonter l’ensemble des difficultés liées à une jurisprudence du Conseil constitutionnel sur le principe d’égalité devant l’impôt différente pour l’impôt sur le revenu et pour la CSG, et enfin assumer des éléments de transfert. Si vous avez lu le rapport de février 2012, vous aurez constaté que la fusion de l’impôt sur le revenu et de la CSG sèche peut conduire à une perte pour une femme seule avec deux enfants. À enveloppe constante, une grande réforme fiscale aboutit à des transferts importants. Ce n’est pas le moment et nous n’en avons pas les moyens, car cela suppose une baisse des prélèvements obligatoires. Ce qu’il faut faire, c’est ce qu’a préconisé le groupe de travail, à savoir une simplification du bas de barème et une plus grande lisibilité. Et il est faux de dire que dans ces conditions, tous les Français ne payent pas d’impôts : comme l’a rappelé le ministre, ils payent bien, au premier euro, et la CSG et la TVA – qui est proportionnelle aux revenus pour 90 % des ménages.

(Les amendements nos 1, 646, 759 et 819 deuxième rectification, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jérôme Chartier, pour soutenir l’amendement n384.

M. Jérôme Chartier. C’est un débat fort intéressant que celui auquel j’ai assisté sur la première tranche de l’impôt. Permettez-moi néanmoins de revenir sur ce qui me semble très important, mais sort du contexte de l’article 2, à savoir l’estimation de la ressource s’agissant de l’impôt sur le revenu.

Nous avons tous entendu le Gouvernement : malgré la suppression de la première tranche d’entrée à l’impôt, la croissance de la ressource serait grosso modo de 600 millions d’euros. Nous arriverions donc, en net, à environ 3,8 milliards. J’ai bien compris l’effet base entraîné par la réintégration d’un certain nombre de revenus, qui permet de tabler sur une progression, mais 6 % me semble tout de même beaucoup. Nous serions donc très intéressés par un débat sur la façon dont les chiffres ont été établis. Si vous pouviez demander à vos services de nous préciser cela d’ici la fin de la discussion de la première partie, monsieur le ministre, ce serait fort enrichissant. Nous pourrions ainsi avoir un débat éclairant – pas seulement pour nous, mais pour tous les Français qui s’interrogent légitimement. Comment parvenez-vous à accroître les recettes de l’impôt sur le revenu alors même que vous annoncez la baisse ou la stagnation de l’imposition des Français ? C’est une vraie question.

L’amendement que je présente est une tentative de contribution au débat. Il faut baisser les taux d’imposition de l’impôt sur le revenu. C’est important, car les Français qui travaillent et disposent de revenus souffrent d’une imposition trop forte.

Mme la présidente. Veuillez conclure, cher collègue.

M. Jérôme Chartier. Vous constatez que je n’ai pas abusé de mon temps de parole ce matin, madame la Présidente.

Mme la présidente. Non, mais vous disposez de deux minutes par amendement.

M. Jérôme Chartier. En baissant les taux, nous voulons tenter d’envoyer un message aux Français. Il s’agit à la fois d’encourager le travail et de mieux répartir l’effort sur l’ensemble des tranches. Chacun l’a vu, il ne s’agit pas d’une flat tax : la progressivité est bien là. En revanche, elle devient raisonnable. Nous préservons ainsi le consentement à l’impôt – par une base large – tout en fixant un taux raisonnable, de telle sorte que personne n’ait le sentiment d’être spolié par la fiscalité.

Mme la présidente. Puis-je considérer que vous avez défendu en même temps l’amendement n380, monsieur Chartier ?

M. Jérôme Chartier. Oui, madame la Présidente.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. La commission a émis un avis défavorable à ces amendements. Vous proposez de baisser de 10 % le taux d’imposition de chacune des tranches, ce qui induit une baisse beaucoup plus importante sur les déciles de revenus les plus élevés.

M. Dominique Lefebvre. Eh oui ! Ils aiment les riches !

M. Jérôme Chartier. Et ils l’assument !

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Ce faisant, vous amoindrissez la progressivité de l’impôt.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Permettez-moi de revenir sur les quelques interpellations dont le Gouvernement a fait l’objet.

J’aimerais d’abord tuer l’idée que nous aurions posé des chiffres sur un bout de papier sans que l’administration ait procédé à un travail sérieux et rigoureux.

M. Olivier Carré. Cela fait trois ans qu’il y a un problème !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Vous vous interrogez sur l’élasticité, monsieur Woerth. Vous avez raison : c’est une vraie question. Toutes les méthodes d’estimation et de calcul sont décrites dans les documents que vous avez reçus. Encore faudrait-il les lire. L’élasticité prise en compte a été de 0,9. Retenir une élasticité inférieure à 1 révèle une certaine prudence. Nous avons retenu 0,9 ; nous l’assumons, nous le disons et nous l’écrivons ! Le président de la commission et la rapporteure générale nous ont adressé – ce qui est légitime – un certain nombre de demandes de renseignements. Nous y avons répondu. Laisser penser qu’il y aurait une espèce de Mystère de la chambre jaune, ou de « boîte noire » dans laquelle des chiffres seraient posés sans explication me semble non seulement désagréable, mais un peu méprisant au regard de la masse de travail fournie pour établir les documents budgétaires. Je tenais à le dire en hommage à ceux qui passent parfois des jours, des nuits et des week-ends à répondre aux interpellations – tout à fait légitimes – et à faire les calculs les plus sérieux du monde.

Il ne vous aura pas échappé, monsieur Woerth, que la prévision de croissance était de 0,9 % l’an dernier, et que nous nous attendons à 0,4 % – c’est tout de même un élément d’explication majeur. Le même raisonnement peut être tenu pour l’inflation.

Sur la progressivité de l’impôt, beaucoup a déjà été dit. Pour ma part, je me suis livré à un autre petit calcul. Il est en effet un peu facile de mélanger les taux marginaux et les taux moyens ; vous avez évoqué les taux marginaux des tranches supérieures, monsieur le président.

Je me suis livré, disais-je, à un calcul très simple. J’ai pris l’impôt sur le revenu des 10 % des Français les plus riches – ce n’est pas honteux – et l’ai divisé par leur revenu. Ils sont tous – ou du moins la plupart – dans les tranches marginales à 45 %, et ils acquittent le plus souvent la contribution exceptionnelle. J’arrive à 13 %. Tous ces chiffres sont à votre disposition ; ils figurent d’ailleurs dans les documents de Mme la rapporteure générale.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Les 10 % ne sont pas à 45 %.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je pourrais faire le même calcul pour le dernier décile ; vous avez tous les documents qui vous permettent de le faire. Il me semble que cela relativise un certain nombre d’idées préconçues.

Le Gouvernement est bien sûr défavorable à ces amendements.

Mme la présidente. La parole est à M. Jérôme Chartier.

M. Jérôme Chartier. Je n’ai rien entendu de désobligeant dans les propos d’Éric Woerth. Chacun a conscience – et Éric Woerth, qui fut longtemps ministre des comptes publics, mieux que personne – que les services de Bercy sont extrêmement méritants. Mais ils œuvrent sous la direction des ministres, qui fixent les objectifs – et qui peuvent fixer un objectif de croissance des ressources, parce qu’il faut bien équilibrer le budget. En l’occurrence, nous sommes surpris, c’est vrai, de cette estimation. Nous pouvons entendre qu’avec une croissance de 0,9 % pour l’an prochain, on arrive, par une sorte de magie, à un impôt sur le revenu en augmentation. Je rappelle simplement que la base de l’augmentation de l’impôt sur le revenu est celle de cette année, à savoir 0,4 %. Il va donc falloir nous expliquer comment, avec cette croissance de 0,4 %, vous arrivez à une croissance de l’impôt sur le revenu de 6 %. Nous sommes assez stupéfaits du calcul, d’où notre souhait d’avoir davantage d’éléments.

Permettez-moi une deuxième observation. Si les 10 % des revenus les plus élevés sont à la tranche marginale de 45 %, c’est une information ! Nous serions ravis que vous puissiez nous la confirmer, car nous sommes assez surpris. Mais peut-être reviendrez-vous sur ce chiffre. Sur les feuilles d’impôts des Français les plus aisés, en tout cas, c’est un taux bien supérieur à 13 % qui s’applique.

M. Christian Eckert, rapporteur. Mais non ! Regardez les feuilles d’impôts !

(Les amendements nos 384 et 380, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements, nos 580 et 700, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Éric Alauzet, pour soutenir l’amendement n580.

M. Éric Alauzet. Nous sommes toujours dans le même débat. Il s’agit de créer une nouvelle tranche d’imposition à 49 % au-delà de 500 000 euros pour se substituer à la taxe exceptionnelle à 75 % qui a été appliquée pendant deux années.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Elle est appliquée jusqu’au retour à l’équilibre, monsieur Alauzet.

M. Éric Alauzet. Cela concerne la tranche marginale de revenus élevés, et même très élevés. Nous sommes là sur des revenus bruts mensuels, si nous prenons l’exemple d’un revenu de 600 000 euros, de 50 000 euros par mois.

Quel serait l’impact réel de ce passage de 45 % à 49 % sur la partie marginale, soit, pour un revenu de 600 000 euros, sur 100 000 euros ? Cela fait 2400 euros par an. Cela veut dire, au bout du compte, impôts déduits, un revenu de l’ordre de 30 000 euros par mois, et, sur celui-ci, une amputation de 340 euros. Voilà l’enjeu. Dire qu’il s’agit là de prélèvements excessifs, qui vont pousser les contribuables concernés à quitter notre pays pour aller s’installer ailleurs, serait donc tout à fait abusif.

Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas Sansu, pour soutenir l’amendement n700.

M. Nicolas Sansu. Notre amendement a exactement le même objet que le précédent puisqu’il vise à instituer un taux marginal d’imposition de 50 % pour la fraction de revenus supérieure à 300 000 euros par part – j’insiste sur le fait que ce montant est calculé par part. Il est également inspiré par la volonté d’instituer un dispositif de substitution à la taxe à 75 %. À cet égard, monsieur le secrétaire d’État, il serait extrêmement intéressant que vous nous indiquiez le taux moyen d’imposition concernant le dernier centile.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Il est de 25 %.

M. Nicolas Sansu. On est donc loin du taux marginal, ce qui est normal puisque l’impôt est progressif. Mais il faut cesser de faire croire que les socialistes seraient des affameurs et les communistes des égorgeurs : ce n’est pas sérieux ! (Sourires. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jérôme Chartier. C’est pourtant la vérité !

Mme Véronique Louwagie. C’est vous qui l’avez dit !

M. Nicolas Sansu. Je redis que, du côté gauche de l’hémicycle, nous sommes des partageux, et je le revendique ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Avis défavorable. Des efforts ont été menés dans plusieurs directions : sur l’assiette, par la baisse du plafond ; en créant une nouvelle tranche d’imposition ; en remettant en œuvre l’ISF ; enfin, en pérennisant la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Même avis.

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Le Fur.

M. Marc Le Fur. Les réponses de Mme la rapporteure générale et de M. le ministre, pour le moins elliptiques…

M. Nicolas Sansu. Sibyllines !

M. Marc Le Fur. …ne peuvent être comprises que si l’on y voit un peu plus clair sur la fameuse taxe à 75 %.

M. Nicolas Sansu. Elle n’existe plus !

M. Marc Le Fur. Qui la paie, en dehors des footballeurs ? En effet, je vous rappelle que les professions libérales – en particulier les grands avocats parisiens, dont les revenus seraient susceptibles d’appartenir à ces tranches – ne la paient pas. Par ailleurs, il est relativement aisé à un grand patron d’y échapper, puisqu’il est lui-même mandataire social dans plusieurs sociétés et peut, en quelque sorte, saucissonner son revenu entre ces sociétés. Aussi, cette taxe à 75 % ne vaut-elle que pour les joueurs de football, qui n’ont qu’un seul employeur.

M. Charles de Courson. Même pas !

M. Marc Le Fur. Si ! On a bien compris, toutefois, que l’on exclut une part de ce qu’ils devraient payer pour épargner le Paris Saint-Germain.

M. Charles de Courson. L’amendement « Qatar » !

M. Marc Le Fur. Dès lors, monsieur le secrétaire d’État, qu’en est-il, aujourd’hui, de cette taxe ? C’était, je vous le rappelle, un engagement du candidat à la présidence de la République : engagement certes irréfléchi, mais qui n’est pas sans conséquence. Je n’attends pas votre opinion sur le sujet, mais des éléments objectifs et « documentés », pour employer un terme aujourd’hui très utilisé.

Mme la présidente. La parole est à M. Éric Alauzet.

M. Éric Alauzet. Je voudrais revenir sur une mesure que nous avons décidée en début de législature : l’instauration d’un nouveau taux marginal de 45 % pour la tranche des revenus excédant – pour prendre un chiffre actualisé – 151 200 euros. À titre d’illustration, quelqu’un disposant d’un revenu supérieur de 10 000 euros au seuil d’application du taux marginal de 45 %, a payé un supplément d’impôt, depuis deux ans, de 36 euros mensuels. Voilà à quoi se réduit le dramatique effet de la progressivité de l’impôt que nous avons mise en place : 360 euros d’impôt annuels pour 10 000 euros de revenus annuels supplémentaires. Ce n’est tout de même pas très important.

Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Carré.

M. Olivier Carré. Monsieur le secrétaire d’État, quel est le montant d’impôt auquel les contribuables ayant bénéficié du plafonnement ont échappé ? Si vous ne disposez pas du chiffre s’agissant de l’imposition des revenus 2013, vous l’avez certainement pour l’impôt acquitté l’an passé.

Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas Sansu.

M. Nicolas Sansu. Monsieur Le Fur, vous avez raison en ce qui concerne la taxe à 75 %, qui était une étrangeté et qui, à mon sens, aurait dû être remplacée par une tranche d’imposition à 49 % – selon le souhait de nos collègues écologistes – ou à 50 %. Je pense que c’était une bonne solution, et la seule crédible pour nos finances publiques.

Les évaluations préalables du budget 2014 nous ont appris que le produit de la taxe à 75 % s’est élevé à 310 millions d’euros. Il s’agit toutefois d’un montant brut ; après prise en compte de la déductibilité de la taxe du bénéfice imposable au titre de l’impôt sur les sociétés, son produit est ramené à 210 millions d’euros.

Vous avez raison, monsieur Le Fur, c’étaient essentiellement les clubs de football qui s’en acquittaient, eu égard aux rémunérations, supérieures au million d’euros, qu’ils versent à leurs joueurs. Telle est la réalité.

Il faut aujourd’hui mettre fin à cette taxe, qui était d’ordre symbolique, pour revenir à un impôt plus progressif : tel est l’objet des amendements présentés par nos collègues du groupe écologiste et par notre groupe.

(Les amendements nos 580 et 700, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n2.

