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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2014-2015

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du jeudi 16 octobre 2014

Présidence de Mme Sandrine Mazetier

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Projet de loi de finances pour 2015

Première partie (suite)

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2015 (nos 2234, 2260).

Ce matin, l’Assemblée a poursuivi l’examen des articles, s’arrêtant à l’article 5.

Article 5

Mme la présidente. Plusieurs orateurs sont inscrits sur l’article 5.

La parole est à M. Marc Le Fur.

M. Marc Le Fur. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État chargé du budget, monsieur le président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, madame la rapporteure générale, mes chers collègues, l’article 5 peut présenter des aspects intéressants ; le problème c’est qu’il limite les nouveaux avantages fiscaux aux zones dites tendues.

Cela signifie que l’on oublie des territoires qui sont pourtant très directement frappés par la crise du logement.

Dans les Côtes d’Armor, par exemple, qui représentent exactement 1 % de la France et où il y a très peu de zones tendues, pour ne pas dire aucune, 8 000 permis de construire par an ont été délivrés entre 2010 et 2011, contre 3 143 seulement en 2013. Quant au premier semestre 2014, les chiffres officiels font état d’une diminution des permis de construire de 37 % par rapport à 2013, qui était pourtant une mauvaise année.

Vous voyez l’impact, pour tout un département, de la crise du bâtiment, qui se traduit très explicitement dans les défaillances d’entreprises. Aujourd’hui, les entreprises qui arrêtent leur activité sont plus de deux fois plus nombreuses que celles qui sont créées. C’est dire à quel point nous sommes victimes de cette crise du bâtiment.

Autre exemple : dans la commune de Plaine-Haute, tout près de l’agglomération briochine, entre dix et douze maisons neuves étaient vendues par an. Depuis le début de l’année, il ne s’en est pas vendu une seule !

Les mesures que vous envisagez de prendre, monsieur le secrétaire d’État, et qui vont à mon avis plutôt dans le bon sens, doivent donc s’appliquer à l’ensemble du territoire et ne pas être réservées à quelques privilégiés.

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Gomes.

M. Philippe Gomes. Il était temps de mettre fin au désastre ! En effet, en moyenne annuelle, le nombre de logements aidés, qui se situait entre 55 000 et 75 000, est tombé à 35 000 à la suite de la révision des dispositifs Scellier en 2012 et Duflot en 2013. C’est une véritable catastrophe à l’échelle nationale !

Vous mesurez alors ce qui a pu se passer outre-mer : l’ampleur du désastre est plus grande encore puisque le dispositif a été quasiment inexistant. Dans les collectivités françaises du Pacifique – Polynésie, Nouvelle-Calédonie, Wallis et Futuna –, le nombre de dossiers aidés se compte sur les doigts d’une main.

Il est donc indispensable que le dispositif soit revu et renforcé pour l’outre-mer, ce qui est prévu, mais il est également indispensable que les collectivités du Pacifique fassent l’objet d’une attention particulière. En effet, s’il est aisé de faire de la défiscalisation du logement intermédiaire à Paris ou à Toulouse, c’est déjà un peu plus compliqué à la Réunion ou ailleurs dans les DOM, et dans le Pacifique, en Nouvelle-Calédonie ou en Polynésie, on entre dans une vraie zone de risque.

Dès lors, il faut que les collectivités françaises du Pacifique bénéficient d’un avantage différentiel. Je développerai ce sujet lorsque mon amendement viendra en discussion.

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Myard.

M. Jacques Myard. La question du logement est en effet cruciale, mais si on l’aborde sur le plan idéologique, comme l’a fait la loi Duflot, on arrive à des catastrophes.

Cet article, sous réserve de ce que vient de dire Marc Le Fur c’est-à-dire que les avantages soient élargis à l’ensemble du territoire national, va certainement dans le bon sens. Je voudrais cependant attirer l’attention du secrétaire d’État sur un point majeur : il existe des dizaines de milliers de logements sociaux vacants autour des régions dites tendues, notamment de la région parisienne.

Où est donc l’aménagement du territoire dans ce pays ? Où est la volonté de ce Gouvernement de rétablir un peu d’équilibre et d’envoyer des entreprises là où il y a des logements et où la population pourrait vivre dans des conditions tout à fait normales. Si vous ne comprenez pas ce que c’est que l’aménagement du territoire, je vous ferai un cours, chers collègues ! Aujourd’hui, on marche sur la tête !

Mme Catherine Coutelle. C’est vous qui le dites !

M. Jacques Myard. Construire 70 000 logements par an en région Île-de-France, obliger à avoir 30 % voire 40 % de logements sociaux dans des régions où il n’y a pas de foncier, c’est reporter des coûts prohibitifs sur l’ensemble de la collectivité nationale.

M. Daniel Goldberg. Il n’y a aucune obligation !

M. Jacques Myard. Ce n’est pas résoudre le problème. En région parisienne, on ne pourra pas transporter quatre à cinq millions de personnes supplémentaires d’ici à vingt ans.

Si vous voulez casser la région parisienne, si vous voulez ne pas résoudre le problème du logement, continuez à suivre cette idéologie sectaire et on aura tout réussi !

Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas Sansu, pour soutenir l’amendement n785, qui vise à supprimer l’article 5.

M. Nicolas Sansu. Au 1er janvier 2013, pour succéder au dispositif Scellier, a été instauré un nouveau dispositif, dit Duflot, afin d’encourager la construction par la voie d’un énième crédit d’impôt accordé aux investisseurs.

Des dizaines de milliards d’euros ont été dépensés par l’État – les aides à la construction s’élèvent à 41 milliards d’euros en 2013 – pour soutenir le secteur ces vingt dernières années, sans que l’efficacité des mesures de défiscalisation pour soutenir la politique du logement soit véritablement interrogée.

La défiscalisation a parfois abouti à des catastrophes. Je le vois aussi dans les villes moyennes, notamment celle dont je suis maire : les dispositifs de Robien y sont restés extrêmement vides. Pourtant, encore 1,7 milliard d’euros sera mis sur la table sous forme de crédit d’impôt.

Le manque de mises en chantier n’est pas un phénomène nouveau dans notre pays. S’il se construit trop peu de logements en France, surtout en zones tendues, les causes en sont multiples.

La première d’entre elles, il ne faut pas le cacher, c’est la hausse spectaculaire des prix, qui ont explosé depuis 2000. Selon l’INSEE, le prix du mètre carré en zone tendue est passé de 2 030 euros en 2000 à 3 884 euros en 2013, soit une hausse de 91 %.

Mme Marie-Christine Dalloz. Mais on est encore en train de l’accroître !

M. Nicolas Sansu. La première source des blocages dans la construction réside donc dans le décalage entre les prix de l’immobilier et les revenus des ménages. Cette réalité a été masquée pendant des années par des mesures d’aides en tout genre et par l’allongement des crédits bancaires, les banques souhaitant éviter une correction des prix à la baisse.

Le masque est tombé avec la crise de 2008, qui a cassé ces mécanismes. Pour soutenir la construction neuve, vous envisagez dans cet article de reconfigurer l’avantage fiscal du dispositif Duflot et de l’ouvrir à des acheteurs qui loueraient leur bien à des membres de leur famille.

Cet élargissement était demandé par la Fédération des promoteurs immobiliers au nom de la solidarité intergénérationnelle. Dans les faits, ce dispositif permettra au contribuable en capacité d’acheter un bien d’une valeur de 300 000 euros de bénéficier de 63 000 euros de déduction fiscale. Autrement dit, l’État contribuera à hauteur de plus de 20 % à la constitution du patrimoine de la famille de ce contribuable, sans aucune des contreparties sociales du dispositif Duflot.

Nous parlions tout à l’heure, monsieur le secrétaire d’État, de l’hyperconcentration des revenus.

Mme Marie-Christine Dalloz. C’est vous qui en parliez !

M. Nicolas Sansu. Que dire alors de l’hyperconcentration des patrimoines et de la reproduction des inégalités de patrimoine, qui se trouveront ainsi renforcées. Cette mesure contribuera à améliorer le patrimoine de ceux qui en ont déjà et à réaliser cette société de rentiers dénoncée par Thomas Piketty.

À l’heure de la décollecte du livret A, du détournement de l’épargne populaire au profit des banques et des ponctions gouvernementales sur le 1 % logement, nous pensons que l’argent public pourrait être mieux employé au profit du logement, notamment du logement social. Après l’amoindrissement de la mesure d’encadrement des loyers, cette disposition est un mauvais signal. C’est pourquoi nous proposons la suppression de l’article 5.

Mme la présidente. La parole est à Mme Valérie Rabault, rapporteure générale de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, pour donner l’avis de la commission sur l’amendement n785.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Ce matin, nous avons eu l’occasion d’évoquer l’objectif de relance de la construction qui est porté par ce projet de loi de finances. Ce secteur connaît des difficultés, je pense que vous en conviendrez, monsieur Sansu.

Notre objectif est d’identifier où se trouvent les blocages et de couvrir toute la chaîne, du logement social au logement intermédiaire. L’article 5 vise à lever un frein en offrant la possibilité de louer le logement concerné soit à des ascendants, soit à des descendants, pour une durée limitée.

D’autres amendements, notamment celui porté par notre collègue Goldberg, visent, en particulier pour les descendants, à instaurer une petite restriction à l’avantage proposé. Nous aurons l’occasion d’en débattre.

La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement de suppression.

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé du budget, pour donner l’avis du Gouvernement.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget. Certaines choses semblent faire consensus. Notre pays pratique, sous différentes formes, des aides massives au logement. M. Sansu évoquait ce matin un chiffre de 40 milliards d’euros ; j’avais en tête 45 milliards d’euros. C’est du moins l’ordre de grandeur. Force est de constater que cela n’a pas permis de résoudre tous les problèmes.

La démographie continue à progresser, ce qui nous différencie d’ailleurs de certains pays qui ne connaissent pas les mêmes problèmes. Je pense souvent à la comparaison entre la France et l’Allemagne, même si les choses sont, semble-t-il, en train de se compenser. Lorsqu’un pays gagne 200 000 habitants tous les ans quand l’autre en perd autant, le coût du logement subit nécessairement les conséquences de ces évolutions démographiques.

On nous reproche, d’un côté, de trop restreindre géographiquement le champ du dispositif et, de l’autre, de trop élargir celui-ci en ouvrant le bénéfice de l’avantage à ceux qui souhaitent loger un ascendant ou un descendant.

Cela procède d’une logique. Le prix étant souvent la conséquence du marché, nous devons veiller à ce que les avantages fiscaux ne se retrouvent pas dans les prix, comme cela a malheureusement été parfois le cas.

C’est pourquoi le Gouvernement souhaite que le dispositif reste concentré sur les zones tendues. Quant à l’élargissement, à partir du moment où nous sommes dans des zones tendues, le fait de prendre en compte des situations particulières – la période de vie étudiante, par exemple – permet d’envisager d’étendre le dispositif aux ascendants et aux descendants.

Nous aurons l’occasion de revenir sur ces points lors de l’examen d’amendements plus précis que cet amendement de suppression, auquel le Gouvernement est bien entendu défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas Sansu.

M. Nicolas Sansu. J’aurais aimé avoir une réponse à la question de la concentration des patrimoines, car c’est cela qui pose problème. De plus, nous devons débattre de la nature des dépenses : dépenses d’intervention ou dépenses fiscales ? Dans le domaine du logement, les dispositifs de défiscalisation se multiplient – Malraux, de Robien, Scellier, Duflot, Pinel. On peut continuer longtemps ainsi… Mais, au bout du compte, les résultats en termes de mise en construction comme de maîtrise des coûts et des prix ne sont pas très probants.

(L’amendement n785 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Gilles Lurton, pour soutenir l’amendement n288 rectifié.

M. Gilles Lurton. Dans le contexte actuel, nous sommes favorables à l’objectif du Gouvernement : relancer la production de logements. Nous proposons donc, par cet amendement, de compléter l’article 199 novovicies du code général des impôts pour favoriser la relance de la commercialisation des logements neufs.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Défavorable. Cet amendement concerne les logements neufs qui ne trouvent pas acquéreurs, sont loués quelques mois puis remis sur le marché. Vous souhaitez que les nouveaux acquéreurs puissent alors bénéficier du dispositif Pinel. Il est vrai que l’administration fiscale avait admis une telle interprétation dans le cadre du dispositif Scellier, mais cette possibilité était limitée à l’année 2009, alors que votre amendement ne prévoit aucune limite dans le temps.

Permettez-moi de vous rappeler que notre objectif à tous est de provoquer un choc afin de relancer le secteur du bâtiment. La mesure que vous proposez ne relève pas de cet état d’esprit. En outre, vous ne prévoyez pas de délai maximal au terme duquel la vente du logement doit intervenir – en 2009, c’était douze mois après la conclusion du bail. Telles sont les raisons pour lesquelles la commission des finances a rejeté votre amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Même avis.

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Notre collègue Michel Piron, qui ne peut pas être parmi nous cet après-midi, avait déposé un amendement identique.

Madame la rapporteure générale, vous avez soulevé deux problèmes de limitation dans le temps. Mais si l’amendement de M. Lurton était modifié de manière à intégrer ces deux limites temporelles dont vous déplorez l’absence, y seriez-vous favorable ? Dégager un stock non vendu permettrait en effet aux promoteurs de retrouver de l’argent et de monter de nouvelles opérations. C’est cela, l’idée ! Mais vous avez raison de dire qu’il faut limiter strictement cette possibilité dans le temps.

Quelle serait donc votre position, madame la rapporteure générale, si l’amendement de M. Lurton était ainsi modifié ?

(L’amendement n288 rectifié n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Madame la présidente, je vous demande une suspension de séance de cinq minutes.

Suspension et reprise de la séance

Mme la présidente. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à quinze heures vingt, est reprise à quinze heures quarante.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

Rappel au règlement

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour un rappel au règlement.

Mme Marie-Christine Dalloz. Mon intervention est fondée sur l’article 58, alinéa 1, de notre règlement. Un quart d’heure après l’ouverture de notre séance, M. le secrétaire d’État vous a demandé, madame la présidente, une suspension de séance de cinq minutes, que vous lui avez accordée puisqu’elle est de droit. Or, nous avons ensuite attendu le retour de M. le secrétaire d’État pendant plus de vingt minutes.

Depuis le début de notre discussion, nous dénonçons la réelle impréparation qui caractérise ce projet de loi de finances. Si, de plus, nous devons subir une suspension de séance de vingt-cinq minutes chaque fois qu’il y a un désaccord au sein de la majorité, il nous sera difficile de travailler. Cela traduit un réel mépris pour la représentation nationale. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Henri Emmanuelli. Abstenez-vous et vous nous ferez gagner du temps !

M. Charles de La Verpillière. C’est un grand démocrate qui s’exprime !

M. Jérôme Chartier. M. Emmanuelli ne pensait pas ce qu’il a dit !

Article 5 (suite)

Mme la présidente. La parole est à M. Gilles Lurton, pour soutenir l’amendement n286 rectifié.

M. Gilles Lurton. Parmi les conditions d’octroi du dispositif « Pinel » figure l’obligation, pour le promoteur immobilier, lorsque le logement est vendu en l’état futur d’achèvement – VEFA –, d’achever l’immeuble dans un délai de trente mois suivant la déclaration d’ouverture de chantier. Nous le savons tous, les promoteurs immobiliers font tout pour achever leurs immeubles le plus rapidement possible, car c’est dans leur propre intérêt. Mais, ils sont parfois confrontés à de nombreux aléas – démolition d’immeubles, dépollution, sites protégés par l’archéologie préventive, défaillances d’entreprise. Cet amendement vise donc à supprimer l’exigence relative au délai de trente mois.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Les dispositions prévues sont déjà favorables dans la mesure où elles permettront, après contact et discussions avec les opérateurs, d’achever les opérations dans des délais tout à fait compatibles avec les normes et usages en vigueur. En outre, l’adoption d’un tel amendement serait préjudiciable aux contribuables, étant donné que l’achèvement des travaux constitue le fait générateur de la réduction d’impôt. Le Gouvernement n’est donc pas favorable à cet amendement.

(L’amendement n286 rectifié n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Noguès, pour soutenir l’amendement n666.

M. Philippe Noguès. L’idée d’aider les ménages à se constituer un patrimoine immobilier grâce à un mécanisme d’action fiscale en faveur de l’investissement locatif n’est pas nouvelle. De tels dispositifs, très coûteux pour l’État, se sont additionnés au fil des années et nécessitent donc d’être particulièrement bien ciblés.

Pour être légitime et juste, une incitation fiscale doit être au service d’un objectif d’intérêt général. Dans le cas de l’investissement locatif aidé, l’objectif d’intérêt général est bien d’assurer l’accès au logement de tous nos concitoyens, particulièrement ceux à revenus modestes ou résidant dans les zones tendues, tout en soutenant le secteur du BTP qui en a bien besoin.

M. Marc Le Fur. Et le monde rural ?

M. Philippe Noguès. Néanmoins, cet objectif ne peut être atteint par des moyens allant à l’encontre d’un autre objectif d’intérêt général : la réduction des inégalités sociales dans la constitution du patrimoine.

M. Pascal Cherki. Très juste !

M. Philippe Noguès. Ces inégalités sont aujourd’hui particulièrement fortes et en progression, comme l’a récemment montré l’économiste Thomas Piketty. Or, grâce à la disposition permettant de louer à un ascendant ou à un descendant, des familles aux revenus confortables pourront se constituer un patrimoine avec l’aide de l’État tout en logeant leurs enfants, auxquels ils pourront ensuite transmettre le logement via un ou deux abattements exceptionnels de 100 000 euros sur les droits de mutation à titre gratuit.

La levée de l’interdiction de louer aux ascendants et descendants, avancée importante du dispositif Duflot, aurait pour effet d’accroître les inégalités de constitution du capital. Ce n’est pas acceptable, d’autant que cela nous éloigne de l’objectif de ces dispositifs d’exonération fiscale, à savoir l’accès de tous au logement.

Cet amendement vise donc à maintenir l’interdiction de louer à ses ascendants et descendants un bien locatif bénéficiant d’exonération fiscale, c’est-à-dire à maintenir les conditions que nous avons votées il n’y a pas si longtemps dans ce même hémicycle, avec le dispositif Duflot.

M. Jean-Marc Germain. C’est le bon sens même !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Défavorable. Je me permets de rappeler à M. Noguès que, selon le dispositif prévu, en cas de location à un enfant étudiant, celui-ci ne pourra être membre du foyer fiscal, c’est-à-dire qu’il ne sera pas possible de cumuler à la fois le bénéfice du quotient familial et l’avantage Pinel.

Parallèlement, vous ne pouvez pas non plus, et c’est normal, cumuler le bénéfice de l’APL pour un enfant étudiant et l’avantage fiscal pour ses parents qui lui loueraient un bien.

Pour l’ensemble de ces raisons – sachant, encore une fois, que l’objectif reste de donner un coup d’accélérateur à la relance du logement – l’avis de la commission est défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Le Gouvernement n’est pas favorable à cet amendement. En complément de ce qui vient d’être dit par Mme la rapporteure générale, je rappelle l’obligation d’avoir un foyer fiscal différent et l’impossibilité de bénéficier simultanément des aides au logement. Je rappelle également que cette possibilité est strictement encadrée par le respect des plafonds de loyer et de ressources. Cela me paraît très important.

Le Gouvernement estime que la suppression préconisée par l’amendement limiterait les effets positifs de cette nouvelle réduction d’impôt.

Mme la présidente. La parole est à M. Henri Emmanuelli.

M. Henri Emmanuelli. Nous sommes tous conscients de la crise du BTP et du logement. Mais il y a quand même des limites ! Les économistes libéraux ont développé la théorie du ruissellement – vous la connaissez tous – et nous sommes là en train d’inventer la théorie du ruissellement familial, c’est-à-dire que nous allons plus loin que M. Hayek. C’est quand même extraordinaire.

J’entends bien qu’on ne peut cumuler à la fois le bénéfice du quotient familial et la déduction fiscale qui s’attacherait à la location du logement à un membre de la famille. Mais, franchement, le dispositif est inconvenant au regard de ce qui vient d’être dit ainsi qu’au regard du creusement des inégalités sociales en France – il s’agit d’ailleurs d’un phénomène à peu près général, particulièrement marqué aux États-Unis.

Je trouve cela ahurissant au moment où on fait sauter l’encadrement des loyers pour l’ensemble des étudiants. Il est vrai, et c’est une chose positive, que l’on a créé le fonds de garantie, au financement duquel la Caisse des dépôts et consignations va d’ailleurs contribuer. Je le signale au passage, car sans son intervention le financement de ce fonds n’était pas assuré.

Pour parler clair, on va dire à certains de nos concitoyens : « Vous avez de l’argent, achetez un appartement, louez-le à votre enfant, cela vous vaudra une niche fiscale qui vous rapportera et vous permettra d’améliorer votre patrimoine familial. »

Là, monsieur le secrétaire d’État, et je vous le dis comme je le pense, nous faisons pire que ce que la droite aurait jamais imaginé faire ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

Mme Marie-Christine Dalloz. Nous allons être obligés d’intervenir !

Mme la présidente. La parole est à M. Éric Alauzet.

M. Éric Alauzet. La disposition dont il est question est sans doute celle qui m’a le plus troublé dans ce projet de loi de finances, et je ne pense pas être le seul dans ce cas. J’imaginais, monsieur le secrétaire d’État, madame la rapporteure générale, que vous alliez développer des arguments pour dissiper notre doute.

Or votre argumentation ne me semble pas très forte, et cela me gêne beaucoup. À la limite, si la mesure n’était accessible qu’à des parents dont le propre patrimoine ne dépasse pas un certain seuil, de l’ordre de 700 000 à 800 000 euros, nous aurions pu en débattre. Mais elle pourra profiter à des contribuables dont le patrimoine dépasse 5 millions d’euros !

Cela paraît un peu difficile à admettre. Il faut trouver des aménagements pour éviter les dérives, sinon on va renforcer ce que Thomas Piketty décrit dans son livre.

M. Marc Le Fur. Ce n’est pas lui qui a obtenu le prix Nobel !

M. Éric Alauzet. C’est-à-dire que l’argent va à l’argent et que nous ne pourrons échapper à cette évolution.

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Pour une fois que nous débattons d’une mesure pro-famille, je veux féliciter le Gouvernement. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC)

M. Henri Emmanuelli. C’est plutôt une mesure pro-portefeuille familial !

M. Charles de Courson. Et bien quoi, vous n’aimez pas la famille ?

Il faut l’aimer, car elle constitue la cellule de base d’une société. Soyons un peu pragmatiques : que propose le Gouvernement ? De mobiliser une partie de l’épargne familiale pour loger des descendants. Cela permettrait de desserrer la pression sur le parc de logements.

Si vous préférez que nos concitoyens optent pour de l’épargne défiscalisée bien tranquille, libre à vous. Mais cela ne résoudra en rien les problèmes de logement.

Quels sont vos arguments ? Vous dites qu’il n’est pas normal qu’un contribuable puisse bénéficier du dispositif tout en logeant son enfant, mais que diriez-vous de ce même contribuable s’il logeait quelqu’un n’appartenant pas à sa famille ? Vous n’y trouveriez rien à redire.

M. Henri Emmanuelli. C’est une niche fiscale !

M. Charles de Courson. Si l’on achète un logement pour placer de l’argent et le mettre en location, la société y trouve son intérêt.

Vous ne le contesterez pas. Si deux familles bénéficiaient du dispositif et en profitaient pour loger chacune l’enfant de l’autre famille, vous trouveriez cela très bien. Alors que si elles logeaient leur propre enfant, cela n’aurait pas l’heur de vous plaire ! Votre position souffre d’un problème de cohérence.

Je ne fais pas de provocation. Pensez à vos enfants, chers collègues ! Il faudra bien les loger quand ils seront étudiants. Je voulais donc féliciter le Gouvernement et dire que nous voterons contre l’amendement de suppression de cet alinéa pro-famille.

Mme la présidente. La parole est à M. Éric Woerth.

M. Éric Woerth. Je voudrais me joindre aux propos de Charles de Courson. Il faut savoir ce que l’on veut : si l’objectif demeure d’accélérer la construction de logements en France, au fond, qu’importe qui on loge. Ce qui compte, c’est qu’on loge des Français – ou des étrangers – dans des logements qui ont été construits et qui de ce fait concourent à la croissance.

Nous assistons à un effondrement complet du marché de la construction du logement, qui crée du chômage et de la pauvreté et nous empêche de redistribuer correctement du pouvoir d’achat.

Il faut bien, à un moment donné, libéraliser tout le secteur. Pourquoi le réglementer ? Pourquoi ne pourrait-on pas construire et mettre en location auprès de ses propres descendants ou ascendants ?

