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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2014-2015

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du jeudi 07 mai 2015

Présidence de M. Marc Le Fur

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Entretien et renouvellement du réseau des lignes téléphoniques

Discussion d’une proposition de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi de M. André Chassaigne et plusieurs de ses collègues relative à l’entretien et au renouvellement du réseau des lignes téléphoniques (nos 2467, 2718).

Présentation

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne, rapporteur de la commission des affaires économiques.

M. André Chassaigne, rapporteur de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État chargée du numérique, monsieur le président de la commission des affaires économiques, chers collègues, la proposition de loi qui vous est soumise aujourd’hui a été adoptée à l’unanimité par la commission des affaires économiques, lors de sa séance du 14 avril dernier : je veux d’ailleurs remercier les différents groupes de cette Assemblée, qui l’ont soutenue.

Elle est le fruit d’un long travail, sur le terrain, en circonscription, ainsi qu’à Paris, au Conseil d’État et à l’Assemblée nationale. Je remercie plus particulièrement la commission des affaires économiques pour le travail qu’elle a réalisé sous l’égide de son président, François Brottes.

Je suis heureux de vous présenter un texte qui me paraît équilibré, robuste, capable de répondre à une question importante pour le quotidien de nos concitoyens : l’entretien du réseau téléphonique et de ses abords.

À l’heure où l’on ne cesse de souligner l’importance pour notre pays de s’engager pleinement dans l’ère numérique, certains de nos concitoyens peuvent encore être privés de téléphone.

Chacun d’entre nous le constate sur les territoires, la fracture numérique est bel et bien une réalité. Les opérateurs téléphoniques ont beau vanter les mérites de la 4 G, annoncer le prochain passage à la 5 G, la 2 G est difficilement accessible dans les fameuses zones blanches… Mais l’objet de cette proposition de loi n’est pas de lutter contre une fracture générationnelle ou de traiter de l’accès à l’internet très haut débit. Il est tout simplement question du téléphone fixe.

Je vous invite à consulter le rapport législatif, afin d’y trouver des photos édifiantes de l’état du réseau téléphonique. La plupart d’entre vous y verront des images familières, tant la situation semble la même sur l’ensemble du territoire, et plus particulièrement en zone rurale, en zone de montagne, voire en zone côtière.

Confrontée à la dégradation du réseau de téléphonie fixe, privée d’accès à la téléphonie mobile, une grande partie de nos concitoyens se sent abandonnée, méprisée, oubliée, d’autant que dans les territoires ruraux et de montagne, l’accès à l’internet passe quasi exclusivement par le réseau cuivre d’Orange.

La présente proposition de loi entend donc simplement assurer à chacun le droit de disposer de manière effective d’un service de téléphonie fixe satisfaisant, alors que la dégradation progressive du réseau et le manque d’entretien entraînent coupures et autres défaillances.

Le maintien d’un service universel de téléphonie fixe est une nécessité économique, sociale et politique.

Une nécessité économique, car sans téléphone, les petites entreprises de nos territoires ne peuvent se développer, ni même se maintenir : incapacité de répondre à des appels d’offres pour les artisans, incapacité de prendre des réservations, incapacité de passer des commandes. Le secteur de l’hôtellerie et de la restauration est particulièrement concerné, surtout dans les zones où le tourisme représente une part importante de l’activité. Je voudrais aussi évoquer la situation des agriculteurs qui, de plus en plus, utilisent internet pour remplir leurs formulaires administratifs, sans oublier les citoyens qui remplissent en ligne leur déclaration d’impôt.

C’est aussi une nécessité sociale, car l’accès au téléphone constitue parfois un enjeu vital pour des populations isolées, parfois vieillissantes, qui comptent sur le téléphone fixe pour contacter un médecin, un parent, un ami. Les cas de personnes handicapées ou âgées disposant d’un système de télé-alarme et se retrouvant privées de tout moyen de contact sont nombreux. Pour l’ensemble des foyers privés durablement de ligne téléphonique, les accès aux services d’urgence – pompiers, SAMU, gendarmerie ou police nationale – sont rompus, ce qui représente un risque pour la sécurité même des personnes et des biens.

Il s’agit enfin d’une nécessité politique, car au même titre que le réseau ferroviaire ou le réseau de La Poste, le réseau téléphonique constitue un symbole fort de l’égalité entre les territoires et les citoyens. Il en va donc de la crédibilité de notre pays et de nos politiques publiques : veut-on opposer la France des villes à celle des campagnes et des montagnes, au risque de discriminer les populations selon leur lieu d’habitation ?

Parfois, le réseau fonctionne, mais les poteaux sont à terre, les lignes reposent sur des panneaux d’entrée de village, sont enroulées autour des arbres en l’absence de support ou sont dénudées, et ce pendant plusieurs semaines, plusieurs mois, voire plusieurs années. Comment reprocher à nos concitoyens le sentiment d’être délaissés alors que l’entreprise Orange est encore vue par beaucoup comme un représentant du service public ?

Saisie par les utilisateurs et les élus, l’entreprise prestataire du service universel reporte la responsabilité sur les propriétaires privés, à qui incombe le devoir d’élaguer les arbres dont les branches menaceraient les lignes implantées sur le domaine public riverain.

Outre que le régime juridique demeure flou lorsqu’une ligne traverse une propriété privée, cette justification n’est pas recevable. Jusqu’en 1996, l’entreprise France Télécom disposait d’une servitude d’élagage lui permettant d’intervenir directement. Depuis près de vingt ans, Orange donne le sentiment de n’intervenir sur le réseau cuivre que de manière curative et minimale, et cet opérateur reste trop souvent sourd aux alertes lancées par les citoyens et les élus, non par manque de volonté, mais souvent par manque de moyens financiers, techniques ou humains.

L’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes – ARCEP – a d’ailleurs ouvert une enquête administrative le 27 mai 2014 au sujet de la dégradation de la qualité du service universel, pointant notamment l’état du réseau et le manque d’entretien.

Depuis cette date, l’entreprise Orange semble avoir pris conscience de l’ampleur des dégâts, qu’il s’agisse de son réseau ou de l’image de la société dans les territoires.

Reconnaissons-le, un vaste plan d’amélioration de la qualité de service a été annoncé en novembre dernier, prévoyant notamment une hausse conséquente du budget pour la maintenance préventive des réseaux et une amélioration de la surveillance des réseaux par la mise en place de deux pôles dédiés centralisant des informations améliorées sur l’état du réseau. Mais comment s’assurer que les chiffres annoncés se traduiront sur le terrain ?

Il est temps d’aller plus loin en modifiant et en complétant le droit applicable afin de renforcer les obligations en matière d’entretien des abords des lignes, d’améliorer l’information sur l’état des réseaux et de renforcer les sanctions à l’encontre de l’opérateur en charge du service universel en cas de défaillance.

La présente proposition de loi est issue du terrain et vise à répondre à un problème concret. Elle a été élaborée de manière participative, à travers une démarche citoyenne, avec les élus et les habitants du Livradois-Forez. Je parle bien d’une démarche « citoyenne. » Il s’agit d’une co-élaboration, de la construction collective d’une proposition de loi. Et celle-ci entend répondre à une problématique rencontrée concrètement dans l’immense majorité des territoires ruraux et de montagne : elle n’est pas réservée, bien évidemment, aux territoires d’Auvergne.

Déposée à l’Assemblée nationale le 16 décembre 2014, elle a fait l’objet d’une saisine du Conseil d’État par le président de l’Assemblée nationale, M. Claude Bartolone : une démarche exceptionnelle à vrai dire, car ce doit être la troisième fois depuis 2012, monsieur le président Brottes.

À ce titre, je souhaite remercier M. Frédéric Tiberghien, rapporteur de la section des travaux publics, M. Philippe Martin, président de ladite section, M. Jean-Marc Sauvé, vice-président du Conseil d’État, et l’ensemble des conseillers ayant participé aux réunions de section et d’assemblée générale tenues en avril 2015. Leurs observations ont permis de présenter un texte cohérent, qui contribuera à assurer la continuité d’un service universel sur l’intégralité du territoire national.

Dans sa version issue des travaux de la commission des affaires économiques, la présente proposition de loi comporte quatre articles législatifs, organisés en deux chapitres.

Le premier chapitre traite de l’entretien des abords des réseaux. L’article 2 vise à qualifier d’utilité publique les opérations d’entretien des réseaux. L’article 3 comporte sans nul doute les dispositions les plus novatrices, notamment le rétablissement de la servitude d’élagage et la création d’un pouvoir de substitution du maire en tant qu’agent de l’État, en cas de défaut d’entretien de la part de l’opérateur.

