SOMMAIRE
Présidence de M. Christophe Sirugue
1. Projet de loi de finances pour 2015
Amendement no 684
M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget
Amendements nos 561 , 764 , 674 , 555 , 578 , 55 , 7 , 715 , 519 , 572 , 777 , 701
Amendements nos 695 , 521 , 522 , 159 , 348 , 573 , 697 , 48 rectifié , 771 , 773 , 433 rectifié , 30 , 432 , 599 rectifié , 473 , 472 , 696 , 557 rectifié , 548 , 653 , 80
M. François Pupponi, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques
Amendements nos 587 , 586 , 588 , 667 , 391 , 508 , 812
Suspension et reprise de la séance
Amendements nos 238 , 710 , 744 , 742 , 745 , 682
M. Christian Eckert, secrétaire d’État
Amendements nos 190, 595, 565, 556, 694, 579
Suspension et reprise de la séance
M. le président. La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à neuf heures trente.)
M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de
finances pour 2015 (nos 2234, 2260).
Hier soir,
l’Assemblée a poursuivi l’examen des articles, s’arrêtant à l’amendement
no684 portant article additionnel après l’article
6.
M. le président. La parole est à M. Stéphane Claireaux, pour soutenir l’amendement no 684.
M. Stéphane Claireaux. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État chargé
du budget, madame la rapporteure générale de la commission des
finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, mes
chers collègues, cet amendement vise non seulement à lutter
contre l’inégalité salariale entre hommes et femmes, mais aussi
à contribuer au rétablissement des comptes publics de
l’État.
Les entreprises bénéficiant d’une réduction de leurs
charges grâce au crédit impôt compétitivité emploi, il est
essentiel que cette faveur les incite également à prendre leurs
responsabilités en matière d’égalité salariale. La compétitivité
et la croissance qu’induit le crédit d’impôt doit bénéficier à
tous les salariés, hommes et femmes.
Selon les données
publiées par le ministère du travail en 2009, les femmes
touchent 24 % de moins que les hommes en moyenne pour des tâches
ou fonctions similaires. Cet amendement vise à inciter les
employeurs à respecter les égalités salariales entre les hommes
et les femmes. Ce processus ne sera malheureusement pas
immédiat. Aussi apparaît-il cohérent de demander aux entreprises
qui ne respectent pas cette égalité, qui cotisent donc moins
pour l’assurance vieillesse, de verser une indemnité
correspondant à ce manque à gagner au budget général de
l’État.
M. le président. La parole est à Mme Valérie Rabault, rapporteure générale de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, pour donner l’avis de la commission sur l’amendement no 684.
Mme Valérie Rabault, rapporteure générale de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Cet amendement a été repoussé par la commission.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé du budget, pour donner l’avis du Gouvernement.
M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget. Le code du travail et le code pénal prévoient déjà le
principe et les atteintes au principe de l’égalité de
rémunération et, plus globalement, toutes les discriminations
fondées sur le sexe. La fiscalité n’est pas le moyen que le
Gouvernement souhaite utiliser pour atteindre l’objectif que
vous recherchez et que nous partageons.
Je vous suggère
donc, monsieur amendement Claireaux, de retirer votre
amendement. À défaut, je demanderai à l’Assemblée de le
rejeter.
M. le président. La parole est à M. Stéphane Claireaux.
M. Stéphane Claireaux. Je maintiens cet amendement déposé à l’initiative de mon collègue Carpentier.
(L’amendement no 684 n’est pas adopté.)
M. le président. La parole est à M. Éric Alauzet, pour soutenir l’amendement no 561.
M. Éric Alauzet. Il est défendu.
(L’amendement no 561, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)
M. le président. La parole est à M. Pouria Amirshahi, pour soutenir l’amendement no 764.
M. Pouria Amirshahi. En 2012, le premier projet de loi de finances rectificative
soumis au Parlement par le gouvernement Ayrault avait instauré
une contribution additionnelle soumise à l’impôt sur les
sociétés, appelée la taxe sur les dividendes.
Cette taxe
avait pour vertu, d’une part, de faire contribuer le capital au
redressement du pays – c’était et cela reste la feuille de route
de cette majorité parlementaire – et, d’autre part, de présenter
un rendement intéressant, évalué en année pleine à 1,6 milliard
d’euros. Les petites et moyennes entreprises ainsi que les très
petites entreprises avaient été exclues du dispositif, afin de
cibler intelligemment les contributions demandées aux bénéfices
des entreprises.
En 2013, nous avions envisagé de porter
cette taxe à 5 % pour financer le régime des retraites, mais une
autre voie avait été choisie par l’exécutif. Le Gouvernement a
en effet préféré baisser le coût du travail et instaurer le
crédit impôt compétitivité emploi plutôt que de faire davantage
participer les hauts revenus et dividendes au redressement du
pays.
Par la suite, les objectifs recherchés par le CICE
n’ont évidemment pas été atteints ; le contexte social et
économique a généré une déception d’autant plus grande qu’en
2012, année d’instauration de la taxe, le volume des dividendes
versés par les entreprises du CAC40 a progressé de 5 %.
A
l’été 2014, une étude du gestionnaire d’actifs Henderson Global
Investors, dont il a déjà été question dans cet hémicycle, a
montré que la hausse des dividendes atteignait 30 % sur un an,
plaçant la France au troisième rang des pays européens les plus
gourmands en la matière.
Si, comme il est proposé dans cet
amendement, nous doublions la taxe sur les dividendes, en la
faisant passer de 3 % à 6 %, nous doublerions également son
rendement, qui atteindrait alors 3,2 milliards d’euros, au
moment où les collectivités locales sont menacées par les
propositions de gel ou de baisse des dotations faites par le
Gouvernement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. La taxe rapporte aujourd’hui 1,8 milliard d’euros, un montant relativement important par rapport aux impôts existants. Pour cette raison, la commission a rejeté l’amendement no 764.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Même avis que la commission.
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Germain.
M. Jean-Marc Germain. En France, comme dans les autres pays européens, un soutien à
la demande – investissements publics locaux, pouvoir d’achat des
ménages, emplois aidés – est nécessaire. Il faut pour cela
dégager des moyens financiers sans dégrader les déficits. Or la
taxe sur les dividendes permet bien de cibler les moyens sur les
entreprises qui en ont le plus besoin.
Dans les deux ans à
venir, il est prévu que l’impôt sur les sociétés baisse de 5
milliards d’euros. Ces diminutions devraient à tout le moins
être réservées aux entreprises qui redistribuent plus de 70, 80
ou 90 % de leurs bénéfices, qui investissent et donc créent des
emplois.
(L’amendement no 764 n’est pas adopté.)
M. le président. La parole est à M. Nicolas Sansu, pour soutenir l’amendement no 674.
M. Nicolas Sansu. M. le secrétaire d’État va trouver cet amendement intelligent
puisqu’il l’avait lui-même déposé en son temps. Il s’agit de
rendre la taxe de risque systémique non déductible de l’impôt
sur les sociétés, afin d’en améliorer le rendement. Instaurée
par la loi de finances pour 2011, cette taxe avait pour objectif
de prévenir le risque systémique en renchérissant la prise de
risque des établissements de crédit. Son produit était censé
assurer une contribution de ces établissements au financement
des aides que l’État pouvait être amené à leur accorder en vue
d’écarter le risque systémique.
Or le rendement de cette
taxe, aujourd’hui bien trop faible, – environ 1 milliard d’euros
par an – est largement insuffisant pour contenir une crise
bancaire d’importance, notamment au regard des mastodontes
financiers actifs en France : en effet, le bilan cumulé des
trois principaux acteurs dépasse largement notre PIB. De
nombreuses années seraient donc nécessaires pour collecter
l’équivalent des aides financières accordées aux banques
françaises en 2008 et 2009.
De plus, la déductibilité de
cette taxe constitue une aubaine pour les grandes banques
commerciales privées – BNP Paribas, Société générale, Crédit
agricole.
L’amendement vise donc à rendre non déductible à
l’impôt sur les sociétés les montants versés au titre de cette
taxe et à améliorer le rendement net de celle-ci avec un impôt
positif sur nos finances publiques.
Certes, cette taxe, dont
le taux a été doublé il y a peu, a le mérite d’exister. Mais il
est encore temps d’aller plus loin et de faire contribuer
davantage les banques, compte tenu des risques qu’elles font
peser et des bénéfices qu’elles dégagent. En attendant
l’instauration d’un mécanisme européen, actuellement à l’étude,
nous pourrions au moins faire ce geste.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. La France est la première à avoir instauré cette taxe. L’Europe compte faire de même prochainement. Pour ces raisons, la commission a repoussé l’amendement no 674.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Nous avons en effet doublé la taxe de risque systémique, qui
rapporte environ 1 milliard d’euros, et à laquelle le Fonds de
régulation unique – FRU – doit se substituer.
Il n’y a donc
pas lieu de modifier ce dispositif : le Gouvernement est
défavorable à cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Nicolas Sansu.
M. Nicolas Sansu. Nous aurions pu, au moins, introduire cette non- déductibilité en attendant le mécanisme européen, pour récupérer quelques subsides. Il est vraiment dommageable que cela ne puisse pas être daté et arrêté lorsque le mécanisme européen se mettra en place.
(L’amendement no 674 n’est pas adopté.)
M. le président. La parole est à M. Éric Alauzet, pour soutenir l’amendement no 555.
M. Éric Alauzet. Nous avons évoqué hier la réintégration des bénéfices
réalisés dans des pays à fiscalité privilégiée. Nous restons sur
le même principe, concernant les prix de transfert, celui d’un
alignement des régimes de déductibilité des charges des États à
fiscalité privilégiée sur ceux des États non coopératifs.
L’assiette fiscale des entreprises est répartie indépendamment
de la géographie opérationnelle grâce à des transactions
intragroupe, notamment à travers des fonctions immatérielles –
licence, marque. Ces transactions internes aux entreprises
pèsent aujourd’hui plus de la moitié du commerce
international.
Il est donc nécessaire de limiter, autant que
possible, les espaces qui, dans la loi, permettent à ces
entreprises de faire de l’optimisation fiscale. D’ailleurs,
l’article 238 A du code général des impôts encadre strictement
la déductibilité de certaines charges lorsqu’elles sont dues par
une personne physique ou morale domiciliée en France à des
personnes morales ou physiques établies dans un territoire avec
une fiscalité plus favorable aux entreprises, États non
coopératifs mais aussi pays à fiscalité privilégiée.
Cet
amendement vise donc à faire en sorte que la déductibilité des
sommes versées à des entreprises situées dans un pays où la
fiscalité est moindre réponde aux mêmes critères. Ainsi, nous
souhaitons aligner le régime de déductibilité des charges des
États à fiscalité privilégiée sur celui, plus strict, des États
non coopératifs.
Notre pays est mûr ; l’Union européenne
l’est aussi. Nos concitoyens, compte tenu des efforts qui leur
sont demandés, sont avides de justice fiscale.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. La commission est embarrassée par cet amendement, qui émane d’une proposition du rapport Woerth-Muet…
M. Jean-Marc Germain. De l’excellent rapport…
Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. …de l’excellent rapport Woerth Muet, en effet, et qui tend à
la traduire dans le principe législatif.
La rédaction
proposée pose toutefois certaines difficultés au regard du droit
de l’Union européenne. C’est pourquoi la commission a émis un
avis défavorable à cet amendement.
Cela dit, il faudrait que
la commission se saisisse de la suite à donner à l’excellent
rapport Woerth-Muet.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Nous avons déjà eu un débat similaire hier. Certes, la France
est à la pointe de la lutte contre la fraude fiscale et veut
encourager ce mouvement qui est en train de s’étendre. Les
progrès sont importants, comme je l’ai souligné lors du dernier
sommet en Australie et comme je le dirai encore, mais en l’état,
comme l’a indiqué la rapporteure générale, cet amendement n’est
pas conforme au droit européen et il nous mettrait en
infraction.
Je comprends la volonté d’être en avance, mais
je crois l’avoir expliqué hier, nous verrons dans les prochains
mois que le droit européen est en train d’évoluer très
sensiblement dans la direction que vous souhaitez, la même
d’ailleurs que celle voulue par le Gouvernement.
Je vous
propose donc de retirer cet amendement qui nous mettrait dans
une situation difficile compte tenu des négociations que nous
conduisons avec nos partenaires de l’Union européenne. À défaut,
je demanderai à l’Assemblée de le repousser.
M. le président. La parole est à M. Éric Alauzet.
M. Éric Alauzet. Je maintiens l’amendement, même si j’entends bien vos arguments, monsieur le secrétaire d’État. Nous devons en effet rester l’arme au pied et mener une guérilla contre ces pratiques. Il nous faut donner un signal, malgré les difficultés juridiques que vous évoquez.
(L’amendement no 555 n’est pas adopté.)
M. le président. La parole est à M. Éric Alauzet, pour soutenir l’amendement no 578.
M. Éric Alauzet. Cet amendement vise à lutter contre le gaspillage
alimentaire, en incitant les acteurs de la chaîne de production
à donner leurs produits au lieu de les jeter. Il s’agit
principalement d’invendus et de surplus liés aux changements de
gamme, de packaging ou de recette par les entreprises de
production, de transports ou de vente en magasin.
Les dons
aux associations de type Banque alimentaire permettent de lutter
contre le gaspillage des produits et s’inscrivent dans une
démarche de solidarité. Le code général des impôts prévoit déjà
une défiscalisation à hauteur de 60 %. Cet amendement vise à
rendre le dispositif plus attractif. Aujourd’hui, 30 % des
aliments produits sont jetés. Il est proposé d’étendre
l’avantage fiscal à hauteur de 100 %.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Tel qu’il est écrit, une grande surface dont je tairai le nom n’aurait plus du tout besoin de faire de ventes : les dons seraient à 100 % déductibles de ses impôts ! Cela nous paraît excessif. Je rappelle qu’aujourd’hui les dons sont encadrés, dans la limite d’une défiscalisation de 60 % et de 5 % du chiffre d’affaires. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Monsieur le député, nous sommes évidemment favorables à la lutte contre le gaspillage des denrées alimentaires. Le taux de 60 % est légitime. Mais le porter à 100 % reviendrait à subventionner l’association, sur un montant qu’elle-même déciderait et à un prix que l’entreprise déciderait. Ce n’est pas cohérent. Nous sommes allés très loin dans les dispositifs en faveur du mécénat et il n’y a vraiment pas lieu d’adopter cet amendement : à ce niveau, il n’a plus de sens. Si vous ne le retiriez pas, j’appellerais l’Assemblée à le repousser.
M. le président. La parole est à M. Éric Alauzet.
M. Éric Alauzet. Cet amendement émane de ma collègue Brigitte Allain. Je vais le retirer.
(L’amendement no 578 est retiré.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l’amendement no 55.
Mme Marie-Christine Dalloz. Il est défendu.
(L’amendement no 55, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l’amendement no 7.
Mme Marie-Christine Dalloz. Il est défendu.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. La disposition proposée fait actuellement l’objet de travaux de réflexion. À l’initiative d’un certain nombre de parlementaires, j’ai proposé de travailler sur ce sujet. Les groupes de travail sont en place et nous pourrons légiférer à un autre moment, avant la fin de l’année je l’espère. Je suggère donc le retrait de cet amendement. Nous sommes d’accord avec les parlementaires représentant les Français de l’étranger sur cette méthodologie.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz.
Mme Marie-Christine Dalloz. J’entends bien la remarque de M. le secrétaire d’État, que je remercie au nom des députés des Français de l’étranger. Effectivement, des groupes sont mis en place, mais il n’y a pas d’engagement sur les dates et sur la première réunion de la commission. Pouvez-vous préciser le calendrier, car il y a une attente forte sur le sujet ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je l’ai dit cette nuit : le premier groupe de travail se
réunira dans les jours qui viennent. Je me suis entretenu avec
Frédéric Lefebvre sur le contenu des travaux. Ces questions sont
très techniques et doivent faire l’objet d’un examen préalable.
Je vous ai dit que mon espoir était de proposer des solutions
avant la fin de cette année, en loi de finances rectificative ou
en deuxième lecture.
Les députés représentant les Français
de l’étranger ont parfois, c’est bien compréhensible, un peu de
mal à se retrouver ensemble, mais enfin, les agendas sont calés.
Il ne s’agit pas de remettre la mesure aux calendes
grecques.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz.
Mme Marie-Christine Dalloz. Dans ces conditions, je retire l’amendement.
(L’amendement no 7 est retiré.)
M. le président. La parole est à M. Laurent Baumel, pour soutenir l’amendement no 715.
M. Laurent Baumel. Cet amendement, comme d’autres que j’aurai l’occasion de
défendre un peu plus tard dans la matinée, s’inscrit dans la
volonté de soutenir l’effort de recherche de notre
pays.
Monsieur le secrétaire d’État, les valeurs que nous
partageons nous ont toujours amenés à considérer que la
recherche, les progrès de la connaissance, font partie des
progrès de la société, du développement humain et de
l’émancipation individuelle – surtout dans la période où nous
sommes, puisque le Président de la République a fixé l’impératif
de compétitivité parmi nos objectifs fondamentaux, ce qui a
suscité de nombreux débats.
Nous savons que la recherche
fait partie intégrante de ces outils en faveur de l’innovation
qui peuvent améliorer la compétitivité de notre pays.
Or, la
situation n’est pas très bonne : si on compare la France à
d’autres pays de l’OCDE, les indicateurs ne sont pas favorables.
Notre pays recule, qu’il s’agisse de la recherche publique ou de
la recherche privée. Il y a notamment un problème spécifique
concernant les doctorants : le taux de chômage des docteurs est
plus élevé et le nombre des doctorants ne cesse de baisser, ce
qui n’est pas très bon pour l’avenir de notre pays.
Il y a
cet après-midi une manifestation qui arrive à Paris, « Sciences
en marche » : une mobilisation de chercheurs qui appelle
l’attention des pouvoirs publics sur ces sujets. J’aimerais
beaucoup, monsieur le secrétaire d’État, pouvoir aller les voir
en leur portant la bonne nouvelle que la Gouvernement socialiste
est sensible à leurs préoccupations.
Le présent amendement
prévoit de fixer par décret, pour les grandes entreprises, un
seuil d’emploi de personnes titulaires d’un doctorat pour
pouvoir bénéficier du crédit d’impôt recherche.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Cet amendement a été repoussé par la commission. Vous voulez totalement supprimer le crédit d’impôt recherche pour les grandes entreprises…
M. Laurent Baumel. Non !
Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Peut-être ai-je mal lu… En tout cas, il serait réservé à celles qui atteindraient un certain pourcentage que vous ne fixez pas : on risque de nous reprocher une sorte d’incompétence négative du Parlement. Telle est la raison pour laquelle l’amendement a été repoussé par la commission.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Le crédit d’impôt recherche est un élément essentiel de
l’attractivité de notre pays et du soutien à la
recherche.
Or, la recherche constitue un investissement
massif pour l’avenir. Les entreprises avec lesquelles nous
discutons sont extrêmement attachées à ce dispositif et nous
sommes nous-mêmes extrêmement attachés aux doctorants, comme
vous, monsieur le député. Vous n’avez pas le monopole de
l’attachement aux doctorants. Le Gouvernement prend toutes les
mesures nécessaires pour développer l’attractivité de notre
pays, qui est un facteur essentiel, et ne souhaite pas voir
évoluer le dispositif du crédit d’impôt recherche. Il s’agit
d’un élément de stabilité et d’attractivité très fort, qui nous
différencie d’un certain nombre de pays voisins.
Vous avez
dit que l’investissement privé et public dans la recherche était
en chute : c’est faux. Si nous regardons la part de la recherche
dans les dépenses d’investissement, puisqu’il s’agit bien là
d’investissements, nous n’avons pas ce sentiment : c’est le
vôtre, vous avez le droit de l’avoir, mais le Gouvernement ne
souhaite pas l’adoption de votre amendement.
Indépendamment
du motif d’incompétence négative souligné par Mme la rapporteure
générale, à cause duquel il ne pourrait pas tenir devant le juge
constitutionnel, qui est généralement saisi de l’ensemble des
textes financiers, le Gouvernement ne souhaite pas vous suivre
dans cette démarche qui est trop restreinte et enverrait un
signal extrêmement négatif pour l’attractivité de notre
pays.
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Germain.
M. Jean-Marc Germain. Il s’agit d’un débat fondamental, parce que la réussite
économique passe par de l’investissement privé et public en
recherche et développement.