Qu’est-ce qui vous empêche de le faire ? Le logement objet du dispositif a bien été construit, et il sera, à un moment donné, probablement vendu. Il reviendra dès lors sur le marché, et permettra de loger des personnes qui n’auraient, sans cette offre, pas trouvé de logement, ou qui en auraient trouvé mais à d’autres conditions.

Il y a une chaîne du logement. Quelle drôle de manière de faire ! Vous dites, monsieur Emmanuelli, que le dispositif permet de se constituer un patrimoine, mais c’est précisément son objet.

Celui de nos concitoyens qui achète un logement pour le mettre en location se constitue un patrimoine. Il s’agit d’un patrimoine familial, qui plus tard peut-être sera, par donation, transmis à ses enfants. Vous avez une drôle de manière de vouloir absolument tout réglementer dans la société.

Si l’on considère qu’il faut une niche fiscale pour favoriser la construction, alors il n’y a pas de raison d’en interdire le bénéfice à tel ou tel type de locataire.

Si l’on considère qu’il ne faut pas de niche fiscale pour favoriser la construction, alors il s’agit d’un autre débat. Dans ce cas, je comprendrais mieux votre position.

Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas Sansu.

M. Nicolas Sansu. Monsieur Woerth a salué ma cohérence, puisque j’avais demandé la suppression de l’article. Je pense que nous n’avons pas besoin de niches fiscales pour encourager le logement ; ce qu’il faut, c’est plutôt des mesures d’intervention et de desserrement du crédit immobilier. Le crédit accordé par les banques reste en effet un grand problème pour nos concitoyens.

Cette mesure aura surtout pour effet de permettre aux plus gros patrimoines de grossir encore. Disons-le, elle ne servira qu’à cela, pour un coût d’1,7 milliard d’euros.

Nous avons évoqué la théorie du ruissellement : cela nous fait très clairement revenir au XIXème siècle et à sa société de rentiers.

Vous ne pouvez faire croire que cette mesure permettra de desserrer les contraintes pesant sur le secteur du logement et de déclencher je ne sais combien de mises en chantier. Il ne faut pas nous raconter des histoires !

J’ajoute – cela a été évoqué implicitement par notre collègue Noguès – qu’avec l’article 6, qui permet la donation aux descendants avec des droits de mutation à titre gracieux, la boucle est bouclée. Je voterai la suppression de l’alinéa 4, mais je regrette que nous n’ayons pas supprimé l’article 5 dans sa totalité.

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Goldberg.

M. Daniel Goldberg. J’entends toujours avec beaucoup de plaisir nos collègues de l’UMP défendre à la fois une bonne maîtrise des comptes publics et proposer des mesures qui alourdiraient notre déficit de façon importante.

Le coût du financement de l’investissement locatif vient d’être rappelé par Nicolas Sansu, comme il l’avait été auparavant par la rapporteure générale et par le secrétaire d’État, Christian Eckert, qui est très au fait aujourd’hui de ces questions, comme il l’a été dans ses précédentes fonctions.

L’ensemble des mesures relatives à l’investissement locatif coûte en effet à notre budget 1,6 milliard d’euros par an, auxquels on pourrait ajouter 200 millions pour l’investissement outre-mer et 200 millions pour les meublés.

Dans le rapport de Valérie Rabault, on pointe, par cohortes, les sommes très importantes dévolues au financement de l’investissement locatif. Je pense en particulier au dispositif Scellier, qui coûte à la collectivité plus de 70 000 euros par logement subventionné.

Sur la question des ascendants ou des descendants, je vous invite, mes chers collègues, à prendre connaissance des propos de Hervé Novelli lorsqu’il était ministre.

Voici ce qu’il répondait, en 2010, à Jean-Claude Mathis qui lui demandait pourquoi le dispositif Scellier social n’était ouvert ni aux descendants ni aux ascendants : « Cet effort demandé au propriétaire n’a de réelle portée que s’il est effectué par le bailleur en faveur de personnes qui lui sont étrangères, c’est-à-dire auxquelles il n’est pas lié par des liens familiaux, et donc de solidarité, sinon les avantages fiscaux consentis procéderaient davantage de l’effet d’aubaine, sans mésestimer le risque de fraude, compte tenu de la communauté d’intérêt pouvant exister entre les personnes concernées ».

Et d’ailleurs, dans le Scellier dit intermédiaire, le bailleur peut, à l’issue d’une période de location de trois ans minimum, suspendre son engagement pour mettre le logement à disposition, à titre onéreux ou gratuit, d’un ascendant ou d’un descendant.

Peut-être pourriez-vous suivre l’orientation définie par Hervé Novelli ? Il m’apparaît, sur cette question, plutôt bon conseiller. Ne pas permettre la location directe, au moins aux descendants, mais prévoir une mise à disposition du logement : voilà ce que je proposerai.

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Je prends le relais de Daniel Goldberg. Le financement de l’investissement locatif coûte très, très, très cher : une génération de dispositif Scellier, soit 60 000 logements, autant dire un réel succès, a coûté entre 3,5 et 4 milliards d’euros.

Je vous en veux, monsieur Emmanuelli. En effet, jusqu’en 1984, cette dépense fiscale n’existait pas, et vous avez laissé passer, alors que vous étiez secrétaire d’État au budget, le dispositif Quilès.

Et après le Quilès, il y a eu le Méhaignerie, puis le Besson 1, puis le Périssol, puis le Besson 2, puis le Robien, puis le Borloo, puis le Borloo populaire, puis le Scellier, puis le Duflot ! Et maintenant, il y a le Pinel. Or ce type de dépenses fiscales est extraordinairement coûteux. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Je ne suis pas sûr que le secteur de la construction se portait moins bien avant 1984. Nous avons mis le doigt dans l’engrenage d’une dépense fiscale qui, en zone tendue, s’est vue appropriée par la chaîne qui lie le propriétaire du foncier au promoteur. Celle-ci a généré de multiples frais de commercialisation.

M. Nicolas Sansu. Vous avez raison.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. À un moment ou à un autre, il faudrait donc refroidir ce type de dispositif parce que je ne suis pas sûr du tout que cela soit aussi efficace qu’on le dit. Monsieur Emmanuelli, je suis un peu d’accord avec vous, mais vous avez, vous aussi, une part de responsabilité.

M. Henri Emmanuelli. C’était il y trente ans.

M. Charles de Courson. Les crimes ne sont pas prescrits !

Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Mennucci.

M. Patrick Mennucci. Je me félicite de la mesure proposée par le Gouvernement. En y réfléchissant, elle est très simple : elle a pour objectif d’aider le secteur du BTP en favorisant la construction de logements. Et les arguments de ceux qui sont contre sont d’une étrange nature idéologique.

En effet, on nous dit que certaines personnes vont faire fortune grâce à cette mesure alors que les niches fiscales sont plafonnées. Cela ne me paraît pas correspondre à la réalité. Je ne crois pas que les grandes fortunes attendent cette disposition pour s’enrichir plus encore.

Je pense au contraire que cette proposition est équilibrée. En général, les grandes fortunes trouvent toujours d’autres moyens d’accroître leur richesse. Ce n’est sûrement pas sur cette mesure, qui est bonne pour le BTP, qu’elles vont s’appuyer pour cela.

Je pense au contraire que c’est une proposition équilibrée. Les grandes fortunes, en général, trouvent toujours d’autres moyens…

M. Charles de La Verpillière. De toute façon, elles sont parties !

M. Patrick Mennucci. …pour continuer à s’enrichir. Ce n’est certainement pas sur cette mesure, qui est bonne pour le BTP, qu’elles vont s’appuyer.

Mme la présidente. La parole est à M. François Pupponi, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques.

M. François Pupponi, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Je peux entendre la logique selon laquelle on favorise l’investissement, et donc aussi la constitution de patrimoine, puisque l’on va permettre à des familles de se constituer du patrimoine payé par la collectivité en mettant des logements à la disposition de leurs enfants tout en bénéficiant d’une réduction d’impôt.

Ce qui peut choquer, et c’est la raison pour laquelle il faut peut-être une expertise, c’est qu’il risque d’y avoir un cumul d’avantages. On nous explique qu’il n’y a pas de cumul avec la demi-part, je l’entends. Mais quid d’une pension alimentaire versée ? Pourra-t-on cumuler l’avantage fiscal obtenu lorsqu’on loue un bien à son descendant et la réfaction de 100 000 euros lorsqu’on le lui transmettra ? Quid des propriétaires de logements qu’ils pourraient déjà louer à leurs descendants mais qui ne le font pas parce qu’ils préféreront bénéficier de ce dispositif ?

Il ne faut pas multiplier les effets d’aubaine. Favoriser la transmission de patrimoine et la relance du BTP est une bonne chose. Mais si ce sont toujours les mêmes qui cumulent les avantages, cela pose problème.

Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure générale.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Par rapport à tous les dispositifs mis en œuvre depuis une trentaine d’années, le plafond de loyer est plus bas, l’avantage fiscal est moins élevé notamment que le Scellier, qui était à 25 %.

M. Henri Emmanuelli. C’est moins pire qu’avant !

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Vous le traduisez ainsi, monsieur Emmanuelli, mais, en 1984, apparemment, c’était vous.

Les conditions de ressources ont, elles aussi, été resserrées. C’est certes un dispositif fiscal puisque l’objectif est de relancer la construction mais, sur ces trois points, nous sommes en dessous des autres dispositifs.

Si vous vous reportez à la page 116 du rapport, qui donne la liste de tous ces dispositifs, vous verrez que le montant des dépenses fiscales engagées est moins important et que celles-ci sont plus ciblées sur les objectifs que nous voulons atteindre.

M. Patrick Mennucci. Très bien !

2

Souhaits de bienvenue à une délégation étrangère

Mme la présidente. Avant de poursuivre, je salue la présence dans les tribunes d’une délégation de députés algériens de l’Assemblée populaire nationale conduite par M. Belkacem Belabbes. (Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent.)

3

Projet de loi de finances pour 2015

Première partie (suite)

Article 5 (suite)

Mme la présidente. Nous poursuivons la discussion de l’amendement n666.

La parole est à M. Dominique Lefebvre.

M. Dominique Lefebvre. Nous le savons dans cet hémicycle, gouverner, c’est choisir. Choisir, c’est affirmer des priorités, et les priorités doivent tenir compte des circonstances du moment.

Comme l’a dit Patrick Menucci, nous avons deux enjeux : relancer le plus rapidement possible la construction et soutenir le secteur du bâtiment et des travaux publics, et produire du logement.

Comme l’a souligné la rapporteure générale, le dispositif dont il est question est encadré, d’une part, par le plafonnement des avantages fiscaux et, d’autre part, par les zonages dans lesquels il s’applique. Et je voudrais parler de la réalité de terrain d’un maire qui, dans une ville de 60 000 habitants, a construit entre 500 et 800 logements par an depuis dix ans et qui est toujours président d’une agglomération essayant d’en produire 1 400 par an.

Nous avons besoin de produire du logement intermédiaire et de favoriser l’accession à la propriété. Il y aurait un ralentissement durable de la construction de logements à Cergy-Pontoise si nous ne pouvions construire que du logement social, toutes catégories confondues. L’expérience montre que, si nous avons un ralentissement aujourd’hui, c’est un problème de commercialisation. L’on n’arrive pas à produire un immeuble d’accession à la propriété sans au moins 50 % de propriétaires investisseurs. Nous avons donc besoin de mobiliser l’épargne privée.

Les ouvertures proposées dans ce dispositif sont intéressantes à partir du moment où celui-ci est encadré, et je pense que la navette permettra de s’en assurer, en particulier pour les descendants.

Dernier point, puisque l’une des questions posées par certains de mes camarades socialistes concerne la constitution de patrimoines, l’exemple de Cergy-Pontoise montre qu’il n’y a pas que de très hauts revenus qui investissent dans la pierre. Les classes moyennes, les classes moyennes supérieures aussi se constituent un patrimoine.

Nous avons besoin d’un tel outil pour répondre à la crise du logement.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Luc Laurent.

M. Jean-Luc Laurent. Je suis signataire de l’amendement n666. Le projet de loi de finances a-t-il pour objectif de permettre la constitution de patrimoines ou de répondre à une crise du logement due à l’insuffisance de l’offre dans les zones tendues ? Pour moi, l’objectif, c’est de répondre à la nécessité de produire du logement, pas de permettre à certains de se constituer un patrimoine. Or l’expérience montre que tous les dispositifs évoqués par le président Carrez ont été très coûteux, mais n’ont pas été efficaces.

Le dispositif proposé, qui est une niche fiscale au profit d’ascendants ou de descendants, m’apparaît donc des plus choquants et ne mérite pas d’être retenu. Ce qu’il faut, c’est relancer la construction de logements. Plutôt que de créer une niche, je préférerais que l’on aide à construire des logements sociaux par exemple au lieu de ponctionner les offices ou que l’on prenne d’autres mesures permettant de développer une offre nouvelle.

Mme la présidente. La parole est à M. Christophe Castaner.

M. Christophe Castaner. Voilà bien un sujet sur lequel les caricatures sont multiples et peuvent, hélas, venir de tous les bancs.

Depuis quelques mois, certains veulent nous faire croire que la crise du logement date de l’arrivée de Cécile Duflot au ministère, et en particulier de la loi ALUR.

Plusieurs députés du groupe UMP. C’est le cas !

M. Christophe Castaner. Nous avons entendu cela mille fois. Or, si l’on observe sérieusement ce marché, on s’aperçoit que la construction est en berne depuis 2007. L’on avait alors atteint un point haut, avec 465 000 logements en France et, dès 2007, on a assisté à un effondrement, de 14 % en moyenne en 2008.

M. Jérôme Chartier. C’est la crise !

M. Christophe Castaner. Dans une région comme la Normandie, on a connu une baisse de 40 %. Cela s’est poursuivi en 2009, cela s’est ensuite un peu stabilisé et, dès 2012, la baisse a continué. Cela peut s’expliquer en partie par la fiscalité, l’extinction des avantages fiscaux Scellier que vous aviez votés et mis en place ayant eu pour conséquence une diminution du nombre de constructions.

Qu’il s’agisse des emplois ou des logements, le nombre de logements construits dans une région comme l’Île-de-France étant en baisse de 0,1 % cette année alors que les besoins sont évidents, toute mesure, à condition qu’elle soit encadrée, qui permet de relancer et de favoriser le logement, et en particulier le logement intermédiaire, est une bonne mesure.

L’objectif, c’est la construction de 500 000 logements en 2017 et, pour cela, il faut des moyens, de la mobilisation et de la confiance.

Aujourd’hui, il ne s’agit pas de créer une niche fiscale. Les plafonds sont faibles ; les conditions de ressources sont encadrées. Croire que ceux qui répondront à ces deux conditions sont des riches cherchant une optimisation fiscale, c’est une erreur. Ce sont simplement des gens qui se constituent un patrimoine parce qu’ils ont, comme chacun et chacune d’entre nous, envie de préparer l’avenir. Par cet investissement, ils peuvent permettre à de jeunes gens d’entrer dans du logement. C’est une urgence à laquelle nous devons répondre, sans même parler des emplois que cela représente.

Mme la présidente. La parole est à Mme Eva Sas.

Mme Eva Sas. Le fait que les familles souhaitent se créer un patrimoine et loger leurs enfants n’a rien de choquant en soi, ce n’est pas la question, mais je voudrais attirer l’attention sur deux points.

Il y aura d’abord un effet d’aubaine, puisque c’est une démarche que font naturellement un très grand nombre de familles. Ce sera donc de la dépense fiscale pour rien alors qu’il y aurait eu de toute façon un investissement.

Par ailleurs et surtout, l’État n’a pas à dépenser de l’argent public pour permettre à certains de constituer des patrimoines familiaux qui croissent et se transmettent de génération en génération, ce qui crée de plus en plus d’inégalités en France.

Qu’un tel dispositif ne se cumule pas avec d’autres avantages fiscaux, c’est la moindre chose. Cela aurait tout de même été le comble. Je ne pense pas que ce soit un argument.

Il paraît donc sain de voter cet amendement afin de ne pas encourager la constitution de patrimoines familiaux qui créent de plus en plus d’inégalités en France.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marc Germain.

M. Jean-Marc Germain. La politique, c’est aussi faire des choix. Nous sommes tous d’accord pour dire que le secteur du bâtiment va mal et qu’il faut relancer la construction dans notre pays, mais il y a deux façons de le faire : créer une niche fiscale en espérant encourager la construction ou construire du logement social, et pour cela il faudrait commencer par ne pas réduire les dotations des collectivités locales.

À gauche, une telle dépense nous semble critiquable parce qu’elle conduit à favoriser sa propre famille par rapport aux autres. Par ailleurs, comme vient de l’expliquer très bien Eva Sas, il y aura des effets d’aubaine énormes parce que les familles qui constituent d’ores et déjà un patrimoine et le mettent à la disposition de leurs enfants vont bénéficier de cet argent.

Pour le même montant, il y a une manière efficace et conforme à ce que nous défendons depuis toujours de relancer le secteur du bâtiment et une mesure beaucoup moins efficace qui, sans caricaturer, s’éloigne de ce que nous proposons.

Je soutiendrai donc cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. Jérôme Chartier.

M. Jérôme Chartier. Merci pour ce débat riche et utile, d’ailleurs parfois à front renversé. J’avoue que, si l’on m’avait dit un jour que la gauche de la gauche dans l’hémicycle citerait Hervé Novelli, je ne l’aurais jamais cru. Comme quoi tout peut arriver. (Sourires.)

Sincèrement, dans cette France où il y a pratiquement autant de propriétaires que de logement social, la question du logement, et particulièrement du logement locatif, s’est toujours posée.

Dire que ce sont les grands patrimoines qui possèdent tous les logements, c’est une caricature, chacun le sait. Il y a énormément d’artisans et de commerçants qui, ne serait-ce que pour se constituer un capital pour leur retraite, ont investi dans le logement locatif.

Que cet amendement soit voté ou non, madame Sas, cela ne va pas empêcher la constitution de patrimoines immobiliers, heureusement d’ailleurs, ce serait bien le comble. Qu’il s’agisse du dispositif Scellier ou de n’importe quel autre produit, les familles de France se sont souvent enrichies grâce à l’immobilier. Ce n’est donc pas une surprise.

La mesure proposée par le Gouvernement à l’alinéa 4 me paraît juste. Sous certaines conditions, notamment de ressources, qui figurent dans l’article, cela permettra de loger un membre de sa famille, pas forcément définitivement, en bénéficiant d’un dispositif de type Scellier. Ainsi, pendant deux ou trois ans, on pourra louer un bien à un membre de sa famille éventuellement en difficulté. Cela ne me paraît pas extraordinaire, cela me paraît même être un élément de fluidité.

Je ne crois pas que cela permettra, à terme, de détourner le dispositif. On ne va pas loger pendant dix ans son enfant qui fait des études, car celui-ci va forcément bouger. C’est la vie !



Que, dans ces circonstances, on ne traite pas différemment un membre de sa famille d’un autre locataire me paraît relever plutôt du bon sens. De fait, l’objectif de location demeurera, parce qu’il constitue l’esprit même d’un dispositif fiscal fait pour encourager la construction et la location.

Enfin, s’agissant du locatif, il faut, me semble-t-il, garder la parité entre le logement social et le logement privé. Aujourd’hui, nous sommes face à une difficulté, puisque de plus en plus de propriétaires privés n’investissent plus dans le locatif. C’est un vrai danger. Nous devons conserver cette parité qui est très importante pour le pays. Dans ma commune, il n’y a plus de patrimoine locatif privé. Il y a du logement social et des logements hors de prix dans le privé parce que le marché n’existe pas. Il faut conserver ce marché privé et tout ce qui peut être fait pour le fluidifier doit être encouragé.

Mme la présidente. La parole est à M. Christophe Caresche.

M. Christophe Caresche. La mesure s’inscrit dans un plan beaucoup plus vaste, et il ne faut pas être caricatural. Il y a, dans ce plan, beaucoup d’incitations en faveur des familles les plus modestes, notamment le nouveau PTZ, ou du logement social.

M. Marc Le Fur. Ce n’est pas vrai !

M. Christophe Caresche. Il ne s’agit donc pas de privilégier les uns par rapport aux autres et prétendre cela ne rend pas justice au plan présenté par le Gouvernement qui vise d’abord à conforter les incitations pour les plus modestes. Ensuite, nous avons besoin du logement intermédiaire, en particulier dans les zones urbaines et dans les cœurs de ville.

M. Jean-Louis Dumont. Bien sûr ! Nous allons en construire !

M. Christophe Caresche. C’est indispensable. Là encore, n’opposons pas les catégories de logements les unes aux autres ! Je suis le premier à dire par exemple qu’il faut, s’agissant des logements sociaux, faire plus de PLAI. Or, les communes favorisent le PLS. Faisons du PLAI et du logement intermédiaire !

Je reviens à l’amendement et à la question de la constitution d’un patrimoine. Que le bien soit ou non loué à un ascendant ou à un descendant, l’incitation de ce qu’on a appelé le Duflot prend la forme d’un crédit fiscal qui permet à un futur propriétaire d’acheter un logement et de le louer pendant un certain temps : il se constitue donc, d’un certain point de vue, un patrimoine. Ajouter la disposition sur les ascendants et les descendants ne changera rien à cela. En revanche, cela pourra constituer une incitation supplémentaire pour quelques milliers de logement.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Louis Dumont.

M. Jean-Louis Dumont. De tout temps, dans notre territoire républicain du moins, il y a eu une cohabitation entre un patrimoine privé et un patrimoine public.

M. Henri Emmanuelli. Social !

M. Jean-Louis Dumont. On voit ce patrimoine social aussi bien dans le logement privé que dans le logement public. Dans le logement privé, en général, ce sont d’anciennes copropriétés dégradées, mais il y en a aussi en excellent état. Quand on parle des jeunes, je pense non seulement aux étudiants, mais aussi aux jeunes travailleurs, à ceux qui font la route pour des travaux saisonniers, et je pense évidemment au CROUS… Là le silence se fait dans l’hémicycle ! À cette tribune, il y a dix ou quinze ans, j’avais eu l’occasion de dénoncer le patrimoine du CROUS, en disant qu’il fallait peut-être un peu plus d’argent et de professionnalisme. Il y a d’excellents foyers et d’excellentes cités étudiantes du CROUS, mais c’est loin d’être toujours le cas – mes collègues de région parisienne le savent mieux que moi.

L’intérêt aujourd’hui, c’est de pouvoir répondre à un besoin, grâce à la promotion immobilière privée, qui bénéficie de la défiscalisation. Les organismes HLM sont toujours totalement mobilisés ! L’État désargenté n’a plus les moyens de proposer des aides à la pierre, lesquelles, comme cela l’a été rappelé par un collègue tout à l’heure, permettent d’avoir des loyers de sortie compatibles…

M. Pascal Cherki. Mais oui !

M. Jean-Louis Dumont. …avec la solvabilité de celles et de ceux, familles ou individus, qui cherchent un logement, et les APL.

M. Jean-Luc Laurent. Excellente intervention !

M. Jean-Louis Dumont. Mais, monsieur le ministre, j’appelle votre attention, car il y a là un danger. On dit que le logement coûte tant, et d’additionner alors les aides au logement, les aides à la pierre, dont 50 % proviennent de financements hors l’État – et je ne compte pas dedans les collectivités locales ou régionales –, et la défiscalisation. Je pense que l’ensemble de ces moyens devrait répondre aux demandes. M. Caresche a parlé du PLAI, mais, jusqu’à l’année dernière, vous ne pouviez faire des PLAI, soit la plus grande masse des besoins des logements, qu’à la condition de faire du PLUS et du PLS et, partant, de construire dans des lieux ruraux – je suis un rural –, où l’on mettait deux ans avant de louer un produit neuf, tant les tarifs imposés étaient élevés.

M. Pascal Cherki. Très bien !

M. Jean-Louis Dumont. Qu’on nous laisse répondre aux besoins ! J’entends critiquer la loi ALUR, mais celle-ci instaure un système national d’enregistrement qui nous permettra une connaissance pointue et exacte de la demande. Qu’on nous laisse libérer nos énergies pour répondre aux besoins !

Mme Marie-Françoise Bechtel. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Nous avons, comme souvent, à concilier plusieurs intérêts et à regarder le sujet sous des angles différents. Crise du logement, crise économique du secteur, patrimoine financier individuel, voilà les trois questions qui sont au cœur de l’amendement dont nous parlons. Tout le monde s’accorde sur le fait qu’il y a une crise du logement, que la chaîne du logement, esquissée à l’instant par Jean-Louis Dumont, qui doit promouvoir chacun des foyers selon sa spécificité et son niveau de revenus, doit comporter tous les maillons pour pouvoir bien fonctionner.

