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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2014-2015

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du mardi 19 mai 2015

SOMMAIRE

Présidence de M. Claude Bartolone

1. Souhaits de bienvenue à une délégation étrangère

2. Questions au Gouvernement

Réforme du collège

M. Jean-Charles Taugourdeau

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche

Réforme du collège

M. Yves Durand

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche

SNCM

M. Paul Giacobbi

M. Alain Vidalies, secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche

Octroi de mer

M. Gabriel Serville

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation et de la fonction publique

Politique migratoire

M. Michel Piron

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

Gestation pour autrui

Mme Françoise Guégot

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice

Politique migratoire

M. Pascal Popelin

M. Manuel Valls, Premier ministre

AREVA

M. Denis Baupin

M. Manuel Valls, Premier ministre

AREVA

M. Julien Aubert

M. Manuel Valls, Premier ministre

Avenir de la filière nucléaire

M. Franck Reynier

M. Alain Vidalies, secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche

Navires Mistral

M. Philippe Vitel

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense

Caisses d’assurance retraite et de la santé au travail

M. Rémi Pauvros

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes

Représentativité des élus

M. Jean Lassalle

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement

Réforme du collège

M. Frédéric Reiss

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche

Soutien aux sociétés exportatrices

M. Jean-Pierre Le Roch

M. Matthias Fekl, secrétaire d’État chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l’étranger

Situation financière des communes rurales

Mme Valérie Lacroute

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation et de la fonction publique

Suspension et reprise de la séance

Présidence de M. David Habib

3. Fixation de l’ordre du jour

4. Transition énergétique

Présentation

Mme Ségolène Royal, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure de la commission spéciale

Mme Sabine Buis, rapporteure de la commission spéciale

M. Philippe Plisson, rapporteur de la commission spéciale

Mme Ericka Bareigts, rapporteure de la commission spéciale

M. Denis Baupin, rapporteur de la commission spéciale

M. François Brottes, président de la commission spéciale

Motion de rejet préalable

M. Julien Aubert

Mme Ségolène Royal, ministre

M. Jean-Yves Caullet

M. Bernard Accoyer

M. Bertrand Pancher

M. François Brottes, président de la commission spéciale

Suspension et reprise de la séance

M. Jacques Krabal

Discussion générale

M. Patrice Carvalho

M. Christophe Bouillon

M. Martial Saddier

M. Bertrand Pancher

M. Jacques Krabal

Mme Cécile Duflot

M. Gabriel Serville

Mme Geneviève Gaillard

Mme Catherine Vautrin

M. Ary Chalus

Mme Véronique Besse

M. Jean-Jacques Cottel

M. Alain Leboeuf

M. Gilbert Collard

M. Napole Polutélé

M. Jean Lassalle

5. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Claude Bartolone

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Souhaits de bienvenue à une délégation étrangère

M. le président. Mes chers collègues, je suis heureux de souhaiter en votre nom la bienvenue à une délégation du Parlement de la République du Ghana, conduite par son Président, M. Edward Doe Adjaho. (Mesdames et messieurs les députés et les membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent.)

2

Questions au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Réforme du collège

M. le président. La parole est à M. Jean-Charles Taugourdeau, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Jean-Charles Taugourdeau. Monsieur le Premier ministre, avez-vous lu la lettre que votre prédécesseur a adressée à votre ministre de l’éducation nationale ?

En voici quelques extraits – je cite Jean-Marc Ayrault : « Madame la ministre, […] je tenais […] à vous faire part de mon inquiétude quant aux conséquences de certaines mesures annoncées sur l’enseignement de la langue allemande. 

« Les classes bilangues, nées du plan de relance de l’allemand en France et du français en Allemagne, ont permis à l’allemand de rester la troisième langue vivante enseignée en France. Et la promotion de cet apprentissage, en lui accordant une position privilégiée, est au cœur de la coopération franco-allemande. […] Nous cherchons aujourd’hui à renforcer nos liens avec l’Allemagne : cela passe par une meilleure connaissance de son histoire, de sa culture et de sa langue. Ces mesures prévues par la réforme du collège ne me semblent pas favoriser ce rapprochement, qui doit s’incarner dans des projets communs, particulièrement en direction de la jeunesse. »

Ouverts au monde, de gauche comme de droite, les intellectuels, les politiques et aujourd’hui massivement les enseignants s’élèvent contre votre réforme du collège. À aucun moment, ils n’ont été entendus par votre Gouvernement.

Plus grave, tous sont décrédibilisés, voire méprisés, et sont nommés par vous les « pseudo-intellectuels ».

Devant une telle contestation, le groupe UMP demande la tenue d’un débat devant notre Parlement. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Monsieur le Premier ministre, à part vous et le Président de la République, qui soutient la ministre de l’éducation et sa réforme pseudo-intelligente ? (« Nous ! » sur les bancs du groupe SRC.)

Quand allez-vous retirer votre projet, stupide et destructeur ? (« Jamais ! » sur les bancs du groupe SRC. – Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le député, voilà maintenant trois semaines que nous sommes engagés ici dans une sorte de dialogue de sourds.

M. Christian Jacob. Il ne tient qu’à vous !

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Vous faites mine de ne pas comprendre, vous faites mine de ne pas entendre ce que l’on vous dit et c’est bien dommage. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Bernard Accoyer. Acceptez le débat !

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. C’est dommage, parce que vous aurez embrouillé pendant trois semaines les Français, à coups d’enfumage, de contre-vérités, de mensonges, qui nous ont éloignés de l’essentiel et je voudrais y revenir, monsieur Taugourdeau.

En effet, l’opposition entre la gauche et la droite apparaît bien dans la conception que nous avons du collège.

M. Patrice Verchère. Et Jean-Marc Ayrault, il est de droite ?

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Est-ce que le collège doit avoir vocation à faire réussir tous les élèves ou à réserver l’excellence à quelques élèves ? C’est à cette question que nous répondons.

Et puisque votre collègue M. Bruno Le Maire a eu le courage, d’une certaine façon, de sortir du bois et de nous donner à voir un autre projet de réforme du collège, je voudrais, avec vous, monsieur Taugourdeau, en reprendre les points.

Projet contre projet, notre réforme du collège a pour objectif de renforcer les fondamentaux chez tous les élèves, quand la vôtre a pour vocation de les réduire comme peau de chagrin, puisque vous proposez de vous en tenir au français, aux mathématiques, à l’histoire et à une seule langue étrangère. Cela signifie que, pour les collégiens de demain, vous ne voulez plus d’apprentissage des sciences et vie de la terre, vous ne voulez plus d’apprentissage de la langue vivante 2, vous ne voulez plus d’apprentissage de la science physique, vous ne voulez plus, même, de l’apprentissage des fameuses humanités, du latin et du grec ! Vous ne voulez plus promouvoir l’allemand, dont vous nous parlez depuis trois semaines. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Pascal Terrasse. Le Maire est d’accord !

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Comment faites-vous pour le promouvoir si vous supprimez la langue vivante 2 pour les collégiens ?

Projet contre projet, monsieur le député, notre réforme du collège a vocation à préparer les collégiens de demain à entrer dans le monde qui les attend, avec tous les défis qui vont des langues vivantes au numérique en passant par la maîtrise des fondamentaux. Tous ceux qui sont attachés à la réussite du collège l’ont compris. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Réforme du collège

M. le président. La parole est à M. Yves Durand, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Yves Durand. Madame la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, la loi sur la refondation de l’école voulue par François Hollande fut l’une des premières lois que notre assemblée a votées.

Elle a rassemblé la majorité de gauche après des débats de qualité sur tous les bancs de cette assemblée.



L’école maternelle et l’école primaire en sont les priorités pour que tous les élèves arrivent en sixième en maîtrisant les savoirs fondamentaux nécessaires pour réussir au collège.



Aujourd’hui, c’est à tous les collégiens qu’il faut donner les mêmes chances de réussite. Or, ce n’est pas le cas aujourd’hui. Face à l’échec scolaire qui se traduit trop souvent par la ségrégation sociale, certains à droite voudraient trier dès onze ans les enfants qui réussiront et les autres, laissés de côté. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)



Ils trahissent ainsi le projet de collège unique, lancé par M. Giscard d’Estaing. Nous, nous ne renonçons pas à l’égalité et nous voulons résolument faire de l’école le lieu où chacun pourra aller jusqu’au bout de ses possibilités. Nous voulons l’excellence pour tous et non pour quelques-uns. C’est le sens de la réforme du collège que vous portez, madame la ministre, avec courage.



Comme toute réforme, celle du collège suscite débats, interrogations, des doutes parfois : ils sont légitimes quand ils excluent le mensonge, la manipulation et les postures politiciennes. Vous avez, madame la ministre, commencé à répondre. Mais au-delà, l’école a besoin de la confiance et du rassemblement des Français, de tous les Français. Comment comptez-vous continuer à rassembler les Français autour de la nécessaire réforme du collège ? (« Allo ! » sur les bancs du groupe UMP. – Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. D’abord, je voudrais remercier votre groupe, monsieur le député, ainsi que le groupe écologiste et le groupe RRDP, pour le soutien sans faille que vous apportez à cette réforme. Je crois que vous en avez compris la nécessité et l’urgence.

Oui, c’est tout l’honneur de cette majorité que d’avoir fait de la jeunesse sa priorité et d’avoir rétabli et les moyens de l’éducation nationale, et la formation des enseignants.

C’est tout l’honneur de cette majorité que de ne pas accepter comme une fatalité qu’un élève sur quatre sorte aujourd’hui du collège sans maîtriser les fondamentaux de français, un élève sur cinq sans maîtriser les fondamentaux de mathématiques.

M. Bernard Accoyer. Démission !

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. C’est tout l’honneur de cette majorité que de refuser le statu quo, de vouloir réformer, quelle que soit la difficulté à le faire, et de s’attaquer en particulier à ces inégalités qui minent le collège, quand d’autres, sur d’autres bancs, luttent pour maintenir ces inégalités. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Oui, cette réforme est décisive, parce que nous voulons que chaque collégien acquière un bagage commun pour être prêt à entrer dans la vie qui l’attend. Oui, cette réforme est décisive, parce que nous croyons en l’effort, en le mérite, en l’excellence et c’est précisément pourquoi nous voulons les ouvrir à chaque élève de France. C’est ce que nous ferons avec cette réforme.

Il y a des inquiétudes, évidemment, comme à chaque réforme. Elles sont légitimes, notamment les inquiétudes professionnelles, émises ce matin par ceux qui se sont mis en grève. J’ai eu l’occasion de leur répondre que dans les textes d’application de cette réforme, nous leur garantirions les bonnes conditions de mise en œuvre, qu’il s’agisse de l’accompagnement des enseignants ou de la formation.

Oui, il faut mettre le paquet sur la formation continue des enseignants, qui avait été saccagée, comme l’avait été la formation initiale par l’ancienne majorité. Nous le ferons. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

SNCM

M. le président. La parole est à M. Paul Giacobbi, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

M. Paul Giacobbi. Rassurez-vous, monsieur le Premier ministre, je ne vous parlerai pas du collège. (Sourires.)

Dans quelques jours, le tribunal de commerce de Marseille devrait se prononcer sur le sort de la SNCM.

Un député du groupe UMP. Encore !

M. Paul Giacobbi. Le procureur de la République a demandé une prolongation de six mois du redressement judiciaire. L’Union européenne n’autorise qu’un à deux mois de prorogation – elle est dans son droit – et rappelle que l’on ne peut continuer à payer les mensualités de la délégation de service public tant que le recouvrement des sommes correspondant aux aides illégales n’a pas été effectué.

En raison de cette absence de recouvrement, une procédure de manquement à l’encontre de la France est en cours devant la justice européenne. La loi rend la collectivité territoriale de Corse redevable des sanctions financières pour non-recouvrement lorsque celles-ci tomberont.

Je vous ai saisi de cette question précise, monsieur le Premier ministre, d’abord en 2013, m’adressant à votre prédécesseur, puis le 23 avril 2015. Je suis toujours en attente de réponses autres que celles que m’apporte oralement votre cabinet, me précisant qu’il n’a pas le droit de me répondre car on ne sait pas quoi me dire. (Sourires.)

Par ailleurs, l’Union européenne a accepté que la société repreneuse soit déchargée du remboursement des aides d’État illégales, de l’ordre de 600 millions d’euros – excusez du peu ! –, à la condition de ne poursuivre la continuité de service public qu’indirectement, par le biais d’une subdélégation consentie par l’autre compagnie délégataire, à savoir la Méridionale de navigation. Cette dernière se retrouve au centre du dossier, à son corps défendant, et devra d’une manière ou d’une autre s’engager pour la continuité du service public.

Monsieur le Premier ministre, je veux vous poser deux questions simples. Comptez-vous répondre à la collectivité territoriale de Corse, faute de quoi elle devra interrompre ses paiements ? Comptez-vous prendre toute initiative, en liaison avec le tribunal de commerce et l’ensemble des acteurs de ce dossier, pour bâtir au plus vite une solution pérenne ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche.

M. Alain Vidalies, secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche. Monsieur le député, le tribunal de commerce de Marseille va examiner le 27 mai prochain les offres de reprise de la SNCM. Il s’agit des nouvelles offres déposées après la décision du tribunal administratif de Bastia portant annulation de la délégation de service public.

La Commission européenne considère que la discontinuité est aujourd’hui établie et que le repreneur choisi par le tribunal de commerce ne sera pas exposé au remboursement des 440 millions d’euros d’aides publiques.

M. Henri Emmanuelli. Ah ! Très bien !

M. Alain Vidalies, secrétaire d’État. Il reste deux questions que vous évoquez.

La première concerne l’engagement de la collectivité territoriale de Corse de poursuivre ses versements. Je vous précise que l’actuelle délégation n’est pas concernée par les décisions de remboursement, qui ne visaient que la délégation de la période 2007-2013. Je vous précise surtout que le Gouvernement estime que la jurisprudence Deggendorf, que vous évoquez, ne peut trouver application en l’espèce, dès lors que la Commission européenne n’a pas enjoint à la France de suspendre le versement d’une aide nouvelle au sens de cette jurisprudence.

Concernant l’absence de réponse de la Compagnie méridionale de navigation – la CMN –, je partage vos interrogations. Je suis en mesure de vous préciser officiellement que la Commission européenne considère que la subdélégation ne fait pas courir à la CMN de risque relatif à la discontinuité. Ces propos sont tenus en accord avec la Commission.

Dans ces conditions, le Gouvernement considère aujourd’hui que les deux réponses sont apportées à la collectivité territoriale de Corse et à la CMN. Par conséquent, l’objectif d’une reprise avec un plan social et la sauvegarde d’un maximum d’emplois doit être au rendez-vous de la décision du tribunal de commerce. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

Octroi de mer

M. le président. La parole est à M. Gabriel Serville, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. Gabriel Serville. Madame la ministre de la décentralisation et de la fonction publique, les débats qui se sont déroulés la semaine dernière au Sénat ont encore démontré que l’octroi de mer constitue une part importante des ressources des communes d’outre-mer. Censée être reversée intégralement aux communes, en Guyane, cette recette est pourtant ponctionnée de 27 millions d’euros par an au profit du conseil général. Il s’agit là d’une exception locale extrêmement préjudiciable pour des communes déjà particulièrement fragilisées, qui plus est dans un contexte de baisse des dotations octroyées aux collectivités.

Cette situation, foncièrement anticonstitutionnelle, dure depuis quarante-deux ans. Elle est manifestement contraire à l’autonomie financière qui découle du principe de libre administration des collectivités territoriales. Or, selon la loi, l’État ne peut en aucun cas supprimer des ressources fiscales des collectivités sans les compenser. C’est pourtant ce qu’il fait chaque année, de façon discriminatoire, sur cette partie du territoire.

À titre d’exemple, pour la seule année 2015, la commune de Matoury, dont je suis le maire, perd 3,3 millions d’euros, soit environ 10 % de son budget de fonctionnement, tandis que nous devons éponger nos dettes et répondre aux besoins croissants de la population. En l’espèce, cette ponction d’une partie des fonds de la dotation de garantie destinée aux communes nous empêche tout simplement de fournir aux contribuables les services publics auxquels ils ont droit.

Madame la ministre, cette discrimination envers des communes déjà classées parmi les moins bien loties de France ne saurait perdurer. C’est pourquoi l’association des maires de Guyane ainsi que toutes les communes guyanaises envisagent d’engager une action en responsabilité à l’encontre de l’État, devant le tribunal administratif de Cayenne, dans le cadre d’un recours de plein contentieux. Aussi, je vous remercie de bien vouloir nous éclairer, par anticipation, quant aux pistes de solutions qui seraient susceptibles de réparer ce très lourd préjudice. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe GDR.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de la décentralisation et de la fonction publique.

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation et de la fonction publique. Monsieur le député, il est vrai que George Pau-Langevin est en train de défendre, en ce moment même au Sénat, un texte qui concerne non seulement l’octroi de mer, mais aussi la Guyane.

Je rejoins votre analyse : cela fait effectivement des dizaines d’années que cette situation perdure. L’octroi de mer n’est pas destiné à assurer une certaine égalité, ce qui ne serait pas possible, mais à aider les entreprises qui souffrent de leur éloignement et de la très faible taille de leur marché domestique en imposant les importations.

Dans le contexte que vous décrivez, qui dure depuis des dizaines d’années, il a d’abord été décidé de renforcer la part des communes dans la répartition des recettes de l’octroi de mer. Il est important de préciser à l’ensemble des communes de Guyane que la part qui leur est versée est passée de 63 millions d’euros en 2008 à 76 millions d’euros en 2014. De même, nous essayons d’aider davantage la Guyane à travers la dotation globale de fonctionnement, puisque la dotation par habitant va dépasser 57 euros, un montant supérieur à celui de l’ensemble des départements d’outre-mer concernés.

Face à cette situation, outre le pacte d’avenir que le Premier ministre a demandé d’élaborer spécifiquement pour la Guyane, on évoque aujourd’hui l’idée de créer une collectivité unique qui permettrait de rééquilibrer, par l’intermédiaire des aides aux entreprises, la répartition de l’octroi de mer.

On a souvent avancé que la part d’octroi de mer reversée aux départements devait aider ces derniers à soutenir les populations les plus en difficulté, donc à alléger l’action des communes. Mais je pense qu’il faut appréhender ce sujet dans sa globalité et que, si nous travaillons à la création d’une collectivité unique tout en examinant l’évolution de la DGF dans le cadre de la réforme que Mme Pires Beaune porte, avec d’autres, dans cette assemblée, nous réussirons, monsieur le député, à être plus justes.

Politique migratoire

M. le président. La parole est à M. Michel Piron, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

M. Michel Piron. Monsieur le ministre de l’intérieur, la question des migrations en Méditerranée ne cesse de nous interroger. C’est une question grave, pour des raisons humanitaires, sécuritaires et économiques.

Humanitaires, d’abord. Qui laisserait périr en mer les milliers d’hommes, de femmes et d’enfants qui sont victimes de trafics, quels qu’ils soient ? On ne demande pas à celle ou celui qui se noie : « Qui êtes-vous ? ». On sauve des vies, car il y a urgence.

Sécuritaires, ensuite. La première des causes de ces exodes massifs, c’est la guerre. La guerre dans laquelle s’enfoncent la Syrie, l’Irak, la Libye, sans parler de l’Érythrée, et que fuient des populations civiles déplacées par centaines de milliers. À ceux qui l’auraient oublié et qui proclament un peu vite qu’il faut les renvoyer chez eux, on a envie de demander : « Où est-ce, chez eux ? », quand ils sont syriens ou irakiens. Voilà pourquoi la priorité méditerranéenne, c’est la restauration d’États et de gouvernements stables. Mais comment y parvenir sans accords régionaux, et donc sans la pression convergente des États-Unis, de la Russie et de l’Europe ?

Monsieur le ministre, nous savons que des actions aéronavales sont en cours pour lutter contre les trafiquants : de quelle portée sont-elles, et selon quel calendrier vont-elles se déployer ? Qu’en est-il par ailleurs des autorisations demandées par l’Union européenne à l’ONU pour élargir ces opérations en Méditerranée ?

Cette question, enfin, est aussi économique, car il n’y a pas de développement possible sans un minimum d’ordre et de sécurité, comme en témoigne l’exemple de la Tunisie.

Monsieur le ministre, reconnaissez-vous l’ordre de ces questions et la nécessité d’accepter le prix et le temps des réponses diplomatiques et politiques ? (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et sur quelques bancs du groupe UMP.)

Mme Seybah Dagoma et M. Bernard Roman. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur. Monsieur le député, les questions que vous posez sont exactement celles qui président à l’action de la France au plan européen et au plan international.

D’abord, vous avez raison d’insister sur le rôle funeste des filières de l’immigration irrégulière, qui sont de véritables filières de la traite des êtres humains et qui doivent être combattues avec une détermination sans faille. C’est ce que nous faisons, en relation avec les pays de provenance. J’étais au Niger et au Cameroun, il y a de cela quatre jours, pour travailler à des actions de coopération permettant la formation des services de sécurité, en vue d’un meilleur contrôle des frontières de ces pays, par lesquelles transitent près de 70 % du flux migratoire qui arrive jusqu’aux côtes européennes. Il faut, pour démanteler ces filières, procéder à ce contrôle et renforcer les relations entre les services de police et de justice.

Deuxièmement, il faut détruire les bateaux, qui sont de véritables vecteurs de la mort. Mais il est nécessaire que le cadre international le permette : c’est ce à quoi nous travaillons résolument, sans trêve, ni pause, car c’est une condition de la réussite de la lutte contre les filières de l’immigration irrégulière.

Troisièmement, il est absolument indispensable de mettre en place des dispositifs permettant de distinguer ceux qui relèvent du statut de réfugié de l’asile en Europe, d’une part, et les migrants économiques, d’autre part. S’agissant des migrants économiques irréguliers, ils doivent être renvoyés à la frontière dès leur arrivée sur le territoire de l’Union européenne, et maintenus sur le territoire des pays de provenance. C’est également le sens de la visite que j’ai faite au Cameroun et au Niger, et la proposition de la mise en place de centres de maintien au Niger est une proposition française reprise par la Commission européenne.

Les réfugiés qui sont en Europe doivent, quant à eux, bénéficier du statut de demandeur d’asile, dans le cadre d’une répartition entre les pays de l’Union européenne, qui tienne compte des efforts déjà faits par ces derniers en vue de l’accueil de demandeurs d’asile.

M. François Loncle. Très bien !

Gestation pour autrui

M. le président. La parole est à Mme Françoise Guégot, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

Mme Françoise Guégot. Monsieur le Premier ministre, le 13 mai dernier, le tribunal de grande instance de Nantes a contraint le procureur de la République à inscrire sur le livret de famille des parents acquéreurs les enfants nés hors de nos frontières, issus de la gestation pour autrui.

M. Razzy Hammadi. Très bien !

Mme Françoise Guégot. Une fois encore, la GPA entre dans notre pays par la petite porte, avec la complicité hypocrite de votre gouvernement. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Alors que la justice, sur notre territoire, assimile la GPA à de la traite des êtres humains, elle ferme les yeux et, pis encore, elle légalise ce proxénétisme procréatif pratiqué à l’étranger, au nom de l’intérêt supérieur de l’enfant.

Plusieurs députés du groupe SRC. C’est honteux !

Mme Françoise Guégot. Mais quel est l’intérêt de l’enfant, quand celui-ci est considéré comme une vulgaire marchandise ? Et que dire de la condition de la femme, utilisée à cette fin ?

Combien de temps encore allons-nous tolérer ce double discours ? D’un côté, vous condamnez la GPA, et de l’autre, vous incitez à cette pratique, en facilitant l’accueil des enfants issus de GPA à l’étranger. Ce sont tous les fondements de l’intégrité de la personne humaine auxquels on porte atteinte. Vous ne pouvez pas déclarer en octobre être contre la marchandisation du corps des femmes et vous rendre aujourd’hui complice des effets d’une telle pratique !

Plusieurs députés du groupe SRC. Ce sont des enfants !

Mme Françoise Guégot. Nous sommes déjà très nombreux à soutenir la proposition de loi déposée par notre collègue Valérie Boyer, visant à légiférer clairement pour interdire la GPA en France.

Monsieur le Premier ministre, allez-vous enfin clarifier votre position et défendre notre droit, comme l’attend une grande majorité de nos concitoyens ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Huées sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. François Rochebloine. Pseudo-intellectuelle !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Comme vous y allez, madame la députée ! Le Gouvernement serait donc complice d’une décision de justice ! Car c’est bien d’une décision de justice qu’il s’agit…

Mme Valérie Boyer. Il fallait faire appel !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. …d’une décision prise par le tribunal de grande instance de Nantes, et qui traite non pas de la gestation pour autrui, mais de la transcription d’actes de naissance étrangers d’enfants nés à l’étranger par gestation pour autrui.

M. Patrick Bloche. Absolument !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. La gestation pour autrui est interdite dans notre code civil, de façon absolue. Le Président de la République a répété à plusieurs reprises qu’il n’y introduirait aucune nuance. Le Premier ministre Jean-Marc Ayrault l’a dit et répété, le Premier ministre Manuel Valls l’a dit et répété. Entendez-le ! Et entendez qu’il s’agit d’une décision de justice, laquelle n’est d’ailleurs pas définitive…

M. Christian Jacob. Pourquoi n’avez-vous pas déposé un recours ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. …puisque je vous rappelle que le parquet a interjeté appel. Par ailleurs, il ne s’agit pas d’une décision inédite, puisqu’en décembre 2014, la cour d’appel de Rennes avait pris la même décision. La Cour de cassation est également saisie. Je vous demande simplement de respecter les décisions de justice (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, RRDP et GDR), de la même façon que le Gouvernement devra exécuter les décisions de la Cour européenne des droits de l’homme. Et le Gouvernement y travaille !

Nous y travaillons, en réaffirmant l’interdiction de la gestation pour autrui, mais en tenant compte de la réalité de la situation des enfants. Nous sommes dans un pays, où nous veillons à protéger les enfants, madame ! Il s’agit d’enfants, en chair et en os,…

M. Claude Goasguen. Et les parents ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. …d’enfants qui vont à l’école, d’enfants qui sont aussi doués que les autres pour agacer leurs enseignants, pour énerver leurs parents, mais ce sont des enfants de ce pays, des enfants de la République. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, RRDP et GDR – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Et ces enfants-là, quoi que vous disiez, nous allons les protéger, madame ! (Mmes et MM. les députés des groupes SRC, écologiste, RRDP et GDR se lèvent et applaudissent.)

Politique migratoire

M. le président. La parole est à M. Pascal Popelin, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Pascal Popelin. Monsieur le Premier ministre, la situation dramatique de nombreux pays génère un afflux massif de réfugiés et crée un terreau fertile au développement des filières d’immigration irrégulière. Il s’agit de filières criminelles qui prélèvent un impôt sur la mort en empilant sur des embarcations de fortune des hommes et des femmes en détresse. Le groupe SRC attend du Gouvernement qu’il poursuive son combat déterminé contre ces filières d’immigration clandestine.

M. Alain Marty. Vous allez être déçus !

M. Pascal Popelin. Nous soutenons aussi le projet de loi de réforme de l’asile que présente le Gouvernement, parce qu’il prévoit la réduction des délais d’instruction et conforte les droits des demandeurs, tout en assurant une soutenabilité de l’asile, au moyen de la procédure d’hébergement directif qui permettra d’atténuer la pression, notamment en Île-de-France, région qui accueille près d’un demandeur sur deux.

La France ne peut toutefois pas faire face seule à cette situation,…

M. Alain Marsaud. Avec ses petits bras !

M. Pascal Popelin. …qui appelle une réponse à l’échelle européenne. Cette réponse doit garantir l’asile. Il s’agit d’un droit qui ne peut répondre à une logique de quotas, et je me satisfais que les autorités françaises s’opposent à cette logique, comme vient de le rappeler le Président de la République il y a quelques minutes à Berlin.

M. Alain Marsaud. Oh là là !

M. Pascal Popelin. Chaque pays doit mettre en œuvre ce droit, parce que lorsque l’on vient en Europe pour fuir les pires atrocités, c’est l’ensemble de l’Europe qui doit contribuer à l’accueil des réfugiés.

Il convient, enfin, de lutter contre l’instrumentalisation de l’asile à des fins d’immigration irrégulière.

M. Guy Geoffroy. Et voilà !

M. Pascal Popelin. Pouvez-vous, monsieur le Premier ministre, préciser dans ce cadre les positions que défendra la France au sein des instances de l’Union européenne ?

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur le député, vous l’avez dit – et Michel Piron le rappelait lui aussi à l’instant –, l’Europe est confrontée à une crise sans précédent et doit faire face. Vous le savez, 1 700 migrants sont morts depuis le début de l’année en essayant de traverser la Méditerranée, et en 2014, 170 000 sont arrivés par cette voie dans l’Union européenne.

On ne peut pas détourner les yeux de ce drame humain ; il faut agir et proposer des réponses au niveau européen. Le ministre de l’intérieur vient de rappeler dans quel cadre nous pourrons agir, c’est-à-dire sous couverture des Nations unies, le plus rapidement possible, parce que ce sera une opération longue et difficile.

Mais il faut aussi des principes clairs, comme vous le rappeliez, et éviter les amalgames, notamment entre le droit d’asile et l’immigration irrégulière.

M. Alain Marsaud. Amen !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Il y a, d’une part, l’immigration irrégulière, motivée principalement par des raisons économiques, mais liée aussi à la situation d’un certain nombre de pays. En la matière, la France est évidemment hostile à toute idée de quotas.

M. Alain Marsaud. C’est nouveau !

M. Luc Chatel. Ce n’est pas ce qu’a dit M. Cazeneuve !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Je le dis au cas où il y aurait eu de la confusion dans l’esprit de nos concitoyens. Il ne saurait être question que les États membres de l’Union européenne se répartissent des migrants qui n’ont aucun droit juridique au séjour. Dès leur entrée sur le territoire de l’Union européenne, les migrants irréguliers doivent faire l’objet de procédures de reconduite vers leur pays d’origine, et il ne faut laisser aucune prise aux filières d’exploitation de la misère humaine, lesquelles recherchent toujours plus de profits.

Il y a, d’autre part, le droit d’asile, qui est un droit reconnu par les conventions internationales, par la Constitution française, et que nous devons appliquer. Nous sommes en train de réformer ce droit pour gagner en efficacité. L’asile est accordé sur le fondement de critères. Par conséquent, par définition, le nombre de ses bénéficiaires ne peut faire l’objet de quotas. Ce serait d’ailleurs une faute morale et éthique que d’aller dans cette voie.

Cette distinction entre immigration irrégulière et asile est fondamentale.

M. Claude Goasguen. Ce sont les mêmes personnes !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Concrètement, cette situation appelle des réponses au niveau européen sur deux bases.

La première est la responsabilité : les pays d’entrée doivent faire face à leurs obligations d’interception et d’identification des migrants, d’analyse des motifs de leur venue en Europe, et de reconduite effective – même si ce n’est pas facile – vers leur pays d’origine de ceux qui ne relèvent pas de l’asile.

La deuxième base est la solidarité. Tous les pays de l’Union européenne doivent être mobilisés et solidaires. Je l’ai dit samedi dernier à Menton, en compagnie du ministre de l’intérieur, cinq pays – la France, l’Italie, l’Allemagne, le Royaume-Uni et la Suède – gèrent les trois quarts des demandes d’asile en Europe. Dès lors, il faut une répartition réfléchie, équitable, sur l’ensemble des demandeurs d’asile, mais qui tienne compte de ces chiffres.

Monsieur le député, la France respecte ses engagements en matière d’accueil des réfugiés – ce travail est mené notamment avec le HCR, et nous continuerons à le faire. Je vous rappelle que la France a accueilli 5 000 réfugiés syriens et 4 500 réfugiés irakiens depuis 2012.

En outre, la France agit de manière globale. Elle agit en Afrique, pour répondre au défi sécuritaire – Bernard Cazeneuve rappelait son déplacement récent au Cameroun et au Niger –, notamment face au terrorisme, dont les populations locales sont les premières victimes.

M. Bernard Accoyer. En somme, ce sont tous des demandeurs d’asile !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Elle agit aussi, et c’est là un enjeu majeur pour l’Union européenne, pour le renforcement de la coopération et de l’aide au développement, au-delà même de ce qui a déjà été fait. Il n’y a pas, en la matière, de solution simple, automatique, facile.

Nous avons aussi besoin de plus d’Europe. Attention, à cet égard, aux idées hasardeuses sur un « Schengen II ». Il faut faire évoluer Schengen, mais dire que l’on remettrait en cause les mécanismes européens est proprement irresponsable.

M. Luc Chatel. Pourquoi donc ?

M. Manuel Valls, Premier ministre. Nous avons besoin d’une action cohérente, de longue portée, soutenue par tous les pays de l’Union européenne. Elle doit être mise en œuvre, et la France le fait avec fierté et détermination. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur certains bancs du groupe écologiste.)

AREVA

M. le président. La parole est à M. Denis Baupin, pour le groupe écologiste.

M. Denis Baupin. Monsieur le ministre de l’économie, la situation d’AREVA est catastrophique.

M. Bernard Accoyer. À qui la faute ?

M. Denis Baupin. Longtemps présentée comme un fleuron industriel, elle est aujourd’hui au bord de la faillite.

M. Bernard Accoyer. Vous êtes les fossoyeurs du nucléaire !

M. Denis Baupin. Selon le New York Times, si cette entreprise n’était pas quasi publique, elle serait aujourd’hui en banqueroute.

Mme Claude Greff. C’est vous qui l’avez fragilisée !

M. Denis Baupin. Face à cette situation, on évoque un meccano industriel perdant-perdant avec EDF, une recapitalisation par les contribuables, des prises de participation par la Chine – alors qu’on nous vantait l’indépendance française –, sans oublier les impacts sociaux et sur la sûreté.

Pour autant, on a du mal à percevoir la stratégie industrielle qui préside à ces choix. Surtout, on se demande si le diagnostic posé sur la faillite d’AREVA prend réellement en compte l’évolution du monde autour de nous.

