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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session extraordinaire de 2015-2016

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du mardi 19 juillet 2016

SOMMAIRE

Présidence de M. Claude Bartolone

1. Prorogation de l’état d’urgence

Présentation

M. Manuel Valls, Premier ministre

M. Pascal Popelin, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

Motion de renvoi en commission

M. Christian Jacob

M. Pascal Popelin, rapporteur

M. Manuel Valls, Premier ministre

Mme Jacqueline Fraysse

M. Daniel Boisserie

M. Olivier Marleix

M. Rudy Salles

M. Alain Tourret

Discussion générale

M. André Chassaigne

M. Bruno Le Roux

M. Éric Ciotti

M. Jean-Christophe Lagarde

M. Roger-Gérard Schwartzenberg

M. Yves Goasdoué

M. Laurent Wauquiez

M. Nicolas Dupont-Aignan

M. François de Rugy

M. Bruno Le Maire

M. Sébastien Pietrasanta

M. Guillaume Larrivé

M. Eduardo Rihan Cypel

M. Philippe Goujon

M. Malek Boutih

M. Patrick Mennucci

Discussion des articles

Article 1er

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet

M. Jean Lassalle

Mme Danielle Auroi

Mme Sophie Dion

M. Guénhaël Huet

M. Jacques Bompard

M. Meyer Habib

Mme Marion Maréchal-Le Pen

Mme Isabelle Attard

M. Charles de La Verpillière

M. Sylvain Berrios

Mme Colette Capdevielle

M. Jean-Luc Laurent

M. Jacques Myard

M. Julien Aubert

M. Gilbert Collard

M. Philippe Gosselin

M. Marc Le Fur

Amendements nos 17 , 15 , 67 , 69 , 80 , 6 , 68

Après l’article 1er

Amendements nos 45 , 48 , 29 , 8 , 89 , 65 , 106 , 19 , 84

M. Dominique Raimbourg, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement

Amendements nos 59 , 5 , 53 , 71 rectifié , 51 , 77 , 107 , 7 , 88 , 52 , 54 , 61

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice

Amendements nos 62 , 60 , 30 , 83 , 46 , 92 , 28 , 93 rectifié , 94 rectifié , 56 , 108 rectifié , 109 rectifié , 13 , 100 , 70 , 101 , 102

Article 2

M. Jacques Bompard

Mme Isabelle Attard

M. Alain Chrétien

M. Jean Lassalle

M. Jean-Frédéric Poisson

M. Jean-Luc Laurent

M. Patrick Vignal

Amendements nos 87 , 78 , 21 , 76 , 98 , 22 , 23 , 79 , 104 , 14 , 3

Après l’article 2

Amendements nos 36 , 66 , 18, 16 , 44 , 47 , 12 , 50 , 95 , 96 , 35 , 33 , 42 , 75 , 81 , 25 , 63 rectifié , 73 , 97 , 10 , 90 , 11 , 74 , 32 , 85 , 40 , 31 , 34 , 37 , 43 , 91 , 72 , 99 , 26 , 103 , 82 , 41 , 4 , 20 , 1 , 55 , 39 , 57 , 58 , 49 , 38

Titre

Amendement no 64

Explications de vote

M. Bruno Le Roux

M. Guillaume Larrivé

M. François Rochebloine

M. Roger-Gérard Schwartzenberg

Vote sur l’ensemble

2. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Claude Bartolone

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

1

Prorogation de l’état d’urgence

Discussion, après engagement de la procédure accélérée, d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi prorogeant l’application de la loi n55-385 du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence et modifiant certaines de ses dispositions (nos 3968, 3978).

Présentation

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur le président, messieurs les ministres, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les députés, le carnage commis à Nice dit les objectifs du terrorisme islamiste : nous désunir et contester ce que nous sommes. Face à cela, nous devons plus que jamais faire bloc et continuer – c’est notre responsabilité – de prendre toutes les mesures qui s’imposent. C’est pour cela que je suis devant vous ce soir. Dans ces moments si difficiles, si éprouvants pour notre pays, mes pensées, vos pensées, vont d’abord à toutes les victimes qui sont tombées, à leurs proches, à leurs familles. Mes pensées, nos pensées vont vers tous les blessés qui, ce soir, se battent, parfois contre la mort.

Au lendemain du drame, avec le Président de la République, nous nous sommes rendus à Nice, avec les membres du Gouvernement, Bernard Cazeneuve et Marisol Touraine. Nous avons vu l’immense souffrance, l’immense inquiétude des victimes et de leurs proches. J’étais encore hier, à Nice, aux côtés des Niçois – car c’était ma place – pour la minute de silence et l’hommage rendu. Il y avait ces visages lourds de tristesse, ces interrogations qui dévorent les esprits, la colère également. Il y avait la force, mais également l’attente immense de nos compatriotes. Elle est celle de tous nos compatriotes, ils l’ont exprimée hier, partout sur le territoire.

Nous devons tout mettre en œuvre pour les protéger. Et, j’ai cette conviction, nous devons aussi être à la hauteur du moment, élever le niveau du débat public, fuir la démagogie. Bien sûr, nous devons répondre à toutes les questions : elles sont légitimes, notamment celles des victimes et de leurs familles. La vérité doit être faite, et c’est à l’enquête, sous la responsabilité de la justice, de la faire. Comme beaucoup, le ministre de l’intérieur et moi-même nous posons les mêmes questions : est-ce que tout a été fait ? Est-ce que nous pouvons répondre aux victimes en regardant ces hommes et ces femmes qui ont perdu leurs enfants ? Mais nous devons élever le débat et fuir la démagogie, car les populismes rôdent, prêts à saisir la moindre occasion pour souffler sur les braises de la discorde, attiser les divisions, alors que chaque division nouvelle nous rend un peu plus vulnérables. Nous devons être unis, concentrés sur l’objectif – protéger les Français – car nous devons être forts face à la menace.

Cette menace, vous le savez – nous l’avons souvent évoquée ici, à l’Assemblée nationale – est extrêmement élevée. Elle a encore frappé, hier, en Allemagne. La Belgique, les États-Unis, le Bangladesh, le Cameroun, ou encore l’Arabie saoudite, l’Irak et la Turquie ont, ces dernières semaines, payé, eux aussi, un lourd tribut. Parce qu’il est affaibli, grâce aux actions militaires de la coalition en Irak et en Syrie, l’État islamique intensifie ses appels à passer à l’acte à l’étranger. Et, vous le savez, la France est désignée comme l’ennemi numéro un. Les modes d’action, les cibles, les processus, les parcours de radicalisation sont de natures diverses et en perpétuelle évolution. Les profils psychologiques des individus passant à l’acte entrent également en ligne de compte. Il y a le risque d’attaques coordonnées, mais aussi d’attaques menées par des individus autonomes, qui accèdent aux outils idéologiques, aux « kits » de Daech. Cette troisième génération du djihadisme rend l’action de nos services de renseignement et de nos forces de sécurité particulièrement difficile. Nous devons aussi cette vérité à nos concitoyens.

Vérité également, une nouvelle fois, sur les chiffres. À ce jour, 2 147 ressortissants français, ou étrangers résidant en France, sont connus pour leur implication dans les filières syro-irakiennes. Parmi eux, 898 ont manifesté des velléités de départ et plus de 1 000 ont séjourné dans la zone ; 680 adultes y sont toujours présents, dont un tiers de femmes ; 187 sont morts au cours de combats. Il y a par ailleurs – chiffre effrayant – 420 mineurs, dont 18 combattants. Enfin, 179 individus sont en transit dans un pays tiers pour rejoindre la zone ou en revenir et 203 sont revenus sur le territoire français. Cette question du retour des individus depuis les zones de combat, et plus encore avec le recul de Daech, constitue et constituera un défi considérable, pour la France et pour tous les pays concernés, à commencer par l’Europe.

Dans ce contexte, ceux qui promettent qu’on peut tout régler d’un coup de baguette magique mentent aux Français. Combattre le terrorisme est un combat de longue haleine, tous vos rapports parlementaires – nombreux et de qualité – l’ont démontré. Un combat qui demande des moyens, de l’obstination, de la maîtrise et beaucoup de courage. Je veux saluer une nouvelle fois l’engagement du ministre de l’intérieur, Bernard Cazeneuve, qui, avec nos policiers, nos gendarmes, si courageux (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain, du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine – Mme Claudine Schmid, M. Laurent Degallaix et M. François Rochebloine applaudissent.), ne baisse à aucun moment la garde, dans une période particulièrement exigeante.

Le drame de Nice rappelle aussi que l’ensemble du territoire est visé. Faire ce constat, ce n’est pas faire preuve de fatalisme, c’est être lucide. Et être lucide, c’est se donner les moyens de l’emporter. Lucides sur la menace, nous sommes également lucides sur les réponses à apporter. L’état d’urgence en fait partie. Ce n’est pas la seule des réponses, mais elle est adaptée à la situation que nous vivons. Car l’attentat commis à Nice, avec un mode opératoire inédit dans notre pays, pourrait inciter d’autres individus au même profil, inconnus de nos services de renseignement, à passer à l’acte, par effet de mimétisme. Il est donc impératif de renforcer et de mobiliser nos dispositifs de contrôle et d’enquête.

Le projet de loi qui vous est soumis prévoit de proroger une nouvelle fois – c’est la quatrième – l’état d’urgence, pour le même périmètre géographique : territoire métropolitain et départements d’outre-mer. La durée de prorogation vient d’être portée à six mois par le travail que vous avez effectué en commission, ce qui me semble être une bonne chose. Lors de la dernière prorogation, nous n’avions pas retenu le recours aux perquisitions administratives car la plupart des lieux identifiés avaient déjà fait l’objet des investigations nécessaires. Au regard de la tragédie de Nice, parce que nous devons aussi démontrer la mobilisation de l’État, le projet de loi qui vous est soumis prévoit de les autoriser à nouveau. Outre les procédures judiciaires qu’elles permettront d’initier, ces perquisitions pourront, dans certains cas, avoir un effet dissuasif. Dans d’autres, elles aideront à lever les doutes qui pesaient sur certains individus, permettant ainsi à nos services de se concentrer sur les plus dangereux.

Surtout, leur utilité et leur efficacité – car c’est ce que nous demandent les Français – seront accrues. Le projet de loi définit, en effet, un cadre autorisant la saisie et l’exploitation des données électroniques contenues dans les ordinateurs ou les téléphones découverts à l’occasion d’une perquisition. Cette adaptation de la loi de 1955 est nécessaire. Elle prend en compte la décision du Conseil constitutionnel du 19 février dernier, qui avait censuré la disposition de la loi relative à la copie de données informatiques, faute de garanties légales suffisantes. Le texte qui vous est soumis, validé hier par le Conseil d’État, prévoit ces garanties, aussi bien sur la nature des éléments saisis puis exploités, que sur la procédure permettant ces saisies et exploitations.

Enfin, dans un même souci d’efficacité, le projet de loi prévoit que, si une perquisition révèle l’existence d’un autre lieu fréquenté par la personne visée, un droit de suite permettra de procéder immédiatement, par ricochet, à une perquisition dans cet autre lieu. L’état d’urgence, c’est de la réactivité et de l’efficacité dans le cadre de notre État de droit. Ce n’est pas l’abandon de l’État de droit. Jamais ! Toutes les mesures mises en œuvre continueront à faire l’objet d’un contrôle étroit de votre part, comme vous l’avez souhaité, et de celle de la justice administrative.

Je veux rassurer : nous sommes dans un débat démocratique et le Gouvernement est disposé à débattre – avec vous, comme il le fera demain avec vos collègues sénateurs – de tout ce qui peut permettre de renforcer l’efficacité de nos dispositifs. Avec toujours cependant une ligne à ne jamais franchir : celle des principes de notre État de droit, celles des valeurs de la République. Car ce serait en quelque sorte tomber dans le piège de notre ennemi. C’est d’ailleurs ce qu’a tenu à rappeler votre rapporteur, Pascal Popelin, lors de l’examen du texte en commission des lois. Et je veux saluer son travail, comme celui de l’ensemble des députés présents – et ils étaient nombreux.

Ce travail accompli dans un temps très bref a déjà permis d’améliorer très concrètement l’efficacité des dispositifs de lutte contre le terrorisme. Je ne doute pas que nous continuerons à travailler en ce sens.

Mesdames et messieurs les députés, l’état d’urgence est une réponse puissante contre le terrorisme. Depuis le 14 novembre 2015, il a démontré son utilité opérationnelle : je me suis attaché à le rappeler, notamment à l’occasion des réunions régulièrement organisées à Matignon avec les présidents des assemblées, les présidents des commissions concernées, et les présidents de groupes. Les assignations à résidence permettent la surveillance d’individus potentiellement dangereux. À ce jour, soixante-dix-sept personnes sont toujours concernées. Les 3 594 perquisitions administratives menées jusqu’au 25 mai 2016 ont permis l’ouverture de près de 600 procédures judiciaires et la saisie de 756 armes, dont 75 armes de guerre.

L’état d’urgence est une réponse puissante, mais ce n’est pas la seule : elle doit s’inscrire dans une stratégie globale. Depuis quatre ans, nous avons en permanence adapté et renforcé nos dispositifs pour toujours mieux anticiper et déjouer les menaces, en tirant les leçons des terribles attentats de Montauban et de Toulouse. Ces textes ont souvent été adoptés à une très large majorité. Je suis par ailleurs convaincu que dans les cinq ou dix années à venir, compte tenu de l’état du monde et de ce que nous savons quant à la menace terroriste, l’effort en matière de défense – à partager, bien sûr, avec l’Europe – et en matière de sécurité et de justice devra être prolongé, ce que nous avons déjà fait, et même amplifié.

Je connais comme vous les outrances qui pourrissent le débat public, mais je n’ai aucun mal à vous dire, aucun mal à dire à l’ensemble des Français, malgré les doutes, malgré les interrogations, malgré les colères ayant suivi le choc que nous avons subi, que jamais un gouvernement, appuyé sur une très large majorité au Parlement, n’a autant fait pour lutter contre le terrorisme. (Murmures sur les bancs du groupe Les Républicains.Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

Il est vrai que nous n’avions jamais connu une menace d’une telle ampleur.

Il y a d’abord l’engagement de nos forces armées pour combattre les groupes djihadistes dans leurs sanctuaires. C’est le cas au Mali depuis 2013, en Irak depuis 2014 et en Syrie depuis septembre 2015. Je le dis à la représentation nationale : jamais la main du Président de la République – que je côtoie tous les jours – n’a tremblé lorsqu’il a fallu prendre des décisions essentielles pour notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain. – Exclamations sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.)

M. Pierre Lellouche. Et après l’usage d’armes chimiques en Syrie ?

M. Manuel Valls, Premier ministre. Au Levant, nos chasseurs aériens interviennent quotidiennement. Il y a déjà eu près de 800 frappes depuis septembre 2014. Notre armée de terre et les forces spéciales, par la formation et l’appui qu’elles offrent aux Irakiens, contribuent aux opérations au sol. Le chef de l’État et le ministre de la défense l’ont annoncé : ces opérations vont s’intensifier. Nous allons soutenir davantage les Irakiens dans la perspective de la reconquête de Mossoul. Le groupe aéronaval, avec le porte-avions Charles de Gaulle, sera de nouveau déployé au sein de l’opération Chammal à l’automne.

La mobilisation sans précédent contre le terrorisme se fait aussi sur le plan législatif. Depuis 2012, vous avez adopté cinq lois visant à renforcer les moyens légaux au profit des magistrats, des enquêteurs et des personnels des services de renseignement.

Il s’agit d’abord de deux lois antiterroristes. J’ai présenté la première moi-même au Parlement ; elle a été promulguée le 21 décembre 2012. Elle permet de juger les Français partant faire le djihad à l’étranger. 300 procédures judiciaires, contre 1 200 de nos ressortissants, ont ainsi été ouvertes. La seconde a été présentée au Parlement par Bernard Cazeneuve puis promulguée le 13 novembre 2014 ; elle a notamment créé le délit d’entreprise terroriste à caractère individuel, et permis de procéder au blocage et au déréférencement des sites qui font de la propagande terroriste sur internet.

À ces deux textes a été ajoutée en juin 2016 une loi visant à mieux lutter contre le terrorisme et la criminalité organisée, qui avait été annoncée par le Président de la République à l’occasion du Congrès de Versailles. Plusieurs mesures adoptées dans le cadre de cette loi sont déjà mises en œuvre.

Enfin, deux lois sur le renseignement ont été adoptées en juillet et en novembre 2015, alors qu’aucun gouvernement n’avait osé légiférer sur ce sujet depuis plus de vingt ans. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.)

M. Jean-Luc Laurent. Bien sûr ! C’est tout à fait vrai !

Un député du groupe Les Républicains. Bien sûr, ça va mieux…

M. Manuel Valls, Premier ministre. La loi du 22 mars 2016 relative à la prévention et à la lutte contre les incivilités, contre les atteintes à la sécurité publique et contre les actes terroristes dans les transports collectifs de voyageurs, dite « loi Savary », a également renforcé le niveau de sécurité dans les transports.

La mobilisation vaut aussi pour les moyens matériels, technologiques et surtout humains. Depuis quatre ans, l’effort a été considérable.

M. Pierre Lellouche. Un peu d’humilité !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Un plan pluriannuel de modernisation de 233 millions d’euros a été mis en œuvre. Nous avons également adopté un schéma d’intervention des forces rapides, et renforcé l’équipement des primo-intervenants, policiers des BAC – brigades anti-criminalité – et gendarmes des PSIG – pelotons de surveillance et d’intervention de la gendarmerie.

Dès 2013, comme ministre de l’intérieur, j’ai engagé une réforme ambitieuse du renseignement intérieur. Elle a abouti à la création, en 2014, de la DGSI – direction générale de la sécurité intérieure – et du service central du renseignement territorial. Il était indispensable de donner davantage d’autonomie et de moyens à la DGSI pour renforcer ses capacités d’analyse, ainsi que ses capacités techniques et linguistiques. Il était également indispensable – je pense que nous pouvons tous partager ce constat – de repositionner et de muscler notre dispositif de renseignement territorial – il faut d’ailleurs poursuivre ce travail – qui avait été injustement sacrifié en 2008, lorsque la DCRI avait été créée et les renseignements généraux supprimés. (Protestations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Mme Marie-Françoise Bechtel et M. Patrick Mennucci. Exactement !

M. Alain Gest. C’est minable !

M. Thierry Solère. Prenez un peu de hauteur, monsieur le Premier ministre !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Et puisqu’il faut clarifier les choses, je rappelle une nouvelle fois, devant vous, qu’en l’espace de cinq ans, nous aurons créé 9 000 postes supplémentaires dans la police et la gendarmerie, dont plus de 3 000 entre la fin de l’année 2012 et la fin de l’année 2015.

M. Éric Ciotti. C’est faux !

Un député du groupe Les Républicains. Et il y a eu 200 morts !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Valérie Rabault l’a rappelé hier dans cet hémicycle : sous le quinquennat précédent, les plafonds d’effectifs de la police et de la gendarmerie avaient diminué de plus de 12 500 emplois. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. Philippe Le Ray. Vous n’êtes pas à la hauteur !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Nous devons la vérité aux Français sur ce point : nous avons reconstruit ce qui avait été détruit, oui, nous avons réarmé pour mieux protéger. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. Claude Goasguen. Alors tout va bien ?

M. Manuel Valls, Premier ministre. De même, 7 000 emplois auront été créés au ministère de la justice, et plus de 1 000 postes dans les douanes. À cela s’ajoutent les militaires déployés dans le cadre de l’opération Sentinelle. La Président de la République a décidé de maintenir leur engagement sur l’ensemble du territoire à hauteur de 10 000 hommes et femmes. Ils accompliront deux missions principales : le contrôle des flux – aux frontières, dans les gares, les aéroports – et la sécurisation des grands rassemblements estivaux, avec un rééquilibrage du déploiement entre Paris et les régions.

Par ailleurs, comme vous le savez, la gendarmerie et la police vont activer leur réserve opérationnelle de premier niveau. Ce sont 15 000 volontaires que les préfets pourront mobiliser pour soulager les forces de sécurité pendant ces mois d’été. Toutes ces mesures mises en place, tous ces effectifs déployés sont là, malgré les difficultés, malgré la menace, pour protéger les Français.

Avec les ministres de l’intérieur, de la défense et de la justice, parce que nous connaissons l’engagement des fonctionnaires et des militaires sur le terrain, nous n’acceptons pas et refuserons toujours qu’on les mette en cause, directement ou indirectement. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain. – Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. David Douillet. Provocation !

M. Manuel Valls, Premier ministre. À Nice, le soir de l’attentat, des effectifs importants étaient déployés :… (Exclamations persistantes sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. le président. S’il vous plaît, chers collègues de l’opposition, M. le président Jacob interviendra après : nous écouterons alors tous vos arguments.

M. Manuel Valls, Premier ministre. …185 policiers nationaux et vingt militaires de l’opération Sentinelle, aux côtés de la police municipale. Prétendre le contraire – plus encore quand on est un élu de cette ville – est une remise en cause inacceptable de l’action et de la parole publique. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain. – Vives protestations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. Yves Fromion. Démagogue !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Je ne laisserai jamais dire qu’il y a des failles là où il n’y en a pas ! Je n’accepterai jamais les propos honteux qui insinuent que tout cela aurait pu être évité, car dire cela, c’est discréditer nos forces de sécurité qui se battent chaque jour et qui obtiennent des résultats. (Mêmes mouvements.)

Mesdames et messieurs les députés, depuis 2012, seize attentats ont été déjoués – ce qui apparaît à chaque fois, et cela se comprend, comme un non-événement. Je pense notamment à l’arrestation, en mars 2016 à Argenteuil, d’un individu disposant chez lui d’un véritable arsenal et d’explosifs de grande puissance, avec sûrement l’Euro de football en ligne de mire.

Depuis quatre ans, la justice a multiplié les procédures antiterroristes. Dix procédures seulement avaient été ouvertes en 2012 – cela se comprend – contre 136 en 2015 et déjà 120 en 2016. Ainsi 315 dossiers sont en cours aujourd’hui, 285 individus sont mis en examen et plus de 264 sont détenus. En 2016, 58 personnes ont déjà été condamnées. Plus de 950 personnes font aujourd’hui l’objet d’investigations de la part de la juridiction antiterroriste, dont je veux saluer l’efficacité et le professionnalisme – nous avons pu en être témoins encore une fois à Nice.

Sur le plan répressif, le Gouvernement a recours à toutes les mesures administratives qui s’imposent : expulsion des étrangers qui prêchent la haine et la violence, interdiction d’entrée ou de sortie du territoire, gel des avoirs financiers. Depuis 2012, quatre-vingts arrêtés d’expulsion ont été pris à l’encontre d’individus affiliés à l’islamisme radical. Dix mosquées ou salles de prière ont été fermées. Plusieurs binationaux condamnés pour des faits de terrorisme ont été déchus de la nationalité française.

Depuis le rétablissement des contrôles aux frontières, le 13 novembre dernier, 48 millions de personnes ont été contrôlées à nos frontières terrestres, aériennes et maritimes. 28 000 individus ont été empêchés d’entrer sur notre territoire. L’État ne fléchira pas : ces contrôles se poursuivront aussi longtemps que nécessaire.