Ensuite, s’agissant du secteur économique, ce n’est pas la peine de faire de dessin non plus, puisque tous ses acteurs nous disent qu’il y a un problème dans la construction et le BTP. Les tiroirs regorgent d’études qui nous montrent qu’il existe effectivement un problème dans un secteur où l’emploi est très directement lié à l’activité, et ce probablement plus que dans d’autres secteurs.

La question du patrimoine individuel et familial est également importante.

M. Henri Emmanuelli. Ce n’est pas l’affaire de l’État !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Mais si ! C’est l’affaire de l’État ou alors nous ne servons plus à rien ! Orienter l’épargne des Français vers différents secteurs c’est le travail de l’État.

M. Henri Emmanuelli. Mais ce n’est pas le patrimoine des familles !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Si, puisque cela concerne aujourd’hui les patrimoines logés en assurance vie ou en épargne dormante ou plus ou moins active. Nous avons travaillé pour essayer de réinjecter, notamment dans le secteur du logement ou dans le secteur économique du bâtiment, une partie du patrimoine individuel de nos concitoyens. Nous avons créé des produits à cet effet – je pense bien sûr à l’assurance-vie, par exemple.

Mesdames, messieurs, vous avez dit que l’on créait une niche.

M. Charles de Courson. Elle existe déjà !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Mais la niche a été créée : c’est le dispositif Duflot. L’article 5 ne fait que moduler la durée d’engagement de location. Il donne la possibilité de l’allonger ou de la réduire et il adapte le montant de l’avantage fiscal en fonction de celle-ci. Ce n’est pas la révolution ! D’ailleurs, celui qui choisira de louer pendant neuf ans bénéficiera du même avantage qu’auparavant – ni plus, ni moins ! C’est un aménagement qui a été demandé par certains acteurs et il n’aura pas pour effet de renchérir massivement ou de diminuer massivement la niche fiscale. Ou alors vous critiquez l’ensemble du dispositif, mais je ne vois pas pourquoi la majorité, qui a voté d’un même mouvement et avec un enthousiasme massif le dispositif Duflot, lui trouverait aujourd’hui tous les défauts du monde.

L’amendement pose un problème précis : celui de permettre la location, dans le cadre du dispositif, aux ascendants et descendants. La suspension de séance, madame Dalloz, devait nous permettre d’aménager un amendement que présentera M. Goldberg, s’il le souhaite, pour encadrer un peu plus la possibilité de louer à des descendants. D’ores et déjà, je peux vous dire que le Gouvernement est favorable sur le principe à une disposition visant à limiter une telle possibilité à trois ans, ce qui pourrait correspondre à la durée des études ou à celle d’une entrée dans la vie active. Il faudra aussi voir comment éviter le cumul de certains avantages, ce qui pose la question d’un foyer fiscal indépendant ou non. La suspension de séance n’a pas permis d’aboutir à un dispositif qui aurait l’agrément du Gouvernement, mais il reste une deuxième lecture et une navette. Nous sommes disponibles pour travailler sur ce sujet, puisque c’est la moitié de l’objet de l’amendement. Nous pouvons évoluer sur cette question.

Patrick Mennucci a évoqué la question du plafonnement. Effectivement, notre majorité s’honore d’avoir abaissé le plafonnement de l’ensemble des niches fiscales. On nous le reproche assez souvent ! Dans le plafond à 10 000 euros, on trouve aussi bien les dispositifs fiscaux, anciens ou nouveaux, relatifs au logement que les emplois à domicile – Dieu sait si c’est un sujet dont nous allons reparler ! – ou d’autres dispositifs beaucoup plus spécifiques. Certains, parmi les plus fortunés notamment, nous disent qu’à cause du plafonnement à 10 000 euros, ils n’arrivent pas à exploiter, si j’ose dire, toutes les possibilités de défiscalisation qui existent. C’est à notre honneur d’avoir instauré ce plafonnement ! Aussi le débat me semble-t-il un peu exagéré. Cela dit, j’entends bien ce que vous dites et je vous ai fait part de la disponibilité du Gouvernement pour évoluer sur ce dispositif – peut-être à la marge, jugeront certains.

Enfin, le logement social, secteur que Jean-Louis Dumont connaît parfaitement, comme d’autres bien entendu, a été pointé comme ayant besoin de soutiens financiers. Or, pour avoir rencontré plusieurs fois des acteurs de ce secteur, je pense que les obstacles à la construction de logements sociaux ne sont pas essentiellement financiers.

M. Jean-Louis Dumont. En effet !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je vous remercie, monsieur Dumont, de m’approuver ! Ces obstacles sont au nombre de trois : la disponibilité foncière dans les zones tendues ; la question des normes et des contraintes et la question de la volonté de certains élus locaux. Le renouvellement des équipes a permis de constater des différences dans les attitudes. Il y a en effet ceux qui souhaitent regarder les choses en face et ceux qui refusent tout logement social chez eux. Selon les acteurs du secteur, 40 % des dossiers sont actuellement en souffrance parce que les nouveaux maires ont renoncé à porter des projets qui étaient souvent prêts, soit parce qu’ils ne veulent pas les soutenir, soit parce qu’ils souhaitent se donner un peu de temps.

Certes, cela irait sans doute un peu mieux s’il y avait plus de crédits, mais compte tenu des disponibilités qui existent déjà et auxquelles la Caisse des dépôts apporte peut-être plus que sa part, je ne crois pas que ce soit les éléments financiers qui pèsent le plus dans la question du logement social.

Le dispositif proposé n’est pas révolutionnaire, mais il ouvre plus de possibilités parce que vu les difficultés économiques dans ce secteur, il nous paraît important de faire jouer tous les leviers, et celui-ci en est un.

J’ajoute que ce dispositif ne change pas grand-chose à la capacité de se procurer un patrimoine familial – j’aurais plus compris l’objection s’agissant des dispositifs que nous étudierons un peu plus loin.

Voilà ce que je voulais vous dire, mesdames, messieurs les députés, pour éclairer vos débats et vous confirmer l’opposition du Gouvernement à cet amendement.

M. Patrick Mennucci. Parfait !

Mme la présidente. Sur l’amendement n666, je suis saisie par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine et par le groupe écologiste d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Je mets aux voix l’amendement n666.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants59
Nombre de suffrages exprimés57
Majorité absolue29
Pour l’adoption26
contre31

(L’amendement n666 n’est pas adopté.)

Mme Arlette Grosskost. Très bien

M. Charles de Courson. Heureusement que l’opposition était là !

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Goldberg, pour soutenir l’amendement n648.

M. Daniel Goldberg. Cet amendement reprend en grande partie ce qui était prévu par les dispositifs Borloo et Besson, c’est-à-dire l’absence d’avantage fiscal en cas de location à ses proches, mais avec la possibilité de mettre le logement pour lequel le propriétaire a fait un investissement locatif à leur disposition pendant une durée limitée à neuf ans. Je précise que pendant cette mise à disposition, la durée de l’engagement à louer à un tiers sous conditions de ressources serait bien sûr reportée d’autant. Cela permettrait de rapprocher les points de vue en favorisant l’investissement locatif tout en bornant les avantages fiscaux que l’on peut en tirer.

Je partage largement l’avis du président Gilles Carrez : le secteur du logement est fortement dopé par des aides qui devraient être précisément ciblées pour servir à chaque fois l’intérêt général.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. C’est un amendement sur lequel nous avons eu, je le reconnais bien humblement, quelques difficultés de compréhension. En effet, notre collègue propose de calculer l’avantage fiscal sur la période totale – six, neuf ou douze ans selon les cas –, soit par exemple 60 000 euros pour un appartement acheté 300 000 euros, ce qui correspond à 5 000 euros annuels sur douze ans, mais il propose aussi de préserver le montant total de cet avantage en le lissant dans le temps, y compris si les enfants sont logés dans l’appartement les trois premières années. Le propriétaire bénéficierait donc de l’avantage du quotient familial au titre de l’enfant à charge tout en conservant l’ensemble de la réduction d’impôt proposée au titre du dispositif Pinel. La possibilité de cumuler les deux me pose un problème à titre personnel, même si j’entends bien l’argument selon lequel cela inciterait les ménages à investir dans la pierre.

Dans un premier temps, la commission avait émis un avis défavorable à cet amendement, mais des discussions ont ensuite eu lieu avec le Gouvernement. Je m’en remets donc à la sagesse de l’Assemblée en attendant que le Gouvernement nous donne son point de vue.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. M. Goldberg soulève une vraie question. Je répète que le Gouvernement est ouvert à la discussion d’une disposition sur les descendants qui serait limitée dans le temps, peut-être la durée des études – cela pourrait être trois ans, mais une durée plus longue est à débattre – et précisant si son application interromprait ou suspendrait le bénéfice de l’avantage fiscal. Mais si le descendant peut être rattaché au foyer fiscal de ses parents, ce sont alors les revenus de ceux-ci qui seront pris en compte pour l’ouverture des droits.

M. Christophe Caresche. Eh oui, puisqu’il y a un plafond !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Le secrétaire d’État a raison.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. On ne peut être logé dans un logement de ce type que si les revenus n’excèdent pas un certain plafond. Par conséquent, s’il s’agit du même foyer fiscal, le dispositif risque de devenir complètement inopérant.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. C’est déjà suffisamment compliqué ! (Sourires.)

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je vous remercie, monsieur le président de la commission, de penser que j’ai peut-être raison, mais je rends hommage à mes services qui ont appelé mon attention sur ce point. C’est la raison pour laquelle nous avons déjà tout à l’heure buté sur une difficulté. Dans l’esprit, nous pourrions nous rejoindre, monsieur Goldberg, mais dans la lettre, votre amendement ne fonctionnerait pas selon nous.

Je pense qu’il faut éviter le cumul du bénéfice du rattachement au foyer fiscal et l’avantage fiscal du dispositif Pinel, et donc se donner le temps d’élaborer un amendement qui pourrait nous rassembler. Si vous maintenez le vôtre, le Gouvernement émettra un avis défavorable, mais si vous le retirez, je vous confirme ma disponibilité pour parvenir, en deuxième lecture, à une mesure qui fonctionne.

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Lefebvre.

M. Dominique Lefebvre. Je souhaiterais que l’on ne passe pas trop de temps à débattre, au sein de la majorité, avec le Gouvernement de sujets sur lesquels je constate au fond un accord. À cet égard, je remercie Daniel Goldberg et les cosignataires pour cet amendement qui a permis à la rapporteure générale et au secrétaire d’État de clarifier les choses. Nous devons encadrer davantage que dans la proposition initiale du Gouvernement le système prévu pour les descendants, préserver son efficacité tout en évitant qu’il procure un double avantage. Je remercie le secrétaire d’État d’avoir pris une initiative à ce sujet.

Nous devons travailler dans une relation de confiance entre la majorité et le Gouvernement. Nous avons vécu ce matin un moment désagréable lorsque, sur la base d’un accord général, nous avons finalement adopté un amendement qui va devoir être retravaillé et qui donnera lieu soit à un réexamen en deuxième lecture, soit à un nouvel amendement. Nous avons essayé – c’était l’objet de la suspension de séance – de trouver une rédaction satisfaisante. Je demande donc formellement, au nom du groupe socialiste, à notre collègue Goldberg de retirer cet amendement. Ce serait un geste de confiance et de partage entre la majorité parlementaire et le Gouvernement, et nous reviendrons sur la question en deuxième lecture. Je me porte garant que nous aboutirons alors à un résultat sur lequel nous serons sûrement d’accord sur le fond et complètement sécurisés sur le plan juridique.

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Goldberg.

M. Daniel Goldberg. S’agissant du fond, voici ce que stipule l’alinéa 2 de l’article 75 de la loi de finances pour 2001 : « Lorsque la location est suspendue à l’issue d’une période d’au moins trois ans au profit d’un ascendant ou d’un descendant du contribuable, ce dernier ne bénéficie pas, pendant la période de mise à disposition du logement au profit d’un ascendant ou d’un descendant, de la déduction au titre de l’amortissement […]. Cette période de mise à disposition, qui ne peut excéder neuf ans, n’est pas prise en compte pour la durée de location minimale » d’engagement du propriétaire qui fait l’investissement locatif.

C’est sur la base de cette rédaction, qui, je le répète, a prévalu pendant toute la durée d’application des dispositifs Besson et Borloo, que j’ai élaboré mon propre amendement. Si votre démarche, monsieur le secrétaire d’État, est la même s’agissant des descendants, je suis prêt à le retirer afin de laisser la place au dialogue amical que nous avons toujours eu ensemble.

Rappelons que dans son état actuel, l’article 5 ne prévoit aucune limitation de la durée pendant laquelle on peut louer à son descendant. Rien n’interdit par exemple à un grand-père de louer son logement à sa petite-fille pendant une durée indéterminée, et le cas échéant très longue. Un encadrement me semble donc nécessaire.

Si donc vous êtes favorable à une solution dans laquelle la mise à disposition profiterait essentiellement aux classes moyennes, lesquelles, dans le cas contraire, ne s’intéresseront pas au dispositif, je retire mon amendement pour en discuter à nouveau en seconde lecture.

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je vous confirme, monsieur Goldberg, que je suis prêt à travailler sur cette base, c’est-à-dire à limiter la durée de l’avantage fiscal lorsque le logement est loué à un descendant. Je le dis explicitement, afin que cela figure au compte rendu.

(L’amendement n648 est retiré.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l’amendement n27.

Mme Marie-Christine Dalloz. L’aménagement de la réduction d’impôt attachée aux investissements locatifs intermédiaires se donne pour objectif de relancer le marché immobilier et surtout de soutenir le secteur du bâtiment et des travaux publics. Par cet amendement, je propose, avec mes collègues représentant les Français établis à l’étranger Frédéric Lefebvre, Thierry Mariani et Claudine Schmid, de préciser les conditions de domiciliation exigées pour bénéficier du dispositif Duflot-Pinel.

En effet, un Français domicilié fiscalement en France peut acheter un bien et profiter pleinement de la déduction proposée en contrepartie de l’engagement de location. Mais en cas d’expatriation, non seulement il perdra cet avantage mais ses revenus locatifs seront soumis, à hauteur de 15,5 %, à la CSG et à la CRDS. Un expatrié est donc soumis à une véritable double peine fiscale. C’est pourquoi notre amendement prévoit que la condition de domiciliation s’apprécie à la date de l’acquisition du bien.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Plusieurs amendements ont été déposés sur ce thème. Il ne s’agit d’ailleurs pas que des expatriés : un Français peut quitter provisoirement le territoire national, par exemple après avoir signé un contrat local à l’étranger, et perdre ainsi le bénéfice des réductions et crédits d’impôts auxquels il avait droit au titre des investissements qu’il avait engagés.

Supposons que, sur un revenu de 100, 50 proviennent des revenus du travail aux États-Unis, et soient imposés là-bas, et 50 de revenus tirés de la location d’un bien situé en France. En France, le barème d’imposition sera bien moins élevé, puisqu’il ne portera que sur la moitié des revenus du foyer. C’est justement pour cette raison que les dispositifs de crédit et de réduction d’impôt ne sont pas applicables.

On ne peut pas, en effet, jouer sur les deux tableaux : bénéficier d’un taux d’imposition plus faible parce que l’on déclare moins de revenus en France et que l’on atteint donc une tranche moins élevée, et continuer en même temps à profiter, comme avant son départ, d’un crédit ou d’une réduction d’impôt.

D’autres solutions auraient pu être envisagées. On pourrait par exemple instituer, comme aux États-Unis, ce que l’on appelle un impôt universel, qui prend en compte le revenu mondial et permet de continuer à bénéficier d’avantages fiscaux dans son pays d’origine. Cette solution, envisagée à l’occasion de plusieurs campagnes pour l’élection présidentielle, n’a finalement pas été retenue, bien qu’elle ait l’avantage d’offrir une vision globale de l’imposition de son revenu.

La commission a donc émis un avis défavorable à cet amendement, comme à d’autres amendements similaires.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Le Gouvernement a exactement le même avis.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz.

Mme Marie-Christine Dalloz. Je maintiens l’amendement.

(L’amendement n27 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jérôme Chartier, pour soutenir l’amendement n340.

M. Jérôme Chartier. Il est défendu.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Même avis.

(L’amendement n340 est retiré.)

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n36 rectifié.

M. Marc Le Fur. Cet amendement pose à nouveau la question du zonage, que j’ai déjà abordée en m’exprimant sur l’article.

Vous réservez un avantage fiscal conséquent, voire considérable aux zones dites « tendues ». Mais la crise du logement ne frappe pas seulement ces zones ! La crise du bâtiment se ressent partout, c’est un phénomène général dans notre pays. Il convient donc de prendre des dispositions valables pour l’ensemble du territoire, et pas seulement pour certaines de ses parties.

On me rétorquera que les zones non tendues bénéficient du prêt à taux zéro. Mais ce n’est pas du tout la même chose ! Le prêt à taux zéro ne vaut que pour l’accession à la propriété. Or ce qui me préoccupe, dans certains secteurs que je connais bien, c’est que, s’il subsiste un peu d’accession à la propriété ou de construction sociale, on ne voit plus de construction à finalité locative à l’initiative de particuliers ou d’investisseurs. Ce type de construction est pourtant nécessaire, ne serait-ce que pour favoriser le parcours résidentiel ou permettre l’investissement.

Certes, nous avons chez nous des détenteurs de patrimoine. Mais s’ils veulent investir dans le bâtiment, ils seront incités à le faire dans les zones urbaines.

J’en appelle au représentant de la Creuse ici présent : étant le seul député de son département, il est bien placé pour constater qu’il ne s’y construit plus de bâtiments destinés à la location !

Ma proposition est donc très simple. Nous connaissons une crise nationale du bâtiment, et les chiffres de la construction sont partout dramatiques. Il n’y a donc aucune raison de réserver les solutions proposées à certains territoires et d’en exclure les autres.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Il voudrait le beurre, l’argent du beurre, et plus encore !

M. Marc Le Fur. Le monde rural ne cesse de recevoir de mauvaises nouvelles ; j’espère que sur ce sujet au moins, sa situation sera prise en considération.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Avis défavorable. Je sais que M. Le Fur voudrait pouvoir cumuler tous les avantages fiscaux qui existent, …

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Mais sans accueillir de portique !

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Sans portique, en effet, mais avec un bonnet rouge ! (Sourires.)

M. Marc Le Fur. Je ne demande que l’application du droit commun !

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Rappelons que le zonage des communes vient d’être révisé par un arrêté du 1er août 2014 destiné à l’adapter aux réalités du terrain. Cet arrêté, entré en vigueur le 1er octobre, s’est traduit par le reclassement d’un grand nombre de communes en zone A bis et A – plus de 3,5 millions d’habitants supplémentaires sont ainsi concernés – et par le passage de 600 communes de la zone C à la zone B1 ou B2.

Ce nouveau zonage a rendu de nombreuses communes éligibles au dispositif Pinel. Elles ne le sont pas toutes, bien entendu, sans quoi il ne servirait à rien de définir des critères. Il n’en demeure pas moins que le nombre de communes concernées a été élargi de façon sensible.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Le Gouvernement partage l’avis de Mme la rapporteure générale.

M. Le Fur ne découvre pas aujourd’hui la nécessité, pour le législateur, d’élaborer des lois nationales s’appliquant à des territoires d’une grande diversité. C’est une question à laquelle nous sommes souvent confrontés. Mais comme je le sais discipliné, je lui demande d’écouter le président de la commission des finances, qui est de sa sensibilité politique et qui rappelait tout à l’heure que tous ces dispositifs sont extrêmement coûteux.

M. Marc Le Fur. Cela vaut pour l’ensemble !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. C’est pourquoi le Gouvernement souhaite circonscrire le présent dispositif aux zones où il sera le plus utile, c’est-à-dire aux zones tendues.

Monsieur Le Fur, soyez raisonnable ! Ralliez-vous au président Carrez, qui nous enjoint de faire preuve de prudence et de sélectivité. En tout état de cause, s’il était maintenu, le Gouvernement demande le rejet de cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Le Fur.

M. Marc Le Fur. Le dispositif est sans doute coûteux, mais vous conviendrez qu’il ne bénéficie qu’à certaines parties de notre territoire. Or la crise du logement n’est pas spécifique à ces parties.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Mais elle est pire dans certains endroits !

M. Marc Le Fur. Vous auriez pu m’objecter que, par le passé, l’application de certains dispositifs fiscaux a favorisé par endroits la construction de logements qui sont finalement demeurés vides. Mais tel n’est pas le lot des zones rurales que je connais, tout simplement parce que leur démographie est en progression.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Demandez une dérogation à votre préfet !

M. Marc Le Fur. C’est ce que l’on nous répond régulièrement, mais les dérogations tardent à venir !

J’ai bien noté l’évolution de la carte. C’est bien la preuve qu’il y a un problème et que, à défaut de vouloir le résoudre complètement, vous tentez d’en atténuer les effets à la marge.

En tout état de cause, du fait de causes réglementaires que j’ai déjà évoquées, comme la difficulté de construire même dans les zones où l’espace est disponible, et de dispositions fiscales qui ne sont pas du tout favorables à la construction de logements à finalité locative par des investisseurs privés, la crise du bâtiment ne cesse de s’aggraver. Je constate que vous refusez de l’admettre.

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Nous rencontrons ce problème depuis une bonne dizaine d’années, et M. Le Fur a d’ailleurs eu l’occasion de défendre les mêmes amendements sous la précédente législature.

Il faut se souvenir que le dispositif Robien a donné lieu à la construction de milliers de logements dans des zones dépourvues d’un marché de la location. Ces logements sont donc restés vides.

M. Marc Le Fur. Ce n’est pas ce à quoi j’ai assisté dans ma circonscription.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Instruits par cette expérience malheureuse, nous avons donc dû nous montrer plus restrictifs en matière de zonage. Par ailleurs, une orientation plus récente devrait vous donner satisfaction, monsieur Le Fur : elle consiste à restreindre l’accès au prêt à taux zéro en zone tendue, grâce à l’abaissement des plafonds, …

M. Marc Le Fur. Cela concerne l’accession à la propriété. Moi, je parle de location !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. …et en contrepartie, à rendre le PTZ plus accessible en zone C. L’idée, peut-être un peu primaire, est qu’un produit locatif a davantage sa place en zone tendue, tandis qu’ailleurs, l’accession sociale à la propriété – notamment d’une maison individuelle, dans la mesure où le foncier coûte moins cher – correspondra plus à la demande des habitants. Il y a donc une certaine logique dans ce dispositif.

(L’amendement n36 rectifié n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jérôme Chartier, pour soutenir l’amendement n345 rectifié.

M. Jérôme Chartier. Il est défendu.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Même avis.

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Le Fur.

M. Marc Le Fur. Le président de la commission me renvoie au PTZ. Soit. Mais l’avantage relatif qu’il représente est aujourd’hui beaucoup plus modeste que par le passé, dans la mesure où les taux d’intérêt commerciaux sont déjà très favorables, sans d’ailleurs beaucoup d’effets sur l’investissement.

En outre, si le PTZ est un bon dispositif, en faveur duquel je milite, il ne vaut que pour les accédants à la propriété. Il ne résout donc absolument pas le problème de la défaillance dont souffre l’investissement locatif réalisé par des particuliers.

Vous évoquez la construction de logements vides dans certaines zones : c’est vrai, mais dans la région que je connais, objectivement, ce n’est pas le cas ! Il existe des zones rurales qui sont en croissance démographique, qui connaissent des évolutions conséquentes et où la réalité de ces logements vides n’existe pas : au contraire, on y constate une forte pression foncière.

(L’amendement n345 rectifié n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure générale, pour soutenir l’amendement de la commission n236.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Cet amendement, ainsi qu’un autre qui sera présenté ultérieurement, vise à rendre plus cohérents les taux de la réduction d’impôt en outre-mer. En effet, l’article 5 prévoit une réduction d’impôt de 29 % pour un engagement initial de location de neuf ans, soit 3,2 % de réduction d’impôt par an. Or, pour les investisseurs, un engagement de location pour six années, au taux de 23 %, s’avère de loin plus attractif, ce qui risque de favoriser les durées d’engagement courtes.

Ce que nous proposons, c’est de conserver l’avantage global du dispositif tel qu’il est prévu par l’article 5, mais en l’étalant différemment dans le temps, ce qui permet de le faire entrer dans la limite du plafond de 10 000 euros qui existe aujourd’hui en matière de niches fiscales – l’investisseur pouvant maximiser son investissement jusqu’à 10 000 euros. Il s’agit donc d’introduire une légère modulation afin de respecter le plafonnement des niches fiscales en vigueur.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Le Gouvernement entend bien les arguments de la commission des finances. Toutefois, la diminution du taux de la réduction d’impôt serait susceptible de réduire l’attractivité du dispositif.