M. Bernard Accoyer. C’est l’hôpital qui se moque de la charité !

M. Denis Baupin. Monsieur le ministre, constatez-vous comme nous le développement exponentiel des énergies renouvelables, la chute de leur coût, les innovations en matière de stockage, de réseaux intelligents ? Constatez-vous comme nous que, à l’inverse, la part du nucléaire dans l’électricité ne cesse de chuter – 2 % en Chine – et que son coût, lui, ne cesse de grimper ?

Mme Claude Greff. C’est ce que vous avez voulu !

M. Denis Baupin. Monsieur le ministre, vous n’allez pas proposer à Orange de relancer le minitel ! Vous n’allez pas proposer à Air France de relancer le Concorde ou les avions renifleurs ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Patrick Ollier. C’est ridicule !

M. Bernard Accoyer. Ces comparaisons sont honteuses !

M. Denis Baupin. Dans le domaine de l’énergie aussi, nos entreprises doivent tirer les conséquences de la profonde rupture technologique qui s’opère dans le monde, particulièrement au moment où nous allons voter une loi historique pour la transition énergétique.

M. Jean-Luc Laurent. Pourquoi pas la bougie ?

M. Denis Baupin. Nous connaissons tous des entreprises qui, comme Kodak, sont mortes de n’avoir pas su s’adapter, ou d’autres comme E.ON qui ont réussi à se sauver en prenant le bon virage. La question n’est plus de savoir si la révolution énergétique aura lieu, mais si nous en serons acteurs ou victimes. Décidons enfin, monsieur le ministre, de faire de nos entreprises des champions des énergies d’avenir en sortant progressivement des énergies fossiles et fissiles. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.)

M. Bernard Accoyer. Voilà ce que sont vos alliés, monsieur le Premier ministre !

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Bernard Accoyer. Courage !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur le député, il y a plusieurs questions sur le sujet d’AREVA, et c’est normal. Alain Vidalies aura d’ailleurs l’occasion de répondre lui aussi. Mais je veux vous dire que le Gouvernement suit avec la plus grande attention la situation du groupe AREVA.

M. Étienne Blanc. Nous voilà rassurés !

M. Manuel Valls, Premier ministre. C’est un sujet sérieux !

Ce groupe rencontre des difficultés profondes qui se sont traduites par des pertes très lourdes au titre de l’exercice 2014. On le sait, AREVA souffre d’une conjoncture dégradée du marché nucléaire mondial depuis l’accident de Fukushima,…

Mme Claude Greff. Et d’une mauvaise gestion !

M. Manuel Valls, Premier ministre. …mais aussi, ne nous voilons pas la face, de problèmes structurels importants et de problèmes de management incontestables.

Mme Claude Greff. C’est clair !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Cette situation dure depuis des années, il faut donc être extrêmement lucides. Cependant, je vous invite, monsieur Baupin, à faire attention au choix des mots, notamment lorsque l’on parle de faillite d’une grande entreprise comme AREVA.

Notre rôle, celui des pouvoirs publics, est de remettre le groupe sur pied car ces difficultés, que nous devons tous regarder avec lucidité, ne doivent pas faire oublier les compétences uniques des hommes et des femmes qui travaillent pour cette grande entreprise. (Applaudissements sur certains bancs du groupe SRC.)

M. Bernard Accoyer. Très bien !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Ces compétences sont un enjeu essentiel pour la France, car nous aurons besoin d’une filière nucléaire en ordre de marche (applaudissements sur certains bancs des groupes SRC, UMP et UDI) pour répondre aux enjeux du parc nucléaire national, dans le cadre que définit le projet de loi sur la transition énergétique et la croissance verte.

C’est aussi un enjeu pour répondre aux opportunités qui existent à l’international – en Chine, au Royaume-Uni ou ailleurs. C’est la raison pour laquelle, quand on est un responsable public, parlementaire ou président de je ne sais quelle structure, il faut être attentif aux mots que l’on prononce quand on parle de la filière nucléaire française, notamment par rapport au marché international.

La priorité est de retrouver les conditions d’une situation économique soutenable, et cela passe par une restructuration sociale qu’il faut avoir le courage de mener. Pour cela, le groupe a ouvert le jeudi 7 mai dernier des discussions avec les partenaires sociaux. Emmanuel Macron recevra d’ailleurs les syndicats d’AREVA le 22 mai, et François Rebsamen suit avec attention la situation du groupe. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Guy Geoffroy. Alors on court à la faillite !

M. Manuel Valls, Premier ministre. En tout état de cause, aucun licenciement en France n’est envisagé, et les sites de production doivent être préservés.

M. Pascal Terrasse. Très bien !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Ce plan de performance et de compétitivité, en cours d’élaboration par l’entreprise, est absolument indispensable. C’est un préalable à toute autre mesure, notamment financière, qui ne peut être envisagée sans s’appuyer sur un retour à des conditions économiques viables pour le groupe.

Mais le Gouvernement travaille également à la refondation de la filière nucléaire des réacteurs, car c’est la clé. Le président d’EDF a un certain nombre de propositions à faire, ce plan doit par ailleurs accompagner un recentrage stratégique, et si nécessaire des cessions correspondantes qui seront une étape importante pour assurer le redressement d’AREVA et la pérennité de la filière.

La loi de transition énergétique a déjà été votée à l’Assemblée nationale et au Sénat, et revient à l’Assemblée en nouvelle lecture. Elle prévoit un mix énergétique qui fait évidemment la part aux énergies renouvelables, qui baisse la part du nucléaire dans la production électrique, mais qui ne met en rien en cause cette filière dont le pays a besoin, pour lui-même mais aussi pour peser dans le monde. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

AREVA

M. le président. La parole est à M. Julien Aubert, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Julien Aubert. Monsieur le Premier ministre, le 7 mai dernier, suscitant l’inquiétude de ses employés, AREVA annonçait la suppression de 5 000 à 6 000 postes dans le monde, dont – contrairement à ce que vous avez dit – 3 000 à 4 000 en France.

La centrale du Tricastin, qui se trouve en lisière du département du Vaucluse, est notamment concernée.

Je viens d’entendre votre intervention concernant les moyens pour sauver AREVA, mais je voudrais que vous ouvriez les yeux sur vos responsabilités idéologiques en la matière ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Premièrement, AREVA paie les erreurs stratégiques d’Anne Lauvergeon, inspiratrice de François Hollande pendant sa campagne sur les sujets énergétiques, au point d’avoir été approchée en avril 2014 pour rentrer dans votre gouvernement à la place occupée actuellement par Emmanuel Macron.

Or, elle fait aujourd’hui l’objet de deux enquêtes, dont une de la Cour des comptes, sur les conditions d’achat d’UraMin.

Quelles leçons politiques tirez-vous de cette gestion catastrophique ?

Deuxièmement, AREVA souffre de l’explosion du coût de l’EPR de Flamanville, ce dont vos amis écologistes aiment faire état pour justifier la sortie du nucléaire.

Mais comment ne pas reconnaître que ce dérapage financier résulte de dix ans de surenchère sécuritaire sur le nucléaire de la part de ces mêmes écologistes – le fameux Minitel vert ?

Troisièmement, AREVA est la vitrine d’une technologie que le projet de loi sur la transition énergétique discrédite aux yeux du monde en programmant, sous dix ans, la fermeture des vingt-deux réacteurs les plus anciens, c’est-à-dire ceux qui constituent la filière MOX.

À partir d’aujourd’hui, nous examinons en nouvelle lecture ce projet de loi qui veut nous imposer des objectifs intenables.

Ouvrez les yeux ! Monsieur le Premier ministre, vous allez acter l’arrêt de 80 % des réacteurs fonctionnant au MOX, ce qui équivaut à tirer un trait sur 10 % du chiffre d’affaires d’AREVA.

Vous voulez rendre un service aux milliers d’employés d’AREVA ? Envoyez un signal positif au monde sur la filière nucléaire ! Cessez de jouer au pompier pyromane ou, devrais-je dire, au pompier mythomane ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. François Loncle. Niveau zéro !

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

Mme Claude Greff. Plus aucun ministre ne répond !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur le député, il est des sujets, notamment celui de notre filière nucléaire et de cette grande entreprise qu’est AREVA – elle l’est en particulier grâce à ses salariés – qui font l’admiration du monde entier. Pour ceux qui, comme vous, connaissent ses sites, c’est une réalité.

De tels sujets, monsieur le député, méritent mieux que ce type de questionnement…

M. Henri Emmanuelli. Oui ! Absolument ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Manuel Valls, Premier ministre. …et ces allusions politiques.

Au lieu de faire diversion en évoquant je ne sais quel débat idéologique, vous auriez dû vous concentrer sur la question industrielle.

Mme Claude Greff. Le Premier ministre est embêté !

M. Manuel Valls, Premier ministre. C’est en effet elle qui, d’abord, intéresse les salariés, notre économie et notre pays.

M. Pascal Terrasse. Absolument !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Face à cette situation, notamment à celle que connaissent les salariés (Protestations sur les bancs du groupe UMP)…

M. le président. Je vous prie d’écouter la réponse qui vous est faite, monsieur Aubert !

M. Manuel Valls, Premier ministre. …qui relève non seulement de constats objectifs – je les ai rappelés – mais aussi d’incontestables problèmes de management particulièrement graves, la responsabilité du Gouvernement est de trouver les bonnes solutions avec les directions d’AREVA et d’EDF et dans un dialogue avec d’autres entreprises – je pense à celle qui, désormais, s’appelle Engie.

C’est ce que nous sommes en train de faire, sur la base de propositions qui seront faites par les responsables d’EDF et d’AREVA afin de trouver la solution la meilleure pour la filière nucléaire française. C’est cela seul qui doit nous guider, vous et nous, et non je ne sais quelle polémique.

Par ailleurs, je l’ai rappelé tout à l’heure, le Parlement a déjà voté en première lecture la loi relative à la transition énergétique – vous pouvez être en désaccord, vous vous y êtes d’ailleurs opposés dans cet hémicycle, et c’est tout à fait votre droit – et c’est ce mix énergétique, cette place que nous accordons à la fois aux énergies renouvelables et à l’énergie nucléaire qui fait la force de la France.

M. Dominique Dord. Des mots !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Je continuerai à le dire ici : je suis convaincu que la filière nucléaire a un avenir (Exclamations sur les bancs du groupe UMP et applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC), que c’est une force pour notre pays et que, plutôt que de polémiquer et de chercher je ne sais quelle querelle, nous devons bâtir ensemble une filière qui doit épouser les évolutions du monde, les nouveaux marchés, et qui doit surtout répondre à l’attente des salariés. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Avenir de la filière nucléaire

M. le président. La parole est à M. Franck Reynier, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

M. Franck Reynier. Monsieur le Premier ministre, ma question s’inscrira dans le prolongement des deux dernières, preuve que le groupe AREVA préoccupe aujourd’hui notre Parlement.

Vous l’avez rappelé, nous sommes en plein débat sur la transition énergétique.

Au nom du groupe UDI, je tiens à répéter que nous soutenons l’émergence d’une croissance verte.

Nous souhaitons également affirmer avec force que nous voulons un modèle écologique et énergétique dont les enjeux soient forts en termes d’économies et d’emplois.

Notre politique énergétique doit aussi s’appuyer sur nos secteurs d’excellence et la filière nucléaire fait partie des secteurs d’excellence français.

AREVA, fleuron de notre industrie nationale, traverse une période de crise sans précédent, une crise – vous l’avez rappelé – dont les causes sont assurément internes, mais résident surtout dans les difficultés rencontrées lors la mise en œuvre de l’EPR.

Pourtant, monsieur le Premier ministre, notre parc nucléaire a vocation à évoluer, à s’adapter, à s’améliorer, à se renouveler aussi.

Sur ces points, le Gouvernement reste très discret, voire muet. Permettez-moi donc de vous interroger, alors que cette filière nucléaire représente un atout reconnu pour notre compétitivité – et je sais combien vous souhaitez que notre pays soit compétitif.

L’État détient 87 % du capital d’AREVA. Le Gouvernement doit donc prendre ses responsabilités et envoyer un message clair aux acteurs de la filière nucléaire ainsi qu’aux salariés inquiets pour leur emploi et pour l’avenir de ce secteur.

Aussi, monsieur le Premier ministre, quelle est la volonté du Gouvernement concernant le groupe AREVA ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche.

M. Alain Vidalies, secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche. Monsieur le député, je tiens d’abord à vous remercier pour le ton que vous avez employé.

M. François Rochebloine. C’est un UDI !

M. Alain Vidalies, secrétaire d’État. Vous avez posé votre question dans des termes qui permettent de nourrir un débat démocratique, riche et compris par l’ensemble des salariés de ce grand groupe qu’est AREVA.

Les principes ont été posés dans la loi relative à la transition énergétique que nous examinerons tout à l’heure en nouvelle lecture.

La position du Gouvernement, de la majorité et, au-delà, de ceux qui ont soutenu ce texte en première lecture, est très claire : la loi relative à la transition énergétique a confirmé que le nucléaire restera un pilier essentiel de notre mix électrique décarboné et que sa part sera réduite à 50 %.

Cet objectif-là ne doit pas être caricaturé et encore moins faire l’objet de je ne sais quel petit débat politique. Il s’agit d’un objectif extrêmement important du point de vue de l’excellence environnementale et du point de vue industriel.

Le Premier ministre a fait part de notre réponse : oui, il s’agit d’une filière d’avenir ; oui, le Gouvernement examine les conséquences de la situation préoccupante d’AREVA !

Les solutions à y apporter doivent être industrielles, avec pour objectif de ne pas licencier de salariés, et un engagement : inscrire la reprise d’AREVA ou d’une partie de son activité dans la loi sur la transition énergétique.

Vous menez un faux débat : il est possible d’affirmer à la fois l’importance de notre filière nucléaire et un engagement en matière d’énergies renouvelables. Ce sont là deux projets industriels qui sont communs, qui sont forts pour la France, cette France à laquelle aspirent ce gouvernement et cette majorité ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Navires Mistral

M. le président. La parole est à M. Philippe Vitel, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Philippe Vitel. Monsieur le ministre de la défense, la livraison à la Russie de deux bâtiments de projection et de commandement type Mistral est suspendue depuis novembre 2014. Le délai dit de « force majeure » ayant expiré le 16 mai, la presse russe rapporte que la France aurait officiellement proposé à Moscou de résilier le contrat et de rembourser les sommes déjà versées par la Russie, soit environ 890 millions d’euros.

Le Kremlin réclame, lui, près de 1,163 milliard d’euros, évoquant les frais engagés par la Russie comprenant le coût de déplacement et de formation des 400 marins russes à Saint-Nazaire, de leur rapatriement en Russie, des équipements russes à bord des bateaux et des coûts d’installation des plates-formes de réception des bateaux sur les docks russes.

Monsieur le ministre, au-delà des inconnues de la transaction financière actuelle, plusieurs questions restent en suspens concernant l’impact économique de cette impasse commerciale sur notre industrie de défense.

En premier lieu, la COFACE et le ministère du budget sont-ils prêts à rembourser à DCNS et à STX 100 % des coûts engagés ?

M. Alain Marsaud. Avec quels sous ?

M. Philippe Vitel. Deuxième question majeure, les Russes vont-ils, oui ou non, nous autoriser à revendre les bateaux à une autre marine ?

M. Alain Marsaud. À qui ?

M. Philippe Vitel. Si la réponse est oui, qui devra prendre en charge la réadaptation des navires – DCNS ou l’État français – et qui serait chargé des travaux – DCNS ou d’autres opérateurs, éventuellement étrangers ? Le problème serait le même si une réponse négative devait amener à envisager une déconstruction. Enfin, étant bien conscient que, in fine, c’est bien le contribuable français qui devra mettre une fois de plus la main à la poche, et ce, après les 839 millions d’euros d’Ecomouv’, à combien estimez-vous aujourd’hui la perte financière nette pour le budget de l’État ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Nicolas Dupont-Aignan. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le ministre de la défense.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense. Monsieur le député, je sais que cette question vous intéresse beaucoup car ce n’est pas la première fois que vous m’interrogez sur ce sujet. Vous avez bien voulu rappeler l’accord commercial qui a été signé en 2011 entre la société Rosoboronexport et DCNS, qui prévoyait la livraison à la Russie de deux bâtiments de projection et de commandement – ou BPC –, l’un à l’automne 2014, l’autre à l’automne 2015. (« Ça on le sait ! » sur les bancs du groupe UMP.)

En novembre 2014, le Président de la République a décidé de surseoir jusqu’à nouvel ordre…

M. Claude Goasguen. Une erreur !

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. …à l’examen de la demande d’autorisation nécessaire à l’exportation du premier BPC à la Fédération de Russie.

Plusieurs députés du groupe UMP. Scandale !

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Il considère en effet que la situation dans l’est de l’Ukraine ne permet pas aujourd’hui la livraison de ce navire à la Russie.

M. Bernard Deflesselles. Qu’est-ce qu’on fait ?

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Le Président de la République, lorsqu’il prendra sa décision (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP), et ce n’est pas le cas à cette heure (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP), le fera en toute connaissance de cause (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP), compte tenu à la fois de la situation internationale, mais aussi des conséquences industrielles et commerciales. Il est bien entendu qu’il est de la responsabilité du Gouvernement d’évaluer les différents scénarios et les conséquences, ce que nous faisons.

M. Bernard Deflesselles. Bravo ! (Sourires.)

M. Alain Marsaud. C’est le grand muet !

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. J’ajoute, monsieur le député, qu’à ce stade, il n’y a pas d’accord avec la partie russe. Un tel accord ne pourrait être que la conséquence d’une décision souveraine du Président de la République. Notre priorité va à la stabilisation sécuritaire en Ukraine et nous nous y employons avec beaucoup de ténacité. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Un député du groupe UMP. Et voilà : 1 milliard d’euros coulés !

M. le président. Merci, monsieur le ministre, de cette réponse précise.

Caisses d’assurance retraite et de la santé au travail

M. le président. La parole est à M. Rémi Pauvros, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Rémi Pauvros. Madame la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, avant toute chose, je voudrais vous dire que nous avons été plusieurs à être particulièrement sensibles aux propos que vous avez tenus ce matin lors de l’inauguration du salon consacré au handicap et à la mobilité, organisé par la Fédération hospitalière de France, au soutien que vous apportez à l’hôpital public et au fait que vous ayez confirmé que des moyens supplémentaires seraient prévus dans les budgets futurs.

Ma question porte sur un problème douloureux, évoqué à plusieurs reprises dans cette enceinte, qui a touché un bon nombre de futurs retraités qui ont attendu trop longtemps la régularisation de leurs dossiers avant de pouvoir toucher leur retraite.

Vous y avez répondu le 3 mars dernier en annonçant un certain nombre de mesures, en particulier le versement d’une prime de 800 euros, le règlement d’un certain nombre de dossiers, le transfert de dossiers dans d’autres régions. Dans la région Nord-Pas-de-Calais, alors que 15 000 dossiers étaient en retard, nous en sommes aujourd’hui à 2 000 ou 3 000 et, en Languedoc-Roussillon, où l’on en dénombrait 5 000, on n’en compte plus que 1 200.

Pour autant, le problème n’est pas résolu, en raison notamment de la courbe démographique due au baby-boom de l’après-guerre qui va accentuer la demande très forte de la part de la population concernée et également parce que nous avons pris une mesure remarquable permettant à 110 000 bénéficiaires de la retraite à 60 ans de déposer leurs dossiers pour des carrières longues.

Quelles mesures nouvelles pouvez-vous, madame la ministre, nous annoncer pour permettre d’assurer à ces personnes le règlement de leur retraite dans de bonnes conditions ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes. Monsieur le député, merci pour les propos que vous avez tenus sur l’hôpital public. Le Gouvernement soutient en effet l’hôpital public car celui-ci est une institution forte de notre république sociale à laquelle nos concitoyens sont attachés et qui répond à notre engagement sur ce point.

M. Michel Terrot. Le privé peut crever !

Mme Marisol Touraine, ministre. De même, la retraite fait partie des piliers de la république sociale. Dans votre région, le Nord-Picardie, ou en Languedoc-Roussillon, des hommes et des femmes qui venaient de prendre leur retraite ont été confrontés à des retards insupportables qui les ont amenés à rester plusieurs mois sans toucher leur pension.

J’ai donc pris un certain nombre de mesures. Dès le mois de novembre dernier, j’ai renforcé les moyens en gestion pour que les caisses d’assurance retraite et de la santé au travail, les CARSAT, sortent de la crise et j’ai fait en sorte que les retraités sans ressources touchent une aide exceptionnelle de 800 euros par mois non remboursables.

La situation s’est nettement améliorée, mais comme vous l’avez dit, nous devons veiller à ce qu’elle ne se reproduise pas, ni chez vous, ni en Languedoc-Roussillon, ni ailleurs.

C’est pourquoi, à partir des conclusions du rapport que j’avais commandé à l’Inspection générale des affaires sociales, je vais mettre en place un droit opposable à la retraite du régime général. Concrètement, dès la rentrée prochaine, et partout en France, tout dossier complet de retraite déposé quatre mois avant la date prévue de départ à la retraite devra être traité dans les temps et si tel n’est pas le cas, les caisses commenceront par verser automatiquement le montant rapidement estimé de la retraite afin d’éviter des situations où les retraités se retrouvent sans aucune ressource. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, RRDP et écologiste.)

Vous le voyez, monsieur le député, le Gouvernement prend des mesures fortes, notamment de soutien aux caisses, car il est attentif à la situation des retraités, partout en France. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC, des groupes RRDP et écologiste.)

Représentativité des élus

M. le président. La parole est à M. Jean Lassalle, au titre des députés non inscrits.

M. Jean Lassalle. Monsieur le Premier ministre, comme chacun d’entre nous, je suis impressionné, dimanche après dimanche, par les niveaux atteints par l’abstention et le vote désespéré de nos concitoyens. Dans notre univers complexe, les raisons en sont bien entendu multiples et les solutions difficiles à cerner, et bien plus encore à mettre en œuvre.

La réalité est que nous n’intéressons malheureusement plus un peuple souverain qui est pourtant passionné par la politique. Notre alignement, depuis un bon quart de siècle, sur la pensée unique n’y est certainement pas étranger. Il n’y a plus de débat de fond. Cette situation alimente jour après jour les approches simplistes et la tentation populiste.

À l’approche des grandes échéances, vous vous apprêtez certainement à proposer quelques palliatifs, telle une petite dose de proportionnelle ou le vote obligatoire, lequel constitue à mes yeux le niveau zéro de la démocratie.

M. Jacques Myard. Très bien !

M. Jean Lassalle. Je suggère de réfléchir à des dispositifs qui rendraient de manière crédible l’accès au suffrage universel et nous placeraient sur un plan d’égalité au lendemain de la perte du mandat. L’échec électoral n’a pas forcément le même écho, ni les mêmes conséquences, pour le petit fonctionnaire, l’agriculteur, l’ouvrier – espèces en voie de disparition dans cet hémicycle – ou pour un patron de PME, un directeur d’association, voire un étudiant, que pour ceux d’entre nous qui peuvent immédiatement réintégrer leurs corps d’origine.

Si cet objectif est difficile à atteindre dans un premier temps, il aurait au moins le mérite de casser l’image d’une trop grande consanguinité entre principaux décideurs politiques et hauts fonctionnaires, donnant trop souvent un sentiment d’oligarchie. (Applaudissements sur plusieurs bancs.)

Monsieur le Premier ministre, cette question vous semble-t-elle susceptible d’être approfondie et, si tel est le cas, quand et de quelle manière ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement.

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le député, comme de nombreux parlementaires, vous vous interrogez sur la manière dont nous pourrions améliorer le fonctionnement de nos institutions, de notre vie politique et répondre aux interrogations – certains parlent de « crise démocratique latente » – qui s’expriment dans notre pays. Sur ces sujets, les réflexions sont évidemment nombreuses.

Vous avez abordé la question de la représentation. Nous avons vu la manière dont vous vous êtes impliqué personnellement dans ce lien entre les Français et vous-même, dans votre travail de parlementaire, d’une façon à la fois originale et très intéressante.

Vous évoquez maintenant, avec cette question de la représentation, la manière dont se constitue la représentation nationale, avec les différentes carrières et les différents statuts des parlementaires. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Christian Jacob. Encore une question sans réponse !

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d’État. Vous vous interrogez sur une surreprésentation, peut-être plus importante à une certaine époque qu’aujourd’hui, de la haute fonction publique dans notre vie politique.

M. Bernard Deflesselles. Vous jouez la montre !

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d’État. Sur cette question, de nombreux parlementaires, sur tous les bancs, ont déjà réfléchi et fait un certain nombre de propositions.

M. Claude Goasguen. Au fait !

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d’État. Bien évidemment, puisqu’il y a ici de très nombreux parlementaires qui semblent sensibles à votre démarche, j’imagine qu’ils seront nombreux à faire très rapidement une proposition de loi dans le sens que vous proposez et qu’ils soumettront à cette assemblée, pour qu’elle en débatte, l’évolution qu’ils semblent vouloir. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

S’agissant du statut des députés, vous comprendrez bien la prudence du Gouvernement. Je vous suggère donc de voir les nombreux parlementaires…

M. le président. Monsieur le secrétaire d’État, je vous remercie. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean Glavany. Quel talent !

Réforme du collège

M. le président. La parole est à M. Frédéric Reiss, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Frédéric Reiss. Monsieur le Premier ministre, la loi Fillon a instauré le socle commun de connaissances et de compétences, une avancée majeure à l’ère du numérique. La loi de refondation de l’école l’a confirmé en y adjoignant la culture. La réforme des rythmes scolaires et, aujourd’hui, celle du collège semblent cependant oublier 1’importance des apprentissages fondamentaux à l’école.

Mme la ministre de l’éducation nationale s’en défend et dit vouloir remettre la méritocratie au cœur du dispositif. Or, elle fait tout le contraire.

Il est totalement incompréhensible de vouloir supprimer les classes bilangues dans les collèges, alors qu’elles donnent d’excellents résultats, y compris dans le réseau d’éducation prioritaire.

Les sections européennes créées en 1992, qui permettent dès la classe de quatrième d’acquérir une aisance linguistique et culturelle remarquable, sont malheureusement vouées à disparaître. On comprend pourquoi Jack Lang, qui était alors ministre de l’éducation nationale, se demande : « Pourquoi commencer par casser ce qui marche ? »

Aujourd’hui, un autre ancien ministre, Jean-Pierre Chevènement, affirme avec raison que « l’école a besoin de stabilité ». Le corps enseignant, dans sa grande majorité, ne souhaite pas une remise en cause du temps disciplinaire au profit des enseignements pratiques interdisciplinaires. La réforme va se faire au détriment non seulement de l’apprentissage des langues vivantes, mais aussi du français, des mathématiques et de l’histoire.

C’est pourquoi de nombreux enseignants sont en grève aujourd’hui pour dire leur incompréhension et leur désarroi.

Monsieur le Premier ministre, nous sommes loin du conflit gauche-droite dans lequel vous voulez enfermer cette réforme. Aussi le groupe UMP propose-t-il, conformément à l’article 50, alinéa 1, de la Constitution, un débat public sur le sujet.

Monsieur le Premier ministre, êtes-vous prêt à revoir votre copie ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Guy Geoffroy. Et à tenir un débat, surtout !

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche.

M. Guy Geoffroy. Elle va nous lire la même fiche ?

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le député, toutes les enquêtes internationales nous montrent que les petits Français ont du retard en langues vivantes étrangères. (« Eh oui ! » sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

M. Patrick Hetzel. Et ça ne va pas s’arranger !

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Faut-il que je vous le rappelle ici, dans cette assemblée ? Selon la dernière enquête du Test of English as a foreign language – TOEFL –, sur 100 pays qui nous entourent, la France apparaît en soixante-dixième position pour ce qui est de la maîtrise par ces enfants des langues vivantes étrangères.

C’est la raison pour laquelle nous avons décidé de nous saisir de ce sujet et de faire en sorte que soient apprises dès la classe de CP, à l’école primaire, la première langue vivante étrangère et dès la classe de cinquième, au collège, la deuxième langue vivante étrangère.

Nous sommes très attachés au développement des langues vivantes étrangères, …

M. Claude Goasguen. Et de l’histoire ?

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. …car nous estimons que c’est une compétence fondamentale que devra maîtriser l’enfant, l’élève, le jeune, dans le monde qui l’attend, quelle que soit par ailleurs la filière professionnelle qu’il choisira. On sait très bien aujourd’hui qu’il faut maîtriser l’anglais, que l’on soit dans une filière générale, professionnelle ou technique. Il en va de même avec les autres langues vivantes étrangères.

Nous avons donc intérêt, comme je l’ai annoncé ici à de multiples reprises, à avoir une politique pilotée nationalement de développement des langues étrangères sur tout le territoire, afin de ne pas laisser ces choses se décider en fonction, tantôt de la bonne volonté d’un recteur, et tantôt de la proximité géographique.

C’est la raison pour laquelle vous aurez, à l’automne prochain, une carte académique des langues, qui garantira sur tout le territoire que les enfants aient accès à une autre langue que l’anglais en langue vivante 1.

M. Claude Goasguen. Avec quels enseignants ? Vous avez des postes ?

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Je rappelle ici que la réforme du collège apporte à cet égard de nombreuses garanties, car les enfants qui ont appris une langue vivante 1 autre que l’anglais en CP pourront accéder à l’anglais comme langue vivante 2 dès la classe de sixième. En d’autres termes, vous voyez bien que le fameux « bilanguisme » que vous nous reprochez de faire disparaître est maintenu dans ce cas, parce que c’est intelligent pour développer la diversité des langues. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Soutien aux sociétés exportatrices

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Le Roch, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Jean-Pierre Le Roch. Ma question s’adresse à M. le secrétaire d’État chargé du commerce extérieur.

Mercredi 13 mai, l’Assemblée a adopté, à l’unanimité, la proposition de loi visant à instaurer une dérogation aux délais de paiement interentreprises pour les activités de grand export, fruit d’un travail que j’ai mené avec ma collègue Chantal Guittet, députée du Finistère, que je souhaite associer à cette question.

La loi de modernisation de l’économie, dite LME, renforcée par la loi Hamon, a permis d’encadrer les délais de paiement entre entreprises, lesquels ne peuvent plus excéder soixante jours à compter de la date d’émission de la facture – disposition confirmée par une directive européenne de 2011.

Cette disposition apporte une sécurité bienvenue aux TPE et aux PME ; il n’est donc nullement question de la remettre en cause. Cependant, elle pose un problème de taille pour les sociétés de négoce pratiquant le grand export : celles-ci doivent composer avec des délais de paiement hors Union européenne significativement longs, parfois de plus de 150 jours. Elles doivent ainsi rémunérer leurs fournisseurs français immédiatement mais accepter d’être elles-mêmes payées par leurs clients bien plus tard. Cette situation entraîne des frais de trésorerie, une perte de compétitivité et, à terme, détruit des emplois.

Nous avons proposé d’assouplir l’encadrement réglementaire pour ce cas très particulier : ainsi, les délais de paiement s’élèveront à 90 jours pour une PME et à 120 jours s’il s’agit d’une grande entreprise.

Donner cette facilité aux sociétés de négoce aura des répercussions sur le développement international de nos entreprises, notamment les PME. En effet, celles-ci ont aujourd’hui des difficultés à se lancer à l’international, ce qui est une faiblesse pour l’économie française, notamment par rapport à ses partenaires européens.

Monsieur le secrétaire d’État, vous avez annoncé à la mi-mars une série de mesures créant un « parcours simplifié de l’export » pour nos entreprises. Pouvez-vous détailler à la représentation nationale les contours de ce dispositif ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l’étranger.

M. Matthias Fekl, secrétaire d’État chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l’étranger. Monsieur le député, les difficultés qu’ont nos petites et moyennes entreprises à exporter constituent un défi structurel pour notre économie. Vous le savez, le Gouvernement comme la majorité ont au cœur de leurs préoccupations la volonté de faciliter la vie des petites et moyennes entreprises, qui créent les richesses et l’emploi dans nos territoires.

Les constats sont connus : nous avons deux fois moins d’entreprises exportatrices que l’Italie, trois fois moins que l’Allemagne, et nos PME ont du mal à se projeter dans la durée – M. Bacquet, président d’UBIFRANCE, connaît parfaitement ce problème.

Dans ce cadre, vous avez, monsieur le député, avec Mme Guittet et plusieurs députés du groupe majoritaire, lancé une initiative parlementaire. Ce travail de très grande qualité permet de conforter nos sociétés de négoce et d’éviter des risques de délocalisation qui auraient eu un impact évident et immédiat sur nos PME, lesquelles sont un bras armé très important à l’export.

Vous avez rappelé les contours de cette proposition de loi et les garde-fous qu’elle pose. Ce texte, adopté à l’unanimité par cette assemblée, répond ainsi concrètement à un certain nombre de préoccupations qui se sont fait jour.

Du reste, ce dispositif est en parfaite cohérence avec l’action du Gouvernement en matière de simplification pour les PME, pour les entreprises et pour les ménages. C’est aussi totalement cohérent avec notre volonté d’aider nos PME à croître pour devenir des entreprises de taille intermédiaire, et avec le travail que j’ai engagé concernant l’export : guichet douanier unique, qui sera effectif pour les PME à la fin de cette année ; parcours unifié à l’export, pour que l’on sache qui fait quoi à chacune des étapes ; volonté de conforter le volontariat international en entreprise, avec 10 000 VIE d’ici à 2017. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SRC.)

Situation financière des communes rurales

M. le président. La parole est à Mme Valérie Lacroute, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

Mme Valérie Lacroute. Monsieur le Premier ministre, le monde rural souffre, les collectivités râlent. Chaque jour, vos décisions conduisent plus sûrement à la catastrophe budgétaire. Chaque jour, dans ma circonscription très rurale, les élus me font part de leur désarroi. Depuis 2012, vous avez décidé le désengagement massif et cumulatif de l’État en réduisant les dotations ; vous avez décidé l’augmentation des charges, avec la revalorisation du salaire des fonctionnaires de catégorie C et l’augmentation des cotisations retraites – des contraintes imposées, subies par les collectivités et méconnues des Français.