Or, force est de constater un
mouvement qui s’est amorcé bien avant que nous revenions aux
responsabilités : la recherche publique recule, alors que des
moyens considérables ont été mis à la disposition de la
recherche privée à travers le crédit d’impôt recherche.
Je
crois qu’il est important de rééquilibrer la situation. La
recherche publique a besoin de 250 millions d’euros pour
survivre, de 500 millions pour progresser un peu et de 1
milliard pour nous faire revenir parmi les trois premiers pays
européens en la matière.
Quand on dépense 5 à 6 milliards
sur le crédit d’impôt recherche, quand on dépense 20 milliards
sur le crédit d’impôt compétitivité-emploi, ce rééquilibrage est
possible sans dépenser plus et il est fondamental pour le
progrès technique. Il permettrait même de faire des économies
dans l’avenir, car on sait que toutes les grandes innovations, y
compris celles de la vie quotidienne, comme nos Smartphones,
sont nées de la recherche publique fondamentale et non dans les
laboratoires des entreprises.
Cette recherche publique est
nécessaire. En outre, nous abordons la question des doctorants :
nous recevons tous dans nos permanences des jeunes femmes, des
jeunes hommes qui se retrouvent sans débouchés à vingt-huit,
vingt-neuf, trente ans, parce qu’ils n’ont pas eu la possibilité
d’être intégrés dans de grandes entreprises alors qu’ils sont
bien formés – même ceux qui ont diversifié leur formation en
s’intéressant à des domaines comme la gestion ou la
communication.
Ce problème est important. Quant à la
question de l’incompétence négative, vous avez parfaitement la
possibilité, maintenant ou durant l’examen du texte, de fixer le
quantum dans la loi, ce qui réglera le problème de
l’assiette.
M. le président. La parole est à M. Emeric Bréhier.
M. Emeric Bréhier. Je rappellerai à mes collègues que, dans la loi que nous
avons votée l’été dernier sur l’enseignement supérieur et la
recherche, loi défendue par Mme Geneviève Fioraso, il est prévu
un article obligeant à la reprise des discussions dans le cadre
de conventions collectives pour la reconnaissance des diplômes
du doctorat. Cela permettra donc d’améliorer l’intégration de
nos docteurs dans l’entreprise privée.
Il serait paradoxal,
alors que nous insistons tous sur l’importance du dialogue
social dans notre pays, que nous préemptions ce débat avant même
qu’il ait été clos dans la négociation des conventions
collectives.
Nous avons ici, dans cet hémicycle, insisté
l’été dernier pour que cet article figure dans la loi. Je pense
qu’il répond en partie à la légitime préoccupation de mon
collègue Baumel.
Seconde remarque, mais nous y reviendrons
quand nous examinerons le budget de l’enseignement supérieur et
de la recherche : je rappelle à mes collègues que ces dernières
années, les chercheurs ont lutté contre la montée en puissance
des crédits affectés à l’Agence nationale de la recherche, qui
diminuait les crédits alloués aux universités et aux
laboratoires de recherche.
C’est ce qui a été fait ces deux
dernières années dans le budget de l’enseignement supérieur et
de la recherche.
Il me semble donc que les justes
préoccupations exprimées par ce collectif – que je connais
également très bien – sont en partie satisfaites même si nous
savons que, dans les années à venir, le recrutement des docteurs
devra être important et, plus encore, leur accompagnement –
ainsi que celui des doctorants – afin de les intégrer dans la
sphère privée.
(L’amendement no 715 n’est pas adopté.)
M. le président. La parole est à M. Éric Alauzet, pour soutenir l’amendement no 519.
M. Éric Alauzet. Il est défendu.
(L’amendement no 519, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques,
nos 572 et 777.
La parole est à
M. Éric Alauzet, pour soutenir l’amendement
no 572.
M. Éric Alauzet. Cet amendement vise à plafonner le CIR au niveau du
groupe.
En effet, les groupes peuvent, à l’heure actuelle,
faire des demandes de CIR au niveau de chacune de leurs filiales
– nous connaissons quelques exemples célèbres – ce qui leur
permet de faire de l’optimisation fiscale en fragmentant les
dépenses de recherches.
Nous proposons donc de supprimer une
telle possibilité en obligeant ces groupes à centraliser leurs
demandes, l’État les considérant alors comme des entreprises
uniques. Cela permettra de leur imposer les plafonds en vigueur
pour le CIR à l’échelle du groupe et non de la filiale.
J’ai
bien compris – cela a été dit et redit – que le CIR était
sanctuarisé et qu’il fallait de la stabilité ce que, d’une
certaine façon, on peut comprendre. Mais les montages effectués
sont parfois si grossiers qu’il n’est pas possible de fermer les
yeux. Notre rigueur intellectuelle nous oblige à le dire et, le
cas échéant, à modifier le dispositif.
M. le président. La parole est à M. Nicolas Sansu, pour soutenir l’amendement no 777.
M. Nicolas Sansu. Lors de la séance des questions au Gouvernement, mercredi
dernier, Marie-George Buffet a rappelé la situation dramatique
de l’emploi scientifique : baisse de 15 % des doctorants ces dix
dernières années, perte de 806 emplois en douze ans au CNRS,
masse salariale des universités inchangée depuis quatre ans et
pénurie budgétaire poussant ces dernières à utiliser les crédits
ouverts à d’autres fins.
Ainsi – je le rappelle car cela
n’avait peut-être pas été bien explicité en séance – ce sont
2 080 postes autorisés qui n’ont pas été pourvus entre 2011
et 2013 alors qu’ils étaient bien inscrits au budget.
Ce
vendredi 17 octobre, cela a été dit, les manifestants de
« Sciences en marche » venus de la France entière, manifestent à
Paris avec l’ensemble des syndicats.
Parmi leurs
revendications figure la révision du CIR afin qu’une part de ce
dernier soit affectée aux laboratoires publics de
recherche.
Je vous renvoie à ce propos au très bel entretien
qu’Artur Avila a accordé aux Echos dans
l’édition de ce jour et dans lequel il pointe la faiblesse de la
valorisation des chercheurs publics.
La preuve des
dysfonctionnements du CIR n’est plus à faire alors que celui-ci
coûte plus de 5 milliards et qu’il ne cesse d’augmenter
considérablement.
De plus, il génère d’importants effets
d’aubaine pour les grands groupes.
Or, des marges de
manœuvres existent pour mieux cibler le dispositif et déjouer
les stratégies d’optimisation.
Avec cet amendement,
identique à celui défendu par M. Alauzet, nous proposons que les
dépenses de recherche réalisées par les entreprises liées,
c’est-à-dire placées sous contrôle commun, soient consolidées au
niveau du groupe pour l’appréciation du plafond de
100 millions.
Il s’agit ainsi d’éviter l’un des nombreux
contournements de l’esprit du dispositif par les grands groupes
et, donc, de divertir une partie du CIR afin de le consacrer en
dépenses d’interventions.
Lorsque la Cour des comptes se
permet bien opportunément de dénoncer les dépenses inconsidérées
des collectivités locales au début de la discussion du PLF pour
2015, il faudrait la suivre, mais lorsqu’elle préconise de
s’intéresser aux conditions d’octroi du CIR, cela ne mériterait
pas d’être discuté. Laissez-moi m’étonner de ce « deux poids,
deux mesures » !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Ces amendements ont déjà été examinés l’année dernière et
résultent d’observations émises par la Cour des comptes dans le
rapport qui nous a été remis l’an passé selon lequel le plafond
devrait être apprécié au niveau du groupe et non de celui de
chaque filiale, sinon, il est très facile d’augmenter les
filiales à l’infini pour accroître le plafond.
Je les avais
alors soutenus mais, présentés en première partie du projet de
budget, ces amendements impliqueraient que les dépenses déjà
engagées au titre de 2014 soient concernées.
C’est pourquoi
la commission les a rejetés. Les règles du jeu ne peuvent en
effet changer pour des dépenses qui ont déjà été engagées au
titre de l’année 2014. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Même avis.
M. le président. La parole est à M. Nicolas Sansu.
M. Nicolas Sansu. Si j’ai bien compris, madame la rapporteure générale, il
suffit de déposer à nouveau ces amendements lors de la
discussion de la deuxième partie.
C’est ce que je ferai avec
plaisir afin de suivre l’avis de la Cour des comptes.
(Les amendements identiques nos 572 et 777 ne sont pas adoptés.)
M. le président. La parole est à M. Laurent Baumel, pour soutenir l’amendement no 701.
M. Laurent Baumel. Cet amendement va dans le même sens que les précédents et que
ce que disait Emeric Bréhier.
En l’occurrence, il s’agit
d’étendre le bénéfice du CIR non aux seuls doctorants, mais aux
personnes qui suivent des formations doctorales – avec une
définition assez précise de ce que cela signifie.
Cela
pourrait être une façon de faciliter l’acculturation réciproque
et la bonne intégration dans le monde de l’entreprise des jeunes
gens qui se destinent à la recherche.
Je profite de cette
prise de parole pour répondre à M. le secrétaire d’État : j’ai
dit non pas qu’il y avait moins de recherche dans notre pays,
mais que la position de la France, dans l’ensemble des pays
développés et de l’OCDE, n’était pas bonne.
En outre, je ne
comprends pas le fétichisme dont le CIR fait l’objet. Il s’agit
d’un outil technique, donc susceptible d’être amélioré.
D’où
vient cette impression que nous pouvons avoir, chaque fois qu’il
en est question, que l’on touche à un tabou ? Je voudrais
comprendre qui l’on protège dans cette affaire.
Cet outil
doit permettre d’améliorer la recherche publique et privée, de
favoriser l’emploi des doctorants et de ceux qui sont en
formation doctorale. Je n’arrive pas à comprendre d’où vient
cette crispation qui s’empare des pouvoirs publics chaque fois
que l’on propose de l’améliorer !
Nous ne débattons pas du
CICE, que nous proposons de supprimer ; nous voulons seulement
améliorer le CIR.
Pourquoi ne pouvons-nous pas discuter de
celui-ci sans provoquer des réflexes de défense ?
M. Dominique Baert. Il s’agit de stabiliser le dispositif, c’est tout.
M. Laurent Baumel. Dans cette affaire, on ne comprend pas bien qui l’on protège.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je vous remercie, monsieur Baumel, pour la franchise de votre
question.
Qui protège-t-on dans cette affaire ? Nous
protégeons notre pays à travers un dispositif dont tous les
investisseurs économiques, français ou internationaux, nous
disent qu’il en est notre principal facteur
d’attractivité.
Je trouve extrêmement discourtoise la façon
dont vous insinuez que, dans cette affaire, nous protégerions
quelqu’un.
Depuis des mois et à chaque loi de finances, le
Gouvernement vous indique le signal politique et économique
qu’il souhaite lancer aux entreprises investissant dans la
recherche qui sont dans notre pays ou qui souhaitent y venir.
Celles-ci nous demandent instamment – mais le Parlement peut en
décider autrement – de ne pas modifier ce dispositif pour des
raisons de lisibilité.
M. Olivier Carré. Absolument.
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je ne suis pas là pour protéger tel ou tel ni pour cultiver
telle ou telle position dogmatique.
Dimanche prochain, le
Président de la République réunira le Conseil supérieur de
l’attractivité dont l’un des points centraux sera relatif à
l’hésitation des entreprises à rester en France face aux menaces
qui sont régulièrement brandies sur le CIR. Voilà donc quelle
est la position du Gouvernement.
Je trouve particulièrement
grave que vous laissiez entendre ici que M. Eckert, secrétaire
d’État chargé du budget, souhaite protéger quelqu’un.
M. Olivier Carré. En effet, c’est scandaleux !
M. le président. La parole est à M. Éric Woerth.
M. Éric Woerth. Je ne comprends pas pourquoi la majorité de gauche, même si
elle est assez diverse, veut s’attaquer à ce qui
marche.
Vous voulez vous attaquer aux allocations familiales
et à la politique familiale alors que cette dernière,
incontestablement, fonctionne.
Et voilà que, maintenant,
vous voulez vous attaquer au CIR, dispositif qui lui aussi
fonctionne même si, je ne dis pas le contraire, il faut sûrement
l’améliorer !
En effet, une amélioration, un changement
minime sont possibles, mais le CIR constitue un facteur
essentiel de notre attractivité et c’est aussi grâce à lui que
la France est reconnue puisque des entreprises relocalisent leur
recherche dans notre pays grâce à cette dépense fiscale, ce qui
est plutôt une bonne chose !
Tant de choses ne marchent pas
que l’on devrait changer et que l’on ne change pas ! Pourquoi
donc s’attaquer à ce qui marche ?
M. le président. La parole est à M. Dominique Lefebvre.
M. Dominique Lefebvre. J’interviens à cet instant au nom du groupe SRC pour dire
deux choses simples.
D’abord, je m’associe à la réaction du
secrétaire d’État quant au caractère scandaleux des mises en
cause, surtout lorsqu’elles viennent du sein même de notre
groupe.
Ensuite, le problème qui se pose ne relève pas
seulement du calendrier budgétaire.
Je l’ai dit chaque fois
au nom du groupe SRC depuis que nous débattons du CIR dans cet
hémicycle : nous partageons la position du Gouvernement quant à
la nécessaire stabilité dont ce dispositif doit
bénéficier.
Je le dis à Nicolas Sansu : que ce type
d’amendement soit déposé en première ou en seconde partie, la
position du groupe SRC sera la même et son vote
identique.
Nous maintiendrons ce dispositif pour les raisons
qui ont été excellemment expliquées par le secrétaire d’État :
la compétitivité et l’attractivité sont des enjeux. Nous avons
besoin de stabilité et nous garantirons celle-ci dans l’intérêt
du pays.
M. le président. La parole est à M. Éric Alauzet.
M. Éric Alauzet. Ici ou là, nous devons nous prémunir contre les excès de
toutes sortes.
Je l’ai dit : je peux comprendre une forme de
sanctuarisation du CIR pour assurer une nécessaire stabilité,
mais j’espère que nous ouvrirons les yeux s’il y a des abus
manifestes ! Nous sommes tout de même intelligents, dans cette
assemblée ! Ou alors, il faudra nous démontrer que les abus
signalés n’en sont pas.
Les uns et les autres, nous
disposons d’informations, nous pouvons nous appuyer sur le
rapport de la Cour des comptes. Je veux bien entendre toutes les
argumentations mais à condition, précisément, qu’elles soient
formulées !
En ce qui me concerne, je suis désolé, mais je
continue à ouvrir les yeux.
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Germain.
M. Jean-Marc Germain. Je partage totalement l’avis de ceux qui considèrent le CIR
comme un excellent outil. Tous, dans nos circonscriptions, nous
connaissons des entreprises qui ne seraient pas là, qui
n’auraient pas leurs laboratoires de recherche et de
développement dans notre pays si cet outil n’existait
pas.
Nous sommes tous d’accord pour envoyer un message très
clair : cet outil est essentiel et il sera maintenu. Afficher un
geste de confiance manifeste, cela n’empêche pas toutefois une
réflexion permanente sur l’amélioration du dispositif.
Je
vais vous dire le fond de ma pensée quant à ce qui est
nécessaire pour notre pays : il faudrait envisager de fusionner
le CIR et le CICE en un crédit d’impôt compétitivité, emploi,
recherche, qui s’inspirerait d’ailleurs plutôt du premier que du
second, le CIR concernant des domaines ultra-stratégiques qui
ont été listés, les entreprises étant ainsi incitées à aller
dans ces directions-là.
L’inconvénient, c’est une certaine
substitution des moyens publics aux moyens privés qui fait que
l’effort global de recherche et développement n’a pas été
augmenté. Mais on peut être sûrs que, sans ce dispositif, les
délocalisations auraient été au rendez-vous et des laboratoires
de recherche ne se seraient pas implantés.
Travaillons donc
dans ce domaine, favorisons la lisibilité afin de rassurer les
entreprises quant au maintien voire à l’augmentation de ces
moyens, mais luttons aussi contre les niches et l’optimisation
fiscales dont peuvent profiter certains grands
groupes.
Enfin, plus que de la stabilité, c’est de la
lisibilité que nous devons aux entreprises pour qu’elles
puissent investir. À cet égard, l’idée selon laquelle les
crédits d’impôt, les allégements de charges, les baisses d’IS
seront, ou non, accrus, voire remis en cause, en fonction d’un
bilan annuel des créations d’emplois et de négociations de
branches ne constitue pas selon moi la meilleure des
méthodes.
Mieux vaut conserver ces outils qui sont solides
et assez consensuels sur tous nos bancs pour survivre aux
alternances, afin que le système soit parfaitement lisible pour
les entreprises – ce qui n’empêche pas de chercher en permanence
à améliorer ces outils.
M. le président. La parole est à M. Laurent Baumel.
M. Laurent Baumel. Monsieur Woerth, vous n’avez pas compris le sens de mon
amendement. Je propose non pas de supprimer le crédit d’impôt
recherche, mais au contraire d’en étendre le champ d’action, en
permettant à des entreprises d’embaucher des jeunes en formation
doctorale. Loin de contester la logique du CIR, mon amendement
en reconnaît les potentialités et cherche à les élargir pour
améliorer l’intégration des chercheurs dans le monde de
l’entreprise.
Je vous remercie, monsieur le secrétaire
d’État, pour la franchise avec laquelle vous m’avez répondu. Je
n’aurais peut-être pas du faire mon intervention à ce moment du
débat, puisque ce que j’avais en tête, c’était l’amendement
précédent, relatif au plafond de 100 millions d’euros. Mais au
fond, les propos que Dominique Lefebvre a tenus après vous me
confortent dans le sentiment que l’on protège
quelqu’un.
Pardonnez-moi, mais lorsque des députés dénoncent
des abus, lorsque la rapporteure générale reconnaît que ces abus
existent et que la Cour des comptes a raison de les avoir
pointés, et lorsque le porte-parole du groupe socialiste
explique que la stabilité est plus importante que la lutte
contre ces abus, alors oui, je suis fondé à penser que l’on
protège des gens !
M. François Loncle. Alors dites-nous qui !
M. le président. La parole est à M. Nicolas Sansu.
M. Nicolas Sansu. Je n’avais pas l’intention d’intervenir à propos de cet
amendement, mais puisque j’ai moi aussi été interpellé d’une
manière discourtoise, permettez-moi de répondre.
Cher
Dominique Lefebvre, laissons le Parlement choisir ! Et peu
importe que ce soit en première ou en deuxième partie du
PLF.
M. Alain Fauré. Il n’a fait qu’exposer la position du groupe socialiste !
M. Nicolas Sansu. J’ai tout de même le droit de m’exprimer, avec le calme et toute la cordialité que vous me connaissez…. Chacun sait que ce que dénonce Laurent Baumel est une réalité. Si le crédit d’impôt recherche peut effectivement favoriser l’installation de certaines entreprises et contribuer à des travaux de recherche extrêmement utiles, on sait aussi que c’est l’un des outils d’évitement de l’impôt pour certains grands groupes.
M. Olivier Carré. Mais il est plafonné !
M. Nicolas Sansu. Alors ne nous cachons pas derrière notre petit doigt ! Si la Cour des comptes l’a rappelé, c’est que c’est une réalité. Nous débattons aujourd’hui dans cet hémicycle, mais le débat a lieu aussi dans le pays, et nous ne pouvons pas continuer à ignorer ce que nous disent nos chercheurs, et notamment ceux du secteur public, qui sont extrêmement remontés contre la manière dont le CIR est calculé et mis en œuvre, car cela a pour conséquence de diminuer la dépense d’intervention directe dans la recherche publique. Nous ne pourrons pas faire l’économie de ce débat.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. L’investissement des entreprises dans la recherche a augmenté de 1,7 % en 2008, de 2,5 % en 2009, de 2,8 % en 2010, de 4,1 % en 2011 et de 3 % en 2012. Le crédit d’impôt recherche y est probablement pour beaucoup…
M. Olivier Carré. Absolument !
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. …et je me félicite que l’ensemble des parlementaires soit
apparemment attaché à ce dispositif.
Le seul reproche que
j’ai entendu formuler contre le crédit d’impôt recherche, pas
une fois, pas deux fois, mais à chaque rencontre avec des chefs
d’entreprise, c’est le contrôle fiscal.
M. Christophe Caresche. Eh oui !
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. C’est le seul reproche qui lui est fait.
