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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2014-2015

Compte rendu
intégral

Première séance du lundi 15 décembre 2014

Présidence de Mme Laurence Dumont

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à seize heures.)

1

Élection d’un député

Mme la présidente. M. le président de l’Assemblée nationale a reçu aujourd’hui une communication du ministre de l’intérieur l’informant que, le 14 décembre 2014, M. Gérard Menuel a été élu député de la 3ème circonscription de l’Aube.

2

Simplification de la vie des entreprises

Commission mixte paritaire

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion, sur le rapport de la commission mixte paritaire, du projet de loi relatif à la simplification de la vie des entreprises (n2390 rectifié).

Présentation

Mme la présidente. La parole est à Mme Sophie Errante, rapporteure de la commission mixte paritaire.

Mme Sophie Errante, rapporteure de la commission mixte paritaire. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État chargé de la réforme de l’État et de la simplification, madame la présidente de la commission spéciale, vice-présidente de la commission mixte paritaire, chers collègues, nous sommes aujourd’hui réunis pour discuter du projet de loi relatif à la simplification de la vie des entreprises tel qu’adopté en commission mixte paritaire le 25 novembre dernier.

Je rappelle qu’au terme des lectures à l’Assemblée nationale, le 22 juillet, et au Sénat, le 5 novembre, 48 articles demeuraient en discussion. Les différents désaccords et difficultés ont cependant pu être surmontés. Nous pouvons donc nous féliciter du travail accompli, loin des postures idéologiques ou dogmatiques.

Je souhaite à présent revenir sur les principales dispositions du projet de loi tel qu’adopté en commission mixte paritaire, à commencer par deux dispositions adoptées au Sénat et qui ont constitué des points durs lors de la discussion.

Les sénateurs ont, en effet, adopté un article 12 A visant à supprimer le nouveau droit à l’information des salariés en cas de cession de leur entreprise. Cette disposition avait été instaurée par la loi relative à l’économie sociale et solidaire, adoptée définitivement en juillet 2014. Lors de la CMP, il a été décidé de supprimer cet article afin de conserver ce nouveau droit.

S’agissant du compte pénibilité de l’article 2 septies, supprimé par le Sénat, la CMP est parvenue à un compromis acceptable : elle a demandé, d’ici le 30 juin prochain, la remise par le Gouvernement au Parlement d’un rapport qui établisse un premier bilan de la mise en œuvre du compte personnel de prévention de la pénibilité, après consultation des organisations syndicales et patronales.

D’autres dispositions concernant le droit social ont été discutées. La CMP a notamment choisi de revenir au texte de l’Assemblée nationale pour l’article 2, s’agissant de l’harmonisation des notions de jour. Le Sénat avait exigé que ne soit strictement modifié aucun délai au cours des opérations de conversion, ce qui apparaissait intenable en pratique.

De même, dans le cas du portage salarial de l’article 2 ter, le Sénat avait imposé la création d’un nouveau cas de recours au contrat à durée déterminée. Il a été choisi de revenir à la version de l’Assemblée, puisque cette disposition était contraire à l’objectif de simplification et de sécurisation poursuivi par le projet de loi.

En revanche, la CMP a choisi de conserver le texte du Sénat lorsque des précisions intéressantes ou des nouveautés utiles avaient été introduites. Par exemple, à l’article 1er, le Sénat a rappelé qu’il fallait tenir compte des conventions collectives particulières dans le développement des titres simplifiés.

Dans le champ des procédures administratives, l’Assemblée a accepté les modifications bienvenues qui ont été apportées par le Sénat sur l’article 3, qui prévoit d’habiliter le Gouvernement à développer les mécanismes de rescrits, de prédécisions et de gels de la réglementation, autant de procédures importantes pour sécuriser la conduite des projets des entreprises.

Plus délicat était le rapprochement des points de vue des deux assemblées sur l’article 4, qui habilite le Gouvernement à prendre par ordonnance des mesures destinées à compléter la mise en place du principe « silence vaut accord » par la simplification de certains régimes d’autorisation préalable et de déclaration dont les lourdeurs inutiles peuvent notamment freiner la création d’entreprises. Cet article avait été supprimé par la commission des lois du Sénat, qui avait jugé le champ d’habilitation trop large. Un compromis a été trouvé en CMP puisqu’il a été précisé que les mesures devront préserver les exigences de garantie des libertés individuelles, des droits fondamentaux et de la santé publique, ainsi que de protection des personnes et des données à caractère personnel. Le choix a également été fait d’énumérer les régimes de déclaration et d’autorisation préalable qui sont exclus du champ de cette habilitation.

En matière d’urbanisme, de logement et d’environnement, la CMP a souhaité conserver plusieurs ajouts du Sénat, permettant de sécuriser les procédures de mise à jour des documents d’urbanisme existants par rapport aux plans locaux d’urbanisme intercommunaux, à l’article 7 bis A, d’adapter, à l’article 7 quinquies, le régime de vente à l’unité de logements sociaux construits par l’association Foncière Logement, ou encore d’adapter les plans de prévention des risques technologiques aux entreprises, dans l’article 8 bis. Elle a aussi approuvé les précisions apportées par le Sénat sur le champ de la simplification des modalités d’information des acquéreurs d’un bien immobilier.

Enfin, avec l’article 7, pour lequel seront proposées quelques modifications d’ordre purement rédactionnel, la CMP a pu avancer sur la question de la limitation des places de stationnement afin de diminuer le coût de construction pour l’hébergement des personnes âgées et les résidences universitaires. À l’issue de ses travaux, le texte prévoit un ratio maximal de 0,5 place de parking par logement pour les logements sociaux construits à moins de 500 mètres d’une gare ou d’une station de transport public.

En matière de droit des sociétés, des divergences profondes existaient entre les deux assemblées. La CMP a permis de trouver un compromis, notamment sur deux points qui restaient en discussion : la réduction du nombre minimal d’actionnaires dans les sociétés anonymes, actuellement fixé à sept, et les règles de transfert du siège social d’une société à responsabilité limitée.

Le principe d’une diminution du nombre minimal d’actionnaires dans les sociétés anonymes avait été voté par l’Assemblée nationale et supprimé par le Sénat. Le compromis trouvé rétablit l’habilitation du Gouvernement mais précise que la réduction du nombre minimal d’actionnaires ne devra pas avoir pour effet de modifier les règles de fonctionnement de la société par actions.

En matière fiscale et comptable, le Sénat avait déjà voté conformes plusieurs dispositions, dont celle, importante, prévue à l’article 13 et autorisant le Gouvernement à simplifier les obligations déclaratives des entreprises.

Le texte adopté en CMP prévoit également plusieurs clarifications rédactionnelles pour mettre à jour le code général des impôts, après de nouveaux règlements européens. Certaines de ces clarifications figurent désormais dans le projet de loi de finances rectificative pour 2014. Il sera donc nécessaire d’adopter au cours de cette séance un amendement de coordination.

Par ailleurs, le Sénat avait souhaité supprimer l’obligation d’enregistrement des actes des sociétés. Mais cette mesure était onéreuse – environ 70 millions d’euros – et techniquement difficile à mettre en œuvre à court terme. Le compromis trouvé en CMP consiste à supprimer l’obligation d’enregistrement des seuls actes constitutifs des sociétés. Cette mesure ne coûtera rien car les actes de formation de société sont actuellement exonérés de droits d’enregistrement.

Enfin, un compromis a pu être trouvé en CMP sur les conventions de mandat conclues par l’État, ses établissements publics et les collectivités territoriales.

D’autres mesures prévues par ce projet de loi concourront également à simplifier la vie des entreprises. C’est le cas de la réintroduction dans le code civil de l’hypothèque rechargeable qui, limitée aux seuls professionnels et sous le contrôle du notaire, concourra à réduire le coût du crédit, selon l’article 31 bis A. C’est aussi le cas de la réforme de la commande publique, à l’article 27, de la réorganisation des chambres de commerce et d’industrie, en vertu des articles 28 bis et 28 ter, ou de l’habilitation à prendre diverses mesures dans le secteur du tourisme, à l’article 31 bis.

Ce texte permettra aussi la fusion d’UBIFRANCE et de l’Agence française pour les investissements internationaux, qui avait été adoptée dès la première lecture par les deux assemblées. Correspondant à un engagement du Président de la République, ce rapprochement doit permettre de mieux accompagner les entreprises françaises et étrangères au service du développement à l’international de notre économie. Il vise également à renforcer l’attractivité de notre pays.