Tout cela combiné au désengagement des directions départementales des territoires, qui n’instruiront plus, dès le mois de juillet, les droits des sols pour les communes rurales ; tout cela combiné à des réformes inutiles et coûteuses, comme celle des rythmes scolaires. Dans les campagnes, vous le savez, cette réforme est inapplicable, à moins d’engager des moyens importants et de recruter du personnel. Les maires ruraux n’en sont plus à la double peine socialiste, mais à la triple, voire à la quadruple peine socialiste pour boucler leur budget !

Avez-vous, monsieur le Premier ministre, mesuré l’impact de votre politique sur le monde rural ? Celle-ci pourrait bien faire basculer dans le rouge le budget de milliers de communes d’ici à 2017. Placerez-vous alors ces communes sous la tutelle des préfets ?

La plupart des maires ruraux se refusent à compenser votre politique par une augmentation de la fiscalité locale. Devront-ils alors supprimer des services publics, réduire les subventions aux associations, ou encore stopper la construction d’équipements publics ? C’est toute l’économie locale du secteur du bâtiment qui souffre.

L’effort que vous demandez aux maires ruraux est insoutenable. Après avoir imposé la réforme des rythmes scolaires, monsieur le Premier ministre, allez-vous leur imposer la suppression de services publics pour faire face aux difficultés budgétaires ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de la décentralisation et de la fonction publique.

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation et de la fonction publique. Madame la députée, un premier point sur les directions départementales : s’il n’y avait pas eu la suppression d’un poste de fonctionnaire sur deux avant 2012, nous aurions encore les équipes dans les départements pour répondre aux collectivités locales. Nous avons pris acte de cette absence – malheureusement ! – et demandé aux conseils départementaux d’y remédier par la solidarité territoriale.

Mais revenons-en plus globalement au sujet. Avec 29 000 communes de moins de 1 000 habitants, dont quelque 15 000 de moins de 500 habitants, les communes rurales n’ont plus suffisamment de bases fiscales pour agir. Mais si vous avez bien regardé le sujet avec l’Association des maires ruraux de France, dont vous reprenez les propos, vous savez que la situation n’est pas égale pour toutes puisque certaines n’ont aucun emprunt et ont une pression fiscale très basse.

Comment voulons-nous répondre ? Tout d’abord, avec plus de justice. Or plus de justice, c’est plus de péréquation. Au moment où nous avons baissé les dotations – car il est vrai que nous l’avons fait –, nous avons décidé, avec le Premier ministre et le ministre des finances, d’augmenter la dotation de solidarité rurale de 200 millions d’euros. Nous avons également décidé d’augmenter la dotation d’équipement des territoires ruraux, distribuée par les préfets, pour répondre aux besoins des communes rurales. Voilà une première réponse.

Deuxième réponse : l’intercommunalité ; troisième réponse : les Assises de la ruralité. L’engagement sur les services que nous avons pris avec Sylvia Pinel est une chose à laquelle les maires ruraux tiennent beaucoup.

Enfin, grâce à la réforme de la DGF, nous voulons répondre aux soucis des maires ruraux. Quand ils nous demandent de les doter à égalité avec les villes en nombre d’habitants, nous savons bien que c’est un leurre : si vous donnez à 300 personnes trois fois la dotation qui est donnée aux villes, vous n’obtenez qu’une toute petite somme ne permettant pas de répondre aux besoins des services. C’est pourquoi nous voulons assurer une péréquation aux communautés de communes rurales, mais aussi refaire de la DGF un instrument en faveur du milieu agricole. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures quinze, est reprise à seize heures vingt, sous la présidence de M. David Habib.)

Présidence de M. David Habib

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

3

Fixation de l’ordre du jour

M. le président. La Conférence des présidents, réunie ce matin, a arrêté les propositions d’ordre du jour suivantes.

Pour la semaine de contrôle du 1er juin : questions sur la situation économique et financière de la zone euro ; débat sur l’emploi des jeunes en Europe ; questions sur la politique de l’éducation ; débat sur l’évaluation du soutien public aux exportations ; débat sur les négociations internationales climatiques.

Pour la semaine du 8 juin : proposition de résolution européenne relative à la juste appréciation des efforts faits en matière de défense et d’investissement public dans le calcul des déficits publics ; proposition de résolution européenne appelant à une coordination des politiques européennes en matière de prévention et de lutte contre le tabac ; proposition de loi visant à protéger les sportifs de haut niveau et professionnels et à sécuriser leur situation juridique et sociale ; proposition de loi relative au statut, à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage ; proposition de loi instaurant une action de groupe en matière de discrimination et de lutte contre les inégalités ; deuxième lecture de la proposition de loi visant à la lutte contre la traite des êtres humains à des fins d’exploitation sexuelle, contre le proxénétisme et pour l’accompagnement des prostitués.

Il n’y a pas d’opposition ?…

Il en est ainsi décidé.

4

Transition énergétique

Nouvelle lecture

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion en nouvelle lecture du projet de loi, modifié par le Sénat, relatif à la transition énergétique pour la croissance verte (no2611, 2736).

La Conférence des présidents a décidé d’appliquer à cette discussion la procédure du temps législatif programmé, sur la base d’un temps attribué aux groupes de quinze heures. Chaque groupe dispose des temps de parole suivants : quatre heures dix pour le groupe SRC ; six heures vingt pour le groupe UMP ; une heure cinquante pour le groupe UDI ; cinquante-cinq minutes pour le groupe RRDP ; cinquante-cinq minutes pour le groupe écologiste ; cinquante minutes pour le groupe GDR. Les députés non-inscrits disposent d’un temps de vingt minutes.

Présentation

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie.

Mme Ségolène Royal, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie. Monsieur le président, monsieur le président de la commission spéciale, mesdames et messieurs les membres de la commission mixte paritaire, mesdames et messieurs les rapporteurs, mesdames et messieurs les députés, me voici à nouveau devant vous, après qu’en octobre dernier vous avez adopté en première lecture le projet de loi sur la transition énergétique pour la croissance verte que j’avais eu l’honneur de défendre dans cet hémicycle et que votre assemblée a enrichi de très nombreux et très judicieux apports.

Son examen par le Sénat, qui en a à son tour confirmé les orientations majeures, a également permis de préciser et de bonifier ce texte : plus de 80 % des amendements proposés lors de ce débat ont d’ailleurs fait l’objet d’un avis favorable du Gouvernement, signe de cette co-construction législative à laquelle je suis très attachée.

En remettant l’ouvrage sur le métier, le législateur ne fait pas qu’exercer la plénitude de ses attributions : il se donne tous les moyens de doter la France d’une loi qui sera la plus avancée d’Europe parce que la plus complète ; une loi qui résulte d’échanges particulièrement nourris avec toutes les parties prenantes du dialogue environnemental ; une loi porteuse d’un nouveau modèle énergétique riche de créations d’activités, de filières d’excellence et d’emplois durables ; une loi qui encourage et facilite la mise en mouvement des forces vives du pays – citoyens, territoires, entreprises –, pour qu’ensemble nous bâtissions la nation de l’excellence environnementale, une puissance écologique donnant l’exemple chez elle, capable de convaincre et d’entraîner à l’échelle européenne et à l’échelle mondiale, dans la perspective de la conférence Paris Climat de décembre prochain.

Nous aurons, durant la discussion, l’occasion de revenir sur quelques questions qui n’ont pas fait consensus entre les deux assemblées. Je suis, pour ma part, toujours ouverte à la recherche de convergences constructives et de majorités d’idées qui excèdent les frontières partisanes car je crois au pouvoir fédérateur des enjeux écologiques.

Les débats de première lecture l’ont abondamment montré : nous sommes toutes et tous convaincus ici de la nécessité de construire un nouveau modèle énergétique français pour développer, dans l’Hexagone et dans les outre-mer, les emplois nouveaux de la croissance verte et bleue, ces 100 000 emplois qui peuvent être créés rapidement dans le bâtiment, avec les chantiers de rénovation, et dans tous les secteurs de l’efficacité énergétique, des énergies renouvelables, des mobilités propres et de l’économie circulaire.

J’ai déjà eu l’occasion de vous dire à quel point il n’est, pour moi, pas question d’opposer les énergies les unes aux autres mais au contraire de mieux les équilibrer et d’organiser leur complémentarité tout en préparant l’après-pétrole. Je me réjouis donc que le rééquilibrage de notre bouquet énergétique soit aujourd’hui une conviction partagée, et que l’objectif de 40 % d’énergies renouvelables retenu par le Sénat et confirmé en commission témoigne de cette commune volonté d’aller vite et dans la bonne direction.

Je sais que vous aurez à cœur de garantir l’ambition originelle du projet de loi, en particulier en confirmant le rétablissement de l’échéance fixée à l’horizon 2025 pour ramener à 50 % la part du nucléaire, et en revenant au plafonnement de notre capacité de production nucléaire à 63,2 gigawatts que vous aviez approuvé,…

M. Denis Baupin, rapporteur de la commission spéciale. Très bien !

Mme Ségolène Royal, ministre. …cela, bien sûr, en préservant les évolutions très positives par ailleurs apportées au texte par les sénateurs et, je n’en doute pas, en y ajoutant d’autres améliorations au fil du débat qui s’ouvre.

Je ne vais pas aujourd’hui détailler une nouvelle fois devant vous, qui en avez abondamment débattu avant votre vote du 14 octobre et qui les connaissez parfaitement, les grands enjeux de ce projet de loi, les objectifs à la fois volontaristes et pragmatiques qu’il fixe à court et plus long terme en matière de réduction de notre consommation énergétique finale et de nos émissions de gaz à effet de serre, ou de montée en puissance des énergies renouvelables.

Je ne reviendrai pas non plus sur les dispositions de ses différents titres qui visent à accélérer le grand chantier de la rénovation énergétique des logements et des bâtiments, pour développer toute la gamme des mobilités propres, pour lutter contre toutes les formes de gaspillage, pour prendre le tournant de l’économie circulaire, pour développer ces énergies vertes qui, de l’éolien au solaire, de l’hydro-électricité à la biomasse, de la géothermie aux énergies marines, constituent pour tous nos territoires une ressource à valoriser et pour les outre-mer la clef de l’autonomie énergétique.

Modernisation du régime des concessions hydrauliques, renforcement de la sûreté nucléaire, simplification des procédures pour gagner en efficacité et en compétitivité sans en rabattre sur les exigences environnementales, clarification des méthodes de construction des tarifs réglementés, nouveaux instruments de programmation et de pilotage avec, en particulier, les budgets carbone, la stratégie bas carbone et la programmation pluriannuelle de l’énergie, dont j’espère qu’ils seront confortés par la mise en place d’un prix du carbone à l’échelle européenne et mondiale, renforcement du rôle des territoires et des citoyens, lutte contre la précarité énergétique : bref, autant de raisons et de façons d’agir plus efficacement ensemble.

Toutes ces dimensions du texte qui vous est soumis ainsi que la reconnaissance des spécificités et des atouts des outre-mer, dont je suis convaincue qu’ils peuvent être des territoires d’avant-garde de la transition énergétique, tout cela, donc, nous en avons minutieusement débattu et nous allons à nouveau en discuter pour donner à la mutation énergétique de la France le socle le plus solide et irréversible, l’horizon le plus clair, le cadre le plus stable et les moyens les plus efficaces.

Ce que je voudrais vous dire aujourd’hui, c’est que le mouvement est lancé. Nous n’avons pas attendu la fin du débat parlementaire pour agir concrètement.

Par exemple, en lien avec le titre Ier, celui dévolu aux grands objectifs, deux décisions prises à l’échelle européenne confortent nos choix et nos engagements.

D’abord, nous avons activement œuvré, depuis la première lecture, à la contribution de l’Union européenne à la lutte contre le changement climatique, remise en mars dernier dans le cadre de la préparation de la COP 21. Elle réaffirme l’objectif d’au moins 40 % de réduction de nos émissions de gaz à effet de serre à l’horizon 2030, par rapport aux niveaux de 1990, et précise quels gaz nocifs pour le climat et quels secteurs sont concernés.

L’Europe a pris ses responsabilités : c’est la condition de la crédibilité. Ce faisant, la France a aidé l’Europe à aller de l’avant grâce au débat que nous avons eu à l’Assemblée nationale et au vote en première lecture – et je vous en remercie.

Inversement, le choix européen conforte la stratégie choisie par la France même si nous sommes plus ambitieux en matière d’énergie renouvelable.

J’ajoute que le même Conseil européen de l’environnement a permis de progresser vers une véritable Union de l’énergie, l’un des objectifs désormais mentionnés dans le projet de loi, avec l’accord d’interconnexion électrique et gazière conclu entre l’Espagne, le Portugal, la France et la Commission européenne. C’est là un nouveau pas pour réduire notre commune dépendance énergétique, en ces temps géopolitiquement incertains, et mutualiser entre nos pays les énergies renouvelables.

Afin d’accélérer l’élaboration de cet outil de pilotage prévu par le projet de loi relatif à la transition énergétique, j’ai lancé le 9 mars dernier les travaux relatifs à la programmation pluriannuelle de l’énergie, en m’appuyant sur vos débats. Ces travaux aboutiront, d’ici la fin de cette année, à un décret et à un rapport, que vous avez voulu et qui sera présenté au Parlement.

Cette programmation, innovation importante du texte qui vous est soumis, traitera dans un cadre intégré de toutes les sources d’énergie, de la maîtrise de la demande, de la diversification et de la sécurité de nos sources d’approvisionnement, du stockage et des réseaux. Elle couvrira une première période de 2016 à 2018 puis se calera sur un cycle quinquennal.

Ce nouveau pilotage de notre système énergétique sera, comme vous l’avez aussi souhaité, attentif aux coûts, aux investissements, aux emplois et aux impacts sur les prix de l’énergie. Son élaboration sera soumise au conseil national de la transition écologique et à un comité d’experts, pour la création duquel vous avez voté en première lecture et dont le décret de constitution sera prêt pour qu’il se mette au travail avant l’été.

Par ailleurs, quelle meilleure preuve que la transition énergétique est en marche que celle des territoires à énergie positive qui ont répondu, bien au-delà de nos espérances, à l’appel à projets lancé par le ministère de l’écologie ?

Pas moins de 528 collectivités locales, de toutes sensibilités politiques, ont exprimé leur volonté de s’engager, de réduire la consommation énergétique de leurs bâtiments et les émissions de gaz à effet de serre de leurs transports, de privilégier une gestion durable des déchets, de développer les énergies renouvelables, de préserver la biodiversité, de miser sur l’éducation à l’environnement.

Pas moins de 216 territoires, ceux dont les projets sont les plus aboutis, ont été retenus comme lauréats et vont recevoir une aide financière de 500 000 euros versée par la Caisse des dépôts, susceptible d’être portée à 2 millions d’euros en fonction de la montée en puissance des projets et de leur contribution effective aux objectifs inscrits dans le projet de loi.

Il s’agit en effet d’accélérer. Ces 216 lauréats, engagés dans une démarche exemplaire, appuyés sur les communautés de travail locales mises en place – élus locaux, ADEME, directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement, préfectures – et les autres projets, moins ambitieux ou encore non aboutis, seront également, au cours de l’année, accueillis dans le cadre de ces conventions.

S’agissant par ailleurs de la sécurité de nos approvisionnements dans un contexte mondial dont les risques sont manifestes, j’ai signé en janvier dernier, dans le cadre d’un des objectifs majeurs du texte qui vous est soumis, à l’issue d’un processus de concertation avec tous les acteurs, un arrêté qui définit les règles de ce que l’on appelle « le mécanisme de capacité » et constitue une étape importante de la mise en place d’une régulation rénovée qui précise les obligations des fournisseurs d’électricité, favorise les offres d’effacement respectueuses de l’environnement et des consommateurs et améliore le pilotage de notre système électrique tout en garantissant une meilleure maîtrise des coûts.

La même volonté de sécuriser nos approvisionnements est à l’origine de la ligne de très haute tension, entièrement souterraine, qui établit entre l’Espagne et la France une nouvelle interconnexion électrique. Inaugurée en février dernier par le Premier ministre, elle augmente la capacité de nos deux pays. J’ai voulu citer cet exemple pour montrer comment ce projet de loi, que vous adopterez sans doute, permettra à l’Europe de l’énergie de monter en puissance.

Enfin, j’ai tenu à donner un coup d’accélérateur à la recherche-développement, qui est une des conditions essentielles de la réussite de la transition énergétique.

Deux nouvelles conventions ont ainsi été signées avec l’ADEME depuis notre dernière rencontre pour soutenir les programmes des investissements d’avenir concernant, d’une part, les « démonstrateurs de la transition énergétique et écologique » et, d’autre part, « les véhicules du futur », qui bénéficieront de crédits additionnels et d’une simplification de la procédure d’instruction.

Afin, là aussi, d’accélérer le mouvement et de créer dès maintenant les conditions propices à la pleine application de ce texte, l’appel à projets pour développer des solutions innovantes de gestion des déchets radioactifs issus du démantèlement a été lancé en décembre dernier, dans le cadre du programme des investissements d’avenir. Les résultats de ce premier appel à candidatures seront publiés en juillet prochain et le deuxième appel à candidatures sera lancé dès septembre.

Décarbonisation des énergies et de leurs usages, bâtiments durables et énergiquement performants, économie circulaire, eau et biodiversité, innovation et industrialisation de nouvelles solutions favorisant une mobilité terrestre et maritime propre, tous ces thèmes stratégiques ont été retenus dans le cadre des filières de la France industrielle.

L’efficacité énergétique, c’est aussi le grand chantier de la rénovation des logements et des bâtiments. De nombreuses actions d’accompagnement concernent le titre II du projet de loi. Vous en connaissez l’état des lieux : 123 millions de tonnes de CO2 émises par le bâtiment, 20 millions de logements mal isolés voire, pour certains, constituant de véritables « passoires énergétiques », une facture moyenne de chauffage de 900 euros par ménage et par an mais aussi un gisement considérable d’économies d’énergie et d’emplois pour les artisans.

Il fallait, là aussi, agir rapidement pour amorcer une mobilisation. C’est pourquoi le crédit d’impôt de 30 % a été rapidement mis en place. C’est pourquoi les décrets et l’arrêté relatifs à la simplification et à l’extension de l’écoprêt à taux zéro ont été publiés fin 2014 de sorte que cette aide soit en place dès le 1er janvier 2015.

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Très bien !

Mme Ségolène Royal, ministre. C’est aussi pourquoi le décret relatif au tiers financement a été publié le 17 mars dernier, comme je m’y étais engagé devant vous, afin que la barrière de l’argent ne fasse pas obstacle au lancement de travaux bons pour le climat et bons pour la baisse des factures.

La même volonté et le même souci d’obtenir des résultats concrets ont conduit à la publication, en novembre 2014, des décrets sur l’audit énergétique des 5 000 entreprises de plus de 250 salariés ou dont le chiffre d’affaires est supérieur à 50 millions d’euros.

Avec l’aide de l’ADEME et de BPI France, cet audit, qui doit être réalisé avant le 31 décembre 2015, permettra aux entreprises de repérer leurs gisements d’économies d’énergie, de définir les actions immédiates et les investissements nécessaires puisque la réduction de notre consommation énergétique globale est fixée par le projet de loi à 20 % d’ici 2030 et 50 % d’ici 2050. Tous les leviers doivent être mis en place pour atteindre cet objectif.

Le mois dernier, nous avons ainsi pu, avec le ministre de l’économie, valider le contrat de filières relatif à l’efficacité énergétique lors de la réunion du comité stratégique des éco-industries.

La mise en place, par BPI France, des prêts verts à destination des PME et des entreprises de taille intermédiaire – 680 millions d’euros, dont la moitié assortie de cofinancement privé – et, pour les collectivités, le soutien du Fonds de financement de la transition énergétique sont renforcés par deux appels à projets lancés ce mois-ci dans le cadre des plans de la Nouvelle France industrielle. Le premier, relatif au recyclage, s’adresse à toutes les entreprises industrielles concernées par les déchets plastiques, les déchets électroniques, les déchets du BTP, et les fibres de carbone et de verre. Le second se rapporte à l’eau avec quatre axes stratégiques : les usines d’épuration de la ville durable, les réseaux intelligents, la gestion efficace de la ressource, les unités de dessalement.

Ces appels à projets mobilisent nos entreprises, favorisent les investissements et créent de l’emploi mais nous devons les pousser en avant. Je vous en rendrai compte dès lors qu’ils seront disponibles. Il y a là un enjeu climatique et économique de première importance.

Je pourrais aussi souligner les actions concrètes concernant la qualité de l’air et la mobilité propre, parmi lesquelles le nouveau plan national santé-environnement, le lancement du plan Écophyto, qui tient compte des recommandations formulées par votre collègue Dominique Potier, ici présent, député de Meurthe-et-Moselle, auquel le Premier ministre avait confié une mission sur la réduction de l’utilisation des produits phytosanitaires. S’agissant des pesticides, vous avez voté en première lecture l’interdiction des épandages aériens. Citons également les opérations « Terre saine, communes sans pesticide ». L’appel à projets « Villes et territoires respirables en cinq ans » permettra également de valoriser les initiatives.

Pour favoriser la mobilité électrique, j’ai annoncé en janvier, avec le ministre de l’économie, que le crédit d’impôt « transition énergétique » de 30 % s’appliquait aux dépenses engagées avant le 31 décembre 2015 pour l’acquisition d’un système de recharge des véhicules électriques.

Le bonus écologique a été porté à 10 000 euros pour le remplacement d’un vieux véhicule diesel par une voiture électrique ou une voiture hybride rechargeable. Nous avons constaté la multiplication par quatre, ces deux derniers mois, des commandes de véhicules électriques.

De même, les résultats de l’appel à projets sur les réseaux de transports propres, que j’ai présentés en décembre 2014 avec Alain Vidalies, témoignent d’une mobilisation des collectivités et des autorités organisatrices de transport.

L’économie circulaire est inscrite pour la première fois dans notre droit positif. L’appel à projets pour des « territoires zéro déchet, zéro gaspillage » a rencontré un immense succès : 293 collectivités réparties dans toute la France et rassemblant plus de 7,5 millions d’habitants se sont engagés dans une démarche volontaire et participative.

Les plus ambitieuses visent une réduction de plus de 10 % de leurs déchets et 43 millions d’euros par an d’économies et de recyclage.

Les cinquante-huit projets lauréats, dans l’Hexagone et les outre-mer, bénéficient désormais d’un accompagnement financier de l’ADEME.

Enfin, nous débattrons d’un nouveau sujet, celui des gaspillages alimentaires, suite aux travaux confiés à votre collègue Guillaume Garot. Ils représentent en moyenne une dépense de 400 euros par an pour une famille de quatre personnes.

Guillaume Garot nous a rendu en avril dernier, au ministre de l’agriculture et à moi-même, son rapport qui identifie précisément tous les freins à lever et formule des propositions concrètes, que certains d’entre vous porteront et qui représentent une avancée importante.

Je ne voudrais pas être trop longue. J’aurai l’occasion, au cours du débat, de vous exposer les décisions concrètes que nous avons prises pour la montée en puissance des énergies renouvelables, en particulier le doublement du fonds chaleur de l’ADEME, la relance de la filière du solaire thermique, les différents appels à projets et la réforme des tarifs de rachat, dont la loi sur la transition énergétique permettra de clarifier et de stabiliser le mécanisme.

Comment ne pas signaler d’une phrase que, depuis notre dernière rencontre, nous avons mis en place un service civique « transition énergétique, climat et biodiversité » qui bénéficiera à 15 000 jeunes. Nous en avons annoncé le lancement en février, avec le ministre de la ville, de la jeunesse et des sports, Patrick Kanner, en présence de jeunes qui nous ont dit tout ce que leur apportait cet engagement. Ce débouché direct sur l’activité des jeunes est aussi l’une des missions de la transition énergétique.

Je voudrais, enfin, vous confirmer l’engagement que j’avais pris devant vous sur les décrets d’application. Ils sont en cours de rédaction et nous faisons tout pour que les ordonnances soient entièrement rédigées – un certain nombre d’entre elles vous ont d’ailleurs déjà été communiquées – et pour que, au moment du vote solennel et définitif de la loi, la quasi-totalité des décrets soit rédigée. C’est un travail considérable et j’en remercie mes équipes ainsi que les services du ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie qui, totalement engagés dans cette mission, travaillent, parfois très tardivement, pour que nous tenions nos engagements par respect pour le débat démocratique. Je me suis en effet engagée à ce que cette loi ne reste pas lettre morte mais soit immédiatement opérationnelle.

Mesdames, messieurs les députés, le mouvement de la transition énergétique est lancé. La France a soif d’une nouvelle frontière, d’un nouvel espoir. On dit que les portes de l’avenir sont ouvertes à ceux qui savent les pousser, et vous avez su le faire. Notre commune responsabilité, c’est d’en réunir à nouveau aujourd’hui tous les moyens en mettant en place les leviers de cette belle et pacifique révolution de la croissance verte. Tel est le but du texte de loi de mobilisation et d’action qui vous est aujourd’hui soumis, déjà largement amélioré par vos travaux, tant en commission qu’au cours du débat en séance publique. Au moment de l’accélération des négociations sur le climat et de la mobilisation de toute la société civile dans la perspective du prochain sommet, nous faisons là œuvre utile et nos débats ont un écho tout à fait particulier, prenant une résonance non seulement européenne mais également mondiale. Soyez-en infiniment remerciés. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure de la commission spéciale pour les titres Ier et V.

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure de la commission spéciale. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission spéciale, mesdames, messieurs les rapporteurs, chers collègues, en tant que rapporteure du titre Ier du projet de loi relatif à la transition énergétique, j’ai dû revenir sur les points qui constituaient le nœud du désaccord entretenu avec le Sénat au cours de la première lecture. En effet, il est assez paradoxal de constater que les deux assemblées sont dans l’ensemble d’accord sur les mesures concrètes et précises à prendre mais qu’en revanche, les grands objectifs de la politique énergétique ne font pas consensus, à tel point que l’opposition en vient à considérer la transition énergétique comme une vision arbitraire et dogmatique.

M. Julien Aubert. Parfaitement !

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. Nous, nous croyons fermement que l’objectif de réduction à 50 % de la part du nucléaire dans le mix électrique en 2025 doit être inscrit dans la loi. Plutôt que d’accepter la dépendance à l’atome, nous préférons anticiper un chemin de rééquilibrage de notre parc de production, un chemin respectueux des équilibres énergétiques, économiques et sociaux. Nous pensons également que les objectifs de diminution de la consommation finale et de la consommation d’énergie d’origine fossile doivent être ambitieux, au même titre que ceux du développement des ENR, les énergies renouvelables. Ce faisant, nous ne mettrons pas en péril la croissance économique ; bien au contraire, nous la renforcerons.

Nous sommes convaincus que la réduction des émissions de gaz à effet de serre ne doit pas constituer le seul horizon de la politique énergétique. La sécurité d’approvisionnement, la lutte contre la précarité énergétique et le développement des territoires sont également au cœur de notre démarche. C’est pourquoi la commission spéciale a souhaité revenir au texte de l’article 1er qu’elle avait adopté initialement en première lecture, considérant que le Sénat l’avait vidé de sa substance.

Les divergences de vue qui nous opposent sur le titre Ier sont d’autant plus regrettables que j’ai pu constater, dans le titre V dont j’ai également la charge, que de nombreux points font l’objet d’un consensus très fort.

M. Julien Aubert. Oui, c’est vrai !

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. Ainsi, le Sénat a introduit à l’article 23, qui prévoit le remplacement des contrats d’achat par des contrats de rémunération, une meilleure définition de la puissance installée, notamment pour la petite hydroélectricité, et a prévu que le coût du contrôle des installations de production d’ENR sera mis à la charge des producteurs et a intégré la Corse dans le champ des zones non interconnectées. En commission, j’ai proposé un amendement qui renforce la disposition introduite par notre assemblée sur l’extension de la gestion de contrats d’achat aux agrégateurs et aux fournisseurs autres qu’EDF et les entreprises locales de distribution pour leur permettre de bénéficier du transfert des garanties de capacité dont disposent les producteurs dès lors qu’ils gèrent leur contrat d’achat.

L’article 23 bis, introduit au Sénat, prévoit un délai maximum de dix-huit mois pour le raccordement d’une installation de production d’ENR par le gestionnaire de réseau. C’est un signal fort envoyé aux porteurs de projet qui, aujourd’hui, attendent parfois de longs mois leur raccordement. Néanmoins, il faut également entendre les arguments techniques avancés par les gestionnaires de réseau. C’est pourquoi je proposerai, au vu des débats de notre commission, une réécriture globale de cet article afin de trouver un juste équilibre.

L’article 27, qui constitue un axe fort du projet de loi, a pour objet d’encourager l’investissement participatif des collectivités et des citoyens dans les sociétés de production d’ENR. Le Sénat a renforcé cet article, prévoyant en particulier que les nouvelles installations auront l’obligation, et non plus la faculté, de proposer une part de leur capital aux collectivités et aux citoyens. Cette évolution est un pas en avant pour se rapprocher du modèle allemand. Cependant, la commission spéciale est revenue à la rédaction issue du vote de l’Assemblée nationale. Je proposerai sur cet article deux amendements qui visent à assurer la bonne protection des citoyens investisseurs. Il s’agit en effet d’encadrer les sociétés qui peuvent faire appel à l’épargne citoyenne et publique locale, ainsi que de supprimer la dérogation au code monétaire et financier qui prive les investisseurs de l’information financière et du contrôle de l’Autorité des marchés financiers.

À l’article 27 bis A, relatif aux installations de méthanisation, le Sénat a ouvert la porte à l’utilisation de cultures dédiées dans les méthaniseurs. Je souhaite pour ma part encadrer plus fermement cette pratique en distinguant clairement les cultures dédiées et les cultures intermédiaires, afin d’œuvrer pour un développement de la filière de la méthanisation qui ne fasse pas concurrence aux cultures alimentaires. Je vous proposerai donc un amendement qui pose cette distinction, tout en laissant une nécessaire marge de manœuvre au pouvoir réglementaire.

Le dispositif relatif à l’hydroélectricité a été quasiment validé à la lettre par le Sénat : l’article 28, qui permet la mise en œuvre de la méthode du barycentre, a été complété par la possibilité de prolonger des concessions sous condition d’investissement. Le dispositif constitue désormais un bon équilibre entre la préservation des intérêts nationaux et le respect du droit européen de la concurrence. Il comprend également l’une des mesures à destination des électro-intensifs, à savoir la possibilité de moduler la redevance des concessions dont l’exploitant leur vend l’électricité par le biais de contrats de long terme.

Enfin, l’article 29 confie aux territoires les outils pour devenir des acteurs à part entière des concessions hydroélectriques. Désormais, les barrages ne pourront plus être considérés seulement comme des centrales de production d’électricité, mais bien comme des ouvrages d’aménagement du territoire à part entière. Il est important que leur gestion se fasse en collaboration avec les riverains et avec les élus. L’unanimité que nous avons su bâtir sur cette question permettra de porter un message clair à la Commission européenne.

Au vu de tous ces éléments qui, j’en suis sûre, vous auront convaincus, chers collègues,…

M. Julien Aubert. En partie !

M. Bernard Accoyer. Ne soyez pas trop optimiste, madame la rapporteure !

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. …je ne peux qu’attendre une adhésion large à ce magnifique projet de loi tant attendu. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

M. le président. La parole est à Mme Sabine Buis, rapporteure de la commission spéciale pour les titres II et IV.

Mme Sabine Buis, rapporteure de la commission spéciale. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission spéciale, mes chers collègues, je suis heureuse de rapporter les titres II et IV qui, à ce stade de nos travaux, comportent déjà des points d’accord extrêmement positifs pour la transition énergétique de notre pays.

Le titre II traite de la rénovation énergétique des bâtiments afin d’économiser l’énergie et de réduire la facture des ménages. Compte tenu des travaux de nos collègues sénateurs, dont je salue la qualité – même si je n’en approuve pas tous les résultats –, d’importantes avancées sont déjà actées, notamment l’affirmation d’objectifs ambitieux et volontaristes pour la rénovation énergétique des logements et le carnet numérique de suivi et d’entretien, qui va constituer un outil précieux d’information pour les acheteurs.

Le titre II permet également de renforcer les garanties juridiques dont bénéficient les particuliers qui souhaitent s’engager dans des travaux de rénovation énergétique, et d’en faciliter le financement : je pense notamment au tiers-financement et à la création des certificats d’économies d’énergie dédiés aux actions en faveur des ménages en situation de précarité énergétique.

Ce titre a aussi pour objectif de faciliter l’accès de chacun à l’information, tant sur ce qu’il consomme, à travers en particulier le déploiement de dispositifs de comptage intelligents, que sur les manières dont il peut réduire sa consommation d’énergie. Je souhaite à ce propos rappeler mon attachement au développement des plates-formes territoriales de la rénovation énergétique, qui doit permettre la collaboration de tous : particuliers, acteurs publics mais aussi professionnels.

Un facteur décisif de la transition vers la croissance verte est bien le développement de l’économie circulaire. Le titre IV est à cet égard essentiel. Il définit dans le code de l’environnement la notion d’économie circulaire et donne à notre pays l’élan vers cette transition pour une économie différente, marquée par la primauté de la recherche de la prévention de la consommation des ressources pour aboutir à la sobriété énergétique, une consommation dans laquelle les déchets des uns sont les ressources des autres, au plus près des besoins de nos concitoyens. Des amendements ont été déposés qui parachèvent le travail d’écriture conduit tant par l’Assemblée que par le Sénat, et je me félicite sur ce point de la convergence de nos travaux.

Ce titre apporte aussi les outils nécessaires pour atteindre l’objectif de la croissance verte. Les articles concernés sont nombreux, aussi n’en citerai-je qu’un ici, mais il est emblématique : c’est l’article 22 ter A, qui prévoit un dispositif de lutte contre l’obsolescence programmée.