Le crédit
d’impôt recherche est très encadré, puisque toutes les dépenses
effectuées à ce titre sont contrôlées pour vérifier qu’elles y
sont bien éligibles. Or ces contrôles sont très compliqués ! Par
exemple, ce n’est pas la même chose d’acheter un appareil neuf
ou d’occasion – il faut vérifier qu’il n’y a pas eu achat, vente
et rachat. S’agissant des dépenses de personnel, le chercheur
est éligible, mais son assistante, qui lui est nécessaire,
l’est-elle aussi ? Et qu’en est-il du personnel technique qui
entretient et nettoie l’environnement du chercheur ? Ne lui
est-il pas tout aussi indispensable pour pouvoir travailler ?
Cette dépense est-elle éligible ?
Nous passons des heures,
des jours, à examiner ces questions avec les services non
seulement de mon ministère, mais aussi d’autres
ministères…
M. Olivier Carré. Celui de la recherche, notamment !
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. …car les fonctionnaires de la Direction générale des finances
publiques ne sont pas en mesure de savoir si tel appareil est
véritablement destiné à la recherche ou s’il sert à la
production et au fonctionnement de l’entreprise.
Nous
faisons notamment appel au ministère de la recherche et de
l’enseignement supérieur, aux services de Mme Fioraso, ce qui
prend un temps fou, et toutes les entreprises nous le
reprochent, car l’éligibilité au crédit d’impôt recherche a
aussi des conséquences en matière de TVA. En effet, les
remboursements, crédits et débours de TVA ne peuvent pas être
soldés tant que l’éligibilité de chaque dépense au crédit
d’impôt recherche n’a pas été validée.
Mesdames, messieurs
les députés, le secrétaire d’État que je suis est saisi
quotidiennement, y compris par de nombreux parlementaires, de
l’examen de certaines situations qui, pour les raisons que je
viens d’évoquer, bloquent quelquefois le système et mettent même
en péril l’avenir de certains centres de recherche. Je m’efforce
quotidiennement, avec mes services, de débloquer ces situations
dans la limite de mes pouvoirs, parce que je ne souhaite pas
avoir un jour à répondre, devant qui que ce soit, de
l’accusation d’avoir voulu protéger, favoriser ou pénaliser
quelqu’un !
M. Olivier Carré. Absolument !
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. S’entendre dire par un parlementaire que notre attitude consisterait à protéger quelqu’un, c’est plus que vexant ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC et du groupe UMP.)
M. François Loncle. C’est absolument scandaleux !
(L’amendement no 701 n’est pas adopté.)
M. le président. La parole est à M. Jérôme Chartier, pour un rappel au règlement.
M. Jérôme Chartier. Même si nous sommes opposés politiquement, je tiens à dire que je
connais M. le secrétaire d’État depuis des années, pour avoir
travaillé avec lui dans cet hémicycle, et que je n’ai aucun doute
sur sa probité. Des divergences peuvent bien s’exprimer, y compris
au sein d’une même famille politique, mais le respect des personnes
me semble être la moindre des choses ! Il faut veiller au respect
mutuel, surtout entre personnes qui se connaissent, qui travaillent
ensemble et qui savent que la probité de l’autre ne fait aucun
doute.
Il est trop facile de jeter l’opprobre sur n’importe qui,
alors veillons à ne pas nous laisser aller, dans un débat public, à
de pareils écarts ! Je répète que j’ai toute confiance dans la
probité de M. Eckert. M. Baumel ferait bien de faire attention à ce
qu’il dit, voire de retirer ses propos.
M. le président. La parole est à M. Laurent Baumel, pour soutenir l’amendement no 695.
M. Laurent Baumel. Je vous recommande de garder vos leçons de morale pour vous, monsieur Chartier. Il me semble que l’on peut encore, au sein du Parlement de ce pays, s’interroger sur les logiques qui sont à l’œuvre et les intérêts qui sont en jeu dans un arbitrage entre la lutte contre des abus et la stabilité…
M. Jérôme Chartier. Certes, mais sans mettre en cause personnellement qui que ce soit !
M. Laurent Baumel. Ce sont des questions politiques ! La politique existe encore et les choix que nous faisons en faveur des entreprises ne sont pas des choix neutres, puisqu’ils favorisent un groupe social en particulier. Or l’entreprise est une réalité complexe et n’est pas réductible à ses chefs d’entreprise. Pour ma part, je suis d’abord sensible à ces milliers de jeunes gens qui font des études très longues et très difficiles au service du pays, car il est important de protéger les gens qui se vouent à la recherche avec un grand sens éthique.
M. Olivier Carré. Nous avons tous le souci de les protéger !
M. Laurent Baumel. Ils sont utiles au pays et, en tant que parlementaire, je me demande ce que je peux faire pour qu’ils ne se retrouvent pas au chômage au terme de leurs études.
M. le président. Monsieur Baumel, je vous invite à présenter votre amendement, car votre temps de parole s’écoule.
M. Laurent Baumel. Cet amendement, de toute façon, sera rejeté d’une façon
aveugle (Exclamations sur quelques bancs du groupe
SRC) puisqu’il vise, comme le précédent, à
améliorer le dispositif au bénéfice de la recherche. Il ne
s’attaque pas au CIR ; il s’agit d’un amendement de bon sens qui
vise à ce que des docteurs puissent être embauchés dans les
entreprises avec l’aide du CIR même s’il ne s’agit pas d’une
première embauche.
Il va dans le même sens que les
amendements que j’ai présentés précédemment, et j’aimerais que
l’on ne me dise pas à nouveau, pour toute réponse, qu’il met en
cause la stabilité du dispositif, car c’est tout le contraire !
En quoi ce type de proposition pourrait-il nuire à l’efficacité
du dispositif ? Pourquoi empêcher les entreprises de puiser dans
le vivier de savants et de chercheurs que notre université met à
leur disposition ?
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. La commission a repoussé cet amendement – j’ignore si elle l’a fait aveuglément ou non –, car son adoption en première partie du projet de loi de finances pourrait avoir pour conséquence de créer un effet d’aubaine à ce stade de l’année.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Le Gouvernement n’est pas favorable à cet amendement. Je me rallie aux éléments de réponse donnés par la rapporteure générale.
(L’amendement no 695 n’est pas adopté.)
M. le président. La parole est à M. Éric Alauzet, pour soutenir l’amendement no 521.
M. Éric Alauzet. Il est défendu, monsieur le président.
(L’amendement no 521, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)
M. le président. La parole est à M. Éric Alauzet, pour soutenir l’amendement no 522.
M. Éric Alauzet. Il est défendu.
(L’amendement no 522, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques,
nos 159 et 348.
La parole est à
M. Éric Alauzet, pour soutenir l’amendement
no 159.
M. Éric Alauzet. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. La parole est à M. Nicolas Sansu, pour soutenir l’amendement no 348.
M. Nicolas Sansu. Il est défendu.
(Les amendements identiques nos 159 et 348, repoussés par la commission et le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques,
nos 573 et 697.
La parole est à
M. Éric Alauzet, pour soutenir l’amendement
no 573.
M. Éric Alauzet. Sans vouloir alourdir le débat, il me semble que nos échanges
sur le CIR et les abus éventuels dont il ferait l’objet
devraient se fonder sur l’examen du rapport de la Cour des
comptes. Celui-ci peut-être critiqué, mais encore faut-il qu’il
le soit précisément, et qu’on nous explique quelles analyses
sont discutables et pourquoi.
Cet amendement vise à empêcher
le cumul du CIR et du CICE.
M. Nicolas Sansu. C’est le bon sens même !
M. Dominique Baert. Moi, je suis pour le cumul !
M. le président. La parole est à M. Stéphane Claireaux, pour soutenir l’amendement no 697.
M. Stéphane Claireaux. Il est défendu.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements identiques ?
Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Défavorable.
M. le président. La parole est à M. Dominique Lefebvre.
M. Dominique Lefebvre. Je voudrais réagir à ce que vient de dire notre collègue Éric
Alauzet. J’invite chacun à lire le rapport de la Cour des
comptes dans son intégralité. Je suis de ceux qui, connaissant
cette institution de l’intérieur, sont particulièrement aptes à
juger de la qualité de ses travaux. La Cours des comptes s’est
interrogée sur la soutenabilité budgétaire du dispositif, comme
c’est son rôle, et elle avait fait des prévisions d’évolution de
la dépense qui ne se sont pas avérées. Elle est dans son rôle
lorsqu’elle appelle à la maîtrise de la dépense.
Je répète
par ailleurs que la proposition de la Cour des comptes
d’apprécier le seuil de 100 millions d’euros au niveau des
groupes n’est pas une bonne proposition. Je pense que la Cour se
trompe sur ce point – ce n’est pas parce qu’elle est
indépendante qu’elle ne peut pas se tromper.
Lorsque nous
avons débattu de cette question l’année dernière, nous avons vu
quels seraient les grands groupes industriels français qui
seraient pénalisés : nous avions parlé de Renault, de
Peugeot…
M. Olivier Carré. D’Airbus !
M. Dominique Lefebvre. Ce n’est pas parce que des cas d’optimisation avec création
de filiales ont pu être constatés dans certains groupes que cela
change quoi que ce soit. Il importe de lutter contre la fraude
ou l’optimisation fiscale, oui, mais cessons de mettre en cause
les uns ou les autres, comme cela vient d’être fait, et comme
cela se produit à chaque fois que nous débattons du CIR ou du
CICE ! Car la réaction des partenaires économiques est toujours
la même : ils se demandent combien de temps cela va durer,
combien de temps ils devront résister à ces frondes, à cette
volonté de changer continuellement les choses. Il découle de
tout cela une incertitude sur la stabilité et la pérennité des
dispositifs.
Sur le fond, la proposition de la Cour des
comptes n’est pas bonne, car elle présenterait plus
d’inconvénients que d’avantages pour notre pays. Mais cela
n’exclut pas, et je suis d’accord en cela avec Éric Alauzet, de
réfléchir à la manière d’encadrer d’éventuelles dérives.
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Germain.
M. Jean-Marc Germain. Comme le disait très clairement Pierre-Alain Muet hier, nous
devons simplifier le dispositif. Nous avons besoin de deux
outils dans ce pays. S’agissant tout d’abord du crédit d’impôt
recherche, nos débats sur ce dispositif ont été fructueux, comme
toujours : il s’agit sans doute des dépenses les plus utiles
pour notre pays en ce moment. Il nous faut également un outil
accompagnant la compatibilité entre des salaires élevés au
niveau du SMIC et l’économie. Aujourd’hui, il existe une
multitude d’outils.
À terme, le crédit d’impôt recherche et
le crédit d’impôt compétitivité emploi ont vocation à devenir un
seul et même outil. Dès lors, pourquoi ne pas commencer dès
aujourd’hui en interdisant leur cumul, comme le propose M.
Alauzet ? C’est sans doute une idée intéressante.
Je partage
les propos de Dominique Lefebvre, je ne pense pas que
« Small is beautiful and big is ugly ».
Nous avons besoin de grandes entreprises françaises et
européennes qui se battent partout dans le monde, et il faut les
soutenir, ce qui n’empêche pas de lutter contre l’optimisation
fiscale.
Néanmoins, nous avons besoin de cette
simplification. Il faut nous assurer que tout cet argent
converge vers l’investissement, la recherche et l’innovation,
plutôt que d’alimenter une fuite en avant inutile pour faire
baisser le coût du travail, ce que nous n’arriverons jamais à
faire parce qu’il faudrait mobiliser des moyens considérables et
faire diminuer les salaires. Je disais qu’il fallait privilégier
la lisibilité à la stabilité, nous devons réfléchir à cette
perspective et j’espère que les rapports d’étude et les rapports
parlementaires à venir mettront ces idées sur la table.
M. le président. La parole est à M. Daniel Goldberg.
M. Daniel Goldberg. Il faut dépassionner le débat, et garder en vue les
évolutions du dispositif par le passé. Nous avons besoin de
stabilité aujourd’hui – un engagement fort et manifeste a été
pris par le Président de la République et le Gouvernement de
stabiliser ce dispositif jusqu’en 2017 –, mais si nous admettons
qu’il devra évoluer par la suite, il est bon d’y réfléchir.
C’est l’apport de la Cour des comptes, d’un travail réalisé
précédemment dans cette assemblée, et également du débat
parlementaire. Sinon, il faut m’expliquer à quoi servent nos
échanges dans cet hémicycle !
Je suis favorable à une
stabilité tout en étudiant les avantages et les inconvénients du
dispositif actuel. La grande différence introduite par la
réforme engagée en 2008-2009 est que le crédit impôt recherche
finançait précédemment l’augmentation des dépenses de recherche
faites par une même entreprise. Depuis 2009, c’est au premier
euro engagé que l’on bénéficie à plein du dispositif.
Si
nous sommes tous d’accord, de ce côté de l’hémicycle comme dans
l’opposition, pour encourager la recherche et l’innovation,
publiques comme privées, grâce à un engagement financier de
l’État très important – plus de 5 milliards d’euros – qui doit
être le plus utile possible, il faudrait sans doute réfléchir
aux moyens d’aider encore mieux les entreprises qui font des
efforts supplémentaires d’innovation. Je pense que ce serait le
plus utile.
De même, sans remettre en cause la stabilité
pour le présent, nous pourrions prévoir dans l’avenir
d’interdire le cumul de certains dispositifs. C’est la pierre
que je souhaitais ajouter à ce débat.
(Les amendements identiques nos 573 et 697 ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos
48 rectifié et 771, pouvant être soumis à une discussion
commune.
La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour
soutenir l’amendement no 48
rectifié.
Mme Marie-Christine Dalloz. À cet instant du débat, je souhaiterais détendre l’atmosphère. Compte tenu des réponses données par le secrétaire d’État et de l’annonce de la constitution d’un groupe de travail avec l’ensemble des députés représentant les Français de l’étranger, je retire l’amendement.
(L’amendement no 48 rectifié est retiré.)
M. le président. La parole est à M. Nicolas Sansu, pour soutenir l’amendement no 771.
M. Nicolas Sansu. Monsieur le secrétaire d’État, cet amendement va régler une
partie de nos problèmes de finances publiques, puisqu’il vise à
supprimer le CICE !
Évidemment, il s’agit de provoquer le
débat ! Nous pensons que ce crédit d’impôt compétitivité emploi
est une erreur d’appréciation sur la meilleure manière
d’améliorer la compétitivité de nos entreprises et de mettre en
place une politique économique permettant de s’appuyer sur nos
atouts.
Mme Marie-Christine Dalloz. On l’a compris !
M. Nicolas Sansu. Parmi ces atouts, je compte évidemment nos services publics.
Or à cause du CICE, les dépenses publiques et sociales sont
aujourd’hui mises à mal et nos services publics vont perdre de
la substance. Nous devons aussi favoriser nos entreprises,
d’abord celles qui exportent et les industries. Le crédit
d’impôt compétitivité emploi est aveugle à ce titre, et ne
remplit donc pas, à notre sens, les objectifs qui lui sont
assignés.
Nous en avons débattu ensemble, nous aurons
l’occasion de recommencer, j’espère simplement que la discussion
aura lieu dans le cadre d’une évaluation complète de ce
dispositif. J’ai entendu dire qu’une telle évaluation aurait
lieu, c’est normal s’agissant d’une mesure à laquelle on
consacre un point du PIB. Nous pensons que le Gouvernement fait
fausse route avec cette mesure.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je ne voudrais pas que l’on mette un terme à ce débat – si
tant est qu’il soit fini – par cette dernière intervention
concluant que le Gouvernement fait fausse route avec ce
dispositif. Je voudrais en revenir à quelques idées
simples.
À la fin de l’année 2012, nous nous sommes trouvés
confrontés à un déficit considérable. Le rapport Gallois avait
reçu un écho extrêmement favorable et faisait autorité. Nous
avons pensé qu’il fallait adresser un signal très fort pour
retrouver de la compétitivité, notamment sur la question du
coût. C’est alors que certains d’entre nous, parmi lesquels se
trouvent aujourd’hui les plus grands pourfendeurs du dispositif
– mais je ne citerai pas de noms – ont imaginé ce crédit
d’impôt.
Ce n’est pas la peine de se raconter des bobards :
tout le monde aura compris que, compte tenu du caractère
impécunieux de l’État, il était inimaginable de réduire les
charges sociales, comme le réclament toutes les entreprises.
Excusez mon langage un peu cru, mais la baisse des charges, vous
vous la prenez immédiatement dans le porte-monnaie, tandis que
le crédit d’impôt présente l’énorme avantage de pouvoir être
immédiatement enregistré dans la comptabilité des
entreprises – il est rattaché à l’exercice en cours – alors que
pour l’État il est payé l’année suivante. On gagne donc un
an.
Sachant qu’il s’agit de plusieurs milliards d’euro et
que l’on n’a pas d’argent, c’est plutôt sympa : les entreprises
en bénéficient tout de suite et nous payons l’année suivante, en
espérant que nous aurons alors une situation financière plus
équilibrée.
M. Dominique Baert. C’est logique !
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. C’est la principale raison du choix d’un crédit d’impôt.
J’étais rapporteur général à l’époque et je n’avais pas été
spécialement enthousiaste sur le dispositif, mais c’est ce que
j’ai vécu aux environs du 15 décembre 2012. Cela nous a semblé
une bonne solution.
La seconde étape a été de chercher à
mieux cibler le dispositif. S’agissant d’un crédit d’impôt, il
est très difficile – voire impossible – de le cibler, pour des
raisons de respect de l’égalité devant l’impôt. Des amendements,
qui ont été défendus hier, visaient à réserver ce dispositif aux
secteurs exposés à la concurrence internationale. Demandez donc
à n’importe quelle juridiction ce que cela veut dire un secteur
exposé à la concurrence internationale !
Le dispositif a cet
inconvénient majeur. Nous avons fait le choix de rajouter la
lettre « E » à ce qui était au départ le « CIC » en lui
attribuant un objectif en termes d’emploi – nous devrions le
partager – et en ciblant le dispositif sur les salaires les plus
bas.
Aujourd’hui, dans quelle situation sommes-nous ? Malgré
tous les procès qui lui ont été faits – trop compliqué, il
donnerait lieu à des contrôles fiscaux,… – ce crédit d’impôt est
simple, il ne donne lieu à aucun contrôle fiscal, et les
entrepreneurs s’en rendent compte.
Mais si nous faisions
marche arrière, si nous souhaitions débrancher le dispositif,
l’avantage que nous avons eu en gagnant un an deviendrait un
inconvénient. Nous aurions une année blanche – ou une année
double, tout dépend pour qui – alors que nous sommes dans une
situation assez difficile. Et comme par hasard, les entreprises
sont en train de se dire que c’est un très bon système. Elles
commencent à comprendre le dispositif, elles voient qu’il marche
bien, et elles souhaitent que l’on n’y touche surtout
pas.
Voilà ma perception de secrétaire d’État au budget,
ancien rapporteur général, qui s’est posé beaucoup de questions
sur ce dispositif. Supprimer un tel dispositif présenterait
énormément d’inconvénients.
(L’amendement no 771 n’est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi de trois amendements,
nos 773, 433 rectifié et 30, pouvant être
soumis à une discussion commune.
La parole est à M. Nicolas
Sansu, pour soutenir l’amendement
no 773.
M. Nicolas Sansu. Je pense que le secrétaire d’État et la rapporteure générale
me répondront rapidement, puisque cet amendement tend à
soumettre le bénéfice du CICE à conditions, et à le réserver aux
branches d’activité les plus exposées à l’international. Il
n’est pas nécessaire de revenir sur le débat ou de citer à
nouveau les chiffres qui peuvent être assénés concernant
certaines entreprises ou certains secteurs, tels que les banques
et les assurances, qui bénéficient du CICE alors que l’on ne
voit pas l’intérêt de leur octroyer.
Il s’agit donc d’un
amendement de repli, mais ce balisage a
minima permettrait de remplir l’un des objectifs
précis du CICE, à savoir améliorer la compétitivité de nos
entreprises à l’export.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l’amendement no 433 rectifié.
Mme Marie-Christine Dalloz. Monsieur le secrétaire d’État, je souhaite aborder le fond du
sujet. La question est celle du ciblage, personne ne peut le
contester. Aujourd’hui, on ne sait pas si le CICE est un
mécanisme incitatif ou compensatoire. À l’origine, il devait
être incitatif. Mais on s’aperçoit qu’il s’agit plutôt en
réalité d’un mécanisme compensatoire visant à alléger le poids
des charges sociales.
Mais il n’y a pas d’uniformisation, et
c’est là que se trouve le problème de ciblage que j’évoquais.
Cet amendement tend à ce que les entreprises relevant d’un
régime d’imposition forfaitaire bénéficient, comme les autres,
du dispositif du CICE.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l’amendement no 30.
Mme Marie-Christine Dalloz. Il est défendu.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces trois amendements ?
Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. L’amendement no 773 ne précise pas la
définition de la concurrence internationale. Donc, avis
défavorable.
La commission a également rejeté l’amendement
no 433 rectifié de Mme Dalloz, car les
entreprises taxées au forfait ne peuvent bénéficier d’aucun
crédit d’impôt, quel qu’il soit – ce n’est pas propre au
CICE.
Quant à l’amendement no 30, il
est relatif à la taxe au tonnage, qui est un impôt forfaitaire
et ne peut donc pas faire l’objet d’un crédit d’impôt. La
commission y est donc aussi défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Cabotinons un peu ! (Sourires.) Je serais curieux d’assister à la séance au cours de laquelle le Conseil d’État dresserait la liste des secteurs exposés à la concurrence internationale. Une après-midi ne suffirait pas : plusieurs jours et plusieurs nuits seraient probablement nécessaires ! Ancien matheux, je pourrais procéder à une contraposition…
Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Ah !
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. …en recherchant les secteurs qui ne sont pas exposés à la concurrence internationale. C’est peut-être le cas de la grande distribution.
M. Dominique Baert. Pas tout à fait ! Dans les zones frontalières, la concurrence internationale joue !
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Mais n’existe-t-il pas des distributeurs, grands, moyens ou
petits, qui viennent s’implanter en France ? N’y a-t-il pas,
dans le secteur de la grande distribution, une volonté de
développer les exportations ?
On pourrait aussi penser à la
SNCF. Cette nuit, j’avais du mal à dormir et je regardais, à la
télévision, un reportage sur les problèmes liés aux TER, au
fret, au souhait d’entreprises privées françaises de
concurrencer la SNCF, mais aussi à la volonté de grands
organismes internationaux comme la Deutsche Bahn de s’implanter
en France, sur des marchés de plus en plus ouverts.
Je
pourrais continuer la liste. Dans certains secteurs, La Poste
est de plus en plus concurrencée par des entreprises privées,
françaises et étrangères. La réflexion pourrait nous mener très
loin, et je serais très curieux d’assister à la séance au cours
de laquelle le Conseil d’État examinerait le projet de décret
visant à déterminer les branches d’activité les plus exposées à
la concurrence internationale. Il faudrait faire un classement
des différents secteurs ! Or le législateur se doit de légiférer
de manière précise.
M. le président. La parole est à M. Olivier Carré.
M. Olivier Carré. Je veux d’abord m’adresser à notre collègue Sansu. Comme
beaucoup d’entre nous, j’ai participé à l’élaboration de
rapports sur la compétitivité. Un constat s’impose : dans la
formation du prix de revient des sociétés exportatrices, les
entreprises de services, dont on peut penser que la vocation est
principalement domestique, jouent un rôle considérable. Prenons
le cas de nos amis allemands : leur secteur industriel se
caractérise par des coûts salariaux à peu près équivalents aux
nôtres, mais, en amont de la chaîne, les entreprises utilisent
des services basés sur des salaires sensiblement plus bas que
les nôtres – même si nous espérons tous, dans cet hémicycle,
qu’ils vont progresser –, qui entrent dans le calcul de leur
prix de revient et influent donc positivement sur leur capacité
à exporter. Au-delà de l’aspect réglementaire rappelé par M. le
secrétaire d’État, il faut donc regarder plus loin que la fin du
processus de formation de la valeur ajoutée et remonter
l’ensemble de la chaîne : tous les gains de productivité
réalisés en amont ont un impact positif sur notre capacité à
exporter.
Je veux également évoquer le sujet du régime
forfaitaire d’imposition. Il s’agit d’une question technique,
qui a été soulevée lors des auditions. Il conviendrait de
laisser à nouveau aux entreprises la possibilité de choisir plus
rapidement qu’elles n’en ont le droit entre le régime
forfaitaire ou le régime général. Avec mon collègue Yves Blein,
nous déposerons un amendement en ce sens dans le cadre du projet
de loi de finances rectificative. J’espère que le Gouvernement
sera attentif et permettra de lever ce qui apparaît aux
entreprises concernées comme une petite anomalie.
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Germain.
M. Jean-Marc Germain. Monsieur Carré, votre raisonnement est juste…
M. Olivier Carré. Merci !
M. Jean-Marc Germain. …mais, quantitativement, les conséquences sont fausses.
M. Olivier Carré. Ah non !
M. Jean-Marc Germain. Je le disais encore hier. Faites le calcul vous-même ! Le taux du CICE est de 4 % de la masse salariale. Quand cette dernière pèse 10 % ou 15 % des coûts de production dans les secteurs exposés à la concurrence,…
M. Olivier Carré. Mais non, pas dans les services !
M. Jean-Marc Germain. …vous pouvez faire baisser ces coûts de 1 %. Ce n’est pas
parce que l’on sera capable de fabriquer un robot Moulinex à
99 euros au lieu de 100 euros dans ce pays que l’on fabriquera
tous les robots Moulinex en France.
Il faut que cet argent
soit dirigé vers la recherche et l’innovation, dans des secteurs
où 20 ou 40 milliards d’euros peuvent exercer un effet de levier
significatif à l’échelle de notre économie. Voilà ce qu’il
convient de faire !
J’en viens à la question fondamentale
qui nous préoccupe tous, même si nous divergeons sur la réponse
à apporter : comment cibler notre action sur les entreprises qui
en ont le plus besoin ? Nous parlons là d’argent public – avec
leurs capitaux privés, les entreprises font ce qu’elles veulent.
Dans ce contexte budgétaire tendu, monsieur le secrétaire
d’État, l’argent public ne doit pas aller à la banque, à la
finance et à la grande distribution, ni contribuer aux
dividendes ou aux hautes rémunérations, qui sont une affaire
d’argent privé.
Techniquement, nous savons comment faire. On
en a parlé il y a quelques instants : nous disposons d’un outil,
le crédit d’impôt recherche, auquel sont éligibles un certain
nombre de dépenses que l’on retrouve heureusement principalement
dans le secteur industriel. Toutes les entreprises exposées à la
concurrence internationale que je connais dans ma
circonscription reçoivent quatre, cinq ou six fois plus par le
biais du crédit d’impôt recherche que par celui du crédit
d’impôt compétitivité emploi.
M. Dominique Baert. Ce n’est pas la peine de revenir toujours sur les mêmes questions !
M. Jean-Marc Germain. La solution, on la connaît ! Hier, nous avons d’ailleurs proposé d’étendre ce bel outil qu’est le crédit d’impôt recherche à des dépenses davantage liées au processus de production, car c’est là que nous avons du retard par rapport à d’autres pays industriels.
M. le président. La parole est à M. Nicolas Sansu.
M. Nicolas Sansu. Monsieur le secrétaire d’État, nos échanges devraient rester
courtois. (Sourires.) Je veux bien que vous
cabotiniez, mais ce n’est pas une réponse. J’ai bien entendu les
difficultés que vous avez soulevées, et je peux les
comprendre.
Je crois sincèrement que l’explication de
Jean-Marc Germain est entièrement vraie.
M. Olivier Carré. Non, elle est entièrement fausse !
M. Nicolas Sansu. Je pense que tout le monde peut s’accorder sur la formule du crédit d’impôt recherche. Entrera-t-il en concurrence avec le crédit d’impôt compétitivité emploi qui est, à mon avis, aveugle ? Voilà la question ! J’entends bien que la question a été tranchée et qu’il n’est peut-être pas question d’y revenir,…
M. Dominique Baert. En effet !
M. Nicolas Sansu. …mais il est quand même du rôle du Parlement et des parlementaires d’en débattre ! Je ne dis pas cela pour vous, monsieur le secrétaire d’État, mais parce que j’entends certains députés sur ma gauche – donc un peu plus à droite que moi dans cet hémicycle – qui me susurrent que nous n’aurions plus le droit de parler de ce sujet.
M. Dominique Baert. Pas quand on est dans la majorité.
M. Nicolas Sansu. C’est quand même assez impressionnant !
(Les amendements nos 773, 433 rectifié et 30, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l’amendement no 432.
Mme Marie-Christine Dalloz. Cet amendement relève toujours du même esprit. J’ai écouté mon collègue Carré. Si le CICE a bien vocation à accompagner l’emploi, à contribuer à la productivité et à la compétitivité de nos entreprises, on ne peut pas comprendre que certaines structures soient exclues du dispositif – Mme la rapporteure générale me répondra que cela dépend de leur régime d’imposition à l’impôt sur les sociétés. Je pense notamment aux coopératives.
M. Jean-Louis Dumont. Très bien !
Mme Marie-Christine Dalloz. La loi de finances rectificative pour 2012 avait étendu aux coopératives visées à l’article 207 du code général des impôts le bénéfice du dispositif du CICE. Où en est-on aujourd’hui ? Les coopératives fruitières, notamment, sont pleinement concernées par ces questions de création d’emplois et de gains de productivité.
M. Jean-Louis Dumont. Très bien ! Il faut tenir nos engagements vis-à-vis des coopératives !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Par principe, les crédits d’impôt ne peuvent bénéficier aux entreprises exonérées, même partiellement. C’est l’un des inconvénients de ce dispositif – nous l’avions souligné dès le début. Pour autant, le Gouvernement a choisi d’interroger la Commission européenne quant à la possibilité d’étendre le bénéfice du crédit d’impôt compétitivité emploi aux organismes visés à l’article 207 du code général des impôts, comme le propose l’amendement no 432 de Mme Dalloz. Les services de la Commission européenne ont rendu un avis négatif.
Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Pourrions-nous en avoir communication ?
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Il est toujours délicat de se mettre en infraction par
rapport à la réglementation communautaire. La France l’a fait à
plusieurs reprises, encore récemment, mais nous sommes souvent
rattrapés plus ou moins rapidement par la patrouille, si je puis
m’exprimer ainsi. Sur différents points, nous avons été
condamnés, et quelques contentieux lourds sont encore en
instance. Nous ne souhaitons pas nous mettre une nouvelle fois
en infraction avec la réglementation européenne : c’est pourquoi
je ne peux que donner un avis défavorable à cet amendement, dont
je comprends l’esprit.
Pour la partie de l’activité des
coopératives donnant lieu à paiement d’impôt, le bénéfice du
CICE est possible. Pour l’autre partie de l’activité, il n’est
pas possible.
M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Dumont.
M. Jean-Louis Dumont. Monsieur le secrétaire d’État, je veux intervenir sur le sort qui a été réservé aux coopératives. Dans le texte initial, il n’était pas prévu qu’elles puissent bénéficier du CICE : j’avais donc déposé un amendement, le ministre de l’époque avait donné de belles explications et pris quelques engagements.
Mme Marie-Christine Dalloz. Cela devait être M. Cahuzac !
M. Jean-Louis Dumont. S’agissant de l’avis de la Commission européenne, je me
demande si la façon de poser la question n’a pas une influence
sur la réponse apportée. Pourquoi n’a-t-on toujours pas réglé,
depuis maintenant deux ans, la situation des
coopératives ?
Dans l’économie de ce pays, l’économie
sociale et solidaire, et tout particulièrement les coopératives,
jouent un rôle capital.
Mme Marie-Christine Dalloz. Tout à fait !
M. Jean-Louis Dumont. Je déplore donc le sort qui leur est réservé.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz.
Mme Marie-Christine Dalloz. En effet, les coopératives jouent un rôle essentiel,
notamment en matière d’aménagement du territoire et d’emploi
local.
Je viens d’apprendre, monsieur le secrétaire d’État,
que vous aviez reçu un avis négatif de la Commission de
Bruxelles. Serait-il possible, pour m’être agréable, de
transmettre cet avis à la commission des finances pour
information ? En effet, je n’avais pas eu connaissance de ce
refus et j’aimerais savoir sur quelles bases la Commission
européenne fonde son argumentation.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. J’allais vous le proposer, madame Dalloz : je prends l’engagement de vous fournir à la fois la demande du Gouvernement et la réponse de la Commission européenne.
Mme Marie-Christine Dalloz. Très bien !
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je ne peux pas faire mieux.
Pour les coopératives, en
guise de modeste compensation, nous avons décidé de supprimer la
contribution sociale de solidarité des sociétés par
anticipation, ce qui est quand même une mesure significative –
je parle de mesure et non de geste, car ce terme me semble un
peu compassionnel.
M. Jean-Louis Dumont. En effet !
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Nous avons fait ce que nous pouvions. Pour lever toute ambiguïté, je vous transmettrai la demande et la réponse.
M. Jean-Louis Dumont. Merci !
Mme Marie-Christine Dalloz. Dans ces conditions, je retire mon amendement.
(L’amendement no 432 est retiré.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Françoise Bechtel, pour soutenir l’amendement no 599 rectifié.
Mme Marie-Françoise Bechtel. Nous restons sur le sujet du CICE. Je ne voudrais pas vous
lasser, monsieur le secrétaire d’État, en vous posant une
question que je vous avais déjà posée l’année dernière mais à
laquelle je n’ai pas encore obtenu de réponse. Elle n’est pas
tout à fait sans lien avec l’intervention que vient de faire
Mme Dalloz.
Cet amendement vise donc à poser la question du
périmètre réellement nécessaire juridiquement du CICE. Nous
venons d’avoir un long débat sur cette question. Monsieur le
secrétaire d’État, vous avez rappelé en termes extrêmement
précis et utiles les conditions de création du CICE. En ce qui
nous concerne, députés du Mouvement républicain et citoyen, nous
avons approuvé cette mesure, comme nous avions approuvé le
rapport Gallois. Nous pensons qu’il ne faut pas tourner autour
du pot, si vous me permettez cette expression : il y a, dans ce
pays, un problème de coût du travail. Que le CICE s’attaque
principalement à cette question – même si l’on a ajouté,
marginalement, le E de « emploi » – n’est pas quelque chose qui
nous choque.
Naturellement, on peut discuter d’un certain de
nombre de choix qui ont été faits, notamment du ciblage de la
mesure sur les salaires inférieurs à 2,5 fois le SMIC. Le
rapport Gallois proposait d’aller au-delà, de manière à mieux
inclure le secteur industriel.
Et c’est ce qui me conduit à
la question du périmètre. L’an dernier, je vous avais demandé,
monsieur le secrétaire d’État, pourquoi l’on n’avait pas
consulté la Commission européenne comme l’on doit toujours le
faire en matière d’aides d’État. Le Gouvernement du reste
l’avait fait en ce qui concerne les coopératives et l’avait
inscrit dans l’amendement d’origine.
Je rappelle pour la
deuxième ou la troisième fois que l’article 107 1) du Traité sur
le fonctionnement de l’Union européenne prohibe les aides
publiques de nature à fausser la concurrence « en favorisant
certaines entreprises ou productions ». Mais la notion
d’« entreprises ou productions » ne fait pas l’objet de
jurisprudence de la part de la Cour de justice européenne, elle
reste donc sujette à interprétation.
Il n’a jamais été
interdit de penser, ou du moins aurait-il fallu consulter la
Commission sur ce point, que la notion d’ « entreprises ou
productions » pouvait assez logiquement être regardée comme ne
s’appliquant pas à des entreprises qui, par définition, ne
seraient pas concurrentielles bien que vous ayez montré
brillamment il y a un instant que la grande distribution, qui ne
fait pas partie du périmètre de l’amendement, pourrait après
tout être considérée comme exposée à la concurrence.
Je
souhaite donc que cette question soit examinée sérieusement.
Lors du débat de juillet sur la loi de finances rectificative,
l’on m’avait répondu que la mission d’information sur le CICE
traiterait de ce sujet. À ma connaissance, tel n’a pas été le
cas. Et c’est fort dommage.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Cet amendement a été repoussé par la commission. Au
demeurant, vous évoquez vous-même, madame Bechtel, dans l’exposé
sommaire de votre amendement une incertitude quant à
l’appréciation par l’Union européenne de votre proposition
d’exclure les professions réglementées et la grande distribution
de l’avantage du CICE.
Notre commission n’a pas été en
mesure de statuer sur cette question puisque nous ne connaissons
pas l’avis de l’Union européenne sur ce point précis.
Mme Marie-Françoise Bechtel. Il n’a pas été recueilli !
Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Mais M. le secrétaire d’État dispose peut-être d’éléments qui permettraient de nous éclairer. À ce stade et pour ces raisons, la commission a repoussé cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. C’est une question essentielle, madame Bechtel. N’étant pas
un spécialiste du droit européen, j’ai consulté nos services qui
m’ont répondu qu’une mesure générale n’avait pas besoin d’être
notifiée, et encore moins approuvée, par la Commission.
Heureusement, car sinon toutes nos décisions en matière de
fiscalité devraient passer par le tamis de la Commission.
En
revanche, si la mesure devait être ciblée, la Commission aurait
à en répondre dans la mesure où elle pourrait représenter une
« aide » sectorielle, soit positivement, soit par principe de
contraposée. À partir du moment où vous dites que vous prenez
une mesure générale, mais que vous procédez à certaines
exclusions, cela veut dire que vous prenez une mesure
particulière pour les autres.
Indépendamment de la question
constitutionnelle d’égalité devant l’impôt, que j’ai évoquée
tout à l’heure, il y a une question de droit européen qui ferait
que toute distinction entre le type d’entreprise éligible
nécessiterait l’approbation de la Commission.
À ce stade de
mon analyse, je pense, avec modestie et humilité, que la mission
d’évaluation du CICE doit se saisir de cette question pour y
répondre de façon plus précise que moi.
M. le président. La parole est à M. Olivier Carré.
M. Olivier Carré. Madame Bechtel, des éléments de réponse figurent dans le rapport de la mission, dans un encadré, pour être tout à fait précis.
Mme Marie-Françoise Bechtel. Tout petit alors.
M. Olivier Carré. Je vous encourage à le lire.
M. Pisani-Ferry qui préside
le comité de suivi du CICE a été interrogé sur ce point. Je
salue au passage la création de cette instance, et j’en félicite
le gouvernement de l’époque, qui effectue une évaluation
annuelle et un contrôle permanent. Nous étions tous d’accord, y
compris les économistes, pour considérer le CICE dans l’ensemble
de la chaîne de valeurs. Dans cette perspective, très peu de
secteurs n’auraient pas intérêt à être aidés, soit pour se
transformer, soit pour embaucher et abaisser leurs coûts, et
finalement, améliorer la compétitivité de l’ensemble de
l’économie.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Françoise Bechtel.
Mme Marie-Françoise Bechtel. Je remercie Mme la rapporteure générale, M. le secrétaire
d’État et M. Carré de m’avoir apporté des précisions
intéressantes.
Monsieur le secrétaire d’État, j’entends bien
le raisonnement de vos services, selon lequel une mesure ciblée
devrait être notifiée à la Commission, ce qui n’est pas le cas
pour une mesure générale. Mais cette mesure, si générale qu’elle
apparaisse, est déjà ciblée. C’est du moins l’avis d’un certain
nombre de juristes. En choisissant de placer la barre à 2,5
SMIC, on a en effet explicitement choisi de faire profiter
l’industrie d’environ 20 % du dispositif. Le ministre Moscovici
l’a d’ailleurs dit lorsqu’il a présenté l’amendement. Il y a
donc un ciblage.
Cela dit, monsieur Carré, ce que j’ai lu
pour l’instant du rapport de la mission ne répond pas à la
question. Dans l’encadré, on peut lire que la question se
pose.
M. Olivier Carré. Non, la question a été posée et tranchée.
Mme Marie-Françoise Bechtel. Il n’y a pas l’ombre de l’analyse juridique qui m’avait été
promise en juillet.
Monsieur le secrétaire d’État, je ne
cherche pas à déstabiliser un système qui, quels que soient les
reproches qu’on puisse lui adresser – les entreprises ont
notamment parfois du mal à le comprendre – doit fonctionner,
rester lisible, clair et stable. J’aimerais cependant qu’il soit
revu si une occasion se présentait.
J’en profite pour dire
que je ne suis pas favorable à une assiette unique pour le
crédit d’impôt recherche et le CICE. Le crédit impôt recherche a
été inventé par un homme politique qui avait une grande ambition
pour son pays. Il visait à porter haut la recherche française et
à faire un lien entre la recherche et l’industrie.
Le CICE,
quant à lui, doit servir à résoudre la question de la
compétitivité par l’abaissement du coût du travail : il ne faut
pas se cacher derrière son petit doigt. Pour ce qui me concerne,
je considère que le CICE aurait dû être arbitré différemment,
mais je ne souhaite pas que le dispositif soit
déstabilisé.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Dans sa réponse concernant l’article 107 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, la Commission a considéré que le CICE était bien une mesure générale. Que le fait de prendre comme assiette les salaires inférieurs à 2,5 SMIC ait un effet mécanique et concerne plus ou moins tel ou tel secteur de l’activité économique est une évidence. C’est le cas de toutes les mesures générales qui ont un effet divers sur les différents types d’entreprises de notre pays.