Enfin, s’agissant de la méthode, le texte initial comportait 18 articles habilitant le Gouvernement à prendre des ordonnances. Tout au long de la navette, l’Assemblée comme le Sénat ont veillé à ce que ce recours aux ordonnances soit limité aux cas les plus techniques.

Ainsi, en première lecture, l’Assemblée nationale a remplacé une habilitation par une législation directe afin de simplifier la demande de remboursement partiel de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques et de la taxe intérieure de consommation sur le gaz naturel. Le Sénat a fait de même pour la continuité des autorisations de prélèvement SEPA, prévue à l’article 16, et la réforme du statut des écoles consulaires, à l’article 28.

Tel est le résultat des travaux de la commission mixte paritaire.

Pour conclure je souhaiterais remercier vivement M. le secrétaire d’État, Thierry Mandon, pour son approche souvent saluée par les entreprises que je visite régulièrement. Elle a ceci de nouveau qu’elle est – enfin – ascendante, pragmatique et de bon sens.

Je considère que nous sommes dans une perspective de progrès, et c’est ce qui doit être salué aujourd’hui. Ce texte n’est pas un aboutissement mais bien le maillon d’une chaîne. Le sujet de la simplification est vaste, passionnant mais également ardu. Je ne peux pas me résigner devant la difficulté, je préfère grandement l’affronter. Certes, cela est plus risqué mais nous avons été élus aussi pour avoir du courage.

Par votre vote en faveur de ce texte, je vous invite à participer à ce mouvement pour faire bouger les lignes, afin que la simplification se mette en œuvre au fil de nos travaux. La participation de tous est essentielle pour le développement économique de notre pays et la création d’emplois, qui sont nos préoccupations communes. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé de la réforme de l’État et de la simplification.

M. Thierry Mandon, secrétaire d’État chargé de la réforme de l’État et de la simplification. Madame la présidente, madame la présidente de la commission spéciale et vice-présidente de la commission mixte paritaire, madame la rapporteure, mesdames et messieurs les députés, mon propos introductif sera bref.

Je souhaite, tout d’abord, remercier très sincèrement Mme la rapporteure de la commission mixte paritaire, rapporteure du texte en première lecture à l’Assemblée, pour la qualité et l’intelligence du travail réalisé par l’ensemble des membres de la commission mixte paritaire. Sur un nombre assez significatif de dispositions, ce qui est normal pour ce type de projets de loi – à la fois loi d’habilitation et loi de simplification – qui sont des exercices toujours difficiles dans les assemblées, le texte initialement voté par l’Assemblée avait beaucoup évolué. J’avais expliqué au Sénat, tout à fait loyalement et sans aucun esprit de polémique, pourquoi il m’avait semblé que son enthousiasme législatif avait pu être un peu excessif sur certains amendements qu’il avait souhaité intégrer et qui portaient sur des sujets finalement assez périphériques.

Je me réjouis que la CMP, au-delà des dispositions qui viennent d’être rappelées, ait eu l’intelligence de se mettre d’accord sur ce que doit être une véritable politique de simplification.

Une politique de simplification n’est pas une politique qui enlève des droits, ce n’est pas une politique de déréglementation. L’Assemblée nationale et le Sénat peuvent décider que, sur tel ou tel dispositif, finalement, il faut revenir sur des droits existants : dans la vie publique, dans les assemblées, il est tout à fait légitime que de tels débats soient ouverts. Mais la simplification est un combat mené au nom du droit. Elle est faite pour rendre le droit plus clair et plus lisible, donc plus efficace. Elle est faite, aussi, pour offrir une plus grande sécurité à ceux qui ont recours au droit.

Dans tout ce que vous venez de présenter, madame la rapporteure, dans tous les arbitrages rendus par la CMP, je retrouve ce souci de rendre le droit plus facile à appliquer et plus intelligible, et donc, j’en suis sûr, plus efficace et plus abordable, notamment pour ceux qui n’ont pas forcément les moyens de recourir à des experts ou à des cabinets spécialisés pour trouver les chemins les plus pertinents pour défendre leurs positions.

Je voulais donc remercier sincèrement l’ensemble des parlementaires, tout particulièrement les membres et la rapporteure de la CMP, pour ce travail de qualité.

Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Descamps-Crosnier, vice-présidente de la commission mixte paritaire.

Mme Françoise Descamps-Crosnier. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, madame la rapporteure, mes chers collègues, nous voici dans les étapes conclusives de l’examen du projet de loi relatif à la simplification de la vie des entreprises. Six mois après le début de nos travaux, je pense que nous pouvons nous réjouir de voir se rapprocher de leur date d’entrée en vigueur les avancées qu’introduit ce texte.

Après l’examen du projet de loi par le Sénat, et comme l’a expliqué Mme la rapporteure, les échanges que nous avons eus avec la Haute assemblée dans le cadre de la commission mixte paritaire ont permis d’aboutir à un accord. Nous avons su, en dépit de nos divergences sur un certain nombre de sujets, trouver un point d’équilibre conforme à l’intérêt général. Je tiens à saluer l’esprit d’écoute et de dialogue dont ont fait preuve les membres de la commission spéciale qui ont participé aux travaux de la commission mixte paritaire. L’essentiel du texte tel qu’issu de notre première lecture a pu être conservé, de même que les ajouts les plus intéressants de la chambre haute, en même temps qu’étaient retirés un certain nombre d’éléments qui, du point de vue de la majorité, n’étaient absolument pas acceptables.

À l’occasion de la première lecture du projet de loi, j’avais souligné qu’il était nécessaire, pour que nous entrions véritablement dans le temps de la simplification, de procéder à un véritable changement d’état d’esprit et de culture dans notre travail législatif.

Six mois plus tard, plusieurs avancées dans cette direction peuvent être constatées. Nous sommes peut-être arrivés au terme d’une pratique qui, pendant des années, et pour paraphraser quelqu’un qu’il n’est pas habituel de citer dans cet hémicycle – Frédéric Dard parlant de la philosophie – nous a amenés à croire que le travail législatif était l’art de se compliquer la vie en cherchant à se convaincre de sa simplicité.

De la publication, le 7 octobre dernier, du rapport de Régis Juanico, dans le cadre de la mission d’information sur la simplification législative présidée par Laure de La Raudière et dont nous avons été plusieurs à saluer le travail, à l’adoption le 28 novembre dernier de la résolution tendant à modifier le règlement de l’Assemblée nationale proposée par le président de notre chambre, ce sont en effet plusieurs pas qui ont été faits sur la voie d’une production législative de meilleure qualité et, je l’espère, de moindre volume. La proposition de résolution du Président de l’Assemblée nationale reprend notamment deux des propositions du rapport de la mission d’information, à savoir la discussion des études d’impact des textes de loi en commission et en séance ainsi que l’évaluation des lois trois ans après leur entrée en vigueur. C’est donc le cœur même de la fabrique de la loi qui commence à faire évoluer ses pratiques, et ce à l’initiative même de ses artisans, si je puis dire.

Il y a désormais lieu, pour l’Assemblée nationale, de passer de la théorie à la pratique. À l’issue du colloque « Mieux légiférer » qui s’est tenu le 28 novembre dernier ici même, au Palais Bourbon, vous avez, monsieur le secrétaire d’État, proposé plusieurs pistes pour améliorer la production législative, en revoyant ses différentes étapes ainsi que les facteurs de complexification inutile. Vous avez proposé que ces pistes puissent faire l’objet d’une expérimentation à l’occasion du futur projet de loi relatif au numérique. Nous ne pouvons que saluer cette initiative et répondre favorablement à l’invitation que vous avez faite au Parlement de s’associer pleinement au comité de suivi que vous avez évoqué par ailleurs. Et, parlant d’association, je souhaite profiter de l’occasion pour vous rappeler le souhait, auquel vous aviez répondu favorablement en première lecture, qu’a le Parlement, et notamment les parlementaires ayant participé aux travaux sur le présent projet, d’être partie prenante à l’élaboration des ordonnances qu’il vous autorise à prendre. Si, après l’adoption du projet de loi par les deux assemblées, la commission spéciale chargée de son examen doit cesser d’exister, il n’en demeure pas moins que notre volonté de participer à cette phase que vous aviez caractérisée, monsieur le secrétaire d’État, comme une occasion pouvant donner lieu à un travail inventif entre le Parlement et le pouvoir exécutif est entière.

