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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2014-2015

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du mardi 02 juin 2015

SOMMAIRE

Présidence de M. Claude Bartolone

1. Questions au Gouvernement

Lutte contre la pollution atmosphérique en Martinique

M. Alfred Marie-Jeanne

Mme Ségolène Royal, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie

Liste noire de la Russie

M. Olivier Falorni

M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères et du développement international

Chômage

M. Dominique Dord

M. François Rebsamen, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Liste noire de la Russie

Mme Seybah Dagoma

M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères et du développement international

Lutte contre le terrorisme

M. Éric Ciotti

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

Compétitivité et emploi

M. Jean-Christophe Fromantin

M. Emmanuel Macron, ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique

Politique de l’emploi

M. Gérard Cherpion

M. François Rebsamen, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Simplification

M. Laurent Grandguillaume

M. Emmanuel Macron, ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique

Politique budgétaire

M. Charles-Ange Ginesy

M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics

Areva

M. Pascal Terrasse

M. Emmanuel Macron, ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique

Affaire Merah

M. Alain Marsaud

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

Lutte contre Daech

M. Philippe Folliot

M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères et du développement international

Bourse au mérite

Mme Marianne Dubois

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche

Lutte contre Daech

Mme Valérie Fourneyron

M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères et du développement international

Dispositif Impact emploi association

Mme Michèle Bonneton

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes

Suspension et reprise de la séance

2. Dialogue social et emploi

Explications de vote

Mme Jacqueline Fraysse

M. Michel Liebgott

M. Gérard Cherpion

M. Francis Vercamer

Mme Véronique Massonneau

M. Stéphane Claireaux

Vote sur l’ensemble

Suspension et reprise de la séance

Présidence de M. David Habib

3. Débat sur l’emploi des jeunes en Europe

M. Philip Cordery

M. Jacques Moignard

M. Paul Salen

M. Michel Piron

M. François de Rugy

M. André Chassaigne

M. Jacques Krabal

M. François Rebsamen, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Mme Sandrine Doucet

M. François Rebsamen, ministre

M. Michel Liebgott

M. François Rebsamen, ministre

M. Jacques Krabal

M. François Rebsamen, ministre

M. Gilles Lurton

M. François Rebsamen, ministre

M. Michel Piron

M. François Rebsamen, ministre

M. François de Rugy

M. François Rebsamen, ministre

M. André Chassaigne

M. François Rebsamen, ministre

4. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Claude Bartolone

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Questions au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Lutte contre la pollution atmosphérique en Martinique

M. le président. La parole est à M. Alfred Marie-Jeanne, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. Alfred Marie-Jeanne. Ma question s’adresse à Mme George Pau-Langevin, ministre des outre-mer.

Madame la ministre, dans un communiqué du 29 avril 2015, la Commission européenne a manifesté son intention d’entamer contre la France une procédure devant la Cour de justice de l’Union européenne en matière de pollution atmosphérique.

À ma grande surprise, la Martinique figure parmi les dix zones dépassant les limites maximales journalières. Le degré de pollution y atteint souvent 10 sur une échelle de 10.

Les mesures qui s’imposent depuis 2005 auraient dû répondre à l’objectif de limitation de l’exposition de la population aux particules fines. Des procédures d’alerte ont été instaurées face aux facteurs polluants comme la brume de sable saharien, à laquelle il convient d’ajouter la production d’énergie imposée à partir du cocktail fuel- charbon.

Les autorités de l’État reconnaissent qu’il existe un réel problème de santé publique.

Madame la ministre, quelles mesures comptez-vous prendre pour lutter contre cette pollution qui perdure, augmente et ne cesse de faire des ravages en Martinique ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie.

Mme Ségolène Royal, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie. Monsieur le député, la Martinique a en effet été classée parmi les dix zones les plus polluées et la Commission européenne nous a demandé d’engager des actions efficaces pour y remédier.

Je crois pouvoir vous dire que les actions sont en cours. Les élus de la Martinique ont beaucoup travaillé et le président de région, avec lequel j’ai signé un objectif en vue de faire de la Martinique un « territoire à énergie positive », s’engage dans une programmation en vue du déploiement de véhicules propres. Je rappelle que la Martinique est le premier endroit au monde où a été installé un système de recharge de véhicules électriques à partir de l’énergie photovoltaïque.

Je vous propose, monsieur le député, que la Martinique s’engage dans le cadre de l’appel à projets « Villes et territoires respirables dans cinq ans » en développant les transports électriques, les transports propres, le covoiturage, les moyens de transports collectifs propres. Bref que vous puissiez vous saisir de tous les outils que j’ai mis en place ce matin même, dans le cadre du plan national de lutte contre la pollution de l’air, lors de la réunion du Conseil national de l’air.

Nous avons désormais les moyens de vous aider à atteindre des objectifs très ambitieux en termes de protection de l’environnement et surtout de protection de la santé publique. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Liste noire de la Russie

M. le président. La parole est à M. Olivier Falorni, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

M. Olivier Falorni. Ma question s’adresse à M. le ministre des affaires étrangères. Nous avons appris que la Russie a dressé une liste noire interdisant à quatre-vingt-neuf personnalités européennes d’entrer sur son territoire. Quatre Français y figurent dont notre collègue Bruno Le Roux. Certains d’entre eux y ont vu avec ironie une forme d’hommage à leur engagement pour la démocratie ! Il n’en reste pas moins que cette décision n’est pas acceptable. Les républicains que nous sommes tous ici (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) ne peuvent tolérer ces tentatives d’intimidation qui sont devenues la stratégie de politique internationale de M. Poutine. Il est indispensable que tous les députés français affirment aujourd’hui avec force, par-delà les clivages partisans, leur refus de cette déclaration d’hostilité manifeste. À travers notre collègue président de groupe, c’est toute la représentation nationale que l’on attaque !

M. Gérard Charasse. Bravo !

M. Olivier Falorni. Je tiens à vous dire, monsieur le président de l’Assemblée nationale, que nous approuvons votre décision ferme de maintenir la présence de notre collègue Le Roux au sein de la délégation parlementaire que vous mènerez en Russie ce mois-ci. (Applaudissements sur les bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste et sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.) Il appartiendra donc au Kremlin d’assumer ses responsabilités. Je vous demande donc, monsieur le ministre, quelle est la position de la France sur ce point. Certes, il importe que notre pays entretienne avec la Russie une relation solide et sereine mais cela suppose qu’elle cesse de dépasser en permanence les limites du tolérable. La liste noire est une ligne jaune et elle a été franchie ! Une de plus, une de trop ! (Mêmes mouvements.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères et du développement international.

M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères et du développement international. Vous avez rappelé très clairement le contexte et le contenu de cette décision, monsieur le député. La position du Gouvernement français est évidemment de la condamner, cela va de soi. Que se passe-t-il en Ukraine et en Russie ? On observe des tensions très fortes. Le travail des Français et des Allemands, dans le format défini en Normandie, consiste à encourager une désescalade et à demander aux Russes et aux Ukrainiens de s’abstenir de toute provocation et de faire en sorte que l’accord de Minsk II soit respecté. Ce type de décision ne va évidemment pas dans ce sens, nous ne pouvons donc que la condamner. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Chômage

M. le président. La parole est à M. Dominique Dord, pour le groupe Les Républicains.

M. Dominique Dord. Alors que le chômage battait hier un nouveau record historique, il y avait quelque chose d’indécent et de pathétique, monsieur le Premier ministre, à entendre vos ministres répéter qu’il finirait bien par baisser. Cela fait en effet trois ans que le Président de la République lui-même, tel le coq Chantecler de Rostand, affirme que le jour finira par revenir sur la France grâce aux mesures que vous prenez et cela fait trois ans que nous nous enfonçons toujours plus dans la nuit ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. Patrice Verchère. Excellent !

M. Dominique Dord. Le contexte est pourtant exceptionnellement favorable. La Banque centrale européenne nous sert sur un plateau un euro à un niveau historiquement bas. Grâce aux liquidités qu’elle injecte, les marchés financiers que vous détestez tant nous offrent des taux d’intérêt inédits et le prix du pétrole est au plus bas. C’est donc bien à cause de votre politique que les Français sont privés des fruits de cette croissance inespérée ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. Philippe Vigier. Bravo !

M. Dominique Dord. Et que proposez-vous ? 100 000 emplois subventionnés supplémentaires ! Et pourquoi pas trois millions ? Vous avez matraqué les ménages, les entreprises et les collectivités et vous proposez de ne rien changer du tout ! (Mêmes mouvements.)

M. François Sauvadet et M. Philippe Vigier. Très bien !

M. Dominique Dord. Vous avez cassé simultanément la consommation et l’investissement et vous ne changez rien ! Notre marché du travail est d’une rigidité inouïe et vous ne changez toujours rien ! Les Français sont désespérés et ont bien compris que le jour ne reviendra pas sur la France tant que vous ne serez pas partis ! Entre le chant du coq si net, si fier, si péremptoire et le chant du cygne, ils ont fait leur choix ! (Applaudissements nourris sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. Philippe Vigier. Bravo !

M. le président. La parole est à M. le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

M. François Rebsamen, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Si votre bilan était excellent, on comprendrait que vous donniez des leçons, mesdames et messieurs les députés de l’opposition, mais inlassablement, mois après mois, le chômage a augmenté depuis 2008 ! (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. Sylvain Berrios. Vous êtes mauvais ! Au travail !

M. François Rebsamen, ministre. Ainsi, sous la présidence de Nicolas Sarkozy, le chômage a augmenté de 750 000 personnes d’août 2008 à 2012, et je ne compte pas les chômeurs que vous avez laissés derrière vous en mai 2012 faute d’avoir le courage d’assumer tous les plans sociaux que vous avez ajournés, comme l’a lui-même déclaré l’ancien Premier ministre M. Fillon ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. Christian Jacob. Trois ans !

M. François Rebsamen, ministre. La réalité aujourd’hui est la suivante : la conjoncture économique s’améliore, incontestablement. (« Ah ! » sur les bancs du groupe Les Républicains.) On croirait qu’il vous est désagréable de l’entendre ! Les chiffres sont là : la croissance du premier trimestre a été de 0,6 %, ce qui est supérieur à la moyenne des autres pays européens vous le savez très bien. (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. Julien Aubert. Et ils sont contents !

M. François Rebsamen, ministre. La croissance du pouvoir d’achat observée l’année dernière a été supérieure à 1 %. Ce sont les chiffres ! Continuez à vociférer, cela n’y changera rien ! Vous savez très bien qu’il existe un décalage entre la croissance vécue sur le terrain et la création d’emplois. C’est pourquoi j’adresse par-delà cette question un message d’espoir aux Françaises et aux Français. Le Gouvernement agit et vous avez tort de vous moquer des emplois aidés quand on sait comment vous les avez utilisés ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Liste noire de la Russie

M. le président. La parole est à Mme Seybah Dagoma, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

Mme Seybah Dagoma. Monsieur le Premier ministre, nous avons appris avec stupéfaction, il y a quelques jours, l’existence d’une « liste noire » de 89 personnalités européennes interdites de séjour en Russie. (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

À ce jour, aucune explication n’a été fournie par les autorités russes quant aux critères et au processus qui ont présidé à son établissement. Sur cette liste figurent, pour la France, Bruno Le Roux, Bernard-Henri Lévy, Daniel Cohn-Bendit et Henri Malosse.

En l’état, il s’agit donc d’une mesure arbitraire que l’on ne peut considérer que comme une manœuvre d’intimidation ou de rétorsion de la part du président russe Vladimir Poutine face aux sanctions imposées par l’Union européenne en réponse à la politique du Kremlin en Ukraine.

Chers collègues, de toute évidence, la présence de Bruno Le Roux, notre président de groupe, ne doit rien au hasard. (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)



Notre groupe a fait connaître avec constance son opposition à l’intervention russe en Ukraine, a approuvé les sanctions prises contre le régime du président Vladimir Poutine et a milité pour une solution diplomatique et pacifique à cette crise. Il est par ailleurs à l’origine d’une demande de commission d’enquête parlementaire sur le financement du Front national, notamment via d’importants emprunts contractés auprès d’une banque russe. Si tel était le motif de cette mesure, nous serions en présence d’une intolérable ingérence dans notre travail parlementaire.

En tout état de cause, il est parfaitement choquant et tout à fait injustifiable qu’un élu, président de groupe parlementaire dans une grande démocratie comme la France, puisse faire l’objet d’un semblable traitement. Nous saluons la réaction du président Bartolone et appelons l’ensemble des groupes à dénoncer avec force ce procédé.

Monsieur le Premier ministre, quelle suite la France entend-elle donner à cette affaire ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. Denis Baupin et M. Paul Giacobbi. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères et du développement international.

M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères et du développement international. Madame la députée, vous avez rappelé les conditions dans lesquelles nous avons appris, bien que la décision n’ait pas été notifiée au gouvernement français (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains) que quatre de nos compatriotes, en particulier le président de votre groupe, faisaient partie de ce que l’on doit appeler une liste de proscrits.

Je veux être tout à fait clair : le gouvernement français condamne fermement et totalement cette décision (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen ) pour une raison simple : elle ne repose sur aucun fondement et, de surcroît, nous sommes à un moment – je l’ai dit en répondant à l’un de vos collègues – où il faut essayer d’obtenir une désescalade dans les relations entre les uns et les autres ; or, ce type de décision, au demeurant infondée – j’y insiste –, accroît la tension au lieu de la diminuer.

Madame la députée, ma réponse est simple : la France est une puissance indépendante, une puissance de liberté. Elle condamne cette décision. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe écologiste.)

Lutte contre le terrorisme

M. le président. La parole est à M. Éric Ciotti, pour le groupe Les Républicains.

M. Éric Ciotti. Ce matin, la commission d’enquête parlementaire sur le suivi des individus et des filières djihadistes a rendu ses conclusions, qui appellent à la vigilance et à la mobilisation. La France est une cible, peut-être la plus exposée au monde, face au terrorisme : 1 700 Français sont impliqués dans des filières djihadistes, dont 450 sur place, en Syrie, 200 qui sont retournés en France, 500 qui s’apprêtent à partir ou qui sont en partance. Ces chiffres ont été multipliés par trois depuis janvier 2014. Ils appellent, monsieur le Premier ministre, une mobilisation de tous les instants. Tel est l’objet des conclusions du rapport de Patrick Mennucci, approuvé à l’unanimité par les membres de cette commission d’enquête.

Nous vous demandons aujourd’hui, monsieur le Premier ministre, de mettre en place un véritable cadre d’action contre le terrorisme, qui ne soit pas en permanence à la remorque des événements.

De fait, nous avons constaté que beaucoup de temps, trop de temps, avait été perdu, notamment au moment de l’affaire Merah : le précédent gouvernement, sous la présidence de Nicolas Sarkozy, avait souhaité une grande loi contre le terrorisme, que vous aviez alors refusée, à quelques semaines de l’élection présidentielle. Nous avons toujours soutenu ces propositions.

Aujourd’hui, alors que le père de Merah a pu, de façon scandaleuse, revenir en France, au moment où se tient la conférence contre Daech, nous appelons à cette grande loi-cadre, à cette grande loi de programmation pluriannuelle contre le terrorisme qui nous éviterait d’être en permanence en retard sur les événements et nous offrirait la capacité, non pas d’éliminer totalement le risque terroriste, mais du moins d’y apporter les réponses les plus efficaces et les plus pertinentes possible. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur. Monsieur le député, vous avez fait, avec votre commission, un travail très important.

M. Bernard Accoyer. C’est vrai !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Vous l’avez fait dans un esprit d’unité, avec la volonté de faire en sorte que le Parlement, dans toutes ses sensibilités, parvienne à faire des propositions utiles. Je veux saluer le travail du rapporteur, Patrick Mennucci, auteur d’un rapport excellent, qui doit être salué pour la pertinence de ses propositions. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. Bernard Accoyer. Sans le président de la commission d’enquête, il n’aurait pas fait grand-chose !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Vous nous invitez à agir : je veux rappeler ce qui a été fait depuis 2012. Depuis cette date, il y a eu pas moins de trois lois destinées à agir contre le terrorisme : une première a été présentée par Manuel Valls lorsqu’il était ministre de l’intérieur ; une deuxième a été votée en novembre 2014 et une troisième est actuellement en discussion. Celle-ci permettra à nos services de renseignement, qui feront l’objet d’un contrôle accru, d’être plus efficaces dans la lutte contre le terrorisme, en mobilisant des techniques qui permettront de prévenir des actes.

Vous appelez à ce que nous anticipions en donnant les moyens nécessaires aux services. Or qu’avons-nous fait depuis 2012 ? Nous avons créé la Direction générale de la sécurité intérieure en la rattachant directement au ministère de l’intérieur, en la dotant de 432 postes et en abondant son budget de 12 millions d’euros, pour faire en sorte qu’elle ait les moyens d’agir. Nous avons décidé, au mois de janvier, de créer 1 500 postes, dont 1 000 pour les services de renseignement – 500 dans le service du renseignement territorial et 500 au sein de la Direction générale de la sécurité intérieure. Qu’avons-nous fait, si ce n’est anticiper, lorsque nous avons décidé d’augmenter les moyens budgétaires de l’ensemble de nos services sur deux ans de 233 millions d’euros, pour permettre à ces services de récupérer un retard accumulé depuis de longues années en matière d’acquisition de véhicules, de numérisation, de modernisation de leurs systèmes informatiques ?

Ce que vous proposez – et je m’en réjouis –, c’est ce que nous faisons, et c’est la raison pour laquelle, sans doute, ce rapport a été adopté à l’unanimité des groupes de l’Assemblée nationale. Face au terrorisme, la plus grande fermeté comme la plus grande détermination s’imposent. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Compétitivité et emploi

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Fromantin, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

M. Jean-Christophe Fromantin. Monsieur le Premier ministre, ma question porte sur la combinaison de deux chiffres qui sont commentés depuis quelques jours : ceux du chômage, d’une part, nous en avons parlé, et, d’autre part, ceux du commerce extérieur.

Il n’est pas inintéressant de s’interroger, de vous interroger sur la corrélation existant entre ces deux chiffres, sur la façon dont ils se combinent. En effet, comment pouvons-nous créer de nouveaux emplois et réduire le taux de chômage alors que les parts de marché de nos entreprises ont reculé de 50 % ces vingt dernières années ? Comment l’emploi peut-il repartir alors que, depuis dix ans, le nombre d’entreprises exportatrices a diminué, passant de 130 000 à 120 000 ? Comment l’emploi peut-il repartir quand 80 % des flux à l’export ne sont que l’amplification des flux existants, c’est-à-dire quand la France ne conquiert plus de parts de marché ?

Ce sujet est vraiment central, et la corrélation entre ces deux données est intéressante. Je vous invite, chers collègues, à lire la note récemment publiée par le Conseil d’analyse économique : il y est fait état d’une érosion catastrophique de l’influence et de la dynamique économique de nos entreprises, de nos produits à travers le monde. Nous avons probablement là l’explication principale de l’érosion de l’emploi et de l’installation d’un chômage structurel.

Le Conseil d’analyse économique pose deux questions. Il appelle à revoir l’efficacité du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi. Le CICE, en couvrant des salaires allant jusqu’à 2,5 fois le SMIC, crée une forme d’inflation sur les salaires supérieurs à 1,5 SMIC et détruit la compétitivité prix ; voilà une vraie question. L’autre question porte sur les mesures structurelles.

La question du CICE est probablement une question stratégique à revoir d’urgence s’agissant de la compétitivité de nos entreprises. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.)

M. Jean Lassalle. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique.

M. Emmanuel Macron, ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique. Monsieur le député Fromantin, vous avez, au travers de votre question et des explications que vous-même avez données, apporté l’une des réponses très pertinentes à la question un tantinet démagogique de votre prédécesseur sur les résultats que nous constatons. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.)

En effet, les miracles ne se réaliseront pas en un jour.

Plusieurs députés du groupe Les Républicains. Trois ans ! Cela fait trois ans que vous êtes au pouvoir !

M. Emmanuel Macron, ministre. Vous avez absolument raison de souligner le fait que notre économie ne retrouvera de véritables marges de manœuvres que si nous réussissons à gagner la bataille du commerce international et de l’attractivité.

Pour ce faire, nous disposons de plusieurs leviers. Le premier, c’est la compétitivité coût. Nous avons trouvé notre économie dans la situation suivante : les entreprises avaient des marges historiquement basses et sortaient d’une décennie durant laquelle elles avaient progressivement perdu des marges et des marchés par rapport à leurs concurrentes allemandes.

M. Philippe Cochet. Et bonjour les chômeurs !

M. Emmanuel Macron, ministre. Le CICE, puis le pacte de responsabilité et de solidarité sont donc des éléments de réponse aux points que vous évoquez.

Il nous faut à présent les exécuter, année après année.

M. Sylvain Berrios. Cela fait trois ans !

M. Emmanuel Macron, ministre. Depuis le 1er janvier de cette année, nous avons mis en œuvre des baisses de charges sur les bas salaires, ce qui permettra d’articuler et de déployer progressivement ce retournement.