Le titre IV place au premier plan les citoyens, l’État et les entreprises exemplaires, à travers, au premier chef, le renforcement des objectifs de la politique nationale de prévention et de gestion des déchets, mais aussi à travers tous les dispositifs qui doivent permettent de les atteindre.

Le temps qui m’est imparti est trop court pour que je puisse en détailler tous les articles,…

M. Dominique Potier. Dommage !

Mme Sabine Buis, rapporteure. …je pense notamment l’article 19 ou encore, par exemple, à l’article 19 ter sur le schéma des achats publics. Là encore, je tiens à souligner le travail d’écriture conduit successivement par nos deux assemblées, même si des désaccords demeurent, par exemple sur la généralisation du tri à la source des déchets organiques et sur ses modalités.

Enfin, j’ai retenu l’extension du nombre de filières – ou bien du champ, pour les filières déjà existantes – soumises à la responsabilité élargie du producteur, la REP. Ces filières ont pour objet la prévention et la valorisation des déchets par le biais, je le rappelle, de l’éco-conception et de la prise en charge financière ou opérationnelle de la gestion des déchets issus de leur production, selon le principe pollueur-payeur. La méthode que vous avez lancée en 1992, madame la ministre, a fait la preuve de l’efficacité de son principe, et nous améliorons ici l’efficacité de sa mise en œuvre avec les différents articles sur la REP, ceux sur la gouvernance et la contribution des éco-organismes.

Le projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance va aboutir, j’en suis convaincue, à l’un des textes les plus importants du quinquennat. En effet, cette loi témoignera d’un basculement culturel profond sur deux enjeux essentiels pour l’avenir de la France et pour l’avenir de l’humanité :…

M. Bernard Accoyer. Et de l’univers !

Mme Sabine Buis, rapporteure. …l’énergie et la lutte contre le changement climatique. Par cette loi, le Parlement va clairement indiquer au pays que son avenir dépend d’une croissance verte, respectueuse des hommes et de notre environnement. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Plisson, rapporteur de la commission spéciale pour les titres III et VI.

M. Philippe Plisson, rapporteur de la commission spéciale. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission spéciale, mesdames les rapporteures, monsieur le rapporteur, chers collègues, la commission mixte paritaire n’ayant pu aboutir, nous nous retrouvons aujourd’hui pour une nouvelle lecture du projet de loi sur la transition énergétique. L’essentiel des propositions qui y figurent a pourtant fait consensus et le travail effectué par le Sénat a enrichi un texte qui était déjà très fort car co-construit au fil des mois avec la société civile et les ONG au sein de la Commission nationale de la transition énergétique. Il s’agit donc de peaufiner encore davantage un texte très ambitieux, un texte qui va permettre à la France d’être à l’avant-garde en ce qui concerne bien plus qu’un ajustement énergétique : la nécessaire transition écologique. Ce n’est pas à vous, madame la ministre, ni à tous ceux ici présents qui sont engagés dans ce combat, qu’il est nécessaire d’en rappeler l’urgence.

La prise de conscience a été longue, l’acceptation du diagnostic compliquée pour tous ceux qui auraient tellement voulu que nos ressources naturelles soient inépuisables et la capacité d’adaptation de la Terre incommensurable afin de perpétuer un modèle de consommation qui devait s’apparenter au bonheur. Mais les faits sont têtus : la planète est au bout de ses capacités…et le bonheur est ailleurs. C’est donc bien l’épuisement de la planète, victime de la pollution et de la disparition des énergies fossiles, que nous actons ici ; c’est donc bien la fin programmée de l’inutile frénésie de consommation et du gaspillage qu’elle induit que nous constatons pour y apporter des solutions concrètes et adaptées.

Le titre III acte concrètement des dispositions pragmatiques, à certains égards révolutionnaires, qui vont permettre de redonner de l’air – du bon air – à nos concitoyens, mais aussi de la respiration à toute notre société, non seulement par la promotion des déplacements doux et des véhicules à faible émission de gaz à effet de serre, mais également par le covoiturage et les transports en commun, qui induisent d’autres rapports à l’autre.

S’agissant du titre VI, qui concerne la sécurité nucléaire – sujet sensible –, nous avons, je crois, réussi à obtenir le meilleur des consensus pour une transition nécessaire en ce qui concerne les modes d’énergie, dans la logique de ce changement de modèle qui est le fil rouge de ce texte.

M. Julien Aubert. Le fil vert !

M. Philippe Plisson, rapporteur. Madame la ministre, la France, qui accueillera la COP 21 en décembre, pourra se permettre de fixer le cap, parce qu’elle se sera donné les moyens d’être exemplaire. Je ne doute pas que cette démarche et que l’acte de volontarisme écologique que nous commettons aujourd’hui marqueront l’histoire. Nous sommes en train de construire ensemble les fondations d’un monde nouveau, qui respectera la planète et protégera les hommes et toutes les espèces qui y vivent. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme Ericka Bareigts, rapporteure de la commission spéciale pour les titres VII et VIII.

Mme Ericka Bareigts, rapporteure de la commission spéciale. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission spéciale, mesdames et messieurs les rapporteurs, chers collègues, ayant été chargée du titre VII de ce grand projet de loi sur la transition énergétique, titre qui concerne la simplification, je ne peux m’empêcher de penser à cette phrase d’Arthur Cravan : « Simplifier, ce n’est pas faire simple ». En effet, dans le but de simplifier les projets, nous avons parfois dû faire un peu compliqué afin de conjuguer des intérêts divergents mais tout aussi légitimes, d’allier souplesse d’exécution et légitimité de la gouvernance, et de faire cohabiter compétitivité, transition énergétique et cohérence juridique.

Le texte auquel nous aboutissons aujourd’hui me paraît équilibré dans le traitement des différentes problématiques et à même d’assurer le respect des objectifs que nous nous fixons dans l’article 1er – même s’il reste des améliorations à apporter, comme nous le verrons au cours du débat. Il simplifiera les procédures afin de faciliter le développement des énergies renouvelables en France. Efficacité et justice ont été les deux axes qui ont guidé nos travaux sur cette partie du texte.

Efficacité dans le traitement des industries électro- et gazo-intensives, pour lesquelles nous proposons un dispositif complet, fruit d’un travail conjoint avec le Sénat et le Gouvernement, qui permettra, d’une part, de valoriser leur contribution à la sécurité des systèmes énergétiques et gaziers, d’autre part, de protéger certains secteurs vulnérables des « fuites carbones » d’une concurrence internationale déloyale.

Le Sénat a ainsi introduit un article qui renforce le dispositif d’interruptibilité et précise la mise en œuvre de l’abattement de tarif de transport pour les consommateurs qui apportent un service au réseau. En séance publique, nous apporterons quant à nous, je l’espère, la « touche finale » à ce dispositif en précisant les modalités de mise en place de la compensation du coût du carbone, ainsi que les mesures à destination des industriels gazo-intensifs, qui ont, jusqu’à présent, été laissés de côté.

Efficacité et coélaboration aussi sur le sujet de l’effacement, puisqu’à la suite des travaux des deux chambres du Parlement, notamment celui effectué par notre commission spéciale, et de l’organisation d’une rencontre entre tous les acteurs, nous sommes enfin sur le point de parvenir à un consensus s’agissant du dispositif à mettre en place. Le démarrage de la filière reposera sur le lancement d’appels d’offres ; ce dispositif se substituera à la « prime », dont les modalités de calcul posaient problème.

Pour les mêmes raisons d’efficacité et de simplicité, nous sommes revenus en commission sur des modifications apportées par le Sénat, notamment sur des dispositions introduites par notre regretté collègue Jean Germain. Plusieurs dispositions introduites par les sénateurs constituaient en effet une forte attaque contre le secteur éolien. Si elles traduisaient les inquiétudes d’une partie de nos concitoyens, elles nous paraissaient démesurées par rapport à leurs objectifs. Pour dépassionner le sujet, notre commission spéciale a souhaité proposer un dispositif équilibré et souple capable de s’adapter aux spécificités locales. Aussi sommes-nous revenus sur la distance minimale de 1 000 mètres entre les éoliennes et les habitations ; toutefois, la distance minimale de 500 mètres pourra au besoin être étendue par le préfet sur la base de l’étude d’impact du projet. Dans le souci d’efficacité et de justice qui est le nôtre, nous avons fait de l’autorité publique la garante de la santé de nos concitoyens, sans pour autant condamner la filière éolienne, comme l’aurait fait la disposition sénatoriale.

De même avons-nous supprimé divers articles introduisant des contraintes inutiles, souvent déjà satisfaites par l’état du droit. En revanche, nous avons renforcé la gouvernance démocratique de l’éolien.

Efficacité et justice, toujours, dans la coélaboration avec le Sénat d’une nouvelle gouvernance des réseaux de distribution. Ainsi, afin de garantir la transparence et le respect des projets de territoire par ERDF, un représentant des autorités concédantes siégera au conseil d’administration de cette entreprise publique. Nous avons également souhaité mettre en place un comité du système de distribution publique d’électricité, chargé d’examiner la politique d’investissement dans les réseaux de distribution avec les regards croisés des collectivités concédantes et des gestionnaires des réseaux de distribution ; il sera chargé de coordonner les projets de territoire et les programmes d’investissement d’ERDF.

Comme vous le voyez, nous n’avons pas fait simpliste, nous avons simplifié. Nous pouvons légitimement espérer qu’avec ce nouvel arsenal législatif, nous pourrons mieux coordonner les différents acteurs et prendre en compte leurs intérêts légitimes afin d’amorcer la croissance verte que nous appelons tous de nos vœux.

Un dernier mot sur les dispositions spécifiques aux outre-mer, qui n’ont fait qu’à la marge l’objet de modifications de la part du Sénat ; cela démontre, une fois de plus, qu’il existe un certain consensus sur le sens que la France veut donner à sa politique énergétique en outre-mer. Je serai particulièrement attentive à la mise en œuvre de la loi dans ces territoires éloignés de l’Hexagone, aux spécificités souvent mal connues ; nous souffrons trop souvent de textes réglementaires inadaptés ou trop lents à voir le jour. Je veillerai à ce que ce ne soit pas le cas et je sais pouvoir compter, madame la ministre, sur votre attachement à nos territoires et sur votre soutien dans cette démarche. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Denis Baupin, rapporteur de la commission spéciale pour le titre VIII.

M. Bernard Accoyer. Le fossoyeur du nucléaire !

M. Denis Baupin, rapporteur de la commission spéciale. Je veux au préalable souligner à nouveau, madame la ministre, l’importance que nous accordons à ce projet de loi. Ce texte fera date.

M. Bernard Accoyer. Ah ça, c’est sûr !

M. Denis Baupin, rapporteur. Sa pertinence a d’ailleurs été encore renforcée par l’actualité depuis la première lecture. En effet, nous vivons actuellement une véritable rupture technologique. Le monde entier plébiscite les énergies renouvelables et la maîtrise de l’énergie, aux dépens des énergies fossiles et fissiles. Il est plus que temps que la France emprunte la voie de la diversification énergétique, et même, comme le préconise l’ADEME, qu’elle aille vers le 100 % d’énergies renouvelables, ce qui serait bien moins dangereux et bien moins coûteux. La France ne peut rester les bras croisés en regardant passer le train de l’histoire :…

M. Julien Aubert. Le gaz de schiste !

M. Denis Baupin, rapporteur. …le déploiement à grande échelle du solaire bon marché avec stockage à domicile, de l’éolien, des réseaux intelligents. C’est dans cette direction qu’il faut orienter l’activité des entreprises publiques énergétiques.

Telle est l’orientation, pertinente, que préconise ce projet de loi. En son titre VIII, il affirme le retour de l’État dans la gouvernance de la stratégie énergétique.

Le Sénat a introduit douze nouveaux articles et en a adopté cinq conformes. Je ne reviendrai pas sur l’ensemble des modifications apportées. Certaines, qui renforçaient le texte, ont été confortées par la commission spéciale. Pour d’autres, la commission a préféré rétablir les dispositions initiales, considérant que les sénateurs s’étaient égarés (« Oh ! » sur les bancs du groupe UMP) ou qu’ils s’étaient montrés trop peu allants.

M. Julien Aubert. Alors que vous, vous jouez « placé » ! (Sourires.)

M. Denis Baupin, rapporteur. Je savais que je vous réveillerais en parlant des sénateurs !

Le chapitre 1er traite des outils de la gouvernance nationale. À l’article 48, qui instaure la stratégie bas-carbone et crée les budgets carbone, nous avons précisé que cette stratégie tiendrait compte de la spécificité du secteur agricole. Par ailleurs, à l’initiative de notre collègue Arnaud Leroy, et avec mon plein soutien, la commission spéciale a adopté des dispositions importantes tendant à accroître les obligations de reporting environnemental des investisseurs. J’avais moi-même fait part, en première lecture, de mon souhait d’avancer sur ce sujet ô combien important à quelques mois de la tenue de la COP 21 à Paris. Le Sénat avait adopté un amendement concernant les sociétés anonymes ; nous avons complété le dispositif par des mesures concernant les investisseurs institutionnels et les établissements de crédit et sociétés de financement.

À l’article 49, relatif à la programmation pluriannuelle de l’énergie – la PPE –, le Sénat a introduit des dispositions spécifiques à la chaleur et au froid ; j’ai pour ma part proposé que la PPE soit dotée d’un volet sur la préservation du pouvoir d’achat des ménages et d’un autre sur l’adaptation des compétences professionnelles aux enjeux de la transition énergétique.

Je présenterai deux autres amendements à l’article. L’un vise à compléter le bilan prévisionnel de RTE, afin de prendre en compte les risques liés aux aléas climatiques majeurs et au vieillissement des installations. L’autre tend à assurer la mise en conformité avec la loi des contrats de service public signés entre l’État avec EDF, Engie et les sociétés gestionnaires des réseaux de transport et de distribution.

À l’article 50, le Sénat a proposé une réforme d’ampleur, mais non globale, de la contribution au service public de l’électricité, qui laissait en suspens le financement des tarifs sociaux, du chèque énergie et de la péréquation tarifaire. La commission spéciale est revenue à la rédaction adoptée en première lecture par l’Assemblée nationale, en insistant toutefois sur la nécessité de mener une réflexion lors de l’examen du prochain projet de loi de finances. Je compte sur le Gouvernement pour partager avec les parlementaires les résultats des travaux menés par l’inspection générale des finances, de manière à aboutir à une solution concertée et efficace au service des territoires, de nos concitoyens et des énergies renouvelables.

Les sénateurs ont par ailleurs ajouté deux articles sur la formation professionnelle et l’adaptation des compétences aux enjeux de la transition énergétique ; ces dispositions ont été complétées en commission.

L’article 53, consacré à la recherche, a été utilement complété par les sénateurs ; je me félicite de l’ajout, en commission, de l’obligation d’une consultation du Conseil national de la transition énergétique sur la stratégie nationale de recherche en matière de transition énergétique.

Je me réjouis également de l’adoption conforme des dispositions relatives au Médiateur de l’énergie et du renforcement de celles consacrant l’existence de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire – que nous avons précisées en commission.

Le chapitre II traite du pilotage de la production d’électricité. Le Sénat avait apporté une modification importante, sur laquelle la commission spéciale a décidé de revenir : l’élévation du plafond de la capacité totale autorisée de production d’origine nucléaire.

Plusieurs d’entre vous ont déposé des amendements sur le sujet.

M. Julien Aubert. Eh oui : nous ne sommes pas bas de plafond !

M. Denis Baupin, rapporteur. Vous connaissez ma position et celle du Gouvernement sur le sujet ; il ne me semble donc pas nécessaire de revenir dessus et de rappeler que cette élévation du plafond viderait le dispositif de son sens. Nous aurons ce débat en temps voulu.

Je présenterai pour ma part un amendement proposant, conformément aux préconisations de la commission d’enquête relative aux coûts de la filière nucléaire, qu’avant de délivrer une autorisation d’exploiter, l’autorité administrative évalue également l’impact de l’installation sur les finances publiques en amont, en fonctionnement et en aval.

Le troisième chapitre porte sur la transition énergétique dans les territoires et sur la précarité énergétique.

L’article 56 crée des programmes régionaux pour l’efficacité énergétique – PREE – et des PCAET, plans climat-air-énergie territoriaux. Le Sénat a prévu que les PREE comprennent des outils d’accompagnement des consommateurs et que les PCAET disposent d’un volet relatif à l’éclairage public si l’établissement public de coopération intercommunale en a la compétence. Ces évolutions renforcent la portée de l’article.

J’ai également proposé un amendement, adopté par la commission, visant à assurer l’articulation des schémas régionaux biomasse et de la stratégie nationale de mobilisation de la biomasse, afin que l’exploitation de cette ressource essentielle se développe de manière rationnelle sur notre territoire.

Enfin, la réforme à l’article 50 de la contribution au service public de l’électricité entraînait la suppression de toute mention de celle-ci dans le mécanisme de financement du chèque énergie ; nous sommes donc revenus sur ces dispositions en commission. J’ai en outre suggéré de renforcer l’accompagnement des consommateurs, en ajoutant d’utiles conseils sur la bonne gestion énergétique du foyer à la notice d’information qui accompagne la délivrance du chèque, ainsi que de lancer une expérimentation afin que le chèque énergie puisse être utilisé pour l’acquisition d’appareils énergétiquement performants. La commission spéciale a accepté cet amendement.

Voilà, chers collègues, ce que je souhaitais vous indiquer, et je tiens, madame la ministre, à répéter que nous abordons avec enthousiasme la nouvelle lecture de ce projet de loi crucial ! (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste et SRC.)

M. le président. La parole est à M. François Brottes, président de la commission spéciale.

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Monsieur le président, madame la ministre, mesdames et messieurs les rapporteurs, chers collègues, entrons d’emblée dans le vif du sujet, sans perdre de temps : l’application de ce texte est attendue – vous le savez bien, monsieur Aubert !

Nous pouvons sincèrement nous enorgueillir du travail accompli – accompli ici, par les députés, mais également, disons-le sans ambages, par nos collègues du Sénat, qui ont pris tout leur temps pour apporter beaucoup de contributions utiles à ce texte.

M. Thierry Benoit et M. Bertrand Pancher. Tout à fait !

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Rappelez-vous : en première lecture, j’invitais mes collègues de l’opposition à se rassembler autour de ce texte pour franchir une étape fondamentale pour notre avenir énergétique – comme nous, socialistes, l’avions fait en votant le projet de loi « Grenelle I ».

M. Bertrand Pancher. Qui était autrement plus ambitieux !

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Eh oui, nous avons toujours su répondre présent aux grands rendez-vous républicains !

Aujourd’hui, j’ai presque le sentiment d’avoir été entendu. Certes, des différences se sont fait sentir ; on ne va pas se mentir : il existe des points durs, surtout lorsqu’il est question d’une remise en cause des engagements du Président de la République !

M. Julien Aubert. Ah ! Un peu de lucidité !

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Cela explique que la commission mixte paritaire n’ait pu aboutir. Les objectifs en matière d’économie d’énergie et un meilleur équilibre de notre mix énergétique demeurent en effet les piliers des trajectoires de transition énergétique sur lesquels nous nous engageons.

Lors de la réunion de la CMP, j’ai souligné, tout de même, la densité du travail fourni par le Sénat, qui a largement adhéré à l’esprit du texte : faire baisser les fractures… pardon, les factures énergétiques, empêcher – toujours – les fractures hydrauliques, favoriser l’émergence d’énergies nouvelles ou encore mettre en place une vraie filière du recyclage.

M. Bernard Accoyer. Vous oubliez les gaz de schiste !

M. Denis Baupin, rapporteur. Les quoi ?

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Même le sujet du gaspillage alimentaire avait été ouvert dans le texte adopté au Sénat.

Nous poursuivons donc la navette avec une certitude : le travail autour de ce texte aura été constructif de bout en bout. Il mobilise depuis des mois tous les acteurs qui interviennent dans ce domaine – et ils sont nombreux –, tous les acteurs, qu’il s’agisse du secteur industriel, des organisations environnementales ou de consommateurs ou des institutions et entreprises qui s’occupent de distribution et de fourniture d’énergie.

Certes, il demeure des désaccords et, ne nous le cachons pas, le nucléaire comme l’éolien suscitent des réactions très marquées, très typées et souvent définitives.

Vous avez cependant veillé en permanence, madame la ministre, à ne pas opposer les énergies les unes aux autres, à être à l’écoute de toutes les filières et à favoriser les solutions pragmatiques, sans exclusive.

M. Julien Aubert. C’est raté !

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Cela démontre à quel point le sujet que vous incarnez est mobilisateur et que la manière dont vous l’incarnez crée une dynamique positive, où tout ce qui compte c’est de trouver la voie plutôt que de favoriser les impasses.

Mme Ségolène Royal, ministre. Merci !

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Cela démontre aussi à quel point la société est prête pour le changement. Cela démontre notre capacité à être en mouvement, à nous mettre en mouvement. Or quelle meilleure garantie que la volonté de s’adapter pour relever ce défi ? C’est de bon augure pour la mise en œuvre de cette transition qui mobilisera chacun d’entre vous, car il s’agit ici – écoutez bien, chers collègues – de réussir la transition d’un modèle vers un autre modèle. Certains voudraient passer d’un modèle à un autre sans transition ; c’est juste impossible.

Nous pouvons d’ores et déjà être fiers du travail accompli ! Cette loi sera, je n’en doute pas un instant, un modèle à faire valoir à l’occasion de la COP21 à Paris, à la fin de l’année. Madame la ministre, vous souhaitiez que la France soit exemplaire : ce sera le cas et vous n’y êtes pas tout à fait pour rien,…

Mme Ségolène Royal, ministre. Merci !

M. François Brottes, président de la commission spéciale. …tout comme les rapporteurs de ce texte, d’ailleurs, qui ont travaillé dur dans un esprit constructif tout au long de son examen, en commission comme dans l’hémicycle. Je veux ici les saluer et les féliciter pour le travail accompli.

M. Julien Aubert. Le président Brottes est un président qui positive !

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Je voulais faire une spéciale dédicace, aussi, puisque cela semble un moment obligé, à M. Potier, qui a fait un gros travail sur les produits phytosanitaires – ces remerciements lui seront rapportés, j’imagine.

La France a une tradition avant-gardiste en matière d’énergie et de lutte contre les gaz à effet de serre. Elle prouve une fois encore qu’elle sait faire preuve d’innovation en la matière, qu’elle reste plus que jamais un leader !

Je ne doute pas non plus que la méthode suivie pour aboutir à ce texte restera aussi un modèle utile à d’autres. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Julien Aubert. Un modèle… ou un contre-modèle !

Motion de rejet préalable

M. le président. J’ai reçu de M. Christian Jacob et des membres du groupe de l’Union pour un mouvement populaire une motion de rejet préalable déposée en application de l’article 91, alinéa 5, du règlement.

La parole est à M. Julien Aubert.

M. Julien Aubert. Monsieur le président, madame le ministre, chers collègues, on dit qu’avant de faire un chef-d’œuvre, il faut faire un brouillon. Jamais expression ne sera mieux identifiée au processus qui nous aura conduits ici, à ce texte qui se veut ambitieux et large mais que nous qualifierions de bric-à-brac. Les médias ne s’y sont pas trompés, puisque ce qui devait être la « grande loi du quinquennat » a été superbement boudé par les chroniqueurs et les émissions de grande écoute. Lorsqu’on parle plus des incidents de séance sur les voyelles de Mme le président que du fond, c’est peut-être, madame le ministre, chers collègues, qu’il y a un problème de conception.

Lors de l’examen du texte en première lecture, je vous avais longuement expliqué pourquoi votre loi, qui veut réduire les émissions de CO2, va les augmenter en accroissant la part des énergies intermittentes. Je n’y reviendrai pas ici. Le sujet n’est d’ailleurs pas épuisé, car sur le volet de la demande énergétique, je pourrais vous citer un article d’un professeur du Dartmouth Collège, Erin Mansur, sorti en 2012 aux États-Unis et qui avait fait grand bruit. En effet, il avait pointé une contradiction : les véhicules électriques ont une empreinte carbone élevée car ils se rechargent de nuit…lorsqu’on produit de l’électricité avec du charbon. Il va en effet sans dire que les milliers de panneaux photovoltaïques que vous nous promettez dans cette loi ne seront strictement d’aucune aide, en l’état des connaissances, pour recharger les millions de voitures électriques que vous appelez de vos vœux – mais je suis sûr que mes collègues, en discussion générale, reviendront sur cet énorme paradoxe.

Je voudrais aller directement au but et vous expliquer pourquoi ce texte mérite la motion de rejet préalable. Je ne ferai pas de ce moment, comme on a hélas parfois tendance à le faire, un apéritif de la discussion générale. Je vous rappelle, chers collègues, que la motion de rejet préalable a pour « objet de faire reconnaître que le texte proposé est contraire à une ou plusieurs dispositions constitutionnelles ou de faire décider qu’il n’y a pas lieu à délibérer ».

Je défendrai cinq arguments principaux en la matière, et ferai appel, pour être certain de vous convaincre, à Abraham Lincoln, Ronald Reagan, Confucius, Aristote et Christophe Colomb.

M. Philippe Plisson, rapporteur. Et Charles de Gaulle, alors ?

M. Julien Aubert. Plusieurs fragilités internes à ce projet de loi tendent à démontrer que les droits du Sénat, établis au travers de l’article 45 de la Constitution, ont été bafoués lors de l’examen de ce texte, que la liberté d’entreprendre et l’article 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen sont gravement remis en cause, que la liberté d’établissement qui relève de la directive du 19 décembre 1996 sur la libéralisation du marché intérieur de l’énergie, qui a force de loi en application de l’article 55 de la Constitution, est intrinsèquement abolie par ce texte, et que, de manière plus globale, le projet de loi qui nous est soumis viole le principe constitutionnel de clarté, d’intelligibilité et de concrétisabilité de la norme législative.

Premier argument, donc, que j’appellerai « le paradigme d’Abraham Lincoln appliqué à la transition énergétique », le Gouvernement a respecté formellement la procédure de convocation de la commission mixte paritaire mais la majorité a écrasé le principe de dialogue paritaire, empêchant un accord, et l’article 45 de la Constitution n’a donc pas été respecté.

En préambule, il faut le reconnaître : les règles régissant la commission mixte paritaire se caractérisent par la rareté des sources écrites constitutionnelles, puisque la commission mixte n’est mentionnée que dans le seul article 45 de la Constitution, qui ne détaille ni sa composition – au-delà de la parité de principe –, ni son fonctionnement. En réalité, ce relatif silence de la Constitution est conforme à l’idée selon laquelle une certaine liberté doit être laissée aux assemblées parlementaires pour leur organisation et leur fonctionnement. Il y a néanmoins un aspect important : la parité, c’est-à-dire le respect d’un équilibre entre les chambres, qui s’accompagne d’un fonctionnement collégial, puisque chaque chambre est représentée par plusieurs membres. En réunissant une commission paritaire, la Constitution donne une chance au Sénat de discuter avec l’Assemblée pour éviter que cette dernière ne lui impose sa volonté. Le constituant n’a pas souhaité que ce débat se limite à deux représentants, un de l’Assemblée nationale et un du Sénat, sur le modèle de la médiation ou de la négociation. Il a voulu acter l’abandon de l’exclusivité des pouvoirs législatifs de l’Assemblée nationale prévue dans la Constitution de 1946, ce qui suppose donc de faire exister le Sénat en cas de désaccord.

Or, lors des travaux de ladite commission mixte paritaire sur le présent projet, il est très rapidement apparu que certains députés de la majorité étaient sensibles aux arguments des sénateurs sur le seul vrai point de désaccord, à savoir la trajectoire du nucléaire dans la transition énergétique. Pour résumer, l’Assemblée voulait une diminution de la part du nucléaire de 75 % à 50 % d’ici à 2025 ; le Sénat était d’accord sur la pente mais pas sur la date de 2025, beaucoup trop rapprochée. À côté de cela, le Sénat acceptait de plafonner la capacité nucléaire à 64,85 gigawatts, tandis que l’Assemblée voulait la plafonner à 63,2 gigawatts – 1,65 gigawatt de différence, soit un écart de 2,6 %.

Je vous le demande, chers collègues : qui peut croire qu’une différence d’appréciation sur un calendrier et 2,6 % de nucléaire en plus justifiaient cette seconde lecture ?

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Le calendrier, ce n’est pas rien !

M. Julien Aubert. Comment expliquer l’échec de ladite commission ? Comment expliquer que nous soyons là aujourd’hui ? C’est très simple : le rapprochement qui, par le dialogue, s’amorçait entre députés et sénateurs a été tué dans l’œuf par un oukase présidentiel du président Brottes. Il suffit d’écouter ce que dit le président Lenoir, vice-président de la commission mixte paritaire. Il a très bien résumé l’affaire : « Le président François Brottes a décrété qu’il n’était pas possible de trouver un accord, a refusé de procéder à un vote et a levé précipitamment la séance ».

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. Chacun avait pu s’exprimer !

M. Julien Aubert. Nous ne saurons jamais si cette commission pouvait ou non aboutir puisque son président, sans procéder au vote, décida tout seul qu’elle avait échoué. Cela me rappelle la célèbre phrase de Lincoln, que l’on pourrait ainsi adapter : « Sept oui, un non : les non l’emportent ».

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Cela s’appuie sur une abondante jurisprudence !

M. Julien Aubert. Parce que la majorité a forcé l’échec pour obéir aux injonctions de l’exécutif, et ce alors que Mme le ministre s’était elle-même déclarée très satisfaite de la version du Sénat, nous arguons donc qu’elle a violé l’article 45 de la Constitution. À quoi bon prévoir quatorze membres, sept députés et sept sénateurs, si l’avis d’un seul l’emporte ?

Second argument, que j’appellerai en ces murs « le syndrome de Christophe Colomb appliqué à la transition énergétique », non seulement l’objectif de réduction de la part du nucléaire n’est pas tenable mais il va entraîner la disparition de la filière plutonium sans que le Parlement en ait discuté, ce qui va signer l’acte de mise à mort d’Areva.

M. Bernard Accoyer. Très juste !

M. Julien Aubert. En actant le passage de 75 % à 50 % de la part du nucléaire, le Gouvernement veut acter la fermeture de centrales, soit, mes chers collègues, 21 gigawatts d’installations. Nous parlons donc là de la mise à l’arrêt forcé et de la destruction de plusieurs réacteurs de 900 mégawatts : en moyenne cinq réacteurs à détruire tous les deux ans. Le coût de la casse est au minimum de 30 milliards d’euros.

Alors, j’ai envie de vous poser la question suivante : quels sont les réacteurs concernés ? Puisque vous voulez fermer les centrales et les réacteurs les plus anciens,…

M. Denis Baupin, rapporteur. Pas forcément ! Pourquoi les plus anciens ?

M. Julien Aubert. …il suffit simplement de se reporter la liste de ces réacteurs classés par ancienneté, en nous fondant sur leur année de mise en service – les plus anciens ayant été mis en service en 1978. Quels sont donc les réacteurs concernés ? Il faut en donner la liste, puisque vous allez acter leur décès. Fessenheim 1 et 2 – 800 personnes y travaillent ; Bugey 2, 3, 4 et 5 – 1 200 personnes y travaillent ; Dampierre 1, 2, 3 et 4 – 1 200 personnes y travaillent ; Gravelines 1, 2, 3 et 4 – 2 100 personnes y travaillent ; Tricastin 1, 2, 3 et 4 – 3 000 personnes y travaillent ; Blayais 1, 2, 3 et 4 – 1 450 salariés y travaillent ; Saint-Laurent B1 et B2 – 1 000 salariés y travaillent.

L’Ain, l’Alsace, le Loiret, la Drôme, le Nord, la Gironde, le Loir-et-Cher vont voir disparaître en fumée 11 000 emplois directs, sans compter les emplois induits. Et, mes chers collègues, si l’EPR devait démarrer, il faudrait fermer au surplus Chinon B1 et Cruas-Meysse 1, ouverts tous les deux en 1984, soit il y a tout juste trente ans.

En réalité, les centrales qui sont concernées après Fessenheim sont celles qui fonctionnent au mox, issu du retraitement des combustibles usés : Saint-Laurent-des-Eaux, Gravelines, Dampierre, Blayais, Tricastin et Chinon. Sur vingt-quatre réacteurs concernés, dix-neuf sont des réacteurs moxés, qui représentent 80 % de la filière Mox, et l’on passera à vingt lorsqu’on ouvrira l’EPR de Flamanville en fermant le réacteur de Chinon. L’alternative, pour ne pas toucher à la filière mox, serait, pour vous, de fermer les autres centrales. Vous seriez donc obligés de fermer les centrales les plus récentes, celles construites après 1984, qui ont donc moins de trente ans, ce qui irait à rebours de toute votre argumentation sur la sécurité et les centrales vieillissantes.

M. Denis Baupin, rapporteur. C’est faux !

M. Julien Aubert. On comprend mieux le marché de dupes conclu entre les écologistes et les socialistes en 2011, à la suite de ce fameux accord sur tapis vert.

M. Bernard Accoyer. C’était assez honteux, d’ailleurs.

M. Julien Aubert. Il avait été écrit à l’époque : « Sur le nucléaire, ont été actés la fermeture de 24 réacteurs d’ici 2025, l’arrêt du retraitement et de la filière Mox ».

C’est ce qui était écrit au départ.

M. Denis Baupin, rapporteur. Non !

M. Julien Aubert. La mention de la filière Mox a ensuite été biffée sur le programme, pour calmer les employés du secteur nucléaire, qui s’inquiétaient à juste titre de cet engagement.

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Vous y étiez ?

M. Julien Aubert. Le problème, c’est que même en gardant uniquement la fermeture des vingt-quatre centrales, sans mentionner la filière Mox, à l’encre antipathique, il est écrit en filigrane que vous allez la fermer.