Il existe effectivement une difficulté d’articulation du taux de réduction d’impôt de 23 % avec le plafonnement global des niches fiscales, mais je vous suggère plutôt de retravailler ce point de manière à trouver une solution d’équilibre entre les différentes propositions avancées. Le Gouvernement n’entendant pas relever le plafond des niches fiscales, peut-être pourrait-on examiner comment jouer sur les taux, en travaillant notamment sur la durée.

Je vous propose donc, madame la rapporteure, de retirer cet amendement pour retravailler le dispositif dans un sens qui pourrait vous satisfaire. À défaut, j’en demanderai le rejet.

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Gomes.

M. Philippe Gomes. Nous souhaitons quant à nous le maintien du dispositif tel qu’il a été proposé par le Gouvernement. L’ensemble de l’outre-mer subit l’impact de la non-efficacité du dispositif Duflot tel qu’il a été adopté, et il est indispensable que le logement intermédiaire retrouve dans nos territoires la place qui était la sienne.

Chez nous, le logement intermédiaire est principalement destiné aux classes moyennes, qui, en raison de leurs revenus trop importants, ne peuvent pas bénéficier d’un logement social, mais qui n’ont pas non plus la capacité de trouver un logement dans le secteur privé. Il est donc clair que le logement intermédiaire tel qu’il est conçu aujourd’hui, avec une diminution de 20 % du montant du loyer par rapport à la moyenne, est le produit adapté.

Encore faut-il qu’on en construise ! C’est pourquoi un avantage fiscal sur une durée de six ans nous semble pertinent, même s’il est vrai qu’il présente un avantage différentiel par rapport à la réduction prévue pour une durée de neuf années. Pour cette raison, nous demandons le rejet de l’amendement.

Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure générale.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. J’accepte de retirer l’amendement. Permettez-moi cependant de souligner qu’un taux de 23 % conduira à une réduction d’impôt de 11 500 euros, supérieure au plafonnement en vigueur. Elle sera donc en pratique écrêtée à 10 000 euros, niveau auquel a été fixé, et je m’en réjouis, le plafond des niches fiscales.

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Je confirme, mes chers collègues, que Mme la rapporteure générale sait parfaitement compter, mais elle va cependant se rallier au fétichisme des taux ! (Rires.)

M. Charles de Courson. Il faut dire que cela fait tellement plaisir !

(L’amendement n236 est retiré.)

Mme la présidente. Je suis saisie de l’amendement n469 de Mme Valérie Rabault, rapporteure générale, qui est rédactionnel.

(L’amendement n469, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 259 et 287.

La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l’amendement n259.

M. Charles de Courson. Je vous préviens : il ne s’agit pas de l’amendement du siècle ! (Sourires.) Il concerne l’alinéa 31. Le projet de loi modifie le dispositif Pinel afin notamment de permettre aux investisseurs de louer le bien acquis à leurs ascendants ou descendants, mais le dispositif n’entrera pas en vigueur pour eux à la même date que pour les autres catégories de locataires : pour les ascendants et descendants, ce sera au 1er janvier 2015, et pour les autres, au 1er septembre 2014. L’amendement a pour objet d’harmoniser ces dates.

Mme la présidente. La parole est à M. Gilles Lurton, pour soutenir l’amendement n287.

M. Gilles Lurton. Nous sommes bien sûr favorables aux dispositions permettant aux contribuables de disposer de leur logement afin de répondre à des besoins familiaux sans perdre pour autant le bénéfice de leur avantage fiscal, sous réserve bien sûr que les conditions d’application du dispositif soient remplies, et notamment que les plafonds de loyer et de ressources des ascendants et descendants soient respectés : c’est pourquoi nous avons voté contre lors du scrutin public il y a quelques instants.

Toutefois, curieusement, la possibilité de louer à un ascendant ou à un descendant du contribuable investisseur ne sera applicable qu’à compter du 1er janvier 2015, alors que les autres dispositions prévues par cet article le sont depuis le 1er septembre 2014. J’ai du mal à comprendre ce qui le justifie !

C’est pourquoi cet amendement vise à harmoniser les dates d’entrée en vigueur de l’ensemble des mesures concernant le nouveau dispositif Pinel, en les fixant au 1er septembre 2014.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Même avis.

M. Charles de Courson. Pourquoi ?

Mme la présidente. La parole est à M. Jérôme Chartier.

M. Jérôme Chartier. Même si ce n’est pas « l’amendement du siècle », il est important et nous avons besoin de comprendre pourquoi l’on ne pourrait pas prévoir une entrée en vigueur au 1er septembre 2014, ne serait-ce que par souci de cohérence avec le reste du dispositif. De surcroît, ce serait un signal dans l’esprit de la politique de relance du logement que vous préconisez. Vous nous devez une explication, c’est la moindre des choses !

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. En effet, nous aimerions comprendre ! Pourquoi ce décalage ? Pourriez-vous expliciter les raisons de votre avis si laconique, madame la rapporteure générale ? Peut-être sont-elles très bonnes mais a priori, je ne vois pas pourquoi on traiterait différemment les deux cas de figure : il s’agit d’une simple question d’égalité, le problème de fond ayant été réglé tout à l’heure.

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Vous avez bien senti que la question des ascendants et descendants fait encore débat et que le Gouvernement est prêt à bouger ses positions. Je pense que nous pourrons mettre à profit la navette parlementaire pour éventuellement faire évoluer le texte sur ce point. Encore que, pour vous qui voulez économiser 130 milliards, voire davantage, je doive rappeler que plus l’entrée en vigueur se fait tôt, plus ça coûte des sous ! (Sourires.)

Cette réserve étant faite, nous ne sommes pas complètement opposés à votre proposition, mais il faut y regarder d’un peu plus près.

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Étant donné votre bonne volonté, monsieur le secrétaire d’État, l’UDI est prête à retirer son amendement !

Mme la présidente. La parole est à M. Gilles Lurton.

M. Gilles Lurton. Monsieur le secrétaire d’État, je note que depuis ce matin, sur tous les amendements concernant le logement que nous avons défendus, vous avez ouvert une porte : c’était le cas pour la reconduction de certaines dispositions dans le cadre du prochain budget ; c’est encore le cas sur cet article. Puisqu’il faut vivre d’espoir, je retire moi aussi mon amendement !

(Les amendements identiques nos 259 et 287 sont retirés.)

Mme la présidente. Je suis saisie de l’amendement rédactionnel n468 de Mme Valérie Rabault, rapporteure générale.

(L’amendement n468, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Maina Sage, pour soutenir l’amendement n754.

Mme Maina Sage. Le présent amendement tend à supprimer l’alinéa 33 afin de rétablir l’applicabilité du texte aux collectivités d’outre-mer visées à l’article 74 de la Constitution ainsi qu’à la Nouvelle-Calédonie, comme c’était d’ailleurs le cas pour le dispositif précédent.

J’entends bien l’argument selon lequel le nouveau dispositif doit être appliqué à des zones prioritaires, mais je rappelle que l’outre-mer figure parmi celles-ci. Si vous en voulez une illustration, la demande en Polynésie française est de 1 500 logements par an sur dix ans !

Ce dispositif permettra également d’offrir des logements à prix modérés aux familles qui en ont le plus besoin.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Sagesse. Le présent article prévoit que les aménagements apportés au dispositif Pinel ne seront pas applicables aux collectivités d’outre-mer et en Nouvelle-Calédonie. Je crois qu’il ne s’agit pas d’une exclusion de principe, mais que des discussions sont en cours avec le ministère sur le calage des différentes dispositions.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Le Gouvernement n’a pas pu prévoir d’ouvrir le dispositif aux collectivités d’outre-mer parce que la loi stipule qu’il lui faut pour cela consulter préalablement les parlements locaux. En revanche, le droit d’amendement des parlementaires n’est bien sûr pas limité par cette disposition.

Je comprends donc que par votre voix, madame la députée, s’exprime une demande d’application du dispositif Pinel dans vos collectivités. Le Gouvernement émet un avis favorable à cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Gomes.

M. Philippe Gomes. Je tiens à remercier le Gouvernement pour l’avis pertinent qui vient d’être donné. Il n’y avait pas de raison que les collectivités françaises du Pacifique ne bénéficient plus de ce dispositif alors que cela avait toujours été le cas auparavant, lorsque les avantages fiscaux ont été instaurés sous les précédents gouvernements.

Des difficultés semblables s’étaient déjà présentées, je le rappelle pour ceux qui s’intéressent aux questions d’application du droit aux collectivités d’outre-mer, lors de l’examen du projet de loi Duflot : le texte qui avait été déposé omettait les collectivités françaises du Pacifique, et il nous avait fallu intervenir dans l’hémicycle pour que celles-ci soient rétablies dans leurs droits. Merci donc au Gouvernement pour cet avis qui permettra à nos territoires de bénéficier d’un dispositif favorisant la construction de logements intermédiaires.

(L’amendement n754 est adopté.)

(L’article 5, amendé, est adopté.)

Suspension et reprise de la séance

Mme la présidente. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures quinze, est reprise à dix-sept heures vingt-cinq.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

Après l’article 5

Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Coutelle, pour soutenir l’amendement n687.

Mme Catherine Coutelle. Cet amendement conduit à un débat sur le fond qui ne sera peut-être pas tranché ce soir mais que j’aimerais ouvrir devant notre assemblée.

La France a la particularité de faire partie des trois pays européens à rendre obligatoire le quotient conjugal. Lorsque nous sommes mariés ou pacsés, nous n’avons pas le choix : nous devons déclarer nos revenus ensemble. Or des études récentes montrent que c’est défavorable au travail des femmes, parce que la reprise du travail peut entraîner des impôts supplémentaires. Certaines femmes peuvent donc être ainsi empêchées de reprendre le travail.

La délégation aux droits des femmes de l’Assemblée nationale s’est penchée sur la question mais c’est une note du Conseil d’analyse économique de la semaine dernière qui le dit très clairement : « La fiscalité française contient un élément connu qui contribue à l’inégalité entre les hommes et les femmes : le quotient conjugal. » L’OCDE indique, pour sa part, que nous sommes l’un des derniers pays à pratiquer cette imposition commune et qu’une imposition séparée serait de nature à favoriser significativement l’entrée des femmes sur le marché du travail.

Cet amendement a donc pour objet non de supprimer le quotient conjugal, ce serait trop rapide, trop brutal, mais de laisser le choix aux ménages : veulent-ils ou non une imposition commune ?

Je regrette que M. de Courson ne soit pas là, parce que nous sommes dans le domaine de sa grande théorie. Nous avons des finances familialisées depuis la fin de la guerre. C’était l’époque où l’homme était le chef de famille, était l’apporteur de budget, et où la femme restait plutôt au foyer. Une politique familialiste et nataliste avait cours. Mais nous sommes maintenant dans un autre temps et ce dispositif est finalement favorable aux ménages les plus aisés, mono-actifs et sans enfants. Les 10 % de ménages les plus aisés perçoivent 75 % de l’avantage fiscal, et cela peut leur rapporter jusqu’à 1 000 euros par mois !

Je pense qu’il faudrait au moins, à défaut de supprimer le quotient conjugal, permettre une option.

Je terminerai avec un principe : ce n’est pas à la législation fiscale de récompenser ou de pénaliser les différentes formes de vie familiale. Aujourd’hui, nombre de personnes vivent seules, en union hors mariage, en familles recomposées ou monoparentales, sont célibataires et ne bénéficient pas du quotient conjugal. Ce n’est pas aux services fiscaux de dire que les individus doivent ou ne doivent pas vivre de telle façon, et qu’ils paieront plus d’impôts dans un cas que dans un autre.

Je voudrais donc, au nom de l’égalité entre les femmes et les hommes et pour faciliter le travail des femmes, permettre cette individualisation qui pourrait constituer en outre une étape sur la voie d’une retenue de l’impôt à la source.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Effectivement, madame Coutelle, l’OCDE et différents organismes ont pointé du doigt la disposition sur laquelle vous appelez notre attention. Des chercheurs en économie se sont interrogés sur l’impact éventuel des dispositions fiscales sur les différences de salaire entre les hommes et les femmes et sur le travail des femmes. Les conclusions sont assez convergentes, dans le sens que vous indiquez c’est vrai.

Mais l’objet de votre amendement justifierait une loi entière tant il y a d’éléments à prendre en compte. Il semble que le quotient familial joue à la baisse, mais plusieurs mécanismes doivent être pris en compte. La PPE, par exemple, est calculée individuellement à partir du revenu de l’un des deux conjoints mais il existe un plafond du revenu fiscal de référence qui fait intervenir la notion de foyer fiscal. Et la décote est aujourd’hui plus favorable pour un célibataire que pour un foyer fiscal, même si cela a été corrigé ce matin lors du vote de l’article 2.

M. Marc Le Fur. Très partiellement !

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Il faut aussi prendre en compte le seuil de recouvrement à 61 euros… Bref, l’amendement que vous proposez soulève de nombreuses questions qui mériteraient d’être étudiées dans leur ensemble. En effet, déplacer un tant soit peu le curseur de l’impôt sur le revenu a souvent des conséquences en cascade, qu’il vaut mieux appréhender globalement et complètement. L’objectif que vous visez est à mon avis extrêmement important, afin que la fiscalité suive, voire encourage l’évolution de notre société. Pour autant, il faut mieux en évaluer les conséquences précises afin que la représentation nationale y voie plus clair. C’est pour cette raison que notre commission n’a pas adopté votre amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Le Gouvernement est attentif à tout ce qui a été dit. Le Conseil d’analyse économique vient en effet de formuler un certain nombre de recommandations sur la question. Pour autant, Mme la rapporteure générale a soulevé un certain nombre de difficultés. D’ailleurs, l’avantage retiré du quotient conjugal suppose une différence importante de revenu entre les deux membres du couple. Ménager aux couples la possibilité d’opter pour une imposition séparée pourrait donc être à l’origine d’effets d’aubaine, ce qui compliquerait les obligations fiscales des contribuables ainsi que le calcul de l’impôt. En outre, l’imposition séparée ne constituerait une incitation au travail des femmes qu’assortie d’un caractère obligatoire et aboutirait alors à un important transfert de charges entre les contribuables. En conjugalisant la décote, l’article 2 du projet de loi de finances concourt plus efficacement à cet objectif, fût-ce de façon partielle.

Le sujet fait l’objet de nombreux débats et doit être en effet considérablement approfondi avant que l’on envisage de trancher, et je ne sais pas si ce sera dans le sens proposé par l’amendement. Les effets qu’il pourrait avoir sont nombreux, dont un effet psychologique important, même si nous sommes également favorables à l’autonomie des deux membres du couple. Dans cette attente, je vous suggère, madame la députée, de retirer votre amendement, faute de quoi j’appellerais à son rejet.

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Alain Muet.

M. Pierre-Alain Muet. Le débat mérite d’être mené. Nous passons notre temps à parler de réformes structurelles, mais il en est une qui mériterait d’être réalisée en France depuis très longtemps et qui a fait l’objet d’une longue réflexion, au sein du parti socialiste en particulier : c’est la réforme de l’impôt sur le revenu. Notre impôt sur le revenu, né en 1914 et mis en place en 1916, date d’une époque où la famille, c’était « monsieur », qui en était le chef. Il n’a vraiment été réformé qu’une seule fois, au sortir de la Seconde guerre mondiale, par l’introduction du quotient familial.

À l’heure actuelle, presque tous les pays disposent d’un impôt individualisé prenant en compte les enfants par un crédit d’impôt généralement identique pour tous, comme doivent l’être et devraient le demeurer les allocations familiales. La plupart du temps, le coût n’est pas pris en compte, car la logique qui prévaut dans toutes les impositions modernes est que l’impôt doit être neutre par rapport aux choix familiaux. Tel n’est pas le cas de notre impôt. Comme il est conjugalisé, en cas d’importante différence entre le haut revenu et le bas revenu du ménage, soit en général entre l’homme et la femme, celui dont le revenu est faible est souvent incité à ne pas trop travailler. Il en résulte une désincitation au travail et à l’égalité. C’est la raison pour laquelle la délégation aux droits des femmes en fait un enjeu majeur, à juste titre.

Il s’agit d’une réflexion que nous devrions poursuivre, inscrite au cœur du projet socialiste et même du projet présidentiel. L’amendement est bien modeste : il se contente de laisser un choix. J’entends bien qu’introduire le choix dans les impôts impose d’être prudent, mais j’aimerais au moins que le Gouvernement fasse l’effort de répondre précisément : peut-on introduire un tel choix ? Que représente pour un couple la possibilité d’opter pour l’individualisation de l’impôt ? Où sont les risques ? Les risques financiers me semblent minimes. En effet, la conjugalisation est éminemment favorable à ceux qui la choisissent car elle consiste à imposer chaque couple sur la moyenne des revenus et non chacun sur le sien. J’aimerais que le Gouvernement réponde à ces questions sous la forme d’un rapport sur le sujet.

M. Pascal Cherki M. Jean-Marc Germain Mme Eva Sas et Mme Laurence Abeille. Bravo !

Mme la présidente. La parole est à M. Jérôme Chartier.

M. Jérôme Chartier. Il s’agit d’un excellent amendement, ouvrant un débat très important qui dépasse largement la simple question de la fiscalité. Ainsi, dans toutes les collectivités territoriales, c’est la fiscalité des couples qui détermine le prix qu’ils payent pour les différents services offerts, en fonction des fameux barèmes de l’impôt. Autrement dit, cette simple disposition, ce tout petit amendement modifie de façon considérable toutes les ressources des collectivités territoriales partout en France.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Ce n’est pas une raison pour bloquer les évolutions de la société, monsieur Chartier !

M. Jérôme Chartier. En effet, un arbitrage aura inévitablement lieu, et la situation la plus favorable sera choisie.

M. Christophe Caresche. C’est bien compliqué !

M. Jérôme Chartier. C’est très simple au contraire. Prenons le cas d’une famille recomposée, ni mariée ni pacsée : un père et sa fille vivent avec une personne sans enfant, avec une forte différence de revenus. Avec la part supplémentaire du parent isolé, l’imposition est moindre et donc le tarif au barème l’est également pour tous les services, tant l’accueil avant et après l’école que la cantine scolaire et le centre de loisirs.

Mme Catherine Coutelle. À merveille !

M. Jérôme Chartier. Le principe que l’on prévoit d’imposer ouvre la voie à de tels arbitrages même au sein des couples mariés. Par conséquent, le revenu de référence le plus favorable serait présenté pour le calcul des tarifs scolaires. Il résulterait de ces arbitrages un avantage très important pour les familles, certes, mais un manque à gagner considérable pour toutes les collectivités territoriales.

Le principe de cet amendement me semble excellent, car il comporte un élément de liberté majeur. Je tiens à ce qu’on y travaille, car ce qu’il propose me semble véritablement juste. Toutefois, on ne peut l’adopter en l’état en raison de ses conséquences, non seulement sur la fiscalité et les ressources de l’État mais aussi sur celles des collectivités territoriales. Il s’agit d’une évolution fondamentale, à laquelle je suis franchement favorable et qui me semble mériter une mission spécifique.

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Il s’agit d’un vieux débat, chers collègues, datant d’avant la Première guerre mondiale.

Mme Catherine Coutelle. Je n’étais pas née !

M. Charles de Courson. Non mais on trouve dans cette assemblée plein de gens qui l’étaient !

M. Henri Emmanuelli. Si peu… (Sourires.)

M. Charles de Courson. Bref, ce n’est pas la conjugalisation qui a été retenue à l’époque mais la familialisation : on a imposé la notion de foyer fiscal et on a branché là-dessus toute une politique familiale, à coup de crédits d’impôt et autres. Les enfants, il faut y faire bien attention, ne sont pas pris en compte de manière proportionnelle. Le troisième, par exemple, compte pour une part complète. Ainsi, avoir trois enfants et deux déclarations séparées mènera à faire de l’optimisation fiscale pour savoir comment répartir les enfants selon le revenu de chacun.

Mme Catherine Coutelle. C’est déjà le cas !

M. Charles de Courson. Oui, dans les couples vivant en concubinage, dont chaque membre remplit une déclaration séparée. Il existe aussi des systèmes de rente d’optimisation. En outre, les nombreux avantages fiscaux que comporte le droit français ne sont pas tous proportionnels, car un certain nombre de discriminations subsistent : certains avantages ne sont pas conjugalisés, d’autres le sont mais ne sont pas familialisés…

L’amendement, si l’on ne réforme pas l’ensemble du système, compliquera donc encore la situation, d’autant qu’il se contente d’offrir une option aux couples. Certains pays ont choisi ce système, comme l’Allemagne : les couples ont le choix entre conjugalisation et déclaration séparée. Bien entendu, les gens font de l’optimisation et comparent les deux situations. Mais il faut alors repenser complètement le dispositif. Cela suppose notamment pour les enfants de supprimer les parts et de trouver un système proportionnel, afin de rester neutre. Autant dire qu’il s’agit d’une refonte d’ensemble. Il n’est donc pas raisonnable de voter en l’état un tel amendement.

Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Coutelle.

Mme Catherine Coutelle. Je suis ravie de ce débat, qui est en effet très important. Pour ma part, je ne fais pas remonter le problème à l’instauration de l’impôt sur le revenu, monsieur de Courson, mais plutôt à l’après-guerre, caractérisée par une politique d’imposition très familialiste visant à favoriser les couples mono-actifs ayant des enfants. Nous vivons aujourd’hui dans une autre société et il faut que l’impôt évolue.

Il n’y a plus que trois pays en Europe qui aient encore un quotient conjugal – qui n’est pas le quotient familial. Je me permettrai de rappeler succinctement en quoi il consiste, car il a fallu que je travaille sur le sujet pour me rendre compte véritablement de ses implications, et notamment de son caractère obligatoire. Dans ce système, on additionne les deux revenus puis on divise par deux, ce qui donne la base sur laquelle établir le barème – qui est appliqué à l’ensemble. Il s’agit donc d’un système avantageux pour les couples présentant un très grand écart entre les salaires ou dont l’un des deux membres ne travaille pas. Les couples dont les deux membres travaillent n’y gagnent rien. Je connais de nombreux couples, ni mariés ni pacsés, qui se livrent déjà à une telle optimisation fiscale : celui qui gagne plus déclare les enfants et bénéficie des avantages afférents.

Je ne nie pas que notre fiscalité soit extrêmement compliquée, emmêlée et embrouillée. Pour nos compatriotes, d’ailleurs, ce n’est pas faire œuvre de citoyenneté ! Notre impôt devrait être plus facile à comprendre, à maîtriser et à appliquer. Bref, je suis bien sûre de ne pas avoir analysé toutes les conséquences de cet amendement dans le cadre de la délégation aux droits des femmes et j’accepte donc de le retirer faute d’une étude plus approfondie. J’espère néanmoins que le débat n’est pas enterré et que le Gouvernement nous aidera à faire un travail exhaustif sur les conséquences de cette mesure.

Je profite par ailleurs de l’occasion pour demander une modification du code des impôts, qui mentionne toujours que l’impôt est établi au nom de l’époux, précédé de « monsieur » ou « madame ». L’administration ne peut utiliser le nom de la femme qui a choisi de le conserver. J’aimerais donc que l’article 6 du code général des impôts soit modifié, faute de l’avoir été quand nous l’avions demandé dans le cadre de la loi sur l’égalité entre les hommes et les femmes. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes SRC et écologiste.)

(L’amendement n687 est retiré.)

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Sur ce dernier point, le Gouvernement est prêt à accepter un amendement se limitant à cette seule disposition, qui serait intégré dans la loi de finances rectificative. Nous vous donnerions ainsi satisfaction sur cette question, madame la députée. Quant à l’intéressant débat qui vient d’avoir lieu, j’y ajouterai quelques modestes contributions, d’importance diverse.

D’abord, un des points évoqués se résume à cette question bien connue : « Qui va garder les enfants ? » – on me pardonnera ce clin d’œil ! (Rires.)

Mme Catherine Coutelle. Celui qui gagne le plus !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. En effet, il y a là une possibilité d’optimisation. Il y en a d’autres. Le seuil minimal de recouvrement, par exemple, serait doublé en cas d’individualisation, même s’il ne s’agit pas de sommes considérables.

Mais il y a aussi la question des niches fiscales : les couples à hauts revenus pourraient en bénéficier deux fois, sauf à en diviser le plafond par deux… Tout cela montre qu’il faut retravailler la question. Vous nous demandez si le Gouvernement serait prêt à vous y aider : bien entendu, il répondra à toute sollicitation de la commission des finances ou de la délégation aux droits des femmes sur ces sujets. Nous sommes prêts à mettre nos modestes moyens à votre disposition pour contribuer à faire avancer le débat.

Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure générale.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Je ne reviens pas sur les difficultés soulevées par cet amendement. Il n’empêche que je soutiens à 100 % Mme Coutelle sur la nécessité de supprimer les dispositions du code général des impôts qui prévoient que l’imposition est établie au nom de l’époux, précédé de la mention « Monsieur ou Madame ». Les femmes françaises, qui contribuent grandement au rendement de l’impôt sur le revenu, apprécieront. Je défends donc bien entendu cette partie de l’amendement qui vise à corriger cela au plus vite. Il ne faudrait pas que les Françaises se mettent en grève de l’impôt ! (Sourires)

Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas Sansu, pour soutenir l’amendement n689 rectifié.