M. Marc Le Fur. Cet amendement a pour objet de revenir sur l’une de vos plus funestes décisions, consistant à réduire encore davantage les avantages accordés aux familles par la baisse du plafonnement, par demi-part, de l’avantage procuré par le quotient familial. Le principe est très simple : la politique familiale n’est pas une politique sociale mais une politique démographique. Ce n’est pas un chapitre d’une politique sociale. Puisqu’un enfant entraîne nécessairement une dépense supplémentaire, la politique familiale a pour objet de faire en sorte qu’à revenu égal, les familles ne soient pas désavantagées par rapport aux célibataires ou aux couples sans enfant.

Vous avez rompu avec ce principe de base, qui faisait jusqu’à présent l’unanimité, et qui est ancien, puisqu’il est consubstantiel à notre impôt sur le revenu. Je le regrette et j’espère que votre réflexion a pu évoluer.

Vous avez donc pris aux familles – je reprends les chiffres cités par Mme la rapporteure générale – l’équivalent de 1,11 milliard, somme qui, de surcroît, ne leur sera pas restituée. En effet, cette recette supplémentaire alimente le budget général de l’État. Il faudra d’ailleurs que vous nous expliquiez la tuyauterie, parce que personne ne la comprend, un peu à l’image du bonneteau, jeu pratiqué dans les rues parisiennes, où l’on ignore la place de l’une des cartes. (Sourires.)

Revenez sur cette funeste décision, revenez à une véritable politique familiale, qui n’aille pas à l’encontre des familles, y compris de celles disposant de revenus moyens, voire aisés : l’ensemble des familles doivent en effet être respectées.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Même avis.

Mme la présidente. La parole est à Mme Véronique Louwagie.

Mme Véronique Louwagie. Les réponses de Mme le rapporteur et de M. le secrétaire d’État sont tout de même très courtes.

M. Dominique Baert. Oui mais tout est dit !

Mme Véronique Louwagie. On parle ici du quotient familial, des avantages et du soutien qu’il procure aux familles. Mais je veux insister sur le fait que, plus encore, il s’agit d’un outil de la solidarité sociale et de la politique familiale. Cela mérite donc d’être évoqué.

Vous proposez d’établir le plafonnement à 1 508 euros par demi-part. On a tous connaissance des charges de famille induites, essentiellement par les enfants, et ces dernières doivent être prises en compte. Un équilibre doit être trouvé entre les ménages qui assument des charges liées à l’éducation des enfants et les ménages qui ne les subissent pas : il s’agit d’une barrière d’ajustement. Or, à 1 508 euros, on ne peut plus parler de barrière d’ajustement. Il est donc important de revenir à un niveau qui permette d’équilibrer les choses et d’assurer l’égalité entre les ménages, selon qu’ils supportent ou non des charges de famille. Cet amendement me paraît donc pleinement justifié, en ce qu’il répond à des objectifs d’équilibre, d’équité et d’ajustement.

Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas Sansu.

M. Nicolas Sansu. Je veux dire un mot sur cet amendement, contre lequel je voterai. L’enjeu, aujourd’hui, consiste à mêler les politiques familiale, sociale et fiscale. On aura le même débat, lors de l’examen du PLFSS, s’agissant des allocations familiales.

Personne ne conteste le versement d’une aide pour charges de famille. Le principe du quotient familial, tel qu’il existe actuellement – en conformité, d’ailleurs, avec sa définition d’origine –, a pour conséquence qu’un enfant de riche coûte plus cher qu’un enfant de pauvre (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

M. François André. Exactement !

M. Nicolas Sansu. …ce qui pose problème, notamment pour toutes celles et tous ceux qui ne sont pas imposés. Pourquoi ne pas préférer une allocation universelle, dès le premier enfant, à des abattements via le quotient familial ? C’est une question qu’il faut poser, et qui, en tout état de cause, le sera dans le cadre de la refonte des allocations familiales. Je me demande aujourd’hui s’il serait possible de revenir à ce qui avait été prévu en 1946, à savoir le versement d’une allocation universelle à tous les parents, qu’ils soient ou non imposables.

M. Marc Le Fur. Vous parlez des allocations familiales, c’est un autre sujet !

M. Nicolas Sansu. Monsieur Le Fur, il y a aujourd’hui une double entrée pour la politique familiale : les allocations familiales et le quotient familial, via l’impôt. Cela mérite d’être questionné. Je voulais poser les termes du débat, et je pense que cela va faire réagir nos collègues de l’opposition.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz.

Mme Marie-Christine Dalloz. On ne peut pas mélanger les notions de prélèvement fiscal et de redistribution.

M. Nicolas Sansu. Ah bon ?

Mme Marie-Christine Dalloz. Ce ne sont pas les mêmes sujets. Vous entendre dire ce que vous avez dit est proprement incroyable.

L’amendement en discussion a le mérite de mettre en lumière votre vision de la politique démographique française. En effet, par l’article 2, vous augmentez la décote. Or, si cette dernière a un effet important sur les foyers fiscaux constitués d’une personne seule et un effet plus réduit sur les foyers fiscaux formés de deux personnes, elle est totalement inopérante sur les foyers fiscaux comprenant un ou plusieurs enfants. Telle est donc votre vision de la politique démographique, à savoir l’instauration d’une double peine. Le quotient familial prenait en compte cette réalité.

Monsieur Lefebvre, dans le rapport sur la fiscalité des ménages que vous avez commis avec M. Auvigne, vous disiez que les recettes fiscales issues du plafonnement du quotient familial devraient être affectées à la branche famille : on attend toujours de voir cette affectation. Au contraire, à chaque projet de loi de finances, de manière extrêmement régulière, vous portez un nouveau coup majeur à la politique familiale.

En réalité, aujourd’hui, la décote n’a pratiquement pas d’impact, ou à tout le moins un impact très faible, sur la familialisation de l’impôt. Il s’agit donc, je le répète, d’une double peine, et ce n’est, à mes yeux, pas acceptable.

M. Marc Le Fur. Tout à fait !

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Lefebvre.

M. Dominique Lefebvre. Nous tenons ce débat depuis deux ans à l’Assemblée nationale, et tout a été dit sur la question du quotient familial.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Oui !

M. Dominique Lefebvre. Toutes les personnes de bonne foi reconnaissent le bien-fondé d’un dispositif qui implique la détermination du niveau d’aide justifié par enfant quel que soit le revenu.

Mesdames, messieurs du groupe UMP, vous pensez qu’un enfant de riche peut valoir dix fois un enfant de pauvre (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) 

M. Olivier Carré. Mais non !

Mme Véronique Louwagie. Votre propos n’est pas admissible !

Mme Marie-Christine Dalloz. Il n’est pas possible d’entendre cela !

M. Dominique Lefebvre. Pour notre part, nous avons plutôt tendance à penser que tous les enfants se valent et devraient être aidés de la même manière.

Mme la présidente. Mes chers collègues, je vous demande de vous exprimer dans le calme et de laisser M. Lefebvre terminer.

M. Dominique Lefebvre. Tel est l’objet du plafonnement du quotient familial.

Je veux rappeler deux choses simples. D’une part, le produit de la baisse du plafond du quotient familial est affecté au financement de la branche famille. À droite, vous êtes pour la politique familiale mais contre l’équilibre de la branche famille, comme vous l’avez montré mercredi matin en commission des finances, lorsque nous avons examiné pour avis le projet de loi de financement de la Sécurité sociale. De fait, vous vous êtes opposés aux mesures d’économie sans proposer de nouvelles ressources.

Vous nous avez d’ailleurs laissé une branche familiale déficitaire. Si vous étiez réellement amoureux de la famille, vous nous auriez laissé une branche familiale à l’équilibre, voire excédentaire.

M. Jérôme Chartier. Opposer enfants de riches et de pauvres est inacceptable !

M. Dominique Lefebvre. D’autre part, je rappelle que ce sont les deux derniers déciles des revenus qui saturent le plafonnement du quotient familial.

Alors que vous considérez que les classes moyennes correspondent aux deux derniers déciles des foyers fiscaux français, nous considérons quant à nous qu’elles sont situées entre le quatrième et le sixième décile.

M. Philippe Vigier. Ceux qui parlent des pauvres et des sans-dents, ce n’est pas nous !

M. Dominique Lefebvre. Et notre mesure permet d’inclure le septième décile de revenu déclaré par unité de consommation. Revenons donc à des choses réalistes ! Assumez que vous avez une politique fiscale de classe qui vise en permanence à protéger les hauts revenus et à taxer davantage les revenus modestes ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

Mme la présidente. Mes chers collègues, puisque vous êtes très nombreux à demander la parole, chacun s’exprimera une minute.

La parole est à M. Éric Woerth.

M. Éric Woerth. Madame la présidente, les propos de M. Lefebvre ne sont évidemment pas acceptables. Si vous croyez, monsieur Lefebvre, que les enfants de riches valent plus que les enfants de pauvres…

M. François André. C’est vous qui le croyez !

M. Christophe Castaner. C’est votre politique !

M. Éric Woerth. C’est bien ce que vous venez de dire ! Je ne le prends pas comme une accusation de la droite. Le débat est surréaliste ! Je ne comprends pas comment vous pouvez penser de telles choses !

J’aimerais revenir à un discours plus raisonnable et plus responsable. Tout d’abord, quotient familial et allocations familiales sont deux notions bien distinctes, et la politique familiale est bien plus importante encore.

Le quotient familial intervient à revenu égal : si vous avez des charges de famille, vous égalisez vos revenus avec ceux qui n’ont pas de charge de famille. Il ne s’agit donc pas d’un transfert de revenus entre les uns et les autres.

M. Marc Le Fur. Exactement !

M. Éric Woerth. Quant aux allocations familiales, elles constituent des revenus supplémentaires par enfant et sont universelles. Je le dis en particulier à l’adresse de M. Sansu, qui le sait très bien, mais qui ne l’a pas expliqué de cette façon. Il faut revenir aux notions exactes. Le quotient familial consiste à égaliser le pouvoir d’achat entre des familles touchant un revenu équivalent et dont la situation est différente ; avec ou sans enfants, personnes célibataires ou non.

M. Olivier Carré et Mme Marie-Christine Dalloz. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Mes chers collègues, ce débat m’étonne quelque peu. Vous connaissez la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, qui fait partie de notre constitution : la contribution commune indispensable à l’entretien de la force publique et aux dépenses d’administration « doit être également répartie entre tous les Citoyens, en raison de leurs facultés ».

Avez-vous les mêmes facultés quand vous avez cinq enfants et quand vous êtes un vieux célibataire ? Il est donc évident que le principe de la familialisation de l’impôt fait partie du bloc constitutionnel.

M. François André. Ce principe n’est pas remis en cause !

M. Charles de Courson. Nous interrogeons le Gouvernement, qui ne veut pas répondre ; quant à M. Lefebvre, il a une conception de classe… Monsieur Lefebvre, pourriez-vous être un peu moderne et arrêter de montrer les vieilles lunes ? Qu’est-ce donc que cette idée de classe ? Votre comportement relève du racisme social.

Mme Marie-Christine Dalloz. C’est exactement cela !

M. Charles de Courson. Revenons-en au fond : est-ce normal qu’une personne célibataire gagnant 30 000 euros ait le même revenu après impôt qu’un couple qui gagne 30 000 euros et qui a trois enfants ? Bien sûr que non ! Votre position serait d’ailleurs anticonstitutionnelle, monsieur Lefebvre.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Une minute, monsieur de Courson, une minute !

M. Charles de Courson. Nous demandons donc au Gouvernement jusqu’où ira la baisse du plafond du quotient. Veut-il descendre en dessous de 1 500 euros, veut-il arriver à 0 euro ? La thèse de notre collègue Dominique Lefebvre aboutirait en effet à cela, ce qui est anticonstitutionnel, mon cher collègue.

Mme Marie-Christine Dalloz. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Le Fur.

M. Marc Le Fur. Quand M. Sansu affirme qu’il y a deux entrées, il se trompe ; pardonnez-moi, cher collègue. Il y a l’entrée fiscale – le quotient familial –, il y a l’entrée allocation universelle – les allocations familiales –, mais il y a aussi toutes les aides accordées aux familles en fonction du revenu et versées prioritairement à celles qui disposent d’un revenu modeste. En masse, il s’agit d’ailleurs de trois tiers à peu près comparables. Il convient de tout prendre en compte.

M. Lefebvre nous explique par ailleurs que la redistribution profite aux deux derniers déciles, mais ce n’est pas la conséquence du quotient familial, c’est la conséquence de la progressivité de l’impôt ! N’oubliez pas en outre tous les impôts pour lesquels aucun avantage familial n’est prévu. Vous parlez en permanence des différentes contributions, mais l’impôt sur le revenu est le seul dont le calcul permet de tenir compte de la charge familiale.

M. Charles de Courson. La TVA, la CSG tiennent-elles compte de la famille ?

M. Marc Le Fur. Il est en effet calculé non pas uniquement en fonction des ressources, mais en fonction des ressources et des charges. C’est d’ailleurs le seul : la CSG ne tient pas compte de l’avantage familial, alors même que sa recette est autrement plus importante. Il en va de même pour la TVA, qui est un impôt anti-familial. On le disait à gauche avant que vous n’augmentiez vous-mêmes la TVA, chers collègues !

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Une minute, monsieur Le Fur !

M. Marc Le Fur. Respectons donc la seule possibilité qui existe de tenir compte des réalités familiales.

Mme la présidente. La parole est à M. Jérôme Chartier.

M. Jérôme Chartier. Je vous remercie de permettre ce débat très important, madame la présidente. Comme chacun le sait, ce sujet nous est très cher.

M. Christophe Castaner. Il n’y a rien dans le projet de loi sur le sujet ! La discussion générale est terminée !

M. Jérôme Chartier. C’est la raison pour laquelle nous bondissons légitimement lorsque nous entendons, en particulier de la bouche du porte-parole du groupe majoritaire, parler d’enfants de riches et d’enfants de pauvres. C’est extrêmement insultant pour les enfants de France et pour les familles de France. Nous n’acceptons pas l’emploi de telles formules.

Je le répète : il s’agit non pas d’une aide mais d’une compensation légitime visant à ce que la France soit un pays à la démographie dynamique, ce qui repose sur l’ensemble des Français. Il serait extrêmement malheureux, terrible, que le nombre d’enfants par famille soit fonction des catégories de ressources ; cela présenterait même un risque suicidaire pour la société française.

C’est pourquoi ce système à double entrée, qui est performant, doit être revitalisé. Le fait que cette compensation légitime revienne à un niveau que nous estimons normal est la moindre des choses que l’on doit à ces familles qui permettent à la France de rester un très grand pays.

Mme la présidente. La parole est à M. Gilles Lurton.

