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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2014-2015

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du vendredi 06 février 2015

SOMMAIRE

Présidence de M. Marc Le Fur

1. Croissance, activité et égalité des chances économiques

Discussion des articles (suite)

Article 24

Mme Marie-George Buffet

M. Jean Lassalle

M. Daniel Goldberg

M. Jacques Alain Bénisti

M. Francis Vercamer

Mme Audrey Linkenheld

Amendements nos 669 , 14 rectifié

M. Gilles Savary, rapporteur thématique de la commission spéciale

M. Emmanuel Macron, ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique

Amendements nos 2265 , 2465 , 12 , 2187 , 3202 (sous-amendement) , 2798 , 2960 , 2102

Après l’article 24

Amendements nos 16 , 119 , 1056 , 18

M. Richard Ferrand, rapporteur général de la commission spéciale

Amendement no 340

Article 25

Mme Sandrine Mazetier

M. Nicolas Sansu

Amendements nos 338 , 3010 , 2759 , 3020 , 1895 , 2762 rectifié , 2773 rectifié , 3056 rectifié , 3070 rectifié , 339 , 1896 , 2221 rectifié , 2022 , 2223 , 3109 , 2222 rectifié , 2316 , 2079 , 1897 , 2775 rectifié , 3145 , 3147 , 3199 , 3148

Après l’article 25

Amendements nos 2801 rectifié , 2405 rectifié , 462 , 3045 , 2597 , 3003 , 2334

M. François Brottes, président de la commission spéciale

Amendements nos 2481 , 465 rectifié , 346 rectifié , 2296 , 347 rectifié , 343 , 342 , 458 , 2472 , 671 rectifié , 459

Articles 25 bis à 25 quater

Après l’article 25 quater

Amendement no 1380

Article 25 quinquies

Amendement no 2467

Article 25 sexies

Amendements nos 2112 , 1898 , 1689 , 1899

Après l’article 25 sexies

Amendements nos 460 rectifié , 1500 rectifié , 1694 , 198 rectifié , 1900 , 2958 , 3212 (sous-amendement)

Article 26

Amendement no 2470

M. Christophe Castaner, rapporteur thématique de la commission spéciale

Amendements nos 1262, 1263 , 1819 , 1261 , 2113

Après l’article 26

Amendements nos 502 , 2389 , 3037 , 499 rectifié , 3042 , 3213 (sous-amendement) , 501 rectifié , 1594 rectifié , 3050 , 500 rectifié , 3047

Article 27

Amendement no 1264

Après l’article 27

Amendement no 1265

2. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Marc Le Fur

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Croissance, activité et égalité des chances économiques

Suite de la discussion d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques (nos 2447, 2498).

Le temps de parole restant pour la discussion de ce texte est de neuf heures et trente-neuf minutes pour le groupe SRC, dont 402 amendements sont en discussion ; trois heures et quarante-quatre minutes pour le groupe UMP, dont 478 amendements sont en discussion ; trois heures et dix-sept minutes pour le groupe UDI, dont 91 amendements sont en discussion ; deux heures et douze minutes pour le groupe RRDP, dont 58 amendements sont en discussion ; deux heures pour le groupe écologiste, dont 135 amendements sont en discussion ; une heure et trente-cinq minutes pour le groupe GDR, dont 70 amendements sont en discussion, et vingt-cinq minutes pour les députés non inscrits.

Discussion des articles (suite)

M. le président. Ce matin, l’Assemblée a poursuivi l’examen des articles, s’arrêtant à l’article 24.

Article 24

M. le président. Plusieurs orateurs sont inscrits sur l’article 24.

La parole est à Mme Marie-George Buffet.

Mme Marie-George Buffet. Monsieur le président, monsieur le ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique, mes chers collègues, sur cet article, le groupe GDR a déposé un amendement visant à réserver la possibilité de majorer les droits à construire des logements intermédiaires aux communes qui respectent des taux de logement locatifs sociaux de 20 à 25 %, conformément aux dispositions de l’article L. 302-5 du code de la construction et de l’habitation.

Lors de la conférence de presse qu’il a tenue cette semaine, le Président de la République a fortement insisté sur l’effort à réaliser pour atteindre partout ce taux de 25 %. Le dispositif que vous mettez en place, monsieur le ministre, vise à attirer les investisseurs vers des projets de logements intermédiaires rentables, avec l’objectif de créer les conditions d’une plus grande mixité sociale, un objectif que je comprends et partage.

Toutefois, les mesures encourageant la construction de logements intermédiaires risquent de se traduire par une dégradation du ratio de logements sociaux, notamment dans les zones où le foncier disponible n’est pas extensible. De nombreux députés l’ont rappelé en commission spéciale. Or, comme vous le savez, monsieur le ministre, le problème le plus criant aujourd’hui s’agissant du mal-logement est l’insuffisance du nombre de logements sociaux.

En effet, 90 % des 1,8 million de demandeurs de logements sociaux satisfont aux critères établis pour accéder à ces logements. Bien que nous ayons tous rêvé de créer les conditions d’un parcours résidentiel, le pouvoir d’achat, la précarité, le chômage, évoqués par un député ce matin, sont tels qu’ils créent une forme d’immobilisme : aujourd’hui, les bénéficiaires d’un logement social ne libèrent pas autant leur habitation qu’il y a quelques années.

Ce phénomène a été encore accentué par la difficulté d’obtenir des mutations de logement à l’intérieur même des offices des bailleurs. En effet, il faut maintenant présenter une seconde demande de logement. Cette disposition conduit souvent des personnes âgées à renoncer à obtenir un logement plus petit, mieux adapté, dans leur cité, alors que, parallèlement, de grandes familles attendent vainement un logement.

Dans certains territoires, des demandeurs qui renouvellent régulièrement leur demande peuvent attendre jusqu’à cinq ou six ans d’obtenir un logement. À cet égard, le système de droit au logement opposable n’a pas montré son efficacité.

Vous avez expliqué, monsieur le ministre, qu’il existait des garde-fous : l’impossibilité de construire des logements intermédiaires dans les communes carencées, c’est-à-dire qui ne respectent ni l’objectif, ni le rythme de construction de logements sociaux prévu au titre de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, dite loi SRU.

Vous faites également valoir, monsieur le ministre, que toute opération de construction de logements intermédiaires doit comprendre au minimum 25 % de logements sociaux. Certes.

Surtout, vous avez indiqué que notre amendement pénaliserait les communes qui respectent le rythme de construction des logements sociaux, sans atteindre les taux fixés par la loi SRU.

Vous admettrez, me semble-t-il, que le dispositif que vous proposez ne servira ni à aider ni à encourager ces mêmes communes à atteindre leur objectif en termes de construction de logements locatifs sociaux, mais risque au contraire de les en détourner. À tout le moins, reconnaissez qu’il donne le sentiment d’adresser des injonctions contradictoires.

En outre, quid du comportement des bailleurs ? Dans ma ville, un bailleur a bien compris le sens de votre loi : il s’apprête à réaliser, avec sa filiale, de nombreux logements intermédiaires, sur des terrains qu’il aurait pu utiliser pour construire des logements sociaux, pourtant si nécessaires.

Notre amendement réaffirme donc la priorité que nous devons continuer d’accorder au programme du logement locatif social. Nous partageons en effet le constat établi par M. le délégué général de la Fondation Abbé Pierre face au lobby des assurances, qui a torpillé la garantie universelle des loyers ; à celui des propriétaires et des agences immobilières, qui a sapé la volonté d’encadrer les loyers ; à celui de certains maires qui refusent le logement social. La voix des 3,8 millions de personnes mal logées pèse aujourd’hui bien trop peu à nos yeux. Chacun ici est conscient que le mal-logement produit des effets désastreux à l’école et dans le domaine de l’emploi : comment assurer le suivi scolaire d’un enfant dans un logement surpeuplé ? Répondre à la demande de logement social apparaît donc comme une priorité absolue.

M. le président. La parole est à M. Jean Lassalle.

M. Jean Lassalle. Puisque ce projet de loi nous permet de visiter l’ensemble des problématiques de notre temps, j’en profite pour signaler que de nombreuses dispositions en matière d’urbanisme ne sont pas adaptées aux vastes territoires ruraux, a fortiori à des zones de montagne. Comme François Brottes et d’autres députés le savent, même la loi relative au développement et à la protection de la montagne, élaborée il y a trente ans, a été dépassée par diverses dispositions ultérieures.

Pour ma part, je vois avec terreur les ronces folles envahir, les unes après les autres, les maisons du village dont je suis le maire depuis 1977. Parfois, il s’agit de résidences secondaires que des propriétaires bordelais ou toulousains visitent de temps en temps, mais, par manque d’argent, entretiennent peu.

Je me suis ainsi rendu compte de la difficulté de dépasser les contraintes que nous rencontrons dans tous les domaines. Des communes comme les nôtres, et leurs écoles, pourraient être sauvées par l’arrivée de quelques couples nouveaux. Il n’est toutefois pas possible de les accueillir car leur maison ne peut être construite nulle part : le terrain serait trop proche de l’eau – il est vrai que notre Seine locale, le Lourdios, passe à trente mètres de tous les points du village –, de la paroi abrupte de la montage, de zones à risque d’avalanche, de territoires visés par les plans de prévention des risques naturels majeurs ou de zones sismiques. Ces nombreuses contraintes ne sont pas toutes vérifiées. Mais, puisque des dispositions ont été prises pour les grands centres urbains, elles doivent être aussi appliquées à des territoires comme les nôtres.

Il se produit aujourd’hui ce que mon père, berger, redoutait, lorsqu’il disait : « Essaie de t’occuper des hommes de ton pays, pendant que ton frère garde les brebis. Et fais attention à ce qu’ils ne s’en aillent pas tous à Paris et dans les grandes villes. Un jour, ils y seront malheureux d’être trop nombreux, alors que nous serons très malheureux d’être trop peu nombreux. »

C’est pourquoi, j’insiste sur le fait que les textes de loi ne sont pas adaptés. Puisque nous examinons toutes ces problématiques, il sera peut-être possible, monsieur le ministre, d’adapter les dispositions de votre projet de loi à l’ensemble de notre pays, pour que celui-ci retrouve une forme d’habitat harmonieuse.

M. le président. La parole est à M. Daniel Goldberg.

M. Daniel Goldberg. Le débat n’est pas de savoir si nous sommes pour ou contre le logement intermédiaire ou social. En réponse aux propos de M. Lurton ce matin, j’estime que les députés d’opposition qui siègent lorsque les problématiques du logement sont évoquées font plutôt correctement leur travail dans les communes où ils assument des responsabilités d’élus. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Gilles Lurton. Ah, merci !

M. Daniel Goldberg. Comme cela a été dit tout à l’heure, il s’agit de savoir si l’on autorise une majoration du volume constructible pour des programmes comportant des logements intermédiaires, dans des communes qui n’ont pas – ou très peu – de logements locatifs sociaux.

Sans revendiquer les expressions « politique de peuplement » ou « apartheid », je constate que certains quartiers connaissent un développement séparé, termes que j’assume. Dans certaines zones, il est très difficile de construire des logements sociaux. C’est le cas notamment pour les communes visées par l’article 55 de la loi SRU, dont la loi du 18 janvier 2013 a renforcé les pénalités.

Dès lors, il faut déterminer à quel rythme, selon quelle pente les communes présentant un faible taux de logement locatif social peuvent rattraper leur retard, pour atteindre le taux de 25 % de logements locatifs sociaux en 2025, selon le nouvel objectif fixé par la loi. À l’heure actuelle, ces communes peuvent augmenter de 50 % leurs droits à construire si elles optent pour des logements locatifs sociaux. Aussi, le projet de loi, qui augmente de 30 % le volume constructible pour des logements intermédiaires, présente un risque.

Certes, comme l’affirmait hier le Président de la République, l’objectif des 25 % de logements sociaux en 2025 est maintenu : les préfets doivent y veiller et les pénalités ont été renforcées, un contrôle supplémentaire dont je me félicite. Je sais aussi que, dans un ensemble immobilier, la construction d’un programme de 100 logements intermédiaires oblige à construire 25 logements sociaux.

Cependant, les communes dites carencées, qui sont très peu nombreuses, n’ont pas la possibilité de suivre cette voie. Mais la question se pose surtout pour les communes non carencées, qui présentent un pourcentage de logement locatif social relativement faible, entre 10 et 15 %. Aussi, le sous-amendement que j’ai déposé à un amendement de Jean-Luc Laurent vise à ne pas ralentir le rythme avec lequel ces communes peuvent rattraper l’objectif de 25 % de logement locatif social, inscrit dans la loi.

Dans un monde idéal, où la production de logement social serait effectivement contrôlée dans chaque commune ; où les pénalités seraient quasi automatiques, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui ; où les préfets auraient repris la main dans les villes où l’on ne construit pas suffisamment de logements socialement accessibles et équitablement répartis sur le territoire, …

M. Gérard Cherpion. Drôle de monde idéal !

M. Daniel Goldberg. …dans ce monde idéal, je n’aurais sans doute pas à prendre position de cette manière. Néanmoins, comme je pars toujours du réel pour aller à l’idéal, je pense que le dispositif proposé par le Gouvernement doit être un peu plus encadré.

M. le président. La parole est à M. Jacques Alain Bénisti.

M. Jacques Alain Bénisti. Vous avez raison, monsieur Goldberg, de souligner que certains parlementaires, qui sont aussi maires, ont bien fait leur travail. À titre d’exemple, ma collectivité de Villiers-sur-Marne compte aujourd’hui 30 % de logements sociaux.

Nous avons encore un potentiel foncier disponible, que nous voudrions utiliser pour faire de l’accession sociale à la propriété.

M. Jean-Louis Dumont. Très bien !

M. Jacques Alain Bénisti. Nous avons répertorié dans ma commune mille deux cents familles qui gagnent entre 3 200 et 4 500 euros, et qui sont donc en mesure d’accéder à la propriété. Plusieurs de mes amendements ont été déclarés irrecevables en application de l’article 40, ce que je regrette. Mon idée, c’était de permettre aux communes qui ont atteint 30 % de logements sociaux de développer l’accession sociale à la propriété, afin d’offrir à des jeunes couples la possibilité de se constituer un patrimoine.

J’ai fait une proposition concrète, monsieur le ministre : je propose qu’à chaque fois qu’un ménage occupant un logement locatif social se voit offrir la possibilité d’accéder à la propriété, le contingent revienne à la commune. Voilà une proposition concrète, qui n’a malheureusement pas été acceptée. La deuxième proposition, c’est que les logements construits en vue de l’accession sociale à la propriété – il est bien question de logement « social » – soient pris en compte dans le quota de logements sociaux.

M. Frédéric Lefebvre. C’est une mesure de bon sens !

M. Jacques Alain Bénisti. Faites confiance aux maires, de droite comme de gauche : ils sauront prendre des décisions de bon sens. Vous êtes vous-même un homme de bon sens, monsieur le ministre. Il est dommage que les deux propositions que j’ai faites aient été repoussées. Favorisons les maires qui ont joué le jeu et qui ont construit des logements sociaux, et essayons maintenant d’adapter la gestion de leurs logements aux demandes qu’ils reçoivent réellement. Aider les jeunes couples à accéder à la propriété serait une bonne mesure, une mesure de bon sens.

M. Frédéric Lefebvre. Très bonne intervention !

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. Nul ne peut nier qu’il manque un certain nombre de logements en France. Il suffit de voir le nombre de mal-logés ou de sans-abri dans les rues, ou le nombre de familles qui viennent nous solliciter dans nos permanences. C’est pourquoi je suis assez partisan d’adopter des dispositifs pour contraindre les maires à construire des logements – des logements de différents types, d’ailleurs, de façon à assurer une véritable mixité dans nos territoires.

Mais cela n’est malheureusement pas suffisant. Ma commune, située à côté de Roubaix, compte 38 % de logements sociaux – je ne connais pas les chiffres de Roubaix, mais ils doivent être très élevés aussi. Le problème qui se pose chez nous relève de la politique de peuplement, et pas du type de logement – du reste, à Roubaix, on ne peut quasiment plus construire de logements… On pourra prendre toutes les mesures que l’on veut pour contraindre les maires à changer leur paysage ou leur offre de logement, le problème restera un problème de peuplement.

Pas loin de chez moi, une petite ville de moins de 10 000 habitants qui était carencée a construit des lotissements de logements sociaux. Elle a alors aspiré toutes les catégories sociales supérieures des logements sociaux de ma ville, ce qui a appauvri mes quartiers sociaux. Et, à mon tour, j’ai aspiré toutes les populations un peu riches de Roubaix, qui étaient pourtant moins riches que celles qui ont quitté ma commune pour la petite ville d’à côté – j’ai donc appauvri Roubaix. Résultat : lorsque la ville d’à côté a construit ces quartiers sociaux, elle a appauvri ma ville, qui comptait déjà des quartiers très pauvres, et j’ai moi-même appauvri la ville de Roubaix, qui est la plus pauvre de France.

En définitive, je ne suis pas sûr que la construction de logements soit la meilleure solution pour régler les problèmes de peuplement et de pauvreté dans les quartiers. Je pense que la politique de construction doit être couplée à une politique de peuplement. Pour cela, il faudra peut-être que l’on révise un jour nos dispositifs, puisqu’à l’heure actuelle, on ne peut pas faire de croisement de fichiers. Les maires des petites communes le font en cachette et établissent des règles du jeu sans le dire…

M. Jacques Alain Bénisti. Ah bon ? Il faudra nous dire comment !

M. Francis Vercamer. Résultat : ils pompent les éléments les plus riches de nos communes, et nous, nous nous retrouvons avec les éléments les plus pauvres. Il y a vraiment un travail à faire sur la politique de peuplement et sur les fichiers. Sans ce travail, on n’arrivera jamais à rien.

M. le président. La parole est à Mme Audrey Linkenheld.

Mme Audrey Linkenheld. Je n’avais pas prévu d’intervenir, mais je voudrais éclairer un peu le débat, car certains de nos collègues ont formulé des souhaits qui sont déjà exaucés, ou des imprécisions.

Permettez-moi d’abord de rappeler, chers collègues, le contenu de la loi du 18 janvier 2013, qui a réformé la loi SRU. Nous avons fixé, pour un certain nombre de communes dont nous considérons qu’elles manquent de logements sociaux, un objectif de 20 ou 25 % à atteindre d’ici 2025. Qu’est-ce qu’une commune carencée ? Une commune qui, non seulement ne respecte pas son taux de logements sociaux, mais qui ne respecte pas non plus le rythme qu’on lui a fixé pour atteindre ce taux.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Exactement ! Il faut rappeler les choses !

Mme Audrey Linkenheld. Quand une commune est carencée, elle paie non seulement des pénalités, mais aussi des majorations de pénalités, que la loi de janvier 2013 a permis de quintupler.

À ce titre, je tiens à dire à ceux de nos collègues qui s’intéressent au sujet, qu’avec mon collègue Jean-Marie Tetart, qui fait partie de ces députés de l’opposition qui, non seulement s’intéressent au logement, mais ont des pratiques vertueuses en la matière, nous avons d’ores et déjà rédigé le rapport d’application de la loi de janvier 2013.

Pour le préparer, nous avons pris la peine, non seulement d’auditionner un certain nombre d’acteurs intéressés par le sujet, mais aussi d’aller voir ce qui se passe sur le terrain, notamment en Gironde, en Provence-Alpes-Côte d’Azur et en Île-de-France. Ce que nous avons pu constater, c’est que cette loi SRU réformée fonctionne, et que la plupart des préfets ont bien compris qu’ils doivent être fermes avec les communes en situation de carence effective. Nous avons constaté également qu’un certain nombre de préfets méritaient qu’on leur rappelle qu’ils ont la possibilité de quintupler les majorations de pénalités. Ce que je veux dire, c’est que depuis deux ans, et presque trois ans maintenant, il s’est passé des choses en matière de logement et de logement social, et que cela se sent sur le terrain. Je préférerais donc que l’on encourage ceux qui travaillent, y compris les préfets, plutôt que de les stigmatiser.

Nous avons fixé un taux et un rythme. Les communes qui ne respectent pas le taux, mais qui respectent le rythme, ne sont pas carencées. Elles paient tout de même des pénalités, qu’il aurait peut-être fallu appeler autrement, puisque les communes concernées sont en général de bonne foi et qu’elles respectent les objectifs qui leur sont assignés. Pour ma part, je considère ces pénalités comme une forme de péréquation, puisque, même si ces communes respectent le rythme, elles n’ont toujours pas le même taux de logements sociaux que d’autres communes, et ne paient donc pas la même charge que des communes comme Roubaix, Hem, Lille ou certaines communes d’Île-de-France, qui ont un fort taux de logement social.

Tant que ces communes sont de bonne foi et respectent le rythme, il est normal qu’elles ne paient que des pénalités, et pas de majorations. Si, parce qu’elles se mettent à faire du logement intermédiaire, le rythme de construction de logements sociaux ralentit, si la pente – pour reprendre l’expression de Daniel Goldberg – faiblit, alors la commune est considérée comme carencée. Et si la commune est carencée, alors elle ne peut plus faire de logements intermédiaires.

Évitons les faux débats et ne cherchons pas à nous faire peur. Nous avons des outils qui sont entrés en vigueur depuis maintenant deux ans, presque trois. Ce que nous devons faire collectivement, puisque la plupart de ceux qui sont présents aujourd’hui sont favorables à la construction de logements sociaux, c’est encourager ceux qui le font, dire aux maires qui ont stoppé des projets qu’ils doivent les reprendre, et pousser les préfets à être sévères à chaque fois que c’est nécessaire.

Pour finir, je tiens à souligner que notre majorité a encouragé la construction de logement social, mais qu’elle a toujours considéré, aussi, que celle-ci devait être associée à la mixité sociale. Or la mixité sociale implique de ne pas toujours construire 100 % de logement social. Il est bon, parfois, qu’une opération immobilière compte à la fois du logement social, du logement intermédiaire et du logement libre.

M. Jacques Alain Bénisti. Très bien !

Mme Audrey Linkenheld. Je crois d’ailleurs que le Président de la République avait appelé cela la règle des trois tiers. Quand nous parlons de politique de peuplement, c’est aussi à cela que nous faisons allusion. Pour ma part, tout en rappelant le rôle de contrôle du préfet sur la politique de construction des communes, j’estime que même une commune carencée devrait pouvoir mener des opérations qui ne soient pas à 100 % de logement social, sans quoi le débat que nous avons sur la politique de peuplement et sur la mixité sociale serait un peu dévoyé.

Pour finir, je voudrais dire à notre collègue de l’opposition, M. Bénisti, qui nous parlait de l’accession sociale, qu’il est déjà possible, au titre de la loi SRU, de comptabiliser pendant cinq ans tous les logements sociaux qui se sont transformés en logement d’accession sociale à la propriété. Je le répète : ces logements sont encore comptabilisés – pour cinq ans seulement, mais je pense pour ma part que ce délai suffit.

Je signalerai enfin à M. Vercamer que la loi ALUR contient déjà une disposition qui permettra, demain, de disposer d’un fichier partagé de la demande et d’un plan partenarial de gestion de la demande. Ce dispositif permettra de traiter les questions de peuplement que vous souleviez, afin que chaque commune n’attribue pas ces logements toute seule dans son coin, au détriment de ses voisines.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 669 et 14 rectifié, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Gérard Cherpion, pour soutenir l’amendement n669.

M. Gérard Cherpion. La loi du 20 mars 2012 relative à la majoration des droits à construire prévoyait de porter de 20 % à 30 % la majoration des règles de constructibilité pour l’agrandissement et la construction de bâtiments à usage d’habitation. L’objectif était de construire entre 20 000 et 40 000 logements neufs par an et de favoriser ainsi la densification des logements, en prévenant par ailleurs l’étalement urbain.

Cette loi a été abrogée par votre majorité et, aujourd’hui, face à la crise que connaissent toutes les formes de construction de logement, vous tentez de revenir en arrière.

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Cela n’a rien à voir !

M. Gérard Cherpion. On pourrait s’en réjouir, monsieur le ministre, mais le problème, c’est que vous ne faites que la moitié du chemin. Pour apporter une réponse adaptée à la situation que nous connaissons, et afin d’encourager la fois la mixité sociale et la construction de tous types de logement, il importerait que la majoration des droits à construire soit autorisée, quel que soit le type de logement.

M. le président. La parole est à M. Frédéric Lefebvre, pour soutenir l’amendement n14 rectifié.

M. Frédéric Lefebvre. Je voudrais, sur ces questions, revenir à des principes de bon sens. Quand on regarde les différents marchés du logement, à la fois européens et mondiaux, on s’aperçoit que certaines règles prévalent. Nous avons souvent tendance – et ce n’est pas l’apanage de cette majorité – à vouloir catégoriser les choses. J’entendais tout à l’heure M. Goldberg dépeindre un monde idéal, où tout ne serait que contrôle. En réalité, il existe une règle assez simple, qui crée parfois des situations assez paradoxales dans certains pays, où le logement social devient plus cher que le marché libre. Cette règle, c’est celle de l’offre et de la demande.

M. Pascal Cherki. Ah ! La main invisible du constructeur…

M. Frédéric Lefebvre. Par définition, plus vous construisez de logements, quel qu’en soit le type, plus vous provoquez, sur le marché, une baisse des prix. Dans un pays comme l’Allemagne, par exemple, le secteur du marché libre est aujourd’hui plus accessible que le secteur du logement social. Puisque, par définition, le logement social coûte cher en argent public, nous devrions tous nous fixer pour objectif de parvenir en France à la même situation. Nous répondrions ainsi à l’attente et à la demande de nos compatriotes.

Tout le monde le sait ici, la logique des vases communicants prévaut dans le secteur du logement. Lorsqu’un logement social est attribué à une famille avec trois enfants, la grande difficulté apparaît ensuite, quand la même famille continue à habiter dans ce logement alors que les enfants sont partis et que le foyer n’est parfois plus composé que d’une seule personne. En réalité, cela empêche d’autres familles qui ont besoin de ce logement de l’occuper.

La solution serait évidemment une sorte de parcours idéal, comme il a été évoqué sur les bancs du groupe GDR. Je ne veux pas proposer des solutions qui seraient perçues comme ultralibérales et capitalistiques parce qu’il est question du marché, mais il n’y a pas de secret : si vous augmentez l’offre, par définition, vous faites baisser les prix. C’est l’objet des amendements dont nous débattons.

Aujourd’hui, il ne faut pas opposer les bons, qui construisent tel type de logement, et les mauvais qui construisent un autre type. L’objectif est que tous les logements deviennent plus accessibles. Il n’est pas absurde de prendre le temps de regarder ce qui se passe ailleurs en Europe et dans le monde.

Je pressens les réflexes qui vont resurgir, car nous avons toujours tendance à vouloir légiférer sur tout, tout le temps. Cela a été très bien expliqué par Alain Bénisti tout à l’heure : quand on loue un logement social, c’est bien, mais si on en achète un, ce n’est pas bien. Pour quelle raison ? Les gens qui emménagent dans un logement social à vingt ou vingt-cinq ans n’ont-ils pas le droit d’évoluer et de profiter de l’ascenseur social ? Pourquoi ne pourraient-ils pas basculer dans l’accession à un moment de leur vie, ce qui libérerait un logement locatif ?

Tant que nous ne serons pas entrés dans ces logiques, nous nous retrouverons, lors de l’examen de chaque loi de finances, de chaque texte destiné à relancer la croissance ou relatif au logement, à essayer d’imaginer de nouvelles règles qui viendront verrouiller, contrôler, pénaliser, et on ne réglera rien, comme c’est malheureusement le cas depuis des années et des années.

M. le président. La parole est à M. Gilles Savary, rapporteur thématique de la commission spéciale, pour donner l’avis de la commission.

M. Gilles Savary, rapporteur thématique de la commission spéciale. Avis défavorable, mais je voudrais dire à M. Lefebvre que notre collègue Linkenheld a fait un exposé magistral sur le fond de notre politique. Nous sommes tout sauf catégoriques.

M. Frédéric Lefebvre. Je ne parle pas de votre politique en particulier, mais de la politique de la France depuis des années.

M. Gilles Savary, rapporteur thématique. Justement, nous entrons dans une politique de mixité que nous voulons équilibrée. C’est pour cela que nous rouvrons le dossier du logement intermédiaire. Et ce qu’a dit Mme Linkenheld est très important : on peut admettre que même les communes carencées ne se voient pas imposer la construction de 100 % de logement social.

Mais si l’on devait déréguler complètement les droits à construire, et en particulier les majorations de droits à construire, vous savez très bien quel en serait la conséquence : une augmentation généralisée du prix du foncier. C’est à cause de cette augmentation généralisée que le marché totalement libre aboutit à une offre de logement dont une grande partie est inaccessible à un segment de la population, pour des raisons de revenu.

Il est proposé aujourd’hui de laisser une possibilité de modulation aux mains du maire. Je ne me souviens plus lequel d’entre vous disait qu’il fallait faire confiance aux maires…

M. Jacques Alain Bénisti. C’est moi !

M. Gilles Savary, rapporteur thématique. Eh bien, autoriser le maire à majorer, s’il le juge utile, de 30 % les droits à construire pour le logement intermédiaire et de 50 % pour le logement social, sans aller jusqu’à prévoir une telle majoration pour le logement libre, ce qui reviendrait à tout déréguler, cela me semble une politique équilibrée. Avis défavorable à ces amendements.

M. Frédéric Lefebvre. Mais pourquoi le maire n’aurait-il pas le droit de faire de l’accession à la propriété ? Pourquoi serait-il moins social de vendre ?

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique de l’économie, de l’industrie et du numérique, pour donner l’avis du Gouvernement.

M. Emmanuel Macron, ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique. Avis défavorable également, mais je souhaite apporter quelques éléments d’éclaircissement. Mme Linkenheld, et je l’en remercie, a parfaitement décrit la philosophie de ce projet et son contexte : nous cherchons à développer le logement intermédiaire, mais aussi le logement social, en évitant une cannibalisation du second par le premier – c’est l’objet des articles que vous avez adoptés ce matin. Tel est le subtil équilibre que nous avons collectivement défini.

Compte tenu des règles qui pèsent sur les opérateurs, celles liées aux différentes zones ou celles qui contraignent la production de logements intermédiaires, on ne peut pas dire que l’un va se faire aux dépens de l’autre. Ce que vous constatez dans votre commune, madame Buffet, est sans doute la conséquence de l’avantage fiscal consenti aux opérateurs afin qu’ils construisent du logement intermédiaire dans les zones denses. Et je ne pense pas que ces opérateurs auraient fait du logement social à la place – peut-être auraient-ils fait du libre, ou peut-être n’auraient-ils rien fait.

C’est ainsi qu’il faut considérer les choses, plutôt que de voir dans la disposition proposée un risque pour le logement social. J’irai même au-delà : compte tenu des contraintes de production de logement social que nous avons attachées à chaque lot de logement intermédiaire, il y aura un effet d’entraînement et de rattrapage.

Plus largement, l’objectif de ce texte est d’encourager, dans les zones tendues, la production de logements intermédiaires. Je suis profondément convaincu que ce dispositif, le zonage et la simplification à laquelle vous avez procédé ce matin, conjugués à l’implication des pouvoirs publics – l’un de nos objectifs est de consacrer 1 milliard d’euros à accélérer le développement du logement intermédiaire –, tout cela va dans le sens d’un désenclavement de certaines zones tendues et de l’accès au logement.

Ce texte ne suffira pas pour venir à bout de tous les problèmes, car ils dépassent largement la simple question du logement mais touchent également, comme l’a dit M. Goldberg, à celle de la mobilité sociale et démographique au sein de nos territoires. Mais il permettra de passer un certain cap, de favoriser l’accès au logement dans les zones tendues, où nous ne sommes pas en situation de ne réaliser que du logement social.

Au sujet de l’accession sociale à la propriété, il est vrai qu’il ne faut pas se montrer dogmatique. Mais la difficulté, une fois la vente effectuée, réside dans la façon d’intégrer les logements concernés dans les différents ratios, afin d’éviter qu’ils ne constituent autant d’échappatoires. Nous n’avons en effet aucune visibilité sur les publics ayant accédé au logement par ce biais. Certes, à un instant « T », au moment de la vente, ils répondent aux critères d’éligibilité, ce qui pourrait en effet conduire, si l’on suit votre idée, à inclure leur logement dans le quota exigé, mais de telles choses évoluent avec le temps.

Cela étant, monsieur Lefebvre, je suis sensible à votre préoccupation et Sylvia Pinel l’est également. Le dispositif reste à parfaire, même si beaucoup de choses ont été faites ces dernières années pour favoriser la dynamique collective.