Le second chapitre traite de l’information et des sanctions. L’article 8 vise à améliorer la connaissance de l’état du réseau en associant les collectivités territoriales, qui pourront avoir communication d’une partie du rapport d’analyse relatif à l’état du réseau. L’article 8 bis a pour objet de créer un régime de sanction spécifique à rencontre du prestataire du service universel défaillant.

Je suis bien conscient qu’il s’agit d’une première étape, madame la secrétaire d’État. Il conviendra également de modifier le contenu du cahier des charges relatif à la fourniture du service universel, afin de renforcer les dispositions relatives à l’entretien préventif et curatif des réseaux. L’entreprise Orange a été désignée pour une durée de trois ans par un arrêté du 31 octobre 2013. Le prochain cahier des charges sera donc élaboré au cours de l’année 2016.

En tant que membre de la Commission supérieure du service public des postes et des communications électroniques – CSSPPCE –, qui sera consultée sur le contenu du futur cahier des charges, j’accorderai une importance particulière au renforcement effectif de ces dispositions. Je suis convaincu que Jean Launay, président de la CSSPPCE, ainsi que mes collègues Lionel Tardy, Jeanine Dubié, Corinne Erhel, François Sauvadet et Thierry Solère en feront de même.

Il ne reste donc plus à l’Assemblée nationale qu’à adopter cette proposition de loi. Il faut savoir, parfois, appeler l’attention du Parlement sur les sujets qui touchent le quotidien de nos concitoyens. En l’oubliant, la représentation nationale oublierait le mandat qui lui a été confié par le peuple. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée du numérique.

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d’État chargée du numérique. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires économiques, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les députés, je considère qu’il faut savoir entendre le Parlement lorsqu’il a l’initiative car, derrière les élus, c’est le peuple qui parle et ce sont les territoires qui s’expriment.

Notre pays a la République au cœur et aux tripes. Or, cette belle idée de République repose sur un principe, celui de l’égalité, et la République numérique que le Président de la République et le Gouvernement veulent construire passe par la mise en œuvre de mesures ambitieuses pour assurer l’égalité numérique entre nos concitoyens ainsi qu’entre les territoires.

Tel est par exemple le sens de l’objectif fixé par le Président de la République visant à assurer sous dix ans la couverture intégrale du territoire en très haut débit fixe grâce à un effort financier conséquent, en particulier en faveur des zones rurales, puisqu’un mécanisme de péréquation permet d’accompagner spécifiquement les zones les plus éloignées.

Assurer cette République numérique des territoires, c’est aussi le sens d’une initiative que j’ai défendue, en particulier lors des Assises de la ruralité, qui doit permettre de couvrir les zones blanches en 2 G et en 3 G afin que la couverture mobile soit assurée dans toutes les communes de France.

Mais je vous parle là de technologies de très haut débit, de smart phones, d’internet. Si l’on peut aujourd’hui y accéder pour un coût relativement bas, il n’en reste pas moins que, au-delà d’un obstacle financier toujours possible, on se heurte parfois à un obstacle territorial.

Une réponse possible pour assurer l’égalité se trouve dans la notion juridique et économique de service universel. La loi définit celui-ci comme l’obligation faite à l’État de déléguer à un exploitant du réseau la garantie de l’accès au réseau public de télécommunication lorsqu’il est fixe, d’un dispositif de publiphonie – les cabines téléphoniques – et de distribution de l’annuaire téléphonique en formats papier et électronique.

Parmi ces composantes du service universel, la publiphonie et le bottin sont certainement voués, à terme, à disparaître en raison de l’évolution des technologies.

Mais le service universel comprend une dernière composante – le réseau de téléphonie fixe par l’utilisation des réseaux de cuivre appartenant historiquement à l’opérateur France Télécom puis Orange – qui, elle, perdurera certainement dans les années à venir en dépit des nouvelles technologies qui apparaissent sur le marché.

En effet, outre que celles-ci ne sont pas partout présentes et ne sont pas accessibles à tous, la transition entre les phases technologiques sera vraisemblablement longue et complexe. Il faut donc assurer cette transition et garantir la bonne application du service universel tel que défini par la loi.

En l’occurrence, aux termes de la loi, c’est Orange qui est tenue d’assurer en permanence la disponibilité de l’offre. Cette obligation s’accompagne d’ailleurs d’un étroit contrôle confié au régulateur du secteur des télécommunications qu’est l’ARCEP.

C’est ainsi que des indicateurs sont établis et vérifiés régulièrement, s’agissant par exemple du temps d’installation des lignes, du temps de réparation d’une défaillance téléphonique ou du délai de réponse aux réclamations des usagers, lequel, pour 80 % d’entre elles, doit être inférieur à cinq jours.

Le régulateur vérifie en outre que ces indicateurs sont bien respectés.

Le Gouvernement n’ignore pas la situation que vous avez décrite, monsieur le rapporteur. Il serait d’ailleurs difficile de faire autrement tant je reçois de courriers des élus locaux concernant le mauvais entretien du réseau cuivre dans nos territoires.

Je suis directement sollicitée par des particuliers et des entreprises, qui décrivent avec force détails les conséquences de l’impossibilité d’utiliser le réseau au quotidien.

Face à ces alertes, vous l’avez dit, l’ARCEP a engagé il y a un an une procédure, une enquête administrative officielle. La société Orange a répondu en annonçant une série de mesures qui doivent permettre de remédier dans la durée aux dégradations constatées sur le réseau.

Le déblocage de 300 millions a été annoncé, de même que de nombreux recrutements, afin d’entretenir ce réseau téléphonique fixe.

Au-delà d’un simple traitement curatif lié à l’urgence des dégradations, il s’agit d’assurer la fiabilité du réseau sur le plus long terme.

J’ai demandé à l’ARCEP d’assurer un suivi régulier et exigeant des engagements qui ont été annoncés et de sanctionner l’opérateur dès lors que ceux-ci ne seraient pas respectés.

C’est dans ce contexte général que s’inscrit cette proposition de loi.

Vous comprendrez, après ces propos, que le soutien du Gouvernement vous est acquis car je considère que nous sommes collectivement responsables pour répondre à ce problème.

Monsieur le rapporteur, je salue la façon dont votre proposition de loi a été fabriquée, puisqu’il s’agit d’une fabrique originale.

En effet, vous avez fait de l’entretien des lignes téléphoniques l’enjeu d’une démarche citoyenne en organisant une pétition, des réunions publiques, des rencontres avec l’opérateur, bref, vous avez sollicité tous ceux qui sont concernés par ce sujet afin qu’ils s’impliquent dans cette démarche citoyenne qu’est la construction de la loi.

Je salue cette initiative qui vous a permis de construire, avec les habitants du Livradois-Forez, ce texte soutenu par le groupe GDR.

Il n’est pas toujours facile de faire vivre une démarche participative, mais l’enjeu en vaut la chandelle. C’est d’ailleurs exactement dans le même esprit que j’ai lancé la consultation nationale sur l’ambition numérique de la France, organisée par le Conseil national du numérique et dont nous attendons que les conclusions soient très rapidement remises au Premier ministre.

Avec une certaine originalité dans votre cheminement, vous avez également souhaité recueillir l’avis du Conseil d’État – il s’agit d’une procédure assez rare.

Le texte a été assez largement amendé à l’issue de cette consultation et j’espère qu’à partir de là, le dialogue et la collaboration avec le Gouvernement seront encore possibles à l’avenir.

Dès aujourd’hui, ce texte est le fruit d’une démarche réfléchie, concertée et aboutie qui aborde un problème concret et définit les moyens d’y répondre. Je salue donc une telle démarche.

Comment renforcer l’action préventive sur le réseau de cuivre d’Orange ?

Il convient de préciser dans la loi les responsabilités respectives de l’opérateur, des propriétaires privés sur les terrains desquels des antennes et des équipements sont installés et, enfin, des maires, lesquels peuvent intervenir, au nom de l’État, dans l’entretien des abords du réseau.

L’incertitude, voire le vide juridique, à ce sujet pouvait aboutir à une inaction ou même à des négligences de la part de certains, problème que ce texte vise à résoudre.

Le premier chapitre vise à qualifier l’entretien des réseaux fixes et de leurs abords d’utilité publique. Sur cette base, le texte rétablit la servitude d’élagage introduite en 1984 et précise le régime de responsabilité en rendant l’opérateur responsable de l’entretien des abords de son réseau.

Le second chapitre renforce quant à lui l’encadrement de l’opérateur chargé du service universel par deux obligations : dresser un état des lieux détaillé du réseau fixe ; renforcer le régime de sanction applicable par l’ARCEP en cas de manquement de l’opérateur à ses obligations.

