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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2014-2015

Compte rendu
intégral

Troisième séance du vendredi 20 février 2015

SOMMAIRE

Présidence de M. David Habib

1. Nouvelle organisation territoriale de la République

Discussion des articles (suite)

Après l’article 9

Amendement no 481

M. Olivier Dussopt, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation et de la fonction publique

Article 9 bis

Article 10

Article 11

Amendements nos 234 , 1312 , 1853

M. Germinal Peiro, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques

Amendements nos 1178 , 1779, 1780

Après l’article 11

Amendements nos 1047 , 1694

Article 12

Amendements nos 733 , 1224 , 1470 , 1229 , 490

Après l’article 12

Amendements nos 986 , 1511 rectifié

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

Amendements nos 960 , 974 , 487 , 489

Article 12 bis A

Mme Valérie Pécresse

Amendements nos 1851, 1893 , 1885 , 1027

Article 12 bis B

Après l’article 12 bis B

Amendement no 1697

Article 12 bis

Amendement no 1519

Article 12 ter

Amendements nos 1032, 1921 , 1781 , 1903

Article 12 quater

Après l’article 12 quater

Amendement no 110

M. Stéphane Travert, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles et de l’éducation

Article 13

M. Laurent Marcangeli

M. Camille de Rocca Serra

M. Paul Giacobbi

M. Martial Saddier

M. Benoist Apparu

Mme Marylise Lebranchu, ministre

Amendements nos 1979 rectifié , 2078 (sous-amendement) , 2085 (sous-amendement) , 158 , 160 , 2037 , 2086 (sous-amendement) , 2038 deuxième rectification , 2087, 2088 (sous-amendements) , 2089 (sous-amendement) , 2090 (sous-amendement) , 2091 rectifié (sous-amendement)

Après l’article 13

Amendements nos 648 , 219 , 220, 221 , 222 , 2057 rectifié (sous-amendement) , 763 , 764, 765, 766

Article 13 bis

Amendements nos 1862 rectifié , 1381 , 2023

Après l’article 13 bis

Amendements nos 496 , 4 , 1899 , 1925 , 1887 , 644

2. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. David Habib

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt-deux heures.)

1

Nouvelle organisation territoriale de la République

Suite de la discussion d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi, adopté par le Sénat, portant nouvelle organisation territoriale de la République (nos 2529, 2553, 2542, 2544, 2545, 2546, 2549).

Discussion des articles (suite)

M. le président. Cet après-midi, l’Assemblée a poursuivi la discussion des articles du projet de loi, s’arrêtant à l’amendement n481 portant article additionnel après l’article 9.

Après l’article 9

M. le président. La parole est à M. Hervé Gaymard, pour soutenir l’amendement n481.

M. Hervé Gaymard. En proposant le transfert de la voirie départementale à la région, le Gouvernement semble rechercher un gain en termes de coordination et de cohérence des investissements d’un département à l’autre, notamment sur les itinéraires d’intérêt régional. Ignorant l’incidence des débats précédents sur cet amendement, je souhaiterais connaître l’avis du rapporteur – qui le jugera peut-être sans objet.

M. le président. La parole est à M. Olivier Dussopt, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour donner l’avis de la commission.

M. Olivier Dussopt, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. L’amendement est en effet sans objet, quoique… Vous proposez que la conférence territoriale de l’action publique – la CTAP – se saisisse des questions de cohérence en matière d’infrastructures de transport. L’amendement soulève cependant deux difficultés, au-delà des modifications de la répartition des compétences auxquelles nous avons procédé tout à l’heure.

La première est que nous ne souhaitons pas que le législateur énumère les compétences thématiques de la CTAP, afin de laisser les élus qui en font partie en décider eux-mêmes.

La deuxième difficulté – qui n’en est pas vraiment une – est que le schéma régional d’aménagement et de développement durable du territoire – ou SRADDT –, que nous avons adopté tout à l’heure, a pour vocation de travailler sur l’aménagement du territoire, et donc sur les infrastructures. En ce sens, et au-delà du fait que l’adoption de l’article 8 amendé lui a fait perdre sa pertinence, cet amendement est donc satisfait.

M. le président. La parole est à Mme la ministre de la décentralisation et de la fonction publique, pour donner l’avis du Gouvernement.

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation et de la fonction publique. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Hervé Gaymard.

M. Hervé Gaymard. Je retire donc l’amendement.

(L’amendement n481 est retiré.)

Article 9 bis

(L’article 9 bis est adopté.)

Article 10

(L’article 10 est adopté.)

Article 11

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques, nos 234, 1312 et 1853.

La parole est à M. Hervé Gaymard, pour soutenir l’amendement n234.

M. Hervé Gaymard. Cet amendement entend supprimer à nouveau, comme l’avait fait le Sénat, la procédure de transfert de la propriété, de l’aménagement, de l’entretien et de la gestion des ports relevant du département aux autres collectivités territoriales. En effet, le dispositif proposé par le texte qui nous est soumis n’est qu’un élément de plus pour vider le département de ses compétences. L’amendement tend donc à revenir au texte du Sénat.

M. le président. La parole est à Mme Jeanine Dubié, pour soutenir l’amendement n1312.

Mme Jeanine Dubié. Cet amendement vise à rétablir la compétence des départements en matière de gestion des ports.

M. le président. La parole est à M. Germinal Peiro, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, pour soutenir l’amendement n1853.

M. Germinal Peiro, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Il est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Olivier Dussopt, rapporteur. La commission des lois a jugé opportun et cohérent avec le renforcement des compétences de la région en matière économique de lui confier la gestion des principaux ports, les plus petits restant gérés, comme le prévoit l’article 11, par les EPCI.

L’article 11 prévoit également que la région puisse s’organiser comme elle le souhaite avec les autres collectivités. Avis défavorable, donc, à cette série d’amendements de suppression.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Hervé Gaymard.

M. Hervé Gaymard. Je maintiens mon amendement n° 234.

M. le président. La parole est à Mme Jeanine Dubié.

Mme Jeanine Dubié. Je retire mon amendement n° 1312.

M. le président. La parole est à M. Germinal Peiro, rapporteur pour avis.

M. Germinal Peiro, rapporteur pour avis. Et moi, mon amendement n1853.

(Les amendements identiques nos 1312 et 1853 sont retirés.)

(L’amendement n234 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Olivier Dussopt, rapporteur, pour soutenir l’amendement n1178.

M. Olivier Dussopt, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.

(L’amendement n1778, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Olivier Dussopt, rapporteur, pour soutenir l’amendement n1779.

M. Olivier Dussopt, rapporteur. Il est également rédactionnel, de même que le suivant, le n° 1780.

(Les amendements nos 1779 et 1780, acceptés par le Gouvernement, sont successivement adoptés.)

(L’article 11, amendé, est adopté.)

Après l’article 11

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 1047 et 1694, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à Mme Brigitte Allain, pour soutenir l’amendement n1047.

Mme Brigitte Allain. Actuellement, dans les cas de contraventions de grande voirie, seuls les préfets peuvent saisir la juridiction administrative et ce, même si la collectivité territoriale détient la police portuaire. La procédure peut donc prendre un certain temps et, finalement, ne pas aboutir. Cet amendement a pour objet de permettre aux collectivités concernées de transmettre les procès-verbaux de grande voirie directement aux tribunaux.

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Appéré, pour soutenir l’amendement n1694.

Mme Nathalie Appéré. Il est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Olivier Dussopt, rapporteur. Les deux amendements poursuivent le même objectif, mais je demande à Mme Allain de retirer le sien, car il prévoit le transfert du pouvoir de police du préfet vers la collectivité territoriale, dont nous ne sommes pas certains qu’il soit opérationnel ni très conforme aux règles constitutionnelles. L’amendement n1694 de Mme Appéré, qui va dans le même sens, ne prévoit pas cette disposition. Pour des raisons de rédaction et de sécurité juridique, il nous paraît donc plus stable.

Je demande donc le retrait de l’amendement n1047 et émets un avis favorable sur l’amendement n1694.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur ces deux amendements ?

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Même avis, pour les mêmes raisons.

M. le président. La parole est à Mme Brigitte Allain.

Mme Brigitte Allain. Je retire donc mon amendement.

(L’amendement n1047 est retiré.)

(L’amendement n1694 est adopté.)

Article 12

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements, nos 733, 1224, 1470 et 1229, pouvant être soumis à une discussion commune.

Les amendements nos 733, 1224 et 1470 sont identiques.

La parole est à M. Pierre-Yves Le Borgn’, pour soutenir l’amendement n733.

M. Pierre-Yves Le Borgn’. Il est défendu.

M. le président. La parole est à M. Michel Piron, pour soutenir l’amendement n1224.

M. Michel Piron. Je souhaite rappeler par cet amendement qu’en matière d’économies, de mutualisation et même de complémentarité des compétences, le transfert des collèges des départements vers les régions est infiniment plus facile que celui des routes, que nous évoquions tout à l’heure et qui a du reste pu être rectifié. Je rappelle que, dans les collèges, les personnels techniques exercent strictement le même métier que dans les lycées.

En premier lieu il ne me semble pas qu’il y ait une différence fondamentale et insurmontable entre le fait de pousser un aspirateur dans un couloir de collège ou dans un couloir de lycée.

En deuxième lieu, dans l’intérêt même de ces personnels, contrairement à ce que certains syndicats professionnels un peu corporatistes ont voulu laisser entendre, la mobilité serait facilitée. En effet, lorsqu’un agent technique d’un collège souhaite rejoindre son conjoint dans un lycée, ou vice versa, et qu’il n’y a pas de place, il rencontre les pires difficultés pour changer d’employeur. Cette mobilité facilitée va donc dans le sens de l’intérêt des personnels.

En outre, s’agissant de la gestion, puisque les fonctions support permettant de gérer les personnels de lycée se trouvent dans les régions, je ne vois pas ce qui empêcherait les mêmes fonctions support, sans doute étoffées, de gérer les personnels de collège.

Dernière observation : il n’est pas indifférent d’établir parfois un lien entre les sorties de collège et la formation professionnelle.

M. le président. La parole est à M. Carlos Da Silva, pour soutenir l’amendement n1470.

M. Carlos Da Silva. Même si notre collègue Piron a défendu avec brio son amendement et que je partage une grande partie de ses arguments, je défendrai le présent amendement.

Je trouve qu’il y a une véritable cohérence à transférer les collèges aux régions, pour les raisons évoquées, mais pas seulement : nombre de cités scolaires mêlent aujourd’hui lycée et collège. Il y a une véritable cohérence également pour la construction et l’entretien même des bâtiments qui accueillent les collégiens et les lycéens. On pourrait donc réaliser là des économies d’échelle substantielles.

M. Michel Piron. Exact !

M. le président. La parole est à M. Michel Piron, pour soutenir l’amendement n1229.

M. Michel Piron. Il est présenté ! (Sourires.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements en discussion commune ?

M. Olivier Dussopt, rapporteur. Tous ces amendements ont pour objectif de rétablir le transfert des collèges des départements vers les régions. Le Sénat, à la quasi-unanimité, s’est opposé à ce transfert. Le Gouvernement avait renoncé à proposer de le rétablir tant en séance au Sénat qu’en commission des lois à l’Assemblée nationale. Celle-ci n’a pas non plus rétabli le transfert. En cohérence avec l’ensemble de ces positions, l’avis est défavorable au rétablissement du transfert de la compétence collèges vers les régions.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Il n’a échappé à personne que le Gouvernement n’a pas déposé d’amendement de rétablissement de son texte initial. Concernant les cités scolaires, nous avons maintenant les conférences territoriales de l’action publique : il est parfaitement possible d’engager une discussion entre les régions, les départements et même des intercommunalités – c’est d’ailleurs ce qu’il se passe en Île-de-France – pour que les cités scolaires soient gérées par délégation.

Il restera à régler la question du troisième personnage représentant l’État, mais sur ce point le ministère de l’éducation nationale a été très clair. Je pense donc que vous avez satisfaction sur les cités scolaires ; en foi de quoi vous pourriez peut-être retirer votre amendement, monsieur Da Silva.

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Laurent.

M. Jean-Luc Laurent. Je voudrais encourager mon collègue Da Silva à retirer son amendement. Je poursuivrai son raisonnement au-delà des cités scolaires, qui reçoivent dans le projet de loi une réponse en termes de délégation.

Comme lui, je crois en effet que la gestion des établissements scolaires gagnerait en cohérence si elle était assurée par une collectivité unique. Cela étant, il faut articuler cette unicité de gestion avec la proximité afin d’éviter, comme en Île-de-France, de créer des structures infradépartementales ou infrarégionales pour gérer les lycées.

C’est la raison pour laquelle j’aurais plutôt envisagé le transfert de la gestion des lycées aux départements. Si je n’ai pas pu déposer d’amendement en ce sens, en application de l’article 40, je livre cela pour réflexion. Ce transfert permettrait d’être plus proche du terrain et en cohérence au niveau des académies avec les services de l’État et avec les collèges. Il y a en effet un lien à établir entre collèges et lycées : on y gagnerait en mutualisation et en efficacité. Cette remarque a pour but d’inciter Carlos Da Silva à poursuivre la réflexion.

M. le président. La parole est à M. Michel Piron.

M. Michel Piron. J’observe tout d’abord que M. Da Silva a bien voulu m’accorder un satisfecit sur un certain nombre d’arguments – arguments différents de celui qu’il a présenté car je n’ai pas évoqué la question des cités scolaires.

Cela étant, alors que je suis habitué à entendre des discours beaucoup plus articulés et beaucoup plus probants de la part de notre rapporteur et de Mme la ministre, je suis désolé d’avoir à dire que je n’ai entendu aucun argument contestant les raisons pour lesquelles je souhaitais le transfert des collèges vers les régions, ni aucune réponse concernant le personnel, les économies de gestion ou le rapport avec la formation professionnelle.

Je n’ai entendu qu’une affirmation – ce n’est pas la même chose qu’un argument – qui relève presque du dogme : le Sénat l’a voté ! C’est quand même un peu court ! Malgré tout le respect que j’ai pour la Haute Assemblée, il me semble que l’Assemblée nationale n’est pas obligée de s’interdire toute réflexion quand le Sénat a voté !

M. le président. La parole est à M. Martial Saddier.

M. Martial Saddier. Au moment où nous redémarrons nos travaux, dans cette nuit du vendredi au samedi, il n’est pas inutile de préciser que certains membres de la majorité, et non des moindres, qui se sont battus pour que les routes soient gérées au niveau régional, se battent maintenant pour que les collèges soient transférés au niveau régional.

De plus, nous avons carrément eu tout à l’heure l’aveu public que les départements étaient de toute façon voués à disparaître : il n’est pas inutile de le rappeler et de le souligner !

M. Michel Piron. Je ne voudrais pas que les collèges s’évaporent !

M. Jean-Luc Laurent. La disparition des départements n’est pas un rêve partagé par tous !

M. Martial Saddier. Au moins, sur les collèges, cela a le mérite d’éviter la navette.

Mais nous avons prolongé la séance cet après-midi jusqu’à 20 h 30 pour adopter l’amendement du Gouvernement sur les routes ; malgré cela, ce dernier pourrait revenir sur la compétence des départements en la matière après les échéances électorales.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Le Sénat n’accepterait pas cela ! C’est n’importe quoi !

M. Martial Saddier. Nous n’avons pas eu le temps de le dire, mais c’est ainsi, mes chers collègues ! Hervé Gaymard a déposé un amendement qui a été rejeté et la « manœuvre », entre guillemets, que constitue l’amendement du Gouvernement ouvre la possibilité juridique, après les élections,…

M. Jean-Luc Laurent. Procès d’intention !

M. Martial Saddier. Vous pouvez secouer la tête, mais vous savez bien que juridiquement, j’ai raison !

Mme Estelle Grelier. Pas du tout !

M. Martial Saddier. Enfin, je partage la remarque de Michel Piron – j’allais d’ailleurs la faire – : il est assez étonnant et agaçant, quand on est à l’Assemblée nationale, d’entendre le rapporteur, malgré sa grande qualité, que je souligne depuis le début de ce texte, justifier une demande de retrait d’amendement ou un avis défavorable par le simple fait que le Sénat en aurait décidé autrement !

M. Michel Piron. Vous pardonnerez au Sénat de s’être trompé !

M. le président. La parole est à M. Benoist Apparu.

M. Benoist Apparu. Je défendrai en même temps l’amendement n490 qui va dans un sens totalement inverse. Plutôt que de rattacher les collèges aux régions, je propose de faire l’inverse, c’est-à-dire de rattacher les collèges non pas aux régions mais aux métropoles et aux intercommunalités.

En effet, cela serait en cohérence avec ce qui se passe sur le plan pédagogique : la France opère peu à peu un rapprochement entre d’un côté le primaire et le collège et, de l’autre, le lycée et l’enseignement supérieur. Une mission d’information, présidée par un parlementaire UMP et dont le rapporteur est du groupe socialiste, a même été créée pour étudier ce que l’on appelle le « continuum bac - 3 bac + 3 », c’est-à-dire lycée-enseignement supérieur court.