M. Christian Jacob. Tu parles comme dans un livre !

M. Emmanuel Macron, ministre. À cela s’ajoutent les mesures en faveur de la compétitivité hors coût, qui est absolument fondamentale pour traiter le problème que vous évoquez. Elle passe notamment par le maintien du crédit d’impôt recherche, qui a été constamment soutenu et stabilisé. C’est ainsi que nos entreprises, à l’instar des entreprises étrangères investissant en France, montent progressivement en gamme. Elle passe ensuite par le fait de donner la possibilité d’investir dans la modernisation de l’appareil productif. La mesure fiscale de suramortissement des investissements productifs est une réponse importante qui permettra d’accélérer ce retournement. Elle passe enfin par le déploiement de financements adaptés au travers des 8 milliards d’euros que la Banque publique d’investissement, Bpifrance, va investir dans les prêts de développement, et par les plans de la Nouvelle France industrielle, qui permettent également la montée en gamme.

Cependant, vous avez raison : la bataille pour la compétitivité et l’attractivité est un élément clé pour gagner contre le chômage.

Politique de l’emploi

M. le président. La parole est à M. Gérard Cherpion, pour le groupe Les Républicains.

M. Gérard Cherpion. Monsieur le président, ma question s’adresse à M. le Premier ministre.

Monsieur le Premier ministre, en avril, on décompte 26 600 nouveaux demandeurs d’emploi en catégorie A, et 54 400 inscrits de plus toutes catégories confondues. Depuis l’élection de François Hollande, la politique menée par ce dernier a conduit 1 024 000 personnes à se présenter à Pôle emploi.

M. Christian Jacob. Beau succès !

M. Gérard Cherpion. Et alors que le chômage atteint un nouveau record, vous êtes dans le déni ; votre calendrier d’inaction le prouve.

Mme Claude Greff. Quelle incapacité !

M. Gérard Cherpion. Le jour même de la publication de ces chiffres, vous consultez les partenaires sociaux à Matignon. Qu’est-il ressorti de cette consultation ? Rien, selon les participants, si ce n’est la réunion d’un conseil des ministres restreint le 9 juin prochain pour peut-être intégrer en dernière minute des mesurettes dans des projets de loi déjà votés en première lecture.

Nous apprenons en tout cas que vous misez sur les TPE et PME. Pourtant, vous les assommez de nouvelles règles, tant administratives que financières. Pourquoi, si ce sont des viviers de création d’emploi, comme nous le pensons et le disons chaque semaine, ne leur faites-vous pas confiance ? C’est de confiance que les chefs d’entreprise et les salariés ont besoin.

Votre méthode est toujours la même : prendre l’argent dans la poche des Français pour l’injecter massivement dans des contrats aidés. Ainsi, 100 000 nouveaux contrats aidés sont annoncés. Monsieur le Premier ministre, dois-je vous rappeler le nombre de demandeurs d’emploi dans notre pays ? Plus de 3 794 000 sont inscrits en catégorie A, c’est-à-dire n’ont aucun travail, et ils sont 5 645 000 inscrits toutes catégories confondues. Pensez-vous vraiment que ces 100 000 contrats sont la solution ? Bien sûr que non ! C’est un sparadrap que vous apposez pour masquer une augmentation catastrophique des chiffres du chômage des jeunes et des seniors, qui continue inexorablement de progresser.

Au lieu de gâcher l’espoir des Français, vous devriez réinjecter leur argent dans les entreprises, qui sont les seules capables de créer des emplois durables et de la croissance.

Monsieur le Premier ministre, vous qui aviez dit aimer l’entreprise, prouvez-le ! Quand allez-vous enfin mettre de côté vos mesures pansements et proposer aux Français des mesures courageuses ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Plusieurs députés du groupe Les Républicains. Et le Premier ministre ?

M. François Rebsamen, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Monsieur le député Gérard Cherpion, à l’inverse de celle du député Fromantin, votre question n’englobe pas les raisons des difficultés auxquelles notre pays est confronté.

M. Marc Le Fur. Et le Premier ministre, monsieur le président ?

M. Pierre Lequiller. Où est le Premier ministre ?

M. François Rebsamen, ministre. Cela a été fort bien rappelé par le ministre de l’économie : voilà plus de dix ans que la compétitivité de nos entreprises s’affaiblit sur les marchés extérieurs. Cela fait plus de dix ans que leur situation se dégrade régulièrement.

M. Philippe Gosselin. Il s’agit d’agir non pas il y a dix ans, mais maintenant !

M. François Rebsamen, ministre. Vous n’avez pas beaucoup agi, puisque la situation économique que nous avons trouvée à notre arrivée et que vous connaissez était celle d’une croissance nulle au premier trimestre 2012 et en recul de 0,3 % au deuxième trimestre de la même année. (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.) Tel est l’héritage que vous nous avez laissé.

M. Patrice Verchère. Nous sommes en 2015, Rebsamen !

M. François Rebsamen, ministre. Face à cela, le Gouvernement agit dans une conjoncture difficile. En nous appuyant sur le rapport de Louis Gallois, nous avons commencé à rétablir les marges des entreprises et les résultats économiques que nous constatons aujourd’hui en sont le produit. Ces entreprises commencent par rétablir leurs marges pour regagner ensuite des parts de marché, et vous le savez pertinemment.

M. Christian Jacob. Vous les asphyxiez, les entreprises !

M. François Rebsamen, ministre. Voilà ce qui explique le décalage en termes de chômage et de création d’emplois.

Pour lutter contre ces difficultés, nous prenons bien sûr des dispositions, et le Gouvernement combat. Il crée aujourd’hui beaucoup de formations pour les demandeurs d’emploi.

M. Michel Herbillon. Personne ne vous croit !

M. François Rebsamen, ministre. Il utilise les emplois aidés, c’est vrai, mais vous qui les critiquez, vous en avez créé près de 350 000 pendant le premier semestre 2012 ! Vous n’êtes donc pas en position de nous donner aujourd’hui des leçons. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Simplification

M. le président. La parole est à M. Laurent Grandguillaume, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Laurent Grandguillaume. Monsieur le ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique, le choc de simplification se poursuit : plus de quatre-vingt-dix mesures nouvelles ont été présentées lundi par Thierry Mandon et vous-même. (« Allô ? Allô ? » sur les bancs du groupe Les Républicains.) Quarante d’entre elles visent à améliorer le quotidien des Français, cinquante autres permettront de faciliter la vie des entreprises dans les domaines de l’hôtellerie-restauration, de l’industrie, du commerce et de l’agriculture.

C’est une politique qui fait ses preuves. Parmi les mesures déjà effectives, on peut citer la non-rétroactivité fiscale, la simplification de la signalétique de tri, la simplification des transferts de siège pour les SARL, ou encore l’expérimentation des marchés publics simplifiés. Le recours à l’apprentissage a également été facilité récemment par deux nouveaux décrets.

Un programme ambitieux est mené pour simplifier et alléger les normes de construction que la réglementation a accumulées depuis des dizaines d’années dans un grand nombre de domaines.

Le « choc de simplification » voulu par le Président de la République est engagé depuis deux ans, avec plus de 400 mesures et 3,3 milliards d’euros d’économies. Aussi, monsieur le ministre, je souhaiterais connaître le calendrier de mise en œuvre des importantes mesures relatives à la lutte contre la surtransposition des directives européennes, et celui des simplifications attendues du code des marchés publics.

Comme nous avons beaucoup à apprendre de nos amis allemands, je profite de l’occasion pour saluer plusieurs collègues de la commission de la culture et des médias du Bundestag, présents dans la tribune du public. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et sur quelques bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste et du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique.

M. Emmanuel Macron, ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique. Comme vous l’avez rappelé, monsieur le député, Thierry Mandon a présenté hier une nouvelle vague de mesures de simplification. Nous étions autour de lui avec Mme Rossignol et Mme Neuville…

M. Guy Geoffroy. C’était le bal des débutants !

M. Emmanuel Macron, ministre. …pour détailler les quatre-vingt-douze mesures qui composent le troisième train de mesures de simplification et traduisent la volonté du Président de la République, énoncée il y a maintenant plusieurs semestres, d’avancer dans cette direction.

M. Christian Jacob. Et l’emploi ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Permettez-moi d’insister sur l’importance de ces mesures. Tout d’abord, elles sont extrêmement consensuelles et dépassent tous les clivages. Simplifier notre économie, c’est la rendre à la fois plus efficace et plus juste. La complexité, elle, ralentit l’économie. Elle est souvent provoquée par des règles devenues injustifiées, obsolètes, sources de rigidités. Et simplifier est plus juste parce que ceux qui s’accommodent de la complexité sont précisément les plus gros, ceux qui ont les moyens d’y faire face.

Les quatre-vingt-douze mesures s’inscrivent donc dans un chantier de simplification désormais piloté par Thierry Mandon et bénéficiant de l’important travail du conseil de la simplification pour les entreprises. Les économies qui en résultent – puisque vous m’interrogez à ce sujet – ont été évaluées par une commission indépendante à 3,3 milliards d’euros pour les entreprises, les collectivités territoriales et les particuliers depuis septembre 2013.

Nous avons notamment décidé de lutter contre la surtransposition des normes européennes au niveau national. À partir de maintenant, le Gouvernement devra justifier toute surtransposition par un rapport,…

M. Guy Geoffroy. Encore un rapport !

M. Emmanuel Macron, ministre. …ce qui inverse la charge de la preuve et est source, là encore de simplification.

Pour ce qui est de la commande publique, nous publierons d’ici à l’été, conformément à la loi de décembre 2014, un code simplifié comportant un allotissement pour les PME et davantage centré sur le numérique. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Politique budgétaire

M. le président. La parole est à M. Charles-Ange Ginesy, pour le groupe Les Républicains.

M. Charles-Ange Ginesy. Monsieur le Premier ministre, le dernier rapport de la Cour des comptes sur le budget de l’État en 2014 fait le constat sévère d’une augmentation du déficit de 10,7 milliards d’euros, assortie d’une réduction des recettes nettes et d’une hausse des dépenses du budget général. Ce déséquilibre budgétaire traduit l’échec total de votre politique. Depuis trois ans que vous êtes au pouvoir, les chiffres sont toujours mauvais.

M. Thierry Solère. De vrais débutants !

M. Charles-Ange Ginesy. Pis, ils n’ont cessé de se dégrader. Et vous êtes seuls responsables : vous étouffez l’économie de notre pays.

L’UMP hier, Les Républicains aujourd’hui, les élus locaux, tous les Français, vous demandent chaque jour de changer de politique. Après le temps des écrans de fumée – mariage pour tous, réforme territoriale –, qui ne répondent en rien aux urgences et aux difficultés du moment, vient le temps de la loi Macron ou de la loi de transition énergétique, qui, par manque de dialogue, sont vidées de leur contenu au lieu d’être améliorées lors de leur discussion.

Au-delà du déficit, tous les indicateurs sont au rouge : une croissance quasi nulle, contrairement à ce que vous dites, et un chômage dramatique – 641 000 chômeurs de plus depuis l’arrivée du président Hollande. Ce matin, vous prétendiez y répondre en annonçant 100 000 emplois aidés. C’est un masque, un masque qui augmente le déficit et ne crée pas d’emplois durables ! Ce que les Français attendent, ce sont des emplois grâce à des contrats de travail adaptés, c’est que l’on dope nos entreprises par une réforme radicale du code du travail et par une simplification des démarches administratives. Votre projet de dématérialisation – le « choc de simplification » par le numérique – n’est qu’un moyen facilitateur qui ne supprime en rien les contraintes.

Dès lors, les Français subissent la triple peine avec 80 milliards d’euros d’impôts supplémentaires. Quand donc changerez-vous de politique, monsieur le Premier ministre ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des finances et des comptes publics.

M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics. Vous reconnaîtrez, monsieur le député, que votre question est un peu « fourre-tout ». (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.) Je voudrais reprendre certains points qui ne me paraissent pas conformes à la vérité.

Permettez-moi tout d’abord de vous féliciter de lire les rapports de la Cour des comptes. Vous devriez d’ailleurs en faire une lecture rétrospective et remonter plusieurs années en arrière : vous en tireriez beaucoup d’enseignements quant à la qualité, ou plutôt l’absence de qualité, de la gestion de vos prédécesseurs à l’Assemblée et au Gouvernement !

Mais disons les choses clairement : si vous aviez lu ce rapport jusqu’au bout, si vous aviez lu les rapports de la Commission européenne, du Fonds monétaire international, de l’OCDE, du Haut Conseil des finances publiques – présidé d’ailleurs par le Premier Président de la Cour des comptes –, que diriez-vous qui soit la vérité ? Que les déficits ont diminué en 2014, là où ils n’avaient cessé d’augmenter au cours de la précédente législature.

M. Patrick Ollier. Et les 10 milliards que dénonce la Cour ?

M. Michel Sapin, ministre. En 2012, ils ont diminué ; en 2013, ils ont diminué ; en 2014, ils ont diminué ; et ils continueront à diminuer en 2015, 2016 et 2017. Là où vous les aviez laissés à plus de 5 % du PIB, nous saurons les ramener à moins de 3 %.

M. Sylvain Berrios. Farces et attrapes !

M. Michel Sapin, ministre. La question de la maîtrise des dépenses publiques est fondamentale. Nous ne pouvons réduire les déficits, diminuer les impôts – comme nous avons commencé de le faire en 2014 et comme nous continuerons de le faire en 2015 et en 2016 – et financer nos dépenses prioritaires, en particulier l’éducation et la défense, sans maîtriser et diminuer nos dépenses publiques. C’est ce que nous avons fait en 2014, monsieur le député. De quelque façon que vous regardiez les chiffres, les dépenses de l’État qui sont à la main du Gouvernement ont diminué de 3,3 milliards d’euros. Telle est la vérité. Et nous continuerons notre action car c’est le seul moyen de remettre la France dans le droit chemin de la bonne gestion, donc de la croissance économique et de la création d’emploi. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Areva

M. le président. La parole est à M. Pascal Terrasse, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Pascal Terrasse. Monsieur le ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique, ce matin, l’intersyndicale d’Areva a appelé les salariés à une grève qui a été très suivie, partout en France. L’ampleur des pertes annoncées le mois dernier – 4,8 milliards d’euros pour 2014 – est un sujet majeur de préoccupation pour les salariés d’Areva et les territoires où le groupe est implanté  – je pense en particulier à la Drôme, qui accueille le site nucléaire du Tricastin.

Notre majorité doit entendre ces inquiétudes, monsieur le ministre. Elle doit contribuer au redressement de ce fleuron économique et technologique français.

M. Philippe Cochet. Et les écolos, ils en pensent quoi ?

M. Pascal Terrasse. C’est indispensable, pour préserver un savoir-faire utile à notre pays et limiter les conséquences sociales des difficultés rencontrées par ce groupe de haut niveau.

Selon le président d’Areva, le plan de recapitalisation doit permettre un retour à l’équilibre à l’horizon 2018. Depuis plusieurs mois, le Gouvernement travaille pour limiter les pertes d’emploi et reconstruire une stratégie redonnant de la force et de la cohérence à l’ensemble de la filière nucléaire française.

M. Bernard Accoyer. Demandez donc aux Verts !

M. Pascal Terrasse. Pendant trop longtemps, les acteurs français du nucléaire ont joué les uns contre les autres. Je rappelle que des actifs rentables ont été cédés sous la précédente majorité, en 2010 et en 2011, ce qui a, inévitablement, pesé sur les comptes de cette entreprise. (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Monsieur le ministre, solidaires avec les salariés, solidaires avec les territoires, solidaires avec les entreprises de sous-traitance, nous souhaitons savoir quelle est la politique du Gouvernement à l’égard de cette belle et grande société française. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique.

M. Emmanuel Macron, ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, monsieur le député Terrasse, vous avez raison de souligner la gravité de la situation et l’inquiétude des salariés. Lorsque j’ai reçu l’intersyndicale il y a quelques semaines, durant deux heures (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains), j’ai pu mesurer à quel point ils étaient inquiets et combien le fait que plusieurs entreprises communiquent sur le sujet était inapproprié à la situation qui était la leur.

Je n’y reviendrai pas, nous avons eu plusieurs fois l’occasion de nous exprimer sur le sujet : Areva est dans cette situation car il n’y a pas eu de politique nucléaire pendant plusieurs années en France et à l’international. Elle paye aujourd’hui le prix des incohérences, des mauvais choix et des erreurs stratégiques et industrielles. Depuis 2012, nous y avons mis bon ordre à l’international. (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. Bernard Accoyer. Alors que vous fermez les réacteurs ? C’est incroyable !

M. Emmanuel Macron, ministre. Le Premier ministre l’a dit et répété ici même : en aucun cas les salariés ni l’entreprise ne seront les victimes de ces erreurs du passé. Avec Ségolène Royal, Michel Sapin, François Rebsamen et Laurent Fabius, nous travaillons au quotidien pour reconstruire la cohérence et les ambitions de la filière, à travers un vrai plan industriel. Telle est notre priorité.

Sur le plan national, il faut clarifier les relations entre Areva et Edf. À l’issue de la loi de transition énergétique, nous devons connaître le détail du programme de « grand carénage » et des investissements qui seront faits. Sur le plan international, nous devons redonner une cohérence à cette filière pour l’aider à conquérir les marchés à l’export.

Ensuite, des efforts devront être faits dans l’entreprise, mais sans licenciement et en préservant les sites productifs et leur sûreté. Nous l’avons répété, je veux ici le rappeler.

Enfin, l’État prendra ses responsabilités car il faudra sûrement recapitaliser l’entreprise. Mais cela n’est pas un préalable : nous recapitaliserons une entreprise plus forte dans une filière plus forte. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Affaire Merah

M. le président. La parole est à M. Alain Marsaud, pour le groupe les Républicains.

M. Alain Marsaud. Il y a trois ans, à Toulouse et Montauban, trois militaires étaient assassinés, car ils étaient militaires ; trois enfants et leur maître étaient assassinés, car ils étaient juifs. Ce jour-là, l’ennemi avait un visage. Celui de Mohammed Merah.

Depuis lors, la famille Merah, il faut le dire, nous a surpris. La sœur et le beau-frère sont partis en Syrie faire le djihad, avec l’argent des allocations familiales d’ailleurs… (Murmures sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.) Eh oui, je sais, cela vous gêne ! « Bon débarras ! », serais-je tenté de dire ; mais voilà que le père est réapparu, au début de l’année. Souvenez-vous, c’est lui qui a déposé plainte contre X, accusant la police nationale d’avoir assassiné son fils !

Nous découvrons avec stupéfaction que cet individu vient de bénéficier d’un visa temporaire de séjour (Exclamations sur quelques bancs du groupe Les Républicains.) et qu’il a demandé sa régularisation en France, sans doute pour y percevoir quelques allocations supplémentaires… (Murmures sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen), certainement pour y poursuivre ses procédures contre la police nationale. Un refus lui a été signifié, assorti d’une obligation de quitter le territoire. Bien évidemment, il se maintient en France.

C’est une nouvelle insulte jetée à la face des familles. Elle ravive le souvenir de leur drame, comme vient de le déclarer la mère d’Imad Ibn Ziaten, l’un des militaires assassinés. Première question : quand comptez-vous procéder à l’expulsion de cet individu vers son pays d’origine, l’Algérie ? Deuxième question : qu’a fait notre pays, la France, pour subir et accepter de telles humiliations et affronts de la part des familles des assassins ? Ce n’est pas ma République, ce n’est plus la France ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur. Monsieur le député Marsaud, face à de tels événements, au drame qu’ont vécu ces familles, la République qui devrait nous unir est une république de la dignité, du respect du droit et du rassemblement. Je n’ai trouvé rien de cela dans le ton de votre question ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen, du groupe écologiste, du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

Votre question empruntait à la démagogie, à l’approximation, à l’outrance, à l’amalgame et – pourquoi ne pas le dire ? – à la contrevérité. Mais j’ai compris que c’est là la marque de fabrique de l’organisation politique à laquelle vous appartenez. (Protestations sur les bancs du groupe Les Républicains. - Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)



À l’occasion de son congrès, et sur les questions dont vous avez parlé, j’ai constaté qu’elle était en train de transformer une très belle marque en une entreprise de contrefaçon ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. Hervé Mariton. C’est minable !

M. Jean-Luc Reitzer. Vous n’avez pas le droit de dire cela !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Et je vais le démontrer point par point, monsieur le député. Si le père de Mohammed Merah a pu séjourner en France puis y revenir, c’est parce qu’il bénéficiait depuis trente ans d’un titre de séjour. Celui-ci a été renouvelé en 2005 ! (Protestations sur les bancs du groupe Les Républicains - Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Je suis le ministre de l’intérieur qui a décidé de mettre fin à ce titre de séjour ! Il aurait été républicain, net et convenable que vous le disiez dans votre question ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe écologiste.)

Il aurait été tout aussi correct de votre part d’indiquer qu’un refus opposé à la demande de renouvellement d’une carte de résident vaut obligation de quitter le territoire français. Cette obligation est désormais exécutoire ; elle sera exécutée. Voilà la vérité ! Voilà les mensonges qui ont inspiré votre question ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen, du groupe écologiste, du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine. - Certains députés du groupe socialiste, républicain et citoyen se lèvent et applaudissent.)