(L’amendement no 599 rectifié n’est pas adopté.)
M. le président. La parole est à M. Stéphane Claireaux, pour soutenir l’amendement no 473.
M. Stéphane Claireaux. En 2013, les PME et les micro-entreprises, qui disposent
souvent de ressources limitées, se sont partagé moins de 42 % du
CICE alors qu’elles constituent le principal gisement d’emplois
potentiels. Pour les aider à embaucher et à investir, il paraît
utile et légitime de les faire bénéficier d’un taux de crédit
d’impôt pour la compétitivité et l’emploi supérieur à celui dont
bénéficient les entreprises de plus grande dimension.
Il est
ainsi proposé que les entreprises qui dérogent au taux normal de
l’impôt sur les sociétés de 33,1/3 % et bénéficient d’un taux de
15 % sur le critère de leur chiffre d’affaires et bénéfices
annuels tels que définis à l’article 219 du code général des
impôts, bénéficient parallèlement d’un taux supérieur de CICE
dans la mesure où celui-ci est assis sur la masse salariale de
l’entreprise et a donc, de fait, tendance à défavoriser en
volume les petites structures.
En effet, en 2013 les
montants moyens accordés aux grandes entreprises au titre du
CICE se sont élevés à 12,43 millions d’euros et plus de
495 000 euros pour les ETI, tandis que les PME n’ont bénéficié
en moyenne que de 25 000 euros et les micro-entreprises de
2 750 euros.
Enfin, cette proposition se conforme aux
critères de l’annexe I du règlement communautaire CE 800/2008,
s’agissant d’entreprises dont le chiffre d’affaires annuel
n’excède pas 50 millions d’euros ou dont le total de bilan
n’excède pas 43 millions d’euros.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Suivant la taille des entreprises, il est normal que
l’assiette imposable soit différente et que les retours, si
j’ose dire, en termes de CICE soient beaucoup plus importants
pour les grandes entreprises que pour les plus petites. Il faut
relativiser l’analyse que vous faites, monsieur le député, du
montant perçu par les entreprises en fonction de leur
taille.
Cela étant, le dispositif est plutôt simple.
Mme Bechtel n’est pas la seule à dire que les entreprises se
plaignent de la complexité du dispositif, mais il faut les
rassurer.
Mme Marie-Françoise Bechtel. C’est ce que nous faisons.
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Dans un colloque à l’Assemblée, j’ai été amené à dire que si
un expert-comptable ou un directeur financier n’était pas en
mesure d’appliquer le dispositif, je conseillais à l’entreprise
d’en changer. On m’a d’ailleurs répondu sur internet que toutes
les entreprises n’avaient pas un directeur financier. Certes,
mais en général, elles ont un expert-comptable ou au moins un
comptable.
Franchement, le dispositif est simple. Je répète
qu’il n’y a pas de contrôle fiscal attaché à la demande du CICE,
ou alors ce n’est plus discriminant puisque la plupart des
entreprises souhaitent profiter de ce dispositif. Mais ce n’est
pas le cas pour le CIR.
Monsieur le député, votre
proposition complexifierait le dispositif, ce que nous ne
souhaitons pas car la simplicité est un argument pour qu’il
s’impose. Par ailleurs, nous aurions le même type de problèmes
que pour le CIR, notamment s’agissant des filiales. Faut-il
apprécier le chiffre d’affaires au niveau du groupe ou filiale
par filiale ? Bref, nous aurions un dispositif qui, probablement
pour de bonnes raisons, se complexifierait et n’aurait plus la
lisibilité que nous souhaitions lui donner.
Je serais donc
défavorable à votre amendement s’il était maintenu.
M. le président. Maintenez-vous l’amendement, monsieur Claireaux ?
M. Stéphane Claireaux. Oui.
(L’amendement no 473 n’est pas adopté.)
M. le président. La parole est à M. Stéphane Claireaux, pour soutenir l’amendement no 472.
M. Stéphane Claireaux. Je vais poursuivre dans la même veine, monsieur le secrétaire
d’État.
En 2013, le taux du CICE était de 4 % tandis qu’en
2014, il est relevé à 6 % pour l’ensemble des entreprises. La
répartition des créances fiscales au titre du CICE en 2014 se
révélera ainsi encore plus proportionnellement avantageuse pour
les grandes entreprises et les ETI, du fait de la structure du
dispositif.
Pour les entreprises constituées de plus de 250
salariés ou qui ont plus de 50 millions d’euros de chiffre
d’affaires – ou plus de 43 millions d’euros de total de bilan –,
il est proposé de revenir raisonnablement en 2015 au taux de
4 %. Et ce, d’autant plus que la contribution exceptionnelle à
l’impôt sur les sociétés des grandes entreprises arrive à
échéance fin 2015.
(L’amendement no 472, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements,
nos 696 et 557 rectifié, pouvant être
soumis à une discussion commune.
La parole est à M. Nicolas
Sansu, pour soutenir l’amendement
no 696.
M. Nicolas Sansu. Cet amendement vise à limiter la distribution de dividendes
en orientant le CICE vers l’économie réelle et la création
d’emplois. Nous proposons que le taux du crédit d’impôt soit
réduit de moitié lorsque les dividendes versés par l’entreprise
aux actionnaires représentent plus de 10 % du bénéfice
imposable.
L’article 244 quater C du
code général des impôts précise certes déjà que le crédit
d’impôt ne peut ni financer une hausse de la part des bénéfices
distribués, ni augmenter les rémunérations des personnes
exerçant des fonctions de direction dans l’entreprise.
Cependant, en l’absence de mécanisme de sanctions, ce dispositif
reste très déclaratif.
On sait aussi qu’une part trop
importante des bénéfices est consacrée aux dividendes, et non à
l’investissement positif productif. Cet amendement s’efforce
donc de pallier les difficultés d’affectation du crédit d’impôt
compétitivité emploi, tout en laissant aux partenaires sociaux
le soin de régler ces problèmes d’affectation – mais on sait que
le rapport des forces n’est, à l’heure actuelle, pas favorable
aux représentants des salariés.
M. le président. La parole est à M. Éric Alauzet, pour soutenir l’amendement no 557 rectifié.
M. Éric Alauzet. L’article 66 de la loi de finances rectificative de
décembre 2012 dispose que le CICE est destiné à créer de
l’emploi, à favoriser les investissements dans l’avenir et
l’économie réelle, et prévoit un suivi – un « traçage » –
permettant de s’assurer que cette aide d’État n’ira pas nourrir
des dividendes ou abonder les salaires des dirigeants. On peut
d’ailleurs constater que, s’il ne s’agissait pas de ce crédit
d’impôt, mais d’un allégement de charges, nous n’aurions pas
tous ces débats.
Le présent amendement propose donc de
réduire de moitié le montant du CICE touché par une entreprise
lorsque celle-ci choisit de verser plus de 12 % de dividendes à
ses actionnaires. Vous vous souvenez, madame la rapporteure
générale, que lors d’un précédent débat en commission, j’avais
proposé de fixer ce seuil à 10 % mais vous m’aviez indiqué – et
sans doute aviez-vous raison – que la plupart des dividendes
versés représentent plus de 10 % du bénéfice imposable. J’ai
donc porté le chiffre de la proposition à 12 % et continuerai à
le faire par tranches de deux points : on verra à quel niveau le
seuil sera considéré comme n’étant pas supportable.
Il
s’agit de provoquer dans l’entreprise un arbitrage entre les
sommes versées pour abonder le dividendes et celles qui sont
réservées aux fonds propres et, le cas échéant, à
l’investissement – car tel est le but recherché. La part des
dividendes dans l’exercice brut d’exploitation – l’EBE – a
progressé de 2,5 % entre 2010 et 2011 et de 6,1 % entre 2010 et
2012. Il y a donc une balance mécanique entre les
investissements et les dividendes. Nous sommes là au cœur du
sujet et il importe donc de suivre l’évolution des dividendes et
de caler le versement du CICE en conséquence.
Je revendique
moi aussi la stabilité et je sais pourquoi nous en avons besoin,
car notre pays est confronté à un énorme problème de confiance.
Cependant, si nous nous interdisons de bouger face aux excès,
nous ne faisons pas notre travail. En outre, quand on ne bouge
plus, en politique comme dans la vie, on est mort.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Avis défavorable à ces deux amendements. En effet, monsieur Alauzet, le seuil de 10 %, et même de 12 %, est inférieur au pourcentage de dividendes actuellement versé par les entreprises, et cela dans tous les pays d’Europe.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Même avis.
M. le président. La parole est à M. Olivier Carré.
M. Olivier Carré. Monsieur Alauzet, comment fait une entreprise rachetée par ses salariés, qui ne peuvent financer cette reprise qu’au moyen d’une augmentation des dividendes ? Êtes-vous opposés à la reprise de l’entreprise par ses salariés ?
M. le président. La parole est à M. Nicolas Sansu.
M. Nicolas Sansu. Il est toujours possible, monsieur Carré, de regarder par le petit bout de la lorgnette. Vous savez bien que les dividendes ne servent pas qu’à cela.
M. Olivier Carré. Pas seulement, en effet.
M. Nicolas Sansu. Madame la rapporteure générale, si les seuils de 10 % et de 12 % sont trop bas, quel serait le niveau acceptable ?
(Les amendements nos 696 et 557 rectifiés, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
M. le président. La parole est à M. Bruno Le Roux, pour soutenir l’amendement no 548.
M. Bruno Le Roux. En 2007 a été créé le titre de maître restaurateur, titre
important pour la profession qui consacre la qualité de la
restauration traditionnelle et a peut-être contribué au
classement de la gastronomie française, en 2010, au patrimoine
culturel immatériel de l’humanité, ce dont nous nous félicitons
tous.
Le crédit d’impôt associé au titre de maître
restaurateur, qui participe à sa dynamisation, expire à la fin
de l’année 2014. Nous proposons de le proroger. Ce crédit
d’impôt permet en effet de favoriser des dépenses
d’investissement pour ceux qui le choisissent, et qui sont du
reste soumis à un audit destiné à vérifier la qualité de leur
travail. D’un montant maximum de 15 000 euros – soit 50 % de
dépenses d’investissement et de fonctionnement plafonnées à
30 000 euros –, il est une incitation forte à l’adoption de la
qualité associée à ce titre. À ce jour, 2 740 titres ont été
attribués et 760 maîtres restaurateurs ont eu recours au
dispositif fiscal en 2013.
Ce dispositif est pleinement en
phase avec la politique du Gouvernement en faveur de
l’augmentation de la qualité et du « fait maison ». Dans le
cadre de la discussion que nous menons avec toutes ces
professions en vue de leur modernisation, il est un important
élément d’incitation.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Avis favorable. Ce crédit d’impôt, d’un coût total de 3 millions d’euros par an, a déjà été prorogé l’an dernier. Vous avez rappelé à juste titre, monsieur Le Roux, que ce dispositif permet des améliorations et un soutien à l’équipement, notamment pour ce qui concerne la conservation des produits frais.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Monsieur Le Roux, le Gouvernement partage votre souci à
propos d’un dispositif que vous avez vous-même eu à cœur de
développer et qui est également très cher à Mme Carole Delga,
secrétaire d’État, qui en fait l’un de ses axes de travail. Le
Gouvernement est tout à fait favorable à la prolongation de ce
dispositif, qui n’est pour l’instant pas très coûteux.
Je
formulerai cependant un seul petit reproche, sous forme de clin
d’œil : parler de restauration à cette heure de la fin de la
matinée nous incite à accélérer nos travaux.
(Sourires.)
M. François Pupponi, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Je partage l’avis du Gouvernement.
M. le président. La parole est à M. Olivier Carré.
M. Olivier Carré. Je me félicite que ce dispositif, mis en place par M. Hervé Novelli, se perpétue par-delà les alternances politiques. Je me réjouis de l’unanimité qui s’exprime à son propos dans notre hémicycle.
(L’amendement no 548 est adopté.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements,
nos 653 et 80, pouvant être soumis à une
discussion commune.
La parole est à M. Daniel Goldberg, pour
soutenir l’amendement no 653.
M. Daniel Goldberg. Cet amendement vise à contribuer à la construction de
logements et à apporter des ressources supplémentaires au budget
de l’État, afin d’assurer, dans une même aire géographique, une
certaine solidarité entre les logements les plus chers et tous
ceux qui participent à la vie de ces quartiers où le logement
est particulièrement cher.
Il est donc proposé d’instaurer
une contribution de solidarité urbaine visant un montant de
transactions immobilières très élevé, à hauteur de 10 000 euros
du mètre carré, avec un rendement proportionnel. Je rappelle que
le prix médian par arrondissement à Paris est très inférieur à
ce seuil. Dans le 7e arrondissement, où
nous nous trouvons actuellement et où l’on voit la crise urbaine
avec une certaine distance, le prix médian des transactions
s’établit à 11 700 euros du mètre carré. Dans le
16e arrondissement, il se situe à
9 080 euros du mètre carré, ce qui signifie que, dans cet
arrondissement même, moins de la moitié des transactions
seraient visées.
Le montant de cette contribution de
solidarité urbaine serait ainsi, pour un appartement de
60 mètres carrés vendu à 11 000 euros du mètre carré, de
6 000 euros, soit moins de 1 % du prix de la transaction, et
pour un appartement de 100 mètres carrés vendu 12 000 euros du
mètre carré, de 20 000 euros, soit 1,7 % de la transaction.
L’ensemble de ces recettes pourrait, bien entendu, abonder le
budget de l’État.
Je ne doute pas que le ministre sera
sensible à ces arguments, qui représentent plusieurs dizaines de
millions d’euros sur l’ensemble du territoire national.
M. le président. La parole est à M. François Pupponi, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques de la commission des affaires économiques, pour soutenir l’amendement no 80.
M. François Pupponi, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. La commission des affaires économiques a soutenu l’amendement de M. Goldberg. C’est d’ailleurs pourquoi elle l’a repris à son compte sous la forme de l’amendement no 80.
M. le président. La parole est à Mme la rapporteure générale.
Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. La commission des finances n’a pas émis un avis favorable à ces amendements, en dépit de leur intérêt économique. Différentes questions se posent en effet quant au périmètre visé. Par ailleurs, une taxation existe déjà par le biais des plus-values.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Même s’il en comprend l’esprit, le Gouvernement n’est pas
favorable à ces amendements, pour plusieurs raisons.
Tout
d’abord, les droits de mutation à titre onéreux – les DMTO – ont
déjà subi l’année dernière une modification qui permet aux
départements d’en augmenter le montant – certains l’ont fait,
d’autres non.
M. Christophe Caresche. Ils le feront !
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Monsieur Caresche, je ne peux pas préjuger ce qu’ils feront.
Mais peut-être avez-vous des informations – je pense d’ailleurs
savoir à qui vous pensez ?
Cette question a donné lieu à un
long débat. Il s’agissait de permettre aux départements
d’échapper à l’effet de ciseaux provoqué par l’augmentation du
coût des allocations individuelles solidarité et la stagnation –
pour ne pas dire plus – de leurs recettes, car les DMTO sont,
par définition, proportionnels au nombre et au montant des
transactions, qui ont été moins nombreuses. Il s’agit là en
effet de phénomènes assez variables dans le temps.
La
deuxième raison, au moins aussi importante, est que vous
souhaitez affecter les sommes que pourrait dégager cette
disposition à la construction de logements, notamment de
logements sociaux. Comme je l’ai déjà dit hier, je ne suis pas
certain que les difficultés rencontrées pour construire du
logement social, notamment dans les zones tendues, soient
principalement – ou du moins pas exclusivement – liées à des
questions financières, même si tout va toujours mieux quand on a
plus d’argent pour le faire. La question tient dans une large
mesure à la disponibilité du foncier. C’est là un point sur
lequel nous travaillons de diverses manières, ainsi que les élus
locaux.
C’est aussi une question de volonté. Ainsi,
M. Dumont et les professionnels du secteur nous rappellent
régulièrement qu’un grand nombre des dossiers déposés – 40 % –
sont bloqués, interrompus par de nouveaux élus
locaux.
D’autres sont interrompus pour des raisons de normes
ou pour des raisons réglementaires – loi sur l’eau, loi sur
l’environnement, étude d’impact, archéologie préventive, etc. –
qui retardent souvent les dossiers.
Pour d’autres dossiers
encore, c’est en raison d’une absence de volonté : il faut la
constater, sans là encore porter de jugement.
Il ne s’agit
donc pas forcément de raisons financières.
En fait, vous ne
nous proposez pas le bon vecteur ni le bon système. Cette taxe
nouvelle se répercuterait-elle dans les prix ? Pour qui :
l’acheteur ou le vendeur ? Ces questions peuvent se poser. Cela
contribuerait-il à baisser les prix ? Je n’en suis pas
franchement sûr – encore que, comme il y a un seuil, il y a
toujours ceux qui sont juste en dessous ou juste au-dessus : à
9 999 euros du mètre carré, on ne paierait pas, tandis qu’à
10 010 du mètre carré, on paierait beaucoup plus : ces
phénomènes sont connus.
Pour toutes ces raisons, et
essentiellement pour la raison que les droits de mutation à
titre onéreux ont très souvent subi une augmentation récemment
et que d’autres pourraient la subir bientôt, je ne souhaite pas
que nous rajoutions une couche à ce principe des DMTO. Avis
défavorable.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. François Pupponi, rapporteur pour avis. Je suis intervenu trop rapidement tout à l’heure : j’ai bien
entendu soutenu l’amendement de M. Goldberg, dont je suis
cosignataire, mais l’amendement no 80 de la
commission des affaires économiques était un peu différent en ce
qu’il limitait cette taxe à la seule Île-de-France.
Je
répondrai simplement à M. le secrétaire d’État qu’on peut
toujours se demander s’il faut rajouter de la fiscalité pour
certaines mutations mais, malheureusement, nous serons tôt ou
tard obligés de le faire. Il existe en effet un problème de
financement du logement, particulièrement en Île-de-France. Le
problème du financement du logement réside dans son coût de
sortie : lorsqu’on totalise le prix du foncier et le prix de la
construction en Île-de-France, le coût de sortie pose un vrai
problème, en particulier pour la construction de logements
sociaux.
Nous savons parfaitement que nous aurons besoin,
dans les années qui viennent, de financements pour l’Agence
nationale de l’habitat – l’ANAH – et pour l’Agence nationale
pour la rénovation urbaine – l’ANRU – car les moyens de ces
agences ne sont pas forcément suffisants pour faire face à
l’ensemble de leurs obligations.
J’entends bien la demande,
mais nous insistons tout de même fortement pour que, d’une
manière ou d’une autre, l’on trouve des moyens plus importants,
en particulier en Île-de-France mais pas seulement, pour
financer le logement, notamment le logement social. La question
se posera à un moment ou à un autre.
M. le président. La parole est à M. Christophe Caresche.
M. Christophe Caresche. Je souhaite souligner la nécessité de faire attention à des
dispositifs qui alourdissent la fiscalité sur les transactions.
Ainsi que le secrétaire d’État l’a rappelé, les départements se
sont vus donner la capacité d’augmenter les DMTO. Pour
l’instant, le département de Paris n’a pas recouru à cette
capacité, précisément parce qu’il considère qu’il faut faire
attention à ne pas dissuader les transactions. Il est clair
qu’une fiscalité trop lourde finit par peser sur le niveau des
transactions, engendrant des baisses de recettes fiscales. Cet
équilibre étant délicat, il faut être attentif à ne pas le
mettre en péril.
Je considère d’ailleurs que les DMTO sont
déjà trop élevés et que l’un des moyens de relancer les
transactions serait justement de les baisser, quitte d’ailleurs
à davantage fiscaliser la détention. Je trouve par conséquent
que ces amendements ne vont pas dans le bon sens sur ce
point.
M. le président. La parole est à M. Daniel Goldberg.
M. Daniel Goldberg. J’entends les différentes remarques. Concernant le rapport
entre les DMTO et les niveaux de prix, je rappelle que ces deux
amendements sont ciblés : ils portent sur des transactions à
10 000 euros le mètre carré ! Il faut savoir de qui on parle en
termes de vendeurs et d’acquéreurs : ainsi, la part d’étrangers
qui achètent à ce niveau de prix des logements dans la capitale
est relativement importante.