La loi de refondation pour l’école votée par votre majorité, présentée par votre gouvernement, prévoit un rapprochement institutionnalisé entre le primaire et le collège. Il me semble donc que cette organisation pédagogique doit trouver une correspondance en matière de compétence territoriale.

On ne peut pas avoir, d’un côté, sur le plan pédagogique, un rapprochement primaire-collège et de l’autre, sur le plan des compétences territoriales, un rapprochement collège-lycée : ce serait totalement incohérent, raison pour laquelle je préconise le rattachement aux intercommunalités – métropoles, communautés urbaines, communautés d’agglomération quand elles existent – du collège, pour assurer une cohérence de la gestion du bâti scolaire avec la cohérence pédagogique qui est en train de s’installer en France.

M. le président. La parole est à Mme Valérie Pécresse.

Mme Valérie Pécresse. C’est terrible comme ce débat est totalement transpartisan et nous fracture tous ! Je ne suis pas du tout d’accord avec ce qui vient d’être dit par Benoist Apparu car j’envisage cela sous un autre angle.

Il y a une vraie logique en effet à défendre, comme l’ont fait M. Da Silva et M. Laurent, le rapprochement collège-lycée. En réalité, il ne s’agit pas de faire de la pédagogie : on ne demande pas à la collectivité locale de faire de la pédagogie, mais de gérer des bâtiments.

M. Stéphane Travert, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles et de l’éducation. Et les passerelles ? Il n’y a pas que les bâtiments !

Mme Valérie Pécresse. Comme ces bâtiments se trouvent en cités scolaires, il est assez logique que ce soit les mêmes qui rénovent.

J’ai eu le cas tout récent d’un magnifique collège départemental des Hauts-de-Seine qui vient d’être inauguré alors que le lycée est totalement pourri et devra attendre encore cinq ou six ans sa rénovation. Cela fait vraiment très bizarre quand le département arrive fièrement en disant « Regardez ce que j’ai fait ! »…

M. Jean-Luc Laurent. Parfois c’est l’inverse : le collège est rénové tandis que le lycée est pourri !

Mme Valérie Pécresse. Parfois cela peut être l’inverse, je le reconnais, mais en l’occurrence ce n’est pas le cas : la région n’a pas fait le job ! La question porte sur les bâtiments, le gardiennage, la sécurité, l’encadrement : il est donc assez logique que tout cela soit géré ensemble. On peut ensuite se demander si on confie cela au département ou la région.

Je vais vous dire ce que je pense, et je rebondirai sur les propos de Michel Piron. La question est la suivante : veut-on relier le collège et le lycée à l’emploi ? Benoist Apparu a parlé de cohérence pédagogique éducative, mais il y a aussi la cohérence professionnelle ; or le collège et le lycée sont des endroits où il y a de l’apprentissage, où l’on est orienté, où l’on doit décider de son avenir.

Un certain nombre de nos élèves quitteront le collège pour aller dans la vie professionnelle ou dans une formation leur assurant une qualification ; certains d’ailleurs le quitteront sans qualification et iront dans une école de la deuxième chance.

En réalité, le sujet du rapport entre l’école et la professionnalisation se décidera aussi au collège et au lycée. De ce point de vue, madame la ministre, le fait que le logiciel de fin de collège n’intègre pas les CFA – centres de formations d’apprentis – mais seulement les orientations possibles en lycée, parce que l’éducation nationale n’a jamais voulu intégrer les CFA dans l’orientation des élèves de collège, montre qu’il existe des frontières et des murs de Berlin entre l’éducation nationale et la formation professionnelle.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Absolument !

Mme Valérie Pécresse. Qui s’occupe de la formation professionnelle ? Les régions ! Vous comprenez donc quelle serait ma conclusion ; mais en même temps, c’est un tel souk que, si on ne donne pas aux régions les collèges, je n’en ferai pas une maladie – mais je pense que cela serait plus cohérent !

M. Michel Piron. Vous affaiblissez votre argumentation à la fin : c’est dommage !

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Gagnaire.

M. Jean-Louis Gagnaire. Bien qu’étant un régionaliste très convaincu, je n’ai pas souhaité signer l’amendement de certains collègues visant à transférer les collèges aux régions. Au risque de passer pour un pingre dans cet hémicycle, je pose la question de l’alignement indiciaire et des traitements entre les personnels techniciens et ouvriers de service, dits TOS, des conseils généraux et ceux des conseils régionaux – alignement rendu nécessaire à partir de 2004.

Or les conseils régionaux auront bien d’autres préoccupations pour mener à bien la réforme territoriale, notamment les alignements de traitement entre différentes régions. En effet, toutes n’appliquent pas un même niveau de rémunération et on sait très bien que, dans les grandes régions, les traitements sont plus favorables. Cela suffira donc au bonheur des conseils régionaux.

En dépit des assurances réitérées de Mme la ministre sur les transferts de fiscalité, il est donc pour l’instant plus prudent de conserver les collèges aux départements plutôt que de les transférer aux régions.

Je suis vraiment d’accord avec mon collègue Da Silva : nous avons bien compris que les départements vont certainement mourir, soit de mort lente, soit tout de suite…

M. Hervé Gaymard. Eh voilà ! C.Q.F.D. !

M. Martial Saddier. Supprimez les départements, on gagnera du temps !

Mme Valérie Pécresse. Et le Sénat avec !

M. Martial Saddier. Et la ruralité !

Mme Marylise Lebranchu, ministre. La ruralité, j’y tiens !

M. Martial Saddier. Elle pose problème, pourtant ! Regardez les grandes marées ! (Sourires.)

M. Jean-Louis Gagnaire. En tout cas, il est clair que, pendant cette période et à titre provisoire, ils doivent conserver un certain nombre de compétences. Ainsi, il n’est pas absolument nécessaire de transférer dès maintenant les collèges aux régions.

M. le président. La parole est à M. Carlos Da Silva.

M. Carlos Da Silva. Je ne suis pas d’accord avec Valérie Pécresse quand elle s’inquiète que le débat soit transpartisan : cela montre que la question est importante.

M. Benoist Apparu. Elle ne s’inquiète pas : elle constate !

M. Carlos Da Silva. Elle le constate et ajoute que cela nous fracture : je pense le contraire. Cela veut dire que le débat sur cette loi n’a pas fini avec cette première lecture.

J’entends les arguments de Benoist Apparu : ils se défendent, tout comme les arguments que nous avons présentés avec Michel Piron.

M. Benoist Apparu. C’est vrai.

M. Carlos Da Silva. C’est précisément, monsieur Saddier, une des raisons pour lesquelles les conseils généraux sont voués à disparaître.

M. Martial Saddier. Voilà qui est dit !

M. Carlos Da Silva. Ce ne sera pas parce que ce gouvernement ou un autre auront décidé leur disparition, mais en raison de la montée en puissance des intercommunalités d’un côté et des régions de l’autre. La faculté pour les conseils départementaux de fusionner aux termes de la loi relative à la délimitation des régions va en outre favoriser une nouvelle organisation territoriale bien plus différenciée que celle que nous connaissons actuellement.

Même si vous ne nous aviez pas dit que vous n’étiez pas conseiller général, vos remarques sarcastiques auraient suffi à nous l’apprendre. En effet aujourd’hui une grande part des crédits des conseils généraux est absorbée par leurs dépenses sociales, et il est parfaitement normal que la marge de manœuvre politique des conseils généraux se réduise en conséquence.

M. Martial Saddier. Du fait aussi de la baisse de leurs dotations !

M. Carlos Da Silva. Il n’y a rien d’anormal à ce qu’une collectivité disparaisse et soit remplacée par une nouvelle organisation territoriale.

À la demande de la ministre et par affection pour elle et pour le travail qu’elle accomplit, je retire mon amendement n1470, mais je souhaite que ce débat se poursuive car je pense qu’il est extrêmement important.

M. le président. La parole est à M. Benoist Apparu.

M. Benoist Apparu. J’entends les propos de Valérie Pécresse, mais il convient de les nuancer. vous rappelle que c’est une loi votée à l’initiative de François Fillon qui a, en 2005, créé un socle des compétences et des connaissances commun au primaire et au collège.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. On parle des bâtiments.

M. Benoist Apparu. Il n’aura échappé à personne que ce n’est pas totalement sans lien avec la pédagogie. Les investissements numériques, par exemple, qui participent de la pédagogie, sont le fait des collectivités locales, et non de l’éducation nationale.

Il ne vous aura pas non plus échappé que les communes aussi gèrent des bâtiments.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Pas les mêmes.

M. Benoist Apparu. Certes, mais de la même façon que les collèges sont gérés par le département, les écoles primaires sont gérées par les conseils municipaux.

Enfin les cités scolaires peuvent aujourd’hui réunir le primaire et le collège, et pas seulement le collège et le lycée. C’est peut-être moins vrai en Île-de-France, mais très fréquent sur le reste du territoire.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Olivier Dussopt, rapporteur. Au lieu de me reprocher de suivre l’avis du Sénat, monsieur Saddier, vous devriez m’en remercier, puisque vous nous avez reproché, au cours de la séance précédente, de ne pas avoir suffisamment pris en compte les apports de la majorité sénatoriale.

M. Martial Saddier. Vous devez confondre : je n’étais pas là cet après-midi !

M. Olivier Dussopt, rapporteur. Voilà qui est chose faite, s’agissant des collèges comme des routes. Qu’on ne nous reproche donc pas de suivre le Sénat lorsque nous tenons compte de ses recommandations.

Je vais peut-être contribuer à vous mettre d’accord, monsieur Apparu et madame Pécresse, en donnant par avance un avis défavorable à l’amendement n490 tendant à transférer la gestion des collèges aux intercommunalités, comme j’ai donné un avis défavorable au rétablissement du transfert des collèges. Je considère en effet que le maintien de la compétence des collèges au niveau départemental est une solution équilibrée.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Pour ma part, je crois beaucoup aux cités scolaires et même à la délégation de compétence sur un ensemble de cités scolaires. Il est inutile de se focaliser sur ce point : cela va se faire de toute façon dans un certain nombre d’endroits.

Je partage donc l’avis du rapporteur sur l’ensemble de ces amendements.

(Les amendements identiques nos 733 et 1470 sont retirés.)

(Les amendements nos 1224 et 1229, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

M. le président. L’amendement n490 a été défendu.

(L’amendement n490, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

(L’article 12 est adopté.)

Après l’article 12

M. le président. La parole est à Mme la ministre, pour soutenir l’amendement n986 portant article additionnel après l’article 12.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Cet amendement répond au souci partagé par de nombreux parlementaires sur tous ces bancs. En effet puisque les lycées relèvent des régions, du moins pour ce qui concerne les bâtiments – vous avez parfaitement raison de le souligner –, je propose, au nom du Gouvernement, que le conseil régional puisse définir conjointement avec le recteur la sectorisation des lycées. En cas de désaccord, le dernier mot resterait bien sûr au recteur.

Il me semble qu’il s’agit là d’un progrès attendu sur beaucoup de ces bancs.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Olivier Dussopt, rapporteur. Favorable à cet amendement qui répond de manière raisonnable à une demande exprimée en commission.

M. le président. La parole est à Mme Valérie Pécresse.

Mme Valérie Pécresse. Qu’adviendra-t-il des lycées hors secteur, ceux qui recrutent les meilleurs élèves du département – je pense à un certain nombre de grands lycées tels que Henri-IV ?

M. Jean-Louis Gagnaire. Et c’est légal ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. C’est en effet reconnu par la loi, même si ce n’est pas souhaité par tout le monde.

Ma proposition concerne les lycées sectorisés. Le conseil régional donnera son avis sur les districts de recrutement de ces lycées et le recteur aura le dernier mot en cas de désaccord.

S’agissant des lycées hors secteur, le ministère garde le dernier mot, même si je pense qu’il faudrait parvenir à associer le conseil régional, en particulier dans le domaine des formations supérieures, où des écoles largement subventionnées par les régions peuvent connaître des frictions avec des classes préparatoires, par exemple.

M. le président. Exceptionnellement je vous redonne la parole, madame Pécresse.

Mme Valérie Pécresse. Excusez-moi mais je découvre cet amendement, faute de siéger à la commission des lois.

M. Carlos Da Silva. Vous y êtes cordialement invitée !

Mme Valérie Pécresse. Je ne trouve pas très cohérent que certains lycées restent hors secteur et que les règles qui leur sont appliquées continuent à être fixées ailleurs qu’au niveau régional. En effet, le recrutement de ces établissements obéit quand même à des règles et il serait dommage de priver les régions de la possibilité de faire évoluer ces règles, par exemple pour permettre à un plus grand nombre de boursiers d’intégrer ces établissements.

C’est aussi un débat d’aménagement du territoire. Je sais que le sujet des lycées hors secteur est un sujet éminemment sensible, mais les exclure totalement de la compétence des collectivités territoriales alors que celles-ci sont compétentes en matière d’aménagement du territoire serait quelque peu regrettable.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. vous avez raison, madame Pécresse. Comme beaucoup d’autres, je me suis toujours beaucoup interrogée sur la question des lycées hors secteur. Vous savez cependant que je n’ai pas la possibilité de déroger à ce qui a été arbitré, mais je poserai la question et si vous ou le rapporteur déposez un amendement à ce sujet d’ici la nouvelle lecture, il sera regardé avec beaucoup d’intérêt.

(L’amendement n986 est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 1511 rectifié et 960, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour soutenir l’amendement n1511 rectifié.

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Il est défendu.

M. le président. La parole est à Mme Brigitte Allain, pour soutenir l’amendement n960.

Mme Brigitte Allain. Cet amendement propose que dans le cas des cités scolaires, la région soit reconnue comme collectivité chef de file, conformément au souhait de simplification du Gouvernement. En effet, le conventionnement ne me semble la meilleure façon de simplifier.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Olivier Dussopt, rapporteur. Ce sera une demande de retrait. Nous avons déjà eu ce débat en commission et les députés qui sont par ailleurs conseillers régionaux ainsi que le président de l’association des régions de France, l’ARF, ont fait savoir qu’ils n’étaient pas intéressés par ce chef de filat, les cités scolaires pouvant déjà faire l’objet de conventions de coopération soit avec le département, soit avec la région comme chef de file. Il vaut mieux, selon eux, laisser ce choix à l’appréciation des élus concernés.

À défaut d’un retrait, l’avis sera défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Même avis.

M. le président. La parole est à Mme Annie Genevard.

Mme Annie Genevard. La disposition proposée serait une autre forme de transfert des collèges aux régions.

Comme celles relatives à la voirie, les dispositions dont nous débattons en ce moment indiquent que ce texte a été conçu à un moment où la fin des départements avait été annoncée par le Premier ministre. Or celui-ci a changé d’avis depuis, même si M. Da Silva vient de nous présenter leur disparition comme inéluctable. En tout cas, on constate qu’au cours de la discussion vous essayez peu ou prou de restaurer tout ce qui a été retiré aux départements parce qu’ils vont finalement demeurer.

J’aimerais, madame la ministre, que vous nous disiez quel est l’avis du Gouvernement sur cette question du maintien ou non des départements.

M. le président. Maintenez-vous votre amendement, madame Allain ?

Mme Brigitte Allain. Je le maintiens parce que je pense que procédure du conventionnement risque de créer de la confusion et qu’il serait beaucoup plus simple d’attribuer le chef de filat aux régions dans ce cas précis des cités scolaires.

(L’amendement n1511 rectifié est retiré.)

(L’amendement n960 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Brigitte Allain, pour soutenir l’amendement n974.

Mme Brigitte Allain. Cet amendement tend à ce qu’une part de la contribution à l’audiovisuel public revienne aux collectivités territoriales ayant mis en place un service audiovisuel territorial.

Le CSA a autorisé de nombreuses télévisions locales hertziennes terrestres en métropole. La plupart sont parvenues à fidéliser leur public, manifestant ainsi qu’elles correspondent à une attente. Cependant elles manquent cruellement de moyens, d’autant qu’elles ne peuvent pas bénéficier de la redevance audiovisuelle, et l’avenir de nombre d’entre elles se trouve de ce fait compromis.

La Corse a mis en place une chaîne publique régionale dont le modèle pourrait être étendu aux autres régions.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Olivier Dussopt, rapporteur. C’est une demande de retrait, parce que je ne suis pas sûr qu’un projet de loi ayant pour sujet l’organisation territoriale ait vocation à modifier les règles de financement du secteur audiovisuel, en particulier des télévisions locales. À défaut de retrait, l’avis sera défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Même avis.

(L’amendement n974 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Benoist Apparu, pour soutenir l’amendement n487.

M. Benoist Apparu. Il est défendu.

(L’amendement n487, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Benoist Apparu, pour soutenir l’amendement n489.

M. Benoist Apparu. Juste un mot. Chacun sait que les demandes de rapports sont souvent une technique pour contourner l’article 40…

Mme Marylise Lebranchu, ministre. C’est vrai.