M. Gilles Lurton. On ne peut pas laisser dire que la branche famille est déficitaire. J’affirme au contraire qu’elle ne l’est pas ; c’est même la seule branche à l’équilibre. Cependant, on ponctionne sur ses recettes une somme de 2,8 milliards d’euros pour financer le budget de la branche vieillesse, qui pourrait lui être reconnaissante de bénéficier de ces fonds. C’est de ce seul fait que le budget de la branche famille est en déficit.

M. Olivier Carré. Exactement !

Mme la présidente. La parole est à Mme Monique Rabin.

Mme Monique Rabin. Je souhaite ajouter quelques mots pour nous rappeler à la raison. Il me semble que la discussion générale est close. Hier, nous avons beaucoup parlé du sens de l’impôt. J’ai rappelé lors de mon intervention que le débat de 2014 était exactement le même que celui de 1907. En fait, ce qui nous sépare, c’est le sens de l’impôt. Si nous pouvions tous ensemble redonner du sens à l’impôt, qui est la première des solidarités, nous y gagnerions tous.

Ce matin, nous nous cachons derrière des éléments extrêmement techniques pour dire tout simplement que de ce côté-là de l’hémicycle, on est un tout petit peu moins partageurs, ou plutôt un petit peu plus partageurs pour le haut du barème.

M. Marc Le Fur. C’est nous qui sommes partageurs envers les familles !

M. Jérôme Chartier. C’est incroyable !

Mme Monique Rabin. Au sujet de la politique sociale, je vous renvoie au débat de la semaine prochaine : nous avons démontré en commission des finances que la France était un grand pays de la protection sociale. Nous pouvons donc parler de la redistribution, mais sur l’impôt, il me semble que tout a été dit.

Mme Marie-Christine Dalloz. Vous êtes vraiment des donneurs de leçons !

Mme la présidente. La parole est à M. Éric Alauzet.

M. Éric Alauzet. Nicolas Sansu a eu raison de faire le lien avec le débat sur les allocations familiales, car il faut examiner les choses de façon globale.

Mme Monique Rabin. Il a eu raison de mettre les pieds dans le plat !

M. Éric Alauzet. Nous devons anticiper le débat de la semaine prochaine. Si vient en débat la proposition de fiscaliser les allocations familiales ou de mettre en place un seuil, je verrai d’un mauvais œil que la question ne soit pas traitée globalement, c’est-à-dire avec celle du quotient familial, car en cas de fiscalisation ou de fixation d’un seuil à ces prestations, je préférerais que le plafond du quotient familial soit abaissé.

On ne peut pas toucher à tout et adresser des messages de façon désordonnée. Nous sommes bien sûr contre l’amendement qui est proposé ici, mais nous soutenons qu’il faut une réflexion d’ensemble.

Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure générale.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Pour éclairer ce débat, j’aimerais revenir aux chiffres qui figurent à la page 26 du rapport sur la première partie du projet de loi de finances, relative à l’évaluation des voies et moyens.

Monsieur Le Fur, pour les familles de quatre enfants – celles qui, donc, ont la charge familiale la plus importante –, le quotient familial représente 173 millions d’euros, soit 1,4 % de la totalité des avantages retirés du quotient. Vous voyez donc, mon cher collègue, que ce ne sont pas les familles qui ont le plus d’enfants qui en bénéficient le plus.

D’ailleurs, pour en revenir à ce que nous disions tout à l’heure, à qui bénéficie le plus le quotient familial ? Sur les 12 milliards d’euros sur lesquels ne porte aucun impôt,…

M. Marc Le Fur. Ce raisonnement est faux !

Mme la présidente. Seule Mme la rapporteure a la parole, cher collègue !

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Veuillez écouter mon raisonnement jusqu’au bout ! Sur 12 milliards d’euros, 3,6 milliards d’euros concernent les familles avec un enfant. La concentration des avantages tirés du quotient familial bénéficie donc, contrairement à ce que vous affirmez, majoritairement aux familles qui ont un enfant. Vous prétendiez voilà quelques instants que nous cherchions à ne pas favoriser les familles : je ne suis pas d’accord avec vous, d’autant que les familles de quatre enfants représentent un poids assez faible du quotient familial.

Par ailleurs, les familles dont le revenu fiscal de référence appartient au dernier décile, c’est-à-dire les familles les plus riches, bénéficient de 30 % des avantages tirés du quotient familial.

M. Olivier Carré. C’est normal ! Ce sont elles qui paient les impôts !

M. Marc Le Fur. Bien entendu ! L’avantage est fonction des revenus !

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. La remarque de notre collègue M. Sansu était tout de même sensée : une grosse part – 30 % – du quotient familial est concentrée sur les 10 % des foyers français les plus riches.

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. J’aimerais apporter au débat quatre éléments factuels très simples.

M. Marc Le Fur. Il y a un élément que M. Sansu n’a pas considéré !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Monsieur le vice-président de l’Assemblée nationale, je vous prie de laisser la parole au secrétaire d’État ; vous donneriez ainsi l’exemple...

Après le vote de l’amendement, madame la présidente, je souhaiterais que la séance soit suspendue quelques minutes.

Mme la présidente. Bien sûr, monsieur le secrétaire d’État, la suspension est de droit. Veuillez poursuivre.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Premièrement, le plafond du quotient familial est fixé à 1 508 euros – vous avez raison, madame Louwagie –, mais par demi-part.

Mme Véronique Louwagie. Nous sommes d’accord !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Voilà qui relativise quelque peu ce qui vient d’être dit.

Deuxièmement, plusieurs d’entre vous ont évoqué, parfois avec mépris, la tuyauterie, la complexité du dispositif. Je vous le confirme, monsieur Le Fur : la recette fiscale issue du plafonnement du quotient familial a été transférée aux recettes du budget des allocations familiales. Nous avons régulièrement ce débat, souvent conduit par Mme Louwagie, qui doit donc le savoir. Il n’y a donc aucune ambiguïté sur ce point, pas de mystère, pas de tuyauterie, pas d’usine à gaz ; c’est clair, net et précis.

Troisièmement, Mme Dalloz a eu la gentillesse de faire remarquer que la décote pouvait soulever des questions. M. Mariton nous avait beaucoup entretenus de la non-familialisation de la décote. La décote que le Gouvernement vous propose aujourd’hui n’est pas complètement familialisée,…

Mme Marie-Christine Dalloz. Non, je l’ai dit !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. …mais reconnaissez tout de même qu’elle tient désormais compte de la différence entre un couple et un célibataire, ce qui constitue une avancée…

M. Marc Le Fur. Mais elle ne tient pas compte des enfants !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Monsieur Le Fur, je crois n’avoir interrompu personne, veuillez me laisser m’exprimer !

M. Marc Le Fur. Je souhaitais simplement compléter vos propos, parce qu’on ne me donne pas la parole !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Quatrièmement, le plafond du quotient familial adopté l’an dernier – 1 500 euros par demi-part –, qui passe à 1 508 euros cette année, touche les 13 % des Français les plus riches avec enfants. Chacun appréciera s’il s’agit là de classes moyennes ou de classes supérieures ; nous n’avons pas forcément la même conception sur ce point, cela a déjà été dit et constitue une vraie source de débat.

(L’amendement n2 n’est pas adopté.)

Suspension et reprise de la séance

Mme la présidente. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à onze heures, est reprise à onze heures dix.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

Je suis saisie d’un amendement rédactionnel n589 de Mme Rabault.

(L’amendement n589, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

(L’article 2, amendé, est adopté.)

Après l’article 2

Mme la présidente. La parole est à M. Gilles Carrez pour soutenir l’amendement n144.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Cet amendement très intéressant devrait faire plaisir à M. Alauzet. La contribution exceptionnelle de 3 % ou 4 %, monsieur Alauzet, suite à un amendement de M. de Courson, devrait perdurer jusqu’au retour à l’équilibre de nos comptes publics, ce qui pourrait prendre quelques décennies ! Elle s’ajoute aujourd’hui à la tranche marginale d’impôt sur le revenu à 45 % et aux prélèvements sociaux dont le taux global est de 15,5 %, puisque l’essentiel de cette contribution est apporté par les prélèvements sur les revenus du patrimoine, en particulier les plus-values.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Mobilières.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. En effet, mobilières également. Or, son rendement est en train de diminuer. Alors qu’elle avait rapporté, à la grande satisfaction du rapporteur général de l’époque, 630 millions en 2012, elle est descendue à un peu plus de 500 millions en 2013 pour ne plus être, semble-t-il, que de 400 millions aujourd’hui. Nous ne pouvons que constater une certaine érosion.

Or, souvenons-nous qu’elle a été créée parce que certains, justement, refusaient d’instaurer une nouvelle tranche à 45 %. Elle est venue en substitution. Additionner les deux devient aujourd’hui contre-productif. Nous sommes face à cette situation typique où des taux trop élevés détruisent l’assiette et conduisent à un amoindrissement des revenus. C’est pourquoi j’ai déposé cet amendement de suppression.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Avis défavorable. Cette contribution exceptionnelle a été votée en loi de finances initiale pour 2012 et il était prévu qu’elle s’applique « jusqu’à l’imposition des revenus de l’année au titre de laquelle le déficit public des administrations publiques est nul ».

M. Marc Le Fur. Cela va prendre du temps !

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Comme il n’est pas nul cette année et qu’il ne le sera pas davantage l’année prochaine, il n’y a aucune raison de supprimer cette contribution exceptionnelle. Avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. J’ai l’impression de subir un quizz fiscal, avec toutes ces questions précises qui s’accumulent. J’essaie de répondre à toutes mais pas forcément en direct. Je vais en profiter pour en reprendre deux précédemment posées.

Monsieur Carrez, vous nous avez demandé quel était l’effet du plafonnement. Il a été de 709 millions d’euros en 2013 – vous trouverez ce chiffre dans l’annexe Voies et moyens qui vient d’être publiée – mais il n’est pas encore possible de connaître celui de 2014.

S’agissant de la taxe sur les hauts revenus, dite taxe à 75 %, elle peut rapporter 300 millions d’euros et les footballeurs ne sont pas les seuls à la payer, monsieur Le Fur. Des traders y sont également soumis.

M. Charles de Courson. Ce ne sont pas les footballeurs qui la paient, d’ailleurs.

M. Marc Le Fur. Ce sont leurs employeurs !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je ne suis pas en mesure de vous fournir les noms et adresses de ceux qui s’en acquittent mais, en effet, M. de Courson a raison.

Passons à présent à la question à 2 000 euros de M. Carrez. C’est vrai, la contribution exceptionnelle devrait rapporter 400 millions. Monsieur Carrez, vous vous interrogez sur les raisons de cette baisse mais vous avez fourni vous-même la réponse : dans le revenu des personnes concernées entrent le plus souvent les plus-values des valeurs mobilières. C’est pour cette raison que je vous ai demandé de préciser votre propos tout à l’heure.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Les plus-values professionnelles aussi.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Il ne vous aura pas échappé, en effet, que le régime des plus-values des valeurs mobilières est le plus favorable jamais mis en place, toutes tendances confondues.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Les pigeons ont volé !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Peu importe. Les deux régimes d’imposition des plus-values des valeurs mobilières donnent lieu à des abattements dès la deuxième année de 50 %, parfois même dès la première année, et de 85 % lorsqu’elles sont détenues depuis huit ans.

Or, la contribution exceptionnelle s’appliquant sur l’ensemble du revenu, pour beaucoup constitué de ces plus-values auxquelles s’appliquent tous ces abattements, il n’est pas étonnant que son produit s’érode.

Je veux donc simplement constater avec vous que contrairement à ce que l’on dit, le régime d’imposition des plus-values des valeurs mobilières – puisque vous avez évoqué les « pigeons » – n’a jamais été aussi favorable. À preuve : nul ne le conteste, y compris les associations que vous et moi avons l’habitude de rencontrer pour traiter ces sujets.

En clair, vous proposez de supprimer une recette de 400 millions d’euros ; c’est insupportable, inacceptable et inenvisageable. Je vous propose donc de retirer l’amendement, faute de quoi je suggérerai à l’Assemblée de le rejeter.

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Je rappelle que les deux taux de 3 % et de 4 % de la contribution sur les hauts revenus ne portent pas sur le revenu fiscal, mais sur le revenu fiscal de référence.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Exactement !

M. Charles de Courson. Il est donc d’autant plus pertinent de s’interroger, comme l’a fait M. Carrez, sur l’évolution de l’assiette pour le dernier décile de revenus, et même le dernier centile, voire le dernier millième. Il n’y a là en effet nulle perturbation : en deux ans, l’effondrement se chiffre à environ 200 millions sur 600 millions en tout, soit un tiers. Ainsi, les indications que nous fournit M. le secrétaire d’État tendent à conforter la thèse de ceux qui estiment que les excès du taux marginal de l’impôt sur le revenu aboutissent à une très forte baisse de l’assiette, par rétention des bénéfices ou par non-réalisation des plus-values, par exemple. À mon sens, cet impôt est donc intéressant.

D’autre part, la contribution sur les hauts revenus avait été instaurée parce que le groupe centriste souhaitait la création d’une tranche d’impôt à 45 %, car la tranche marginale supérieure était à l’époque fixée à 41 %. Nous avons obtenu cette nouvelle tranche par le biais de cette contribution supplémentaire. Or, la majorité actuelle a porté la tranche marginale supérieure de 41 % à 45 %, ce qui, une fois ajoutée la contribution sur les hauts revenus, relève donc son niveau à 49 % et même nettement au-delà puisque, je le rappelle, ce taux supplémentaire de 4 % porte sur le revenu fiscal de référence et non sur l’assiette, qui est bien inférieure.

En somme, il faudra bien un jour supprimer cette contribution, monsieur le secrétaire d’État !

(L’amendement n144 n’est pas adopté.)

Article 3

Mme la présidente. La parole est à M. Romain Colas, pour soutenir l’amendement n679.

M. Romain Colas. J’en profiterai, madame la présidente, pour défendre également les amendements nos 725 et 713, qui sont liés. Il s’agit de s’inspirer du régime de préfinancement du CICE pour favoriser la mise en œuvre du crédit d’impôt de transition énergétique, le CITE.

Comme vous le savez, la Banque publique d’investissement peut délivrer des avances sur le CICE aux entreprises. Par cet amendement, nous souhaitons que les ménages puissent, dans les copropriétés, bénéficier d’un avantage similaire. Il faut pour cela créer un dispositif d’avance sur le CITE, afin d’en favoriser la montée en puissance dans les secteurs où il est le plus difficile d’engager des travaux, car il faut non seulement recourir au vote des copropriétaires, mais aussi mobiliser des fonds importants. On renforcerait ainsi l’impact du CITE en matière sociale, puisque les travaux de rénovation thermique s’accompagnent naturellement d’une baisse des charges, mais aussi en matière environnementale puisqu’ils entraîneront une diminution de la consommation d’énergie, et enfin en matière économique puisque le dispositif stimulera le secteur du bâtiment, dont nous savons que le degré d’activité a un effet immédiat sur le niveau d’emploi.