M. Nicolas Sansu. Cet amendement devrait réunir tous les suffrages de la gauche, puisqu’il vise à revenir sur la fiscalisation des indemnités journalières perçues par les accidentés du travail. Rappelez-vous : l’ancienne majorité avait adopté cette mesure dans le cadre du projet de loi de finances pour 2010. Son impact budgétaire, soit 115 à 130 millions d’euros suivant le nombre d’accidents, est à mettre en regard de l’ensemble des niches fiscales, qui s’élèvent tout de même à 82 milliards cette année.

Un certain nombre de membres du gouvernement actuel et les orateurs du parti socialiste s’étaient à l’époque largement exprimés contre cette mesure de fiscalisation, qui est en effet très antisociale. L’indemnisation journalière n’est pas un revenu comme un autre. C’est un revenu socialisé : ce ne sont pas les employeurs qui payent directement, les sommes étant d’abord collectivisées puis reversées. Par ailleurs, nombre de victimes d’accidents du travail ne perçoivent pas la totalité de leur salaire, mais seulement 60 % à 80 % de celui-ci. Ne pas fiscaliser ces indemnités permettait donc de maintenir le pouvoir d’achat des accidentés du travail, qui n’ont pas fait exprès de l’être.

Je vous propose donc de revenir sur cette fiscalisation, qui avait été combattue sur tous les rangs de la gauche il y a cinq ans.

M. Pascal Cherki. Très bien !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. La commission a donné un avis défavorable à cet amendement.

M. Pascal Cherki. Oh !

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Laissez-moi poursuivre, monsieur Cherki ! La suppression de la tranche à 5,5 % que nous avons votée à l’article 2 va concerner un certain nombre de personnes qui se seraient retrouvées dans la situation de devoir payer de l’impôt sur leurs indemnités journalières, et notamment celles qui ont les revenus les moins élevés. C’est au nom de ce motif que nous avons émis un avis défavorable.

M. Henri Emmanuelli. Mais cela coûterait combien ?

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je me bornerai à une ou deux remarques complémentaires. D’abord, monsieur le député, vous parlez de 80 milliards de niches fiscales. Mais il faut tout de même être prudent : il y a niche et niche !

M. Henri Emmanuelli. Ça, c’est vrai !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Certaines retiennent régulièrement notre attention, d’autres beaucoup moins, et ce ne sont pas nécessairement les moindres. Je pense par exemple à la déductibilité d’une fraction de 10 % de leur pension pour les pensionnés et les retraités, que nos institutions considèrent fréquemment comme une niche fiscale. Quelle serait la réaction de votre assemblée si nous proposions de la considérer comme telle, au même titre que les SOFICA par exemple ? Je ne saurais donc trop vous inciter à la prudence lorsque vous globalisez des raisonnements. Je rappelle que cet abattement de 10 % représente 4 milliards d’euros sur les 80 que vous évoquez !

Par ailleurs, votre amendement aurait un coût de 370 millions d’euros. Or le Gouvernement a choisi de faire porter l’effort sur la réduction d’impôt que vous avez votée à l’article 2. Il propose donc de ne pas adopter cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Nicolas Sansu a raison de rappeler ce douloureux passé. La crédibilité de la classe politique est évidemment mise à mal lorsqu’on dit une chose lorsqu’on est dans l’opposition et l’inverse lorsqu’on est dans la majorité.

M. Henri Emmanuelli. C’est assez courant !

M. Charles de Courson. Comme le dit le président Emmanuelli, ce n’est pas la première majorité à qui cela arrive. Mais c’est notre crédibilité qui est en jeu !

On peut choisir un type d’impôt sur le revenu à base très large, en supprimant toutes les déductions et autres exonérations mais aussi en baissant le barème, afin que le prélèvement soit inchangé. L’assiette de l’impôt sur le revenu se rapprocherait ainsi de celle de la CSG, soit quelque 1 100 milliards au lieu de 450. Cela a une certaine logique. Mais bricoler niche par niche, c’est courir à l’échec. Je me réjouis donc que la majorité de gauche appuie aujourd’hui ce qu’elle avait dénoncé lorsqu’elle était dans l’opposition.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Elle dit surtout qu’elle n’a pas les moyens !

M. Charles de Courson. Mais nous n’avons jamais les moyens, monsieur le ministre ! Nous sommes tous endettés jusqu’au cou.

Mme la présidente. La parole est à M. Jérôme Chartier.

M. Jérôme Chartier. Voilà un amendement comme nous les aimons : c’est l’amendement de vérité, celui qui va révéler les prises de position des membres de la majorité. Nous allons nous intéresser de près aux votes : agit-on d’une certaine façon lorsqu’on siège dans l’opposition et d’une autre lorsqu’on est dans la majorité ?

M. Charles de Courson. Bien sûr !

M. Jérôme Chartier. Pour notre part, nous allons voter contre votre amendement.

M. Nicolas Sansu. Cela me rassure ! (Sourires.)

M. Jérôme Chartier. Nous avions pris une décision douloureuse, mais juste au regard de l’état de nos comptes publics, en décidant de fiscaliser ces indemnités journalières. La situation des comptes de l’État aujourd’hui ne nous permet pas d’y renoncer. Il faut la maintenir. Mais comme vous, monsieur Sansu, je serai très attentif aux prises de position de chacun.

Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas Sansu.

M. Nicolas Sansu. Vous nous dites que la suppression, à l’article 2, de la première tranche règle la question, madame la rapporteure générale.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Je n’ai pas dit tout à fait cela.

M. Nicolas Sansu. Si les indemnités journalières ne sont de toute façon pas fiscalisées, puisque les personnes concernées n’entrent pas dans l’impôt, comme vous le dites, on peut donc les défiscaliser ! Il y a une petite contradiction dans votre argument…

Monsieur le ministre, si j’ai rappelé le montant global des niches fiscales, c’est pour faire comprendre ce que cette mesure représente sur la totalité du budget de l’État. Vous venez – ce n’est pas mon cas – de voter un article 5 qui augmente la défiscalisation sur le logement. La différence est là.

(L’amendement n689 rectifié n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de quatre amendements, nos 12, 702, 733 et 734, pouvant être soumis à une discussion commune.

Les amendements nos 12, 702 et 733 sont identiques.

La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n12.

M. Marc Le Fur. Cet amendement revient sur la fiscalisation des majorations de pension pour charges de famille.

L’intérêt des documents qui nous ont été fournis par la rapporteure générale, et je l’en remercie, est de mettre à notre disposition des éléments très précis sur ce que cette décision représente : elle impacte les retraités à hauteur d’1,440 milliard ; elle concerne négativement 4 010 000 foyers ; elle fait entrer 315 000 foyers dans l’impôt sur le revenu. Voilà des éléments très objectifs sur cette décision on ne peut plus dommageable.

Nous avons déjà beaucoup parlé des déciles ; nous avons évoqué les déciles élevés, à propos des SOFICA ou des investissements locatifs. Mais ici, ce ne sont pas les déciles élevés qui sont pénalisés : sur les 315 000 foyers qui entrent dans l’impôt du fait de cette décision, il y en a 85 000 dans le décile 4 et 155 000 dans le décile 5. Les deux tiers des nouveaux foyers fiscalisés sont donc des foyers modestes, voire très modestes.

Voilà les effets de la décision que vous avez prise, une décision qui n’est absolument pas comprise des contribuables et se révèle de surcroît très hypocrite. En effet, lorsque les gens viennent me voir dans ma permanence, je constate qu’il y a bien dans les documents qu’ils me montrent une augmentation non pas du revenu réel, mais du revenu déclaré, alors qu’ils n’en ont en aucune manière été informés.

Vous avez pris là une décision extrêmement funeste…

Mme la présidente. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Marc Le Fur. … pour des familles dont les enfants concourent pourtant, par leur activité et par leur travail, à payer les retraites des autres. Voilà une belle injustice !

Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas Sansu, pour soutenir l’amendement n702.

M. Nicolas Sansu. La suppression de la fiscalisation de la majoration pour charges de famille s’inscrit dans le débat général que nous avons eu sur le calcul et le barème de l’impôt sur le revenu, avec l’amendement que nous avions défendu à l’article 2.

Nous savons bien que la suppression de la première tranche et l’augmentation de la décote vont faire sortir de l’impôt une bonne part des retraités qui se sont retrouvés imposables ou qui ont vu leur imposition augmenter de manière considérable suite à la fiscalisation de la majoration pour charges de famille. Mais nous aurions préféré travailler sur le bas et le haut de barème et ne pas fiscaliser la majoration pour charges de famille, comme nous le proposerons aussi pour la demi-part pour les veuves.

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l’amendement n733.

M. Charles de Courson. Les documents qui figurent dans le rapport de Mme la rapporteure générale sont très intéressants. Nous y apprenons que la suppression de l’exonération de la majoration pour enfants a abouti à une taxation dégressive en fonction du revenu. Je vous donne les chiffres : 156 euros de majoration en moyenne pour le quatrième décile, 236 pour le cinquième. Mais écoutez la suite : 205 euros pour le sixième, 209 pour le septième et 258 pour le huitième. C’est donc réellement dégressif. Autrement dit, on a atténué le caractère progressif de l’impôt sur le revenu.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. C’est ridicule de dire cela.

M. Charles de Courson. Deuxième observation : hélas, la rapporteure générale n’a pas distingué les veufs et veuves des couples de personnes âgées. L’effet de cette mesure doit être spécialement considérable pour les veuves, puisque la part des majorations est bien plus importante dans leur revenu que dans celui des couples. En effet, je rappelle que la majoration est progressive : elle commence à 10 % pour trois enfants et peut atteindre jusqu’à 30 % dans certains régimes. Il s’ensuit que la mesure a affecté d’autant plus fortement les veuves qu’elles étaient modestes et qu’elles avaient consacré une grande part de leur vie à élever leurs enfants. C’est cela qui est fondamentalement antisocial dans la mesure qui a été prise.

Rappelons qu’il y en a pour 1,4 milliard, et que ce sont massivement les couches moyennes, du quatrième au huitième décile, qui sont touchées.

Mme la présidente. Je vous laisse la parole, monsieur de Courson, pour soutenir l’amendement n734, qui fait l’objet d’une discussion commune avec les amendements identiques précédents.

M. Charles de Courson. C’est une variante de ce qui précède. Je vous demande à tout le moins de rétablir une partie de l’exonération d’impôt sur ces majorations de retraite ou de pension pour charges de famille, avec un abattement par exemple de 1 000 euros, ce qui correspond à une majoration pour enfant de l’ordre de 80 euros mensuels. En moyenne, cela représente entre 10 et 15 % des revenus : vous voyez qu’il s’agit de revenus modestes !

Ce serait à tout le moins une mesure sociale, qui coûterait beaucoup moins cher que le rétablissement total de l’exonération. Je pensais qu’une majorité de gauche accomplirait, au minimum, ce geste pour les petites retraites. Tel est l’objet de cet amendement, dont l’adoption permettrait d’éviter que des veuves qui ont eu trois, quatre, cinq enfants connaissent une chute considérable de leurs revenus du fait de l’augmentation de leur impôt.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ces quatre amendements ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. C’est un débat que nous avons eu lors de l’examen du projet de loi de finances rectificative, en juillet, puis récemment en commission. Il me donne l’occasion de remercier la direction de la législation fiscale et la direction générale des finances publiques pour les données qu’elles m’ont fournies et l’ensemble des analyses statistiques qu’elles ont menées sur la base des déclarations qu’elles reçoivent.

Monsieur de Courson, vous citez un certain nombre de chiffres, mais de manière partielle, en fonction de l’argument que vous défendez. Pour ma part, j’en défendrai un autre. Si l’on décompose par décile le montant de 1,4 milliard de variation de l’impôt sur le revenu lié à la fiscalisation de la majoration des pensions, on constate que 580 millions sont payés par le dernier décile…

M. Charles de Courson. C’est-à-dire un tiers !

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. …et 270 millions par l’avant-dernier décile. Additionnons ces deux chiffres.

M. Charles de Courson. Cela fait 850 !

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Cela représente plus de la moitié de la variation. Les trois premiers déciles, quant à eux, ne paient rien.

M. Charles de Courson. Évidemment, ils ne sont pas imposables !

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Alors ne venez pas nous expliquer que la fiscalisation des majorations de pension aurait affecté tous les ménages de retraités ! Il faut appréhender la réalité dans son ensemble pour parvenir à la vision la plus juste possible.

Cela étant, nous sommes, tout autant que vous, sensibles à la situation des classes moyennes. Nous aussi, nous recevons des personnes retraitées qui ont vu leurs majorations de pension fiscalisées. Vous n’avez pas ce monopole-là, monsieur de Courson. Nous aussi, nous entendons ce qu’elles disent. Et de fait, par l’effet de l’article 2 que nous avons voté ce matin, ce qui n’a pas été votre cas me semble-t-il, 9 millions de foyers fiscaux, dont des salariés ou des retraités, attributaires ou non d’une majoration de pension, pourront bénéficier d’une baisse de leur impôt sur le revenu dès septembre 2015.

Pour toutes ces raisons, la commission a émis un avis défavorable sur l’ensemble de ces amendements.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Mon avis sera bien pâle au regard de la démonstration implacable de Mme la rapporteure générale sur le caractère progressif de cette disposition, qui a évidemment répondu à des impératifs budgétaires.

Je ne donnerai pour ainsi dire qu’un avis de forme. Certes, on peut revenir à chaque projet de loi de finances sur des décisions précédentes, sur lesquelles on a été mis en minorité – cela arrive, selon les époques, aux uns comme aux autres. Certes, le droit d’amendement est inaliénable et inscrit dans le marbre constitutionnel. Mais je vous invite, à un moment où chacun appelle à un peu de stabilité, à ne pas rouvrir à chaque projet de loi de finances l’ensemble des débats, en recourant aux mêmes arguments. À défaut, je crains que l’on n’arrive systématiquement aux mêmes conclusions.

Par ailleurs, je remercie Mme la rapporteure générale d’avoir bien voulu reconnaître que nos services, notamment la direction de la législation fiscale, ne sont pas une boîte noire hermétique. La réalité n’est pas aussi simpliste. Je le dis pour avoir été un peu choqué par certains propos dans lesquels on nous accuse de bricoler des dispositions sur des coins de table.

Je vous signale que pour obtenir une simulation sur des revenus que, par définition, nous ne connaissons pas, puisqu’ils ne sont pas encore déclarés,…

M. Charles de Courson. On n’a qu’à prendre les revenus de n-1 !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Certes, nous reprenons les revenus de l’année précédente, mais en les vieillissant, en les retravaillant. Cela ne se fait pas sur l’ensemble des 39 millions de foyers fiscaux mais, si je ne me trompe, sur 500 000 d’entre eux, à partir d’échantillons représentatifs tant qu’à faire. Et le calcul d’une seule simulation exige trois ou quatre heures de travail des ordinateurs. Je tiens à vous le dire car on a tendance à penser, dans cette époque de progrès informatiques, qu’il suffirait d’appuyer sur un bouton pour obtenir un résultat, à partir d’un taux et d’une population donnés. Or, ces processus, très performants, exigent plusieurs heures. Je saisis donc cette occasion pour saluer une nouvelle fois le travail de nos services.

Le Gouvernement est bien sûr défavorable à ces amendements, dont le sort a été tranché dans les textes précédents, pour les raisons qu’a parfaitement décrites Mme la rapporteure.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz.

Mme Marie-Christine Dalloz. J’entends bien, monsieur le ministre : vous vieillissez les revenus. Mais, compte tenu du niveau des revalorisations des pensions aujourd’hui, je recommande fortement à vos services de s’épargner ce travail.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Le nombre d’ayants droit varie tous les ans !

Mme Marie-Christine Dalloz. Certes, sauf que, comme vous le savez, les régimes n’ont pas connu de progression significative au cours de ces dernières années.

Cela étant dit, madame le rapporteur général, j’ai rencontré, comme bon nombre de parlementaires, des personnes âgées qui ont été impactées par cette mesure, et je vais vous donner un exemple précis. Vous nous dites que les trois derniers déciles paient un peu plus de la moitié du montant de 1,4 milliard, tandis que les trois premiers déciles ne payent rien. Comment expliquez-vous alors, et je tiens à votre disposition les éléments précis, qu’une veuve, bénéficiaire d’une pension de retraite agricole – qui n’est donc pas des plus confortables – et d’une pension de réversion également agricole, et qui a élevé cinq enfants, ait basculé cette année dans la fiscalisation en raison de cette mesure ?

Lorsque l’on prend en compte l’impact corollaire de la redevance audiovisuelle et de la taxe d’habitation, cela représente un montant colossal. J’ai d’ailleurs dû demander par courrier aux services fiscaux un échelonnement au bénéfice de cette personne, qui ne pouvait pas payer son impôt.

Je ne peux donc pas croire que l’impact de cette mesure soit nul pour les trois premiers déciles. L’effet de cette disposition est injuste à l’égard des personnes âgées disposant de faibles revenus. Cette fiscalisation de la majoration des 10 % de bonification pour enfant n’est pas sociale.

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Faisons un rapprochement entre l’impact des mesures qui ont été votées à l’article 2 et l’impact de la fiscalisation des majorations pour enfants des pensionnés. On trouve, pour le quatrième décile, d’un côté une baisse d’impôt de 238 euros et de l’autre un impact moyen de 156 euros. Vous me direz que, grosso modo, les mesures s’annulent, à 80 euros près. Mais la mesure que vous venez de voter se traduit par une baisse de 1,1 % du revenu de ces personnes. Or, en passant au cinquième décile, la baisse atteint 1,5 %, puis on redescend : -1,2 % pour le sixième décile, puis -0,8 et -0,7 %. Comme je vous l’ai dit, cette mesure est incontestablement dégressive. En moyenne, sur le sixième décile, la fiscalisation représente 205 euros et est à peu près neutralisée par l’article 2, qui représente un allégement de 200 euros. Puis, au décile 7, on a respectivement 209 et 259 euros.

On peut aussi comparer les mesures votées à l’article 2 à celles que vous aviez adoptées l’année dernière : on voit bien que cela a été une énorme erreur sociale et que la solution consiste à définir un abattement à la base de la majoration de pension, en maintenant une exonération au moins à hauteur de 1 000 euros, comme mon amendement n734 y invite. On aurait ainsi obtenu l’inverse de ce que l’on obtient ici, à savoir une progressivité au lieu d’une dégressivité.

Mme la présidente. La parole est à Mme Chantal Guittet.

Mme Chantal Guittet. Je comprends les arguments du ministre, qui ne souhaite pas faire marche arrière, mais je ne suis pas sûre que des arguments fondés sur des déciles et des milliards soient très compréhensibles pour les retraités qui nous écoutent.

Je crois qu’il faut faire attention à ce qu’on fait. À une certaine époque, les mesures d’exonération sur les pensions constituaient une forme de compensation au fait qu’il n’y avait pas ou peu de crèches ni d’avantages tels que ceux dont peuvent bénéficier aujourd’hui les familles. Pénaliser ces personnes quand elles atteignent 85 ou 90 ans, et d’une façon assez brutale, car on a appliqué cette mesure au troisième tiers provisionnel, ce qui a induit des sommes assez importantes à payer d’un coup, ne me paraît pas très habile.

Quand on prend des décisions fiscales, il faut tenir compte de leur impact sur les personnes. J’en connais beaucoup qui ont été gênées pour faire face à ces augmentations d’impôts. Par ailleurs, il faut veiller à ce que ces mesures ne soient pas rétroactives. Autant je comprends que l’on prenne une telle décision pour de futurs retraités, autant cela me paraît regrettable envers des personnes pour qui ces avantages présentaient le caractère d’une compensation.

M. Charles de Courson. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Lefebvre.

M. Dominique Lefebvre. Nous avons déjà eu ce débat. Je veux rappeler que les majorations de 10 % des pensions attribuées aux personnes ayant élevé trois enfants sont maintenues.

Mme Marie-Christine Dalloz. Heureusement ! Ce n’est d’ailleurs pas l’État qui les verse !

M. Dominique Lefebvre. Dans la confusion qu’entraîne le débat, on pourrait croire qu’elles disparaissent.

Deuxièmement, je rappelle qu’en 2015, une somme de 1,2 milliard viendra abonder les comptes de la Caisse nationale d’assurance vieillesse, conformément au plan de rééquilibrage.

Troisièmement, l’absence de fiscalisation constitue effectivement une dépense fiscale d’autant plus importante que le revenu est élevé…

M. Charles de Courson. Non !

M. Dominique Lefebvre. …puisque, par définition, lorsque ces sommes sont réintégrées dans le revenu fiscal, elles sont taxées au taux marginal.

Quatrièmement, les réductions d’impôt que nous avons décidées en 2014, à savoir la modification du barème et la suppression de la première tranche à 5,5 %, contre lesquelles vous avez voté, permettent de faire ressortir trois millions de personnes du champ de l’impôt sur le revenu, notamment un certain nombre de retraités extrêmement modestes qui se trouvaient juste au seuil de l’imposition. En réalité, nous avons adopté l’ensemble des mesures nécessaires pour effacer l’impact de ces dispositions sur les personnes modestes. Mais un certain nombre de retraités aux pensions moyennes ou élevées participent effectivement à l’équilibre des régimes de retraite.

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Mon cher collègue, ce que vous avez dit est tout à fait inexact. Je vous renvoie au rapport de la commission des finances : si ce que vous disiez était exact, on devrait constater selon les déciles un montant croissant de la variation de l’impôt sur le revenu.

Mme Marie-Christine Dalloz. Exactement !

M. Charles de Courson. Or je vous rappelle les chiffres : 236 euros pour le décile 5, 205 euros pour le décile 6, 209 euros pour le décile 7, 258 euros pour le décile 8, puis 375 euros au décile 9 et 875 euros, certes, au titre du décile 10. Vous avez cru que ce que vous dites était vrai, mais ce n’est pas vrai !

Mme Marie-Christine Dalloz. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Un mot sur ce débat intéressant. Monsieur de Courson, vous savez fort bien que plus on monte dans les déciles, plus la part des revenus du patrimoine est importante. On peut donc penser, et vous en serez d’accord, que la part des retraites, donc des majorations de retraite, est beaucoup plus faible dans les déciles supérieurs que dans les déciles inférieurs.

Le regard qu’a porté la rapporteure générale tout à l’heure sur la répartition par déciles était absolument incontestable et les arguments qui ont été donnés alors me paraissent de nature à clore le débat.

(Les amendements identiques nos 12, 702 et 733 ne sont pas adoptés.)

(L’amendement n734 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 16 et 300.

La parole est à M. Gilles Lurton, pour soutenir l’amendement n16.

M. Gilles Lurton. Dans de nombreuses exploitations agricoles, les héritiers de l’exploitant travaillent au sein de l’exploitation en qualité d’aides familiaux. Or, dans la loi de finances rectificative pour 2014, vous avez décidé de supprimer l’alinéa 3 de l’article 81 du code général des impôts, qui prévoyait une exonération d’impôt sur le revenu du salaire différé de l’héritier de l’exploitant agricole.

Par le présent amendement, nous vous proposons de réintroduire cette exonération.

Mme la présidente. La parole est à M. Jérôme Chartier, pour soutenir l’amendement n300.

M. Jérôme Chartier. Il est défendu.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements identiques ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. La commission a émis un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. La suppression de l’exonération visait à répondre à un objectif de simplification et de rationalisation des dépenses fiscales. Il existe en effet désormais un régime d’imposition de droit commun des revenus différés, dont le salaire différé de l’héritier agricole relève bien entendu. D’ailleurs, le dispositif était tout à fait modeste, puisqu’il ne concernait plus qu’une poignée d’ayants droit. L’avis du Gouvernement est donc défavorable.

(Les amendements identiques nos 16 et 300 ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je suis saisie de plusieurs amendements, nos 3, 281, 430, 736 et 730, pouvant être soumis à une discussion commune.

Les amendements nos 3, 281, 430 et 736 sont identiques.

La parole est à M. Gilles Lurton, pour soutenir l’amendement n3.

M. Gilles Lurton. Il est défendu.

Mme la présidente. La parole est à M. Jérôme Chartier, pour soutenir l’amendement n281.

M. Jérôme Chartier. Il est défendu. Si vous le permettez, madame la présidente, j’interviendrai plutôt dans la discussion qui suivra.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l’amendement n430.

Mme Marie-Christine Dalloz. Je vais le défendre, madame la présidente ! Nous revenons avec cet amendement sur le principe de la fiscalisation des heures supplémentaires en année pleine. Les salariés en ont déjà perçu les effets, puisque ce dispositif a été adopté dans le cadre de la loi de finances rectificative pour 2012, au titre de l’année fiscale 2013.