M. Benoist Apparu. …qu’il est absolument incompréhensible, en l’occurrence, d’appliquer.

Il s’agit en effet de fusionner des établissements déjà existants mais on considère que ces fusions sont des créations et constituent donc une nouvelle charge.

C’est là une application pour le moins bizarroïde de l’article 40…

Mme Valérie Pécresse. C’est surréaliste !

M. Benoist Apparu. …mais, malheureusement, c’est ainsi.

J’ai donc déposé une demande de rapport dans un but de contournement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Olivier Dussopt, rapporteur. Vous comprendrez, monsieur le président, que le rapporteur de la commission des lois ne se prononce pas sur l’irrecevabilité financière déclarée par le président de la commission des finances…

Mme Valérie Pécresse. Vous êtes prudent !

M. Olivier Dussopt, rapporteur. … aux arbitrages de qui je préfère vous renvoyer.

Le président de la commission des lois vient de nous rejoindre à l’instant et dirait mieux que moi que la jurisprudence constante de cette commission, depuis qu’il la préside et tant qu’il la présidera, tend à refuser toute demande parlementaire de rapport.

M. Benoist Apparu. J’avais bien compris !

M. le président. Donc, avis défavorable.

M. Olivier Dussopt, rapporteur. En effet.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Le Gouvernement, quant à lui, n’est pas lié par l’avis du président de la commission des lois.

J’entends ce que vous dites à propos de l’article 40 mais il faut en l’occurrence s’adresser au président de la commission des finances…

M. Jean-Luc Laurent. Nous devrions l’inviter à nous rejoindre.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. …car nous n’avons pas le droit de juger sa décision.

Il s’agit de surcroît d’une question que nous ne pouvons pas traiter ici et qui ne relève pas directement de ce texte.

Je transmettrai votre remarque, monsieur Apparu, car elle est intéressante mais je ne peux pas y donner droit et demande donc le retrait de votre amendement.

M. le président. Monsieur Apparu, le maintenez-vous ou le retirez-vous ? Vous avez la parole.

M. Benoist Apparu. Je laisse Mme Pécresse s’exprimer et, en fonction de ce qu’elle dira, je le retirerai ou pas.

M. le président. Je vous remercie de nous faire gagner du temps…

La parole est à Mme Valérie Pécresse.

Mme Valérie Pécresse. Puisque la ministre est dans une disposition particulièrement bonne quant à la question de l’interprétation de l’article 40, je serai en ce qui me concerne très preneuse – peut-être qu’un certain nombre de mes collègues également – d’un avis du Conseil constitutionnel sur cette interprétation-là…

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Moi aussi.

Mme Valérie Pécresse. …de manière à savoir pourquoi les transferts de compétences entre collectivités créent des charges publiques…

Mme Françoise Descamps-Crosnier et Mme Estelle Grelier. On se le demande, en effet !

Mme Valérie Pécresse. …et pourquoi, lors de la nouvelle lecture – dont nous attendons tellement, madame la ministre – il serait irrecevable de présenter de vrais amendements de décentralisation.

Ici, nous parlons de transferts du département à la région, de la région au département, des intercommunalités à l’un et à l’autre dans un vaste mélange…

M. Michel Piron. Exactement.

Mme Valérie Pécresse. …mais jamais de ce qui peut être pris à l’État.

Excusez-moi de vous le dire : j’aurais bien aimé que l’amendement – très intéressant – concernant les routes d’intérêt régional ait pu être transposé aux tronçons autoroutiers de fins d’autoroute en fin de péage. Tant de transports en commun pourraient y circuler s’ils étaient déclassés pour devenir d’intérêt régional !

M. le président. La parole est à M. Benoist Apparu.

M. Benoist Apparu. Je retire l’amendement !

M. le président. Je connaissais votre réponse ! Merci, monsieur Apparu.

(L’amendement n489 est retiré.)

Article 12 bis A

M. le président. La parole est à Mme Valérie Pécresse.

Mme Valérie Pécresse. Je tiens juste à faire une remarque sur cet article afin qu’elle figure au procès-verbal de la séance.

En effet, il reconnaît que les régions disposent bien d’une compétence en matière d’enseignement supérieur et de recherche.

Or, j’en ai assez du discours systématique de l’Association des régions de France selon lequel les régions n’ont pas de pouvoir en matière universitaire et de recherche et que, si elles donnent de l’argent à ce secteur, c’est en raison de leur grande générosité…

M. Jean-Louis Gagnaire. Non, les régions en ont envie ! (Sourires)

Mme Valérie Pécresse. …et parce qu’elles en ont envie. Non, elles n’en ont pas envie ! Cela compte parmi leurs responsabilités, notamment, en matière d’emploi, de développement économique, d’innovation et d’éducation.

Une telle inscription dans la loi me semble donc intéressante. Il est en effet crucial que les régions assument pleinement cette responsabilité qui ne relève pas de leur générosité mais bien d’une compétence pleine et entière.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 1851 et 1893, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.

La parole est à M. Jean-Louis Gagnaire, pour les soutenir.

M. Jean-Louis Gagnaire. Je ne vois pas pourquoi l’on parle de stratégie nationale d’enseignement supérieur et de recherche et de schéma d’enseignement régional d’enseignement supérieur et de recherche. Le sens n’est pas tout à fait le même.

Mme Valérie Pécresse. On parle toujours de schémas dans les régions.

M. Jean-Louis Gagnaire. Justement, il est temps de changer !

Dans ma région, nous adoptons volontiers le terme de stratégie, qui fait un peu moins « Gosplan » que celui de schéma.

Je préférerais qu’il en aille de même s’agissant donc de la stratégie régionale d’enseignement supérieur et de la recherche.

Mme Valérie Pécresse. Bravo !

M. le président. J’imagine que votre remarque vaut également pour l’amendement n1893.

M. Jean-Louis Gagnaire. En effet.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Olivier Dussopt, rapporteur. Je peux entendre le propos de M. Gagnaire et de ses collègues co-signataires de l’amendement.

Le problème, c’est que l’article 12 bis A tel qu’il a été écrit reprend scrupuleusement l’article L. 214-2 du code de l’éducation.

Si je peux donc entendre votre remarque sur un plan sémantique, la cohérence avec le code de l’éducation nécessite le maintien de la rédaction actuelle.

Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marylise Lebranchu, ministre. J’entends parfaitement le propos de M. Gagnaire – y compris s’agissant de la popularisation de nos textes ! – mais je partage l’avis du rapporteur.

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Gagnaire.

M. Jean-Louis Gagnaire. En outre, monsieur le président, madame la ministre, ces sujets ont une forte connotation européenne.

À l’échelon européen, nous parlons en effet de stratégie régionale d’innovation et c’est sur cette base que des fonds européens sont mobilisés.

Les terminologies doivent être alignées entre Bruxelles – dont les considérations s’imposent à nous pour pouvoir mobiliser des fonds européens – et Paris, sur le plan étatique ainsi que, plus largement, sur le plan régional.

Il faut trouver une solution afin d’harmoniser ces appellations.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. J’ai discuté avec la commissaire en charge de ces appellations, qui a parfaitement accepté nos explications sémantiques et leur cohérence.

Lors de notre prochaine rencontre, qui interviendra assez rapidement, nous les lui rappellerons.

M. le président. Maintenez-vous ces amendements ou non, monsieur Gagnaire ?

M. Jean-Louis Gagnaire. Je les retire.

(Les amendements nos 1851 et 1893 sont retirés.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Gagnaire, pour soutenir l’amendement n1885.

M. Jean-Louis Gagnaire. Il faut donner quelques éléments de méthode s’agissant de l’élaboration d’une stratégie en précisant celles et ceux qui seront consultés.

Je crois qu’en l’occurrence cela concerne d’abord l’« écosystème » de l’enseignement supérieur et de la recherche avec les communautés d’université, les établissements d’enseignement supérieur et l’ensemble des collectivités territoriales financeurs de l’enseignement supérieur.

La rédaction associe en effet tous les niveaux de collectivités territoriales sans que les différents échelons soient forcément et directement concernés, or, il convient de s’adresser d’abord à ceux qui financent et qui ont un intérêt direct.

Je ne suis pas sûr qu’il y ait un intérêt à associer à la définition de la stratégie ou du schéma ceux qui ne sont pas financeurs.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Olivier Dussopt, rapporteur. La commission a considéré que le complément de l’alinéa 4 proposé par cet amendement serait très long et qu’il n’aurait pas un caractère très normatif.

Je demande donc le retrait de l’amendement. À défaut, je m’en remettrai à la sagesse de l’Assemblée mais je me rangerai in fine à l’avis du Gouvernement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Pour des raisons essentiellement d’ordre constitutionnel – M. le rapporteur a raison de poser la question – le Gouvernement est défavorable à cet amendement mais, également, à l’amendement n1883, qui sera discuté plus tard, tendant à donner un caractère prescriptif au schéma régional de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation.

Le schéma devant rester souple, nous demandons à M. Gagnaire de retirer cet amendement et celui qui sera discuté tout à l’heure.

J’ajoute, madame Pécresse, que c’est bien dans le cadre de la décentralisation telle que prévue dans le cadre de la récente loi Fioraso que nous avons tenu, en accord total avec les régions de France, à ce que l’enseignement supérieur et la recherche relèvent désormais d’une compétence régionale.

Mme Valérie Pécresse. Je vais aller le dire au conseil régional d’Île-de-France.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Il s’agit là d’une novation récente que nous devons à Geneviève Fioraso, qui a porté ces éléments de décentralisation.

J’ai lu certains commentaires dans lesquels on nous reproche parfois de ne pas avoir défendu la décentralisation, or, cela a été fait dans ce texte sur l’enseignement supérieur et la recherche, de même que dans le projet porté par M. le ministre Sapin relatif à la formation professionnelle.

Nous avons tout de même travaillé à d’importantes mesures de décentralisation.

Compte tenu de ces arguments, nous vous saurions gré de bien vouloir retirer votre amendement.

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Gagnaire.

M. Jean-Louis Gagnaire. Je veux bien le retirer mais je souhaite évoquer un amendement qui n’a pas survécu à l’article 40 concernant la remontée vers l’État de la compétence à l’égard des écoles de maïeutique. Celles-ci relèvent en effet des régions et n’ont rien à y faire.

Mme Valérie Pécresse. Dans ce cas-là, il faut qu’il en soit de même des instituts de formation en soins infirmiers, les IFSI.

M. Jean-Louis Gagnaire. Ils s’agit de compétences universitaires d’État.

(L’amendement n1885 est retiré.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre, pour soutenir l’amendement n1027.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Le Gouvernement veut supprimer les alinéas 5 et 6 de l’article 12 bis A parce qu’ils introduisent une tutelle de la région sur les autres collectivités locales…

M. Michel Piron. Oh !

M. Martial Saddier. Quelle horreur !

Mme Marylise Lebranchu, ministre. …s’agissant des subventions que ces dernières décident de verser en matière d’enseignement supérieur.

Nous voulons de la clarté et que l’esprit du texte soit respecté.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Olivier Dussopt, rapporteur. Avis favorable.

M. Martial Saddier. Dans ce sens-là, vous êtes d’accord !

(L’amendement n1027 est adopté et les amendements nos 1883 et 1889 tombent.)

(L’article 12 bis A, amendé, est adopté.)

Article 12 bis B

(L’article 12 bis B est adopté.)

Après l’article 12 bis B

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Laurent, pour soutenir l’amendement n1697.

M. Jean-Luc Laurent. Cet amendement vous propose de modifier le code de l’éducation.

Vous le savez, la loi du 13 août 2004 modifiée par le loi du 28 octobre 2009 dite loi « Carle » a institué une parité de financement entre écoles publique et privé…

M. Dominique Tian. Oh la la !

M. Jean-Luc Laurent. …en étendant à ces dernières l’obligation faite aux communes de participer au financement d’écoles publiques situées hors de leur territoire, à concurrence du nombre d’élèves résidents inscrits, dans les cas où la scolarisation des élèves ne peut y être assurée pour différents motifs : absence d’école dans la commune ou contraintes impérieuses telles que l’absence de garderie et de cantine alors que les deux parents travaillent, la scolarisation d’un frère ou d’une sœur dans le même établissement, des raisons médicales – je rappelle les termes de la loi.

M. Benoist Apparu. Vous faites revenir de vieux débats !

M. Jean-Luc Laurent. Alors que les parents qui scolarisent leur enfant dans une école publique de la commune d’accueil sont astreints à faire la preuve des motifs qui justifient cette inscription, l’article L. 442-5-1 n’exige rien de tel pour les inscriptions dans un établissement privé.

Cette inégalité de traitement est d’autant plus choquante que l’inscription dans un établissement privé peut résulter du « libre choix » garanti par la loi, lequel n’existe pas pour l’enseignement public, et permettre ainsi tous les détournements par la simple invocation d’une des contraintes prévues par la loi.

Il convient de restaurer la parité voulue par le législateur et de vérifier les motifs invoqués pour la scolarisation dans une commune extérieure de la même façon…

M. Benoist Apparu. Mais non ! Cela n’a rien à voir !

M. Jean-Luc Laurent. …qu’il s’agisse d’un établissement privé ou d’un établissement public.

Tel est l’objet, mes chers collègues, de cet amendement qui vise à rétablir une égalité de traitement.

M. Benoist Apparu. C’est un débat qui a été tranché depuis au moins dix ans !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Olivier Dussopt, rapporteur. Je crois que je vais laisser M. Apparu donner l’avis de la commission à ma place ! (Sourires.)

Plus sérieusement, l’étude de cet amendement laisse fort à penser qu’il s’agit d’un cavalier législatif puisqu’il n’a qu’un rapport assez lointain avec le projet de loi qui nous occupe – même si nous sommes nombreux à partager les préoccupations qui animent son auteur.

Mme Valérie Pécresse. Ne rouvrons pas les vieux débats !

M. Olivier Dussopt, rapporteur. Par ailleurs, selon l’exposé des motifs même, les conditions d’application de l’article L. 442-5-1 relèvent d’un décret en Conseil d’État, ce qui signifie que la question évoquée pourrait être réglée par voie réglementaire.

Il me semble plus sage que tel soit le cas plutôt que de prendre le risque d’introduire un cavalier législatif, mais peut-être que le Gouvernement sera mieux à même que moi de répondre quant à cet aspect réglementaire.

M. Benoist Apparu. Il botte en touche !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Je ferai part de ces commentaires à Mme la ministre de l’éducation nationale et à M. le Premier ministre.

Vous proposez, monsieur le député, de réviser la loi Carle par le biais d’un décret en Conseil d’État. Le dépôt d’une telle demande de révision est de la responsabilité du Gouvernement. Mais surtout, nous examinons actuellement une loi sur les compétences des collectivités territoriales et je ne souhaite pas m’écarter de notre objet.

Je vous invite donc à retirer cet amendement, parce qu’il constitue un cavalier, d’une part, et parce que son objet est d’ordre réglementaire, d’autre part. Mais je ferai naturellement part de vos observations à qui de droit.

M. le président. Monsieur Laurent, maintenez-vous cet amendement ?

M. Jean-Luc Laurent. Je le retire.

(L’amendement n1697 est retiré.)

Article 12 bis

M. le président. La commission a supprimé l’article 12 bis.

Je suis saisi par M. Jacques Kossowski, d’un amendement n1519 tendant à le rétablir.

M. Jacques Kossowski. L’évolution des rites funéraires en France au cours des vingt-cinq dernières années se traduit par un recours croissant à la crémation. Alors qu’en 1980, seulement 1 % des obsèques donnaient lieu à une crémation, ce pourcentage est passé aujourd’hui à 30 %, voire 50 % dans les grandes agglomérations urbaines.

Face à cet essor, il apparaît que les crématoriums sont en nombre insuffisant et que leur implantation géographique ne correspond plus aux besoins. L’insuffisance des crématoriums ne permettant pas, dans un certain nombre de secteurs géographiques, de satisfaire les demandes des familles dans de bonnes conditions, il s’ensuit des temps d’attente trop longs pour les familles. Certains territoires sont même totalement dépourvus d’offre cinéraire comme le Cantal, la Lozère, la Haute-Marne et le Territoire de Belfort. Faute d’un plan cohérent d’implantation des crématoriums, de nombreuses familles sont contraintes à des déplacements longs et coûteux.

Sur d’autres territoires, plusieurs crématoriums coexistent dans des zones géographiques très rapprochées, comme en Moselle, en Isère ou en Seine-et-Marne. Une telle proximité est préjudiciable à l’équilibre économique de ces équipements. Elle peut contribuer à un renchérissement des tarifs appliqués aux familles endeuillées et conduire la collectivité compétente à supporter in fine le déficit de fonctionnement de tels équipements.

De plus, le souci de la rentabilité des équipements créés peut conduire à privilégier des crématoriums mal dimensionnés, ce qui peut se traduire notamment par la diminution des surfaces des salles dédiées à l’accueil des familles et au déroulement de cérémonies civiles, qui sont de plus en plus souvent organisées sur le site même des crématoriums.