Vous avez par ailleurs soulevé un problème plus large, celui de l’activité du secteur. Mais ce que nous faisons en matière de logement intermédiaire crée justement une dynamique à même de relancer l’activité. Je ne crois pas, en revanche – et je dis cela sans faire preuve d’aucun dogmatisme –, qu’appliquer à tous les types de logement une majoration de 30 % des droits à construire pourrait constituer une recette miracle.

M. Frédéric Lefebvre. Expérimentons au moins cela dans une région !

M. Emmanuel Macron, ministre. Avec cet article, nous pratiquons justement une forme d’expérimentation sur le logement intermédiaire.

M. Frédéric Lefebvre. Je ne nie pas que le texte va dans le bon sens, je pense simplement qu’il ne va pas assez loin.

M. Emmanuel Macron, ministre. En outre, ce qui est en jeu, dans le problème que vous soulevez, ce n’est pas tant la constructibilité – sans quoi beaucoup de communes pourraient le résoudre grâce à leurs documents d’urbanisme – que la construction.

La vraie réponse a votre préoccupation – parfaitement légitime – tient dans la simplification et le raccourcissement des délais. Le problème, dans les endroits où il est possible de construire au regard des textes d’urbanisme, n’est pas de majorer partout de 30 % les droits à construire, mais de lutter contre la rétention foncière.

Dans ce domaine, nous avons pris beaucoup de dispositions, mais le problème, dans ce pays, réside dans l’exécution. En particulier, nous n’avons pas été au bout en matière de rétention du foncier public. Cela fait deux ans et demi que nous nous battons sur ce point, et nous avons du mal. L’État et les établissements publics sont eux-mêmes mauvais élèves. Mais dès lors qu’un terrain est disponible, et que les règles d’urbanisme permettent d’y construire…

M. Pascal Cherki. L’urgence, ce sont les logements sociaux !

M. Emmanuel Macron, ministre. Monsieur Cherki, je réponds par courtoisie à toutes les questions qui me sont posées, comme je le fais toujours. Cette fois, la question dépassait le contenu de l’article. J’ai répondu sur le logement social et l’intermédiaire, il est normal et courtois que je réponde sur d’autres sujets.

Pour finir, la question clé est de réduire les délais pour libérer la construction. Et ce que nous faisons en ce domaine vaut autant pour le logement libre que pour l’intermédiaire ou le social : il s’agit d’une politique transversale. C’est plutôt sur ce point qu’il faut se concentrer que sur la majoration des droits à construire. C’est pour cela que mon avis est défavorable à ces amendements, non par dogmatisme, mais parce que l’objet de cet article est de développer le logement intermédiaire. Quant à la relance de la construction, elle passe par d’autres biais, dont certains que nous évoquerons plus tard.

(L’amendement n669 n’est pas adopté.)

(L’amendement n14 rectifié n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Anne-Yvonne Le Dain, pour soutenir l’amendement n2265.

Mme Anne-Yvonne Le Dain. Pour tenir compte de la situation, regrettable mais réelle, de certaines petites communes rurales ou périurbaines, qui n’ont pas encore trouvé le moyen de se doter d’un plan local d’urbanisme – PLU – ou d’intégrer un plan local d’urbanisme intercommunal – PLUI –, je suggère d’allonger un peu la durée de validité de leur vieux plan d’occupation des sols – POS –, afin de leur permettre d’engager des programmes de construction de logement social ou intermédiaire.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Savary, rapporteur thématique. La commission a émis un avis défavorable à cet amendement parce qu’elle considère qu’une période de transition de quinze ans – le délai a tout de même commencé à courir en l’an 2000 – est suffisante. En outre, les communes ayant déjà engagé la transformation de leur plan d’urbanisme bénéficient de trois ans supplémentaires. Certaines communes, nous le voyons bien, essaient en permanence de jouer les arrêts de jeu : leur donner satisfaction serait un très mauvais signal.

M. Jean-Louis Dumont. Encore faudrait-il qu’elles aient les moyens d’agir ou tout au moins qu’elles reçoivent l’aide des services de l’État !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Il est vrai que les POS, dont la loi SRU, il y a quinze ans, a prévu la disparition, ne prennent pas en compte tous les objectifs désormais dévolus aux documents d’urbanisme. Certains sont d’autant plus en décalage qu’ils n’ont subi aucune modification depuis plusieurs dizaines d’années. La loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, dite ALUR, a prévu la caducité des POS au 31 décembre 2015, mais son régime transitoire a été adapté par la loi du 20 décembre 2014 relative à la simplification de la vie des entreprises. Avec ce dispositif, les communes appartenant à des intercommunalités et qui s’engagent avant le mois de décembre 2015 dans un PLU intercommunal bénéficieront d’une prolongation de validité de leur POS si ce PLUI est adopté avant le 31 décembre 2019.

Cette mesure a été prise pour ne pas pénaliser les communes membres d’un EPCI, car le délai d’élaboration d’un PLUI peut être plus long que celui d’un PLU communal. L’engagement dans un PLUI est donc le meilleur moyen, pour les petites communes rurales, de mettre en commun leur ingénierie afin d’élaborer un document d’urbanisme rénové et de définir les meilleures stratégies intercommunales propres à favoriser la production de logements sociaux, ce qui semble difficile à leur simple échelle.

Votre amendement me semble satisfait par les dispositions que je viens de rappeler. Je vous invite donc à le retirer à la lumière de ces explications, si elles vous ont convaincu.

M. le président. La parole est à Mme Anne-Yvonne Le Dain.

Mme Anne-Yvonne Le Dain. Ces explications sont tout à fait pertinentes. Il y avait des retards, et je conviens que certains ont fait preuve d’un peu de mauvaise foi.

Mme Audrey Linkenheld. En effet.

Mme Anne-Yvonne Le Dain. Il n’empêche qu’il subsistait un petit blocage, dont je viens d’apprendre qu’il a été levé fin décembre. Les mauvais élèves n’ayant plus de raison de le demeurer, je retire mon amendement.

(L’amendement n2265 est retiré.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-George Buffet, pour soutenir l’amendement n2465.

Mme Marie-George Buffet. Monsieur le ministre, je veux revenir sur la notion de mixité sociale.

Tout d’abord, nous sommes confrontés à un problème de logement social qui n’est pas réglé : il demeure. Nous ne sommes pas dans une situation où les gens seraient logés dans le logement social et où notre seule préoccupation serait de leur proposer un parcours résidentiel. Aujourd’hui, de nombreuses personnes n’ont pas accès au logement social dont elles ont besoin.

Quant aux logements intermédiaires, nous devons examiner leur coût. Dans des zones proches de Paris comme dans mon département, le loyer mensuel de certains T3 atteint 900 ou 1 000 euros : ces appartements ne sont donc pas accessibles à des familles éligibles au logement social.

Plusieurs orateurs ont employé l’expression « politique de peuplement », qui me dérange : à chaque fois que je l’entends, j’ai l’impression que l’on va placer des personnes quelque part. Pour ma part, je trouve que cette expression est très choquante.

J’en viens à la question de la mixité sociale. Il n’y a pas, d’un côté, des cités qui seraient toutes des cités ghettos parce qu’elles accueillent des logements sociaux, et de l’autre, des quartiers de logements intermédiaires ou pavillonnaires où tout irait bien. Dans de nombreuses cités HLM, les gens vivent bien, …

M. Jacques Alain Bénisti. Ah bon ?

Mme Marie-George Buffet. …parce qu’on a réalisé un bel effort de réhabilitation, parce qu’on a réglé les problèmes d’insécurité qui sont souvent à l’origine du repli sur soi, et parce que le taux de chômage, notamment des jeunes, est moins élevé que dans d’autres cités. La mixité sociale ne consiste pas simplement à juxtaposer des logements différents, mais à permettre aux habitants des cités de logements sociaux de vivre correctement et de bénéficier de loyers accessibles au regard de leurs revenus. Faites donc attention quand vous utilisez l’expression « politique de peuplement », qui peut être très mal comprise, notamment parce que certaines personnes vivent normalement et bien dans leur cité de logements sociaux.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Savary, rapporteur thématique. Sur le fond, l’argumentaire de Mme Buffet ne pose aucun problème : nous partageons tout à fait ce sentiment. Cependant, l’amendement n2465 vise à réserver la majoration des droits à construire aux communes respectant les quotas SRU de 20 % ou 25 %. Sur ce sujet, notre collègue Linkenheld a déjà répondu.

Beaucoup d’amendements pertinents ont été déposés : nous nous sommes demandé s’il fallait lier le développement du logement intermédiaire tel qu’il était prévu dans le projet de loi à des conditions de pourcentage de logements sociaux, dans le cadre de la trajectoire fixée par la loi SRU. Tout à l’heure, il a été confirmé avec beaucoup de précision que toutes les dispositions étaient prises. Cependant, il ne faut pas confondre le territoire, c’est-à-dire la commune – toutes les précautions sont prises pour qu’une commune accède au taux fixé à un rythme donné et, en cas de problème, pour faire en sorte que la commune ne développe pas d’autres logements que les logements sociaux nécessaires pour atteindre ses deux objectifs –, avec le constructeur, lequel peut être autorisé, dans une commune respectant les taux de logements sociaux fixés par la loi SRU, à réaliser un programme de logements intermédiaires.

Rappelons que les logements intermédiaires, notamment en zone de relative défiscalisation ou de bonification fiscale, sont associés à des programmes de logements sociaux. En outre, ces derniers bénéficient d’un taux de majoration de constructibilité encore plus important que ce qui est autorisé pour le logement intermédiaire.

Je ne vois donc pas de difficulté : nous menons bien une politique visant à favoriser la mixité sociale. La mixité sociale, madame Buffet, c’est aussi permettre à certains locataires du parc social d’en sortir s’ils le souhaitent, afin de libérer des places au profit des occupants du parc ALT – aide au logement temporaire.

Mme Marie-George Buffet. S’ils en ont les moyens !

M. Gilles Savary, rapporteur thématique. Bien sûr : vous avez raison, madame Buffet. Mais tout démontre aujourd’hui que les personnes logées dans le parc ALT ou dans le parc du logement d’urgence subissent une viscosité plus importante qu’il y a quelques années. Nous devons donc ouvrir un peu la gamme, de sorte que ceux qui connaissent les situations les plus dégradées, en particulier s’ils occupent un logement temporaire – vous connaissez peut-être ces situations mieux que moi, et vous savez que c’est parfois du temporaire qui dure –, puissent entrer dans le logement social parce que d’autres en seront sortis par le haut.

Avis défavorable, donc, mais uniquement sur la lettre de l’amendement, pas du tout sur la philosophie exprimée par Mme Buffet.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. Jacques Alain Bénisti.

M. Jacques Alain Bénisti. Je souhaite réagir à l’intervention de Mme Buffet. Effectivement, le mot « peuplement » déplaît, mais il s’agit d’un terme juridique employé dans toutes les lois…

Mme Marie-George Buffet. Je n’ai pas dit le contraire !

M. Jacques Alain Bénisti. Nous sommes d’accord. Dans ma collectivité, par exemple, se trouve une cité sensible appartenant à la ville de Paris, laquelle s’en désintéresse totalement.

M. Pascal Cherki. Ça, c’était la politique de Chirac !

M. Jacques Alain Bénisti. Mme Hidalgo n’a jamais répondu à un seul des trois courriers que je lui ai envoyés. Ces 1 250 logements sont la propriété de la ville de Paris, qui ne s’y intéresse pas…

M. Denis Baupin. Non, pas de la ville !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. C’est la propriété de Paris Habitat, pas de la ville de Paris !

Mme Annick Lepetit. Ne confondez pas la ville avec son office public de l’habitat !

M. le président. Écoutez M. Bénisti !

M. Jacques Alain Bénisti. La présidente de Paris Habitat est la maire de Paris ! La ville de Paris est bien l’une des responsables du peuplement de ces cités par des populations qu’elle ne veut pas à Paris intra muros et qu’elle envoie donc dans les banlieues.

M. Daniel Goldberg. Ça, c’est la politique que vous avez menée pendant vingt ans !

M. Jacques Alain Bénisti. Quand on lui demande de participer à la gestion de ces cités, elle répond que c’est au maire de prendre en charge la gestion, l’intégration, l’insertion ou la réinsertion de toutes les populations qu’elle y envoie.

M. le président. Maintenez-vous votre amendement, madame Buffet ?

Mme Marie-George Buffet. Oui, monsieur le président.

(L’amendement n2465 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Frédéric Lefebvre, pour soutenir l’amendement n12.

M. Frédéric Lefebvre. En réalité, cet amendement est assez proche du précédent. L’article 24 va dans le bon sens : comme le disait M. le ministre, on peut considérer qu’introduire une telle souplesse pour le logement intermédiaire est une forme d’expérimentation. Mais allons jusqu’au bout !

J’entends ceux qui prétendent qu’étendre cette possibilité à l’ensemble de la réalisation de logements n’est peut-être pas une bonne solution. Choisissons donc une région, un département ou des collectivités qui seraient candidates à cette expérimentation ! Nous avons essayé tellement de choses qui ne marchent jamais ! Quand je vois ce qui se passe à l’étranger, je suis persuadé que nous permettrions une baisse des loyers et des montants nécessaires à l’accès à la propriété dans les zones tendues. Dans ce cas, nous atteindrions l’objectif qui nous est commun, puisque nous voulons tous, les uns et les autres, offrir une solution à nos compatriotes qui remplissent les critères du logement social pour des raisons familiales ainsi qu’aux étudiants.

Regardons ce que font toutes les grandes capitales européennes et mondiales sur le marché des logements étudiants. Même dans des villes ou des zones qui ne sont pas considérées comme prioritaires, des personnes construisent un studio qu’elles louent ensuite à des étudiants. C’est l’intérêt de tout le monde !

Il faut sortir de ces logiques où l’on veut tout diriger, contrôler et pénaliser, pour reprendre les termes employés tout à l’heure.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Savary, rapporteur thématique. Défavorable.

M. Frédéric Lefebvre. Je m’y attendais !

M. Gilles Savary, rapporteur thématique. L’expérimentation grandeur nature, nous l’avons eue jusqu’en 2000 et au vote de la loi SRU. On a bien vu quel paysage en sortait, avec des quartiers très spécialisés…

M. Pascal Cherki. Neuilly-sur-Seine, Levallois-Perret, Issy-les-Moulineaux !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Défavorable, pour les mêmes raisons.

(L’amendement n12 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n2187 qui fait l’objet d’un sous-amendement n3202.

La parole est à M. Jean-Luc Laurent, pour soutenir l’amendement.

M. Jean-Luc Laurent. Cet amendement concerne la majoration du volume constructible prévue par l’article 24. Je propose que le nombre de logements sociaux soit pris en compte dans l’attribution de cet avantage : ainsi, les communes n’ayant pas atteint, au 1er janvier de l’année précédente, l’objectif attendu de 25 % de logements sociaux dans les résidences principales ne pourraient pas bénéficier de cette majoration de 30 % des surfaces bâties.

Évidemment, la loi a posé des principes et des règles, qu’Audrey Linkenheld a rappelés tout à l’heure, afin que des logements intermédiaires puissent être bâtis sans se substituer aux logements locatifs sociaux, c’est-à-dire qu’ils soient réalisés en plus, sans entraîner un effet d’éviction au détriment du logement locatif social. Il n’en demeure pas moins que la majoration de 30 % des droits à construire pour le logement intermédiaire, prévue par l’article 24, pose un problème dans les villes qui n’ont pas atteint les objectifs de la loi SRU. Les maires mettent en avant leur difficulté à trouver du foncier – on entend d’ailleurs régulièrement cet argument dans notre hémicycle. Or, si le foncier disponible est ouvert à la construction de logements privés et bénéficie d’une majoration des droits à construire pour réaliser du logement intermédiaire, alors ce foncier, difficile à trouver, sera d’autant moins disponible pour construire du logement locatif social.

Ce problème est d’autant plus important qu’une nouvelle disposition a été introduite dans la loi : désormais, tout programme de construction de logements doit comporter au moins 30 % de logements locatifs sociaux. Cette règle, que ma commune avait expérimentée, comme la ville de Paris, avant que la loi ne la généralise, permet une diversification de l’habitat.

Trop de communes n’ayant pas atteint leur objectif pourraient mettre en avant la difficulté de trouver du foncier et utiliser la majoration des droits à construire pour réaliser du logement intermédiaire et se soustraire à l’obligation de construire du logement social, ou du moins à la contourner, en se donnant davantage de temps – encore du temps ! – pour répondre au besoin de logement social.

Permettez-moi de rappeler que 1,2 million de familles attendent un logement social, que la production est en panne et que ce logement social ne doit pas être le logement des pauvres – au contraire, il a vocation à être un logement universel. D’ailleurs, monsieur le ministre, deux Français sur trois ont un revenu leur permettant de solliciter un logement social. C’est donc bien ce logement social, universel, qu’il nous faut défendre et promouvoir prioritairement.

M. le président. La parole est à M. Daniel Goldberg, pour soutenir le sous-amendement n3202.

M. Daniel Goldberg. Bien que j’aie souhaité sous-amender l’amendement de Jean-Luc Laurent, je partage totalement les arguments qu’il vient de développer sur le fond.

Qu’il n’y ait pas de faux débat entre nous : il n’y a pas, d’un côté, ceux qui ne veulent que du logement social, et de l’autre, ceux qui ne veulent que du logement intermédiaire avec une part de logement social – les 25 % de logements locatifs sociaux qui doivent être construits dans un ensemble immobilier comportant du logement intermédiaire.

Lorsque les préfets contrôlent la production de logement locatif social, ils interrogent les maires des villes qui en ont très peu. Quand ces maires ne sont pas vertueux – je veux bien entendu parler de ceux qui ne sont pas représentés ici, chers collègues des groupes UMP et UDI –, ils répondent qu’ils ne disposent pas de foncier disponible et qu’ils ne peuvent donc pas atteindre leurs objectifs. Certaines de ces communes ne sont donc pas carencées.

Mme Audrey Linkenheld. Bien sûr que si !

M. Daniel Goldberg. Même quand elles paient des pénalités, on comprend que le foncier disponible n’est pas suffisant.

Comme vient de le dire M. le ministre, il est nécessaire de mobiliser le foncier public. J’ajouterais pour ma part qu’il faut aussi mobiliser le foncier privé, parce que nous sommes tous trop lâches pour mobiliser le foncier privé disponible.

L’amendement de M. Laurent et mon sous-amendement ne concernent pas les logements intermédiaires déjà construits ; l’idée est, dans le cadre d’une opération programmée, d’augmenter les droits à construire pour permettre de réaliser soit du logement intermédiaire, soit du logement social. C’est le sens de mon sous-amendement. Quand une commune très loin de l’objectif des 25 % mène, par exemple, une opération d’accession à la propriété ou de construction de logements locatifs non réglementés dit privés, on peut lui proposer d’augmenter la constructibilité de son opération, par exemple en ajoutant un ou deux étages, pour faire du logement locatif social à hauteur de 50 % de constructibilité, …

M. Jean-Louis Dumont. Et en vente en état futur d’achèvement !

M. Daniel Goldberg. …pourquoi pas dans le cadre d’une VEFA, en effet.

Cela donne donc des possibilités supplémentaires de construire plus rapidement du logement locatif social. Mais si on laisse la possibilité, dans le cadre d’une opération mixte, d’augmenter de 30 % les droits à construire pour le logement intermédiaire, les villes encore loin de pouvoir atteindre le taux requis y parviendront encore moins rapidement, même en tenant compte de l’obligation de consacrer un quart du lot au logement social.

Mme Audrey Linkenheld. Elles sont en état de carence !

M. Daniel Goldberg. Je le répète, si tout était contrôlé dès le départ et si nous étions sûrs que chacun joue correctement son rôle, mes réserves ne seraient pas justifiées. Mais j’ai le sentiment que la possibilité offerte aux communes de majorer de 50 % les droits à construire pour les logements locatifs sociaux est trop peu utilisée. Avec cet article, on risque de leur permettre de ne pas construire les logements dont nous avons besoin, ou du moins pas suffisamment vite.

M. Jean-Louis Dumont et M. Pascal Cherki. Très bien.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Savary, rapporteur thématique. Avis défavorable. Les dispositions proposées ne seraient probablement pas adaptées à toutes les situations locales. Soit il n’y a pas de foncier disponible, auquel cas on ne peut pas parler de dérive dans l’application de la loi SRU, soit il y en a, et dans ce cas, la ville qui ne se placerait pas sur la bonne trajectoire serait considérée en état de carence.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Ce débat concerne davantage l’application de la loi SRU que les dispositions de l’article que nous examinons. Il faut distinguer les communes carencées et les communes déficitaires, les premières étant exclues du dispositif.

Pour ma part, j’émettrai un avis défavorable. Le débat qui a eu lieu tout à l’heure, ainsi que les corrections déjà apportées en commission spéciale, ont permis de répondre aux questions soulevées par les amendements. Il est seulement question de majorer les droits à construire : on ne peut donc pas affirmer que l’on va cannibaliser au profit du logement intermédiaire des terrains sur lesquels pourraient être réalisés des logements sociaux. Ce n’est pas vrai. Par ailleurs, je le répète, les contraintes de production attachée à chaque lot de logements intermédiaire auront un effet d’entraînement sur la production de logements sociaux. Enfin, s’agissant des communes déficitaires, ma collègue Sylvia Pinel pourra vous confirmer qu’elles cochent leurs objectifs triennaux, aux trois-quarts du moins.

Loin de moi l’idée de négliger les arguments que vous mettez en avant, mais à mon sens, ce n’est pas dans le cadre de cette loi que nous pouvons traiter le problème, qui relève davantage d’une application plus stricte de la loi SRU dans une centaine de communes.

Dans la mesure où les communes carencées sont exclues du dispositif, le texte de l’article, modifié par la commission spéciale, me semble donc répondre à votre préoccupation.

M. le président. La parole est à M. Jacques Alain Bénisti.

M. Jacques Alain Bénisti. Monsieur le ministre, alors que chacun y va de son amendement, il existe une proposition sur laquelle nous pourrions parvenir à un consensus. Pourquoi ne pas décider que tout maire jouant le jeu, c’est-à-dire ayant atteint le taux de 25 % de logements sociaux, pourrait se voir attribuer un « statut de confiance » ? Pourquoi, dans ces conditions, ne pas le laisser libre de définir le parcours résidentiel qu’il souhaite pour sa commune ?

À la question du logement s’ajoute celle du développement économique. Vous connaissez le déséquilibre qui existe entre l’est et l’ouest de Paris. Ce qu’il nous manque, à l’est, ce sont des emplois, du développement économique. En privilégiant le logement, même intermédiaire, au détriment du foncier consacré à l’activité économique, vous risquez d’aggraver ce déséquilibre : l’est restera une zone résidentielle et l’ouest une zone d’activité. C’est pourquoi il faut laisser les maires – ou au moins ceux qui ont atteint leur quota de logements sociaux – gérer le foncier de leur commune.

Mme Audrey Linkenheld. C’est le cas.

M. Jacques Alain Bénisti. Laissons-leur la liberté de choisir entre le logement intermédiaire, le logement social et le développement économique !

(Le sous-amendement n3202 n’est pas adopté.)

(L’amendement n2187 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 2798 et 2960.

La parole est à Mme Audrey Linkenheld, pour soutenir l’amendement n2798.

Mme Audrey Linkenheld. Ce matin, l’amendement présenté par M. Laurent à l’article 23 sexies nous a donné l’occasion de faire l’historique du logement intermédiaire. Avec la ratification de l’ordonnance de Mme Duflot, celui-ci a désormais un statut. Et même si ce type de logement a, à l’origine, plutôt vocation à intéresser les investisseurs institutionnels, la définition que nous avons adoptée inclut, pour des raisons qui ont été rappelées, les logements financés par le dispositif de soutien à l’investissement locatif dit « Pinel ».

Si l’on peut accepter que les logements « Pinel » fassent partie du logement intermédiaire, puisqu’ils sont soumis aux mêmes plafonds de ressources et de loyers que les logements de cette catégorie proposés par les investisseurs institutionnels, il est en revanche plus discutable de leur appliquer la majoration de 30 % des droits à construire, qui par définition concerne les logements dont le caractère intermédiaire est pérenne, durable. Le présent amendement vise donc à les exclure du dispositif et à réserver le bénéfice de cette majoration aux logements intermédiaires proposés par des personnes morales, promoteurs ou bailleurs.

M. le président. La parole est à M. Daniel Goldberg, pour soutenir l’amendement n2960.

M. Daniel Goldberg. Il s’agit du même amendement et je partage les arguments de ma collègue Linkenheld.

Toutefois, si ces amendements recueillaient un avis favorable de la part du rapporteur et du Gouvernement, il resterait, monsieur le ministre, une question pratique à régler. En effet, dans la mesure où la majoration de constructibilité est décidée au moment du lancement du programme, comment exclure a priori un mode de financement choisi a posteriori ? Si, comme je le souhaite, nous voulons éviter que les logements éligibles aux dispositifs d’investissement locatif ne bénéficient pas de l’augmentation des droits à construire pour le logement intermédiaire, au motif qu’une offre intermédiaire se doit d’avoir un caractère pérenne, comment pouvons-nous faire ? C’est très en amont que se pose la question de la constructibilité. Je n’attends pas une réponse immédiate, monsieur le ministre, car je ne veux pas vous mettre en difficulté.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Savary, rapporteur thématique. Avis favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Même avis. Nous avons eu cette discussion en commission spéciale : elle rejoint la préoccupation qu’exprimait ce matin M. Laurent, lorsqu’il voulait exclure du champ du logement intermédiaire les logements éligibles au dispositif « Pinel ».

La différence, c’est que la majoration des droits à construire fait l’objet d’un agrément demandé en même temps que le permis de construire. On est donc en situation de faire ce qu’il était impossible de faire dans le cadre de la proposition de M. Laurent : opérer une distinction entre les investisseurs institutionnels et les particuliers, en accordant l’agrément aux premiers et en le refusant aux seconds.

Ces amendements correspondent à l’approche adoptée en commission spéciale. Je remercie d’ailleurs Mme Linkenheld pour la constance dont elle fait preuve.

M. Richard Ferrand, rapporteur général de la commission spéciale. Très bien.

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Laurent.

M. Jean-Luc Laurent. Monsieur le ministre, ces amendements vont certes dans le bon sens, mais vous comprendrez qu’ils ne me laissent pas totalement satisfait. Nous en restons au débat, qui agite la gauche de l’hémicycle, entre programme minimum et programme maximum, ou entre réformisme et révolution. (Sourires.)

Je voterai les amendements tout en espérant que l’on aille plus loin. Malheureusement, en effet, je suis certain que nous devrons revenir sur cette question, lorsque nous constaterons que, faute de pouvoir effectuer un contrôle satisfaisant, ce type de logement n’aura plus d’intermédiaire que le nom.

(Les amendements identiques nos 2798 et 2960 sont adoptés.)

M. le président. La parole est à M. Pascal Cherki, pour soutenir l’amendement n2102.

M. Pascal Cherki. Puisque mon collègue Laurent a fait référence aux révolutionnaires, je citerai Danton : « Après le pain, l’éducation est le premier besoin du peuple ». Toutefois, à lire les statistiques, je crains que le logement n’ait désormais remplacé l’éducation.

Les chiffres sont cruels, il suffit de se référer au rapport de la Fondation Abbé Pierre. La majoration du volume constructible pour le logement intermédiaire dont nous parlons ne concerne en fait qu’une très petite fraction de Français. Quelle est la réalité ? Aujourd’hui, 3,5 millions de personnes sont mal logées et 467 000 logements sociaux sont attribués alors qu’il y a 1,8 million de demandes en attente.

Notre principale priorité devrait être la production de logements sociaux. Toute notre énergie devrait y être consacrée. Dans la ville considérée, en termes de PIB, comme la plus riche de France, Paris, un effort financier considérable a été consenti pour respecter la loi – cela a commencé avec Bertrand Delanoë et se poursuit avec Anne Hidalgo – que la droite avait décidé de fouler aux pieds pendant des années.

Nous sommes passés de 11 % à 20 % de logements sociaux. L’effort financier a été considérable et a pu être consenti grâce aux délégations des aides à la pierre et grâce à l’entrain et au dynamisme des sociétés d’HLM – et je remercie Jean-Louis Dumont pour son action à la tête de l’association qui les fédère. Mais nous n’avons fait que respecter la loi.

À Paris – et j’imagine ce qu’il en est dans d’autres communes –, près de 70 % des habitants sont éligibles à une catégorie de logement social. Or, au regard de sa structuration sociologique, c’est dans cette ville qu’il devrait y avoir le plus grand nombre de personnes concernées par le logement intermédiaire. La réalité est pourtant tout autre.

Quel est le premier bailleur social d’une ville comme Paris ? Le logement privé. Un parisien sur deux est logé dans le parc privé, lequel a subi des hausses de loyer phénoménales. C’est pourquoi la priorité absolue, c’est d’encadrer très fortement les loyers.

Mme Audrey Linkenheld. Eh oui.

M. Pascal Cherki. Je ne veux revenir sur le débat en la matière qui a beaucoup agité les rangs de la gauche.

Deuxième priorité : construire des logements sociaux. C’est là que l’on se heurte au problème des réserves foncières. Il se pose avec encore plus d’acuité à Paris, l’une des villes les plus denses du monde, juste derrière Bombay et Le Caire.

Le logement intermédiaire vient après. Il en faut également, bien sûr. Mais il faut en priorité loger la masse des gens qui connaissent des difficultés.

Le développement du logement intermédiaire est justifié au nom de la sacro-sainte mixité sociale. Mais celle-ci peut être assurée dans le parc social grâce aux PLAI – prêts locatifs aidés d’intégration, aux PLUS – prêt locatif à usage social – et aux PLS – prêts locatifs sociaux.

Moralement, politiquement et financièrement, la question du logement intermédiaire ne devrait donc se poser que lorsque l’on a déjà respecté les obligations de la loi laquelle fixe à 25 % le taux de logements sociaux à atteindre : un sur quatre. À Paris, je le rappelle, sept personnes sur dix pourraient être logées dans des logements sociaux. Or où réside la différence entre un logement social et un autre logement ? Dans le montant du loyer.

Pour ma part, je ne confonds pas la question, délicate, de la concentration du peuplement avec celle de la nature des logements. Or c’est là que les dispositions de l’article 24 posent problème. En effet, alors qu’il est compliqué, on le sait, de construire du logement, celui-ci permet de « surconstruire » n’importe où du logement intermédiaire – lequel, s’il peut être une priorité, n’est pas la première.

Certains verrous ont certes été posés, mais il faudrait, pour des raisons non seulement juridiques, mais aussi morales et politiques, adresser un signe aux collectivités et leur dire qu’elles ne peuvent construire du logement intermédiaire que lorsqu’elles ont respecté la loi, et non pas simplement lorsqu’elles s’efforcent de la respecter : pour respecter l’ordre des priorités, il faut d’abord respecter la loi. Si on leur permet d’en construire davantage, la mobilisation politique, administrative, voire budgétaire des collectivités s’orientera prioritairement sur le logement intermédiaire. Fixer un seuil est donc politiquement fondamental si l’on veut que le droit au logement ne soit pas un mot creux.

M. Jean-Luc Laurent proposait d’adopter le seuil de 25 % fixé par la loi SRU, ce qui avait la simplicité de l’identité. M. Goldberg, plus pragmatique – car le débat est ici entre réformistes minimalistes et réformistes un peu moins minimalistes – proposait de fixer ce seuil à 15 %, afin de tenir compte des efforts consentis par certaines communes. Quant à moi, je proposais de le fixer au seuil précédent fixé par la loi SRU, soit 20 % – entre les deux : c’est mon côté centriste dans la gauche. (Rires sur tous les bancs.) Nous devons en effet être au centre des préoccupations du peuple, et non pas de celles de la classe politique – il y a une différence.

Si le sous-amendement de M.Goldberg proposant un seuil de 15 % avait été accepté, j’aurais retiré mon amendement, car mieux vaut un pas en avant que mille programmes. Mais puisque vous avez refusé, monsieur le ministre, avec des arguments quelque peu spécieux, ce petit pas en avant qu’aurait été l’adoption d’un seuil de 15 %, je maintiens mon amendement visant à fixer ce seuil à 20 %. C’est une question de principes politiques. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Savary, rapporteur thématique. J’ai écouté avec attention les analyses de M. Cherki, auxquelles on peut tout à fait adhérer. Il a en effet rappelé à juste titre qu’il fallait privilégier le logement social. L’amendement a cependant reçu un avis négatif de la commission et nous sommes très dubitatifs quant à l’opportunité d’une mesure « prêt-à-porter », qui s’appliquerait à toutes les communes. Cette mesure serait en effet très sévère face à des situations très contrastées. En dehors des zones tendues, notamment, le programme de logement intermédiaire ne trouverait probablement pas de marché, à moins qu’il ne connaisse le destin du dispositif Scellier, récupéré sous forme de logement social par des organismes de HLM.