Lutte contre Daech

M. le président. La parole est à M. Philippe Folliot, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

M. Philippe Folliot. Monsieur le Premier ministre, aujourd’hui s’ouvre à Paris une conférence internationale sur Daech. De sinistre mémoire, jamais depuis le nazisme l’humanité n’a été confrontée à un tel péril. Daech n’est pas un groupe terroriste mais une puissante organisation aux moyens financiers considérables. Ses 50 000 combattants puissamment armés, aguerris et déterminés, font régner la terreur de la charia sur un territoire grand comme les deux tiers de la France, à cheval entre l’Irak et la Syrie.

L’enjeu est de taille parce que 15 000 fanatiques étrangers, dont plus de 1 000 Français, ont déjà grossi les rangs de Daech et représentent autant de menaces terroristes potentielles lors de leur retour au pays.

Au-delà d’asservir les populations, d’annihiler toute résistance, de bafouer les droits de l’homme, d’embrigader la jeunesse et de réduire les femmes en esclavage, Daech détruit tous les symboles de la civilisation, au premier rang desquels des trésors exceptionnels, pour nombre d’entre eux inscrits au patrimoine mondial de l’UNESCO.

Après Palmyre et Ramadi, ces derniers jours, l’emprise de l’État islamiste ne cesse de s’étendre. Faute d’intervention au sol, les seules frappes aériennes de la coalition internationale montrent cruellement leur inefficacité. On paie ici cash les erreurs du passé tant en Irak qu’en Syrie. C’est donc la stratégie des alliés en général et des Américains en particulier qui se trouve remise en cause.

À l’heure où la France est déjà massivement engagée en opérations extérieures et sur le territoire national, monsieur le Premier ministre, la défense est une mission régalienne de l’État et doit, plus qu’elle ne l’est, être une priorité, y compris budgétaire.

Ma question est simple : la France a-t-elle la volonté et, si oui, les moyens d’intervenir plus efficacement aux côtés des alliés contre le monstre Daech ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et des indépendants.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères et du développement international.

M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères et du développement international. Monsieur le député, j’ai présidé ce matin, avec le Premier ministre irakien et le sous-secrétaire d’État américain, une réunion de la coalition contre Daech. Il y avait là plus de vingt nations représentées et nous avons dressé un bilan lucide de la situation, comme vous venez de le faire.

Je le dis souvent, Daech, ce sont de faux religieux et de vrais criminels. Nous devons les combattre d’une manière implacable. Ce combat, vous avez eu raison de le souligner, sera long, mais il n’est pas question de barguigner sur quelque moyen militaire que ce soit. Dès lors qu’il y a des moyens à engager, nous les engageons, vous l’avez bien vu en Irak.

Le problème, monsieur Folliot, vous qui connaissez ces questions, est qu’il faut une détermination sans faille. Pour ce qui est de la France, elle est là, vous le savez tous. Mais il faut aussi parvenir à réunir les conditions politiques. Chacun ici doit savoir que l’on ne peut pas séparer le militaire du politique. Nous l’avons dit ce matin d’une manière unanime, cela signifie que le gouvernement irakien doit avoir une pratique inclusive, car c’est des Irakiens d’abord que viendra la lutte contre Daech. C’est pareil en Syrie : il faut une solution politique. La France travaille à cette solution politique avec tous, y compris avec la Russie.

Monsieur le député, ce n’est pas une question de moyens militaires car, lorsqu’il s’agit de défendre la liberté, la France mobilise toujours les moyens nécessaires. C’est une question de détermination et de création des conditions politiques. La France est au tout premier rang en la matière. Ce n’est pas un hasard, croyez-moi, si la conférence mondiale de la lutte contre Daech a eu lieu ce matin dans notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Bourse au mérite

M. le président. La parole est à Mme Marianne Dubois, pour le groupe Les Républicains.

Mme Marianne Dubois. Avant de poser ma question, je voudrais rebondir sur celle de M. Marsaud pour savoir quand aurait lieu exactement l’expulsion de M. Merah. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Monsieur le Premier ministre, la semaine passée, dans le plus grand secret, nous avons découvert, à la lecture du Journal Officiel, qu’un arrêté en date du 14 mai dernier, aussi surprenant que consternant, diminuait de moitié le taux annuel de l’aide de la bourse au mérite, passant ainsi de 1 800 euros à 900 euros. (« C’est honteux ! » sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.)

Il est précisé que les étudiants boursiers déjà bénéficiaires de cette aide en 2014-2015 toucheront 1 800 euros, mais ceux qui passent leur bac en 2015 ne toucheront plus que 900 euros.

M. Patrice Verchère. Décidément !

Mme Marianne Dubois. Alors que des députés de tous les bancs s’étaient mobilisés pour défendre la jeunesse méritante, une circulaire du ministère de l’éducation nationale, publiée le 26 février au Bulletin officiel, annonçait le rétablissement de la bourse au mérite accordée aux jeunes bacheliers, ceux obtenant une mention « Très bien » au baccalauréat 2015, à condition d’avoir également droit à une bourse sur critères sociaux.

Est-il besoin de rappeler qu’en juillet dernier, le ministère de l’éducation nationale avait programmé la suppression progressive de cette bourse dans le cadre d’un redéploiement des aides étudiantes ?

Mais, en octobre 2014, le Conseil d’État vous rappelait à l’ordre en suspendant provisoirement cette disposition sur le fondement d’un « doute sérieux » quant à sa légalité, ce qui vous a d’ailleurs conduit à rétablir cette bourse.

Monsieur le Premier ministre, vous qui n’avez de cesse de parler de l’égalité républicaine, cette décision est un mauvais signal envoyé à notre jeunesse qui veut réussir, qui veut parfaire son parcours scolaire pour s’insérer dans notre société. Nous regrettons votre attitude et votre choix arbitraire et nous vous demandons solennellement de revenir sur votre décision, à quinze jours des épreuves du baccalauréat ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Madame la députée, je prends note de votre sollicitude à l’égard des étudiants. Je ne doute pas qu’elle aille droit au cœur de ceux qui ont vainement attendu pendant des années que vous leur versiez le dixième mois de bourse que vous leur avez promis mais jamais financé(Protestations sur les bancs du groupe Les Républicains), de ceux qui ont vu leur pouvoir d’achat s’affaisser, la pauvreté et le mal-logement les envahir ces dernières années au point que certains aient renoncé à poursuivre des études ou à se soigner sans que cela, à ma connaissance, ne vous ait ému outre mesure. (Mêmes mouvements.)

Mme Bérengère Poletti. Mensonges !

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Vous commentez notre politique de bourse. Je veux bien y revenir et vous confirmer que nous n’avons pas la même politique que vous. Il ne s’agit pour nous ni de faire la charité ni de nous exonérer à bon compte de nos responsabilités à l’égard de tous les étudiants en nous contentant d’en aider quelques-uns pour nous donner bonne conscience.

Il vous aura visiblement échappé que, depuis 2012, ce gouvernement a investi 450 millions d’euros dans les bourses étudiantes, 450 millions d’euros supplémentaires qui ont permis, par exemple, d’aider 130 000 étudiants supplémentaires de classes moyennes à hauteur de 1 000 euros par an, eux qui ne bénéficiaient de strictement rien auparavant ! Ils ont encore permis d’augmenter de 800 euros par an les bourses de ceux aux revenus les plus faibles ou encore de verser à 2 000 étudiants une allocation d’autonomie de 4 000 euros par an lorsqu’ils sont en rupture familiale avérée.

M. Michel Herbillon. Vous avez raison sur tout, bien sûr !

M. Philippe Meunier. Ce n’est pas le sujet !

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Oui, notre politique est ambitieuse car nous voulons amener 50 % d’une classe d’âge à être diplômés de l’enseignement supérieur. Dans ce cadre, nous avons décidé d’élargir le nombre des bénéficiaires des bourses et de continuer à donner un coup de pouce à ceux qui ont fait des efforts. Les mentions « Très bien » continueront à percevoir 900 euros de plus par an pendant trois ans. Le mérite et la réussite du plus grand nombre, c’est conciliable ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Lutte contre Daech

M. le président. La parole est à Mme Valérie Fourneyron, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

Mme Valérie Fourneyron. Monsieur le ministre des affaires étrangères et du développement international, la situation sur le terrain en Irak et en Syrie n’a jamais été aussi fragile et alarmante. Au début de l’année, grâce aux frappes aériennes de la coalition, nous avions entretenu l’espoir de voir refluer les terroristes fanatiques et sanguinaires de Daech. Cependant, le fléau de l’obscurantisme et de la folie meurtrière est reparti à l’offensive. L’aéroport de Syrte en Libye, Ramadi, Palmyre : des verrous stratégiques sont tombés aux mains de l’État islamique qui contrôle désormais un large territoire à cheval sur la Syrie et sur l’Irak. Cette continuité territoriale du califat menace Bagdad à l’ouest, Homs et même Damas à l’est.

Le macabre bilan des exactions de Daech est effarant : des centaines de milliers de morts sur des décombres fumants ; des charniers, comme à Tikrit ; des minorités persécutées ; un patrimoine archéologique inestimable détruit ; des familles jetées sur les routes pour fuir la cruauté délirante des djihadistes.

L’opposition des forces locales pour enrayer cette progression sur le terrain apparaît faible, désorganisée et impuissante à empêcher Daech de prospérer. Le régime de Bachar al-Assad combat le mal par le mal en multipliant les bombardements qui tuent des centaines de civils.

Dans la tourmente, la France continue d’assumer toutes ses responsabilités pour mobiliser la communauté internationale et endiguer la barbarie.

Ce matin s’est tenue à Paris une nouvelle réunion des ministres et des institutions internationales engagés dans la coalition contre Daech. Ce fut l’occasion de faire le point sur notre stratégie commune contre les djihadistes.

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous dire quelles ont été les conclusions de vos discussions ? Comment allons-nous proposer des moyens plus efficaces pour entraver l’avancée de Daech et assécher ses soutiens financiers ? Comment parvenir à des solutions politiques durables pour résoudre la crise irakienne et aboutir à l’émergence d’une Syrie libre et intègre – seules façons de lutter efficacement contre le groupe (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères et du développement international.

M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères et du développement international. Ce matin, comme je l’ai indiqué en réponse à votre collègue M. Folliot, j’ai coprésidé une réunion internationale sur la lutte contre Daech en présence du Premier ministre irakien. Nous avons dressé un bilan lucide de la situation – car il faut toujours être lucide et sans complaisance.

Il s’est récemment produit des revers qui portent les noms que vous avez cités : Ramadi, Palmyre et d’autres encore. Toutefois, nous avons insisté – sans vouloir enjoliver le tableau – sur le fait que nous savions tous qu’il s’agissait d’un combat de longue haleine. Nous avons donc pris un certain nombre de décisions sur le plan militaire et sur le plan politique.

Sur le plan militaire, tout d’abord, le Premier ministre irakien nous a présenté son plan pour reconquérir la région d’Anbar, et en particulier Ramadi, qui se trouve au nord de Bagdad.

M. Pierre Lellouche. Avant c’était Mossoul, maintenant c’est Ramadi !

M. Laurent Fabius, ministre. Il s’agit d’un plan articulé et très précis dont nous avons discuté avec l’aide des militaires présents, et que nous avons soutenu.

Sur le plan politique, ensuite, le Premier ministre irakien s’est engagé à appliquer les mesures dites inclusives qu’il avait proposées dans le passé mais qui n’ont pas toutes été appliquées – pour dire le moins. Certaines de ces mesures sont absolument indispensables pour que toute la population, à commencer par les sunnites, soutienne le combat. En effet, si les sunnites ont le sentiment que le gouvernement ne protège pas leur communauté, alors ils ne soutiendront pas l’armée et, au contraire, ressentiront une certaine proximité avec Daech, un groupe lui-même sunnite.

Troisièmement, nous avons – c’est tout à fait nouveau – intégré les minorités dans notre plan, et vous verrez des décisions prises sur ce point. Enfin, la directrice générale de l’UNESCO nous a présenté des propositions.

En somme, je crois que cette réunion sans concession a été utile, et notre détermination est absolument entière ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. Marc Le Fur. Et les chrétiens ?

Dispositif Impact emploi association

M. le président. La parole est à Mme Michèle Bonneton, pour le groupe écologiste.

Mme Michèle Bonneton. Ma question s’adresse à Mme la ministre de la santé, des affaires sociales et des droits des femmes. Après le 11 janvier et dans les contrats de ville, les associations sont considérées comme des pivots et des relais indispensables de l’éducation citoyenne.

Une part de la dotation de solidarité urbaine est réservée aux associations. On constate que cette part diminue.

Le secteur associatif constitue une véritable richesse pour notre société. Il est dynamique et innovant, et il emploie un million et demi de salariés, la plupart des associations employeuses ayant moins de dix salariés. Or, il a été annoncé le 26 mai dernier un projet d’ordonnance qui vise à supprimer le dispositif Impact emploi association au profit du seul chèque emploi associatif, et qui rapproche ainsi les associations des entreprises.

Comme le note le collectif des associations citoyennes, ce dispositif Impact emploi association apporte une aide importante aux petites associations : des formations, des appuis techniques ainsi qu’une aide financière. Bien que la récente loi sur l’économie sociale et solidaire ait mieux reconnu les associations et sécurisé juridiquement le dispositif de la subvention, on constate sur le terrain que le financement des associations est sinistré, principalement suite à la baisse des dotations aux collectivités locales, ce qui aura des conséquences négatives sur l’emploi, sur le dynamisme de notre société, sur le lien social, sur l’éducation à la citoyenneté ainsi que sur le fonctionnement de notre démocratie.

Madame la ministre, allez-vous retirer le projet d’ordonnance visant à supprimer le dispositif Impact emploi association et proposer un moratoire sur le financement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes. Mesdames et messieurs les députés, madame la députée Bonneton, le dispositif Impact emploi association que vous évoquez a été créé en 1998 avec la volonté de simplifier les démarches administratives des petites associations vis-à-vis de l’URSSAF.

Les petites associations, c’est-à-dire celles qui emploient moins de dix salariés, peuvent désigner un tiers de confiance, et l’URSSAF met à sa disposition un logiciel de paie qui permet de réaliser l’ensemble des formalités et des déclarations sociales. Ainsi, l’association n’a pas besoin de se préoccuper de l’ensemble de ces démarches administratives.

L’ordonnance à laquelle vous faites allusion et qui paraîtra dans quelques semaines a pour but plus général de simplifier les démarches administratives de l’ensemble des employeurs.

Mme Marie-Christine Dalloz. On voit ce que c’est que la simplification avec les socialistes !

Mme Marisol Touraine, ministre. C’est dans ce cadre qu’avait été envisagée la fusion du dispositif Impact emploi association et du chèque emploi service universel pour les associations.

Les associations ont exprimé leur préoccupation en indiquant qu’elles trouvaient toute satisfaction dans le dispositif tel qu’il existe. C’est pourquoi, madame la députée, je peux vous annoncer aujourd’hui que le dispositif Impact emploi pour le secteur associatif ne sera pas modifié.

M. Sylvain Berrios. Incroyable !

Mme Marisol Touraine, ministre. Les associations peuvent donc être satisfaites du maintien en l’état de ce dispositif tel qu’elles l’ont apprécié ces dernières années. (Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste, républicain et citoyen, et écologiste.)

M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures quinze.)

M. le président. La séance est reprise.

2

Dialogue social et emploi

Vote solennel

M. le président. L’ordre du jour appelle les explications de vote au nom des groupes et le vote par scrutin public sur l’ensemble du projet de loi relatif au dialogue social et à l’emploi (nos 2739, 2792, 2770, 2773).

Explications de vote

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

Mme Jacqueline Fraysse. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, chers collègues, ce projet de loi, dont nous venons d’achever l’examen, traite de plusieurs sujets. Tout d’abord, concernant les intermittents du spectacle, nous nous félicitons que soit inscrit dans la loi le principe d’une indemnisation du chômage qui leur soit spécifique. En outre, nous apprécions qu’ait été adopté notre amendement visant à ouvrir, d’ici juillet 2016, des négociations sur la politique contractuelle comprenant les conditions de recours au contrat à durée déterminée d’usage. C’est un progrès dans la lutte contre la précarité de ces professionnels.

D’autre part, ce texte instaure une nouvelle prime d’activité qui doit bénéficier aux travailleurs les plus modestes. Nous avons à la fois réaffirmé notre soutien à cette mesure et regretté vivement que cette réforme se fasse à enveloppe constante, autrement dit dans le cadre des 4,1 milliards d’euros actuels, puisqu’elle doit théoriquement compter un plus grand nombre de bénéficiaires que la prime pour l’emploi et le RSA activité auxquels elle se substitue.

S’agissant du dialogue social, qui constitue l’essentiel du texte, nous ne pouvons accepter que la nécessité de le moderniser et de le simplifier constitue un prétexte pour affaiblir la représentation des salariés. Bien sûr, vous mettez en avant la création des commissions paritaires régionales, permettant enfin aux 4,6 millions de salariés des très petites entreprises d’être représentés. C’est une indéniable avancée mais, telle que vous l’avez conçue, elle reste très limitée, les membres de ces commissions ayant peu de pouvoirs, même si vous avez accepté notre demande d’élargir leurs prérogatives à la médiation, ce qui est une bonne chose.

Vous avez refusé nos amendements qui visaient à augmenter les cinq heures mensuelles de délégation actuellement prévues par le texte. Vous avez même repoussé celui qui donnait aux délégués le droit d’entrer dans les entreprises dont ils représentent pourtant les salariés !

La nouvelle délégation unique du personnel, dite DUP, pour les entreprises comprenant jusqu’à 300 salariés – et davantage, lorsqu’un accord collectif le prévoit –, n’est pas une évolution positive pour les salariés, d’autant que la DUP inclut désormais le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, le CHSCT.

Cela signifie que les mêmes élus, moins nombreux et avec moins d’heures de délégation, devront tenir tous les rôles : celui de délégué du comité d’entreprise, de délégué du personnel et de membre du CHSCT. Chacun devra donc acquérir des compétences dans des domaines aussi techniques et divers que l’analyse du budget d’une entreprise, la maîtrise du droit du travail, de la santé, de la sécurité et des conditions de travail. Le risque est grand que ces différents sujets, et particulièrement les questions de santé, de sécurité et de conditions de travail, soient traités de façon moins approfondie qu’auparavant.

Vous avez accepté les amendements introduisant dans le texte le burn-out, ce syndrome d’épuisement au travail. Nous nous en félicitons, mais la question essentielle de sa prévention exige précisément des CHSCT confortés, quand vous faites le choix de les affaiblir.

Vous répétez à l’envi que la nouvelle DUP préserve « globalement » les moyens dédiés aux différentes instances représentatives du personnel, désormais regroupées. Mais force est de constater que vous avez obstinément refusé nos amendements visant à inscrire dans le texte que le nombre d’heures de délégation et de représentants des salariés serait le même dans le cadre de la DUP qu’avant le regroupement. Ainsi la mise en place de la DUP, telle que prévue dans ce texte, conduit à une diminution objective des moyens, à laquelle s’ajoute une perte de proximité des élus avec les salariés eux-mêmes, puisque certains établissements pourraient en être privés, et un affadissement de l’expression syndicale, puisque ce sont les mêmes élus qui siégeront dans l’ensemble des instances.

C’est dommage, car un gouvernement de gauche aurait pu, avec ce projet de loi, rééquilibrer les rapports entre employeurs et salariés – une condition indispensable pour aboutir à de réels compromis, en donnant plus de pouvoir aux représentants du personnel, pour que la voix des salariés – qui sont la force de l’entreprise, je le souligne –, pèse davantage. Mais non ! Rien de tout cela, au contraire : ce texte, après la loi bien mal nommée de « sécurisation de l’emploi », entraîne de nouveaux reculs pour les droits des salariés. Pour toutes ces raisons, les députés du groupe Front de Gauche ne peuvent que voter contre. (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

M. le président. La parole est à M. Michel Liebgott, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Michel Liebgott. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, sur tous les bancs, vous avez insisté sur la nécessité de rassurer : rassurer les patrons des petites entreprises, pour les uns ; rassurer les salariés, pour les autres – c’est bien légitime, car c’est au cœur des PMI-PME que se joue une bonne part de la création des emplois de demain : nous devons tout faire pour créer le climat de confiance qui sera le terreau de leur développement.

Rassurer aussi les partenaires sociaux, dont la négociation, déjà bien avancée, a avorté et dans le sillon de laquelle nous devons inscrire notre travail parlementaire.

Rassurer, enfin, c’est entretenir ce foyer de confiance qui seul peut nourrir un mouvement collectif, nous permettre de dépasser nos peurs collectives et de nous tourner vers notre destinée commune : le mieux-être pour tous, sans laissé-pour-compte.

Telle est la première vertu de ce texte : rassurer par le dialogue social. Nous en avons fait un principe de gouvernance pour transformer notre pays. Ce texte s’inscrit ainsi dans la succession de réformes par le dialogue social, de la loi de sécurisation de l’emploi à la réforme de la formation professionnelle, en passant par la réforme des retraites.