J’ai bien conscience que cette proposition, en l’état, mérite d’être améliorée. Toutefois, je lance cet appel à la réflexion collective, à l’intention du Gouvernement en particulier, pour que nous puissions avant la nouvelle lecture élaborer ensemble un dispositif performant.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Cet amendement vise à instaurer un préfinancement permettant d’engager immédiatement les travaux sans attendre le remboursement dans l’impôt sur le revenu lié au CITE. Pour une dépense de 100, le crédit d’impôt s’élèverait – avec les mesures qui, je l’espère, vont être adoptées – à 30, ce qui ramènerait le montant total des travaux à 70.

Pour qu’il y ait préfinancement, il faut que les travaux soient déjà engagés et financés ce qui, lorsque leur coût atteint 8 000 euros, représente une dépense que tous les ménages français ne peuvent naturellement pas avancer, notamment parce qu’ils peuvent peiner à obtenir un prêt bancaire d’un montant élevé.

Vous faites le parallèle avec le CICE et d’autres crédits d’impôt qui donnent lieu à des créances. Je comprends bien l’idée économique sous-jacente, mais il semble souhaitable d’effectuer une étude d’impact pour évaluer le nombre de personnes concernées. Autre différence : dans le cas du CICE, le montant de la créance est connu, puisque le taux est fixé à 4 % ou 6 % de la masse salariale. Le crédit d’impôt obtenu l’année suivante porte donc sur une somme fixe. Dans le cas du CITE, le montant des travaux n’est pas forcément connu lors de leur démarrage, car un devis initial peut toujours évoluer. Les choses sont moins bordées que dans le cas du CICE.

La commission a donc émis un avis défavorable. À ce stade, je vous invite à retirer l’amendement pour qu’une étude d’impact puisse nous renseigner sur le nombre de personnes concernées. En effet, il peut ne pas aller de soi de créer un dispositif juridique lourd si le nombre de bénéficiaires est très limité. Cela étant, il est utile de poser la question des personnes qui renoncent à se lancer dans des travaux pour un coût de 8 000 euros, et ce même si elles savent qu’elles bénéficieront l’année suivante d’un crédit d’impôt équivalant à 30 % de ce montant, parce qu’elles ont peine à avancer les fonds.

À titre d’information, l’avis de la commission sur les amendements nos 725 et 713 est également défavorable pour les mêmes raisons.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. J’approuve les propos de Mme la rapporteure générale. Comme vous l’avez laissé entendre, monsieur Colas, ces amendements en l’état ne fonctionneraient pas très bien. On ignore en effet qui avancerait quoi et comment.

Je vous rejoins néanmoins sur la question des copropriétés. Il en existe certaines, petites et sympathiques, où quelques personnes peuvent facilement se mettre d’accord. Il en existe d’autres, plus grosses – mais qui peuvent être tout aussi sympathiques – qui peinent à monter de lourdes opérations de rénovation thermique. Chacun d’entre nous en connaît un exemple – je connais moi-même une copropriété de 400 personnes. J’en veux pour preuve le cas du prêt à taux zéro : la législation a été adaptée et les décrets ont été pris pour qu’il puisse fonctionner, mais il ne fonctionne pas – souvent parce que les banques ne sont pas intéressées par ce type de dispositif au motif que le risque est trop élevé.

Il faut donc poursuivre la réflexion. J’ai demandé à la Caisse des dépôts et consignations de s’impliquer dans le dispositif, car elle possède les moyens d’intervenir. Quoi qu’il en soit, la question du crédit d’impôt mérite d’être posée. Compte tenu des difficultés d’application que présenteraient ces amendements, dont je comprends néanmoins l’objectif, je vous propose de les retirer pour retravailler le dispositif et trouver une solution convenable qui puisse vous satisfaire, par exemple à l’occasion du projet de loi de finances rectificative.

Mme la présidente. La parole est à Mme Eva Sas.

Mme Eva Sas. Je partage en grande partie les arguments de Mme la rapporteure générale et de M. le secrétaire d’État mais je soutiens la démarche de M. Colas, car il est très important de créer un dispositif de préfinancement du CITE. Nous avons peine à faire décoller les travaux de rénovation thermique parce que la situation économique des ménages et des copropriétés est difficile. Toute mesure incitative d’avancement des fonds – puisque la question est là – serait donc de nature à accélérer la rénovation thermique.

Ce dispositif qui, comme on l’a dit, existe déjà pour le CICE, peut être adapté au CITE. J’y vois une piste très intéressante pour favoriser le développement de la rénovation thermique en France.

Mme la présidente. La parole est à M. Romain Colas.

M. Romain Colas. J’ai pris bonne note de la volonté qu’ont exprimée Mme la rapporteure générale et M. le secrétaire d’État de poursuivre ce travail et, par conséquent, je retire l’amendement.

(L’amendement n679 est retiré.)

M. Gérald Darmanin. Nous aurions gagné du temps si vous vous étiez concertés !

Mme la présidente. La parole est à Mme Eva Sas, pour soutenir l’amendement n539.

Mme Eva Sas. Cet amendement réjouira M. le président de la commission et M. le secrétaire d’État, puisqu’il vise à limiter la dépense fiscale correspondant au CITE pour cibler le dispositif sur les ménages les plus modestes en en excluant le décile des ménages les plus riches. L’expérience du crédit d’impôt développement durable, qui a précédé le CITE, montre en effet que les ménages appartenant au décile de revenus le plus élevé avaient onze fois plus souvent recours au CIDD que les ménages appartenant au décile de revenus le moins élevé. Les ménages aisés ont les moyens de financer eux-mêmes les travaux de rénovation énergétique. Il nous paraît donc plus opportun, pour accroître l’efficacité de la dépense publique, de concentrer le CITE sur les neuf premiers déciles et de redéployer l’économie ainsi réalisée – sur le budget de l’écologie, par exemple, car il en a bien besoin, ou sur une augmentation du taux du CITE. C’est une mesure intéressante d’économie qui permet de redéployer des fonds en matière écologique.

Mme Marie-Christine Dalloz. Le Conseil constitutionnel appréciera !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Il est toujours délicat de viser deux objectifs dans un même article de loi.

Mme Marie-Christine Dalloz. En effet !

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. En l’espèce, l’objectif est de relancer la construction en produisant un véritable effet de déclenchement – dans le sillage de la loi sur la transition énergétique que nous avons adoptée mardi dernier.

Examinons donc la ventilation du CIDD par revenu fiscal de référence : les choses sont plus équilibrées que vous le dites. En effet, le décile des ménages les plus aisés représente 13 % de la dépense fiscale globale, tandis que le décile des ménages les moins aisés en représente 8,4 %. Telles sont les données dont nous disposons.

Mme Marie-Christine Dalloz. L’équilibre existe donc !

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. D’autre part, vous renvoyez la définition du revenu fiscal de référence maximal au Conseil d’État : le Conseil constitutionnel risque d’estimer que nous sommes là dans un cas d’incompétence négative et que le législateur ne va pas au bout de ses compétences, ouvrant la porte aux discussions.

Mme Marie-Christine Dalloz. Très bien !

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Pour toutes ces raisons, la commission a émis un avis défavorable à cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. À ces arguments, j’ajouterai que le Gouvernement a eu la volonté d’accélérer la rénovation thermique pour des raisons économiques, comme l’a indiqué Mme la rapporteure générale, et pour des raisons environnementales qui vous sont chères autant qu’à nous, madame la députée. Le CITE est donc mis en place jusqu’à la fin de l’année 2015. Il est vrai que les expériences passées nous incitent à surveiller la dépense fiscale en envisageant éventuellement de revenir sur le dispositif. Plusieurs méthodes peuvent être employées : l’obligation de réaliser un bouquet de travaux et l’assujettissement à des conditions de ressources sont les pistes que vous évoquez.

Compte tenu du marasme dans lequel se trouve ce secteur économique, le Gouvernement a souhaité ouvrir une possibilité pour une durée limitée. Nous pourrons évaluer le dispositif à la fin 2015 et débattre à ce moment-là de son coût, de son efficience et des éventuelles dispositions à y ajouter. Nous avons voulu – au terme d’un dialogue parfois difficile entre les ministères – créer un dispositif simple et lisible qui permette de donner l’impulsion évoquée par Mme la rapporteure générale. Pour toutes ces raisons, je vous suggère, madame la députée, de retirer l’amendement, faute de quoi j’appellerai l’Assemblée à le rejeter.

Mme la présidente. La parole est à M. Christophe Caresche.

M. Christophe Caresche. En dehors de ce crédit d’impôt, il faut noter l’action très dynamique de l’Agence nationale de l’habitat, l’ANAH, – dont le financement posera peut-être un problème, comme nous le verrons plus tard. L’ANAH distribue en effet des aides très importantes, sous conditions de ressources, c’est-à-dire destinées à des familles modestes, pour leur permettre de réaliser des travaux d’isolation de leur logement. La préoccupation de notre collègue est donc en partie satisfaite par ce dispositif, qu’il faudra sans doute simplifier mais qui, lui, s’adresse à toutes les catégories de la population.

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Je ne comprends pas cet amendement de nos collègues écologistes.

Tout d’abord, il devrait fixer un plafond de revenu fiscal, car comment définir ce qu’est un ménage riche ? À quel niveau de revenus fixer la limite ? J’ajoute que le fait de le pas prévoir de limite dans la loi est probablement inconstitutionnel.

Par ailleurs, il ne serait pas normal, selon vous, d’aider les ménages qui ont les moyens d’investir de façon rentable pour rénover leur logement. Mais la rentabilité d’un investissement est indépendante du niveau de revenus des personnes ! Tout investissement a une rentabilité propre, que le crédit d’impôt peut augmenter et accélérer.

Pour ces raisons, notre groupe votera contre cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à Mme Eva Sas.

Mme Eva Sas. Je ne pense pas avoir parlé d’investissement rentable.

M. Charles de Courson. On parle bien de « rénovation rentable » dans l’exposé des motifs !

Mme Eva Sas. Il s’agit simplement pour moi d’aider les ménages à financer eux-mêmes cette rénovation et d’éviter un effet d’aubaine en accordant un CIDD à des ménages qui auraient de toute façon procédé à des travaux de rénovation thermique. Voilà le premier objet de l’amendement.

Son autre objet est de redéployer les économies réalisées sur d’autres dépenses fiscales, dans un souci de rationalisation. Car il nous paraît important, en tant que personnes responsables et économes, de réfléchir à l’efficacité de la dépense publique. Ce n’est pas en consacrant le CIDD aux 1 % de ménages les plus aisés que nous obtiendrons la meilleure efficacité en matière de rénovation thermique.

Je ne vais pas retirer cet amendement. Je voudrais que Mme la rapporteure générale me confirme que les chiffres qu’elle a cités portent bien sur le crédit d’impôt consacré au développement durable et non sur l’ensemble des dépenses fiscales et des dispositifs en vigueur.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Oui !

Mme Eva Sas. Selon mes informations, le taux de recours au CIDD des 10 % de ménages les plus aisés est onze fois supérieur au taux de recours des ménages appartenant aux autres déciles.

Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure générale, pour un complément de réponse.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Madame Sas, vous faites référence au taux de recours tandis que je fais référence au nombre de bénéficiaires réels du CIDD, à savoir les crédits d’impôt qui ont réellement été perçus.

(L’amendement n539 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n223.

M. Marc Le Fur. Je souhaite obtenir de M. le secrétaire d’État quelques explications.

Vous encouragez l’équipement en compteurs individualisés dans les copropriétés, ce que nous comprenons parfaitement. Les occupants peuvent ainsi contrôler leur propre dépense énergétique, ce qui permet de les sensibiliser et de les responsabiliser.

Mais les personnes vivant dans un habitat individuel, qui représentent la moitié de la population française, voire 80 % dans certains départements, aspirent également à disposer de compteurs plus performants et plus efficaces. Si j’ai bien compris, les personnes qui seront équipées de nouveaux dispositifs comme le compteur Linky ne bénéficieront pas de l’avantage fiscal que vous proposez dans cet article – sauf erreur d’interprétation de ma part.

Dans un esprit d’équité, il convient que tous nos concitoyens bénéficient de cet avantage fiscal, qu’ils habitent dans des résidences et des immeubles en copropriété ou en maison individuelle.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Monsieur Le Fur, le mot « immeuble » utilisé dans l’article 200 quater du code général des impôts est un terme générique qui recouvre aussi bien les appartements en copropriété que les maisons individuelles.

Par ailleurs, les compteurs individuels pour le chauffage et l’eau chaude sanitaire ont vocation à être installés dans les copropriétés puisqu’ils servent à isoler la consommation de chaque occupant, ce qui, par définition, n’est pas nécessaire dans une maison individuelle.

Je comprends mal l’objet de votre amendement, sachant que la notion d’immeuble recouvre l’ensemble des logements. Surtout, les maisons individuelles ont déjà un compteur individuel. Avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Même avis.

(L’amendement n223 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jérôme Lambert, pour soutenir l’amendement n475.

M. Jérôme Lambert. Dans le prolongement des débats que nous avons eus lors de l’examen du projet de loi relatif à la transition énergétique, cet amendement propose d’étendre aux appareils de comptage individuel en location le bénéfice du crédit d’impôt pour la transition énergétique institué à l’article 3.

Cette disposition est cohérente avec la directive européenne 2012/27/UE relative à l’efficacité énergétique et rejoint la volonté du Gouvernement de participer à la généralisation de l’individualisation des frais de chauffage dans les immeubles chauffés collectivement. En France, à ce jour, seulement 10 % du parc immobilier est équipé d’un système de comptage individuel pour le chauffage, contre 90 % en moyenne en Europe et 99 % en Allemagne.

En rendant éligible au crédit d’impôt les frais relatifs à la location des appareils, et non plus seulement à leur achat – ce qui sera la réalité dans l’immense majorité des logements du parc immobilier social et de l’habitat collectif locatif – vous permettrez à un nombre plus important de Français de payer leur chauffage selon leur propre consommation et vous rendrez plus égaux les locataires et les propriétaires devant les crédits d’impôt en faveur des économies d’énergie.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Avis défavorable. Le crédit d’impôt a vocation à favoriser l’investissement réalisé lors de l’achat de ces appareils. Votre proposition donnerait lieu à un effet d’aubaine. En outre, l’argent public étant rare, nous préférons le concentrer sur l’investissement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Même avis.

Mme la présidente. La parole est à M. Jérôme Lambert.

M. Jérôme Lambert. Une personne qui est locataire dans un immeuble collectif du parc social n’a pas le choix puisque c’est le propriétaire ou le bailleur qui installe ce type d’appareil et intègre le coût de la location dans les charges locatives. Cela crée une inégalité entre celui qui peut acheter l’appareil – et ainsi bénéficier d’un crédit d’impôt – et celui qui en payera chaque mois la location dans ses charges locatives.