Un député du groupe SRC. À quel prix !

M. Gilles Savary, rapporteur thématique. En effet, car ce dispositif a été défiscalisé – ce qui ne sera cependant pas le cas ici.

M. Nicolas Sansu. C’est bien pour cela qu’il ne fallait pas en construire !

M. Gilles Savary, rapporteur thématique. La mesure proposée me semble beaucoup trop vindicative pour s’adapter à toutes les situations. En outre, la formulation aurait pu être acceptable si les mots précédant « les obligations qui leur incombent en vertu de la loi du 13 décembre 2000 » avaient été « remplissent », au lieu de « ont rempli ». On se trouverait alors dans le cas évoqué tout à l’heure par Mme Linkenheld : il suffirait que les communes soient sur la bonne trajectoire pour qu’on ne leur interdise pas de réaliser des programmes mixtes ou des programmes de logement intermédiaire. Or, le dispositif proposé est beaucoup plus sévère, car les communes qui n’auraient pas atteint le seuil de 25 % de logements sociaux ne pourraient pas réaliser de tels programmes.

M. Pascal Cherki. Non, 20 % !

M. Gilles Savary, rapporteur thématique. Avis défavorable, donc.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. J’ai bien entendu les arguments de M. Cherki et je souscris pleinement au début de son propos. Il ne peut cependant pas me reprocher d’avoir répondu avec des arguments spécieux, car je n’ai fait que rappeler des éléments de détail – peut-être moins séduisants, certes, que les principes que nous partageons, mais ces éléments de détail sont la réalité des dispositifs législatifs que cette majorité a votés depuis deux ans et qui ont précisément garanti la distinction entre communes carencées et déficitaires.

Or, tel qu’il est rédigé, l’amendement exclurait les communes qui ne respectent pas les seuils légaux, quand bien même elles atteindraient le taux d’effort qui convient – c’est là un débat que nous avons eu en commission spéciale. Typiquement, Paris, Toulouse et Bordeaux ne seraient pas éligibles au dispositif – il serait alors plus simple de dire d’emblée que vous êtes opposé à l’ensemble de cette mesure. De fait, la réalité du dispositif juridique que vous proposez est que vous définissez un ensemble vide. J’émettrai donc un avis défavorable – nous revenons ainsi au débat que nous avons depuis tout à l’heure, très bien mené au demeurant par plusieurs de vos collègues.

M. Jean-Luc Laurent. Merci !

M. le président. La parole est à M. Yves Jégo.

M. Yves Jégo. Maire d’une commune qui comportait 73 % de logements sociaux jusqu’à une date récente, je n’entrerai pas dans ce débat sur la question de savoir s’il faut un seuil de 15 % ou de 20 % ou si les termes sont appropriés, et me bornerai à souligner qu’il existe un vrai problème.

Je souscris sur le fond à l’avis de M. Cherki : il faut en effet éviter que ceux qui ne peuvent pas, ne veulent pas ou ne veulent pas assez construire des logements sociaux puissent, au détriment de ceux qui en portent le poids, obtenir divers aménagements. On sait en effet que la loi du marché est ainsi faite que les villes marquées du sceau du logement social sont moins attractives que d’autres. Ce sujet recouvre donc une vraie problématique et j’invite le Gouvernement à faire en sorte que, dans la perspective de la prochaine lecture de ce projet de loi, des propositions soient formulées dans le sens de ce qui vient d’être proposé. Je suis prêt, pour ma part, à y travailler.

M. le président. La parole est à M. Pascal Cherki.

M. Pascal Cherki. Je ne voudrais pas être désobligeant avec vous, monsieur le ministre, mais il n’y a pas, d’un côté, les partisans des principes et, de l’autre, ceux qui se confrontent à la dure loi des réalités. Lorsque vous exerciez d’autres fonctions, tout à fait respectables, j’étais pour ma part maire d’arrondissement, élu d’une commune qui se battait pour respecter la loi et atteindre le seuil de 20 % de logements sociaux. On peut en effet juger aussi les personnes sur la base de ce qu’elles ont accompli jusqu’à présent – c’est-à-dire sur leurs actes.

(L’amendement n2102 n’est pas adopté.)

(L’article 24, amendé, est adopté.)

Après l’article 24

M. le président. Je suis saisi de plusieurs amendements portant articles additionnels après l’article 24.

La parole est à M. Frédéric Lefebvre, pour soutenir l’amendement n16.

M. Frédéric Lefebvre. Une ordonnance de 2013 a permis d’encadrer les ventes en l’état futur d’achèvement, ou VEFA, et de protéger les acquéreurs qui, en cas de crise et lorsqu’un promoteur immobilier fait faillite, doivent continuer à honorer auprès des établissements de crédit des mensualités liées à l’opération. C’est là un sujet que connaît bien le président de la commission et que nous avons du reste abordé lors de l’examen de textes relatifs à la protection des consommateurs.

Cette ordonnance, qui représentait une avancée positive, ne visait cependant que les opérations de VEFA conclues après le1er janvier 2015. L’amendement a donc pour objet de couvrir celles qui ont été conclues avant cette date, afin de protéger les victimes de programmes immobiliers inachevés.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Savary, rapporteur thématique. Avis défavorable, non pas sur les intentions, mais parce que le régime de garantie qui préexistait avant le 1er janvier mobilise des dispositions contractuelles de garantie par le garant, qui font aujourd’hui l’objet de contentieux et qu’il est difficile de télescoper par une sorte de rétroactivité de la loi.

M. Frédéric Lefebvre. Quand elle protège les plus faibles, la rétroactivité est une bonne chose.

M. Gilles Savary, rapporteur thématique. C’est plus compliqué que cela.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Je comprends votre objectif, monsieur Lefebvre, mais vous voulez modifier le dispositif dans son ensemble, or il faut distinguer deux types de garanties. Il semble difficile de faire entrer dans le champ de la garantie extrinsèque des éléments qui, comme les délais, ne dépendent pas du garant, – qui procédera à une analyse financière non technique du dossier – ou du vendeur. Se pose donc un vrai problème d’assurabilité de ce qui est extrinsèque au dossier, qui ne nous semble pas adapté à ce qui caractérise même une VEFA sur le plan pratique et économique.

En outre, les principales difficultés rencontrées dans opérations de VEFA résultaient plutôt de la possibilité de détenir une garantie intrinsèque. Celle-ci ayant été supprimée par l’ordonnance du 3 octobre 2013, il ne reste plus aujourd’hui que la garantie extrinsèque que, comme je viens de l’expliquer, il semble difficile de lever.

La disposition relative à la garantie intrinsèque, entrée quant à elle vigueur au 1er janvier 2015, devrait porter ses fruits – c’est du moins ce que nous espérons.

Pour cette raison, aussi sensible puisse-t-on être à votre démarche – et c’est précisément ce qui a conduit à prendre ces premières mesures –, on ne peut lever par un tel amendement l’ensemble des mesures relevant d’une garantie extrinsèque.

Enfin, votre amendement prévoit des obligations qui existent déjà dans la réglementation actuelle. Ainsi, le fait que le notaire communique par écrit à l’acquéreur les conditions de la garantie d’achèvement souscrite figure déjà dans le code de la construction et de l’habitat.

Je vous invite donc plutôt à retirer cet amendement. Nous pouvons, dans les mois qui viennent, nous efforcer de travailler sur la partie qui reste non couverte, à savoir la garantie extrinsèque, qui ne peut cependant être couverte par l’approche que vous adoptez. C’est en effet le seul point auquel les modifications entrées en vigueur au 1er janvier dernier n’ont pas permis de répondre.

M. le président. La parole est à M. Frédéric Lefebvre.

M. Frédéric Lefebvre. Je suis tout à fait prêt à retirer cet amendement, dès lors que vous prenez l’engagement de retravailler sur ce dispositif. Je suis certes conscient que, compte tenu de la procédure d’urgence, nous n’aboutirons peut-être pas dans ce texte, et pas même lors de sa nouvelle lecture, mais je prends acte de l’engagement du Gouvernement de réunir les parties et de prendre en compte les points que je vienne de soulever.

Ce n’est pas par hasard que de nombreux Français m’ont saisi de ce dossier, mais en raison de mes fonctions passées. Je souhaite donc que le Gouvernement prenne en compte cette situation précise, qui n’a pas été couverte par l’ordonnance et qui se traduit aujourd’hui pour certains de nos compatriotes par des difficultés. Je retire donc l’amendement.

(L’amendement n16 est retiré.)

M. le président. L’amendement n119 est soutenu.

Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Savary, rapporteur thématique. Avis défavorable. Il est en effet évident qu’on ne peut laisser aux établissements publics de coopération intercommunale le choix du seuil de logements sociaux qu’ils appliqueront, car il s’agit là d’une mesure de solidarité nationale.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Défavorable.

(L’amendement n119 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à Mme Claudine Schmid, pour soutenir l’amendement n1056.

Mme Claudine Schmid. La loi ALUR prévoit que les personnes souhaitant louer leur appartement pour une courte durée doivent désormais solliciter une autorisation préalable. Monsieur le ministre, je souhaite appeler votre attention sur la situation particulière des Français établis hors de France, qui ne peuvent pas toujours louer leur appartement sur le long terme, car ils comptent sur cet appartement pour leur retour en France – retour qui peut être précipité ou dont la date peut être inconnue.

Ces personnes sont donc dans l’obligation de louer leur appartement sur une courte durée et ont également besoin de cet argent – c’est le cas par exemple des fonctionnaires ou des enseignants. Il serait donc bon qu’elles n’aient pas à demander une obligation administrative préalable. Cette mesure a une grande importance pour ces Français et conditionne également leur retour en France.

M. Jean-Luc Laurent. Quel est le rapport ?

Mme Claudine Schmid. Je rappelle à ce propos que Mme la sénatrice Hélène Conway-Mouret a reçu du Gouvernement une mission sur le retour des Français et les conditions de l’amélioration de ce retour.

Mme Audrey Linkenheld. Qu’est-ce qui les empêche de revenir ?

Mme Claudine Schmid. Lorsque leur logement n’est pas disponible, le retour est très difficile. La mesure que propose l’amendement va donc dans le sens du rapport confié à Mme Conway-Mouret.

M. le président. La parole est à M. Frédéric Lefebvre, pour soutenir l’amendement n18.

M. Frédéric Lefebvre. Nous débattons tous dans l’esprit de favoriser le logement. Or, pour nos compatriotes vivant à l’étranger qui veulent louer un logement pour de courtes périodes, notamment à des étudiants, le dispositif existant, qui oblige à obtenir une autorisation de changement d’usage, n’est aucunement adapté. C’est là une question de bon sens, qui sera un nouveau débattue au Sénat.

Monsieur le ministre, pour avoir évoqué cette question avec vos services, mais je sais que ceux-ci sont pleinement conscients de la difficulté.

J’imagine mal, compte tenu de ce que nous disons depuis tout à l’heure et de la volonté que vous avez affichée d’être concret, que l’on ne puisse pas avancer sur un tel dispositif.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements soumis à une discussion commune ?

M. Gilles Savary, rapporteur thématique. Nous donnons un avis défavorable, avec beaucoup de perplexité, parce que nous n’en mesurons pas complètement toutes les incidences et en particulier les effets pervers qui pourraient survenir. Ce n’est pas un avis vindicatif – je pourrais éventuellement dire « sagesse » –, mais je crois que nous avons besoin d’évaluation sur ce sujet.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Je suis sensible à l’objectif qui est plus « localisé », entre guillemets, que le débat que nous avons pu avoir tout à l’heure. Votre amendement n1056, madame la députée, est extrêmement large et vise à couvrir l’ensemble des propriétaires vivant à l’étranger : il est donc plus large que l’amendement n18 de M. Lefebvre.

Mme Claudine Schmid. Je veux bien le retirer au profit de l’amendement de mon collègue !

M. Emmanuel Macron, ministre. La problématique est connue, mais cela poserait la question du contrôle. On approche plus le marché à travers le contexte local du marché locatif, notre discussion l’a montré. Je vous invite donc à retirer votre amendement.

Concernant l’amendement n18, je voudrais rappeler ici quelques réalités : la résidence en France des personnes expatriées a le statut de résidence secondaire, vous l’avez rappelé l’un et l’autre. Dès lors que ledit logement est situé dans des communes visées à l’article L. 631-7 du code de construction et de l’habitat, les règles qui sont relatives au changement d’usage des locaux d’habitation fixées à ce même article s’appliquent.

Tout ce que vous avez dit est donc parfaitement juste ; néanmoins, nous devons trouver des modalités adaptées aux publics que vous évoquez, confrontés à des problématiques très spécifiques et qui subissent parfois des contraintes elles aussi spécifiques. J’ai juste une préoccupation concernant certaines communes dans lesquelles peuvent se concentrer ces habitats – je pense en particulier à la ville de Paris. L’accès au marché peut déjà être tendu dans certaines zones et, dans beaucoup de ces cas, nous n’avons pas totalement mesuré l’impact de votre amendement si on allait dans son sens.

Vous savez que j’ai toujours qualifié les choses ; j’ai donc un avis « mollement défavorable » sur l’amendement n18, simplement parce que je voudrais que l’on regarde collectivement, si vous en êtes d’accord, l’impact de votre amendement avant peut-être de le modifier au Sénat. Il faudrait nous concerter un peu pour être sûrs de ne pas introduire d’éléments de déstabilisation qui iraient au-delà de l’objectif que nous cherchons à atteindre. Cet objectif est tout à fait légitime mais il concerne une partie seulement de la population.

Je vous invite donc plutôt à retirer votre amendement en vous assurant que nous avons cette préoccupation bien en tête. Avec Sylvia Pinel, nos services et nos cabinets, nous y avons travaillé, mais ces situations particulières, dans la mesure où elles sont concentrées géographiquement, en particulier sur Paris, peuvent avoir des effets qu’on ne mesure pas. Donc demande de retrait, mais avec l’engagement de travailler dans le sens réclamé.

M. le président. La parole est à Mme Sandrine Mazetier.

Mme Sandrine Mazetier. Je voudrais tout d’abord rappeler que, selon le rapport Gallois, le coût du logement fait partie des problèmes majeurs handicapant la compétitivité de notre pays. Il faut donc mesurer l’impact que pourrait avoir ce type d’amendement s’il était adopté, même « mollement », sur le coût du logement, en particulier dans les zones tendues et dans les villes étudiantes, ces dernières étant toutes des zones tendues en matière de logement. Allez voir à Aix-en-Provence !

Mme Audrey Linkenheld. Ou à Lille !

Mme Sandrine Mazetier. Ou à Lille, en effet ! Vous verrez que sont en compétition des locataires qui ont besoin de baux normaux avec des touristes urbains – le tourisme urbain est un phénomène d’ampleur. Or il est beaucoup plus intéressant pour un propriétaire de louer un appartement pour deux jours que de le louer pour l’année universitaire. De plus, on voit se développer le phénomène de locations par des plateformes qui ne sont pas déclarées, et l’on se retrouve avec des logements extrêmement chers à la location et insuffisants pour répondre à la demande, en particulier la demande étudiante mais même pour les salariés locataires – je ne vous renvoie pas au rapport de la Fondation Abbé Pierre, qui a déjà été abondamment cité dans nos travaux.

Il serait donc vraiment tout à fait désastreux d’adopter cet amendement, alors qu’on a instauré une demande d’autorisation : celle-ci n’empêche pas les locations de courtes durées mais permet simplement de les identifier, afin que les contribuables participent à l’effort, à la solidarité nationale, à la mesure de ce qu’ils perçoivent dans leur escarcelle en pratiquant ces locations de courte durée qui, souvent, participent de l’inflation du coût du logement.

Dans une loi sur la croissance, je ne comprendrais pas que l’on aille à l’inverse de ce qu’a pointé le rapport Gallois et de l’effort considérable que nous avons à faire en termes non seulement de production de logements, mais également de mise à disposition des logements existants pour la demande importante qui existe en zones tendues. Je suis donc non pas mollement défavorable, mais ultra-défavorable à ces amendements !

Mme Audrey Linkenheld. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Claudine Schmid.

Mme Claudine Schmid. Monsieur le ministre, je suis prête à retirer mon amendement puisque vous proposez d’organiser, si j’ai bien compris, un groupe de travail sur ce sujet. Si tel est le cas et que nous pouvons nous réunir pour trouver une solution à cette problématique spécifique, dans ces conditions, je retire mon amendement ; mais je voudrais avoir votre engagement que nous pourrons travailler tous ensemble.

M. le président. La parole est à M. Frédéric Lefebvre.

M. Frédéric Lefebvre. J’entends les inquiétudes des uns et des autres, mais dans le texte de l’amendement, il est précisé que le local à usage d’habitation doit constituer l’habitation unique en France du ressortissant – unique ! On n’est donc pas dans le cas de personnes qui investiraient pour faire ensuite du locatif ou pour se créer des revenus : on est dans le cas de personnes, nombreuses, qui partent parce que leurs sociétés les envoient pendant deux ou trois ans à l’étranger. Or, avec ce type de réactions extrêmement bloquées, on a des logements qui restent vides alors même qu’ils pourraient répondre à l’attente et aux besoins notamment des étudiants.

M. Luc Belot. Oui, tout à fait.

M. Frédéric Lefebvre. Je crois, monsieur le ministre, que nous devons sortir de cette situation. Je vous propose donc autre chose : puisque le texte sera examiné au Sénat et que chacun est conscient qu’il faut avancer sur ce point, pourquoi ne pas voter ce dispositif aujourd’hui ? Dans la mesure où il y aura une lecture au Sénat, nous pourrons en discuter dans le détail et le corriger ; mais partons du principe qu’on ne peut pas rester dans la situation figée d’aujourd’hui. J’entends bien la problématique, mais il suffit de lire l’amendement pour voir qu’il ne rentre pas dans le schéma qui inquiète notre collègue élue de Paris.

M. le président. La parole est à M. Daniel Goldberg.

M. Daniel Goldberg. J’entends l’ensemble des arguments : cela devient une habitude dans cet hémicycle, à chaque fois que l’on examine un texte de loi, que certains de nos collègues – dont moi-même, d’ailleurs ! – veuillent revisiter certains dispositifs sur le logement déjà votés !

Mme Audrey Linkenheld. Merci de le reconnaître !

M. Daniel Fasquelle. Des dispositifs votés dans l’excellente loi Duflot, qui a tant dopé le logement !

M. Daniel Goldberg. Nous avons passé des mois à discuter des logements touristiques temporaires – parce que c’est de cela dont parlent vos amendements : ils ne parlent pas de la location !

Mme Claudine Schmid. Non !

M. Daniel Goldberg. L’article L. 631-7 concerne les logements touristiques temporaires, dont nous avons discuté à deux reprises dans cet hémicycle et qui a également fait l’objet d’un débat au Sénat. Après nombre de discussions et d’allers-retours, un nouveau dispositif a été adopté, …

M. Daniel Fasquelle. On a passé de longues minutes à discuter de ce dispositif : tant mieux, c’est le rôle du Parlement !

M. Daniel Goldberg. …qui prévoit la possibilité de louer sous la forme de logements touristiques temporaires. Personne n’est empêché de louer pendant un, deux ou trois ans – pour reprendre l’exemple donné à l’instant par Frédéric Lefebvre –, de manière tout à fait tranquille, en reprenant son bien à la fin. On peut même parfois définir des baux temporaires, et l’on peut très bien préciser la date de fin du bail.

Mme Claudine Schmid. Quand le locataire est dans l’appartement, on ne peut plus l’en faire sortir !

M. Daniel Goldberg. Pour ce qui concerne les étudiants, il y a un dispositif spécifique qui permet même de louer moins d’un an, pour se caler sur le temps d’une année scolaire ou universitaire.

Mais en l’occurrence, il s’agit de dispositifs visant la location touristique temporaire, que Sandrine Mazetier a décrits tout à l’heure : cette location, qui s’apparente à l’hôtel – pour aller vite –, pour une durée de deux ou trois jours, est fortement développée par des plateformes numériques, mais pas seulement.

Cela pose plusieurs problèmes : premier problème, la rentabilité – même si ce n’en est pas une pour ceux qui en bénéficient – est bien différente des locations classiques.

Deuxième problème : cela embolise des immeubles, voire des quartiers entiers, dans les zones les plus touristiques de notre pays, empêchant la mise sur le marché locatif de logements destinés aux familles, ce dont nous avons pourtant besoin – nous en sommes tous d’accord : c’est toute la discussion précédente.

Troisième problème : ceux qui habitent dans ces immeubles voient passer de nouveaux occupants tous les deux ou trois jours, un phénomène entraînant une dégradation plus rapide des parties communes, une dépréciation des biens et des nuisances. Pour toutes ces raisons, lors de la discussion du projet de loi ALUR, nous avons redéfini ce que devaient être des locations touristiques temporaires, puis nous avons passé la main aux maires.

Mme Audrey Linkenheld. Qu’est-ce qu’elle est bien, cette loi !

M. Daniel Goldberg. Ce sont les maires, dans les zones tendues, qui peuvent décider ou non de mettre en place ce type d’autorisations, de manière soit définitive, soit provisoire.

Examinez les dispositifs prévus : un maire peut décider de donner pour un bien une autorisation provisoire, sans qu’il y ait changement d’usage ; nous avons aussi pensé aux expatriés de ce point de vue.

Enfin, j’ajoute que nous avons bien sûr exclu les résidences principales des propriétaires de ce dispositif ; ainsi, un propriétaire dont c’est la résidence principale – j’ai bien compris que ce n’était pas forcément le cas que vous évoquiez pour les expatriés –…

M. Frédéric Lefebvre. Ce n’est pas le même débat !

M. Daniel Goldberg. Si, c’est le même débat ! Un propriétaire dont c’est la résidence principale peut la louer sous la forme touristique temporaire sans aucune restriction – ce qui est un problème, de mon point de vue ; mais tel est le point d’équilibre auquel nous étions parvenus.

Tout cela a donc été discuté, le dispositif est en place et tout le monde appelle à une stabilisation des règles : avant d’évaluer et de changer une loi qui a été votée au mois de mars, laissons-la s’appliquer !

M. Frédéric Lefebvre. Le problème, c’est qu’il s’agit ici de la résidence unique en France d’un ressortissant : cela n’est pas pris en compte !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général de la commission spéciale.

M. Richard Ferrand, rapporteur général de la commission spéciale. Nous avons bien pris note que, sous réserve qu’un groupe de travail ad hoc soit constitué, Mme Schmid retire son amendement. Par ailleurs, la commission ayant initialement rendu un avis défavorable sur ces amendements, il convient que l’on s’en tienne à cet avis.

Mme Audrey Linkenheld et Mme Sandrine Mazetier. Très bien !

M. le président. Madame Schmid, retirez-vous l’amendement n1056 ?

Mme Claudine Schmid. Je le retire.

(L’amendement n1056 est retiré.)

M. le président. Monsieur Lefebvre, maintenez-vous l’amendement n18 ?

M. Frédéric Lefebvre. Je le maintiens.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Emmanuel Macron, ministre. La question du coût du logement, comme le montre le rapport Gallois, va en effet bien au-delà de celle du pouvoir d’achat : c’est l’ensemble de notre politique qui est affectée par ce sujet. La difficulté de notre discussion tient à la réalité d’un problème qui peut être très important pour une catégorie de Français se trouvant dans une situation bien précise, et qui vient se percuter avec les réalités territoriales, extrêmement structurantes, dont nous discutons depuis tout à l’heure.

Beaucoup de choses ont bougé avec le dispositif de la loi ALUR, dont les effets doivent encore être mesurés ; il y a de plus les préoccupations que vous portez. Je réitère donc de manière parfaitement officielle la volonté de procéder par un groupe de travail.

Le Gouvernement est prêt à s’y engager et Sylvia Pinel, avec qui j’en ai parlé et dont le cabinet est ici présent, est totalement d’accord pour aller dans ce sens et regarder, à la lumière des modifications apportées par la loi ALUR et de ses effets réels, ce qui ne serait pas traité dans le cas présent, tout en ayant en tête et en mesurant l’impact des éventuels ajustements qu’on serait amené à faire sur les métropoles précédemment évoquées, qui sont en forte tension. Je vous invite donc à retirer votre amendement et à participer à ce groupe de travail.

M. le président. La parole est à M. Frédéric Lefebvre.

M. Frédéric Lefebvre. Je suis prêt à le retirer à une condition : que la clause de rendez-vous soit inscrite dans ce texte. J’entends le débat, mais un point vous a échappé : le verrou de ce dispositif, qui ne devrait pas vous inquiéter, c’est qu’il s’agit de la résidence principale de Français à l’étranger. C’est toute la difficulté !

Vous, vous raisonnez comme s’il s’agissait d’investissements ou de résidences secondaires. Mais en réalité, ce sont des gens qui partent pour une durée courte et qui, lorsqu’ils reviennent, retrouvent leur résidence principale, même si celle-ci a un statut de résidence secondaire.

Mme Annick Lepetit. Bref, vous voulez qu’ils aient le beurre et l’argent du beurre !

M. Frédéric Lefebvre. C’est d’ailleurs une des anomalies de notre droit, et j’ai eu l’occasion de dénoncer à de nombreuses reprises un certain nombre des dispositifs qui ont été votés dans la loi à laquelle vous faites allusion. Ces dispositifs s’appliquent parce que personne n’a pris en compte la situation de compatriotes qui, en réalité, ont une résidence principale qu’ils doivent retrouver quand ils reviennent en France.

Il s’agit bien aujourd’hui d’une lacune. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur thématique.

M. Gilles Savary, rapporteur thématique. Je suis sensible à votre argumentation, monsieur Lefebvre. Je reconnais qu’il y a là une niche, connaissant moi-même des cas d’enseignants, de militaires, etc., expatriés, qui veulent pouvoir disposer quand ils le souhaitent de leur résidence principale en France. Je crains cependant qu’en ouvrant cette niche on libère tout le chenil. Ce qui vient d’être exprimé par certains députés de Paris me paraît devoir être également pris en compte.

C’est pourquoi je vous demande de faire confiance à M. le ministre pour traiter cette affaire.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Emmanuel Macron, ministre. Je tiens toujours mes engagements et je m’engage à ce que la semaine prochaine il y ait une réunion au ministère du logement sur le sujet avec nos services, et je pense que les résultats de cette réunion vous convaincront qu’il n’y a pas besoin de modification législative. Les analyses faites à ce stade montrent qu’on peut régler le problème par une autre voie que par la loi.

M. le président. La parole est à M. Frédéric Lefebvre.

M. Frédéric Lefebvre. Dans ce cas je retire mon amendement. L’essentiel pour moi est qu’il y ait une clause de rendez-vous dans ce texte. Tout ce que je demande, c’est que ce problème soit réglé.

(Lamendement no18 est retiré.)

M. le président. La parole est à M. Gilles Lurton, pour soutenir l’amendement n340.

M. Gilles Lurton. Nous venons d’adopter des dispositions encourageant la production de logements intermédiaires, ce dont je me réjouis. Afin de nous permettre de suivre leur mise en œuvre, nous vous demandons de nous remettre un rapport portant sur l’accès au logement intermédiaire dans les six mois suivant la promulgation de la loi.

M. Nicolas Sansu. Vous ne cessez de demander des fonctionnaires supplémentaires !

(L’amendement n340, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Article 25

M. le président. Il y a plusieurs inscrits sur l’article.

La parole est à Mme Sandrine Mazetier.

Mme Sandrine Mazetier. Je voudrais d’abord vous remercier, monsieur le ministre, d’avoir accepté, dès l’examen du texte en commission spéciale, nos sous-amendements visant à sécuriser la situation de personnes résidant dans des logements qui font l’objet d’une vente à la découpe.

Ces modifications permettent de distinguer le cas bien spécifique des ventes à la découpe des simples congés pour vente. Le dispositif que nous avons adopté en commission spéciale permet de faire démarrer le délai de prorogation des baux, non pas de la date de la vente, mais de celle de la mise en copropriété. Cela permet de cibler spécifiquement le phénomène des ventes à la découpe et de renforcer la protection des locataires qui pourraient en être victimes, à Paris, mais pas seulement.

Je voudrais également vous remercier, monsieur le rapporteur, d’avoir été attentif à une proposition que j’avais faite en commission spéciale, et qui visait à rétablir une disposition de la loi ALUR visant à renforcer la protection des locataires âgés, notamment en abaissant l’âge à partir duquel ils pourront bénéficier de cette protection.

Cette disposition, qui avait été introduite dans la loi ALUR à mon initiative, permettait de protéger, non seulement les locataires âgés, mais également les personnes âgées ou les personnes à mobilité réduite hébergées chez les locataires. Une rédaction malencontreuse lui avait valu d’être censurée par le Conseil constitutionnel.

Alors que le projet de loi initial proposait de supprimer toutes celles de ces protections qui demeuraient valables pour les locations meublées, vous avez considéré, monsieur le rapporteur – et je vous en remercie infiniment – qu’elles devaient être, non seulement maintenues, mais encore étendues aux locations non meublées.

Vos amendements nous permettront donc, non seulement de rétablir cette protection au bénéfice des locataires modestes âgés d’au moins soixante-cinq ans, mais de l’étendre aux personnes qu’elles hébergent, en cumulant les revenus. Il faut saluer ces avancées, qui permettront de renforcer la protection de personnes fragiles et qui risquent de se retrouver plongées dans de graves difficultés à la suite d’un congé pour vente.

M. le président. La parole est à M. Nicolas Sansu.

M. Nicolas Sansu. Mon intervention sur l’article vaut défense de nos amendements nos 3020, 2773 rectifié et 2858. Le groupe GDR soutiendra évidemment les amendements de même esprit déposés par nos collègues Pascal Cherki et du groupe écologiste.

La remise en cause de certaines dispositions de la loi ALUR a suscité un très vif débat en commission, notamment celles protégeant les locataires contre les opérations spéculatives de vente à la découpe.

Nous sommes nombreux à gauche à combattre depuis des années ces opérations de vente à la découpe. Elles constituent des atteintes insupportables aux droits des locataires, et peuvent mettre en péril leur projet de vie, leur vie familiale voire leur emploi au nom du prétendu droit de quelques-uns de s’enrichir sans frein sur le dos de ceux qui n’ont souvent d’autres ressources que le fruit de leur travail.

Nous sommes nombreux à penser que la politique a vocation à rétablir les équilibres là où ils sont rompus et à protéger la liberté des uns contre les appétits des autres.

La modification de l’article 11-2 de la loi de 1989, introduite à l’initiative du Parlement à l’occasion de l’examen de la loi ALUR, créait un droit nouveau pour les locataires en zone tendue, les plus durement touchés par les ventes à la découpe, en prorogeant de trois ans les baux des locataires d’immeubles comprenant au moins cinq logements concernés par une vente à la découpe.

Votre projet de loi, monsieur le ministre, revient au moins partiellement sur cette protection, au prétexte de concilier droits des locataires et fluidité du marché. Vous nous avez dit que vous procédiez à « un aménagement technique du texte pour précisément éviter, à cause de l’empilement des délais, à cause d’une surprotection, une fuite des investissements » – ce sont vos termes.

Votre approche méconnaît la réalité des pratiques des marchands de biens dans les zones les plus tendues, qui rendaient nécessaires les dispositions de la loi ALUR. Elle méconnaît la distinction qu’il convient de maintenir entre acquéreurs d’un bien occupé et bailleurs. Cette distinction est fondamentale : on ne saurait comparer les droits de celui qui donne à bail et assume un risque locatif avec ceux d’un marchand de biens ou de l’acquéreur d’un bien occupé. S’il importe de préserver les acquis de la loi ALUR, c’est qu’on ne saurait trop protéger les locataires aux prises avec un découpeur. L’acheteur d’un bien occupé qui va bénéficier d’une plus-value spéculative à la libération des lieux n’a clairement pas la même légitimité qu’un bailleur qui a assumé le risque locatif. Il est logique qu’il n’accède aux prérogatives classiques d’un bailleur qu’à la fin d’un bail qu’il a lui-même donné. C’est cette logique qui avait abouti aux justes dispositions de la loi ALUR sur ce sujet.

Nous estimons pour notre part indispensable de préserver cette démarche, considérant qu’il en va probablement de la reconnaissance de la valeur constitutionnelle du droit au logement et donc du droit à une vie décente.

C’est le sens des trois amendements que nous avons déposés.