Sa deuxième vertu est de fluidifier en France les conditions de ce dialogue social entre les partenaires sociaux – fluidifier, et non contraindre ou réduire ce dialogue. Le texte y pourvoit : meilleur agencement des consultations et des négociations, recentrées sur trois temps forts, meilleure configuration des instances du personnel, plus adaptées aux structures des entreprises, avec l’extension des délégations uniques du personnel aux attributions du CHSCT et aux entreprises comptant jusqu’à 300 salariés, par exemple, sans perte de moyens pour autant – notre majorité y a veillé.

La troisième vertu de ce texte est de rappeler que l’entreprise est avant tout une communauté de travailleurs, et non une entité juridique abstraite. Madame Fraysse, vous avez cité durant le débat le Préambule de la Constitution de 1946 : « Tout travailleur participe, par l’intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu’à la gestion des entreprises ». Au sortir de la guerre, nous avons aboli toute vision paternaliste de l’entreprise reposant sur la toute-puissance du patron et revendiqué la primauté de la citoyenneté, une citoyenneté rayonnante qui ne s’arrête pas au seuil de l’entreprise.

Alors oui, nous aimons l’entreprise, nous aimons que les femmes et les hommes qui la composent s’y sentent bien, car c’est la seule manière de concevoir sa bonne marche ; sa performance en découle. C’est la raison pour laquelle l’engagement syndical sera encouragé et valorisé grâce à ce texte, et la parité renforcée.

Enfin, la participation des salariés sera facilitée : d’une part, dans les grands groupes où nous avons rétabli l’esprit de l’accord national interprofessionnel de 2013 en obligeant les holdings de tête à constituer un comité d’entreprise et en abaissant le seuil d’effectifs pour assurer la présence d’administrateurs salariés ; d’autre part, dans les TPE de moins de onze salariés, où nous ouvrons le droit à 4,6 millions de salariés d’être représentés, orientés sur leurs droits et obligations, de disposer d’une médiation ainsi que d’actions sociales et culturelles.

Rassurer encore, c’est consolider notre politique de l’emploi et de soutien à l’activité, la parfaire à chaque occasion et sans relâche. Ce texte en est une ; je pense au contrat « nouvelle chance » de vingt-quatre mois pour les chômeurs de longue durée. Je pense aussi au chantier de la mise en œuvre de la sécurité sociale professionnelle que nous lançons, chaque travailleur devant pouvoir conserver ses droits sociaux en dépit des aléas de sa carrière et de sa mobilité. Je pense également au soutien à l’activité et au pouvoir d’achat des travailleurs modestes, qui bénéficieront de la prime d’activité, plus simple, plus juste, plus ciblée – 5,6 millions de salariés y sont éligibles, dont 1,2 million de jeunes.

Nous complétons utilement nos actions en faveur des plus pauvres avec les 12 milliards d’euros engagés pour le plan de lutte contre la pauvreté et les 11 millions de ménages modestes qui ne seront pas imposables cette année consécutivement aux dispositions fiscales votées par notre majorité.

Je pense enfin aux avancées nouvelles que nous avons introduites pour améliorer les conditions de travail des salariés en reconnaissant le burn-out. Aux oiseaux de mauvais augure, nous réaffirmons là notre confiance dans les vertus du dialogue social. J’ai, nous avons confiance dans les partenaires sociaux pour s’approprier ces nouvelles mesures. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Cherpion, pour le groupe Les Républicains.

M. Bruno Le Roux. Les Républicains de droite !

M. Gérard Cherpion. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous sommes appelés à voter le projet de loi relatif au dialogue social et à l’emploi. Alors parlons d’emploi, monsieur le ministre : les chiffres publiés par votre ministère montrent une nouvelle augmentation du chômage. Sur le seul mois d’avril, la France a connu 26 600 demandeurs d’emploi en catégorie A supplémentaires et plus de 54 100 en catégories A, B et C : triste record ! En trois années de présidence Hollande, le cap du million de demandeurs d’emploi supplémentaires, toutes catégories confondues, a été atteint ! Comme vous aimez les chiffres précis, ainsi que vous nous l’avez dit lors de nos débats, ce sont 1,024 million de personnes supplémentaires qui sont inscrites à Pôle Emploi ; et pourtant, votre projet de loi – hormis dans son titre ! – ne porte aucune mesure pour la création d’emplois !

Votre projet de loi initial contenait, avant son passage en commission, des mesures positives. Ainsi, la délégation unique du personnel ou encore la fusion possible des instances de représentation du personnel, allaient dans le bon sens, tout comme la baisse du nombre de réunions obligatoires. Malheureusement, le texte adopté par votre majorité en commission puis en séance a alourdi ces propositions et s’en est trouvé complètement déséquilibré.

À de nombreuses reprises, votre majorité n’a même pas suivi vos avis, monsieur le ministre. Alors que ce texte contenait, à l’origine, de timides avancées, il devient un fardeau supplémentaire pour les entreprises.

M. Jean-Luc Laurent. Mais non !

M. Gérard Cherpion. Ce texte illustre à nouveau les difficultés et les divisions au sein de votre propre majorité. Nous avons parfois eu le sentiment d’assister à un congrès du parti socialiste !

M. Jean-Luc Laurent. Que d’excès conservateurs !

M. Gérard Cherpion. Selon vos propres dires, le plus fort potentiel d’embauche réside dans les TPE et les PME ; pourtant, vous les assommez jour après jour avec de nouvelles obligations, tant financières qu’administratives. Monsieur le ministre, quand allez-vous enfin faire confiance aux entreprises ?

La représentation des salariés dans les entreprises de moins de onze salariés partait d’une bonne intention, à condition d’être accompagnée d’un glissement des seuils ; mais elle a été rapidement alourdie par les travaux de la commission, avec en particulier la médiation et l’intrusion possible dans les entreprises, contraire à l’esprit même des partenaires sociaux. Alors que les petites entreprises étaient déjà majoritairement contre cette mesure, elles sont désormais vent debout. Dans le même temps, les trois organisations patronales s’opposent frontalement à votre texte, alors que les syndicats de salariés ne viennent pas à votre rescousse.

La suppression de la fiche individuelle pour le compte pénibilité simplifiera légèrement la vie des entreprises. Toutefois, ce compte est encore beaucoup trop complexe : vous auriez dû supprimer certains critères. Avec ce projet, vous êtes en train de recréer des régimes spéciaux de retraite que nos comptes sociaux ne peuvent plus supporter.

Par ailleurs, que viennent faire dans un texte relatif au dialogue social la prime d’activité, ainsi que la situation des intermittents ? Sans parler du compte personnel d’activité, qui est une coquille vide !

Votre projet de loi est donc une agglomération de mesures qui ne créeront pas d’emploi et ne révolutionneront pas le dialogue social. Votre gouvernement l’a d’ailleurs bien compris, puisque le Premier ministre a chargé M. Jean-Denis Combrexelle d’une mission sur la place de l’accord dans l’entreprise afin de faciliter les dérogations au code du travail. Comme vous le savez, monsieur le ministre, même si le dialogue social interprofessionnel au niveau national est en panne, il existe dans les entreprises, où plus de 40 000 accords sont signés chaque année.

Le groupe Les Républicains ne peut se satisfaire de ce projet. Arrêtez les changements cosmétiques ! Nous vous demandons à nouveau de réformer profondément notre pays afin de libérer les forces créatrices d’emploi. Seules les entreprises de France sont capables de créer de l’emploi. Faites-leur confiance, et vous verrez : la croissance s’amplifiera et la courbe du chômage, enfin, s’inversera ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. le président. Sur l’ensemble du projet de loi, le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Francis Vercamer, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

M. Francis Vercamer. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, à l’issue des débats sur ce projet de loi pour la modernisation du dialogue social et l’emploi, la déception qui était celle du groupe UDI à l’égard du contenu du texte ne fait que se confirmer.

Les échanges que nous avons eus dans l’hémicycle, entre majorité, Gouvernement et opposition, ont été riches et démontraient par cette richesse qu’il y avait matière, sur ces sujets, à prendre des décisions significatives. Et pourtant, la modernisation tant attendue n’est pas au rendez-vous. Le Gouvernement nous livre au final une nouvelle édition du miroir aux alouettes : il ne faut donc pas s’étonner que ce projet de loi soit sans reflet.

La grande galerie des illusions perdues s’est ainsi enrichie d’un nouveau trophée : la réforme des seuils administratifs et sociaux, qui a été complètement délaissée. Il y a dans notre pays 2,6 fois plus d’entreprises de quarante-neuf salariés que de cinquante, 1,7 fois plus d’entreprises de dix-neuf salariés que de vingt et 1,8 fois plus d’entreprises de neuf salariés que de dix. Nous restons convaincus qu’il y a là un sujet à traiter si nous voulons donner un souffle au développement des TPE et des PME, au niveau des seuils de dix et cinquante salariés.

Alors que viennent de s’ouvrir les consultations des partenaires sociaux dans le cadre d’une conférence sociale spécifique aux TPE et aux PME, le groupe UDI estime que le Gouvernement aurait dû montrer des signes tangibles d’ouverture en direction de ces entreprises, qui sont les mieux à même de créer de l’emploi. Le sujet des seuils en fait partie, et nous pensons qu’il est indispensable de ne pas se fermer les portes de l’expérimentation sur cette question.

L’extension du recours à la délégation unique du personnel va dans le bon sens, de même que la possibilité de regrouper en une seule instance les délégués du personnel, le comité d’entreprise et le CHSCT. Il est toutefois regrettable qu’il crée, pour cela, un nouveau palier de 300 salariés, alors que les seuils sont déjà trop nombreux.

Pour le groupe UDI, il faut, sur ce point, faire davantage confiance aux partenaires sociaux, qui sont, en tant qu’acteurs de l’entreprise, les plus à même de déterminer dès cinquante salariés l’organisation du dialogue social la plus adaptée aux caractéristiques de l’entreprise et de son activité.

Nous déplorons également que la volonté, même légitime, du Gouvernement de doter 4,6 millions de salariés d’une représentation se soit traduite par l’instauration de commissions paritaires régionales interprofessionnelles, dont le fonctionnement s’avérera en définitive intrusif et préjudiciable à la qualité du dialogue social dans les très petites entreprises. C’est là un nouveau coup porté aux plus petites entreprises, à leurs employeurs mais aussi à leurs salariés, qui ont besoin d’informations et de souplesse dans leur organisation.

Par ailleurs, nous partageons la volonté d’une meilleure reconnaissance des pathologies psychiques au titre des maladies professionnelles, mais nous attirons votre attention sur la difficulté de démêler avec certitude les multiples facteurs qui sont à leur origine, notamment professionnels.

Nous soutenons également les avancées concernant le régime des intermittents, la loi devant désormais reconnaître la spécificité des métiers du spectacle et la nécessité de pérenniser les règles qui leur sont applicables.

S’agissant du compte personnel d’activité, nous nous étonnons de la méthode adoptée, qui fait peu de cas de la consultation des partenaires sociaux sur le sujet complexe de la portabilité des droits sociaux.

De la même façon, nous ne comprenons pas la volonté de remettre en cause l’outil de lutte contre les discriminations à l’embauche qu’est le CV anonyme. Nous pensons qu’il serait plus juste de l’adapter, pour en assurer l’application dans les grandes entreprises. Vous avez choisi de prévoir son application uniquement sur la base du volontariat, ce qui revient à en faire une coquille vide.

Enfin, nous regrettons que la fusion de la prime pour l’emploi et du RSA activité aboutisse dans les faits à réduire de 8 à 2,8 millions le nombre de bénéficiaires de ces aides au pouvoir d’achat des salariés modestes.

Pour toutes ces raisons, le groupe UDI votera contre ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.)

M. Gérard Cherpion. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Véronique Massonneau, pour le groupe écologiste.

Mme Véronique Massonneau. Monsieur le président, je tiens tout d’abord à saluer le travail du rapporteur, sa qualité d’écoute et son pragmatisme, qui nous ont permis d’examiner ce texte dans de bonnes conditions.

Il est important de rappeler que ce projet de loi fait suite à l’échec des négociations entre les partenaires sociaux. Il s’est donc agi de maintenir un équilibre entre droits des salariés et simplification pour les chefs d’entreprise. Ces deux enjeux sont complémentaires et ne doivent pas s’opposer. L’encadrement par la loi du dialogue social est là pour équilibrer un rapport de force par nature favorable à l’employeur. Il n’est pourtant pas question de les opposer, mais bien de favoriser les échanges, les négociations, les compromis, dans l’intérêt de tous et le respect de chacun.

Tel était l’objectif, louable mais difficile à atteindre, de ce texte, qui, sans surprise, ne nous satisfait pas totalement. Il y a deux points, en particulier, sur lesquels les écologistes ne sont toujours pas convaincus, et d’abord la fusion du comité d’hygiène et de sécurité des conditions de travail, le CHSCT, avec le comité d’entreprise et la délégation du personnel au sein d’une instance commune, la délégation unique du personnel, sur seule décision du chef d’une entreprise de moins de trois cents salariés. Comment cette DUP qui n’est pas la résultante d’un dialogue pourrait-elle permettre de poser les bases d’un dialogue ? Nous continuons de penser qu’un accord majoritaire doit être la condition de ce regroupement.

L’autre sujet sur lequel nous ne sommes toujours pas convaincus est la question de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, abordée dans le texte entre quelques avancées et des reculs inquiétants. Nous ne pouvons pas appréhender ce vote au regard de ce que nous avons réussi à conserver ! Un texte de cette nature doit apporter de vraies innovations de progrès, des marqueurs de gauche. À cet égard, nous pouvons faire mieux.

Cependant, ce projet de loi permet des avancées incontestables, notamment grâce aux évolutions obtenues en commission puis en séance.

Les salariés des très petites entreprises, au même titre que leurs employeurs, pourront enfin être représentés dans une commission paritaire régionale. Nous avons élargi les compétences de cette CPR, en lui reconnaissant un rôle de médiation en cas de conflit.

En séance, nous avons introduit la possibilité pour les salariés qui ne dépendent d’aucune branche professionnelle d’être représentés. Nos collaborateurs parlementaires, qui font un travail remarquable, sont concernés directement par cette mesure, et je m’en félicite.

Je tiens aussi à souligner les avancées obtenues pour limiter l’appauvrissement annoncé de l’expertise du CHSCT du fait de sa dilution dans l’instance commune dite DUP. Simplifier sans dénaturer est un exercice difficile. Je ne dirai pas qu’il est réussi, et les écologistes attendent des débats à venir de nouvelles évolutions. Mais il est vrai que là où le texte initial définissait les conditions d’une fusion des instances, le texte actuel propose plutôt les conditions de leur regroupement.

J’aimerais aussi évoquer la valorisation de l’engagement syndical par la validation des acquis de l’expérience et l’augmentation de salaire ; l’annualisation des heures de délégation dans les commissions paritaires régionales ; la création d’un secrétaire adjoint de la DUP ; la parité des conseillers prud’homaux et des administrateurs salariés, un statut introduit en séance et imposé pour les conseils d’administration ; l’instauration d’une consultation annuelle sur l’utilisation du crédit impôt recherche ; la publication d’un rapport sur l’épuisement au travail et sa reconnaissance comme maladie professionnelle, ou encore l’accord sur le statut des intermittents. Ce sont quelques-unes des avancées notables que nous avons soutenues à l’occasion de l’examen du projet de loi.

Alors, au moment où nous devons choisir de voter ou non ce texte, dont je répète qu’il fait suite à l’échec des négociations entre partenaires sociaux, au moment de peser le pour et le contre, il nous faut prendre nos responsabilités, reconnaître que nous avons été écoutés, et en conséquence ne pas nous opposer à son adoption. Sur ce point, les écologistes se sont retrouvés.

Une partie du groupe votera donc en faveur de ce texte ; l’autre a choisi de s’abstenir. Nous serons bien évidemment au rendez-vous des discussions ultérieures, dont nous espérons qu’elles permettront d’enrichir ce texte et d’apaiser toutes nos inquiétudes. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.)

Mme Sandrine Mazetier. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Stéphane Claireaux, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

M. Stéphane Claireaux. Le projet de loi relatif au dialogue social et à l’emploi, que nous nous apprêtons à voter, contient des avancées significatives en matière de représentation syndicale des salariés, de parité, en ce qui concerne le statut des intermittents ainsi que la prime d’activité. Plusieurs points de ce texte sont positifs aux yeux du groupe des radicaux de gauche et apparentés.

Nous pensons ainsi qu’il est juste de permettre aux salariés des très petites entreprises de faire entendre leur voix via la création de commissions paritaires régionales. Ces CPR permettront la représentation de plus de 4,6 millions de salariés, qui ne sont à ce jour pas représentés. À ce propos, le groupe RRDP se félicite d’avoir été à l’initiative de l’adoption d’un amendement technique tendant à étendre l’application de cette mesure à Saint-Pierre-et-Miquelon. Il est en effet essentiel que cette avancée sociale majeure s’applique à tout le territoire national.

Nous sommes également satisfaits des mesures qui ont été votées en faveur de la parité. Il est important d’agir en ce sens car la réalité du monde du travail, du point de vue de l’employeur comme de l’employé, peut être bien différente quand il s’agit des femmes – qu’on pense par exemple à l’incidence de la maternité.

L’article 13 regroupe les dix-sept obligations actuelles d’information et de consultation récurrentes du comité d’entreprise en trois grandes consultations portant respectivement sur les orientations stratégiques et leurs conséquences, la situation économique de l’entreprise et sa politique sociale. C’est une mesure de simplification que nous estimons intéressante.

En ce qui concerne les intermittents du spectacle, nous saluons la volonté du Gouvernement de prendre en compte les spécificités inhérentes aux différents métiers relevant de cette catégorie. Nous saluons en outre l’adoption des amendements relatifs aux « matermittentes ».

Nous sommes également satisfaits que notre amendement concernant les contrats de saisonnier ait été adopté, car il devenait urgent de légiférer en la matière. Cet amendement visait à supprimer l’obligation de demander l’autorisation de l’inspection du travail pour les fins de contrat des salariés saisonniers protégés lorsqu’ils bénéficient de la reconduction de leur contrat. Cette prise en compte constitue une reconnaissance logique pour les employeurs saisonniers ayant pris l’engagement de reconduire les contrats de travail, en même temps qu’une incitation pour tous ceux qui ne pratiquent pas encore cette reconduction.

Nous soutenons les mesures relatives au compte personnel d’activité. Nous avons posé les bases pour que les salariés puissent accéder à ce nouveau dispositif qui regroupera les droits qu’ils auront acquis au cours de leur carrière, qu’il s’agisse des droits à la formation, des points acquis au titre de la pénibilité ou encore de l’indemnisation du chômage. Ce nouvel outil nous semble pertinent, tant les modalités de l’emploi ont changé ces dernières années. Les jeunes comme les moins jeunes savent que l’époque où on exerçait le même métier tout au long de sa vie est révolue. Les difficultés économiques, une plus grande mobilité des travailleurs, à l’extérieur et surtout à l’intérieur des frontières, font que la vie professionnelle est moins rigide qu’auparavant.

En outre, les dispositions concernant le compte de prévention de la pénibilité nous semblent aller dans le bon sens. Nous avons toutes et tous été à un moment donné interrogés par nos concitoyens sur la mise en place de ce compte et sa praticabilité. Il était important d’éclaircir plusieurs points afin de pouvoir mettre en œuvre des mesures prenant en compte la pénibilité au travail, mesures prônées depuis longtemps par le parti radical de gauche.

J’aimerais enfin revenir sur le sujet de la création d’une prime d’activité destinée à renforcer le pouvoir d’achat des travailleurs aux revenus modestes. Cette prime d’activité, qui doit remplacer la prime pour l’emploi et le RSA activité, nous semble une innovation pertinente. Elle permettra notamment d’améliorer la situation des ménages à qui leurs ressources, bien que modestes, ne permettent pas de bénéficier des prestations sociales les plus ciblées sur la pauvreté.

Si le système de versement de cette prime d’activité est basé sur le système complexe du RSA activité, il nous semble important que le Gouvernement mette tout en œuvre pour que le plus grand nombre possible des ayants droit soient informés de leur droit à bénéficier de cette nouvelle prime sur l’ensemble du territoire national, y compris dans les collectivités d’outre-mer, notamment à Saint-Pierre-et-Miquelon.

À ce sujet, je me félicite de l’amendement du Gouvernement à l’article 26, fruit du travail entamé ensemble.

Nous émettons toutefois quelques réserves quant à la procédure engagée par le Gouvernement, et regrettons que ces dispositions soient soumises à décret, d’autant plus que le texte actuel manque de précision.

Ceci étant, vous aurez compris que le groupe RRDP votera ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.)

Vote sur l’ensemble

M. le président. Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants552
Nombre de suffrages exprimés539
Majorité absolue270
Pour l’adoption301
contre238

(Le projet de loi est adopté.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures quarante, est reprise à seize heures cinquante, sous la présidence de M. David Habib.)

Présidence de M. David Habib

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

3

Débat sur l’emploi des jeunes en Europe

M. le président. L’ordre du jour appelle le débat sur l’emploi des jeunes en Europe.

La Conférence des Présidents a décidé d’organiser ce débat en deux parties. Dans un premier temps, nous entendrons les orateurs des groupes, puis le Gouvernement. Nous procéderons ensuite à une série de questions-réponses.