Les personnes que j’ai rencontrées dans ma permanence, et je ne doute pas que vous ayez rencontré les mêmes, chers collègues, font partie des premiers déciles, madame la rapporteure générale, car on ne me fera pas croire que les salariés qui travaillent trente-neuf ou quarante heures par semaine sont des gens avec des revenus confortables. Vos arguments sur les derniers déciles ne sont donc pas valables dans ce cas. Or, pour ces personnes, l’effet constaté en année pleine est catastrophique.

Dans l’industrie, la réalité du travail, c’est le temps posté. Chacun sait de quoi il s’agit, en particulier M. Sansu, qui connaît bien le sujet : ce n’est pas un choix, le contrat de travail est rédigé ainsi. Un salarié travaille par exemple de quatre heures du matin à midi. Il n’a pas la possibilité de poser un joker et de demander à son employeur de travailler trente-cinq heures plutôt que quarante, car cela ne correspond pas au poste.

Chaque semaine, sur quarante heures travaillées, cinq sont comptabilisées comme des heures supplémentaires. Selon votre conception du partage du travail, il devait être possible de répartir le temps de travail entre un nombre plus élevé de salariés – c’est ce que vous avez imaginé un instant. Mais cinq heures par semaine ne font pas un poste. En outre, un tel raisonnement n’est pas opérationnel pour certaines industries qui sont en activité vingt-quatre heures sur vingt-quatre.

Donc ces personnes, qui sont souvent rémunérées au SMIC, ont eu…

M. Henri Emmanuelli. Vingt-quatre heures sur vingt-quatre, ça fait plusieurs fois cinq heures !

Mme Marie-Christine Dalloz. Mais cinq heures par semaine, monsieur Emmanuelli, c’est colossal !

M. Henri Emmanuelli. Cinq fois six heures, ça fait trente !

Mme Marie-Christine Dalloz. Allez donc expliquer à un chef d’entreprise qu’il doit embaucher quelqu’un pour accomplir à lui tout seul le reste du temps posté de dix collaborateurs, soit cinquante heures, en cinq heures : c’est complètement ubuesque ! C’est une vision de l’esprit !

M. Henri Emmanuelli. C’est vous qui êtes ubuesque ! Je pense aux entreprises à un salarié, dans le Jura…

Mme Marie-Christine Dalloz. Vous avez largement pénalisé ces salariés-là, qui constituaient une partie de votre électorat et qui aujourd’hui ne comprennent pas cette mesure et la trouvent profondément injuste.

M. Jérôme Chartier. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l’amendement n736.

M. Charles de Courson. Voici enfin la vérité sur l’impact de cette mesure. Toujours dans le rapport de notre rapporteure générale, dans un tableau sur la ventilation du rendement, il est indiqué qu’elle a rapporté 1 milliard d’euros. Qui a payé ? Sur ce milliard, 540 millions d’euros ont été payés par les foyers des quatrième, cinquième, sixième, septième et huitième déciles. Cette mesure a donc frappé massivement les couches moyennes de la population, soit, par définition, les couches qui travaillent.

Là encore, beaucoup de collègues de la majorité se sont dit : « quelle bêtise nous a fait faire le Gouvernement, en supprimant cette mesure ! ».

M. Henri Emmanuelli. Encore une économie, monsieur de Courson !

M. Charles de Courson. Elle avait en effet un but économique qui, il est vrai, s’est heurté à la crise, mais aussi une composante sociale, puisqu’elle permettait de récompenser ceux qui travaillent. Mes chers collègues, voilà encore une mesure antisociale.

Mme la présidente. Je vous laisse la parole, monsieur de Courson, pour soutenir l’amendement n730 qui est en discussion commune avec les précédents.

M. Charles de Courson. Il s’agit d’un amendement de repli, qui vise à rétablir la défiscalisation des heures supplémentaires pour tous les salariés dont le salaire est inférieur à 2,2 SMIC, c’est-à-dire à se concentrer sur les quatrième, cinquième, sixième et septième déciles. Une telle mesure coûterait entre 350 et 400 millions d’euros.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur l’ensemble de ces amendements en discussion commune ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Cette discussion appartient à la catégorie des marronniers : nous l’avons déjà eue, elle a été tranchée.

Mme Marie-Christine Dalloz. C’est récent !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Chacun peut bien sûr légitimement y revenir à chaque fois, mais le Gouvernement n’est pas favorable à ces amendements.

Mme la présidente. La parole est à M. Jérôme Chartier.

M. Jérôme Chartier. Monsieur le secrétaire d’État, vous ne pouvez pas parler de marronnier : la mesure que vous avez prise a très gravement pénalisé le pouvoir d’achat des Français et, plus généralement, pesé sur l’organisation des entreprises. Chaque année, vous aurez donc droit à ce débat qui nous paraît important.

Certes, vous pouvez toujours refuser d’y participer en le balayant d’un revers de main. Nous le regrettons, car nous aimons le débat. Il s’agit en effet de moments importants de la vie parlementaire. En l’occurrence, le débat sur les heures supplémentaires, souvenez-vous, a animé de nombreuses soirées tout au long de la précédente législature, alors que vous étiez dans l’opposition. Vous aviez d’ailleurs à de nombreuses reprises déposé des amendements de suppression de cette mesure, et chaque fois nous acceptions de tenir ce débat afin d’enrichir les points de vue.

C’est la raison pour laquelle je pense que ce débat mérite d’être livré à chaque fois et je serais heureux que vous acceptiez d’y participer.

Permettez-moi de vous rappeler mon point de vue en quelques mots. Ce dispositif me paraît utile non seulement pour encourager les entreprises françaises à embaucher davantage en France – car si les heures supplémentaires ne sont pas défiscalisées, les entreprises, qui bénéficient comme vous le savez d’une petite aide s’agissant de la part patronale, sont encouragées à délocaliser leur activité – mais aussi pour permettre aux travailleurs français de gagner davantage en travaillant davantage. Ce dernier principe, qui fait partie de nos propositions pour 2017, est d’ailleurs acquis : la France a besoin de travailler davantage pour être au rendez-vous en matière de développement économique et industriel. La fiscalisation des heures supplémentaires permettait ainsi à la fois de localiser davantage d’activités en France et de permettre aux Français de travailler davantage.

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je n’aime pas donner l’impression de refuser le débat.

M. Jérôme Chartier. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Cela étant dit, notre temps est compté, monsieur Chartier. Votre avis n’a pas changé, je salue votre constance. Le nôtre non plus, saluez la nôtre.

Mme la présidente. La parole est à M. Henri Emmanuelli.

M. Henri Emmanuelli. Monsieur Chartier, nous ne refusons rien du tout : le débat a eu lieu. Nous avons écouté tout à l’heure la démonstration assez particulière de Mme Dalloz. Nous pensons que la défiscalisation des heures supplémentaires ne se justifie pas dans une situation où l’emploi est une denrée rare, comme vous le savez. Et nous ne voyons pas pourquoi l’heure supplémentaire serait défiscalisée alors que l’heure normale ne l’est pas. C’est un encouragement à la multiplication des heures supplémentaires au détriment de l’embauche. Nous vous l’avons dit dix fois, vingt fois ! Je me suis dévoué pour la trente et unième.

(Les amendements identiques nos 3, 281, 430 et 736 ne sont pas adoptés.)

(L’amendement n730 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de plusieurs amendements, nos 13, 735 et 531, pouvant être soumis à une discussion commune.

Les amendements nos 13 et 735 sont identiques.

La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l’amendement n13.

Mme Marie-Christine Dalloz. Il s’agit de la fiscalisation de la part employeur de la complémentaire santé.

Vous n’aimez pas qu’on vous le dise, mais vous avez tellement entamé le pouvoir d’achat des classes modestes et moyennes que vous êtes aujourd’hui obligés de rectifier le tir en inscrivant dans l’article 2 du projet de loi de finances la suppression de la première tranche de l’impôt sur le revenu, qui correspondait au taux de 5,5 %.

La réalité, c’est que les 13,2 millions de salariés concernés par la mesure de fiscalisation de la part employeur de la complémentaire santé ne peuvent plus déduire de leur revenu imposable la fraction des contrats de santé payée par leur employeur.

La réalité, c’est que vous avez atteint le pouvoir d’achat, le solde à consommer des Français de façon constante et régulière avec de multiples mesures. On l’a vu avec les trente-cinq heures et votre vision dogmatique.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Et les congés payés, aussi ?

Mme Marie-Christine Dalloz. Monsieur Emmanuelli, je vous rappelle que le travail ne se partage pas. Vous devez vous souvenir de l’échec des 35 heures sur la création d’emplois.

M. Henri Emmanuelli. Près de 400 000 emplois ont été créés !

Mme Marie-Christine Dalloz. Ne vous énervez pas !

M. Michel Pouzol. On rectifie ce qu’il faut !

M. Yann Galut. Pourquoi ne les avez-vous pas supprimées ?

Mme Marie-Christine Dalloz. Monsieur Galut, laissez-moi terminer !

M. Yann Galut. Dix ans au pouvoir, et vous n’avez rien fait !

Mme la présidente. Monsieur Galut, seule Mme Dalloz a la parole !

Mme Marie-Christine Dalloz. Avec la fiscalisation des heures supplémentaires et la fiscalisation de la part employeur de la complémentaire santé, les Françaises et les Français ont pu constater concrètement la baisse de leur pouvoir d’achat. Vous ne pouvez pas le nier.

Nous vous proposons par cet amendement de rétablir la défiscalisation.

M. Henri Emmanuelli. Cela devient un peu lourd !

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l’amendement n735.

M. Charles de Courson. Là encore, on atteint le sommet des mesures antisociales ! Que nous apprend le rapport de la rapporteure générale sur les effets de cette mesure ? Les recettes de l’impôt sur le revenu ont augmenté de 930 millions, dont, tenez-vous bien chers collègues, 570 millions collectés auprès des foyers fiscaux compris entre le deuxième et le huitième décile. Regarder de près le montant moyen par décile donne le vertige : 125 euros de plus par an pour les troisième, quatrième et cinquième déciles, 100 euros pour le sixième décile, 110 euros pour le septième décile, 115 euros pour le huitième décile, 120 euros pour le neuvième décile – et, chose remarquable, 180 euros pour le dixième décile.

Cette mesure est donc totalement régressive par rapport aux revenus, puisqu’elle représente, pour le quatrième décile, une chute d’environ 0,8 % du niveau de vie, mais de seulement 0,2 ou 0,3 % pour le neuvième décile. Outre qu’elle est fondamentalement antisociale, elle provoque un affaiblissement du dialogue social : c’est la totale ! Voilà ce qui ressort du rapport de Mme Rabault. Nous proposons donc, par cet amendement, de revenir en arrière.

Mme la présidente. La parole est à Mme Eva Sas, pour soutenir l’amendement n531.

Mme Eva Sas. J’aborderai le problème par un autre bout. Effectivement, ces discussions sont le fruit de nos rencontres avec des citoyens qui ne comprennent pas qu’à revenu constant, leur impôt ait augmenté. La fiscalisation de la part employeur de la mutuelle, notamment, est cause d’incompréhension dans l’opinion.

Afin de faire avancer le débat, je présenterai, en même temps que l’amendement n531, l’amendement n533, qui est un amendement de repli. J’ai été touchée par le fait que les travailleurs handicapés qui travaillent dans des établissements et services d’aide par le travail – ESAT –, dont le revenu est très faible et pour lesquels la mutuelle est obligatoire, aient également vu leurs impôts augmenter en raison de cette fiscalisation de la part employeur.

Nous avons beau être conscients de la nécessité de rétablir nos finances publiques, nous avons du mal, en circonscription, à défendre ces mesures.

Mme Marie-Christine Dalloz. Même vous !

Mme Eva Sas. Je comprends que vous ne souhaitiez pas refaire un débat qui a eu lieu, puisque nous avons déjà voté cette disposition, mais il est vrai que la fiscalisation de la part employeur de la mutuelle est une mesure difficile à défendre et à expliquer à nos concitoyens. J’attends donc une réponse, notamment sur l’amendement de repli.

Mme Marie-Christine Dalloz. Bien !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Nous avons eu, il y a quelques mois, un long débat sur cette question qui touche au pouvoir d’achat. Dans les documents relatifs au PLFSS pour 2014, un graphique indiquait que, pour les frais de santé, le reste à charge pour les Français était compris entre 10 % et 9 %. Or il existe une certaine inégalité entre les salariés qui travaillent dans des groupes bénéficiant d’une mutuelle et les autres. Il est vrai, madame Sas, que l’état des finances publiques nous conduit souvent à mener ce genre de réformes, mais il s’agit plutôt ici d’une question d’égalité. Je suis d’accord avec vous pour regarder les choses dans leur ensemble : comment arrive-t-on à un reste à charge de 9 % ? Est-il financé par les mutuelles, par le privé ? C’est un débat que nous pouvons avoir.

Quant aux chiffres qui nous ont été remis par la DGFIP, et qui ont été commentés par M. de Courson, ils nous montrent que la concentration se fait sur le dernier décile.

M. Charles de Courson. Non !

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Monsieur de Courson, vous parlez de mesures antisociales alors que le gouvernement que vous avez soutenu a augmenté la dépense publique de 38 milliards d’euros par an pendant cinq ans ! Je vous renvoie à un article d’un grand journal du soir, daté de demain. Et alors que nous ramenons cette augmentation à 14 milliards d’euros, vous nous traitez de dépensiers ?

M. Éric Woerth. On fait ce que l’on peut avec ce que l’on a.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Alors que vous avez financé des allégements d’impôts en construisant pierre après pierre le mur de la dette devant lequel nous nous retrouvons,…

M. Nicolas Sansu. Ça, c’est vrai !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. … vous nous reprochez d’avoir dû prendre un certain nombre de mesures, parfois difficiles, que nous atténuons aujourd’hui par des mesures d’économie, et non par de la dette. Et, grâce au service de traitement des déclarations rectificatives – STDR –, nous avons fait revenir et imposé des avoirs auparavant détenus à l’étranger, à hauteur de 1,8 milliard.

Traiter nos mesures fiscales d’antisociales, alors que nous parlons de 120 euros par mois, certes pour des populations parfois fragiles…

Mme Marie-Christine Dalloz. C’est du pouvoir d’achat !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. … et que vous avez voté la loi TEPA – le bouclier fiscal – pour des montants considérables, financés par la dette, je trouve cela gonflé ! Avis défavorable à ces amendements.

Quant à l’amendement de repli de Mme Sas, n533, je ne ferme pas la porte mais je souhaite que nous approfondissions le sujet, d’ici la deuxième lecture.

Mme Marie-Christine Dalloz. Bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Jérôme Chartier.

M. Jérôme Chartier. Nous comprenons que M. le secrétaire d’État puisse s’emporter parfois, mais la différence de ton dont il use à l’égard de M. de Courson ou de Mme Dalloz d’un côté, et de l’autre de Mme Sas, pourrait laisser croire à une forme de sectarisme, alors que nous sommes sûrs qu’il n’en est rien. Nous voudrions être rassurés sur le fait que M. le secrétaire d’État traite tous les parlementaires de la même façon, avec la même considération et le même respect. J’aimerais que notre amendement fasse l’objet de la même étude que celui de Mme Sas.

Car tout de même, peut-on imaginer un seul instant que la part patronale de la mutuelle – de l’argent que le salarié ne verra jamais – puisse faire l’objet d’une imposition, sur la feuille d’impôt du salarié ? Est-ce bien normal ? C’est incompréhensible pour les Français qui ont une mutuelle.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Il s’agit d’un avantage en nature !

M. Jérôme Chartier. Beaucoup d’anciens ministres du budget siègent ici, comme d’anciens responsables qui ont géré le budget lorsqu’ils étaient fonctionnaires, ainsi que des habitués des questions budgétaires : tout le monde a compris que vous vous étiez fait refiler un dispositif pour récupérer un peu d’argent. Mais tout de même, il n’est pas trop tard pour reconnaître que vous avez commis une erreur. Certes, vous n’étiez pas aux responsabilités, mais vous avez soutenu votre prédécesseur, et vous le faites encore aujourd’hui.

Mme la présidente. Veuillez conclure.

M. Jérôme Chartier. Vous persistez dans l’erreur.

M. Charles de Courson. Perseverare diabolicum !

M. Jérôme Chartier. Cette mesure est totalement antisociale ; je dirai même plus, antifiscale : on ne peut pas taxer de l’argent que les Français n’ont pas. Il faut revenir sur cette mesure et accepter notre amendement.

Mme la présidente. La parole est à Mme Eva Sas.

Mme Eva Sas. Si j’obtiens une réponse différente, monsieur Chartier, c’est peut-être parce que je m’adresse différemment à M. le secrétaire d’État, en usant d’autres arguments. M. le secrétaire d’État a émis un avis défavorable sur mon amendement qui était en discussion commune avec les vôtres. Si vous lisiez plus précisément le contenu des amendements – mais j’ai bien compris que ce n’était pas l’objet de vos interventions – vous constateriez que l’amendement à propos duquel M. le secrétaire d’État a parlé d’une ouverture porte sur la fiscalisation de la part employeur des mutuelles des travailleurs handicapés. C’est sur ce sujet-là que nous entrons en dialogue avec le Gouvernement. Merci d’être précis dans vos interventions, cela évitera des débats inutiles !

Je souhaite retirer mon amendement n° 531 : j’ai entendu les arguments de la rapporteure générale et du secrétaire d’État, et je conçois que l’on ne puisse pas reculer sur toutes les mesures qu’il faut prendre pour assainir les finances publiques. Mais je souhaite que nous puissions poursuivre le dialogue sur l’amendement de repli n533 relatif aux travailleurs handicapés.

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Madame la rapporteure générale, j’ai un peu de mal avec les mathématiques, mais j’ai quand même un lourd passé. Je vous redonne les chiffres : 40 millions d’euros d’augmentation de l’impôt sur le revenu pour 320 000 foyers dans le troisième décile, cela revient à 125 euros par foyer ; et comme le revenu moyen y est de 10 500 euros, cela fait bien 1,2 % du revenu. Dans le quatrième décile, 80 millions d’euros d’augmentation de l’impôt sur le revenu pour 660 000 foyers, cela revient à 125 euros par foyer, et pour 14 000 euros de revenu moyen, cela fait bien 0,8 % du revenu. Au neuvième décile, on tombe à 0,3 %. C’est la définition même de la régressivité ! L’augmentation d’impôt est d’autant plus importante que les gens sont modestes, elle est de 125 euros pour le troisième décile, et de 90 euros pour le huitième décile. Il faut assumer ses choix !

Je regrette que les membres de la commission des finances ne puissent jamais avoir à leur disposition une analyse fine des mesures qu’on leur demande de voter et ce, quel que soit le gouvernement. Ensuite, ce sont des hurlements généralisés et l’on décide de prendre des mesures correctrices. Voilà comment nous travaillons ! Si l’on nous avait fourni un peu plus de renseignements, la majorité de l’époque n’aurait peut-être pas voté la mesure, ou aurait décidé d’un nouvel écrêtement. Cette mesure est fondamentalement antisociale !

Mme la présidente. La parole est à M. Éric Woerth.

M. Éric Woerth. Monsieur le ministre, la fiscalisation de la part patronale des mutuelles est quand même contestable ! Et pour reprendre une expression qui vous est familière, il y a un peu de perversité là-dedans !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je l’ai utilisée une fois !

M. Éric Woerth. Autant sur d’autres sujets, on peut considérer qu’il y a substitution d’une indemnité, qu’il s’agit d’un revenu et qu’il est normal de le soumettre à l’impôt sur le revenu, autant on peut juger discutable la mesure sur la part patronale de la mutuelle.

Vous dites réaliser un effort formidable sur la dépense publique, après que des gouvernements incompétents l’ont augmentée de plusieurs dizaines de milliards d’euros par an. Je vous rappelle que, pendant le mandat de M. Sarkozy, il y a juste eu une crise et qu’en 2008, le monde entier se demandait s’il allait survivre !

L’ensemble des gouvernements, pas seulement celui de la France, a substitué de la dépense publique à de la dépense privée, qui ne se faisait plus. C’est ce que nous avons appelé des plans de relance. Le parti socialiste de l’époque, M. Sapin en tête, a considéré que le plan de relance français était insuffisant et qu’il fallait y rajouter au moins 50 milliards d’euros. Il militait pour une augmentation encore supérieure de la dépense et du déficit, qui étaient des nécessités, car c’était des dépenses et du déficit de relance, que l’on a d’ailleurs coupés dès que la crise est sortie de sa phase aiguë.

Vous ne pouvez donc pas nous reprocher cette augmentation de la dépense ; il faut bien prendre en compte cette notion de crise. Il en est de même pour l’endettement, qui progresse à une vitesse, certes inférieure, mais comparable à l’endettement du passé.

Mme la présidente. La parole est à M. Henri Emmanuelli.

M. Henri Emmanuelli. Monsieur de Courson, certaines indignations sont superfétatoires. Je me souviens du collectif 2011 où vous aviez doublé la taxe sur les conventions d’assurance pour diminuer l’ISF. Et aujourd’hui, vous venez nous jouer votre grand numéro sur la taxation des pauvres et des catégories défavorisées. Vous pourriez assumer de temps en temps, et vous aussi, monsieur Woerth, puisque M. Chartier nous invite sans cesse à « assumer, assumer, assumer ».

Mme Marie-Christine Dalloz. C’est à vous d’assumer !

M. Henri Emmanuelli. Nous gagnerions tous, au sein de cet hémicycle, à éviter ce genre de pantalonnade. Avoir soutenu certaines mesures pour ensuite les critiquer n’est pas sérieux. Vous me répondrez que nous n’avons pas supprimé ce doublement. C’est vrai, mais c’est que l’état des finances publiques est désastreux ! J’espère bien que le jour où nous en aurons la possibilité, nous le ferons. Rappelons tout de même que le pire à l’époque était le doublement de la taxe sur les conventions d’assurance concomitamment à la diminution de l’ISF. Et c’est cela que vous avez voté, monsieur Charles Amédée de Courson.

M. Éric Woerth. Je ne vois pas le rapport.

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je ne comprends pas que M. Chartier s’étonne de la possibilité de payer des contributions et des impôts sur de l’argent que l’on ne perçoit pas. Cela s’appelle tout simplement des avantages en nature !

M. Jérôme Chartier. Ah bon ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Eh oui ! Cela existe et vous devriez vous montrer plus modeste. L’on paie ainsi la CSG sur des revenus que l’on ne perçoit pas. Et je ne parle pas de ceux qui disposent de véhicules de fonction, de logements de fonction et autres avantages en nature comme la prise en charge par l’employeur de la part des mutuelles et des complémentaires santés. Certains salariés en bénéficient, d’autres pas, mais les conventions collectives à l’origine de ces avantages tendent à se généraliser et c’est aussi ce qui nous a conduits à prendre une telle disposition. Beaucoup ont d’ailleurs pointé les différences entre les fonctionnaires et les autres. C’est une mesure d’égalité. Certes, elle peut être mal vécue dans la mesure où elle remet en cause une situation. Ce n’est jamais facile pour un gouvernement, quel qu’il soit, de remettre en cause une situation, même si elle est injuste, car les premiers concernés ont toujours du mal à l’accepter.

Enfin, monsieur Woerth, je ne nie pas que, lorsque vous vous trouviez à ma place, vous ayez traversé une crise économique et financière. Ce serait idiot de prétendre le contraire. Mais Mme la rapporteure générale a présenté un tableau en commission des finances qui montrait l’évolution des dépenses publiques non seulement de 2007 à 2012, mais aussi pendant la période précédente.

Pourquoi m’arrive-t-il parfois de mettre un peu de passion dans mes réponses à des arguments que certains développent eux aussi avec passion et mauvaise foi, ou que je juge du moins comme tels ?

M. Jérôme Chartier. Vous êtes passé maître en la matière !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Vous qualifiez de virtuelles et vous tournez en dérision certaines économies que le Gouvernement réalise ; mais reconnaissez au moins que, même si la dépense publique a fortement augmenté en période de crise pour soutenir ou relancer l’investissement, aujourd’hui, le niveau de dépense publique assumé par ce gouvernement, et qui est d’ailleurs contesté jusque dans les rangs de la majorité, représente un effort de maîtrise de la dépense. C’est cela qui est irritant, y compris pour nos concitoyens qui, écoutant tout ce qui se dit, ont le sentiment que les efforts demandés ne portent pas leurs fruits. Rien n’est facile et c’est pour cette raison que je me suis un peu emporté tout à l’heure, assez modestement somme toute.

(Les amendements identiques nos 13 et 735 ne sont pas adoptés.)

(L’amendement n531 est retiré.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Eva Sas, pour soutenir l’amendement n533.