M. le président. La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour soutenir l’amendement n338.

Mme Véronique Louwagie. Au cours du bail, la situation des colocataires est le plus souvent celle de coobligés solidaires. La solidarité prévue au bail a pour effet principal d’empêcher la division de la dette, notamment lorsque l’un des colocataires met fin à la colocation.

Avant l’entrée en application de la loi ALUR, le co-preneur qui avait délivré congé demeurait fréquemment tenu, en vertu du bail, au respect des engagements souscrits, et ce jusqu’au terme du contrat, voire d’un ou de deux renouvellements. Ce dispositif permettait au bailleur de demander à n’importe lequel des co-preneurs le paiement des loyers.

Si cette solution pouvait paraître sévère à celui qui avait donné congé, elle était toutefois conforme au mécanisme juridique de la solidarité. La nouvelle solidarité prévue par la réforme n’étant que de six mois, les bailleurs sont devenus très réticents à louer à des co-preneurs, notamment à des couples non mariés, en particulier lorsqu’ils ont des revenus très différents, ce qui est relativement fréquent.

Cet amendement vise à corriger cet effet néfaste de la loi ALUR en portant la durée de solidarité à vingt-quatre mois. Un tel délai permettrait de renforcer la protection du bailleur et de préserver l’intérêt pour les propriétaires d’établir des baux au profit de co-preneurs, qui peuvent être notamment des couples non mariés ou des étudiants. Eu égard au nombre des personnes concernées, il est impératif de trouver une solution.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Savary, rapporteur thématique. Notre avis est défavorable, vingt-quatre mois nous paraissant un délai excessif au regard de la souplesse nécessaire en matière de colocation.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. La loi ALUR a aménagé les règles de solidarité en matière de colocation, notamment en limitant dans le temps l’engagement des obligations des colocataires qui ont délivré un congé et quitté les lieux loués. Le délai de six mois prévu par la loi nous paraît raisonnable pour permettre à un nouveau colocataire de s’installer, notamment dans un contexte local de pénurie de logement.

C’est pourquoi le Gouvernement est d’avis de ne pas faire peser sur le colocataire sortant une obligation de solidarité plus importante que celle prévue par la loi depuis la modification évoquée. C’est pourquoi je suis défavorable à l’allongement du délai proposé dans cet amendement.

M. le président. La parole est à Mme Véronique Louwagie.

Mme Véronique Louwagie. Je comprends bien les raisons pour lesquelles vous n’êtes pas favorable au délai que je propose, monsieur le rapporteur, mais j’aurais aimé que vous nous en proposiez un autre.

Je me place tout autant que vous, monsieur le ministre, du point de vue des intérêts des colocataires. Aujourd’hui les propriétaires n’établissent plus de baux au profit de colocataires faute de disposer de garanties suffisantes en matière de paiement.

La décision que vous venez de prendre aura des conséquences extrêmement graves pour de nombreux personnes, étudiants, couples non mariés, ménages modestes, qui ne trouveront plus de propriétaires disposés à leur louer des biens en colocation.

M. le président. La parole est à M. Daniel Goldberg.

M. Daniel Goldberg. L’examen de la loi ALUR a en effet été l’occasion de revoir l’ensemble du régime de la colocation. Or la situation d’un couple non marié partageant le même bail ne relève pas de ce régime.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Je souhaite prolonger un peu notre réflexion en faisant part d’un doute sur ce qui vient d’être dit.

Je pense qu’un problème demeure parce que nous n’avons pas pu le résoudre en commission spéciale.

L’article 25 dispose ainsi : « a) Le I est complété par les mots : « , à l’exception de la location consentie exclusivement à des époux ou à des partenaires liés par un pacte civil de solidarité au moment de la conclusion initiale de ce contrat. »

Je comprends parfaitement qu’il nous ait paru nécessaire de préciser que le dispositif de la colocation exclut les personnes mariées ou pacsées.

Lors de la discussion générale, nous sommes plusieurs à avoir songé que cette exclusion entraînait une lacune : deux personnes peuvent vivre ensemble sans être mariées ni pacsées et elles ne bénéficient pas de l’exclusion de la colocation.

Nous étions tous d’accord sur l’exception introduite par l’article 25 afin d’exclure de la colocation les couples pacsés – tout le monde est donc d’accord – ou mariés – cette dernière précision étant d’ailleurs inutile puisque le bail, quel que soit le régime matrimonial, engage les deux personnes. Néanmoins, cette précision était utile.

Ceux qui n’entrent pas dans ces deux catégories et qui vivent ensemble ne sont pas néanmoins exclus de la colocation.

Mme Véronique Louwagie. Tout à fait !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Sur ce point, monsieur Goldberg, j’émets une subtile protestation : je ne suis pas certain que les dispositions existantes suffisent.

Il faut donc se saisir de ce problème, monsieur le ministre.

Il ne convient pas d’exclure ainsi les couples non mariés du dispositif général concernant les couples constitués au moment de l’entrée dans les lieux et, donc, du bénéfice de la solidarité telle que la loi, d’une certaine manière, le confirme.

La difficulté existe donc, elle n’est pas réglée et reste en suspens. Il conviendra d’y prêter une certaine attention.

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Il a raison.

(L’amendement n338 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Michèle Bonneton, pour soutenir l’amendement n3010.

Mme Michèle Bonneton. Les débats ont été vifs et les alertes nombreuses en commission spéciale s’agissant de la vente à la découpe. Or ce projet revient sur des équilibres qui avaient été trouvés et sur une certaine protection des locataires face à cette pratique contestable.

Il ne s’agit pas pour nous de freiner des investisseurs mais de limiter la vente à la découpe, dont le seul but est le maximum de rentabilité à court terme.

En effet, ce mécanisme n’est pas une façon d’investir dans le logement ; en général il consiste simplement à acheter des logements, à les diviser en lots de copropriété, puis à les revendre. Souvent, les seules activités ainsi créées sont la rédaction du règlement de copropriété et le travail du géomètre. Nous voyons bien à qui cela profite, sans favoriser pour autant la croissance et l’activité.

L’autre aspect de cette situation, c’est la fragilisation des locataires qui doivent quitter leur lieu de vie.

C’est pourquoi nous proposons cet amendement, même si la proposition formulée par Mme Mazetier constitue un vrai progrès par rapport à la rédaction initiale des alinéas concernés.

Nous considérons qu’il faut freiner au maximum les ventes à la découpe et nous proposons donc de revenir à la rédaction issue de la loi ALUR.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Savary, rapporteur thématique. Je rejoins les propos que Mme Mazetier a tenus en s’exprimant sur cet article. Elle a porté un amendement particulièrement équilibré qui améliore considérablement le texte et nous nous en tenons là.

Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Même avis.

Nous avons discuté de cette question en commission spéciale, vous me l’accorderez, et je n’ai pas changé d’avis depuis, lequel demeure défavorable.

(L’amendement n3010 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 2759 et 3020, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Pascal Cherki, pour soutenir l’amendement n2759.

M. Pascal Cherki. N’ayant pas eu le plaisir de siéger en commission spéciale, je vous prie de m’excuser, monsieur le ministre, pour une intervention qui vous semblera peut-être redondante. Je m’exprime en tant que député de base.

Les ventes à la découpe constituent un très grave problème. Je prends l’exemple d’une commune que je connais très bien : Paris, où 70 % des locataires sont éligibles au logement social alors que 20 % seulement sont logés dans le parc social. De fait, le premier bailleur social, c’est en l’occurrence le parc privé.

Nous savons bien que pour les locataires en place, dont une infime minorité est en mesure d’acheter son logement, chaque vente est extrêmement traumatisante.

Que se passe-t-il pour ceux qui ne le peuvent pas ? Que disait la loi Aurillac, qui est une loi de droite ? Qu’il fallait renforcer l’information des locataires. C’est une bonne chose, mais cela n’a pas réglé le problème de ceux qui n’avaient pas les moyens d’acheter leur logement – en revanche, ils étaient parfaitement informés qu’ils allaient être dûment virés de leurs logements !

Avec la loi ALUR, nous avons quant à nous renforcé la protection des locataires, et il le fallait. C’était une très bonne chose.

Je sais qu’un certain nombre d’investisseurs institutionnels souhaiteraient réaliser une partie de leur patrimoine, ce que l’on peut comprendre de la part d’une entreprise et donc d’un point de vue micro-économique, monsieur le ministre – c’est d’ailleurs cela, me semble-t-il, que vous évoquez lorsque vous assurez qu’il est nécessaire de fluidifier le marché. Ce point de vue, formulé par un institutionnel, est donc tout à fait compréhensible.

Après, il y a la globalité du marché et la réalité sociale qu’elle recouvre.

Or, lors d’une vente à la découpe, que se passe-t-il ? Si la collectivité n’est pas là pour apporter son soutien et acheter – il est vrai qu’elle se manifeste aussi, surtout lorsque les locataires se mobilisent de façon importante –, les locataires sont virés et, quand elle en a les moyens, elle est contrainte de les reloger dans le parc social existant.

Alors que le parc privé a été un peu fluidifié, cela contribue à congestionner et à rigidifier un peu plus le secteur du logement social.

D’une certaine manière, monsieur le ministre, nous sommes face à un conflit de valeurs entre l’approche micro-économique d’une entreprise et l’approche globale de la question du logement.

Il faut que l’on tienne bon un certain temps et que l’on permette aux collectivités et aux investisseurs institutionnels de discuter afin de favoriser progressivement la programmation de certaines ventes à la découpe en contrepartie des investissements de ces derniers et de la possibilité, pour les collectivités, de procéder à des rachats.

Je ne siégeais pas en commission spéciale, monsieur le ministre, et je n’ai donc pas pu vous le dire mais, dans la période que nous traversons et alors que ces situations angoissent les locataires – je l’ai constaté, ce sont des dizaines de vies qui peuvent être ainsi bouleversées lorsqu’un logement social est vendu à la découpe – je vous invite à ce que l’on en reste au statu quo de la loi ALUR.

M. le président. La parole est à M. Nicolas Sansu, pour soutenir l’amendement n3020.

M. Nicolas Sansu. Juste un tout petit mot pour préciser ce qu’a dit Pascal Cherki.

La loi ALUR n’a pas encore produit ses effets et on tire d’ores et déjà un trait sur ses dispositions concernant les ventes à la découpe ! C’est assez impressionnant, alors même que nous savons que nombre de locataires sont victimes de ces dernières dans les grandes métropoles – d’abord, à Paris – et qu’ils vivent dans la peur du lendemain suite aux ventes auxquelles procèdent des investisseurs institutionnels ou d’autres.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Savary, rapporteur thématique. Même avis que précédemment : nous nous en tenons à l’« équilibre Mazetier ». Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. J’ai toujours eu la courtoisie de répondre aux parlementaires et je n’ai jamais utilisé comme argument le fait que tel ou tel point ait été débattu en commission spéciale, sauf à l’endroit de ceux qui y ont siégé – je vous rassure donc, monsieur Cherki – ce qui était notamment le cas de Mme Bonneton, qui a suivi assidûment nos travaux. Voilà pourquoi je me suis permis ce raccourci.

Je vais donc vous répondre au fond car je vous le dois.

À travers ce dispositif, que corrigeons-nous ? Je le dis d’une manière d’autant plus détendue que plusieurs de vos collègues très impliqués dans la rédaction du texte ont porté et même guidé notre main. C’est le cas, en particulier de Mmes Linkenheld et Mazetier.

Mme Audrey Linkenheld. Et de M. Goldberg !

M. Emmanuel Macron, ministre. En effet. Il n’était pas en commission spéciale mais, depuis, il nous a aidés.

Regardons la situation dans laquelle nous pouvions nous trouver. Dans le cas d’une vente à la découpe ou d’un congé pour vente, les locataires devaient bénéficier d’une vraie protection car des vies pouvaient être brisées comme vous l’avez dit, en effet.

M. Nicolas Sansu. Et ce n’est pas fini !

M. Emmanuel Macron, ministre. Ce texte ne remet pas en cause le délai minimum de trois ans de maintien au sein du logement. Simplement, dans certains cas, l’accumulation des délais et des protections permettait à un foyer ou à un individu d’y rester jusqu’à 15 ans.

En l’occurrence, il n’y a pas de conflit entre les plans micro et macro-économiques. Il s’agit simplement de corriger une aberration : un délai aussi déraisonnable décourage tout investissement.

Si quelqu’un peut rester 15 ans dans son logement – telle est la situation, mécaniquement, à quoi l’on pouvait aboutir, nous l’avons tous constaté –, cela n’est plus raisonnable.

Certains opérateurs réalisent en effet des opérations immobilières pour, grâce à la vente à la découpe, engranger des profits immédiats. En commission spéciale, le cas de l’un d’entre eux a été cité me semble-t-il par Mme Mazetier. Il est évident que ce ne sera plus possible avec le dispositif ALUR. Nous ne revenons en rien sur cet acquis-là.

En revanche, micro et macro-économiquement, monsieur le député Cherki, nous avons besoin d’investisseurs dans le secteur du logement. A la fin des fins, il n’est pas possible d’en rester seulement à un marché public du logement ! Nous avons donc besoin d’investisseurs qui continuent à faire des opérations.

Ceux qui réalisent de grandes opérations ont ensuite besoin de vendre et, donc, d’un marché secondaire. Oui, des foncières de logements doivent réaliser des opérations de rachats !

Or, la rigidité du système pouvait entraîner le maintien de certains ménages pendant 15 ans et, ainsi, gripper ce marché-là. Vous faites dès lors courir un risque à l’ensemble de cet écosystème, tout particulièrement, en zones tendues.

Les corrections que nous avons apportées avec ce texte visent à plafonner un tel délai à six ans. Je ne reviens pas sur les détails et la mécanique du dispositif mais je rappelle que la protection dont bénéficieront les locataires sera au minimum de trois ans et au maximum de six ans. Je ne reviens pas non plus sur les ajouts qui ont été mentionnés tout à l’heure par Mme la députée Mazetier.

Nous nous protégeons donc contre le caractère spéculatif de certaines opérations et nous protégeons les foyers concernés par un délai minimal de trois ans – en particulier pour les baux de trois ans –, le plafond de six ans permettant tout de même de maintenir les nécessaires perspectives de mobilité, à moins de vouloir gripper le marché.

Voilà en quoi consiste l’équilibre du texte. La correction apportée ne travestit ni ne trahit les intentions premières portées par la loi ALUR.

M. le président. La parole est à Mme Sandrine Mazetier.

Mme Sandrine Mazetier. J’ai écouté le débat et je ne voudrais pas que nos collègues pensent que nous revenons sur tout ce qui a été fait avec la loi ALUR s’agissant des ventes à la découpe…

M. Pascal Cherki. Non !

Mme Sandrine Mazetier. …et de la lutte contre ces ventes-là grâce à un certain nombre de dispositifs.

Je songe en particulier au droit de « post-emption » – c’est un néologisme… – permettant à une collectivité locale qui ne préempte pas faute d’en avoir les moyens d’acquérir tout de même les lots qui restent à vendre.

Un tel droit a été voulu par les parlementaires, il a alors été écrit en collaboration avec les services de la Ville de Paris et pourvu des garanties nécessaires sur le plan constitutionnel par les administrateurs de l’Assemblée nationale – et pas par d’autres. Il n’est absolument pas remis en cause par le projet de loi que nous examinons aujourd’hui.

Par ailleurs, les dispositions que nous avons adoptées en commission spéciale ont permis de faire évoluer grandement la situation. Je rappelle en effet que le projet de loi initial pouvait entretenir une confusion en mettant sur un plan d’égalité des investisseurs institutionnels et des particuliers propriétaires – les congés pour vente et les ventes à la découpe, que nous voulons donc combattre.

Je ne voudrais donc pas laisser dire que rien ne restera de tout ce que nous avons fait ensemble, mes chers collègues – en tout cas en ce qui concerne la partie de l’hémicycle dans laquelle je me situe – lors de la discussion de la loi ALUR pour lutter contre les ventes à la découpe.

Nous pouvons donc nous appuyer aujourd’hui sur des dispositifs que nous avons adoptés et construits ensemble, y compris d’ailleurs grâce aux services de l’Assemblée nationale, que je tiens à remercier.

Je salue également les services du ministère du logement qui ont été très à l’écoute des parlementaires à l’occasion de cette loi, ce qui n’a pas toujours été le cas.  (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Pascal Cherki.

M. Pascal Cherki. Qu’on ne se méprenne pas sur mes propos. D’abord, Je vous remercie de votre disponibilité, monsieur le ministre. Vous faites le travail ordinaire d’un ministre, mais il revêt un caractère exemplaire car c’est pour nous presque une nouveauté. Pour ceux qui, comme moi, n’ont pas eu la chance d’être membre de la commission spéciale, cette séance de rattrapage est agréable. Je vous invite à continuer ainsi, même si nous ne sommes pas toujours d’accord.

J’en viens aux propos de Mme Mazetier. La commission spéciale a bien évidemment corrigé une partie du déséquilibre du texte. Comme l’a dit Mme Bonneton, vous avez incontestablement fait du bon travail, Mme Mazetier. Néanmoins, M. le ministre a dit lui-même tout à l’heure que, pour fluidifier le marché et pour développer l’investissement institutionnel dans la construction de logements neufs intermédiaires, il fallait un marché secondaire de la revente. Ce n’est pas la vente d’un ensemble de logements par un investisseur institutionnel qui me pose problème, mais c’est comment il le fait et à qui il le vend.

Prenons exemple de l’investisseur institutionnel Gecina. Il lui reste 400 logements qu’il veut vendre rue du commandant Mouchotte ; soit, mais travaillons avec la collectivité pour trouver un autre investisseur institutionnel qui pourra les racheter. Cela ne présentera aucun inconvénient car il s’agira simplement d’un transfert de bail des locataires. Le problème posé par la création de ce second marché, monsieur le ministre, c’est que vous conditionnez la construction de nouveaux logements intermédiaires par des investisseurs institutionnels à la possibilité de se séparer d’anciens logements qu’ils détiennent, le cas échéant en les vendant à la découpe.

Heureusement, personne n’a dit, ni Mme Bonneton ni moi-même, que toutes les garanties de la loi ALUR avaient été supprimées. J’ai dit simplement qu’il fallait en rester au statu quo, ce qui est différent. En effet, le risque de cumuler les délais de six, trois et six ans, ce qui reviendrait à des baux de quinze ans, me semble théorique. Je ne suis donc pas favorable à un tel signal et préfère le statu quo. Si les débats peuvent être plus intenses sur d’autres sujets, il est normal de soumettre ces deux positions au vote éclairé de l’Assemblée nationale.

M. le président. La parole est à Mme Michèle Bonneton.

Mme Michèle Bonneton. Je tiens à préciser que les alinéas 9 à 12, que nous proposons de supprimer, concernent non pas la revente des logements en général, mais des cas très spécifiques, lorsque ces immeubles sont mis en copropriété, selon les termes de l’alinéa 10. Dans la plupart de ces cas, les seules activités créées sont la rédaction du règlement de copropriété et le travail du géomètre. Je ne vois donc pas en quoi cela favorise la croissance et l’activité.

(L’amendement n2759 n’est pas adopté.)

(L’amendement n3020 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l’amendement no 1895.

M. Richard Ferrand, rapporteur général. Rédactionnel.

(L’amendement n1895, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques, nos 2762 rectifié, 2773 rectifié et 3056 rectifié.

La parole est à M. Pascal Cherki, pour soutenir l’amendement n2762 rectifié.

M. Pascal Cherki. Mon intervention ne sera pas trop longue. (« Oui ! » sur les bancs du groupe SRC.)

Ce n’est pas moi qui aie décidé d’avoir recours à la procédure d’urgence, ni au temps législatif programmé, ni à l’article 38 de façon récurrente. Certes, nous débattons dans un cadre exorbitant du travail parlementaire, au demeurant tout à fait légal, mais ne m’empêchez pas de me comporter comme un parlementaire normal !

Le présent amendement découle de l’amendement n2759, que je viens de défendre et dont j’ai amplement détaillé le sens politique. Le dispositif technique qu’il prévoit est un peu différent. Je souhaite que nous en restions aux dispositions de la loi ALUR. Je ne répéterai pas tous les arguments mais j’attends la réponse du ministre, dont je crains qu’elle ne soit identique à celle apportée à l’amendement n2759.

M. le président. La parole est à M. Nicolas Sansu, pour soutenir l’amendement n2773 rectifié.

M. Nicolas Sansu. Il a déjà été défendu.

M. le président. La parole est à Mme Michèle Bonneton, pour soutenir l’amendement n3056 rectifié.

Mme Michèle Bonneton. Il est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Savary, rapporteur thématique. Avis défavorable car il faut établir une égalité entre les locataires dont le bailleur est institutionnel et ceux dont le bailleur est un particulier. De plus, il faut éviter que les délais soient trop longs, car ils auraient un effet dissuasif sur les investisseurs.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. L’objectif reste de fixer des délais raisonnables. Par ailleurs, j’avais bien noté, Mme Bonneton, le périmètre couvert par votre amendement de suppression, mais mes propos de tout à l’heure l’avaient bien pris en compte. Les copropriétés que vous mentionnez sont très souvent concernées par les ventes à la découpe ou les congés pour vente et sont prises en compte par le dispositif. Mais vous avez eu raison de le préciser.

L’amendement proposé était, en quelque sorte, un amendement de repli : il visait à circonscrire davantage le périmètre du dispositif, mais l’objectif du texte est d’apporter les correctifs évoqués tout à l’heure, monsieur Cherki, sans pour autant supprimer les garanties minimales apportées par la loi ALUR. Avis défavorable.

(Les amendements identiques nos 2762 rectifié, 2773 rectifié et 3056 rectifié ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à Mme Michèle Bonneton, pour soutenir l’amendement n3070 rectifié.

Mme Michèle Bonneton. Défendu.

(Lamendement 3070 rectifié, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour soutenir l’amendement n339.

Mme Véronique Louwagie. Cet amendement vise à corriger la disposition du projet de loi prévoyant qu’en cas d’acquisition d’un bien occupé, tout congé pour vente ne peut être délivré par le propriétaire moins de trois ans après avoir acquis le logement. Une telle disposition entrave de manière excessive la liberté de disposer d’un bien inhérente au droit fondamental de propriété et décourage l’investissement, car l’investisseur ne pourra pas vendre l’immeuble pendant ce délai de trois ans. Les contraintes créées par ce texte entraveront l’acquisition et les ventes de bien occupés, nuiront à la fluidité du marché et décourageront les investisseurs.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Savary, rapporteur thématique. Avis défavorable. Au contraire, nous ne voulons pas encourager la spéculation, qui fragilise le locataire.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Vous souhaitez revenir sur les garanties minimales évoquées tout à l’heure en rouvrant la possibilité de recourir à la vente à la découpe spéculative. Grâce au dispositif prévu par le projet de loi, il n’est plus vrai de dire que l’on chasse du marché des investisseurs à la recherche d’un taux raisonnable. Les grands investisseurs consultés ont confirmé que, si un délai de douze ou quinze ans était déraisonnable, les investisseurs non spéculatifs comprennent qu’un délai de trois ans est nécessaire.

Au demeurant, la vente en bloc reste possible et les contraintes protectrices des locataires ne concernent que la vente à la découpe et le congé pour location, ce qui ne gèle pas toutes formes d’opérations. Ceux qui veulent avoir une plus-value plus rapide vendront en bloc et ceux qui veulent vendre à la découpe doivent désormais respecter des obligations minimales de protection définies par la loi ALUR, qui nous semblent extrêmement nécessaires et justes, y compris d’un point de vue économique. Avis de retrait, sinon avis défavorable.

(L’amendement n339 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Richard Ferrand, rapporteur général, pour soutenir l’amendement n1896.

M. Richard Ferrand, rapporteur général. Rédactionnel.

(L’amendement n1896, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Gilles Savary, rapporteur thématique, pour soutenir l’amendement n2221 rectifié.

M. Gilles Savary, rapporteur thématique. C’est un amendement défendu par les rapporteurs, mais qui a été inspiré par Mme Mazetier. Il vise à étendre la protection des locataires âgés aux ménages hébergeant un locataire âgé, en prenant en compte les ressources de ces derniers dans le cumul. C’est une belle avancée et un hommage à la générosité.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Avis favorable. Il était particulièrement souhaitable de corriger le dispositif initialement prévu, à la suite de la censure du Conseil constitutionnel.

M. le président. La parole est à M. Christophe Caresche.

M. Christophe Caresche. À première vue, cet amendement est tout à fait positif, mais je voudrais appeler l’attention de l’Assemblée sur les effets pervers qu’il peut comporter. Par cet amendement, une personne âgée de plus de 65 ans dont le revenu ne dépasse pas un plafond de ressources HLM fixé par arrêté ne peut faire l’objet d’un congé de la part de son propriétaire si celui-ci ne lui propose pas un logement aux conditions équivalentes. J’ai peur que certains propriétaires ne soient tentés de ne plus proposer de bail aux personnes qui se trouvent dans cette situation.

Mme Audrey Linkenheld. Il est à contre-emploi !

M. le président. La parole est à M. Daniel Goldberg.

M. Daniel Goldberg. Le Conseil constitutionnel avait censuré cette disposition au motif que le montant cumulé des ressources du titulaire du bail et de celles de la personne hébergée pouvait dépasser des plafonds acceptables, ce qui contrevenait aux intentions de la loi ALUR. Cet aspect du dispositif est complètement corrigé par l’amendement proposé par Richard Ferrand et Gilles Savary, et fortement inspiré par Sandrine Mazetier. Le dispositif prévoit désormais un plafond de ressources, ce qui va dans le bon sens.

M. le président. La parole est à Mme Audrey Linkenheld.

Mme Audrey Linkenheld. On peut a priori penser que les propos de Christophe Caresche sont de bon sens. En effet, à trop protéger les locataires âgés, plus personne ne voudra leur louer un appartement. Néanmoins, tel n’est pas l’objet de cet amendement. Il existe déjà une disposition protégeant les locataires âgés. Or, malgré cette protection, on loue encore à des personnes âgées. L’amendement ne fait qu’étendre la protection, non pas aux personnes âgées locataires, mais aux personnes âgées à la charge de ce locataire. À la limite, il aurait fallu penser au risque que vous soulignez lorsqu’on a créé une disposition protégeant les personnes âgées. Mais cet amendement ne concerne que les locataires hébergeant une personne âgée. Dans votre logique, un propriétaire n’aurait plus envie de louer non seulement à une personne âgée, mais également à une personne de n’importe quel âge, car celle-ci pourrait potentiellement avoir à charge une personne âgée. Ainsi, les propriétaires ne voudraient plus louer à personne. Je pense donc que ce risque peut être écarté.

M. le président. La parole est à M. Richard Ferrand, rapporteur général.

M. Richard Ferrand, rapporteur général. Cet amendement me paraît présenter plus de vertus que de potentialités de perversion. C’est pourquoi nous resterons fidèles à la vertu qui l’a inspiré.

M. Alain Tourret. C’est très robespierriste !

(L’amendement n2221 rectifié est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques, nos 2022, 2223 et 3109.

La parole est à Mme Michèle Bonneton, pour soutenir l’amendement n2022.

Mme Michèle Bonneton. Il est retiré.

(L’amendement n2022 est retiré.)

M. le président. La parole est à M. Pascal Cherki, pour soutenir l’amendement n2223.

M. Pascal Cherki. Comme Mme Bonneton a retiré son amendement, qui est identique au mien, je suis le mouvement. Les propos tenus précédemment ont été suffisamment rassurants pour que je le retire également. Voyez qu’il est utile de débattre dans l’hémicycle !

(L’amendement n2223 est retiré.)

M. le président. La parole est à M. Alain Tourret, pour soutenir l’amendement no 3109.

M. Alain Tourret. Il est retiré.

(L’amendement n3109 est retiré.)

M. le président. La parole est à M. Gilles Savary, rapporteur thématique, pour soutenir l’amendement n2222 rectifié.

M. Gilles Savary, rapporteur thématique. Il s’agit exactement de la même disposition, mais qui vise cette fois les locataires de meublés qui ont à charge une personne âgée à faible ressources. L’avis de la commission est évidemment favorable.

(L’amendement n2222 rectifié, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Richard Ferrand, rapporteur général, pour soutenir l’amendement n2316.

M. Richard Ferrand, rapporteur général. Il s’agit simplement de préciser ici l’application de l’encadrement des loyers dans les locations meublées.

(L’amendement n2316, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Michèle Bonneton, pour soutenir l’amendement n2079.

Mme Michèle Bonneton. Cet amendement est à examiner avec les précédents que nous avons déposés. Il existe en effet aujourd’hui une insécurité juridique relative à l’application de certaines mesures introduites par la loi ALUR : le dépôt de garantie, la prévention des expulsions, les délais de prescription, la division de l’immeuble en copropriété, et la délivrance des congés qui comptent parmi les améliorations les plus notables de cette nouvelle loi relative au logement voulue, il y a quelque temps, par le Président de la République.

Or un doute subsiste aujourd’hui sur les baux auxquels s’appliquent ces mesures : s’agit-il uniquement des baux nouveaux, ce qui représente une faible proportion du total, ou des baux en cours ? Dans le doute, la plupart des professionnels n’appliquent ces mesures qu’aux baux nouveaux, ce qui réduit considérablement la portée de la loi. C’est pourquoi il est nécessaire de préciser la rédaction des articles 14 et 15 de la loi ALUR. Nous partageons pleinement l’objectif et l’esprit de ce qui est proposé par le rapporteur général. Cependant, après avoir pris le temps d’un travail approfondi et technique avec le syndicat des avocats de France, nous avons identifié de nouvelles ambiguïtés dans la rédaction proposée. L’effet de la réécriture risque d’être annulé, ce qui serait bien dommage.

Nous proposons donc, par cet ensemble d’amendements, d’être précis dans la rédaction de ces articles, en isolant les mesures qui doivent l’être en faisant explicitement référence à l’article 14 de la loi ALUR. Dans l’état actuel de la rédaction, cette omission constitue en effet un handicap.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Savary, rapporteur thématique. Il me semble, madame Bonneton, que la rédaction qui est ici proposée est très explicite : elle vise à l’application aux baux en cours des dispositions de la loi ALUR qui pouvaient prêter à confusion. Il ne me semble pas qu’il y ait lieu de rectifier. De ce fait, et sous réserve de la vérification de la position de monsieur le ministre sur le problème que vous posez, qui est bien un problème de fond, je vous demande de retirer votre amendement. Je pense en effet qu’il n’a pas lieu d’être.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Je crois qu’on a cherché à clarifier, de manière très précise, ce qui s’appliquait aux baux en cours, reconduits et renouvelés. Je tiens à vous rassurer pleinement : nous avons eu la discussion, d’ailleurs, je ne sais pas si vous vous en souvenez, en commission spéciale, de manière très détaillée. Je crains qu’en l’occurrence votre amendement ne vienne plutôt complexifier l’interprétation possible de l’article 14 de la loi ALUR, dont je sais qu’il a suscité beaucoup de débats. Nous l’avions aussi évoquée suite à la promulgation de ladite loi. Je crains que votre amendement ne recrée des débats sur cette question. Il ne semble motivé que par des discussions que vous avez eues avec des professionnels. Je vous invite à renvoyer ces derniers vers les services ou le cabinet de Mme la ministre du logement parce que c’est avec eux que nous avons, évidemment, rédigé l’ensemble de ce dispositif pour clarifier et éviter les incertitudes de rédaction subsistant à l’issue de la promulgation de la loi ALUR. Je vous invite donc au retrait, parce que votre préoccupation a été prise en compte dans la rédaction même du projet de loi.

(L’amendement n2079 n’est pas adopté.)

M. le président. L’amendement n1897 de M. Richard Ferrand, rapporteur général, est de précision.

(L’amendement n1897, accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 2775 rectifié et 3145.

La parole est à M. Pascal Cherki, pour soutenir l’amendement n2775 rectifié.

M. Pascal Cherki. Il s’agit d’un amendement extrêmement important, très succinct, et tellement bien rédigé que je le considère comme défendu parce que monsieur le ministre n’a pas besoin d’explications complémentaires de ma part. J’attends donc sa réponse.

M. le président. La parole est à Mme Michèle Bonneton, pour soutenir l’amendement n3145.

Mme Michèle Bonneton. Il est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Savary, rapporteur thématique. Si je les ai bien compris, ces amendements consistent à exclure l’application des nouvelles règles relatives aux impayés de loyers aux baux en cours. Nous pensons qu’il n’y a pas de raison qui justifierait que ces nouvelles règles ne s’appliquent pas. L’avis de la commission est donc défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Nous traitons toujours des modalités d’application de la loi ALUR. Les dispositions de l’article 14, notamment celles relatives aux procédures de rupture contractuelle, sont d’application immédiate aux baux en cours. Il ne doit pas y avoir d’ambiguïté. Nous sommes confrontés au même problème, et il appelle exactement la même argumentation que je viens de développer à l’attention de Mme Bonneton. Nous rencontrerions, dans le cas contraire, un problème que nous avons déjà connu à l’issue de la promulgation de loi : nous ne voulons pas le voir se reproduire ici. L’avis du Gouvernement est donc défavorable.