Votre gouvernement et votre majorité, madame le ministre, sont comme Christophe Colomb, parti découvrir les Indes et qui a dérivé vers les Amériques. Vous croyez acter la fin des vieilles centrales, vous allez tuer la filière de retraitement qui est la colonne stratégique d’Areva. Et comme disait Winston Churchill, « Christophe Colomb fut le premier socialiste : il ne savait pas où il allait, il ignorait où il se trouvait, et il faisait tout ça aux frais des contribuables. »

M. Philippe Goujon. C’est du grand Aubert !

M. Julien Aubert. Rappelons qu’au même moment Areva se débat dans des difficultés financières héritées de l’ère Lauvergeon…

M. Denis Baupin, rapporteur. La faute à qui ? Qui a géré Areva pendant dix ans ?

M. Julien Aubert. …et que la filière Mox concerne vingt-deux réacteurs fonctionnant en partie avec ce mélange d’uranium et de plutonium, dont Areva assure 95 % de la production mondiale. À l’origine, le Mox était le combustible des réacteurs à neutrons rapides, du type Superphénix, tous à l’arrêt depuis l’abandon de ce dernier, en 1997, par un autre socialiste, Lionel Jospin.

L’enjeu économique du retraitement et de la filière Mox ne prête donc pas à rire. Il est considérable,…

M. Denis Baupin, rapporteur. Considérablement dangereux !

M. Julien Aubert. …puisque ces deux activités génèrent un chiffre d’affaires de 1,1 milliard d’euros pour Areva, sur 8,3 milliards en 2014. La seule usine de La Hague, monsieur Bouillon, emploie 5 000 salariés, dont 2 000 dans des entreprises prestataires, mais génère aussi 5 000 emplois indirects. Actuellement, pour les réacteurs d’EDF, la consommation annuelle d’uranium naturel est de l’ordre de 8 400 tonnes et celle de combustibles Mox de 120 tonnes, soit une économie annuelle d’environ 900 tonnes d’uranium naturel. Voilà une argumentation industrielle et économique !

J’affirme devant vous, mes chers collègues, que cette destruction de valeur ajoutée d’une entreprise qui cherche dans le même temps à convaincre d’autres pays d’acheter sa technologie est un sabotage pur et simple (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) et une atteinte au principe constitutionnel de la liberté d’entreprendre, défini à l’article 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Je citerai la jurisprudence du Conseil constitutionnel, en date du 16 janvier 2001, sur l’archéologie préventive : « Il est loisible au législateur d’apporter à la liberté d’entreprendre, qui découle de l’article 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, des limitations liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l’intérêt général, à la condition qu’il n’en résulte pas d’atteintes disproportionnées au regard de l’objectif poursuivi. »

Clairement, l’amputation brutale de milliers d’emplois est disproportionnée au regard de l’intérêt général, qui reste à établir. En effet, rappelons à M. Baupin que l’intérêt général est de lutter contre le réchauffement climatique et pas seulement de réussir la COP 21 pour 340 millions d’euros…

M. Denis Baupin, rapporteur. Il faut faire les deux !

M. Julien Aubert. …et que nos amis allemands et japonais ont beaucoup de mal à maîtriser leurs émissions de carbone depuis qu’ils sont sortis du nucléaire. En 2013, les émissions allemandes de CO2 ont augmenté de 2 %. Les écologistes aiment à dire qu’elles ont baissé en 2014, mais ils oublient de mentionner que l’hiver clément et les exceptionnelles conditions climatiques ont joué un rôle dans la moindre consommation fossile.

Le troisième argument pourrait se résumer ainsi : « La maxime de Ronald Reagan appliquée à la transition énergétique ».

M. Denis Baupin, rapporteur. Nous sommes mal barrés !

M. Julien Aubert. L’objectif de plafonnement du nucléaire va introduire des difficultés juridiques évidentes en gelant le monopole d’EDF.

M. Denis Baupin, rapporteur. Êtes-vous pour ou contre le monopole ?

M. Julien Aubert. Chers collègues, le plafonnement de la capacité nucléaire à 63,2 gigawatts revient à geler le parc nucléaire, en actant qu’un seul acteur historique, EDF, le gérera. En d’autres termes, si demain une entreprise privée voulait ouvrir une centrale en France, elle devrait demander aimablement à son concurrent monopolistique qu’il en ferme une. C’est une adaptation gouvernementale du fameux slogan publicitaire d’une eau minérale bien connue : « Une centrale s’éteint, une autre s’éveille. »

M. Denis Baupin, rapporteur. Vous êtes pour le nucléaire privé ?

M. Julien Aubert. Une telle disposition supprime de facto la liberté d’établissement établie par la directive du 19 décembre 1996 sur la libéralisation du marché intérieur de l’énergie, que la Constitution fait respecter via l’article 55 : « Chaque producteur d’électricité et de gaz peut s’établir librement dans n’importe quel État membre de l’Union européenne. » Il est limpide qu’en établissant une impossibilité matérielle pour un producteur nucléaire de construire la moindre centrale sur le territoire français, le Parlement entérine de facto une interdiction de séjour, sauf à modifier le côté « chaises musicales » de la présente loi. Comme le résumait très bien Ronald Reagan, dont j’ai bien compris qu’il était l’une de vos nouvelles sources d’inspiration depuis la loi Macron,…

M. Guy Geoffroy. Qu’il est taquin !

M. Julien Aubert. …les gouvernements ont une vision très sommaire de l’économie : « Si ça bouge, taxez-le. Si ça continue à bouger, régulez-le. Si ça s’arrête de bouger, subventionnez-le. » C’est ainsi que d’une main vous régulez le nucléaire et que, de l’autre, vous faites du bouche-à-bouche à Areva.

Quatrième argument, que j’intitulerai : « Le principe d’Aristote adapté à la transition énergétique ». Le texte défend tout et son contraire : la croissance verte et l’économie circulaire. Or, ces deux concepts sont antinomiques.

C’est l’une des grandes fiertés des écologistes : avoir inscrit dans cette loi la promotion de l’économie circulaire, aux côtés de la « croissance verte » et du développement local des énergies renouvelables. Or, cette juxtaposition législative est une négation stratégique, et je vous citerai de larges passages d’un ouvrage intitulé L’Âge des low techs, de Philippe Bihouix, qui décrit le modèle de société prôné par les tenants d’un autre capitalisme.

Le présupposé de votre texte, madame le ministre, est de prôner la sortie partielle du nucléaire pour aller vers un modèle écologique plus vertueux, notamment moins dépendant des ressources. Mauvaise nouvelle : les énergies renouvelables font massivement appel aux ressources métalliques, et des plus rares, comme le néodyme et le dyprosium dans les aimants permanents pour les génératrices d’éoliennes ; le gallium, l’indium, le cadmium ou le tellure pour les panneaux photovoltaïques à haut rendement ; de même que le cuivre. Or, il existe des limites physiques, techniques et sociétales au recyclage dans un monde aussi technicisé que le nôtre. Il suffit simplement de pointer que les emballages alimentaires ou médicaux, lorsqu’ils sont souillés, sont inexploitables ou que la complexité des produits et des composants, comme dans un téléphone portable ou un ordinateur, nous empêche d’identifier, de séparer et de récupérer facilement les matières premières. En trois cycles d’utilisation, on perd donc de l’ordre de 80 % de la ressource initiale. L’économie circulaire n’en est pas une : elle est une économie spiralée.

En plus, les bâtiments basse consommation ou à énergie positive sont eux aussi consommateurs de nombreuses ressources rares, à cause des équipements bourrés d’électronique ou des additifs dans les verres faiblement émissifs. Je ne résiste pas à la tentation de vous citer le constat fait par Philippe Bihouix dans son ouvrage : « Les différentes énergies renouvelables ne posent pas forcément de problème en tant que telles, mais c’est l’échelle à laquelle certains imaginent pouvoir en disposer qui est irréaliste. » Combien faudra-t-il de lithium en France pour équiper un parc de plusieurs dizaines de millions de véhicules électriques ? Et combien de platine pour un parc de véhicules à hydrogène ? Combien, en outre, de béton pour fabriquer les bases logistiques d’éoliennes ?

Ceux qui affirment ici faire des économies avec un déploiement massif des énergies renouvelables dans le domaine électrique se trompent. Le projet pharaonique Desertec propose 700 térawattheures par an en 2050 de vingt centrales solaires à concentration, et ce pour 400 milliards d’euros, ce qui fait une électricité à peu près aussi chère que l’EPR de Flamanville.

M. Denis Baupin, rapporteur. Vous êtes contre l’EPR ?

M. Julien Aubert. Et encore, tous les calculs de coin de table oublient la durée de vie des installations des énergies renouvelables. Pour développer ces énergies de manière significative, sans remise en cause de nos exigences en termes de continuité de service, il serait nécessaire de relier 30 000 éoliennes pour produire la moitié de la perte induite par la baisse du nucléaire, les fermes photovoltaïques avec 600 kilomètres carrés de panneaux pour produire l’autre moitié et des dispositifs de stockage par des réseaux intelligents, afin de permettre à tout instant l’équilibre entre une offre erratique et intermittente et une demande variable, avec des consommateurs qui seront connectés par des compteurs intelligents. Un tel système induit de l’high-tech, donc de l’électronique, et donc des métaux rares.

Adieu la relocalisation, la production autonome ancrée dans les territoires, la maîtrise par les territoires tant vantée par les défenseurs du modèle des énergies vertes ! La fabrication, l’installation et la maintenance de monstres techniques que sont les éoliennes de 3 ou 5 mégawatts ne sont à la portée que de transnationales s’appuyant sur une organisation mondialisée, une expertise centralisée et mettant en œuvre des procédés industriels coûteux. Les clients dépendront d’un réseau de fabrication et de distribution de pièces détachées ultratechniques, bourrées d’électronique de puissance complexe à tous les étages. Voilà pourquoi développer le petit éolien serait plus facile et plus écologique.

Toute la contradiction de votre texte est là, madame le ministre. Vous voulez croire que l’écologie de la demande, décroissante, qui prône un développement durable, en considérant que le produit ou le service écologique est celui qui n’utilise pas d’énergie, parce qu’il n’y aura jamais un mode de production ou de consommation totalement vert ou propre, est siamoise d’une écologie de l’offre, la fameuse croissance verte, qui réclame à cor et à cri le remplacement des centrales électriques classiques par des énergies renouvelables. Or, ces deux écologies n’ont rien à voir. L’écologiste de l’offre réclame du gobelet recyclable, l’écologiste de la demande utilise toujours la même tasse pour boire, parce qu’il sait que tout n’est pas recyclable.

Le Conseil constitutionnel devra donc se saisir d’une loi qui affirme tout et son contraire. Ce sera l’occasion de redécouvrir tout l’intérêt d’Aristote, auteur antique vraisemblablement promis à l’oubli avec la prochaine réforme du collège,…

M. Bernard Accoyer. Hélas !

M. Julien Aubert. …mais qui reste présent dans notre hémicycle, au centre du tableau, en bleu, à côté de Platon, derrière le président de séance. Si le Conseil constitutionnel ne relit pas la Métaphysique d’Aristote et son principe de non-contradiction, qui veut que l’on ne peut affirmer et nier simultanément le même terme ou la même proposition, il aura au moins à cœur de trancher sur la question du principe de l’intelligibilité de la loi, et plus particulièrement sur sa concrétisabilité. Soit la croissance est verte, soit la décroissance est écologiste, mais il est impossible que ces déterminations apparaissent simultanément et s’appliquent du même point de vue à cette chose. Il est donc impossible qu’une chose soit et ne soit pas.

À la limite, l’écologiste de la demande, le janséniste énergétique, a plus de cohérence. Mais, madame le ministre, à aucun moment vous n’avez expliqué aux Français le monde de demain. Si vous appliquez à la lettre les préceptes des écologistes de la décroissance énergétique, en modifiant les comportements, il y aura des choses relativement indolores, comme l’interdiction des imprimés publicitaires ou des sacs en plastique. Mais lorsque les journaux se limiteront au noir et blanc, que le presse-orange et les tondeuses électriques seront un souvenir (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et écologiste), que les voitures vertes fabriquées en acier basique et aux accessoires inexistants seront bridées à 90 kilomètres-heure, que l’on interdira la climatisation en été et que l’on réduira la température de chauffe en hiver, les Français se demanderont à quel moment ils ont débattu de cette « nouvelle société » !

Lorsque dans les services marchands, la baisse de la consommation, la relocalisation des activités et le développement des circuits courts frapperont les 1,3 million d’emplois de la grande distribution, des transports et de l’entreposage,…

M. François Brottes, président de la commission spéciale. C’est l’apocalypse !

M. Julien Aubert. …devançant le dégonflement des services bancaires, comptables, juridiques, d’ingénierie et de contrôle,…

M. Bernard Accoyer. C’est convaincant !

M. Guy Geoffroy. C’est très construit !

M. Julien Aubert. …mais que ces chômeurs de l’économie circulaire se verront offrir des emplois dans certains métiers d’accueil et de service liés à la démachinisation de la société, ou dans l’agriculture, comment réagiront-ils ?

M. François Brottes, président de la commission spéciale. C’est du Spielberg !

M. Denis Baupin, rapporteur. C’est Mad Max !

M. Julien Aubert. C’est là votre vision, monsieur Baupin !

Quant au cinquième et dernier argument, il pourrait être résumé ainsi : « Illustration de la sagesse de Confucius appliquée à la transition énergétique ». Le texte acte un grand plan d’investissement dans la rénovation énergétique, mais justement les fonds ne suivent pas. Le dernier argument, mes chers collègues, est celui du coût : 10 milliards d’euros sur trois ans ont été annoncés pour enclencher le processus de transition, c’est-à-dire, grosso modo, jusqu’à l’élection présidentielle de 2017. Or, votre propre grand débat sur la transition énergétique avait évalué l’effort financier supplémentaire à 10 à 30 milliards d’euros par an. Du reste, nous avons appris, fin janvier 2015, que le Conseil général de l’environnement et du développement durable, l’inspection générale des affaires sociales et l’inspection générale des finances, qui avaient reçu en mars 2014 pour mission de scruter la politique du logement, ont rendu des conclusions exactement inverses à ce que vous proposez.

Le document est allé à contre-courant des mesures prises depuis l’an dernier pour soutenir les travaux de rénovation énergétique, en prônant de supprimer la prime pour travaux de 1 350 euros et la prime FART du programme « Habiter mieux » de l’ANAH, voire de porter la TVA sur ces travaux à 10 %, en pointant une politique du logement extrêmement coûteuse. Bref, non seulement votre texte n’avance pas de financement, mais quand il y en a, il semble que vos propres services concluent qu’il faut faire exactement l’inverse. Là encore, la concrétisabilité d’une loi sans moyens apparaît constitutionnellement très faible. Comme l’a dit Confucius, « Qui veut déplacer des montagnes commence par les petites pierres. […] Examine si ce que tu promets est juste et possible, car la promesse est une dette. »

Au final, il est regrettable que votre gouvernement voie très nettement de près au plan budgétaire, mais qu’il ait une perspective plus floue au-delà de 2017,…

M. Guy Geoffroy. Quel hasard !

M. Julien Aubert. …alors qu’au plan de la stratégie énergétique, c’est parfaitement l’inverse. Vous semblez avoir une excellente vue pour les horizons très lointains, à 2050, tout en voyant l’avenir des centrales nucléaires au premier plan de manière très floue.

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. Il y a des horizons intermédiaires !

M. Julien Aubert. Je ne sais comment on désigne un gouvernement qui serait myope budgétairement, mais hypermétrope stratégiquement. Des lunettes, en tous les cas, s’imposent !

Pour notre part, nous appelons à la raison. Nous défendrons, comme en première lecture, nos dix propositions de l’Autre débat sur la transition énergétique, même si nous ne nous faisons plus d’illusions sur la fameuse co-construction. Nous avons fini par comprendre que cette loi est un instrument de co-destruction économique partagé entre les écologistes et les socialistes. La transition énergétique : oui ! La trahison énergétique : non ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. Vous n’êtes pas honnête, monsieur Aubert !

M. François Brottes, président de la commission spéciale. C’était Apocalypse now !

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Ségolène Royal, ministre. Monsieur Aubert, je vous ai écouté très attentivement. Je respecte tout à fait votre point de vue, malgré l’aspect un peu caricatural de certains arguments.

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. C’est peu dire !

Mme Ségolène Royal, ministre. J’ai quelque difficulté à entrer dans votre raisonnement, qui est à l’opposé du mien. En effet, j’ai fait le choix, dans lequel beaucoup de parlementaires se sont retrouvés, quelle que soit leur sensibilité politique, de ne pas opposer les énergies les unes aux autres. Je pense que c’est ainsi que l’on travaille intelligemment et de façon structurante, afin de préparer au mieux le pays pour l’avenir.

Par ailleurs, ce choix est aussi un choix d’équilibre. Ce n’est ni le tout nucléaire, ni le zéro nucléaire auquel étaient favorables certains parlementaires qui ont fait du chemin pour trouver des convergences et faire en sorte que les forces vives de notre pays, au premier rang desquelles les entreprises, puissent se retrouver et voir avec clarté les perspectives que la nation va leur donner, pour pouvoir sécuriser leurs investissements et monter en puissance sur les énergies renouvelables, sur l’efficacité énergétique, notamment celle des bâtiments, et sur le maintien du socle nucléaire.

De fait, malgré le passage de 75 à 50 % de la part de l’énergie nucléaire dans l’électricité, nous resterons le pays qui aura la plus grande part de nucléaire dans le mix électrique. Nous sommes loin des caricatures que vous dessinez, monsieur Aubert. C’est l’intérêt du pays et celui de nos grands énergéticiens d’être stimulés sur la transition énergétique. Cela est si vrai que j’incite d’ailleurs EDF à entrer dans la transition énergétique, à être aussi un champion dans le domaine des énergies renouvelables…

M. Denis Baupin, rapporteur. Très bien !

Mme Ségolène Royal, ministre. …et à offrir sur les marchés internationaux un mix énergétique, composé du nucléaire, produit notamment grâce à la mise au point de la nouvelle génération de réacteurs que j’ai encouragée, et des énergies renouvelables, grâce à l’accélération de l’innovation dans ce domaine.

Par exemple, trouvez-vous normal que ce soit aux États-Unis, avec des ingénieurs français, qu’on ait mis au point le stockage des énergies renouvelables ? Est-ce normal ? Non.

M. Bernard Accoyer. Pas normal, mais explicable ! Il est tellement difficile d’entreprendre en France !

Mme Ségolène Royal, ministre. C’est le choix du tout-nucléaire qui a conduit nos meilleurs ingénieurs, dans le domaine des énergies renouvelables, et aujourd’hui dans celui du stockage des énergies, à partir aux États-Unis. Je considère que nous devons rattraper ce retard et que nos grands énergéticiens doivent soutenir leurs ingénieurs afin qu’ils soient les meilleurs dans le domaine des énergies renouvelables et de la performance énergétique. En effet, figurez-vous que dans les années à venir – et le sommet sur le climat accélérera cette transition dans tous les pays –, il y aura mille fois plus d’investissements dans le renouvelable que dans le nucléaire. Et si la France rate ce tournant, tout ce que vous avez décrit va effectivement arriver.

Au contraire, la France doit être très présente, accélérer cette transition et répondre aux marchés mondiaux – on le voit en Chine, en Inde, en Amérique latine et demain en Afrique. La responsabilité de la représentation nationale et du Gouvernement est précisément d’aider nos entreprises à être clairvoyantes sur ces enjeux, sur la tournure que prennent les marchés mondiaux et sur les actions nécessaires pour lutter contre le dérèglement climatique. Nous ne devons pas rater ce tournant considérable de la transition énergétique, tout en maintenant, je le répète, le socle du nucléaire. De ce point de vue, je tiens à vous rassurer et je ne doute pas qu’au cours de nos débats, vous aurez l’occasion de changer d’avis et de soutenir par vos votes cette nouvelle transition énergétique, car vous non plus, vous ne devez pas rater ce tournant. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Denis Baupin, rapporteur. Très bien !

M. le président. Nous en venons aux explications de vote sur la motion de rejet préalable. La parole est à M. Jean-Yves Caullet, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Jean-Yves Caullet. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission spéciale, mesdames et messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, j’ai entendu M. Aubert convoquer des auteurs anciens. Je ne résisterai donc pas à un petit syllogisme : un discours doit être compris, c’est même pour cela, en principe, qu’il est prononcé ; pour être compris, il doit être clair ; un discours clair peut être compris rapidement ; il est donc inutile, pour être clair et compris, de faire un long discours. Mais sans doute n’était-ce pas là l’objectif de notre collègue.

Le texte que nous allons examiner – car je ne doute pas que nous le fassions – a déjà fait l’objet d’une lecture dans cet hémicycle et au Sénat. Ceux qui ont suivi attentivement les débats ont bien compris qu’il était intéressant et urgent de conclure nos débats et de mettre ce texte en application. Même les plus sceptiques ont été convaincus. La transition énergétique et la croissance verte sont les domaines qui vont permettre à notre pays de se mettre en mouvement vers l’excellence environnementale. Ce texte est tout simplement fondamental pour l’environnement et pour la lutte contre le dérèglement climatique. Il comprend des mesures favorables aux ménages, porteuses d’emploi et d’une nouvelle croissance. Il réconcilie donc les objectifs planétaires et les aspirations du quotidien. Il est mobilisateur.

Nos travaux ont démontré l’urgence et l’importance de son adoption. La commission mixte paritaire a mis en exergue à la fois les points que nos débats devront trancher et les points de convergence. Et aujourd’hui, ceux-là mêmes qui regrettaient hier l’échec de la CMP au nom des convergences, refuseraient de trancher les points qui doivent l’être en refusant le débat ! Les enjeux, mes chers collègues, sont trop importants pour que ce texte soit l’otage de débats de procédure capillotractés. Il faut poursuivre et achever notre travail ; c’est l’intérêt de la France, qui va accueillir bientôt la COP 21. C’est pourquoi le groupe SRC rejettera cette motion de rejet. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Accoyer, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Bernard Accoyer. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission spéciale, mesdames et messieurs les rapporteurs, chers collègues, le groupe UMP invite notre assemblée à adopter cette motion de rejet préalable, pour de nombreuses raisons. D’abord, parce que le discours de notre collègue Julien Aubert a été profond.

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Abyssal !

M. Bernard Accoyer. Il a exploré tous les motifs d’inconstitutionnalité et est allé beaucoup plus loin que de nombreux discours entendus ici, qui manquent cruellement de références culturelles et historiques. Je tenais à l’en féliciter.

Mais il y a des moyens qui sont purement constitutionnels justifiant le vote de cette motion de rejet. Le moyen indiscutablement le plus important est celui de l’étude d’impact. En effet, depuis la révision constitutionnelle de 2008, la Constitution exige qu’une étude d’impact sérieuse accompagne tout projet de loi. Or, madame la ministre, ce n’est pas le cas de ce projet de loi et je vais le démontrer.

En effet, imposer la réduction de la part du nucléaire dans la production d’électricité de 75 % à 50 % à l’horizon, très bref, de 2025, c’est imposer au pays, à ses citoyens-consommateurs-contribuables comme à ses entreprises, l’arrêt et le démantèlement de vingt-quatre réacteurs nucléaires. Or l’impact financier est majeur. Au minimum, s’agissant des seuls réacteurs et centrales, ce sont 100 à 300 milliards d’euros qui seront nécessaires pour leur démantèlement complet, sans parler de la reconversion des personnels qui y travaillent. Il faut ajouter à ces dépenses des problèmes de délais imposés, qui seront compliqués par d’innombrables recours, que l’on voit déjà poindre.

Deuxième preuve de l’insuffisance dramatique de cette étude d’impact : l’absence d’évaluation du coût de construction des centrales à énergie renouvelable, dont on sait qu’elles doivent avoir des capacités beaucoup plus importantes que les centrales actuelles, qui ne demandent qu’à être prolongées, comme dans tous les pays du monde disposant d’une filière nucléaire, à l’exception de l’Allemagne. Ce coût est également estimé à plusieurs centaines de milliards d’euros. Et nous parlons, madame la ministre, de l’échéance de 2025 ! Voilà des arguments financiers de poids qui prouvent le caractère insignifiant et indigent de l’étude d’impact que vous avez osé présenter au Parlement.

Il faut ajouter à ces coûts ceux de la construction d’interconnexions complexes et considérables, tels que les connaissent aujourd’hui nos voisins et amis allemands. Je ne parlerai pas des coûts humains et sociaux que vous connaissez et que nous évoquerons indirectement.

Mais s’il fallait souligner l’insuffisance et l’absence de sérieux de votre étude d’impact, je me référerais aux propos d’un membre emblématique du groupe écologiste, Mme Duflot. Elle ne pourra pas me démentir, puisque je vais citer ses propos tenus le 7 mai, à l’Assemblée nationale, dans le cadre de la mission sur l’avenir des institutions, alors que nous évoquions le sujet des études d’impact, sous la présidence de M. Bartolone : « L’étude d’impact du projet de loi sur la transition énergétique dit que si cette loi est adoptée, nous allons vers la fermeture de vingt-quatre réacteurs nucléaires dans notre pays. » Ainsi, le Gouvernement, qui s’appuie sur sa majorité, n’incite pas les Français à prendre la mesure de l’impact de ce texte en matière de coût, qui comprend celui de l’énergie, de la fiscalité et les conséquences sur l’emploi. Il s’agit bien là de l’aveu d’un membre éminent de la majorité, qui reconnaît que l’étude d’impact n’est pas à la hauteur de ce texte. Vous le comprenez bien, madame la ministre, ce motif d’inconstitutionnalité sera porté devant la juridiction constitutionnelle.

De surcroît, cette étude d’impact cache les conséquences de ce texte sur l’avenir économique et social de notre pays et de nos compatriotes. Pour eux comme pour les entreprises localisées encore à ce jour en France, l’application de cette loi, avec la hausse majeure du coût de l’électricité, se concrétisera par moins de pouvoir d’achat pour les familles, moins d’emploi dans les entreprises et, par conséquent, par plus de chômage.

Madame la ministre, vous ne dites jamais que si la France a les performances actuelles en matière de rejet de CO2, c’est grâce à la filière nucléaire. Si nous gardons cet avantage indiscutable sur le plan environnemental, ce sera grâce à la sauvegarde de la prééminence de cette filière, de ce que nous avons su en faire depuis des décennies, de ce que des générations d’ingénieurs, de techniciens, d’ouvriers ont su faire de cette filière emblématique de notre fierté industrielle et technologique nationale. Vous ne dites pas assez que l’électricité payée par nos compatriotes est environ un tiers moins chère que ce que paient les ressortissants des autres pays de l’Union européenne. Vous ne dites pas assez qu’il s’agit d’un avantage pour le pouvoir d’achat et pour notre industrie, dont les coûts et la compétitivité seront lourdement affectés par la hausse importante du coût de l’électricité induite par votre texte. Son application entraînerait probablement une hausse de 50 % à 100 % de ce coût ! Avouez, madame la ministre, qu’il s’agit d’un impact important dont il eût été normal que vous informiez les parlementaires.

J’ajoute que mettre à mal la filière nucléaire, comme vous le faites, entraînera la perte d’au moins 10 000 emplois directs. Il faut rappeler que la filière nucléaire, avec ses sous-traitants, représente 400 000 emplois en France. M. Baupin, qui rit toujours lorsqu’il s’en prend à la filière nucléaire, avec la ténacité qu’on lui connaît, devrait l’assumer devant les familles de nos compatriotes, qui seront demain concernées par ses turpitudes.

M. Denis Baupin, rapporteur. Les centrales emploient 25 000 personnes, et ce sont des fonctionnaires d’EDF !

M. Bernard Accoyer. Ce sont tout simplement les conséquences d’un accord politique entre M. Hollande et les Verts : le pouvoir contre la filière nucléaire. Cela est indigne. C’est aussi l’une des raisons pour lesquelles je vous invite à adopter cette motion de rejet. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Bertrand Pancher, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

M. Bertrand Pancher. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission spéciale, mesdames et messieurs les rapporteurs, chers collègues, le groupe UDI ne fait pas une fixette sur le nucléaire. Nous considérons qu’il s’agit d’une énergie dont nous avons besoin et dont nous ne pouvons nous passer pour le moment et très certainement pendant longtemps. Mais résumer le projet de loi sur la transition énergétique à la question du nucléaire est très réducteur, même si je partage une partie du constat de M. Aubert : les analyses d’impact n’ont pas été réalisées dans ce domaine, comme dans d’autres.

Je ne partage pas non plus sa position peut-être un peu extrême, du moins présentée en forçant le trait, sur les énergies renouvelables. Nous ne pouvons pas brûler aujourd’hui ce que nous adorerons demain lorsque, je l’espère, nous serons dans la majorité. Au contraire, nous avons soutenu des grandes politiques environnementales lors du Grenelle de l’environnement et contribué à modeler en partie la physionomie des engagements européens dans les domaines des énergies renouvelables, de la réduction de la consommation énergétique et évidemment de la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Nous avons mis en place des stratégies dont nous sommes fiers et que nous ne pouvons pas critiquer en permanence, sauf à être considérés par nos concitoyens comme des sortes de girouettes en politique, ce que nous ne sommes pas.

En revanche, je tiens à revenir sur une partie de l’argumentaire de la motion de rejet préalable présentée par notre collègue Aubert en l’élargissant à la question de l’analyse d’impact globale sur ce projet de loi. Madame la ministre, vous le savez bien, si nous étions dans un pays d’Europe du Nord ou au Parlement européen, c’est-à-dire contrôlés par des commissions indépendantes en charge des analyses d’impact, celles-ci nous auraient demandé de reprendre le débat sur la transition énergétique. En effet, celui-ci n’a pas été bon, puisque des membres importants sont partis dans le courant de l’année 2012. Elles nous auraient également demandé de préciser de façon très claire les moyens mobilisés en contrepartie des objectifs particulièrement forts que vous vous fixez. Nous considérons que les analyses d’impact ne sont pas bonnes et qu’il est indispensable de retravailler ce texte. C’est la raison pour laquelle nous voterons cette motion de rejet préalable.

M. le président. Sur la motion de rejet préalable, je suis saisi par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. le président de la commission spéciale.

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Je demande une suspension de séance, monsieur le président. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Julien Aubert. Il botte en touche !

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures, est reprise à dix-huit heures cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Nous poursuivons les explications de vote sur la motion de rejet préalable. La parole est à M. Jacques Krabal, pour le groupe RRDP.

M. Jacques Krabal. Julien Aubert a défendu la motion de rejet préalable avec tout le talent oratoire qui le caractérise, mais ses connaissances culturelles et historiques ne sont en l’occurrence pas mises au service d’une bonne cause, et je trouve cela vraiment dommage.

Au-delà du manque de clarté, je pourrais ajouter que tout ce qui est excessif peut apparaître insignifiant. Mais par respect pour lui, je n’utiliserai pas cette expression.

Même si certaines de ses remarques peuvent être fondées, notamment concernant les études d’impact et d’autres aspects de ce projet de loi, réduire ce texte à une opposition entre pro et anti-nucléaires me semble profondément réducteur et caricatural : ce n’est pas ainsi que l’on fait avancer le débat.

Ce texte se situe, cela a été dit, dans la continuité du vote du Grenelle de l’environnement : il mérite donc un débat véritable et sincère.

Mme Sophie Rohfritsch. Mais il est sincère !

M. Jacques Krabal. Nous appelons de nos vœux un véritable débat sur le fond.

Il ne suffit pas de citer une liste d’historiens ; il faut aussi s’imprégner de la vie locale. Or sur nos territoires, quand on parle de transition énergétique, nos concitoyens attendent des mesures réelles, pas des caricatures ou des bons mots.

Plus de 500 collectivités ont fait acte de candidature pour s’engager à devenir des territoires à énergie positive, des TEPOS : cela n’est pas rien ! Plus de 200 ont été retenues. Fin 2014, des chercheurs et des chefs d’entreprise ont déclaré avec force qu’ils croyaient en la transition énergétique, pas seulement pour écrire l’avenir, mais également pour créer les emplois de demain.

Voilà quelques-unes des raisons pour lesquelles le groupe RRDP s’oppose tant à la méthode qu’à l’expression et au fond de cette motion de rejet préalable.

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin, et je prie donc nos collègues de bien vouloir regagner leurs places.

Je mets aux voix la motion de rejet préalable

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants98
Nombre de suffrages exprimés97
Majorité absolue49
Pour l’adoption36
contre61

(La motion de rejet préalable n’est pas adoptée.)

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Patrice Carvalho.

M. Patrice Carvalho. Madame la ministre, mesdames, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, nous procédons donc, après le débat au Sénat et l’échec de la commission mixte paritaire, à une nouvelle lecture de ce projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte comprenant les modifications qui ont été apportées au texte voté par l’Assemblée.

Je souhaite tout d’abord redire combien notre groupe partage, madame la ministre, les intentions affichées par votre projet. Il s’agit, en effet, de construire un nouveau modèle énergétique plus diversifié, plus équilibré, plus sûr et plus participatif, d’engager notre pays dans une lutte efficace et résolue contre le réchauffement climatique, et de poser les bases d’une nouvelle croissance plus économe en énergie.

Cinq ambitions sont ainsi affichées : réduire les émissions de gaz à effet de serre de 40 % en 2030 et les diviser par deux à l’horizon 2050 ; diviser par deux la consommation d’énergie finale en 2050, par rapport à 2012 ; réduire la consommation d’énergies fossiles de 30 % en 2030 ; porter la part des énergies renouvelables à 23 % de la consommation énergétique en 2020 et à 32 % en 2030 ; et, enfin, réduire la part du nucléaire dans la production d’électricité.

Il s’agit d’incontestables défis pour la France qui a le devoir d’être exemplaire, notre pays devant accueillir, au mois de décembre prochain, le sommet mondial énergie-climat à Paris. Si nous voulons entraîner d’autres nations dans un cercle énergétique vertueux, nous nous devons de nous fixer, pour nous-mêmes, des objectifs à la hauteur des enjeux.