Les parlementaires veulent participer à ce travail collaboratif qui vous est si cher. Je ne vous cache pas, monsieur le secrétaire d’État, que le respect de cet engagement conditionnera également l’état d’esprit qui présidera à la réception des futurs projets de loi de simplification. Nous avons été plusieurs à noter avec un grand intérêt les nouvelles propositions émises le 30 octobre dernier par le Conseil de la simplification pour les entreprises, dont plusieurs nécessitent un accompagnement législatif. Plusieurs de mes collègues ont exprimé leur souhait de voir ces propositions reprises dès que possible dans un projet de loi. Vous aurez en tout cas notre soutien sur ce point.

Je souhaite conclure sur une note positive qui concerne notre travail et son impact sur notre situation économique. Selon l’édition 2015 du rapport Doing business de la Banque mondiale, qui mesure annuellement les réglementations favorables et défavorables à l’activité commerciale, la France est passée du 138rang mondial en 2013 au 131rang cette année. C’est un travail de longue haleine que nous avons entrepris, mais il est d’intérêt public. Ce chantier aurait dû prendre place il y a déjà plusieurs années. Nous le menons pour chacun, du citoyen à l’entreprise et aussi pour l’administration et ses agents. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Discussion générale

Mme la présidente. Dans la discussion générale, la parole est à M. Alain Fauré.

M. Alain Fauré. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission spéciale, madame la rapporteure, mes chers collègues, nous sommes une large majorité à souhaiter que ce projet de loi sur la simplification des entreprises aboutisse dès 2015. La réunion, le 25 novembre dernier, de la commission mixte paritaire au Sénat a confirmé cette volonté d’enclencher la première loi dans ce domaine. Les ordonnances qui pourront aussi être prises par l’État amplifieront le mouvement.

Simplifier la vie des entreprises est une nécessité : les actes redondants, les complications en tout genre, non justifiées, sont légion dans notre pays. Nous devons aussi veiller, dans les textes en préparation, à ne pas rajouter encore de nouvelles contraintes. Hélas, nos lois sont trop souvent bavardes et ont tendance à vouloir tout prévoir pour protéger, aider et faciliter – et aboutir trop souvent, en fin de compte, à l’inverse du but recherché. Bonapartistes dans l’âme, les Français et leurs représentants – nous – veulent plus que de raison encadrer, pour finir par corseter et finalement étouffer le pays, un peu comme ces dames du XVIIIsiècle qui, pour plaire, s’étouffaient dans des corsets inhumains.

Mais le développement du numérique est venu bousculer l’organisation de nos sociétés. Tout s’est accéléré. On a découvert, ou redécouvert, la simplicité. Tout est devenu accessible. La recherche et la diffusion de l’information sont à la portée de tous, et le savoir n’assure plus le pouvoir. C’est l’une des raisons pour lesquelles aujourd’hui, comme les citoyens et les entreprises, nous imaginons de nouveaux rapports sociaux, plus collaboratifs, participatifs, coopératifs et interactifs. Entre les acteurs de la décision, le bouleversement est total. Fini le top down ou les modèles verticaux et autoritaires, qui ne correspondent plus aux attentes : ils se voient substituer des modèles de discussion horizontaux. Nous allons devoir y réfléchir pour l’architecture de notre hémicycle.

Le Gouvernement a fait de la simplification, celle de la vie des citoyens comme celle de la vie des entreprises, une grande action prioritaire du quinquennat. Ce choc imaginé par le Président de la République au début de son mandat vise les complexités administratives et réglementaires qui pèsent notamment sur les entreprises. Pour redonner du dynamisme, il est impératif de supprimer ces obstacles au développement économique et ainsi faciliter la création d’emplois.

Légiférer, c’est aussi encadrer ces évolutions pour définir un environnement juridique au sein duquel chacune et chacun des acteurs de notre société trouve sa juste place et sa pleine capacité à se mobiliser. C’est ce double objectif que vise ce texte qui allie ambition et équilibre. La simplification, beaucoup en ont parlé mais, il faut le reconnaître, jusqu’au début de cette législature, peu avait été fait en la matière.

Tout en s’inscrivant dans la suite d’initiatives antérieures, ce texte va nettement plus loin, le Gouvernement ayant choisi de prendre toutes ses responsabilités en la matière. Le projet de loi que nous examinons aujourd’hui s’intègre en effet dans une démarche volontariste et concrète qui a déjà débouché sur deux lois d’habilitation, l’une relative à l’accélération des projets de construction, la deuxième, déjà, à la simplification de la vie des entreprises.

Nous le savons, le tissu économique français est soumis à de très fortes contraintes. Certaines sont dues à des lourdeurs administratives, héritées d’un autre âge, qui nuisent à la compétitivité et aux finances publiques. Nous nous attaquons donc à ces pesanteurs qui entravent la vie des entreprises.

En harmonisant la définition du terme « jour » dans le code du travail, en élargissant le rescrit, qui garantit lisibilité et sécurité juridique, en simplifiant les déclarations fiscales et comptables, nous favorisons l’émulation au sein de notre maillage entrepreneurial. Parallèlement, la création d’entreprises se verra facilitée par l’assouplissement ou la suppression de certains régimes d’autorisation préalable, conformément, notamment, au principe selon lequel silence vaut accord, consacré par le comité interministériel pour la modernisation de l’action publique. Ils seront dorénavant remplacés par des régimes déclaratifs qui pourront être contrôlés et, en cas de manquement, sanctionnés a posteriori. Cela contribuera au passage d’une culture de la défiance à une culture de la responsabilité. Il s’agit là d’une rupture, qu’il convient de saluer, avec nos vieilles traditions.

Le développement des entreprises sera, quant à lui, soutenu par l’allégement des modalités de constitution de sociétés anonymes, qui obligent bien souvent les créateurs à se doter d’actionnaires de circonstance dans le seul but de répondre aux exigences légales. Dans le même temps, les structures comptant jusqu’à vingt salariés verront leurs démarches administratives considérablement allégées. Elles pourront accéder au titre emploi service entreprise. C’est donc dans une perspective de renforcement et de croissance de notre tissu économique que s’inscrit ce projet de loi.

S’il est tourné vers les entreprises, ce texte participe d’un mouvement plus vaste d’adaptation qui concerne également l’ensemble de nos concitoyens, qui souhaitent, dans leur immense majorité, que la puissance publique conserve, voire amplifie, sa capacité à peser sur le cours des choses, à jouer et à sécuriser la vie et les projets des entreprises. Il contient également d’autres mesures, plus composites, de modernisation de l’action publique, de simplification ou de clarification du droit.

Ce texte répond aux attentes de nombreux acteurs économiques, les auditions l’ont montré. À cet égard, la procédure accélérée engagée par le Gouvernement me paraît justifiée : compte tenu des délais imposés par la navette parlementaire, seule cette procédure permet d’envisager l’entrée en vigueur de certaines mesures dès le 1erjanvier 2015.

Le recours aux ordonnances paraît justifié dans bien des cas. D’abord, parce que pour traiter efficacement certains problèmes, il faut parfois embrasser plusieurs matières – je pense à l’article 8, qui vise à instituer une décision unique pour tout projet de production d’énergie renouvelable en mer. Ensuite, parce que certaines simplifications appellent des modifications de nature à la fois réglementaire et législative, en matière de droit du travail par exemple, pour harmoniser la notion de jour. Enfin, parce que certains objectifs de simplification sont très larges : ainsi, l’article 4, relatif à la simplification des régimes d’autorisation ou de déclaration préalables, suppose un recensement de toutes les procédures concernées par l’habilitation.

Le texte contient de très nombreuses mesures concrètes touchant à plusieurs aspects de la vie des entreprises. Il simplifie le droit du travail avec, par exemple, l’habilitation donnée au Gouvernement de prendre par ordonnance toute mesure législative pour favoriser le développement des titres simplifiés et des guichets uniques de déclaration et de paiement des cotisations et contributions de protection sociale. Il s’agit, en particulier, d’élargir l’accès au titre emploi service entreprise.

Le projet de loi simplifie et sécurise les procédures administratives engagées par les entreprises, avec l’introduction d’une procédure de rescrit efficace, appréciée lors des auditions. Il simplifie la réalisation des opérations d’aménagement et de construction, complétant ainsi le premier train de mesures adopté dans la loi du 1er juillet 2013. Il simplifie les obligations fiscales des entreprises, en particulier dans son article 13 portant sur plusieurs obligations déclaratives. Il améliore les échanges entre l’administration et les entreprises, en dispensant ces dernières, à l’article 16, de renouveler leurs autorisations de prélèvement ou en prévoyant, à l’article 19, des dispenses de signature manuscrite. Il unifie le droit de la commande publique.