La parole est à M. Philip Cordery, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Philip Cordery. Monsieur le Président, monsieur le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, mes chers collègues, le 21 mars 2013, nous étions réunis dans ce même hémicycle pour débattre de la politique européenne en matière d’emploi des jeunes. Et dressant à l’unisson un bien triste constat de la situation de l’emploi des jeunes en Europe, nous placions beaucoup d’espoir dans l’action de l’Union européenne en la matière.

La Commission européenne venait en effet d’affirmer avec force son volontarisme, érigeant enfin – et sous la pression constante de la France, ne l’oublions pas – l’emploi des jeunes au cœur de ses priorités, celui-ci devenant un objectif en soi des politiques de l’emploi européennes, objectif illustré par le paquet « Emploi des jeunes » et ses deux mesures phares, l’initiative pour l’emploi des jeunes et la garantie pour la jeunesse.

L’ambition de la Commission était alors de couvrir, par ces deux mesures, ainsi que par nombre de mesures complémentaires, l’ensemble des domaines concernés par la lutte contre le chômage des jeunes : la formation, l’apprentissage, la mobilité, l’aide au retour à l’emploi et l’aide à la création d’entreprise.

Que d’attentes placées en ces mesures par les uns et par les autres ! Elles étaient à la hauteur des enjeux que nous illustrions en égrenant les terribles chiffres du chômage des moins de 30 ans, presque partout en Europe, et surtout dans les pays du sud tels que l’Espagne, la Grèce ou encore l’Italie, mais à l’exception notable de l’Allemagne et de l’Autriche.

Deux ans après, les choses n’ont malheureusement pas beaucoup évolué. La situation de l’emploi des jeunes demeure marquée, partout en Europe, par un taux de chômage deux fois supérieur à celui de la population générale, soit, en 2014 : 17,5 % pour l’Union européenne à vingt-huit, 19,4 % pour la zone euro, 39,7 % pour l’Espagne, 45 % pour la Grèce, mais 6,9 % pour l’Allemagne et 8,9 % pour l’Autriche. La France se place en situation médiane, avec un chômage des jeunes à 18,2 %.

De plus – et il y a là une injustice supplémentaire – lorsque les jeunes travaillent, ils sont plus souvent que les autres employés sur des contrats de moindre qualité, temporaires notamment ; c’est le cas de 32,3 % des jeunes au sein de l’Union et de 53,2 % des jeunes Espagnols, tandis que 38,4 % des jeunes Français et 25 % des jeunes Autrichiens sont concernés.

En outre, le problème des jeunes qui ne sont ni dans l’emploi, ni dans la formation, ni dans l’éducation – communément appelés NEETs, pour Not in education, employment or training – se pose avec toujours autant d’acuité : ils représentent 15,8 % de la tranche d’âge à l’échelle de l’Union européenne.

Il résulte de tout cela en corollaire, vous le savez, que toute une génération est menacée de pauvreté et de déclassement, ce qui est pour elle source de désespérance, et, pour nos sociétés, de déstabilisation.

En effet, comment nos sociétés peuvent-elles demeurer stables si la jeunesse est désespérée ? Comment peuvent-elles fonctionner si aucune place digne n’est faite aux jeunes dans la société active, si les générations précédentes concentrent à leur profit les emplois stables et correctement rémunérés ?

Créer de l’emploi pour les jeunes en Europe, faire place aux moins de 30 ans sur le marché du travail, partout et dans tous les pays, est plus qu’une priorité : c’est une urgence. Le temps presse de renverser la vapeur. J’ai travaillé pendant plusieurs mois sur cette question, en tant que rapporteur d’une mission d’information de la commission des affaires européennes. Je me suis rendu en Espagne, où j’ai constaté la gravité de la situation : c’était l’année dernière, mais les choses n’ont pas vraiment évolué, et je ne m’étonne pas de la percée de Podemos ni de la sanction infligée par les électeurs au gouvernement conservateur.

Je me suis aussi rendu en Finlande et en Autriche, pour essayer de comprendre les secrets de ces deux pays, qui obtiennent de bons résultats avec deux modèles fondés sur des paradigmes totalement différents : le premier sur la suprématie et l’excellence de l’enseignement académique, le second sur la place de choix faite à l’apprentissage.

Mon rapport a été adopté par la commission en mars dernier. Nous avons adopté vingt-quatre conclusions, adressées tant à la France qu’à l’Union européenne et qui vont toutes dans le sens d’un soutien accru à la lutte contre le chômage des jeunes.

Je vous renvoie à ce rapport, mes chers collègues, qui serait trop long à détailler ici ; et je souhaite, pour l’heure, concentrer le reste de mon propos sur ce qui m’apparaît le plus urgent : faire de l’ambition de l’Union en matière de soutien à l’emploi des jeunes une réalité, faire que cela fonctionne et que la garantie pour la jeunesse, qui n’a encore de « garantie » que le nom, tienne ses promesses et offre à chaque jeune, dès sa sortie du système d’éducation ou de formation, un emploi stable et de qualité ou, à tout le moins, une formation qui lui permette par la suite d’accéder à un tel emploi.

C’est impératif. Nous ne pouvons laisser notre jeunesse sur le bord du chemin. Nous ne pouvons accepter qu’aujourd’hui, près de 6 millions de jeunes soient au chômage. Ce n’est ni acceptable, ni équitable. Il faut absolument que la Commission européenne mette tout en œuvre pour que la garantie pour la jeunesse soit une réussite.

Pour cela, il convient non seulement qu’elle accélère la validation des programmes opérationnels, mais aussi qu’elle demeure vigilante quant à leur contenu.

Quant aux crédits de l’initiative européenne pour la jeunesse, ils doivent pour être utiles se concentrer sur des actions concrètes et d’investissement, et éviter le saupoudrage. Il est très rapidement apparu évident – et la Commission s’est rendue à cette analyse – qu’il était nécessaire de revoir ses règles de financement. La Commission a ainsi accepté de revoir les règles de préfinancement, celui-ci n’étant à l’origine que de 1 %. Il semble que la quasi-totalité du préfinancement, porté à présent à 30 %, soit aujourd’hui disponible. C’est une modification importante, mais d’autres améliorations pourraient encore être apportées au dispositif. Le rapport propose ainsi que la Banque européenne d’investissement soit impliquée, avec des véhicules financiers de type prêt à taux zéro par exemple. Nous proposons aussi que les investissements opérés via la garantie pour la jeunesse ne soient pas pris en compte dans le calcul du déficit budgétaire des États membres.

Voilà pour le court terme. Pour le moyen terme, l’Union européenne et l’ensemble des États qui la composent doivent miser sur le capital humain que représentent les jeunes, investir dans ce capital et le valoriser comme s’il était notre bien le plus cher, notamment en orientant les jeunes vers les besoins du marché du travail, afin de faciliter la transition entre leurs études et la vie active – transition qui est pour certains d’entre eux une véritable trappe à inactivité et explique, pour beaucoup, la croissance du nombre de décrocheurs.

Améliorer les conditions de formation, notamment en revalorisant les filières d’apprentissage qui sont dans beaucoup de pays trop dénigrées, alors qu’en Allemagne ou en Autriche elles ont depuis longtemps fait la preuve de leur efficacité en matière d’insertion professionnelle, favoriser la mobilité transfrontalière, mieux encadrer les stages : tels doivent être les objectifs de l’Union européenne, à la frontière entre politique de l’éducation et politique de l’emploi.

Je conclurai mon intervention par une question, monsieur le ministre : quel bilan tirez-vous de la mise en œuvre de ces fonds, notamment du fonds de l’initiative européenne pour la jeunesse, et quelles perspectives pouvez-vous nous donner pour les années à venir, afin que l’Union européenne prenne à bras-le-corps ce problème qui est celui de toute notre société, l’emploi des jeunes ?

Mme Sandrine Doucet. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Jacques Moignard, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

M. Jacques Moignard. Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, la situation des jeunes Européens au regard de l’emploi, de la précarité, voire de la pauvreté, peut être qualifiée d’alarmante – je reprends ainsi les termes de José Manuel Barroso.

Je souhaite revenir sur les programmes lancés récemment par l’Union européenne au bénéfice de sa jeunesse, sous l’impulsion notable, que nous saluons, du Président de la République depuis 2013.

La Commission européenne a en effet lancé il y a deux ans l’initiative pour l’emploi des jeunes en adoptant le 5 décembre 2012 le paquet dit « Emploi des jeunes », qui comprend une série de mesures que je veux rappeler : l’établissement d’une « garantie pour la jeunesse » sur le modèle scandinave pour les jeunes de moins de 30 ans ; une nouvelle consultation des partenaires sociaux sur les stages ; une alliance européenne pour l’apprentissage ; enfin, des pistes de réflexion pour aider à la mobilité des jeunes.

Par la suite, au début du mois de février 2013, le Conseil européen a lancé l’initiative pour l’emploi des jeunes, l’IEJ, qui vise à renforcer la mise en œuvre du paquet « Emploi jeunes » dans le droit fil de la « Stratégie Europe 2020 », à savoir, un taux d’emploi de 75 % ainsi qu’une réduction de la pauvreté et du décrochage scolaire, respectivement de 20 millions de personnes et de 10 %.

L’initiative pour l’emploi des jeunes a été renforcée par le Conseil au début de 2013, puisque la dotation est passée de 6 milliards d’euros pour la période 2014-2020 à 8 milliards, dont 6 milliards fléchés directement sur les deux premières années du budget européen, 2014 et 2015.

Le taux de cofinancement des États bénéficiaires – uniquement sur la dotation provenant du Fonds social européen – se situe quant à lui entre 15 % pour les régions les plus pauvres et 45 % pour les plus riches bénéficiaires.

Contrairement au programme en lui-même, qui a été salué par l’ensemble des pays de la zone européenne, ce mode de financement est critiquable en raison de la faiblesse de son montant global et de l’effort trop important demandé aux États.

En effet, le taux de préfinancement du programme effectué par l’Union ne s’élève qu’à 1 % ou 1,5 % pour les États sous assistance financière, avec un système de remboursement complexe qui passe par la présentation de notes de frais à la Commission européenne, alors même que de très nombreux acteurs et institutions seront impliqués dans le programme. Concernant la sélection des régions bénéficiaires, la France ne s’illustre malheureusement pas en Europe par le taux d’emploi de ses jeunes adultes, cela a été dit : elle fait partie des 70 % de pays européens éligibles à l’initiative.

Douze régions françaises, dont l’ensemble des régions ultramarines, participent à ce programme. Il faut savoir que les seuls pays nous devançant sur les vingt-huit États membres sont l’Espagne et l’Italie, avec respectivement dix-neuf et dix-sept régions éligibles.

Mais voyons le verre à moitié plein, et réjouissons-nous que nos jeunes en difficulté puissent bénéficier du dispositif dans les meilleures conditions ! Laissons donc de côté le verre à moitié vide !

Quel est ce programme ?

Avec la « garantie jeunesse », fondée sur le modèle scandinave, il s’agit de proposer à chaque jeune, dès sa sortie de l’école ou dans les quatre mois suivant le début de sa période de chômage, soit un stage de qualité, soit un complément de formation ou d’apprentissage, soit un emploi – ce qui, vous en conviendrez, nécessite pratiquement une forme de dextérité administrative et de coordination fine entre les acteurs tels que Pôle emploi, les établissements de formation, les pouvoirs publics, les entreprises, et j’en passe, lesquelles ne sont pas naturelles en raison de la complexité et, parfois, de la rigidité des institutions.

D’ailleurs, à ce jour, seules la France et l’Italie ont mis en œuvre leur « garantie jeunesse ». Gageons – ce n’est en rien ironique – que les ponts qui seront ainsi formés entre les institutions seront également utiles à d’autres agents économiques !

En effet, l’ambition de la Commission européenne est également de contraindre les États les moins fonctionnels en matière de coordination sur le marché de l’emploi aux réformes structurelles des institutions régissant les liens entre les acteurs du marché du travail.

C’est bien l’obstacle administratif structurel qui est le plus ardu, comme en témoigne le premier bilan de la « garantie jeunesse » réalisé par la Commission au mois d’avril 2014 – cela fait donc maintenant un an – puis, au mois d’octobre, par les chefs d’États.

Malgré ces obstacles, Eurostat a annoncé au mois de mars dernier une baisse du nombre de jeunes chômeurs de 276 000 en un an, ce qui est un premier chiffre encourageant pour l’IEJ.

L’autre ambition majeure de la Commission européenne est d’encourager les États membres à développer des offres de formation en adéquation la plus fine possible avec les compétences recherchées par les employeurs – ce qui n’est pas la moindre des choses.

C’est bien la voie dans laquelle s’engage la France avec son plan de relance de l’apprentissage, qui vise à former 500 000 apprentis d’ici 2017, dont 10 000 dans la fonction publique. En atteste la création le 29 avril dernier, par M. le ministre du travail François Rebsamen, de la Fondation innovations pour les apprentissages pour soutenir l’alternance sur des champs expérimentaux, puisqu’elle vise à faire de l’apprentissage un dispositif gagnant autant pour les jeunes adultes que pour les entreprises. (Applaudissements sur les bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.)

M. le président. La parole est à M. Paul Salen, pour le groupe Les Républicains.

M. Paul Salen. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, aujourd’hui, le quart des jeunes Européens qui sont sur le marché du travail se retrouvent au chômage, dont 26 % en France contre 8 % chez nos voisins allemands.

Le problème n’est pas nouveau, mais il s’est considérablement aggravé avec la crise.

Entre 2006 et 2012, le taux de chômage des jeunes de moins de vingt-cinq ans au sein de l’Union européenne a augmenté de six points environ. Cinq millions de jeunes sont concernés, soit deux fois plus que le reste des actifs, avec un taux de chômage de 21,7 % au sein de l’Union européenne et de 23,2 % dans la zone euro.

La qualité de l’emploi des jeunes s’est également dégradée, conséquence directe de la hausse du chômage dans cette même catégorie de la population, avec notamment une hausse de 30 % des temps partiels involontaires et une augmentation de 20 % des emplois offrant une quantité d’heures de travail inférieure au volume souhaité.

En France, 73 % des responsables d’organismes d’enseignement, quels qu’ils soient, estiment que les jeunes diplômés sont prêts pour le monde du travail, contre 33 % des jeunes eux-mêmes et seulement 27 % des employeurs.

En effet, seuls 35 % des jeunes Français sont persuadés que leurs études leur ont permis de trouver un emploi, et 67 % d’entre eux feraient des choix d’études différents s’ils pouvaient revenir en arrière, ce qui est le taux le plus élevé d’Europe.

Manifestement, nos jeunes manquent de confiance dans la fiabilité de leurs études supérieures et dans les conséquences réelles qu’elles ont eues lors de leur entrée sur le marché du travail.

En parallèle, 27 % des employeurs affirment ne pas avoir pu recruter – alors qu’un poste était à pourvoir – en raison du manque de compétences spécifiques des candidats. Dans certains secteurs, ce taux passe même à 40 %. Plus de deux millions d’emplois n’ont pas été pourvus dans les pays de l’Union européenne, et ce malgré la crise.

Un tel différentiel entre l’offre et les compétences acquises lors des études a des conséquences néfastes sur la compétitivité des entreprises. Le phénomène de l’absence de concertation entre les besoins du marché du travail et les établissements de l’enseignement supérieur est particulièrement accentué au sein de l’Union européenne.

Cependant, le système français comporte quelques atouts qu’il est indispensable de conserver.

Tout d’abord, le coût des études : le taux d’étudiants qui renoncent à poursuivre des études pour des raisons financières ne dépasse pas 26 %.

Ensuite, une perception sociale plutôt favorable par les étudiants de l’enseignement supérieur à vocation professionnelle comme les brevets de technicien supérieur – BTS –, les diplômes universitaires de technologie – DUT –, ou les instituts universitaires de technologie – IUT. L’absence de ces deux atouts constitue en effet un frein pour les jeunes dans le reste de l’Union européenne.

Malgré tout, plusieurs points négatifs mettent à mal le système français.

Tout d’abord, le manque d’information sur les perspectives professionnelles qu’offrent les différents cursus du supérieur à la fin du lycée, information pourtant indispensable à chaque jeune pour pouvoir effectuer un choix éclairé.

Ensuite, le manque de communication entre les employeurs et les établissements d’enseignement : seuls 37 % des employeurs français confirment avoir des relations avec des membres d’établissements éducatifs, contre 78 % au Royaume-Uni. Les PME sont même totalement absentes d’un quelconque engagement en matière de formation.

Citons également l’absence de transmission des savoir-être comme la confiance en soi, la communication orale ou encore la conscience professionnelle, à tel point que ces trois caractéristiques sont considérées comme deux fois moins fortes en France qu’en Allemagne, la maîtrise de ces savoir-être par les jeunes diplômés étant bien en deçà de ce qu’en attendent les employeurs.

Autre constat, le manque d’information des étudiants sur les salaires et les perspectives des différents secteurs professionnels, et enfin l’absence de valorisation et de connaissance des métiers qui sont à la recherche d’employés.

Au printemps 2014, l’Union européenne a débloqué 6 milliards d’euros afin d’accentuer la lutte contre le chômage des jeunes. La France a perçu 620 millions d’euros en 2014 et 2015 pour accélérer sa politique nationale concernant l’insertion des jeunes sur le marché du travail.

Les objectifs de cette initiative européenne sont de garantir à tous les jeunes de moins de vingt-cinq ans un emploi, une formation continue, un apprentissage ou un stage dans les quatre mois suivant leur sortie d’études ou la perte de leur emploi.

En France, monsieur le ministre, il n’est pas sûr qu’ils aient été atteints. D’ailleurs, la Commission européenne s’est montrée plus que sceptique quant aux dispositifs mis en œuvre par votre majorité pour lutter contre le chômage des jeunes.

Alors, monsieur le ministre, comment envisagez-vous d’améliorer les dispositifs actuels pour que les 620 millions d’euros de l’Union européenne aient un effet déclencheur positif pour l’emploi des jeunes ?

M. le président. La parole est à M. Michel Piron, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

M. Michel Piron. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la jeunesse européenne doit-elle se résoudre à n’être qu’une génération sacrifiée ? Je ne fais ici que reprendre la formule d’un discours de Mario Monti que j’ai eu l’occasion d’entendre un certain mois d’août, à Rimini. Elle n’est sans doute pas trop forte.

Telle est sans doute la véritable question soulevée par un taux de chômage des jeunes, qui varie de 7,8 % en Allemagne à 58,3 % en Grèce, 53,9 % en Espagne et 42,7 % en Italie.

L’Europe entière a été frappée par une crise violente, traumatisée par une récession brutale à laquelle les jeunes, et plus particulièrement les moins qualifiés d’entre eux, ont été les plus sensibles.

Le chômage ne frappe pas pour autant tous les pays de la même manière : les bons résultats de l’Allemagne, de l’Autriche ou de certains pays scandinaves contrastent fortement avec la situation dramatique des pays du sud de l’Europe – nous y reviendrons.

Ainsi, l’Union européenne compte 14 millions de jeunes décrocheurs qui ne sont ni employés, ni étudiants, ni en formation. Cette jeunesse laissée pour compte n’incarne-t-elle pas le malaise d’une Europe en proie au doute sur son avenir ?

Quant à nous, n’en doutons pas : une rupture entre l’Europe et sa jeunesse serait la pire des faillites, celle dont découleraient toutes les autres.

Les risques sont connus : celui d’une jeunesse résignée ou qui se réfugie dans la défiance, voire la désespérance, et qui serait tentée par le rejet de l’Europe ; celui de l’implosion de nos systèmes de solidarité, puisque le chômage des jeunes représente une perte financière évaluée à quelque 150 milliards d’euros par an ; celui d’une Europe privée de nouvelles forces de travail, de ses jeunes talents, de leur inventivité, qui ne pourrait alors que prendre acte, impuissante, du basculement du monde vers les pays émergents.

Ce constat ne doit-il pas interroger plus profondément nos politiques nationales et communautaires ?

L’Europe doit impérativement créer d’autres conditions pour renouer avec la croissance en soutenant l’investissement, donc l’emploi de demain.

Le plan de 315 milliards mis en place par Jean-Claude Juncker apporte un début de réponse, bien qu’incomplète à l’égard d’un tel enjeu.

L’Europe se doit également de prendre des initiatives fortes pour favoriser la mobilité des jeunes en Europe, y compris dans le développement de l’apprentissage – dont l’Allemagne fournit un modèle si intéressant – afin d’offrir de véritables perspectives sur un marché de l’emploi élargi.

Mais, en tout état de cause, il ne relève sans doute pas du rôle de l’Europe d’apporter une réponse uniforme au chômage des jeunes. Le voudrait-elle qu’il serait impossible, et sans doute inopportun, de tenter de transposer des mesures à l’identique dans des pays encore si différents à bien des égards, ne serait-ce qu’en ce qui concerne la structuration des marchés du travail mais, peut-être encore plus profondément, de la culture même du travail.

En revanche, qu’une impulsion puisse être donnée par l’Europe à des réponses adaptées nationalement, voire territorialement, n’est-ce pas ce que l’on est en droit d’attendre et d’espérer ?