Lutter contre le terrorisme, c’est mener une action répressive, mais c’est aussi lutter en amont contre la radicalisation. C’est sans doute l’un des défis les plus considérables, les plus difficiles, auxquels nous sommes confrontés. Beaucoup a été fait au cours des dernières années, mais nous devons aller encore plus loin dans ce domaine : c’est le sens du plan d’action que j’ai présenté en mai dernier.

Un député du groupe Les Républicains. Quelle modestie !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Il faut mobiliser tous les ministères et associer l’ensemble des partenaires de l’État, à commencer par les collectivités territoriales. Notre objectif est de détecter les cas de radicalisation le plus tôt possible. Les centres de réinsertion et de citoyenneté constituent l’une de ces réponses.

M. Éric Ciotti. Combien y en a-t-il ? Aucun !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Il faut reconnaître que ces outils sont difficiles à mettre en œuvre ; ils doivent eux aussi obéir à des principes de droit. Le premier d’entre eux ouvrira dès septembre prochain en Indre-et-Loire.

Enfin, nous savons tous que la lutte contre le terrorisme se joue pour une grande part au niveau européen. Nous avons obtenu plusieurs avancées décisives que nous réclamions depuis des mois, voire des années : contrôles systématiques à l’entrée de l’espace Schengen, y compris pour les ressortissants européens, et création d’un corps de gardes-frontières européens, qu’il faut à présent rendre effectif ; adoption définitive du Passenger name record européen – ou PNR, c’est-à-dire le registre européen des données des passagers aériens ; renforcement des échanges d’informations au plan européen, par l’alimentation systématique des fichiers ; enfin, comme nous l’avions demandé, durcissement des mesures relatives aux armes, par une révision de la directive de 1991 et un plan de lutte contre le trafic d’armes à feu, notamment en provenance des pays de l’Est, qui sont la principale source de provenance des armes utilisées par les terroristes. Encore faut-il que toutes ces mesures soient concrétisées !

Mesdames, messieurs les députés, beaucoup a été fait, mais la menace est toujours présente et un attentat majeur a eu lieu. Pour lutter contre le terrorisme, il faut donc des moyens – je les ai rappelés – et de la méthode. Nous appliquons, depuis plus de quatre ans, une stratégie, dont l’unité nationale fait partie intégrante – j’y insiste – au même titre que le renforcement des dispositifs de lutte contre le terrorisme proprement dits.

La France a été visée un 14-juillet parce qu’elle est la France, avec son message universel, parce que ses armées interviennent au Sahel, en Irak, en Syrie, pour l’équilibre du monde. Elle a été visée parce que des millions de nos compatriotes, de nos concitoyens, sont de confession ou de culture musulmane.

M. Manuel Valls, Premier ministre. Et le projet de l’État Islamique, c’est de faire voler en éclats ce modèle de tolérance et de laïcité que nous avons su construire.

Le combat contre le terrorisme sera long. Nous serons confrontés à d’autres attaques. Même si ces mots sont difficiles à prononcer, il est de mon devoir de le faire : il y d’autres attentats, d’autres innocents tués. Nous devons non pas nous habituer – qui peut jamais s’habituer à l’horreur ? –, mais apprendre à vivre avec cette menace (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.),…

Un député du groupe Les Républicains. C’est rassurant !

M. Manuel Valls, Premier ministre. …et à la combattre.

Mais, au-delà des débats que nous pouvons avoir sur les moyens, et que je me devais de rappeler, s’il y a quelqu’un ici, dans cet hémicycle, capable de dire, par démagogie, qu’il connaît les moyens et les procédures permettant d’arrêter le terrorisme en quelques jours, en quelques semaines ou en quelques mois, qu’il le dise ! Il ferait mieux de dire la vérité aux Français ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain et sur plusieurs bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.)

Oui, nous devons apprendre à vivre avec cette menace, à y être confrontés, et ne pas le dire, se dérober à cette responsabilité, ce serait pour moi ne pas assumer les miennes comme chef du Gouvernement. Mais, disais-je, au-delà des débats sur les moyens, il faut toujours en revenir à cette dure réalité : l’idéologie de Daech, de l’État islamique, séduit (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains), corrompt les esprits. Je ne répondrai à aucune insulte, à aucun lazzi, à tout ce qui abaisse le débat public. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. Paul Giacobbi. Très bien !

M. Manuel Valls, Premier ministre. J’ai conscience de la responsabilité de tous ceux qui siègent dans cet hémicycle ou au Gouvernement. Les questions ou les critiques sont logiques dans une démocratie, et même dans les pires moments, même pendant la guerre de 14-18, le débat continuait, et c’est normal, mais jamais sous l’insulte, jamais par la désinformation, jamais avec démagogie ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain et sur plusieurs bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste. – Exclamations sur de nombreux bancs du groupe Les Républicains.) Car c’est la vérité que nous devons à nos compatriotes ! (Mêmes mouvements.) Et il faut toujours revenir à celle-ci : l’idéologie de Daech séduit, corrompt les esprits de centaines, voire de milliers d’individus, dans notre pays. C’est aussi là qu’il faut peut-être mener d’abord le combat pour la défense de notre bien commun en luttant contre les intégrismes, les communautarismes, ceux qui nient la place de la femme en l’enfermant derrière un voile intégral ; le salafisme, parce qu’il peut être un ferment du terrorisme et encourage ces ennemis de l’intérieur, doit être combattu, y compris au sein même de l’Islam car c’est de la responsabilité de la société française mais aussi de celle de l’Islam dans le monde, y compris en Europe et en France. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain. – Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Nous devons aussi refuser avec la même force toutes ces attaques racistes, antisémites, xénophobes, ces actes contre les lieux de culte, qu’ils soient chrétiens, musulmans ou juifs, lutter aussi contre toutes ces poussées de haine à la recherche en permanence de boucs émissaires, qu’il s’agisse des musulmans, de l’Islam, des immigrés. Je veux rappeler que parmi les victimes, au Bataclan comme sur la Promenade des Anglais, il y avait de nombreux étrangers et aussi des compatriotes musulmans parce que le terrorisme frappe de manière aveugle. Nous devons tous nous dresser contre ceux qui veulent dresser les Français les uns contre les autres en fonction de leur religion, de leurs croyances ou de leurs origines. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste – M. Jean-Christophe Lagarde applaudit.)

Mesdames, messieurs les députés, nos démocraties sont fragiles, peut-être à un niveau particulièrement important, jamais atteint depuis le dernier conflit mondial ; elles sont travaillées par des tensions, et il faut en permanence surveiller l’évolution de ces fractures qui, sans crier gare, peuvent apparaître au grand jour.

Mme Claude Greff. La faute à qui ? (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. le président. Madame Greff !

M. Manuel Valls, Premier ministre. À cet égard, chacun a sa part de responsabilité, mais nous devons faire bloc autour de nos valeurs et toujours rassembler autour de ce qui fait la République. Faire bloc autour de nos valeurs, c’est également refuser toute tentation de recourir à des mesures arbitraires ou contraires à nos principes démocratiques et constitutionnels. La fuite en avant, des aventures extrajudiciaires que certains réclament, ont mené à des impasses dans d’autres pays : non seulement elles ne parviennent pas à enrayer le terrorisme, mais elles constituent de terribles renoncements. Le Gouvernement a toujours examiné attentivement les propositions formulées en matière de lutte contre le terrorisme, d’où qu’elles viennent, dès lors qu’elles respectent une double condition, toujours la même : être réellement efficaces et s’inscrire dans l’État de droit.

J’ai entendu ces derniers jours certains dire que le Gouvernement aurait été sourd aux propositions de l’opposition. (« Eh oui ! » sur divers bancs du groupe Les Républicains.)

Plusieurs députés du groupe socialiste, écologiste et républicain. Lesquelles ?

M. Manuel Valls, Premier ministre. Je tiens à rétablir à cet égard certaines vérités :…

M. Yves Nicolin. Tu parles !

M. Manuel Valls, Premier ministre. …tous les textes concernant la lutte contre le terrorisme, que je salue, qu’il s’agisse du renseignement, de l’état d’urgence ou encore de la récente réforme de la procédure pénale, ont fait l’objet d’un accord entre l’Assemblée nationale et le Sénat et ont intégré des dispositions proposées par l’opposition, je pense à quelques exemples récents : la possibilité de soumettre les condamnés pour faits de terrorisme à un suivi socio-judiciaire, à la peine de sûreté de trente ans sans aménagement de peine ou encore au nouveau régime d’autorisation de sortie du territoire pour les mineurs. Le Gouvernement examinera avec intérêt les propositions formulées par la commission d’enquête parlementaire Fenech-Pietrasanta (« Ah ! » sur les bancs du groupe Les Républicains)…

M. Olivier Marleix. Il serait temps !

M. Manuel Valls, Premier ministre. …sur les moyens mis en œuvre par l’État depuis les attentats de janvier 2015. Je tiens d’ailleurs à souligner la très grande convergence des constats entre le Gouvernement et cette commission. Ses travaux ont permis de décrire précisément l’enchaînement des événements, le rôle et la place de chacun, pendant la crise et après ; des suggestions utiles ont été faites sur l’organisation des secours, sur la prise en charge des victimes ou encore sur la vidéo-protection. Le ministre de l’intérieur a écrit aux membres de cette commission que toutes ses préconisations seront étudiées avec le plus grand soin – certaines sont déjà mises en œuvre quand d’autres nécessitent débat ou appellent des réserves, c’est le jeu normal de la démocratie et de la discussion.

Mesdames, messieurs les députés, au lendemain de cette terrible attaque, notre douleur est immense, les questions et les doutes présents. Il faut bien sûr agir avec humilité parce que devant le drame de ces compatriotes (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains),

M. le président. S’il vous plaît !

Mme Jacqueline Maquet. Un peu de décence, chers collègues !

M. Manuel Valls, Premier ministre. …nous le leur devons parce que nous gouvernons, parce que vous légiférez. Mais notre détermination doit être totale. Nous devons et nous allons tenir, simplement parce que nous sommes la France. Avec sa ténacité et sa dignité.

À Nice, il y avait des cris de colère, et je peux les entendre, mais pas les sifflets ! Pas les paroles racistes ! Pas les confrontations au sein même de la foule ! Tenir, tenir ensemble, mesdames, messieurs les députés, c’est toujours être à l’écoute du peuple, jamais à la traîne des injonctions de la foule ! C’est ainsi que nous répondrons aux attentes et à l’angoisse de nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain et sur plusieurs bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.)

Les terroristes nous ont déclaré la guerre. Mais la guerre contre la haine et l’obscurantisme, je vous le promets et je le promets aux Français : nous la gagnerons ! (Les députés du groupe socialiste, écologiste et républicain se lèvent et applaudissent. – Applaudissements sur les bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.)

M. le président. La parole est à M. Pascal Popelin, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

M. Pascal Popelin, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, monsieur le ministre de l’intérieur, monsieur le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement, monsieur le président de la commission des lois, mes chers collègues, une nouvelle fois, la France fait face à la barbarie. Après les attentats de Charlie Hebdo, de Saint-Denis et de Paris, de Magnanville, un nouveau crime odieux, indicible, a ensanglanté, à Nice, notre fête nationale et emporté à ce jour quatre-vingt-quatre vies et marqué dans leurs chairs plusieurs centaines de nos compatriotes et de visiteurs étrangers. Nous partageons la peine des familles des victimes. Nous comprenons la détresse des Niçois. Comme la Belgique, les États-Unis, ou hier encore l’Allemagne, notre pays est la cible du terrorisme : au moyen d’attaques planifiées par Daech – ou par d’autres groupes – mais aussi, et c’est nouveau, par des passages à l’acte de la part d’individus isolés présentant des profils très variés.

Face à cette menace que chacun apprend à considérer, hélas, comme durable, notre détermination est plus que jamais totale. Vous l’avez rappelé, monsieur le Premier ministre : nous faisons face à une guerre que le terrorisme nous livre. Cette guerre, nous la remporterons grâce à la mobilisation de nos armées en opérations extérieures, grâce à l’admirable engagement des forces de l’ordre de la République auxquelles je veux à nouveau rendre hommage, grâce à la réorganisation de nos services de renseignement, engagée dès le début du quinquennat après une funeste désorganisation, réorganisation amplifiée depuis les premiers attentats de janvier 2015. Les progrès considérables accomplis en matière de lutte contre le terrorisme ont ainsi permis de déjouer dix attentats depuis juillet 2015.

Des polémiques, nouvelles en de telles circonstances, ont été alimentées par certains élus. Cet hémicycle ne me semble pas le lieu pour les réalimenter.

Un député du groupe Les Républicains. C’est pourtant ce qui vient d’être fait !

M. Pascal Popelin, rapporteur. Je m’en tiendrai pour ma part à dire ici que semer le doute parmi nos concitoyens sur la réalité de l’action déployée par l’État pour lutter contre le terrorisme, ne pas dire et assumer la vérité en face, ne procurera aucun bénéfice politique à ceux qui cèdent à la facilité de tels comportements ; plus grave encore, nous offririons ainsi à nos agresseurs le germe de la désunion qu’ils ont pour projet d’instiller dans la nation.

Dans ces circonstances tragiques, à quoi sert une nouvelle prorogation de l’état d’urgence ? Je ne prétendrai pas qu’il faut attendre tout, c’est-à-dire attendre trop, de ce dispositif, qui n’a d’ailleurs pas été conçu spécifiquement pour lutter contre le terrorisme, mais j’ai la conviction que nous commettrions une erreur en mésestimant l’utilité de l’état d’urgence, qui constitue à mes yeux un complément temporaire précieux aux mesures de droit commun étant donné les circonstances particulières que nous connaissons de nouveau.

L’état d’urgence est d’abord une réponse à une situation précise : la menace d’un péril imminent, au sens de la loi du 3 avril 1955, tel que la récidive d’attentats de masse. Avec cinq attaques, dont trois ont occasionné plusieurs dizaines de victimes, la France demeure l’une des cibles privilégiées de la nébuleuse terroriste. Au regard de ce risque, la condition de péril imminent posée par l’article 1er de la loi du 3 avril 1955 pour la mise en œuvre de l’état d’urgence paraît donc malheureusement satisfaite. Le Conseil d’État l’a d’ailleurs confirmé dans son avis sur le projet de loi.

Afin de faire face à une menace qui apparaît durable tout en assurant un contrôle régulier par le Parlement que les conditions de l’état d’urgence sont toujours réunies, j’ai proposé avec d’autres collègues, et la commission des lois l’a accepté, de porter la durée de la prorogation à six mois.

S’il n’a pas suffi, à lui seul, à prévenir la survenue de ces nouveaux attentats, l’état d’urgence a permis une mobilisation inédite des forces de l’ordre.

Lors de la déclaration initiale de l’état d’urgence, le Président de la République et le Gouvernement avaient fait le choix de permettre aux autorités administratives compétentes – en pratique les préfets – d’ordonner des perquisitions administratives. La loi du 20 mai 2016 n’a pas reconduit cette autorisation. La principale raison qui avait motivé le législateur était que, dans sa décision du 19 février 2016, le Conseil constitutionnel avait censuré la faculté de copier des supports informatiques lors de ces perquisitions, amoindrissant ainsi considérablement ainsi l’efficacité de la mesure. C’est pourquoi en autorisant de nouveau les perquisitions administratives, l’article 2 du projet de loi crée aussi un nouveau régime de saisie des données et des matériels informatiques, destiné à se substituer au dispositif censuré.

Outre les perquisitions administratives, dix autres mesures, individuelles ou générales, prévues par la loi de 1955, peuvent d’ores et déjà être utilisées au titre de l’état d’urgence : l’assignation à résidence, complétée, le cas échéant, par une assignation à domicile à temps partiel et par des pointages au commissariat ou à la brigade de gendarmerie – elle concerne à l’heure actuelle 82 personnes ; l’institution de zones de protection ou de sécurité, qui a contribué à la sécurisation de l’Euro 2016 ; l’interdiction de séjour, parfois qualifiée d’interdiction de paraître, utilisée à 540 reprises depuis le début de l’état d’urgence ; l’interdiction de la circulation des personnes ou des véhicules en certaines circonstances ; la fermeture des salles de spectacles, lieux de culte et tous lieux de réunion ; la dissolution d’associations ou de groupements ; l’interdiction de manifester ; la remise des armes ; la réquisition de personnes ou de biens ; le blocage de sites internet provoquant à la commission d’actes de terrorisme ou en faisant l’apologie. Je rappelle ces mesures pour montrer, comme nous le verrons dans le débat qui suivra, que de nombreuses mesures existent déjà dans le dispositif de l’état d’urgence.

Mais l’état d’urgence n’est pas le seul dispositif législatif à la disposition de nos forces de l’ordre ou de nos magistrats. La loi renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l’efficacité et les garanties de la procédure pénale, dont j’ai eu l’honneur d’être le co-rapporteur, avec Colette Capdevielle, a adapté notre droit à la situation. Elle a accru les prérogatives des magistrats spécialisés dans la lutte antiterroriste. Les perquisitions judiciaires de nuit dans les domiciles sont désormais autorisées en matière terroriste, au stade de l’enquête préliminaire et de l’information judiciaire ; le parquet s’est vu reconnaître, sous le contrôle du juge des libertés et de la détention, des prérogatives quasiment équivalentes aux magistrats instructeurs, aussi bien en enquête de flagrance qu’en enquête préliminaire.

Enfin, la loi a renforcé les dispositifs de contrôle sur les personnes pour lesquelles existent des raisons sérieuses de penser que leur comportement est en lien avec des activités terroristes. Elle a modifié le code de procédure pénale, permettant des contrôles d’identité avec, dans certains cas, l’inspection visuelle et la fouille des bagages. De plus, elle a créé une retenue administrative lorsqu’il existe, à l’égard d’une personne dont l’identité a été contrôlée ou vérifiée, des raisons de penser que son comportement est lié à des activités à caractère terroriste. En outre, elle a instauré un régime de contrôle administratif applicable aux personnes de retour des théâtres d’opérations sur le territoire national.

Par ailleurs, comme l’a rappelé le Premier ministre, l’état d’urgence se combine avec des mesures administratives de droit commun permettant de lutter contre le terrorisme, qui sont pleinement utilisées par le Gouvernement. Au 15 juillet 2016, 229 personnes ont fait l’objet d’une interdiction administrative de sortie du territoire, disposition que nous avons créée, dans la loi du 13 novembre 2014 renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme ; 158 personnes ont été visées par un arrêté d’interdiction administrative du territoire, créé par cette même loi ; 64 personnes ont fait l’objet d’un arrêté d’expulsion, notamment des individus présents dans la zone syro-irakienne. Quant au contrôle des frontières, vous l’avez rappelé, monsieur le Premier ministre, en vigueur depuis novembre 2015, il a permis de contrôler 48 millions de personnes à nos frontières terrestres, maritimes ou aériennes – 28 000 d’entre elles ont été refoulées.

Mes chers collègues, à l’heure de l’épreuve, nul ne comprendrait que nous nous privions de ces ressources. Notre responsabilité est de mobiliser tous les ressorts de notre législation, dans le respect de l’État de droit, afin de permettre aux moyens opérationnels de se déployer.

Le présent projet de loi de prorogation traduit cette résolution. Il a déjà été utilement complété en commission. Il nous appartient d’apprécier si nous pouvons aller plus loin, dans les limites des jurisprudences constitutionnelle et européenne.

C’est à cela, mes chers collègues, et rien qu’à cela, que je vous appelle ce soir, dans un esprit de construction, de sérieux, de rigueur, d’humilité, de vérité, pour travailler, au service de la protection de la France, des Françaises et des Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

Motion de renvoi en commission

M. le président. J’ai reçu de M. Christian Jacob et des membres du groupe Les Républicains une motion de renvoi en commission déposée en application de l’article 91, alinéa 6, du règlement.

La parole est à M. Christian Jacob.

M. Christian Jacob. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, à Nice, jeudi dernier, la France a été une nouvelle fois lâchement attaquée. C’est un 14 juillet, ce jour sacré où la France se rassemble, qu’un barbare a choisi pour anéantir les vies si précieuses d’innocents.

Nous avons vu croître le débat de savoir si cet assassin était un illuminé. Au-delà de son indécence quand on songe aux vies enlevées, ce débat n’a aucun sens à nos yeux. II n’a aucun sens car cet homme est un terroriste. II a préparé méticuleusement ce carnage ; il a clairement répondu à un appel au crime selon un mode opératoire préconisé et recommandé par l’État islamique.

Les Français ne comprennent pas ce débat. Ce qu’ils constatent avec colère et écœurement, c’est qu’un homme, au pedigree inquiétant, qui aurait justifié d’être expulsé de France, (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain) ait pu commettre l’irréparable. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et sur plusieurs bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.)

Cette rage, dont vous avez mesuré la force à Nice, monsieur le Premier ministre, monte partout dans le pays. Notre devoir, aujourd’hui, collectivement, c’est de répondre aux attentes de nos compatriotes. Quels crimes avaient donc commis tous ces innocents ? Celui d’être Français, celui d’être en France, celui d’être fidèles aux valeurs de la République, celui de vouloir, tout simplement, partager le bonheur d’un moment de communion nationale. La France vient de vivre l’un des 14 juillet les plus sombres de son histoire.

Cette tuerie de masse, parce qu’il faut bien dire les mots, perpétrée le jour de la nation, prend une résonance d’une densité et d’une profondeur inouïes. Car le 14 juillet, à Nice, comme dans toutes les communes de France, les Français célèbrent le souvenir de celles et ceux qui ont choisi de devenir libres. Ils célèbrent ensemble les valeurs qu’ils ont choisies pour leur pays et qu’ils ont offertes au monde. Ils célèbrent la liberté, l’égalité, la fraternité. Ils revendiquent leur mode de vie, que cet ennemi exècre. Enfin, ils proclament leur attachement à la nation, qui nous rassemble par-dessus tout et qui s’est construite, en France, sur le rejet absolu du communautarisme, ce poison qui divise, qui fracture, qui exclut, qui replie sur soi. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Comment accepter que, justement, ce soit ce jour de fête sacré de la patrie où tout a basculé, où des vies d’hommes, de femmes, d’enfants, de très jeunes enfants, ont été fauchées au nom d’une folie religieuse, au nom de l’islamisme radical qui n’est rien d’autre qu’une sauvagerie, qu’une bestialité et, disons-le, qu’une inhumanité ? (Mêmes mouvements.)

Cette idéologie de mort qui a fait de la France son ennemie est contraire à tout ce que nous sommes, à tout ce qu’est la France, contraire aux valeurs que nous tenons de notre triple héritage – l’héritage gréco-romain, l’héritage judéo-chrétien et la philosophie des Lumières, qui a posé les fondements de notre République. (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Ce soir, nous pensons évidemment aux Niçois. Nous pensons aussi avec tristesse à toutes les victimes des attentats, qui sont tombées le 7 janvier 2015, puis le 13 novembre 2015. Nous pensons à ce chef d’entreprise, décapité le 26 juin 2015. Nous pensons aux fonctionnaires de police qui ont été sauvagement assassinés le 13 juin 2016 devant leur enfant. Nous pensons à tous les blessés, les mutilés qui souffrent et qui ne se relèveront peut-être jamais de ce traumatisme.