J’arrête là mon exposé, mais je tiens à rappeler que ce texte doit suivre le fil conducteur que traduit son intitulé. Il ne peut ni ne doit tout contenir, compte tenu des autres chantiers ouverts par le Gouvernement, notamment en matière de droit du travail. En outre, je rappelle que d’autres textes de simplification sont à venir. Encore une fois, nous ne discutons ici que de l’une des étapes de la simplification. Mes chers collègues, j’appelle les députés sur tous les bancs de cet hémicycle à voter ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Gilles Lurton.

M. Gilles Lurton. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, madame la rapporteure, madame la vice-présidente de la commission mixte paritaire, mes chers collègues, nous sommes réunis aujourd’hui pour examiner le projet de loi de simplification de la vie des entreprises tel qu’il a été adopté en commission mixte paritaire le 25 novembre dernier. Mais il s’en est fallu de peu qu’il ne s’agisse d’une nouvelle lecture : en effet, deux articles adoptés par le Sénat auraient pu, à eux seuls, faire échouer la commission mixte paritaire.

Auparavant, je voudrais souligner, monsieur le secrétaire d’État, que ce texte est le symbole même de la politique que vous menez depuis deux ans et demi. Sous couvert de simplification, vous passez votre temps à complexifier.

M. Thierry Mandon, secrétaire d’État. Ah bon ?

M. Gilles Lurton. Venez rencontrer les entreprises sur le terrain ! Je l’ai fait vendredi soir, à l’occasion d’une assemblée générale avec les entreprises du bâtiment et des travaux publics de ma circonscription. Je leur ai dit que j’allais débattre ce soir d’un texte sur la simplification de la vie des entreprises et j’ai vu leurs sourires amusés, ou plutôt désabusés, car cela n’a plus rien d’amusant. Les choses n’ont jamais été aussi compliquées pour les chefs d’entreprise, qui s’arrachent les cheveux pour savoir comment appliquer, par exemple, les mesures sur la pénibilité – encore un bel exemple de simplification !

Il s’agit tout d’abord d’un texte volumineux : 37 articles initialement, 61 au final, et en outre examiné selon un calendrier contraint. Le Gouvernement souhaitait aller vite sur ce texte, et tant pis si c’était au détriment du travail parlementaire… Il s’est déroulé moins de quatre semaines entre la présentation du texte en conseil des ministres, c’était le 25 juin 2014, et le vote en première lecture par notre assemblée. Dès le 8 juillet, une commission spéciale était constituée. Le 9 juillet, audition du ministre, le 16 juillet, examen du texte en commission spéciale puis le 22 juillet en séance publique à l’Assemblée nationale. Autant dire que les députés n’ont eu que peu de marges de manœuvre pour faire évoluer le texte.

Fort heureusement, les sénateurs ont eu un peu plus de temps que nous et ils ont ainsi pu véritablement contribuer à l’élaboration de ce projet de loi. En effet, prendre le temps d’examiner un texte ne signifie pas perdre son temps !

Le premier texte examiné par la commission spéciale prévoyait pour la moitié des articles une habilitation du Gouvernement à légiférer par voie d’ordonnances. Ces ordonnances devaient être prises dans un délai de six à dix-huit mois après la promulgation de la loi. Fort heureusement, le travail parlementaire, à l’Assemblée comme au Sénat, a permis parfois de modifier directement la législation sans recourir aux ordonnances. Ces modifications seront d’application immédiate et bénéficieront aux personnes concernées.

Monsieur le secrétaire d’État, les textes gagnent toujours en qualité quand chacune de nos deux assemblées peut prendre le temps de les examiner sereinement.

Mais où est le choc de simplification tant annoncé par le Président de la République et ses gouvernements successifs ? Depuis deux ans et demi, c’est tout le contraire qui se produit au fil des textes que vous nous faites voter. Au lieu de simplifier, votre texte sur la simplification de la vie des entreprises complique encore les choses.

Prenons, par exemple, les dispositions relatives au logement et à la construction. L’article 7 vise à faciliter les projets de construction alors même que cette question était supposée avoir été traitée dans le cadre des ordonnances Duflot prévues par la loi du 1er juillet 2013. Lors de l’examen de la loi ALUR, nous n’avons cessé de vous alerter sur les risques qu’elle faisait courir. Tout ce que nous craignions s’est malheureusement réalisé : augmentation des coûts, complexification, fuite des investisseurs, découragement des professionnels. Nous sommes très loin des promesses de François Hollande de construire 500 000 logements par an : nous en sommes à peine à 250 000 en 2014.

Face à la réalité des chiffres, vous semblez vous rendre compte qu’il y a un problème, et vous faites marche arrière. L’article 7 ter, issu d’un amendement du Gouvernement déposé en séance, vise à l’habiliter à prendre une ordonnance pour assouplir à nouveau la loi ALUR. C’est tout de même une situation assez ubuesque ! Mais elle est malheureusement récurrente. Elle est le résultat de ce qui est dénoncé depuis deux ans et demi au Parlement : des projets de loi volumineux, mal ficelés, examinés souvent dans la précipitation et amendés sans aucune étude d’impact. Nous en mesurons souvent les conséquences après coup.

Vous foncez, sans écouter ceux qui vous alertent, ceux qui vous critiquent. Le résultat, c’est que nous passons notre temps à défaire ce qui a été fait quelques mois plus tôt. C’est un drame pour la crédibilité du travail parlementaire, un drame pour la crédibilité de l’action politique. Vous auriez dû, mes chers collègues en tirer les leçons pour le reste du quinquennat. Malheureusement, force est de constater que le rythme d’examen des textes à venir, et je pense en premier lieu au projet de loi Macron, démontre qu’il n’en est rien.

Autre mesure de complexification pour les entreprises : l’application du compte pénibilité et l’obligation d’information en cas de cession d’une entreprise. Ces deux mesures ont été supprimées au Sénat, contre l’avis du Gouvernement. Souhaitant aboutir à un texte de compromis, la commission mixte paritaire est revenue sur ces deux dispositions. Pour autant, nous voulons vous rappeler que ce sont deux mesures qui envoient de très mauvais signaux aux entreprises.

Je vous l’ai dit, et tout le démontre aujourd’hui : le compte personnel de prévention de la pénibilité tel qu’il est prévu par la loi du 20 janvier 2014 garantissant l’avenir et la justice du système de retraite est un outil complexe et inapplicable qui va alourdir considérablement les charges administratives des entreprises. Or, les TPE et les PME ne disposent pas forcément de la ressource humaine nécessaire pour tenir au jour le jour les fiches d’exposition des salariés. Et vous savez aussi que les différences d’appréciation entre employeurs et salariés sur l’exposition à la pénibilité seront sources de nombreux contentieux.

Si elle part d’une préoccupation légitime, déjà prévue d’ailleurs par l’article 11 de la loi sur l’économie sociale et solidaire, l’obligation d’information préalable des salariés en cas de cession d’une entreprise va se révéler inefficace, voire contre-productive. Elle n’empêchera malheureusement pas les entreprises de fermer. Elle risque au contraire de fragiliser l’entreprise auprès des salariés, des clients et des investisseurs.

J’en viens, mes chers collègues, aux dispositions qui, je n’en doute pas, seront adoptées définitivement à la fin de cette semaine et qui sont présentées comme la traduction législative de la mise en œuvre des cinquante propositions du Conseil de la simplification pour les entreprises, coprésidé par vous-même, monsieur le secrétaire d’État, et Guillaume Poitrinal. Nous reconnaissons bien volontiers la présence de vraies mesures de simplification, telles que la suppression de la déclaration des congés d’été pour les boulangers, ou encore l’harmonisation des notions de jour. Certaines dispositions permettent un dépoussiérage bienvenu des lois et la suppression nécessaire de dispositions obsolètes.

Grâce au Sénat, le contrat à durée déterminée à objet défini, le CDD-OD, a été pérennisé. Le CDD-OD, prévu par l’Accord national interprofessionnel du 11 janvier 2008, a été expérimenté jusqu’au 23 juin 2014 et semble répondre à de réels besoins notamment dans le secteur de la recherche. En effet, ce contrat permet, dans certaines branches et entreprises qui ont signé des accords collectifs, de recruter des ingénieurs et des cadres sous CDD de dix-huit à trente-six mois, pour des réalisations sortant de l’ordinaire. Je tiens d’ailleurs à rappeler que notre collègue Gérard Cherpion avait lui-même proposé sa pérennisation dans sa proposition de loi portant simplification et développement du travail que vous avez rejetée en octobre dernier.