La création et la gestion des crématoriums relèvent d’une activité de service public communal ou intercommunal. Dans l’intérêt des familles, et eu égard à la nécessaire dignité des cérémonies d’obsèques, ainsi qu’au souci de maîtriser les finances publiques, il apparaît indispensable que le développement des crématoriums puisse, pour l’avenir, faire l’objet d’une coordination à l’échelon régional. Actuellement, un projet d’extension ou de création d’un crématorium ne peut être engagé que si le préfet l’autorise expressément, après enquête publique, en vertu de l’article L. 2223-40 du code général des collectivités territoriales.

Une proposition de loi a été adoptée par le Sénat en mai 2014, qui tend à subordonner la délivrance de cette autorisation à la compatibilité du projet avec les prescriptions d’un schéma régional instauré par cette même proposition de loi. Compte tenu de l’intérêt qui s’attache à une meilleure organisation de ce service public, la commission des lois du Sénat a regretté que cette proposition de loi ne soit pas encore inscrite à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale, et les sénateurs ont adopté un article 12 bis intégrant ce dispositif dans le projet de loi NOTRe. Il prévoyait que le schéma devait être révisé tous les six ans, après avoir été élaboré pour la première fois dans un délai de deux ans à compter de la publication de la loi.

Plusieurs députés du groupe SRC. Les deux minutes sont écoulées depuis longtemps !

M. Jacques Kossowski. La commission des lois de l’Assemblée nationale a procédé à la suppression de cet article, en relevant que les collectivités compétentes ne donnent qu’un avis sur le projet de schéma. Je tiens à souligner, madame la ministre, que la mise en place d’un schéma régional ne vise pas à retirer du bloc local la compétence « création, extension et gestion des crématoriums ». C’est d’ailleurs ce bloc local qui justifie cette planification destinée à assurer un meilleur service rendu aux usagers.

Mme Estelle Grelier. Que c’est long ! On a compris !

M. Jacques Kossowski. Ainsi par exemple plusieurs présidents successifs du syndicat intercommunal funéraire de la région parisienne ont-ils alerté le préfet d’Île-de-France de la nécessité d’établir un schéma régional des crématoriums.

M. le président. Merci de conclure, cher collègue.

M. Jacques Kossowski. Il est donc indispensable que le développement des crématoriums puisse, pour l’avenir, faire l’objet d’une coordination à l’échelon régional. Tel est l’objet de l’amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Olivier Dussopt, rapporteur. Certains de nos collègues ont trouvé votre intervention un peu longue, monsieur Kossowski. L’éternité n’étant jamais sûre, mieux vaut être prudent.

La commission des lois a supprimé cet article. Nous sommes nombreux à nous être exprimés, depuis le début de ce débat, en faveur d’une réduction du nombre de schémas. La rédaction du Sénat prévoyait un schéma régional, sous l’égide du préfet de région, avec un caractère prescriptif, ce qui signifie que l’État aurait pu imposer aux communes et aux intercommunalités de construire ou de faire construire des crématoriums. Dans une période où l’on sait les difficultés financières que les collectivités peuvent rencontrer, imposer une telle contrainte nous paraissait inacceptable. C’est la raison pour laquelle cet article a été supprimé.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Même avis.

(L’amendement n1519 n’est pas adopté.)

Article 12 ter

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 1032 et 1921, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.

La parole est à Mme la ministre, pour les soutenir.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. L’amendement n1032 vise à ajouter une précision utile concernant le périmètre des centres de ressources, d’expertise et de performance sportives, les CREPS. Cet amendement rétablit le mot « notamment » (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) à l’alinéa 70, afin d’élargir l’objet d’un décret en Conseil d’État.

M. Benoist Apparu. Il y a une jurisprudence de la commission des lois sur le « notamment » ! (Sourires.)

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Cette modification n’est pas de nature à porter atteinte au bon moral du président de la commission des lois. (Mêmes mouvements.) D’autre part, à l’alinéa 24, nous ajoutons le mot « infrastructures » parmi les compétences de la région. Telles sont les deux modifications que je vous propose d’accepter.

L’amendement n1921 est également un amendement de précision relatif aux CREPS : il vise à substituer aux mots « locaux existants transférés » les mots « constructions existantes transférées ».

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Olivier Dussopt, rapporteur. Favorable.

M. le président. La parole est à M. Dominique Tian.

M. Dominique Tian. On nous a toujours indiqué que le mot « notamment » était à bannir, madame la ministre.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. J’entends bien, mais je n’ai pas trouvé d’autre mot. (Sourires.)

M. Dominique Tian. Et vous avez dû nous le dire vous-même des dizaines de fois. Vous comprendrez donc que l’UMP n’accepte pas ce « notamment » : nous aurions préféré une liste précise de ce que vous comptez faire.

M. le président. La parole est à Mme Valérie Pécresse.

Mme Valérie Pécresse. Votre amendement sur les locaux et les infrastructures des CREPS est très bon, madame la ministre, et j’aimerais que vous songiez à introduire un amendement similaire pour les instituts de formation en soins infirmiers, les IFSI. J’aurais voulu le faire moi-même, mais j’en ai été empêchée, comme d’habitude, par l’article 40.

Ces instituts connaissent de vraies difficultés. L’un de nos collègues a soulevé la question des écoles de maïeutique, mais les instituts de formation des infirmières connaissent des problèmes semblables. Nous avons confié aux régions la gestion des IFSI, mais personne n’a jamais tranché la question de savoir qui devait payer les infrastructures et l’investissement, ce qui fait que personne ne paie. Tout le monde se renvoie la balle et, bien évidemment, il n’y a eu aucun transfert de ressources pour effectuer ces financements. Nos infirmières sont formées dans des bâtiments absolument hors normes.

(Les amendements nos 1032 et 1921 sont successivement adoptés.)

M. le président. Je suis saisi par M. Olivier Dussopt, rapporteur, d’un amendement rédactionnel, n1781.

(L’amendement n1781, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre, pour soutenir l’amendement n1903.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Il s’agit, là encore, d’un amendement de précision relatif au transfert des CREPS.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Olivier Dussopt, rapporteur. Favorable.

M. le président. La parole est à M. Dominique Tian.

M. Dominique Tian. Vous introduisez à nouveau un « notamment », madame la ministre ! Ce n’est pas supportable : on est en train d’écrire un texte trop imprécis à notre goût. Il faudrait une liste plus précise, qui nous dise exactement de quoi l’on parle.

(L’amendement n1903 est adopté.)

(L’article 12 ter, amendé, est adopté.)

Article 12 quater

(L’article 12 quater est adopté.)

Après l’article 12 quater

M. le président. La parole est à M. Stéphane Travert, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, pour soutenir l’amendement no 110.

M. Stéphane Travert, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles et de l’éducation. Cet amendement, qui vous est proposé par la commission des affaires culturelles et de l’éducation, concerne l’Inspection générale de la jeunesse et des sports – l’IGJS –, qui exerce, comme vous le savez tous, des missions d’inspection, de contrôle et d’audit. Sous l’autorité directe du ministère concerné, elle concourt à l’évaluation des politiques publiques dans ces domaines.

Ses compétences sont indirectement définies par un décret portant statut particulier de cette inspection, mais elles ne figurent pas dans un texte législatif, contrairement à ce qui est le cas pour d’autres inspections générales.

Afin de conforter la capacité d’intervention de cette inspection générale, mais aussi d’améliorer la lisibilité de son action auprès des nombreux acteurs relevant de son domaine d’intervention, qu’ils relèvent de l’État, des collectivités territoriales, des établissements publics ou des associations, il est proposé d’inscrire dans la loi les missions et les pouvoirs de l’Inspection générale de la jeunesse et des sports.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Olivier Dussopt, rapporteur. Sagesse.

M. Benoist Apparu. Pas possible !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Je comprends la remarque exprimée tout à l’heure sur les bancs de l’opposition. Comme il s’agit également d’une demande très claire du ministère, je m’en remets à la sagesse du Parlement.

M. le président. La parole est à M. Dominique Tian.

M. Dominique Tian. Il s’agit à l’évidence d’un cavalier. Vous ne l’avez pas dit, madame la ministre, mais tout le monde s’en est aperçu, y compris M. le rapporteur. Il suffit de regarder l’exposé sommaire : il y est dit que les compétences de l’IGJS sont définies par un décret, mais qu’elles ne figurent pas dans un texte législatif. Pourquoi, dès lors, se priver de profiter de l’heure tardive pour faire passer cela comme un cavalier ?

Il vaudrait mieux, madame la ministre, que vous disiez que cet amendement n’a rien à faire ici,…

M. Stéphane Travert, rapporteur pour avis. Il a tout de même été adopté par la commission des affaires culturelles et de l’éducation !

M. Dominique Tian. …qu’il s’agit d’un cavalier énorme, qui galope, et qu’il devrait être retiré.

M. le président. La parole est à M. Benoist Apparu.

M. Benoist Apparu. Je reprendrai l’argumentaire de M. Tian, et j’ajouterai un point. Il s’agit évidemment d’un cavalier.

Mme Valérie Pécresse. Il a raison !

M. Benoist Apparu. Il y a trois minutes, vous avez rejeté un amendement au motif qu’il s’agissait d’un cavalier mais, parce que celui-ci correspond à une demande ministérielle, vous l’acceptez. Ce n’est vraiment pas sérieux !

Plusieurs députés du groupe UMP. Ce n’est pas bien, madame la ministre ! (Sourires.)

Mme Marylise Lebranchu, ministre et M. Olivier Dussopt, rapporteur. Ce n’est pas faux ! (Mêmes mouvements.)

M. Benoist Apparu. Deuxième point : j’entends bien le lobbying de l’IGJS, mais je voudrais que l’on m’explique en quoi il est indispensable, pour le bien-être d’une inspection, qu’elle ait un caractère législatif, et pourquoi le caractère réglementaire ne suffit pas à son honneur. Il existe un cadre juridique. Cette inspection est effectivement de nature réglementaire aujourd’hui, et j’ai le sentiment qu’elle souhaite être rehaussée en acquérant une existence législative. Sincèrement, introduire un cavalier pour le seul bien-être d’une inspection, ce n’est pas sérieux.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Je ne ferai pas de commentaires sur les commentaires. (Sourires.) Je ne dis rien, si ce n’est qu’il existe un petit moyen en droit de justifier cette proposition. (Exclamations et sourires sur les bancs du groupe UMP.) Les services, les établissements, les institutions participent à l’application des règles européennes d’aides – des fonds structurels ont été transférés aux régions – (Mêmes mouvements) et inspectent les collectivités territoriales ou les groupements de collectivités territoriales, à la demande de l’autorité ayant attribué le concours,…

M. Hervé Gaymard. Qui s’est creusé la tête pour trouver un tel argumentaire ?

Mme Marylise Lebranchu, ministre. …à savoir le fonds structurel…

M. Martial Saddier. Vous ramez !

M. Benoist Apparu. C’est un cavalier rameur ! (Sourires.)

Mme Marylise Lebranchu, ministre. …actuellement géré par les régions, (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP) depuis que nous avons transféré les fonds structurels aux régions.

En remontant le fil, je trouve le lien, et je tiens sur le cheval !

M. Hervé Gaymard. Le Conseil constitutionnel appréciera !

(L’amendement n110 n’est pas adopté.)

Article 13

M. le président. La parole est à M. Laurent Marcangeli, inscrit sur l’article 13.

M. Laurent Marcangeli. L’article 13 contenait quelques dispositions d’ordre assez général concernant la collectivité territoriale de Corse, mais il a été enrichi par des amendements conséquents du Gouvernement, tendant notamment à créer une collectivité unique, regroupant les services de l’actuelle collectivité territoriale de Corse et ceux des conseils généraux de Haute-Corse et de Corse-du-Sud – un projet dont l’assemblée de Corse a débattu et auquel elle est assez unanimement favorable.

Pour ma part, je reste favorable à 100 % à la création d’une collectivité unique en Corse, regroupant l’ensemble des compétences des départements et de la collectivité, comme cela a été décidé par l’assemblée territoriale, avec une répartition des votes dépassant largement les clivages politiques. Cela dit, la méthode employée aujourd’hui représente un recul.

À chaque fois que nous avons eu un débat institutionnel concernant la Corse, en 1982, 1991, 2002, il y a eu des lois spécifiques, faisant l’objet d’un examen complet. Or vous voulez renvoyer les détails à des ordonnances. Mais une telle procédure ne devrait pas être envisagée pour discuter de sujets aussi lourds !

Le calendrier que vous prévoyez est également très difficile à tenir : la fusion des départements et de la collectivité territoriale de Corse aurait lieu en janvier 2018, ce qui me paraît extrêmement compliqué à réaliser.

Surtout, vous faites l’impasse sur un certain nombre de demandes de l’assemblée de Corse.

Nous voulons d’abord une révision constitutionnelle. Nous sommes favorables, je le dis très clairement, à l’inscription de la Corse dans la Constitution dans un article 72-5. C’est l’assemblée de Corse, présidée par une majorité proche de la vôtre, qui l’a demandé, presque unanimement.

L’assemblée territoriale a ensuite considéré qu’il fallait une loi spécifique. Vous semblez balayer cette demande d’un revers de main.

Enfin, l’assemblée de Corse réclame de façon unanime un référendum. En 2003, les Corses ont été convoqués pour dire si, oui ou non, ils acceptaient le principe d’une collectivité unique. Aujourd’hui, vous passez par un amendement – même pas par une loi ! C’est un recul immense. C’est par référendum que nous devrions dire si nous souhaitons ou non la création d’une telle collectivité.

La collectivité unique est la bonne voie selon moi, mais la méthode employée par le Gouvernement ne me semble pas bonne au regard de la démocratie locale, compte tenu des demandes, formulées très majoritairement, parfois à l’unanimité, par l’assemblée de Corse.

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. C’est une chance. Si vous saviez à quel point la Bretagne espère une avancée semblable !

M. le président. La parole est à M. Camille de Rocca Serra.

M. Camille de Rocca Serra. Vous le savez, madame la ministre, lorsque je m’engage, je ne triche pas, je ne trompe pas, je vais jusqu’au bout mais, pour aller jusqu’au bout, il faut être compris, entendu et respecté dans ses choix.

Avec Paul Giacobbi, ce n’est pas lui qui dira le contraire, nous avons essayé de trouver le consensus le plus large à l’assemblée de Corse, et il a porté sur plusieurs points.

Le point essentiel est qu’après l’échec de 2003, et quelle que soit notre volonté d’aller vers la création d’une collectivité unique, un tel projet devait être ratifié par le peuple. Nous nous y sommes engagés unanimement. Vous tentez de nous démontrer que ce n’est pas possible, or, ça l’est parfaitement : l’article 72-1 de la Constitution permet une telle consultation lorsqu’il est envisagé de créer une collectivité nouvelle. Nous souhaitons donc, et moi le premier, respecter notre engagement.

Nous avons considéré par ailleurs que le calendrier n’était pas la chose la plus importante. En tout cas, c’est ma position.

Certains membres de l’assemblée territoriale avaient demandé que l’on reporte les élections départementales du mois de mars mais, comme vous l’avez à juste titre souligné, un tel report ne serait pas constitutionnel. Nous devons donc faire face à cette contrainte.

Vous voulez nous imposer de voter en 2017 pour la mise en place d’une nouvelle collectivité le 1er janvier 2018. C’est d’ailleurs incompréhensible car, dans cette hypothèse, le mandat départemental cesserait le 31 décembre. Or les élections, si elles ont lieu, seront vraisemblablement organisées avant le 20 décembre, ce qui signifie que le mandat des conseillers aura expiré avant.

La question n’est pourtant pas là, madame la ministre. La question est de savoir si nous recherchons le plus grand consensus, voire l’unanimité, et si nous allons respecter le mandat départemental qui sera entamé dans trente jours.

Ce mandat, les électrices et les électeurs ne sauront pas encore – puisque la loi ne sera pas votée – quelle sera sa durée. Il en est de même, d’ailleurs, pour les candidats à l’élection départementale, pourtant déjà engagés depuis plusieurs jours dans la campagne électorale : les futurs élus ne connaîtront pas la durée de leur mandat, parce que vous avez fait le choix de l’ordonnance.

Des questions fondamentales, notamment celle qui concerne la prime majoritaire, seraient ainsi réglées par ordonnance, ce que nous ne pouvons pas accepter. Jusqu’à présent, ce sont toujours les lois de la République qui ont fixé des questions aussi importantes. Vous ne pouvez pas le faire par ordonnance, ce n’est pas possible.

M. le président. Monsieur de Rocca Serra…

M. Camille de Rocca Serra. Je ne vais pas intervenir souvent, monsieur le président.

C’est un déni de démocratie. Vous ne respectez ni le choix de l’assemblée de Corse, ni le Parlement, puisque vous allez le contourner.