M. le président. La parole est à M. Pascal Cherki.

M. Pascal Cherki. Si j’ai bien compris, monsieur le ministre, vous êtes d’accord avec le contenu de mon amendement, mais vous considérez qu’il est déjà satisfait par la loi. En revanche, si je le maintenais, cela risquerait de créer un problème juridique et d’invalider la démarche que j’ai défendue à travers cet amendement. Je pose la question car je suis prêt à le retirer. Je débats et il est possible de me convaincre.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Emmanuel Macron, ministre. Pour lever toute ambiguïté, je n’ai pas dit que votre amendement, monsieur Cherki, était satisfait.

M. Pascal Cherki. Ah !

M. Emmanuel Macron, ministre. J’ai dit que votre amendement réintroduisait des ambiguïtés déjà connues au moment de la loi ALUR. J’invoquais les mêmes arguments que ceux que j’ai précédemment fait valoir à Mme Bonneton, c’est-à-dire que nous souhaitons bien que l’application aux baux en cours soit celle qui est définie dans le projet de loi. Je ne prétendais donc pas vous satisfaire…

M. Christophe Caresche. Il était inquiet. (Sourires.)

M. Emmanuel Macron, ministre. …mais j’indiquais que les argumentations précédemment évoquées valaient aussi pour votre amendement. Je pensais qu’à défaut d’être satisfait, vous aviez été servi.

M. le président. La parole est à M. Daniel Goldberg.

M. Daniel Goldberg. Concernant ce que vient de dire le ministre, je ne souhaite pas qu’une petite musique s’installe dans l’hémicycle qui laisserait à penser que notre Assemblée a voté des dispositifs législatifs qui auraient été mal calibrés. Qu’il n’y ait pas entre nous de mauvaise interprétation : ce n’est pas ce que monsieur le ministre a voulu dire. Cependant, pourquoi sommes-nous dans une telle insécurité juridique ? Je réponds, de ce point de vue-là, à Pascal Cherki ainsi qu’à Mme Bonneton.

Cette insécurité juridique est due au fait qu’après le vote de la loi est intervenue la décision du 20 mars 2014 du Conseil constitutionnel. Cette décision a impacté l’entrée en vigueur d’un certain nombre de dispositions. La décision du Conseil constitutionnel n’est pas critiquable et nous ne faisons que la constater. Par contre, nous constatons que cette décision portant sur le contenu même de la loi ALUR a créé une insécurité juridique relative à l’entrée en vigueur d’un certain nombre de dispositifs. Je crois que ce qui a été rédigé, nonobstant vos amendements, permet de clarifier les conditions d’entrée en vigueur de ces dispositions. Je ne dirai pas que vos préoccupations sont satisfaites, le ministre ne l’a d’ailleurs pas dit, mais je pense que nous avons aujourd’hui besoin d’une entrée en vigueur tout à fait sécurisée juridiquement et je crois que nous avons atteint un bon équilibre.

M. le président. Monsieur Cherki, retirez-vous votre amendement ?

M. Pascal Cherki. Oui. Je fais entièrement confiance sur ce point-là à mon collègue Goldberg, qui est un éminent juriste.

(L’amendement n2775 rectifié est retiré.)

(L’amendement n3145 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 3147 et 3199.

La parole est à Mme Michèle Bonneton, pour soutenir l’amendement n3147.

Mme Michèle Bonneton. Il est défendu.

M. le président. La parole est à M. Pascal Cherki, pour soutenir l’amendement n3199.

M. Pascal Cherki. Il s’agit d’un amendement très important. Je le défends donc, il faut que cela soit noté au procès-verbal, avec une grande ardeur.

M. le président. Le procès-verbal l’a noté. (Sourires.)

(Les amendements identiques nos 3147 et 3199, repoussés par la commission et le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à Mme Michèle Bonneton, pour soutenir l’amendement n3148.

Mme Michèle Bonneton. Il est défendu.

(L’amendement n3148, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

(L’article 25, amendé, est adopté.)

Après l’article 25

M. le président. La parole est à M. Alain Tourret, rapporteur thématique, pour soutenir l’amendement n2801 rectifié.

M. Alain Tourret, rapporteur thématique. La Société immobilière de chemins de fer français, la SICF, filiale de la SNCF, est un organisme agréé à collecter la participation des entreprises à l’effort de construction. Avec la fin, au 1er janvier 2015, de l’agrément délivré aux organismes d’habitations à loyer modéré, la SICF devient le seul organisme agréé non associé de l’Union des entreprises et des salariés pour le logement, l’UESL.

Or, la loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové du 24 mars 2014, dite loi ALUR, prévoit le retour à la contractualisation des emplois des fonds issus de la participation des entreprises à l’effort de construction. Une convention entre l’État et l’UESL a ainsi été signée le 2 décembre 2014. Elle fixe la nature et les règles d’utilisation des emplois de la participation des entreprises à l’effort de construction, les enveloppes minimales et maximales consacrées aux emplois et encadre les frais de fonctionnement du réseau Action logement. Or les emplois, précisément, de la participation des entreprises à l’effort de construction collectée par la SICF ne peuvent être régis par une convention dont la SICF, non associée à l’UESL, n’est pas partie.

Cet amendement apporte ainsi une clarification en distinguant, d’une part, les fonds de la participation des entreprises à l’effort de construction collectés par les comités interprofessionnels du logement, qui sont associés à l’UESL, et, d’autre part, les fonds collectés par les organismes collecteurs non associés de cette même Union.

M. Christophe Caresche. Une grande clarification ! (Sourires.)

M. Alain Tourret, rapporteur thématique. Cet amendement prévoit également que chaque organisme collecteur non associé de l’UESL devra signer une convention avec l’État afin d’encadrer la nature et les règles d’utilisation des emplois et les frais de fonctionnement de l’organisme et de fixer les enveloppes minimales et maximales consacrées aux emplois des fonds de la participation des entreprises à l’effort de construction. En 2015, seule la SICF devrait signer cette convention. L’Agence nationale de contrôle du logement social sera chargée de contrôler la bonne exécution de l’ensemble de ces conventions. Tel est l’objet de cet amendement un peu compliqué… (Sourires.)

M. le président. Mais qui n’a pas échappé à la sagacité du rapporteur thématique : quel est donc l’avis de la commission ?

M. Gilles Savary, rapporteur thématique. Il est favorable. Je n’entrerai pas dans une explication aussi dense , je vous l’épargnerai.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Il est favorable.

(L’amendement n2801 rectifié est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 2405 rectifié et 462, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Gilles Savary, rapporteur thématique, pour soutenir l’amendement n2405 rectifié.

M. Gilles Savary, rapporteur thématique. Il s’agit de modifier un article du code de la construction et de l’habitation visant à réduire le délai de présentation de locataires par les réservataires de HLM à un mois dans les zones tendues, de façon à pouvoir très vite pourvoir les logements vides.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Il est favorable.

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Dumont, pour soutenir l’amendement n462.

M. Jean-Louis Dumont. Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur thématique, le délai pour proposer des locataires dans le parc HLM était jusqu’alors de trois mois. Si cet amendement est adopté, il sera de un mois. Or les organismes HLM ont passé avec les réservataires des conventions prévoyant un délai de trois mois : il faut donc le réduire à un mois. Si les deux ne sont pas corrélés, il y aura des logements vides pendant trois mois, puisque c’est le délai que se donnait le réservataire pour faire des propositions à l’organisme HLM. Je ne vais pas plus loin , mais cet amendement s’impose.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Savary, rapporteur thématique. Ma préférence va à l’amendement n2405 rectifié, car il est codifié.

M. le président. Maintenez-vous votre amendement, monsieur Dumont ?

M. Jean-Louis Dumont. Je le retire.

(L’amendement n462 est retiré.)

M. le président. La parole est à Mme Audrey Linkenheld.

Mme Audrey Linkenheld. Je voulais juste corriger une chose : la loi ALUR prévoit déjà, dans les zones tendues, un délai d’un mois pour les HLM, cher Jean-Louis Dumont. Ce n’est donc pas ce que nous votons puisque nous l’avons déjà voté. Cet amendement n2405 rectifié vient compléter cette disposition, déjà adoptée, en l’étendant aux réservataires.

M. Jean-Louis Dumont. Ils représentent 70 % de la location !

(L’amendement n2405 rectifié est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Christophe Caresche, pour soutenir l’amendement n3045.

M. Christophe Caresche. Il s’agit d’encourager la transformation de bureaux en logements en permettant à un opérateur de rendre facilement à un bureau qu’il aurait transformé en logement son usage initial, ce qui est difficile actuellement. L’objectif est d’assurer la réversibilité de l’usage des locaux. C’est un peu un problème parisien.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Savary, rapporteur thématique. Défavorable.

C’est sans doute très parisien mais une telle mesure peut avoir des effets pervers non négligeables et, notamment, entraîner de nombreux changements d’usage sans le moindre contrôle de la municipalité, en fonction simplement du marché. Nous ne souhaitons pas nous hasarder dans cette voie sans prendre davantage de précautions.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Nous sommes tout à fait conscients avec Sylvia Pinel qu’il y a un problème, effectivement spécifique, et l’exposé sommaire est très clair.

Il faut passer par la loi, mais la rédaction que vous proposez ne convient pas. Si vous acceptez de retirer votre amendement, nous pourrons travailler ensemble avant l’examen du texte au Sénat pour trouver une mesure plus proportionnée.

M. le président. Monsieur Caresche ?

M. Christophe Caresche. Je le retire.

(L’amendement n3045 est retiré.)

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l’amendement n2597.

M. André Chassaigne. Cet amendement est dans la ligne des débats que nous avons eus avec Mme Duflot durant la discussion de la loi ALUR, notamment sur les réquisitions de logements vacants. Il s’agit plus précisément en l’occurrence de la procédure de réquisition concernant les propriétaires personnes morales, à qui le délai de réquisition permet en fait d’échapper à la mesure.

Grâce à la procédure de réquisition avec attributaire mise en place par la loi de lutte contre les exclusions du 31 juillet 1998, le représentant de l’État dans le département peut réquisitionner, pour une durée d’un an au moins et de six ans au plus, douze ans dans les conditions de dérogation fixées à l’article L. 642-1, des locaux sur lesquels une personne morale est titulaire d’un droit réel conférant l’usage de ces locaux et qui sont vacants depuis plus de douze mois.

La réquisition donne la jouissance des locaux à un attributaire, qui peut être l’État, une collectivité territoriale, un organisme d’habitations à loyer modéré, une société d’économie mixte dont l’objet est de construire ou de donner à bail des logements, un organisme bénéficiant de l’agrément relatif à la maîtrise d’ouvrage pour des hébergements ou des logements très sociaux.

Avant de procéder à une telle réquisition, le préfet notifie son intention au propriétaire, qui dispose de deux mois pour faire connaître son accord ou son opposition, son intention de mettre fin à la vacance dans un délai de trois mois, son intention d’engager les travaux nécessaires pour mettre fin à la vacance dans un délai qui ne peut excéder vingt-quatre mois, suivant un échéancier soumis à l’approbation du représentant de l’État, dans les conditions fixées par le décret du 22 novembre 2013.

C’est un amendement d’appel, qui vise à souligner l’inadaptation des délais prévus aux situations les plus urgentes.

Nul ne conteste l’urgence qu’il y a à dégager des places pour loger les sans-abri, de plus en plus nombreux, parmi lesquels de plus en plus de personnes vulnérables, enfants, mineurs isolés, personnes âgées ou en situation de handicap. Cette situation appelle une révision des délais dont disposent les propriétaires de locaux vacants pour s’opposer à une réquisition.

Notre amendement s’appuie sur un constat : des propriétaires personnalités morales ayant des logements vacants utilisent toutes les arguties, toutes les possibilités pour allonger le délai et leurs logements ne sont pas réquisitionnés pour y mettre des personnes sans abri ou vulnérables.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Savary, rapporteur thématique. Défavorable.

La question n’est pas médiocre, mais la réquisition ne vise pas exclusivement à loger des sans-abri dans des bâtiments relativement vétustes, que l’on garderait en l’état pour simplement répondre à l’urgence. Cela peut être utile mais cela ne peut pas être durable, y compris d’ailleurs pour des foyers d’urgence.

Il s’agit de mettre en place une dissuasion et d’en donner les moyens aux pouvoirs publics, c’est-à-dire au préfet, pour que ces bâtiments ne restent pas indéfiniment vacants mais soient remis sur le marché avec des normes de salubrité, de confort et d’hygiène correspondant à celles du marché.

On peut toujours discuter sur les délais, ne pas les trouver suffisamment sévères ou suffisamment dissuasifs ou les trouver au contraire trop laxistes, mais le dispositif ne fonctionne pas si mal puisque, en Île-de-France, pour les trois quarts grâce au déclenchement de cette procédure, 8 000 ensembles immobiliers auraient été rénovés par leurs propriétaires et remis sur le marché du logement.

Tel est bien l’objectif, ce n’est pas simplement permettre à la puissance publique de mettre la main sur des logements vacants sans, le cas échéant, avoir les moyens de les rénover et de refaire du logement digne. C’est la raison pour laquelle nous sommes défavorables à votre amendement, sans considérer que la question ne mérite pas attention et intérêt.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Les prémisses de votre raisonnement, monsieur le député, sont incontestables et partagés par le Gouvernement. C’est d’ailleurs ce qui a conduit à réduire les délais de dix-huit à douze mois dans la loi de janvier 2013. Cette préoccupation a donc été prise en compte par le Gouvernement, par la majorité.

La réquisition, parlons franchement, a l’avantage de faire peur à ceux qui se comportent le moins bien, et c’est d’ailleurs la raison pour laquelle un tel dispositif est nécessaire. Mais, si votre amendement était voté en l’état, il ne passerait pas sur le plan constitutionnel car, si la réquisition n’est pas encadrée de manière proportionnée, elle contrevient à tel point au droit de propriété, constitutionnellement garanti, vous le savez, qu’elle tombe.

Le motif d’intérêt général existe, c’est la réalité sociale, que vous avez parfaitement exposée, mais je pense que vous n’avez pas suffisamment circonscrit les choses. Je suis donc défavorable à votre amendement, non que je ne partage pas votre préoccupation car nous devons effectivement réduire les délais comme l’a fait la loi de 2013. Avec le ministère du logement, nous allons continuer à travailler sur ce sujet et dans cet esprit, mais pas pour faire davantage de réquisitions.

J’ai compris que c’était un amendement d’appel et je vous suggère donc de le retirer. L’objectif du texte, vous l’avez compris depuis le début de nos débats sur ce sujet, ce n’est pas de développer du logement intermédiaire, des politiques du logement ou d’investissement en matière de logement contre du logement social ou du logement d’urgence, bien au contraire. Votre préoccupation est donc partagée par le Gouvernement.

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Je prends acte des observations. Je précise que c’est grâce à un amendement que j’avais fait adopter dans la loi Duflot que le délai a été réduit de dix-huit à douze mois.

Mme Audrey Linkenheld. On s’en souvient !

M. André Chassaigne. Nous avions beaucoup discuté à l’époque. J’avais même lancé un défi à Mme Duflot, dans une recherche de convergence future sans doute (Rires sur les bancs du groupe écologiste), en lui proposant d’étudier avec elle le résultat de la politique qu’elle mettait en œuvre.

M. Jean-Luc Laurent. Elle est partie trop tôt ! (Sourires.)

M. André Chassaigne. Actuellement, franchement, la réquisition ne marche malheureusement pas très bien. Il faut vraiment une réflexion beaucoup plus approfondie du Gouvernement. Il y a des verrous à faire sauter. L’objet de cet amendement était d’appeler l’attention sur ce problème.

Je n’aime pas retirer des amendements mais je veux bien retirer celui-ci parce que je sais très bien qu’il ne sera pas adopté, mais j’insiste vraiment sur ce point. Des dizaines de milliers de personnes sont à la rue alors qu’il y a des dizaines de milliers de logements qui sont vacants.

(L’amendement n2597 est retiré.)

M. le président. La parole est à Mme Annick Lepetit, pour soutenir l’amendement n3003.

Mme Annick Lepetit. Je regrette que nous soyons passés si vite sur l’amendement n3045, qui tendait à alléger le processus de changement d’usage après une transformation de bureaux en logements, même si je vous ai entendu, monsieur le ministre et si je vous fais confiance.

D’abord, cela ne concerne pas seulement Paris puisqu’il y a tout de même 3 millions de mètres carrés de bureaux vacants en Île-de-France, ce qui laisse imaginer le potentiel de foncier, dont nous avons besoin.

La rédaction de l’amendement pose peut-être quelques problèmes, mais l’idée était de rétablir un dispositif supprimé en 2005.

L’amendement n3003 concerne le foncier public. Il s’agit encore de simplifier une disposition que nous avions adoptée dans la loi sur la mobilisation du foncier public en faveur du logement, sujet qui a donné lieu à une discussion tout à l’heure, en nous appuyant sur une expérience de deux ans pour résoudre quelques difficultés pratiques.

Nous prévoyons les cas où il y a des retards significatifs dans la réalisation d’une opération indépendants de la volonté du maître d’ouvrage, en raison, par exemple d’une pollution non détectée mais aussi d’exigences de l’État sur ses propres terrains. Ainsi, à Paris, l’État tient à ce que nous laissions un centre d’hébergement géré par l’Armée du salut, et il a raison.

L’objectif de cet amendement est donc de prolonger le délai de cinq ans requis dans la loi, même si, bien sûr, ce n’est pas automatique. Il y a des garde-fous puisque la décision est laissée à l’appréciation du préfet de région et des ministres chargés du logement et du domaine, ainsi que de la commission nationale de l’aménagement, qui auront toute latitude pour apprécier la pertinence d’une telle modification.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Savary, rapporteur thématique. Nous comprenons bien le problème que souhaite régler Annick Lepetit, mais la commission est défavorable à cet amendement. Cinq ans, c’est suffisant, et il ne faut absolument pas envoyer de signal de rétention foncière.

M. Jean-Louis Dumont. Tout à fait !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. L’argument qui vient d’être donné par le rapporteur est en effet important.

Il y a eu plusieurs modifications. La loi de janvier 2013 relative à la mobilisation du foncier public en faveur du logement encadre la réalisation de programmes de logement dans un délai de cinq ans lorsque le foncier de l’État ou de ses établissements a été cédé avec une décote, et la loi du 24 mars 2014, la loi ALUR, a introduit la possibilité d’étendre ce délai au-delà de cinq ans pour les opérations d’aménagement de plus de cinq hectares, précisément pour tenir compte des délais d’aménagement d’opérations portant sur une grande surface. Ce délai est également suspendu en cas de contentieux ou de fouilles archéologiques. Une prorogation est encore prévue par la loi ALUR en cas de blocage dans des cas que vous connaissez bien et en particulier dans des zones où cela peut tout à fait se justifier.

J’ai donc peur qu’un tel amendement soit source de complexité. Modifier le délai en cas d’impossibilité justifiée par l’acquéreur de réaliser le programme de logements dans les temps, peut conduire à de la rétention et avoir un petit effet pervers parce que, pour relancer le logement, on nous propose parfois des solutions contraires. L’obligation, nonobstant les blocages administratifs, de tout réaliser dans un temps donné, ce qui se fait dans d’autres pays, vise à ce que les opérateurs aient intérêt à relancer plus vite l’activité. Le risque, en effet, c’est que des sociétés multiplient les droits à construire et, parfois pour spéculer, prolongent les délais en invoquant de bonnes raisons.

Votre amendement, dont l’intention est très précise et qui est en grande partie satisfait par le dispositif de la loi ALUR, peut avoir des effets pervers qui ne sont pas du tout ce que vous recherchez. Je vous suggère donc de le retirer. Sinon, j’y serai défavorable.

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Dumont.

M. Jean-Louis Dumont. Je me permets d’intervenir sur cet amendement, fort de mon expérience acquise comme membre du conseil immobilier de l’État puis comme président dudit conseil. On trouve toujours un moyen quand il s’agit de prétendre que l’on ne peut réaliser une opération immédiatement, en la renvoyant à des temps nouveaux, pour faire, par la suite, parfois tout autre chose. On perd ainsi beaucoup de temps actuellement, non seulement à Paris et en Île-de-France, mais aussi dans d’autres métropoles.

Lorsqu’il y a une demande, là où l’État ou ses opérateurs devraient libérer du foncier inoccupé et des immeubles qui pourraient être transformés en logements, le conseil immobilier de l’État a souligné à plusieurs reprises des dérives, en particulier dans certaines municipalités. Je ne citerai que le cas de Clermont-Ferrand puisque la cour administrative d’appel a donné raison à l’avis que j’avais signé.

Regardons aussi ce qui se passe à l’AP-HP ou pour certains immeubles en décote pas loin d’ici. Il faudrait sept ou huit ans pour créer des logements sociaux dans un immeuble décoté. Il faut s’assurer que tout soit maîtrisé sur le plan technique, avant la mise en œuvre des constructions. Il y a des retards de l’État, à cause de fouilles archéologiques ou de travaux de dépollution, voire de nouvelles normes. Je suis très prudent, mais je me permets simplement de dire que je voterai dans le sens indiqué par notre rapporteur.

M. le président. La parole est à Mme Audrey Linkenheld.

Mme Audrey Linkenheld. Je voulais confirmer que, dans la loi de janvier 2013, nous avions souhaité instaurer une borne temporelle pour nous assurer que des logements seraient bien construits sur les terrains décotés. En effet, il ne s’agissait pas tant de savoir si l’on pouvait vendre les terrains moins cher, mais de savoir comment on pouvait faire en sorte d’accélérer la production de logement, notamment de logement social, sur ces terrains. Nous avions prévu dès le départ un certain nombre de cas particuliers, liés à la dépollution, aux fouilles ou à d’autres cas de force majeure ou imprévisibles, et un délai exceptionnel pour les terrains de grande taille, car même avec la meilleure volonté du monde cinq ans peuvent paraître courts.

Il existe, grâce au débat parlementaire, une commission nationale de l’aménagement, de l’urbanisme et du foncier – CNAUF – présidée par Thierry Repentin, dont l’objet est de trouver des solutions aux difficultés très concrètes qui se posent aux collectivités, à l’État ou aux bailleurs quand ils souhaitent acheter. Plutôt que de passer par des exceptions législatives, j’engage mes collègues parisiens à saisir la CNAUF dans un premier temps et à voir, seulement ensuite, s’il est réellement nécessaire de changer la loi.

M. le président. La parole est à Mme Annick Lepetit.

Mme Annick Lepetit. J’entends tous ces arguments qui sont convaincants, mais je ne voudrais pas qu’il y ait un malentendu sur mon amendement. Je souhaite en effet pousser l’État à vendre ces terrains. Cela fait d’ailleurs des années que le sujet est d’actualité… D’autres gouvernements ont essayé de le traiter, avant d’essuyer plusieurs échecs. Mais j’entends ce que dit Mme Linkenheld et nous irons en parler directement avec la CNAUF, en espérant qu’elle accélère la situation. Je retire mon amendement.

(L’amendement n3003 est retiré.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n2334.

Avant de donner la parole à M. Francis Vercamer pour le soutenir, j’indique que sur cet amendement n2334, je suis saisi par le groupe de l’Union des démocrates et indépendants d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

M. Francis Vercamer. Quittons le logement social pour en venir à un sujet qui touche de nombreuses communes et collectivités territoriales. Les normes ont tendance à évoluer en permanence et, lorsqu’il s’agit de la sécurité ou de l’accessibilité, on peut comprendre que les collectivités se plient à cette évolution et réalisent les travaux d’aménagement exigés. Cet amendement vise à encadrer l’évolution des normes édictées par les fédérations sportives. Elles ont pour mission, selon l’article L. 131-16 du code du sport, de définir des règles propres aux compétitions sportives. Or, ces règles ont parfois des conséquences extrêmement lourdes, en termes de travaux ou d’aménagement. Cela va du revêtement du sol à la hauteur de plafond des salles, en passant par la dimension des terrains ou des équipements et la construction de tribunes.

Cela pose des problèmes lourds aux communes, sans qu’aucune règle de financement ne soit édictée. Ces travaux ne sont pas anticipés et ils pénalisent l’ensemble des plans pluriannuels d’investissement des communes et de leurs projets. En ces temps de rigueur budgétaire et de baisse des dotations, il me semble important d’encadrer cette évolution des normes. De fait, une fois que les normes sont édictées, les clubs sportifs se tournent vers les communes pour demander la mise aux normes de leurs équipements, de façon à pouvoir garder leur place dans le championnat et à faire jouer les jeunes de la commune – c’est en effet un objectif essentiel des communes que d’essayer d’occuper les jeunes. Aussi se trouvent-elles plongées dans un dilemme : faire les travaux ou fermer les équipements et ne pas permettre au club d’évoluer. Il faut encadrer cela et mettre les fédérations sportives devant leurs responsabilités.

L’amendement complète l’article L. 131-16 du code du sport. Il a été discuté en commission, où je l’avais retiré pour pouvoir l’améliorer en le précisant. Je propose que les fédérations précisent le montant des concours financiers qui peuvent être mobilisés en appui des collectivités territoriales pour réaliser les travaux induits par les changements de règles.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Savary, rapporteur thématique. Ce débat a en effet été ouvert en commission spéciale. Nous vous avions dit, monsieur Vercamer, que votre question était intéressante, mais que votre amendement ne constituait pas une réponse adéquate. Suite à sa modification, la commission pourrait émettre aujourd’hui un avis favorable. De fait, en période de difficultés budgétaires, il est particulièrement dur que ce soient des intervenants extérieurs qui dictent des normes et qui, in fine, disposent du budget des collectivités publiques, sans qu’elles prendre elles-mêmes l’entière mesure de l’effort financier demandé. Avis favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Nous avons bien eu ce débat en commission spéciale, et il y avait recueilli toute ma sympathie. Même si j’ai le sentiment que cela ne vous convaincra pas, monsieur Vercamer, nous faisons d’abord l’exégèse de ce qui existe déjà. L’exercice est d’ailleurs productif puisque, tout à l’heure, nous avons appris à votre collègue Tourret l’existence d’une commission. Recherches faites donc, j’ai découvert, je vous l’avoue, qu’il existe une commission, la CERFRES (Sourires), commission d’évaluation des règlements fédéraux relatifs aux équipements sportifs, prévue par l’article R. 142-7 du code du sport. C’est une commission nationale composée à un tiers d’élus locaux et présidée par un élu qui se prononce sur l’impact sur les collectivités territoriales, à partir d’une étude d’impact présentée par la fédération.

M. François Brottes, président de la commission spéciale. On veut connaître son nom !

M. François Fillon. C’est M. Vercamer !

M. Emmanuel Macron, ministre. Je vous recommanderai, monsieur le député, de vous assurer qu’il ne s’agit pas d’un élu UDI (Sourires) avant de procéder au scrutin public, car vous risquez des règlements familiaux ! Il y a donc une commission qui veille aux problèmes que vous évoquez. Je suis cependant sensible au fait que, dans cette situation, les prescripteurs ne sont pas les payeurs. Il ne faudrait pas qu’aller dans votre sens vienne bloquer des projets qui sont parfois importants, même si, pour être honnête, il ne me semble pas que la rédaction de votre amendement conduise à les bloquer. Le Gouvernement ne voudrait pas, en effet, que de grands projets soient bloqués par défaut des concours financiers. Dans beaucoup de situations, les fédérations internationales imposent aux fédérations nationales des modifications d’équipement, et ces dernières se retournent vers les élus pour faire pression. On me souffle de suggérer le retrait et de donner un avis défavorable si l’amendement n’était pas retiré. Si j’étais discipliné, c’est ce que je ferais, mais je vous donnerai un avis de sagesse, à la lumière des éléments donnés.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur thématique.

M. Gilles Savary, rapporteur thématique. Je maintiens l’avis favorable de la commission. Je ne connaissais pas la CERFRES, mais visiblement elle n’évite pas une certaine incontinence de la part des fédérations sportives (Sourires), en conséquence de quoi je pense que votre rédaction, qui est prudente en demandant simplement de préciser les financements proposés, peut avoir un effet dissuasif, en empêchant de trop réclamer aux collectivités locales. J’ai personnellement vécu les négociations entre la ville de Bordeaux et la fédération française de football à plusieurs reprises. C’est sans le moindre ménagement que les finances publiques ont été sollicitées, de façon extrêmement comminatoire et très désagréable, avec une mise en concurrence avec d’autres villes. Il faut mettre un bémol à ce type de comportement, surtout quand on demande des efforts de la part des collectivités locales.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission spéciale.

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Je voudrais simplement rebondir sur les propos du ministre qui nous disait que c’était « une commission qui veille », peut-être est-ce en réalité une commission en veille ? (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. Pascal Cherki.

M. Pascal Cherki. Il y a deux sujets, et l’amendement pose une vraie question. Le premier sujet, c’est celui de l’organisation des grandes compétitions internationales. Pour avoir été adjoint au sport de la ville de Paris, j’ai bien vu comment les fédérations imposaient leur cahier des charges. Elles socialisent les profits pour elles – tout ce qui relève des droits télé, du sponsoring ou de l’hospitalité –, disent aux fédérations nationales qu’elles n’ont qu’à se débrouiller pour tout ce qui est à financer, puis se tournent vers les collectivités locales et l’État, auprès desquels elles font du chantage, en mettant en avant le rayonnement du sport français. Cela a conduit le Gouvernement à céder à la pression de l’UEFA et à exonérer fiscalement ces grandes compétitions. Il semble vouloir se saisir enfin du problème et propose un travail en amont. C’est une bonne chose, mais cela ne concerne que les grands événements sportifs.

Le second problème, c’est celui des normes créées par les fédérations, car elles ont des conséquences sur la construction d’équipements publics sportifs. Pour que les équipements puissent être homologués pour des compétitions qui ne sont pas forcément de niveau international, on met parfois les collectivités dans des situations délicates. L’amendement UDI a le mérite d’ouvrir le débat. Surtout, monsieur le ministre, l’État doit reprendre la main. On ne peut pas laisser les collectivités locales dans un tête à tête parfois difficile avec les fédérations. Celles qui auront les moyens de résister pourront le supporter, mais l’État doit mettre de l’ordre dans ce paysage normatif, de sorte que l’on puisse évaluer l’impact budgétaire sur les finances des collectivités locales des nouvelles normes produites par les fédérations, à quelque niveau que ce soit. Viendra un moment où les collectivités locales diront « stop », car elles ne pourront plus rien faire.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Les précisions apportées par M. Cherki sont extrêmement importantes. Il y a en effet d’une part le débat relatif aux grandes rencontres internationales et d’autre part celui concernant la pratique sportive dans nos territoires pour le sport de masse. Les fédérations concernées sont les fédérations déléguées et les fédérations affinitaires dont la seule volonté est de faire en sorte que l’offre de la pratique sportive soit assurée sur l’ensemble du territoire. À ce sujet, je voudrais rappeler qu’un point important engage nécessairement le Gouvernement : les fédérations de pleine compétence sur un sport sont délégataires de l’État. Lorsqu’un gymnase construit pour accueillir tel ou tel sport collectif s’avère ne plus être conforme à la nouvelle réglementation des fédérations, non seulement cela empêche les équipes de nos communes de pratiquer la compétition, mais cela engage aussi des problèmes de responsabilité, puisque les assurances obligent les collectivités à augmenter leur niveau de responsabilité.

Il ne faut pas que l’État oublie qu’il a confié une délégation de compétence aux fédérations qui s’appellent précisément « déléguées » et que celles-ci ont un rythme d’exigences très difficile à suivre. On peut admettre qu’à un moment donné, au nom de la compétence qu’il a déléguée aux fédérations, l’État se réserve la possibilité d’apprécier les conditions dans lesquelles elle est mise en œuvre.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n2334.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants36
Nombre de suffrages exprimés36
Majorité absolue19
Pour l’adoption34
contre2

(L’amendement n2334 est adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Annick Lepetit, pour soutenir l’amendement n2481.