Le Gouvernement soutient également cette PPL parce qu’elle permet de clarifier les responsabilités.

Telle qu’introduite dans la loi voilà plusieurs décennies, la servitude d’élagage faisait porter la charge financière de l’entretien du réseau sur le propriétaire privé, y compris s’agissant de l’équipement construit en terrain privé.

Aujourd’hui, les questions sont posées : qui paie l’entretien, qui est sanctionné en cas de défaillance et par qui ? Cela mérite certainement plus encore de débats car il ne faudrait pas encourager des comportements individuels tendant à une certaine passivité pour faire peser le coût de l’entretien du réseau uniquement sur l’opérateur en charge du service universel.

Au-delà des détails concernant cette question, monsieur Chassaigne, le Gouvernement soutient vivement votre projet de clarification du droit en la matière.

Il entend aussi votre souhait s’agissant d’une plus grande transparence dans l’information donnée par l’opérateur de service universel sur l’état de son réseau et sur la nécessité de doter le régulateur de moyens de sanction adaptés à l’importance de l’enjeu.

Je me demande même si je ne serais pas allée plus loin dans l’édiction de cette obligation. Aujourd’hui, on parle beaucoup d’open data, c’est-à-dire de la mise à disposition de données au public. Il me semble que le rapport proposé pourrait être rendu public afin que l’ensemble de nos concitoyens puisse participer à cette démarche de veille pour connaître la qualité réelle du réseau de téléphonie fixe.

Le réseau de cuivre est encore aujourd’hui le seul qui irrigue la totalité de notre territoire. Nous avons collectivement la responsabilité de veiller à ce que rien n’entrave les opérations nécessaires pour assurer le maintien et le fonctionnement de ce réseau, de même qu’il nous revient de veiller à ce que l’opérateur qui en a la charge soit incité à intervenir afin que les défaillances qui ont pu être constatées par le passé ne se renouvellent plus.

Vous proposez l’intervention du maire, qui est en effet le mieux à même de connaître le comportement de tous les interlocuteurs locaux sur ces sujets. C’est là une autre originalité que nous soutenons.

La dégradation de petites choses de notre environnement quotidien – un poteau à terre, un câble qui pend, des réparations temporaires qui durent trop longtemps – contribue à un double sentiment.

Tout d’abord, un sentiment de déclin collectif d’un pays qui ne pourrait plus maintenir ce qui a été. Il est vrai que, chez nous, le réseau cuivre est très étendu. Un temps, il a conféré une longueur d’avance à la France et, dans la mesure où il a été construit avec un certain retard, il est relativement plus jeune que les réseaux équivalents dans des pays voisins.

Ensuite, un sentiment selon lequel certaines zones seraient reléguées et abandonnées, en particulier par les responsables politiques.

Ces petites choses ne sont pas triviales, tant elles font le lit de tous les extrémismes. Elles nourrissent un rejet à l’égard des responsables qui sont incapables d’apporter des réponses simples à des problèmes concrets.

Vous l’aurez compris, monsieur le rapporteur : ce sujet me tient à cœur. Il constitue un élément de réponse, modeste mais pragmatique, à ce malaise républicain, et vous trouverez aujourd’hui le Gouvernement à vos côtés. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Je vous remercie, madame la secrétaire d’État, d’avoir indiqué que le Gouvernement partage la préoccupation du rapporteur et souhaite trouver des solutions à un problème qui abîme non seulement nos campagnes, mais aussi la conception même du service universel, lequel, comme les poteaux téléphoniques, peine aujourd’hui à tenir debout en milieu rural.

On nous dit que la fibre va remplacer le cuivre. C’est vrai, c’est l’avenir. Cela étant, comme le dirait André Chassaigne, quand on a le micro-ondes, on n’a plus besoin de casseroles en cuivre, mais quand on n’a pas le micro-ondes, on en a encore besoin. Je pense que le déploiement de la fibre va avoir lieu, et il aurait même pu se faire plus vite. Pardonnez-moi de faire une remarque archaïque, madame la secrétaire d’État, mais j’étais membre, en 1982, de la mission interministérielle pour le développement du câble – on vous a peut-être raconté cette histoire très ancienne… Il se trouve qu’avec le changement de gouvernement et de majorité, on a renoncé à ce plan de câblage de la France. Si nous n’y avions pas renoncé à l’époque, les questions que nous nous posons aujourd’hui seraient derrière nous. Nous aurions certes d’autres problèmes et d’autres préoccupations, mais celles-ci seraient réglées.

Sans remonter aussi loin dans l’histoire, je me souviens aussi qu’en 1997 la question du service universel, telle qu’elle était alors posée en France, nous faisait revendiquer l’ajout du téléphone mobile et d’internet dans le panier du service universel.

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d’État. C’est ce que je demande !

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Mais nous n’avons pas réussi à trouver un accord sur cette question. Bien que le mobile se substitue progressivement au téléphone fixe et qu’internet prenne la place que l’on sait, ils ne sont pas considérés comme relevant du service public, ni comme des éléments du service universel. C’est la raison pour laquelle on ne peut pas, sur ces deux questions, faire preuve du même volontarisme que celui que nous avons montré au moment de la mise en place du réseau en cuivre pour le téléphone fixe.

Au sujet de la publiphonie, permettez-moi, madame la secrétaire d’État, de faire une petite remarque : il y aura toujours des gens qui n’auront pas de terminal ; il y aura toujours des gens dont le téléphone mobile aura été coupé parce qu’ils n’auront pas payé leur facture ; il y aura toujours des gens qui auront besoin, à un moment ou à un autre, de téléphoner en urgence. Si c’est la nuit, ils ne pourront pas frapper à toutes les portes pour le faire. Les cabines téléphoniques, si elles sont peut-être trop nombreuses aujourd’hui, peuvent encore avoir du sens dans certains endroits, et pour les cas où l’on se retrouve privé de téléphone mobile. J’y insiste, car c’est l’une des raisons pour lesquelles les cabines téléphoniques qui, convenons-en, coûtent cher à l’opérateur, doivent rester dans le paysage – dans des proportions qu’il importe, certes, de redéfinir.

Le fait que le téléphone mobile et internet ne soient pas inclus dans le service universel, alors que le téléphone fixe et le réseau filaire en cuivre le sont, donne des devoirs à celui qui gère le réseau filaire, comme il en donne à tous ceux qui paient la gestion de ce réseau, à savoir tous les autres opérateurs, qui l’utilisent aussi. Avec le service universel et le fonds de service universel – et l’on pourrait évoquer aussi, comme le fait le rapporteur, le tarif d’accès à la boucle locale de cuivre – nous avons deux vecteurs qui permettent à l’ensemble des opérateurs de payer l’entretien et le maintien à niveau du réseau. Pourquoi ne pas mettre également les propriétaires à contribution ? Je reviendrai sur ce point.

En tout état de cause, il faudra certainement que ce texte soit retravaillé dans les semaines à venir, et qu’il soit peut-être inclus dans un projet de loi plus volumineux que vous pourriez nous présenter, madame la ministre. En effet, il n’est pas question pour nous de tout faire peser sur l’opérateur historique, Orange, sachant qu’à cet opérateur, comme aux autres, nous demandons déjà de financer le déploiement du haut débit et de la 4G mobile, et pas seulement dans les villes et les zones de forte densité. Cela représente déjà un investissement important.

La question du réseau filaire est cruciale, parce que c’est ce qui reste quand il n’y a rien d’autre. Or on a eu tendance à un certain laisser-aller en ce domaine. C’est pourquoi ce texte reprend la main, en restaurant la servitude d’élagage et en introduisant la qualification d’utilité publique, qui oblige, sous la vigilance du maire, qui est souvent le meilleur observateur. Les solutions de financement doivent encore être trouvées.

S’agissant des propriétaires, je ne crois pas qu’il existe une jurisprudence, y compris dans l’époque ancienne, prévoyant que les propriétaires aient à assumer l’élagage. Nous ferons des recherches, mais je doute, même si certains textes l’ont prévu, que cela n’ait jamais réellement existé. Cette question peut poser un problème constitutionnel : en effet, s’il n’existe pas de convention – et cela peut arriver – entre celui qui a planté les poteaux et celui qui possède le terrain sur lequel ils se trouvent, il paraît difficile de demander au propriétaire d’entretenir le paysage, alors qu’il n’est pas rémunéré pour cela.