Je veux avec vous créer cette collectivité unique. Je me suis battu en 2003, je ne faiblis pas, je reste sur cette ligne.

Madame la ministre, nous vous demandons de revenir avec un vrai projet sur la Corse, un projet qui comprenne non seulement les compétences, l’organisation institutionnelle mais aussi les moyens financiers, les transferts de fiscalité. J’ai moi-même voté pour l’inscription de la Corse dans la Constitution, c’est-à-dire pour une vraie autonomie interne dans la République. Au moins, revenez en nouvelle lecture avec un texte plus approprié et respectueux de nos décisions, de nos délibérations.

Alain Rousset a fait adopter hier un amendement qui va peut-être permettre de garantir le pouvoir réglementaire. C’était, vous le savez, l’une des questions essentielles ; or elle ne figurait pas dans votre texte.

M. le président. Veuillez conclure, monsieur de Rocca Serra…

M. Camille de Rocca Serra. Madame la ministre, j’aimerais vous soutenir mais je ne peux pas le faire dans ces conditions. Je défendrai des amendements en vous montrant que vos choix ne sont pas respectueux de nos institutions ni de la décision prise par l’assemblée de Corse.

M. le président. La parole est à M. Paul Giacobbi.

M. Paul Giacobbi. Madame la ministre, il y a un principe de droit, mais aussi de morale, qui est : donner et retenir ne vaut.

L’assemblée de Corse s’est prononcée dans le détail, non pour que l’on retarde le calendrier mais au contraire pour qu’on l’accélère.

C’est une vieille affaire. La Corse, c’est 300 000 habitants, deux départements, une région. Napoléon n’avait fait qu’un département, équilibrant d’ailleurs les pouvoirs entre la Haute-Corse et la Corse-du-Sud – à l’époque le Golo et le Liamone. En 1975, on a créé deux départements, séparant à nouveau l’île. En 2003, à l’initiative du futur président Nicolas Sarkozy, qui connaît d’ailleurs parfaitement bien la Corse, un projet de fusion a été soumis par référendum à la population. Comme en Alsace, la réponse a été négative, pour des raisons d’ailleurs sans lien avec la question posée, j’y reviendrai. Les esprits, en tout cas, n’étaient pas prêts.

Par la suite, il y a eu des années de travail, à la fois juridique, politique et pragmatique. Nous sommes entrés dans les détails comme rarement une assemblée territoriale l’a fait. La ministre le sait bien d’ailleurs puisqu’elle a accompagné le mouvement, assisté à toutes les étapes…

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Je confirme !

M. Paul Giacobbi. …et supporté stoïquement toutes les impatiences des uns et des autres, y compris les miennes, qui n’étaient pas les moindres.

À ce stade, deux points méritent d’être précisés.

Premier point, l’assemblée de Corse a souhaité qu’une consultation populaire ait lieu. Le problème – et c’est là que « donner et retenir ne vaut » – est qu’il ne faut pas tout confondre. Si nous n’introduisons pas une telle disposition dans le texte, nous repoussons la réforme aux calendes grecques. On trouvera toujours d’excellentes raisons pour la repousser à chaque fois ; on ne sera jamais suffisamment prêt. Or cela fait dix ans que l’on en discute, sans même parler de projets plus anciens.

Peut-on alors concilier les choses ? Il me paraît possible de poursuivre le processus législatif et la préparation de  l’ordonnance tout en réfléchissant à l’organisation d’une consultation, dont il faudra bien tirer les conséquences mais qui peut se dérouler à n’importe quel moment, sans constituer un préalable.

Second point, le Gouvernement nous a indiqué que les élus de l’assemblée de Corse seraient associés à la rédaction de l’ordonnance. Je pense que vous nous le confirmerez le plus précisément possible. Il y a d’ailleurs un précédent. La loi sur le plan d’aménagement et de développement durable de la Corse – PADDUC –, adoptée sous la précédente majorité, avait fait l’objet d’un remarquable travail en commun entre l’assemblée de Corse et le gouvernement de l’époque, ce qui lui avait permis, si mes souvenirs sont bons, d’être votée à l’unanimité par l’Assemblée nationale et le Sénat.

Camille de Rocca Serra a évoqué la Constitution. Grande affaire mais, si nous devons commencer par réviser la Constitution, ce qui, nous le savons, est parfaitement impossible, pour envisager la collectivité unique, c’est la repousser encore à des calendes que je n’ose qualifier.

La vérité, c’est que je ne renonce pas à ce que la Corse trouve sa place dans la Constitution de la République française, mais je vois bien que ce n’est pas possible à très court terme. L’îlot de Clipperton y est, avec deux lignes pour définir son régime juridique. Ce qui vaut pour les oiseaux marins et les petits mammifères peut valoir également pour la Corse, à tout le moins. Toutes les îles françaises sont dans la Constitution de la République française ! J’y tiens donc expressément, mais cela prendra effectivement un peu plus de temps.

Le ministre de l’intérieur et vous-même, madame la ministre, aviez dit à cette occasion qu’il fallait construire le lien de confiance.

Je tiens à vous remercier parce que vous faites partie de cette liste, assez longue d’ailleurs, de gouvernants qui, à travers les temps, ont aidé considérablement la Corse. Nicolas Sarkozy en fait partie, Joël Le Theule également, qui a institué la continuité territoriale. Soyez-en remerciée. C’est très rare en France de remercier quelqu’un, en Corse encore plus.

M. François Pupponi. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Martial Saddier.

M. Martial Saddier. Je ne prendrai pas la parole sur la Corse, mais sur les amendements qui tendent à insérer un article additionnel après l’article 13.

Nous attaquons la quatrième nuit de la semaine sur ce texte et, à plusieurs reprises, madame la ministre, vous et votre collègue M. Vallini avez appelé la représentation nationale à faire confiance aux élus et aux territoires.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Oui.

M. Martial Saddier. C’est au moins un point sur lequel nous sommes tous parfaitement d’accord, au-delà de nos clivages politiques.

Je voudrais prendre deux exemples.

La République, le Gouvernement ainsi, je crois, que l’Assemblée nationale et le Sénat ont fait confiance au territoire de Lyon, conseil général des Bouches-du-Rhône et métropole, en lui permettant de devenir une collectivité unique.

De même, la République, en dépit des désaccords sur la forme, s’apprête en quelque sorte à faire confiance à la Corse pour se constituer en une collectivité unique.

Il me semble que c’est vous qui, tard dans la nuit de mardi à mercredi, avez laissé entendre que le Gouvernement était ouvert à l’idée que, si la totalité des départements d’une région nouvelle se mettent d’accord, l’ensemble puisse devenir une collectivité unique.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Oui.

M. Martial Saddier. Hervé Gaymard va vous proposer dans quelques instants de faire confiance à une nouvelle partie du territoire de la République, constituée des départements de Savoie et de Haute-Savoie et représentée par l’assemblée des pays de Savoie.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Ce n’est pas possible.

M. Martial Saddier. Les conseils généraux de Haute-Savoie et de Savoie, respectivement présidés par Christian Monteil et Hervé Gaymard, travaillent depuis longtemps à l’élaboration d’un projet de territoire, dans le respect des deux départements mais avec une détermination chaque jour plus forte.

Au-delà de la confiance que nous faisons aux élus et aux territoires, il est un sujet dont nous débattons depuis quatre jours et quatre nuits : c’est celui de l’égalité des territoires. Certaines nouvelles régions compteront huit, neuf, dix, onze ou douze départements.

M. le président. Merci, monsieur Saddier.

M. Martial Saddier. C’est très important, monsieur le président. Je ne reprendrai plus la parole par la suite.

Vous conviendrez qu’il sera plus facile de trouver un accord dans des régions de deux ou trois départements que dans des régions qui en compteront douze ou treize. Au sein de Rhône-Alpes-Auvergne, il se passera un peu de temps avant que la totalité des départements se mettent d’accord pour former une collectivité unique !

Je soutiens donc l’amendement n496 qu’Hervé Gaymard présentera dans quelques instants.

M. François Pupponi. Peut-être pourrait-on proposer le retour d’Emmanuel de Savoie !

M. le président. La parole est à M. Benoist Apparu.

M. Benoist Apparu. La situation institutionnelle de la Corse, dont nous discutons ce soir, est évidemment un sujet qui nous concerne tous. Il est légitime que nos amis députés corses et d’autres parlementaires puissent s’exprimer.

Pour ma part, je soutiens bien évidemment l’initiative du Gouvernement, mais aussi, et surtout, la demande de consultation populaire émise par les parlementaires originaires ou élus de Corse. En effet, à chaque fois qu’il a été envisagé de créer des collectivités locales uniques au sein de notre République, il y a toujours eu une consultation populaire. C’est ce qui s’est passé outre-mer, dans le cadre de l’article 73 de la Constitution, ainsi qu’en Alsace. Or, pour la Corse, non seulement on ne passera pas par la voie législative mais par celle d’une ordonnance, mais on n’organisera pas de consultation populaire. J’avoue ne pas comprendre pourquoi il y a deux poids, deux mesures.

J’imagine, madame la ministre, que nous parlerons tout à l’heure de la Savoie. Mais, pour en revenir à la Corse, je suis également surpris que le Gouvernement s’engage sur la voie de la collectivité locale unique – c’est intéressant –…

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Non !

M. Benoist Apparu. …alors qu’il a refusé d’accéder à la demande de tous les Alsaciens, il y a deux mois à peine dans cet hémicycle, de former une collectivité locale unique qui rassemble les deux départements et la région Alsace. Autrement dit, le Gouvernement propose maintenant pour la Corse ce qu’il a refusé pour l’Alsace il y a deux mois. Permettez-moi de vous dire que je ne vois pas très bien où est la cohérence.

M. Michel Piron. Il est gentil, il n’a pas parlé de la Bretagne !

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Il n’était pas inintéressant d’écouter M. Apparu.

M. Martial Saddier. Merci pour nous ! (Sourires.)

Mme Marylise Lebranchu, ministre. J’y reviendrai.

Après un travail extrêmement précis mené, entre autres, par M. Chaubon et M. Colombani, l’Assemblée de Corse a adopté une délibération demandant la création d’une collectivité unique. Depuis un peu plus de deux ans, j’essaie, pas à pas, de trouver des solutions aux questions posées. Une vraie belle réponse à la Corse serait effectivement la création d’une assemblée unique. Cette solution correspond à des volontés locales fortes et s’inscrit dans la continuité d’un processus déjà engagé : en effet, la collectivité territoriale de Corse, qui dispose d’un statut particulier, exerce déjà plusieurs compétences des départements telles que l’entretien des collèges, par exemple, depuis le 20 novembre 2013.

L’amendement n1979 rectifié du Gouvernement, que nous examinerons dans quelques instants, vise donc à achever un processus de simplification des structures tout en garantissant le respect des spécificités corses. La collectivité unique de Corse serait créée – j’utilise volontairement le conditionnel – en 2018, après des élections organisées en décembre 2017.

Les collectivités uniques permettent une gouvernance régionale de proximité, plus en phase avec les besoins des citoyens, lorsque la région est de taille ad hoc. C’est bien le cas de la Corse.

L’amendement prévoit aussi le maintien du régime juridique de la Corse et de toutes ses spécificités en matière législative et réglementaire – cela a été fortement commenté et apprécié, me semble-t-il. Le nouveau mode de gouvernance territoriale ne doit affecter aucun des compromis qui ont d’ores et déjà été trouvés. Le droit national pourra donc toujours être adapté aux spécificités de l’île. Pour les membres de l’Assemblée de Corse, il s’agit d’un point important. En effet, depuis des années, leur assemblée demande que ce droit spécifique soit respecté : pour ce faire, elle a envoyé quarante-deux demandes mais n’a reçu aucune réponse, pas même un accusé réception. Nous avons ressorti ces demandes, auxquelles nous répondons progressivement.

Restent les questions très fortes que vous venez de poser, messieurs les députés. Vous nous demandez de faire un pas vers l’assemblée unique. Je comprends vos arguments mais, à chaque fois que l’on fait un pas, il ne faut pas en faire un autre de côté. Sinon, nous perdrons du temps et nous nous poserons toujours la même question dans quelques années.

Cet amendement s’inscrit dans le seul véhicule législatif dont nous disposions pour répondre à la demande. Si nous n’agissons pas maintenant, nous ne trouverons pas d’autre véhicule législatif avant un long moment – vous connaissez l’encombrement de l’ordre du jour de votre assemblée. C’est donc par souci d’efficacité et de rationalité que nous utilisons ce véhicule législatif, avec l’accord, bien évidemment, du ministre de l’intérieur, qui aurait voulu être présent ce soir mais qui en est empêché.

Je veux m’adresser en particulier aux députés corses qui ont rappelé la demande de référendum. Nous sommes extrêmement clairs : nous proposons cet amendement à titre tout à fait conservatoire, pour éviter qu’une possibilité ne nous échappe. Le 13 avril prochain, le ministre de l’intérieur et moi-même recevrons les représentants de la collectivité territoriale de Corse. Nous leur demanderons, comme le ministre de l’intérieur l’a fait en Corse au début du mois, s’ils veulent du processus proposé par le présent amendement ou d’un référendum. Que chacun le sache : si nous prenons la décision d’organiser un référendum, nous aurons besoin d’un peu de temps ; ensuite, il faudra continuer. Je comprends votre souci et je vous réponds pragmatiquement, en droit : ne ratons pas la possibilité offerte par cet amendement ! Lorsque nous aurons discuté avec l’ensemble des représentants, nous déterminerons ensemble laquelle des deux solutions est la meilleure.

Monsieur de Rocca Serra, vous avez raison d’insister, comme vous l’avez fait récemment à l’occasion d’une question au Gouvernement, sur le fait qu’il est impossible de prolonger le mandat de l’actuelle Assemblée de Corse. Quoi qu’il arrive, les élections départementales auront lieu, comme dans tous les autres départements de France. En effet, le mandat des conseillers élus ne courra que jusqu’en décembre 2017 car, si nous voulons mettre en place une nouvelle assemblée au 1er janvier 2018, nous serons obligés d’organiser de nouvelles élections. Après un référendum, ce serait d’ailleurs la même chose : il faudrait confirmer dans la loi la création d’une assemblée unique, déterminer un mode de scrutin et choisir la date de l’élection. En adoptant la solution du référendum, le problème serait donc identique.

Vous avez aussi évoqué le mode de scrutin et la représentation géographique. Vous en aviez d’ailleurs déjà parlé, les uns et les autres, au cours de la réunion avec Bernard Cazeneuve et moi-même. Comme je l’ai déjà dit, nous discuterons de ces sujets le 13 avril.

Faut-il qu’il y ait, pour faire simple, deux listes, l’une pour la Haute-Corse et l’autre pour la Corse-du-Sud ? Pour ma part, j’ai toujours pensé qu’en vue de constituer une assemblée unique, chaque famille politique devait élaborer une seule liste représentant l’ensemble des territoires.

J’exclus totalement l’idée d’une représentation territoriale par des collèges. Nous en sommes tous d’accord, et le rapport Chaubon corrobore notre opinion.

La création d’une sorte de chambre de territoire a été proposée. À l’heure où je vous parle, je ne vois pas, en droit, comment nous pourrions construire cette chambre. En revanche, rien n’empêche une assemblée unique de prévoir, dans son règlement intérieur, une organisation assurant un équilibre entre les représentants de la Haute-Corse et ceux de la Corse-du-Sud. Un tel dispositif me paraît un peu complexe, mais il relève davantage du fonctionnement et du règlement de la future assemblée, si elle doit exister, que de la loi. Sur ce point, nous pourrons toujours trouver une solution pragmatique.

S’agissant du nombre de sièges, nous l’avons fixé à soixante-trois.

Nous proposons bien évidemment à l’ensemble des membres de l’Assemblée de Corse concernés de travailler ensemble, point par point, à l’élaboration de l’ordonnance. Celle-ci devra être ratifiée par le Parlement qui pourra l’améliorer, l’accepter ou rejeter sa ratification. Le Parlement n’est donc pas privé de parole.

Mon intervention est trop longue : je vais donc l’achever. Je pourrai répondre à d’autres questions, s’il y en a.

Je ne peux pas imaginer que nous ne soyons pas d’accord, au moins, sur un point : un gouvernement qui a décidé de mener une discussion, qui s’en est donné les moyens depuis quelque temps et qui a accepté une proposition ne doit-il pas utiliser le premier véhicule législatif pour essayer de concrétiser cette dernière ? C’est ce que nous faisons aujourd’hui.

S’agissant enfin de la co-officialité ou de l’inscription de la langue corse dans la Constitution, nous sommes ici à l’Assemblée nationale et nous n’avons pas les moyens de modifier notre Constitution. Or nous savons que la co-officialité est anticonstitutionnelle : ce n’est donc pas la peine d’ouvrir ce débat ici.