Mme Annick Lepetit. Cet amendement propose d’ouvrir la possibilité pour une collectivité de déléguer son droit de préemption urbain à une société d’économie mixte agréée, à un organisme HLM ou même à une structure associative agréée, qui pourront ainsi réaliser des opérations de logement en tant que maître d’ouvrage. Il n’y a pas forcément d’office public de l’habitat sur tout le territoire, et il peut parfois être utile de recourir à d’autres types d’opérateurs. Ces délégations seraient certainement moins coûteuses pour les finances de la collectivité. Il s’agirait bien sûr de logements destinés aux personnes modestes.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Savary, rapporteur thématique. Avis favorable, non sans quelques hésitations, parce qu’à force de déléguer des prérogatives de la puissance publique, on pourrait très vite arriver à des dérégulations importantes et à une absence de cohérence des politiques de l’habitat. Mais il est vrai que de telles délégations existent déjà, par exemple au profit d’établissements publics fonciers ou d’établissements publics d’aménagement, et peuvent permettre d’accélérer des programmes en déchargeant les collectivités territoriales de frais de trésorerie immédiats.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Avis très favorable. Il ne s’agit pas de tomber dans les travers évoqués à l’instant par M. le rapporteur thématique, mais il y a en effet des acteurs et des opérateurs de la chaîne immobilière qui n’ont aujourd’hui pas la possibilité de se voir déléguer le droit de préemption urbain. Cet amendement accroît la capacité à préempter. Nous avons évoqué à plusieurs reprises l’importance du droit de préemption dans certaines zones. J’ajoute que c’est plutôt bon pour les finances publiques locales.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission spéciale.

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Je précise que l’amendement prévoit un encadrement, puisque la délégation ne pourrait s’effectuer que dans le cadre des objectifs fixés notamment par le programme local de l’habitat (PLH). La décision politique doit rester au politique. Développer un outil technique pour atteindre l’objectif politique fixé ne conduit pas à une acception trop large du droit de préemption.

Mme Annick Lepetit. Of course !

Mme Audrey Linkenheld. C’est pourquoi on est pour !

(L’amendement n2481 est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Dumont, pour soutenir l’amendement n465 rectifié.

M. Jean-Louis Dumont. La loi ALUR a institué un fonds de travaux, financé par une cotisation annuelle obligatoire d’un montant de 5 % du budget prévisionnel de la copropriété. Cet amendement propose d’exonérer du versement de cette cotisation les organismes HLM, à la condition qu’ils aient souscrit une garantie. Compte tenu des garanties de solvabilité qu’ils présentent, ils ont en effet la capacité de faire face aux travaux votés en assemblée générale.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Savary, rapporteur thématique. Avis défavorable, l’expérience montrant que les situations à cet égard varient sur l’ensemble du territoire, y compris au sein des organismes HLM.

M. Jean-Louis Dumont. Ah ! Chacun a sa culture ! (Sourires.)

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Avis défavorable également. Le fonds de travaux ouvert au nom du syndicat des copropriétaires pourrait produire des intérêts qui bénéficieraient aux organismes HLM copropriétaires lors même qu’ils n’auraient pas participé à l’effort pour abonder le fonds.

M. Jean-Louis Dumont. Subtil.

M. Emmanuel Macron, ministre. Par ailleurs, la contribution au fonds de chaque copropriétaire reste la propriété du syndicat lorsque le copropriétaire vend son lot, ce qui n’est pas compatible avec la dispense de cotisation d’un copropriétaire. L’amendement introduirait donc deux effets pervers, ce qui ne me semble pas votre objectif, monsieur le député. Je vous invite donc à le retirer. À défaut, l’avis serait défavorable.

M. le président. Monsieur Dumont ?…

M. Jean-Louis Dumont. Je retire cet amendement. Nous allons réétudier la question.

(L’amendement n465 rectifié est retiré.)

M. le président. La parole est à M. Gilles Lurton, pour soutenir l’amendement n346 rectifié.

M. Gilles Lurton. Lorsqu’une copropriété est créée, le vendeur désigne un syndic provisoire, dont la nomination doit être ratifiée lors de la première assemblée générale. Or la loi ALUR impose désormais au conseil syndical de procéder à une mise en concurrence du contrat de syndic dès la première assemblée générale, ce qui s’avère impossible puisqu’elle n’a pas encore élu le conseil syndical. Cet amendement vise donc à corriger cette disposition. Celui que va défendre le rapporteur thématique ne corrige à mon avis que partiellement le problème.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Savary, rapporteur thématique. Défavorable. La commission ne tient pas à fragiliser un principe posé par la loi ALUR.

Mme Audrey Linkenheld. Très bien !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Même avis. Je précise qu’au moment de la mise en copropriété d’un immeuble, la désignation d’un syndic provisoire doit intervenir rapidement, et les copropriétaires ne disposeraient pas de suffisamment de temps pour organiser une mise en concurrence préalable. Votre amendement me paraît à cet égard contradictoire avec son exposé sommaire. Il convient de conserver le dispositif en place, qui prévoit que le conseil syndical ou des copropriétaires organise une mise en concurrence après la désignation du syndic provisoire, et que la première assemblée générale se prononce sur son maintien. Il s’agit en quelque sorte d’un dispositif d’urgence, qui permet de pallier rapidement un changement. À la lecture de l’exposé sommaire, je vous suggère de retirer votre amendement, monsieur le député.

M. le président. La parole est à M. Gilles Lurton.

M. Gilles Lurton. Monsieur le ministre, le conseil syndical n’est élu que lors de la première assemblée générale. Il ne peut donc pas organiser la mise en concurrence avant.

M. Emmanuel Macron, ministre. C’est bien pourquoi il y a un syndic provisoire, l’assemblée générale se prononçant après sur son maintien ou non.

M. le président. La parole est à M. Daniel Goldberg.

M. Daniel Goldberg. Il a été décidé lors de l’examen de la loi ALUR de protéger les copropriétaires dès la mise en place de la copropriété en leur permettant de nommer un syndic provisoire en attendant que celle-ci trouve sa vitesse de croisière. Il arrivait parfois auparavant, sans doute du fait de personnes peu scrupuleuses – mais très minoritaires –, que la mise en concurrence pour la désignation du premier syndic soit incomplète. L’article 17 de la loi de 1965 sur les copropriétés, tel qu’il a été modifié par la loi ALUR, prévoit dorénavant une obligation de mise en concurrence dès le stade du syndic provisoire. Dans mon souvenir, cette mise en concurrence préalable de plusieurs contrats de syndic est effectuée par le conseil syndical, s’il en existe un, ou par les copropriétaires eux-mêmes. En l’absence de conseil syndical, ce sont donc les copropriétaires eux-mêmes qui l’organisent.

(L’amendement n346 rectifié n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Gilles Savary, rapporteur thématique, pour soutenir l’amendement n2296.

M. Gilles Savary, rapporteur thématique. Il est de nature un peu différente de l’amendement de M. Lurton, et vise à simplifier les règles de mise en concurrence des contrats de syndic en ne rendant cette mise en concurrence obligatoire qu’après deux désignations consécutives du même syndic.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Favorable.

M. le président. La parole est à M. Daniel Goldberg.

M. Daniel Goldberg. Je note l’excellente qualité de l’amendement présenté par M. le rapporteur thématique. Il est en effet de nature différente du précédent. Dans un souci de bonne gestion des copropriétés et à la demande de nombre de représentants des copropriétaires, la loi ALUR a prévu une mise en concurrence à chaque renouvellement. Une bonne partie des contrats de syndic étant annuels, il faut alors réunir tous les ans des propositions de syndic pour les soumettre à l’assemblée générale. Même lorsque tout se passe bien, c’est une procédure relativement lourde pour les conseils syndicaux. C’est pourquoi notre collègue Gilles Savary propose que le principe de la mise en concurrence annuelle soit sauvegardé, mais en ouvrant la possibilité à la copropriété d’y déroger par deux désignations consécutives du même syndic. Je pense que c’est un bon équilibre entre une bonne gestion de la copropriété et une concurrence saine entre les différents professionnels. Il ne faut pas que le syndic soit en campagne permanente pour son renouvellement, au risque de nuire à une bonne gestion.

(L’amendement n2296 est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Gilles Lurton, pour soutenir l’amendement n347 rectifié.

M. Gilles Lurton. Il est défendu.

(L’amendement n347 rectifié, repoussé par la commission et par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour soutenir l’amendement n343.

Mme Véronique Louwagie. Il est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Savary, rapporteur. Défavorable, parce que nous ne voudrions pas qu’il y ait des abus en matière d’amende.

(L’amendement n343, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Gilles Lurton, pour soutenir l’amendement n342.

M. Gilles Lurton. Défendu, monsieur le président.

(L’amendement n342, repoussé par la commission et par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. L’amendement n458 est-il défendu, monsieur Dumont ?

M. Jean-Louis Dumont. Oui, monsieur le président. Il vise à corriger un oubli dans la loi ALUR.

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Un oubli ? Impossible ! (Sourires.)

(L’amendement n458, accepté par la commission et par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l’amendement n2472.

M. André Chassaigne. Je le défendrai à un débit extrêmement rapide, car il ne me reste que trente-neuf minutes pour aller jusqu’à la fin du débat : l’amendement vise à abroger un statut dérogatoire au droit commun, celui de résident temporaire, statut absolument indigne puisqu’il offre la possibilité d’expulser l’occupant pendant la trêve hivernale et porte obligation de surveiller les locaux vacants tout en exigeant le paiement d’un loyer sous forme de redevance. Cette disposition législative devait être abrogée le 31 décembre 2013, ce qui n’a pas été le cas. Je demande donc qu’elle le soit aujourd’hui.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Savary, rapporteur thématique. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Vous êtes encore plus impressionnant en accéléré, monsieur le député. (Rires.) Le dispositif introduit par l’article 101 de la loi du 25 mars 2009 a tout de même une portée limitée, puisqu’il a vocation à s’appliquer à titre expérimental et ne constitue pas un dispositif pérenne d’occupation de locaux autres que ceux destinés à l’habitation. Je rappelle qu’il repose sur un mécanisme d’agrément de l’opérateur, qui permet d’apprécier sa capacité à organiser au mieux l’occupation des bâtiments et locaux en question. Dès lors, ce dispositif offre une solution de logement temporaire complémentaire, encadrée et provisoire. Par conséquent, il me semble important de le maintenir, et l’avis est défavorable.

M. André Chassaigne. Je maintiens l’amendement !

M. le président. Je vous ai bien entendu, monsieur Chassaigne.

(L’amendement n2472 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour soutenir l’amendement n671 rectifié.

Mme Véronique Louwagie. La loi du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, dite loi ALUR, devait permettre d’améliorer la situation du logement en France. Force est de constater que cette loi a eu un effet contre-productif : elle a découragé les propriétaires comme les investisseurs, et le secteur du logement et de la construction connaît une crise sans précédent.

L’une des principales causes de la situation a probablement été le dispositif d’encadrement des loyers, qui avait été promis par le candidat Hollande pendant la campagne présidentielle de 2012. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

Je veux rappeler le vote unanime des parlementaires de la majorité sur cette question, mais aussi l’intervention du Premier ministre, Manuel Valls,… (Mêmes mouvements.)

M. le président. Nous écoutons Mme Louwagie, chers collègues : elle seule a la parole.

Mme Véronique Louwagie. Merci de votre intervention, monsieur le président.

Je reprends : le Premier ministre, Manuel Valls, a annoncé en août dernier que le Gouvernement n’appliquerait pas cette mesure. (Nouvelles exclamations.)

Mme Audrey Linkenheld. Il n’a jamais dit cela. Si vous le citez, citez-le correctement !

Mme Véronique Louwagie. Comme nous n’avons cessé de le répéter au cours du débat parlementaire, le dispositif d’encadrement des loyers, notamment la création d’observatoires de loyers et l’établissement de loyers de référence minorés et majorés, se révèle inapplicable. Il vous est donc proposé de le supprimer. Tel est l’objet du présent amendement – qui suscite de toute évidence beaucoup d’émoi !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Savary, rapporteur thématique. Il s’agit d’un débat polémique et anachronique.

Mme Véronique Louwagie. C’est le Premier ministre qui l’a relancé !

M. Gilles Savary, rapporteur thématique. Les choses sont en effet consommées : vous savez bien, chère collègue, que le dispositif d’encadrement des loyers sera mis en place de façon ponctuelle, afin de pouvoir en évaluer les résultats. D’autre part, j’ai lu fréquemment que ce dispositif avait contrarié la construction de logements, mais comme il n’a pas encore été mis en place, l’argument tombe de lui-même.

Mme Barbara Pompili. Tout à fait !

M. François Fillon. Avant de construire, on réfléchit à ce qui va se passer après !

M. Gilles Savary, rapporteur thématique. Avis défavorable, donc.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. L’objectif de développer la construction est partagé par le Gouvernement ; c’est en tout cas le sens de ce projet de loi. Je ne reviendrai pas sur les arguments déjà avancés par le rapporteur ; mais ce que le Premier ministre a dit, madame la députée, c’est qu’il fallait d’abord une expérimentation du dispositif à Paris et dans les communes qui le demanderaient. Lille a d’ores et déjà fait cette demande…

Mme Audrey Linkenheld. En effet.

M. Emmanuel Macron, ministre. …et est en discussion avec le ministère du logement pour être dotée d’un observatoire. Votre amendement risque de créer de l’instabilité.

D’autre part, je ne pense pas que ce dispositif soit la cause des problèmes actuellement rencontrés sur le marché du logement. Des causes, il y en plusieurs : la complexité, la longueur des projets ; bref, tout ce dont nous discuterons à l’article 28 me paraît autrement plus important. Il me paraît plus utile de libérer le foncier là où c’est possible, d’accélérer les projets de construction dans ces zones et de stabiliser les dispositifs en place.

Avis défavorable, donc.

M. le président. La parole est à Mme Michèle Bonneton.

Mme Michèle Bonneton. L’encadrement des loyers a pour objectif de limiter les loyers exagérés. Étant députée du département de l’Isère, je suis fière et heureuse que la ville de Grenoble souhaite mettre ce dispositif en place ! (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.)

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Pub !

M. Luc Belot. Grenoble, c’était déjà très bien avant !

M. le président. La parole est à M. Daniel Goldberg.

M. Daniel Goldberg. Je m’étonne toujours que lorsqu’on aborde la question de l’encadrement des loyers, on ne rappelle jamais qu’un dispositif est déjà en place depuis juillet 2012. Personne n’en parle !

Mme Véronique Louwagie. J’ai un temps de parole limité !

M. Daniel Goldberg. Il s’agit du décret relatif à l’encadrement des loyers à la relocation, qui tend à limiter la hausse des loyers entre deux locataires successifs dans les zones tendues.

Mme Audrey Linkenheld. Et ça marche !

M. Daniel Goldberg. Si le dispositif adopté dans le cadre de la loi « ALUR » était à ce point critiquable, il faudrait aussi demander à mettre fin à l’encadrement des loyers à la relocation !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Très bien !

M. Daniel Goldberg. Or ce dispositif, en place depuis juillet 2012, est reconduit chaque année par décret. Ce que fait la loi ALUR, c’est obliger l’État à prendre ce décret tant qu’il existe un déséquilibre entre l’offre et la demande – ce qui, dans certaines zones, comme les régions Île-de-France ou Provence-Alpes-Côte-d’Azur, durera sans doute plusieurs années.

S’agissant du dispositif que vous évoquez, qui prévoit un encadrement des loyers via la création d’observatoires, ce qui est terrible, c’est que tout le monde s’accorde à dire que l’on a besoin d’étudier la réalité du marché du logement. Le rapport du CIMAP – dont nous discutions tout à l’heure – le souligne, et la Fondation Abbé Pierre l’a dit aussi cette semaine : on manque de données sur le logement. Proposer de renoncer au dispositif d’observation des loyers nuirait à cet objectif.

Deuxième point : quand et comment sera mis en œuvre le dispositif d’encadrement ? À Paris, il le sera d’ici quelques semaines – je crois savoir que le décret est en cours de publication. Ce sera donc effectif dès 2015. Et comme la loi a été très bien écrite, elle prévoit que le dispositif ne s’applique pas que dans une ville, mais sur l’ensemble du territoire d’une métropole. Pour ma part, je souhaiterais que l’Observatoire des loyers de l’agglomération parisienne, l’OLAP, puisse mettre en œuvre l’encadrement des loyers sur l’ensemble de la zone d’ici un an.

S’agissant des autres communes, le texte de loi est assez clair. Je demande donc que soit appliquée la loi qui a été votée majoritairement dans cet hémicycle, et qui est désormais la loi de la République – à savoir, que l’on mette en place les observatoires pour étudier la réalité du marché, et qu’à la suite de ces observations, on puisse, avec pragmatisme, dans les zones où cela serait nécessaire et en liaison avec les collectivités territoriales, encadrer les loyers. Je pense tout particulièrement aux grandes métropoles de notre pays, car si les situations à Paris, Nice, Marseille, Toulouse, Bordeaux ou Nantes comportent des différences, il me semble qu’il y a des cas où le montant des loyers ne doit pas être régulé par la seule loi de l’offre et de la demande.

Mais pour ce faire, puisque les dernières élections municipales vous ont donné, à vous, opposition nationale, la majorité dans un certain nombre de grandes métropoles, il faudrait que vous mettiez préalablement en place les observatoires : cela permettrait d’avoir une vision précise de ce que sont les distorsions sur le marché du logement.

M. Jean-Luc Laurent. Excellent !

M. Pascal Cherki. Très bien !

(L’amendement n671 rectifié n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Vitel, pour soutenir l’amendement n459.

M. Philippe Vitel. Les consommateurs maîtres d’ouvrage rencontrent souvent d’énormes difficultés en cas de sinistre pour identifier l’assureur de l’entrepreneur ayant participé à la construction. Par cet amendement, nous proposons la création d’un organisme qui serait chargé de centraliser l’intégralité des contrats d’assurance garantissant la responsabilité civile décennale.

Mme Annick Lepetit. Rien que ça !

M. Philippe Vitel. Comme nous savons que ce sera difficile, nous demandons dans un premier temps au Gouvernement de remettre au Parlement un rapport sur le sujet avant le 1er janvier 2016.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Savary, rapporteur thématique. Ce qui nous gêne n’est pas tant le rapport de plus que le fait que nous pensons que les dispositions introduites par la loi Pinel du 18 juin 2014 dans la loi du 5 juillet 1996, qui imposent à tout constructeur d’indiquer sur ses devis les informations relatives à l’assurance de garantie décennale qu’il a souscrite, constituent déjà une avancée très importante, en permettant à chaque client de vérifier immédiatement l’existence de cette assurance. Nous doutons de l’intérêt d’un organisme centralisé dont on se demande s’il ne faudra pas instituer une nouvelle taxe pour le financer.

Avis défavorable, donc.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Vous avez eu la même inspiration que le président Brottes : nous avons déjà eu ce débat en commission spéciale, où je me suis fait battre piteusement ! (Sourires.) Cet amendement du président Brottes, qui viendra en discussion après l’article 25 sexies, me paraît satisfaire en partie le vôtre.

Nous sommes tous d’accord s’agissant du besoin d’informations relatives aux contrats d’assurance garantissant la responsabilité civile décennale. Le problème avec votre amendement, monsieur Vitel, c’est non seulement qu’il demande la rédaction d’un nouveau rapport, mais qu’il conduirait à créer un organisme chargé de centraliser l’intégralité des contrats. Il me semble qu’un tel dispositif serait trop bureaucratique, sans doute coûteux et pas forcément utile.

M. Christophe Caresche. Ce serait un « machin » de plus !

M. Emmanuel Macron, ministre. En effet, il existe d’ores et déjà des dispositions législatives et réglementaires qui permettent d’assurer l’effectivité de l’article L. 124-3 du code des assurances. Pour ne citer que cet exemple, l’article 22-2 de la loi dite Pinel du 18 juin 2014 relative à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises prévoit l’obligation de mentionner dans chaque devis et chaque facture les références de l’assurance professionnelle obligatoirement souscrite pour la ou les activités exercées, ainsi que les coordonnées de l’assureur. On a même accordé la possibilité de demander le contrat d’assurance, dans sa totalité – même si, personnellement, j’étais sceptique car je trouvais cela un peu lourd.

Je vous invite donc à retirer votre amendement, même si j’en partage les objectifs : d’une part, il me semble que votre demande est satisfaite, et d’autre part, demander un rapport pour créer un organisme centralisateur ne me semble pas tout à fait conforme à votre philosophie. Voyez : je vous prends par les sentiments ! (Sourires.)

À défaut, j’y émettrais un avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Philippe Vitel.

M. Philippe Vitel. J’ai bien entendu vos explications ; nous savons qu’il existe déjà des dispositifs, mais si ceux-ci étaient aussi efficaces que vous le dites, certains de nos compatriotes ne viendraient pas nous solliciter pour aller plus loin, parce qu’ils se retrouvent dans des situations inextricables et très douloureuses. Je maintiens par conséquent mon amendement.

(L’amendement n459 n’est pas adopté.)

Articles 25 bis à 25 quater

(Les articles 25 bis, 25 ter et 25 quater sont successivement adoptés.)

Après l’article 25 quater

M. le président. La parole est à M. Philippe Vitel, pour soutenir l’amendement n1380.

M. Philippe Vitel. Il s’agit d’un débat très intéressant, que nous avons déjà eu en commission spéciale, au sujet de ce que nous pensons, comme vous, être très positif : la mise en place dans notre pays d’un plan de développement de la construction de logements intermédiaires.

Il serait bon que ces logements puissent être comptabilisés dans le cadre des quotas de logements sociaux imposés par la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbain, dite loi SRU. C’est pourquoi nous demandons que chaque nouveau logement intermédiaire construit compte pour un demi-logement dans le cadre des obligations imposées par la loi SRU. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean-Luc Laurent. Bah voyons !

Mme Audrey Linkenheld. Pourquoi rater une aussi belle occasion ?

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Savary, rapporteur thématique. Avis très défavorable, eu égard aux besoins considérables de notre pays en matière de logements sociaux – au sens classique du terme.

Mme Audrey Linkenheld. Très bien !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. C’est la poursuite de la discussion que nous avons depuis ce matin. Le logement intermédiaire n’est pas l’ennemi du logement social ! C’est pourquoi, je le rappelle, il a été décidé de réviser le zonage relatif au logement intermédiaire, tout en maintenant les objectifs en matière de construction de logement social. L’idée est de « booster » le dispositif. L’État et la Caisse des dépôts et consignations vont investir, mais cela ne doit pas venir en déduction des obligations en matière de construction de logement social. Cela ne serait pas dans l’esprit de ce que nous proposons depuis ce matin. Quand tout ira mieux, peut-être y arrivera-t-on, mais pour le moment, je ne puis qu’émettre un avis défavorable à votre amendement : il ne correspond pas à la philosophie du texte.

Mme Monique Rabin. C’est certain : ce n’est pas la même philosophie !

M. le président. La parole est à M. Philippe Vitel.

M. Philippe Vitel. Le territoire français n’est pas uniforme. Dans certaines régions, il est quasi-impossible, vu le prix du foncier, de construire des logements sociaux au sens où vous l’entendez – c’est-à-dire dans l’acception très socialiste du terme.

Mme Monique Rabin. Ben voyons, il n’y a pas de budget !

M. Jean-Luc Laurent. Un peu de volontarisme, que diable !

M. Philippe Vitel. Or nous avons besoin de développer la construction de logements intermédiaires, ne serait-ce que pour y loger les actifs : c’est aujourd’hui un frein au développement économique. Or je croyais que votre projet de loi visait précisément à lever les freins au développement économique !

M. le président. La parole est à Mme Audrey Linkenheld.

Mme Audrey Linkenheld. Je voudrais dire à notre collègue que notre territoire est tellement divers qu’il existe des communes et des intercommunalités où les habitants ont des revenus tels qu’ils ne peuvent pas accéder au logement libre, ni même au logement intermédiaire : sans logement social, ils ne savent pas où dormir, si ce n’est dans la rue ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SRC, GDR et écologiste.)

(L’amendement n1380 n’est pas adopté.)

Article 25 quinquies

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l’amendement n2467.

M. André Chassaigne. Il est défendu.

(L’amendement n2467, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

(L’article 25 quinquies est adopté.)

Article 25 sexies

M. le président. La parole est à M. Pascal Cherki, pour soutenir l’amendement n2112.

M. Pascal Cherki. Je voudrais tout d’abord rendre hommage à ma collègue Audrey Linkenheld dont je sais que le travail acharné a permis de faire avancer cette belle notion de bail réel solidaire, mais j’eusse espéré que la nuit portât conseil, car j’ai le regret de constater encore une fois, monsieur le ministre, que l’on recourt abusivement à la procédure de l’article 38.

Franchement, mes chers collègues ! Là, vous avez quand même sorti l’artillerie lourde, pour contingenter les débats parlementaires. Nous avons droit à la procédure d’urgence : une seule lecture par chambre. Or tous les débats que nous avons, tous les débats que vous avez commencé à avoir dans le cadre de la commission spéciale à laquelle je n’ai pas eu l’honneur de participer, malgré ma demande, ont montré qu’un certain nombre de choses avaient pu avancer, évoluer un peu à la marge, mais les petits pas en avant sont toujours des petits pas. Avec une seconde lecture, nous aurions donc pu, vous l’imaginez bien, acter un certain nombre d’évolutions de nos collègues sénateurs ou encore faire de nouveaux petits pas dans une direction dont on verrait à la fin si elle est certaine ou incertaine. Voilà pour la procédure d’urgence.

Vous avez également choisi de recourir au temps programmé, procédure tout de même assez dérogatoire, alors que le texte comporte plus de 100 articles !

M. Luc Belot. Cela ne vous empêche pas de prendre la parole ! (Sourires)

M. Pascal Cherki. Oui, je la prends : je défends les prérogatives des parlementaires. Plus de 100 articles, et nous avons recours au temps programmé !

Et comme cela ne suffit pas, on dégaine maintenant l’article 38, c’est-à-dire une procédure qui empêche, dans les faits, les parlementaires de débattre.

Hier, le ministre nous a dit : « Je ne demande pas de chèque en blanc. » Bien sûr que si : M. le ministre nous demande un chèque, parce que c’est cela l’article 38 ! Il remplit le montant avant de débiter le chèque sur notre compte, puisque nous l’habilitons à rédiger la loi par voie d’ordonnances, et que lorsque nous en serons saisis, ce sera à prendre ou à laisser. J’ai moins l’habitude que vous de rédiger de gros chèques, monsieur le ministre, mais j’espère tout de même que ce sera à mettre à notre crédit, et pas à notre débit.

Mme Barbara Pompili. Très bien !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Savary, rapporteur thématique. Avis défavorable, monsieur le président.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Comme vous, monsieur le député, j’ai trouvé que l’idée soumise par Mme Linkenheld en commission spéciale était une très bonne idée. Simplement, une bonne idée, cela ne s’improvise pas. Il y avait donc deux possibilités : soit elle était renvoyée à un texte ultérieur, qui n’est pas prévu, soit, comme le proposait Mme Linkenheld, le Gouvernement demandait à être habilité à prendre des ordonnances – puisqu’un député ne peut proposer d’habiliter le Gouvernement – pour affûter les détails techniques, en lien, bien entendu, avec Mme Linkenheld – puisque c’est son idée et que nous la partageons.

Vous avez le mérite de la constance, puisque vous rappelez systématiquement votre hostilité à la procédure des ordonnances ; mais je vous répondrai qu’il s’agit simplement ici de pragmatisme. Celui-ci ne saurait être l’ennemi de la constance. Soit la belle idée de Mme Linkenheld était renvoyée à plus tard, soit nous l’intégrions à ce texte pour pouvoir y travailler. C’est tout.

Vous le voyez, on peut avoir un débat démocratique sans faire preuve d’une agressivité inutile ou se livrer à des attaques personnelles qui sont à mon avis hors de propos. Je n’ajouterai rien d’autre, mais je suggère, monsieur le député, que notre discussion se poursuive plutôt sur ce ton que sur celui que vous venez d’employer. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Pascal Cherki.

M. Pascal Cherki. Ne prenez pas pour vous ma dernière remarque, monsieur le ministre. Je compare simplement ce que donne un député au titre de la réserve parlementaire aux moyens que le Gouvernement déploie dans le cadre du budget. C’est pour cela que je parlais des petits et des gros chèques. Je ne vous visais bien sûr pas personnellement.

(L’amendement n2112 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Gilles Savary, pour soutenir l’amendement n1898.

M. Gilles Savary, rapporteur thématique. Il est rédactionnel.

(L’amendement n1898, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour soutenir l’amendement n1689.

Mme Véronique Louwagie. Il est défendu, monsieur le président.

(L’amendement n1689, repoussé par la commission et par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Gilles Savary, pour soutenir l’amendement n1899.

M. Gilles Savary, rapporteur thématique. Amendement rédactionnel, monsieur le président.

(L’amendement n1899, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

(L’article 25 sexies, amendé, est adopté.)

Après l’article 25 sexies

M. le président. Je suis saisi de plusieurs amendements portant article additionnel après l’article 25 sexies.

Les amendements nos 460 rectifié et 1500 rectifié sont identiques.

La parole est à M. Philippe Vitel, pour soutenir l’amendement n460 rectifié.

M. Philippe Vitel. Il est défendu, monsieur le président.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission spéciale, pour soutenir l’amendement n1500 rectifié.

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Nous avons évoqué ce sujet en commission spéciale. J’avais indiqué que j’avais mené une réflexion pour essayer de faire baisser le coût des assurances dans le domaine du logement et du bâtiment, où les montants sont considérables. Il ressort de la consultation que j’ai menée auprès de tous que tout le monde trouve le système très satisfaisant, parce que tout le monde se protège de cette manière-là. Dont acte.

Cependant, le manque de transparence sur la manière dont les maîtres d’ouvrage sont véritablement protégés nous a quand même conduits à réfléchir. En commission spéciale, monsieur le ministre, vous m’avez demandé de retirer mon amendement et dit que vous alliez me faire passer les textes réglementaires en discussion. Je les ai examinés, je les ai soumis à concertation, et il est apparu qu’il manquait quelques dispositions pour renforcer un peu la protection des maîtres d’ouvrage.

Tel est l’objet de cet amendement. Il ne s’agit pas seulement de dire que l’on est bien assuré : encore faut-il  avoir payé la prime pour être sûr que l’assurance est en vigueur. Ce n’est actuellement pas vérifié lorsqu’un maître d’ouvrage engage une construction. Mon amendement comporte d’autres éléments relatifs, notamment, à la standardisation des clauses, qui visent à ce que les contrats-types puissent être bien compris par l’ensemble des consommateurs. Ce sont là quelques dispositions parmi d’autres, que je n’énumère pas toutes, qui font de cet amendement une réponse à votre demande de retrait en commission, et un travail qui fait écho à celui que vous menez vous-même avec votre ministère.

(Les amendements identiques nos 460 rectifié et 1500 rectifié, acceptés par la commission et par le Gouvernement, sont adoptés.)

M. le président. La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour soutenir l’amendement n1694.

Mme Véronique Louwagie. Il est défendu, monsieur le président.

(L’amendement n1694, repoussé par la commission et par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 198 rectifié et 1900, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Frédéric Lefebvre, pour soutenir l’amendement n198 rectifié.

M. Frédéric Lefebvre. Il s’agit de revenir à l’équilibre auquel nous étions parvenus sur le régime fiscal des monuments historiques avec la réforme de 2009. On s’aperçoit que la loi de 2014, rendant impossible la division de certains immeubles, bloque un certain nombre d’opérations qui concernent notamment des casernes ou des hôpitaux désaffectés et ont pour objet la création de logements.

M. le président. La parole est à M. Gilles Savary, rapporteur thématique, pour soutenir l’amendement n1900.

M. Gilles Savary, rapporteur thématique. Je le retire, monsieur le président.

(L’amendement n1900 est retiré.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n198 rectifié ?

M. Gilles Savary, rapporteur thématique. Défavorable, eu égard à ses potentielles incidences budgétaires, monsieur le président. Plus précisément, c’est l’extension d’une niche fiscale qui ne nous semble pas opportune.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Défavorable, pour une simple raison budgétaire, comme je l’ai déjà dit en commission spéciale. Mais au-delà de son coût, cet amendement revient sur un accord trouvé par mon collègue chargé du budget il y a quelques semaines, en marge de l’examen du projet de loi de finances. Nous ne pouvons revenir dessus aujourd’hui.

(L’amendement n198 rectifié n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n2958 qui fait l’objet d’un sous-amendement n3212 du Gouvernement.

La parole est à M. Daniel Goldberg, pour soutenir l’amendement.