Il faudra donc faire le point sur l’ensemble des conventions qui existent, examiner leur nature et la rémunération du service rendu par le propriétaire. Nous pourrons alors engager sa responsabilité beaucoup plus fortement qu’aujourd’hui. En tout état de cause, ce texte constitue une avancée significative, portée par un député qui a le sens du terrain et le sens de la proposition de loi. Je lui apporte donc mon soutien, un soutien peut-être même plus important que celui qu’ont reçu les propositions de loi que j’ai moi-même pu défendre dans cet hémicycle, mais peu importe. Sur la trêve hivernale ou les coupures d’eau, vous m’aviez soutenu, monsieur le député.

Je veux enfin souligner, comme président de la commission des affaires économiques, le rôle du Conseil d’État. À chaque fois que le Parlement dans son ensemble ou le président de notre assemblée l’a sollicité…

M. le président. Merci de conclure, monsieur le président Brottes.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, vous ne pouvez pas m’interrompre, alors que je parle du président de l’Assemblée nationale ! (Sourires.)

M. le président. Justement ! Le président me demande de faire respecter le règlement ! (Mêmes mouvements.)

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Le Conseil d’État a toujours aidé les parlementaires à faire la loi de la meilleure façon possible. Et quand, en outre, le Gouvernement est d’accord, il n’y a aucune raison pour que l’on n’aboutisse pas dans de bonnes conditions.

Merci, monsieur le président, de votre mansuétude. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Patrice Carvalho.

M. Patrice Carvalho. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, cette proposition de loi est née d’un constat partagé par nombre de nos concitoyens et de leurs élus locaux, un constat devenu récurrent : celui de la dégradation continue de l’accès au réseau de téléphonie fixe, tout particulièrement en zone rurale, de montagne et littorale.

Comme vient de le préciser le rapporteur, ce constat s’appuie non seulement sur la forte croissance des demandes d’intervention des particuliers auprès de France Télécom-Orange pour voir rétablir leur connexion au réseau téléphonique, mais également sur les délais et les conditions dans lesquelles sont effectués ces rétablissements d’accès au service de téléphonie fixe, service universel dont France Télécom-Orange s’est vu confier la charge depuis la libéralisation du secteur des télécommunications à la fin des années 90.

Dans de très nombreux départements, les populations sont très mécontentes des problèmes de réseau auxquels elles sont confrontées, à tel point que les maires sont contraints de multiplier les interventions auprès d’Orange, notamment après chaque événement climatique. L’incompréhension des usagers et des élus locaux face à des délais de rétablissement qui s’allongent et des coupures répétées entretient le sentiment d’être véritablement laissés pour compte. À l’heure où l’on vante les vertus du développement numérique et de la connectivité, comment ne pas comprendre, en effet, que le vécu quotidien de milliers d’habitants de ces territoires s’apparente plus, comme le soulignait une habitante concernée, à un retour au XIXème siècle qu’à une France connectée du XXIème siècle ?

Mes chers collègues, en disant cela, je voudrais simplement revenir sur certaines situations très concrètes qu’engendrent les ruptures répétées d’accès au service de téléphonie fixe. Elles tiennent tout d’abord à la sécurité des personnes et des biens. Les cas de personnes malades, en situation de handicap ou âgées ayant un système de télé-alarme et se retrouvant sans contact extérieur sont très nombreux. Pour l’ensemble des foyers privés durablement de ligne téléphonique, les accès aux services d’urgence, pompiers, SAMU, gendarmerie ou police nationale sont rompus alors même que, pour l’essentiel, nous nous trouvons déjà dans des territoires éloignés de ces mêmes services, avec des populations âgées, parfois isolées et sans aucun moyen de locomotion.

De même, l’impact économique de ces coupures n’est aujourd’hui jamais pris en compte, alors qu’il devient particulièrement préoccupant pour de nombreux professionnels. En zone rurale, beaucoup de professions travaillent par commandes ou réservations, par mail ou par téléphone, comme en hôtellerie-restauration. Les coupures, qui durent parfois jusqu’à une vingtaine de jours, mettent sérieusement à mal ces petites structures, dont les chiffres d’affaires sont parfois très concentrés, en période estivale ou hivernale notamment. Des livraisons commerciales ou des activités de service sont également touchées, parfois sur des zones très étendues.

Dans les zones de moyenne montagne ou de montagne, ce sont les activités touristiques, représentant un véritable poids économique local, qui sont touchées. Or la réactivité face aux demandes de réservation en ligne ou par téléphone est un élément essentiel de la pérennité de certaines structures touristiques, alors même que la clientèle des établissements ou services touristiques privilégie de plus en plus souvent de courts séjours ou des réservations de dernière minute. En outre, de tels dysfonctionnements contredisent clairement les efforts financiers des collectivités en faveur du développement local. De fait, à la fracture numérique, résultant du rythme de déploiement différencié des réseaux numériques en fonction du soutien des collectivités, se surajoute une véritable fracture économique territoriale sur la base du simple accès au service universel téléphonique de base.

C’est sur la base du fossé que cette situation contribue à creuser entre nos concitoyens, que votre rapporteur a souhaité initier un travail législatif participatif, mené dans le Livradois-Forez, mais qui aurait sans aucun doute pu l’être dans beaucoup de nos circonscriptions respectives, où nous sommes confrontés aux mêmes difficultés. Cela a été rappelé par votre rapporteur : le seul objectif de ce texte est de répondre de façon concrète aux difficultés que connaissent les usagers. Et pour agir efficacement, le premier enjeu a consisté à poser les causes réelles de la dégradation de la qualité du service, vécue par les usagers, mais constatée aussi par la dégradation des indicateurs de contrôle à la disposition de l’ARCEP, qui a ouvert une enquête administrative à ce sujet le 27 mai 2014. Par ailleurs, l’Autorité a également constaté que les méthodes utilisées pour relever les indicateurs fixés par le cahier des charges du service universel ne sont pas conformes.

Chacun en convient aujourd’hui, l’extrême fragilité du réseau non seulement en zone rurale et de montagne, mais aussi en zone côtière, est la conséquence d’un entretien préventif insuffisant, en particulier aux abords des lignes et des ouvrages. Or l’une des causes principales de ce manque d’entretien préventif, occasionnant des coupures à répétition, tient dans l’abrogation de la servitude d’élagage aux abords des lignes aériennes dont bénéficiait France Télécom jusqu’en 1996, servitude supprimée par la loi du 26 juillet 1996 dite de réglementation des télécommunications. Depuis, rien n’a été formellement prévu pour encadrer l’entretien des abords des lignes téléphoniques, et les propriétaires riverains des lignes sont en théorie chargés de procéder, à leurs frais, à ces travaux.

Dans la réalité, même si des dispositions du code général des collectivités territoriales permettent aux communes d’exiger l’élagage des arbres de la part des propriétaires riverains de la voie publique, la complexité et les difficultés de la mise en œuvre conduisent à l’absence d’entretien réel le long du réseau. France Télécom-Orange ne manque d’ailleurs pas de préciser aux élus municipaux et locaux, qui font remonter de façon récurrente la dégradation du réseau de lignes téléphoniques sur leurs territoires, qu’il n’a aucune légitimité à intervenir sur le domaine privé afin d’assurer un entretien préventif des abords de son réseau. Par ailleurs, les agents mandatés par cette société n’ont pas le droit de couper un arbre qui est tombé sur une ligne ou un ouvrage. Ainsi, le réseau continue de se détériorer et atteint un état de vétusté critique dans certaines zones, Orange donnant le sentiment de n’intervenir sur le réseau cuivre que de manière minimale.

Aussi, le cœur de cette proposition vise à réintroduire les moyens concrets pour l’opérateur d’assurer pleinement les missions qui lui sont confiées par le service universel. Cela passe par le rétablissement de cette servitude d’élagage reprise par l’article 3 du texte. Rappelons que les dégâts cumulés occasionnés aux ouvrages et aux lignes téléphoniques ont un coût croissant, en lien avec l’absence d’entretien régulier et de renouvellement du réseau. Selon l’ARCEP, le coût total de l’entretien des lignes dans le cadre du service universel atteindrait les 15 millions d’euros. Au regard du chiffre d’affaires du groupe s’élevant, en 2013, à 40,9 milliards d’euros, et des bénéfices nets du groupe cette même année – 1,9 milliard – d’euros, les moyens d’un investissement très supérieur sur ces réseaux sont immédiatement disponibles.

Par ailleurs, les conditions du recours à la sous-traitance pour l’entretien curatif du réseau contribuent à négliger tout entretien préventif des lignes. Le caractère vétuste des lignes et des infrastructures aériennes est souligné dans les comptes rendus d’intervention des sous-traitants, mais rarement pris en compte par France Télécom-Orange, qui considère que le simple rétablissement de l’accès au réseau, même temporaire et aléatoire pour les usagers, vaut traitement curatif. Ainsi, France Télécom-Orange, qui vérifie la qualité de service de ses sous-traitants, ne s’impose pas la même rigueur, puisqu’il ne donne pas suite aux interpellations sur la qualité délabrée du réseau et de ses abords par ses propres sous-traitants.