Je souhaiterais enfin évoquer la question plus large des migrations internes à l’Europe.

Nous sommes toutes et tous conscients des vertus de la mobilité des jeunes en Europe, dont le programme Erasmus symbolise sans doute la plus belle réussite. Cette mobilité, ô combien souhaitable sur le plan culturel notamment, n’est-elle pas par ailleurs ambivalente en temps de crise ?

Sous l’effet de la crise et de la paupérisation, notamment des plus jeunes des pays du sud, une nouvelle carte des flux migratoires se dessine désormais à l’intérieur de l’Union européenne.

Ainsi, entre 2007 et 2011, le flux d’Italiens, de Grecs et d’Espagnols vers l’Allemagne a augmenté de 93 % ! Mérites et chances de l’intégration allemande, certes. Mais ces jeunes Européens qui émigrent vers les pays du nord sont souvent les mieux formés et les plus aptes à trouver un emploi. Leur départ ne prive-il pas aussi les pays d’origine de leurs meilleures ressources humaines, aggravant les déséquilibres entre Europe du nord et Europe du sud ?

Cette question mériterait certainement des analyses plus approfondies sur les conséquences de tels mouvements et de telles mutations.

Je souhaiterais savoir, monsieur le ministre, si l’Union européenne s’est saisie de cette problématique – pour une fois, ce mot me semble plus juste que le terme « problème ». J’aimerais également savoir quel est l’état d’avancée des connaissances en la matière, et souligner qu’en tout état de cause, la France s’honorerait de promouvoir une réflexion européenne sur ce sujet aussi sensible que complexe.

M. Jacques Moignard. Très bien !

M. le président. La parole est à M. François de Rugy, pour le groupe écologiste.

M. François de Rugy. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, qui êtes nombreux et jeunes, sur ce sujet ô combien grave, le constat à l’échelle européenne est assez triste. Notre collègue Philip Cordery l’a bien dit en introduisant ce débat : le taux de chômage des jeunes en Europe est très élevé, puisqu’il était de 23 % en moyenne l’année dernière, soit plus du double du taux de chômage de la population active dans son ensemble – 9,3 %. La France n’échappe pas à la règle et se situe malheureusement dans la moyenne, avec un taux de chômage des jeunes à 24 %.

Le taux de chômage des jeunes est donc, globalement, deux fois plus important que celui de la population active dans tous les pays de l’Union européenne. Ce taux connaît des pics particulièrement préoccupants dans des pays comme l’Espagne ou la Grèce, où il atteint quasiment 50 %. L’Allemagne et quelques pays du nord de l’Europe font néanmoins exception, avec un taux de chômage des jeunes beaucoup plus proche de la moyenne nationale.

Il est de bon ton, dans notre pays, de débattre au sujet de l’Allemagne. Je ne sais d’ailleurs même pas si l’on peut encore parler de débat, puisqu’il s’agit plutôt d’attaques en règle contre ce qui se passe chez nos voisins allemands. Un livre a paru récemment, intitulé Le hareng de Bismarck, mais l’Allemagne d’aujourd’hui n’est plus celle des casques à pointe. C’est une réalité économique et sociale qui doit être regardée avec intérêt. Je me souviens d’un sondage réalisé l’année dernière, au moment des élections européennes, dans les vingt-huit États de l’Union européenne : il montrait que c’est en Allemagne que les jeunes se sentent les plus heureux. Décrire l’Allemagne de façon caricaturale, comme un pays vieillissant et sclérosé, ce n’est pas regarder la réalité en face. Vous me pardonnerez cette petite parenthèse, mais je la crois importante pour le débat qui nous occupe.

Il est vrai – Philip Cordery et Michel Piron l’ont dit – que l’Union européenne a pris quelques initiatives pour lutter contre le chômage des jeunes et favoriser leur emploi. Je n’en reste pas moins stupéfait de lire, dans des documents émanant de l’Union européenne, que l’objectif à atteindre est le plein emploi des jeunes et l’accès de tous à la formation. Étant donné la gravité de la situation, il serait peut-être sage de faire preuve d’un peu d’humilité. En l’occurrence, les initiatives qui ont été prises n’ont pas toutes porté leurs fruits. La Cour des comptes avait d’ailleurs dressé, pour la France, un bilan assez alarmant de la garantie pour la jeunesse, soulignant à la fois une insuffisance de moyens et un manque de volonté politique et, par voie de conséquence, une absence de résultats.

Cela étant, je fais partie de ceux qui considèrent que cette situation ne doit pas être vue comme une fatalité. Certains pourraient être tentés de dire que le marché du travail est un marché comme un autre, et qu’il est normal qu’il sélectionne les plus productifs, que les plus jeunes et les plus âgés étant moins compétitifs, les premiers parce qu’ils ont moins d’expérience, les autres parce qu’ils sont usés par des années de travail, il est normal que le marché les écarte, et logique que le chômage des jeunes soit plus élevé. Je ne partage pas ce point de vue, pas plus que l’idée, que l’on voit régulièrement réémerger, y compris dans notre pays, selon laquelle le salaire minimal pourrait ne pas être le même pour les jeunes et pour le reste de la population. J’espère, monsieur le ministre, que vous vous exprimerez clairement sur ce sujet.

On connaît un certain nombre de pistes, qui n’ont pas été suffisamment étudiées jusqu’à présent. Je parlais à l’instant de l’Allemagne, qui a misé sur la formation par alternance et l’apprentissage : ce sont des voies qui doivent être encouragées, dans notre pays en particulier. Il faut faciliter la création de nouveaux emplois ; or on se préoccupe souvent davantage, en France, de défendre l’existant que de se projeter vers de nouveaux emplois. Il convient également de faciliter la mobilité universitaire et économique. À ce propos, je tiens à dire que j’ai trouvé surréaliste que les groupes de droite de notre assemblée aient souhaité créer une commission d’enquête parce qu’ils s’inquiétaient que des jeunes Français partent travailler à l’étranger.

Mme Isabelle Le Callennec. Le problème, c’est qu’ils ne reviennent pas !

M. François de Rugy. Il faudrait au contraire qu’on les y encourage, à commencer par l’Union européenne, y compris parce qu’il existe des différences démographiques entre les États. La France est un pays très dynamique démographiquement ; l’Allemagne, beaucoup moins. Alors, profitons de cette situation pour favoriser les échanges, en soutenant l’enseignement de l’allemand, notamment…

Mme Isabelle Le Callennec. Puisse la ministre de l’éducation nationale vous entendre !

M. François de Rugy. …pour permettre aux jeunes Français d’aller travailler dans la première puissance économique européenne. Si l’Europe peut prendre des initiatives, il faut qu’elle le fasse, mais c’est d’abord et avant tout dans notre pays que nous pourrons agir, ici et maintenant, pour relever le défi de l’emploi pour les jeunes Français. (Applaudissements sur divers bancs)

M. Philip Cordery. Très bien !

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. André Chassaigne. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous nous réjouissons qu’un débat se tienne dans notre hémicycle sur un sujet aussi éminent. L’emploi des jeunes est en effet un enjeu prioritaire, qui engage l’avenir de l’Europe, comme celui de la France.

Le constat dressé par le rapport d’information de notre collègue Philip Cordery pose d’emblée les données statistiques du problème. À l’échelle de l’Union européenne, le taux de chômage des jeunes représente plus du double de celui des adultes, soit 21,9 %, contre 10,3 % au deuxième trimestre 2014, avec des situations contrastées en fonction des États membres. Dans un marché du travail touché par la crise économique depuis 2008, les jeunes, particulièrement les moins qualifiés, ont de plus en plus de difficultés à s’insérer professionnellement et sont menacés de paupérisation dans un contexte général d’augmentation constante de la pauvreté en Europe.

Un avis du Conseil économique, social et environnemental – CESE – voté lors de la séance plénière du 25 mars 2015, dresse le portrait d’une jeunesse en voie de précarisation et d’appauvrissement. La crise, conjuguée à un chômage structurel, a aggravé les conditions de vie des jeunes et de l’insertion sociale et professionnelle des 15-29 ans. Les chiffres sont parlants : un jeune sur cinq est toujours à la recherche d’un emploi trois ans après sa sortie du système scolaire, et près de 2 millions de personnes âgées de 18 à 29 ans vivent sous le seuil de pauvreté. Le CESE estime également entre 1,6 et 1,9 million le nombre de ces jeunes sans emploi, éducation ou formation.

Derrière ces chiffres, il y a une crise vécue par nos jeunes concitoyens. Sur fond de transformations économiques, sociales et politiques, les inégalités entre les adultes et les jeunes, mais aussi entre les jeunes eux-mêmes, ne cessent de croître. La compétition est à la fois intergénérationnelle et intragénérationnelle : telle est la loi du marché, et le marché de l’emploi n’y échappe pas. Les jeunes peu ou pas diplômés peinent toujours davantage à accéder au marché du travail, lequel fait fortement reposer la précarisation de l’emploi sur les entrants. Évincée de l’emploi ou occupant des emplois précaires, une fraction croissante de la jeunesse est exposée au risque de pauvreté. Les jeunes diplômés eux-mêmes sont confrontés à une dégradation de la qualité de l’emploi et peinent davantage qu’auparavant à réaliser leur indépendance résidentielle.

Nos jeunes payent cher les orientations politiques et les décisions technocratiques d’ordre libéral prises à Bruxelles, à Paris, à Berlin et ailleurs. Car il faut bien dire que les plans européens pour l’emploi des jeunes et les nombreuses autres mesures mises en œuvre n’ont rien changé. Au contraire, la situation se dégrade depuis le déclenchement de la crise en 2008, et même, monsieur le ministre, depuis l’alternance de 2012. Et ce, malgré l’énergie et le volontarisme de tant de structures locales – je pense en particulier aux missions locales.

Quant à la prolifération d’emplois précaires ou de survie, elle n’est pas une réponse acceptable : on ne construit pas sa vie sur de l’insécurité sociale. Nos jeunes refusent aussi cette donnée fondamentale des politiques européennes et nationales, menées soi-disant en leur faveur, mais trop souvent pensées, en réalité, pour d’autres intérêts que les leurs, dans la course à la compétitivité mondiale et au rendement. La prise de conscience de nos jeunes est une source de malaise. Nombre de jeunes sont convaincus qu’ils auront une vie moins facile que leurs parents ; ils ont le sentiment d’un déclassement social, conjugué à un sentiment d’insécurité quant à leur avenir. Dans notre pays, une partie grandissante des adolescents et des jeunes adultes, quelle que soit leur catégorie sociale ou leur origine, est confrontée à une perte de sens. La colère ne s’exprime pas toujours, mais elle grandit.

Les jeunes Français âgés de 18 à 25 ans se voient même comme une génération sacrifiée. Ils ne méritent pas un tel sort. Ils ne sont pas responsables de la situation de crise qui frappe les peuples d’Europe et de France. Notre propre destin collectif dépend d’eux. C’est pourquoi il est temps de relancer une véritable politique européenne en faveur de l’insertion sociale des jeunes. Malheureusement, une telle ambition relèvera toujours de l’utopie, tant que les dogmes et les hommes qui dominent aujourd’hui l’Europe seront mus davantage par l’intérêt des marchés que par celui des peuples. Ces propos, je les prononce dix ans après que la majorité de notre peuple a dit non au traité constitutionnel. Un non qui n’a pas été écouté, et qui a même été méprisé. Des politiques qui sont mises en œuvre aujourd’hui, avec les résultats désastreux que l’on sait, les jeunes sont les premières victimes.

M. le président. La parole est à M. Jacques Krabal, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

M. Jacques Krabal. Monsieur le Président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le débat qui nous occupe aujourd’hui, à la demande du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste, concerne un sujet des plus préoccupants, à savoir la situation des jeunes en Europe sur le marché de l’emploi.

Cela a été dit : il y a urgence à agir. La situation de la jeunesse est pour le moins dramatique : sur l’ensemble de l’Union des vingt-huit, l’écrasante majorité des jeunes de moins de trente ans sont des outsiders – ou, pour le dire autrement, parce que je n’aime pas beaucoup le « franglais  », ils sont sur le côté et ne trouvent pas de place. Cela signifie qu’ils sont soit au chômage, soit sans aucune activité : pas d’emploi, pas d’études et même pas de formation.

En effet, sur la totalité de nos jeunes Européens, seuls 13 % occupent un emploi salarié à durée indéterminée, quand 10 % ont un emploi salarié à durée déterminée. Le constat de cet échec, il ne faut pas se le cacher, est sans appel, autant pour les États eux-mêmes que pour l’Union européenne. Au-delà de ces pourcentages, au-delà de ces chiffres, c’est d’abord et avant tout le drame des jeunes hommes et des jeunes femmes qui doit nous interpeller, d’autant plus que ces jeunes sans activité disposent de peu de perspectives. Ils se sentent déclassés, sans avenir. Ils ne se sentent pas citoyens, et donc pas concernés par un dessein européen. Plus grave encore : comme ils ne trouvent pas de place dans notre société, ils sombrent dans le désespoir.

Cette situation fragilise le contrat social intergénérationnel et le fonctionnement de notre société. À la désespérance humaine et aux drames qu’elle entraîne s’ajoute un coût social, mais aussi économique et financier, qui n’est pas négligeable. En effet, le coût du non-emploi des jeunes adultes représentait 150 milliards d’euros en 2011 pour l’Union des vingt-huit, soit 1,2 % de son produit intérieur brut, auxquels il faut ajouter une perte nette de gains de croissance, plus difficilement chiffrable, que ces jeunes auraient pu apporter à l’économie européenne. Rappelons-le : le chômage est un fléau qui touche l’ensemble de la zone. Avec la crise, le taux global d’emploi a baissé en moyenne, dans les vingt-huit pays de l’Union, de 1,7 point entre 2008 et 2010, avec, de plus, un net repli des contrats de travail à temps plein et des contrats à durée déterminée, au profit de formes atypiques et plus précaires d’emplois.

Dans ce contexte détérioré, l’emploi des jeunes est le maillon faible, avec un taux au moins deux fois supérieur aux taux de chômage nationaux moyens, à l’exception notable de l’Allemagne, où il est de 7,8 %, contre 5,1 % dans les autres classes d’âge.

La difficulté du jeune adulte à s’insérer dans le monde du travail est d’autant plus grande que le marché est contracté. Cette contraction renforce les inégalités entre ceux qui ont une place et ceux qui sont écartés. Elle atténue également la solidarité en crispant les agents économiques.

Toutefois, la situation est encore davantage de nature structurelle, en ce sens que persiste et même s’aggrave dans plusieurs pays européens, en particulier la France, l’inadéquation entre l’offre et la demande du marché du travail.

De manière générale, les jeunes adultes européens sont paupérisés comparativement à la génération qui les a précédés, et plus encore par rapport à la génération des baby-boomers qui a grandi dans une période révolue où le jeune choisissait son employeur. Désormais, le marché du travail fait principalement peser ses failles creusées par la crise – une flexibilité accrue – sur sa jeunesse.

Trop souvent, nos jeunes n’ont pas de véritable protection sociale et n’ont pas accès aux minima sociaux. En France, notre système de protection sociale est davantage tourné vers les familles que vers l’individu, et la situation est pire encore pour les jeunes adultes, notamment en matière d’accès au logement. Les minima sociaux, pour la plupart, ne sont d’ailleurs pas accessibles aux moins de vingt-cinq ans. C’est pour cela que le Gouvernement a rendu éligible aux jeunes de dix-huit à vingt-cinq ans la nouvelle prime d’activité. Et c’est une bonne chose, comme l’a rappelé tout à l’heure mon collègue Jacques Moignard.

Toutefois, notre pays demeure à la traîne de la Suède, de l’Allemagne, du Portugal, de l’Autriche ou de l’Irlande, qui ouvrent le droit au revenu minimum garanti aux jeunes sortis du foyer parental.

Si cette question de l’accès des jeunes aux minima sociaux doit être traitée prioritairement, comme l’a fait le Gouvernement, elle doit s’accompagner d’une véritable révolution visant à favoriser l’emploi des jeunes.

Ainsi, nous devons multiplier nos efforts, parce qu’il n’y a pas de fatalité. Renforcer la formation, développer l’apprentissage – véritable maillon faible pour notre pays –, avec une aide à la mobilité, au retour à l’emploi et à la création d’entreprise, voilà ce que nos jeunes attendent. Et c’est un véritable emploi qu’ils demandent, parce que le travail est un trésor, comme le disait Jean de La Fontaine. C’est ainsi qu’ils retrouveront leur place dans la société, et espoir en l’Europe. (Applaudissements sur les bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste, du groupe écologiste et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.)

M. le président. La parole est à M. le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

M. François Rebsamen, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, je voudrais tout d’abord remercier Philip Cordery pour la qualité du rapport qu’il a présenté. Le panorama européen de l’emploi des jeunes qu’il y dresse indique en effet qu’il y a urgence à poursuivre l’action de l’Europe en faveur de l’emploi des jeunes.

Cette urgence, la France l’a perçue dès 2012, et elle a œuvré pour que des engagements communs soient pris par l’ensemble des pays membres. C’est le sens de la recommandation sur la garantie européenne pour la jeunesse, adoptée par le Conseil de l’Union européenne en avril 2013. Cette recommandation fixe aux pays de l’Union un objectif clair et concret : proposer à tout jeune de moins de vingt-cinq ans une offre de qualité pour un emploi, un stage ou une formation dans les quatre mois qui suivent sa perte d’emploi ou sa sortie d’études.

Ce cadre d’action commun est à mon sens nécessaire, car il faut apporter une réponse globale à cette situation, par-delà les disparités que l’on peut observer d’un pays à l’autre de l’Union européenne, et que vous avez rappelées.

Une réponse globale, pourquoi ? Parce que 6 millions de jeunes privés d’emploi, c’est une menace pour la cohésion sociale, non seulement de notre pays, mais aussi de l’Europe, qui pourrait se traduire, à terme, par le recul de l’intégration de certains territoires.

C’est une menace pour une génération tout entière, qui risque d’être durablement exclue du marché du travail, même quand la reprise sera là. Or cette génération, ce sont les citoyens européens d’aujourd’hui et de demain. Pourront-ils croire en l’Europe, si celle-ci n’a pas su leur donner de perspectives ?

C’est une menace, enfin, pour la prospérité de l’espace économique européen. Comme le souligne justement le rapport, le non-emploi des NEETs – ces jeunes sans emploi, sans formation, sans stage ni éducation – a un coût qui s’élève à 100 milliards d’euros pour l’Europe à vingt-huit.

Sept ans après le début de la crise, l’urgence est toujours là. Il y a urgence à maintenir l’effort de l’Union en faveur de l’emploi des jeunes, urgence à développer des solutions innovantes pour faciliter l’accès à l’emploi des jeunes, urgence, enfin, à améliorer le fonctionnement des dispositifs existants.

C’est ce que pointe le rapport de Philip Cordery. Et c’est un constat que je partage, et que je suis sûr que vous partagez, car je suis convaincu qu’une Europe qui a du sens pour tous, c’est une Europe qui s’engage dans la durée, pour que la crise ne prive pas sa jeunesse d’avenir.

C’est ce message qu’a porté et que porte encore la France, avec des résultats concrets. Je pense bien sûr à la création de l’initiative pour l’emploi des jeunes, couramment appelée IEJ, qui constitue l’armature financière de la garantie européenne pour la jeunesse. Elle s’élève au total à 434 millions d’euros, en associant aux 216 millions du fonds IEJ les 218 millions d’abondement du Fonds social européen dans sa programmation 2014-2020.

La France a été l’un des pays membres les plus réactifs dans la mobilisation de ces crédits – cela est reconnu – et dans la mise en œuvre d’un programme opérationnel national en faveur des jeunes NEETs. À tel point que d’autres pays sont venus voir ce que nous faisions.

Ce programme opérationnel national est en cours de déploiement, et poursuit trois objectifs : repérer ces jeunes NEETs, notamment des décrocheurs scolaires, pour une prise en charge adaptée et précoce ; mieux les accompagner, en leur proposant un suivi personnalisé par Pôle emploi, les missions locales, notamment dans le cadre de la garantie jeunes, ou encore l’Association pour l’emploi des cadres, l’APEC, pour les jeunes diplômés ; enfin, faciliter l’insertion professionnelle en proposant une expérience d’insertion professionnelle, à travers, par exemple, les emplois d’avenir, le service civique en alternance, le service militaire adapté dans les DOM, ou encore l’appui à l’entrepreneuriat ou à la mobilité des apprentis.

Ces différentes actions doivent prendre en compte l’hétérogénéité des publics cibles et proposer une offre de service adaptée aux NEETs en situation d’isolement et de grande précarité. C’est l’ambition de la garantie jeunes, financée à hauteur d’un tiers, soit 75 millions d’euros, par des fonds IEJ.

Mise en place dès l’automne 2013 sur dix territoires pilotes, elle concerne aujourd’hui quarante-cinq territoires, et en concernera soixante et un dès le mois de septembre de cette année. Elle illustre la conviction que les jeunes décrocheurs ont besoin d’un accompagnement global, social et professionnel : resocialisation, aide au logement, accompagnement, mobilité, appui à l’élaboration du projet professionnel, travail sur les savoir être en entreprise. Bref, l’objectif est avant tout de mettre les jeunes en contact avec l’emploi, sous toutes ses formes, que ce soit dans le cadre de périodes de mise en situation en milieu professionnel, de stages, de contrats d’intérim, d’apprentissage, de CDD ou de CDI.