De nombreuses mesures ont donc notre approbation et c’est la raison pour laquelle nous n’avons pas voté contre ce texte en juillet dernier. Vous me demanderez alors pourquoi nous n’avons pas voté pour… Nous regrettons tout simplement que ce texte, pour le moins utile, soit un alibi, un alibi face aux mesures de complexification adoptées par ailleurs, un alibi pour éviter de vous attaquer aux vrais défis que nous devons relever pour aider les entreprises. Il s’agit en fait d’engager de véritables réformes de structures. Il s’agit de baisse des charges, de réforme du code du travail, de refonte des seuils dans les entreprises. Ce sont les vraies réponses pour permettre aux entreprises de maintenir leur activité et de devenir plus compétitives.

Nous avons donc choisi de nous abstenir sur ce texte. Nous ne souhaitons pas bloquer le mouvement de simplification que nous avons engagé sous la précédente législature, notamment avec Jean-Luc Warsmann. Mais nous ne pouvons pas vous signer un chèque en blanc et oublier les mesures contre-productives que vous prenez depuis deux ans et demi.

Mme la présidente. La parole est à M. Meyer Habib.

M. Meyer Habib. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, madame la rapporteure, madame la vice-présidente de la commission mixte paritaire, mes chers collègues, les entrepreneurs perçoivent très négativement l’impact de la réglementation nationale en vigueur sur leur activité, et cela à juste titre. Les dirigeants des TPE et des PME consacrent en moyenne un tiers de leur temps de travail à la gestion de tâches administratives. Un tiers de leur temps de travail ! C’est invraisemblable.

Ces normes, toujours plus nombreuses, toujours plus complexes, forment un carcan qui enserre notre appareil productif et condamne, nous le constatons hélas chaque jour, notre pays à la morosité économique. En outre, cette complexité administrative a un coût : 60 milliards d’euros, selon l’OCDE, ce qui place notre pays au 130rang sur 148 pays en matière de poids des normes. C’est incroyable !

La situation ainsi décrite fait donc sans aucun doute de la simplification des normes un objectif urgent et ultra-prioritaire, nous sommes tous d’accord sur ce point – une priorité dont la majorité précédente avait déjà pris conscience, puisqu’un important travail de simplification a été entrepris sous les deux précédentes législatures, comme vient de le rappeler M. Lurton. Il nous appartient donc aujourd’hui de poursuivre le travail engagé.

Ainsi que je l’avais souligné en première lecture, un certain nombre de dispositions de ce texte vont objectivement dans le bon sens. Je pense en particulier au développement de la dématérialisation des échanges avec l’administration. À l’heure où l’usage des nouvelles technologies de l’information se généralise, toute mesure renforçant l’e-administration est indispensable pour maintenir efficacement le lien avec les entreprises.

Autre exemple : le développement du rescrit est une sécurité juridique qui est très importante pour les entreprises lorsqu’elles ont besoin de faire valoir leur bonne foi en cas de litige avec l’administration. Il en est de même du remplacement de certains régimes d’autorisation préalables par de simples procédures déclaratives et de l’application concrète du principe « silence vaut accord », qui doit prévaloir dans les relations avec l’administration.

Néanmoins, si vous me le permettez, il est regrettable que ce projet de loi ait aussi vocation à corriger certaines des réformes que notre assemblée a pourtant adoptées très récemment. Ne pourrions-nous pas légiférer simplement et directement, sans avoir par la suite à procéder à ces retouches ?

En effet, dans ce projet de loi, les articles 7, 7 bis et 7 ter ne sont ni plus ni moins que des rectifications de la loi ALUR que nous avons adoptée tout récemment. Quant à l’article 34 qui propose de corriger les insuffisances et les incohérences juridiques du code de la consommation, il révèle le caractère incomplet de la loi relative à la consommation.

La commission du Sénat avait prévu, dans un article 12 A, de supprimer une mesure prévue par la loi relative à l’économie sociale et solidaire : l’obligation d’information préalable des salariés en cas de cession d’une entreprise. Voilà un exemple de mesure qui constitue une entrave à la liberté de céder son entreprise pour une multitude de raisons que je ne développerai pas ici, et qui aura des conséquences néfastes sur l’emploi. Nous regrettons vivement que cet article de bon sens ait finalement été supprimé par la CMP. Il est pour le moins surprenant et regrettable qu’un gouvernement qui prétend simplifier la vie des entreprises introduise dans le même temps de nouvelles obligations de nature à la complexifier.

En outre, je regrette et dénonce une nouvelle fois, au nom du groupe UDI, un recours excessif aux ordonnances. Par ce projet de loi, le Gouvernement nous demande de l’habiliter à simplifier la vie des entreprises en excluant précisément le Parlement de ce processus de simplification. Cette manière de procéder, monsieur le secrétaire d’État, est réellement en contradiction avec votre rapport, qui soulignait très justement l’importance d’associer le Parlement à toutes les démarches de simplification. Les parlementaires que nous sommes, quel que soit leur bord politique, de gauche, du centre ou de droite, sont pourtant bien souvent le relais privilégié des préoccupations des entreprises.

S’il est recouru aux ordonnances, encore faut-il que les habilitations soient suffisamment encadrées. Cela n’était pas le cas pour un certain nombre d’articles de ce projet de loi, que les discussions au sein de nos deux assemblées ont heureusement permis d’améliorer. Je pense notamment à l’article 1er sur les titres simplifiés et les guichets uniques, que le Sénat a davantage encadré.

En outre, nos deux assemblées ont parfois réussi, à juste titre, à modifier directement la législation sans recourir aux ordonnances : tel fut le cas à l’article 7, destiné à faciliter la réalisation d’opérations d’aménagement et de construction ; à l’article 7 ter, qui ajuste certaines dispositions introduites par la loi ALUR ; à l’article 15, qui supprime la déclaration relative à la participation des employeurs et à la formation professionnelle continue ; ou encore à l’article 28, créant un régime juridique spécifique pour les écoles supérieures des chambres de commerce et d’industrie.

Autre apport du Sénat : un amendement du groupe centriste avait prévu de supprimer l’ensemble du volet pénibilité de la loi du 20 janvier 2014 garantissant l’avenir et la justice du système de retraites. En CMP, cet article 2 septies a été supprimé, au profit d’un rapport sur la mise en œuvre du compte personnel de prévention de la pénibilité. Nous regrettons que cette disposition ne figure plus dans ce texte. Entre une durée minimale hebdomadaire d’un contrat de travail à temps partiel fixé à vingt-quatre heures depuis le 1er juillet dernier et une durée légale fixée à trente-cinq heures pour un temps plein, nous assistons à une réduction des marges de manœuvre pour les entrepreneurs et leurs salariés.

Enfin et surtout, ce projet de loi manque d’ambition. En définitive, peu de ses dispositions concernent directement les entreprises, une grande part d’entre elles étant essentiellement destinée à faciliter la vie de l’administration. Aussi, la simplification du code du travail, notamment celle des seuils sociaux, est véritablement la grande absente de ce texte.

À titre d’exemple, l’article 12 propose de diminuer le nombre minimal d’actionnaires dans les sociétés anonymes non cotées. Ce projet de loi n’aurait-il pas pu être l’occasion de modifier l’ensemble du régime des sociétés non cotées ? Plutôt que de simplifier la vie de nos entreprises pas à pas, ne pourrait-on pas immédiatement procéder à une démarche ambitieuse globale de simplification ?

Mes chers collègues, c’est un entrepreneur qui vous parle : la simplification de la vie des entreprises est une nécessité pour libérer leur potentiel de croissance. Nous nous devons de prendre, sans attendre, des mesures courageuses afin d’améliorer la compétitivité de nos entreprises, relancer la consommation et donc la croissance et redonner du pouvoir d’achat aux Français.

Pour cela, le choc de simplification doit impérativement s’accompagner d’un choc de compétitivité. La simplification de la vie des entreprises ne portera ses fruits que si elle est associée à un allégement significatif de leur fiscalité. C’est en mettant un terme au matraquage fiscal, d’une ampleur hélas quasi inégalée en Europe, que nous pourrons, c’est mon intime conviction, redonner confiance aux entrepreneurs et relancer la croissance.

Mais au-delà de ce contexte général défavorable au développement des entreprises, nous refusons d’aller à l’encontre de tout ce qui pourrait contribuer à la simplification des normes et des obligations pesant sur les entreprises. Le groupe UDI votera donc en faveur de ce projet de loi.