La mort gratuite qui frappe au hasard est une terrible injustice. Jeudi soir, les hommes et les femmes qui ont été assassinés, ne vous y trompez pas, chers collègues, l’ont été parce qu’ils sont Français, par ce qu’ils sont la France. Comprenons bien qu’hier, c’était eux et que demain, si nous ne réagissons pas, d’autres tomberont encore.

Parce que le moment est douloureux pour tant de nos compatriotes, parce que la période est tragique pour la France toute entière, notre pays doit accepter le défi historique qui lui est lancé. Accepter ce défi, c’est combattre sans pitié : combattre à l’extérieur, combattre à l’intérieur, avec la même détermination, car c’est une même et unique guerre que nous devrons livrer.

Nos soldats sont déjà engagés sur plusieurs théâtres d’opérations extérieures. lls sont les sentinelles de notre liberté. Toute la représentation nationale mesure le poids de leur responsabilité dans la lutte contre le djihadisme. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.) Ils sont parfois bien seuls, comme au Mali : l’Union européenne devra un jour prendre conscience que nos soldats protègent la liberté de tous les Européens. (Mêmes mouvements.)

M. Claude Goasguen et M. Jean Launay. Très bien !

M. Christian Jacob. Ailleurs, en Syrie, en Irak, notamment, la question de leur participation à une grande coalition mondiale, avec tous nos alliés, avec les Russes aussi, doit être posée de manière pragmatique, avec un seul souci, celui de l’efficacité et de la priorité de nos intérêts stratégiques. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Nous continuons de penser que le Président de la République doit réorienter la diplomatie française et que la Russie, dans la lutte contre l’islamisme, est incontournable. (Mêmes mouvements.) Combattre, c’est aussi prendre conscience qu’une guerre commande un effort de guerre décuplé. Au moment où nos forces de sécurité et nos militaires de l’opération Sentinelle sont suremployés, cela doit être notre priorité politique, opérationnelle et budgétaire. Les mots ont un sens : la guerre, c’est l’anéantissement, c’est l’éradication. Ils ont manifestement un sens pour notre ennemi. Ils doivent avoir un sens pour la France, pour son gouvernement, pour son Parlement. Allons-nous mener cette guerre ? Avons-nous pris la mesure du défi ? La France a-t-elle compris que cette guerre est une guerre à mort qui nécessite de prendre enfin des mesures radicales, et non de baisser la garde ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. Michel Ménard. Elle a été baissée avant !

M. Christian Jacob. Approuvons-nous la prorogation de l’état d’urgence, d’un état d’urgence qui protège vraiment ?

Au regard de l’intensité de la menace et des informations dont le Gouvernement n’a pas pu ne pas être destinataire, on ne comprend d’ailleurs pas que le Président de la République ait envisagé, jeudi, en début de journée de suspendre l’état d’urgence. (« Nul ! » sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain. – Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Mme Pascale Crozon. C’est incroyable !

M. Christian Jacob. Peut-être s’expliquera-t-il sur ses raisons. À défaut, monsieur le Premier ministre, c’est à vous, en tant que chef du Gouvernement, de nous donner des explications. Nous approuvons la poursuite de l’état d’urgence renforcé car nous pensons que, parfois, les circonstances imposent de restreindre certaines libertés le temps qu’il faut, et aussi longtemps que la sécurité des Français l’exige.

Cela signifie que nous demandons la possibilité de perquisitions administratives, avec des saisies informatiques, des contrôles d’identité, des fouilles de véhicules et de bagages. Nous demandons l’expulsion de France de tout étranger ayant des connexions avec un groupe terroriste. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. Philippe Vigier. Oui !

M. Christian Jacob. Nous demandons solennellement la fin des réductions de peines pour les individus condamnés pour terrorisme. (Mêmes mouvements.)

Nous demandons aussi la fermeture immédiate, par les préfets, des mosquées salafistes dans lesquelles nos valeurs sont piétinées (Mêmes mouvements), dans lesquelles les lois religieuses s’imposent aux lois de la République. C’est là que la République doit prouver qu’elle est partout chez elle. Elle doit refuser ces zones, qui ne sont même plus de non-droit mais d’un autre droit, d’un droit que nous ne voulons pas, que nous n’acceptons pas, en France. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et sur plusieurs bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.)

M. Jacques Bompard. Bravo !

M. Christian Jacob. Nous demandons enfin l’interdiction des manifestations quand les préfets considèrent qu’ils n’ont pas les moyens d’en assurer la sécurité. À ce stade, je constate que votre projet de loi, à l’issue du débat en commission, est encore insuffisant. Nous souhaitons que le débat dans l’hémicycle permette d’aller plus loin.

Monsieur le Premier ministre, c’est le discours que nous tenons depuis dix-huit mois, sans relâche. Depuis dix-huit mois, nous avons été présents, à vos côtés, pour combattre le terrorisme, toujours présents, même quand nous pensions que cela n’allait pas assez loin. Après Charlie Hebdo, après le Bataclan, après Bruxelles, nous avons dit qu’il faut avoir le courage de dire aux Français, même si c’est difficile, que l’éradication des djihadistes commande de prendre des mesures d’exception.

Nous avons été constructifs, notamment au cours de la commission d’enquête, présidée par Georges Fenech.

Un député du groupe socialiste, écologiste et républicain. Qui avait pour rapporteur Sébastien Pietrasanta !

M. Christian Jacob. Elle a fait des propositions de bon sens, que votre ministre de l’intérieur, comme souvent, a balayées d’un revers de main. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Nous pensons que c’est une erreur car, à circonstances exceptionnelles, après plusieurs centaines de victimes, une législation d’exception s’impose. Elle devrait déjà être mise en application. Elle ne l’est pas et permettez-moi de vous dire, monsieur le Premier ministre, que c’est de moins en moins justifiable.

Le 22 juin, dans votre bureau, avec vos ministres de l’intérieur et de la justice, avec mes collègues Éric Ciotti et Guillaume Larrivé, j’ai réitéré nos propositions, que je vous rappelle.

Ces propositions incluent d’abord la rétention des individus repérés comme dangereux, dans deux cas de figure bien précis. En premier lieu, à leur sortie de prison car, franchement, comment imaginer que ce qui est en vigueur et possible pour les délinquants sexuels ne le soit pas pour des individus clairement radicalisés ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

En second lieu, à leur retour du djihad – quand, malheureusement, ils reviennent : le simple contrôle administratif prévu dans votre dernière loi n’est pas suffisant. Nous réclamons une assignation en centre fermé, car le séjour intentionnel sur un théâtre étranger d’opérations terroristes est pour nous une preuve suffisante d’extrême dangerosité. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains. MM. Rudy Salles et Jacques Bompard applaudissent.) Faire le djihad est un crime, monsieur le Premier ministre, et il doit être puni comme tel !

Le procureur Molins a lui-même admis que depuis le départ de Mme Taubira, la politique pénale avait évolué et s’était durcie s’agissant du djihad franco-syrien. (Vives exclamations sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain. – Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. Jean-Christophe Cambadélis. C’est pathétique !

M. le président. S’il vous plaît, chers collègues !

M. Christian Jacob. Nous nous en félicitons, mais il faut aller plus loin en mettant en place des mesures de rétention dès le retour du djihad.

Notre deuxième série de propositions concerne le suivi et le contrôle des fichés S. Votre majorité, depuis des mois, se retranche derrière des arguments juridiques sans réels fondements. Que les fichés S en matière de terrorisme ou les individus identifiés comme constituant une menace pour la sûreté de l’État ne puissent pas être privés de liberté, c’est incompréhensible pour les Français ! (« Bien sûr ! » sur les bancs du groupe Les Républicains.) Vous pouvez évoquer toutes les jurisprudences que vous voulez et les avis du Conseil d’État autant que vous voudrez, cela ne convaincra jamais les Français ! Il faut d’urgence bâtir un arsenal juridique de mesures coercitives sur la base d’un fichier S vraiment opérant et centré sur les islamistes radicaux. La France doit pouvoir, pour protéger les siens, enfermer les plus dangereux, les surveiller par bracelet électronique et assigner à résidence, durant l’état d’urgence ou hors état d’urgence, tous ceux sur lesquels un doute sérieux existe.

M. Claude Goasguen. Très bien !

M. Christian Jacob. Nous avons aussi proposé des mesures pour nos prisons qui sont devenues des pépinières de djihadistes. Vous avez fait un pas en avant avec l’intégration du renseignement pénitentiaire dans les services de renseignements, mais, au-delà de la création d’unités ad hoc pour les détenus radicalisés, il est temps de légiférer sur la mise à l’isolement systématique des islamistes, avec isolement électronique. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Un mot également, à l’heure où nos policiers et nos gendarmes sont au front pour nous, sur le régime de la légitime défense. Vous avez autorisé le port d’arme hors service ; c’était nécessaire. Désormais, le régime de la légitime défense doit être assoupli. Face à un individu qui va commettre un meurtre de masse, il ne faut pas attendre qu’il ait tiré ! Les policiers de France, qui sont nos premiers protecteurs, attendent cette décision : il faut la prendre ; ils doivent pouvoir tirer avant qu’il ne leur soit tiré dessus. (Mêmes mouvements.)

Les Français comprennent que le risque zéro n’existe pas, mais ils ne vous pardonneront pas d’avoir tergiversé, d’avoir hésité, d’avoir tremblé. Toutes ces mesures sont de nature à leur prouver notre détermination sans faille.

Monsieur le Premier ministre, dans une grande démocratie comme la France, notre divergence d’analyse n’est pas une entorse à l’unité nationale ! Pour que les choses soient bien claires, l’unité nationale n’est pas finie. Ce qui est fini, c’est la gestion exclusivement compassionnelle des événements. (Vives exclamations sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.– Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Plusieurs députés du groupe socialiste écologiste et républicain. C’est honteux !

M. Jean-Luc Reitzer. C’est la vérité !

Plusieurs députés du groupe Les Républicains. Eh oui ! Des Bisounours : c’est ce que vous êtes !

M. le président. S’il vous plaît, chers collègues !

M. Christian Jacob. Ce qui est fini, c’est le temps des mots, qui ne suffisent pas à soulager la douleur des victimes et à pleurer les morts. (Mêmes mouvements.)

M. le président. S’il vous plaît ! Je vous demande de garder une certaine tenue à cette séance et d’écouter l’orateur !

M. Christian Jacob. L’opposition s’exprime, c’est notre devoir, car nous ne sommes pas d’accord avec vous sur tout. Et, monsieur le Premier ministre, lorsque quelqu’un exprime un point de vue différent du vôtre ou émet des réserves sur la politique que vous menez, ne pensez pas de manière caricaturale qu’il n’est pas à la hauteur des circonstances ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.– Protestations sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.) Être à la hauteur de la situation, c’est d’abord prendre toutes les décisions, mettre en œuvre tous les moyens que la sécurité de nos compatriotes exige.

M. Laurent Wauquiez. Très bien !

M. Jean-Luc Reitzer. Il a raison !

M. Christian Jacob. Et cela, pour une raison simple, qui résonne comme une évidence après dix-huit mois d’horreur : les Français ne supporteront plus longtemps que des innocents soient enlevés à leur famille comme si c’était une fatalité. Il n’y a pas de fatalité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Non, monsieur le Premier ministre, contre le terrorisme, on n’a pas le droit de dire que tout a été essayé. Vous avez raison de souligner que le combat sera long – mais parce qu’il sera long et difficile, et si nous voulons être dignes de la mémoire de celles et ceux qui sont partis trop vite, sans raison, il nous faut engager ce combat de manière implacable, impitoyable et sans aucun état d’âme ! (Les députés du groupe Les Républicains se lèvent et applaudissent vivement. – M. Jacques Bompard applaudit.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Pascal Popelin, rapporteur. En quelques mots, sans revenir sur le fond : il s’agit d’une motion de renvoi en commission ; j’ai donc cherché, dans l’intervention de notre collègue Christian Jacob, les arguments qui allaient dans ce sens. (Vives exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. le président. S’il vous plaît !

M. Pascal Popelin, rapporteur. Puisque je n’en ai pas trouvé, je propose que nous n’adoptions pas cette motion. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.– Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Plusieurs députés du groupe Les Républicains. Zéro !

M. Claude Goasguen. Quel brillant rapporteur !

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

Plusieurs députés du groupe Les Républicains. Prenons au peu de hauteur, s’il vous plaît !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur le président Jacob, je vous ai écouté avec attention, dans le cadre d’un débat qui m’apparaît indispensable – d’ailleurs, je n’ai jamais pensé que l’unité nationale était la négation du débat.

Plusieurs députés du groupe Les Républicains. Heureusement !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Depuis les attentats de janvier 2015, avant et après les attentats de novembre 2015, il y a eu des élections départementales, des élections régionales, des élections partielles, des débats démocratiques, des mouvements sociaux – et cela, même dans le cadre de l’état d’urgence. Je le disais tout à l’heure à la tribune : c’est la force d’une démocratie comme la nôtre que de poursuivre le débat dans un moment comme celui que nous vivons. Il est essentiel de critiquer, de proposer et de faire entendre la voix des Français, comme chacun ici, majorité comme opposition, le fait ; c’est votre rôle, et je ne le nie en aucun cas.

M. Claude Goasguen. Oh, merci !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Il ne s’agit en aucun cas d’un remerciement : c’est un simple rappel. Je comprends que l’on puisse manier dans cet hémicycle l’humour et l’ironie, mais il m’importe de souligner notre accord sur ce point.

En revanche, vous comprendrez que je ne puisse pas admettre un certain nombre des critiques qui ont été émises au cours de ces derniers jours – car c’est aussi mon rôle de rappeler ce qui a été engagé depuis 2012. Qu’il y ait une interrogation relative à ce qui s’est passé à Nice, c’est ô combien légitime : il est normal que les Français s’interrogent sur ce point ; mais, j’ai déjà eu l’occasion de le souligner et je ne suis pas le seul à l’avoir fait – c’est d’ailleurs, d’une certaine manière, ce que vous avez dit –, c’est un combat, une guerre longue, très longue, difficile, qu’il nous faut mener, et que nous menons, tant sur le théâtre extérieur que sur le théâtre intérieur.

Sur le théâtre extérieur, nous la menons avec les difficultés que l’on connaît, et en essayant d’imaginer l’après.

M. Philippe Meunier. Bla-bla-bla !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Je suis en effet convaincu que nous vaincrons en Irak et en Syrie. Il faut que la coalition poursuive son travail, l’intensifie. Tel est le sens de la réunion qui aura lieu demain et après-demain à Washington et à laquelle le ministre de la défense et le ministre des affaires étrangères participeront. Mais il convient aussi de penser à la suite, car ce que nous vivons aujourd’hui, ce sont les conséquences de ce qui s’est passé il y a quelques années en Irak : c’est l’absence de vision et de pensée – non pas de la France, bien au contraire, car le président Chirac avait à l’époque pris une décision importante, sachant parfaitement ce qu’il adviendrait.

M. Jean-Luc Reitzer. Très juste !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Il ne faut pas reproduire les mêmes erreurs. Il faut penser à l’après, car on voit bien de quoi se nourrit le terrorisme, surtout sur fond de confrontations entre les sunnites et les chiites.

Pour ce qui concerne le théâtre intérieur, il faut là aussi poursuivre et intensifier nos efforts. Le profil de l’individu qui a commis cet acte ignoble le 14 juillet à Nice, un individu qui n’était pas connu des services de renseignement, qui n’était pas fiché S et qui s’est radicalisé en quelques jours il y a de cela sans doute quelques semaines – mais attendons que l’enquête fasse toute la lumière sur le sujet –, montre bien que nous devons en permanence nous adapter. Toutes les mesures, celles que j’ai annoncées ou celles que vous avez proposées, ne s’appliqueront pas forcément à tel ou tel cas ; cela signifie qu’il faut que nous soyons capables de tous nous mobiliser : non seulement, bien évidemment, de mobiliser les instruments administratifs et les instruments judiciaires, mais de mobiliser l’ensemble de la société. Je suis moi aussi l’élu de ces quartiers, et je sais que nous devons intensifier, outre le travail éducatif et social, le travail de police et de renseignement au cœur même de ces quartiers, de manière à poursuivre la lutte contre la radicalisation et éviter le basculement d’une partie de la jeunesse dans le fondamentalisme, dans le conservatisme, dans une vision de l’islam totalement dévoyée. Pour cela, il ne suffit pas de faire des lois ; il faut un débat de société bien plus vaste, qui ne touche pas que la France.

M. Jean-Luc Reitzer. Mais surtout la France !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Cela concerne aujourd’hui tous les pays en Europe et plusieurs pays dans le monde.

Mme Claude Greff. Il faut trouver une réponse pour la France !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Enfin, et je crois qu’il nous faut l’assumer, nous avons une divergence profonde. Non pas une divergence sur telle ou telle mesure – elles seront toutes discutées et, je le répète, le Gouvernement les regardera aujourd’hui à l’Assemblée nationale comme demain au Sénat avec la plus grande attention, car ce qui compte, c’est l’efficacité, afin de protéger les Français –, mais moi, monsieur Jacob, je ne veux pas que nos compatriotes, qui sont dans le désarroi, dans l’interrogation, dans la colère, pensent qu’une mesure en particulier pourra régler ces problèmes ! (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. le président. S’il vous plaît !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Il s’agit d’un combat de longue haleine, d’une guerre sur le théâtre extérieur comme sur le théâtre intérieur.

M. Philippe Meunier. Bla-bla-bla !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Ce sur quoi nous sommes en profond désaccord, c’est sur ceci – je l’avais déjà dit le 13 janvier 2015 et je le répète : une législation d’exception, jamais ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.– Vives exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.) Jamais, entendez-vous, monsieur Jacob : une législation d’exception, non ! (Vives exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. Claude Goasguen. La guerre, c’est une exception !

M. le président. S’il vous plaît !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Mesdames, messieurs les parlementaires de l’opposition, je reprends l’argumentation du président Jacob et je lui réponds sur le fond : souffrez que j’aille jusqu’au bout de mon propos !

M. Philippe Gosselin. Ah ça, nous souffrons !

M. Manuel Valls, Premier ministre. L’État de droit, totalement, le cadre constitutionnel, oui – et pardon de vous le dire, monsieur Jacob, mais l’avis du Conseil d’État ou l’avis du Conseil constitutionnel, pour le Gouvernement de la République, comme pour le Parlement et pour le président du groupe Les Républicains, cela doit compter ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain. – Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Plusieurs députés du groupe Les Républicains. Bla-bla !

M. Claude Goasguen. C’est la guerre !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Ce que recherchent les terroristes, c’est précisément à affaiblir l’État de droit. Eh bien, l’État de droit, nous devrons toujours le renforcer : je n’entrerai pas dans un débat qui viserait à le remettre en cause.

M. Yves Nicolin. C’est quoi, l’État de droit ?

M. Manuel Valls, Premier ministre. C’est votre droit de penser autrement, mais avec ce gouvernement, il n’y aura pas de législation d’exception, car je considère qu’avec le droit existant, nous sommes capables d’être le plus efficace possible contre le terrorisme tout en disant la vérité aux Français. Ce sera long, il y aura d’autres actes de terrorisme, mais nous gagnerons cette guerre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. le président. Sur le vote de la motion de renvoi en commission, je suis saisi par le groupe Les Républicains d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Je suis saisi de plusieurs demandes d’explications de vote sur la motion de renvoi en commission.

La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

Mme Jacqueline Fraysse. Nous ne voterons pas cette motion de renvoi en commission présentée par le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.) Celle-ci n’est en effet qu’une posture, pour ne pas dire une mascarade politicienne. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.) La réalité, monsieur Jacob, est que vous et vos amis êtes d’accord avec ce texte, et que, surtout, vous souhaitez aller plus loin vers une véritable législation d’exception. (« C’est vrai ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. Claude Goasguen. Oui !

Mme Jacqueline Fraysse. En témoignent votre demande de prolonger l’état d’urgence de six mois, alors que le Gouvernement proposait trois mois, et les propos extrêmement choquants que vous venez de tenir. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.) Nous ne cautionnerons pas cette attitude, d’autant plus indécente qu’elle intervient dans le contexte d’un drame qui frappe tant de personnes, tant de familles, et face à une situation extrêmement difficile. (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. Daniel Boisserie, pour le groupe socialiste, écologiste et républicain.

M. Daniel Boisserie. Monsieur le Premier ministre, messieurs les ministres, mes chers collègues, permettez-moi, avant tout, de vous faire part de mon étonnement. Voici cinq jours que la France est endeuillée de la plus tragique des façons. Alors que le temps est au rassemblement (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains), à la réflexion collective et à la défense de la République, le groupe Les Républicains vient de défendre une motion de procédure à des fins dilatoires.

M. Claude Goasguen. On a le droit de parler, quand même !

M. Daniel Boisserie. Cette motion de renvoi en commission, qui me paraît abusive et déplacée, n’est clairement pas à la hauteur du défi sécuritaire. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain. – Exclamations sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.) Les Français veulent des réponses efficaces et rapides. Le Premier ministre l’a rappelé, notre pays, ses valeurs, notre modèle de société sont la cible du djihadisme transnational incarné par Al-Qaïda et Daech.

Cet islamisme radical est présent en Syrie et en Irak, mais aussi en Europe, où plusieurs cellules sont actives, comme sur notre territoire. Cent soixante individus en lien avec des activités terroristes ont été arrêtés depuis le début de l’année en France, et deux projets d’attentat – M. Jacob ne l’a pas dit – ont été déjoués durant l’Euro 2016.

Les assignations à résidence, les perquisitions administratives et les saisies informatiques permettent de déstabiliser ces réseaux : cette réalité n’est contestée par personne, ni par l’ancien Président de la République, ni par le président du Sénat. Alors, mes chers collègues, je le dis à l’ensemble d’entre vous, cessons ces vaines polémiques politiciennes qui ternissent l’image de la représentation nationale. Il est de notre devoir de député de garder le sens de la mesure et d’élever le débat. Dans le contexte sécuritaire dégradé que nous connaissons, l’unité nationale est la seule réponse digne et efficace.

Ne cédons pas, surtout, aux sirènes de la division. C’est un défi civilisationnel et moral qui nous est lancé. Nous l’emporterons grâce à une union et une cohésion nationales fortes : c’est là l’honneur de la République. C’est pourquoi, en conscience, le groupe socialiste, écologiste et républicain votera contre la présente motion de renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. Olivier Marleix, pour le groupe Les Républicains.

M. Olivier Marleix. Depuis quatre ans, le groupe Les Républicains a fait preuve de responsabilité et a voté tous les textes utiles à la lutte contre le terrorisme. Ce soir, nous continuons à faire preuve de la même responsabilité : nous voterons, ce n’est pas un mystère, la prolongation de l’état d’urgence parce que c’est un outil nécessaire, mais un outil parmi d’autres seulement.

Alors oui, après le Bataclan, après Charlie Hebdo, après Magnanville, après Nice, les Français ont compris, monsieur le Premier ministre, qu’il fallait des mesures plus fortes, des mesures d’exception – osons le mot – pour préserver leur sécurité. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.) Vous êtes le seul, monsieur le Premier ministre, à ne pas les entendre.