Mme Eva Sas. Je l’ai présenté tout à l’heure.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Même avis.

Mme la présidente. La parole est à Mme Eva Sas.

Mme Eva Sas. Je retire mon amendement pour que nous puissions en discuter à nouveau au cours de la navette.

(L’amendement n533 est retiré.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Arlette Grosskost, pour soutenir l’amendement n415.

Mme Arlette Grosskost. Voici à nouveau un amendement marronnier, comme vous dites, monsieur le secrétaire d’État, qui est présenté chaque année. Pour autant, j’insisterai tout de même sur le fait que l’année 2014 a été marquée par un vrai recul de l’investissement productif. Tout le monde l’a constaté. Pour relancer la croissance et améliorer la compétitivité de notre pays, nous n’avons d’autre choix que d’encourager les entreprises, en particulier celles qui démarrent, et les Business angels, lesquelles fonctionnent très bien dans d’autres pays comme la Grande-Bretagne où la création d’emplois et la création d’entreprises s’est bien améliorée, grâce à un système fiscal qui les encourage.

J’aimerais bien que l’on en vienne à une telle doctrine, ici en France, et que l’on encourage davantage nos entreprises. Je vous invite à lire, sur le site de La Tribune, le témoignage d’un jeune entrepreneur qui vante le système des Business angels, qui a investi et a vu son « haut de bilan » augmenter avec la BPI. Vous voyez que cela fonctionne car la BPI s’associe souvent aux Business angels.

Pour autant, le risque n’est pas suffisamment payant et cet amendement tend à aller au-delà de la tunnelisation des pertes éventuelles que pourraient subir ces Business angels lorsqu’elles entrent dans le « haut de bilan » des entreprises.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Avis défavorable. Vous souhaitez, madame Grosskost, étendre la notion d’activité professionnelle, applicable en matière de BIC, à tout investissement dans une société de capitaux, ce qui reviendrait à subventionner les pertes.

Mme Arlette Grosskost. Mais non.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Si, d’une certaine manière. Avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Nous comprenons bien l’intention des auteurs de l’amendement mais le bénéfice de l’imputation possible des déficits est réservé aux investisseurs actifs dans l’entreprise. Vous proposez de considérer comme actif quelqu’un qui a investi plus de 100 000 euros, ce qui est contraire à l’esprit et à l’usage. Vous me répondrez que ce n’est pas un argument, mais je le maintiens car il n’y a aucune raison qu’un investissement de cette nature puisse faire redescendre les déficits dans l’impôt sur le revenu. Si vous ne retiriez pas cet amendement, j’appellerais l’Assemblée à le rejeter.

Mme la présidente. Que décidez-vous, madame Grosskost ?

Mme Arlette Grosskost. Je le maintiens.

(L’amendement n415 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Chantal Guittet, pour soutenir l’amendement n622.

Mme Chantal Guittet. Cet amendement vise à étendre la loi Coluche aux dons alimentaires consentis par les agriculteurs, car ces derniers, ne bénéficiant pas de la réduction d’impôt de 75 %, sont plus incités à jeter leur surplus de production qu’à le donner. Cet amendement tend à remédier à cette situation en harmonisant le régime fiscal des dons aux associations d’aide alimentaire.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. La rédaction de votre amendement, madame, ne semble pas répondre à votre intention, que nous comprenons pourtant. Avis défavorable, mais nous pourrons peut-être y réfléchir en deuxième lecture.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Aujourd’hui, les dons en nature et la réalisation de prestations de service sans contrepartie sont d’ores et déjà éligibles au régime fiscal du mécénat d’entreprise. Vous proposez de cumuler cette réduction d’impôt avec la déduction des produits qui font l’objet des dons du bénéfice imposable : cumuler ainsi deux avantages serait contraire au principe constitutionnel d’égalité devant l’impôt et ne constituerait pas une bonne pratique en matière fiscale, la réduction d’impôt pour le mécénat ayant déjà pour objet de faciliter les dons. Elle est possible pour les agriculteurs dans ce cadre. Avis défavorable.

Mme la présidente. La parole est à Mme Chantal Guittet.

Mme Chantal Guittet. Sans être une experte en fiscalité, il me semble que les dons alimentaires sont, dans ce cas, réintégrés dans les revenus, et donc soumis à imposition.

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Notre collègue a raison de poser la question car il faut distinguer selon que l’on est organisé en société ou pas. Si l’on est organisé en société, le secrétaire d’État dit vrai et le régime du mécénat d’entreprise s’applique. Dans le cas des entreprises personnelles, qu’il s’agisse des agriculteurs, des marchands de quatre saisons ou des pêcheurs, le crédit d’impôt Coluche ne s’applique pas en raison de la très grande difficulté à évaluer la valeur du don. C’est un vrai problème, mais les services fiscaux ont suffisamment d’imagination pour trouver une solution. Il suffirait de se baser sur la moitié du prix de marché, par exemple, ou un système forfaitaire. Ce pourrait être une solution, mais uniquement pour les entreprises personnelles.

Mme la présidente. La parole est à Mme Chantal Guittet.

Mme Chantal Guittet. Je retire mon amendement.

(L’amendement n622 est retiré.)

Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas Sansu, pour soutenir l’amendement n681.

M. Nicolas Sansu. Pour poursuivre notre chemin sur l’allée des marronniers, voici un amendement qui devrait plaire au Gouvernement puisqu’il va dans le sens non seulement d’une augmentation des recettes fiscales de l’État, mais aussi d’une plus grande justice fiscale. Il s’inspire d’une proposition formulée en son temps par le Conseil des prélèvements obligatoires, et vise à réduire de 40 % à 20 % le taux de l’abattement proportionnel sur le montant des dividendes perçus. Dans son rapport sur la progressivité et les effets redistributifs des prélèvements obligatoires sur les ménages, le CPO avait estimé le coût du dispositif à quelque 2 milliards d’euros annuels.

Il s’agit là d’un amendement que nous défendons régulièrement et que d’autres parlementaires de gauche ont également défendu, pour la bonne raison qu’il s’agit d’une véritable mesure de gauche. Je crois même, sauf erreur, que Mme Bricq, lorsqu’elle rapportait le projet de loi de finances pour 2012, l’avait présenté en décembre 2011 au Sénat.

L’abattement proportionnel de 40 % sur le montant des dividendes perçus est souvent présenté comme un outil permettant d’éviter la double imposition des dividendes versés, qui auraient été soumis à l’impôt sur le revenu et, à ce titre, ne devraient pas subir un second prélèvement. Certes, l’abattement forfaitaire de 1 525 euros pour un célibataire et du double pour un couple a été supprimé, mais nous considérons tout de même que ce qui a été fait pour ne pas pénaliser les petits détenteurs nous permet aujourd’hui d’aller plus loin en réduisant les avantages fiscaux accordés aux revenus financiers les plus aisés. Je rappelle qu’une étude du cabinet Henderson Global Investors fait de la France la championne du monde du versement de dividendes pour ces derniers semestres ! Après les hausses récentes de TVA qui ont frappé les plus modestes, il faut à notre sens prendre des mesures fortes pour plus de justice fiscale. En outre, cette mesure permettrait de réduire le coût important du dispositif, ce qui aiderait le Gouvernement dans sa quête de réduction des déficits.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Avis défavorable.

M. Nicolas Sansu. Quelle surprise !

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. M. Sansu a raison d’indiquer que l’abattement, tel qu’il est aujourd’hui défini, représente un montant important, de l’ordre de 1,8 milliard. Je ne voudrais néanmoins pas laisser entendre que rien n’a été fait sur la question des dividendes : leur fiscalité a été renforcée par leur soumission au barème de l’impôt sur le revenu et par l’imposition aux entreprises d’une taxe sur les dividendes de 3 %. À ce stade, l’avis de la commission est donc défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. L’abattement, qui était de 50 %, a été ramené à 40 %. En outre, les dividendes sont désormais soumis au barème de l’impôt sur le revenu et tout porte à croire que les gros actionnaires – qui se trouvent le plus souvent dans des tranches marginales élevées – sont, malgré l’abattement de 40 %, sujets à une imposition importante. C’est ce dont il convient de se réjouir. Peut-on aller plus loin ? Des étapes ont déjà été franchies ; nous souhaitons à ce stade en rester là.

Cela étant, vous avez eu raison, monsieur le député, de rappeler que l’abattement existe pour tenir compte du fait que ces revenus distribués ont déjà été soumis à l’impôt sur les sociétés – puisqu’à l’origine, cette disposition a remplacé le fameux « avoir fiscal ». Le passage de l’abattement à 40 % et la barémisation des dividendes ont déjà permis d’envoyer un signal fort et aboutissent à une distribution raisonnable – et non pas exagérée – des dividendes de sorte que les bénéfices des entreprises demeurent autant que possible dans l’entreprise elle-même et qu’ils servent à l’investissement.

Ayant déjà fait un pas important dans le sens du durcissement de la fiscalité des dividendes, le Gouvernement ne souhaite donc pas suivre votre démarche.

(L’amendement n681 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jérôme Lambert, pour soutenir l’amendement n470.

M. Jérôme Lambert. Les contribuables vivant seuls et supportant à titre exclusif ou principal la charge d’enfants sont très majoritairement des femmes. Selon les dernières statistiques disponibles de l’INSEE, la part des familles monoparentales dans l’ensemble des familles avec enfants s’élevait en 2011 à plus de 21 %, contre 12,4 % seulement en 1990. Plus précisément, les femmes élevant seules leurs enfants représentaient 18,3 % de l’ensemble des familles françaises en 2011, une part élevée et en constante augmentation ; les hommes élevant seuls leurs enfants représentaient 3,3 % de l’ensemble des familles avec enfants. Les familles monoparentales sont ainsi constituées à 82 % par des femmes seules.

Dans son récent rapport intitulé « Femmes et précarité », le Conseil économique, social et environnemental appelait l’attention sur la situation des femmes seules : « Sur les 8,6 millions de Français vivant sous le seuil de pauvreté, 4,7 millions sont des femmes », soit près de 55 %, soulignait-il. Les mères isolées sont en première ligne. « Si elles ne représentent que 5 % de la population totale, elles sont deux à trois fois plus nombreuses au sein de la population pauvre ». Selon une enquête Ipsos d’octobre 2012, près d’une mère isolée sur deux – précisément 45 % – déclare terminer le mois à découvert et près d’une sur cinq craint de basculer dans la précarité ; 53 % de ces mères estiment que le manque d’argent constitue leur principale difficulté au quotidien.

La législation fiscale peut évoluer pour accompagner la réalité des mutations socio-économiques de notre société. Il est donc proposé par cet amendement que la majoration d’une demi-part au titre de la charge exclusive ou principale des enfants soit portée à une part de majoration.

Malgré les efforts importants consentis par l’État en matière de politique familiale, le fort taux de pauvreté constaté des mères et des pères isolés s’explique par la faiblesse de la majoration au titre de la charge exclusive des enfants, qui prend peu en compte la réalité socio-économique des familles monoparentales. Il est donc proposé qu’un parent isolé élevant deux enfants, par exemple, puisse bénéficier de trois parts au lieu de deux parts et demie dans le droit actuel. La différence de traitement fiscal serait ainsi réduite pour les familles monoparentales.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. La commission a rejeté cet amendement. Aujourd’hui, une femme seule élevant un enfant est imposable à partir de 21 000 euros de revenus annuels. Avec l’article 2 que nous avons adopté ce matin, ce montant passe à 26 300 euros. Nous avons donc déjà franchi là un pas important.

Votre amendement porterait ce montant à 31 000 euros ; c’est encore une étape supérieure. Nous proposons d’en rester au dispositif adopté dans l’article 2.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je comprends la préoccupation de M. Lambert, mais je rappelle que la situation particulière – certes difficile – des parents isolés est déjà largement prise en compte. En effet, un parent isolé élevant un enfant bénéficie actuellement d’une part pour lui-même, d’une demi-part pour son premier enfant – comme tout le monde – et d’une demi-part supplémentaire, soit deux parts en tout. Vous proposez d’y ajouter une demi-part pour aboutir à deux parts et demie.

J’ajoute que les familles monoparentales bénéficient de plusieurs prestations sociales particulières et majorées. En outre, le montant maximum de l’avantage procuré à ces personnes par la première part de quotient familial est plafonné à 3 500 euros, soit un montant nettement supérieur à celui du plafonnement du quotient familial pour les couples de parents.

Dans ces conditions, le Gouvernement estime que la spécificité des parents isolés est largement prise en compte et qu’elle ne nécessite pas de prendre des dispositions supplémentaires, compte tenu des contraintes budgétaires qui nous ont été transmises. Précisons enfin que le coût de votre amendement s’élèverait à 470 millions d’euros. Si vous le mainteniez, le Gouvernement souhaiterait son rejet.

Mme la présidente. La parole est à M. Jérôme Lambert.

M. Jérôme Lambert. J’entends ces arguments et je vais retirer cet amendement. Je dirai tout de même ceci : Mme la rapporteure nous a indiqué qu’une famille monoparentale avec un enfant n’entrerait dans l’impôt qu’à partir de 31 000 euros de revenus annuels, mais c’est un seuil auquel les familles non monoparentales ne paient pas non plus d’impôt, leur entrée dans l’impôt se faisant au-delà de ce montant puisqu’elles ont plus de parts.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Certes, mais elles ont aussi plus de personnes !

M. Jérôme Lambert. Pourtant, les charges qui pèsent, en matière de logement surtout, sur les familles, monoparentales ou pas, sont presque équivalentes. Cet amendement avait donc sa logique.

(L’amendement n470 est retiré.)

Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas Sansu, pour soutenir l’amendement n703.

M. Nicolas Sansu. Nous sommes bien les seuls à pouvoir déposer cet amendement, puisqu’il vise à rétablir la demi-part supplémentaire qui est accordée aux personnes vivant seules – veufs ou veuves et pères ou mères célibataires – ayant élevé au moins un enfant. C’est la majorité précédente qui, en 2008, avait supprimé cette demi-part de manière progressive, suppression qui avait suscité la colère, voire l’indignation de la majorité de nos concitoyens. Or, cinq ans après, cette mesure ne « passe » toujours pas. Mme Dalloz évoquait tout à l’heure les petites mamies…

M. Jérôme Chartier. Qu’avez-vous donc contre les petites mamies ?

M. Nicolas Sansu. Rien, au contraire : je les aime bien, justement.

M. Yann Galut. Vous devriez les aimer beaucoup !

M. Nicolas Sansu. On évoquait les petites mamies, disais-je, qui sont entrées dans l’impôt notamment à cause de cette mesure.

Cette année, avec l’extinction totale de la demi-part et la fiscalisation des majorations de pension, la note a été lourde pour de nombreux retraités, notamment modestes. Le Gouvernement a naturellement prévu les mécanismes correctifs et l’article 2, que nous avons voté. En réalité, cet article 2 est l’aveu de plusieurs erreurs commises ces dernières années concernant le bas de barème.

Nous nous interrogeons tout de même, monsieur le secrétaire d’État, sur la situation d’un certain nombre de contribuables au regard de la taxe d’habitation, dont le montant est calculé en fonction du revenu fiscal de référence qui tient compte du nombre de parts. Cela pose problème pour celles et ceux qui ne bénéficient plus de la demi-part supplémentaire.

Cet amendement est donc en cohérence avec l’amendement que j’ai défendu ce matin sur la refonte globale du barème, puisqu’il en est l’un des éléments.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Avis défavorable. En 2007, lorsque les évaluations ont été faites par la précédente majorité, 3,8 millions de foyers fiscaux étaient concernés ; il en reste 800 000 actuellement – je veux parler non pas de parents qui se retrouvent seuls aujourd’hui, mais de parents qui ont élevé seuls leur enfant et qui sont donc concernés par cette demi-part. Je fais ce rappel pour éviter que ne s’ouvre à nouveau un débat faussé par des données inexactes.

Vous avez raison, monsieur le député, d’indiquer que certaines situations ont posé problème. Certaines d’entre elles ont été réglées par la réduction d’impôt annoncée en septembre dernier ; l’article 2 du présent projet devrait lui aussi permettre d’y remédier.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Sur ce sujet bien connu, je me garderai de rouvrir le débat. Je vous répondrai simplement sur un point : l’effet que peut avoir sur la taxe d’habitation l’augmentation du revenu fiscal de référence liée à la disparition d’une demi-part. Le Gouvernement étudie actuellement un dispositif, qu’il vous proposera dans le projet de loi de finances rectificative, visant à atténuer cet effet.

Je rappelle que l’an dernier, nous avons figé la situation en faisant en sorte que ceux qui étaient exonérés puissent le rester une année de plus et que les nouveaux venus en seraient bénéficiaires. Le dispositif que nous vous proposerons répondra pleinement, je l’espère, à votre souhait.

Il est vrai que certains dispositifs ont pu créer des difficultés dans le passé. Cela étant, la mesure de réduction d’impôt adoptée dans la loi de finances rectificative pour 2014 et la forte réduction d’impôt prévue par l’article 2 du présent texte en atténuent largement les effets, à défaut de les gommer tous.

Mme Marie-Christine Dalloz. Ils les atténuent peu !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je tiens à vous rappeler qu’une partie de cette assemblée – c’est son droit – n’a pas souhaité nous suivre lors de l’adoption de l’article 2 et je le regrette. Je n’ai vu passer que des amendements coûteux, Mme la rapporteure générale l’a souvent souligné, et j’ai observé, mesdames et messieurs de l’opposition, que vous n’avez pas voté la principale mesure allant dans le sens d’une réduction de l’impôt sur le revenu, duquel vous vous plaignez sans cesse.

Mme Marie-Christine Dalloz. Des arguments !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Monsieur Sansu, un dispositif vous sera proposé sur la taxe d’habitation, mais pour ce qui est de cet amendement, je ne peux vous suivre sur le fond, pour des raisons essentiellement financières. Avis défavorable.

(L’amendement n703 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Gilles Lurton, pour soutenir l’amendement n14.

M. Gilles Lurton. Cet amendement vise à permettre aux veufs et aux veuves de continuer à bénéficier de la majoration du quotient familial qui doit être supprimée, à compter de l’imposition des revenus de 2014, pour les contribuables seuls qui n’ont pas élevé seuls leur enfant pendant cinq ans.

Si le dispositif de majoration du quotient familial ne se justifie plus dans les situations de rupture, à la suite d’un divorce, d’une séparation, ou d’une rupture de PACS assortie d’une pension alimentaire, il n’en va pas de même pour les veufs et les veuves qui ont subi des événements bouleversants et imprévisibles. C’est pourquoi nous souhaitons qu’ils soient exclus du mécanisme d’extension de la demi-part supplémentaire prévu à l’article 195 du code général des impôts.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. L’avis de la commission est défavorable, pour une raison simple : selon une décision du Conseil constitutionnel datant de 1996, il n’est pas conforme à la Constitution de distinguer d’un côté les veufs et les veuves, de l’autre les célibataires et les divorcés.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Même avis.

Mme la présidente. Vous avez la parole, monsieur Lurton.

M. Gilles Lurton. Je le retire.

(L’amendement n14 est retiré.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jérôme Chartier, pour soutenir l’amendement n299 rectifié.

M. Jérôme Chartier. Vous avez certainement observé que je défends très peu d’amendements qui génèrent des dépenses fiscales. Ce sera pourtant le cas de celui-ci, même s’il est peu coûteux. Cet amendement important concerne la défiscalisation des cotisations versées aux associations de consommateurs.

Les consommateurs ont besoin d’être défendus et nous devons encourager leurs démarches. Le meilleur moyen est de faire en sorte que leurs dons aux associations, dans la limite d’un plafond annuel de 100 euros, fasse l’objet d’une réduction d’impôt, au même titre que les réductions classiques. Cette disposition serait un véritable encouragement à la défense des consommateurs et j’espère que vous serez tous d’accord, mes chers collègues, pour voter cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. La commission a émis un avis défavorable car le projet de loi de finances pour 2015 prévoit déjà 10,8 millions d’euros de crédits en faveur des associations de consommateurs, sous forme de subventions, et de l’Institut national de la consommation.

M. Jérôme Chartier. Ce n’est pas la même chose !

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Il s’agit toujours de l’argent public, qu’il soit versé sous forme de réduction fiscale pour les contribuables ou qu’il apparaisse dans une ligne budgétaire.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Même avis.

Mme la présidente. La parole est à M. Jérôme Chartier.

M. Jérôme Chartier. Votre argument est un peu tiré par les cheveux… C’est une très bonne chose d’aider les associations de consommateurs, mais il est important pour elles de faire l’objet d’un véritable engouement populaire. Vous qui soutenez par ailleurs toutes les démarches qui visent à défendre la consommation par le truchement des consommateurs eux-mêmes, reconnaissez qu’il est important de les encourager à devenir membres des associations de défense.

Je regrette donc, madame la rapporteure générale, monsieur le secrétaire d’État, votre prise de position purement budgétaire. Car au-delà du budget, il y a la vie quotidienne à laquelle il faut que vous vous intéressiez en défendant les consommateurs, comme je le fais devant vous.

Je vous demande de revenir sur votre position, c’est très important, et j’espère que pendant la navette, lorsque vous aurez pris le pouls de la vie en France et du terrain (Protestations sur les bancs du groupe SRC), vous prendrez la décision d’accorder cette réduction d’impôt.

(L’amendement n299 rectifié n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Maina Sage, pour soutenir l’amendement n753.

Mme Maina Sage. Je tiens en préambule à remercier le Gouvernement pour la position qu’il a adoptée à l’article 5 afin de réintégrer les collectivités d’outre-mer visées à l’article 74 de la Constitution ainsi que la Nouvelle-Calédonie dans la liste des zones éligibles au dispositif dit Pinel.

Cet amendement vise à rétablir la rédaction initiale qui avait été transmise à l’Assemblée de la Polynésie française.

Tout à l’heure, vous avez évoqué la question de la consultation de nos assemblées. Sachez que s’agissant de la Polynésie, la commission des finances s’est prononcée favorablement à cette extension. Le texte sera examiné cette nuit même en séance publique par l’Assemblée de la Polynésie et il devrait recevoir un avis favorable.

L’objet de cet amendement est de faire en sorte que le dispositif Pinel puisse être listé également dans l’article 199 undecies F qui permet à nos collectivités de s’extraire de ce dispositif. La seule collectivité à avoir pris cette décision est celle de Saint-Barthélemy, sur le dispositif précédent, dit Duflot.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Pour ne rien vous cacher, madame, nous avons eu du mal à comprendre la portée de cet amendement. Nous avons effectivement examiné tout à l’heure un amendement dont vous étiez signataire et qui portait sur le dispositif Pinel. Le présent amendement vise à demander l’autorisation de l’appliquer ou de ne pas l’appliquer, selon les décisions qui seront prises.

La commission émet un avis favorable à cet amendement, mais je vous avoue que nous avons rencontré des difficultés pour en comprendre les tenants et les aboutissants.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je voudrais rassurer Mme la rapporteure générale : le secrétaire d’État a rencontré les mêmes difficultés de compréhension, mais la nature des liens entre la législation nationale et l’autonomie fiscale accordée aux collectivités d’outre-mer rend ces dispositions nécessaires. Il convient de donner à ces collectivités la possibilité d’y renoncer si tel était leur souhait.

Le Gouvernement est favorable à cet amendement et, s’il est adopté, il lève le gage.

Mme la présidente. La parole est à Mme Maina Sage.

Mme Maina Sage. Je vous remercie de votre compréhension, monsieur le secrétaire d’État.

Nous avons déposé cet amendement car nous sommes solidaires des collectivités qui ne souhaitent pas forcément être éligibles à ces dispositions ; je l’ai dit, seule la collectivité de Saint-Barthélemy s’était exprimé de façon défavorable.

Mais je suis un peu surprise car cet amendement ne fait que rétablir la rédaction initiale de l’article 5 que nous avons reçu en Polynésie française sous le titre DLF 13, transmis le 16 septembre par le Haut-commissaire de la République en Polynésie française, et qui intégrait déjà cette mesure. Quoi qu’il en soit, je vous remercie pour votre sagesse.

(L’amendement n753, modifié par la suppression du gage, est adopté.)

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je n’ai pas à lever le gage car cet amendement n’est pas coûteux. Disons que si jamais il devenait coûteux, le gage serait levé. (Rires.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Eva Sas, pour soutenir l’amendement n540.

Mme Eva Sas. Je voudrais expliquer à nouveau l’objet de cet amendement que j’ai déjà présenté en commission.

Il s’agit de faire appliquer les avantages fiscaux accordés, en cas de souscription au capital d’une société, aux entreprises de production d’énergie solaire qui en sont exclues en raison de l’existence du tarif de rachat préférentiel de l’électricité solaire.

Or certaines de ces entreprises ne bénéficient pas des tarifs de rachat. C’est le cas d’Enercoop, qui vend directement à des acheteurs.