M. Alain Fauré. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à Mme Cécile Duflot.

Mme Cécile Duflot. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, madame la vice-présidente de la commission mixte paritaire, madame la rapporteure, chers collègues, nous examinons aujourd’hui le texte issu de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à la simplification de la vie des entreprises. Ce texte s’inscrit dans le cadre de la mise en œuvre du pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi. Il vient après des ordonnances validées par la loi du 2 janvier 2014, et notamment des mesures de simplification comptable pour les PME. Il mettra en œuvre certaines des cinquante mesures proposées en avril 2014 par le Conseil de la simplification pour les entreprises.

Avant de parler du fond, je souhaiterais parler de la forme. Si un grand nombre des dispositions finales de ce texte se situent à la limite du domaine législatif et du domaine réglementaire, le choix du Gouvernement de procéder en urgence et en ayant recours à toute une série d’ordonnances est quelque peu regrettable, car si certaines dispositions le méritent, d’autres bien moins. Le prochain projet de loi sur la croissance et l’activité prévoit lui aussi nombre de recours aux ordonnances et poursuit la même logique. Il y a donc un manque de clarté dans la méthode qui, en empêchant la tenue de débats pourtant nécessaires, induit de fait une diminution des prérogatives du Parlement, qui est réduit pour certains sujets à une simple chambre d’enregistrement.

De la même manière, je relaie le regret de mes collègues écologistes qui ont travaillé ce texte avec vous, et en particulier celui de Michèle Bonneton : cette loi a été examinée en première instance dans des délais tellement resserrés, à la fin de la session parlementaire, qu’il n’a pas été possible d’y travailler correctement et notamment d’organiser des auditions sereinement. Malgré cette pression, il aura tout de même fallu six mois pour boucler la procédure. Le même sort est réservé au futur projet de loi sur la croissance et l’activité. Cela ne nous paraît pas acceptable, d’autant qu’au détour de ces textes, on revient parfois sur des dispositions et des équilibres validés après de longs débats au Parlement, comme c’est le cas pour certaines mesures relatives à l’urbanisme, ou encore partiellement pour celles concernant le compte pénibilité. Heureusement, dans sa sagesse, la CMP est revenue sur la proposition de nos collègues sénateurs d’abroger l’article de la loi relative à l’économie sociale et solidaire qui assure une information des salariés sur la possibilité de reprise de leur entreprise. Le groupe écologiste s’en réjouit.

Revenons-en au fond : la simplification – un terme magique, d’ailleurs : nul ne peut être contre la simplification ! Il convient néanmoins d’être vigilant, de ne pas considérer que ce terme vaut blanc-seing et de se pencher sur la forme qu’elle peut prendre en pratique. Certes, il faut évidemment simplifier certaines procédures, mais trop souvent, on en profite pour montrer du doigt notre administration. Je tiens vivement à ce que tel ne soit pas le cas, comme vous l’avez en partie évoqué tout à l’heure, monsieur le secrétaire d’État. Nous pouvons et nous devons être fiers de notre administration et de celles et ceux qui, au quotidien, veillent à faire fonctionner notre pays.

Notre administration et les règles qui régissent notre pays, il faut le dire devant l’Assemblée nationale, sont aussi des facteurs de stabilité juridique, un élément déterminant pour les entreprises et les investisseurs internationaux. Ainsi, quand la simplification des procédures est un facteur d’amélioration du quotidien des entreprises, des collectivités territoriales et de nos concitoyens, il faut s’en féliciter, mais il ne faut pas sous-entendre pour autant que toute procédure serait inutile.

Si la simplification signifie rendre plus lisible, dans un bel esprit de consensus, la relation des entreprises à l’administration française, alors oui, elle est vivement souhaitable. Mais là aussi, un temps d’expertise aurait été utile sur certaines questions. Toujours en quête d’une croissance du produit intérieur brut hypothétique, l’objectif du texte consiste à améliorer la productivité des entreprises, mais il est difficile, voire impossible, de mesurer l’impact réel de ses dispositifs. S’il est certain qu’ils faciliteront leur travail, il est permis de douter de leur effet réel sur le niveau de l’activité dans notre pays.

Pour ce qui est des mesures elles-mêmes, je retiens la simplification de certaines règles pour accélérer la construction de logements et renforcer les mesures tendant à densifier l’urbanisation. Un premier pas avait été accompli avec la loi ALUR. Quant à la densification, vous connaissez la position des écologistes sur le sujet : elle est indispensable pour protéger le foncier agricole.

À l’article 7, le 1er alinéa, qui a été supprimé, prévoyait de revoir les procédures afin d’organiser la participation du public à l’élaboration de décisions prises sur les demandes de permis de construire ou d’aménager selon des modalités alternatives à l’enquête publique. Les oppositions et la déliquescence du débat public à Notre-Dame-des-Landes, à Sivens ou à Roybon, où des permis de construire peuvent être annulés après la réalisation des travaux, ce qui conduit à des situations de blocage, nous montrent à quel point il est urgent de légiférer sur cette question.

Si le Président de la République et la ministre de l’écologie se sont exprimés en ce sens, les écologistes attendent des actes et souhaitent qu’un texte spécifique relatif au dialogue environnemental soit rapidement présenté au Parlement. La simplification ne consiste pas simplement à supprimer des dispositions ; c’est là le risque majeur dans le domaine de l’environnement.

Nous le savons, certains prétendent avec beaucoup assurance que l’écologie empêche la réalisation de projets majeurs en France. Mais l’environnement et le développement ne doivent en aucun cas être opposés. C’est avec un véritable dialogue environnemental en amont que l’on évitera les situations de blocage que nous connaissons aujourd’hui. Nous souhaitons que l’élaboration de ce texte soit précédée d’une véritable consultation des acteurs et des citoyens concernés par ces sujets. La réforme de la déclaration d’utilité publique, véritable serpent de mer au cœur du débat sur le lien entre le développement et l’écologie, doit être abordée avec sérénité, franchise et responsabilité. La transposition des directives européennes, notamment celle sur l’eau, n’est pas une option pour notre pays.

À l’article 12, les mesures en matière de droit des sociétés sont importantes. Ainsi en est-il de la diminution du nombre minimal d’actionnaires nécessaire à la constitution de sociétés. Dans le domaine de l’expérimentation de l’autorisation unique en matière d’implantation d’éoliennes, prévue par l’article 11, il convient de lever l’incertitude juridique du texte récemment adopté, car cela conduirait au rejet des dossiers non traités par l’administration dans les trois ans que dure l’expérimentation. Il y avait là matière à décourager l’investissement, voilà qui sera corrigé.

D’autres mesures posent réellement question car, sous couvert de simplification, les Français y perdent des droits et des acquis importants. L’extension de la procédure de rescrit au champ du code rural, du travail, de la consommation, de la propriété des personnes publiques ou du patrimoine est une idée intéressante, car l’administration pourra apporter des conseils aux entreprises. Cependant, cette procédure, qui existe dans le domaine fiscal, peut aussi poser problème : l’administration risque de ne plus pouvoir agir a posteriori sans pour autant avoir les moyens d’être suffisamment pertinente en amont. Aussi, les ordonnances devront bien définir cette procédure, car les entreprises font souvent appel à des experts, notamment dans le domaine fiscal, lesquels seront en mesure, sous couvert d’optimisation, de piéger l’administration, qui n’aura pas toujours les moyens humains de répondre. Nous serons très vigilants sur les moyens qui seront accordés à l’administration pour pouvoir appliquer ces dispositions dans de bonnes conditions.

Le même type de problèmes se pose à propos de la suppression ou de la simplification de certains régimes d’autorisation préalable, prévues par l’article 4. Sans être a priori opposée à cette démarche, je précise qu’elle doit rester dans le champ du raisonnable et ne pas déréguler, que dis-je, précariser certaines professions.

Alléger les contraintes, c’est très bien, mais cet article autorise, sans débat parlementaire, le Gouvernement à supprimer ou simplifier les régimes d’autorisation préalable et de déclaration auxquels sont soumis les entreprises et les professionnels et remplace certains d’entre eux par de simples régimes déclaratifs.