(L’amendement n475 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Éric Alauzet, pour soutenir l’amendement n538.

M. Éric Alauzet. Cet amendement vise à traduire dans le projet de loi de finances un élément de la loi relative à la transition énergétique, à savoir son objectif de réduction de la consommation d’énergie. Les systèmes de pilotage vont dans ce sens puisqu’ils permettent de réduire jusqu’à 20 % de la facture énergétique de nos concitoyens. Ce sont donc des investissements stratégiques.

Afin d’accélérer l’équipement par les ménages de ces compteurs intelligents, nous proposons de les intégrer au dispositif prévu à l’article 3. Il me semble d’ailleurs que dans un précédent projet de loi de finances, nous avions déjà fait bénéficier les systèmes de contrôle et les thermostats d’un crédit d’impôt.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Je n’ai pas très bien compris ce que vous entendez par système de pilotage et de contrôle de la consommation énergétique. S’agit-il des box permettant d’encadrer et de contrôler la consommation énergétique ou des outils domotiques de commande à distance ?

Par ailleurs, le crédit d’impôt dont nous discutons a pour objectif d’encourager les dépenses d’acquisition d’un équipement et pas nécessairement leur installation, à l’exception de la pose de matériaux d’isolation thermique. Avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Cet amendement est déjà partiellement satisfait puisque dans la liste des dépenses éligibles figurent les systèmes de limitation de puissance du chauffage électrique en fonction de la température extérieure, ainsi que les systèmes gestionnaires d’énergie et de délestage de puissance. Une partie des installations visées par cet amendement entrent donc dans le champ du crédit d’impôt.

Par ailleurs, l’expression utilisée dans la rédaction de l’amendement n’est pas suffisamment précise.

Enfin, vous proposez de faire entrer les dépenses de main d’œuvre dans le champ de ce crédit d’impôt. Nous n’avons jamais retenu cette option, faisant le choix de concentrer l’avantage fiscal sur l’équipement lui-même et non sur son installation.

Pour toutes ces raisons, monsieur le député, je vous suggère de retirer cet amendement, faute de quoi j’en demande le rejet.

Mme la présidente. La parole est à Mme Cécile Duflot.

Mme Cécile Duflot. Nous sommes là sur un sujet quelque peu technique mais absolument décisif. L’équipement dont nous discutons bénéficie de tous les dispositifs de crédit d’impôt mis en place depuis le Grenelle.

Il convient de ne pas opposer la réduction de la consommation due à l’isolation, qui fait l’objet de tous les dispositifs mentionnés ici, et ce que nous appelons l’efficacité énergétique active, à savoir la capacité de réaliser des économies d’énergie sans attendre d’avoir procédé à l’isolation du bâtiment.

Nous avons souvent opposé les deux démarches au motif que l’on pouvait substituer l’efficacité active à l’isolation – et je précise que ces systèmes peuvent aussi s’appliquer aux bâtiments rénovés. Je pense pour ma part qu’il ne faut pas opposer ces deux démarches.

De quoi s’agit-il ? Il s’agit de systèmes de pilotage à distance, qui permettent de démarrer le chauffage une heure avant d’arriver à son domicile, ce qui en réduit l’utilisation, ou de déclencher le chauffe-eau aux heures creuses, ce qui participe à l’effacement des pics de consommation. Ils sont donc très utiles.

J’ajoute que ces systèmes ont été développés essentiellement par des entreprises françaises qui sont devenues leaders sur ce marché. Ce serait leur adresser un mauvais signal que d’exclure ces systèmes du dispositif de crédit d’impôt. Or c’est précisément ce que nous ferions en n’adoptant pas cet amendement. C’est un argument que je défends depuis 2008.

Le maintien de ce dispositif est important à deux titres, d’une part parce qu’il s’agit de systèmes peu coûteux, de sorte que ce crédit serait peu pénalisant pour les finances publiques, et parce que les supprimer du dispositif en faveur des économies d’énergie pourrait donner l’impression que ces systèmes ne sont pas efficaces alors même qu’ils le sont.

Je revendique le fait de ne pas opposer ces deux sujets. Dans l’attente de travaux d’isolation, il est possible de mettre en place ces dispositifs permettant de réduire la facture énergétique de 20 %, 30 % ou 40 %, voire 50 % dans les bâtiments publics – mais notre amendement concerne uniquement les particuliers.

L’introduction d’un dispositif dans le champ d’application d’un crédit d’impôt donne un signal quant à son utilité : en excluant les systèmes de pilotage et de contrôle de la consommation énergétique du champ d’application du CITE, nous enverrions donc un très mauvais signal. J’insiste, monsieur le secrétaire d’État : il s’agirait d’un contre-signal très néfaste.

Je le répète, les travaux d’isolation et les systèmes de pilotage et de contrôle de la consommation énergétique sont très complémentaires. D’ailleurs, je ne comprends pas pourquoi il nous a fallu déposer cet amendement : puisque nous avons supprimé la nécessité d’engager des dépenses dans le cadre d’un bouquet de travaux pour bénéficier d’un crédit d’impôt, il m’aurait semblé assez évident de maintenir dans le champ du CITE l’intégralité des travaux concernés par le précédent CIDD.

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Mme Duflot n’a pas tort : il est vrai qu’il existe des dispositifs indépendants de tout investissement d’isolation thermique qui permettent de réduire la facture énergétique. Le problème est que le crédit d’impôt n’est pas destiné à cela, mais à encourager des travaux. L’amendement n538 porte sur d’autres dépenses : il revient donc à élargir le champ du crédit d’impôt.

Par ailleurs, les dispositifs d’optimisation de la consommation énergétique ne sont pas très coûteux. Comme le disait excellemment Mme Sas, ils sont rentables par eux-mêmes : une incitation fiscale supplémentaire ne semble donc pas forcément nécessaire.

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Le Fur.

M. Marc Le Fur. Une fois n’est pas coutume, je suis assez favorable à l’amendement présenté par le groupe écologiste. Mais cela ne fera pas jurisprudence ! (Sourires.)

Avec cet amendement, nous avons la possibilité d’aider les familles qui font des efforts pour rendre plus rationnelle leur consommation d’énergie, mais aussi d’aider des entreprises en cours de lancement. Encourager des dispositifs de ce genre est aussi une manière d’aider les entreprises qui fournissent ces systèmes plus intelligents et plus efficaces. En effet, ce sont souvent des entreprises françaises qui sont au premier rang de ce type d’initiatives : adopter cet amendement serait cohérent avec la logique de l’article 3.

Par ailleurs, je ne pense pas que cet amendement présente un coût considérable. À ce stade, nous sommes pionniers dans ce domaine. Certes, il ne faudra peut-être pas pérenniser ce type d’avantage pour l’éternité, mais il convient d’encourager les particuliers ou les entreprises qui se lancent.

Mme la présidente. La parole est à M. Razzy Hammadi.

M. Razzy Hammadi. Je remercie Cécile Duflot d’avoir évoqué ce sujet, mais nous devons être en phase avec la réalité technologique actuelle. Aujourd’hui, les innovations concernent principalement le domaine de la domotique, notamment par le biais du numérique. Au cours des dix prochaines années, les économies d’énergie dans les foyers français se concentreront sur la box du fournisseur d’accès à internet. Or, qu’allons-nous financer par ce crédit d’impôt ? La box, ou le logiciel qu’elle contiendra et qui permettra de réguler la consommation d’énergie par le biais de son téléphone ou de son smartphone ? Aujourd’hui, dans le secteur de la consommation d’énergie, 80 % à 90 % des innovations concernent ce domaine-là. À ce stade du débat, en matière de domotique énergétique, il me semble difficile de distinguer ce qui concerne l’infrastructure embarquée à domicile et ce qui est du domaine du logiciel qui, aujourd’hui, ne coûte pas grand-chose et est même de plus en plus souvent livré gratuitement par les fournisseurs d’accès.

Mme la présidente. La parole est à M. Éric Alauzet.

M. Éric Alauzet. Sur de nombreux sujets, nous nous posons la question de l’instabilité juridique, de l’instabilité législative en particulier. L’année dernière, nous avons affirmé dans la loi que ces dispositifs installés à la maison étaient utiles. Aujourd’hui, irons-nous dans l’autre sens ? Je ne reviendrai pas sur l’utilité de ces dispositifs, mais je veux insister sur l’importance de la constance de nos décisions. Dès lors qu’un système de ce genre est installé à la maison, il doit être pris en charge, comme l’ensemble des investissements.

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. À ce stade, je veux remettre les choses en place. L’amendement est inutile.

Mme Véronique Louwagie. Ah bon ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Tout dispositif pris en charge dans le cadre du CIDD sera pris en compte dans le CITE. Il n’y a pas de restriction du champ d’application du crédit d’impôt, puisque les appareils éligibles au CITE sont exactement les mêmes que ceux qui étaient concernés par le CIDD, sur la base du même article du code général des impôts. La remarque de M. Alauzet sur l’instabilité législative est donc irrecevable. Un nombre plus important de dispositifs seront même pris en charge dans le cadre d’autres opérations. Je veux donc vous rassurer sur ce point.

Pour répondre à M. Le Fur, je répète ce que j’ai dit tout à l’heure : ce ne sont pas les installations que nous prenons en compte, mais les équipements. Il n’y a pas lieu de faire une différence entre l’installation d’appareils d’optimisation de la consommation énergétique et celle de chaudières ou d’équipements beaucoup plus lourds.

Certains ont évoqué le caractère inutile de cet amendement : ils ont raison. Premièrement, le crédit d’impôt concernera les mêmes équipements qu’avant, pas moins. Deuxièmement, nous n’avons pas l’intention de prendre en compte l’installation, y compris pour la raison évoquée utilement par Razzy Hammadi. Le Gouvernement maintient donc son avis défavorable à cet amendement.

(L’amendement n538 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État, pour soutenir l’amendement n862.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Le Gouvernement souhaite tenir compte du caractère particulier d’un certain nombre d’investissements, notamment dans les collectivités d’outre-mer, en matière d’isolation des logements contre les effets des rayonnements du soleil. Par cet amendement, il souhaite donc étendre le crédit d’impôt aux dépenses « d’acquisition d’équipements ou de matériaux de protection des parois vitrées ou opaques contre les rayonnements solaires », afin de diminuer la consommation énergétique des logements.

Mme la présidente. La commission n’a pas pu examiner cet amendement, puisqu’il vient d’être déposé.

Quel est votre avis, madame la rapporteure générale ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. En effet, je découvre cet amendement, dont j’aimerais connaître le coût et l’impact sur nos finances publiques. Sagesse.

Mme la présidente. La parole est à M. Victorin Lurel.

M. Victorin Lurel. Je remercie le Gouvernement d’avoir déposé cet amendement. En effet, j’avais moi-même déposé un amendement, n455, visant à adapter à nos latitudes et au climat de nos outre-mer le bouquet de travaux concernés par le crédit d’impôt.

L’article 200 quater du code général des impôts ne s’est jamais appliqué dans les zones non-interconnectées, en particulier dans celles situées sous les tropiques. Il fallait donc « tropicaliser » ce dispositif fiscal, si je puis m’exprimer ainsi. Je retirerai cet amendement…

Mme la présidente. Je pense, monsieur Lurel, que vous parlez de l’amendement suivant, n455.

M. Victorin Lurel. En effet, madame la présidente, vous pourrez considérer l’amendement n455 comme défendu et retiré. Cependant, autant le champ des travaux à intégrer dans le CITE pouvait paraître large dans l’amendement n455, du fait d’une concertation insuffisante avec les services des différents ministères intéressés, autant celui de l’amendement n862 peut paraître étroit. Le Gouvernement propose de réduire le champ d’application du crédit d’impôt aux dépenses « d’acquisition d’équipements ou de matériaux de protection des parois vitrées ou opaques contre les rayonnements solaires », alors qu’on pourrait aussi évoquer les travaux de protection des murs, des baies et des parois, ainsi que l’acquisition de systèmes de ventilation naturelle ou de production d’eau chaude sanitaire.

Je retirerai donc mon amendement, monsieur le secrétaire d’État, mais j’aimerais vous entendre dire que l’amendement du Gouvernement pourra être amélioré au cours de la navette, sous réserve, bien entendu, du coût de telles dispositions.

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Cet amendement est un peu ambivalent. Effectivement, l’installation de panneaux renvoyant les rayonnements solaires permet de réaliser des économies sur la climatisation en été. Mais attention, le phénomène inverse se produit en hiver, car on est alors obligé de chauffer davantage les immeubles. Ce qui est vrai dans les collectivités d’outre-mer ne l’est pas forcément en France métropolitaine.

Lorsque vous avez présenté votre amendement, monsieur le secrétaire d’État, j’ai eu le sentiment que vous parliez uniquement de l’outre-mer. Si c’était le cas, je comprendrais votre amendement ; or vous le généralisez à la France entière, ce qui me paraît extrêmement discutable en matière de performance énergétique. Puisque vous avez essentiellement parlé de l’outre-mer en soutenant oralement votre amendement, je vous suggère de concentrer sur ces régions le dispositif proposé.

M. François Pupponi, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Et sur la Corse ! Il y a aussi du soleil en Corse, et il faut chaud !

Mme la présidente. La parole est à M. François André.

M. François André. Effectivement, cet amendement m’interpelle quelque peu, pour les mêmes raisons que M. de Courson. Il y a d’abord une certaine injustice à considérer, comme c’est le cas dans l’exposé des motifs, que seuls la Corse, les territoires méridionaux de la métropole et les outre-mer seraient concernés par les rayonnements solaires. Ne risque-t-on pas de voir tous les logements très exposés aux rayons du soleil ou simplement exposés plein sud, y compris dans une région comme la mienne, la Bretagne,…

M. Marc Le Fur. La nôtre !

M. François André. …éligibles à ce crédit d’impôt ?

M. Charles de Courson. Et les logements exposés à la pluie ? C’est une niche fiscale !

M. François André. Il serait donc intéressant de disposer d’une étude d’impact afin de mieux cerner le champ des travaux concernés par cet amendement.

Enfin, la lutte contre les rayonnements solaires n’aurait-elle pas parfois pour conséquence d’inviter les occupants des immeubles à allumer la lumière plus tôt, puisqu’ils sont protégés des rayons du soleil ? On poursuivrait alors l’objectif inverse de celui recherché par le crédit d’impôt.

Mme Monique Rabin. Tout à fait !

M. Christophe Caresche. Excellent ! Il faut réserver ce dispositif à l’outre-mer !

Mme la présidente. La parole est à M. Victorin Lurel.