S’agissant de la nécessité de
bien réfléchir à ce que nous sommes en train de faire et
d’éviter d’alourdir la fiscalité, j’aurais pu, par malice, lire
la feuille que j’ai sous les yeux concernant le programme de
l’un des candidats à la précédente élection présidentielle pour
le financement du logement !
Nous avons beaucoup parlé hier,
au moment de l’examen des dispositifs d’investissements
locatifs, du logement rare et cher qui s’est beaucoup développé
ces dernières années, entretenu, notamment dans le cœur de la
capitale, par une flambée financière et créant ainsi une forme
de rente immobilière. Ceux qui ont la chance de vivre dans ces
appartements ont besoin d’instituteurs, de policiers, d’agents
qui nettoient leur rue, de gens qui participent à cette cohésion
urbaine.
Je partage complètement l’avis de M. le secrétaire
d’État concernant les blocages à la construction de logements,
qui ne sont pas que financiers. Mon amendement vise du reste à
abonder les caisses de l’État, par exemple le futur programme
national pour la rénovation urbaine : nous savons tous que nous
avons des difficultés à financer ce nouveau PNRU.
Pour
toutes ces raisons et, encore une fois, parce qu’il est ciblé
sur un niveau de transaction excessivement élevé, je maintiens
mon amendement.
(Les amendements nos 653 et 80, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
M. le président. La parole est à M. François Pupponi, pour soutenir l’amendement no 587.
M. François Pupponi. Je le retire.
(L’amendement no 587 est retiré.)
M. le président. La parole est à M. François Pupponi, pour soutenir l’amendement no 586.
M. François Pupponi. Je le retire également.
(L’amendement no 586 est retiré.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements,
nos 588 et 667, pouvant être soumis à une
discussion commune.
La parole est à M. François Pupponi,
pour soutenir l’amendement no 588.
M. François Pupponi, rapporteur pour avis. Je le retire.
(L’amendement no 588 est retiré.)
M. le président. La parole est à M. Stéphane Claireaux, pour soutenir l’amendement no 667.
M. Stéphane Claireaux. Le présent amendement a pour objet de renforcer le caractère
exhaustif de la situation cadastrale et foncière en proposant
une mesure incitative transitoire en matière de droits de
mutation à titre gratuit – les DMTG –, qui permettrait
d’accélérer l’engagement des démarches de reconstitution des
titres de propriété des immeubles et des droits immobiliers dont
la propriété est incertaine.
En effet, la reconstitution des
titres de propriété peut s’avérer une opération longue et
coûteuse concernant les immeubles et droits immobiliers qui ne
sont pas délimités pour des raisons socio-historiques et
géographiques propres à certains territoires de la République,
tels que les départements d’outre-mer et certains espaces
métropolitains situés dans des zones montagneuses et
pré-montagneuses.
À cette fin, la mesure proposée
permettrait d’exonérer de DMTG à hauteur de 30 % de leur valeur,
lors de leur première mutation à titre gratuit, tout immeuble et
droit immobilier pour lesquels le droit de propriété serait
constaté pour la première fois par un acte régulièrement
transcrit ou publié entre le 1er
octobre 2014 et le 31 décembre 2017.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Avis favorable puisque cet amendement, à la différence d’autres que nous avons été amenés à examiner en commission des finances, prévoit que cette exonération n’est pas cumulable avec d’autres exonérations qui seraient applicables, notamment en Corse.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Le Gouvernement est favorable à l’amendement no 667 soutenu par votre collègue, en précisant, pour éviter toute ambiguïté, que cette disposition est d’application générale et vise tous les territoires confrontés à une problématique foncière…
Mme Marie-Christine Dalloz. Tout le monde sait bien que c’est la Corse qui est visée !
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Non, madame Dalloz, c’est faux ! Il vise principalement le
département que vous citez, qui est l’un des plus beaux
départements d’Europe, mais d’autres territoires sont concernés
par cette disposition, en France métropolitaine et en
outre-mer : c’est important de le préciser pour que le Parlement
soit parfaitement éclairé.
Cet amendement permet de donner
une portée plus globale et plus forte aux mesures qui ont été
instaurées par la loi de finances de 2014. Cela répond
totalement à notre objectif de reconstituer les titres de
propriété afin que nous puissions fonctionner sur ces
territoires comme sur l’ensemble de notre territoire national de
façon uniforme, équitable et égale pour tous.
Cette
disposition est incitative et cohérente avec notre volonté, que
je crois commune au Gouvernement et au Parlement, d’accompagner
la démarche des redevables qui souhaitent mettre fin au flou
juridique entourant la propriété de leurs immeubles. C’est une
mesure encadrée puisqu’elle est tout à la fois transitoire,
limitée dans le temps, et exclusive de toute autre exonération
de DMTG qui porterait sur le même bien. Il était utile et
important de donner ces précisions pour suggérer que votre
assemblée adopte l’amendement
no 667.
M. le président. La parole est à M. François Pupponi.
M. François Pupponi, rapporteur pour avis. Pour de nombreuses raisons, je soutiens bien entendu cet amendement. Je pose simplement une question : il est dit dans l’amendement que cette disposition est exclusive de toute autre. Or actuellement, en Corse et jusqu’en 2017, il existe un abattement de 50 % sur les droits de mutation pour succession : cela signifie-t-il que, les deux n’étant pas incompatibles, les contribuables corses continueront de bénéficier de cet abattement de 50 % pendant deux ans s’ils ne choisissent pas ce dispositif ? Les gens auront-ils le choix entre l’une et l’autre de ces dispositions ?
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. M. Pupponi est toujours un acteur de ces sujets qui occupent notre assemblée depuis très longtemps, et qui ont subi des avatars que je n’ai pas rappelés puisque notre temps est limité. Je souhaite néanmoins préciser à M. Pupponi qu’en effet, l’option entre les deux dispositifs sera possible. Il n’est d’ailleurs pas impossible, en cas de doute, que nous le précisions par écrit en seconde lecture afin que chacun soit parfaitement éclairé sur ce point, à commencer par les utilisateurs. Quoi qu’il en soit, ma réponse engage le Gouvernement.
(L’amendement no 667 est adopté.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements,
nos 391 et 508, pouvant être soumis à une
discussion commune.
La parole est à M. Jérôme Chartier, pour
soutenir l’amendement no 391.
M. Jérôme Chartier. On va quitter la Corse – quoique…
M. François Pupponi, rapporteur pour avis. Et la Lozère ! C’est surtout pour elle que cet amendement a été rédigé ! (Sourires.)
M. Jérôme Chartier. Je ne sais pas si beaucoup de personnes sont concernées par
l’ISF en Lozère, mais c’est probable !
Le présent amendement
est important et politique : il vise à supprimer l’impôt de
solidarité sur la fortune. La logique est assez simple : chacun
s’est rendu compte du caractère improductif de cet impôt dans la
mesure où il est à l’origine de départs considérables à
l’étranger de forces vives et de capitaux qui seraient très
utiles à la France. C’est la raison pour laquelle il faut
maintenant tomber les masques, cesser tout faux-semblant, se
regarder les yeux dans les yeux, ne pas faire de politique avec
cet impôt qui est contre-productif, et accepter au nom de
l’intérêt de la France de supprimer l’ISF.
M. le président. La parole est à M. Olivier Carré, pour soutenir l’amendement no 508.
M. Olivier Carré. Défendu, avec les mêmes arguments !
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements en discussion commune ?
Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Défavorable.
M. Jérôme Chartier. On ne sait pas pourquoi !
Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Vous le savez parfaitement car nous en avons parlé à de nombreuses reprises en commission !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur ces amendements en discussion commune ?
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Monsieur Chartier, vous avez repris dans votre présentation ma déclaration d’hier : « les masques tombent ! ». Hier, vous nous avez proposé d’augmenter la TVA, que payent tous les Français, y compris les plus modestes, de 2 %…
M. Yann Galut. Eh oui !
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. …ce qui, je le rappelle, constitue un prélèvement
supplémentaire sur l’ensemble des Français, que j’évalue autour
de 12 milliards d’euros. Hier, vous nous avez proposé, en disant
que vous souhaitiez être clair, 12 milliards d’euros de TVA
supplémentaires pour l’ensemble des Français.
Aujourd’hui,
deuxième étape, probablement pas sans lien, d’ailleurs :
pourquoi voulez-vous faire payer 12 milliards de TVA
supplémentaires ? Pour supprimer l’impôt de solidarité sur la
fortune, soit 5,1 milliards d’euros dont vous souhaitez faire
cadeau à ceux qui payent l’impôt de solidarité sur la fortune,
c’est-à-dire à ceux qui ont un patrimoine supérieur à
1,3 million d’euros ! Reconnaissez que ce n’est pas la majorité
de nos concitoyens.
Vos propositions ont au moins le mérite
de la cohérence : 12 milliards de TVA de plus pour tout le monde
et 5 milliards d’ISF de moins pour quelques dizaines de milliers
de personnes. Je vous félicite d’assumer ainsi vos choix : cela
a l’avantage de clarifier le débat.
M. Yann Galut. C’est la lutte des classes !
M. François Pupponi, rapporteur pour avis. C’est le programme de Fillon !
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Encore est-ce là le programme de l’un des candidats à la
présidence de l’UMP : un autre prône une augmentation encore
plus importante de la TVA et le troisième surenchérit en
promettant de « cogner fort » !
Avis défavorable à
l’amendement.
M. le président. La parole est à M. Jérôme Chartier.
M. Jérôme Chartier. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État, de ne pas
refuser le débat. Je suis par ailleurs ravi de voir que des
collègues viennent d’arriver pour exprimer leur opposition à ma
proposition. Il est vrai qu’il est tellement simple de la
caricaturer. Pourtant de plus en plus de voix s’élèvent, jusque
dans la majorité – en dehors de l’hémicycle bien sûr – pour
reconnaître le caractère contre-productif de l’impôt de
solidarité sur la fortune, qui porte de plus en plus mal son
nom, et qu’il convient de repenser profondément.
Je pense
sincèrement que la TVA est l’impôt de l’avenir.
Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Vous ne pouvez pas dire ça !
M. Jérôme Chartier. Certes il faudra le réformer, réviser ses taux et repenser
ses bases pour améliorer sa performance, mais ses recettes
constituent une des rares ressources dynamiques, alors que les
bases des autres grands impôts de notre fiscalité sont en train
de s’affaisser – je pense notamment à l’impôt sur le
revenu.
Quant à l’ISF, il est devenu aujourd’hui
contre-productif et a fait perdre énormément d’argent et
d’emplois à la France.
On peut toujours caricaturer notre
position, en prétendant qu’elle a pour but de protéger les plus
fortunés, au détriment des plus faibles, mais cette caricature
usée ne trompe plus personne. Le débat politique n’oppose plus
les représentants des plus fortunés aux représentants des plus
modestes, mais des personnes qui, je l’espère, se sentent toutes
concernées par l’avenir de leur pays.
Je suis comme vous
partisan du principe de la progressivité de l’impôt, principe de
justice et d’équité, et je pense qu’il ne faut plus caricaturer
ainsi le débat public.
M. le président. Concluez.
M. Jérôme Chartier. Je vous demanderais de bien vouloir faire preuve de compréhension à mon égard, monsieur le président, d’autant que je n’ai pas abusé de mon temps de parole ce matin.
M. le président. Vous avez largement dépassé les deux minutes.
M. Jérôme Chartier. Et je vous en remercie infiniment, parce qu’il s’agit là d’un
débat essentiel.
C’est parce que je pense que l’ISF est
contre-productif que j’en demande la suppression. Mais cette
suppression doit s’inscrire dans le cadre d’une réflexion
collective sur les bases susceptibles d’assurer la progressivité
de notre fiscalité. Il faudra par ailleurs renforcer la
performance de la TVA, via notamment une redéfinition de ses
trois taux.
M. le président. La parole est à M. Alain Fauré.
M. Alain Fauré. L’impôt, monsieur Chartier, c’est ce qui permet de faire
fonctionner l’État, la République, et chacun doit y contribuer à
proportion de ses revenus : voilà un principe juste et
clair.
Vous considérez la TVA comme l’impôt de l’avenir ; je
considère, pour ma part, et sans vouloir faire de la
provocation, que c’est plutôt l’impôt de la lâcheté, taxant
aveuglément la consommation tous les Français, ceux qui ont des
revenus modestes payant proportionnellement beaucoup plus que
les familles aisées. Cela n’est pas juste, vous devez
l’admettre, et à ce titre c’est indéfendable ici, sur quelque
banc que ce soit.
Augmenter cet impôt est une solution de
facilité et qui ne permet aucune lisibilité, quand le courage
politique exige au contraire de fixer des orientations claires à
l’action publique. Nous devons traduire nos politiques dans des
choix fiscaux lisibles et conformes à nos objectifs.
M. le président. La parole est à M. Philippe Vigier.
M. Philippe Vigier. Monsieur Fauré, si nous avons augmenté la TVA en 2012,
c’était pour améliorer la compétitivité de nos entreprises.
Après avoir annulé cette augmentation et juré, la main sur le
cœur, que jamais vous ne toucheriez à la TVA, vous l’avez fait
passer de 19,6 à 20 % et de 7 à 10 %. On a pu vérifier à cette
occasion la différence entre vos discours et vos
actes.
C’est que vous vous êtes rendu compte qu’il fallait
trouver des marges de manœuvres budgétaires pour améliorer la
compétitivité des entreprises, pour financer le CICE, qui, non
seulement n’était pas financé, mais était peu efficace.
Tout
le monde sait qu’une augmentation d’un point du taux plein de
TVA se traduit par une baisse de seulement 0,2 point du pouvoir
d’achat.
C’est pourquoi je suis partisan d’une augmentation
significative du taux plein de TVA, celui qui a le moins
d’incidence sur le pouvoir d’achat.
Pardonnez-moi de vous le
dire, vous vous êtes complètement trompé sur ce sujet. Comment
pouvez-vous dire qu’il faut que tout le monde contribue à
l’impôt, alors qu’en supprimant la première tranche de l’impôt
sur le revenu, vous allez encore renforcer l’extrême
concentration de cet impôt, au point de mettre en cause son
acceptabilité.
Sur ce sujet, malheureusement, votre
raisonnement économique s’est fracassé sur les faits.
M. Jérôme Chartier. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Olivier Carré.
M. Olivier Carré. Il faudra aussi s’interroger sur la façon dont la valeur
ajoutée se construit dans notre pays et à l’échelle européenne.
Certains se demandent si une TVA inter-entreprises est toujours
pertinente. Selon eux, sa suppression permettrait aux
entreprises exportatrices de lutter à égalité avec leurs
compétiteurs, notamment allemands, qui ne la paient pas, et à
l’administration fiscale de ne plus avoir à traquer les fraudes
telles que les carrousels de TVA. Cette seule optimisation se
traduirait par un gain de près de 7 milliards d’euros de
recettes pour l’État à taux constant.
Si cet impôt a
rencontré un grand succès – au point d’avoir été repris dans le
monde entier – à une époque où la valeur ajoutée était créée par
une industrie et des services non délocalisables, il est
aujourd’hui remis en cause dans son principe même. Il serait
utile de réfléchir sur le fond du sujet avant même d’envisager
de faire évoluer ses taux.
M. le président. La parole est à M. Jérôme Chartier.
M. Jérôme Chartier. Je vous remercie, monsieur le président, de donner tout son
temps au débat lorsque les circonstances l’exigent.
Puisque
nous sommes entrés dans les détails – je salue à ce propos les
propos de Philippe Vigier – vous me permettrez de préciser
davantage ma proposition.
La caricature que vous en faites
laisse à penser que nous voudrions compenser la suppression de
l’ISF par une augmentation des taux réduits de TVA, alors que ce
n’est pas du tout le cas. Je vous le dis ici : le rétablissement
d’un taux de TVA de 33 % sur les produits de luxe me semble
absolument justifié en France aujourd’hui. La suppression en
contrepartie de l’impôt de solidarité sur la fortune me paraît
de bon sens.
Un tel choix serait excellent pour notre pays,
notamment pour l’emploi. Taxer en contrepartie les produits de
luxe via la modulation des taux de TVA ne me paraît pas
aberrant.
M. le président. La parole est à M. Yann Galut.
M. Yann Galut. Ce débat prouve que, contrairement à ce que disent certains, il reste de très grandes différences entre la gauche et la droite.
M. Dominique Baert. Et que la droite n’a pas changé.
M. Yann Galut. Ce que vous nous proposez aujourd’hui, c’est ce que vous proposez depuis des années. Il s’agit d’augmenter la TVA, ce qui, contrairement à ce que vous dites, frappe surtout les classes populaires et les classes moyennes : c’est une réalité économique.
M. Jérôme Chartier. Pas si on augmente la TVA sur les produits de luxe !
M. Yann Galut. Quant à votre proposition de suppression de l’ISF, c’est une
nouvelle offensive idéologique visant à défendre les classes
supérieures. Vous savez très bien, monsieur Chartier, que ces
catégories bénéficient d’ores et déjà de niches fiscales et
autres possibilités d’optimisation fiscale.
Contrairement à
ce que vous répétez sans cesse, il n’y a pas d’exode massif des
grandes fortunes de notre pays, au contraire : un grand
quotidien économique a publié il y a deux jours des chiffres
indiquant que le nombre de millionnaires a augmenté de 10 % dans
notre pays depuis 2013, passant de 2,2 millions à 2,4 millions
de millionnaires.
M. Olivier Carré. Et durant ce temps le chômage augmente !
M. Yann Galut. Dans ce débat, fondamental du point de vue de la justice sociale et fiscale, vous êtes fidèles à la position qui est la vôtre depuis des années, sans d’ailleurs la mettre en œuvre quand vous étiez au gouvernement.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz.
Mme Marie-Christine Dalloz. Ouvrir le débat sur la TVA, ce n’est pas faire de l’idéologie, monsieur Galut, même si M. Fauré prétend que proposer d’augmenter la TVA est une idée de droite. Pourtant les dernières augmentations de TVA ne sont pas de notre fait : c’est bien votre majorité qui a augmenté le taux intermédiaire. Ce taux ne s’appliquant pas à des produits de luxe, il a un impact direct sur le pouvoir d’achat des ménages.
M. Philippe Vigier. C’est vrai !
Mme Marie-Christine Dalloz. Il est temps de revenir à la réalité et d’assumer vos
choix.
Le produit de la TVA est encore une recette
dynamique, peut-être la seule qui nous reste. Elle a en outre un
effet redistributif au profit des collectivités territoriales,
ce qui n’est pas négligeable dans la période de disette qu’elles
vont traverser.
Il me semble en conséquence que la
substitution à l’ISF d’un taux majoré de TVA sur les produits de
luxe est une piste de réforme d’actualité.
(Les amendements nos 391 et 508, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
M. le président. La parole est à Mme la rapporteure générale, pour soutenir l’amendement no 812.
Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Le présent amendement vise à harmoniser les droits de mutation à titre gratuit et l’impôt de solidarité sur la fortune pour l’abattement des parts de groupements forestiers et de groupements fonciers.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je vous remercie d’avoir déposé cet amendement, madame la
rapporteure générale, car il répond à un souhait que partage le
Gouvernement.
Dans un souci de cohérence et de lisibilité de
la loi, il vise en effet à harmoniser la limite au-delà de
laquelle l’exonération partielle de DMTG et d’ISF des biens
ruraux donnés à bail à long terme ou à bail cessible et des
parts de groupements fonciers agricoles et de groupements
agricoles fonciers est ramenée à 50 % en fixant son montant à
101 897 euros à compter du 1erjanvier
2015.
Le Gouvernement est donc favorable à cet amendement,
qui est bienvenu.
M. le président. La parole est à M. Jérôme Chartier.
M. Jérôme Chartier. C’est un petit effort, mais nous sommes encore loin du compte. Il aurait été tellement plus simple de supprimer l’ISF en votant l’amendement que nous vous avons proposé voilà quelques instants !
M. Christophe Caresche. Que ne l’avez-vous fait lorsque vous étiez au pouvoir !
M. Jérôme Chartier. Au travers de cet amendement, on perçoit néanmoins votre malaise vis-à-vis de l’ISF ; vous cherchez les moyens de rendre cet impôt le moins agressif possible. Je pense que vous viendrez à notre solution, ce n’est qu’une question de temps. Vous finirez par considérer la suppression de l’ISF comme le moyen de faire revenir sur notre territoire les capitaux et les personnes qui souhaitent investir en France pour l’emploi, c’est-à-dire le moyen de relancer l’investissement, donc la croissance.