Bien sûr, nous ne disposons pas encore d’un bilan quantitatif, mais les premiers retours qualitatifs sur la garantie jeunes sont très positifs. J’ai pu moi-même me rendre sur le terrain et m’en rendre compte dans différentes villes françaises. Ils montrent qu’elle constitue plus qu’une solution transitoire. L’accompagnement personnalisé des jeunes NEETs se ressent dans la qualité de l’emploi trouvé ou retrouvé. En d’autres termes, la garantie jeunes a des effets incontestablement positifs sur les parcours des bénéficiaires, et pas uniquement sur leur situation à un moment donné.

La commissaire européenne Marianne Thyssen a pu m’accompagner et faire le même constat, ainsi que la ministre allemande du travail. C’est parce qu’elle permet la mise en place de dispositifs efficaces comme la garantie jeunes que je souhaite la pérennisation et la simplification des modalités de mise en œuvre de l’IEJ. C’est d’ailleurs l’une des préconisations du rapport, et c’est la demande qu’a faite la France à la Commission européenne dès l’automne dernier.

La France a déjà obtenu des aménagements, preuve que nous agissons. Ainsi, le montant du préfinancement, qui posait problème aux missions locales qui portaient ces projets, est passé de 1 % à 30 %, et des modalités simplifiées de gestion seront mises en place, après accord de la Commission, notamment pour permettre la liquidation des dépenses sur une base forfaitaire. Sans cette mesure, nous n’arrivions pas à consommer ces crédits, et nous aurions pu les voir disparaître. Mais je suis conscient du fait qu’il faut aller plus loin dans la simplification, et vous pouvez compter sur moi pour porter haut et fort ce message.

Il faut que nous puissions accompagner ces jeunes décrocheurs dans le temps. C’est pourquoi il est indispensable que l’IEJ soit prolongée sur l’ensemble de la période budgétaire 2014-2020. Pour maintenir un niveau d’engagement financier identique, je solliciterai un abondement pour arriver à une enveloppe globale IEJ et FSE de 21 milliards d’euros sur l’ensemble de la période 2014-2020.

La définition des NEETs pourrait être élargie pour inclure les jeunes en cours de décrochage, et pas seulement ceux ayant déjà décroché. En revanche, il est essentiel de ne pas éparpiller ces crédits en revoyant trop largement les critères d’âge : pour que ces actions produisent pleinement leurs effets, il faut qu’elles continuent d’être ciblées.

Il me semble important de ne pas fusionner la garantie européenne pour la jeunesse et la garantie jeunes comme vous le proposez, monsieur Cordery. La garantie européenne pour la jeunesse a permis d’imaginer, au-delà de la garantie jeunes, des dispositifs complémentaires, comme le recrutement – prévu en 2015 – de 740 conseillers spécialisés dans l’accompagnement renforcé des moins de vingt-six ans, et des moins de trente ans dans les quartiers politiques de la ville. Voilà pour ce qui est des positions du Gouvernement sur l’IEJ et la garantie européenne pour la jeunesse.

Comme le souligne le rapport de Philip Cordery, et certains d’entre vous l’ont également évoqué, la formation initiale professionnelle représente une autre solution pour améliorer la situation des jeunes Européens et des jeunes Français vis-à-vis de l’emploi. Elle permet en effet une meilleure adéquation entre les compétences présentes et les compétences attendues sur le marché du travail, et ses résultats en termes d’insertion professionnelle sont probants.

La comparaison avec le modèle allemand ou le modèle autrichien – voire suisse, mais nous sortons de l’Union européenne – est certes intéressante, mais elle ne doit pas nous faire oublier les mérites du système français.

D’un point de vue quantitatif, tout d’abord, la France n’est pas à la traîne : tous dispositifs confondus – contrats d’apprentissage, contrats de professionnalisation et enseignement professionnel – près d’1,25 million de personnes sont en formation professionnelle, soit 17 %. Ce taux est similaire à celui de l’Allemagne.

D’un point de vue qualitatif, l’offre de formation a toute sa pertinence. Il existe en effet deux voies de formation initiale professionnelle, et chacune répond à des besoins différents et correspond à notre histoire. L’enseignement professionnel permet d’obtenir un diplôme sans avoir l’obligation de trouver un employeur. L’apprentissage a d’excellents résultats en matière d’insertion professionnelle, mais il est étroitement dépendant de la conjoncture économique et de la capacité à faire, nous le voyons souvent, des entreprises.

Vous le savez, le Gouvernement s’est engagé dans un vaste plan de relance de l’apprentissage, avec l’objectif toujours réaffirmé de 500 000 apprentis en 2017. La loi du 5 mars 2014 a déjà permis de clarifier les règles de financement, de simplifier les démarches de collecte des entreprises et de sécuriser le parcours des apprentis.

Pour soutenir la rentrée 2015, deux nouvelles mesures viennent d’être décidées. La création d’une aide que j’appellerai « TPE jeune apprenti », qui traduit l’annonce récente du Président de la République.

Toute entreprise de moins de onze salariés employant un apprenti mineur percevra 368 euros par mois pour compenser les cotisations sociales restant à payer et la rémunération légale. Ce dispositif entrera en vigueur très prochainement, d’ici la fin du mois de juin, puisque c’est la période de recrutement des apprentis.

Seconde mesure : la prestation réussite apprentissage, qui a été annoncée dans le cadre du comité interministériel à l’égalité et à la citoyenneté. Cette prestation sera ciblée sur les territoires prioritaires de la politique de la ville, notamment. Elle permettra à 10 000 jeunes de se préparer en amont à l’apprentissage, et à l’employeur de les aider à s’intégrer durablement dans leur milieu de travail.

Ces mesures doivent permettre aux entreprises de s’engager résolument en faveur du développement de l’apprentissage.

L’État lui-même doit faire des efforts. En juillet 2014, la fonction publique n’accueillait que 700 apprentis. L’objectif est aujourd’hui fixé à 10 000 apprentis. Nous en sommes déjà à 4 000, ce qui montre bien l’effort que nous avons réalisé.

Contrairement à ce qui peut être dit, le choix d’accueillir un apprenti n’est pas toujours directement lié à des incitations financières – vous le savez, au fond de vous-mêmes. De nombreuses autres données doivent être prises en compte : les freins psychologiques, bien évidemment, mais aussi la réserve de l’employeur à recruter des jeunes peu expérimentés et dont le savoir être dans l’entreprise n’est pas assuré, une mauvaise expérience passée, des problèmes de comportement, des risques de ruptures… Tout cela pèse, et c’est pour lever ces freins que j’ai souhaité lancer une grande campagne de communication et que j’ai fait de l’accompagnement une priorité. Bien évidemment, rien ne sera possible sans un engagement résolu des entreprises dans l’accueil d’apprentis.

Tous ensemble, nous devons encore gagner la bataille des représentations. Malgré tous nos propos, l’apprentissage ne doit pas continuer à être vu comme une voie secondaire, mais comme une voie d’excellence pour entrer sur le marché du travail. Tout le monde a encore du travail à faire pour vaincre ces réticences.

Un des leviers pour y parvenir consiste à renforcer le lien entre le monde de l’enseignement et celui de l’entreprise.

Mme Isabelle Le Callennec et M. Paul Salen. Bien sûr !

M. François Rebsamen, ministre. C’est d’ailleurs l’une des pistes de votre rapport, monsieur Cordery. Je pense ici aux campus des métiers et des qualifications, que j’ai eu l’occasion de visiter et qui jouent un rôle très important de pôle de formation d’excellence, en impliquant tous les acteurs de la formation et en s’intégrant au développement d’une filière économique. Quatorze campus ont déjà été labellisés et vingt-six projets sont en cours de labellisation.

Au niveau européen, il me semble important de travailler, comme les uns et les autres l’avez évoqué, à une reconnaissance mutuelle des qualifications pour favoriser les mobilités. Le rapport de M. Cordery souligne aussi que nous devons renforcer les actions de sensibilisation pour la promotion des métiers, mettre en valeur les bonnes pratiques et les entreprises qui ont mené des actions exemplaires en matière d’apprentissage – il y en a ! –, y compris de niveau 5. Je vous le disais : il faut que l’image de l’apprentissage continue de changer.

Je crois enfin que nous devrions mieux utiliser les programmes européens pour la mobilité des jeunes, très utiles pour décloisonner les différents marchés du travail. On pourrait imaginer par exemple que les financements EURES ou Erasmus permettent d’accompagner davantage les jeunes demandeurs d’emploi. Ce sont des sujets sur lesquels nous avançons, avec la commissaire Mme Thyssen, et j’ai bon espoir d’obtenir prochainement des avancées concrètes.

Mesdames, messieurs les députés, la jeunesse était une priorité du candidat Hollande.

Mme Isabelle Le Callennec. « Était ? »

M. François Rebsamen, ministre. Elle est devenue celle du Président de la République et du Gouvernement. Il faut qu’elle soit aussi une priorité pour l’Europe. À l’heure où nos concitoyens doutent de la capacité de l’Union à changer le cours des choses, à changer leur vie – il ne faut pas le nier –, à l’heure où ce doute se traduit dans les urnes, l’Europe ne peut plus se présenter sous les traits impassibles de la sagesse gestionnaire. Elle doit se doter d’un projet qui lui permette de penser la communauté politique et ses fractures : la richesse et la pauvreté, l’exclusion et l’ouverture, le local et l’universel. Parmi ces fractures, il y en a bien sûr une qui est causée par le chômage des jeunes. Le rôle de la France – notre rôle – est de mobiliser et de fédérer les énergies de tous les États membres pour la réduire au plus vite. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen, du groupe écologiste et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.)

M. le président. Nous en venons à la deuxième partie de notre débat, c’est-à-dire aux questions. Je vous rappelle que leur durée, ainsi que celle des réponses de M. le ministre, est limitée à deux minutes. Pour garantir une organisation optimale de nos travaux, je ferai respecter, peut-être de façon un peu directive, ce temps de parole, y compris pour M. le ministre.

Nous commençons par les questions du groupe socialiste, républicain et citoyen.

La parole est à Mme Sandrine Doucet.

Mme Sandrine Doucet. Je souhaite partir d’un constat : les chiffres du chômage en France montrent que ce problème touche particulièrement nos jeunes. En effet, une comparaison réalisée par un quotidien montre que la France a un taux de chômage global plus bas que celui de la zone euro – 9,9 % pour la France en 2014 contre 11,5 % pour l’ensemble de la zone euro –, alors que le taux de chômage des jeunes, c’est-à-dire des moins de vingt-cinq ans, est quasi similaire à celui de la zone euro.

Les politiques en faveur de ce public spécifique ont permis de cibler les jeunes sans emploi, en dehors du système scolaire, et de mettre en place des dispositifs appropriés comme la garantie jeunes. Le modèle allemand nous montre les qualités de l’apprentissage, et la France s’investit dans ce système de formation. Mais deux autres constats appellent peut-être la mise en œuvre d’autres leviers afin de faciliter l’emploi des jeunes.

Je veux d’abord souligner un paradoxe : l’éloignement du monde de l’entreprise touche non seulement les jeunes décrocheurs et sans formation, mais aussi les diplômés qui, même s’ils s’en sortent mieux, se disent aujourd’hui peu préparés au monde de l’entreprise, alors même que les parents n’ont jamais dépensé autant d’argent pour les études de leurs enfants. Permettez-moi de faire référence au rapport de mon collègue Philip Cordery, qui souligne qu’un élève sur cinq ne serait pas préparé au monde du travail.

La France a su mettre en place des découvertes ou des aides à la création d’entreprise, mais cela ne saurait suffire. D’une part, tout le monde ne peut être chef d’entreprise. D’autre part, les dispositifs d’aide à la mobilité tels que le programme Erasmus +, qui ne s’adresse pas seulement aux étudiants, mais aussi aux salariés et aux demandeurs d’emploi, ont mis en évidence un autre besoin qu’il serait nécessaire de favoriser dans le cadre d’un travail commun autour de l’emploi : celui de l’appréciation des compétences, véritable enjeu d’employabilité. Cette appréciation est indispensable, non seulement pour la mobilité, mais également à titre individuel. Il est nécessaire de savoir ce que l’on sait, de savoir parler de soi, notamment dans le cadre de dispositifs comme ECVET – European credit system for vocational education and training.

Aussi, monsieur le ministre, quelle est la réflexion du Gouvernement et quelles sont les avancées sur ce sujet en France ? Cette problématique concerne tout type de formation, notamment la formation tout au long de la vie.

M. Philip Cordery. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. François Rebsamen, ministre. Vous avez raison, madame la députée. Comme je viens de le dire, je partage votre sentiment et votre analyse.

Vous élargissez le débat : il est vrai que l’insertion dans l’entreprise n’est pas qu’une question de diplômes. Quel que soit votre niveau de diplôme, en effet, aucune formation théorique ne pourra vous apprendre ce que cela veut dire que de travailler en équipe, d’être sous la responsabilité d’un manager, de produire un bien ou un service, de s’intégrer dans une culture de travail. Nous le constatons tous les jours. C’est l’une des raisons pour lesquelles nous devons faire de l’apprentissage une voie d’excellence, à tout niveau. Pour les jeunes, cette formation pratique est un moyen d’acquérir les bons réflexes et les habitudes qui leur permettront de s’insérer plus efficacement dans l’emploi, parce qu’ils connaîtront et comprendront très concrètement l’univers de l’entreprise, ce qui est nécessaire pour s’y adapter !

Le second sujet de votre question porte sur la valorisation de tout ce qu’un diplôme ne permet pas de reconnaître. La valeur ajoutée d’un individu dans une équipe ne provient pas forcément de ce qu’il a appris, mais surtout de ce qu’il fait concrètement, de la façon dont il le fait, de son comportement. Nous avons besoin d’innover quant à la reconnaissance de cette dimension des compétences. Dans un contexte de mutations économiques, avec l’apparition de nouveaux métiers et le développement du numérique, les écoles qui s’ouvrent aujourd’hui montrent que les diplômes ne sont pas nécessaires pour détenir ce type de compétences. La délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle – DGEFP – s’est saisie de cette problématique et a lancé un appel d’offres en vue de définir les modalités innovantes de reconnaissance des compétences acquises dans et par le travail.

M. le président. La parole est à M. Michel Liebgott.

M. Michel Liebgott. Ce débat s’inscrit dans la droite ligne du projet de loi relatif au dialogue social que nous venons d’adopter, car c’est bien la vivacité du dialogue social qui est au cœur de la promotion de l’apprentissage et d’une meilleure intégration des jeunes sur le marché du travail, notamment en Allemagne et en Autriche, deux pays exemplaires en la matière. Je me félicite bien sûr que le Gouvernement entende tonifier le dialogue social.

Pourtant, si la politique de l’emploi relève de chaque État membre, elle n’en demeure pas moins, depuis le début des années 2000, un enjeu européen commun. Il s’agit de retrouver un taux d’activité des jeunes satisfaisant, alors que le chômage des jeunes de quinze à vingt-cinq  ans a progressé de 50 % dans l’Union européenne depuis le début de la crise.

Le paquet emploi de 2012 de la Commission européenne et la garantie pour la jeunesse ont été unanimement salués de toute part, mais nous avons rapidement souligné que ces efforts étaient insuffisants, tant sur le plan quantitatif que qualitatif. Sur le plan quantitatif, peu de moyens ont été consacrés à l’emploi des jeunes : 8 milliards d’euros sont prévus sur sept ans, entre 2014 et 2020, alors que nous en demandions 20 milliards. Sur le plan qualitatif, les dispositifs mis en œuvre sont trop complexes. Ils sont souvent perçus comme trop lents et pas assez incitatifs, en particulier pour le préfinancement de 1 %.

Le dispositif européen de garantie pour la jeunesse peine à se développer. La France a opportunément fait le choix de l’utiliser en appui de sa stratégie nationale, en renfort de la garantie jeunes, qui propose un accompagnement renforcé vers l’emploi et une allocation aux moins de vingt-six ans en situation de grande précarité, sans emploi et sans formation. Le Gouvernement prévoit ainsi d’en faire bénéficier 50 000 jeunes dès cette année, et 100 000 d’ici 2017. Je note en particulier que 60 % des quartiers prioritaires de la politique de la ville, où habitent souvent les jeunes les plus défavorisés, doivent être couverts en 2015.

Monsieur le ministre, pouvez-vous faire le point sur cet engagement et nous indiquer quel est l’état des discussions menées avec les instances européennes pour amplifier et surtout accélérer l’accès aux fonds européens ?

Je suis par ailleurs député d’une région frontalière : je rejoins donc les propos de mon collègue François de Rugy, qui faisait mention de l’apport utile et nécessaire des salariés français, en particulier des jeunes, dans le Land de Sarre et plus généralement en Allemagne, puisque ce pays manque d’effectifs.

M. François Rebsamen, ministre. Même en Rhénanie-Palatinat !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. François Rebsamen, ministre. Vous le savez, la France est l’un des premiers pays à avoir mis en place un dispositif national qui réponde aux critères de la garantie européenne pour la jeunesse, dont la garantie jeunes est l’exemple le plus emblématique. Nous récoltons aujourd’hui les premiers fruits de cet engagement précoce, et c’est tant mieux !

Comme vous l’avez rappelé, notre objectif est de prendre en charge 100 000 jeunes d’ici 2017 et 50 000 dès la fin de l’année 2015. Monsieur le député, je vous assure que nous tiendrons ces objectifs. En termes de couverture territoriale, les soixante-douze départements qui ont répondu à notre offre seront concernés à la fin de l’année 2015. À ce jour, quarante-six départements bénéficient déjà de ce dispositif, et la prochaine vague arrivera en septembre. Pour répondre à la première partie de votre question, je pense donc que le dispositif a un bon rythme et une bonne couverture territoriale. Il ne serait pas bon de le massifier davantage pour le moment.

En revanche, je suis sûr que nous avons besoin d’une analyse qualitative, que nous n’avons évidemment pas encore pu réaliser. Il faut que nous soyons sûrs que le dispositif remplit ses objectifs et que nous puissions observer ses effets sur la trajectoire des jeunes concernés. L’avis personnel que je me suis forgé lors de mes visites sur le terrain ne me permet pas de proposer une analyse sérieuse ou suffisante.

Il faut d’abord que les choses soient en place, que 100 % des missions locales impliquées dans la mise en œuvre de la garantie jeunes aient été formées. Pendant une semaine, elles ont été formées aux modalités spécifiques d’accompagnement prévues par ce dispositif.

Ensuite, pour suivre la qualité du dispositif et porter des jugements, un comité scientifique déterminera de façon la plus fine possible qui sont les jeunes décrocheurs concernés par le dispositif et quelle est la meilleure manière de les accompagner. Ce que j’ai vu m’a semblé satisfaisant au regard de l’évolution de ces jeunes. C’est essentiel car pour agir véritablement sur les parcours, il faut comprendre précisément quels sont les besoins.

Enfin, la délégation générale à l’emploi et à la formation, DGEFP, et le secrétariat général pour la modernisation de l’action publique, SGMAP, ont mis en place un suivi très précis des conditions de mise en œuvre de la « garantie jeunes ». Ils en analyseront les conditions de mise en œuvre, proposeront des outils de simplification pour les missions locales, c’est très important. Typiquement, cela pourra porter sur les modalités de gestion liées à la procédure du Fonds social européen, le FSE. Très concrètement, cela permettra de les améliorer.

M. le président. La parole est à M. Jacques Krabal, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

M. Jacques Krabal. Depuis le début de l’année 2014, nous sommes entrés dans le cycle des cérémonies du centenaire de la Grand Guerre. Il y a quelques semaines, nous avons fêté le soixante-dixième anniversaire de la reddition du régime nazi. Pour nous, c’est l’occasion de rappeler que c’est la construction de l’Union européenne qui a permis de pérenniser la paix sur notre vieux continent. Oui, l’Europe, c’est d’abord la paix, et nous devons sans cesse le rappeler.

Pourtant, l’Europe est fragilisée. Aujourd’hui, nos concitoyens doutent. Nous devons développer le sentiment d’appartenance à notre nation, mais aussi à la citoyenneté européenne.

Si nous connaissons les succès du programme Erasmus, il conviendrait de nous interroger sur l’extension à l’apprentissage, lequel est un point faible dans notre pays alors qu’il devrait être l’une des clés pour faire reculer le chômage.

Certes, depuis quelques décennies, l’apprentissage s’est étendu à des formations de type licence ou maîtrise professionnelles. Mais elles restent insuffisantes.

Vous avez raison, monsieur le ministre, l’apprentissage est une filière d’excellence. Alors pourquoi ne pas coupler l’apprentissage avec la découverte d’un autre pays ? Pourquoi ne pas permettre au programme Erasmus de s’appliquer à la formation en alternance ?