M. Victorin Lurel. J’entends ce que disent mes collègues concernant la métropole. Pour ma part, je suis l’élu d’un pays sans hiver ! (Sourires et exclamations sur divers bancs.) Il faudrait au moins pouvoir améliorer le texte au cours de la navette, en tenant compte des particularités de l’outre-mer. Je rappelle qu’une prime exceptionnelle de 1 350 euros prévue pour la période 2012-2014 n’a jamais pu être mise en place dans les départements d’outre-mer, faute d’adaptation de ce dispositif à nos climats.

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Le Gouvernement fait confiance à l’intelligence des Françaises et des Français. Chacun jugera de l’utilité d’équiper son logement de tels dispositifs, en fonction de la situation géographique et du retour sur investissement. Ce n’est pas parce que l’on rendra ces dispositifs éligibles au crédit d’impôt que les habitants de la Lorraine, par exemple, vont se mettre à se protéger de la chaleur…

M. Dominique Baert. Des rayons du soleil !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. …et des effets nocifs que pourraient avoir les rayons du soleil.

Mme Catherine Coutelle. Pourtant, avec le réchauffement climatique… (Sourires.)

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Il s’agit d’un amendement de bon sens. Je remercie M. Victorin Lurel d’avoir annoncé le retrait de l’amendement n455. Nous pourrons peut-être affiner les études d’impact, madame la rapporteure générale, mais je ne pense pas que cette mesure ciblée constitue un bouleversement du dispositif de crédit d’impôt.

(L’amendement n862 est adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n455 de M. Victorin Lurel a été retiré.

(L’amendement n455 est retiré.)

Mme la présidente. Il en est de même des amendements nos 725 et 713 de M. Romain Colas.

(Les amendements nos 725 et 713 sont retirés.)

Mme la présidente. La parole est à M. François Pupponi, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, pour soutenir l’amendement n74 rectifié.

M. François Pupponi, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. La commission des affaires économiques saisie pour avis – c’est une première dans le cadre d’un projet de loi de finances – vous propose un amendement sur le crédit d’impôt développement durable dont le taux est actuellement de 30 %. Si le consommateur fait appel à un conseiller en rénovation énergétique…

M. Christophe Caresche. Qu’est-ce qu’un conseiller énergétique ?

M. François Pupponi, rapporteur pour avis. …nous proposons un taux plus favorable en le faisant passer de 30 à 35 %. Si les contribuables ne font pas appel à l’avis d’un conseiller, ils ne pourront pas bénéficier de ce crédit d’impôt et ne feront pas forcément les travaux suffisants pour réaliser des économies d’énergie.

Mme Marie-Christine Dalloz. Certains ont des accords avec les cabinets de conseil !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission des finances ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Notre commission a émis un avis défavorable à l’amendement proposé par la commission des affaires économiques.

Mme Marie-Christine Dalloz. C’est le bon sens.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Il peut sembler utile de faire appel à des conseillers en rénovation énergétique. Mais d’une part, cet amendement pourrait entraîner une inflation et d’autre part, il n’aurait sans doute pas d’impact sur les petits équipements.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Nous inaugurons en effet, monsieur Pupponi, une nouvelle façon de travailler en association avec la commission des affaires économiques.

À partir du 1er janvier 2015, les travaux de rénovation énergétique devront être réalisés par des entreprises ayant obtenu le label RGE – reconnu garant de l’environnement –, ce qui est un gage de fiabilité. Le crédit d’impôt ne pourra porter que sur des travaux utiles. La volonté du Gouvernement était de simplifier le crédit d’impôt par trop complexe avec l’obligation d’un bouquet de travaux, et parfois, mais pas toujours, la prise en compte des revenus et des taux différenciés.

Je rappelle de surcroît que ceux qui feraient appel à ce type d’entreprises en conseil énergétique pourront bénéficier de la réduction d’impôt sur la prestation de ces entreprises, du moins le débours afférent à l’utilisation de ces entreprises.

Le dispositif est maintenu en l’état jusqu’à la fin de l’année 2015. Le cas échéant, nous pourrons être amenés à revoir les choses. Pour l’heure, le Gouvernement partage l’avis de la commission des finances, qui n’est pas du même avis que la commission des affaires économiques, et propose le rejet de l’amendement si celui-ci était maintenu.

Mme Marie-Christine Dalloz. Très bien. C’est du bon sens.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. François Pupponi, rapporteur pour avis. J’entends les arguments de la commission des finances et du Gouvernement.

Prenons un exemple. Dans le cadre du plan d’exposition au bruit, de gêne sonore autour des aéroports, il existe des dispositifs pour bénéficier de subventions. Et c’est l’État lui-même qui finance un conseiller, car les contribuables ne sont pas forcément compétents pour savoir quel type de travaux il convient d’engager.

Il ne s’agit pas de mettre en cause les entreprises et leur capacité à effectuer les travaux en respectant les normes. Il s’agit de dire que le contribuable n’est pas nécessairement formé pour savoir quel est le type de travaux approprié pour faire des économies d’énergie. Il a souvent besoin d’un conseiller. C’est pourquoi nous proposons un avantage fiscal si l’on passe par ce conseiller, celui-ci sera en effet garant de l’efficacité des travaux. Les entreprises sont compétentes pour leur mise en œuvre, mais le détail des travaux relève de la compétence de spécialistes.

Se pose également la question soulevée par M. Caresche de savoir ce que recouvre la notion de conseiller en rénovation énergétique. À ce stade du débat, je vais retirer cet amendement au nom de la commission. Nous poursuivrons le travail avec des spécialistes de la question, y compris pour donner une définition des conseillers en rénovation énergétique.

(L’amendement n74 rectifié est retiré.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure générale, pour soutenir l’amendement n467.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Amendement rédactionnel.

(L’amendement n467, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

(L’article 3, amendé, est adopté.)

Article 4

Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements identiques, nos 187, 285 et 344.

La parole est à M. Olivier Carré, pour soutenir l’amendement n187.

M. Olivier Carré. Nous avons bien compris le message du Gouvernement consistant à revenir sur un certain nombre de dispositifs de la loi ALUR et à prendre des mesures ponctuelles afin de relancer l’ensemble du secteur de la construction et du bâtiment. Il y a en effet urgence. Les chiffres et les statistiques sont sans appel. Nous le ressentons du reste dans nos circonscriptions. Au plan macroéconomique, on mesure l’impact de la décroissance dans le secteur du bâtiment et, demain, je le crains, dans le domaine des travaux publics sur la croissance et l’emploi. Les entreprises ne peuvent se restructurer et subissent les effets de la situation difficile du secteur de la construction.

Face à cela, le Gouvernement a pris un certain nombre de dispositions, mais celles-ci semblent insuffisantes aux yeux des professionnels. Même si elles doivent être limitées dans le temps, il est bon de mettre un coup d’accélérateur en faisant passer le taux d’abattement sur les plus-values de cession immobilière sur le foncier de 30 à 50 %.

Une telle proposition va dans le sens du Gouvernement : créer un choc dans le secteur de la construction même s’il est évident que cela aura un coût fiscal à court terme.

Mme la présidente. La parole est à M. Gilles Lurton, pour soutenir l’amendement n285.

M. Gilles Lurton. Je confirme que le besoin de relancer le logement dans notre pays est bien réel.

Nous en avons besoin d’une part parce que le nombre de constructions a cruellement diminué pendant les deux dernières années et d’autre part, mon collègue Olivier Carré vient de le rappeler, parce que le secteur du bâtiment connaît aujourd’hui une grave crise qui risque d’entraîner un grand nombre de licenciements dans les semaines à venir.

C’est pourquoi il nous faut des mesures plus incitatives pour que le foncier disponible dans nos communes puisse se libérer et que les propriétaires fonciers puissent le mettre en vente. Nous vous proposons donc de faire passer l’abattement de 30 à 50 %.

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n344.

M. Marc Le Fur. On traverse une grave crise du bâtiment, accentuée par les décisions que vous avez prises. La loi ALUR a en effet eu des effets sociologiques et psychologiques considérables.

Mme Marie-Christine Dalloz. Surtout économiques.

M. Marc Le Fur. Les investisseurs potentiels se sont découragés. Vous avez également pris des mesures qui, hélas, ont été appliquées par les départements, d’augmentation des droits de mutation à titre onéreux, qui renchérit le coût de l’achat.

M. Christophe Caresche. Cela ne concerne pas la construction.

M. François André. Pas pour le neuf.

M. Marc Le Fur. Tout cela doit vous conduire à évoluer. Vous l’avez compris et vous en tirez quelques conséquences. Nous sommes à mi-chemin et il faut continuer à avancer.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur les trois amendements identiques ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Ces trois amendements font partie des 320 amendements déposés par le groupe UMP, qui visent à faire augmenter les dépenses…

M. Olivier Carré. C’est logique, on est d’accord.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. …alors que, pas plus tard qu’hier soir, vous nous disiez qu’il fallait faire 100 milliards, 110 milliards d’économies. Bref, on a eu droit à une inflation quant au montant des économies à réaliser selon vous.

Je vais me permettre moi aussi d’avancer quelques chiffres. La mesure que nous proposons devrait coûter en année pleine – c’est-à-dire sur le budget de l’État – 160 millions d’euros. En proposant de relever le taux de 30 à 50 %, on passerait à 260 millions d’euros, soit 100 millions d’euros supplémentaires.

À ce stade, la commission a rejeté votre amendement. Nous ferons prochainement le bilan de cette incitation exceptionnelle. Mais rien ne nous dit que passer de 30 à 50 % contribuerait à libérer beaucoup plus de foncier. Nous sommes d’accord sur l’objectif de libérer du foncier, mais dans le même temps, nous voulons avoir un ratio coût-efficacité le meilleur possible.

Or votre amendement ne nous paraît pas aller dans ce sens. Avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Nous avons voulu tirer les conséquences de l’annulation par le Conseil constitutionnel d’une disposition prise. Nous alignons le régime des abattements sur les terrains à bâtir sur celui des terrains bâtis et créons un abattement supplémentaire de 30 % sur une durée limitée pour inciter à la libération de foncier et à la construction de logements.

On peut toujours dire qu’il faudrait en faire plus. Pourquoi en rester à taux de 50 % ? Pourquoi pas 60, 80, 100 % ? C’est le sempiternel débat sur le niveau de fixation de l’incitation pour que celle-ci reste de l’incitation sans engendrer des pertes de recettes supérieures à l’effet positif recherché.

Le Gouvernement propose 30 % et a fixé une durée qui tient compte des délais nécessaires pour monter des opérations de construction. Vous n’êtes pas le seul, monsieur le député, à discuter avec les professionnels du secteur.

Mme Marie-Christine Dalloz. Il n’y a là rien de scandaleux.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. J’en en ai moi-même rencontré et j’ai cru comprendre qu’ils considéraient qu’aussi bien les dates que les montants proposés leur convenaient. Bien sûr, si vous leur demandez si cela leur ferait plaisir en proposant davantage, ils répondront oui. Mettez-vous à leur place.

M. Olivier Carré. Il ne s’agit pas de faire plaisir.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Tel qu’il est rédigé, l’article 4 répond à leurs préoccupations et est de nature incitative. Je ne reviens pas sur les chiffres évoqués par Mme la rapporteure générale lesquels pourraient être plus élevés avec votre proposition.

Notre proposition est équilibrée. Elle représente un certain coût et est de nature à développer la construction par le biais de la libération du foncier, ce qui est un aspect pour inciter à la construction. Nous en examinerons d’autres.

Avis défavorable, donc.

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Goldberg.

M. Daniel Goldberg. Je veux rassurer mes collègues de l’opposition : la loi ALUR, contrairement à ce qu’ils viennent de dire, entrera bien en application.

M. Olivier Carré. Cela ne nous rassure pas, au contraire.

M. Charles de Courson. Dans quelles villes ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Cela n’a rien à voir avec la loi ALUR.

M. Daniel Goldberg. Un certain nombre de mesures sont entrées en application dès le 15 septembre, notamment sur les honoraires de location. Pour tous les locataires qui en bénéficient, dans les zones les plus tendues en particulier, cela représente plusieurs centaines d’euros. Cette loi tend à responsabiliser l’ensemble de la profession. Le Conseil national de la transaction et de la gestion est au travail. La première opération de requalification des copropriétés dégradées a eu lieu hier à Clichy-sous-Bois. Des opérations sur le fonctionnement des copropriétés se mettent également en place.

Quant à l’encadrement des loyers dont nous avons beaucoup parlé, il se mettra en place selon des modalités qui sont discutées aujourd’hui.

S’agissant de votre amendement, il ne faudrait pas oublier ce que vous-mêmes aviez voté sous la précédente législature sur les plus-values immobilières. Le dispositif de 2011 favorisait la rente foncière. Nous avons été obligés d’y revenir et de corriger des mesures que vous aviez prises qui ont bloqué les mutations foncières.

Quant à la baisse de la construction, qui est manifeste et qui dure, malheureusement depuis de nombreuses années,…

Mme Véronique Louwagie. Depuis deux ans.

M. Daniel Goldberg. …depuis de nombreuses années, madame la députée. Cette chute est le résultat d’une distorsion entre le prix de sortie des logements – à l’accession ou à la location – et le revenu des futurs locataires ou des futurs accédants.

C’est à cela qu’il faut s’attaquer ensemble. Je vous propose donc un pari, ou du moins je vous tends la main pour lutter ensemble contre le logement rare et cher.

Mme la présidente. La parole est à M. Christophe Caresche.

M. Christophe Caresche. Je m’interroge sur les réelles motivations du groupe UMP qui, d’un côté, propose d’augmenter l’abattement, et donc d’accroître l’incitation à mettre sur le marché de nouveaux terrains, mais soutient en même temps les maires qui refusent la majoration de la taxe foncière applicable sur les terrains à bâtir, qui me semble pourtant être elle aussi une incitation puissante pour remettre des terrains sur le marché. Si donc vous voulez qu’il y ait plus de terrains sur le marché, il faut aussi la mesure que nous avons instaurée l’année dernière pour obliger les maires à augmenter la fiscalité foncière sur les terrains à bâtir.

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Le Fur.

M. Marc Le Fur. La crise du logement est considérable et la mesure momentanée que nous vous proposons est destinée à relancer le mouvement face à une situation très critique.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Les mesures « momentanées », on ne peut plus les supprimer !

M. Marc Le Fur. En matière de terrains à bâtir, le problème n’est pas seulement fiscal, mais aussi réglementaire. Paradoxalement, nous avons provoqué la rareté du terrain à bâtir par des moyens réglementaires et juridiques. La loi littoral est l’une de ces contraintes, mais une autre est liée aux SCOT, qui empêchent les maires de construire et interdisent artificiellement la construction dans des espaces libres pourvus de tout le nécessaire. Dans le monde rural, qui est l’un des rares endroits où l’on peut en principe construire à bon marché, les SCOT se sont étendus, interdisant la construction.