Mme Marie-Christine Dalloz. Très bien !
(L’amendement no 812 est adopté.)
M. le président. La parole est à Mme la rapporteure générale.
Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Je demande une suspension de séance, monsieur le président.
M. le président. La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures, est reprise à douze heures dix.)
M. le président. La séance est reprise.
La parole est à Mme la rapporteure
générale, pour soutenir l’amendement no 238,
portant article additionnel après l’article 6.
Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Si vous le permettez, monsieur le président, je laisserai M. Vigier le présenter.
M. le président. La parole est à M. Philippe Vigier.
M. Philippe Vigier. Je vous remercie de me céder la parole, Mme la rapporteure
générale, vous qui êtes également signataire de cet amendement au
nom de la commission des finances.
Ce n’est pas la première fois
que nous ouvrons ce débat dans cet hémicycle. J’avais d’ailleurs eu
l’occasion de déposer un amendement identique à celui-ci sous la
précédente législature. Je rappelle également que M. Christian
Eckert, en 2012, lorsqu’il était député, avait lui-même déposé un
tel amendement, affirmant à l’époque : « Il ne s’agit pas de taxer
la culture mais de proposer une mesure d’équité […]. »
Quel est
l’objet de cet amendement ? De nombreux élus socialistes se sont
exprimés voilà quelques instants pour nous expliquer qu’il ne
fallait pas supprimer l’impôt de solidarité sur la fortune, ajoutant
qu’il fallait de l’équité. La question qui se pose est donc la
suivante : l’exclusion des œuvres d’art de l’assiette de l’ISF
est-elle une mesure d’équité ?
Permettez-moi de rappeler, mes
chers collègues, que dans une décision de septembre 2010 faisant
suite à une question prioritaire de constitutionnalité, le Conseil
constitutionnel a mis fin à la distinction entre les biens
productifs de revenus et les autres biens, considérant « qu’en
instituant un impôt de solidarité sur la fortune, le législateur a
entendu frapper la capacité contributive que confère la détention
d’un ensemble de biens et de droits ; que la prise en compte de
cette capacité contributive n’implique pas que seuls les biens
productifs de revenus entrent dans l’assiette de l’impôt de
solidarité sur la fortune ». Ainsi, à terme, les exonérations dont
bénéficient les œuvres d’art sont injustifiées.
Je ne voudrais
pas citer les propos d’un ancien ministre du budget socialiste,
selon lequel certaines œuvres d’art ne sont contemplées qu’entre les
quatre parois d’un coffre-fort…
M. Christophe Caresche. Ah !
M. Philippe Vigier. Oui, monsieur Caresche, cela peut vous surprendre, mais il est
toujours intéressant de connaître les citations des socialistes afin
de les reprendre au moment opportun.
Dès lors qu’on parle
d’équité, il paraît normal qu’un contribuable déclare l’ensemble des
biens meublants – véhicules et autres biens – dont il dispose dans
ses différentes villégiatures. Cet amendement nous paraît donc juste
au regard de l’effort qui est demandé à l’ensemble des
contribuables. C’est la raison pour laquelle nous l’avons
soutenu.
En outre, il s’agit non pas de taxer la culture et la
création, mais simplement le caractère spéculatif que l’on peut
rencontrer sur le marché de l’art, car il n’y a pas de raison que la
spéculation échappe à la taxation.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Soyons clairs : le député Christian Eckert a défendu il y a deux
ans un amendement différent. Il visait à intégrer dans l’assiette de
l’ISF, non pas l’ensemble des œuvres d’art, mais uniquement celles
dont la valeur était supérieure à 50 000 euros – de mémoire – et
prévoyait d’exonérer celles destinées à être exposées au public. À
ceux qui prétendent que j’avais déposé un amendement identique, je
réponds donc qu’il avait une portée moins large que le vôtre.
De
plus, le député Christian Eckert l’a défendu au moment où la
majorité actuelle rétablissait un ISF – c’est tout à son honneur –
que ses prédécesseurs avaient en quelque sorte vidé de sa
substance.
M. Jean-Luc Laurent. Exactement !
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Dès lors, il me semblait logique de défendre cet amendement à
titre personnel lorsque j’étais député comme chacun d’entre vous, et
la commission avait d’ailleurs à l’époque donné son
assentiment.
Je ne suis pas parvenu à le faire adopter. Certes,
nous pouvons revenir tous les six mois sur le sujet mais, vous
l’avez constaté, je n’ai pas présenté le même amendement à chaque
projet de loi de finances initiale ou rectificative, considérant que
le débat avait eu lieu et que chacun avait pu s’exprimer.
L’assemblée avait majoritairement rejeté cette idée. Il n’est pas
sain de discuter à chaque période budgétaire toujours des mêmes
sujets – nous avons utilisé hier l’expression « allée des
marronniers » –, en recourant aux mêmes arguments, suivis assez
souvent des mêmes votes.
Aujourd’hui, votre serviteur est
secrétaire d’État chargé du budget, membre d’un gouvernement. Je
n’ai pas à donner ici les raisons qui m’ont conduit à accepter cette
fonction, mais il est normal que je m’exprime aujourd’hui au nom du
Gouvernement et c’est à ce titre que je considère que votre
amendement est plus sévère. On peut tous un jour se retrouver dans
ce type de situation, cela pourra arriver à d’autres que
moi !
Le Gouvernement n’est pas favorable à cet amendement
adopté par votre commission – d’autres orateurs s’exprimeront
certainement sur le sujet –, car il peut avoir un impact sur le
marché de l’art, sur la place qu’occupe la France sur ce marché, sur
l’intérêt économique qu’il représente. Il peut également poser la
question de l’utilisation des œuvres d’art comme un vecteur de
circulation d’une forme de capital, de spéculation, de placement,
d’évitement ou non de certains types d’impôts.
À cet égard, il
existe quand même une fiscalité particulière sur les plus-values
réalisées sur les œuvres d’art, qui a été souvent modifiée et remise
en cause. Mais, comme d’autres supports, l’on peut considérer que
ces produits doivent faire l’objet d’une attention particulière, de
façon qu’ils ne soient pas pour certains un moyen d’échapper à toute
forme d’imposition de plus-value.
Pour toutes ces raisons et
celles qui seront probablement exposées par d’autres orateurs – par
exemple les difficultés liées à l’évaluation et au contrôle –, car
je ne voudrais pas monopoliser la parole, le Gouvernement précise
son opposition à cet amendement et souhaite qu’il ne soit pas adopté
par le Parlement.
M. le président. La parole est à M. Patrick Bloche.
M. Patrick Bloche. Je ne serai pas long, car nous avons eu exactement le même débat
il y a deux ans dans l’hémicycle, même si l’amendement n’était pas
tout à fait identique, comme vient de le rappeler M. le secrétaire
d’État.
Je comprends évidemment les arguments relatifs à
l’équité et à la justice sociale, mais je voudrais vraiment
persuader mes collègues que cet amendement est contraire aux deux
objectifs poursuivis par ce projet de loi de finances pour
2015.
Tout d’abord, il aurait un effet contre-productif sur la
réduction des déficits publics, car les sommes collectées au titre
de l’ISF ne compenseraient en rien les rentrées fiscales qui
proviennent pour l’État du marché de l’art en France.
Ensuite,
cet amendement est contraire à l’esprit même de compétitivité qui
est au cœur de l’action et des choix économiques du Gouvernement et
de sa majorité. Le marché de l’art dans le monde est
hypercompétitif. Nous essayons, en France, vieux pays de culture, de
préserver la compétitivité du marché de l’art, malgré la concurrence
venue d’Europe même, d’Outre-Atlantique et désormais d’Asie.
De
ce fait, l’adoption de cet amendement entraînerait un effondrement
du marché de l’art en France, ce qui menacerait directement des
emplois et diminuerait la contribution de ce secteur au PIB et les
rentrées fiscales. Je ne cite aucun chiffre pour être bref, car nous
avons eu le même débat il y a deux ans. Nous ne pouvons pas mettre
régulièrement les acteurs du marché de l’art dans une situation
d’incertitude. J’espérais que le débat de 2012 valait pour la durée
du quinquennat ! Il n’en est rien.
Ainsi, pour des raisons de
réduction des déficits publics et de compétitivité, je souhaiterais
que cet amendement ne soit pas adopté.
M. le président. Beaucoup d’orateurs demandent la parole sur cet amendement. Aussi, je demande à chacun de limiter son intervention à deux minutes. La parole est à M. Éric Woerth.
M. Éric Woerth. J’irai dans le sens de M. Bloche : le marché de l’art est
extraordinairement compétitif et est, par nature, mondial. La France
doit rester un pays leader dans ce domaine.
L’adoption de cet amendement serait un signal extrêmement négatif,
d’autant que les œuvres d’art sont extrêmement mobiles et peuvent passer
les frontières plus facilement que bien d’autres produits. En
conséquence, l’on appauvrirait le pays.
Par ailleurs, la meilleure
réforme de l’ISF, c’est sa suppression.
M. Philippe Vigier. Eh oui !
M. Jean-Luc Laurent. C’est clair et net !
M. Éric Woerth. Je ne vois pas pourquoi nous élargirions son assiette. Si telle est votre position, pourquoi d’ailleurs ne pas inclure d’autres choses dans son assiette ? Mais c’est le contraire de ce qu’il faut faire, car c’est un impôt archaïque, qui n’existe nulle part ailleurs. La meilleure réponse est sa suppression, non l’élargissement de son assiette !
M. Christophe Caresche. Vous auriez pu le supprimer quand vous étiez ministre !
M. Éric Woerth. On n’a pas osé !
M. Christophe Caresche. Faites votre mea culpa !
M. le président. Je vous en prie, mes chers collègues.
La parole est à
Mme Aurélie Filippetti.
Mme Aurélie Filippetti. Je suis tout à fait opposée à la suppression de l’ISF, mais tout
autant à l’inclusion des œuvres d’art dans son assiette. En effet,
nous poursuivons aujourd’hui l’objectif de justice fiscale. Or, en
raison de la difficulté de calcul du rendement de cet impôt, cette
inclusion ne permettrait pas d’atteindre cet objectif.
Surtout,
la France est aujourd’hui redevenue, après des années difficiles,
une place importante sur le marché mondial de l’art, qui est
extrêmement compétitif. Aucun autre pays n’impose les œuvres d’art.
On risquerait donc de fragiliser la place de Paris et la France dans
le marché mondial de l’art, donc les créateurs et artistes français,
les galeristes, c’est-à-dire tout l’écosystème du marché de l’art
qui est en train de se reconstituer peu à peu. Inclure les œuvres
d’art dans l’assiette de l’ISF comporterait un risque majeur,
d’autant que le rendement et l’efficacité fiscale seraient quasi
nuls.
De plus, au lieu de conduire à une plus grande équité
fiscale, cela risquerait au contraire d’entraîner une concentration
des collections et des propriétés sur quelques acteurs majeurs,
puisque les détenteurs et propriétaires familiaux d’œuvres d’art
auraient tendance à s’en séparer. Ces quelques gros acteurs
pourraient précisément être des spéculateurs, que précisément il ne
faut pas confondre avec les collectionneurs.
Enfin – et c’est
l’argument le plus fort –, je rappelle que 90 % de l’enrichissement
de nos collections publiques provient des donations, des dations et
des legs. Nous avons besoin d’une relation de confiance avec les
propriétaires privés d’œuvres d’art pour les inciter à continuer à
faire des donations, des dations ou des legs à nos musées car, dans
un contexte de réduction des subventions publiques aux musées pour
l’acquisition de nouvelles œuvres, c’est grâce à ces dispositions
que ces collections s’enrichissent. Cette relation de confiance
serait évidemment mise à bas par l’adoption de cet
amendement.
M. le président. Je demande à nouveau à tous de se limiter à deux minutes. La parole est à M. Nicolas Sansu.
M. Nicolas Sansu. Comme l’a dit à l’instant M. Woerth, il est important que nous
débattions sur ce sujet intéressant de l’assiette de l’ISF, qui doit
à mon sens être élargie, non pas en incluant d’abord les œuvres
d’art, mais en prenant davantage en compte la résidence principale.
Tel sera l’objectif de mon amendement
no 710.
Madame la rapporteure générale et
monsieur Vigier, ce qui pose problème dans cet amendement est qu’il
ne reprend pas les deux limites qui figuraient dans l’amendement
présenté en 2012 – que j’avais voté –, au terme duquel les œuvres
d’art de moins de 50 000 euros et celles destinées à être exposées
au public étaient exclues de l’assiette de l’ISF. Par ailleurs, la
fiscalité sur les œuvres d’art doit être traitée, non pas par l’ISF,
mais par une fiscalité sur les plus-values de cession plus
importante.
Si l’élargissement de l’assiette de l’ISF pose un
vrai problème, je ne voterai pas pour autant pour cet amendement –
mais je ne m’y opposerai pas non plus. Je défends ainsi une position
que l’on peut peut-être qualifier de centriste, au risque de vous
surprendre, monsieur Vigier !
Mme Marie-Christine Dalloz. C’est un équilibriste !
M. Philippe Vigier. Il est à ma droite, cela me rassure !
M. le président. La parole est à M. Laurent Grandguillaume.
M. Laurent Grandguillaume. Le marché de l’art est-il le marché de la rente ? Il ne s’agit
pas de taxer la rente ou l’esprit de la rente. L’art, c’est la
création. Comme le disait Stéphane Hessel, l’art est une forme
d’impertinence. Aussi, il convient, non pas de pénaliser cette forme
d’impertinence, mais plutôt l’esprit de la rente et tous ceux qui
investissent dans ce qu’ils ne créent pas.
Ainsi, cet amendement
ne va pas dans le bon sens. Il faut le rejeter pour les raisons que
je viens de donner. Il convient plutôt de favoriser la création, la
prise de risque et l’innovation, et de s’attacher à taxer la
rente.
M. le président. La parole est à M. Christophe Caresche.
M. Christophe Caresche. J’essaie d’avoir une approche pragmatique du sujet. Je constate
que la droite n’a pas supprimé l’ISF, même si elle l’a souvent
annoncé. La gauche ne le supprimera pas. Dès lors, la question est
la suivante : que voulons-nous favoriser en termes
d’investissement ?
J’ai déposé des amendements portant sur les
business angels. Nous le savons, nous avons
en France un problème de capital-risque. Faut-il plutôt favoriser la
détention d’œuvres artistiques pour encourager un marché de l’art
qui existe et que personne ne nie ? Ou faut-il aussi favoriser
d’autres types d’investissement ? Telle est la question que nous
devons nous poser. Une mission a été créée par la commission des
finances sur ce sujet qui mérite d’être sérieusement
débattu.
M. Philippe Vigier. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Eva Sas.
Mme Eva Sas. Je ne suis pas convaincue par les arguments avancés pour
maintenir l’exclusion des œuvres d’art de l’assiette de
l’ISF.
Premièrement, s’agissant du marché de l’art, les
acheteurs étrangers ne seraient pas concernés par cette disposition,
sauf erreur de ma part. En conséquence, la place de Paris resterait
importante sur le marché de l’art.
Deuxièmement, l’argument des
conséquences de l’impôt sur l’emploi vaut pour toutes les
impositions. En effet, tout impôt concerne un marché et a, par
nature, un impact sur l’emploi direct ou indirect. C’est donc un
non-argument ! On pourrait aussi supprimer l’ensemble des impôts car
cela aurait sans doute un effet bénéfique sur l’ensemble des
marchés ! Il en va de même de l’immobilier : l’exclusion des biens
immobiliers aurait un impact positif sur l’emploi dans le marché de
l’immobilier. De ce point de vue, plus rien ne doit rentrer dans
l’assiette de l’ISF !
Je voudrais que vous adoptiez le point de
vue des citoyens qui, cette année et l’année dernière, ont vu, à
revenus constants, leur impôt sur le revenu augmenter de façon
importante.
Ils ont souvent accepté cette augmentation en se
disant qu’il fallait faire des efforts, afin que nos finances
publiques se redressent. Dans le même temps, ils voient des
avantages de cette nature, réservés aux détenteurs d’œuvre d’art,
perdurer.
Du simple point de vue de la justice, il me semble
qu’il faudrait vraiment que les œuvres d’art entrent dans l’assiette
de l’ISF, comme cela avait été proposé, à mon avis de façon très
juste et très courageuse, par un ancien rapporteur général.
Je
voudrais aussi que soit respecté le travail de la commission des
finances, qui a réfléchi sur ce thème et décidé d’adopter cet
amendement. J’aimerais qu’on puisse vraiment avancer sur ce sujet :
toute la commission des finances en était d’accord.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. J’ai été frappé, dans toutes ces interventions, par le fait que
les arguments employés par ceux qui plaident pour le maintien de
l’exonération valent aussi pour l’exonération en matière de biens
professionnels et d’investissement dans les entreprises. Ce sont
exactement les mêmes.
Christophe Caresche m’a un peu soufflé mon
intervention : nous venons de créer, avec lui ainsi qu’avec Olivier
Carré, une mission sur le thème de l’investissement long, notamment
dans les entreprises familiales.
M. Jean-Pierre Vigier. Très bien.
M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Elle traitera notamment toute la question de la définition du
bien professionnel, mais aussi celle des biens détenus par le biais
de holdings animatrices ou de participations. Il y a là de vrais
sujets.
Je souhaiterais, monsieur le secrétaire d’État, que les
arguments que vous venez de développer en faveur du maintien de
l’exonération vous rendent tout à fait ouvert aux propositions que
nous allons vous faire, bientôt, sur les biens
professionnels.
Pour terminer, je partage la logique défendue
par Éric Woerth : on ne va pas étendre l’assiette de cet impôt, dont
on voit bien les multiples inconvénients.
M. le président. La parole est à M. Dominique Lefebvre.
M. Dominique Lefebvre. J’appelle, comme bien d’autres et comme M. le secrétaire d’État,
au rejet de cet amendement. En commission des finances, le débat a
été extrêmement rapide, peu approfondi, et, contrairement à ce que
vient de dire Eva Sas, peu unanime. Je le résumerai à une
conjonction d’improbables idéologies, entre les auteurs de
l’amendement, qui mènent un combat d’arrière-arrière-arrière-garde
politicienne liée à l’histoire de l’impôt sur la fortune, et
d’autres, qui y voient un symbole de richesse à taxer.
Je veux
simplement dire à ces collègues que, concernant la manière de
réduire les inégalités de patrimoine et de taxer les revenus, bien
d’autres outils existent.
Je voudrais, en raison de son absence,
me faire le porte-parole de Pierre-Alain Muet. En commission des
finances, j’avais laissé filer le débat mais il était, lui,
intervenu, comme il était intervenu dans cet hémicycle il y a deux
ans. Il a, dans les deux cas, tenu un raisonnement économique
simple : cet amendement, s’il était adopté, participerait d’une
logique d’appauvrissement économique et patrimonial de la
France.
Eva Sas l’a clairement dit : on ne taxerait que les
Français qui possèdent des œuvres d’art sur le territoire national.
Cela veut dire que l’amendement s’apparente, comme l’a dit Aurélie
Filipetti, à une machine à faire sortir les œuvres d’art du
pays.
Je préfère, pour ma part, que ces œuvres restent en
France, dans les musées comme dans le patrimoine privé, plutôt que
de les voir quitter le territoire national.
Concernant les biens
immobiliers, il existe une grande différence entre un immeuble et
une œuvre d’art : le premier possède des fondations qui l’ancrent au
sol, et l’autre reste extrêmement mobile. Adopter cet amendement
serait une erreur pour le marché de l’art comme pour le patrimoine
national : il faut donc le rejeter.
Nous avions eu la discussion
il y a deux ans : nous pouvons la reprendre périodiquement, tous les
deux ans ou même chaque année. Je crois qu’il faut avoir une
position constante : nous l’avons prise il y a deux ans.
M. le président. La parole est à M. Bruno Le Roux.
M. Bruno Le Roux. Il y a dix-sept ans, quand j’ai entendu ce débat pour la première
fois, je l’ai trouvé intéressant. J’y ai pris part avec les
a
priori propres à la pensée et au parti qui sont
les miens. Depuis, je n’ai pas eu besoin d’y revenir. Les arguments
qui m’ont convaincu la première fois, il y a dix sept ans, restent
valables. Ce pas que ce marché n’évolue jamais, mais les arguments,
eux, n’ont rien perdu de leur validité. Ils tiennent, à mon avis, à
la question suivante : devons-nous prendre ou non une décision qui
aura des effets sur le patrimoine que nous détenons aujourd’hui en
France ?