Cela m’amène à vous faire part, à nouveau, des interrogations qui nous ont conduits, dans le cadre de cette nouvelle lecture, à déposer un certain nombre d’amendements de fond. La première d’entre elles, madame la ministre, est la suivante : avez-vous les moyens des ambitions qu’affiche votre projet ? Pour parvenir au mix énergétique envisagé, l’ADEME, estime en effet qu’il faudrait mobiliser entre 10 et 30 milliards d’euros de plus chaque année, sachant que les investissements énergétiques s’élèvent actuellement à 37 milliards.

Or il n’est prévu que 10 milliards d’euros sur trois ans, sous forme de crédits d’impôt, de chèque énergie et de fonds pour accompagner les collectivités locales, les particuliers, les entreprises et les banques. Le compte risque donc de ne pas y être.

En son temps, le Grenelle de l’environnement nous avait été présenté comme une révolution. Il a, sans aucun doute, joué un rôle décisif dans la prise de conscience de l’enjeu environnemental mais, faute de moyens correspondants, la montagne a souvent accouché d’une souris. Il serait regrettable que votre texte, madame la ministre, connaisse un sort similaire.

Vous me permettrez d’insister à présent sur deux points qui touchent à la construction du mix énergétique. Au sein de ce mix, la part du nucléaire doit passer, d’ici à 2025, de 75 % à 50 %. Je ne suis pas de ceux qui considèrent que le nucléaire serait un horizon indépassable.

Néanmoins, la diminution de sa part dans la production d’énergie n’est envisageable qu’au fur et à mesure d’une montée en puissance efficace, et forcément progressive, des énergies alternatives.

Le modèle allemand, dont M. Baupin ne parle pas, nous est souvent vanté. En l’espèce, il est un contre-modèle dont nous devons tirer des enseignements.

En 2000, nos voisins d’outre-Rhin lançaient le tournant énergétique. Les énergies renouvelables représentaient alors 7 % de la production électrique nationale. Aujourd’hui, les énergies vertes représentent 23 % de la consommation électrique et l’objectif pour 2020 est d’atteindre les 35 %.

De fait, l’Allemagne est parvenue à développer le solaire, l’éolien et la biomasse, et le mouvement est d’autant plus appelé à s’accélérer que les Allemands ont décidé de sortir du nucléaire, mais cette transition énergétique a un coût particulièrement élevé. La principale dépense est la subvention des tarifs de rachat de l’électricité produite sur la base d’énergies renouvelables. Le montant de ces subventions est estimé à 680 milliards d’ici à 2022. Ce sont, bien sûr, les usagers qui paient, et le kilowattheure allemand est déjà l’un des plus chers d’Europe – 0,27 euro –, quand le nôtre est parmi les plus bas – 0,15 euro –, la moyenne étant de 0,20 euro dans la zone euro et de 0,19 euro dans les vingt-huit pays de l’Union européenne.

Si la France occupe une telle place, c’est bien grâce à ses choix et à la maîtrise publique de sa production, dont il y aurait grand danger à sortir sans précaution.

À cela s’ajoute un paradoxe de taille : la fragilité et l’imprévisibilité de l’exploitation des énergies renouvelables, la sortie du nucléaire de nos amis allemands les conduisent à rouvrir des centrales à charbon, les plus émettrices de CO2, et comme ces dernières doublent la production des énergies renouvelables, les coûts de production augmentent d’autant.

Cela m’amène à une remarque sur l’éolien. Les évolutions législatives se sont multipliées pour en permettre le développement. Avec la loi Brottes, en mars 2013, la règle des cinq mâts a été abrogée, de même que les zones de développement de l’éolien, et le droit de l’urbanisme a été assoupli. Il nous est proposé, dans ce projet de loi, de ramener à 500 mètres la distance minimale entre les installations et les zones urbanisées. Bref, nous allons vers un mitage anarchique du territoire, ce qu’ont fait nos voisins allemands et ce dont ils sont en train de revenir. Le lobbying qui s’exerce en France est d’ailleurs le fait d’entreprises allemandes, qui voient l’occasion de prospérer sur notre sol alors que s’épuisent les perspectives outre-Rhin. Tout cela n’est pas raisonnable. Nous aurons sur ce sujet un amendement tendant à porter la distance à 1 000 mètres.

À partir de ces éléments d’appréciation sur le processus de construction du mix énergétique, il nous semble important, et c’est l’objet de plusieurs de nos amendements, d’afficher la nécessité d’une maîtrise publique du secteur de l’énergie, avec la définition d’une planification énergétique nationale, qui flèche en particulier les moyens financiers alloués par l’État pour chacun des objectifs et chacune des actions de la politique de transition énergétique, avec la création d’un pôle public de l’énergie incluant notamment EDF, GDF, AREVA et Total renationalisé.

Une autre série d’amendements concerne la réponse aux besoins de nos concitoyens, avec la garantie du maintien des tarifs réglementés pour l’électricité et le gaz, une maîtrise de la puissance publique sur la fixation des prix de vente, des dispositions concrètes contre la précarité énergétique tout au long de l’année.

D’autres amendements concernent les concessions hydrauliques et l’ouverture à la concurrence, la régionalisation de la production et de la distribution avec les questions qui sont posées sur la péréquation et l’unicité des tarifs à l’échelle de l’ensemble du territoire national.

Il y a enfin de grands absents dans ce projet de loi. Je pense, en particulier, aux transports collectifs et, pour le fret, au report modal, c’est-à-dire à la sortie du tout routier et au développement du ferroviaire et de la voie d’eau.

Je ne reviens pas sur la retraite opérée par le Gouvernement sur l’écotaxe, à laquelle s’ajoute d’ailleurs, depuis, la disposition de la loi Macron en faveur du transport de voyageurs en car.

Parmi les autres grands enjeux, pas ou peu présents dans le projet, il y a ceux qui touchent aux projets industriels et à l’adaptation de notre appareil productif à la transition écologique. Une volonté politique forte est pourtant nécessaire pour affronter des lobbies autrement plus puissants que ceux auxquels le Gouvernement a cédé sur l’écotaxe. Cela passera non par les 41 milliards du CICE et du pacte de responsabilité sans contrepartie, y compris écologique, mais, selon l’OFCE, par 16 milliards d’investissements par an à consentir par l’État et les entreprises.

Je conclurai par un autre grand sujet dont votre projet de loi fait une priorité : le bâtiment. Il représente à lui seul 44,5 % de la consommation énergétique finale. L’objectif est d’atteindre en 2017 le rythme de 500 000 logements rénovés par an. C’est souhaitable, mais très ambitieux si nous considérons que, chaque année, les objectifs fixés ne sont jamais atteints.

Notons que le crédit d’impôt pour les dépenses de rénovation énergétique a été renforcé depuis le 1er septembre, passant à un taux unique de 30 % du coût des travaux au lieu de 15 % ou 25 %. Néanmoins, cette mesure est très limitée dans le temps.

Il ne vous aura pas échappé que la baisse du pouvoir d’achat des Français réduit leur possibilité d’engager les travaux nécessaires. Certes, le taux bénéficiera à toute action simple de rénovation. C’est vrai que c’est incitatif mais, en même temps, cela risque de créer un effet d’aubaine pour les entreprises et d’inciter les particuliers à réaliser des travaux ponctuels, au détriment d’une cohérence d’ensemble efficace.

De même, pour augmenter de 30 000 à 100 000 par an le nombre d’éco-prêts à taux zéro, le projet de loi visait à décharger les banques de la validation technique des dossiers, ce qui fait qu’elles rechignent aujourd’hui à accorder de tels prêts. Il fallait simplement s’assurer que les artisans répondent à la norme « reconnu garant de l’environnement ». Or le label ne garantit pas une rénovation énergétique performante, laquelle, dans un souci d’efficience, gagnerait à relever d’un véritable service public de l’efficacité énergétique.

Telles sont, madame la ministre, les remarques que je souhaitais formuler pour cette nouvelle lecture que nous abordons dans un esprit ouvert et constructif. Notre vote dépendra du sort qui sera réservé à nos propositions.

M. le président. La parole est à M. Christophe Bouillon.

M. Christophe Bouillon. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous abordons donc la nouvelle lecture du projet de loi relatif à la transition énergétique. Tout le monde le reconnaît désormais, il y a urgence à agir. Sur tous les bancs de l’Assemblée nationale, j’ai pu mesurer à quel point les enjeux du réchauffement climatique étaient compris et à quel point il y avait, chez certains en tout cas, une volonté commune d’avancer.

Cela va faire deux ans et demi que nous avons lancé le grand débat national sur la transition énergétique. Ce débat a permis aux acteurs socio-économiques et aux ONG de proposer plusieurs pistes d’évolution pour notre politique énergétique. Leurs conclusions ont largement inspiré le présent projet de loi.

Le débat parlementaire a aussi été très riche depuis un an, notamment au sein de la commission spéciale que nous avons constituée. Je remercie le président Brottes, le président Chanteguet, Mmes et MM. les rapporteurs pour la qualité de leur travail, ainsi que tous les députés investis sur ce texte. Je vous remercie également, madame la ministre, pour la nouvelle impulsion que vous avez donnée à ce projet de loi et pour la liberté que vous avez laissée aux parlementaires dans ce débat.

L’on peut se féliciter également du travail antérieur fourni par nos collègues sénateurs. Tout le monde s’en est réjoui lors de la dernière réunion de la commission spéciale. Vous avez même reconnu, monsieur Aubert, que nous étions proches d’un accord en commission mixte paritaire entre les deux chambres parlementaires.

M. Julien Aubert. Oui.

M. Christophe Bouillon. La vérité, et vous le savez, c’est que nous en étions assez loin à partir du moment où vous continuez, comme vous l’avez fait tout à l’heure, à promouvoir le tout-nucléaire.

M. Julien Aubert. Mais non !

M. Denis Baupin, rapporteur. Eh si !

M. Julien Aubert. Quel cliché !

M. Christophe Bouillon. Vous avez évoqué nombre d’auteurs. Je ne me permettrai pas de citer Ronald Reagan, n’étant pas amateur de westerns, je citerai plutôt Confucius : « Appliquez-vous à garder en toute chose le juste milieu ». Malheureusement, sur ce sujet comme sur de nombreux autres, ce n’est pas ce que vous faites.

Aujourd’hui encore, l’opposition crie au démantèlement de notre fleuron industriel atomique. Pourtant, qui peut minimiser le vieillissement des centrales, le risque nucléaire après la catastrophe de Fukushima et les coûts cachés de la filière ? Vous avez d’ailleurs reconnu en commission spéciale, mesdames, messieurs de l’UMP, qu’une baisse de la part de l’atome dans notre mix électrique était inévitable.

M. Julien Aubert. Nous ne sommes pas pour le 100 % !

M. Christophe Bouillon. Je remercie aussi nos collègues écologistes pour le dialogue permanent que nous avons mis en place entre nos deux groupes parlementaires. Je pense notamment à la commission d’enquête sur le coût de la filière nucléaire coprésidée par M. Brottes et M. Baupin, qui a pu aboutir à une position commune.

Ainsi, nous le voyons, nos oppositions ne sont qu’à la marge et nous pouvons nous entendre sur l’essentiel. La majorité a choisi une voie équilibrée et pleine de sagesse, une baisse progressive à 50 % dans le mix électrique à l’horizon 2025. Comme vous l’avez dit, madame la ministre, nous n’opposons pas les énergies les unes aux autres, et nous avons réaffirmé un engagement emblématique du Président de la République, car c’est aussi cela la politique, transformer ses convictions et engagements en actes.

Ce projet de loi, ce sont aussi plusieurs mesures fortes pour le logement, qui représente plus de 44 % de notre consommation énergétique finale. Nous créons le premier dispositif pérenne de tiers-financement en France, nous rendons le crédit d’impôt à la rénovation énergétique plus attractif et nous mettons en place le chèque énergie pour lutter contre la précarité énergétique qui touche les plus modestes.

Nous souhaitons aussi déblayer le chemin de la mobilité durable car les transports représentent 32 % de notre consommation énergétique. Nous favorisons le développement de la mobilité électrique autant que les carburants alternatifs, le covoiturage en entreprise, la lutte contre le diesel et la pollution atmosphérique.

Ce texte de loi, c’est évidemment aussi la montée en force des énergies renouvelables dans notre pays par la substitution du complément de rémunération aux tarifs d’achat, par le doublement du fonds chaleur et le développement mesuré de la méthanisation agricole. L’objectif que nous fixons est ambitieux : 23 % de part d’énergies renouvelables dans le mix énergétique à l’horizon 2020 et 32 % à l’horizon 2030.

Nous favorisons aussi l’économie circulaire par plusieurs mesures concrètes visant à lutter contre l’obsolescence programmée, à réduire progressivement l’usage de sacs plastiques dans les grandes surfaces et à développer un traitement des déchets plus propre et de proximité.

Mes chers collègues, nous aboutissons à un texte à la fois ambitieux, pragmatique et rassembleur, fruit de deux ans et demi de réflexion et de débat. Cette nouvelle lecture à l’Assemblée nationale est l’occasion de l’enrichir encore une fois. Le groupe SRC compte ainsi déposer de nouveaux amendements, tout comme l’opposition. Ce qui importe, c’est que nous débattions dans un esprit de responsabilité et de co-construction. Ne nous adonnons pas à l’obstruction parlementaire ! Je sais que la tentation existe parfois, mais elle pourrait priver les citoyens d’un débat passionnant sur l’avenir de notre pays.

J’ai moi-même été attentif, comme un grand nombre de mes collègues, aux propositions de l’UDI et à « l’autre débat sur la transition énergétique » que le groupe UMP a organisé l’année dernière, mais l’autre débat ne doit pas conduire à une autre loi, en tout cas pas à une loi qui tournerait le dos à nos engagements européens et à ceux du Président de la République. J’ai également entendu les craintes de nos collègues communistes, sur l’avenir des concessions hydroélectriques notamment. Inutile de s’inquiéter, les spécificités françaises de cette filière seront préservées.

Enfin, n’oublions pas non plus que ce débat définira la crédibilité de la France sur la scène internationale, car c’est en France que nous devrons décider des objectifs et moyens de lutte à long terme contre le changement climatique lors de la Conférence sur le climat que nous accueillerons à Paris.

Le texte sur la transition énergétique traduira les engagements de la France dans cet effort collectif. La stratégie bas carbone fixe comme objectifs de réduire nos émissions de gaz à effet de serre de 40 % entre 1990 et 2030 et de les diviser par quatre à l’horizon de 2050. Nous voulons aussi réduire de 50 % notre consommation énergétique en 2050, avec le rétablissement de l’objectif intermédiaire de 20 % en 2030, que les sénateurs avaient supprimé. Oui, c’est par ce texte que nous dirons à nos partenaires de la COP21 : « Voici nos engagements, quels sont les vôtres ? »

Mes chers collègues, nous sommes face à un moment historique. L’agenda politique des dernières semaines confirme que quelque chose est en train de se jouer. Madame la ministre, vous rencontriez hier encore à Berlin vos homologues étrangers pour réaffirmer le devoir des pays développés de prendre leurs responsabilités. La Chine et les États-Unis sont aussi prêts à prendre des engagements. Plus près de chez nous, ce sont les maires et la société civile qui s’engagent dans l’économie collaborative, l’agriculture biologique et la préservation de la biodiversité. Ils veulent être entendus.

Les entreprises aussi prennent le coche. Les secteurs de la croissance verte, ces start-up innovantes, les artisans de la troisième révolution industrielle ont déjà pris une longueur d’avance. Les grands groupes doivent également prendre leurs responsabilités et il semble que les choses bougent. N’est-ce pas le président d’un grand groupe de l’énergie qui a affirmé la semaine dernière dans un quotidien qu’il fallait donner un prix au carbone ?

Chaque jour qui passe sans engagement politique pour le climat, ce sont des coûts supplémentaires que devront assumer les générations futures, mais ne soyons pas défaitistes et ne pensons pas que la transition énergétique est une contrainte.

C’est au contraire une chance pour notre quotidien, le passage à une société de partage, plus apaisée. Une société moins livrée à la frustration de l’accumulation et de l’immédiateté.

À nous d’apprivoiser le progrès technique afin qu’il soit non pas aliénant mais libérateur, à nous de tendre vers la sobriété heureuse et non confiscatoire. C’est tout l’esprit du projet de loi sur la transition énergétique : donner les moyens aux entreprises, aux collectivités et aux citoyens de se saisir de leur avenir.

Voilà pourquoi, mes chers collègues, le groupe SRC votera ce texte en deuxième lecture et appelle à la discussion la plus constructive possible. Oui, le défi de la planète nous impose d’abandonner nos conflits de chapelle. Il nous impose le rassemblement pour influencer et ne pas subir le sens de l’histoire, la nôtre et celle de nos enfants. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

M. le président. La parole est à M. Martial Saddier.

M. Denis Baupin, rapporteur. Enfin un UMP ouvert ! Un UMP qui réfléchit !

M. Martial Saddier. Lors de sa cinquième conférence de presse, le 5 février dernier, François Hollande désignait le projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte, tel qu’il avait été adopté à l’Assemblée nationale avant le début de son examen au Sénat, comme une « loi qui est regardée comme l’un des plus grands textes qui a été voté par un pays ».

S’il est vrai que, par la suite, le Sénat a complété et amélioré le texte, notamment quant aux objectifs généraux de la loi, les conditions d’examen du projet de loi au sein de notre assemblée avaient été particulièrement déplorables.

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. De votre fait, monsieur Saddier !

M. Martial Saddier. Permettez-moi d’y revenir brièvement : passage en force lors de la première lecture ; engagement de la procédure accélérée ; examens en commission spéciale puis en séance menés tambour battant selon un calendrier très serré qui ne nous a pas permis de nous exprimer au-delà de l’article 1er, …

M. Denis Baupin, rapporteur. Scandaleux !

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. Le samedi !

M. Christophe Priou. Censure !

M. Martial Saddier. …temps très restreint pour amender entre l’examen en commission spéciale et la séance publique à l’automne dernier. Ces conditions-là, mes chers collègues, ne permettent pas, vous en conviendrez, un travail parlementaire serein ni un débat constructif, indispensables pour parvenir à l’élaboration d’une grande loi. Même M. Baupin partage mon analyse.

Que dire également de la réunion de la commission mixte paritaire ? Le Sénat a apporté des modifications, concernant notamment les objectifs généraux de la loi, et amélioré le texte dans son ensemble : vous l’avez-vous-même reconnu, madame la ministre, en qualifiant le vote des sénateurs de « vote magnifique qui engrange des avancées décisives ». Nous aurions aisément pu parvenir en CMP à un texte ambitieux et surtout bi-partisan, co-construit, comme l’a rappelé Julien Aubert. Il est vraiment regrettable que cette occasion n’ait pas été saisie et que la séance de la CMP ait été levée avec précipitation, sans le moindre vote, alors que nous étions restés assis et qu’il y avait une très large majorité pour trouver un accord.

M. Denis Baupin, rapporteur. Une très large majorité, vraiment ?

M. Martial Saddier. Pour faire maintenant partie des quelques anciens de cette maison, c’est la première fois que j’assiste à un tel fonctionnement d’une CMP. Voilà autant de circonstances qui ne sont malheureusement pas de bon augure pour l’adoption d’une grande loi à l’issue des débats législatifs. Comme l’a rappelé Julien Aubert avec brio, ces faits ne manqueront pas, j’en suis persuadé, d’interpeller le Conseil constitutionnel.

Venons-en au fond : les modifications apportées par le Sénat étaient véritablement satisfaisantes et allaient dans le sens des propositions que nous avions formulées à l’issue des travaux de « l’Autre débat », menés par mes collègues Julien Aubert et Daniel Fasquelle, en association avec l’ensemble des députés du groupe UMP. En effet, les sénateurs avaient souhaité engager une véritable réflexion sur la stratégie énergétique de notre pays tout en respectant nos engagements environnementaux européens, en maintenant la compétitivité de nos entreprises, en protégeant nos emplois et en préservant le pouvoir d’achat de nos concitoyens. En commission spéciale, avec mes collègues du groupe UMP, nous avons donc vivement soutenu les avancées du Sénat. Il est vraiment dommage que, pour satisfaire une promesse de campagne de François Hollande, la commission spéciale n’ait pas voulu jouer le rôle qu’elle aurait dû et pu jouer.

M. Bertrand Pancher. Oui !

M. Martial Saddier. Si vos objectifs, madame la ministre, sont certes très ambitieux, comment comptez-vous les atteindre ? Nous n’avons toujours pas eu de réponse. Comment comptez-vous parvenir à réduire de 75 à 50 % la part du nucléaire dans la production d’électricité en 2025 ? Ce n’est pas en plafonnant à 63,2 mégawatts notre capacité nucléaire que vous y parviendrez.

Comment comptez-vous financer la transition énergétique ? À aucun moment, il n’est question dans le projet de loi qui nous est soumis d’un quelconque financement. De plus, aucun coût réel des mesures annoncées ne nous a été communiqué dans l’étude d’impact et nos questions, lors de l’examen en première lecture, sont restées lettres mortes. Alors que la fermeture probable de nombreux réacteurs nucléaires pour atteindre l’objectif de 50 % de nucléaire dans la production électrique en 2025 entraînera inévitablement des dépenses supplémentaires considérables, comment comptez-vous les financer ?

Il ne faudrait pas, mes chers collègues, que sous couvert de verdissement de notre mix énergétique, le coût de la transition énergétique se répercute fortement sur nos concitoyens et nos entreprises.

Je profite de cette tribune, en tant qu’ancien président du Conseil national de l’air, madame la ministre, pour lancer un nouvel appel qui, je pense, est maintenant trans-partisan : il est nécessaire d’avoir une vision globale et d’adapter les mesures, entre l’enjeu du réchauffement climatique, l’enjeu de l’épuisement des ressources naturelles et celui de la qualité de l’air, qu’il s’agisse de l’air intérieur ou de l’air extérieur.

Enfin, vous le savez, mes chers collègues, je suis particulièrement attaché au maintien et à la reconnaissance, au même titre qu’EDF, des entreprises locales de distribution dans leur zone de desserte.

M. Denis Baupin, rapporteur. Très bien !

M. Martial Saddier. C’est au moins un point commun que nous avons ! Et je sais que cette analyse est partagée par Mme la ministre : nous devons parier davantage sur les territoires. C’est ainsi que nous parviendrons à faire bouger les lignes, s’agissant du mix énergétique.

C’est pourquoi je défendrai, dans les prochains jours, deux amendements proposant que les ELD disposant de certains statuts, sous forme notamment de régie municipale, puissent s’inscrire sur la base du volontariat dans le champ intercommunal par l’extension de leurs compétences au niveau d’un EPCI à fiscalité propre, ou dans celui d’une commune nouvelle, dès lors que les élus y sont favorables. Si les débats sur cette question avaient été particulièrement animés en commission spéciale, j’espère vivement que ces amendements seront adoptés, tout comme cela avait été le cas lors de l’examen en juin 2004 de mon amendement au sujet des communes fusionnées, dont ils reprennent la rédaction.

Mes chers collègues, ce projet de loi n’est pas à la hauteur de nos enjeux actuels en matière d’énergie. Au-delà de nos différences sur le fond, je crains que ce texte ne provoque une augmentation significative du coût de l’énergie pour les particuliers comme pour les entreprises. Je crains que ce texte ne pose des problèmes économiques à notre pays, qu’il ne relève mal le défi de la qualité de l’air et du réchauffement climatique dans notre pays, et plus largement qu’il ne compromette l’indépendance énergétique qui a fait la grandeur de la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Bertrand Pancher.

M. Bertrand Pancher. Après un débat raté en 2012, en septembre 2013, en ouverture de la Conférence environnementale, le président Hollande plaidait en faveur d’une loi sur la transition énergétique qu’il disait ambitieuse et avant-gardiste.

Pays précurseur en matière de politique environnementale, la France a indéniablement un rôle à jouer dans l’adoption d’une ligne européenne commune pour, d’une part, lutter contre les dérèglements climatiques et, d’autre part, favoriser l’émergence d’une croissance verte et durable.

Aujourd’hui, notre Parlement est sollicité par le Gouvernement pour orienter le modèle énergétique de demain, celui qui devra constituer un gage de sécurité non seulement pour notre planète, mais aussi pour nos générations futures ; des générations qui ne doivent en aucun cas payer le prix des erreurs que nous avons pu commettre dans le passé à travers un développement effréné, non contrôlé.

Cette stratégie doit être ambitieuse et surtout crédible. Nous devons être à la hauteur de ces enjeux, car si la France veut jouer son rôle d’ambassadeur dans les domaines énergétiques et environnementaux, nous devons nous démarquer en présentant des projets porteurs de développements concrets et surtout partagés.

Malheureusement, outre les nombreuses tergiversations, ce texte a souffert dès le départ – comment ne pas le dire ? – d’un manque d’ambition criant qui ne permettra pas à notre pays de se positionner comme le chef de file d’une transition écologique réussie.

Le débat national sur la transition énergétique, engagé en novembre 2012, en a été l’illustration : impossibilité de faire émerger un véritable consensus entre les participants.

M. Denis Baupin, rapporteur. Ce n’est pas vrai !

M. Bertrand Pancher. Tout cela démarrait mal après que le Grenelle de l’environnement, lancé en juin 2007, a abouti en seulement trois mois à 268 engagements signés par cinq collèges aux intérêts pourtant contradictoires.

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Sans parler du nucléaire !

M. Bertrand Pancher. Le bilan est d’ailleurs exemplaire. Devenu loi de la République, il fut mis en place à 95 %, avec des succès pour le moins spectaculaires, dans le domaine notamment des énergies renouvelables. Je pense, par exemple, à la hausse de 600 % en deux ans du solaire photovoltaïque, ou encore à l’augmentation de 92 % de la production éolienne, ce qui représente en deux ans 22 % de notre production totale d’énergies renouvelables. Qui ferait mieux ?

Le projet de loi que nous étudions aujourd’hui ne s’inscrit malheureusement pas dans cette belle dynamique, même si dans certains domaines il a permis de susciter plusieurs débats et d’apporter des débuts de réponses. Je voudrais souligner le sens de l’écoute du président Brottes et l’engagement de nos collègues rapporteurs, démontrant qu’à défaut d’être d’accord sur les moyens à mettre en place sur le plan environnemental dans notre pays, nous étions tous réunis par des constats et des objectifs communs. C’est peut-être, malgré tout, l’essentiel.

M. Thierry Benoit. Très bien !

M. Bertrand Pancher. Comme je l’ai indiqué en première lecture, comment ne pas être d’accord sur la plupart des objectifs contenus dans le titre Ier, même si certains d’entre eux – je pense au calendrier de diminution de la part du nucléaire – nous semblent irréalistes ? Il y a un cap rappelé, c’est toujours utile.

Nous nous félicitons de certaines mesures techniques, comme la mise en place d’un chèque énergie : celui-ci devra néanmoins être davantage cadré si nous voulons espérer toucher le maximum de ménages. De même, nous approuvons l’obligation de rénover les logements dégradés, dits « passoires thermiques ».

Le volet « transports », centré sur les véhicules, s’est enrichi au fil des lectures. On pense en particulier aux mesures favorisant le développement des véhicules électriques ou bien encore à celles sur le covoiturage adoptées à l’initiative du groupe UDI en commission spéciale.

À l’image de notre chef de l’État, dont la conversion environnementale semble bien tardive, le projet de loi sur la transition énergétique ne comporte cependant aucune ligne directrice forte, étayée par des moyens clairement identifiés : c’est notre principale critique. Le texte se borne à être prophétique, là où il aurait pu être pragmatique. La voie est tracée : le quinquennat ne sera pas vert.            

Outre des mesures claires et précises que je n’ai cessé de réclamer depuis bientôt trois ans, soutenu par les parlementaires de mon groupe et que je vais bien entendu détailler, je vous donne rendez-vous à la bataille suivante, celle de notre prochaine loi de finances.

Vous avez annoncé, madame la ministre, le doublement du fonds « chaleur » » de l’ADEME, qui passe de 200 à 400 millions d’euros par an. Comment ? Tout cela reste pour le moment un profond mystère.

Vous affirmez que le fonds de transition énergétique sera la réponse à la plupart des demandes de financement adressées à l’État. Comment ce fonds va-t-il concrètement se mettre en place, sur la base de quels moyens directs ? Second grand mystère.

Vous vous fixez, à travers ce texte, un objectif de stabilisation de la contribution au service public de l’électricité, au prétexte qu’il ne faut pas que l’écologie se montre trop punitive, mais vous voulez augmenter significativement la part des énergies renouvelables. Ça ne marchera pas.

Enfin, la part trop faible des crédits d’impôts ne permettra pas d’approcher les objectifs très ambitieux, que nous partageons tous. Comment allez-vous procéder ?

Rendez-vous dans quelques mois, madame la ministre. Nous avons déjà perdu trois ans : le temps presse.

Les débats, aussi bien à l’Assemblée nationale qu’au Sénat, ont été guidés par une idéologie parfois irréaliste, à l’image des discussions que nous avons eues sur la question du nucléaire.

Le groupe UDI a toujours soutenu l’idée d’une transition vers un modèle davantage fondé sur les énergies renouvelables. Pour autant, il serait inconscient d’opérer une telle transformation sans effectuer, au préalable, des études d’impact précises et chiffrées.

M. Denis Baupin, rapporteur. Dans les deux sens !

M. Bertrand Pancher. Nous les attendons toujours.

La majorité s’est d’ailleurs retrouvée au pied du mur sur la question du nucléaire. En effet, lors de l’écriture de ce projet de loi, l’engagement pris par François Hollande de fermer la centrale de Fessenheim en 2017 résonnait dans toutes les têtes. Or, avait-il pu mesurer toutes les conséquences d’une telle annonce ? Pourquoi Fessenheim et pas une autre centrale ? Dans quelle logique ?

Le groupe UDI ne cherche pas à s’inscrire dans une opposition de principe quant à la réduction du nucléaire : au contraire. Cependant, l’engagement de François Hollande de faire passer la part du nucléaire dans le mix énergétique français de 75 % à 50 % en 2025 n’est pas suivi de décisions fortes, ce qui laisse de plus en plus d’observateurs douter ouvertement de l’opportunité et de la faisabilité d’une telle décision, alors même qu’on prône le modèle du tout électricité.

En effet, si le projet de loi affiche un tel objectif de réduction, il ne présente malheureusement aucune mesure concrète pour l’atteindre.

Si la baisse du nucléaire dépend essentiellement du développement des énergies renouvelables, force est de constater que ce texte fait une impasse sur ce point en ne proposant que des solutions à la marge pour développer les énergies renouvelables – lesquelles, d’ailleurs, « marchent mal » en France : l’objectif, formulé lors du Grenelle de l’environnement, de parvenir à 23 % d’énergies renouvelables en 2020 quand nous en sommes à peine à 17 % ne sera pas atteint.

Entériner de tels objectifs risquerait donc de mener la France à reproduire les mêmes erreurs que l’Allemagne, qui a annoncé sa sortie du nucléaire un peu précipitamment en 2011 dans les conditions que l’on connaît : effets pervers, comme la recrudescence des émissions de gaz à effet de serre, ou très forte augmentation des prix de l’électricité.

Le groupe UDI met donc une dernière fois en garde le Gouvernement sur ce point. Si une réduction de la part du nucléaire dans notre mix énergétique est une nécessité, nous devons prendre le temps de la préparer.

Nous proposerons donc plusieurs amendements corrélant l’objectif de réduction du nucléaire et l’amélioration des performances économiques et techniques des énergies renouvelables.

Enfin, si l’information des citoyens et la transparence restent des enjeux importants, elles ne sauraient constituer les seules mesures d’un projet de loi sur la transition énergétique. Le nucléaire représente un enjeu bien plus important.

Nous proposerons aussi des amendements permettant de renforcer le débat public autour du prolongement de la durée de vie des réacteurs, car le nucléaire de demain ne saurait être le nucléaire d’aujourd’hui d’autant – et ce n’est pas le moindre des paradoxes –, que ce projet de loi semble se focaliser sur le « tout électrique » alors que d’autres énergies alternatives pourraient être développées. Est-il nécessaire de rappeler que nous ne sommes pas dans une transition électrique, mais bien dans une transition énergétique ?

M. Thierry Benoit. Très bien !

M. Bertrand Pancher. Qu’aurions-nous attendu d’un grand texte de loi environnemental ? Telle est la question.

Mme Ségolène Royal, ministre. Ah !

M. Bertrand Pancher. Qu’il permette d’atteindre les objectifs que se sont donnés tous les acteurs de la société civile, notamment lors du Grenelle de l’environnement, et qui ont été rappelés, voire complétés, par le titre Ier du projet de loi.

Nous attendions des mesures de bon sens s’appuyant la plupart du temps sur des outils existants, souvent mal mobilisés, parfois même abandonnés pour des raisons de prétendus marquages politiques.

Logement, transport, économie d’énergies, énergies renouvelables, tout a échoué depuis de trop longues années dans notre politique environnementale.

Tel est votre objectif, que nous pouvons partager : 500 000 logements anciens rénovés contre à peine 160 000 en 2013. Cela n’est possible qu’à condition de s’engager dans une stabilité fiscale sur toute une législature. Or, en matière de logement, la fiscalité ne cesse de changer. Les dispositifs changent tellement souvent qu’on ne les utilise la plupart du temps jamais. C’est ce que constatent les responsables du plan « bâtiment ». La stabilité, c’est ce que réclament tous les acteurs du bâtiment dans notre pays.

M. Thierry Benoit. Ainsi que nos concitoyens !

M. Bertrand Pancher. Il conviendrait aussi de décentraliser totalement les moyens du ministère du logement en direction de la rénovation. Confions donc la gestion des éco-prêts à taux zéro aux régions et les mécanismes seront enfin adaptés ! On commencera ainsi à délivrer les prêts prévus depuis maintenant plus de cinq ans et jamais distribués par les banques.

Ne désignons qu’un seul acteur en matière de logement et concentrons sur lui tous les moyens ! Entre 200 000 et 500 000 rénovations annuelles, c’est 300 000 emplois de plus !

Deuxième grand échec : le transport.

Trois à quatre milliards d’investissements supplémentaires tous les ans dans les nouvelles infrastructures de transport et le transport propre, c’est possible, et cela devrait d’ailleurs être en cours si, madame la ministre, vous n’aviez pas rayé de la carte l’écotaxe poids lourd, peut-être par caprice ou sur un coup de tête.