M. Camille de Rocca Serra a parfois évoqué ce point avec d’autres de vos collègues appartenant aujourd’hui à la majorité sénatoriale. Pour modifier la Constitution, en effet, nous avons besoin de l’accord du Sénat. Avec Jean-Jacques Urvoas, nous espérons obtenir un accord le plus rapidement possible afin de ratifier la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires, mais cet accord est difficile à obtenir, et on nous a déjà dit qu’une éventuelle révision constitutionnelle porterait peut-être uniquement sur la ratification de la Charte et ne comporterait aucune autre modification de la Constitution. À l’heure où nous parlons, nous en sommes là.

Voilà donc ce que le Gouvernement propose : adopter cette solution législative ce soir, car une telle occasion ne se représentera pas de sitôt ; entamer des discussions le 13 avril pour déterminer la voie, référendaire ou non, dans laquelle nous nous orienterons ; continuer à travailler ensemble.

Plusieurs orateurs m’ont posé des questions sur les autres régions. Entre juillet et la fin de l’année 2012, j’ai passé beaucoup de temps sur le dossier alsacien. À l’époque, l’Alsace avait demandé l’organisation d’un référendum, et rien d’autre : nous y avons bien sûr fait droit, mais ce référendum a donné le résultat que vous savez. En outre, nous savons tous qu’une assemblée unique, qu’elle soit expérimentée ou créée par la loi, doit correspondre au périmètre d’une région.

M. Benoist Apparu. Maintenant, ce n’est plus possible !

Mme Marylise Lebranchu, ministre. L’assemblée unique doit comprendre la région et ses départements. Il est vrai que le cas de l’Alsace pose un vrai problème, mais je ne suis pas en capacité de le régler. Ceci étant, le référendum a été organisé en 2013 et nous sommes en 2015. Il s’agit aujourd’hui de créer une assemblée unique en Corse, et nulle part ailleurs.

M. Martial Saddier. Et en Savoie ?

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Concernant la Savoie, j’y reviendrai lorsque nous examinerons l’amendement n496.

M. le président. Toutes les explications utiles ayant été données, nous pouvons passer à présent à la discussion des amendements.

Vous avez anticipé sur la présentation de votre amendement n1979 rectifié, qui fait l’objet de plusieurs sous-amendements, madame la ministre. Souhaitez-vous reprendre la parole ou considérez-vous que les explications que vous venez de donner sont suffisantes ?

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Je considère que l’amendement a été défendu, monsieur le président.

M. le président. La parole est à M. Olivier Dussopt, rapporteur, pour soutenir le sous-amendement n2078.

M. Olivier Dussopt, rapporteur. N’ayant pas sur ce dossier la connaissance que peut en avoir Mme Marylise Lebranchu, je ne me hasarderai pas à formuler un quelconque commentaire sur le processus qui a porté l’Assemblée de Corse à faire un tel choix ou sur l’opportunité de celui-ci.

Plusieurs remarques ont été faites au sujet du caractère législatif de ces propositions, et la ministre s’en est expliquée. J’aimerais, à l’instar des élus de Corse, saluer le travail qu’a réalisé la ministre, car je sais que les solutions proposées dans ces amendements sont l’aboutissement de longues discussions et de nombreuses rencontres. Il faut souligner le rôle de médiation que Marylise Lebranchu a joué dans ce dossier car, à l’exception de celles et de ceux qui ont participé aux discussions, peu d’entre nous en ont conscience.

La commission a émis un avis favorable sur l’amendement du Gouvernement sous réserve d’en améliorer la rédaction sur un point formel ; c’est l’objet du sous-amendement proposé.

M. le président. La parole est à M. Camille de Rocca Serra, pour soutenir le sous-amendement n2085.

M. Camille de Rocca Serra. Permettez-moi de revenir sur les fondamentaux, madame la ministre. Le 13 décembre 1999, Lionel Jospin nous appelait à discuter de ce que nous voulions pour l’avenir de la Corse. Le 22 janvier 2002, un texte fondamental était promulgué, voté par une large majorité, même si tout le monde n’était pas d’accord. Et vous affirmez quant à vous qu’il n’y a qu’une solution, et qu’elle consiste à appliquer les dispositions de ce véhicule législatif à partir de 2018.

Madame la ministre, voilà un an et demi que nous discutons ensemble. Nous avons commencé sur d’autres sujets. Paul Giacobbi les a défendus. Je n’ai pas été un partenaire sur tous les sujets, mais je peux au moins me targuer d’avoir su constituer un large consensus pour que la Corse fasse l’objet d’un article 72-5 de la Constitution et pour parvenir à la collectivité unique ; Paul Giacobbi ne me démentira pas. Et vous nous dites qu’il n’y a qu’un seul véhicule législatif, qu’il n’est pas possible de discuter d’un projet ou d’une proposition de loi sur la Corse.

Pour ma part, j’aurais préféré que l’on conserve la logique de 2002 et qu’on discute d’un texte global qui permette de créer l’ensemble des conditions, au lieu d’agir appartement par appartement. Nous vous donnerions ici les moyens de créer la communauté unique alors que nous ne savons pas ce que vous comptez inscrire dans les ordonnances. Vous nous répondez que vous reviendrez devant le Parlement, mais le débat sera long.

En effet, vous affirmez qu’on déterminera par ordonnance la prime majoritaire. On est dans une nébuleuse, et je ne peux pas l’accepter. Je ne peux pas accepter qu’on se dédise sur le référendum. Si je n’étais pas d’accord sur tout avec Paul Giacobbi, nous avions néanmoins décidé que la délibération serait décomposée en trois parties : la première partie était essentielle, et nous sommes pour la collectivité unique et le référendum.

Madame la ministre, est-il nécessaire d’imposer cette date de 2018, alors que nous pourrions trouver non pas le consensus mais l’unanimité en Corse sur une date permettant aux futurs élus de mener leur mandat à leur terme ? Vous connaissez la fragilité constitutionnelle de la durée de ces mandats, qui vont commencer alors que la loi n’aura pas encore été votée, et qui seront ensuite écourtés dans l’hypothèse de la promulgation de la loi, qui n’interviendra probablement qu’à la fin de l’année, donc après les élections.

Pouvons-nous discuter de tout ? Pouvons-nous discuter d’un statut fiscal, de compétences élargies, alors que vous n’avez pas apporté de réponse sur le pouvoir réglementaire, une discussion qu’Alain Rousset nous a permis d’engager ?

C’est la raison pour laquelle je vous demande de nous laisser un peu de temps et d’adopter un calendrier respectueux de l’Assemblée de Corse.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur le sous-amendement n2085 de M. de Rocca Serra ?

M. Olivier Dussopt, rapporteur. Ainsi que je l’ai dit tout à l’heure, je me rangerai à l’avis de la ministre que je crois savoir être défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur les sous-amendements n2085 et 2078 ?

Mme Marylise Lebranchu, ministre. L’avis est défavorable sur le sous-amendement n2085 et favorable sur le sous-amendement n2078.

M. Jean-Luc Laurent. Je souhaite prendre la parole, monsieur le président !

M. le président. Monsieur Laurent, nous avons déjà eu une longue discussion sur le sujet. Je vais laisser s’exprimer un orateur pour et un orateur contre. Il n’y aura pas d’autre prise de parole, car de nombreux orateurs sont intervenus sur la Corse. Nous passerons ensuite aux amendements suivants.

M. Laurent Marcangeli. Nous avons également eu de longues discussions en 1999 et en 2002 !

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Laurent.

M. Jean-Luc Laurent. Vous l’imaginez bien, chers collègues, en tant que député du Mouvement républicain et citoyen, j’ai quelques souvenirs. Je ne suis pas favorable à la création d’une collectivité unique en Corse. Je vous renvoie aux discussions et aux débats qui ont égrené ces questions depuis une dizaine d’années. Je suis particulièrement attaché à l’unité et à l’indivisibilité de la République, à une égalité entre collectivités, et pas à des caractères spécifiques.

M. Xavier Bertrand. Ce n’est pas le sujet !

M. Camille de Rocca Serra. Qu’il n’y ait qu’une seule collectivité ne divise en rien la République !

M. Jean-Luc Laurent. Bien sûr que c’est le sujet ! Le mot de « co-officialité » a même été prononcé, et cette question comme celle de la ratification de la charte européenne des langues régionales et minoritaires seraient les étapes suivantes. Vous comprendrez donc que, en ce qui me concerne, je voterai contre les dispositions qui nous sont proposées dans cet amendement du Gouvernement.

M. le président. La parole est à M. Paul Giacobbi.

M. Paul Giacobbi. Je suis favorable et je l’exprime avec gratitude, notamment parce que la ministre, dans sa réponse à mes collègues, a précisé un certain nombre d’éléments : nous utilisons aujourd’hui le présent véhicule législatif, une rencontre est prévue entre les élus de la Corse et le Gouvernement, un certain nombre de points seront précisés.

Que l’on nous dise qu’on ne peut pas en deux ans faire un travail qui se prépare depuis dix ans et qui a été étudié dans le détail, c’est mal augurer de la capacité de notre administration et de celle de la République française en général.

Par ailleurs, au sujet des seuils, l’Assemblée de Corse a discuté plusieurs jours et plusieurs nuits. Les élus de la Corse exprimeront sans doute la même position face au Gouvernement que lors des votes en séance. En tout état de cause, je rappelle que l’ordonnance reviendra devant l’Assemblée nationale, qui se prononcera à son sujet. Si entre-temps une consultation aura été organisée, il sera toujours temps de renoncer à ratifier si le peuple, qui a toujours raison, se sera prononcé négativement.

Je voudrais enfin rassurer mon collègue Laurent : il est davantage question de placer la Corse au cœur de la République que de l’en sortir. Je ne porte tout de même pas un nom qui fait sortir mon île de la République ! En général, dans ma famille, on l’y a fait rentrer et on l’y a maintenue, y compris en 1940 à Vichy.

M. Jean-Luc Laurent. Maintenons-la !

(Le sous-amendement n2085 n’est pas adopté.)

(Le sous-amendement n2078 est adopté.)

(L’amendement n1979 rectifié, sous-amendé, est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Camille de Rocca Serra, pour soutenir l’amendement n158.

M. Camille de Rocca Serra. Cet amendement est simple : on ne peut imaginer qu’un cinquième des élus puisse perturber l’ordre du jour d’une assemblée. Il est préférable de retenir la proportion d’un tiers. Si on conserve un cinquième, cela signifie qu’un seul groupe pourra modifier en permanence l’ordre du jour de l’Assemblée.

M. Christophe Caresche et M. Jean-Louis Gagnaire. Il a raison !

M. Camille de Rocca Serra. La sagesse veut que, pour préserver le bon déroulement des travaux d’une assemblée, un tiers des élus puisse le faire, et non pas un cinquième. J’espère être entendu au moins sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Olivier Dussopt, rapporteur. Je demeure prudent sur cet avis, monsieur le président. Nous avons regardé ce que l’Assemblée de Corse avait voté, et celle-ci a approuvé le seuil d’un cinquième.

M. Laurent Marcangeli. Ah bon ?

M. Olivier Dussopt, rapporteur. Par souci de cohérence, et afin de respecter ce qui a été voté par l’Assemblée de Corse, l’avis de la commission est défavorable.

M. Camille de Rocca Serra. Il fallait approuver le référendum, dans ce cas !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Cette proposition, qui figurait dans le projet de loi initial du Gouvernement, s’inscrit dans la lignée du rapport qui a été remis par la commission des compétences législatives et réglementaires présidée par M. Pierre Chaubon à l’Assemblée de Corse en 2013.

Aux termes de ce rapport : « Tout groupe de conseillers de Corse et toute commission devraient pouvoir déposer une proposition de délibération. » Le fait de permettre à un cinquième des conseillers de Corse de déposer une proposition de délibération paraissait alors à tout le monde aller dans le sens d’une plus grande ouverture du débat démocratique. C’est pourquoi nous avions retenu cette proposition. L’avis du Gouvernement est par conséquent défavorable à cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Paul Giacobbi.

M. Paul Giacobbi. L’Assemblée de Corse s’est en effet prononcée dans ce sens, mais ce que dit Camille de Rocca Serra est frappé au coin du bon sens, c’est la sagesse.

Est-il vraiment nécessaire d’entrer à ce point dans le détail ? Puisque le Gouvernement doit rencontrer les représentants de l’Assemblée de Corse, dont certains sont ici présents, ne voudrait-il pas mieux se passer d’une telle précision à ce stade de nos discussions ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. J’entends la position raisonnable exprimée par M. Camille de Rocca Serra et M. Paul Giacobbi. Je propose dans ce cas de m’en remettre à la sagesse de l’Assemblée. Chacun pourra ainsi se prononcer en conscience, après avoir entendu ceux qui sont les plus concernés, si je puis me permettre cette remarque peu républicaine.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Olivier Dussopt, rapporteur. Comme je l’ai indiqué au début de la discussion de cet article, je me range à l’avis du Gouvernement, et m’en remets donc à la sagesse de l’Assemblée.

M. le président. Monsieur de Rocca Serra, acceptez-vous de retirer votre amendement ?

M. Benoist Apparu. Ce n’est pas ce qui est demandé !

M. Camille de Rocca Serra. J’y consens si le Gouvernement revient sur ce qu’il a introduit dans le texte initial, qui correspond à la première ébauche des conclusions du rapport de Pierre Chaubon mais pas forcément à ce que l’Assemblée de Corse a souhaité in fine.

D’ailleurs, l’amendement n160 dont nous discuterons ensuite vous montrera que vous n’introduisez que des dispositions préalables à une décision de l’Assemblée de Corse. Il se trouve en effet que nous arrivons parfois à nous comprendre, à nous entendre et à amender.

Par conséquent, madame la ministre, je consens à retirer cet amendement…

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Je m’en suis remise à la sagesse de l’Assemblée !

M. Christophe Caresche. Ne le retirez pas ! Nous allons le voter !

M. Camille de Rocca Serra. Dans ces conditions, je le maintiens, bien entendu. Je souhaite en effet que seules des minorités suffisamment consistantes puissent inscrire une question à l’ordre du jour.

(L’amendement n158 est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Camille de Rocca Serra, pour soutenir l’amendement n160.

M. Camille de Rocca Serra. J’espère remporter le même succès ! L’article 13 prévoit que si l’ensemble des conseillers exécutifs cessent leurs fonctions, ils peuvent réintégrer collégialement l’Assemblée de Corse. Je ne vois pas pourquoi un membre du conseil exécutif qui déciderait de démissionner pour des raisons familiales, de santé ou de désaccord politique, ne pourrait pas, lui aussi, regagner les bancs de l’Assemblée. Il y a là une rupture d’égalité entre les membres qui agiraient collégialement et le conseiller exécutif qui prendrait sa décision à titre personnel.

Si ma mémoire est bonne, l’Assemblée de Corse a accepté cet amendement ; le président du conseil exécutif de Corse pourra le confirmer !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Olivier Dussopt, rapporteur. L’article 13 permet aux conseillers exécutifs de pouvoir réintégrer collégialement l’Assemblée de Corse seulement si la cessation de leurs fonctions est due au vote, par l’Assemblée de Corse, d’une motion de défiance contre le conseil exécutif ou à la démission collective du président et des membres du conseil exécutif.

Cet amendement propose d’étendre à tous les cas la possibilité de retrouver son siège à l’Assemblée de Corse, y compris si la cessation des fonctions est due à la démission individuelle du conseiller. Au vu des arguments développés au Sénat et en commission des lois, cela ne paraît pas souhaitable, en raison des risques d’instabilité et du caractère collégial de l’élection des conseillers exécutifs. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Vous ne recueillerez certainement pas le même succès ! Comme l’a rappelé le rapporteur, vous voulez permettre à un conseiller exécutif de pouvoir retrouver, individuellement, l’exercice de son mandat. Une proposition a été faite, qui se trouve traduite dans l’alinéa sur les démissions collectives. Nous craignons que cette possibilité prise à titre personnel ne crée une instabilité constante dans la composition de l’Assemblée de Corse et de son exécutif. Or le ministre de l’intérieur a bien montré que nous devons, en droit, garantir la stabilité d’une assemblée.

M. le président. La parole est à M. Paul Giacobbi.

M. Paul Giacobbi. J’ai l’expérience, et je vous indique que la stabilité repose non pas sur des dispositifs juridiques, mais sur une certaine cohérence et, peut-être parfois, sur une certaine autorité. En tout cas, c’est cette autorité qui permet à l’exécutif actuel, qui a une majorité relative et très composite, d’exercer comme il convient ses fonctions, et même d’obtenir des consensus très larges. Le Gouvernement s’inquiète d’un danger qui n’existe pas et, personnellement, je voterai le présent amendement.

M. le président. La parole est à M. Camille de Rocca Serra.

M. Camille de Rocca Serra. Jusqu’ici, la loi prévoyait que si le président du conseil exécutif décédait ou voulait partir pour des raisons personnelles, tout l’exécutif tombait. L’instabilité était donc totale, car qui peut garantir la bonne santé du président ? Qui peut garantir qu’il ne soit pas renversé dans la rue ? (Sourires sur les bancs du groupe SRC.)