M. Daniel Goldberg. J’ai souhaité, par cet amendement, évoquer un dispositif de dissociation du foncier et du bâti, qui est en vigueur pour les primo-accédants et qui fait appel à la fois aux établissements publics fonciers et à certaines branches du mouvement du logement social. Cette dissociation du foncier et du bâti nécessite un montage complexe ; elle nécessite aussi que la décision de non-préemption puisse valoir pour une période plus longue que ne le permet le droit en vigueur. Aujourd’hui, cette durée de non-préemption est limitée à trois ans. Il serait beaucoup plus efficace qu’elle soit plus longue, voire illimitée, comme c’était le cas il y a quelques années encore. C’est donc l’objet de cet amendement.

M. le président. La parole est à M. le ministre, pour soutenir le sous-amendement n3212 et donner l’avis du Gouvernement sur l’amendement.

M. Emmanuel Macron, ministre. Le Gouvernement partage l’objectif visé par l’amendement de M. Goldberg. Il souhaite simplement en préciser la rédaction. Il s’agit d’abord de restreindre la portée du texte, en distinguant selon que l’opération visée présente un caractère social ou non et en excluant les baux emphytéotiques. Par ailleurs, en modifiant l’article L. 211-4 du code de l’urbanisme, l’amendement complexifie un peu le dispositif législatif relatif au droit de préemption urbain renforcé. Il est donc proposé de l’intégrer dans un autre article, qui exclut certaines transactions du champ de ce droit – question de pure légistique.

Sous réserve de l’acceptation de son sous-amendement, le Gouvernement est favorable à l’amendement de M. le député Goldberg.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Savary, rapporteur thématique. La commission est favorable au sous-amendement du Gouvernement et à l’amendement de M. Goldberg.

M. le président. La parole est à M. Daniel Goldberg.

M. Daniel Goldberg. Les précisions apportées par le sous-amendement et le déplacement des dispositions que je propose sont tout à fait justifiés. Je l’approuve donc pleinement.

(Le sous-amendement n3212 est adopté.)

(L’amendement n2958, sous-amendé, est adopté.)

Article 26

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l’amendement de suppression n2470.

M. André Chassaigne. La loi du 2 janvier 2014 visant à simplifier et sécuriser la vie des entreprises a autorisé le Gouvernement à prendre par voie d’ordonnance des mesures législatives d’expérimentation de l’autorisation unique en matière d’installations classées pour la protection de l’environnement – ICPE. Vous nous proposez désormais d’habiliter le Gouvernement à légiférer par ordonnance afin de permettre la généralisation sur l’ensemble du territoire du mécanisme de l’autorisation unique pour les projets d’ICPE non liés à la production d’énergie, puisque la question des éoliennes et de la méthanisation a été réglée dans le cadre de la loi pour la transition énergétique. Plus précisément, à compter de la publication de la présente loi, pourront bénéficier de cette procédure les projets soumis à l’autorisation prévue à l’article L. 512-1 du code de l’environnement et qui présentent un « intérêt majeur » pour l’activité économique, « compte tenu du caractère stratégique de l’opération concernée, de la valeur ajoutée qu’elle produit, de la création ou de la préservation d’emplois qu’elle permet ou du développement du territoire qu’elle rend possible ».

Cette formulation vague, pour « libérer l’activité », présente un inconvénient majeur : celui de permettre la couverture d’un large ensemble de projets d’installation, alors même que nous assistons par ailleurs à l’extension continue du régime d’enregistrement qui dispense d’enquête publique, d’étude d’impact et d’étude de danger un nombre croissant d’activités. Notre crainte est en somme que la généralisation de l’autorisation unique ne soit synonyme de régression et de recul des droits des citoyens, en termes de voies de recours.

En tout état de cause, nous estimons qu’il serait sage de renoncer à cette mesure, dans l’attente des propositions qui seront faites dans les prochains mois sur la participation et l’association des citoyens à l’élaboration des décisions publiques, notamment en matière d’environnement, comme cela a été annoncé par le Président de la République. Nous considérons pour les mêmes raisons que le recours aux ordonnances n’est pas l’outil le plus adapté pour conduire ce type de réforme.

Tel est le sens de notre amendement.

Une minute quarante-deux secondes pour présenter cet amendement ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. le président. Bravo, monsieur Chassaigne !

La parole est à M. Christophe Castaner, rapporteur thématique de la commission spéciale, pour donner l’avis de la commission.

M. Christophe Castaner, rapporteur thématique de la commission spéciale. Je ne serai pas plus long, mais je ne serai pas aussi rapide.

Nous avons actuellement des projets d’aménagement particulièrement importants, qui sont porteurs d’emplois et d’investissements pour notre territoire, et nous avons expérimenté ces procédures d’autorisation unique. Elles ont porté leurs fruits et démontré leur efficacité. Elles témoignent tout simplement de l’ambition et de la volonté de la majorité de progresser en matière de simplification et de modernisation du droit.

Généraliser à partir de l’expérimentation un mécanisme qui a fait ses preuves me semble donc aller dans le bon sens. C’est pourquoi la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Il est également défavorable, pour les raisons qui ont été exposées par le rapporteur thématique. Je précise néanmoins que nous généralisons l’expérimentation, et non le dispositif. On étend donc géographiquement l’expérimentation, mais dans le strict périmètre de l’expérimentation unique.

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Les règles de notre démocratie parlementaire m’empêchent d’argumenter ! (Sourires.)

M. Christophe Caresche. C’est de l’autocensure !

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer.

Mme Audrey Linkenheld. Je pense savoir de quelle entreprise il s’agit !

M. Francis Vercamer. Au sortir de la réunion, je me suis félicité de participer à l’examen de la loi Macron pour pouvoir voter l’article dont nous débattons !

M. Christophe Castaner, rapporteur thématique. Voire la loi ! (Sourires.)

Mme Audrey Linkenheld. Excellent !

M. Francis Vercamer. Compte tenu du temps nécessaire pour déplacer une réserve de cinq mètres sur le terrain en raison des procédures de plan local d’urbanisme – PLU, des enquêtes publiques et des études d’impact déjà réalisées dans le cadre du PLU, uniquement pour déplacer de cinq mètres une petite portion de voirie, je ne suis pas surpris que les investisseurs ne viennent plus en France ! L’actionnaire allemand propriétaire de l’entreprise de vente à distance se demande s’il investira encore en France !

M. Jean Lassalle. Bravo !

Mme Audrey Linkenheld. Il a raison !

(L’amendement n2470 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 1262 et 1263, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.

La parole est à M. Denis Baupin, pour les soutenir.

M. Denis Baupin. Je retirerai l’amendement n1262 au profit de l’amendement n1263. Je l’avais en effet déposé, puis retiré en commission compte tenu des arguments avancés par M. le ministre. L’amendement n1263 en est une version corrigée. De quoi s’agit-il ? Il s’agit de simplification, à laquelle nous sommes favorables, en particulier en matière de bons projets comme l’éolien. L’éolien exige aujourd’hui en France à peu près à huit ans de procédures, contre quatre dans le reste de l’Europe, en raison de la volonté d’en entraver le développement qui a prévalu pendant plusieurs années. Les lois Grenelle étaient censées faciliter la transition écologique, mais elles ont en fait servi à bloquer le développement des énergies renouvelables.

Le permis unique actuellement expérimenté dans un certain nombre de régions en matière d’énergie éolienne sera étendu à l’ensemble du territoire en vertu de la loi relative à la transition énergétique, ce qui est une bonne chose. Néanmoins, il comporte toujours six procédures à mener de front que décrit l’exposé des motifs de l’amendement. En vue de sa simplification, nous souhaitions passer de six procédures à une, mais on nous a expliqué que c’est impossible. Nous proposons donc de passer de six procédures à deux, la procédure relative aux installations classées pour la protection de l’environnement et le respect de la directive relative aux espèces protégées qui n’en fait pas partie. Tel est l’objet de notre amendement, dont je ne doute pas, monsieur le ministre, que vous l’approuverez, puisque vous avez déclaré en commission être très favorable à l’esprit qui le sous-tend.

Mme Barbara Pompili. Bravo !

(L’amendement n1262 est retiré.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n°1263?

M. Christophe Castaner, rapporteur thématique. Il est semblable à celui que nous aurions eu sur l’amendement n1262. Je partage la volonté de M. Baupin de simplifier le droit de l’environnement, et pas uniquement au profit du développement de l’éolien sur le territoire national. Toutefois, la directive « espèces protégées » fait dorénavant partie du droit français. Y déroger poserait un certain nombre de problèmes d’ordre juridique, et créerait donc une insécurité supplémentaire, source de multiples contentieux, pour les procédures de développement de l’éolien. L’élargissement de l’autorisation d’action n’est donc pas sans conséquences. Si toutefois l’expérimentation en cours permet d’identifier d’autres pistes de simplification sans régression du droit de l’environnement, celles-ci pourront être intégrées dans l’ordonnance prévue à l’article 26 après concertation des parties prenantes. L’avis de la commission est donc défavorable.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission spéciale.

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Je plaide coupable, car j’ai récemment participé à la simplification des procédures d’implantation des éoliennes, ce dont M. Baupin se souvient ! Il importe de prendre en compte, monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, les délais considérables auxquels font face les investisseurs en matière d’éolien.

Mme Monique Rabin. Tout à fait !

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Le plus souvent, c’est la procédure qui en est cause. Dès lors, tout ce qui tend à la simplification doit être encouragé. Les propositions que formule M. Baupin sont inverses de celles qu’il avance à propos des centrales nucléaires, mais on peut le comprendre, ce n’est pas exactement le même sujet, même s’il s’agit toujours d’énergie ! Il faut néanmoins, monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, être à l’écoute des propositions de simplification encore à réaliser sur ce sujet, car notre pays prend du retard et les investisseurs se découragent. Nous avons vraiment besoin d’énergie renouvelable, surtout si l’énergie nucléaire est appelée à ne représenter que 50 % du mix électrique.

Mme Monique Rabin. Très bien !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Je n’ai pas changé d’état d’esprit ni de philosophie depuis les débats en commission spéciale. Que M. le député Baupin se rassure, l’objectif est toujours d’aboutir. Je note avec satisfaction que l’amendement de repli n1263 prend bien en compte la dérogation à la réglementation des espèces protégées. Néanmoins, si j’étais taquin, je me déclarerais sensible aux arguments de M. le député Chassaigne, et refuserais d’étendre le périmètre du dispositif ! Plus sérieusement, il s’agit ici d’étendre géographiquement un dispositif expérimental qui a fait ses preuves et nous semble satisfaisant. Je comprends la volonté très pragmatique dont vous faites preuve, et nous en partageons la philosophie, mais nous proposons de ne pas étendre le périmètre du dispositif dont traite déjà la loi relative à la transition énergétique. En outre, accélérer et simplifier la procédure applicable aux éoliennes comme vous le souhaitez s’inscrit davantage dans ce que nous proposons de faire collectivement dans le cadre de l’article 28. Nous avons défini en commission spéciale ce qui relève de cet article avant de préciser l’expérimentation et arrêté un dispositif et un périmètre que l’article 26 se contente d’étendre géographiquement.

Je ne suis pas enclin à ajouter un dispositif ad hoc dans le périmètre de simplification, et préfère traiter votre demande dans le cadre de l’article 28, en étant beaucoup plus explicite et en intégrant votre préoccupation relative aux éoliennes. Dispenser les seules éoliennes de toute prescription en matière de défrichement ou de permis de construire nous semble poser problème. En effet, les intérêts protégés par ces deux législations ne sont pas totalement recouverts par la législation ICPE, et une telle dispense pourrait porter préjudice aux intérêts protégés par le code de l’urbanisme et le code forestier. Tout cela n’a pas été envisagé au préalable. La philosophie de l’article 26 consiste à étendre géographiquement le dispositif, et non à ajouter des actes ou des catégories, ce qui y contreviendrait. J’émets donc un avis défavorable, en proposant que l’on traite votre demande généralement et explicitement dans le cadre de l’article 28, monsieur le député. Je répondrai alors plus favorablement à certains amendements que vous ne manquerez pas de proposer.

M. le président. La parole est à M. Denis Baupin.

M. Denis Baupin. Je rassure tout d’abord François Brottes sur la cohérence dont je fais preuve. Je suis favorable à la simplification en matière de procédure applicable à la fermeture des centrales nucléaires comme à l’érection des éoliennes. Par-delà la boutade, la réponse de M. le ministre nous pose un problème, car nous ne sommes pas d’accord avec l’article 28 relatif aux ordonnances, j’aurai l’occasion de le dire. Nous craignons néanmoins d’échouer à empêcher qu’elles ne soient votées par un hasard tenant à la composition de cette assemblée !

Mme Audrey Linkenheld. Ce n’est pas tout à fait le hasard qui est à l’origine de la composition de l’Assemblée !

M. Denis Baupin. Si tel est le cas, vous-même, monsieur le ministre et Mme la ministre de l’écologie vous êtes engagés à mener un travail, dans le cadre du Conseil national de la transition écologique, visant à améliorer les procédures. J’entends bien qu’il faut respecter les différents codes, mais j’avais cru comprendre que le projet de loi cherchait à simplifier au maximum. Je vous trouve donc quasiment à contre-emploi, monsieur le ministre, en défenseur du statu quo, de l’establishment et des procédures bureaucratiques contre ceux qui, au contraire, défendent les entrepreneurs et ne voudraient pas être contraints de chercher demain un emploi à l’étranger faute de développement suffisant de l’énergie éolienne en France ! Moi qui me fais le défenseur de tout cela, je suis surpris de vous voir défendre à ce point la bureaucratie.

M. Christophe Castaner, rapporteur thématique. On en reparlera lors de l’examen de l’article 28 !

M. Denis Baupin. Je prends néanmoins note de votre bonne volonté, et retire donc l’amendement au bénéfice de l’engagement que vous avez pris, que j’espère voir se concrétiser au titre de l’article 28.

Mme Monique Rabin. Très bien !

(L’amendement n1263 est retiré.)

M. le président. La parole est à M. Christophe Castaner, rapporteur thématique, pour soutenir l’amendement n1819.

M. Christophe Castaner, rapporteur thématique. Il s’agit d’un amendement de clarification.

(L’amendement n1819, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Denis Baupin, pour soutenir l’amendement n1261.

M. Denis Baupin. Il vise à clarifier la formulation « activité économique » de l’article. Nous pensons qu’il faut prendre en compte plus globalement le développement durable, qui inclut évidemment l’activité économique, mais sous forme de projets s’inscrivant réellement dans une logique globale de développement durable.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe Castaner, rapporteur thématique. L’idée peut sembler séduisante, et elle l’est, même si le développement de l’économie est l’un des trois piliers du développement durable. Le concept de développement durable semble néanmoins imprécis. Il en résulte un risque ouvrant la voie à de nombreux contentieux sur ce sujet. En outre, nous voulons faciliter un certain nombre d’actions qui ne s’inscrivent pas seulement dans la logique du développement durable, même si elles en adoptent la philosophie. Ce que propose l’amendement comporte donc un risque et limite en outre l’objet de l’article. Telle n’est pas la volonté du Gouvernement. La commission a donc émis un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Avis défavorable. Nous avons discuté du sujet en commission et évoqué les mêmes raisons restrictives. La notion de développement durable est définie en droit international, en droit communautaire et dans l’article L. 110-1 du code de l’environnement. En introduire une nouvelle définition réduirait la lisibilité de notre texte. En outre, comme vient de le dire M. le rapporteur, nous souhaitons conserver la notion de projet d’intérêt économique majeur définie par exemple dans l’ordonnance du 17 juillet 2014 relative à la procédure intégrée de l’immobilier d’entreprise et éviter de créer des difficultés d’interprétation. J’émets un avis défavorable pour cette raison, comme je l’ai fait en commission spéciale.

M. le président. La parole est à Mme Barbara Pompili.

Mme Barbara Pompili. Je doute que nous parlions du même amendement. Le nôtre n’introduit pas une nouvelle définition du développement durable, mais propose simplement de remplacer les mots « activité économique » par « développement durable ». Il consiste tout simplement à appliquer la définition du développement durable, qui est la conciliation du développement économique avec la protection de l’environnement et le développement social. Au contraire de ce que vous affirmez, monsieur le ministre, nous adoptons même une perspective plus large. Je ne comprends pas très bien votre réponse.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Emmanuel Macron, ministre. Pardon si je n’ai pas été clair, madame la députée. Nous avons fait appel aux projets d’intérêt économique majeur, dont la définition dans le texte est bien l’activité économique. Je vous renvoie aux ordonnances qui ont déjà défini cette notion. En l’espèce, si l’on venait lui substituer celle de développement durable comme vous le proposez, on modifierait l’objet initial du texte. Nous n’élargissons pas ici l’objet du dispositif ICPE, et je suis prêt à intégrer votre préoccupation à l’article 28, même si telle n’est pas l’idée première que vous vous en faites. Nous avons eu ce débat en commission spéciale. Il s’agit d’un dispositif très particulier, concernant des grands projets d’intérêt économique majeur faisant l’objet d’une simplification que l’on étend géographiquement. Votre amendement viendrait en restreindre, ou en tout cas en modifier, l’objet et la finalité et ne peut donc que faire l’objet d’un avis défavorable de ma part, car il modifierait la philosophie du dispositif que l’on étend.

(L’amendement n1261 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Pascal Cherki, pour soutenir l’amendement n2113.

M. Pascal Cherki. Je serai bref, car tout au regret de n’avoir pu convaincre mes collègues de l’inutilité de l’article 38 de la Constitution et à la fatigue des jours écoulés, j’ai pris hier une journée de repos, et n’ai pu suivre la conférence de presse du Président de la République. Néanmoins, j’en ai lu le compte rendu, et constate qu’il a appelé de ses vœux le développement de la démocratie participative, ce dont nous pouvons tous nous réjouir. Commençons donc par la mettre en pratique à l’Assemblée nationale, en recourant le moins possible aux procédures d’exception que sont le temps programmé, la procédure d’urgence et l’article 38. Je souhaite que l’on supprime le recours aux ordonnances prévu par l’article. Mais j’aurai l’occasion d’y revenir. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe Castaner, rapporteur thématique. Il me semble, monsieur Cherki, que le respect de la Constitution est également une expression forte de la démocratie et du travail de la démocratie représentative, dont nous sommes en charge.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Absolument !

M. Christophe Castaner, rapporteur thématique. Il est évident qu’aucun parlementaire n’aime les ordonnances et ne les adopte avec enthousiasme. Nous pourrons en reparler à propos de l’article 28. Mais il ne s’agit ici que de poursuivre une expérimentation et de l’élargir. Cette expérimentation est elle-même issue de trois ordonnances, sur lesquelles, monsieur Cherki, vous ne vous étiez pas exprimé à l’époque – je me suis renseigné. Dénoncer, comme vous le faites aujourd’hui, l’élargissement de cette expérimentation par voie d’ordonnance me semble donc un peu disproportionné. La commission a repoussé votre amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. Pascal Cherki.

M. Pascal Cherki. Je suis heureux d’apprendre que la commission a repoussé un amendement que je n’ai pas déposé devant elle, puisque je n’étais pas membre de cette commission spéciale. J’entends votre argument, monsieur le rapporteur, et je suis prêt à discuter au cas par cas, mais ce qui me pose problème, je le répète, c’est la combinaison du temps programmé, de la procédure d’urgence et du recours aux ordonnances.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission spéciale.

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Permettez-moi, monsieur Cherki, de vous rappeler un point concernant la procédure : la commission se réunit également au titre de l’article 88 et de l’article 91. Votre amendement a été examiné dans ce cadre, et il a été repoussé, je vous le confirme.

M. Pascal Cherki. Je l’ignorais ! On ne m’a rien dit !

(L’amendement n2113 n’est pas adopté.)

(L’article 26, amendé, est adopté.)

Après l’article 26

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques, nos 502, 2389 et 3037.

La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour soutenir l’amendement n502.

Mme Véronique Louwagie. Cet amendement vise à apporter une réponse aux exploitants agricoles qui, lorsqu’ils envisagent de créer une installation d’élevage, sont souvent confrontés à de grandes difficultés. Ils sont contraints de remettre des dossiers différents à de nombreux organismes, au titre de procédures diverses : permis de construire, dossiers d’installations classées pour la protection de l’environnement, dossiers de contrôle des structures, relatifs notamment aux demandes d’autorisation d’exploiter, et même dossiers auprès de la société d’aménagement foncier et d’établissement rural – SAFER, pour ce qui concerne la gestion des terres agricoles.

Ce que nous vous proposons, c’est de simplifier ces procédures, afin de mettre fin à ce qui s’apparente à un parcours du combattant, truffé de passages difficiles : dossiers multiples à remplir, avec des délais différents pour chacun, ce qui entraîne des démarches longues et compliquées. Ces procédures sont de véritables épreuves, que nous vous proposons de simplifier.

Puisqu’il sera sans doute nécessaire de procéder à quelques aménagements pour harmoniser les délais et les procédures, nous vous proposons qu’un décret en Conseil d’État fixe les modalités d’application de cette procédure de simplification. Cet amendement apporterait une vraie réponse aux exploitants agricoles qui font face à une situation difficile sur le terrain, et je ne conçois pas qu’il puisse recevoir autre chose qu’un avis favorable.

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Fromantin, pour soutenir l’amendement n2389.

M. Jean-Christophe Fromantin. Plusieurs collègues de notre groupe sont eux aussi extrêmement attachés à cet amendement, qui vise à fusionner l’ensemble des procédures administratives liées à un projet d’élevage. Cet amendement me semble correspondre à l’esprit du texte que nous examinons, et sa mise en œuvre sera facilitée par les avancées technologiques qui permettent aujourd’hui de concentrer les déclarations sur une même plateforme, de les diffuser auprès des différentes administrations et d’avoir ainsi une forme de coordination quasi automatique de ces différentes procédures.

Ce dispositif, qui ne me semble pas très compliqué à mettre en œuvre, rendrait, comme l’a dit ma collègue Véronique Louwagie, un immense service à ceux qui veulent se lancer dans des créations d’entreprise, et notamment dans ces projets d’élevage.

M. le président. La parole est à M. Gilles Lurton, pour soutenir l’amendement n3037.

M. Gilles Lurton. Il est défendu. Je n’ai rien à ajouter à ce qui vient d’être excellemment dit.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements identiques ?

M. Christophe Castaner, rapporteur thématique. Le problème, tel qu’il a été soulevé par les différents orateurs, témoigne de leur volonté d’accompagner et de soutenir l’élevage dans les difficultés qu’il connaît. Toutefois, d’un point de vue juridique, en réservant un traitement particulier à la question de l’élevage, nous prendrions le risque de contrevenir au principe d’égalité. Le vote de cet amendement aurait en effet pour conséquence de créer une inégalité de traitement au bénéfice du seul secteur de l’élevage, alors que d’autres secteurs économiques ou agricoles souffrent également de ces procédures, en particulier auprès de la SAFER.

Il me semble que la logique du Gouvernement, qui consiste à avancer d’un même pas dans tous les secteurs, est la bonne logique. Je crois qu’il nous faut l’accompagner dans cette démarche et ne pas prendre le risque, en traitant un seul secteur, d’affaiblir l’ensemble des dispositifs. La volonté d’agir, et d’agir vite, est une bonne chose, mais une précipitation, dont les effets induits n’ont pas été mesurés, serait certainement inopportune. C’est la raison pour laquelle la commission a repoussé ces amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Il s’agit d’un sujet sensible, et votre préoccupation est partagée sur ces bancs d’une manière extrêmement large. Nous y reviendrons un peu plus loin, à l’occasion de l’examen d’amendements plus circonscrits, sur lesquels nous pourrons émettre un avis favorable, ou en tout cas plus favorable que sur les présents amendements.

Ce qui est proposé à travers ces amendements, c’est la création d’un permis unique en matière agricole. Il nous semble d’abord que le dispositif que vous proposez est très large : autorisation ICPE, permis de construire, de démolir, d’aménager, autorisation du contrôle des structures… Cet amendement est du même ordre que celui de M. Baupin sur les éoliennes. Vous voulez, comme lui, étendre le périmètre du dispositif et l’appliquer à un domaine spécifique, ce qui complexifie les choses : vous allez bien au-delà de la simple généralisation du dispositif ICPE, ce qui n’était pas l’ambition initiale de l’article 26. En outre, cet amendement tend à recentraliser le permis de construire de ce type d’installation, puisque cela reviendrait, en l’occurrence, à prendre au maire cette compétence pour la donner au préfet.

Comme les autres ICPE, les installations d’élevage bénéficient de l’autorisation unique, qui vaut autorisation de défrichement et dérogation pour les espèces protégées. La plupart des installations d’élevage sont éligibles au dispositif prévu à l’article 26. Et vous, vous voulez aller plus loin que le dispositif ICPE pour ces seules installations. Et c’est précisément ce qui nous gêne.

Notre philosophie consiste plutôt, comme le prévoit l’article 26, qui vient d’être voté, à étendre géographiquement l’expérimentation ICPE – ce qui implique que les élevages seront concernés. Les dérogations, au-delà du simple ICPE, seront examinées dans le cadre de l’article 28, mais pas au cas par cas, car nous risquerions alors d’avoir, secteur par secteur, des dérogations multiples. Nous pourrons, en les sous-amendant, adopter d’autres de vos amendements, qui sont plus circonscrits, mais sur cette série d’amendements identiques, j’émettrai un avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Daniel Fasquelle.

M. Daniel Fasquelle. J’entends vos arguments, monsieur le ministre, mais, très franchement, au-delà du débat technique, il y a un vrai sujet de fond. Aujourd’hui, les éleveurs français subissent de plein fouet la baisse du prix du lait, et ils sont en très grande difficulté. Il est indécent de leur demander des mises aux normes ou de continuer à leur imposer des procédures aussi complexes – ce que l’on fait aujourd’hui.

M. Christophe Castaner, rapporteur thématique. C’est le sens de la loi que vous allez voter !

M. Daniel Fasquelle. Indépendamment des questions conjoncturelles, se posent également des questions de fond plus structurelles. On sait très bien que si l’agriculture française perd du terrain par rapport à l’agriculture allemande, c’est notamment parce que l’agriculture française est étouffée par ces procédures qui sont beaucoup trop longues et beaucoup trop lourdes.

Peut-être cet amendement n’apporte-t-il pas la bonne réponse à ces problèmes, mais cela me surprendrait, car je sais que les propositions de ma collègue Véronique Louwagie sont toujours très réfléchies, bien pensées et solides. Profitons de ce débat pour envoyer un vrai signal aux éleveurs français, qui ont plus que jamais besoin d’être soutenus.

M. le président. La parole est à Mme Véronique Louwagie.

Mme Véronique Louwagie. Je voudrais revenir sur vos arguments, monsieur le rapporteur. Vous invoquez le principe d’égalité, ce dont je reconnais la pertinence. Vous reconnaissez néanmoins que les éleveurs connaissent des difficultés, qu’ils sont soumis à des procédures souvent longues et lourdes, qui parfois même s’entrechoquent, lorsque les uns attendent les conclusions des autres. Tout cela n’avance pas vite, et c’est finalement l’exploitant agricole, c’est-à-dire le chef d’entreprise d’une activité économique, qui se retrouve en difficulté.

Tout cela, vous le reconnaissez. Mais votre argumentation ne me paraît plus pertinente, lorsque vous arguez du principe d’égalité et du fait que d’autres secteurs connaissent les mêmes difficultés, pour justifier que l’on n’apporte pas de réponse aux problèmes des éleveurs. Si l’on veut faire bouger les choses, il faut accepter de ne pas tout faire bouger en même temps. Les révolutions, il s’en produit rarement. On peut avancer pas à pas, tranquillement : c’est ainsi que nous apporterons des réponses.

Monsieur le ministre, vous avez dit que notre dispositif visait à concentrer les demandes d’autorisation dans les mains du préfet. Mais cet amendement vous donne la possibilité d’intervenir et de définir l’ensemble des modalités des procédures, au travers d’un décret en Conseil d’État. Comme l’a indiqué mon collègue Jean-Christophe Fromantin, de nouvelles technologies peuvent être utilisées pour aboutir à l’établissement d’un dossier unique. Imaginez qu’actuellement les éleveurs doivent remplir quatre dossiers, dans lesquels on leur demande à chaque fois des informations sensiblement identiques, sous des formes différentes ! Je ne comprends pas que l’on ne cherche pas à simplifier les choses dans ce secteur de notre activité économique qui rencontre aujourd’hui de vraies difficultés.

Ce dispositif pourrait servir de modèle pour d’autres activités, et de base à d’autres types de simplification. Finalement, il semble que vous ne recherchiez pas vraiment la simplification, et je le regrette.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Emmanuel Macron, ministre. Pour revenir au fond du problème, à savoir la situation de l’agriculture, et des éleveurs en particulier, sachez que je souscris à votre analyse et que c’est là une préoccupation constante du Gouvernement. Mon collègue, Stéphane Le Foll, se bat chaque jour pour cela. La première réponse à la situation de l’élevage français, face à la concurrence, ce fut d’abord le pacte de responsabilité et de solidarité.

M. Daniel Fasquelle. La loi sur l’agriculture a ajouté de la complexité ! C’est un mauvais exemple !

M. Emmanuel Macron, ministre. Il s’agit d’un secteur où les salaires sont faibles, et les charges, dirimantes. Le pacte de responsabilité et de solidarité constituait donc une vraie réponse, et je tenais à le rappeler. La loi sur l’agriculture contient, elle aussi, des éléments de réponse.

Je partage la philosophie de votre amendement. Ce que je dis simplement, c’est que si l’on réserve un traitement particulier à ce secteur, on le fera pour beaucoup d’autres. Je ne suis pas en train de dire que votre amendement est mal rédigé, car ce que vous proposez est toujours de très bonne facture, madame Louwagie – M. Fasquelle a eu raison de le souligner.

Mme Véronique Louwagie. C’est notre président de séance, Marc Le Fur, qui l’a rédigé !

M. Emmanuel Macron, ministre. Mon compliment va donc au président. Mais relisez la fin de votre amendement ! Même moi, je n’aurais pas osé écrire ce que vous écrivez : « et toute autre autorisation nécessaire au titre d’une autre législation nécessaire au regard de la situation de l’élevage ». C’est comme si la situation de l’élevage justifiait une zone de non-droit ! Que n’aurais-je entendu si j’avais fait cela ! (Sourires.) Je plaisante, mais il est vrai que la dérogation que vous prévoyez est extrêmement large.

Restons sérieux, car ce sujet est sérieux. Votre préoccupation est satisfaite par l’article 28. Comme je vous l’ai dit tout à l’heure, les élevages sont des ICPE. L’article 26 a étendu le dispositif géographiquement : tous les territoires qui, jusqu’à présent, n’étaient pas éligibles à ce dispositif bénéficieront désormais d’une simplification de type ICPE expérimentale. On passe donc de six à deux, pour tous les élevages de France et de Navarre. Vous, vous proposez d’aller beaucoup plus loin que ce qui est couvert par l’ICPE : tel est l’objet de l’article 28, qui prévoit d’aller plus loin dans la simplification pour certains codes et certains projets.

Je vous propose donc d’aborder le sujet dans ce cadre-là, selon une démarche qui suppose de la concertation, du temps et une préparation technique. Le Gouvernement entend vos préoccupations concernant l’élevage. Celui-ci fait même partie des secteurs qui sont au cœur de notre action économique. Et à quelques jours du Salon de l’agriculture, je ne veux pas laisser dire ici que nous pourrions nous en désintéresser. Mais la réponse ne peut pas être l’adoption de cet amendement.

M. Daniel Fasquelle. Paroles ! Paroles !

M. le président. La parole est à M. Christophe Castaner, rapporteur thématique.

M. Christophe Castaner, rapporteur thématique. Je ne peux pas laisser dire que, parce que nous ne vous suivons pas sur ces amendements, cette loi s’en tiendrait au statu quo, voire qu’elle constituerait une régression. Je vous invite à la relire, et à la voter. Son objectif est de simplifier globalement, et ce n’est pas parce que l’on ne va pas plus loin sur un sujet, en l’occurrence sur l’élevage, que vous pouvez affirmer devant la représentation nationale que nous nous en tenons au statu quo et que nous ne voulons rien faire.

C’est tout l’inverse de ce que nous souhaitons faire avec cette loi dont nous discutons depuis déjà quelques heures.

À mon sens, vous mélangez deux procédures et deux démarches : une procédure individuelle et une procédure collective. N’oublions pas le rôle de ces outils : celui des SAFER est de comparer des candidats, les classer, les prioriser, notamment au moment de la reprise d’une activité. Mais le dispositif ICPE est une procédure portant sur un projet individuel. Imaginer une procédure unique remplaçant le processus démocratique cher à la profession agricole, qui est très présente dans cette procédure, et substituer au travail collégial qui existe dans les SAFER une procédure de déclaration unique qui échapperait, de fait, à la profession agricole me semble très dangereux, et je ne suis pas convaincu que la profession y soit favorable.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. J’avais compris que c’était l’article 28 qui ouvrait ce chantier extraordinairement important dont tout le monde espère la conclusion. C’est dans cet article que l’on donne la possibilité au Gouvernement d’agir. La technique que vous utilisez, en prévoyant un dispositif spécifique pour les installations d’élevage, présente un risque énorme. Tout le monde mesure qu’en donnant au représentant de l’État la compétence pour les installations d’élevage, vous lui attribuez les compétences du maire pour le permis de construire ainsi que pour le permis de démolir. C’est en tout cas ce que vous écrivez.