Ces mesures, le président Jacob vient de les mettre sur la table ; mais ce soir, une nouvelle fois, vous portez la responsabilité de n’écouter personne, puisque vous avez déjà annoncé qu’elles ne vous intéressent pas. Votre échec à assurer la sécurité des Français aurait dû amener votre gouvernement, aurait dû vous amener, monsieur le Premier ministre, à une autre attitude que l’enfermement dans l’arrogance dont vous avez fait preuve lors de votre intervention. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe Les Républicains. – Protestations sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. Jean Launay. Il ne faut pas confondre l’arrogance et la responsabilité !

M. le président. La parole est à M. Rudy Salles, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

M. Rudy Salles. Monsieur le Premier ministre, je veux revenir sur des propos que vous avez tenus au sujet de Nice. Je tiens à vous dire combien j’ai été choqué. En effet, les chiffres que vous avez donnés relativement aux effectifs de police présents sur la Promenade des Anglais le 14 juillet, pendant le feu d’artifice, ne sont pas exacts, et vous le savez. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

En tout cas, le dispositif de sécurité n’avait rien à voir avec celui qui fut mis en place pendant le carnaval de Nice en février dernier, ou encore pendant l’Euro de football. (Nouvelles exclamations sur de nombreux bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.) Un tel dispositif, vous le savez très bien, relève de la responsabilité régalienne de l’État. (« C’est faux ! » sur de nombreux bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

Vous venez de dire, monsieur le Premier ministre, que cet attentat n’aurait pas pu être évité. C’est faux. Vous avez bien sécurisé les Champs-Élysées le matin du 14 juillet : que n’avez-vous fait de même sur la Promenade des Anglais le soir du même jour ! (Vives exclamations sur de nombreux bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain. – Applaudissements sur quelques bancs du groupe Les Républicains.)

Plusieurs députés du groupe socialiste écologiste et républicain. Propos honteux !

M. Rudy Salles. Enfin, vous avez annoncé la fermeture d’un certain nombre de mosquées salafistes. Le président de la métropole et le maire de Nice vous ont demandé la fermeture d’un lieu de culte au financement douteux et aux objectifs inquiétants. Le préfet des Alpes-Maritimes a combattu la position de la ville de Nice pour permettre l’ouverture de ce lieu de culte : voilà la vérité. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains. – Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

Monsieur le Premier ministre, vos propos péremptoires nous blessent ; mais, plus grave encore, quand vous dites entendre les Français en colère, j’en doute fort. Les Niçoises et les Niçois, les nombreux touristes, qui ont été traumatisés par ce drame, n’auront pas adhéré à votre discours de ce soir. En tant que Niçois ayant vécu cette tragédie heure par heure, j’attendais de vous des propos qui correspondent à la réalité et une stratégie qui nous permette d’espérer. Je n’ai eu ni l’un, ni l’autre.

Le Gouvernement tenant dans cet hémicycle des propos contraires à la vérité (Protestations sur quelques bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain) et l’opposition n’ayant pas été respectée aujourd’hui lors des travaux en commission, le groupe UDI votera pour le renvoi du texte en commission. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants et sur de nombreux bancs du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Alain Tourret, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

M. Alain Tourret. Monsieur le Premier ministre, nous sommes saisis d’une demande de renvoi du texte en commission à un moment particulièrement important pour la France, qui est aujourd’hui au bord de la crise de nerfs.

La France a peur ; elle a peur parce qu’elle ne voit pas de limites aux agissements et aux attentats dont elle est actuellement victime. Hier, ils ont fait 140 morts, et plus récemment encore, 84. Désormais, nous dit-on, c’est la guerre, et de tels attentats sont encore possibles.

Alors, qu’est-ce que les Français attendent ? Ils attendent de nous, mes chers collègues, que nous soyons rassemblés ; ils attendent de la dignité, ils attendent d’être écoutés. J’ai écouté le président Jacob et les propositions qu’il a formulées. Je ressors de la commission des lois, et je dois dire que notre groupe étudiera chacun de vos amendements, l’un après l’autre, et en votera un certain nombre. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.)

Nous estimons en effet qu’il est indispensable de se réunir ; et l’on ne peut se réunir sur les thèses de l’un ou de l’autre : on doit le faire sur les thèses de l’un et de l’autre. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste et sur de nombreux bancs du groupe Les Républicains.)

Je le dis à mes amis socialistes : il est indispensable d’écouter l’opposition ; je le dis à l’opposition : il est indispensable de nous rassembler, car c’est ce qu’attendent les Français. Les Français exigent de nous rassemblement et dignité. Alors, donnons-leur enfin satisfaction.

Le groupe Les Républicains demande le renvoi du projet de loi en commission : quelle utilité ? Le renvoi en commission signifierait la fin de l’état d’urgence puisque celui-ci doit s’arrêter le 26 juillet. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.) Comprend-on bien que le renvoi en commission donnerait satisfaction à ceux contre qui nous luttons ? Ce serait là une erreur complète. Ne serait-ce que pour éviter de tomber dans un tel piège, notre groupe votera bien entendu contre la présente motion. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste et du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. le président. Je mets aux voix la motion de renvoi en commission.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants368
Nombre de suffrages exprimés364
Majorité absolue183
Pour l’adoption145
contre219

(La motion de renvoi en commission n’est pas adoptée.)

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, messieurs les ministres, mes chers collègues, au soir de notre fête nationale, une nouvelle fois, le terrorisme aveugle a frappé des innocents. Nos pensées vont tout d’abord aux victimes et à leurs proches. À travers le visage des victimes, c’est le visage de la France et de l’humanité dans toute sa richesse et sa diversité qui a été visé par cet acte de barbarie.

Dans ce chaos, les femmes et les hommes ont su répondre à l’abomination par des élans de solidarité. De très nombreux professionnels et bénévoles se sont mobilisés pour soigner les victimes et leurs proches et leur venir en aide. Nous souhaitons ici leur rendre hommage et insister sur l’impérieuse nécessité, aujourd’hui, de poursuivre cet élan de fraternité. Aujourd’hui, plus que jamais, ne cédons pas aux appels à la haine, à la division, aux amalgames, à la violence. « Vivre dans la haine, c’est vivre au service de son ennemi », écrivait Mario Vargas Llosa.

Quelques heures après ce terrible attentat de Nice qui a fait 84 morts, dont 10 enfants, et près de 300 blessés, le Président de la République a annoncé une nouvelle prorogation de l’état d’urgence. Ce régime d’exception, déjà prolongé trois fois, n’a malheureusement rien changé à l’intensité de la menace. Depuis des mois, le pays vit sous état d’urgence. La législation sur le terrorisme et la procédure pénale a été durcie. Des soldats armés de fusils d’assaut patrouillent partout dans le pays. Les services de renseignement et les forces de l’ordre sont proches de la saturation.

La réalité s’impose à nous : les mesures de l’état d’urgence, nécessaires pour une période transitoire, ont désormais perdu leur efficacité ; d’autant plus que, l’attentat de Nice le prouve, nous allons avoir à affronter des actes isolés, non directement organisés par l’État islamique, donc impossibles à devancer malgré des modes opératoires d’une déconcertante facilité logistique.

Les députés du Front de gauche, pleinement conscients de la menace, considèrent qu’une nouvelle prorogation de ce régime d’exception n’est pas la bonne solution. Parce que nous pensons qu’il n’est pas un outil comme les autres, nous nous opposerons majoritairement à ce projet de loi, avec courage et responsabilité.

Notre conviction s’appuie, malgré la persistance d’une menace terroriste protéiforme, sur la nécessité de ne pas proroger indéfiniment des mesures d’exception qui, dans la durée, ne se révèlent pas plus efficaces que notre droit commun. En dépit de l’émotion et de l’effroi qui saisissent chacun d’entre nous, il faut avoir le courage politique de sortir de l’état d’urgence et de mettre fin à ce régime d’exception attentatoire par nature aux libertés et aux droits fondamentaux. Le maintenir ne changera rien et ne nous prémunira pas des attaques terroristes, nous venons d’en faire la douloureuse expérience.

Ne cédons pas à la facilité. Prolonger, dans ces circonstances, l’état d’urgence est un signe d’impuissance. Ne laissons pas les Français se démoraliser et se résigner. Comme le souligne le sociologue Michel Wieviorka, et comme l’histoire le prouve, « les phases de lassitude sont dangereuses, parce qu’elles génèrent des pulsions violentes, des appels à l’autorité. Ce phénomène est déjà à l’œuvre en France, avec la montée des populismes et la droitisation générale. »

Alors, tirons les leçons de l’histoire et luttons pour ne pas laisser notre pays sombrer progressivement dans un État sécuritaire, autoritaire, voire arbitraire. Donnons-lui la force et l’énergie d’affronter les terroristes et de contrecarrer leur plan en portant haut les couleurs de notre État de droit. Cela suppose, en premier lieu, de sortir de l’état d’urgence.

Le ministre de l’intérieur vient de déclarer en commission que l’état d’urgence n’empêchait pas les attentats. Le Président de la République lui-même l’avait reconnu quelques heures avant l’attaque sanglante de Nice. Il déclarait : « On ne peut pas prolonger l’état d’urgence éternellement. Cela n’aurait aucun sens. Cela voudrait dire que nous ne serions plus une République avec un droit qui pourrait s’appliquer en toutes circonstances. L’état d’urgence, cela fait partie des situations exceptionnelles. » Il disait vrai. Notre arsenal antiterroriste est aujourd’hui largement suffisant. Il a d’ailleurs été maintes et maintes fois remanié et complété, durci, parfois même, pensons-nous, de manière abusive, afin de l’adapter aux nouvelles formes de terrorisme. Il nous faut donc nous appuyer sur notre législation de droit commun pour affronter, de manière réfléchie et sur le long terme, le terrorisme international et intérieur. Malgré l’émotion qui nous assaille aujourd’hui, cessons de considérer qu’il y a un risque à sortir de l’état d’urgence.

Aujourd’hui, l’enjeu réside moins dans le renforcement de l’arsenal répressif que dans celui des moyens humains et matériels de nos services de renseignement et de nos autorités judiciaires spécialisées. Combattre le terrorisme nécessite, avant tout, un accroissement des effectifs de police et de renseignement, des douanes et de la justice. À cet égard, les critiques et surenchères de la droite apparaissent d’autant plus indécentes que sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy – faut-il le rappeler ? – ce sont plus de 12 000 postes dans la police et la gendarmerie qui ont été supprimés pour des raisons d’économies. Rappelons également l’échec de sa réforme du renseignement, qui a durablement désorganisé celui-ci. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

Le respect du deuil bien évidemment, mais aussi l’intérêt de notre pays, menacé plus que jamais par les divisions sociales et la désunion nationale, imposent de ne pas s’engager dans des polémiques et des tractations politiciennes.

M. Éric Straumann. Les polémiques, c’est vous qui les faites !

M. André Chassaigne. En écoutant Christian Jacob, je pensais au si beau « Discours à la jeunesse » de Jean Jaurès, qui appelait à « ne pas subir la loi du mensonge triomphant » et à « ne pas faire écho […] aux huées fanatiques ».

Face au fléau que constituent les attaques terroristes à répétition, il faut au contraire faire preuve de courage et de responsabilité pour choisir une autre logique que la seule logique sécuritaire. Ne reprochez pas à vos successeurs d’échouer là où vous avez vous-même échoué, mes chers collègues de droite. La riposte sécuritaire ne peut être promue comme le cœur de l’action politique. Faute de quoi, le peuple aura raison de pointer l’incapacité des gouvernements qui se succèdent. Face à cette succession de massacres, d’« actes de barbarie absolue » pour reprendre des mots du Président de la République, il est plus que temps de faire preuve de sang-froid et de lucidité.

Cela suppose d’étudier, de comprendre et de concevoir, enfin, des réponses globales qui s’inscrivent dans une démarche de prévention pour conjurer, à terme, le terrorisme comme mode d’action politique, objectif bien plus légitime que celui d’éradiquer des ennemis avec des moyens qui ne feront que les multiplier. Sans cette introspection, sans cette réflexion, le terrorisme a de beaux jours devant lui. La lutte contre le terrorisme dans l’urgence, donc la lutte à courte vue, permettra de déjouer un attentat quand, dans le même temps, d’autres se prépareront et atteindront leur but.

Parce que l’état d’urgence doit être seulement considéré comme un nécessaire moment transitoire, parce qu’on ne peut pas justifier les abus comme étant des effets collatéraux acceptables dans un État de droit, parce que notre droit commun nous fournit les outils juridiques nécessaires pour lutter contre le terrorisme, nous devons sortir de l’état d’urgence et penser une réponse globale pour prévenir, de manière pérenne, la menace terroriste qui pèse sur notre pays.

M. Éric Straumann. Comment, alors ?

M. André Chassaigne. À l’intérieur de nos frontières, il y a urgence à mettre en place des réformes efficaces. D’abord pour empêcher de nouveaux recrutements sur notre territoire. La déradicalisation est indispensable sur le court terme. Empêcher la radicalisation l’est encore plus sur le moyen terme. Il faut actionner tous les leviers, de l’école au monde du travail en passant par la culture et l’éducation populaire pour ne plus fournir de chair à canon à Daech.

Le combat contre le terrorisme nécessite une stratégie claire, globale et collective contre Daech et tous les combattants djihadistes. Riposter à la violence terroriste par la seule voie militaire, et sans stratégie politique visant le retour de la paix et le développement de toute la région, serait une erreur grave et permettrait à Daech d’atteindre ses buts de guerre.

Faut-il rappeler l’exemple américain après les attentats du 11 septembre ? L’invasion de l’Irak a conduit à l’entière déstabilisation de la région, qui se prolonge jusqu’à aujourd’hui. Nous l’avons dit à maintes reprises et je le redis sans esprit polémique, nous payons aujourd’hui les inconséquences de la politique française au Moyen-Orient depuis de nombreuses années.

M. Malek Boutih. C’est incroyable ! Vous n’allez tout de même pas nous reprocher de ne pas avoir fait la guerre en Irak !

M. André Chassaigne. Le Gouvernement doit aujourd’hui expliquer clairement à nos concitoyens les tenants et les aboutissants de notre politique internationale. Comment affirmer, d’un côté, que nous sommes en guerre, et, de l’autre, laisser croire ou penser qu’il est possible de gagner cette guerre sans déplorer de victimes sur notre territoire ? Depuis 2011, pas moins de quatre opérations extérieures ont été lancées par les présidents Hollande et Sarkozy – Libye, Mali, Centrafrique, et maintenant sur le territoire Irako-Syrien – sans que les objectifs aient été clairement définis, sans que leur opportunité ait été débattue, sans que l’impact, l’utilité et les bénéfices aient été examinés. (Protestations sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. Jean Launay. Quel amalgame !

M. André Chassaigne. Sur le terrain extérieur, les opérations militaires combinées menées par la coalition ont marqué des points. C’est un fait incontestable s’agissant de la destruction des infrastructures matérielles de l’État islamique. Mais ces opérations ne peuvent suffire dans la mesure où elles ne sont pas reliées à des opérations diplomatiques de grande envergure pour contraindre tous les acteurs du double jeu, en particulier l’Arabie saoudite, le Qatar et la Turquie, à cesser d’instrumentaliser cette organisation terroriste pour leurs secrètes visées d’hégémonie régionale et de consolidation de leur régime.

Certes, face à cette impasse – je dis bien : cette impasse – où nous avons été précipités, nous ne pouvons désormais renoncer à frapper militairement le fanatisme à la source. Pour autant, il incombe au Gouvernement de ne pas intensifier ses frappes aveuglement. Il doit œuvrer en parallèle à la mise en place d’une forte coalition sous l’égide de l’ONU. Les actions militaires et diplomatiques doivent être menées de concert. Nous appelons depuis plusieurs mois notre diplomatie à contribuer à rassembler la communauté internationale par l’ouverture de négociations incluant les puissances régionales et internationales. Sans cela, nous allons nous laisser entraîner plus loin encore dans le précipice où l’État islamique nous mène avec délectation.

Il faut également bâtir des stratégies pour terrasser notre ennemi en asséchant ses mannes financières colossales. La mission d’information de notre assemblée sur les moyens de Daech, qui présentera ses conclusions dès demain, va probablement soulever des questions quant à l’utilité d’une riposte uniquement militaire. Espérons que ses travaux ne seront pas ignorés, comme ce fut le cas jusqu’à ce soir des propositions de la commission d’enquête relative aux moyens mis en œuvre par l’État pour lutter contre le terrorisme.

Nous devons enfin remettre en cause les compromis passés avec les puissances fondamentalistes de la région au prétexte qu’elles sont économiquement libérales. Je le dis avec gravité, nous ne serons pas en mesure d’offrir la sécurité légitime à laquelle notre peuple aspire sans résoudre ces questions qui vont bien au-delà de nos frontières. Le Mahatma Gandhi nous donnait l’alerte : « À appliquer la loi de l’œil pour l’œil, l’humanité finira aveugle. » Soyons attentifs à ne pas tomber dans ce piège tendu par Daech. Ne laissons pas triompher les passions sécuritaires et les divisions identitaires. La détermination à combattre le terrorisme oblige à agir avec lucidité et sang-froid dans le respect de nos valeurs progressistes et humanistes.

C’est cette détermination qui conduira ce soir la majorité des députés du Front de gauche, et au-delà d’autres progressistes de cette assemblée, à refuser la prolongation de l’État d’urgence. (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. Bruno Le Roux.

M. Bruno Le Roux. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mes chers collègues, je tiens à saluer à mon tour la mémoire des victimes de l’attentat de Nice et à adresser mes pensées à celles et ceux qui luttent aujourd’hui pour la vie.

Cet attentat nous rappelle, tristement mais malheureusement sans ambiguïté, que nous sommes en guerre. C’est une réalité qui s’impose de nouveau tragiquement à nous.

Nous l’oublions mais chaque jour, chaque nuit, au sein de la coalition internationale dans laquelle la France est engagée, nous bombardons les positions de Daech, les faisant reculer. Nous ne le savons pas toujours mais régulièrement, nos services de renseignement déjouent des projets d’attentat sur notre sol. Cette guerre, nous la conduisons bel et bien et Daech la conduit également, cherchant par tous les moyens à nous frapper.

C’est ce qui s’est passé à Nice le 14 juillet, jour de notre fête nationale.

Alors il faut se poser la seule question qui vaille : quels sont les buts de guerre de Daech ?

Si l’on met de côté le califat qu’ils veulent installer au Levant, les dirigeants de Daech veulent trois choses.

En premier lieu, ils veulent, pas à pas, drame après drame, que nous abdiquions nos principes démocratiques et le régime des libertés publiques qui est le nôtre. Ils veulent que l’effroi et la terreur nous conduisent à remettre en cause ce que nous sommes, notre système de valeurs, notre manière de vivre et de penser. Ils veulent que la seule lecture que nous puissions avoir du vivre ensemble le soit à l’aune de la menace terroriste.

Ensuite, ils veulent épuiser nos forces de l’ordre par une menace permanente, qui exige une vigilance de tous les instants et qui mobilise sans discontinuer tous nos effectifs. Je me félicite à ce titre du renforcement et de la mobilisation de la réserve opérationnelle, qui a vocation à épauler nos unités professionnelles et à mobiliser la Nation autour de l’objectif du combat contre les terroristes.

Enfin, ils veulent créer un climat de guerre civile, des affrontements, une dislocation du ciment national au bénéfice d’une lecture religieuse de la société. Ils veulent atteindre la laïcité et conduire les musulmans de France à penser qu’ils n’ont pas de place dans notre société, comme ils veulent conduire les non-musulmans à penser que les musulmans de France n’ont plus leur place dans la République. Daech attise toutes les radicalités pour mieux conduire à l’affrontement et à l’affaissement du système de valeurs qui fonde notre société.

C’est en fonction de ces trois objectifs qu’il faut comprendre les appels aux meurtres lancés par Daech, et c’est à partir de là que nous devons organiser notre riposte.

Ne nous trompons pas, mes chers collègues. Ne tombons pas dans le piège ! Tout ce qui participe d’une surenchère sécuritaire, tout ce qui conduit à diviser les Français, tout ce qui conduit à exacerber les tensions, à malmener le corps social, participe des visées de Daech.

Que penser, je le dis ici, de ces réactions tombées quelques minutes seulement après le drame, alors que très peu d’éléments étaient établis, alors que des familles étaient encore en attente des nouvelles de leurs proches ? Que penser de ces déclarations à l’emporte-pièce venant de responsables politiques, ne respectant aucun délai de décence, aucune pudeur, aucune limite,…

M. Éric Straumann. Holà ! Doucement !

M. Bruno Le Roux. …et dénotant une absence totale de sang-froid, ou alors le cynisme le plus total. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

Épargnons aux Français ces coups de menton dans le vide et cette manière obscène de se pousser du col quand se produisent de tels événements ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. Éric Straumann. Un peu de mesure !

M. Bruno Le Roux. Nous sommes à un moment charnière de notre histoire nationale. Le pays est fragilisé par ces drames répétés. Il sait que la menace à laquelle nous devons faire face est protéiforme, difficilement repérable, qu’elle ne s’encombre d’aucune trace d’humanité et qu’elle peut s’abattre à tout moment. Le pays a compris ce que nous vivons.

Dans ce contexte-là, nous n’avons pas le droit, au risque de réveiller ce qu’il y a de plus sombre et de plus nauséabond dans notre société et notre histoire nationale, de manquer au double devoir de vérité et de responsabilité.

Nous n’en avons pas le droit ! Être républicain, ce n’est pas une étiquette. C’est une exigence, que l’on ne peut pas mettre entre parenthèses au nom de je ne sais quelle considération partisane ou au nom de quelque primaire qui peut s’organiser dans un camp, fût-ce un camp républicain ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

Mes chers collègues, nous allons vaincre Daech, c’est inéluctable ! Le Premier ministre a rappelé la réalité de l’engagement de notre pays.

M. Éric Straumann. C’est nul !

M. Bruno Le Roux. Ce qui est nul, ce sont vos réactions, mesdames, messieurs, après cet attentat, et votre indécence, ce soir, à vous mettre à l’abri derrière une motion de renvoi en commission. Voilà ce qui est indécent et irresponsable ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

Sur le plan militaire, nous menons la bataille contre Daech, comme nous la menons sur le plan intérieur. Et parce que les choses doivent être dites – et je le dis devant vous, monsieur le ministre de l’intérieur – je veux rendre hommage aux forces de l’ordre, les assurer de notre reconnaissance (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain et sur plusieurs bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants), et remercier les militaires de l’opération Sentinelle, les forces de polices et de gendarmerie, l’ensemble des personnels mobilisés contre le terrorisme. Et je regrette, là encore, que les jugements à l’emporte-pièce aient laissé à penser que leur engagement n’était pas total. Je sais que cela les a choqués et je veux les assurer de notre profond soutien pour l’action qui est la leur.

Le Gouvernement, le Premier ministre l’a rappelé, a engagé dès 2012 les moyens nécessaires pour renforcer la sécurité des Français.

J’ai entendu le président Sarkozy dire que la question des effectifs ne faisait pas tout et que seule la détermination comptait. Eh bien, je veux lui dire ce soir que la détermination plus des effectifs supplémentaires, c’est mieux et certainement plus efficace que la baisse des effectifs qu’il avait lui-même décidée et planifiée. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. Éric Straumann. Combien y a-t-il eu d’attentats pendant la présidence de Nicolas Sarkozy ?