M. Florent Boudié, rapporteur pour avis. Ce sont des préoccupations corses !

M. Camille de Rocca Serra. Je lui souhaite une très longue vie ! (Mêmes mouvements.) Alors que tout l’exécutif pourrait tomber à la suite du président, vous invoquez l’instabilité pour empêcher un membre du conseil qui déciderait de quitter l’exécutif pour des raisons personnelles – une charge de travail trop importante, voire un arrangement qui permette au président de constituer une nouvelle majorité – de retrouver l’assemblée. Soyons sérieux ! Je vous demande de rejoindre, non pas ma position, mais celle de Paul Giacobbi.

(L’amendement n160 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n2037 qui fait l’objet d’un sous-amendement n2086.

La parole est à Mme la ministre, pour soutenir l’amendement.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Il s’agit d’un amendement de cohérence.

M. le président. La parole est à M. Camille de Rocca Serra, pour soutenir le sous-amendement n2086.

M. Camille de Rocca Serra. J’en reviens toujours à la même question : pourquoi 2018, alors que l’on pourrait trouver un consensus ? Ça n’est pas pour botter en touche, comme je l’ai entendu tout à l’heure. Vous savez bien que mon engagement en faveur de la collectivité unique est total.

Nous avons voté un conseil des territoires et vous êtes en train de dissoudre cela dans les ordonnances à venir sur des établissements publics hypothétiques. Nous avions ainsi deux piliers, celui d’une entité régionale – la collectivité unique – et celui des intercommunalités – les communautés de communes et les communautés d’agglomération –, que vous allez d’ailleurs, comme tous les gouvernements à venir, renforcer progressivement. Tel était le nouvel attelage que nous voulions construire.

Pourquoi proposer de fixer l’entrée en vigueur de la nouvelle collectivité le 1er janvier 2021 ? Cela permet à un mandat d’aller à son terme et de se donner le temps, sans forcément passer par des ordonnances, de proposer courageusement un projet de loi propre à la Corse, qui prenne en compte toutes les problématiques, y compris le financement et la fiscalité, une question déterminante à laquelle vous n’avez pas répondu.

L’Assemblée de Corse vous avait demandé de fixer l’entrée en vigueur à 2015 ou 2016. Cela était impossible pour des raisons constitutionnelles. Dès lors, pourquoi choisir 2018, alors qu’il serait plus sage de laisser le processus aller à son terme puis tout résoudre en même temps ?

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Olivier Dussopt, rapporteur. Sur ce sous-amendement comme sur les autres, je me range à l’avis de la ministre. Avis favorable à l’amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Ce sont les mêmes arguments et les mêmes propositions que ceux présentés tout à l’heure. C’est donc le même avis défavorable, même si, monsieur de Rocca Serra, monsieur Marcangeli, je ne mets en aucun cas en doute votre volonté d’y arriver. Conservons le texte en l’état et le 13 avril, nous avancerons. Il faut être plus optimiste !

M. le président. La parole est à M. Paul Giacobbi.

M. Paul Giacobbi. La ministre ayant tout dit, je me range à son avis.

(Le sous-amendement n2086 n’est pas adopté.)

(L’amendement n2037 est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n2038 deuxième rectification qui fait l’objet de quatre sous-amendements.

La parole est à Mme la ministre, pour soutenir l’amendement.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Il est défendu.

M. le président. Je suis saisi de deux sous-amendements, nos 2087 et 2088, pouvant faire l’objet d’une présentation groupée.

La parole est à M. Camille de Rocca Serra, pour les soutenir.

M. Camille de Rocca Serra. Ils sont défendus.

M. le président. La parole est à M. Camille de Rocca Serra, pour soutenir le sous-amendement n2089.

M. Camille de Rocca Serra. Ce sous-amendement porte sur la prime majoritaire, que l’Assemblée nationale a portée à neuf sièges – certains députés n’ayant pas voté contre et s’étant simplement abstenus. Je prendrai un seul exemple. À l’Assemblée de Corse, la majorité absolue est de vingt-six sièges. Paul Giacobbi bénéficie d’une majorité relative, avec vingt-quatre sièges. Il a bénéficié pour cela de la prime majoritaire de neuf sièges, qui représente 18 % des sièges, lorsque, pour les autres régions, elle correspond à 25 % des sièges. S’il n’avait eu que trois sièges – comme le prévoyait la loi auparavant –, il n’aurait disposé que de dix-huit sièges. Bien sûr, il aurait gouverné avec tout le monde, obligé de composer avec toutes les minorités, et même avec la grande minorité que j’ai présidée. Mais j’ai toujours défendu les majorités claires – que garantit la VRépublique –, car elles permettent de gouverner.

Cette ordonnance devra prévoir quelle sera la prime majoritaire. Autant être clair. Si vous revenez à une prime majoritaire de trois sièges, comme certains le souhaitent, vous commettrez une erreur fondamentale, qui entraînera la balkanisation de la politique en Corse et sera destructrice pour l’île, d’autant que vous avez porté le nombre d’élus territoriaux de 51 à 63 ! Vous êtes dans le non-dit, madame la ministre. Il faut une vraie prime de majorité pour que la collectivité reste gouvernable, quelles que soient les majorités.

M. le président. Je vous invite à soutenir également le sous-amendement n2090, monsieur de Rocca Serra.

M. Camille de Rocca Serra. Le mode de scrutin actuel distingue le seuil de fusion, à 5 %, du seuil de maintien au second tour, à 7 %. Pourquoi revenir sur ces seuils ? Certes, ils sont spécifiques à l’Assemblée de Corse, mais ils permettent de garantir la stabilité. Autrement, n’importe qui pourra faire une liste et avoir un élu, ce qui entraînera la balkanisation de la vie politique. Conserver le seuil de fusion à 5 % et le seuil de maintien à 7 % est responsable. Cela permet une représentativité politique. Sinon, où irons-nous ?

M. le président. Le sous-amendement n2091 rectifié participe-t-il de la même logique que les sous-amendements nos 2087 et 2088 ?

M. Camille de Rocca Serra. Oui, il est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces quatre sous-amendements et sur l’amendement du Gouvernement ?

M. Olivier Dussopt, rapporteur. Les modifications apportées par ces sous-amendements étant substantielles, l’avis est défavorable. La commission a émis un avis favorable à l’amendement du Gouvernement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur ces sous-amendements ?

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Sur le nombre de sièges à l’Assemblée de Corse, nous avons répondu aux demandes qui nous ont été faites. Nous parlerons de ces sujets avec les élus corses, à compter du 13 avril. Dans l’immédiat, nous sommes dans l’incapacité de vous apporter une répondre très construite et précise. Je vous demande donc de retirer ces sous-amendements, sans quoi l’avis sera défavorable.

M. le président. Monsieur de Rocca Serra, maintenez-vous ces sous-amendements ?

M. Camille de Rocca Serra. Je les maintiens, car c’est sur cette base que nous voterons en décembre prochain. Vous êtes en train de créer le trouble, comme si vous alliez modifier les modalités de l’élection de 2015. Si tel était le cas, dites-le maintenant ! Je pensais que l’entrée en vigueur n’interviendrait qu’en 2018, avec un mandat qui d’ailleurs expirera le 31 décembre. Va-t-on devoir voter entre le 25 et le 31 décembre 2017 ?

(Les sous-amendements nos 2087, 2088, 2089, 2090 et 2091 rectifié, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

(L’amendement n2038 deuxième rectification est adopté.)

(L’article 13, amendé, est adopté.)

Après l’article 13

M. le président. La parole est à Mme Brigitte Allain, pour soutenir l’amendement n648.

Mme Brigitte Allain. Cet amendement vise à prévoir la diffusion électronique des rapports des conseils départementaux et régionaux aux conseillers qui en feraient la demande, ce qui permettrait d’accélérer la diffusion de l’information pour un coût quasi nul. De nombreux conseils régionaux et généraux procèdent déjà ainsi.

Il s’agit également de reprendre une disposition prévue pour les conseillers municipaux et communautaires que nous avons adoptée en commission plus loin dans le texte.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Olivier Dussopt, rapporteur. Les articles L 3121-19 et L 4132-18 auxquels Mme Allain vient de faire référence disposent que les rapports peuvent être mis à la disposition des conseillers qui le souhaitent par voie électronique, de manière sécurisée. Cette mise à disposition fait l’objet d’un avis adressé à chacun des conseillers. Votre demande étant satisfaite, je vous demande de retirer votre amendement, sinon avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Même avis.

M. le président. Que décidez-vous madame Allain ?

Mme Brigitte Allain. Je retire l’amendement.

(L’amendement n648 est retiré.)

M. le président. La parole est à Mme Brigitte Allain, pour soutenir l’amendement n219.

Mme Brigitte Allain. Il est défendu.

(L’amendement n219, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 220 et 221, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.

La parole est à Mme Brigitte Allain, pour les soutenir.

Mme Brigitte Allain. Ces deux amendements tendent à donner à l’opposition, dans les conseils généraux, des droits qu’elle détient dans d’autres assemblées.

L’amendement n220 vise ainsi à confier la présidence de la commission des finances à un conseiller régional d’opposition. Cette mesure de gouvernance fonctionne plutôt bien dans notre Assemblée, elle permet de partager l’exercice des responsabilités et représente un moyen efficace d’information et de contrôle des décisions publiques par l’opposition.

Quant à l’amendement n221, il tend à ouvrir la possibilité de créer une mission d’information au sein de l’assemblée régionale, si un président de groupe minoritaire ou de l’opposition le demande.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Olivier Dussopt, rapporteur. Pour ce qui est de l’amendement n220, l’obligation de confier à un membre de l’opposition la présidence d’une commission pourrait être considérée comme une atteinte au principe de libre administration, ainsi que l’a rappelé le Conseil constitutionnel dans une décision de 1999.

C’est vrai, une règle comparable est prévue à l’article 39 de notre Règlement mais cette disposition, insérée dans le règlement intérieur, n’est pas imposée par la loi. Avis défavorable.

Même avis pour l’amendement n221, sur le fondement de cette même décision du Conseil constitutionnel.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Même avis.

M. le président. La parole est à Mme Brigitte Allain.

Mme Brigitte Allain. Je retire les amendements.

(Les amendements nos 220 et 221 sont retirés.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n222 qui fait l’objet d’un sous-amendement n2057 rectifié.

La parole est à Mme Brigitte Allain pour soutenir l’amendement.

Mme Brigitte Allain. Il est défendu.

M. le président. La parole est à M. Olivier Dussopt, rapporteur, pour soutenir le sous-amendement n2057 rectifié.

M. Olivier Dussopt, rapporteur. Cet amendement vise à décalquer l’article 51-1 de la Constitution qui dispose que le Règlement de chaque assemblée détermine les droits des groupes parlementaires constitués en son sein. La Constitution ne prévoit un tel droit que pour les groupes au sein des assemblées parlementaires mais on peut considérer qu’une telle disposition serait utile au sein d’autres assemblées dès lors que l’amendement de Mme Allain, à ce stade, n’oblige pas à donner la présidence d’une commission à un membre de l’opposition. C’est simplement une inscription des groupes dans le règlement des assemblées des collectivités.

Le sous-amendement n2057 rectifié tend à remplacer les mots « ou minoritaires » par la phrase : « Sont considérés comme groupes minoritaires ceux qui ne se sont pas déclarés d’opposition, à l’exception de celui d’entre eux qui compte l’effectif le plus élevé. »

Cette disposition permettrait d’établir un parallèle avec le règlement de nos assemblées.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Avis favorable sous réserve de l’adoption du sous-amendement du rapporteur.

(Le sous-amendement n2057 rectifié est adopté.)

(L’amendement n222, sous-amendé, est adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Anne-Yvonne Le Dain, pour soutenir l’amendement n763.

Mme Anne-Yvonne Le Dain. Nous souhaitons, avec M. Dosière, M. Fourage, Mme Untermaier et M. Rogemont, renforcer la collégialité des exécutifs des nouvelles régions appelées à s’agrandir considérablement et à voir leur pouvoir évoluer jusqu’à devenir des régions économiquement très fortes.

Cet amendement tend par conséquent à ce que le bureau soit désormais composé du président et des vice-présidents, qu’il détermine l’organisation des services du conseil régional, que ses délibérations soient publiées au recueil des actes administratifs de la région. Sur proposition du président, la commission permanente fixerait les attributions de chaque vice-président.

Il s’agit en quelque sorte d’officialiser cette structure en rendant les délibérations du bureau effectives, exécutoires, et en les publiant. Le dispositif, plus clair et lisible, se rapprocherait ainsi de la manière dont fonctionne le Gouvernement de la France.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Olivier Dussopt, rapporteur. La commission avait réservé à ces propositions un accueil assez frais et avait rendu un avis très défavorable aux propositions de M. Dosière d’instaurer un principe de collégialité qui comprenait, par exemple, l’obligation pour le président d’une assemblée régionale ou départementale de faire cosigner ses arrêtés par le vice-président en charge ou de partager la direction de l’administration avec la collégialité. Avis défavorable, ainsi qu’aux trois amendements suivants.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Il me semble parfaitement possible de respecter la démocratie tout en conservant toute leur efficacité à nos collectivités. Avis défavorable.

M. le président. La parole est à Mme Anne-Yvonne Le Dain.

Mme Anne-Yvonne Le Dain. Je retire mon amendement, tout en signalant que beaucoup d’actes administratifs nationaux sont signés par plusieurs ministres et que nous aurions pu imaginer d’instaurer progressivement un mécanisme comparable au niveau des exécutifs régionaux pour tenir compte du poids économique des futures régions.

(L’amendement n763 est retiré.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements, nos 764, 765 et 766, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.

La parole est à Mme Anne-Yvonne Le Dain, pour les soutenir.

Mme Anne-Yvonne Le Dain. Je les retire.

(Les amendements nos 764, 765 et 766 sont retirés.)

Article 13 bis

M. le président. La parole est à M. Florent Boudié, pour soutenir l’amendement n1862 rectifié.

M. Florent Boudié. Il est défendu.

(L’amendement n1862 rectifié, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre, pour soutenir l’amendement n1381.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Cet amendement vise à supprimer la possibilité pour les conseils économiques, sociaux et environnementaux régionaux – CESER – d’inscrire des communications à l’ordre du jour du conseil régional, c’est-à-dire de lui adresser une injonction.

(L’amendement n1381, accepté par la commission, est adopté.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre, pour soutenir l’amendement n2023.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Cet amendement vise à supprimer la possibilité pour les CESER de demander l’inscription d’une communication donnant lieu à un débat sans vote à l’ordre du jour du conseil régional.

(L’amendement n2023, accepté par la commission, est adopté et l’amendement n1782 tombe.)

(L’article 13 bis, amendé, est adopté.)

Après l’article 13 bis

M. le président. La parole est à M. Hervé Gaymard, pour soutenir l’amendement n496.

M. Hervé Gaymard. Comme l’a indiqué Martial Saddier, nous voulons, par cet amendement, défendre un projet d’avenir, la création de la collectivité territoriale Savoie Mont-Blanc qu’a d’ailleurs mentionnée à un certain nombre de reprises ces derniers mois M. le Premier ministre, que ce soit au congrès des élus de la montagne à Chambéry ou à celui de l’Association des départements de France à Pau.

Sur le fondement de l’article 72 de la Constitution, nous vous proposons de créer, après le Grand Lyon il y a deux ans ou la Corse que nous venons d’évoquer, une collectivité territoriale Savoie Mont-Blanc, au sein même de la région Rhône-Alpes-Auvergne.

Cette collectivité ne remet pas en cause la région Rhône-Alpes-Auvergne telle qu’elle a été instituée mais créerait en son sein une collectivité à statut particulier dotée de quatre grandes compétences : aménagement du territoire, développement économique, développement social en s’appuyant sur toutes les compétences actuellement détenues par les départements, et coopération transfrontalière avec la Suisse et l’Italie.

À terme, la création de cette collectivité impliquerait un redécoupage cantonal pour unifier les deux départements.

Cette proposition s’inscrit dans le cadre des appels à projets que le Gouvernement a adressés aux élus territoriaux et aux élus de la nation. Cet amendement est cosigné par douze de mes collègues des deux départements et les sénateurs des deux départements y sont également favorables.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Olivier Dussopt, rapporteur. Avis défavorable.

M. Benoist Apparu. C’est dommage.

M. Olivier Dussopt, rapporteur. Nous avons tous en mémoire le débat qui a occupé nos collègues corses – lesquels semblent d’ailleurs être retournés en Corse pour le fêter. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Xavier Bertrand. La Bretagne hier, la Corse aujourd’hui !

M. Olivier Dussopt, rapporteur. Mais ils ont bien fait ! Je les cherchais du regard, tout simplement, ne vous énervez pas.

La commission a donc rendu un avis défavorable mais je faisais un parallèle avec le débat parce qu’en Corse, la collectivité unique créée par les dispositions adoptées regroupe tous les départements d’une même région. Dans le cadre de la collectivité Savoie Mont-Blanc, il s’agirait de deux départements au sein d’une même région.