Cette disposition serait peu coûteuse car très peu d’entreprises sont concernées. Pourtant il s’agit d’une voie d’avenir. Les producteurs d’énergie solaire qui vendent directement aux acheteurs ne doivent pas être pénalisés par rapport à l’ensemble des entreprises. Nous comprenons très bien que vous souhaitiez éviter le cumul des deux avantages, mais je parle bien d’entreprises qui ne bénéficient pas des tarifs de rachat sur une part de leur activité.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Cet amendement a été repoussé par la commission. Vous voudriez, madame, que les entreprises de production d’énergie solaire puissent bénéficier, en plus du prix de rachat de l’électricité, du dispositif Madelin. Je rappelle que le prix de rachat de l’électricité représente une somme de 8,4 milliards d’euros, dont 35 % sont affectés à la filière photovoltaïque. Avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Le Gouvernement est sensible à l’argumentation développée par Mme Sas. La réponse que je m’apprêtais à faire était proche de celle de Mme la rapporteure générale : elle consistait à rappeler que le dispositif Madelin a pour objectif de tenir compte du risque lié à l’investissement, et que l’existence du tarif de rachat gommait ce risque. Mais il est vrai que quelques sociétés ne font pas appel à la garantie qu’offre le tarif de rachat car elles distribuent à leurs propres abonnés.

Je préférerais que nous procédions à un réexamen de ce dispositif en seconde lecture afin que je puisse en appréhender parfaitement la portée. Il me semble d’ailleurs que nous l’avions déjà intégré dans un article relatif aux préfinancements, si mes souvenirs sont exacts.

Je ne peux accepter cet amendement sans un examen plus approfondi. Je vous propose donc de le retirer et de le présenter à nouveau. Je vous ferai alors part de ma position, mais à ce stade, compte tenu de l’absence d’estimation, même si elle semble modeste, je préfère ne pas prendre de risque.

Mme la présidente. La parole est à Mme Eva Sas.

Mme Eva Sas. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État, d’avoir écouté attentivement mon explication. Je le répète, il s’agit d’entreprises qui ne bénéficient pas des tarifs de rachat parce qu’elles vendent directement à des acheteurs.

Je comprends toutefois qu’une évaluation et une étude d’impact seraient nécessaires. À ce stade, j’accepte donc de retirer cet amendement, mais j’aimerais vraiment que l’on étudie cette possibilité, car il n’y a aucune raison valable pour que ces investisseurs dans l’électricité photovoltaïque ne bénéficient pas de l’avantage Madelin.

(L’amendement n540 est retiré.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jérôme Chartier, pour soutenir l’amendement n387.

M. Jérôme Chartier. Ce dispositif doit encourager le développement de l’investissement dans le capital des PME, notamment par augmentation de capital. Chacun peut observer qu’aujourd’hui, les petites et moyennes entreprises ont des difficultés à s’autofinancer. Le dispositif proposé par cet amendement vise non seulement à augmenter la possibilité d’investir dans les PME, mais encore à favoriser des investissements durables. Il s’agit pour cela d’augmenter la durée minimale de détention requise pour bénéficier du dispositif adapté. Mes collègues et moi proposons une durée de sept ans, afin que cet investissement s’inscrive dans un projet à moyen terme et permette à l’entreprise de croître.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Avis défavorable.

Monsieur Chartier, j’attends encore que vous nous présentiez un amendement proposant des économies sur la dépense publique !

M. Yann Galut. Vous pouvez toujours rêver : M. Chartier est le spécialiste de la dépense !

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Avec cet amendement, vous proposez de doubler tous les plafonds du dispositif Madelin. Dans l’absolu, cela pourrait être intéressant, mais cela augmenterait les dépenses fiscales. Si vous nous présentez un amendement proposant une réduction des dépenses fiscales, nous serons peut-être plus coopératifs. En attendant, la commission est défavorable à cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Même avis.

Mme la présidente. La parole est à M. Jérôme Chartier.

M. Yann Galut. On va voir si M. Chartier est capable de proposer des économies !

M. Jérôme Chartier. Monsieur le secrétaire d’État, vous avez tout à l’heure parlé de « mauvaise foi » à propos de certains de mes collègues. Ces mêmes collègues vous ont beaucoup observé pendant les cinq années de la législature précédente, lorsque vous étiez dans l’opposition. Vous faisiez alors preuve d’une telle mauvaise foi qu’au fond, c’est peut-être vous qui leur avez servi de modèle en la matière ! Pour ma part, j’ai pris mon inspiration quelques années auparavant.

Mais cet amendement ne relève pas de la mauvaise foi ; il vise à favoriser l’investissement, et donc la croissance. Chacun conviendra que s’il y a des mauvaises dépenses fiscales, il en y a aussi de bonnes.

Mme Valérie Rabault. La même chose est vraie des dépenses budgétaires.

M. Jérôme Chartier. Je vous proposerai, un peu plus tard au cours de nos débats, de supprimer certaines dépenses fiscales. Nous verrons, alors, si vous serez au rendez-vous ! C’est drôle : j’ai comme le sentiment que vous ne le serez pas, et que vous trouverez encore un argument sorti de je ne sais où pour expliquer que la dépense fiscale en question ne peut être réduite.

Il est vrai que nous avons nos marottes. Si nous avions toute latitude pour modifier ce budget à notre guise, alors nous réaliserions les économies nécessaires pour compenser les bonnes dépenses fiscales et pour financer la croissance de la France. Par exemple, nous augmenterions le temps de travail, et ainsi les ressources de l’État. Autre exemple : nous augmenterions le temps de travail des fonctionnaires, et par conséquent nous n’aurions pas besoin de tous ces postes supplémentaires.

Autre exemple : nous arrêterions l’hémorragie de dépenses dans l’éducation nationale. Pour cela, nous n’accepterions pas d’embaucher plus de fonctionnaires dans l’éducation ; étant donné que l’engagement du candidat François Hollande était de « créer en cinq ans 60 000 postes supplémentaires dans l’éducation », et que 22 000 personnes ont déjà été recrutées, cela représenterait une économie de 38 000 postes. Cette économie financerait très largement ce dispositif favorisant l’investissement dans les PME ; elle permettrait même, par surcroît, de financer la réduction d’impôt pour l’adhésion à une association de consommateurs. Cette réduction d’impôt était plafonnée à 100 euros : reconnaissez qu’elle n’aurait pas coûté très cher.

(L’amendement n387 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n621 qui fait l’objet d’un sous-amendement n861 du Gouvernement.

La parole est à M. Christophe Castaner, pour soutenir l’amendement.

M. Christophe Castaner. Cet amendement vise à soutenir l’économie sociale et solidaire : il devrait donc faire l’unanimité. Vous savez que, depuis la loi de finances pour 2013, les titres d’entreprises solidaires ouvrant droit à des dispositifs fiscaux plus favorables peuvent être détenus cinq ans au lieu de dix ans. Étant donné que ces titres ne rémunèrent pas la part de capital correspondante, un délai de dix ans paraissait trop long.

Des entreprises peu scrupuleuses auraient pu tenter d’obtenir l’agrément « entreprise solidaire » pour bénéficier de ce dispositif. Pour éviter ce mauvais effet d’aubaine, nous avions réservé son application aux entreprises agréées avant le 31 décembre 2012. Or la loi sur l’économie sociale et solidaire, que nous avons adoptée en juillet dernier, a fortement durci les conditions d’obtention de cet agrément. Ainsi, les entreprises nouvellement agréées, de même que celles qui auraient besoin de renouveler leur agrément, se retrouvent exclues du dispositif.

Cet amendement, ainsi que le sous-amendement, propose que les entreprises agréées dans le cadre défini par la loi de juillet dernier puissent, à l’avenir, bénéficier de ce dispositif.

Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure générale, pour soutenir le sous-amendement n861.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. M. Castaner a très bien expliqué le problème que posait son amendement. Ce sous-amendement vise à le corriger. La commission est donc favorable à l’amendement de M. Castaner, une fois qu’il aura été sous-amendé.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je trouve que cet amendement et ce sous-amendement vont bien ensemble. Je souhaite que le sous-amendement de Mme la rapporteure générale soit adopté, auquel cas je serai également favorable à l’amendement de M. Castaner.

(Le sous-amendement n861 est adopté.)

(L’amendement n621, sous-amendé, est adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas Sansu, pour soutenir l’amendement n705.

M. Nicolas Sansu. Je le retire.

(L’amendement n705 est retiré.)

Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements, nos 429, 18 et 541, pouvant être soumis à une discussion commune.

Les amendements nos 429 et 18 sont identiques.

La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l’amendement n429.

Mme Marie-Christine Dalloz. Il s’agit du crédit d’impôt consacré aux personnes qui ont besoin d’une aide à domicile. Il y a une inégalité de traitement entre les salariés – et, éventuellement, les demandeurs d’emploi – qui bénéficient de la réduction d’impôt, et les retraités. On distingue ceux qui sont imposables et ceux qui ne le sont pas : les premiers bénéficient d’un abattement fiscal, les seconds d’un crédit d’impôt.

En réalité les personnes âgées non imposables ont autant besoin que les autres d’aide à domicile pour accomplir différentes tâches, notamment quand elles sont dépendantes. Il convient donc de rectifier l’article 199 sexdecies du code général des impôts.

Mme la présidente. La parole est à M. Gilles Lurton, pour soutenir l’amendement n18.

M. Gilles Lurton. Il est défendu.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements identiques ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Vous avez raison de rappeler, madame la députée, qu’il faut distinguer les réductions d’impôt et les crédits d’impôt. Vous avez notamment mentionné les réductions applicables aux retraités. Je me permets toutefois de rappeler que les particuliers employeurs de plus de soixante-dix ans bénéficient d’une exonération totale de cotisations sociales pour un emploi à domicile. Il faut prendre en compte cet aspect pour considérer cette question dans sa globalité. En tout état de cause, l’avis de la commission est défavorable.

Mme la présidente. La parole est à Mme Eva Sas, pour soutenir l’amendement n541.

Mme Eva Sas. Je sais que ce débat a déjà eu lieu, mais il reviendra encore souvent : comment expliquer à nos électeurs qu’un salarié bénéficie d’un crédit d’impôt, alors qu’un retraité bénéficie d’une réduction d’impôt ? Quand on n’a pas d’argument pour répondre à ses électeurs, en circonscription, on est bien obligé de déposer un amendement et de le défendre en séance pour montrer qu’il y a là un problème de fond.

Je comprends bien la situation de nos finances publiques, mais je continue à penser que cette différence de traitement entre retraités et salariés n’est pas justifiée. C’est pourquoi j’ai déposé un amendement de repli, n530, qui ne concernerait que les retraités aidants ; en effet, le problème se pose surtout pour des personnes retraitées qui ont des personnes dépendantes à charge. Ces personnes ont vraiment besoin d’aide à domicile : elles trouvent particulièrement injuste de ne pas bénéficier du crédit d’impôt du seul fait qu’elles sont retraitées, alors même qu’elles ont une personne dépendante à charge. Elles ont pourtant plus besoin que d’autres d’aide à domicile !

Nous pourrons peut-être, à l’occasion de l’examen de l’amendement n530, faire progresser la situation de ces personnes. On sait qu’en France, la prise en charge des personnes dépendantes pose de vraies difficultés. Les familles, les couples, se retrouvent parfois dans des situations personnelles très difficiles. Ne pas leur accorder les mêmes avantages fiscaux qu’aux simples salariés constitue un signal très négatif. Nous devrions mieux prendre en compte les aidants qui ont une personne dépendante à charge.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. La commission est défavorable à l’amendement n541, pour les mêmes raisons que tout à l’heure. Pour ce qui est de l’amendement n530, je vous rappelle, madame Sas, qu’un travail est engagé dans le cadre du Comité d’évaluation et de contrôle de l’Assemblée nationale. Le CEC doit rendre ses conclusions prochainement ; je ne peux pas vous donner la date exacte. Je vous propose d’attendre les résultats de cette analyse pour avoir une vision globale de la situation des aidants. Comme vous l’avez rappelé, cette situation pose un certain nombre de questions. Je vous demande donc dès à présent de retirer cet amendement, faute de quoi la commission y sera défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État pour donner l’avis du Gouvernement sur les amendements identiques nos 429 et 18 et sur l’amendement n541 de Mme Sas.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Ces amendements me paraissent sympathiques – pardonnez l’expression : elle n’est pas du tout méprisante, au contraire. Comme l’a dit Mme Sas, il est difficile d’expliquer pourquoi ceux qui ne payent pas d’impôts ne profitent pas de la réduction d’impôt.

Madame la députée, je pourrais me retrancher derrière la réponse habituelle, qui consiste à rappeler que les personnes non imposables bénéficient par ailleurs d’autres aides – gérées par les conseils généraux, comme l’APA, ou par des caisses de retraites – et d’autres dispositifs à caractère social. Elles bénéficient encore d’autres dispositifs à caractère social. Mais il me semble que cela reste un peu court.

J’ai examiné cette question : le principal point de blocage, c’est le coût. Si on les prenait en l’état, ces dispositifs pèseraient pas loin d’un milliard d’euros.

Tant que nous n’aurons pas examiné quels emplois à domicile devraient être éligibles, nous continuerons à avoir ce type de débat. En effet, si l’on prenait en compte l’ensemble des emplois à domicile, la dépense fiscale serait considérable – sans compter la dépense sociale, car il y a des exonérations de cotisations. Il s’agit de trois ou quatre milliards d’euros, voire plus, si ma mémoire est bonne, car je vous donne ces chiffres sans avoir les données précises. Nous ne pouvons pas continuer ainsi.

Tout le monde dit, en ce moment, que l’emploi à domicile diminue.

Mme Marie-Christine Dalloz. Oui, et c’est une véritable catastrophe !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. De nombreuses raisons sont invoquées à l’appui de cette affirmation : on pourrait en discuter toute la nuit.

Un certain nombre d’éléments, de pistes de réflexions ont été évoqués. Pour ma part, afin de progresser dans une idée de justice, je propose de distinguer les prestations qui sont subies de celles qui sont choisies. Un certain nombre de prestations à domicile, notamment des prestations de soins, sont rendues nécessaires par la vieillesse ou le handicap des personnes concernées. Certaines difficultés de la vie, également, peuvent les rendre nécessaires. De la même manière, la garde d’enfants est indispensable car elle permet aux femmes – et aux hommes aussi bien – de travailler.

D’autres prestations relèvent moins de la sphère de la nécessité, et plus de celle du libre choix. Elles sont parfois pointées par des rapports divers et variés. Il peut s’agir de leçons particulières – même si parfois, elles ne sont pas vraiment choisies.

Je sais qu’il existe un débat sur l’aide à domicile, les cours particuliers ou le soutien scolaire – la nuance étant d’ailleurs difficile à définir. Je le sais d’autant mieux que j’ai enseigné pendant des années et donné des cours particuliers quand j’étais étudiant. Des entreprises travaillent également sur ces questions.

Nous avions à l’époque travaillé avec une députée du groupe UMP – le président Carrez s’en souvient peut-être – sur des propositions visant à établir une distinction entre ce qui est subi, et peut dès lors être éligible à un crédit d’impôt, et ce qui relève d’un libre choix et n’a pas de raison de faire l’objet d’une aide fiscale. Cela peut être une porte de sortie car transformer en crédit d’impôt l’ensemble des prestations de service à domicile, très honnêtement, nous n’en avons pas les moyens, c’est hors de portée.

Je crois qu’un amendement quelque peu coûteux, adopté à l’unanimité en commission des affaires sociales…

M. Dominique Lefebvre. Et en commission des finances !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. … et même en commission des finances, apprends-je, nous donnera l’occasion de revenir sur ce sujet qui passionne, dans le cadre du projet de loi de financement de la Sécurité sociale.

Pour l’heure, compte tenu du coût de l’amendement – même si j’en perçois le bien-fondé –, telles sont les réponses que je peux vous apporter. Je vous propose un retrait, sans quoi j’émettrai un avis défavorable.

(Les amendements identiques nos 429 et 18 ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Madame Sas, retirez-vous l’amendement n541 ?

Mme Eva Sas. Oui.

(L’amendement n541 est retiré.)

Mme la présidente. L’amendement n530 a déjà été défendu.

(L’amendement n530, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l’amendement n26.

Mme Marie-Christine Dalloz. Défendu.

(L’amendement n26, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Eva Sas, pour soutenir l’amendement n529.

Mme Eva Sas. Cet amendement vise à étendre la déductibilité des dons de personnes physiques, qui aujourd’hui s’applique à des organismes d’intérêt général ayant un caractère philanthropique, éducatif, scientifique, culturel ou concourant à la diffusion de la culture, de la langue ou des connaissances scientifiques françaises.

Un certain nombre d’associations ne peuvent pas tirer profit de cette déductibilité des dons, notamment les associations d’information générale ou publique. Certaines d’entre elles jouent un rôle d’information du public utile pour le débat public et enrichissent ainsi la démocratie française. La justice leur a jusqu’à présent plutôt donné raison, mais il serait bon de stabiliser le droit dans le sens d’une extension à ces associations du droit à la déductibilité des dons.

Cet amendement vise à préciser un article de la loi qui est pour l’instant plutôt interprété dans leur sens, mais il serait sain de sécuriser cette déductibilité car, pour l’heure, elles y sont éligibles au titre de leur action culturelle, ce qui n’est pas exactement leur objet.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Avis défavorable. Le coût de l’ensemble de la dépense fiscale pour la déductibilité en faveur des associations s’élève à 1,3 milliard d’euros. De plus, en l’état actuel de la rédaction de l’amendement, la notion d’information non commerciale nous paraît trop imprécise.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. J’ai la même analyse. Je ne pense pas que la formulation de l’amendement soit suffisamment précise. Je vous invite, madame la députée, à recommander l’utilisation du rescrit fiscal.

M. Régis Juanico. Très bien !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Il serait utile que les associations prennent contact avec les services fiscaux pour leur demander si l’article 238 bis du code général des impôts peut leur être applicable. Je suis prêt à donner des instructions pour que les services rendent des avis, car je sais qu’ils ont parfois quelques difficultés à le faire.

M. Régis Juanico. Très bien !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Ils ne sont pas pressés car les rescrits les engagent, comme ils engagent bien sûr l’ensemble de l’administration. Telle est la solution que je peux vous proposer. Elle évitera les contentieux et pourra nous conduire le cas échéant, après un travail plus fin, à envisager une évolution législative en cas de besoin.

Si vous en êtes d’accord, vous pourriez retirer votre amendement. À défaut, avis défavorable.

(L’amendement n529 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 237 et 801.

La parole est à M. Dominique Lefebvre, pour soutenir l’amendement n237 de la commission en même temps que son amendement n801.

M. Dominique Lefebvre. Nous revenons sur un sujet qui a déjà été abordé. Nous devons veiller à ce que les couples ne tirent pas profit d’un double avantage fiscal. Après concertation des collaborateurs du secrétaire d’État, il appert que la rédaction de l’amendement pose un problème, notamment en cas d’indivision. Je vous propose de retirer ces amendements. Nous proposerons une rédaction modifiée dans le cadre de l’examen de la deuxième partie du PLF, une fois réglé le dernier problème juridique posé pour éviter un cumul d’avantage, qui n’est pas l’objectif de l’amendement.

(L’ amendement n237 est retiré.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure générale.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. La commission avait émis un avis favorable, mais nous avons été alertés sur un problème de rédaction. En effet, il vaut mieux le revoir en deuxième partie.

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je confirme que le Gouvernement est d’accord sur l’objectif poursuivi par les auteurs de l’amendement. Nous avons en effet soulevé ces deux problèmes techniques, qui pourront être réglés pendant la navette ou en deuxième partie. Sur le principe, j’indique d’ores et déjà que le Gouvernement y sera favorable.

Mme la présidente. L’amendement identique n801 a également été retiré par M. Lefebvre.

(L’amendement n801 est retiré.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Eva Sas, pour soutenir l’amendement n576.

Mme Eva Sas. Cet amendement est extrêmement important pour le groupe écologiste car il vise à traduire dans le projet de loi de finances une mesure prévue par le projet de loi relatif à la transition énergétique : le chèque énergie. Il a été fait grand cas de ce dispositif qui permet aux ménages les plus modestes de payer leur facture énergétique.

Or, force est de constater que cette mesure n’est pas inscrite dans le projet de loi de finances. Dans un premier temps, cela nous a étonnés car ce n’est qu’une question de mise en cohérence avec la loi relative à la transition énergétique, qui vient d’être votée. Il est important que cette loi décisive ne reste pas lettre morte ; il convient de mettre en place les mesures permettant de concrétiser cette transition énergétique, que nous avons ensemble appelée de nos vœux.

Cet amendement vise donc à instaurer le chèque énergie, qui avait été très précisément prévu par la loi relative à la transition énergétique, pour faire reculer la précarité énergétique et permettre aux ménages aux revenus les plus modestes de payer leurs factures d’énergie. Cela me paraît extrêmement nécessaire, d’autant que nous avons augmenté la fiscalité énergétique. C’est donc également une mesure de compensation nécessaire.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Avis défavorable. Le chèque énergie est effectivement prévu par l’article 60 de la loi relative à la transition énergétique, mais elle vient d’être adoptée en première lecture et la navette parlementaire n’est pas terminée. Par ailleurs, vous proposez un chèque énergie sous la forme d’un crédit d’impôt sur le revenu, quand l’article 60 prévoit un titre de paiement. Cette petite subtilité n’a pas encore été expertisée, tout simplement parce que la navette n’est pas finie. Avis défavorable pour ces deux raisons.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. L’avis de la rapporteure générale est tout à fait pertinent et le Gouvernement y souscrit ; attendons que le texte soit définitivement adopté. De plus, les modalités que vous introduisez dans votre amendement pourraient subir un mauvais sort, puisque vous ne définissez ni le montant, ni les critères. Certes, vous prévoyez qu’un décret apporte ces précisions, mais votre rédaction est quand même trop vague. Je pense que l’incompétence négative pourrait être soulevée par le juge constitutionnel. Compte tenu du fait que la loi n’est pas encore votée et au vu des éléments évoqués par Mme la rapporteure générale, je vous propose de retirer cet amendement, faute de quoi j’en demanderai le rejet.

Mme la présidente. La parole est à Mme Eva Sas.

Mme Eva Sas. Je vais dans une certaine mesure satisfaire votre demande, car nous vous proposerons en deuxième partie ce chèque énergie sous forme de titre de paiement. C’est un sujet extrêmement important pour nous. Le fait que la loi n’est pas définitivement votée ne me paraît pas un argument recevable : par exemple, le crédit d’impôt développement durable, devenu crédit d’impôt pour la transition énergétique, est déjà inscrit dans le projet de loi de finances.

Je m’inquiète de la non-inscription du chèque énergie dès le projet de loi de finances pour 2015 et je crains que nous ne disposions pas des moyens adéquats. Je vais donc maintenir cet amendement, et nous discuterons à nouveau de cette question en deuxième partie, à l’occasion de l’examen de notre amendement visant à instaurer ce dispositif sous forme de titre de paiement.

Je comprends qu’il n’est pas pertinent de proposer une telle mesure par voie d’amendement ; nous aurions préféré qu’elle figure dans le texte initial et nous avons été particulièrement surpris de son absence. Nous souhaiterions vraiment qu’elle y figure, quitte à en définir des modalités progressives ou à proposer une mise en place ultérieure.

(L’amendement n576 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Eva Sas, pour soutenir l’amendement n542 rectifié.

Mme Eva Sas. Cet amendement vise essentiellement à faire comprendre à tous nos concitoyens que la fiscalité écologique n’est pas une écologie punitive. Telle que nous l’avons conçue dès le début, la fiscalité écologique – notamment la contribution climat énergie et la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques diesel – devait être compensée. Il s’agit d’inciter les gens, non de produire des rendements.

Le présent amendement propose de compenser la fiscalité écologique, de façon à ce qu’elle soit neutre en moyenne pour les ménages, tout en avantageant les comportements vertueux et en désavantageant les plus polluants. Tel est le sens de toutes les mesures que nous avons proposées depuis le début. La fiscalité écologique a été de fait mise en place selon une logique de rendement. Par cet amendement, nous voulons expliquer que telle n’était pas notre intention initiale : nous avons toujours pensé la fiscalité écologique comme compensée.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Avis défavorable. Il existe d’ores et déjà beaucoup de dispositifs : la TVA à 5,5 % pour les travaux, le crédit d’impôt pour la transition énergétique – CITE –, les aides à l’acquisition de voitures propres, qui s’élèvent quand même à 10 000 euros par véhicule. C’est pourquoi la commission a émis un avis défavorable.

(L’amendement n542 rectifié, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

4

Ordre du jour de la prochaine séance

Mme la présidente. Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

Suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2015.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures.)

La Directrice du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Catherine Joly