M. Bruno Le Roux. Nous avons, et nous l’assumons totalement, voté trois lois anti-terroristes et une loi sur le renseignement qui permettent de condamner les individus qui rentrent des camps d’entraînement au djihad, de prononcer des interdictions de sortie et d’entrée sur le territoire, de bloquer les sites de propagande, de mettre sur écoute les suspects.

Nous avons mis en place un plan de lutte contre la radicalisation qui permet d’expulser les prêcheurs de haine et grâce auquel les familles inquiètes peuvent signaler la dérive de leurs enfants.

La prorogation de l’état d’urgence, renforcée par les dispositions contenues dans ce projet de loi – je pense notamment aux relevés des données numériques – s’inscrit dans la mobilisation qui est la nôtre.

Nous avons, ensemble, le devoir de faire progresser notre sécurité. Nous devons apprendre de chaque événement et ne pas reprendre sans cesse les mêmes débats, qui sont totalement dépassés.

L’assassin de Nice n’était pas fiché S. Pourquoi alors faire sans cesse comme s’il l’avait été, au risque d’être dans le déni de réalité ? Il ne portait pas une ceinture d’explosifs, mais a utilisé un engin comme arme par destination. Nous devons réfléchir en tenant compte de cette réalité et anticiper les nouveaux modes opératoires terroristes.

J’en ai longuement discuté avec Jean-Yves Caullet cet après-midi : nous nous sommes installés dans un confort en ayant pris l’habitude de nous rendre avec nos propres véhicules au plus près des manifestations, mais il nous faut maintenant instaurer, autour de celles-ci, des périmètres d’inaccessibilité pour que l’on ne puisse plus y accéder en voiture. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.) Nous allons devoir adopter un nouveau mode de fonctionnement : telle est la leçon de ces attentats. De la même manière, cela ne choque plus personne aujourd’hui de devoir passer sous un portique pour accéder à un stade de football ou à un grand magasin. Nous devons donc nous adapter à cette menace.

Enfin, je veux remercier le Président de la République, le Premier ministre, le ministre de l’intérieur, le ministre de la défense et le ministre de la justice pour la dignité avec laquelle ils font face et le devoir de vérité auquel ils s’astreignent, qui ne sacrifie ni le droit ni nos valeurs aux nécessités de la lutte anti-terroriste.

La bataille que nous menons contre Daech est aussi une bataille culturelle et idéologique qui exige la mobilisation de la société tout entière. C’est en retissant les liens sociaux là où ils sont distendus que nous arriverons à mieux repérer les individus fragiles et susceptibles de passer à l’acte. Et c’est surtout en étant plus forts que la peur que nous arriverons à gagner. La peur est mauvaise conseillère et nous conduit toujours sur des chemins impraticables.

J’en suis convaincu, la République repoussera la barbarie, avec ses instruments que sont le droit et la Constitution et dans le respect de ses valeurs. Il ne peut pas en être autrement. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain et sur quelques bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

M. le président. La parole est à M. Éric Ciotti.

M. Éric Ciotti. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, messieurs les ministres, ce 14 juillet 2016 restera dans l’Histoire de France une date marquée par une tache indélébile, celle du sang de tant d’hommes et de femmes fauchés sur une promenade qui est le symbole international de notre pays.

Quatre-vingt-quatre morts, dont dix enfants, plusieurs centaines de blessés, des milliers de personnes traumatisées à jamais s’inscrivent au bilan tragique de cet attentat abject.

Nice est touchée au cœur. Elle est plongée dans la peine, dans la douleur et dans le deuil. Mais c’est la France aussi qui est touchée au cœur, et au-delà c’est l’humanité tout entière qui est touchée, attaquée, visée par la barbarie djihadiste.

Je n’oublierai jamais ces images, d’une atrocité insoutenable, de la nuit de ce jeudi sinistre. Je n’oublierai jamais le regard de ces trois policiers admirables, dont une jeune femme, qui ont arrêté ce monstre avec un courage extraordinaire, au péril de leur vie. Je veux leur dire mon infinie reconnaissance et ma profonde admiration, comme je veux dire notre reconnaissance à tous ceux qui ont pour mission – mission tellement difficile et exigeante – de nous protéger. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et sur quelques bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

Je veux exprimer mon soutien à tous ceux qui ont été mobilisés dans cette épreuve, en particulier au maire de Nice Philippe Pradal et au président de la Métropole Christian Estrosi qui ont fait l’objet d’attaques indignes en ces circonstances. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

Mme Catherine Coutelle. Il faut balayer devant votre porte !

M. Éric Ciotti. Je veux remercier tous les services de secours et de santé.

Ces images nous imposent de faire preuve de gravité et de dignité dans ce débat, mes chers collègues. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.) La Promenade des Anglais, en ce soir de fête pour notre pays et pour tant de familles, s’est transformée en un long chemin tragique, ce long chemin tragique que prédisait, le 22 janvier 2015, quelques jours après Charlie, Patrick Calvar, patron de la DGSI, lors de son audition devant la commission enquête sur les filières djihadistes que je présidais.

Oui, nous y sommes. Depuis, ce sont près de 240 personnes, Français ou étrangers, qui sont tombées en France, victimes de la barbarie. Et nous sommes là à nouveau, mes chers collègues, pour la quatrième fois, afin de prolonger l’état d’urgence. Et nous sommes là, pour la dixième fois depuis 2012, pour voter un texte visant à lutter contre le terrorisme. Cette répétition, soyons-en tous conscients, suscite dans le pays une profonde colère.

Monsieur le Premier ministre, vous n’avez pas réussi à protéger les Français. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.) Ce n’est pas un procès personnel que je vous fais ; c’est un constat que nous pouvons tous déplorer.

Vous avez, à plusieurs reprises, décrit le mal qui nous ronge avec des mots justes et souligné légitimement que nous étions en guerre. Oui, vous avez raison, une guerre nous a été déclarée. Mais vous avez été incapable de mettre des actes efficaces en face de ces mots.

Aujourd’hui, monsieur le Premier ministre, il n’est que temps de changer de cap. Oui, la colère gronde dans le pays, nous l’avons ressentie ensemble hier à Nice, et cela ne présage rien de bon. Nos concitoyens sont exigeants et lucides. Ils savent que la guerre ne se gagne pas avec les armes de la naïveté. Lorsque l’État se montre incapable de protéger ses citoyens, alors c’est le contrat social qui est rompu. Lorsque le Chef de l’État n’a plus de vision, allant jusqu’à vouloir lever l’état d’urgence et baisser la garde le jour même de la tragédie, alors c’est la confiance envers ceux qui nous dirigent qui est irréversiblement brisée ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. Gilbert Le Bris. C’est honteux !

M. Éric Ciotti. Et lorsque les citoyens ne font plus confiance à l’État pour les défendre, c’est la guerre civile ou l’aventure extrémiste qui nous guette, soyons-en tous conscients ! (Mêmes mouvements.)

Au nom de l’unité nationale, notre groupe a toujours et systématiquement soutenu toutes les mesures prises, sur votre proposition, pour lutter contre le terrorisme.

M. Jean-Christophe Cambadélis. En attaquant le Gouvernement !

M. Éric Ciotti. Les neuf textes que j’ai évoqués – nous débattons du dixième – ont tous été soutenus par l’immense majorité des députés du groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.) Vous n’aviez pas eu la même attitude au moment de l’affaire Merah ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. Pascal Popelin, rapporteur. Le Parlement n’était pas en session !

M. Éric Ciotti. Mais l’unité nationale, ce n’est pas s’aligner, dans un fatalisme de circonstance, après chaque nouvelle attaque. L’unité nationale, c’est définir des priorités de dépenses pour réarmer l’État régalien, pour mieux protéger les Français.

M. Jean-Christophe Cambadélis. C’est vous qui avez supprimé des postes !

M. Éric Ciotti. Notre pays ne consacre plus que 3 % de son produit intérieur brut à ses quatre piliers régaliens – la défense, la sécurité, la justice, la diplomatie – contre 34 % pour l’État providence. Nous avons besoin de ce réarmement budgétaire, comme nous avons besoin d’un réarmement juridique pour retrouver notre souveraineté juridique, notamment par rapport à l’Europe. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.) Nous avons besoin aussi d’un réarmement moral, c’est peut-être ce qui nous manque le plus.

L’unité nationale, c’est donner les moyens aux acteurs de la sécurité de conduire la guerre sur le sol national et de défendre notre population. L’unité nationale, ce n’est pas se tromper tragiquement d’alliés pour combattre l’État islamique, comme vous l’avez fait à l’égard de la Russie. L’unité nationale, c’est donner aux citoyens la place qui leur revient dans la mobilisation civique, notamment par l’instauration d’un nouveau service national. L’unité nationale, c’est combattre le communautarisme qui gangrène nos quartiers.

Mme Claude Greff. Bravo !

M. Éric Ciotti. Nous avons perdu trop de temps. Les Français ne veulent plus d’une compassion permanente. Ils vous demandent, ils nous demandent des actes. Ils nous appellent au courage et à la détermination pour faire face, dans l’unité, aux terroristes.

Mme Claude Greff. Bravo !

M. Éric Ciotti. Pour les Français, l’unité nationale ne peut plus être un anesthésiant dissimulant l’inefficacité nationale. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. Jean-Christophe Cambadélis. Lamentable !

M. Éric Ciotti. Ce texte nous offre l’opportunité, peut-être la dernière de cette mandature, de doter enfin la France d’un cadre légal adapté à la lutte contre le terrorisme. Nous vous en conjurons, écoutez-nous enfin, sortez du cadre étroit des frontières idéologiques ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains. – Protestations sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

Pour faire la guerre aux terroristes, nous n’avons cessé de proposer des mesures précises, claires et courageuses. Le président Jacob les a rappelées : la rétention administrative pour les individus radicalisés, la prolongation de l’état d’urgence pendant un an, le rétablissement d’un contrôle strict aux frontières pour éviter que des djihadistes ne pénètrent dans notre pays, l’exigence d’un passeport biométrique pour pénétrer dans l’espace Schengen, l’interdiction de retour sur notre sol des djihadistes binationaux, la fermeture des lieux de culte salafistes et l’interdiction du financement étranger, la faculté pour nos policiers et nos gendarmes de procéder à des contrôles d’identité, des fouilles de bagages et de véhicule, en tous lieux et en tout temps.

Ce n’est pas possible aujourd’hui. Comment les Français peuvent-ils le comprendre ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Et nous avons aussi proposé l’expulsion immédiate de tout étranger signalé pour radicalisation ou terrorisme. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.) Selon vous, monsieur le Premier ministre, ces mesures seraient d’exception. Vous l’avez laissé entendre. Mais permettez-moi d’insister : la demi-mesure n’a pas sa place quand il s’agit de sauver la vie de compatriotes. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Il n’y a pas de mesure d’exception quand il s’agit de défendre notre pays et la vie de nos enfants. Nous ne pouvons avoir la main qui tremble face à ceux qui veulent signer l’arrêt de mort de notre République, de notre nation. Tocqueville écrivait qu’en politique, ce qu’il y a de plus difficile à apprécier et à comprendre c’est ce qui se passe sous nos yeux.

Monsieur le Premier ministre, je vous demande aujourd’hui de regarder la réalité en face et de prendre les mesures qui en découlent. Une fois de plus, notre groupe soutiendra avec responsabilité toutes celles qui iront dans ce sens. Une fois de plus, nous prendrons nos responsabilités. Nous serons au rendez-vous de notre devoir envers la nation. Mais ce rendez-vous n’est pas celui du soutien à la politique que vous conduisez.

Après l’attentat de Nice, nous vous enjoignons très clairement d’écouter nos propositions, celles de l’opposition républicaine...

M. Michel Vauzelle. Moyennement républicaine !

M. Éric Ciotti. …et de les soutenir. Sinon, l’histoire jugera avec une sévérité terrible ce nouveau rendez-vous manqué que vous risquez d’infliger à notre nation. (Mmes et MM. les députés du groupe Les Républicains se lèvent et applaudissent.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.

M. Jean-Christophe Lagarde. Monsieur le Premier ministre, un nouvel attentat, qui a fait quatre-vingt-quatre morts et des dizaines de blessés à Nice jeudi dernier, vous conduit aujourd’hui à demander au Parlement une quatrième prolongation de l’état d’urgence, que vous aviez décrété légitimement et utilement après les attentats de novembre 2015.

Je veux dire ici que l’ensemble des députés UDI partage l’émotion, la douleur et la colère des Français face à ce nouveau drame terrible que nous venons de vivre. Je veux aussi rappeler que, depuis le début de cette guerre livrée par une nouvelle forme de barbarie qui prend en otage la religion musulmane, l’UDI a toujours soutenu le Gouvernement dans l’effort de guerre.

M. Philippe Vigier. C’est vrai !

M. Jean-Christophe Lagarde. Qu’il s’agisse de l’intervention militaire au Mali, puis en Centrafrique, qu’il s’agisse des opérations militaires en Irak, puis un peu plus tard, un peu trop tard en Syrie, qu’il s’agisse des votes sur l’état d’urgence, qu’il s’agisse des lois sur le renseignement ou sur l’arsenal antiterroriste, l’UDI a toujours soutenu les engagements de la France et voté en faveur des textes que vous nous avez présentés, même si, et je le regrette, vous avez trop peu souvent écouté nos propositions. Je le rappelle afin que nul ne se méprenne sur le sens de mon intervention.

Nous ne vous avons jamais cherché de mauvais procès sur ce terrain. Nous ne l’avons pas fait parce que nous avons, chevillée au corps, la conviction qu’aucun enjeu politicien, aucun enjeu électoral ne doit affaiblir la position et la politique de la France, de notre pays attaqué et que, pour l’instant, vous dirigez. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants et sur quelques bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

Les échecs économiques et sociaux de votre gouvernement sont nombreux, mais il n’est pas nécessaire de nous déchirer lorsque l’essentiel de ce qui fait notre pays, de ce qui fait notre fierté d’être français, est en jeu. En temps de guerre, la France et les Français ont besoin, non d’union nationale, ce qui interdirait tout débat, mais de cohésion nationale…

M. Philippe Vigier. Très bien !

M. Jean-Christophe Lagarde. …afin que nous poursuivions tous le même objectif, même quand débat il y a, même quand celui-ci est nécessaire, notamment lorsque des failles peuvent être révélées et doivent être corrigées. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.)

Mais dans le même temps, monsieur le Premier ministre, je ne comprends pas votre proposition de prolonger l’état d’urgence. En effet, il y a moins d’une semaine, vous disiez encore que celui-ci prendrait fin le 26 juillet, une fois l’Euro et la fête nationale passés. C’est donc que vous jugiez que cet état d’exception ne vous était plus indispensable pour protéger les Français contre les attaques terroristes. C’est donc que vous estimiez que les pouvoirs exceptionnels que vous demandez aux Français, que nous représentons, n’étaient plus nécessaires à notre sécurité.

Je pense que vous aviez raison. Après avoir donné un coup de pied dans la fourmilière – c’est l’objet premier de l’état d’urgence, qui a permis de procéder dans notre pays à plus de 3 200 perquisitions administratives –, après que huit à neuf mois se sont écoulés depuis les attentats de novembre, vous avez eu le temps d’adapter notre droit normal aux défis nouveaux posés par la guerre terroriste que nous livrent les barbares de Daech.

En neuf mois, vous avez eu le temps d’effectuer toutes les perquisitions administratives qui semblaient nécessaires. En neuf mois, vous avez pu assigner à résidence les personnes qui vous paraissaient les plus dangereuses et enquêter méticuleusement sur elles. En répondant tout à l’heure, en commission, à ces objections, le ministre de l’intérieur a avancé qu’il fallait conserver l’état d’urgence « au cas où » – au cas où une de ces perquisitions permettrait d’empêcher un attentat. On peut l’entendre. On pourrait le comprendre. Vous nous demandez donc une prolongation de cet état d’exception au bénéfice du doute. Une majorité du Parlement et du groupe UDI vous l’accordera sans doute, mais cela n’enlève rien à ce qui est, à mes yeux, une erreur de méthode.

Dès le début, nous avons demandé à ce qu’entrent dans le droit normal les outils qui nous semblaient nécessaires pour combattre le terrorisme. La prolongation ad vitam aeternam d’un état d’urgence ne peut pas nous satisfaire. L’État de droit doit combattre le terrorisme et la barbarie.

Certes, je comprends que cet acte de prolongation de l’état d’urgence puisse être un symbole à défaut d’être efficace. Et je sais que les symboles sont importants en démocratie. Mais ils restent symboliques. Or nous avons besoin de bien plus pour gagner cette guerre d’un genre nouveau. Au-delà du symbole, ce dont notre pays, ce dont nos concitoyens ont besoin, c’est que nous retrouvions tous ensemble une véritable cohésion nationale.

M. Philippe Vigier. Très bien !

M. Jean-Christophe Lagarde. Celle-ci ne peut naître que d’une stratégie claire, partagée, expliquée aux Français et soutenue par une action déterminée de l’État.

Ce qui crée chez nos concitoyens une colère légitime, c’est de ne pas comprendre pourquoi nous sommes attaqués ; c’est, pour beaucoup d’entre eux, de ne même pas savoir par qui nous le sommes réellement – écoutez les gens après les attentats ! – ; c’est l’impression de subir ces attaques sans en mesurer les raisons, donc sans pouvoir les affronter dans la douleur mais avec le sang-froid nécessaire dans toute guerre.

Il manque aujourd’hui à la France une stratégie de guerre qui seule peut créer la mobilisation nationale indispensable pour l’emporter dans tout conflit. Il n’y a que des mots de guerre dans tous nos discours, mais à mes yeux, le chef de l’État n’a pas permis aux Français de comprendre cette guerre, ses conséquences, les efforts qu’elle nous impose. C’est en cela qu’à mes yeux, il ne remplit pas les missions qu’il est seul à pouvoir assumer : celles de chef des armées et de chef de la nation.

Mais je veux vous rendre justice. Il serait irresponsable de dire que vous n’avez rien fait pour combattre le terrorisme, irresponsable de prétendre qu’un changement de chef d’État et de majorité, même si je le souhaite, suffirait à faire cesser les attentats et à l’emporter. Je veux alerter de cette tribune tous les députés et tous les Français, qu’ils se situent dans la majorité ou dans l’opposition. Si la guerre contre le terrorisme devient un moyen de gagner une élection présidentielle, cette victoire se fera sur les ruines de notre pays.

M. François Loncle. Il faut le dire à Sarkozy !

M. Jean-Christophe Lagarde. Car nos ennemis, on l’oublie trop souvent ici, n’ont qu’un seul objectif, une seule stratégie : semer la division dans notre pays.

M. Pascal Popelin, rapporteur. C’est vrai !

M. Jean-Christophe Lagarde. Ils veulent allumer en France la guerre civile qu’ils ont réussi à déclarer et à propager dans leur propre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.)

C’est vrai, monsieur le Premier ministre : de nombreuses lois ont été votées pour combattre le terrorisme, mais elles ne sont que des moyens de combat nécessaires au service d’une stratégie qui hélas n’existe pas. Pour preuve, qui connaît cette stratégie ? Qui l’a partagée ? Qui l’a débattue ? Qui l’explique à nos concitoyens ? Et cela, en période de guerre, relève autant de la responsabilité de l’opposition que de celle de la majorité.

Mme Pascale Crozon. Très bien !

M. Jean-Christophe Lagarde. Contrairement à ce que j’ai entendu ces derniers jours, nous n’avons pas affaire à une guerre totale, comme celle qu’ont connue nos aïeux en 1914-1918 ou en 1939-1945, lorsqu’un ennemi connu, parfaitement identifié et compris par les Français tentait d’envahir notre territoire, de faire disparaître notre pays et notre République. Ici, il nous faut livrer une guerre asymétrique, donc une guerre globale.

Pour répondre à l’angoisse et la colère des Français, la première question à laquelle vous devriez répondre est : d’où vient cette guerre ? La réponse est pourtant simple. Daech est le fruit de l’intervention des États-Unis d’Amérique en Irak en 2003, de la destruction du régime baasiste à laquelle le Président Chirac s’était opposé, comme nombre d’entre nous ici.

M. François Rochebloine. Oui !

M. Jean-Christophe Lagarde. Les cadres évincés du régime baasiste sont aujourd’hui ceux de Daech. Ils ont remplacé leur ancienne idéologie, largement laïque, par une idéologie nihiliste, qui prend prétexte de la religion musulmane pour organiser une révolte contre la civilisation occidentale que nous représentons et que nous partageons.

La deuxième question est de savoir pourquoi nous avons choisi de livrer cette guerre. Là encore, la réponse est simple. Elle explique pourquoi notre groupe a toujours soutenu les efforts de la France contre les Daechistes ou les pseudo-islamistes, au Mali, en Centrafrique, en Irak, en Syrie ou en Libye.

À travers les otages qu’elle égorgeait pour faciliter son recrutement, à travers ses conquêtes territoriales au Levant, à travers les massacres des minorités religieuses et des musulmans qui à ses yeux ne l’étaient pas assez, Daech ne se cache pas, dans sa propagande que personne ne lit, de viser une domination mondiale, au nom d’une vérité ou d’une loi qu’elle prétend imposée par Dieu, y compris chez nous, dans notre pays ou sur notre continent. En vérité, vous avez préféré, et vous avez eu raison, nous avons préféré, puisque nous vous avons soutenu, les combattre maintenant pour ne pas avoir à le faire plus tard alors qu’ils seraient plus forts.

La troisième question à laquelle il faut répondre en faisant partager notre analyse aux Français si nous voulons l’emporter est : pourquoi sommes-nous plus visés que d’autres ? Pourquoi la France est-elle une cible ? À cette question, il y a deux réponses complémentaires.

La première est que la vision universaliste, laïque et humaniste de la nation française leur est insupportable parce qu’elle est l’antithèse de leur idéologie nihiliste. Là où ils veulent figer les sociétés et les hommes dans une interprétation humaine de la prétendue parole d’un Dieu, nous croyons, nous, à la liberté de croire ou pas, nous croyons, nous, à l’éducation, à la science, à la culture, bref à la possibilité pour chaque homme et pour nos sociétés d’évoluer, de progresser et de s’humaniser. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants, et sur quelques bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.) C’est ce conflit idéologique qui fait de nous des cibles privilégiées.

La deuxième réponse, chers collègues de la majorité comme de l’opposition, est aussi simple. Le terrorisme ne pousse, ne grandit, ne trouve des relais que dans des sociétés en souffrance économique, sociale, éducative et morale. Tel est l’état de la France de 2016, dont votre majorité, monsieur le Premier ministre, partage la responsabilité, mais dont elle n’est pas seule responsable. C’est un défi commun que nous devons relever.

Vous n’êtes pas responsables des attentats que nous subissons et que, hélas, nous subirons sans doute encore. Mais la responsabilité de l’actuel chef de l’État est de ne pas avoir répondu à ces trois questions, de ne pas les avoir fait partager par le peuple de France, de ne pas avoir su mobiliser la nation autour de ces enjeux terribles, redoutables et nouveaux, autour d’une stratégie nationale pour y répondre. Le réarmement moral de la nation est son devoir. C’est à lui et à lui seul qu’appartient cette responsabilité. Il est temps qu’il s’en saisisse avant que nos ennemis n’atteignent leurs objectifs en créant chez nous cette guerre civile dont ils rêvent.