De même, les cas de débranchement ou de retards très importants pour les branchements, notamment dans les zones de construction ou dans les zones rurales, avec des centraux téléphoniques saturés, se multiplient. Au final, c’est le service rendu aux usagers qui se dégrade, en particulier dans les zones précitées.

De plus, face à l’augmentation du prix de l’abonnement intervenue en début d’année et motivée par un souci de qualité, les usagers confrontés à des pannes récurrentes restent très perplexes.

Ainsi, aux côtés des usagers touchés par ces dysfonctionnements, de très nombreuses communes signalent aujourd’hui le fait que France Télécom-Orange ne remplit pas sa mission de service public et demandent à la fois une modification de la réglementation sur l’entretien aux abords des lignes et de véritables investissements dans le renouvellement du réseau.

Mes chers collègues, la présente proposition de loi, travaillée de façon collective, a été soumise à l’avis du Conseil d’État afin d’en conforter la rédaction. Les modifications proposées par le rapporteur, votées à l’unanimité par la commission des affaires économiques, visaient à garantir pleinement son assise juridique afin de favoriser l’application effective des dispositions qu’elle contient.

Une telle avancée législative apparaît aujourd’hui indispensable afin d’assurer réellement la continuité du service téléphonique car, cela vient d’être rappelé, la situation actuelle n’est pas satisfaisante. L’ensemble du travail mené a déjà conduit à une prise de conscience générale de l’état actuel du réseau des lignes téléphoniques et de la nécessité d’apporter des solutions durables.

Nous avons aujourd’hui l’occasion de démontrer, en adoptant très largement ce texte, la capacité de la représentation nationale à se saisir d’un problème concret pour y apporter des réponses tout aussi concrètes. Notre action est très attendue, car beaucoup d’usagers n’en peuvent plus de se sentir considérés comme des citoyens de seconde zone.

M. André Chassaigne, rapporteur. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Christophe Bouillon.

M. Christophe Bouillon. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, chers collègues, je tiens bien évidemment à saluer le travail de notre rapporteur, André Chassaigne, et à le remercier pour cette proposition de loi relative à l’entretien et au renouvellement des réseaux de lignes téléphoniques. Il a fait la démonstration qu’il n’était pas seulement l’ami des casseroles de cuivre et l’ennemi du couteau sans lame (Sourires), mais qu’il était l’incarnation du couteau suisse multifonctions, et il a apporté sa contribution à un sujet dont chacun s’est plu à rappeler l’importance.

Comme il cite Michel Audiard dans son rapport, il me permettra sans doute de rappeler les propos suivants de Fernand Raynaud : « Le meilleur moyen de ne pas être dérangé au téléphone, c’est d’être en dérangement. » (Sourires.)

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Excellent !

M. Christophe Bouillon. C’est vrai, mais dans ce cas c’est un choix.

Plus sérieusement, le texte proposé par André Chassaigne, s’il est adopté – je pense qu’il le sera – va être utile pour une partie non négligeable de la population. Utile pour tous ces usagers du téléphone qui ne choisissent pas d’être en dérangement mais qui parfois, malheureusement, le subissent.

Avant toute chose, je souhaite souligner le formidable travail réalisé en commission des affaires économiques, avec l’appui de nombreux parlementaires, comme mes collègues Christine Pires Beaune et Frédérique Massat, et celui du Conseil d’État. Cette proposition de loi est d’une implacable justesse.

En tant qu’élu d’un territoire rural et périurbain, j’ai pu constater, comme beaucoup d’entre vous, que le fait de vivre en zone périurbaine et rurale n’est pas un privilège : la fracture territoriale est encore trop présente, et les dysfonctionnements du réseau téléphonique bien réels

Ces problèmes ont été relevés aussi bien dans des zones reculées que dans des zones périurbaines, lesquelles ont subi, ces dernières années, de fortes dégradations de leurs réseaux électriques et téléphoniques aériens – André Chassaigne le rappelle dans son rapport, photos à l’appui, à travers des exemples très précis.

À la suite d’épisodes climatiques non contrôlés, des traitements curatifs d’urgence ont été mis en œuvre afin de permettre le rétablissement des lignes. Cependant, ces traitements d’urgence ne sont pas suffisants – en tout cas, pas à la hauteur des enjeux. Il est nécessaire d’aller encore plus loin et de se pencher sur les moyens d’engager un entretien plus durable et solide, voire sur un véritable renouvellement du réseau, que vous appelez de vos vœux.

La présente proposition de loi, relative à l’entretien et au renouvellement du réseau des lignes téléphoniques, s’inscrit, à mon sens – et Mme la secrétaire d’État l’a elle aussi rappelé –, dans le contexte plus large du traitement du numérique, notamment dans les territoires ruraux. Les réformes déjà engagées par le Gouvernement posent les fondements d’une nouvelle approche de l’aménagement du territoire et d’une stratégie de développement des territoires ruraux. Le choix a été fait – avec force et conviction – de n’abandonner aucun territoire, ni aucun citoyen. La couverture numérique en réseaux à très haut débit fixes et mobiles constitue une avancée significative pour assurer la cohésion du territoire. Les citoyens comme les acteurs économiques recourent quotidiennement aux services en ligne, dont la présence constitue désormais un facteur de productivité des entreprises, de renouvellement et de qualité des services publics ; c’est aussi, évidemment, pour les territoires ruraux et périurbains, un facteur d’attractivité.

J’en reviens maintenant au texte en lui-même, même si je ne m’y étendrai pas trop longtemps, au regard de l’expertise remarquable que le Conseil d’État a apportée pour ce texte. Cette expertise, ainsi que le travail parlementaire – qui a débouché sur un vote unanime de la commission des affaires économiques –, nous ont permis d’obtenir un texte d’une certaine robustesse juridique.

Concernant le premier chapitre, relatif à l’entretien des abords des réseaux de communications électroniques ouverts au public assurant des services fixes, je tiens à souligner l’importance de la réaffirmation, à l’article 2, du principe selon lequel les ouvrages destinés à transmettre les communications, électroniques ou non, sont considérés d’utilité publique, tout comme l’entretien du réseau et de ses abords. Les mots ont leur importance ; plus que les mots, les concepts ; et plus encore que les mots et les concepts, les conséquences au regard des missions de chacun.

L’article 3 de la proposition de loi constitue le cœur du dispositif à mettre en place : il a pour objet de confier aux opérateurs la responsabilité de l’entretien des abords des lignes téléphoniques. Cet article est une réponse à la situation actuellement en vigueur. En effet, depuis l’abrogation de l’article L. 65-1 du code des postes et télécommunications par la loi du 26 juillet 1996, la société France Télécom-Orange n’est plus soumise à la servitude d’élagage aux abords des lignes aériennes.

Rien, à ce jour, n’est donc prévu formellement pour encadrer l’entretien des abords des lignes téléphoniques. Les propriétaires riverains des lignes sont en théorie chargés de procéder, à leurs frais, à ces travaux. Dans la réalité, la complexité et les difficultés de mise en œuvre conduisent à une absence d’entretien réel le long du réseau. Ces éléments factuels justifient la nécessité d’adopter ce texte, et de le faire très vite.

Concernant le deuxième chapitre de la proposition, la connaissance de l’état du réseau est en effet indispensable si l’on veut agir avec efficacité et sévérité. L’article 8, remanié par la commission des affaires économiques, répond aux attentes du groupe SRC. Plus généralement, cet article vient renforcer l’information du public et des collectivités sur l’état réel du réseau des lignes téléphoniques. Il est vrai, comme l’a rappelé François Brottes, que nous aurions pu gagner du temps si nous avions écouté la sagesse et les exigences de nombre de parlementaires – dont il fait partie – ces dernières années.

Cela garantira la transparence des opérations et permettra des améliorations notoires lors de la remise des rapports à l’ARCEP, sans pour autant porter atteinte au secret des affaires, au secret commercial ou statistique.

Enfin, reconnaître aux maires un pouvoir de saisine de l’ARCEP en vue de lancer une procédure de sanction pécuniaire à l’encontre des opérateurs qui ne respectent pas leurs obligations est une avancée marquante et cohérente. Cette reconnaissance vient atténuer le problème de la fracture numérique territoriale, sans pour autant le résoudre totalement. En tout état de cause, les élus locaux pourront, à l’avenir, alerter l’ARCEP en cas de défaillance de l’opérateur en matière d’entretien. Cet organisme pourra ensuite prononcer la sanction, créée par le présent texte, visant spécifiquement les défaillances en matière de fourniture du service universel.