Ce patrimoine est parfois détenu par des familles
nombreuses – il ne s’agit pas forcément de celles que nous pouvons
défendre par ailleurs. Du fait que les œuvres d’art n’entrent pas
dans le calcul de l’ISF, ces familles peuvent effectuer des dations
dont l’existence serait remise en question si d’aventure nous
votions cet amendement.
Si nous le faisions, et s’il fallait
mettre fin à ces dations, je n’ai aucun doute sur le fait que le
marché international serait trop content de remettre la main sur des
œuvres qui forment, dans notre pays, des éléments constitutifs de
notre patrimoine.
Aurélie Filipetti a eu raison de le dire :
grâce aux liens de confiance que nous avons su tisser ces dernières
années avec ces donateurs potentiels, la dation et de la donation
sont devenues deux des principales sources d’enrichissement de notre
patrimoine. Dans la période actuelle, cela ne peut être ignoré par
nos institutions et par nos différents musées.
Nous avons
affaire à un « marronnier » qui revient très régulièrement. Je
constate que, malheureusement, les arguments n’ont pas changé, mais
je n’ai eu besoin que d’un seul débat pour être convaincu. Pour
autant, tant que l’ISF subsistera, je me poserai toujours la
question de savoir si une possibilité d’élargissement de son
assiette existe. Mais sur la question des œuvres d’art, ma position
est tranchée, et cela depuis bien longtemps.
M. le président. La parole est à M. Pascal Cherki.
M. Pascal Cherki. Comme tout a été dit, je serai très bref. Deux questions doivent être dissociées : celle de la spéculation...
M. Philippe Vigier. Et voilà !
M. Pascal Cherki. …et de l’organisation du marché, et celle de la détention des
œuvres d’art. Il ne peut exister de création soutenue et durable
sans commande publique, qui est forte en France mais qui ne peut
bénéficier à l’ensemble des œuvres, et sans achats privés qu’il ne
faut pas décourager. Des artistes, des plasticiens, des créateurs ne
peuvent émerger et accéder à la notoriété que parce
qu’interviennent, à moment donné, des acquisitions.
S’agissant
de la spéculation, je peux comprendre ceux qui identifient là un
problème, en relevant par exemple le prix d’une œuvre de Damien
Hirst, par exemple. Se pose là en fait la question des plus-values
de cession – la détention relève d’un autre débat.
Il faut faire
attention à ne pas donner, en adoptant une position déséquilibrée,
un signal entraînant un certains nombre de possesseurs d’œuvres à
s’en débarrasser sur les marchés étrangers, sans que nous ayons
touché aux plus-values de cession.
Je veux rappeler, comme l’a
fait Aurélie Filipetti, que toute une partie des œuvres de nos
musées entre dans nos collections lors des successions. Si la
succession Lacan n’avait pas bénéficié du dispositif actuel, le
musée d’Orsay ne pourrait pas exposer L’origine du
monde de Gustave Courbet.
M. le président. La parole est à M. Philippe Vigier.
M. Philippe Vigier. Je crois que nous avons vraiment ouvert le débat. J’écoutais
Patrick Bloche s’exprimer tout à l’heure, et je trouve formidable de
dire, dans la même phrase, qu’il faut maintenir l’ISF mais qu’il
faut instaurer des exonérations parce que la compétitivité du pays
l’exige.
Je vous reproche la distinction que vous faites entre
la bonne et la mauvaise richesse. La bonne ce serait donc de
posséder un tableau, et la mauvaise de créer une entreprise que vous
trouvez alors normal de taxer ?
(« Très bien ! »
sur les bancs de l’UMP). C’est
indécent.
Je n’ai rien contre la culture – Aurélie Filipetti
avec laquelle j’ai eu l’occasion d’échanger, le sait très bien.
C’est la spéculation, dont a parlé notre collègue Cherki, qui doit
être taxée. Or le taux de taxation sur les plus-values de cession
est beaucoup plus faible pour les œuvres d’art que pour les
entreprises.
Vous laissez de côté ceux qui créent leur
entreprise, et je vous en veux pour cela, même si vous êtes les
premiers à les défendre en soulignant leur rôle dans le rayonnement
de la France.
Je prendrai un exemple concret : un artisan qui,
dans le cadre d’une SCI, loue des locaux, entre dans l’assiette de
l’ISF. Voilà la situation fiscale que nous vivons. Vous ne pouvez
pas dire le contraire : c’est la vérité. Est-ce juste ?
Non.
J’ai bien entendu la phrase formidable de Bruno Le Roux,
que je garderai longtemps en mémoire.
M. Dominique Baert. Bruno Le Roux est formidable.
M. Philippe Vigier. Je décelais, dans ses propos sur l’ISF, une pointe d’amertume due
au fait que cet impôt n’a pas été supprimé – je reconnais bien
volontiers que nous aurions dû avoir le courage de le
faire.
Enfin, je dirai juste à Aurélie Filipetti – mais elle le
sait – qu’en Suisse les œuvres d’art sont imposées.
J’ai relu
l’amendement de Christian Eckert visant à inclure dans le calcul de
l’ISF les œuvres d’art d’une valeur de plus de 50 000 euros ou que
l’on peut voir dans les musées ou dans des lieux publics. Monsieur
le secrétaire d’État, je vous demande, moi qui aime votre cohérence,
de reprendre cet amendement. Vous reviendrez ainsi à vos
fondamentaux et nous vous suivrions. Vous avez bien changé d’avis
sur le CICE : dans une belle déclaration aux
Échos, ne suggériez-vous pas de ne pas le
mettre en place, au profit de la TVA à taux plein ? Je tiens cette
déclaration à votre disposition. (Applaudissement sur les
bancs de l’UMP).
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je ne veux pas rouvrir le débat : j’ai fait part de ma position
personnelle et de celle du Gouvernement. Mais je voudrais répondre à
ce qui était sous-jacent, même de façon peu dissimulée, dans les
propos du président Carrez à propos de l’assiette de l’ISF et de
l’outil professionnel.
Il s’agit d’une question au moins aussi
importante – et en volume probablement beaucoup plus importante –
que la question de l’ISF. Le Gouvernement n’entend pas modifier sa
position sur la question de l’outil professionnel dans l’assiette de
l’ISF.
Je sais que sur certains sujets comme celui des holdings
que vous avez évoquées et qui seraient plus ou moins animatrices, il
reste, cela étant dit sans acrimonie, difficile de savoir si elles
sont vraiment animatrices – que l’on m’excuse de revenir à des
débats peut-être très techniques mais essentiels, notamment en
volume financier. Il est donc important que le Gouvernement
s’exprime dans l’hémicycle sur ce point, pour dire que, même s’il y
aura des aménagements – qui sont nécessaires car notre législation
n’est pas suffisamment précise – concernant les holdings
animatrices, ce n’est pas à l’administration fiscale de régler, par
instruction, des questions aussi lourdes.
Pour le reste, le
débat a eu lieu. Il n’est pas ouvert, monsieur Vigier, à cet
instant. Il l’a été depuis bien plus longtemps.
M. le président. Sur l’amendement no 238, je suis saisi par le
groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin
public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée
nationale.
La parole est à M. Jérôme Chartier.
M. Jérôme Chartier. C’est un débat extrêmement important qui se déroule dans l’hémicycle.
Il montre à quel point l’impôt de solidarité sur la fortune est devenu
un impôt totalement archaïque.
La question très importante des
œuvres d’art été débattue sans qu’aucun des orateurs ne fasse preuve de
passion. Cela veut dire que nous sommes capables de parler de l’ISF sans
caricatures. Pourquoi y sommes-nous parvenus ? Parce que l’on sent bien
que cet impôt est devenu totalement inéquitable et dépassé.
La
question des œuvres d’art le montre. Personne n’a envie de voir nos
joyaux quitter le territoire national. Tout le monde souhaite les
conserver. Nous devons par conséquent faire une exception s’agissant de
l’ISF.
Mais le plus simple, chers collègues, serait de supprimer
l’ISF et de le remplacer, comme je l’ai proposé, par une taxation à la
valeur ajoutée avec un taux de 33 % applicable aux produits de
luxe.
De cette façon, 5 milliards d’euros seraient parfaitement
compensés, et seraient réunis deux éléments essentiels pour la
croissance française : le retour des capitaux sur le territoire national
pour relancer la machine à investir, mais aussi le retour de l’emploi du
fait des investissements. Voilà quelle serait la conséquence de la
suppression de l’ISF.
Dans les mois qui viennent, nous continuerons
à avoir ce débat. Vu la qualité des échanges de ce matin et, surtout,
leur caractère dépassionné, je pense que vous serez capables d’évoluer
vers la suppression de l’ISF.
Si nous avions lancé ce débat il y a
quelques années, jamais nous n’aurions pu l’obtenir. À l’époque où vous
étiez dans l’opposition, vous seriez montés sur vos grands chevaux et
vous auriez tout fait pour mettre le sujet sur la place publique de
façon à nous stigmatiser, à nous caricaturer. Aujourd’hui, vous le
reconnaissez vous-mêmes, nous sommes obligés de faire avec un impôt qui
n’est plus performant et qui, comme il n’est plus caricaturé, devient
profondément injustifié. Je pense que, dans quelques mois, vous aurez
accompli votre mue et que nous pourrons parler raisonnablement et de
façon très constructive de la suppression de l’ISF.
M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Dumont.
M. Jean-Louis Dumont. Il y a environ trente-cinq ans, a été votée par le Parlement la
première version du texte qui nous occupe ce matin. J’y étais.
Depuis, chaque année, au moment de la discussion du projet de loi de
finances, on entend les mêmes questions. Il y a certes eu des
évolutions, mais ces questions ont été posées au moment où, à
l’instigation du Président de la République François Mitterrand, un
secrétaire d’État chargé du budget est venu présenter le texte –
c’est juste un clin d’œil. L’approche que l’on peut avoir de l’impôt
sur la fortune a évolué mais, en définitive, personne n’y a
fondamentalement touché, même s’il y a eu des évolutions.
La
proposition que vous venez de faire reviendra, monsieur Chartier, et
nous en rediscuterons. Cela fait tout de même quelques décennies que
cet impôt existe et qu’il a soutenu l’économie de la France…
M. Jérôme Chartier. Très faiblement !
M. Jean-Louis Dumont. …sans mettre en péril son patrimoine artistique, culturel,…
M. Jérôme Chartier. Parce qu’on l’a exclu !
M. Jean-Louis Dumont. …peut-être même en confortant la place de nos musées à l’échelon mondial.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement no 238.
(Il est procédé au scrutin.)
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants | 22 |
Nombre de suffrages exprimés | 21 |
Majorité absolue | 11 |
Pour l’adoption | 3 |
contre | 18 |
(L’amendement no 238 n’est pas adopté.)
M. le président. La parole est à M. Nicolas Sansu, pour soutenir l’amendement no 710.
M. Nicolas Sansu. Il est défendu.
(L’amendement no 710, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Vigier, pour soutenir l’amendement no 744.
M. Philippe Vigier. Vous avez compris tout à l’heure dans mon intervention,
monsieur le secrétaire d’État, que j’étais attaché à la
compétitivité du pays et au fait que l’on puisse soutenir nos
entreprises, nos PME et nos PMI en particulier.
Chacun a
bien compris que l’ISF était là. Il va rester, on n’en modifie
pas l’assiette pour les œuvres d’art, c’est ainsi, mais le
financement des PME est un vrai sujet. On a eu beau mettre en
place le fameux CICE, et nous avons maintenant les résultats
pour 2013, la situation des entreprises n’est pas meilleure, en
particulier pour leurs fonds de roulement. Nous proposons donc
de renforcer le lien entre l’ISF et le dynamisme
économique.
Comme le disait tout à l’heure Patrick Bloche,
cela fait partie de la compétitivité du pays. Nous avons de
belles entreprises, en particulier dans le domaine culturel,
monsieur Bloche. Puisque vous êtes très attachés à ce que l’on
renforce la création culturelle, avec les SOFICA ou d’autres
éléments, je propose que l’on améliore la compétitivité de nos
entreprises en portant leur avantage fiscal à
90 000 euros.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Avis défavorable à cet amendement qui a trait à plusieurs sujets. Le premier est celui du soutien aux entreprises que vous avez notamment évoqué, monsieur Vigier, dans votre précédente intervention sur l’ISF. Le deuxième sujet, qui est pointé dans un rapport de l’inspection générale des finances, c’est le pilotage des dépenses fiscales issues de ces dispositifs. Je note enfin, s’agissant du troisième sujet, que la précédente majorité, à laquelle vous apparteniez, avait fait passer le plafond en 2011 de 50 000 à 45 000 euros. Peut-être n’aviez-vous pas voté cette disposition, et je pense que c’est ce que vous allez me répondre. Toujours est-il que cela avait été mis en place par la précédente majorité.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Le coût budgétaire associé à cette mesure est à
contre-courant de l’objectif de réduction des dépenses fiscales.
En outre, il semblerait qu’une limitation du dispositif aux
seules entreprises situées en France soit contraire au droit de
l’Union européenne.
Pour toutes ces raisons et pour donner
de la stabilité, le Gouvernement n’est pas favorable à cet
amendement.
M. le président. La parole est à M. Philippe Vigier.
M. Philippe Vigier. Vous avez raison, madame la rapporteure générale, c’est la
précédente majorité qui avait baissé le plafond. J’avais déposé
un amendement pour le relever – voyez qu’on ne peut pas être
toujours d’accord au sein d’une majorité –, en partant du
principe que c’était un avantage décisif, dont on a pu voir les
effets positifs.
Je regrette donc que le Gouvernement ne
veuille pas aller plus loin. Ce n’est pas un bon signal que l’on
fait passer au monde des PME, qui prennent des risques tous les
jours.
(L’amendement no 744 n’est pas adopté.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Vigier, pour soutenir l’amendement no 742.
M. Philippe Vigier. C’est un amendement extrêmement proche, mais nous revenons à
une somme plus modeste en faisant passer le plafond de
45 000 euros à 50 000. L’incidence financière, vous me
l’accorderez, monsieur le secrétaire d’État, sera tout de même
limitée.
Surtout, nous souhaitons introduire la notion de
patriotisme économique en visant les entreprises dont les
activités sont en France.
Bref, l’impact financier sera
modéré, mais ce serait là encore un bon signal.
(L’amendement no 742, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Vigier, pour soutenir l’amendement no 745.
M. Philippe Vigier. Il est défendu. C’est la même chose.
(L’amendement no 745, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)
M. le président. La parole est à M. Nicolas Sansu, pour soutenir l’amendement no 682.
M. Nicolas Sansu. C’est sans doute un marronnier, mais peut-être que la bogue
va finir par se briser. (Sourires.)
Cet
amendement vise à limiter à 100 000 euros par bénéficiaire la
somme que l’on peut transmettre avec une exonération totale de
droits dans l’assurance-vie. Vous le connaissez puisque nous
l’avions présenté lors de l’examen du projet de loi de finances
rectificative de juillet. Mme la rapporteure générale nous avait
alors suggéré de le déposer à nouveau en loi de finances
initiale.
Adopter un tel amendement permettrait d’abord
d’avoir une plus grande cohérence fiscale. Le régime applicable
à l’assurance-vie est différent de celui des successions ou des
donations proprement dites, ce qui est un peu surprenant. L’on
est à 100 000 euros pour les donations et les successions et à
152 000 pour l’assurance-vie.
De plus, cela n’impacterait
que les grosses transmissions puisque le patrimoine brut moyen
s’élève à 229 000 euros par ménage, 90 % des personnes ne
seraient pas impactées par cette réduction de l’abattement.
C’est un produit qui rassemble 1 400 milliards d’euros, qu’il
faut à tout prix réussir à mobiliser pour l’économie
réelle.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Il est prématuré de revenir sur les éléments de la réforme qui a été adoptée et qui est entrée en vigueur le 1er juillet 2014. Il y a eu de nombreux rapports. Nous avons travaillé à l’époque pour essayer de faire en sorte que les fonds collectés par l’assurance-vie soient réinjectés dans des secteurs liés à l’économie directe plutôt que dans des secteurs financiers. Le Gouvernement ne souhaite pas, à ce stade, modifier la réforme qui vient simplement d’entrer en vigueur. Il est donc défavorable à cet amendement.
(L’amendement no 682 n’est pas adopté.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Monsieur le président, le Gouvernement demande, le débat ayant eu lieu, que soit levée la réserve des votes sur les amendements nos 190, 595, 565, 556, 694 et 579.
M. le président. Le Gouvernement ayant indiqué qu’il levait la réserve des votes annoncée au cours de la séance d’hier soir, je vais mettre aux voix, en rappelant sur chacun d’eux l’avis de la commission et celui du Gouvernement, les amendements portant articles additionnels après l’article 6, nos 190, 595, 565, 556, 694 et 579.
M. le président. La parole est à M. Nicolas Sansu, pour un rappel au règlement.
M. Nicolas Sansu. Mon rappel au règlement s’appuie sur l’article 58,
alinéa 1.
Je vois bien que le vote sera ce matin plus favorable
au Gouvernement qu’il ne l’aurait été hier soir et je comprends donc
qu’il lève la réserve des votes, mais c’est tout de même surprenant
et je demande une suspension de séance de cinq minutes.
M. le président. Vous n’avez pas de délégation pour demander une suspension de séance.
M. Nicolas Sansu. Si !
M. le président. La suspension de séance n’est donc pas accordée.
M. le président. Je reviens donc aux amendements dont les votes avaient été réservés et, d’abord, à l’amendement no 190.
M. Nicolas Sansu. Je demande la parole, monsieur le président !
M. le président. La parole est à M. Nicolas Sansu.
M. Nicolas Sansu. Je demande un scrutin public sur chacun de ces amendements.
M. le président. Vous n’avez pas de délégation, monsieur Sansu !
M. Nicolas Sansu. Si, monsieur le président. La délégation m’a été donnée hier pour toute la durée du débat, jusqu’au vendredi 17 à vingt-trois heures. Il ne faut tout de même pas exagérer !
M. le président. Il est vrai que la délégation est difficile à interpréter : la
mention manuscrite peut se lire soit le 17 à « 2h », soit le 17 à
« 23 ».
Je suspends la séance pour cinq minutes.
M. le président. La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à treize heures, est reprise à treize heures cinq.)
M. le président. La séance est reprise.
Sur les amendements
nos 190, 595, 565, 556,
694 et 579, je suis saisi par le groupe de la Gauche démocrate et
républicaine d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé
dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à Mme Eva
Sas.
Mme Eva Sas. Monsieur le président, je demande au nom de mon groupe, dont j’ai la délégation du droit, une suspension de séance.
M. le président. La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à treize heures cinq, est reprise à treize heures dix.)
M. le président. La séance est reprise.
Nous allons maintenant procéder au
scrutin. Il y aura un vote sur chacun des amendements. Je mets aux voix
l’amendement no 190.
(Il est procédé au scrutin.)
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants | 22 |
Nombre de suffrages exprimés | 22 |
Majorité absolue | 12 |
Pour l’adoption | 10 |
contre | 12 |
(L’amendement no 190 n’est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l’amendement no 595.
(Il est procédé au scrutin.)
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants | 23 |
Nombre de suffrages exprimés | 22 |
Majorité absolue | 12 |
Pour l’adoption | 9 |
contre | 13 |
(L’amendement no 595 n’est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l’amendement no 565.
(Il est procédé au scrutin.)
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants | 22 |
Nombre de suffrages exprimés | 21 |
Majorité absolue | 11 |
Pour l’adoption | 7 |
contre | 14 |
(L’amendement no 565 n’est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l’amendement no 556.
(Il est procédé au scrutin.)
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants | 25 |
Nombre de suffrages exprimés | 24 |
Majorité absolue | 13 |
Pour l’adoption | 8 |
contre | 16 |
(L’amendement no 556 n’est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l’amendement no 694.
(Il est procédé au scrutin.)
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants | 25 |
Nombre de suffrages exprimés | 24 |
Majorité absolue | 13 |
Pour l’adoption | 9 |
contre | 15 |
(L’amendement no 694 n’est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l’amendement no 579.
(Il est procédé au scrutin.)
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants | 24 |
Nombre de suffrages exprimés | 23 |
Majorité absolue | 12 |
Pour l’adoption | 7 |
contre | 16 |
(L’amendement no 579 n’est pas adopté.)
M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
M. le président. Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :
Suite de la
discussion du projet de loi de finances pour 2015.
La séance est
levée.
(La séance est levée à treize heures quinze.)
La Directrice du service du compte rendu de la séance
de l’Assemblée nationale
Catherine Joly