Nous avons constaté la difficulté de bien encadrer les professions importantes que sont les professions immobilières. Il n’est pas pertinent de se contenter d’établir un cadre financier. Prenons l’exemple de l’un des régimes, celui des guides-conférenciers. Ces derniers affrontent déjà de nombreuses formes de concurrence et leur qualité professionnelle est déterminante pour assurer un bon service. Nous ne sommes pas convaincus qu’il n’existait pas d’autres moyens de reconnaître leur activité. En mettant sur un même plan les détenteurs d’une carte professionnelle d’activité et ceux qui n’en font qu’un métier d’appoint, on oublie que leur travail n’a ni la même valeur, ni la même finalité et on risque de faire gonfler le nombre d’actifs au mépris de la véritable professionnalisation des guides-conférenciers.

Un autre sujet nous pose véritablement question : celui des marchés publics. Là aussi, la simplification des procédures, par la voie de la transposition de deux nouvelles directives européennes, doit avoir pour contrepartie des moyens pour garantir la bonne application des mesures promues. Si l’intention est louable – promouvoir l’innovation, faciliter l’accès des PME aux marchés publics et assurer une meilleure prise en compte, par les acheteurs publics, des objectifs sociaux et environnementaux – nous avions jusqu’au mois d’avril 2016 pour faire la transposition. Monsieur le secrétaire d’État, qu’est-ce qui imposait cette forme de précipitation sur un sujet si important, alors que les affaires récurrentes de trucages d’appels d’offres ont non seulement un effet négatif sur la perception par les Français de la vie publique, mais entretiennent également des petites oligarchies locales très néfastes pour notre démocratie ?

L’exercice est très difficile, notamment pour les PME, qui ont parfois des moyens humains trop limités pour répondre à des appels d’offres complexes. Nous en sommes parfaitement conscients. Mais l’importance du sujet impose que l’on trouve un juste équilibre entre le niveau de contrainte et la nécessaire transparence de ces appels d’offres.

Vous l’aurez compris, au vu de ces mesures disparates, dont nous soutenons certaines et d’autres bien moins, mais aussi pour exprimer leurs réserves sur la méthode, les écologistes s’abstiendront sur ce texte. J’attends, monsieur le secrétaire d’État, que vous éclairiez la représentation nationale sur les questions que j’ai soulevées et que vous nous précisiez les moyens dont sera pourvue l’administration pour remplir correctement les nouvelles missions qui lui incombent.

Mme la présidente. La discussion générale est close.

La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Thierry Mandon, secrétaire d’État. Je remercie tout d’abord les intervenants des différents groupes politiques, et je souhaite leur répondre en précisant les points qui me semblent mériter de l’être.

M. Meyer Habib a eu raison de souligner que, du fait de la lourdeur administrative, les entreprises consacrent trop de temps en France aux tâches administratives. Contrairement à ce qu’on pense, cette lourdeur administrative n’est pas garante de droits : au contraire, elle est plutôt génératrice, pour les entreprises les plus grosses et les plus riches, de passe-droits, car celles-ci trouvent les moyens de détourner les règles spécifiques de leur secteur ou les règles de régulation des marchés. Dans le maquis des règles administratives, elles peuvent trouver des moyens, en payant – cher – les conseils de professionnels de la complexité du droit, de se soustraire aux obligations légales votées par le Parlement.

Au contraire, un droit simple, clair, lisible, abordable et accessible est un droit applicable. Tel est le sens de la politique de simplification. Je rappelle à tous ceux et toutes celles qui sont présents dans cet hémicycle que, contrairement à ce que peuvent laisser entendre certains propos ambigus, la suppression du dispositif de pénibilité, comme celle du dispositif d’information des salariés en cas de cession, n’ont jamais fait partie du projet de loi déposé par le Gouvernement, pas plus qu’ils n’ont fait partie du texte voté par l’Assemblée nationale en première lecture. Ces mesures ont été insérées par le Sénat lors de l’examen du projet de loi en première lecture, contre l’avis du Gouvernement et contre la philosophie même de ce qui me semble devoir être la simplification – encore une fois, un combat mené au nom d’un droit applicable et efficace.

Deux approches des dispositions de ce texte tel qu’il sera, je l’espère, adopté dans quelques instants sont possibles.

La première, qui a été évoquée par M. Habib et qui de mon point de vue, et même si je conçois qu’elle existe, s’avère illusoire, revient à vouloir faire le grand soir de la simplification, c’est-à-dire à vouloir régler en deux minutes des problèmes extrêmement complexes en pensant que cela ne posera pas de problème. Je pense que si c’était aussi simple et facile que cela, cela aurait été fait depuis belle lurette !

Ainsi, si les seuils sociaux sont des contraintes aussi insupportablement complexes que cela a été dit, on peut s’étonner que les majorités précédentes n’aient pas simplifié ce dispositif ! On est en droit de se demander pourquoi cela n’a pas été fait !

M. Meyer Habib. Oui.

M. Thierry Mandon, secrétaire d’État. La réponse, c’est qu’il ne peut exister de grand soir de la simplification. Les règles de droit existantes sont le produit d’années et d’années de réflexions, de votes et de décisions et ce stock de règles existantes doit être très précisément analysé, notamment au regard des garanties qu’elles procurent réellement à leurs destinataires et des difficultés éventuelles que soulève leur application.

Mme Sophie Errante, rapporteure. Tout à fait.

M. Thierry Mandon, secrétaire d’État. La simplification s’apparente donc à un travail de Sisyphe qu’il faut sans cesse recommencer. C’est une montagne que l’on attaque à la petite cuillère. Et il ne faut jamais sous-estimer l’importance des acquis, qui sont autant de petits cailloux sur le chemin de la simplification. Il s’agit d’un chantier long, qui doit perdurer et qui doit traverser les alternances politiques.

Pour ces raisons, les bases philosophiques de l’action du Gouvernement – simplifier, pour un droit applicable – me semblent très importantes. De ce point de vue, le projet de loi tel qu’il ressort des travaux de l’Assemblée nationale contient des avancées considérables que je souhaite rappeler. En effet, il ne faut pas minimiser le travail collectif qui a été réalisé par les députés et les sénateurs.

Vous vous apprêtez à préciser un certain nombre d’éléments du code du travail, notamment cette fameuse notion de jour qui contribue aujourd’hui à faire casser des procédures entamées de bonne foi par des salariés ou des employeurs.

Vous allez également sécuriser le dispositif du portage salarial, qui sans ce projet de loi aurait dû prendre fin. Dieu sait si c’est important ! Vous allez en effet sécuriser les conditions dans lesquelles un salarié à temps partiel travaillant moins de 24 heures par semaine pourra travailler au-delà.

Vous vous apprêtez à créer le dispositif du rescrit, ou plus exactement à en étendre l’usage à l’urbanisme ou aux questions sociales. Je ne doute pas une seconde que, s’agissant du droit social, les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi, les Direccte, disposeront des moyens d’appliquer ce dispositif. Pour ces administrations d’ailleurs, il vaut bien mieux donner des conseils en amont d’une décision que de faire appliquer une réglementation en aval, avec les effectifs importants que cela suppose.

Vous allez créer également le titre emploi service entreprise, le Tese, qui simplifie considérablement l’embauche dans les entreprises de moins de vingt salariés. Vous allez également étendre la portée du principe selon lequel le silence vaut accord et simplifier le régime de l’autorisation préalable. Il faut certes rester vigilant, comme le disait Mme Duflot tout à l ’heure, quant aux professions qui seront désormais accessibles par simple voie déclarative et non plus par voie d’autorisation préalable, mais il s’agit tout de même d’une avancée très importante.

Il nous faut aussi ouvrir les yeux sur une situation aberrante : celle de la règle subordonnant la création d’une société anonyme à l’existence de sept associés, une règle qui est, à l’évidence, depuis des années, constamment contournée. Tout le monde ferme les yeux sur des pratiques comme le prêt de parts à des secrétaires afin qu’elles fassent office d’associés… Vous allez mettre fin à ces situations anormales en simplifiant cette règle.

Vous êtes également sur le point de faciliter les conditions de transfert des sièges sociaux ainsi que certaines procédures d’urbanisme, mais aussi les obligations déclaratives des entreprises ainsi que la dématérialisation des procédures. En outre, vous allez permettre la réorganisation des chambres de commerces et d’industrie ainsi que la mise en place de l’établissement public unique résultat de la fusion d’UbiFrance et de l’Agence française pour les investissements internationaux.

Excusez du peu ! Il y a dans ce projet de loi beaucoup de dispositions importantes. Évidemment, il aurait fallu aller plus loin, mais, dans les mois qui viennent, le Gouvernement déposera d’autres textes. Pour l’instant, c’est déjà beaucoup.

Je réponds en un mot à des questions qui m’ont été posées. D’abord, concernant les marchés publics, nous ne pouvions pas attendre. C’était l’intérêt des entreprises françaises. De leur point de vue, le projet permet deux avancées considérables.