En conclusion, nous soutenons, vous l’aurez compris, cette proposition de loi relative à l’entretien et au renouvellement du réseau des lignes téléphoniques, dans la mesure où elle constitue une étape supplémentaire dans l’engagement pris par le Gouvernement en matière de lutte contre la fracture territoriale dans notre pays – tout en sachant, madame la secrétaire d’État, que nous attendons impatiemment votre projet de loi sur le numérique.

J’ai commencé en citant Fernand Raynaud, vous aviez cité Michel Audiard, je terminerai en citant Grégoire Lacroix, lequel demandait : « Où se posaient les hirondelles avant l’invention du téléphone ? » Espérons en tout cas que ces hirondelles seront annonciatrices d’un véritable printemps pour le numérique et l’égalité territoriale. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. André Chassaigne, rapporteur. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Frédéric Reiss.

M. Frédéric Reiss. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le groupe UMP était assez circonspect à la lecture du texte initial de la proposition de loi relative à l’entretien et au renouvellement du réseau des lignes téléphoniques. La rédaction des neuf articles nous laissait, mes collègues et moi, dubitatifs quant à la finalité de ce texte et à son applicabilité juridique.

S’agissait-il d’un texte d’affichage, visant à imposer des obligations déjà prévues dans le code des postes et des communications électroniques en matière de permanence, de qualité, de disponibilité, de sécurité et d’intégrité du réseau ?

S’agissait-il d’un texte contre les opérateurs de télécommunications, notamment l’opérateur historique ?

S’agissait-il d’un texte allant à l’encontre du droit de propriété des propriétaires de terrains sur lesquels se trouvent les équipements de télécommunication ?

Bref, les commissaires UMP ont abordé l’examen du texte en commission avec des interrogations et sans prise de position a priori.

Eh bien, monsieur le président de la commission des affaires économiques – c’est tout à votre honneur –, l’examen en commission a été l’occasion d’un véritable travail de fond, constructif et non politicien. Je tiens à féliciter le rapporteur André Chassaigne pour ses explications, son écoute et son souci de faire évoluer sa proposition de loi vers un texte juridiquement stable et pragmatique.

Lors de l’examen en commission, de nombreux amendements ont ainsi permis de réécrire totalement cette proposition de loi : sur les huit articles opérationnels, cinq ont été supprimés, trois ont été complètement réécrits et un article a été ajouté.

Il est vrai, monsieur le rapporteur, que vous avez été bien inspiré par le Conseil d’État qui a rendu un avis précis sur les moyens de répondre à des préoccupations de terrain. Comme vous l’avez rappelé – et le président Brottes a insisté sur ce point –, le Conseil d’État a été saisi par le président de l’Assemblée nationale sur la base de l’article 39 alinéa 5 de la Constitution.

Permettez-moi, mes chers collègues, au nom du groupe UMP et plus particulièrement de son président, de regretter que nos propositions de loi, quant à elles, ne puissent pas faire l’objet d’une telle saisine. Malheureusement le président de l’Assemblée nationale oppose une fin de non-recevoir à nos demandes, ce qui permet sans doute au Gouvernement de pointer plus facilement certaines imperfections juridiques de nos propres propositions de loi lors de leur examen. C’est un regret que je souhaitais exprimer dans cet hémicycle.

Mais revenons-en à ce qui nous rassemble aujourd’hui.

La proposition de loi relative à l’entretien et au renouvellement du réseau des lignes téléphoniques part d’un constat partagé. Et comme député de la ruralité, je peux affirmer que dans certains territoires, en zone de montagne notamment, les lignes téléphoniques et leurs abords ne sont pas entretenus, ce qui perturbe la qualité de service et affecte fortement le quotidien des habitants et des acteurs économiques. Il s’agit généralement, non pas de négligence de la part de l’opérateur, mais de difficultés pratiques ou de flou juridique dans ses relations avec le propriétaire du terrain sur lequel se situe l’équipement.

Comme mentionné dans le rapport et rappelé par Mme la secrétaire d’État, à la suite d’une enquête administrative ouverte par l’ARCEP en mai 2014, l’opérateur en charge du service universel, Orange, a annoncé un plan d’amélioration de la qualité des services sur son réseau fixe, avec un effort financier de 300 millions d’euros sur trois ans pour la maintenance préventive des réseaux. La tâche est considérable : le réseau téléphonique d’Orange compte 32,5 millions de paires de cuivre en distribution raccordées au moyen d’1 million de kilomètres d’artères – dont 50 % en aérien – et 15,2 millions de poteaux.

Le texte issu de la commission va plus loin. Il vise à permettre à l’opérateur chargé du service universel en ce qui concerne le réseau fixe de respecter ses obligations d’entretien des ouvrages et de leurs abords. Il permet de donner aux opérateurs une assise juridique afin de passer outre le défaut de certains propriétaires et de débloquer des imbroglios juridiques sur le terrain.

En instaurant une servitude d’élagage, le texte met en place un dispositif similaire à celui qui existe pour le réseau électrique, sous la responsabilité d’ERDF.

Comme cela a déjà été dit, le texte vise aussi à renforcer les pouvoirs des maires à l’encontre des opérateurs défaillants. Il s’agit là d’un point très important pour nos élus locaux. Les maires auront les moyens de procéder eux-mêmes aux opérations nécessaires après mise en demeure de l’opérateur et information du propriétaire concerné.

Cette proposition de loi, monsieur le rapporteur, envoie donc un signal en faveur des territoires ruraux. C’est la raison pour laquelle elle a été adoptée à l’unanimité par la commission des affaires économiques et que les députés du groupe UMP voteront en faveur de ce texte.

Je souhaite profiter de cette tribune pour lancer un appel à la résorption des zones blanches. Beaucoup trop de territoires n’ont toujours pas un accès optimal au réseau mobile et à l’internet haut débit. Or, comme vous le savez, ces services sont indispensables pour développer toute activité économique ou attirer de nouveaux habitants. Il est donc de notre responsabilité de tout mettre en œuvre pour éviter le décrochage de nos territoires les plus fragiles, décrochage qui se traduit par des pertes d’activités et d’emplois.

Lors des précédentes législatures, conscients de la nécessité de réduire la fracture numérique au sein de nos territoires, nous avons lancé plusieurs plans zones blanches qui ont suscité une véritable prise de conscience. Même si le programme de 2008 a été réalisé à hauteur d’environ 97 %, il est fondamental de poursuivre nos efforts. J’espère que le prochain projet de loi sur le numérique, dont la présentation a malheureusement été repoussée,…

M. André Chassaigne, rapporteur. Ah bon ?

M. Frédéric Reiss. …traduira une réelle volonté politique d’apporter des réponses concrètes aux attentes de nos concitoyens. Si la France veut continuer de valoriser la diversité et l’attractivité de ses territoires, il est indispensable de mettre un terme à ces zones blanches, véritable anachronisme au XXIsiècle.

Mme Christine Pires Beaune. Très bien !

M. André Chassaigne, rapporteur. Merci, monsieur Reiss !

M. le président. La parole est à M. Yannick Favennec.

M. Yannick Favennec. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des affaires économiques, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, notre société de plus en plus connectée est marquée par un besoin irrépressible d’instantanéité de l’information. Le succès grandissant des chaînes d’information en continu est certainement l’une des illustrations les plus probantes d’une société désormais tournée vers l’« hyper-communication ». Pour beaucoup d’entre nous, l’idée même d’être injoignable, ne serait-ce qu’un court moment dans la journée, n’est plus une option aujourd’hui envisageable. Quant à l’avènement des smartphones – 61 % des Français en possèdent –, il ne fait qu’amplifier un phénomène que nous pouvons désormais qualifier de massif.

Dans un tel contexte, l’accès à la téléphonie mobile ne peut donc que constituer un droit élémentaire pour chacun de nos concitoyens. Malheureusement, force est de constater que notre pays souffre encore aujourd’hui des inégalités criantes qui subsistent entre les territoires urbains et les territoires ruraux. Si les foyers citadins ont accès aux réseaux 4G, à l’ADSL et même à la fibre optique, de nombreux foyers ruraux peinent à obtenir une couverture numérique raisonnable. Alors que toutes nos métropoles ont en main les outils pour rester connectées à un monde qui ne cesse de se métamorphoser, nombre de nos campagnes doivent bien souvent se cantonner à un simple rôle d’observatrices passives de cette mondialisation.

La proposition de loi dont nous débattons aujourd’hui pointe justement du doigt les conséquences d’un tel fossé en rappelant que certains territoires n’ont toujours pas droit à un accès permanent à la téléphonie fixe. Si ce constat peut paraître surréaliste à l’heure du tout-numérique, il reste que certains territoires se retrouvent régulièrement coupés du monde qui les entoure, pendant des périodes plus ou moins longues.