M. Christophe Caresche. Ce sont les élus, les maires, qui font les SCOT !

M. Marc Le Fur. Je ne fais que décrire la réalité d’aujourd’hui. Agir à ce niveau ne coûterait rien, car ce qui interdit la construction, ce sont vos réglementations, notamment celles qu’appliquent certains élus de grandes villes ou de villes moyennes qui ne veulent pas qu’on bâtisse autour de leurs agglomérations afin de conserver la recette fiscale liée à la construction et à l’accueil des familles. Une cohérence négative se crée ainsi sur nos territoires.

En tout état de cause, il faut libérer le terrain à bâtir. Nous avons des possibilités de le faire à prix nul au moyen de dispositions de nature réglementaire.

Mme la présidente. La parole est à Mme Cécile Duflot.

Mme Cécile Duflot. Nous voici arrivés à un moment intéressant de ce débat. Votre intervention, monsieur Le Fur, témoigne de certaines incompréhensions.

Tout d’abord, il est assez étonnant de vous entendre dire que les SCOT ne sont pas décidés par les élus locaux, car ce sont précisément eux qui les élaborent, …

M. Marc Le Fur. Pas les élus concernés !

Mme Cécile Duflot. …dans une démarche très collaborative et en poursuivant un objectif très utile, que vous désignez en creux dans votre intervention : la limitation de la consommation de l’espace et la lutte contre l’artificialisation des sols, qui sont absolument nécessaires, notamment pour préserver les terres agricoles.

Il est en effet très simple de construire n’importe où, mais plus difficile de faire travailler les élus ensemble pour construire ou rénover les bourgs centres. Les bourgs ruraux sont en effet confrontés aujourd’hui à une situation de nécrose de leurs centres bourgs, qui risque de poser des problèmes sur l’ensemble du territoire français, en raison précisément de la consommation inutile d’espace.

Cette question et celle de l’augmentation du prix du foncier en révèlent une autre, très importante : celle de la rétention du foncier à bâtir, due à l’explosion du prix, en raison notamment de la baisse de l’imposition des plus-values que vous proposez. Celle-ci, du reste, n’aura pas nécessairement les effets escomptés, car les propriétaires savent qu’en gardant leurs terrains deux ans de plus, leur prix augmentera, ce qui provoque une tendance à la rétention.

La question doit être posée clairement, car l’une des difficultés – sinon la difficulté majeure – de la construction en France est le coût de sortie des opérations, c’est-à-dire le coût des logements, lourdement impacté par l’augmentation énorme du coût du foncier que nous avons observée ces dernières années, avec pour conséquences des difficultés pour la construction de logements sociaux et l’obligation pour les collectivités de compenser cette hausse. La moindre imposition que vous proposez permettra peut-être de débloquer certaines situations, mais elle n’est pas une solution durable au problème.

Quant à vos propos sur les SCOT, ils sont parfaitement injustifiés, car la démarche que vous défendez pousse à construire là où ce n’est pas nécessaire, avec des conséquences sur les transports et sur les familles, qui se trouvent très éloignées de leur lieu de travail, ainsi que sur les budgets, en raison des à-coups du coût de l’énergie. Il me donc paraît bien plus utile d’adopter des démarches permettant de densifier confortablement et, surtout, de reconquérir les centres bourgs.

Mme la présidente. La parole est à M. Jérôme Chartier.

M. Jérôme Chartier. M. Le Fur connaît bien le fonctionnement des SCOT, qui relèvent de la responsabilité des élus. Or, certains élus se voient imposer des zones de construction là où ils ne le souhaitent pas. Pour avoir présidé trois SCOT, je sais bien que les élus ont parfois l’impression d’être les dindons de la farce. Cela ne remet en cause pas pour autant l’intérêt de ce dispositif.

En revanche, une augmentation de l’abattement peut avoir un effet intéressant sur le prix de sortie. En effet, si nous décidons ce matin de porter le taux de 30 % à 50 %, les opérateurs en tiendront compte dans les prix qu’ils proposeront aux propriétaires fonciers, ce qui se traduira par une réduction du prix de sortie.

Certains membres de la majorité préfèrent certes un dispositif punitif, mais l’encouragement vaut mieux que la punition. Cet encouragement est, je le reconnais, déjà important avec un taux de 30 % ; le porter à 50 % aurait pour effet mécanique une baisse du prix de sortie.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Et pourquoi pas 60 % ou 70 % ?

(Les amendements identiques nos 187, 285 et 344 ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l’amendement n729.

M. Charles de Courson. Pour le groupe UDI, l’article 4 va dans la bonne direction, car il unifie la fiscalité applicable aux terrains à bâtir et aux autres biens immobiliers – rien ne justifiait en effet la différenciation de ces deux types de biens.

Il laisse en revanche deux problèmes non résolus. Tout d’abord, il maintient une durée de taxation à l’impôt sur le revenu inférieure à celle de la taxation au titre des prélèvements sociaux. Je défends depuis plusieurs années l’idée que cette durée doit être identique, car les contribuables ne comprennent pas pourquoi, entre 22 et 30 années de détention d’un bien, les plus-values ne sont plus taxées au titre de l’impôt sur le revenu, mais encore au titre de prélèvements sociaux. Il conviendrait d’harmoniser ces durées, quitte à les modifier un peu pour l’une et l’autre afin que le coût de la mesure soit nul.

L’amendement a donc pour objet de rendre pérenne l’abattement exceptionnel. L’examen a posteriori des dispositions que nous mettons en œuvre nous vaut souvent le jugement que des mesures exceptionnelles d’une durée d’un an – 16 mois, en l’espèce – ne sont pas efficaces, …

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Il faut l’expliquer à M. Le Fur !

M. Charles de Courson. … car, dans ce domaine, les décisions des acteurs concernés prennent du temps.

Nous proposons donc de rendre pérennes ces dispositions. On pourrait aussi, compte tenu des échéances électorales, fixer un terme en juin 2017 mais, en tout état de cause, une certaine stabilité s’impose. En effet, l’instabilité qu’on nous reproche généralement n’est pas de bonne politique et il convient d’éviter le coup de frein souvent observé un an après une accélération. Je serais heureux de connaître la position de M. le ministre sur ce point.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Vous souhaiteriez, monsieur de Courson, pérenniser le dispositif. J’entends bien que l’on puisse se demander si une mesure instaurée pour un an est efficace économiquement au regard du coût engagé. Cependant, l’ensemble des dispositifs se traduit au total par une exonération totale au terme de 15 ans pour l’impôt sur le revenu et de 25 ans au titre des prélèvements sociaux. C’est la raison pour laquelle la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.

Le projet de loi de finances a pour objet de donner un coup d’accélérateur au logement.

M. Charles de Courson. Pendant un an.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Nous ferons bien évidemment un bilan l’année prochaine à la même époque. Il est bon de donner un coup d’accélérateur pour le logement. L’addition de toutes les mesures, y compris en faveur de la rénovation des logements, peut, je le répète, se traduire par une augmentation significative. Avis défavorable, donc.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement. Il souhaite en effet une mesure incitative sur une durée limitée, afin d’obtenir une libération rapide du foncier pour permettre des montages rapides. Il ne s’agit pas de revenir sur le principe, le montant, le niveau et la durée des abattements liés à l’impôt ou aux contributions sociales.

Mme la présidente. La parole est à M. Éric Woerth.

M. Éric Woerth. Le régime des plus-values a connu ces dernières années trop de modifications.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Vous en avez vous-même fait quelques-unes, monsieur Woerth !

M. Éric Woerth. La majorité à laquelle j’appartenais y a en effet elle-même contribué, car ce régime avait peu changé au cours des années précédentes. Le marché du logement est aujourd’hui de plus en plus compliqué et l’on construit de moins en moins. Cette année, la situation est catastrophique, comme chacun peut le constater dans sa propre région. Jamais on n’a construit aussi peu de logements.

C’est le fruit de nombreuses mauvaises décisions, mais aussi d’un système global qui subventionne considérablement le logement.

M. Nicolas Sansu. 40 milliards d’euros !

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Plus précisément : 46 milliards.

M. Éric Woerth. Le marché ne doit certes pas tout faire, mais il est aussi vrai qu’un excès d’aides provoque une certaine éviction, en raison d’une artificialisation du marché qui crée des effets d’aubaine et fait augmenter le prix du logement.

Bien que le prix des terrains ait une incidence sur ce mécanisme, en fonction des zones concernées, il n’en est pas la seule explication. La vérité est que l’ensemble du système de financement du logement contribue aujourd’hui à l’augmentation du prix de celui-ci.

Vous auriez dû profiter de ce projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour tenter d’y remettre de l’ordre. Nos débats auraient alors porté sur l’une des raisons fondamentales de la baisse de la croissance française : la chute drastique de la construction de logements en France.

Mme la présidente. La parole est à M. Christophe Caresche.

M. Christophe Caresche. Il faut en effet, monsieur Woerth, viser à la stabilité. C’est d’ailleurs ce que fait le Gouvernement en fusionnant le régime des terrains bâtis et de terrains à bâtir, ce qui est un facteur de lisibilité et de simplification. Ce régime doit, je le pense moi aussi, s’installer dans le temps.

Monsieur de Courson, votre logique est très différente de celle qui oriente le projet de loi de finances. Vous souhaitez en effet instaurer de manière pérenne un système fiscal très attractif. Le régime favorable des plus-values attirerait des investisseurs et aurait probablement pour effet une augmentation de la spéculation sur le terrain à bâtir et une hausse des prix. Cela va à l’encontre de ce que nous recherchons.

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Goldberg.

M. Daniel Goldberg. Depuis de nombreuses années, le climat est à la baisse en matière de constructions de logements.

M. Olivier Carré. Depuis deux ans !

M. Daniel Goldberg. L’augmentation, annoncée ce matin, du nombre de permis de construire délivrés est assurément une bonne nouvelle, mais il convient de l’accueillir avec prudence en attendant de voir quels en sont les effets.

Pour en revenir à notre débat, si un abattement exceptionnel devient pérenne, on sort de l’exception ! Nous pouvons tous être d’accord sur ce point.

L’objectif est de libérer du foncier constructible là où on a besoin de construire. Il peut y avoir des mécanismes incitatifs, comme celui que propose le Gouvernement dans cet article 4, en plus de l’alignement du régime applicable aux terrains non bâtis sur celui des terrains bâtis. Mais tôt ou tard, dans les zones où l’on a besoin de construire, parce que ce sont des pôles d’emplois, de développement et de transports, il faudra se poser la question de l’appellation « droit à construire ». Le droit à construire est un droit que la collectivité accorde à un propriétaire privé de construire sur son bien. Il peut arriver que ces droits à construire ne soient pas utilisés pendant de nombreuses années, dans un nombre de zones limitées, en attendant par exemple la réalisation d’un investissement public important.

Sans vouloir limiter mon propos à l’Île-de-France, je prendrai l’exemple du futur réseau de transports du Grand Paris : si nous laissons faire, à un ou deux kilomètres des futures gares du réseau Grand Paris, les propriétaires de terrains inexploités ne voudront même pas profiter des 30 % proposés cette année par le Gouvernement et la majorité, en tablant sur le fait que le prix du terrain va augmenter dans les cinq à dix ans et qu’ils vendront alors avec un profit bien supérieur. Dans une telle situation, alors que nous aurons engagé 22 milliards d’euros de fonds publics pour construire un réseau de transport, des propriétaires, parce qu’ils n’utilisent pas immédiatement leurs droits à construire, bénéficieront d’un avantage personnel dont la cause me paraît un peu particulière.

J’appelle donc à ce que nous discutions ensemble, si nous sommes d’accord tant sur ce constat que sur ce qu’il convient de faire afin de libérer du foncier constructible là où l’on a besoin de construire, sur ce que signifie exactement un droit à construire.

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Quand vous discutez avec les notaires de l’impact des mesures que nous adoptons depuis des années, qui sont des mesures temporaires – un an, parfois deux, et encore ! –, que disent-ils ? Selon eux, cela accélère les transactions dans un premier temps, et après, c’est le plongeon ! Notre action n’est donc pas efficace puisque nous perdons in fine de l’argent avec ces mesures exceptionnelles, car elles sont suivies par une déprime, puis les gens disent « On verra plus tard », notamment pour les raisons évoquées par notre collègue Goldberg – mais il s’agit là d’un autre problème : celui des droits à construire. Je rappelle que, fiscalement, les communes ou les intercommunalités peuvent créer des taxes d’aménagement, ce qui est quand même le minimum quand on réalise de très gros investissements publics ; mais cela relève de la responsabilité de chacun.

M. Christophe Caresche. Et la neutralité fiscale ?

M. Charles de Courson. Si l’on évalue cette mesure dans deux ou trois ans, on constatera une accélération, surtout en fin d’année – comme d’habitude ! –, puis une déprime ! On n’atteindra pas l’objectif de libération de terrains à construire. Voilà ce que je voulais dire !

Mme la présidente. La parole est à M. Jérôme Chartier.

M. Jérôme Chartier. J’ai bien écouté ce débat et, je le dis avec beaucoup d’amitié à Charles de Courson, je pense que cet amendement n’a pas d’intérêt : il faut le reconnaître. L’intérêt, c’est de mettre un véritable coup d’accélérateur. Je rappelle que le nombre de logements baisse depuis 2012 : c’est en 2012, depuis que vous êtes arrivés aux responsabilités, que le nombre de logements a commencé à baisser. Il est donc maintenant temps d’inverser la tendance : c’est la raison pour laquelle nous insistons pour porter à 50 % l’abattement sur les plus-values de cession, qui serait le meilleur moyen d’accélérer le marché.

(L’amendement n729 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements identiques, nos 188, 284 et 346.

La parole est à M. Olivier Carré, pour soutenir l’amendement n188.

M. Olivier Carré. Défendu.

Mme la présidente. La parole est à M. Gilles Lurton, pour soutenir l’amendement n284.

M. Gilles Lurton. Si vous ne souhaitez pas faire passer l’abattement exceptionnel de 30 % à 50 %, il est un autre point sur lequel nous souhaitons agir : Votre proposition ne concerne que les terrains libres de toute construction. Or certains terrains comportent des constructions parfois vétustes, vouées à la démolition dans le cadre d’opérations de densification ou de requalification. Nous vous proposons donc que ces terrains, qui comportent des bâtiments qui ne sont plus utilisés, puissent aussi bénéficier de l’abattement.

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n346.

M. Marc Le Fur. Défendu.

(Les amendements identiques nos 188, 284 et 346, repoussés par la commission et le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je suis saisie de quatre amendements identiques, nos 275, 338, 822 et 829.

La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l’amendement n275.

M. Charles de Courson. Il s’agit toujours du même débat : vous avez prévu un an, je propose de prolonger la durée de deux ans. Allons au moins jusqu’à la fin de votre mandat, soit en 2017 – en théorie, mes chers collègues : il faut toujours être prudent ! Un peu de stabilité pendant au moins trois ans !

Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Carré, pour soutenir l’amendement n338.

M. Olivier Carré. J’ai trouvé que les explications de Mme la rapporteure générale et de M. le secrétaire d’État étaient un peu courtes sur la question très pragmatique de savoir comment remettre sur le marché des friches qui bénéficient de nouvelles autorisations d’urbanisme, notamment pour y construire des logements. Ce la vaut pour toutes sortes de friches, d’activités artisanales ou industrielles par exemple. Cette mesure technique va dans le bon sens et j’aurais aimé obtenir une réponse circonstanciée sur les raisons pour lesquelles l’argument en sa faveur ne tiendrait pas.

Par ailleurs, je souhaite que l’on prolonge un tout petit peu le dispositif pour que chacun puisse s’organiser : un an, c’est court ; deux ans, cela permet d’avoir une vision plus opérationnelle.

Mme la présidente. La parole est à M. Gilles Lurton, pour soutenir l’amendement n822.

M. Gilles Lurton. J’aimerais également avoir ces explications parce qu’il me paraît très sensé que des terrains comportant des bâtiments désaffectés et voués à la destruction puissent être inclus dans le périmètre de l’abattement. Je ne comprends absolument pas votre avis défavorable sans plus d’explication sur ce point.

Je confirme que cet amendement vise à prolonger la durée de l’abattement – vous avez prévu qu’il prendrait fin le 31 décembre 2015 – jusqu’au 31 décembre 2017.

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n829.

M. Marc Le Fur. Défendu.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements identiques ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Je vais répondre aux questions posées. L’objectif, nous l’avons dit, est de donner un coup d’accélérateur au logement. Sans revenir sur tous vos amendements, je reprends simplement les précédents : l’amendement relatif aux terrains bâtis représente 250 millions d’euros de plus dans le budget…

Plusieurs députés du groupe UMP. Mais non !

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Si, en année pleine ! Quant aux présents amendements, qui visent à prolonger l’abattement exceptionnel de 30 % de 2015 à 2017, cela représente, puisque le coût de l’amendement est évalué à 160 millions d’euros en année pleine, 320 millions d’euros de plus pour deux ans.

En trois minutes, vous venez donc de dépenser deux fois 160 millions plus 250 millions d’euros ! Monsieur Carré, vous qui êtes très attentif, je le sais, aux finances publiques et à leur équilibre, je trouve un peu curieux qu’en  quelques minutes, vous disposiez ainsi de deux fois 160 plus 250 millions d’euros, sachant que le rôle de notre Parlement est notamment de faire des évaluations au fil de l’eau de l’ensemble de ces mesures. Rien ne dit qu’elles ne pourraient pas être reconduites l’an prochain ; mais toujours est-il qu’à ce stade de la discussion, il est important de faire un suivi précis des dépenses publiques. Ces amendements ont été repoussés par la commission.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur ces amendements identiques ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je ne crois pas que nous fuyions particulièrement les débats et les explications concernant l’amendement précédent, pour lequel le problème était de forme.

J’entends bien votre préoccupation concernant cet abattement incitatif. Vous en voulez plus et plus longtemps : nous répondons par la négative. Vous voulez faire la même chose pour les terrains déjà construits parce qu’on peut toujours démolir et reconstruire. Le Gouvernement n’est pas complètement fermé à cette idée, si cela peut vous rassurer. Plusieurs amendements de ce type – notamment l’amendement n647, dossard bleu, toque verte ! – émanant d’un certain nombre de vos collègues proposeront quelque chose d’à peu près identique. Le problème tient au chevauchement de deux dispositifs puisque vous n’êtes pas sans savoir, vous qui vous intéressez à ces questions, qu’il existe un abattement de 25 %, lui aussi exceptionnel, sur la transmission des biens immobiliers. Si nous adoptions les amendements tels qu’ils sont écrits, on aurait un cumul entre deux abattements : avouez que cela fait beaucoup ! Fluidifier le marché immobilier, d’accord, mais on ne peut pas, pour les terrains à bâtir, appliquer 25 % plus 30 % ! Tout cela nécessite d’être retravaillé.

Je suggère d’ailleurs que nous mettions à profit le temps qu’il nous reste avant l’adoption définitive du texte – et je donne ainsi par avance mon avis sur l’amendement n647 de M. Goldberg – pour retirer ces amendements, les écrire d’une façon correcte permettant d’éviter le cumul de deux dispositifs, tout en créant un dispositif raisonnable permettant de répondre aux légitimes aspirations des auteurs de ces amendements.

Mme la présidente. La parole est à Mme Véronique Louwagie.

Mme Véronique Louwagie. Je voudrais réagir aux propos de mon collègue Goldberg, à propos de la chute du nombre de permis de construire et la chute du nombre de mises en chantier depuis 2012. En effet, cette chute est importante depuis fin 2012. Voici les chiffres : chute de 25 % en 2014 par rapport à 2012, tous les types de logements étant concernés – logements individuels ou collectifs, travaux neufs ou rénovation de l’ancien. Un chiffre en valeur absolue est particulièrement consternant : moins 380 300 permis de construire sur douze mois en février 2014 par rapport à février 2012. Les plus touchés sont les constructeurs de maisons individuelles, qui accusent sur douze mois une diminution de plus de 25 %.

Nous vous proposons donc, par ces divers amendements, et au-delà de votre prise de conscience – l’article que vous proposez est déjà une forme de prise de conscience, donnant naissance à ce plan de relance du logement – de créer une onde de choc afin de redonner de la force et du poids à l’immobilier et à la construction. Or vous refusez ce plan de choc : on ne peut que le regretter !

Mme la présidente. La parole est à M. Gilles Lurton.

M. Gilles Lurton. Je note, dans les propos de Mme la rapporteure, que la mesure de prolongation pourrait éventuellement être adoptée dans le cadre du projet de loi de finances l’année prochaine. J’entends cela, et je serai donc particulièrement vigilant sur ce point. C’est déjà une première avancée !

Pour ce qui concerne la disposition relative aux terrains comportant des constructions vouées à la démolition, je vous demande de comprendre notre objectif : il s’agit de libérer du foncier pour densifier nos communes là où il existe des possibilités de construction, pour recréer du logement et donner la possibilité de reconstruire sur ces zones. J’ai bien noté qu’un amendement allait suivre, qui pourra peut-être répondre à cette attente ; mais comprenez que nous ne fassions pas la différence entre des terrains actuellement non bâtis et des terrains qui pourraient être mis en construction mais ne bénéficient pas de l’abattement pour la seule raison qu’il y a un immeuble voué à la déconstruction.

Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Carré.

M. Olivier Carré. Tout d’abord, j’ai bien entendu, comme mon collègue, Mme la rapporteure dire que ce n’était pas la peine de proroger dans le texte de loi la disposition dans la mesure où l’on était susceptible d’y revenir après évaluation. Je retire donc l’amendement n338.

Je conteste en revanche son chiffrage à 250 millions parce que je n’ai pas compris comment une disposition très technique, ne concernant que quelques terrains, pouvait avoir un impact plus de deux fois et demi supérieur à celui de la mesure principale. Soit nous ne nous sommes pas bien compris, soit il y a un problème dans le chiffrage lui-même.

Par ailleurs, j’ai été très intéressé par l’intervention de M. le secrétaire d’État, qui a reconnu qu’il existait un problème technique à la marge pour aller dans le sens d’une bonne efficacité de la mesure que propose le Gouvernement. J’attends donc avec impatience le travail qui sera fait par mon collègue Goldberg sur la question ouverte par M. le secrétaire d’État.

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Pour vous répondre plus clairement, la rédaction même des amendements pose un problème de sécurité juridique, d’où la difficulté de chiffrer votre proposition. Comment en effet avoir l’assurance que ces terrains seront bien réutilisés à terme pour de la construction après démolition des immeubles qui s’y trouvent ? Après avoir sérieusement étudié la question, nous n’avons pas à ce stade trouvé de solution satisfaisante.

Je pense donc que le chiffrage de votre proposition mentionné par Mme la rapporteure générale tient compte du fait que telle qu’elle est rédigée, elle peut s’appliquer à toutes sortes de cessions d’immeubles bâtis.

Je répète que je comprends l’objectif de cette proposition, et je pense que nous trouverons les solutions propres à répondre à vos préoccupations.

Qu’il n’y ait pas d’ambiguïté : je ne vous demande pas de retirer votre amendement au profit de celui à venir de M. Goldberg – je lui ai déjà demandé de retirer son amendement. J’invite chacun à trouver une rédaction satisfaisante, l’objectif de vos amendements me semblant partagé par tous.

(Les amendements identiques nos 338 et 822 sont retirés.)

(Les amendements identiques nos 275 et 829 ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Goldberg, pour soutenir l’amendement n647.

M. Daniel Goldberg. Nous adhérons tous à l’objectif de libérer du foncier potentiellement constructible dans les endroits où on a besoin de construire, notamment en zone urbaine ou périurbaine. La difficulté commence quand ce foncier potentiellement constructible est déjà bâti – il peut s’y trouver un pavillon en mauvais état – ou dans le cas d’une friche industrielle qui pourrait être libérée pour de nouvelles opérations de construction.

Ce que nous proposons, avec d’autres collègues du groupe socialiste, dont François Pupponi ici présent, c’est de restaurer un dispositif spécifique aux biens immobiliers destinés à la démolition, encore en vigueur il y a peu, et d’étendre le champ d’application de l’abattement de 30 % prévu par le présent article aux plus-values de cession de ces terrains.

J’appelle votre attention, monsieur le secrétaire d’État, sur le fait que votre proposition, tout à fait pertinente s’agissant de terrains nus, présente un intérêt limité si elle ne s’étend pas en zone urbaine ou périurbaine aux cessions de terrains bâtis dont on s’est assuré qu’elles sont faites en vue de la construction de logements neufs.

Par ailleurs, l’amendement reprend l’état du droit antérieur en prévoyant que le cessionnaire qui ne respecterait pas cet engagement serait passible d’une amende égale à 10 % du prix de la cession

J’ajoute que le président de la commission des finances a exprimé sont intérêt pour une telle solution s’agissant d’opérations conduites en zone urbaine.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. L’abattement prévu à l’article 4 s’applique en effet aux plus-values de cession de terrains à bâtir, son objectif étant de créer un choc d’offre de tels terrains, comme nous avons été nombreux à le rappeler dans cet hémicycle. Je rappelle que pour être considéré comme terrain à bâtir, un terrain doit présenter deux caractéristiques : il doit d’abord avoir été déclaré constructible par la commune sur le territoire de laquelle il est situé ; il doit en outre être exempt de toute construction effective au sens de la TVA immobilière.

Selon la commission, le champ d’application de l’article 4 comprend déjà les terrains portant des friches ou des constructions impropres à l’usage et susceptibles d’être démolies, sous réserve des précisions que pourra apporter le ministre à ce sujet. En-dehors de ces cas, on tombe dans le régime applicable aux terrains neufs soumis à la TVA immobilière, et c’est pourquoi la commission a repoussé votre amendement.

M. Pascal Cherki. Il est pourtant remarquable, cet amendement !

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je me suis déjà longuement exprimé sur ce sujet. Je vous suggère, pour toutes les raisons que j’ai développées, notamment sur les risques d’effet cumulatif, de retravailler cet amendement d’ici la navette. Le Gouvernement souhaite satisfaire votre préoccupation, mais à la condition que soit apportée la garantie que ces terrains seront effectivement remis sur le marché des terrains à bâtir.

Mme la présidente. La parole est à M. Jérôme Chartier.

M. Jérôme Chartier. C’est un excellent amendement et nous allons le voter. Cette solution est en effet parfaitement adaptée aux zones urbaines, voire nécessaire en cas d’opérations de reconstruction. Si on veut vraiment relancer la machine à construire dans les zones urbaines, c’est comme cela qu’il faut procéder.

Cet amendement est frappé au coin du bon sens et cohérent au regard de l’objectif gouvernemental de relance de la construction, et c’est pourquoi il faut le voter.

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Goldberg.

M. Daniel Goldberg. Je partage l’avis de Mme la rapporteure générale en ce qui concerne les immeubles reconnus par la réglementation comme totalement impropres à l’habitation, mais le champ de notre proposition est plus large. Je pense par exemple au cas où un tel immeuble n’occupe pas la surface totale du terrain, si sa démolition permet de construire davantage et de densifier de manière intelligente les zones s’étendant autour des réseaux de transport ou les bassins d’emploi notamment.

Je répète qu’il ne s’agit que de pérenniser un dispositif qui s’applique déjà de manière transitoire. Son champ d’application sera limité aux zones tendues et les éventuels abus seront sanctionnés par un système d’amende qui existait déjà dans notre législation.

Quant au risque de chevauchement de deux dispositifs évoqué par M. le secrétaire d’État, honnêtement je n’y crois pas. Ce dispositif étant assorti de l’obligation de démolir pour reconstruire, il ne s’applique pas à tous les terrains bâtis.

Rendre pendant un an le dispositif plus efficace en zones périurbaine et périurbaine suppose d’étendre l’abattement de 30 % à ce type de biens.

Je maintiens donc l’amendement.

M. Pascal Cherki. C’est le bon sens !

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Le bon sens peut parfois être trompeur, monsieur Cherki.

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Pour la troisième fois, je vous dis que nous voulons nous assurer que, dans sa rédaction actuelle, l’amendement ne permet pas le cumul de deux dispositifs : l’abattement de 25 % en cas de cession de terrains bâtis et le présent abattement de 30 % en cas de cession de terrains non bâtis.

Vous dites que ce n’est pas le cas, monsieur Goldberg, mais nos services n’arrivent pas à la même conclusion : ils pensent, après analyse, que ce risque existe.

Dans le cas où l’immeuble en cause est impropre à l’habitation, je veux bien souscrire à l’analyse de Mme la rapporteure selon laquelle le dispositif s’applique. Dans les autres cas, nous souhaitons que la rédaction de votre proposition soit suffisamment claire pour exclure  tout risque de cumul.

Sous cette réserve, le Gouvernement sera favorable à votre proposition. Dans sa rédaction actuelle, le Gouvernement n’y est pas favorable.

(L’amendement n647 est adopté.)

Mme la présidente. Levez-vous le gage, monsieur le secrétaire d’État ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je vous demande une suspension de séance. Je vous dirai à la reprise si le gage est levé.

Suspension et reprise de la séance

Mme la présidente. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures cinquante-cinq, est reprise à douze heures cinquante-huit.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

Le gage est-il levé, monsieur le secrétaire d’État ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Le Gouvernement lève le gage.

(L’article 4, amendé, est adopté.)

2

Ordre du jour de la prochaine séance

Mme la présidente. Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :

Suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2015.

La séance est levée.

(La séance est levée à treize heures.)

La Directrice du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Catherine Joly