M. Benoist Apparu. Ce n’est pas une raison suffisante.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Il est fort possible que les deux départements fusionnent avec leurs compétences. C’est un projet ancien que vous avez raison de soutenir.

En revanche, vous reprenez une suggestion de votre précédente proposition de loi, la fusion des deux départements avec leurs propres compétences, mais vous prenez à la région la compétence relative à l’aménagement du territoire et au développement économique. On n’a donc plus la même région, ce qui n’est pas envisageable.

Vous pouvez fusionner ces deux départements, demander à la région une délégation de compétences par convention et au sein de la conférence territoriale de l’action publique – nous avons examiné tout à l’heure le champ des compétences pouvant être déléguées –, mais il n’est pas acceptable d’inscrire dans la loi l’obligation pour la région de déléguer des compétences à ces deux départements.

M. le président. La parole est à Mme Bernadette Laclais.

Mme Bernadette Laclais. En tant que Savoyarde, je tiens à m’exprimer sur ce sujet. N’ayant pas abusé de mon temps de parole, j’espère pouvoir aller jusqu’au bout de mon propos. Cet amendement mérite que l’on s’y arrête quelques instants, même si je ne suis a priori pas très favorable à la proposition de création d’une collectivité au titre de l’article 72 de la Constitution, dans la mesure où, Mme la ministre l’a dit à l’instant, une fusion de départements permettait de répondre aux attentes des élus qui ont cosigné cet amendement.

Mais je suis aussi persuadée que nous ne sommes pas obligés de passer par la loi ou par une fusion pour avancer. L’Entente régionale de Savoie, devenue l’Assemblée des Pays de Savoie, a permis de mettre en commun des politiques de coopération. Vous le savez, je soutiendrai toujours ce qui permettra de rendre nos Savoie plus fortes ensemble. On ne saurait donc s’opposer par principe à cet amendement, sur lequel un débat sérieux doit s’ouvrir. Mais encore faut-il ne pas oublier l’essentiel, qui dépasse de très loin le cadre institutionnel. Ce n’est pas l’institution qui donnera l’indispensable confiance partagée, mais c’est l’habitude de travailler en commun, comme nous le faisons dans certains domaines, et la pratique. De même, le fondement d’une union réussie est avant tout un projet de vie commun, respectueux des personnalités des deux partenaires.

Oui, il faut rechercher la mutualisation des moyens, la rationalisation des actions et jouer la proximité. Mais surtout, nous devons être capables de défendre ensemble des projets, de travailler sur le contenu autant que sur le contenant en défendant une vision commune. Or force est de constater que celle-ci fait parfois encore défaut. Nous partageons, bien au-delà de notre histoire et de notre identité héritée d’un passé commun et singulier, des productions agricoles de qualité, un tourisme divers que vous appréciez tous et qui fait de notre territoire la première destination mondiale, une économie ingénieuse qui tire profit de son environnement. Mais nous pouvons encore faire mieux pour le développement équilibré de notre université de Savoie, la définition d’un positionnement commun en faveur du Lyon-Turin ferroviaire, la reconnaissance et le développement de la spécificité de notre organisation judiciaire, et la protection de nos ceintures vertes.

Voilà les raisons pour lesquelles cet amendement me laisse sur ma faim. Dès lors que les projets seront forts et que tous les Savoyards se les approprieront, la structure administrative et politique évoluera naturellement. Je reste donc réservée quant à la création d’une collectivité à statut spécial Savoie Mont-Blanc, mais je suis ouverte au débat, qui ne me semble au demeurant pas revêtir un caractère d’urgence.

M. le président. La parole est à M. Benoist Apparu.

M. Benoist Apparu. Madame la ministre, votre argumentaire me pose un petit problème. Vous avez dit à l’instant qu’il n’était pas possible de créer, pour les départements de Savoie, une sorte d’enclave disposant de compétences spécifiques au sein de la région. Le Gouvernement a pourtant procédé ainsi en créant le Grand Lyon ! En l’espèce, vous avez créé au sein d’un département une enclave pour une collectivité, qui a récupéré les compétences de ce dernier.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Non !

M. Benoist Apparu. À vous entendre, il serait possible de procéder ainsi dans le cas d’une métropole et d’un département, mais en aucune façon dans le cas d’un département et d’une région ; l’argument me paraît un peu faible ! Certes, il ne s’agit pas des mêmes collectivités, mais s’il est possible de créer une enclave au sein d’une collectivité, cela doit être valable aussi bien pour la métropole du Grand Lyon dans le département du Rhône que pour les deux départements de Savoie dans la région Rhône-Alpes.

M. le président. Tous les orateurs pourront s’exprimer, mais au vu du nombre d’amendement restant à examiner, je vous demande de bien vouloir éviter les redites et de respecter le temps de parole prévu par notre règlement.

La parole est à Mme la ministre.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. La métropole de Lyon n’est pas de droit commun ; elle obéit à un statut particulier, tout comme Paris et Marseille-Aix-Provence. On pourrait créer, comme vous le voulez, des départements à statut particulier, quoique cela ne soit pas encore à l’ordre du jour, monsieur le député.

M. Benoist Apparu. Pourquoi pas ?

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Cela dit, je réponds à votre question ; il ne faut jamais oublier que si la métropole de Lyon a absorbé les compétences du département, c’est que nous avons créé un deuxième département. Pour que la situation que vous décrivez prévale, il a fallu, tout le monde l’oublie, créer un deuxième département, présidé par Michel Mercier, que vous connaissez, doté d’ailleurs d’une assiette fiscale restreinte, qui a transmis, par convention, un certain nombre de biens à la métropole. Appliquer ce modèle au territoire que vous mentionnez impliquerait de créer deux régions, dont l’une engloberait les deux Savoie, parallélisme des formes et du fond oblige.

Je persiste à dire à dire que la fusion de deux départements est possible. Il est également possible que la région veuille déléguer, via la conférence territoriale de l’action publique, des compétences à ce département fusionné, nanti d’ailleurs de moyens importants au regard de celles exercées par la région. Mais cela ne pourra se faire par la loi, au détriment de la région.

M. le président. La parole est à M. Hervé Gaymard.

M. Hervé Gaymard. Je tiens à apporter des précisions utiles à ce qui vient d’être dit. Premièrement, mon amendement ne prévoit pas de modifier la législation, en matière économique, puisque j’ai veillé à reprendre les textes applicables dans ce domaine. Il s’agit simplement d’autoriser la région à déléguer des compétences aux agences de développement économique existantes – je ne reviendrai pas sur le débat tardif d’avant-hier –, ce que d’ailleurs elle fait déjà : par exemple, la région Rhône-Alpes a donné délégation il y a près de deux mois à l’agence économique de la Savoie pour mener des actions sur le territoire de Haute-Savoie. Il n’est pas question de priver la région de compétences économiques, puisque des délégations de compétences en la matière sont déjà possibles.

Deuxièmement, le concept de solidarité territoriale que vous avez élaboré depuis que j’ai déposé cet amendement, madame la ministre, a permis de cocher la case « aménagement du territoire ». Ma proposition de loi ne prévoyait qu’un minimum de dérogation aux lois en vigueur, notamment aux dispositions portant sur les relations avec les régions. Nous avions d’ailleurs anticipé le présent projet de loi car nous ne réclamions pas de conserver la compétence des départements en matière de transport, preuve que nous convenons que certaines compétences sont mieux exercées à l’échelle régionale.

Pourquoi voulons-nous créer cette collectivité territoriale à statut particulier ? D’abord, il faut garder des centres de décision économique dans les Pays de Savoie, et ce n’est pas faire insulte à la région Rhône-Alpes-Auvergne que de le dire, car nous contribuerons ainsi à sa prospérité. Ensuite, je fais remarquer à Mme Laclais, tout en saluant la pertinence et la modération de son propos, que nous sommes allés au bout de la logique de coopération. Il faut maintenant un saut institutionnel, car l’Assemblée des Pays de Savoie, qui réunit les deux conseils généraux depuis quinze ans, décide déjà de toutes les politiques relevant des compétences non obligatoires – l’agriculture, l’économie, la forêt, l’enseignement supérieur, le tourisme, les transferts de technologie. Nous avons d’ailleurs préparé ce saut institutionnel en coopérant depuis vingt ans et en créant des solidarités concrètes. Certes, on ne commence pas par les institutions, mais celle que je vous propose serait simplement le prolongement de tout ce que nous avons fait depuis vingt ans. C’est dans le cadre du présent projet de loi que cette proposition doit être discutée.

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Gagnaire.

M. Jean-Louis Gagnaire. Je voudrais réagir à la prise de parole de M. Apparu ; il n’y a pas d’enclave lyonnaise dans la région Rhône-Alpes.

M. Hervé Gaymard. Ce n’est pas ce que dit M. Queyranne !

M. Jean-Louis Gagnaire. La seule enclave de la région Rhône-Alpes est l’enclave des Papes, qui fait partie du département du Vaucluse, et non du département de la Drôme. La métropole lyonnaise a fait l’objet d’un accord entre le département et l’agglomération lyonnaise afin de fusionner leurs compétences, ce qui n’est pas la même chose que ce que vous décrivez, monsieur Apparu.

Je voudrais par ailleurs appeler votre attention sur une chose, mes chers collègues ; cet amendement tend à insérer les mots : « Attribution et mise en œuvre des subventions liées à la gestion des fonds européens dont la collectivité territoriale de Savoie Mont-Blanc est l’autorité de gestion ou le bénéficiaire d’une délégation de gestion ». Nous sommes passés d’une délégation de gestion de l’État à une délégation de gestion des régions. Vous voulez donc subdiviser les compétences, ce qui ne correspond en rien aux standards européens.

M. Hervé Gaymard. Mais on le fait déjà !

M. Jean-Louis Gagnaire. Il s’agit donc bien de retirer des compétences aux régions, ce qui est impossible.

Par ailleurs, vous évoquez la convention qui lie la région au département de la Savoie à propos de l’Agence de développement économique. Cela est tout à fait normal ; nous nous situons ici dans le cadre de la loi de 2004 et le département de la Savoie a demandé à la région de signer une convention l’autorisant à intervenir auprès des entreprises pour un certain nombre de cas.

Je suis très favorable aux regroupements d’entités départementales – le Rhône résiduel, le « petit Rhône », comme on l’appelle, et le département de la Loire, par exemple – à compétences constantes. Évidemment, cela doit se faire à périmètre de compétences constant, et non pas en soutirant, de manière abusive, des compétences aux régions, même s’il s’agit de la grande région Rhône-Alpes-Auvergne.

(L’amendement n496 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Xavier Bertrand, pour soutenir l’amendement n4.

M. Xavier Bertrand. Défendu.

(L’amendement n4, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Xavier Bertrand, pour soutenir l’amendement n1899.

M. Xavier Bertrand. Cet amendement se résume à une question : qu’est-ce qui est prévu pour les actuelles préfectures de région qui perdront forcément ce statut lors de la création des grandes régions ? La région Nord-Pas-de-Calais-Picardie n’est pas la seule concernée. Par ailleurs, quand ferez-vous le choix des capitales régionales ? Selon certaines rumeurs, vous le ferez avant la fin de l’année. Est-ce cas ? Si oui, sera-t-il annoncé avant ? L’objet de l’amendement est une demande de rapport, mais je veux savoir ce que vous avez prévu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Olivier Dussopt, rapporteur. La commission des lois n’a jamais été favorable, ni en commission, ni en séance, aux amendements dont l’objet est une demande de rapport. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Même avis. Je voudrais répondre à la question de M. Bertrand sur les capitales régionales. Nous avons proposé à celles qui perdent ce statut de prendre la tête de communautés urbaines. Nous avons également saisi l’ensemble des ministères de cette question pour qu’un maximum d’employés des rectorats, des agences régionales de santé, les ARS, et j’en passe, restent sur place, afin d’équilibrer la présence des services de l’État au profit des anciennes capitales régionales. Il est en effet important que l’ensemble ou une partie des employés des rectorats et des ARS, notamment, restent à proximité des usagers. Tout rassembler dans la capitale de la grande région contribuerait à amplifier le sentiment d’abandon, déjà trop éprouvé, et dont toutes nos études fines montrent qu’il est lié au départ des services de l’État.

M. le président. La parole est à M. Xavier Bertrand.

M. Xavier Bertrand. Madame la ministre, j’entends ce que vous dites, mais ces intentions manquent de précision. Comme vous le savez, certaines de ces collectivités sont déjà des communautés urbaines.

Tout ceci ressemble à une défense. Qu’a prévu l’État dans de telles situations ? Il est évident qu’il n’y aura qu’une seule capitale régionale et il est inconcevable que les élus se trouvent dans une ville et l’État dans une autre. Ils doivent être regroupés en un seul lieu. Mais ce que je veux savoir, parce que vous avez dû l’intégrer en définissant les nouvelles grandes régions, c’est ce que vous avez réellement prévu. Vous avez fait état de réflexions de la part des ministères qui, selon vous, essaieront de faire au mieux. Ce n’est pas cela, gouverner. Gouverner, c’est prévoir. Qu’avez-vous réellement prévu ?

(L’amendement n1899 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Xavier Bertrand, pour soutenir l’amendement n1925.

M. Xavier Bertrand. Cet amendement concerne ces communes qui avaient un statut particulier et l’ont perdu. Là encore, qu’avez-vous prévu, madame la ministre ? Votre silence est assourdissant.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Olivier Dussopt, rapporteur. Tout d’abord, s’agissant d’une demande de rapport, mon avis de principe est défavorable ; par ailleurs, j’invite M. Bertrand à lire l’article 107 de la loi de finances pour 2015 qui dispose que la première fraction de la dotation de solidarité rurale est attribuée aux communes dont la population représente au moins 15 % de la population du canton, aux communes où siège le bureau centralisateur ainsi qu’aux communes chefs-lieux de canton au 1er janvier 2014. Votre demande est donc satisfaite.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Il s’agit d’un engagement de Jean-Marc Ayrault devant l’Association des maires de France en 2013, qui a été réalisé en 2014 et voté dans le projet de loi de finances pour 2015.

M. Xavier Bertrand. Vous irez leur expliquer cela en face !

(L’amendement n1925 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Xavier Bertrand, pour soutenir l’amendement n1887.

M. Xavier Bertrand. Là encore, vu la teneur des débats, je ne m’attends pas à grand-chose, hélas. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.) J’ai occupé le banc du Gouvernement à différentes reprises, madame la ministre : je m’efforçais, à toute heure, d’apporter aux parlementaires des éléments de réponse. Cela s’appelle tout simplement respecter les parlementaires, quel que soit le banc sur lequel ils siègent.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Je les respecte !

M. Xavier Bertrand. Non ! Vous ne m’avez pas répondu tout à l’heure, et c’est une forme de réponse.

Un contrat de plan État-région est discuté et signé dans chaque région. Où est la cohérence ? On voit des présidents de même sensibilité politique tenir des propos contradictoires, quand ils ne s’envoient pas des noms d’oiseaux ou se traitent de menteurs. C’est ce à quoi nous avons assisté, hier et aujourd’hui même, dans deux régions.

Comment allons-nous travailler sur ces bases pendant cinq années alors que toutes les cartes seront rebattues à la fin de l’année ? Qu’avez-vous prévu ? Vous voulez nous faire croire que deux régions différentes vont travailler ensemble sur la base de contrats de plan élaborés sans aucune concertation ?

Par anticipation, monsieur le rapporteur, je demande un rapport. Je connais votre position, mais peut-être le président de la commission pourrait-il s’exprimer ? Sur le fond, sérieusement, pouvons-nous travailler de cette façon ?

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Olivier Dussopt, rapporteur. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Même avis en ce qui concerne le rapport. J’ajoute que compte tenu du fait que les contrats de plan sont en cours de discussion dans deux régions, il a été prévu une clause de revoyure en 2016 pour tenir compte des fusions et des transferts de compétence. Je vous invite à consulter la réponse très détaillée que nous avons faite à votre collègue Saddier sur ce point.

(L’amendement n1887 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Xavier Bertrand, pour soutenir l’amendement n644.

M. Xavier Bertrand. Cet amendement a trait à l’ANRU et au volet régional. Il prévoit la transmission d’un rapport de votre part sur la force juridique des régions dans la consultation, s’agissant notamment de l’enveloppe de l’ANRU. De quelle façon entendez-vous associer les régions au processus d’élaboration ?

Même si l’engagement financier des différents acteurs n’est pas le même, quelle sera la place des régions dans le processus de choix des projets d’intérêt régional ?

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Olivier Dussopt, rapporteur. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Défavorable.

(L’amendement n644 n’est pas adopté.)

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

2

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, lundi 2 mars, à 16 heures :

Suite de la discussion du projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République.

La séance est levée.

(La séance est levée, le samedi 21 février 2015, à zéro heure cinquante.)

La Directrice du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Catherine Joly