Le rapporteur André Chassaigne, dont je tiens à saluer la qualité des travaux, rappelle très justement que le libre accès à un réseau téléphonique fixe contribue à créer et à consolider le lien social, un lien qui ne cesse de se déliter dans les régions les plus isolées de notre pays. Je puis en témoigner, en ma qualité de député de la ruralité : les commerces de proximité disparaissent les uns après les autres, de nombreuses classes scolaires sont obligées de fermer leurs portes et les services publics désertent, obligeant les habitants à parcourir de nombreux kilomètres pour trouver une poste ou un médecin. Les possibilités de communications et de rencontres se font de plus en plus rares, et le téléphone devient alors le seul outil permettant à certains Français de conserver ce fameux lien.

Le téléphone est aussi le premier outil que l’on utilise en cas d’urgence, celui qui nous rattache à autrui, notamment lorsque l’on a besoin d’une aide. Les Français en situation de dépendance ne le savent que trop bien et ne peuvent parfois compter que sur ce moyen pour entrer en contact avec les personnes dont elles ont besoin.

Enfin, le téléphone fixe reste étroitement lié au développement d’une activité économique, les entreprises étant souvent obligées d’interagir quotidiennement avec leurs clients et leurs fournisseurs. Dans certaines régions dont le tourisme est parfois la ressource la plus importante, le téléphone fixe constitue encore aujourd’hui le principal moyen d’entrer en contact.

Pour toutes ces raisons, il est absolument indispensable de garantir un entretien régulier et efficace du réseau de poteaux et de fils téléphoniques. Si Orange est censé être le garant du service universel des télécommunications, force est de constater que, dans les faits, de nombreux ouvrages souffrent d’un manque d’entretien, particulièrement dans les zones rurales et montagneuses.

Les différents épisodes climatiques que subit notre pays sont souvent mal appréhendés et ont des conséquences terribles sur le réseau téléphonique. Je pense notamment aux chutes de neige et aux violentes tempêtes que nous avons connues durant l’hiver 2013-2014 : des milliers de foyers, par exemple dans mon département de la Mayenne, avaient alors été privés d’électricité et de téléphone, accentuant ce terrible sentiment d’isolement. Ce fut d’ailleurs encore le cas au début de cette semaine, madame la secrétaire d’État, dans une commune de ma circonscription suite à un violent épisode orageux.

Quant à l’accès à internet, il dépend dans la majorité des cas de ce même réseau en cuivre. En effet, si la fibre optique tend à se déployer sur le territoire, elle ne couvre pour le moment que certaines zones, surtout les plus urbanisées.

Face à ce constat pour le moins chaotique, certains seraient tentés de dire qu’il n’est pas très pertinent de vouloir s’occuper du téléphone fixe quand on connaît l’ampleur de la téléphonie mobile sur le territoire français. Mais tenir un tel raisonnement serait une erreur, car il subsiste de nombreuses zones blanches dans lesquelles le réseau mobile ne fonctionne pas, laissant les habitants tributaires de leur téléphone fixe.

Or, depuis la loi de 1996 de réglementation des télécommunications, aucun acteur n’est réellement tenu d’entretenir le réseau ni de réparer systématiquement les dommages. En effet, cette loi a supprimé la servitude d’élagage à laquelle France Télécom était soumise. Ainsi, depuis près de vingt ans, la responsabilité d’entretien incombe uniquement aux propriétaires privés, lesquels n’assument malheureusement pas toujours cette tâche. Quant à l’opérateur, il n’a ni le pouvoir d’imposer aux propriétaires d’élaguer sur le domaine public, ni celui d’élaguer lui-même à leur place. Même si des sanctions sont prévues, il est rare que des communes parviennent à faire respecter une telle obligation. Si certains riverains font preuve de mauvaise volonté, il est souvent difficile de retrouver les propriétaires des terrains concernés par ces lignes, notamment dans les zones les plus enclavées de notre territoire.

Dès lors, nous ne pouvons qu’assister, souvent impuissants, à la détérioration de notre réseau téléphonique. L’usure provoquée par le frottement des branches sur les câbles constitue certainement l’une des causes les plus importantes de dérangement sur les lignes téléphoniques. En rétablissant la servitude d’élagage, cette proposition de loi apporte finalement une première réponse à la question de l’entretien de ces lignes, notamment dans les territoires isolés.

À ce sujet, je tiens à saluer le travail de concertation effectué par le rapporteur, qui a pris l’initiative de saisir le Conseil d’État. La version adoptée par la commission des affaires économiques nous semble beaucoup plus équilibrée, mais surtout beaucoup plus applicable concrètement.

Grâce à ce texte, les opérateurs téléphoniques pourront accéder plus facilement au domaine privé, que ce soit à titre préventif ou pour effectuer des réparations à la suite de dommages. Ainsi, les propriétaires n’auront plus à supporter seuls la responsabilité liée à l’entretien de ces lignes. L’instauration d’une telle servitude est intéressante, puisque l’opérateur pourra désormais intervenir dans les cas où le propriétaire est jugé défaillant.

Ce nouveau dispositif soulève malgré tout quelques questions. Tout d’abord, il ne faut pas que le propriétaire du terrain se dédouane de toute responsabilité sous prétexte que l’opérateur s’en chargera. En effet, le riverain doit rester pleinement responsable de ses biens en continuant à maintenir un niveau minimum d’entretien. Ce texte devrait d’ailleurs s’inspirer davantage du modèle choisi par ERDF, qui distingue plus clairement la notion de domaine privé et celle de domaine public, et qui permet une meilleure répartition des frais entre le propriétaire et l’exploitant.

L’un des points faibles de ce texte reste justement la question des coûts. Concrètement, qui financera ces travaux d’entretien ?

En commission, monsieur le rapporteur, vous avez évoqué la contribution du fonds de service universel ou du tarif d’accès à la boucle locale. Pourrions-nous avoir quelques éclaircissements sur ce point ? Si l’opérateur est contraint d’assumer intégralement les coûts d’entretien des lignes téléphoniques, je crains qu’il ne les répercute directement sur les tarifs de téléphone fixe et donc, malheureusement, sur les consommateurs. Récemment, Orange a annoncé une hausse de 6 % du prix de l’abonnement mensuel à une ligne fixe, dans une indifférence presque générale. L’opérateur a alors justifié cette hausse par la « stabilité des coûts d’entretien du réseau téléphonique ».

Par ailleurs, je m’interroge sur la création d’un pouvoir de substitution octroyé aux maires. Cette disposition risque d’être complexe à mettre en œuvre, car le maire éprouve déjà beaucoup de difficultés à sanctionner les propriétaires défaillants.

Enfin, le groupe UDI aimerait avoir quelques précisions sur l’article 8 bis relatif aux sanctions, même si nous ne sommes pas opposés à l’idée de confier aux maires un pouvoir de saisine de l’ARCEP.

Vous l’aurez compris, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, ce texte reste perfectible. Nous espérons donc que le travail parlementaire permettra de préciser davantage des dispositifs un peu trop imprécis pour l’instant.

Malgré ces quelques réserves, le groupe UDI votera bien entendu en faveur de ce texte, car la représentation nationale ne saurait accepter qu’une disparité purement territoriale devienne de plus en plus dommageable et alimente la fracture numérique.

M. André Chassaigne, rapporteur. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Christine Pires Beaune.

Mme Christine Pires Beaune. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des affaires économiques, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je suis la dernière oratrice de cette discussion générale. Tout a été dit, et de belle manière : aussi serai-je brève.

Je me réjouis d’être avec vous aujourd’hui pour soutenir la proposition de loi du président Chassaigne, qui revêt dans nombre de nos territoires une importance majeure. En effet, dans les territoires ruraux et de montagne, le sentiment d’abandon peut être grand pour nos concitoyens qui ont vu s’éloigner certains services publics et certains commerces au fil des années. Aussi, vous pouvez imaginer ce qu’ils ressentent lorsque, pendant plusieurs jours voire plusieurs semaines, ils n’ont pas accès au service élémentaire de communication qu’est le téléphone fixe.

Nous ne parlons pas là, madame la secrétaire d’État, du déploiement de la 4G ni des zones blanches de la téléphonie mobile, même si ces sujets sont très importants pour l’attractivité de nos territoires. Non, nous parlons du service de base, celui qui permet de prévenir les pompiers ou le médecin, celui qui permet de faire fonctionner les téléalarmes des personnes âgées, celui qui permet souvent à des petites entreprises et à des artisans de passer des commandes ou de prendre des réservations essentielles à leur survie économique.