La première part d’un constat dressé par tous les maires et par tous élus locaux : aujourd’hui, dans des appels d’offres, il s’avère difficile, au moment de l’ouverture des plis, de prendre en compte comme ils le méritent les critères environnementaux et sociaux lorsqu’une des offres est manifestement plus basse que les autres. C’est très difficile. Il y a des offres si basses qu’il est légitime de s’interroger sur le prix proposé, alors que certaines petites entreprises, implantées dans le bassin d’emploi local ou alors maîtrisant des techniques doublées d’engagements forts dans les domaines environnementaux ou sociaux, ne peuvent pas se trouver attributaires. Le projet de loi permettra de corriger cette anomalie.

La seconde avancée est le partenariat d’innovation. C’est une avancée majeure, et immédiate : il n’y avait aucune raison d’attendre plus longtemps. Il concerne les entreprises innovantes, qui sont légion dans les domaines des biotechnologies, des nanotechnologies ou de l’économie verte par exemple, qui maîtrisent une technologie sans disposer encore de clients. Ces entreprises ont besoin d’une commande afin d’élaborer un prototype et, ensuite, un produit. Or, jusqu’à aujourd’hui, ces entreprises ne pouvaient se voir attribuer de marchés publics en raison de leur absence de références.

Le partenariat d’innovation que crée le projet de loi offrira la possibilité à ces petites et moyennes entreprises, par le biais d’un appel d’offres, d’entamer la finalisation de leurs prototypes. Cela leur permettra d’acquérir les références qui leur manquent pour se développer. Je suis persuadé que ce dispositif, notamment en ce qui concerne l’économie verte, permettra d’aider grandement ces entreprises.

Voilà pour le stock de règles que dans quelques instants vous déciderez, je l’espère, d’alléger. Mais plusieurs interventions, notamment celles de Mme Descamps-Crosnier et de M. Lurton, ont insisté sur la question du flux : à quoi sert d’alléger les règles existantes si on en ajoute d’autres qui complexifient encore notre droit ? De ce point de vue, comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire dans cet hémicycle, je pense que vous avez raison. Ce qui s’est vérifié pour les majorités précédentes se vérifiera également, si l’on ne fait rien, pour les majorités à venir : les règles nouvelles que l’Assemblée adopte ajoutent beaucoup plus de complexité que les lois de simplification comme celle dont nous débattons ne peuvent en supprimer.

Il faut donc modifier la fabrication de la loi. J’ai eu l’occasion de participer, avec Mme la présidente et Mme la rapporteure de la commission spéciale, à un colloque. Nous y avons fait des propositions en la matière, certaines étant d’ailleurs d’origine parlementaire. Je pense en particulier à celles figurant dans le rapport de Mme Laure de la Raudière et de M. Régis Juanico sur la simplification législative.

Madame la présidente de la commission spéciale, je vous confirme que certaines de ces propositions seront expérimentées dans le cadre du projet de loi relatif au numérique. Quelles sont les applications concrètes de cet engagement ? Trois mois au minimum avant l’inscription de ce projet de loi à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale, le Gouvernement organisera dans la commission saisie au fond, vraisemblablement au mois de janvier prochain, un débat d’orientation portant sur ses grands principes. Ce débat s’engagera sur la base de l’étude d’impact, ce qui obligera les services des ministères à réaliser cette étude très en amont de la rédaction du texte, et non au dernier moment.

Après ce débat d’orientation préalable, le délai de trois mois observé avant l’inscription du projet de loi à l’ordre du jour laissera le temps au Gouvernement d’intégrer tout ou partie des remarques qui auront pu être faites en commission, et donc d’améliorer son projet. Cela laissera également le temps, et c’est un autre des objectifs de cette réforme, aux parties prenantes intéressées par le texte de se manifester en amont de son examen et d’exprimer leur point de vue, qui pourra être repris par le Gouvernement ou par voie d’amendement. Ces mesures amélioreront grandement la qualité de fabrication de la loi.

Je termine avec deux points de méthode. M. Fauré, dans son intervention extrêmement précise, a rappelé son attachement à la méthode qui a été suivie en matière de simplification, qu’il s’agisse des mesures destinées aux entreprises ou, depuis peu, aux usagers ou de la simplification de la vie associative à laquelle nous travaillons actuellement ou encore des différents programmes qui se mettent en place.

Il faut partir des usagers des politiques publiques. Si l’on veut rendre à la « puissance publique » sa puissance perdue, il faut, en partant des usagers, déconstruire la façon dont les politiques publiques sont mises en place afin de les reconstruire en fonction de cette nouvelle orientation. Le Gouvernement plaide en faveur d’une telle conception et souhaite en faire la marque de fabrique de sa démarche, cette démarche que les Anglais appellent bottom-up, dont je n’aime pas dire qu’elle part d’en bas mais qui procède en tout cas d’une vision ascendante de la fabrication de la loi.

Les ordonnances peuvent paraître antinomiques avec cette démarche, c’est vrai, mais Mme Duflot le sait mieux que quiconque : chacun en fait usage lorsqu’il est membre du Gouvernement, pour les dénoncer une fois revenu sur les bancs de l’Assemblée ! (Sourires.) Là aussi, madame la présidente de la commission spéciale, je vous confirme que, comme cela a été fait pour le projet de loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, les projets d’ordonnances faisant l’objet d’une habilitation dans un projet de loi seront, avant publication naturellement, soumis aux parlementaires qui auront travaillé sur le texte. Cette mesure permettra, comme je m’y étais engagé, une véritable coproduction du travail législatif dépassant les contraintes inhérentes à la procédure des ordonnances.

Cela m’amène à évoquer une difficulté inhérente aux politiques de simplification. Au Parlement, les textes correspondants sont généralement renvoyés à des commissions spéciales. Il pourrait être judicieux de trouver les moyens, s’agissant de processus de long terme comme la simplification législative et réglementaire, de poursuivre, après leur adoption définitive, ce travail collaboratif avec les membres de ces commissions. Je respecte par principe les règlements des assemblées, que le Gouvernement prend tels qu’ils sont. Mais la qualité nécessaire du travail législatif sur ces sujets mériterait une procédure particulière.

Voilà ce que je voulais dire, en remerciant une nouvelle fois l’ensemble des députés de leur contribution à ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et UDI.)

Texte de la commission mixte paritaire

Mme la présidente. J’appelle maintenant le texte de la commission mixte paritaire.

Conformément à l’article 113, alinéa 3, du règlement, je vais d’abord appeler l’Assemblée à statuer sur les amendements dont je suis saisie.

Mme Sophie Errante, rapporteure. Il s’agit d’un amendement de précision.

(L’amendement n1, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Sophie Errante, pour soutenir l’amendement n2.

Mme Sophie Errante, rapporteure. Amendement de coordination rédactionnelle.

(L’amendement n2, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Sophie Errante, pour soutenir l’amendement n3.

Mme Sophie Errante, rapporteure. Précision rédactionnelle.

(L’amendement n3, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Sophie Errante, pour soutenir l’amendement n4.

Mme Sophie Errante, rapporteure. Coordination.

(L’amendement n4, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Sophie Errante, pour soutenir l’amendement n5.

Mme Sophie Errante, rapporteure. Amendement rédactionnel.

(L’amendement n5, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Sophie Errante, pour soutenir l’amendement n6 rectifié.

Mme Sophie Errante, rapporteure. Clarification rédactionnelle.

(L’amendement n6 rectifié, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Sophie Errante, pour soutenir l’amendement n7.

Mme Sophie Errante, rapporteure. Amendement de codification.

(L’amendement n7, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

Vote sur l’ensemble

Mme la présidente. Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi, compte tenu du texte de la commission mixte paritaire, modifié par les amendements adoptés par l’Assemblée.

(L’ensemble du projet de loi, modifié, est adopté.)

3

Ordre du jour de la prochaine séance

Mme la présidente. Prochaine séance, demain, à quinze heures :

Questions au Gouvernement ;

Explications de vote et vote par scrutin public sur le projet de loi relatif à la réforme de l’asile ;

Explications de vote et vote par scrutin public sur le projet de loi de finances pour 2015 ;

Discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi de finances rectificative pour 2014 ;

Discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019 ;

Discussion, sur le rapport de la commission mixte paritaire, du projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation de la législation au droit de l’Union européenne en matière économique et financière.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-sept heures quinze.)

La Directrice du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Catherine Joly