Monsieur le Premier ministre, pour faire naître, apparaître et partager la stratégie de guerre qui nous est nécessaire, le groupe UDI vous demande d’organiser dès la rentrée prochaine, à froid, en dehors de l’émotion et des commémorations, un débat parlementaire sur la stratégie de guerre que nous devons partager et que doit adopter notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.)

M. Jean-Pierre Vigier. Très bien !

M. Jean-Christophe Lagarde. Ensuite, chers collègues de la majorité et de l’opposition, il faudra mobiliser les Français pour servir cette stratégie.

Il y a un an, nous vous avons demandé de créer une garde nationale qui permette de rendre nos concitoyens acteurs de leur propre sécurité. Les Français sont admirables quand ils se rendent en masse donner leur sang au lendemain des attentats, lorsqu’ils souhaitent rejoindre nos forces de l’ordre épuisées et auxquelles nous rendons hommage, lorsqu’ils s’inscrivent à des formations de secourisme afin d’être utiles. Dans cette guerre, vous devez les mobiliser et leur donner les moyens de ne plus seulement être des cibles potentielles ou de futures victimes. Nous sommes des millions à être prêts à participer à la défense de notre pays, de nos concitoyens, de nos valeurs républicaines.

Nous sommes des millions à être prêts à être formés, encadrés pour contribuer à protéger ces milliers de lieux publics, de lieux de culte, de sites stratégiques, d’infrastructures de transports ou de sites de transports qui sont autant de cibles que nos forces de l’ordre ne peuvent suffire à sécuriser en permanence. Mobilisez ces Français, mobilisons-les ensemble, et nous gagnerons ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.)

Mme Patricia Adam. Très bien !

M. Jean-Christophe Lagarde. Il existe enfin, déjà, une seconde garde nationale : c’est l’éducation nationale et ses acteurs du quotidien. Car cette guerre globale, monsieur le Premier ministre, est d’abord idéologique ; et nous ne l’emporterons finalement que par l’éducation, la culture et le partage de l’histoire et des valeurs que notre vieux pays nous a offertes en héritage.

M. Paul Giacobbi. Très bien !

M. Jean-Christophe Lagarde. Où sont les explications, les débats dans les écoles, les collèges, les lycées les universités pour expliquer notre combat, ses enjeux et les efforts nécessaires ? Au-delà même de l’éducation nationale, dans toutes les administrations, dans toutes les entreprises de notre pays, vous devez créer les conditions de cette explication, de cette mobilisation, de ces débats et du partage des efforts qu’il nous faut produire dans le conflit dans lequel nous sommes engagés. C’est une condition à nos yeux indispensable pour que nos efforts sécuritaires – dont vous avez conduit une grande part – puissent être supportés par les Français, porter leurs fruits, et pour que nous l’emportions. La contrainte que cela nous impose, c’est de ne pas vivre comme si nous étions dans un pays en paix alors que nous disons tous que nous sommes en guerre. Et cela doit être compris par les Français pour pouvoir être supporté.

La France mène une guerre. Elle ne peut pas continuer à subir des attaques et à les banaliser après le temps normal – qui devrait être partagé – de la compassion et des commémorations. Les Français, monsieur le Premier ministre, savent qu’il n’y a pas de baguette magique. Notre pays se sent dépassé alors que les Français, j’en suis sûr, sont prêts à se surpasser et capables de le faire pour peu que leurs chefs les y invitent.

Monsieur le Premier ministre, dans ce quinquennat, nous apprenons tous ensemble que l’histoire est de retour et qu’elle est parfois tragique, même si nous avions préféré l’oublier. L’histoire traverse le quinquennat du président Hollande, et mon intervention au nom du groupe UDI n’a d’autre but, mes chers collègues, que d’inviter celui-ci à ne pas passer à travers de l’histoire.

La France et les Français doivent mener cette guerre et peuvent gagner cette guerre.

M. François Rochebloine. Ils le doivent !

M. Jean-Christophe Lagarde. Ils ont besoin d’être dirigés, mobilisés, rassemblés dans ce combat qu’il nous faut tous, opposition comme majorité, assumer ensemble autour d’une stratégie nationale que nous devons maintenant définir, clarifier, expliquer et faire partager par nos concitoyens. C’est ce à quoi l’UDI, au-delà du débat sur l’état d’urgence qui n’est que symbolique et technique, souhaite ce soir inviter chacune et chacun d’entre nous à participer dans les mois qui viennent. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants et sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains, du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste et du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. le président Roger-Gérard Schwartzenberg.

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, messieurs les ministres, mes chers collègues, au nom de mon groupe, je m’incline avec émotion, avec respect devant la mémoire des 84 victimes du terrorisme tuées à Nice jeudi dernier. Je veux dire ici notre compassion, notre solidarité à leurs proches et à leurs familles ainsi frappées par la tragédie.

Après Charlie Hebdo et l’Hypercacher, après le Bataclan, une nouvelle tuerie de masse atteint la France. Une fois encore, une fois de plus, le terrorisme a choisi de viser notre pays. Le tueur a voulu agir le 14 juillet, le jour où la France célèbre la liberté, la fraternité et les droits de l’homme, autant de principes que Daech rejette, autant de valeurs qu’il refuse comme incompatibles avec son intégrisme absolu. La démocratie, notre régime de liberté et de dialogue, est inacceptable pour ces ennemis de la liberté, pour ceux qui veulent imposer leurs convictions par la force, leur croyance par la violence. Désormais, le fanatisme est de retour comme aux temps les plus archaïques.

Si le terrorisme a ciblé la France à nouveau, c’est aussi parce qu’elle est une grande nation militaire, engagée en Syrie et en Irak pour faire reculer le prétendu « État islamique » et libérer les populations qu’il asservit. La France est engagée concrètement, activement dans cette coalition, sans se borner à de simples déclarations ou proclamations comme d’autres États, et je tiens à rendre hommage à nos forces militaires engagées sur ces théâtres d’opérations. (Applaudissements sur de nombreux bancs.)

Dans ces circonstances si dangereuses, le Gouvernement demande donc au Parlement une nouvelle prorogation de l’état d’urgence, et il est fondé à le faire vu la gravité des attaques et la persistance des menaces à un niveau très élevé.

Depuis la mise en œuvre initiale de l’état d’urgence jusqu’au 29 avril 2016, 404 personnes ont fait l’objet d’une mesure d’assignation à résidence. Du 14 novembre 2015 au 25 mai 2016, 3 594 perquisitions administratives ont été conduites, dont 592 ont donné lieu à l’ouverture d’une procédure judiciaire. Avec le texte qui est examiné aujourd’hui, ces perquisitions administratives vont redevenir possibles. Dans ce cadre, de nombreuses armes ont été saisies, dont des armes de guerre. D’une manière générale, l’état d’urgence a permis la détection et la désorganisation de plusieurs filières djihadistes, qui étaient prêtes à passer à l’action. Plusieurs attentats qui se préparaient ont été ainsi déjoués, et des vies ont été préservées. Tel a notamment été le cas avec l’arrestation en mars, à Argenteuil, du djihadiste présumé Reda Kriket.

L’état d’urgence a fait la preuve de son efficacité, même si celle-ci peut sans doute être encore renforcée.

Par ailleurs, le Gouvernement a fait adopter, à juste titre, plusieurs lois sur le terrorisme et sur le renseignement qui ont été promulguées les 13 novembre 2014, 24 juillet 2015 et 3 juin 2016. Cette dernière loi, en particulier, votée à une très large majorité par les deux assemblées, renforce sensiblement l’arsenal judiciaire et policier. Elle accroît donc les pouvoirs et les moyens des autorités, mais sans pour autant se situer au même niveau que l’état d’urgence de la loi du 3 avril 1955, notamment pour les assignations à résidence de personnes dont le comportement risquerait de menacer la sécurité et l’ordre public.

Notre pays est confronté à des périls et à des menaces d’une extrême gravité. Face à cela, l’État ne peut baisser la garde. Face à cela, il ne peut descendre de plusieurs crans dans l’échelle des mesures de protection de la sécurité publique. Face à cela, il doit pouvoir continuer d’utiliser les armes juridiques les plus efficaces.

Le maintien au plus haut degré de notre dispositif de lutte antiterroriste apparaît comme une nécessité évidente, car la sécurité est évidemment la première des libertés. Quand la République est attaquée, elle doit se défendre avec la plus forte détermination.

Certes, l’état d’urgence est un régime d’exception. Mais il répond à des circonstances exceptionnelles. Devant une telle succession d’attentats, l’État doit rester au niveau de protection maximal pour la population. Il faut d’ailleurs rendre hommage à nos compatriotes, qui font preuve d’un profond courage face aux risques dont ils sont menacés. Ils donnent à tous une grande, une très grande leçon de dignité, de civisme et de solidarité.

Cependant, certains acteurs politiques donnent une image caricaturale de l’état d’urgence en le présentant comme attentatoire aux libertés, alors qu’il veille à respecter l’État de droit et à s’inscrire dans son cadre. Il faut donc rappeler quelques points.

La loi du 3 avril 1955 sur l’état d’urgence a été votée à l’initiative d’Edgar Faure, alors président du Conseil, et contresignée par Robert Schuman et Antoine Pinay, qui n’étaient pas, c’est le moins qu’on puisse dire, des personnalités « liberticides ». Par ailleurs, il a déjà été recouru cinq fois à l’état d’urgence avant la période actuelle : en 1955, en Algérie ; en mai 1958, après le coup d’État du 13 mai ; en avril 1961, par le général de Gaulle, après le putsch des généraux d’Alger ; en janvier 1985, par Laurent Fabius en Nouvelle-Calédonie, avec le contreseing de Robert Badinter, garde des sceaux ; puis en novembre 2005, par Dominique de Villepin, au moment des violences urbaines dans certaines banlieues.

Enfin, la durée de l’état d’urgence sera sans doute prolongée de six mois par le présent projet de loi. Sans être brève, cette durée globale sera donc nettement plus courte que lors du putsch des généraux d’Alger. L’état d’urgence avait alors été prorogé plusieurs fois et appliqué par le général de Gaulle du 23 avril 1961 au 31 mai 1963, c’est-à-dire pendant un peu plus de deux ans. En outre, ce projet de loi prévoit qu’il pourrait être mis fin, par décret en conseil des ministres, à l’application de l’état d’urgence avant l’expiration du délai prévu.

En dernier lieu, depuis la mise en œuvre de l’état d’urgence en novembre 2015, toutes les grandes libertés publiques ont été respectées : liberté de la presse, bien sûr, liberté de réunion, liberté de manifestation politique ou syndicale. En effet, pendant cette période, un nombre très important de manifestations se sont déroulées, notamment au sujet de la loi travail. Par ailleurs, la vie a suivi son cours habituel. De grands événements sportifs, rassemblant de nombreux spectateurs, comme l’Euro 2016 et le Tour de France, ont eu lieu – et dans la tranquillité. À tous ces égards, il faut rendre hommage aux forces de sécurité, aux policiers et aux gendarmes, ainsi qu’aux militaires de l’opération Sentinelle, qui se sont tous mobilisés avec un très grand courage pour la protection de leurs concitoyens.

Par ailleurs, l’état d’urgence s’applique évidemment sous contrôle, sous strict contrôle, et cela de plusieurs manières. Contrôle du juge administratif, très vigilant, comme l’ont montré certaines décisions d’annulation ou de suspension de telle ou telle mesure par le Conseil d’État. Contrôle du Défenseur des droits, avec son réseau de délégués territoriaux, qui peuvent transmettre des requêtes. Contrôle, enfin, du Conseil constitutionnel par la voie des questions prioritaires de constitutionnalité, comme l’a montré la décision du 19 février 2016, qui concerne les copies des données informatiques lors des perquisitions administratives. Et, bien sûr, contrôle du Parlement et des groupes parlementaires, tenus régulièrement informés par le Premier ministre et les ministres concernés.

Il serait d’ailleurs très utile, comme cela avait été prévu, d’inscrire l’état d’urgence dans la Constitution. En effet, la loi du 3 avril 1955 qui lui sert de fondement a souvent été modifiée avant la plupart de ses applications et pourrait donc l’être par telle ou telle majorité du moment, s’agissant d’une loi ordinaire. En revanche, la constitutionnalisation de l’état d’urgence fixerait définitivement des garanties de fond et de procédure. Elle encadrerait très clairement ce régime de crise, en définissant avec netteté les conditions de son déclenchement et de son déroulement.

Un projet de révision constitutionnelle concernant l’état d’urgence a déjà été voté par chacune des deux assemblées. Il reste maintenant à reprendre, à poursuivre cette démarche.

Mais par-delà les règles et les procédures, notre société a surtout besoin de retrouver, de renforcer deux valeurs fondamentales de la République. La première est la laïcité, qui respecte toutes les croyances mais n’en reconnaît aucune, comme le souligne la loi de séparation de 1905. Cette neutralité de l’État entre les confessions permet à tous de vivre ensemble par-delà les diverses appartenances religieuses, qui doivent concerner essentiellement la vie privée.

De Paul Bert à Jean Zay, les radicaux ont toujours soutenu l’école publique et laïque, l’école de la République, celle qui remplit une mission essentielle : accueillir sur les mêmes bancs tous les élèves, quelles que soient leur origine, leur conviction, leur confession, qu’ils s’appellent Christian, David ou Karim.

Cette école est le creuset même de la France républicaine et l’un des principaux facteurs de son unité. La laïcité, en effet, réunit et rassemble. Elle fédère. Elle renforce la cohésion du pays. Au contraire, le communautarisme instituerait ou risquerait de conduire à une République éclatée, qui serait fragmentée en groupes distincts et séparés les uns des autres, en groupes qui tendraient à vivre repliés sur eux-mêmes. L’essentiel, c’est pourtant d’être ensemble. L’essentiel, c’est pourtant l’échange entre tous. C’est le dialogue entre ceux qui ne partagent pas nécessairement les mêmes croyances, mais qui sont avant tout des citoyens de la même cité.

Seconde valeur, essentielle et complémentaire : l’unité nationale. Dans les circonstances tragiques d’aujourd’hui, notre pays est meurtri et blessé, sous le choc des attaques, sous la menace des périls. Il fait front avec courage, avec dignité. Il fait face avec une solidarité exemplaire. Ce qu’il attend de ses représentants, ce ne sont évidemment pas des polémiques ou des querelles inutiles. Ce qu’il attend, ce ne sont évidemment pas des controverses camp contre camp. Dans les épreuves, la France est grande et forte quand elle est unie et rassemblée. Pour beaucoup, il dépend de ses députés qu’elle le soit, et c’est aujourd’hui notre devoir d’élus de la nation.

Le terrorisme veut détruire notre démocratie en cherchant à nous diviser, à nous séparer. Il n’y parviendra pas, car la France, c’est la volonté de vivre ensemble, c’est la conscience commune d’un commun destin, un destin de fraternité et de concorde. (Applaudissements sur les bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste et sur quelques bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. Yves Goasdoué.

M. Yves Goasdoué. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, messieurs les ministres, mes chers collègues, la représentation nationale dans son ensemble, et je m’y associe naturellement, apporte soutien et compassion aux familles endeuillées, aux blessés, aux personnes traumatisées. Nous avons envers ces personnes des devoirs, des obligations. Nous leur devons la vérité, c’est-à-dire que nous devons avoir le courage de leur dire que le risque zéro n’existe pas. Nous leur devons la sécurité maximale, sans pour autant renoncer aux principes de la République. Nous leur devons la dignité, qui ne réside pas dans un quelconque unanimisme, mais s’exprime lorsque les critiques et les propositions sont empreintes de hauteur de vue, d’honnêteté intellectuelle et non de considérations politiques.

L’état d’urgence n’est pas le remède instantané aux maux de notre société. La radicalisation est un processus complexe, difficile à identifier et, par là même, comme nous le savons malheureusement, malaisé à neutraliser. Les outils de l’état d’urgence ne sont qu’une partie de l’arsenal de prévention et de protection contre les violences barbares. Mais les circonstances sont si graves et la menace si forte que nous ne pouvons raisonnablement renoncer à ces outils juridiques.

Rappelons, puisque l’on entend beaucoup de discours généraux sur l’état d’urgence, en quoi consiste ce dispositif. L’état d’urgence, ce n’est pas rien. Il permet de réglementer l’activité des personnes dans des zones de protection. Il permet de maintenir chez elles des personnes dont le comportement constitue une menace grave pour la sécurité et l’ordre public. L’état d’urgence permet de dissoudre des associations ou des groupements de fait dans certaines conditions. Il permet des perquisitions de jour ou de nuit, sous le contrôle du juge administratif, voire du juge judiciaire si des infractions sont relevées. Il permettra, vous l’avez dit, monsieur le Premier ministre, dans le cadre de ces perquisitions et dans le respect de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, de capter des éléments informatiques indispensables aux enquêtes. Je suis d’ailleurs persuadé que notre rapporteur et les auteurs d’amendements ajouteront encore d’autres dispositions.

Mais l’état d’urgence est, par nature, exceptionnel. Autrement dit, nous ne vivons pas le grand soir de la réforme du code pénal ou du code de procédure pénale : nous débattons de la prorogation de l’état d’urgence, à raison de la menace qui pèse sur la France.

N’oublions jamais que nous plaçons au cœur de la lutte contre le terrorisme l’État de droit et le respect des principes fondamentaux de la République. (Murmures sur plusieurs bancs.) À cet égard, permettez-moi, mes chers collègues de me référer simplement à l’avis du Conseil d’État : la poursuite de l’état d’urgence est « nécessaire, adaptée et proportionnée et, par suite, justifiée ». Voilà pour ceux qui pensent que cela ne servirait à rien.

Un renforcement de l’état d’urgence nécessité par la menace, un état d’urgence au cœur de l’État de droit, une sortie ultérieure du dispositif rendue crédible par l’adaptation de l’arsenal juridique antiterroriste de droit commun, une mise en œuvre rendue possible par une mobilisation sans pareille des moyens financiers, techniques et humains, le tout au service de la sécurité des Français, voilà ce que votera le groupe socialiste, écologiste et républicain. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. Laurent Wauquiez.

M. Laurent Wauquiez. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mes chers collèges, la France porte à nouveau le deuil, avec son cortège de familles brisées. Depuis Charlie Hebdo, 238 compatriotes ont perdu la vie. Jamais, depuis cinquante ans, notre pays n’a connu une telle épreuve. Les Français sont en colère. Ils ne veulent plus de minutes de silence, ils ne veulent plus de défilés, ils veulent des actes. Ils n’acceptent plus de voir la barbarie de l’islamisme radical se répandre en France.

Les forces de l’ordre ont été admirables et ont toute notre reconnaissance mais, ce soir, c’est vers vous, monsieur le Premier ministre, et uniquement vers vous que l’on se tourne : le Gouvernement a-t-il pris toutes les mesures pour faire face à la menace terroriste ? (« Non ! » sur quelques bancs du groupe Les Républicains.)

Un député du groupe socialiste, écologiste et républicain. Oui !

M. Laurent Wauquiez. Cette question, en démocratie, est plus que légitime. La réponse est non. Non, monsieur le Premier ministre, vous n’avez pas pris toutes les mesures permettant de protéger les Français. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.) Il ne s’agit pas ici de juger de vos responsabilités, mais d’éclairer l’avenir et de tirer les conséquences de vos erreurs passées pour ne pas les reproduire.

Tout à l’heure, vous n’avez esquissé aucune autocritique : à vous entendre, toute votre action est irréprochable. Pourtant, la vérité, c’est que notre pays est le plus meurtri de toutes les démocraties occidentales. Les États-Unis ou Israël sont tout autant des cibles et, pourtant, déplorent moins de morts. La vérité, c’est que l’on ne comprend pas comment, lors du dernier vote, le projet de loi sur l’état d’urgence a pu être proposé sans les perquisitions. La vérité – vous qui parliez de lucidité – est qu’il est inacceptable que le Président de la République ait proposé le matin même de l’attentat d’arrêter l’état d’urgence.

Et la vérité, puisque vous avez voulu parler de chiffres, c’est que ceux-ci laissent songeurs : 11 400 fichés S, et vous n’auriez proposé que 77 assignations à résidence ! Une centaine de mosquées salafistes, et vous n’en auriez fermé qu’une dizaine ! Tant de réseaux qui prospèrent à l’ombre des mosquées, et vous n’auriez expulsé qu’une quinzaine de prêcheurs intégristes ! Une propagande islamiste qui se diffuse dans les prisons, et vous n’avez même pas généralisé l’isolement des détenus radicalisés !

L’État d’urgence ne suffit pas. La question, c’est ce que vous mettez dedans. Ce n’est pas l’état d’urgence qui compte, pour les Français, ce sont les actes. L’état d’urgence n’a de sens que s’il protège. Les Français veulent des actes, et on ne peut pas se contenter d’un Premier ministre qui déclare qu’il faut s’habituer aux attentats. C’est tout bonnement insupportable.

M. Patrick Mennucci. Il n’a jamais dit cela !

M. Laurent Wauquiez. On attend autre chose de vous. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.) On attend des mesures que nous avons proposées depuis longtemps. Les étrangers qui se rapprochent des réseaux terroristes doivent immédiatement être expulsés. Les personnes faisant l’objet de fiches S doivent être mises hors d’état de nuire, soit par bracelet électronique, soit par internement : cela relève de l’évidence et pourtant, vous avez balayé ici même ce sujet d’un revers de main, malgré nos propositions répétées ! (Mêmes mouvements.) Les djihadistes partis en Syrie ne doivent plus pouvoir revenir en France. Les mosquées salafistes doivent être fermées.

Avec Christian Jacob, nous vous avons fait dix propositions pour que cette loi ne soit pas une coquille vide. La Constitution, permettez-moi de vous le dire, ne peut servir d’alibi. S’il faut changer la Constitution pour mieux protéger les Français, eh bien changez-la ! Cela fait un an et demi que nous vous le demandons. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains. – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. Pascal Popelin, rapporteur. Vous vous y opposiez ! Quelle mauvaise foi !

M. Laurent Wauquiez. Oui, monsieur le Premier ministre, et c’est une vraie différence entre nous, nous assumons le fait de dire qu’il faut une loi d’exception pour combattre les terroristes, alors que vous avez des pudeurs pour parler de guerre.

Monsieur le Premier ministre, vous avez, je l’espère, mesuré hier, à Nice, la colère des Français, car elle était tournée contre vous.

M. Manuel Valls, Premier ministre. Vous auriez dû y aller ! Allez-y donc !

M. Laurent Wauquiez. Je ne peux pas croire que vous ne tiriez pas les leçons des erreurs passées. Vous devriez écouter la représentation nationale de façon un peu plus respectueuse. (Vives exclamations sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. François Loncle. Honteux !

M. le président. S’il vous plaît, mes chers collègues !

M. Laurent Wauquiez. Comment se fait-il que le Premier ministre ne soit pas capable d’écouter les critiques constructives qui sont faites par l’opposition ? (Mêmes mouvements.) Pourquoi n’est-il pas capable d’entendre les attentes des Français ?