Nous ne pouvons pas tolérer que des personnes soient mises en danger, que des entreprises soient menacées, que des villages entiers se trouvent coupés du monde au motif que les abords des lignes téléphoniques connaissent des défauts d’entretien. Il était de notre responsabilité d’agir. Aussi, je remercie le président Chassaigne de son initiative, qui a été, je le sais, saluée sur tous les bancs lors de son examen en commission il y a quelques semaines.

Nous devons agir car, au-delà des enjeux concrets que je viens d’évoquer, il y va aussi d’un sentiment d’abandon face auquel nous n’avons pas le droit de rester silencieux ni inactifs. Il ne nous est pas possible de laisser à des territoires et à des citoyens l’impression tenace d’être de second plan ou de seconde zone, ce qui est pourtant le cas aujourd’hui des zones de montagnes ou des zones rurales reculées.

En janvier dernier encore, j’ai été sollicitée par la présidente de l’association des maires du Puy-de-Dôme sur ce sujet et je sais que ce département – mon département, qui est aussi celui du président Chassaigne –, est particulièrement touché par le problème des coupures téléphoniques liées à la dégradation du réseau.

Les habitants comme les entreprises, les artisans et les élus locaux de ces territoires nous le rappellent à juste titre, et cela d’autant plus que notre territoire souffre également des zones blanches de la téléphonie mobile. Il n’est alors pas difficile d’imaginer le sentiment d’isolement que peuvent ressentir les habitants lorsque zones blanches et défaillances du réseau de téléphonie fixe se cumulent.

Aussi, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui va clairement dans le bon sens en créant une servitude d’élagage aux abords des lignes téléphoniques, afin de permettre aux opérateurs d’y avoir accès pour l’entretien. Ce sont trop souvent des propriétaires défaillants ou même non identifiés qui sont à l’origine de ces coupures de téléphone.

Mais la responsabilité des opérateurs est également en cause. À cet égard, tout le monde s’accorde à dire que le réseau d’Orange s’est dégradé. Le 27 mai 2014 – vous l’avez tous rappelé –, l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, l’ARCEP, a ouvert une enquête administrative après avoir constaté que « certains indicateurs de qualité de service présentés par la société Orange, prestataire du service universel pour la composante de raccordement et de service téléphonique, n’étaient pas conformes aux objectifs qui s’imposent à elle ».

Ces défaillances concernent les délais de réparation, les délais de réponse aux réclamations, et ces indicateurs se sont dégradés entre 2013 et le premier semestre de 2014.

J’en ai été le témoin personnellement quand, en juillet 2014, un violent orage s’est abattu sur les communes de Chapdes- Beaufort et Pulvérières. Le réseau téléphonique a connu de graves perturbations et les réparations ont tardé. C’est ainsi qu’une dame âgée, sous télé-assistance, est restée pendant neuf jours sans téléphone fixe et donc sans télé-assistance. Tous les jours, son fils signalait le problème sur la plate-forme d’Orange et à chaque fois on lui répondait que la panne avait bien été enregistrée, mais rien ne suivait. En désespoir de cause et après sept jours sans téléphone, son petit-fils est venu me trouver. Avec l’appui du représentant de l’État, nous avons pu faire rétablir la ligne. Que serait-il arrivé si cette personne, isolée, avait été victime d’un accident chez elle ?

S’il est vrai que M. Richard s’est engagé auprès de l’ARCEP à mettre en place un plan d’amélioration de la qualité des services offerts sur ces réseaux fixes, il n’en reste pas moins qu’il est impératif de demeurer vigilant sur le suivi et le respect de ces engagements.

Aussi, je ne révèle pas de secret en disant dès à présent que les députés du groupe socialiste, républicain et citoyen voteront cette excellente proposition de loi sans hésitation. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. André Chassaigne, rapporteur. Très bien !

M. le président. La discussion générale est close.

La parole est à M. le rapporteur.

M. André Chassaigne, rapporteur. Je souhaite apporter quelques précisions en réponse aux différents intervenants, en particulier à M. Favennec sur la prise en charge du coût de l’élagage. En effet, lorsque France Télécom était soumis à la servitude d’élagage, les opérations réalisées par l’entreprise étaient, en théorie, faites « aux frais des propriétaires, fermiers, ou leurs représentants ». La proposition de loi met à la charge de l’opérateur la réalisation de ces opérations, et il en va de même lorsque le maire se substitue à l’opérateur défaillant. Le coût doit-il être supporté en totalité par Orange ? La question est légitime et nous y répondrons peut-être dans la suite du parcours législatif de la proposition de loi. Dans notre texte initial, une disposition autorisait Orange à répercuter le coût de l’entretien sur les autres opérateurs utilisant son réseau.

À la suite des différentes auditions et avis, notamment du Conseil d’État, nous n’avons pas maintenu cette disposition car elle ne semblait pas nécessaire. Le financement des opérations d’entretien pourrait être répercuté selon deux possibilités.

Première solution, le II de l’article L. 35-3 du code des postes et des communications électroniques précise qu’un fonds de service universel des communications électroniques assure le financement des coûts nets des obligations du service universel. Ce fonds, géré par la Caisse des dépôts, sous le contrôle du régulateur, est abondé par les opérateurs ayant un chiffre d’affaires annuel supérieur à 5 millions d’euros sur le marché de détail, au prorata de leur chiffre d’affaires.

Le montant des sommes dues par le fonds à l’opérateur en charge du service universel est déterminé par l’ARCEP. Dès lors que l’entretien préventif est considéré comme faisant partie de la prestation de service universel – ce que confirmera la modification du cahier des charges –, le fonds pourrait être utilisé pour financer les opérations d’entretien, lesquelles avoisinent les 30 millions d’euros, ce qui, entre parenthèses, représente 2 % des dividendes versés chaque année par Orange à ses actionnaires.

M. Nicolas Sansu. Belle parenthèse !

M. André Chassaigne, rapporteur. Deuxième solution, le tarif d’accès à la boucle locale. Dans le cadre de l’ouverture du marché des télécommunications – dont je n’étais pas un fervent partisan –, il a été décidé au niveau européen que l’opérateur historique devrait fournir à ses concurrents un accès direct à sa boucle locale : c’est le dégroupage de la boucle locale.

Cet accès dégroupé au réseau local consiste en la fourniture de paires de cuivre nues à l’opérateur alternatif, qui installe alors lui-même ses propres équipements de transmission sur ces paires. L’usage du réseau local de l’opérateur historique est naturellement rémunéré par l’opérateur utilisateur, au tarif d’accès, fixé par l’opérateur historique sous le contrôle de l’ARCEP.

Ce tarif d’accès, qui est de 9 euros, permet à Orange de faire participer les autres opérateurs aux frais d’utilisation du réseau. Il semble évident que le coût de l’entretien des abords, constituant une partie du coût général de maintenance du réseau, pourrait être répercuté en partie sur ce tarif d’accès.

En réponse à M. Favennec sur l’article 8 bis relatif à la création d’une sanction spécifique à l’encontre de l’opérateur en charge du service universel, j’indique que le dispositif est inspiré des dispositifs prévus aux alinéas 6 et 7 de l’article L. 36-11 du CPCE prévoyant des sanctions spécifiques pour les opérateurs défaillants en matière de couverture mobile. Nous n’avons donc pas inventé grand-chose.

La solution que je propose, adoptée en commission, a été prise en concertation avec l’ARCEP et le Gouvernement. La sanction ne pourra pas dépasser 5 % du chiffre d’affaires ou 10 % en cas de récidive. À défaut, l’amende encourue s’élève à 150 000 euros. Tout a été bien réfléchi et ne semble pas disproportionné.

Telles sont les précisions que je voulais apporter en préalable au parcours à venir de la présente proposition de loi avant son adoption finale.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Précieuses précisions !

Discussion des articles

M. le président. J’appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles de la proposition de loi.

Article 1er

M. le président. La commission a supprimé l’article 1er.

Articles 2 et 3

(Les articles 2 et 3 sont successivement adoptés.)

Articles 4 à 7

M. le président. Les articles 4, 5, 6 et 7 ont été supprimés par la commission.

Articles 8, 8 bis et 9

(Les articles 8, 8 bis et 9 sont successivement adoptés.)

Vote sur l’ensemble

M. le président. Je mets aux voix l’ensemble de la proposition de loi.

(La proposition de loi est adoptée.)

2

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, mardi 12 mai, à quinze heures :

Questions au Gouvernement ;

Discussion de la proposition de loi relative à la protection de l’enfant.

La séance est levée.

(La séance est levée à seize heures vingt-cinq.)

La Directrice du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Catherine Joly