Mme Ségolène Royal, ministre. C’est une réflexion un peu sexiste, me semble-t-il…

M. Bertrand Pancher. Il est encore temps de réparer les erreurs. Ne démontez pas les portiques et régionalisez donc cette taxe ! Augmentez encore de quelques centimes d’euro la taxe sur les carburants et versez le tout dans l’escarcelle de l’AFITF ! Le tour sera joué ! La stabilisation dans le temps d’une telle enveloppe, c’est aussi 100 000 à 200 000 emplois créés !

Amplifions les économies d’énergies en augmentant enfin le volume des certificats d’économies d’énergies – CEE –, qui est au plus bas ! Les cours des CEE se sont effondrés en passant de plus de quatre euros le mégawattheure CUMAC à moins de trois euros.

Faisons passer l’obligation de 700 térawattheure à 1 000 sur la période de 2015 à 2017 ! Mais, pour cela, il faut faire preuve de courage !

On critique l’Union européenne quant à la chute du prix du carbone et on fait la même chose dans notre pays, avec nos propres instruments !

S’agissant, enfin, des énergies renouvelables, redonnons confiance aux investisseurs ainsi qu’aux collectivités !

Nous avons besoin d’un coup de pouce temporaire, madame la ministre, en matière de tarif d’achat.

Osons aussi réformer le droit de l’environnement afin de limiter dans le temps le droit d’ester en justice en contrepartie de concertations à nouveau réengagées avec les collectivités territoriales.

Nous regrettons toujours la suppression des zones de développement de l’éolien – ZDE –, laquelle entraînera des oppositions multiples sur l’ensemble de nos territoires.

À travers cette brève intervention, nous voulions souligner combien de nombreux leviers essentiels à la transition énergétique sont envisageables : les outils existent, nous ne les avons pas inventés, mais il faut simplement avoir le courage de les utiliser. Or, ils sont passés aux oubliettes !

Je n’évoque même pas les territoires ultramarins, notamment la Polynésie, qui attendent des signaux forts afin de pouvoir réduire le coût de l’électricité, trois fois plus important qu’en métropole.

Ce projet aurait dû être un grand texte, or, ce n’est pas le cas. Il ajoute même de la complexité là où nous nous attendions un véritable « choc de simplification ».

L’autosatisfaction, qui semble caractériser une partie de l’action politique en France, notamment sur le plan environnemental, ne saurait remplacer un manque cruel de moyens, non plus que la cohérence des outils d’intervention face à une action disparate entre l’État, les collectivités territoriales et de nombreux autres acteurs, non plus, enfin, que l’absence d’analyse d’impacts, pourtant essentielle pour atteindre des objectifs environnementaux ambitieux.

En l’état actuel du débat, ce texte demeure pour nous un grand rendez-vous manqué même si nous soulignons des avancées en matière environnementale – toute avancée est bonne à prendre.

Bien entendu, le vote final de notre groupe sur ce projet de loi dépendra de la façon dont se déroulera la discussion des amendements.

M. Thierry Benoit. Bravo !

M. le président. La parole est à M. Jacques Krabal.

M. Jacques Krabal. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission spéciale, mesdames, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, le projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte dont nous commençons la nouvelle lecture est l’un des textes majeurs de cette législature. Cela a été dit, mais il me semble nécessaire de le rappeler.

Déjà en 2012, le Président de la République avait appelé à la mobilisation générale pour placer au plus haut des priorités l’écologie et la lutte contre le réchauffement climatique, avec l’ambition de faire de la France la nation de l’excellence environnementale, fondée à la fois sur la sobriété, l’efficacité et le développement des énergies renouvelables.

Ce texte majeur est d’ailleurs l’aboutissement d’un long processus de démocratie participative qui a duré plusieurs mois. J’avais souligné en première lecture cette large démarche de concertation, qui manque trop souvent aux différents textes examinés. Alors, reconnaissons au moins qu’elle a eu lieu pour celui-ci !

Si nous avons entendu des voix qui ont regretté l’attente et la lenteur de cette concertation, au nom du groupe Radical, Républicain, Démocrate et Progressiste, s’il y a eu des saccades et des élans, je tiens ici à saluer cette méthode, finalement utile et féconde pour écrire la loi dans une relative sérénité, et que je souhaiterais pour ma part voir encore renforcée au cours de cette nouvelle lecture laquelle, comme cela a été rappelé tout à l’heure, ne doit pas se résumer à un débat sur le nucléaire.

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. Très bien !

M. Jacques Krabal. Depuis septembre 2014, le temps de la discussion parlementaire a donné lieu à des débats passionnés et passionnants.

Si nous ne sommes pas toujours d’accord sur tout, nous vous sommes reconnaissants, madame la ministre, de votre implication personnelle et de votre énergie pour donner à la France les moyens de parvenir à un équilibre solide entre l’exigence de l’excellence environnementale et l’exigence d’une économie compétitive.

Après une lecture dans chacune des chambres et un nouveau passage en commission à l’Assemblée, c’est bien le mot équilibre que nous voulons retenir sur ce texte. Cette notion est pour nous essentielle.

Avec mes collègues du groupe RRDP, nous rejetons avec la même force les postures idéologiques trop souvent déconnectées de la réalité et parfois périlleuses pour notre croissance, mais nous rejetons tout autant les chimères d’un développement dévorant nos ressources limitées sans considération pour les générations futures.

Les matières premières, l’eau, l’air, le carburant, la stabilité du climat…le temps de la croyance en des ressources infiniment renouvelées est bel et bien terminé.

Les alertes se multiplient partout sur les conséquences économiques et sociales de « l’après-pétrole », sur l’impossibilité pour les grands pays émergents de fonder leur croissance sur le même modèle et la responsabilité des pays industriels de montrer l’exemple.

Crises alimentaires, problèmes des ressources en eau, étalement urbain, augmentation constante de la production de déchets, nouvelles migrations climatiques… Face à tous ces défis, il serait irresponsable de continuer à accompagner tranquillement le changement sans impulser une nouvelle dynamique stratégique de transition énergétique à un moment crucial de l’histoire de notre pays, de l’Europe et du monde.

Mais n’oublions jamais que l’énergie la moins chère est celle qui n’est pas consommée.

Peut-être serait-il judicieux de lancer une vaste campagne de sensibilisation pédagogique à ce propos, sur le modèle de « la chasse au gaspi » des années 70.

Appeler nos concitoyens à la sobriété, c’est vouloir non pas la décroissance, mais une autre croissance qui ne reposerait pas essentiellement sur l’énergie fossile et le nucléaire. Voilà des propositions qui nous semblent très raisonnables !

Cet aspect pédagogique est pour nous essentiel afin de renforcer et d’accentuer l’appropriation et la mobilisation de nos concitoyens quant à cet enjeu.

Au-delà de cet aspect, le texte résultant de ce travail illustre un constat collectif que nous partageons. Il est le fruit d’une conviction et il témoigne d’une volonté politique forte – il devrait d’ailleurs nous réunir bien au-delà des clivages politiques partisans puisque nous sommes quasiment tous déterminés à relever le défi de la révolution écologique.

Pour répondre à ce défi, le projet de loi initial avançait des objectifs avec des chiffres ambitieux et pour le moins volontaristes : réduire les émissions de gaz à effet de serre de 40 % entre 1990 et 2030 et les diviser par quatre à l’horizon 2050 – le fameux facteur 4 – ; réduire la consommation énergétique finale de 50 % en 2050 par rapport à 2012 et porter le rythme annuel de baisse de l’intensité énergétique finale à 2,5 % d’ici à 2030 ; réduire la consommation d’énergies fossiles de 30 % en 2030 par rapport à 2012 ; porter la part des énergies renouvelables à 23 % de notre consommation énergétique finale brute d’énergie en 2020 et à 32 % en 2030 ; porter la part du nucléaire à 50 % dans la production d’électricité à l’horizon 2025.

Au Sénat, ces grands chiffres ont d’ailleurs été largement réécrits, la dimension économique a été renforcée, les contraintes intermédiaires sur le mix énergétique ont été supprimées, ce qui donne certes plus de souplesse aux acteurs, mais accroît dans le même mouvement le caractère un peu éthéré de ces objectifs.

Pour cette nouvelle lecture, le travail en commission a été l’occasion de revenir sur le texte issu de l’Assemblée en première lecture.

Nos collègues sénateurs ont également introduit plusieurs amendements intéressants – je pense notamment à la définition de la croissance verte, à la déclinaison de l’objectif d’augmentation de la part des énergies renouvelables dans le mix énergétique ou, encore, à un autre amendement qui me semble très intelligent sur la modulation de l’objectif de réduction de la consommation des énergies fossiles en fonction du facteur d’émission de gaz à effet de serre de chacune de ces énergies. Autrement dit, il est préférable de réduire d’abord le charbon et le fioul plutôt que le gaz.

Sur les grands objectifs, le Sénat a clairement amélioré la définition des TEPOS, les « territoires à énergie positive », ce dont nous nous félicitons. Permettez-moi, madame la ministre, d’exprimer à nouveau notre attachement à ce concept de TEPOS – vous avez raison de rappeler que les territoires sont les moteurs de la transition énergétique.

C’est pourquoi, pour ne prendre qu’un seul exemple, dans le sud de l’Aisne – un territoire que je connais bien – nous nous sommes résolument engagés dans cette démarche de développement durable pour la croissance verte.

L’appel à projet TEPOS, pour lequel le Pays du Sud de l’Aisne a été retenu parmi 212 lauréats, nous a donné l’occasion d’amplifier la mobilisation de l’ensemble des acteurs concernés – élus, conseils de développement, entreprises, syndicats, associations et institutions. Dans l’agriculture, les transports, l’industrie, le bâtiment, le secteur des déchets, nous avons identifié nos forces et nos faiblesses et travaillé à une amélioration collective au travers de soixante-deux projets qui seront réalisés entre 2015 et 2017. Des dizaines d’actions ciblées sur la sobriété, l’efficacité et la production d’énergies renouvelables sont prévues pour faire du Pays du Sud de l’Aisne un TEPOS. Nous nous sommes d’ailleurs portés candidats pour la seconde phase.

Oui, la transition énergétique est une chance pour nos territoires, en particulier pour nos territoires ruraux, et donc pour la France. Je crois beaucoup à ce concept, car j’ai constaté son effet d’entraînement sur les volontés des acteurs locaux, parfois éparpillées, dont le rassemblement donne des opportunités et de la motivation, pour le bien commun du bassin de vie, pour l’amélioration du développement durable sur le territoire et pour la création d’emplois locaux pérennes et non délocalisables.

Madame la ministre, vous avez reçu un dossier détaillé sur la stratégie et les plans d’action du PETR-UCCSA. Vous pourrez aussi venir évaluer directement cet exemple de déclinaison locale concrète de la notion de TEPOS : nous vous invitons dans le Pays du Sud de l’Aisne, où vous verrez comment, grâce à la signature d’un contrat global sur l’eau, à la lutte contre les gaspillages et à l’introduction de l’économie circulaire, les collectivités s’engagent pour atteindre l’objectif zéro phytosanitaire et pour créer un véritable service public d’efficacité énergétique, qui sont des réalités, et non des chimères, comme certains voudraient le faire croire.

Avec la multiplication de ces initiatives locales, à l’horizon 2050, la France entière pourrait, en se verdissant, devenir elle-même un TEPOS, comme l’a montré un rapport récent de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, l’ADEME.

M. Denis Baupin, rapporteur. Très bien !

Mme Ségolène Royal, ministre. Voilà !

M. Jacques Krabal. Le travail parlementaire a abouti à des consensus robustes et productifs, et nous récusons l’idée, trop souvent entendue, selon laquelle cette loi se résumerait à un catalogue de bonnes intentions. Dans leurs grandes lignes, les amendements des députés du groupe RRDP visent à renforcer l’équilibre du texte sur le mix énergétique, sur la sobriété énergétique et le développement des énergies renouvelables, sur le partage des efforts entre ménages et entreprises et, enfin, sur la prise en compte des enjeux agricoles, notamment pour la méthanisation. En effet, l’agriculture est trop souvent vue comme une source de problèmes et de contraintes, alors que c’est la seule activité qui combine à la fois des emplois non délocalisables et la possibilité de solutions structurelles aux enjeux environnementaux : stockage du carbone, maintien de la fertilité des sols, gestion des eaux, ou encore préservation de la biodiversité. Certains de nos amendements ont d’ores et déjà été adoptés en première lecture, mais nous devons aller encore plus loin.

Je voudrais, pour finir, réaffirmer notre soutien aux artisans du bâtiment pour leur participation précieuse à la réussite des programmes de rénovation thermique, en particulier en ce qui concerne les passoires énergétiques. Il reste néanmoins dans le projet de loi des dispositions qui leur compliquent la vie : certaines règles et contraintes sont difficilement applicables et des problèmes de formation se posent. C’est pourquoi nous déposerons des amendements, en particulier sur les articles 5 bis A, 5 bis B et 5 ter.

Par ailleurs, s’il n’existe pas encore de définition précise de la performance énergétique, nous connaissons bien le caractère déficient du diagnostic de performance énergétique actuel, et nous avons des craintes s’agissant des campagnes de sensibilisation des ménages qui n’associent pas étroitement les professionnels compétents. Nous vous proposerons des amendements sur ces sujets et soutiendrons ceux qui vont dans le bon sens pour faciliter la vie de nos artisans qualifiés, partenaires incontournables pour avancer efficacement sur le chantier de la rénovation thermique.

À ce stade de l’examen parlementaire, vous aurez bien compris, madame la ministre, que nous soutenons ce texte. Avec toutes les dispositions utiles qu’il introduit dans de très nombreux domaines de la vie quotidienne de nos concitoyens, je crois qu’il nous permet de dire que la France est en mouvement pour répondre aux enjeux écologiques, afin de dynamiser la croissance verte, et donc nos emplois.

Ce texte est ambitieux. Il n’est certes pas parfait, mais je suis convaincu qu’avec votre écoute, il peut encore être amélioré. Je pense sincèrement qu’il mérite mieux que les caricatures, les effets de tribune ou la recherche de bons mots. Les députés du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste l’accueillent de manière positive, et vous pouvez compter sur notre participation active pour l’améliorer tout au long des débats passionnants qui nous attendent. Annoncé comme l’un des projets de loi les plus importants du quinquennat, ce texte fait le choix de ne pas opposer les énergies les unes aux autres, mais d’organiser leur complémentarité, de veiller à leur sobriété, et d’envisager ainsi un nouveau modèle pour notre avenir. Tels sont les défis que nous devons relever.

Pour citer, non pas Jean de La Fontaine, né à Château-Thierry, mais Alexandre Dumas, né à Villers-Cotterêts, soyons à l’image d’un des héros de Vingt ans après : « sans remords dans le passé, confiant dans le présent et plein d’espérance dans l’avenir ». Voilà ce à quoi vous nous conviez avec ce texte, madame la ministre, et nous vous en remercions. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. Bravo !

M. le président. La parole est à Mme Cécile Duflot.

Mme Cécile Duflot. Monsieur le président, madame la ministre, mesdames et messieurs les rapporteurs, les enjeux du texte dont nous discutons ce jour sont considérables. La transition écologique, c’est-à-dire la mutation de nos manières de produire, de consommer, d’habiter, de nous déplacer, et même d’envisager l’organisation de nos sociétés pour répondre aux enjeux environnementaux et sociaux, est une question capitale. Au cœur de ces enjeux se trouve la question de la transition énergétique.

Cette transition, il s’agit non plus d’en parler, mais de la mener à bien ; le temps du passage à l’acte est venu. Les écologistes entendent que cette transition ne demeure pas timide, mais devienne une ambition pleine et entière. C’est donc avec sérieux, esprit de responsabilité et volonté constructive que nous abordons l’examen de ce texte en nouvelle lecture. Ce qui représentait des avancées écologiques, et qui, à défaut de faire consensus entre nous, était acté comme point d’équilibre, ne peut être ni défait, ni menacé. Nous serons vigilants sur ce point : reculer n’est pas permis.

Si le débat au Sénat a débouché sur des améliorations notables du texte, tout particulièrement sous l’impulsion des sénateurs écologistes, ces avancées ont été plus que contrebalancées par des reculs très regrettables. Le Sénat a adopté un projet de loi sur la transition énergétique pour la croissance verte vidé de sa substance, par rapport à la version votée en première lecture par les députés, le 14 octobre 2014.

Les reculs portent à la fois sur le nucléaire, avec le retrait de l’échéance de 2025, sur l’efficacité énergétique, avec des objectifs vidés de leur substance, et sur le développement de l’éolien, avec l’adoption d’un amendement qui empêcherait près de 90 % des projets éoliens en France, sans la moindre justification objective. Ces reculs, madame la ministre, ont heureusement été réparés en commission spéciale, mais sachez que nous resterons vigilants. Nous reviendrons notamment, au cours du débat, sur la question de l’île de Sein, désormais privée de la possibilité de développer sa production d’énergie renouvelable – c’est là un net recul.

Notre modèle politique, économique et énergétique vire à l’obsolescence. Le temps n’est plus aux atermoiements. Le dérèglement climatique nous appelle au courage et à la lucidité : le courage d’engager enfin les grands changements dont la planète a besoin, et la lucidité de tout mettre en œuvre pour trouver les points de passage permettant d’avancer résolument vers un nouveau modèle. La bataille du climat, nous n’avons pas le choix, nous ne pouvons pas la perdre.

Je sais que la conscience écologique progresse sur tous les bancs de cette assemblée, mais les habitudes, les réflexes anciens, les conservatismes et les blocages font encore le lit de l’immobilisme. Il n’y aura pas de transition sans innovation, sans mise en mouvement, sans volonté forte de bousculer les vieilles lunes productivistes. Les écologistes défendent, dans le débat qui nous occupe, une position noble et ambitieuse. Oui, nous pensons que la France 100 % renouvelable est un horizon mobilisateur pour notre pays. Nous l’affirmons depuis longtemps, mais désormais, les scénarios étayés scientifiquement l’affirment : c’est possible. Pourquoi, dès lors, tergiverser davantage ?

Pour parvenir à un mix électrique 100 % renouvelable – à distinguer, bien sûr, de la consommation énergétique totale –, il faut être volontariste. Le bouquet imaginé par l’étude intitulée « Vers un mix électrique 100 % renouvelable en 2050 » se répartit entre 63 % d’éolien terrestre et en mer, 17 % de solaire, 13 % d’hydraulique et 7 % de thermique renouvelable, en comprenant la géothermie. C’est donc possible techniquement. Il ne manque, aujourd’hui, que la volonté. Et c’est bien là le cœur du débat sur la transition énergétique. Notre intérêt économique et les réalités écologiques convergent : en devenant une nation pionnière dans le domaine des énergies renouvelables, la France défendra à la fois sa place dans le monde et l’avenir de notre planète et des générations futures.

Les sujets ne manquent pas pour changer de modèle. Laissez-moi en évoquer trois brièvement, en guise de conclusion.

La question de la lutte contre le gaspillage alimentaire, tout d’abord, est centrale. Pour nous, le modèle actuel n’a aucun sens : il blesse notre conception de la justice sociale et il gaspille les ressources. Nous attendons davantage qu’une évolution : nous défendons un changement de logique. Dans le cadre d’un travail associant tous les groupes, des amendements ont été préparés, que nous soutenons, pour avancer de manière radicale sur ces sujets.

Ce changement de logique, nous le défendons également – et j’en arrive à mon deuxième point – avec les amendements promouvant l’économie circulaire, portés notamment par François-Michel Lambert. C’est une manière plus sobre, et au fond plus sage, d’envisager nos activités économiques en luttant contre la logique de gabegie. Sur la question de la méthanisation, enfin, ma collègue Brigitte Allain a mené un travail très important pour privilégier la méthanisation agricole, sans préjudice de la production alimentaire. Nous défendrons un amendement décisif sur cette question, dont nous espérons qu’il sera retenu par l’Assemblée. Ces trois points, parmi d’autres, illustrent bien la multiplicité des enjeux et la gravité des questions en débat. Je souhaite donc à notre assemblée la sagesse la plus haute au service de l’ambition la plus grande.

En résumé, nous, écologistes, souhaitons, pour cette nouvelle lecture, que notre travail commun contribue à répondre à l’urgence climatique et à faire prendre à notre pays le tournant de l’écologie. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à M. Gabriel Serville.

M. Gabriel Serville. Monsieur le président, madame la ministre, mesdames et messieurs les rapporteurs, chers collègues, voilà que revient devant nous l’un des textes majeurs de cette législature, dont le passage au Sénat a fait quelques frayeurs aux parlementaires des outre-mer. Si vous le permettez, je focaliserai mon intervention sur un point fondamental du texte pour les zones non interconnectées, à savoir la contribution au service public de l’électricité – la CSPE – et la péréquation tarifaire.

Mais, avant tout, je souhaiterais remercier chaleureusement ma collègue Erika Bareigts, ainsi que les membres de la délégation à l’outre-mer, qui se sont battus – et le mot est faible – pour que soit préservé ce qui n’est rien de moins que l’un des fondements du modèle social français. La péréquation tarifaire, financée par la CSPE, permet en effet à tous les citoyens, où qu’ils se trouvent sur le territoire de la République, de bénéficier du même prix pour l’électricité. Son impact économique est primordial pour les territoires d’outre-mer, puisque, pour chaque euro consommé facturé à un ultramarin, 2 euros sont fournis par la solidarité nationale par son intermédiaire. Je voudrais insister sur le fait qu’il s’agit bien de solidarité nationale, et non d’assistanat, comme certains ont voulu l’insinuer à l’occasion de débats houleux, que ce soit au Sénat, en commission, ou encore dans les cabinets ministériels.

Chers collègues, il faut que nous comprenions bien que, derrière la question du maintien en l’état du régime de la CSPE, se profile toute notre politique de lutte contre les graves difficultés que rencontrent des milliers de nos concitoyens d’ici, et surtout d’ailleurs.

Madame la ministre, vous l’avez répété à maintes reprises : votre projet ambitionne de faire de nos territoires ultramarins les fers de lance de la croissance verte, et ce, autour d’une volonté partagée d’atteindre l’autonomie énergétique en 2030. Ces objectifs ne seront certainement pas atteints sans la confiance des acteurs dans le modèle de financement des différentes actions aujourd’hui couvertes par la contribution au service public de l’électricité.

Toute autre solution qui consisterait à désolidariser la recette de la charge ferait indéniablement courir un risque d’arbitrage qui impliquerait, dans le meilleur des cas, un frein au processus de transition énergétique et, au pire, une condamnation du dispositif actuel de redistribution au bénéfice des outre-mer, avec les conséquences sociales désastreuses que cela impliquerait pour ces territoires déjà si fragilisés.

Certes, nous avons pu revenir en commission sur les dispositions initiales du texte. Mais nous ne sommes pas dupes et nous avons bien compris qu’une épée de Damoclès reste suspendue au-dessus de nos territoires, à savoir la budgétisation de cette CSPE dans la prochaine loi de finances, au bénéfice exclusif du développement des énergies renouvelables. Cela reviendrait à supprimer de la solidarité nationale les modalités de compensation des autres objets aujourd’hui couverts par la CSPE, à savoir le financement des surcoûts de production dans les zones non interconnectées. Nous voilà donc à la merci du droit communautaire, alors même que le Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne prévoit que les spécificités des régions ultrapériphériques peuvent conduire à des régimes dérogatoires au droit commun.

Il n’aura échappé à personne que le développement de nos territoires, déjà rendu difficile par l’éloignement, l’insularité et l’étroitesse des marchés locaux, serait complètement paralysé par une fragilisation soudaine des financements. En tout état de cause, si je m’étais abstenu en première lecture, du fait du manque d’ambition du texte pour la Guyane, pourtant meilleur élève de France en matière d’énergies renouvelables, je suis prêt à vous soutenir à l’occasion de cette nouvelle lecture.

Toutefois, madame la ministre, soyez assurée que je saurai observer une extrême vigilance, premièrement pour que les surcoûts de production dans les zones non interconnectées restent compensés intégralement ; deuxièmement pour que les capitaux investis dans nos territoires soient rémunérés ; troisièmement pour que le dispositif futur garantisse à toutes les parties une bonne visibilité et une parfaite sécurité financière.

Persuadé que l’ensemble de mes collègues ultramarins partagent également ces interrogations, je sais d’ores et déjà pouvoir compter sur votre perspicacité pour leur apporter les meilleures réponses possibles, et je vous en remercie d’avance.

M. le président. La parole est à Mme Geneviève Gaillard.

Mme Geneviève Gaillard. Monsieur le président, madame la ministre, mesdames et messieurs les rapporteurs, chers collègues, nous avons aujourd’hui le plaisir et aussi la responsabilité d’examiner en nouvelle lecture le projet de loi relatif à la transition énergétique, alors que l’on vient d’annoncer que, si le réchauffement climatique se poursuivait à son rythme actuel, le Bangladesh, pays qui se distingue par sa densité record, pourrait perdre jusqu’au tiers de sa superficie du fait du relèvement du niveau de la mer, et voir des millions de ses habitants fuir les ravages de la mousson et des inondations.

De fait, l’exode dans le Sud a déjà commencé. Nous nous préoccupons aujourd’hui du partage de l’accueil des migrants, mais demain nous aurons à affronter ces nouveaux migrants, les naufragés climatiques. Y sommes-nous prêts ?

La fonte des glaciers de l’Himalaya est programmée et inéluctable – comme la fonte des glaciers en général – et elle provoque d’année en année des crues toujours plus fortes. Dans ce contexte dramatique, je tiens à rappeler qu’un Américain produit autant de gaz à effet de serre que quatre-vingt-dix-sept Bangladais, un chiffre que les représentants du Bangladesh ne manqueront pas de rappeler aux pays industrialisés lors de la conférence sur le climat de décembre prochain à Paris, à moins qu’ils ne préfèrent comparer les émissions des Bangladais avec celles des Européens, voire des Français.

Vous l’aurez compris, j’insiste ici sur la nécessité de nous construire une exemplarité, une excellence environnementale – pour reprendre les termes de la conférence environnementale –, pas simplement parce que tous nos espoirs et toutes les attentes se focaliseront sur Paris en décembre prochain, mais aussi et surtout pour les générations futures.

De fait, ce texte a très tôt été désigné comme le vecteur de cette révolution attendue, d’un bouleversement, du changement de cap et de règles nous amenant à consacrer de nouveaux modes de production et de consommation, rien de moins qu’un nouveau modèle de développement.

Mais cette discussion générale me donne l’occasion d’établir un rapprochement – comme vous l’avez fait, madame la ministre, mais il me paraît encore un peu timide aujourd’hui – entre ce texte sur la transition énergétique et celui sur la biodiversité. Nous l’oublions trop souvent, les deux sont liés et il est important pour tous nos concitoyens et tous nos collègues parlementaires de le rappeler.

En effet, la transition énergétique, c’est la lutte contre le changement et le réchauffement climatique. Lorsque je parle du Bangladesh, qui pourrait perdre un tiers de sa superficie, cela représente un problème majeur pour toutes ces populations qui se verraient malheureusement largement diminuées, réduisant la biodiversité humaine – cela vaut aussi, bien entendu, pour d’autres pays.

Quand je parle de la fonte des glaciers ou des calottes glaciaires, ce sont des milliers et des milliers d’espèces animales et végétales qui pourraient disparaître, aggravant ainsi considérablement l’extinction des espèces, et donc les services qu’elles sont capables de nous rendre. Le monde végétal et le monde animal sont en effet extrêmement dépendants des conditions climatiques dont les grandes tendances ont, au fil des siècles, construit nos paysages et développé nos richesses biologiques et donc marqué nos populations, orienté leur mode de vie, leur capacité à résister ici ou là à des fortes températures ou à des zones fortement marquées par la sécheresse.

Ainsi, lutter contre les gaz à effet de serre, ne plus utiliser les énergies fossiles qui les produisent et qui transforment notre climat signifie aussi protéger la biodiversité, dans laquelle j’inclus l’espèce humaine et, évidemment, les générations futures.

La biodiversité peut en effet souffrir des changements climatiques et subir des déplacements massifs d’espèces, voire leur extinction. J’en ai parlé précédemment, la biodiversité, c’est notre capacité à nous nourrir, à respirer un air sain, à lutter contre un certain nombre de maladies que nous ne connaissons que trop bien aujourd’hui. Les conséquences du réchauffement climatique, si nous ne faisons rien, seraient dramatiques sur le plan agricole, sanitaire et hydrique, au niveau de la nature des sols, sans parler de l’économie et, plus essentiel encore, des conséquences humaines. Il est important de le dire, et de rappeler en permanence ce lien.

Au demeurant, la biodiversité peut aussi être utile pour éviter les changements climatiques, par exemple grâce aux forêts, que nous devons préserver – nous sommes extrêmement mobilisés ici sur ce sujet.

Ce texte me donne donc l’occasion de rappeler le lien entre changement climatique et biodiversité. Il faut le dire pour cela soit ancré dans l’esprit de nos concitoyens, et que nous puissions faire, dans ces deux domaines, le maximum pour préserver les générations futures. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

M. le président. La parole est à Mme Catherine Vautrin.

Mme Catherine Vautrin. Monsieur le président, madame la ministre, mesdames et messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, je vais consacrer les quelques minutes qui me sont imparties à évoquer un cas particulier, celui de l’enseignement supérieur, et plus particulièrement celui de nos universités et de leur place dans le processus de transition énergétique.

En effet, ces deux problématiques sont intimement liées car, en introduisant un mécanisme incitatif concernant le patrimoine de l’État, nous pourrions atteindre beaucoup plus rapidement les objectifs fixés à la politique énergétique de notre pays.

Les universités représentent un tiers du patrimoine de l’État, à savoir 18 millions de mètres carrés et 6 000 hectares de terrain. C’est dire s’il est important de prendre des mesures pour progresser dans ce domaine. Nous devons voir dans cette immense réserve de foncier une chance pour notre pays, et non une charge. C’est la raison pour laquelle je souhaiterais qu’ensemble, nous puissions mettre en valeur ce patrimoine.

Malheureusement, lors d’une cession, la répartition du produit de la vente pose problème, car 20 % vont à France Domaine, 30 % au désendettement de l’État, et les 50 % restant sont reversés au ministère. Il y a là une contradiction entre l’autonomie des universités et l’incapacité de leur donner les moyens d’investir.

C’est la raison pour laquelle j’ai proposé un certain nombre de mesures qui ne créeraient pas de charges supplémentaires pour l’État et qui permettraient aux universités d’investir, de se moderniser et de se projeter dans l’avenir.

Malheureusement, la disposition que je souhaitais voir adoptée a été déclarée irrecevable, plus pour des raisons de forme que de fond. Elle permettait d’inciter les universités à mettre en place une stratégie immobilière. Les amendements avaient pour objectif de permettre aux universités d’utiliser le produit de ces cessions pour les réinvestir dans des travaux de performance énergétique, tout en préservant une part de ce produit afin qu’il aille au désendettement de l’État.

Ces mesures avaient pour intérêt d’aller vers le désendettement de l’État d’un côté, mais aussi de donner une bouffée d’oxygène aux universités, qui auraient enfin pu mettre en œuvre une stratégie de développement en faveur de la modernisation, au service de nos étudiants et de l’enseignement supérieur. En plus, elles auraient entraîné une demande de travaux pour le secteur du bâtiment.

Prenons un exemple à nos portes, celui de l’université polytechnique de Catalogne, qui dépensait près de 5,5 millions d’euros par an pour l’eau et l’énergie. Un vaste programme d’économies d’énergie a généré plus d’1 million d’euros d’économies par an, une réduction de 25 % de la consommation d’énergie, tout en permettant une vaste modernisation. On voit là combien nos voisins espagnols, dans une période de crise ô combien difficile, sont capables de concentrer des moyens pour ce qui constitue l’avenir, à savoir la donne universitaire.

Clairement, la France ne peut pas rester à la traîne, c’est une urgence à laquelle nous devons répondre, et il serait important que nous puissions continuer à travailler avec le Gouvernement, dans le cadre de ce texte et, pourquoi pas, dans les prochains textes budgétaires, pour enclencher enfin un cercle vertueux permettant la préservation des ressources de l’État et la garantie d’un avenir ambitieux pour les universités.

Par ailleurs, il faut encourager l’enseignement supérieur et la recherche, et ses ressources, en l’associant aux principales initiatives nationales engagées dans le cadre de la transition énergétique : plans climat-air-énergie territoriaux, réalisation des objectifs de la politique énergétique et stratégie nationale de recherche énergétique.

Il serait également important d’aider les acteurs de la performance énergétique, mais également de travailler avec les entreprises en créant des facilités réglementaires, par exemple pour la cotraitance, qui offriraient une meilleure sécurité juridique aux entreprises qui se regroupent momentanément sur un chantier. Ce sont là aussi des mesures très favorables aux établissements d’enseignement supérieur. Au vu des projets d’investissement en cours sur le territoire, comme celui de l’université de Reims Champagne-Ardenne, un projet de rénovation de plusieurs millions d’euros serait facilité par une approche de cotraitance.

Nous pourrions ainsi constituer la matrice d’une société future durable et ouverte à tous. À la veille de la conférence sur le climat, nous avons la possibilité de mettre en place des outils extrêmement concrets qui, si j’ai bien compris, répondent à deux enjeux majeurs fixés par votre gouvernement : l’écologie et la jeunesse.

Madame la ministre, nous pourrions nous retrouver sur des thèmes comme celui-ci, saisir une opportunité pour l’avenir de notre pays, qui répond à nos objectifs de développement durable.

M. le président. La parole est à M. Ary Chalus.

M. Ary Chalus. Madame la ministre, mesdames et messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, je veux tout d’abord saluer la volonté du Gouvernement sur ce projet de loi.

Ce projet de loi sur la transition énergétique, qui arrive aujourd’hui en nouvelle lecture, entend renforcer l’indépendance énergétique de la France. Ce texte s’appuie notamment sur le développement de l’exploitation des ressources énergétiques dites renouvelables qui, entre autres avantages, sont accessibles localement.