M. François Loncle. Retournez à l’école !

M. le président. Je vous demande de retrouver votre calme, mes chers collègues !

M. Laurent Wauquiez. On ne peut se contenter, monsieur le Premier ministre, d’un rituel vidé de sens consistant, après chaque attentat, à prolonger l’état d’urgence. Vous ne devriez pas vous énerver, comme vous en offrez l’image ce soir. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.) Le risque zéro n’existe pas…

M. Patrick Mennucci. Prenez un miroir !

M. le président. Monsieur Mennucci, s’il vous plaît !

M. Laurent Wauquiez. …mais le danger est plus faible si les terroristes étrangers sont hors de France.

Nous vous y engageons solennellement, et nous sommes prêts à vous soutenir sur cette voie, à condition que vous adoptiez un autre comportement (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.: allez au-delà des réserves idéologiques de votre majorité, sortez des postures, monsieur le Premier ministre, dépassez les coups de menton, adoptez enfin les vraies mesures qu’impose ce que vous avez vous-même qualifié de guerre sans en tirer toutes les conséquences.

M. François Loncle. Regarde-toi !

M. le président. S’il vous plaît mes chers collègues !

M. Laurent Wauquiez. Les Français attendent des actes, et il faudra bien que nous débattions de ce qui nous a amenés là, que nous prenions le temps…

M. Patrick Mennucci. Le vôtre est écoulé !

M. Laurent Wauquiez. …de comprendre comment le désarmement pénal a pu mener à cette permissivité généralisée (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain),…

M. Alain Fauré et M. Nicolas Bays. Les cinq minutes sont passées !

M. Laurent Wauquiez. …que nous prenions le temps de nous demander si l’approche de l’éducation nationale que vous avez privilégiée est la meilleure manière de transmettre les valeurs de la République. (Mêmes mouvements et claquements de pupitres sur quelques bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.)

Ne faites pas une nouvelle loi sur l’état d’urgence pour rien.

M. le président. Veuillez écouter l’orateur, mes chers collègues !

M. Laurent Wauquiez. Il est temps que les lâchetés cèdent le pas aux actes, il est temps que la République se réarme. Si nous en sommes là, c’est aussi la conséquence de toutes vos lâchetés face au communautarisme. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Nicolas Dupont-Aignan.

M. Nicolas Dupont-Aignan. Monsieur le Président, monsieur le Premier ministre, on connaît le mot de Georges Clemenceau : « Gloire aux pays où l’on parle, honte aux pays où l’on se tait ! » Nous sommes les représentants du peuple, alors cessons de nous taire, de jouer la comédie. Combien d’attaques armées, de meurtres barbares, d’attentats ignobles faudra-t-il subir dans notre pays pour que votre gouvernement se donne enfin les moyens de vraiment protéger les Français ? Des frères Kouachi à Amedy Coulibaly en passant par le kamikaze de Nice et les monstres du Bataclan, tous les terroristes – je dis bien tous – qui ont fait couler le sang sur notre sol auraient dû, dans un pays normal, au moment de leurs crimes, soit être sous les barreaux, soit avoir été expulsés du territoire national.

Si l’on suit leur parcours, et je vous invite à aller y regarder de plus près, chers collègues, on comprend qu’ils sont passés entre les mailles du filet en raison de la faiblesse de l’État.

M. Alain Fauré. Savez-vous qu’ils sont français ?

M. Nicolas Dupont-Aignan. Oui, nous payons très cher la fin du contrôle des frontières et le système Schengen, qu’il faut supprimer. Nous payons très cher aussi la suppression de la double peine.

Mme Élisabeth Guigou. N’importe quoi !

M. Nicolas Dupont-Aignan. Dans la quasi-totalité des pays, un étranger qui commet des crimes et des délits est expulsé du territoire. Nous payons cher aussi le laxisme judiciaire de la loi Taubira, qui a outrageusement favorisé des peines alternatives jamais appliquées – une loi qui s’explique tout simplement par votre refus de construire les places de prison nécessaires.

M. David Douillet. Exactement !

M. Nicolas Dupont-Aignan. Je pourrais aussi évoquer le coût exorbitant pour la cohésion nationale, dont vous vous réclamez tant, de la complaisance de l’État à l’égard du financement étranger de nos mosquées. L’argent de l’étranger ne doit plus financer les cultes !

Nous payons cher enfin cette complaisance en matière de politique étrangère à l’égard des pays qui ont toléré le groupe État islamique et l’ont laissé prospérer. Oui, il fallait choisir entre la Syrie et l’État islamique. Vous ne l’avez pas fait, et vous avez perdu contre les deux.

M. Alain Marsaud. Très bien !

M. Nicolas Dupont-Aignan. Mes chers collègues, les terroristes islamistes sont les enfants des lâchetés des dirigeants français successifs, qui ont oublié que l’histoire se venge toujours des naïfs, des faibles, des cyniques.

Alors que faire, maintenant ? Il faudra du temps, c’est vrai, pour reconstruire un État régalien abîmé. Mais encore faut-il s’en donner les moyens. Qu’attendez-vous pour lancer un plan massif de recrutement afin de compenser la perte de 70 000 militaires, gendarmes et policiers depuis 2007 – 47 000 sous le quinquennat précédent, 22 000 sous le vôtre ?

Et avant que ces mesures ne portent leurs fruits, il est urgent d’agir. Monsieur le Premier ministre, vous avez parlé, à juste titre, de guerre mais vous ne pouvez pas la gagner car vous êtes prisonnier d’une vision idéologique de l’État de droit, de la vision idéologique sectaire de l’État de droit que partagent le Président de la République et votre majorité.

M. Michel Vauzelle. C’est la République !

M. Pascal Popelin, rapporteur. Le sectarisme de l’État de droit ? Voilà qui est intéressant…

M. Nicolas Dupont-Aignan. Gagner la guerre contre un ennemi aussi déterminé, aussi dissimulé, aussi lâche n’est pas possible dans le cadre d’un État de droit de temps de paix. C’est un non-sens absolu. Prisonnier de cette contradiction, vous vous arc-boutez en ne supportant aucune critique, ni aucune proposition alternative. Il ne s’agit pas et il n’a jamais été question d’abolir l’État de droit : il faut tout simplement l’adapter à la menace pour mettre l’ennemi hors d’état de nuire avant qu’il ne nous massacre. Tous les gouvernements de guerre de toutes les démocraties ont osé le faire.

M. Michel Vauzelle. Et pourquoi ne pas rétablir la peine de mort, tant que vous y êtes ?

M. Nicolas Dupont-Aignan. Faute de vouloir le faire, vous allez d’échec en échec. C’est pourquoi je propose par exemple l’arrestation systématique des Français qui reviennent de Syrie en vertu de l’article 411-4 du code pénal qui prévoit une peine de trente ans de détention criminelle pour les actes d’intelligence avec l’ennemi. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.) Ce sont des bombes volantes qui sont sur notre territoire ! De même, je propose comme d’autres l’assignation à résidence ou le port systématique du bracelet électronique, selon le degré de dangerosité, pour les fichés S – et bien sûr l’expulsion des étrangers fichés S. Je plaide aussi pour la création d’un centre de rétention éloigné pour les plus dangereux des djihadistes. Les cellules quatre étoiles pour nos assassins, cela suffit !

M. Jean-Michel Clément. Démagogie !

M. Nicolas Dupont-Aignan. Enfin, face à une justice engorgée, il y a urgence à prévoir pour les affaires terroristes une cour de sûreté de l’État, qui a existé à une époque. Oui, il faut mettre en place, osons le mot, une justice d’exception : procédure accélérée et aucune remise de peine possible ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe Les Républicains.)

M. Julien Aubert. Très bien !

M. Nicolas Dupont-Aignan. En conclusion, monsieur le Premier ministre, il y a tout juste un siècle, mois pour mois, dans cet hémicycle, un homme que vous admirez pourtant, Georges Clemenceau, un grand républicain, osait mettre en cause la responsabilité d’un gouvernement de guerre dont la mauvaise stratégie nous conduisait à la déroute sanglante.

M. Manuel Valls, Premier ministre. Au Sénat ! Il faut être précis !

M. le président. Veuillez conclure, cher collègue…

M. Nicolas Dupont-Aignan. Il ne faisait pas bon à l’époque rompre la fameuse unité nationale. Cependant, quand elle n’est que le prétexte à la démission nationale, c’est un devoir pour nous, les représentants du peuple, d’obliger un président de la République, par la censure de son gouvernement, à changer de politique. Quand l’ennemi, et je conclurai par ces mots, monsieur le président,…

M. le président. Oui, il faut conclure !

M. Nicolas Dupont-Aignan. …vient égorger nos enfants dans nos bras, il faut prendre les armes. Prenez garde, à force de ne pas les saisir au nom de l’État, que les Français ne les prennent eux-mêmes, dans le désordre et l’improvisation. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.) Alors commencera un cycle infernal. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.)

M. Rémi Pauvros. Scandaleux !

M. Nicolas Dupont-Aignan. Monsieur le Premier ministre…

M. le président. Merci monsieur Dupont-Aignan.

Un député du groupe socialiste, écologiste et républicain. Quel va-t-en guerre !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Moins que Wauquiez quand même !

M. le président. La parole est à M. François de Rugy.

M. François de Rugy. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, messieurs les ministres, mes chers collègues, l’attentat perpétré à Nice est d’abord un drame humain qui doit appeler tous les responsables politiques à la décence, à la lucidité et au sang-froid.

Nous avons déjà exprimé nos condoléances aux familles et aux proches des victimes. Nous le refaisons ce soir, comme nous exprimons à nouveau notre gratitude aux forces de sécurité et de secours qui nous protègent et sauvent des vies quotidiennement, dans l’anonymat, sans tambour ni trompette.

Après le temps du deuil vient le temps de l’action. Nous y sommes ce soir avec la prolongation et la modification de l’état d’urgence, que mes collègues écologistes réformistes et moi-même voterons tout à l’heure.

La décence et le respect pour les victimes auraient dû conduire les responsables politiques de l’opposition à éviter les polémiques : chacun peut émettre des propositions sans se laisser aller à instrumentaliser un drame pour alimenter une précampagne électorale. D’autres gouvernements ont été confrontés à d’autres attentats sous d’autres majorités. M. Juppé était Premier ministre quand il y a eu une vague d’attentats en France : jamais il ne nous serait venu à l’esprit de dire que s’il avait fait ce qui fallait, ces attentats auraient pu être évités. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

Nous sommes d’accord pour débattre des moyens à mettre en œuvre et de l’organisation des services de sécurité, mais se renvoyer la responsabilité des attentats, ce n’est pas digne d’une situation aussi dramatique. (Mêmes mouvements.)

Ce combat de longue haleine contre le terrorisme confrontera d’autres gouvernements à cette dure réalité. Cela devrait amener chacun à faire preuve de sobriété et d’humilité. La répétition des attentats et leur gravité inédite en France – plus de 230 morts en dix-huit mois – commande évidemment de faire preuve d’une grande lucidité face à la nature de ce terrorisme et à la réalité de la menace durable à laquelle nous avons à faire face.

Lucide, vous l’avez été, monsieur le Premier ministre, tout comme le Président de la République. Vous avez toujours eu à cœur de parler vrai en nommant les choses sans détour, et qui peut aujourd’hui contester que vous avez eu raison de le faire ?

Le djihadisme est la perversion politique fanatique de la religion de paix qu’est la religion musulmane. Des individus aux profils très variés, y compris des personnes déséquilibrées psychologiquement, y trouvent une justification et un débouché pour leur fanatisme, et utilisent à cette fin tous les moyens violents à leur disposition, y compris les plus banals. Cela doit nous amener à combattre sans faiblesse cette idéologie de mort et cette fanatisation, ceux qui la propagent, les groupes et les lieux où elle s’exprime.

Au-delà de ce combat politique, il faut aussi adapter notre arsenal de lutte antiterroriste. Faire preuve de sang-froid suppose de ne pas se laisser emporter par l’agitation politico-médiatique qui se focalise autour de quelques mesures symboliques et de n’avoir pour seule boussole que le souci d’assurer efficacement la sécurité de nos concitoyens. C’est ce que fait notamment le ministre de l’intérieur depuis le début de cette vague d’attentats, et son action mérite d’être saluée.

Le Gouvernement et le Parlement ont pris des mesures depuis 2012. Parfois, nous avons su dépasser les clivages entre majorité et opposition, et c’était une bonne chose. Développer nos capacités de renseignement, c’est ce que notre majorité parlementaire et le Gouvernement avaient décidé de faire dès 2014, avant même les premiers attentats de janvier 2015, en tirant les leçons de l’affaire Merah qui avait d’ailleurs fait l’objet d’une commission d’enquête parlementaire pilotée par les députés Jean-Jacques Urvoas et Christophe Cavard.

Nous avons voté d’autres lois et adopté des budgets qui ont augmenté les moyens des services publics de sécurité – police, gendarmerie, justice, armée – qui avaient baissé auparavant. La lucidité exige de reconnaître que ce travail d’adaptation devra se poursuivre. L’évolution et l’ampleur de la menace terroriste justifient d’adapter régulièrement nos moyens législatifs, réglementaires, humains, matériels et budgétaires de lutte contre le terrorisme. On pourra d’ailleurs pour cela utiliser les travaux de la commission d’enquête de notre assemblée conduite par Georges Fenech et Sébastien Pietrasanta.

Le 14 juillet, à Nice, comme partout en France, les Français étaient rassemblés pour notre fête nationale. Les terroristes, leurs commanditaires ou ceux dont ils se réclament ont entre autres buts de morceler la société française, de détruire ce qui fait notre force, notre unité et notre cohésion nationales. Nous défendons notre mode de vie libre et notre société ouverte et tolérante, qui sont attaqués. Préservons aussi ce bien précieux qui est une partie de notre réponse aux terroristes : leur violence et leur barbarie ne réussiront pas à semer la division au sein du peuple de France. Restons unis face au terrorisme. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. Bruno Le Maire.

M. Bruno Le Maire. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, chers collègues, le peuple français souffre ; le peuple français pleure ses morts, ses femmes, ses enfants qui ont été assassinés le jour de notre fête nationale. Et le peuple français reste digne face au malheur. Nous tous qui représentons ici le peuple français, montrons-nous à la hauteur de la dignité dont il a fait preuve.

M. Laurent Degallaix. Il serait temps !

M. Bruno Le Maire. Le débat, oui ; les querelles politiciennes, non. Les propositions pour l’avenir, pour mieux protéger les Français, oui ; les critiques sur le passé, monsieur le Premier ministre, non.

M. Laurent Degallaix. Très bien !

M. Bruno Le Maire. Vous nous proposez la prolongation de l’état d’urgence. Nous y sommes favorables. Cependant, elle ne doit pas servir de prétexte à évacuer les décisions nécessaires, que les Français attendent pour que leur sécurité soit renforcée. Le terrorisme représente une menace exceptionnelle contre notre nation. Il appelle des mesures exceptionnelles et une justice d’exception. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.) Le vrai combat contre le terrorisme se livre néanmoins ici, monsieur le Premier ministre, en France, sur notre territoire national, en combattant avec la dernière fermeté l’islam politique contre lequel nous n’avons cessé de reculer depuis des années.

L’islam politique, c’est cet islam qui voudrait rendre les femmes invisibles dans la société française. L’islam politique, c’est cet islam qui voudrait limiter la liberté d’expression, qui est le trésor le plus cher de notre nation. L’islam politique, c’est celui qui critique notre culture. L’islam politique, c’est celui qui voudrait que nous ne pratiquions pas la langue française sur notre propre territoire. L’islam politique, c’est celui qui attaque nos principes les plus fondamentaux. L’islam politique, c’est celui qui ne croit pas à la laïcité et qui ne veut pas en entendre parler. L’islam politique, c’est celui qui menace les médecins dans les hôpitaux, celui qui menace les infirmières dans nos propres centres de santé. L’islam politique, c’est celui qui s’en prend à nos fonctionnaires dans les préfectures, c’est celui qui s’en prend à nos enseignants dans les collèges, les lycées, les écoles.

L’islam politique, c’est le fanatisme. L’islam politique, c’est l’obscurantisme, et l’obscurantisme n’a pas sa place dans la nation des Lumières et dans la République française. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et sur plusieurs bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.)

Le deuxième combat que nous devons livrer, monsieur le Premier ministre, c’est le combat à l’extérieur de nos frontières, car il ne sert à rien de combattre l’islam politique sur notre territoire, où il n’a cessé de progresser depuis des années, si nous n’avons pas le courage, la détermination, la volonté d’aller éliminer l’État islamique là où il se trouve (Applaudissements sur quelques bancs du groupe Les Républicains et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants) et d’en finir une bonne fois pour toutes avec ceux qui inspirent, avec ceux qui motivent les djihadistes qui assassinent sur notre sol.

M. Michel Ménard. C’est ce que fait le Gouvernement !

M. Bruno Le Maire. Voilà plusieurs mois que le Président de la République nous a dit qu’il allait mettre sur pied une coalition internationale pour lutter contre l’État islamique et l’éliminer. Où est cette coalition internationale ? Il est urgent que la France prenne la tête de la mobilisation internationale, participe à une coalition internationale qui nous permette d’éradiquer l’État islamique en Syrie et en Irak.

M. le président. Veuillez garder votre calme, monsieur Giacobbi !

M. Bruno Le Maire. Personne ne peut comprendre que le problème de la Syrie, qui concerne la France et l’ensemble des États européens, soit réglé par les États-Unis et la Russie sans que notre nation n’ait son mot à dire ni ne participe aux opérations militaires au sol ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe Les Républicains.)

Monsieur le Premier ministre, il faut aller plus loin encore et avoir le courage de reconnaître que nous avons été trop complaisants avec un certain nombre d’États, notamment les États du Golfe, qui entretiennent des relations ambiguës avec les mouvances les plus radicales. Je pense à l’Arabie Saoudite et au Qatar : il est temps qu’ils clarifient leurs relations avec ces mouvances et qu’ils apportent la preuve de leur participation, à nos côtés, à la lutte contre l’islam radical.

M. Xavier Breton. Très bien !

M. François Loncle. C’est Sarkozy, le Qatar !

M. Bruno Le Maire. Jamais les Français n’ont été aussi inquiets, monsieur le Premier ministre ! Jamais ils n’ont été aussi bouleversés par ce qu’ils ont vécu ! Nous gagnerons ce combat contre le terrorisme. Nous gagnerons ce combat contre l’islam politique. Mais cela suppose que nous tous, ici, soyons capables de discuter, dialoguer, construire et apporter enfin des réponses concrètes, de fond et durables à la menace nouvelle à laquelle la nation française doit faire face. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. Thierry Benoit. Bravo !

M. le président. La parole est à M. Sébastien Pietrasanta.

M. Sébastien Pietrasanta. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, la France, notre patrie, est l’ennemi public du terrorisme islamiste. Cette menace, quel que soit son nom – Daech, Al-Qaïda ou d’autres encore – n’a jamais été aussi importante. Notre pays, depuis 2012, a été touché dans sa chair par les terribles actes terroristes de Toulouse, Montauban, Paris, Saint-Denis, Montrouge, de la Porte de Vincennes, de Magnanville et récemment de Nice. Cette menace inédite et ces terribles attentats nous obligent, quelles que soient nos appartenances politiques. Ils nous obligent à la dignité, à la cohésion et à la nécessité absolue de l’unité nationale.

L’unité nationale, mes chers collègues, n’est pas un gros mot. C’est une nécessité. Alors que Daech cherche à ébranler notre démocratie et que la population est sous le choc, il est du devoir de la classe politique d’être à la hauteur de l’enjeu. Nos hommes et femmes d’État ne doivent pas flatter l’opinion publique dans ce qu’elle a de plus vil ni chercher la petite polémique politicienne quelques minutes après un carnage. Être un homme ou une femme d’État, c’est tenir un langage de vérité et ne pas diffuser des mensonges. Il n’y a pas eu de mensonge d’État, évitons de diffuser des mensonges municipaux !

La vérité, chers collègues, consiste à dire que le risque zéro n’existe pas et que ce qui s’est passé à Nice était quasiment inévitable. Prétendre le contraire est démagogique, mensonger et outrancier, surtout de la part de celui qui se veut le meilleur d’entre vous, chers collègues de l’opposition !

La vérité oblige aussi à ne pas remettre en cause l’engagement exceptionnel des policiers présents sur le terrain. Comme l’a rappelé le ministre de l’intérieur, les effectifs de policiers et de gendarmes étaient pleinement mobilisés. Par ailleurs, dans cette situation, des policiers supplémentaires auraient-ils réellement influé sur le drame, qui s’est déroulé en moins de deux minutes ?

La France est blessée de tous ces attentats. Cette blessure ne doit pas empirer en raison de divisions stériles. Notre République doit rester forte et ne pas accepter les huées, les sifflets et les quolibets. Depuis jeudi, et je pèse mes mots, mon pays est touché par le drame survenu à Nice mais il est aussi affaibli par le spectacle indécent de petits politiciens dont certains ont pourtant assumé les plus hautes fonctions de l’État. La course à la primaire ne justifie pas cette indécence, chers collègues de l’opposition ! (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.– Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

Nous ne sommes pas fatalistes, mais offensifs. Nous ne sommes pas résignés, mais combatifs. Jamais, dans l’histoire de notre pays, nous n’avons fait autant en matière de lutte contre le terrorisme. Nous avons renforcé nos lois avec vous et donné des moyens supplémentaires à nos services de renseignements, à nos policiers et à nos gendarmes.

M. Philippe Briand. Et au PS !

M. le président. S’il vous plaît, monsieur Briand.

M. Sébastien Pietrasanta. Nous avons recruté massivement, dégagé des moyens financiers énormes et réorganisé nos services. Rappelons d’ailleurs que dix attentats ont été déjoués depuis 2015. Bien sûr, nous devons continuer à améliorer nos dispositifs de lutte contre le terrorisme : face à cette menace qui mute et s’adapte à nos moyens de défense, nous devons toujours être en mouvement. Mais être en mouvement, ce n’est pas pratiquer la surenchère systématique ni jouer les « Monsieur plus » ! (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. Pierre Lequiller. Petit politicien !

M. Sébastien Pietrasanta. La commission d’enquête relative aux moyens mis en œuvre par l’État pour lutter contre le terrorisme depuis le 7 janvier 2015, présidée par Georges Fenech et dont je suis rapporteur, a formulé quarante propositions. Nous avons travaillé sans relâche dans un esprit de concorde, au-delà des clivages.

M. Georges Fenech. C’est du plum-pudding !

M. Sébastien Pietrasanta. Ces quarante propositions doivent être étudiées mais ayons l’honnêteté de dire ici, à cette tribune, qu’aucune n’aurait empêché l’attentat de Nice. Dès à présent, le ministre de l’intérieur et le ministre de la justice, qui nous ont reçus, ont manifesté un véritable intérêt pour de nombreuses mesures. Tel est l’état d’esprit dans lequel nous devons travailler, et non pas de façon caricaturale !

M. Philippe Briand. C’est vous la caricature !

M. Sébastien Pietrasanta. Notre commission d’enquête a considéré que l’état d’urgence a constitué un apport utile mais eu un effet limité dans la lutte contre le terrorisme. Il a eu un effet déstabilisateur dans certains milieux et a permis un enrichissement important du renseignement. Demain, la possibilité, à nouveau ouverte, de réaliser des perquisitions informatiques en élargira le champ et garantira une efficacité accrue. Mais soyons clairs avec les Français : l’état d’urgence n’est pas la recette magique en matière de terrorisme, tout simplement parce qu’il n’y en a pas !