Le programme Leonardo da Vinci permet à nos jeunes de faire des stages en entreprise de treize semaines à douze mois à l’étranger pour tout titulaire d’au moins une formation professionnelle bac + 2. L’expérience professionnelle, qui plus est à l’étranger, est, pour toute la jeunesse européenne, un facteur d’intégration dans le monde professionnel. Or ce programme est peu connu, et donc peu utilisé.

Monsieur le ministre, comme vous pouvez le constater, ces questions visent deux ambitions : renforcer la fraternité et la citoyenneté, mais aussi développer la formation professionnelle et l’apprentissage pour faire reculer le chômage de nos jeunes.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. François Rebsamen, ministre. Merci, monsieur le député Jacques Krabal. Je partage votre engagement pour l’Europe et vos propos sur la paix ont toujours besoin d’être rappelés.

Votre question est très large et embrasse des domaines différents, je serai dans l’obligation de vous faire une réponse resserrée. Je le regrette car j’aurais aimé vous dire comment nous agissons afin que l’IEJ, l’initiative pour l’emploi des jeunes, soit un levier financier essentiel pour peser sur la situation des jeunes décrocheurs en Europe, même si cela dépend souvent des financements complexes du Fonds social européen, le FSE.

Dès 2014, la France a obtenu des avancées significatives pour la gestion de l’IEJ. Vous avez évoqué des programmes, de type Erasmus ou Eures, qui sont une force des programmes communautaires. Ils répondent à la diversité des besoins. Erasmus est un label qui parle, qui recouvre des programmes très variés destinés aux étudiants, aux apprentis, vous l’avez dit, aux élèves de l’enseignement professionnel ou encore aux jeunes créateurs d’entreprise.

Au-delà d’Erasmus enseignement supérieur – je rappelle que 270 000 étudiants en ont été les bénéficiaires entre 2012 et 2013, ce qui n’est tout de même pas rien –, il y a un Erasmus formation professionnelle, auquel vous faisiez allusion, qui favorise les mobilités et qui est intégré à des formations professionnelles, soit par voie scolaire, soit par voie d’apprentissage. Il y a également Erasmus pour jeunes entrepreneurs, lequel est un projet pilote destiné aux jeunes qui lancent leur propre activité ou qui ont créé leur entreprise depuis moins de trois ans.

C’est un début, cela n’est pas rien et en 2014, cela a permis à 2 500 jeunes futurs entrepreneurs de se former auprès de dirigeants chevronnés de petites entreprises.

M. le président. La parole est à M. Gilles Lurton, pour le groupe Les Républicains.

M. Gilles Lurton. Le débat sur l’emploi des jeunes en Europe est pour moi l’occasion de vous montrer à quel point les récentes annonces du Premier ministre en matière d’apprentissage constituent en réalité un terrible constat d’échec. Dans la loi relative à la refondation de l’école, le Gouvernement est revenu sur la possibilité de l’apprentissage dès quatorze ans alors que cela constituait une véritable réponse pour certains jeunes dans l’incapacité de poursuivre un parcours scolaire classique.

Dans le cadre de la loi de finances pour 2013 encore, la majorité a supprimé l’indemnité compensatrice de formation destinée aux entreprises. De nombreux autres mauvais coups ont été portés à l’apprentissage, par exemple l’interdiction du travail de nuit dans certains cas.

Alors qu’en France, nous comptons à peine 400 000 apprentis, ils sont 1,4 million chez nos voisins allemands. Tout démontre pourtant que les pays européens qui pratiquent fortement l’apprentissage connaissent un faible taux de chômage des jeunes. Les exemples suisses, allemands, autrichiens ou danois le démontrent et nous devrions nous inspirer de leur modèle.

Tout d’abord, en étendant l’apprentissage aux qualifications intermédiaires, comme c’est le cas en Allemagne, où il est même obligatoire pour plus de 300 métiers. D’autre part, l’apprentissage est encore trop souvent perçu dans notre pays comme une voie de relégation, alors qu’il diminue par deux le risque de chômage.

À l’inverse, en Allemagne, l’apprentissage constitue la voie normale pour accéder aux métiers de niveau bac et les apprentis allemands sont deux fois plus pré-embauchés à l’issue de leur contrat que les apprentis français.

M. Lionel Tardy. Eh oui !

M. Gilles Lurton. Notre pays connaît donc des résultats très alarmants en matière d’apprentissage quand nous les comparons à ceux de nos voisins d’outre-Rhin. Monsieur le ministre, la réussite de l’apprentissage ne dépend pas que de la conjoncture économique comme vous venez de nous le dire.

M. Lionel Tardy. C’est une décision politique.

M. Gilles Lurton. Elle dépend aussi des nombreuses contraintes qui pèsent sur les entreprises, contraintes que nous créons au fil des lois. Que comptez-vous faire pour les alléger ?

M. Lionel Tardy. En rajouter d’autres !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. François Rebsamen, ministre. Il est facile de proposer de faire ce que l’on n’a pas fait soi-même. (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. Lionel Tardy. Cela fait trois ans que vous êtes au pouvoir !

M. François Rebsamen, ministre. Les 500 000 jeunes en apprentissage, vous les aviez promis en 2002.

M. Gérard Cherpion. Non.

M. François Rebsamen, ministre. Mais si. Bien des ministres s’y sont employés, mais vous n’y êtes pas arrivés ! Au lieu de donner des leçons, essayons d’avancer ensemble, concrètement. Ce n’est pas moi qui ai mis en place les dispositifs que vous dénoncez aujourd’hui ! Ils se sont construits au fil du temps, vous le savez très bien, notamment sur la protection des jeunes apprentis.

Il est peut-être temps de lever un certain nombre de freins. C’est ce que j’ai fait en prenant un décret qui satisfait les organisations patronales et syndicales, lorsqu’il faut tenir compte des deux. Passer d’une demande de dérogation à une simple déclaration, c’est un changement fondamental, qui responsabilise au demeurant le chef d’entreprise, car il n’y a pas de doute avoir sur le sens de la responsabilité du chef d’entreprise en la matière.

La France n’est pas un pays à la traîne. Simplement, notre dispositif de formation initiale est différent de celui d’autres pays. En Suisse, l’objectif à atteindre, c’est 25 % de jeunes au niveau du bac. Chez nous, ce n’est pas le cas.

Mme Isabelle Le Callennec. Heureusement.

M. François Rebsamen, ministre. En Suisse, à la fin de l’enseignement cantonal, on va directement en apprentissage à seize ans ? Et non pas à quatorze ans, ni à treize ou à douze ans. Arrêtez un peu !

En France, tous dispositifs confondus, il y a 667 000 jeunes – vous les oubliez ? – qui sont en lycée professionnel et qui suivent une formation technique et professionnelle. On en compte 420 000 en apprentissage et on dénombre 160 000 contrats de professionnalisation, soit 1,25 million de jeunes qui sont en formation professionnelle en France. Cela équivaut à un taux de 17 %, à peu près similaire à celui de l’Allemagne même si nos systèmes sont différents. (« Tout va bien alors ! » sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Mais nous devons aller plus loin dans la voie de l’apprentissage et casser l’idée que l’apprentissage est un second choix en matière de formation des jeunes.

Mme Isabelle Le Callennec. On est d’accord.

M. François Rebsamen, ministre. Vous avez cité la Suisse où l’apprentissage est une voie royale.

Mme Isabelle Le Callennec. C’est ce que nous souhaitons pour notre pays.

M. François Rebsamen, ministre. C’est ce que nous faisons en œuvrant pour que les chefs d’entreprise français aiment l’apprentissage, je l’ai dit à plusieurs reprises.

Mme Isabelle Le Callennec. Il ne faut pas les matraquer fiscalement alors !

M. François Rebsamen, ministre. Et c’est encore mieux qu’ils aiment les apprentis, en les embauchant.

M. le président. La parole est à M. Michel Piron, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

M. Michel Piron. En guise d’introduction, je rappellerai à mon tour que l’Allemagne a trois fois moins de chômage chez les jeunes et trois fois plus d’apprentis.

M. Lionel Tardy. Eh oui !

M. Michel Piron. Cette situation ne doit-elle pas nous interroger ? Je me bornerai à quatre observations rapides.

Premièrement, le nombre d’apprentis a diminué de 8 % en 2013, de 3 % en 2014 et de 13 % au premier trimestre de cette année – me dit-on, mais vous me corrigerez peut-être, monsieur le ministre – par rapport au même trimestre de l’année précédente. J’admets volontiers que le contexte de non croissance joue un rôle. Est-ce pour autant une explication suffisante ?

Deuxièmement, il y a eu quelques variations dans la position de l’État par rapport aux régions alors que vous n’étiez pas encore en charge de ce ministère, qui n’ont peut-être rien arrangé en la matière. De ce point de vue, le paysage méritait pour le moins d’être clarifié. Que pensez-vous de l’influence de ces variations quelque peu erratiques ?

Ma troisième observation est plus fondamentale. S’agissant des contenus des formations de l’apprentissage, je souhaite savoir par qui ils sont définis dans ce pays où l’académisme est roi. J’observe que les contenus des formations professionnelles, en Allemagne comme en Suisse, sont au pire co-définis entre les entreprises et l’académie, et même parfois définis par les entreprises elles-mêmes. C’est un problème fondamental, qui m’amène à ma dernière observation.

Quatrièmement, pourquoi dans ce pays, éprouvons-nous tant de difficulté à reconnaître les diverses formes d’intelligence ?

M. Gérard Cherpion. En effet !

M. Michel Piron. Différence entre intelligence théorique et pratique, entre intelligence abstraite et concrète, ou tout simplement entre la reconnaissance des savoirs et celle des savoir-faire.

M. Gérard Charasse. En effet.

M. Michel Piron. De ce point de vue, l’académisme n’est-il pas dans un certain nombre de cas l’ennemi de l’apprentissage ? En d’autres termes, l’apprentissage a-t-il pénétré l’école ? Est-il entendu, reconnu et promu comme il devrait l’être à l’école, y compris dans les lycées professionnels ?

M. Gérard Cherpion. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. François Rebsamen, ministre. Monsieur le député Piron, je partage votre plaidoyer en faveur de l’apprentissage. Les décisions d’ordre financier qui ont été prises ont eu un caractère déstabilisant. Elles ont été mal perçues et ont eu un effet négatif sur le développement de l’apprentissage.

Mais depuis septembre 2014, la situation est stabilisée. Nous allons plus loin au niveau financier dans les aides que nous apportons, notamment aux très petites entreprises. J’ai rappelé la mesure de prise en charge des apprentis mineurs dans les TPE de moins de onze salariés.

Il fallait arriver à la stabilisation financière. C’est désormais un point acquis.

L’académisme, vous l’avez rappelé, a cours dans notre société depuis fort longtemps…

M. Michel Piron. Depuis Richelieu !

M. François Rebsamen, ministre. …pas besoin de remonter au siècle des Lumières. Tous les républicains s’en réclament aujourd’hui, tous les républicains, sur tous les bancs. Il est vrai que le siècle des Lumières a créé un certain académisme dans nos formations.

Comme vous l’avez dit, monsieur le député, il y a aujourd’hui des évolutions : les organisations patronales sont directement associées aux contenus des formations – car c’est là le sujet important que vous avez évoqué. Participant hier à une concertation avec le Premier ministre et les organisations patronales, j’ai ainsi pu dire à l’ensemble des partenaires sociaux que c’est aujourd’hui à eux, ensemble, dans des réunions quadripartites – car les régions y prennent part – de définir le contenu des formations.

Au-delà de tous ces aspects, vous lancez un appel à la formation par l’apprentissage. J’ai déjà répondu à ce propos et je souscris à cet appel, mais il existe encore des freins psychologiques dans la tête des parents et l’apprentissage est encore considéré à tort, et c’est regrettable, non pas comme une voie d’excellence, mais comme un second choix. À cet égard, des évolutions seront également nécessaires dans l’éducation nationale et dans ses orientations.

C’est ensemble que nous devons agir pour faire tomber ces barrières psychologiques, car 70 % des jeunes qui suivent une formation en apprentissage trouvent un emploi à la sortie.

M. le président. La parole est à M. François de Rugy, pour le groupe écologiste.

M. François de Rugy. J’évoquerai moi aussi ce qui se fait en Allemagne, pays d’Europe où le chômage des jeunes est le plus faible. Les données démographiques expliquent certes en partie ce phénomène, car l’Allemagne est l’un des pays d’Europe dont la démographie est la moins dynamique, mais d’autres pays qui sont dans ce cas n’ont pas pour autant les mêmes performances en termes d’emploi des jeunes.

L’Allemagne est ainsi, avec quelques autres pays, une exception en Europe et d’autres orateurs ont souligné avant moi que l’on ne peut que faire le lien avec son système d’apprentissage et de formation en alternance, caractérisé par un mode de régulation partagée, assurée à la fois par l’État fédéral – on parlerait en France du niveau « national » –, les Länder, équivalents de nos régions, le patronat et les syndicats de salariés.

Le système fonctionne bien, aussi, grâce au tissu économique, qui compte un grand nombre de petites et moyennes et des entreprises de taille intermédiaire, bien plus nombreuses qu’en France, mais la négociation sociale est également, on le sait, plus performante, avec une plus grande tradition de compromis social entre les employeurs et les salariés. Il a également été dit que le partage des rôles était assez clair, la partie théorique de la formation étant assurée et financée par les Länder, c’est-à-dire l’équivalent des régions françaises, et la partie pratique par les entreprises.

La formation n’est donc pas spécifiquement axée sur les besoins des entreprises stricto sensu, mais sur les compétences requises pour exercer les différents métiers qui peuvent s’y déployer ensuite. On constate que les apprentis travaillent essentiellement dans les entreprises de services, mais aussi dans les PME.

Il ne s’agit bien évidemment pas de chercher à copier le modèle allemand, car les caractéristiques de l’économie allemande et le système institutionnel et social allemand ne sont pas les mêmes qu’en France, mais ce pourrait être une source d’inspiration. Je souhaiterais donc savoir, monsieur le ministre, comment vous envisagez en France une articulation quelque peu comparable à celle qui existe en Allemagne.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. François Rebsamen, ministre. Monsieur le député, je me suis rendu, avec ma collègue Andrea Nahles, dans une mission locale allemande, pour voir comment l’Allemagne agissait concrètement pour lutter contre l’un des maux dont souffre le système français, à savoir l’ampleur du nombre de décrocheurs de notre système éducatif – 140 000 élèves sortent en effet chaque année de l’éducation nationale sans même un certificat d’aptitude.

Très en amont, à l’école même, des personnes accompagnent, dès l’âge de 14 ou 15 ans, des jeunes pressentis comme pouvant décrocher. Cet accompagnement précoce évite bien souvent aux jeunes Allemands de tomber dans une sorte de rejet de l’éducation nationale et des cours, et leur permet de se diriger vers des voies plus pratiques, plus technologiques, plus professionnelles. C’est un système dont nous devrions nous inspirer, du moins pour cette partie, car il produit beaucoup d’effets.

Il faut cependant bien voir – et l’on retrouve ici le problème psychologique déjà évoqué – que, pour les jeunes Allemands, choisir la voie de l’apprentissage et de l’entreprise n’est pas une voie de garage. C’est même souvent une voie valorisante. En France, on veut souvent remettre dans le cycle scolaire des enfants qui sont déjà des décrocheurs et qui, précisément, ne veulent pas avancer comme cela, mais par l’apprentissage et la reconnaissance. La société doit donc porter l’effort visant à l’expliquer.

Par ailleurs, comme l’a évoqué tout à l’heure M. Michel Liebgott, de nombreux projets transfrontaliers existent entre notre pays et l’Allemagne. J’ai ainsi eu l’occasion d’aller mettre en place à Sarrebruck un service commun de Pôle emploi associant la Lorraine et la Sarre et j’ai pu constater que nos deux cultures, en matière d’approche, n’étaient pas si éloignées que cela. J’ai cependant trouvé que les chefs d’entreprise allemands étaient plus respectueux des demandes qui leur sont adressées. Ils répondent en effet à tous les CV qu’ils reçoivent, à tous les petits dossiers qui leur sont envoyés : chaque demandeur d’emploi reçoit une lettre de réponse. Combien de chefs d’entreprise, en France, ne répondent même pas un CV qui leur est adressé ? Il y a, de ce côté-là aussi, des choses à apprendre.

Je n’ai pas le temps de développer davantage ces questions, mais je partage votre sentiment.

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. André Chassaigne. J’évoquerai à nouveau l’initiative pour l’emploi des jeunes, l’IEJ. La France a été l’un des premiers États membres de l’Union européenne à mobiliser les fonds européens disponibles dans le cadre de ce dispositif, adopté par le Conseil européen de juin 2013. Il s’agit d’une dotation importante, qui atteint 3,2 milliards d’euros au niveau européen, sur un budget spécifique, avec 310 millions d’euros pour la France – ce n’est pas rien non plus.

Comme cela a été dit, cette initiative NEET concentre son aide sur les régions enregistrant un taux de chômage des jeunes supérieur à 25 % en 2012 et cible les jeunes sans emploi ne suivant ni enseignement, ni formation. En France, comme cela a également été dit, l’IEJ cible plus particulièrement tous les jeunes âgés de moins de 26 ans sans emploi, ne suivant ni études, ni formation, résidant dans les régions éligibles, inactifs ou chômeurs, qu’ils soient ou non inscrits en tant que demandeurs d’emploi. Elle concerne donc autant les jeunes chômeurs indemnisés, qui peuvent être diplômés, que les jeunes décrocheurs qui ne fréquentent pas le service public de l’emploi.

Se posent les questions de l’accès aux financements de l’IEJ. Vous y avez répondu, puisque ce dispositif est réservé à certaines régions françaises, en fonction de certains critères, mais les députés du Front de gauche s’interrogent surtout sur l’efficacité du programme opérationnel national pour la mise en œuvre de l’initiative pour l’emploi des jeunes, au regard notamment de la sous-consommation, constatée sur le terrain, des moyens alloués.

Les causes de cette sous-consommation sont pourtant connues. La première est la multiplicité des dispositifs en faveur des jeunes sans emploi – on pourrait même parler d’un millefeuille dont les acteurs de terrain regrettent la complexité. Une autre cause est la lourdeur des dossiers à constituer pour l’IEJ, nécessitant, pour beaucoup de structures, un appel coûteux à des cabinets de consultants.

Se pose aussi la question du paiement différé de deux ou trois ans, comme pour toutes les actions relevant d’un plan de sauvegarde de l’emploi – PSE –, avec des conséquences financières pour les budgets des missions locales. Les contrôles, quant à eux, ne sont pas différés, mais bien réguliers.

Monsieur le ministre, quelles actions comptez-vous mettre en œuvre pour rendre plus efficace votre politique en faveur de l’emploi de jeunes dans notre pays, en particulier le dispositif de l’initiative pour l’emploi des jeunes ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. François Rebsamen, ministre. Monsieur Chassaigne, vous évoquez un sujet à propos duquel nous nous battons. Nous avons en effet la conviction forte qu’il faut agir pour la jeunesse. En effet, 6 millions de jeunes de moins de 25 ans sont sans emploi. C’est l’ampleur de la détérioration de l’emploi des jeunes au niveau européen qui a conduit l’ensemble de l’Union européenne à se mobiliser en faveur d’une initiative européenne visible et lisible, pour venir en appui aux actions des États membres et favoriser ainsi l’insertion des jeunes dans l’emploi. C’est là l’origine de la garantie européenne pour la jeunesse et l’initiative pour l’emploi des jeunes est l’armature financière de cette démarche.

Le pari de l’IEJ consiste à concentrer les financements dans le temps : 6 milliards d’euros sont prévus sur la période de 2014 à 2020, et cela sur des zones géographiques prioritaires car, comme vous l’avez rappelé, cette action est ciblée sur les régions où le taux de chômage des jeunes est supérieur à 25 %.

Cependant, monsieur Chassaigne, la consommation des crédits en France est bonne, avec 100 % des crédits engagés au niveau national et 60 % des crédits déconcentrés. Avec 310 millions d’euros sur deux ans, la France est le troisième État membre bénéficiaire, derrière l’Espagne et l’Italie. Nos amis espagnols sont du reste venus voir comment nous faisions concrètement, avec les premiers résultats de la garantie jeune, mais aussi avec des dispositifs complémentaires financés par l’IEJ, comme la formation des jeunes en emploi d’avenir, pour 20 millions d’euros, ou la lutte contre le décrochage scolaire, pour 24 millions d’euros. Le dispositif commence à faire la preuve de son efficacité.

Nous devons cependant, j’en conviens, aller plus loin et plus vite. Il faut pour cela que les moyens financiers de l’IEJ soient pérennisés jusqu’en 2020. C’est la demande que nous adresserons à la Commission européenne avec ma collègue allemande, qui nous soutient sur ce point – avec d’autres pays, je l’espère.

Il est enfin nécessaire de réfléchir à une meilleure prise en compte de certaines situations en amont du décrochage, pour que l’aide ne soit pas limitée à ceux qui ont déjà décroché, mais qu’elle bénéficie aussi à ceux qui pourraient décrocher et que nous allions – mais c’est bien souvent la croix et la bannière – vers plus de simplicité dans les modalités de gestion.

M. le président. Le débat est clos.

4

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

Questions sur la politique de l’éducation.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-huit heures vingt-cinq.)

La Directrice du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Catherine Joly