Parallèlement, il entend œuvrer à la réduction drastique de l’impact négatif sur l’environnement de la production et de la consommation d’énergie liées à l’activité humaine.

L’esprit de ce texte s’inscrit dans une démarche coopérative – ou participative, pour plagier affectueusement notre ministre de l’écologie – en voulant coordonner l’action conjointe des citoyens, des entreprises, des territoires et de l’État.

Les objectifs affichés sont, il est vrai, sans surprise et pourraient se résumer à la promotion d’une gestion parcimonieuse des ressources énergétiques.

Dans le bâtiment, le texte tend à réglementer le secteur de la construction pour réduire progressivement et significativement la consommation d’énergie des bâtiments neufs et existants. Sur ce point, il faut trouver un équilibre entre la mise en place de nouvelles normes de construction, indispensables pour espérer atteindre l’objectif visé, et la tout aussi indispensable lutte contre l’inflation normative, qui risque de pénaliser les foyers et les entreprises. Le groupe RRDP défendra des amendements dans ce sens.

Le texte s’attache aussi à repenser nos modes de déplacement et à développer les transports propres pour lutter contre la pollution de l’air et réduire notre dépendance à l’égard des énergies fossiles. Sur ce point, il faudra rester vigilant et s’assurer que le déploiement de véhicules électriques ne soit possible sur un territoire que lorsque la production d’électricité y sera majoritairement décarbonée, ce qui est loin d’être le cas dans nos outre-mer.

En effet, outre-mer, le paysage énergétique est contrasté. Certains territoires sont à l’avant-garde en matière de transition énergétique. Je pense à la centrale de géothermie haute énergie en Guadeloupe, ou à la Guyane qui, avec 72 % de son électricité d’origine renouvelable, fait figure de territoire modèle, grâce principalement à ses installations hydroélectriques.

Toutefois, dans la plupart des collectivités d’outre-mer, l’électricité est majoritairement produite à partir d’énergies fossiles, et le principal enjeu reste la réduction de la dépendance de nos territoires à l’égard du pétrole, qui plus est importé à grands frais. À la Martinique, plus de 96 % de l’électricité est produite à partir de sources fossiles importées. En Guadeloupe, malgré la mise en place, il y a près de vingt ans, d’une politique volontariste de développement des énergies renouvelables éolienne et photovoltaïque, 85 % de l’électricité est encore produite à partir de pétrole et de charbon. À Saint-Martin et Saint-Barthélemy, nous en sommes toujours quasiment à 100 %. De plus, dans la majorité de ces territoires, l’énergie est produite avec un surcoût élevé comparé aux coûts de production courants en France hexagonale.

Ce projet de loi comporte des dispositions intéressantes et pragmatiques visant à revigorer la politique énergétique dans les territoires ultramarins afin d’accélérer l’évolution de leurs mix énergétiques respectifs : la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique, Mayotte, La Réunion et Saint-Pierre-et-Miquelon disposeront chacun d’une programmation pluriannuelle de l’énergie – PPE – distincte et co-construite par ces collectivités et l’État.

Parmi les mesures importantes, il faut noter la possibilité pour chaque territoire ultramarin de fixer, dans sa PPE, le seuil de déconnexion des énergies renouvelables dites « fatales » en tenant compte des caractéristiques de son réseau électrique. Pour ce faire, le gestionnaire du réseau aura l’obligation, à partir du 1er janvier 2016, de fournir des informations sur le mix électrique instantané et les coûts de production, comme le fait déjà RTE en France hexagonale.

Toujours dans le même esprit coopératif, et afin de permettre à la Guadeloupe et à la Martinique d’exercer raisonnablement leur habilitation législative en matière d’énergie, dans le domaine des énergies renouvelables, de la maîtrise de l’énergie et de la réglementation thermique, le projet de loi prévoit désormais que l’État et le gestionnaire du réseau public de distribution d’électricité « apportent leur concours en mettant à disposition les informations dont ils disposent. »

C’est donc un texte que je soutiens pour l’essentiel, car il engage véritablement nos territoires sur la voie de l’excellence environnementale et laisse entrevoir de réelles opportunités pour un développement endogène vertueux de nos outre-mer, et particulièrement de la Guadeloupe. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Véronique Besse.

Mme Véronique Besse. Monsieur le président, madame la ministre, nul ne conteste que la transition énergétique est un enjeu majeur pour la France. Au-delà des économies qu’elle peut engendrer, il s’agit de préparer l’avenir, et d’abord celui des générations futures. Le constat est unanime : il est absolument nécessaire que la France entre pleinement dans une transition énergétique efficace impliquant tout le monde.

Ce qu’il nous faut aujourd’hui, nous le savons tous, c’est apporter une réponse sur le long terme, une réponse durable. Et c’est bien tout le problème de ce projet de loi qui manque de cohérence, ce qui le rend éphémère.

Contrairement à ce qu’affirment certains, notamment les ayatollahs de la décroissance, l’empreinte de l’homme n’est pas toujours mauvaise pour notre environnement. Tout l’enjeu réside dans l’équilibre entre le développement et la pérennité dans laquelle s’inscrit ce développement, c’est-à-dire entre, d’une part, le développement des activités humaines et l’amélioration de notre quotidien, et d’autre part, la préservation de la nature et la protection de notre qualité de vie.

La recherche de cet équilibre peut être résumée en trois objectifs : premièrement, répondre à la nécessité du transport des marchandises et des personnes, toujours plus nombreuses, tout en réduisant les émissions de gaz à effet de serre ; deuxièmement, fournir de l’énergie aux habitations et aux bâtiments tout en réduisant notre consommation énergétique ; troisièmement, utiliser nos ressources naturelles tout en préservant notre environnement.

Malheureusement, ce projet de loi relatif à la transition énergétique ne répond pas pleinement à ces défis. Bien au contraire, il va à l’encontre d’une réelle transition énergétique : en réalité, il va à l’encontre de l’intérêt des Français, de notre intérêt à tous. Il y a trois raisons à cela.

La première, c’est que la transition énergétique que vous proposez ne s’inscrit pas dans un vrai projet de développement durable. Si le développement de notre pays est énergivore, il n’en reste pas moins indispensable. Il est même plus que jamais nécessaire d’avancer lorsque l’on constate, comme tout le monde, la réalité de la concurrence mondiale et du chômage de masse. Or que propose-t-on, par exemple, pour accompagner cette croissance que nous attendons tous ? De nouvelles formes d’énergies, dites renouvelables, comme les éoliennes que vous voulez voir fleurir partout dans nos paysages et en particulier dans nos paysages naturels.

Parlons de ces éoliennes, parce que c’est un point qui me paraît particulièrement important. Aujourd’hui, aucun argument solide ne justifie le fait de couler, partout en France, sur nos montagnes, dans nos pâturages, sur nos plaines, des millions de tonnes de béton pour fixer des monstres de 120 mètres de haut, surtout lorsque l’on sait que ces monstres ne fonctionnent qu’un tiers du temps.

M. Denis Baupin, rapporteur. Tout en nuances !

Mme Véronique Besse. Je ne parle pas des vibrations ni des nuisances sonores avérées, dont l’impact sur la faune et la flore n’a pas été totalement mesuré à ce jour.

M. Denis Baupin, rapporteur. C’est ridicule !

Mme Véronique Besse. L’éolien est un mode de production d’électricité coûteux pour le consommateur.

M. Denis Baupin, rapporteur. Faux !

Mme Véronique Besse. Son prix d’achat est fluctuant. Bonifié artificiellement, son montant a même été retoqué par le Conseil d’État l’année dernière.

M. Denis Baupin, rapporteur. Faux !

Mme Véronique Besse. En réalité, on sacrifie notre environnement sur l’autel de la rentabilité au profit des consortiums, des firmes internationales, alors que l’on sait que l’énergie éolienne n’est pas efficace à long terme.

M. Denis Baupin, rapporteur. Faux ! Tenez-vous au courant !

Mme Véronique Besse. Sans capacité de stockage, l’éolien continuera à brasser du vent. Il aurait pourtant été judicieux que, sur les 10 milliards d’euros prévus par le projet de loi, un crédit soit alloué à la recherche sur le stockage de l’énergie de demain.

M. Denis Baupin, rapporteur. C’est prévu !

Mme Véronique Besse. Cette piste ne sera pas explorée, et c’est dommage car elle aurait pu être prometteuse.

La deuxième raison réside dans la méthode employée. En plus de faire peser une épée de Damoclès sur l’énergie et l’indépendance françaises, cette transition énergétique est en train d’être imposée à marche forcée. Prenons l’exemple de ces fameux nouveaux compteurs Linky, que vous proposez de mettre en place et qui permettent de suivre la consommation quotidienne de chaque foyer. Ils permettent également de contrôler à distance l’énergie consommée : en d’autres termes, la consommation de chaque logement peut être réduite, voire arrêtée. Ce contrôle s’exerce sans aucune garantie de confidentialité des données.

M. Denis Baupin, rapporteur. Quel est le gouvernement qui a lancé le projet Linky ?

Mme Véronique Besse. Cela ne rassure pas les Français, et on les comprend. Les 35 millions de ménages à qui l’on imposera un compteur Linky ne savent pas à quelle sauce ils seront mangés : ils craignent à juste titre l’informatisation du contrôle de la consommation.

En matière économique, le « sur-contrôle » de consommation risque de devenir un frein pour nos entreprises. La loi prévoit une grille de critères qui permettrait d’allouer plus ou moins de ressources énergétiques aux entreprises qui en ont le plus besoin. Or les critères de la grille laissent entrevoir une évaluation au doigt mouillé, et surtout de nouvelles contraintes. Dans le contexte que nous connaissons, c’est dangereux et même contre-productif, car cela va peser sur les emplois.

Sans compter qu’aujourd’hui, le coût du dispositif Linky n’est pas connu. Au départ, on parlait de 4 milliards d’euros. Puis, de 4 milliards, nous sommes passés à une facture comprise entre 5 et 7 milliards d’euros, selon le PDG d’ERDF. Aujourd’hui, personne n’est en mesure de dire combien coûtera le compteur Linky,…

M. Denis Baupin, rapporteur. Comme pour l’EPR !

Mme Véronique Besse. …ni sur la facture ni sur la feuille d’impôts.

Enfin, les solutions proposées pour la rénovation énergétique des bâtiments ne sont pas à la hauteur des enjeux. Aujourd’hui, 75 % de notre électricité est fournie par nos centrales nucléaires, et 99 % des voitures ne sont pas électriques. C’est un constat : nous sommes trop dépendants du nucléaire et du pétrole.

M. Denis Baupin, rapporteur. C’est vrai !

Mme Véronique Besse. Oui, il faut donc opérer une transition énergétique. Nous devons diversifier les sources d’énergie, mais pour cela, il faut y voir clair. Côté financements, c’est le brouillard complet : on nous parle de 10 milliards d’euros débloqués par l’État, mais on ne sait rien du coût que supporteront finalement les familles et les collectivités. On avance en tâtonnant.

Par ailleurs, pour rénover nos bâtiments conformément aux exigences de la transition énergétique, il faut investir. Or qui investit aujourd’hui ? Personne, ou en tout cas plus grand monde – les entreprises du bâtiment le savent bien. D’un côté, les particuliers à qui l’on impose des normes n’ont plus le pouvoir d’achat pour investir ; de l’autre, les collectivités territoriales subissent la baisse des dotations de l’État et voient donc leurs capacités d’investissement considérablement diminuées.

Madame la ministre, ce projet de loi est mal ficelé, si vous me permettez cette expression. Il est décalé par rapport à la conjoncture actuelle.

M. Denis Baupin, rapporteur. Applaudissements nourris !

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Cottel.

M. Jean-Jacques Cottel. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission spéciale, mesdames, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, ce projet de loi relatif à la transition énergétique a l’immense mérite d’agir sur tous les leviers : la production de l’énergie, les modes de construction de nos logements, les modes de déplacement et les modes de conception de nos produits pour créer moins de déchets.

En matière de logement, par exemple, je pense à l’instauration du formidable outil que représente le chèque énergie pour lutter contre la précarité énergétique. S’agissant des énergies renouvelables, nous avons progressé dans tous les domaines, notamment l’éolien. Pour les transports, nous devons nous satisfaire des orientations prises en faveur de l’intermodalité et de l’encouragement au choix du fluvial pour le transport des marchandises – les défenseurs du Canal Seine-Nord Europe apprécieront.

Toutefois, l’essentiel de mon propos sera consacré aux avancées contenues dans le titre IV, relatif à l’économie circulaire, qui incarne une grande partie des espoirs permis par cette croissance verte en termes de créations d’emplois, de préservation des matières premières et de lutte contre le gaspillage.

Ici, les avancées sont notables. Elles concernent avant tout la définition stricto sensu de l’économie circulaire et les fondations du nouveau modèle de production circulaire, basé sur une écoconception des produits sobres en matières premières primaires, sur une synergie industrielle où les déchets des uns sont les matières premières des autres, sur de nouveaux modes de consommation plus participatifs et solidaires, et enfin sur des produits durables, réemployables et recyclables. Tout cela influe sur la quantité de déchets produits, sur l’environnement, sur les coûts du service public de collecte et de traitement des déchets et sur les coûts de production pour nos entreprises : ce sont donc des gains de productivité et de pouvoir d’achat.

En parallèle, des améliorations cruciales ont été apportées sur la question des déchets. J’évoque pêle-mêle l’interdiction des sacs plastiques, la définition et la pénalisation de l’obsolescence programmée, les recommandations de collecte séparée de certains flux, l’harmonisation de leurs modalités, ou encore la généralisation du tri à la source, parce qu’il est primordial de préserver le geste individuel et citoyen du tri.

S’agissant des éco-organismes, après avoir été dotés d’une capacité d’influence incitative sur la conception des produits et sur l’économie de la fonctionnalité, ils seront poussés à rétablir des dispositifs de consigne.

Enfin, après les avancées concernant les filières de responsabilité élargie des producteurs – REP – des déchets professionnels du BTP, il faut saluer l’extension notable de la REP papier au secteur de la presse, excepté celle d’information politique et générale, ainsi que la position d’équilibre concernant les modalités d’extension du périmètre des filières REP textile et REP ameublement.

Toutefois, malgré ces avancées importantes, quelques évolutions restent possibles. Ainsi, dans la pratique, il me semble plus judicieux de prévoir que chaque filière, par exemple celle des équipements électriques et électroniques, puisse faire mieux en termes d’éco-conception. De même, des expérimentations pourraient être lancées en vue d’étendre la durée de garantie constructeur ou la durée de garantie légale pour certaines catégories de produits. Concernant les installations visant à réduire le tonnage de déchets ménagers organiques, la solution des broyeurs d’évier, que j’avais déjà évoquée en première lecture, devrait être approfondie.

S’agissant des collectivités locales, la mise en œuvre d’une comptabilité analytique va dans le bon sens, mais il faut aller encore plus loin en créant de véritables budgets annexes, ce qui soulève, plus globalement, la question de la fiscalité des déchets afin d’accroître la transparence.

Enfin, concernant les installations de tri mécano-biologique, il faut veiller à adopter une position d’équilibre pour ne pas pénaliser les collectivités déjà engagées dans ce processus et qui seraient contraintes de l’abandonner.

Madame la ministre, mes chers collègues, nous avons là un grand texte, ambitieux, qui s’inscrira dans la ligne des textes fondateurs en matière d’environnement et sur l’un de ses piliers majeurs, celui de la transition énergétique. D’ores et déjà, il fait des émules dans les territoires – vous l’avez rappelé, madame la ministre, s’agissant de l’appel à projets « territoires à énergie positive pour la croissance verte », qui connaît un grand succès dans l’ensemble de nos territoires, au-delà des tendances politiques. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. François Brottes, président de la commission spéciale et M. Denis Baupin, rapporteur. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Alain Leboeuf.

M. François Brottes, président de la commission spéciale. En principe, il est moins caricatural que M. Aubert !

M. Alain Leboeuf. Tout à fait, monsieur le président de la commission spéciale ! Vous me connaissez désormais.

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Cela va être intéressant !

M. Alain Leboeuf. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission spéciale, mesdames, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, depuis de nombreuses semaines désormais, nos deux assemblées étudient minutieusement le projet de loi que le Gouvernement nous a soumis et qu’il a choisi d’intituler « transition énergétique pour la croissance verte ».

S’agissant du devenir énergétique de notre pays, sans doute aurions-nous pu davantage co-construire ce texte. Nous aurions dû nous fixer une réelle ambition énergétique pour notre pays en pariant sur un développement économique majeur et une démographie croissante.

Nous sommes, bien évidemment, tous conscients ici que notre pays paie trop cher sa dépendance énergétique encore trop fondée sur les énergies fossiles importées. Nous sommes, en outre, suffisamment avertis pour savoir que nous ne pouvons continuer à déstocker sans limite le CO2 emprisonné depuis des millénaires dans les sous-sols océaniques et continentaux du globe terrestre.

L’urgence énergétique, à partir de laquelle nous aurions dû nous mettre d’accord afin de mieux construire un projet ambitieux d’envergure nationale, aurait dû nos conduire à ne prendre en compte que deux postulats incontestables : la lutte contre les gaz à effet de serre, à l’origine du changement climatique en cours, et la réduction des énergies fossiles importées, qui handicapent lourdement l’économie française et donc le pouvoir d’achat de nos concitoyens.

Ce n’était donc pas d’un texte sur la transition énergétique dont nous avions besoin ; elle est déjà très largement entamée, nous avons été plusieurs à le faire remarquer. Il nous fallait un texte sur la stratégie énergétique de la France qui puisse redonner un nouveau souffle à cette transition, de nouvelles ambitions et donc un nouvel élan pour les acteurs économiques de notre pays et pour l’ensemble des ménages français.

Or plutôt que d’opter pour le pragmatisme qui aurait recueilli un très large assentiment du pays, vous êtes tombés dans le piège de l’idéologie en visant un autre objectif qui touchera directement le porte-monnaie des Français, à savoir la dénucléarisation de notre pays !

Mais en visant à la fois la décarbonisation de nos énergies et la diminution accélérée de la part d’électricité bon marché produite à partir de l’uranium, nous allons mettre à mal le pouvoir d’achat des Français et la compétitivité de nos entreprises, notamment avec la CSPE, dont le montant explose et dont vous ne savez plus sur quelles bases appuyer son financement.

Mais pour en revenir très concrètement au texte que vous proposez à notre assemblée d’amender, j’insisterai sur plusieurs points particuliers qui me tiennent à cœur.

Le premier concerne les transports propres. Vous le savez, madame la ministre, en Vendée par exemple, nous travaillons au développement du véhicule électrique en milieu rural. Déjà 89 bornes de recharge sont installées sur l’ensemble du département avec un objectif de 350 d’ici à la fin 2016, évitant ainsi toute zone blanche, même si l’arrivée du plan de déploiement Bolloré perturbe profondément l’enthousiasme collectif fondé sur des solidarités entre les communes les plus petites et les plus grosses – mais ce n’est pas le sujet aujourd’hui.

Parallèlement à ce plan qui vise plutôt les véhicules légers, nous expérimentons depuis le début de ce mois le premier car intercités en France, alimenté à partir de bio-méthane produit localement.

M. Denis Baupin, rapporteur. Très bien !

M. Alain Leboeuf. Nous travaillons également, comme d’autres en métropole, sur la production d’hydrogène qui pourrait être un débouché, notamment pour nos bateaux de pêche.

Nous aurons intérêt, à l’article 9, à prendre davantage en compte les véhicules utilisant des carburants alternatifs dans la définition des véhicules propres.

Mon deuxième sujet concerne la construction de maisons en bois massif. Alors que les performances énergétiques sont remarquables, le CDOSP ne les classe pas parmi les habitations énergétiquement efficaces, compte tenu des méthodes de calcul théorique qui sont appliquées. Quel dommage, d’autant plus si l’on considère qu’elles sont une manière efficace de stocker le dioxyde de carbone sur de longues durées. Le Conseil supérieur de la construction et de l’efficacité énergétique, dont nous parlerons à l’article 4 bis B, ne pourrait-il pas faire évoluer le CDOSP, à l’instar de nos amis Finlandais, beaucoup plus aguerris à l’utilisation de ces matériaux ?

Mon troisième sujet concerne, comme vous vous en doutez monsieur le président Brottes, le recyclage des bateaux de plaisance ou de sport. Comme je m’y étais engagé, et à la suite de notre rencontre dans votre bureau avec les représentants de la profession, je vous proposerai un amendement qui vise, non seulement à acter l’article permettant de convenir d’une REP sur les bateaux neufs à partir du 1er janvier 2017, mais à ajouter un alinéa proposant le financement du recyclage du million de bateaux en circulation en France, sans que ce financement soit supporté par le seul primo-acquéreur ou par le seul dernier détenteur.

Enfin, mon quatrième et dernier point concerne les autorités organisatrices de la distribution d’électricité, les AODE. Vous avez, monsieur le président Brottes, à l’article 42, utilement travaillé à donner une base légale aux contributions versées par le concessionnaire aux autorités organisatrices de la distribution d’électricité, et nous ne pouvons que nous en féliciter. Mais le texte ainsi rédigé, après l’amendement adopté en commission spéciale, pourrait laisser planer une certaine ambiguïté liée à l’absence de définition suffisante du terme « contribution ». Pourrons-nous ensemble palier cette incertitude juridique ?

Pour conclure, et toujours pour vous montrer que nos territoires s’engagent concrètement dans la transition énergétique que vous appelez de vos vœux, madame la ministre, le syndicat d’énergie de Vendée, que j’ai le plaisir de présider, déposera sur votre bureau dans les tout prochains jours un projet majeur, avec nos amis bretons, dans le cadre des projets de la nouvelle France industrielle.

Fort de l’expérience du plus grand démonstrateur Smart Grid en Europe, nous vous présenterons un projet sur la phase d’industrialisation des réseaux électriques intelligents, indispensables au développement de la production des énergies renouvelables sur le territoire français.

Déjà initiée par les lois Grenelle I et II, la transition énergétique est bel et bien en marche au cœur même de nos territoires.

Mme Ségolène Royal, ministre. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Gilbert Collard.

M. Gilbert Collard. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur de la commission spéciale, dans le peu de temps dont je dispose, je serai direct. Certes, il y a des choses positives dans ce texte, mais d’autres relèvent du mariage politique. À côté de choses utiles, il réunit, ce qui est bien dommage, tous les poncifs visant à séduire un électorat écologiste. Il est vrai que les élections régionales ne sont pas très éloignées, et je sens comme des rapprochements, une espèce de vent, tout à fait écologique, qui va pousser les parlementaires écologistes vers leur ancienne majorité parlementaire. C’est ainsi.

Preuve en est la présence de thèmes hétéroclites : les Velib, le covoiturage – disposition utile au demeurant car permettant de lutter contre la concurrence. La bonne foi n’est pas exclusive de la politique et lorsque quelque chose est bien, on peut le dire. Autres thèmes : la méthanisation, le stockage et le déstockage des déchets et, enfin, la bête noire qui n’est pas celle de Zola, le nucléaire.

À cet égard, il est intéressant de noter, dans le texte touffu du projet de loi, le titre VI, consacré au renforcement de la sûreté nucléaire ; la sortie du nucléaire a donc disparu. Pour le reste, le texte est truffé de rapports annuels au Parlement et d’articles d’habilitation.

Bien sûr, vous n’avez pas omis les schémas de la qualité de l’air car il ne fallait pas les oublier. Franchement, comme si les résidus pollués ou le carbone s’arrêtaient à nos frontières ! Celles-ci n’arrêtent plus rien. Croire, de surcroît, que des frontières invisibles peuvent arrêter des particules, c’est pour le moins surréaliste. Dans le même temps, toutes ces dispositions auront un effet d’accablement sur nos usines.

Par ailleurs, la dernière signature idéologique que j’entrevois se situe au titre IV, lequel développe longuement l’économie circulaire. Certes, c’est utile – qui pourrait dire le contraire ? –, mais quel est le rapport avec la transition énergétique ?

Mme Ségolène Royal, ministre. C’est pourtant évident !

M. Gilbert Collard. Enfin, point essentiel, il est temps de revenir sur l’impasse technologique que constitue la pile au lithium et de passer au stockage de l’électricité par l’hydrogène. L’article 30 l’organise. Mais pourquoi le prévoir dans un an ? Pourquoi attendre lorsque quelque chose peut être utile ?

Telles sont les réflexions que m’inspire ce texte, ajoutées à toutes celles qui ont été développées jusqu’ici. J’estime que ce projet de loi va coûter cher, que l’on n’en connaît pas trop le financement et qu’il aura des incidences multiples dans divers domaines, ce qui n’a pas, de mon point de vue, été suffisamment maîtrisé. Une fois de plus, l’enfer de la pollution va être pavé de bonnes intentions ! Beaucoup de points sont à revoir. Oublions, même s’ils sont parfois sympas, les écolos. Mieux vaut penser à l’écologie, la vraie, celle dont on a besoin.

M. le président. La parole est à M. Napole Polutélé.

M. Napole Polutélé. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission spéciale, mesdames, messieurs les rapporteurs, ce texte est l’aboutissement de nombreux mois de travail.

Mme Ségolène Royal, ministre. En effet !

M. Napole Polutélé. Il engage la France, ses départements et ses collectivités d’outre-mer, avec ambition, volonté mais aussi audace, vers une transition énergétique réelle. Je veux remercier tous ceux qui y ont travaillé, spécialement vous, madame la ministre, qui êtes à l’origine de ce texte qui témoigne de votre approche pragmatique et volontariste de cette problématique.

Dans la présentation de votre texte, vous disiez que les Français sont largement conscients des enjeux du dérèglement climatique ; je le pense aussi. De toutes parts, nous en voyons les effets. C’est le cas de la métropole, c’est le cas des outre-mer, et c’est spécialement le cas de nos territoires du Pacifique. Nos îles voient l’eau monter, les terres émergées se rétrécir, leurs habitats menacés. Les cyclones se multiplient.

Tout cela nous invite à modifier notre comportement et votre projet de loi est donc le bienvenu. Nous disposons d’une expérience suffisante aujourd’hui pour savoir ce qu’il faut faire et ce qu’il ne faut pas faire. Ce texte donnera à nos efforts une tout autre dimension.

Je souhaite illustrer mes propos par la situation de l’outre- mer. En première lecture, vous disiez de votre projet de loi madame la ministre, que c’était « un nouveau modèle énergétique, et donc de croissance durable, une chance à saisir. »

Pour ce qui concerne Wallis-et-Futuna, nous l’avons saisie. Vous avez, par un amendement du Gouvernement en première lecture, permis à nos îles de bénéficier de la CSPE. Je veux vous en remercier et associer à ces remerciements M. Lurel, ancien ministre des outre-mer, dont le soutien a été sans faille. Cette péréquation permettra à leurs habitants de payer l’électricité au même prix que chaque citoyen la paie.

Au moment où la CSPE est menacée pour les outre-mer, je veux insister sur ce qu’elle représente pour l’ensemble de nos concitoyens ultramarins. C’est non seulement une mesure indispensable pour chaque foyer, mais c’est aussi l’expression d’une appartenance à une même communauté : la communauté nationale, qui paie l’électricité au même et unique prix, cette électricité dont on sait qu’elle est indispensable au développement et à l’essor économique. Je vous demande, madame la ministre, de ne pas rompre ce pacte de solidarité nationale et de laisser à nos territoires les conditions élémentaires de leur développement.

Oui, l’accès à la CSPE est pour nous une chance de nous développer et, comme pour tous les outre-mer, un élément essentiel de la lutte contre la vie chère. Nous vous sommes très reconnaissants d’avoir permis à Wallis-et-Futuna d’y accéder. Nous fondons sur cette mesure de grands espoirs.

Les outre-mer peuvent être innovants, exemplaires, c’est le cas pour la production énergétique pour laquelle de nombreuses expérimentations sont réalisées. Je prendrai pour exemple la biomasse ou la géothermie des mers : nos entreprises nationales sont novatrices et les résultats sont prometteurs et constituent de belles vitrines pour nos territoires et notre savoir-faire. C’est l’expression d’une écologie positive que vous appelez, madame la ministre, de vos vœux. Ce sont les outre-mer qui s’efforcent de tirer le meilleur profit de leurs atouts.

Je veux aussi m’exprimer sur le concept d’économie circulaire et spécialement sur la difficulté qu’il y a à le décliner dans des territoires isolés et souvent de petite taille. Nous n’avons ni entreprises aptes à reconditionner nos déchets ni accès à la mutualisation des moyens. Nos territoires se heurtent à un coût considérable. Pour ce qui concerne Wallis-et-Futuna, nous n’avons trouvé aucune entreprise acceptant de prendre en charge nos déchets, ni aucun voisin pour mutualiser nos besoins.

Le coût du retraitement de nos déchets les plus toxiques est considérable : que faire de nos batteries qui permettent le fonctionnement de relais téléphoniques isolés ou qui assurent le fonctionnement des réseaux en cas d’intempéries ? Cette gestion de nos déchets est un vrai problème. Je ne doute pas que vous ayez à cœur, madame la ministre, de vous en saisir également dans un proche avenir, car nous ne pouvons le résoudre seuls.

Aussi est-ce, madame, en votant ce texte, le remerciement des élus de Wallis-et-Futuna que je vous exprime et l’espoir de pouvoir ouvrir de nouveaux chantiers avec vous, comme ceux de la gestion des déchets ou de l’érosion de nos côtes.

M. le président. La parole est à M. Jean Lassalle.

M. Jean Lassalle. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission spéciale, mesdames, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, personne ne s’y trompe : ce texte est fondamental et il est très attendu, au premier quart de ce premier siècle du nouveau millénaire.

Je suis de ceux qui pensent que la France a un rôle considérable à jouer et vous ne vous y êtes pas trompée, madame la ministre, en engageant toutes vos forces dans cette bataille. Je pense en effet que le pétrole a fait son temps – il va durer, bien sûr, espérons-le, mais on commence à voir qu’il fatigue et il est décidément source de trop de guerres : ce n’est pas de cela que nous avons besoin pour nos enfants.

Le nucléaire est certes indispensable – et j’apprécie donc que vous y recouriez sans inquiétude excessive –, car tout le monde veut quand même pouvoir se chauffer et se déplacer, mais le moment est venu, particulièrement pour la France, qui a souvent été novatrice, qui a fait passer de grandes idées et qui a été inspiratrice, de saisir les nouvelles possibilités qui s’offrent, qu’il s’agisse du soleil, à propos duquel on n’a pas beaucoup progressé, mais auquel de nombreux experts s’accordent à reconnaître d’énormes possibilités, ou des marées. Afin de ne pas parler trop longtemps, je passerai rapidement sur ces sujets, à propos desquels j’avais cependant prévu de briller un peu.

Les efforts dans ces domaines ne produiront pas immédiatement de résultats, mais si nous convoquons l’intelligence française et si nous y mettons les moyens et l’énergie dont ce peuple est capable, nous pouvons réussir et, si nous réussissons, nous donnerons des idées à nos frangins européens et au monde entier. Ce sera alors un grand projet d’écodéveloppement à l’échelle de la planète, propre à rétablir un commerce équitable et durable, porteur de paix. Je vous suis donc sur ce plan : le texte est au niveau des enjeux auxquels nous devons faire face.

Pour ce qui est de la conférence de Rio – j’ai assisté à celle de Lima –, il ne faut pas bercer nos compatriotes d’illusions, car ni le monde ni la France ne sont prêts. Nous allons faire beaucoup de déçus, car les Américains ne voient pas du tout les choses comme nous – ce serait bien la première fois, du reste – et les pays émergents non plus, sans parler de la Chine. De fait, nous ne sommes pas d’accord sur grand-chose à propos du réchauffement de la planète.

Il faut cependant reconnaître que les malheurs humains n’ont malheureusement pas attendu le réchauffement de la planète : tous ces pauvres hommes et femmes, ces corps humains que nous recevons sur nos rives depuis quelques années déjà, cela n’a rien à voir avec le réchauffement de la planète. J’imagine ce que cela sera quand ces populations seront concernées. Quoi qu’il en soit, nous avons, hélas, déjà fait beaucoup de mal sans le réchauffement de la planète.

Madame la ministre, je vous connais depuis nombreuses années. Ce serait bien que, devant ce grand projet, qui est à votre dimension et à celle de la France, vous acceptiez l’idée que vous pourriez trouver beaucoup de soutiens et d’appuis auprès de la France profonde en levant un peu le pied sur de nombreuses tracasseries inutiles. Ce n’est pas chez nous, en effet, je vous l’assure, que se prépare le réchauffement du climat.

L’hydroélectricité, source d’énergie renouvelable et douce, n’est pas toujours encouragée comme elle devrait l’être. Ce serait une grande source de richesse et de développement pour nos communes, mais on ne peut pas le faire, parce que tout s’y oppose.

J’évoquerai rapidement le renouvellement des grandes concessions hydroélectriques : il est dommage que nos communes et intercommunalités ne puissent pas prélever une petite part aux côtés de l’État, car cela nous permettrait de déposer de vrais projets de développement durable, avec le concours notamment de la Caisse des dépôts et consignations et de la nouvelle banque qui a vu le jour.

Enfin, il faudra également réfléchir au renouvellement de nos réseaux d’eau potable et d’assainissement car, pour l’instant, il n’y a plus de financements du Fonds national pour le développement des adductions d’eau – le FNDAE –, peu des conseils généraux et pas beaucoup de l’État, et peu de maîtres d’ouvrage. Il faut donc penser à cette question, mais je sais que vous savez le faire, madame la ministre.

OK, donc, pour le grand projet. Il est bon que la France prenne l’initiative mais, si vous pouvez convaincre ceux qui ont confiance en vous qu’il faut relâcher un peu, vous trouverez beaucoup d’appuis pour ce grand et beau projet, car ce n’est pas chez nous que le mal se fait. (Applaudissements sur divers bancs.)

Mme Ségolène Royal, ministre. Merci !

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

5

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

Suite de la discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures cinq.)

La Directrice du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Catherine Joly