Le dispositif que vous prévoyez a donc pour effet immédiat de priver l’ensemble des autorités territoriales des compétences que la loi leur attribue. Et je me permets de vous rappeler qu’à l’inverse, vous avez défendu à plusieurs reprises l’exercice de ces compétences par les maires, en revendiquant les PLU à l’échelle communale.

L’objectif est partagé par tout le monde. Je pense qu’il est satisfait par l’article 28, dont nous allons débattre tout à l’heure. Nous allons enfin engager un vrai travail pour rendre possible la simplification de l’ensemble des stratégies d’autorisation administrative, quelle que soit l’autorité compétente pour la donner. Ce n’est pas le moindre des problèmes, c’est même le premier problème que l’on ait, car le dispositif législatif d’autorisation administrative fait intervenir un nombre considérable d’acteurs. Mais vous ne pouvez pas, comme vous le proposez dans cet amendement, priver le maire de sa compétence pour autoriser la construction ou la démolition.

L’amendement que vous proposez prive l’ensemble des acteurs, notamment les collectivités locales, de leurs compétences au profit du représentant de l’État, qui est compétent pour les installations d’élevage. Ce n’est pas envisageable. Et il n’est pas question de simples avis, mais d’autorisations.

Il faut entrer dans le dispositif de l’article 28 ; la technique à utiliser va aborder deux choses de nature différente : les modalités par lesquelles se construit l’instrument d’autorisation, qui peut être unique grâce aux techniques informatiques, et le processus des avis nécessaires pour que l’autorité administrative qui délivre l’autorisation ait réuni tous les éléments nécessaires au moment de prendre une décision qui concerne l’action publique.

M. le président. La parole est à Mme Véronique Louwagie.

Mme Véronique Louwagie. Je ne peux laisser ces propos sans réponse. Par cet amendement, il est proposé de laisser au représentant de l’État le pouvoir de donner cette autorisation, mais on peut parfaitement imaginer que le décret prévoie un certain nombre de dispositions…

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. C’est la loi qui donne compétence au maire, pas le décret !

Mme Véronique Louwagie. Je vous ai laissé parler, laissez-moi terminer à mon tour !

M. le président. Monsieur Le Bouillonnec, seule Mme Louwagie a la parole.

Mme Véronique Louwagie. Ce n’est pas démunir le chef de l’exécutif de la collectivité, qui pourrait très bien donner une autorisation. Tout cela peut être prévu dans le cadre du décret. Il ne s’agit aucunement de démunir quiconque d’un pouvoir.

M. Christophe Castaner, rapporteur thématique. Mais dans ce cas, où est la simplification ?

(Les amendements identiques nos 502, 2389 et 3037 ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques, nos 499 rectifié, 1593 et 3042. L’amendement n1593 fait l’objet d’un sous-amendement n3213, présenté par le Gouvernement.

La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour soutenir l’amendement n499 rectifié.

Mme Véronique Louwagie. Il est défendu.

M. le président. La parole est à M. Gilles Lurton, pour soutenir l’amendement n3042.

M. Gilles Lurton. Il est défendu.

M. le président. L’amendement n1593 n’est pas défendu. Monsieur le ministre, souhaitez-vous transférer le sous-amendement n3213, qui portait sur cet amendement, pour le faire porter sur les amendements identiques n499 rectifié et 3042 ?

M. Emmanuel Macron, ministre. En effet, monsieur le président, puisqu’il s’agit de d’amendements parfaitement identiques.

L’objet de ces amendements est de soumettre les arrêtés d’autorisation d’exploiter une installation classée d’élevage au délai de recours de droit commun applicable à tous les actes administratifs. Pour ce faire, le délai applicable est réduit d’un an à deux mois, et la possibilité de prolonger de six mois le délai de recours à compter de la mise en activité de l’installation est supprimée.

Il nous semble prématuré de conclure à ce stade, c’est pourquoi nous vous proposons de préserver la seconde partie de l’amendement – la suppression de la possibilité de prolonger de six mois le délai de recours après la mise en service de l’installation – qui constitue une simplification importante et immédiate pour les élevages, mais pas la première partie. Nous passerions donc d’un an et demi actuellement à un an.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe Castaner, rapporteur thématique. Avis favorable au sous-amendement, et aux amendements ainsi sous-amendés.

(Le sous-amendement n3213 est adopté.)

(Les amendements identiques nos 499 rectifié et 3042, sous-amendés, sont adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 501 rectifié et 1594 rectifié, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour soutenir l’amendement n501 rectifié.

Mme Véronique Louwagie. Cet amendement a pour objet de simplifier les règles d’affichage des différents avis. À titre d’exemple, il existe aujourd’hui trois procédures différentes, avec trois tailles de panneau différentes, trois tailles de police différentes et deux fonds de couleur différents, puisqu’il convient d’afficher les avis exigés par le droit des installations classées et le droit de l’urbanisme. Nous proposons donc de simplifier et d’harmoniser.

M. Gilles Lurton. Excellent amendement, d’ailleurs j’ai déposé le même !

M. le président. La parole est à M. Christophe Castaner, rapporteur thématique, pour soutenir l’amendement n1594 rectifié, qui a été adopté par la commission.

M. Christophe Castaner, rapporteur thématique. Il est défendu.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur ces deux amendements en discussion commune ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Avis favorable.

M. le président. Les amendements ne sont pas parfaitement identiques. Sur lequel des deux porte votre avis favorable ?

M. Emmanuel Macron, ministre. J’avoue que je ne vois pas bien la différence entre ces deux amendements…

M. le président. À première vue, moi non plus. (Sourires.) On me souffle que l’un prévoit : « l’enregistrement se réalise dans les mêmes conditions » ; tandis que l’autre prévoit : « l’enregistrement est réalisé dans les mêmes conditions ». Objectivement, la différence est mineure, mais c’est peut-être pour éviter le plagiat que certains ont introduit cette nuance. (Sourires)

M. Emmanuel Macron, ministre. Les deux amendements me paraissent identiques. Avis favorable à l’amendement n501 rectifié.

M. le président. Il y a également une toute petite différence au début, puisque l’un commence ainsi : « Pour les installations d’élevage, l’affichage (…) » tandis que l’autre commence directement aux mots « l’affichage (…) ». Dans un souci de simplification, je vous propose de vous prononcer sur l’amendement n1594 rectifié, présenté par la commission, et que l’amendement n501 rectifié soit retiré.

(L’amendement n501 rectifié est retiré.)

(L’amendement n1594 rectifié est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Gilles Lurton, pour soutenir l’amendement n3050.

M. Gilles Lurton. Je le retire : il comporte une erreur de rédaction portant sur les numéros d’articles.

(L’amendement n3050 est retiré.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 500 rectifié et 3047.

La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour soutenir l’amendement n500 rectifié.

Mme Véronique Louwagie. Il est défendu.

M. le président. La parole est à M. Gilles Lurton, pour soutenir l’amendement n3047.

M. Gilles Lurton. Il est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe Castaner, rapporteur thématique. La commission a repoussé ces amendements, parce qu’il s’agit d’un sujet extrêmement sensible : l’épandage dans les installations d’élevage.

Mme Véronique Louwagie. Ce n’est pas un argument !

M. Christophe Castaner, rapporteur thématique. Attendez, je vais donner quelques arguments ! Je tiens à saluer le travail engagé sur ce sujet par le Gouvernement, et particulièrement son ministre de l’agriculture. Notons ainsi l’introduction du régime de l’enregistrement en remplacement du régime d’autorisation pour 90 % des élevages porcins qui y étaient précédemment soumis – et nous savons, monsieur le président, toute l’importance que vous accordez à cette mesure ! – ; la simplification des règles d’épandage prévues par les arrêtés modificatifs du 27 décembre 2013, ainsi que l’expérimentation d’un permis unique qui inclut même le permis de construire pour les méthaniseurs.

Il semble donc qu’un certain nombre d’avancées significatives ont été faites. Il convient de les évaluer avant d’aller plus loin sur un sujet qui peut être relativement sensible, et sur lequel quelques abus nous invitent à évaluer avant de faire preuve de largesse.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Avis défavorable.

(Les amendements identiques nos 500 rectifié et 3047 ne sont pas adoptés.)

Article 27

M. le président. La parole est à M. Jean Lassalle, inscrit sur l’article.

M. Jean Lassalle. Décidément, je vais de surprise en surprise avec ce projet de loi. Je suis très heureux que nous abordions ces sujets qui, à titre personnel, m’ont tant interpellé dans ma vie d’élu local. J’ai eu de nombreuses occasions de m’exprimer sur ces sujets à l’Assemblée nationale, mais j’avais l’impression de parler dans un tel désert que je me croyais perdu dans le Sahara le plus profond.

Je voudrais partager l’optimisme d’un certain nombre de nos collègues quant aux simplifications que votre texte pourrait apporter, monsieur le ministre, en ce qui concerne toutes ces installations. Dieu sait si je suis sensible à la construction de fermes, agricoles ou autres.

Mais je ne suis pas sûr que ce soit si simple. En effet, nous nous sommes laissé noyer dans l’entrelacs des directives européennes, que nous avons souvent transposées en droit français par ordonnances du Président de la République, pratique contre laquelle je me suis très vivement élevé et qui suscite aujourd’hui, chez un très grand nombre de nos compatriotes, un rejet malheureux mais très profond de l’Union européenne. Je ne suis pas sûr que nous soyons en mesure de remettre de l’ordre dans notre législation, car une modification d’un grand nombre de ces directives serait très compliquée et nécessiterait l’accord de l’ensemble des États de l’Union.

Cependant, c’est déjà un progrès de pouvoir parler de ce sujet et d’être écouté. C’est aussi un très grand progrès qu’un projet de loi mette cette question à l’ordre du jour. Je souhaite que nous puissions effectivement alléger les procédures afin d’encourager l’emploi dans notre pays.

Hélas, de nombreuses constructions ne peuvent pas voir le jour aujourd’hui car, comme l’ont dit mes collègues, les procédures sont trop compliquées : il y a des interdictions partout ! Et je n’ose même pas parler, pour ne pas trop consommer mon temps de parole ni abuser de votre temps, monsieur le président, monsieur le ministre, des installations agricoles : là, c’est encore plus délicieux !

Monsieur le ministre, je vous invite à poursuivre votre travail de prospective et à faire le point avec votre collègue chargé des affaires européennes, afin de savoir quelle est aujourd’hui la véritable nature des engagements juridiques que nous avons pris dans le cadre de l’Union européenne et quelle est notre capacité de sortir de cet entrelacs d’administrations qui disent souvent le contraire les unes des autres, mais qui finissent par tout interdire. Si nous pouvions relancer ce pays et le remettre au travail, je vous assure que les cotes de popularité de M. Valls et de M. Hollande augmenteraient énormément et durablement – je ne parle pas de la vôtre, monsieur le ministre, parce qu’elle est déjà très élevée.

M. le président. La parole est à M. Denis Baupin, pour soutenir l’amendement n1264.

M. Denis Baupin. Comme à l’article 26, il s’agit de remplacer les mots : « l’activité économique » par les mots : « le développement durable ». Rassurez-nous, monsieur le ministre : il ne vous est quand même pas venu à l’idée, par hasard, d’encourager des projets qui favoriseraient l’activité économique mais qui seraient incompatibles avec le développement durable ?

M. Richard Ferrand, rapporteur général. Mais enfin !

M. Denis Baupin. Cette inquiétude m’est venue en constatant que vous n’étiez pas d’accord pour remplacer une expression par l’autre, alors même que le développement durable couvre l’activité économique. J’espère réussir à vous convaincre cette fois-ci !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe Castaner, rapporteur thématique. Je crains que l’avis demeure le même qu’à l’article 26. Autant nous avons aujourd’hui, sur la question des projets d’intérêt économique majeur, une sécurité juridique, autant nous avons, sur les enjeux du développement durable, une sécurité politique mais une insécurité juridique. Cela nous amène à maintenir l’objectif de soutenir et d’encourager, dans le cadre du développement durable, les projets qui « présentent un intérêt majeur pour l’activité économique », et donc à conserver cette dernière acception, certes plus large, mais qui porte aussi l’ambition du développement durable. Cette dernière sera bien évidemment une préoccupation majeure pour ceux qui seront amenés à délivrer des autorisations sur ces sujets – nous ne doutons pas que le ministre le confirmera.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. En effet, je confirme les propos du rapporteur. Pour revenir au débat que nous avons déjà eu, je précise que ce sont les projets d’intérêt économique majeur qui sont visés et encouragés par les articles 26 et 27. Cela ne veut pas dire que ces projets contreviennent à d’autres objectifs, en particulier à la notion de développement durable. On peut avoir une priorité claire, affichée, sur un objectif ou sur un projet, sans pour autant contrevenir aux autres, d’autant que notre hiérarchie des normes garantit que ces projets soient conformes aux objectifs de développement durable, en particulier aux objectifs environnementaux – vous le savez, et nous aurons l’occasion d’y revenir.

Nous voulons mettre en œuvre de grands projets, aller plus vite et simplifier les procédures, dans le cadre de dispositifs prédéfinis qui correspondent en effet à des projets d’intérêt économique majeur. Élargir la définition de ces projets reviendrait à en diluer l’impact ou à nous placer dans des situations d’impossibilité. Un objet a été défini – nous parlons véritablement de projets spécifiques – et je ne veux pas créer d’instabilité juridique en en élargissant la définition.

Nous pourrons tout à fait expliciter davantage notre volonté à l’article 28, dans le cadre de l’habilitation donnée au Gouvernement à prendre des ordonnances, laquelle vise à accélérer des procédures plus largement. Dans le cas présent, cependant, il s’agit bien de projets d’intérêt économique majeur, et nous ne voulons pas élargir cette définition afin de garantir sa solidité juridique. Cela ne signifie pas pour autant que cette volonté est incompatible avec les priorités que vous rappelez.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Caullet.

M. Jean-Yves Caullet. Au risque de répéter certains arguments, je souhaite convaincre mon cher collègue Baupin, aux côtés duquel j’ai le plaisir de siéger dans la commission qui se préoccupe du développement durable. Nous connaissons bien le caractère extrêmement englobant et cohérent de ce concept. Cependant, lorsque nous parlons de droit social, nous ne disons pas que nous faisons du droit du développement durable. Quand nous évoquons l’environnement, nous ne disons pas qu’il faut remplacer le mot : « environnement » par les mots : « développement durable ». On peut faire de l’économie en intégrant le concept de développement durable dans nos objectifs, sans pour autant remplacer linguistiquement chacun de ces paramètres par le mot qui les englobe tous – ce serait manquer de clarté juridique.

M. le président. La parole est à M. Denis Baupin.

M. Denis Baupin. J’ai bien entendu les propos du ministre, qui a expliqué que c’était uniquement pour des raisons juridiques que le Gouvernement repoussait mon amendement. J’espère que ses propos seront clairement entendus par ceux qui rédigeront les ordonnances et par ceux qui auront à les voter : nous devrons bien vérifier que les ordonnances qui nous seront proposées ne soient pas contradictoires avec le développement durable. Cela dit, il faut se battre jusqu’au bout : je maintiens donc mon amendement.

(L’amendement n1264 n’est pas adopté.)

(L’article 27 est adopté.)

Après l’article 27

M. le président. Nous en venons à l’amendement n1265, portant article additionnel après l’article 27, sur lequel je suis saisi par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Denis Baupin, pour soutenir l’amendement.

M. Denis Baupin. Je ne suis pas surpris qu’il existe encore, dans cette assemblée, des gens qui proposent de défendre la planification écologique dans leurs campagnes, mais qui se battent systématiquement contre le développement des énergies renouvelables et demandent donc, à ce titre, un scrutin public pour le montrer clairement. Nous l’avons d’ailleurs vu encore hier, lorsqu’il s’agissait de défendre les militants de Greenpeace : ces mêmes députés défendaient, eux, leur incarcération, alors même qu’ils sont favorables à l’amnistie lorsqu’il s’agit de militants syndicaux.

J’en viens au contenu de l’amendement n1265 et des trois suivants, qui sont des amendements de simplification concernant les énergies renouvelables, dans le cadre de ce texte qui vise à développer un secteur très important – le président Brottes l’a rappelé tout à l’heure.

L’amendement n1265 vise à simplifier le régime relatif à l’installation d’éoliennes, qui relèvent aujourd’hui du régime d’autorisation en tant qu’installations classées pour la protection de l’environnement – ICPE. Nous souhaitons passer au régime de déclaration.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe Castaner, rapporteur thématique. Nous poursuivons un objectif consistant à simplifier de la meilleure façon la mise en œuvre du développement des éoliennes. Je suis réservé quant à cet amendement, parce qu’il concerne les grandes éoliennes, celles dont la hauteur des mâts dépasse cinquante mètres – ce sont donc des éoliennes de grande taille –, dont l’installation passerait d’un régime d’autorisation à un régime de déclaration. Cette modification entraînerait, par exemple, la suppression des études d’impact et, de fait, de la consultation du public ; or je vous sais très attaché à ces sujets, monsieur Baupin.

En adoptant cet amendement, nous fragiliserions l’ensemble du dispositif, y compris dans le message que nous souhaitons envoyer. Sur ce sujet, j’ai lu les déclarations de l’association France Nature Environnement, qui s’est montrée particulièrement préoccupée.

M. Denis Baupin. Pardon ?

M. Christophe Castaner, rapporteur thématique. Si l’objectif de développement des énergies éoliennes, que vous poursuivez, est parfaitement légitime, la solution proposée semble comporter plus d’inconvénients et de risques que d’avantages. Tirons aujourd’hui les bénéfices de la double simplification : celle que prévoit le projet de loi relatif à la transition énergétique, mais aussi celle qu’apportera l’article 28 du présent projet de loi, que nous examinerons tout à l’heure et qui permettra d’appliquer à l’éolien de nouvelles procédures. Dans ce cadre, nous devrons être vigilants et réaffirmer notre objectif de simplification du droit de l’environnement, sans nuire à l’environnement. Cela étant, il existe à mon sens un risque à passer aujourd’hui à un régime aussi simplifié. C’est pourquoi la commission a repoussé cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Nous avons déjà eu ce débat : de la même façon, je repousserai cet amendement en renvoyant aux discussions que nous aurons sur l’article 28. Les éoliennes, en particulier celles de plus de cinquante mètres, ont un impact potentiel important : le recours à une étude d’impact ou à une étude de danger intégrée dans une démarche globale nous paraît préférable.

Je le répète, nous avons déjà eu ce débat. Ne nous opposons pas sur ce débat, monsieur Baupin : je partage votre volonté de développer les énergies éoliennes. Nous n’avons pas trouvé que la solution que vous proposiez était réalisable, et je suis le premier à le regretter. Je m’engage à ce que nous portions cet objectif dans le cadre de l’article 28 : c’est un engagement de l’ensemble du Gouvernement. Ségolène Royal partage également cet objectif, qui ne peut cependant pas être atteint par le moyen que vous préconisez.

Je donne donc à cet amendement un avis défavorable, là encore, en renvoyant à l’examen de l’article 28.

Par ailleurs, j’ai relu l’ordonnance de juillet 2014 qui définit les programmes d’intérêt économique majeur : dans l’un de ses alinéas, il est fait référence à la notion de développement durable. Je veux donc vous rassurer pleinement, monsieur Baupin, au-delà des engagements juridiques que j’ai pris.

M. le président. La parole est à M. Denis Baupin.

M. Denis Baupin. Je veux récuser une partie de l’argumentation du rapporteur, qui consiste à instrumentaliser France Nature Environnement. Comme j’avais déjà entendu cette rumeur, j’ai vérifié auprès du président de l’association lui-même : il m’a indiqué qu’il n’avait rien contre les amendements que j’ai déposés sur l’éolien. Je me permets de le dire : France Nature Environnement est favorable au développement des énergies renouvelables. Chacun votera en son âme et conscience, mais n’instrumentalisons pas une association en lui faisant dire autre chose que sa position !

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Je n’entrerai pas dans une polémique avec mon collègue Baupin, mais la protection de l’environnement et l’opposition à des juridictions d’exception ne sont pas à géométrie variable.

M. Jean-Luc Laurent. Exactement !

M. André Chassaigne. Quand on a des principes, on les décline de façon régulière et on ne les adapte pas en fonction des circonstances.

M. Denis Baupin. On aurait voulu le voir hier !

M. André Chassaigne. Nous le verrons tout à l’heure dans la suite du débat, mais je pense que ce serait une erreur très grave que d’aller beaucoup trop loin en matière de développement des énergies éoliennes – beaucoup plus loin, en particulier, que la loi Brottes, dont je m’étais opposé à plusieurs des articles, du moins dans ce domaine. Ce serait vraiment une erreur très grave que de remplacer l’autorisation par une simple déclaration. Il suffit d’évaluer les conséquences potentielles d’une telle mesure. J’en ai relevé quelques-unes.

La première et la plus importante de ces conséquences est le déni de démocratie – jusqu’à présent, je croyais pourtant que cette valeur nous unissait, monsieur Baupin. La population d’un territoire doit pouvoir s’exprimer : les habitants doivent pouvoir faire valoir des points de vue contradictoires quand ils considèrent que leur vie peut être concernée par un projet, qu’une installation peut avoir des conséquences environnementales, économiques et financières. Il faut étudier tous ces aspects ! En voulant passer de l’autorisation à la déclaration, vous considérez qu’il ne doit pas y avoir de débat, et qu’il serait donc possible d’installer des éoliennes de plus de cinquante mètres partout, sans débat. Voilà le fond du problème !

M. Daniel Fasquelle. Bien sûr !

M. André Chassaigne. Je rappelle que la loi Brottes a supprimé les zones de développement de l’éolien, les ZDE, ainsi que la règle selon laquelle un minimum de cinq éoliennes étaient nécessaires pour former un champ éolien.

M. Daniel Fasquelle. Eh oui !

M. André Chassaigne. Je rappelle cependant que la loi Brottes a mis en place quelques garde-fous, parmi lesquels le régime d’autorisation des ICPE, que vous voulez aujourd’hui faire sauter, loi après loi, par une forme de grignotage.

Il existe un autre garde-fou : les éoliennes doivent être éloignées d’au moins 500 mètres des habitations. De fait, vous ferez aussi sauter ce principe.

M. Denis Baupin. Pardon ?

M. André Chassaigne. L’existence de schémas régionaux éoliens est encore un autre garde-fou. Or, si cet amendement est adopté, on pourra installer des éoliennes en dehors de tout schéma régional éolien, sans tenir compte de la façon dont le territoire est organisé.

Les conséquences concrètes d’un tel changement de régime seront très précises. On gèlera les lois Montagne et Littoral interdisant le mitage de ces zones fragiles. On écartera toute contrainte en cas de coexistence des radars civils et militaires avec les aérogénérateurs. (Exclamations sur les bancs du groupe écologiste.) On limitera les éléments à fournir par les promoteurs – c’est surtout cela qui est très grave ! On empêchera une instruction approfondie des dossiers. On réduira au maximum les possibilités d’appréciation du préfet.

On va supprimer les contraintes selon lesquelles la délivrance de l’autorisation d’exploiter est subordonnée à l’éloignement des installations d’une distance de cinq cents mètres par rapport aux constructions à usage d’habitation, aux immeubles habités et aux zones destinées à l’habitation définies dans les documents d’urbanisme. On va supprimer la référence au schéma régional éolien.

Si j’ai demandé un scrutin public, c’est parce que j’estime que la proposition de nos collègues écologistes est d’une extrême gravité, et qu’il faut que chacun prenne ses responsabilités par rapport à cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. Le groupe UDI votera contre l’amendement. Je suis élu dans une région frontalière. Il y a quelques mois, des éoliennes ont été implantées en Belgique, sur la frontière, à côté de la ville dont je parlais tout à l’heure à propos des logements sociaux. Le gouvernement belge s’est contenté de demander l’avis des villes environnantes, mais il a oublié la France.

On a donc assisté à une levée de boucliers côté français, les habitants concernés s’élevant contre le fait de n’avoir pas été consultés et de n’avoir pas pu donner leur avis. Je ne voudrais pas que l’on fasse la même chose dans notre pays et que l’on puisse installer des éoliennes de cinquante mètres de haut sans demander l’avis des riverains, ce qui est tout de même la moindre des choses ; du reste, cela se pratique pour bien des installations.

Que l’on simplifie les procédures, je n’y vois pas d’inconvénient, mais alors il faut simplifier pour tout, pas seulement pour les éoliennes. Oui à un schéma général de simplification, mais il est normal que les riverains puissent donner leur avis. Il ne s’agit pas d’empêcher l’installation d’éoliennes, mais de respecter les riverains.

M. le président. La parole est à M. Daniel Fasquelle.

M. Daniel Fasquelle. Lorsque Patrick Ollier était président de la commission des affaires économiques sous la précédente législature, nous avions posé un certain nombre de limites au développement de l’éolien en France. Nous voulions éviter que les éoliennes s’implantent sans suivre un schéma organisé et se répandent sur le territoire national.

À l’époque, nous avions prévu que les éoliennes soient regroupées par cinq. Nous avions également prévu un système d’installations classées, afin que les habitants soient associés et qu’un minimum de procédures entoure l’installation des éoliennes.

Je suis pour ma part scandalisé que l’on cherche systématiquement, au fil des textes, à détricoter les règles et les limites qui avaient été posées. Cela a été le cas avec la loi Brottes, ainsi qu’avec la loi relative à la transition énergétique. Et voilà que – M. Baupin est coutumier du fait – cela se reproduit dans le cadre de ce texte où l’on essaie, en douce, un vendredi soir à vingt heures, d’alléger le régime d’implantation des éoliennes au mépris des conséquences dramatiques dans nos territoires, du point de vue du cadre de vie – et les habitants ont tout de même leur mot à dire – comme de l’attrait de la France qui est la première destination touristique au monde.

C’est en raison de ses paysages magnifiques que la France occupe cette position de grand et beau pays touristique. Il ne faut donc pas faire n’importe quoi aux abords de châteaux, de villes ou de villages exceptionnels.

Mme Michèle Bonneton. C’est prévu.

M. Daniel Fasquelle. Le long du littoral, il faut également être vigilant. Et s’agissant de l’implantation d’éoliennes en mer, il vaudrait mieux éviter d’en implanter en face des plages de stations touristiques. Il faut raison garder, et j’appelle votre attention sur les tensions que cela peut entraîner dans les villages. Du fait des baisses de dotations de l’État, de la réforme des rythmes scolaires, de toutes les charges que vous leur avez mises sur le dos, les élus sont dans l’obligation de trouver des ressources. Ils subissent la pression des promoteurs éoliens qui leur font miroiter les recettes que l’implantation d’éoliennes générerait pour leurs communes.

Bref, on aboutit à des tensions entre les élus qui sont à la recherche de financements pour équilibrer leur budget et les habitants qui créent des associations pour résister à l’implantation des éoliennes. En fait, vous mettez à feu et à sang nos villages : c’est absolument scandaleux !

M. Denis Baupin. Ah ! Ah ! Ah !

M. Daniel Fasquelle. Je ne suis pas opposé aux éoliennes, mais leur implantation doit être organisée. Qu’on les regroupe dans des endroits où les habitants n’y sont pas hostiles. Quoi qu’il en soit, veillons à ne pas les disséminer de façon complètement anarchique. Quant aux élus de Paris, qu’ils commencent par installer des éoliennes sur le Champ-de-Mars ou les Champs-Élysées !

M. Denis Baupin. On est pour !

M. Daniel Fasquelle. Nous aviserons ensuite pour ce qui est d’en installer dans nos villes et nos villages !

M. le président. La parole est à M. Denis Baupin.

M. Denis Baupin. Je ne suis pas surpris par l’alliance habituelle du Front de gauche, de l’UMP et de l’UDI…

M. Jean-Luc Laurent. Et même du MRC !

M. Denis Baupin. …qui défendent systématiquement le nucléaire et s’opposent aux énergies renouvelables. Je n’oublie pas, monsieur Laurent, de vous associer aux autres formations politiques qui défendent le vieux modèle et qui refusent de passer au nouveau.

Je vous invite, chers collègues de l’UMP, à regarder ce que font vos amis européens !

M. Daniel Fasquelle. La transition énergétique en Allemagne, c’est une catastrophe !

M. Denis Baupin. Tous les pays européens sont en train de nous tailler des croupières dans le domaine des énergies renouvelables. Autant de créations d’emplois que vous empêchez. Aujourd’hui, EDF construit des éoliennes partout en Europe, sauf en France. On empêche aujourd’hui le développement d’emplois dans le domaine des énergies d’avenir au nom de la défense d’un vieux modèle.

Quand il s’agit du nucléaire, on n’entend plus M. Chassaigne. Êtes-vous pour un référendum sur la fermeture de Fessenheim ?

M. André Chassaigne. Oui.

M. Denis Baupin. Hier, votre groupe s’est prononcé en faveur de « l’embastillage » des militants de Greenpeace.

M. Gilles Lurton. Caricature !

M. Denis Baupin. Vous ne défendiez pas beaucoup la démocratie, hier au moment de l’examen de la proposition de loi visant à renforcer la protection des installations civiles abritant des matières nucléaires, mais dont l’objet était surtout de pénaliser les militants. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Je constate simplement votre double discours s’agissant du développement des énergies renouvelables. M. Fasquelle, qui nous explique habituellement qu’il est favorable à la multiplication des derricks sur le territoire national pour aller chercher du gaz de schiste, pense tout d’un coup aux paysages lorsqu’il s’agit des éoliennes !

Arrêtez l’hypocrisie ! Vous n’aimez pas les éoliennes, vous n’aimez pas les énergies renouvelables, vous soutenez le business des énergéticiens qui veulent faire soit du nucléaire, soit du gaz de schiste. Pour notre part, nous sommes favorables à ces énergies d’avenir qui sont en plein développement de par le monde.

La France ne doit pas rater cette révolution. Ce qui est le plus dramatique dans votre discours démagogique et idéologique, c’est que vous refusez le progrès.

M. André Chassaigne. Avec le business et les intérêts privés !

M. Denis Baupin. Vous refusez le développement des énergies d’avenir, les énergies de flux, celles qui vont nous permettre de faire la transition énergétique. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.)

M. Philippe Vitel. Voyez la catastrophe allemande.

M. le président. La parole est à Mme Monique Rabin.

Mme Monique Rabin. Le débat est passionné, mais il ne porte ni sur la question démocratique, cela viendra en son temps au cours de l’année 2015, ni sur le fait de savoir si l’on est pour ou contre l’éolien. Nous sommes tous d’accord pour développer l’éolien.

La seule chose qui nous anime, c’est l’envie de développer le secteur éolien. Mais nous devons poser des bornes, les bonnes bornes. La commission spéciale présidée par notre collègue François Brottes l’a fait en mettant des limites. Nous allons vers une simplification progressive des procédures, mais cela ne peut pas être le laisser faire permanent. Il faut être vigilant et se soucier de la réaction des populations.

M. Philippe Vitel. Très bien.

Mme Monique Rabin. J’attends, et ce sera la preuve par neuf, de voir les projets portés par des élus locaux dans la durée pour réussir l’éolien en France.

M. Philippe Vitel. Bravo.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur thématique.

M. Christophe Castaner, rapporteur thématique. Je tiens à donner acte à M. Baupin : la définition du développement durable peut faire débat. J’ai évoqué France Nature Environnement, association que j’ai rencontrée à de nombreuses reprises s’agissant de la défense du loup par exemple. Mais j’ai confondu cette association avec la Fédération Environnement durable qui s’est mobilisée sur ce sujet.

M. Denis Baupin. Rien à voir en effet !

M. Christophe Castaner, rapporteur thématique. Nous qui sommes des tenants du mix énergétique, tout en étant très attachés au développement de l’éolien, nous restons toutefois réservés quant à une simplification excessive des procédures. Je maintiens l’avis défavorable à cet amendement.

M. Philippe Vitel. Très bien !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n1265.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants36
Nombre de suffrages exprimés35
Majorité absolue18
Pour l’adoption3
contre32

(L’amendement n1265 n’est pas adopté.)

(Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

2

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

Suite de la discussion du projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures dix.)

La Directrice du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Catherine Joly