L’état d’urgence a aussi une valeur symbolique : qui aurait compris que la France en sorte le 26 juillet, douze jours après l’attentat de Nice ? Il est nécessaire de proroger l’état d’urgence jusqu’aux élections présidentielles car notre classe politique ne parvient pas à s’exprimer sur ce sujet de manière dépassionnée. Il faudra sans nul doute, après ces échéances et en fonction des circonstances, trouver un véritable consensus sur la sortie de l’état d’urgence. Depuis 1995, nous n’avons jamais baissé d’un cran le plan Vigipirate car le risque politique était trop grand pour les gouvernements successifs. En ira-t-il de même de l’état d’urgence ?

En somme, les débats de notre démocratie sont sains mais je reste convaincu que la lutte contre le terrorisme peut être sanctuarisée entre nous, car ce qui nous rassemble, en réalité, est plus fort que le terrorisme islamiste. Nous aimons tous profondément notre pays, notre terre, son mode de vie, ses feux d’artifice et ses concerts. Mes chers collègues, soyons à la hauteur de l’enjeu ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. Guillaume Larrivé.

M. Guillaume Larrivé. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mes chers collègues, il faut relire Marc Bloch : « Beaucoup d’erreurs diverses, dont les effets s’accumulèrent, ont mené nos armées au désastre. Une grande carence, cependant, les domine toutes. Nos chefs ou ceux qui agissaient en leur nom n’ont pas su penser cette guerre ». Ces quelques lignes de L’étrange défaite sonnent, dans la France de 2016, comme un avertissement, car la guerre d’aujourd’hui n’a pas plus été pensée que celle d’hier. Au moins sept erreurs ont été commises.

Première erreur, historique : le déni, c’est-à-dire le refus de voir et de dire la réalité.

M. Jacques Myard. Ça dure depuis trente ans !

M. Guillaume Larrivé. Avons-nous tous compris, ici, que des partisans d’un islam politique nous ont déclaré une guerre totale ? Avons-nous tous compris, ici, que l’ennemi islamiste a, lui, des objectifs parfaitement clairs, hélas ? À court terme, créer la sidération par la terreur et plonger nos démocraties dans un brouillard tactique où tout devient une cible potentielle, partout, à tout moment, et tout devient une arme potentielle, partout, à tout moment ; à moyen terme, détruire la paix civile par l’affrontement intercommunautaire ; à long terme, soumettre la France comme province d’un califat islamiste. Combien d’attentats faudra-t-il compter, combien de morts faudra-t-il pleurer pour qu’enfin la nation se soulève et refuse la soumission ?

Deuxième erreur, stratégique : l’incapacité à choisir intelligemment des alliés, dans la zone irako-syrienne, pour vaincre l’État islamique. L’Occident a passivement laissé grossir l’État islamique pendant des années, comme un cancer fulgurant, avant que des interventions tardives ne commencent à freiner la propagation des métastases.

Troisième erreur, systémique : la naïveté française et européenne face au chaos migratoire. L’absurdité d’un système de libre circulation sans contrôle policier effectif est une évidence. L’immigration massive, tolérée et parfois encouragée par l’État, fragilise la nation.

M. Michel Ménard. Heureusement, Larrivé est là !

M. Guillaume Larrivé. Quatrième erreur, idéologique : la résignation face à l’échec de l’assimilation. De renoncements en relâchements, de démissions en compromissions, les pouvoirs publics ont laissé grandir, sur le sol national, des ennemis de l’intérieur qui se sont armés, préparés, organisés. Ils ont recruté. Ils ont frappé. Ils n’aspirent qu’à récidiver s’ils ne sont pas mis hors d’état de nuire à temps.

Cinquième erreur, pratique : le cloisonnement des dispositifs de renseignement. Malgré les grandes qualités individuelles des agents de l’État, nos services restent historiquement structurés selon la logique verticale du contre-espionnage et non la logique horizontale du recueil, du partage et de l’analyse de l’information antiterroriste.

Sixième erreur, juridique celle-là autant que politique : la lâcheté face à la délinquance de droit commun, encouragée par le désarmement pénal que vous avez organisé, chers collègues socialistes, qui a nourri les actions terroristes commises par des hybrides à la fois délinquants et islamistes ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Mme Pascale Crozon. Honteux !

M. Guillaume Larrivé. Septième erreur, tragique : l’absence de constance dans l’effort. L’effort de guerre n’a pas été mené dans la durée. Après des cérémonies d’hommage, des minutes de silence et des démonstrations compassionnelles, l’esprit de routine est trop souvent revenu. Si nous voulons vraiment la gagner, cette guerre, il est urgent de ne plus faire semblant ! Réveillons-nous ! Réarmons la nation au plan opérationnel, en assumant une vraie priorité budgétaire, dans la durée, pour améliorer les capacités régaliennes de l’État, car on ne gagne pas une guerre sans effort de guerre. Réarmons la nation au plan moral, en affirmant sans faiblesse notre identité nationale et en combattant partout, y compris à l’école, la régression islamiste. Réarmons la nation au plan juridique, dès cette nuit à l’Assemblée nationale. L’état d’urgence ne doit plus être virtuel, monsieur le Premier ministre, car il n’est alors qu’un état de faiblesse qui est le contraire de l’État de droit.

Sortons des fictions, assumons notre devoir d’action ! C’est pourquoi, depuis bientôt quatre ans, nous ne cessons de présenter ici des propositions précises, concrètes, réfléchies et opérationnelles pour améliorer l’efficacité de l’État. Nous devons tout faire pour mettre hors d’état de nuire les individus qui veulent nous détruire. Nous, députés républicains, n’avons pas à nous excuser de vouloir expulser les étrangers qui menacent la sécurité nationale ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.) Nous, députés républicains, n’avons pas à nous excuser de vouloir supprimer les mécanismes absurdes de réduction automatique des peines de prison ! Nous n’avons pas à nous excuser de vouloir fermer, partout où c’est nécessaire, les mosquées islamistes ! Nous n’avons pas à nous excuser d’exiger de vrais contrôles aux frontières pour empêcher les djihadistes d’entrer sur le territoire national !

M. Guy Geoffroy. Absolument !

M. Guillaume Larrivé. Nous n’avons pas, nous, députés républicains, à nous excuser de vouloir assigner dans des centres de rétention fermés les individus, parfaitement connus des services de renseignement, sur lesquels pèsent de lourds soupçons !

M. Patrick Mennucci. Guantánamo !

M. Guillaume Larrivé. Ce n’est en rien je ne sais quel Guantánamo, car le dispositif que nous proposons serait soumis à un contrôle juridictionnel.

M. Patrick Mennucci. Guantánamo aussi !

M. Guillaume Larrivé. Loin d’affaiblir l’État de droit, nous le renforcerions ! Nous n’avons pas, enfin, à nous excuser, ici, à l’Assemblée nationale, de vouloir donner des pouvoirs juridiques exceptionnels aux autorités de l’État pour sauver des vies et sauvegarder notre nation. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. Christian Jacob. Bravo !

M. Guillaume Larrivé. C’est notre responsabilité, devant les Français et devant l’histoire. Ils nous jugeront. Monsieur le Premier ministre, ils vous jugeront ! (Mêmes mouvements.)

M. le président. La parole est à M. Eduardo Rihan Cypel.

M. Eduardo Rihan Cypel. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, messieurs les ministres, une nouvelle fois notre pays fait face à l’horreur du terrorisme djihadiste, qui a fait couler le sang en France, à Nice, le jour de notre fête nationale. Nous sommes tous endeuillés. Tandis que s’achève à peine le deuil national de trois jours proclamé par le Président de la République et que les familles n’ont pas encore enterré leurs morts, j’exprime ici, avec vous tous, toute notre solidarité, j’adresse toutes nos pensées aux victimes, à leurs familles et à leurs proches.

Nous sommes réunis aujourd’hui pour examiner et voter le projet de loi de prorogation de l’état d’urgence. Il faut tout de même rappeler des principes simples, dès lors que le débat est ouvert et que des questions sont posées. L’état d’urgence procède de l’État de droit. C’est parce qu’il existe un État de droit que nous pouvons voter un état d’urgence.

C’est dans ce cadre qu’il est possible de déroger à un certain nombre de principes de l’État de droit. Sous la surveillance et le contrôle de l’État de droit, l’état d’urgence sera voté, à une large majorité si j’en crois les positions de chacun des groupes de cet hémicycle.

Il y a un débat sur la question de savoir s’il faut un régime ou des lois d’exception pour lutter contre le terrorisme. Pour nous, la lutte contre le terrorisme doit se faire avec les armes de la démocratie, sous le contrôle de la démocratie, notamment celui de cette assemblée.

Lutter contre le terrorisme suppose deux principes, qui sont aussi ceux de la démocratie : la fermeté, implacable, et la légalité, indispensable. Si nous cédons sur ces principes, c’est l’État de droit qui disparaîtra. Nous aurons alors des lendemains difficiles, car la République française sera sortie du cadre qui est le sien pour entrer dans un régime qui n’est pas sa nature.

Sur le fond, dans la lutte contre le terrorisme, cette nouvelle forme de terrorisme, djihadiste, qui provoque des dégâts partout dans le monde, nous devons la vérité aux Français. Et la vérité commande de dire que le terrorisme djihadiste est une menace de long terme, non seulement pour la France, mais pour toutes les sociétés européennes et partout dans le monde. L’actualité le montre, aucune région du monde n’est épargnée par ce nouveau terrorisme, dont l’idéologie est prônée par Daech : le Moyen-Orient, bien sûr, l’Europe, partout où c’est possible, jusqu’aux Etats-Unis, frappés eux aussi. La menace est large, globale, et peut s’abattre n’importe où, parce que le nombre d’individus concernés est grand. Tant que Daech, son organisation terroriste, le foyer terroriste et l’idéologie qu’il profère résisteront, nous aurons à faire face à ce nouveau risque.

Au-delà des problèmes que la question du terrorisme pose à notre sécurité immédiate, je veux ici travailler avec vous tous et saluer le Premier ministre, le ministre de l’intérieur, le ministre de la défense, qui ont la charge de la sécurité du pays, sous l’autorité du Président de la République. Le travail qu’ils accomplissent avec sang-froid et détermination n’est pas destiné à un camp politique ; c’est un travail pour la nation ; c’est un travail pour le pays. Au moment même où nous enterrons nos morts, nous devons être à la hauteur de la dignité nécessaire. (Protestations sur les bancs du groupe Les Républicains.) Cette exigence, c’est le pays qui le réclame, ce n’est pas l’apanage de la classe politique. Soyons à la hauteur des enjeux ! Car au-delà de la guerre contre le terrorisme djihadiste, nous devons mener une autre guerre : une guerre contre nos propres turpitudes, contre nos propres faiblesses qui peuvent nous conduire à lâcher l’essentiel. (Mêmes mouvements.)

M. le président. Il faut conclure, cher collègue.

M. Eduardo Rihan Cypel. Non, il ne faut pas un régime d’exception pour lutter contre le terrorisme. Nous devons, à côté de l’état d’urgence, être animés d’un état d’esprit où les valeurs fondamentales de la République française sont gardées. Ce n’est pas avec un régime autoritaire, en répétant les erreurs du passé que nous réglerons le problème. Nous devons lutter contre le terrorisme sans aucune forme de bushisme. La représentation nationale doit se rassembler. Il est encore temps qu’elle donne une image qui convienne à notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Goujon.

M. Philippe Goujon. « Quelle que soit la cause que l’on défend, elle restera déshonorée par le massacre aveugle d’une foule innocente où le tueur sait d’avance qu’il atteindra la femme et l’enfant », s’indignait déjà Camus en 1955.

Le Parisien que je suis exprime la solidarité d’une capitale doublement atteinte avec cette autre capitale touristique qu’est Nice.

La réponse appropriée face à ces lâches attaques d’une ampleur inégalée tient dans la mobilisation totale non seulement d’un État à l’autorité aujourd’hui hélas affaiblie, mais aussi de toute la société dont il faut garantir la cohésion et l’attachement aux valeurs de la République, car nous sommes bien en état de guerre.

Par esprit de responsabilité, nous avons voté toutes vos lois antiterroristes, contrairement à vous, avant 2012, d’ailleurs. Mais soyons lucides : cela ne suffit pas ! La prolongation de l’état d’urgence, que le Président n’entendait même pas renouveler quelques heures à peine avant l’attentat de Nice, et les appels aujourd’hui émoussés à l’unité nationale ne peuvent plus tenir lieu de seule réponse après cette troisième tuerie de masse.

Les mesures concrètes et opérationnelles à prendre ne manquent pas et les orateurs qui m’ont précédé vous les ont présentées.

Vous vous insurgez contre le droit qu’a l’opposition de vous faire des propositions. Mais à chaque loi sécuritaire – nous en sommes à la dixième –, vous les avez reprises partiellement. Il en va ainsi du rétablissement des perquisitions administratives, complétées des saisies informatiques, que nous vous proposions dès février, en en fixant la durée à six mois.

Mais il faut aller beaucoup plus loin. L’état d’urgence que vous nous demandez de voter ne doit pas être dégradé. Il vous faut améliorer son efficacité en retenant ou en assignant à résidence tout Français lié à un groupe terroriste et en expulsant tout étranger dans la même situation.

Alors que les décrets de la loi du 3 juin 2016 tardent à être signés, la veille antiterroriste des réseaux de communications électroniques n’est pas encore systématique, non plus que la pénalisation de la consultation des sites djihadistes non suivie d’effets. Au lieu de se voir opposer une fin de non-recevoir, la commission d’enquête, excellemment présidée par Georges Fenech, aurait dû être entendue. Vous auriez dû prévoir la réorganisation en profondeur de nos services de renseignement et d’intervention.

Pourquoi ne pas améliorer la coordination des services de renseignement, tout en les dotant d’une base de données unique, renforcer le renseignement pénitentiaire – qu’il faudrait d’ailleurs rattacher, avec les douanes, au ministère de l’intérieur –, accroître les capacités carcérales, rendre Europol et Frontex plus opérationnels, exclure les terroristes de tout aménagement ou réduction de peines automatiques, voire leur appliquer la rétention de sûreté ?

Face à l’impossible pérennité de Sentinelle – ce qu’indique votre appel à la réserve opérationnelle, bien insuffisante –, un troisième plan de lutte antiterroriste est indispensable. Je pense notamment au nécessaire investissement dans la vidéoprotection, notamment dans la capitale, dont il faut savoir qu’elle est moins bien équipée que Nice !

Quand passerez-vous enfin à la vitesse supérieure contre la radicalisation, à l’école, à l’université, dans les prisons, dans toute la société, et en fermant tout lieu de culte radicalisé ? Renforcerez-vous la surveillance de nos frontières ? Reviendrez-vous sur les lois Taubira pour lutter contre le « gangstero terrorisme » ? Achèverez-vous l’interconnexion des fichiers de police ?

Comment peut-on encore justifier, en plein état d’urgence, de faire la fête, de manifester et d’occuper l’espace public indûment, mobilisant des forces considérables, qui manquent ailleurs pour des missions plus essentielles ? Avec 19 millions d’heures supplémentaires à récupérer, comment continuer à assurer la sécurité, simplement sur les plages cet été ? Le directeur de la DGSI a pourtant prévenu que « la France est le pays le plus menacé et que Daech planifie de nouvelles attaques ».

Monsieur le Premier ministre, face à cette menace imminente et certaine, face à cette banalisation du terrorisme de masse, face à cette grande diversité de violences terroristes avec l’émergence d’un terrorisme de proximité, le Gouvernement doit enfin faire de la sécurité la première priorité nationale. Il doit mobiliser l’ensemble de la société, laquelle a besoin de sens et de repères.

Oui, la France doit être unie et rassemblée autour de ses valeurs, mais nous sommes en guerre, non pas une guerre de civilisations, mais une guerre de La civilisation contre la barbarie.

M. François Loncle. Très bien !

M. Philippe Goujon. Ne manquez pas, monsieur le Premier ministre, cette dernière occasion de l’assumer pleinement. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Malek Boutih.

M. Malek Boutih. Monsieur le Premier ministre, je me souviens de la gêne ressentie lors d’une visite dans un établissement scolaire, il y a de cela quelques mois, alors que vous expliquiez à des jeunes que le terrorisme était un phénomène durable, que leur génération devrait vivre avec et le combattre dans le temps. Vous aviez raison.

Il faut dire qu’à l’époque, attentat après attentat, beaucoup pensaient que les circonstances, le contexte évolueraient et que l’on pourrait oublier ces drames pour revenir à notre quotidien et poursuivre notre chemin.

Au-delà de la pression exercée par les médias, qui parlent d’unité nationale et de polémiques, le débat de ce soir, si on y prête une oreille attentive, a changé de nature. Ce n’est pas le même qu’après janvier ; ce n’est pas le même qu’après novembre. Nous avons déjà une analyse commune. C’est un combat de long terme. Nous avons passé un cap : il nous faut maintenant rechercher des réponses structurantes pour notre pays. Il est paradoxal qu’une mesure exceptionnelle comme l’état d’urgence provoque un débat bien plus important.

Si l’opposition doit et peut dire des vérités, il en est une qu’elle doit avancer : les mesures doivent être à la hauteur. Pas à la hauteur de la peur ou de la colère des Français, mais à la hauteur de notre responsabilité.

M. Jean-Christophe Lagarde. Absolument !

M. Malek Boutih. Ces mesures de long terme supposent d’abord une bonne analyse. Il faut maintenant donner un contenu plus précis aux mots que l’on utilise. Qu’est-ce que le « radicalisme » ? L’islam politique, le salafisme ou bien encore des individus devenus fous ? Le radicalisme est un phénomène général dans lequel l’islamisme est à l’avant-garde, le plus puissant et le plus conscient de la nouvelle période politique.

Le radicalisme, c’est une nouvelle période de l’histoire politique de nos sociétés où – peut-être s’agit-il d’un moment intermédiaire, mais on ne sait pas combien de temps il va durer – la nouvelle génération, face à toutes sortes de revendications et de situations, est en train de s’éloigner de la politique pour passer à l’action directe.

Le radicalisme, c’est ce qui amène à assassiner des policiers aux États-Unis, en réponse à une problématique raciale qui existe depuis longtemps. Tout d’un coup, on ne croit plus aux pétitions, aux manifestations, à Martin Luther King. On croit que, en tuant des policiers – œil pour œil, dent pour dent – on trouvera des réponses. C’est terrible à dire, mais ces faits trouvent parfois une résonance dans la nouvelle génération, et pas uniquement chez les imbéciles.

C’est donc un combat très dur qu’il nous faut mener contre Al-Qaïda et l’État islamique, qui auront des successeurs, sous d’autres formes. Il nous faut trouver des moyens intelligents pour que notre démocratie, de manière posée, puisse résoudre la quadrature du cercle : défendre nos libertés, notre art de vivre, notre modèle, notre héritage, et en même temps ne pas ouvrir de brèche, ne pas tendre la joue, ne pas exposer ses enfants à ceux qui veulent les assassiner. Car les plus puissants de cette mouvance ont pour théorie de base que la démocratie a ses propres contradictions, qu’elle est un régime faible que l’on détruit de l’intérieur.

C’est en cela qu’il faut de nouvelles mesures. Il faut bien comprendre que nous avons, en France, des outils qui sont différents de ceux des autres nations. Nous sommes tous des démocraties, mais nous sommes la République et nous avons, nous, une conception de la démocratie appuyée sur une construction collective de valeurs, d’héritage historique, de construction de l’État.

La réalité, c’est que nous devons aujourd’hui nous renforcer. Certes, nous partageons les mêmes préoccupations quant à l’appareil sécuritaire, mais au-delà, nous devons renforcer la République. L’une de nos jeunes collègues a dit qu’elle appartenait à une génération un peu saoulée par les valeurs de la République. Elle a exprimé quelque chose de cette radicalité. C’est un danger qui menace notre pays. Nous devons restaurer la République, lutter contre les écoles ghettos, lutter contre la désertification rurale, retrouver la France telle qu’elle était, avec sa force. Nous n’avons pas besoin d’inventer des choses nouvelles, ce n’est pas d’un FBI ni d’une CIA à la française dont nous avons besoin. Nous avons notre culture française !

Enfin, il me paraît important de vous dire mon désaccord avec une formule, désaccord que tout le monde en fait partage : Certes, nous ne pouvons pas scientifiquement garantir que tous les attentats seront empêchés, mais si nous n’avons qu’une seule responsabilité, c’est celle d’avoir cet objectif. Nous devons proclamer notre détermination à tout faire pour que plus aucun attentat ne soit perpétré sur notre sol. Nous devons partager cet objectif. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.) C’est ce qui peut nous rassembler. (Applaudissements nourris sur les bancs du groupe Les Républicains, applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain et quelques applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

M. le président. La parole est à M. Patrick Mennucci.

M. Patrick Mennucci. Le Premier ministre l’a dit très clairement. L’état d’urgence est une réponse puissante de l’État, mais elle ne peut pas être la seule. L’état d’urgence et les mesures qui y sont associées sont un outil de lutte contre les brigades terroristes que Daech nous envoie ou qu’il active directement sur place, en Europe.

D’ailleurs, depuis un an, de nombreuses velléités terroristes ont été annihilées grâce au travail de l’État et de ses services. Mais à Nice, nous avons eu manifestement à faire à un individu qui a agi seul. L’enquête nous dira, dans cette tuerie, la part de l’idéologie et la part de la folie.

Pour ce que nous en savons aujourd’hui, posons-nous la question de ce que nous aurions pu faire pour éviter ce carnage. J’ai entendu, comme vous, toutes sortes de remarques. À la mairie de Bordeaux, on nous a indiqué que si nous avions écouté un certain nombre de préceptes, nous aurions pu l’éviter. Il semble qu’à Neuilly aussi, on ait trouvé une solution. (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

J’ai eu beau chercher dans les propositions de Les Républicains, ou de l’ancienne UMP, dans les débats d’examen des lois antiterrorisme, dans les deux rapports de 2015 et 2016 des commissions d’enquête, je n’ai rien décelé qui aurait pu nous faire connaître les intentions de ce tueur.

M. Alain Chrétien. L’orateur précédent était bien mieux !

M. Patrick Mennucci. On nous dit, à la mairie de Nice qu’il fallait fermer, ou ne pas ouvrir, une mosquée – M. Rudy Salles le répétait encore à l’instant ; mais cet individu n’a jamais mis les pieds dans une mosquée ! On nous dit qu’il fallait plus de policiers ce soir-là sur la Promenade des Anglais, mais quelques policiers supplémentaires auraient-ils été efficaces en l’absence des plots de béton ? N’est-ce pas oublier que ce sont bien les policiers nationaux qui ont abattu le tueur, évitant ainsi bien d’autres morts par leur action héroïque ? (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. Philippe Briand. Que c’est mauvais !

M. Patrick Mennucci. La vérité, nous la connaissons tous ici : l’efficacité de notre appareil de sécurité s’appuie sur le renseignement. Elle est réelle dans la lutte contre les brigades djihadistes, même si elle est loin d’être parfaite. Mais contre les loups solitaires, pratiquant la taqiya, la tâche est beaucoup plus difficile. C’est pourquoi il est indispensable de tenir un discours d’inclusion de nos compatriotes de culture musulmane.

Oui, la société doit isoler ceux qui sombrent dans la dérive terroriste. Or, je l’ai souvent entendu ces derniers jours, beaucoup soupçonnent les musulmans en général d’être passifs, voire complices de Daech. C’est sans doute là la plus grande victoire de Daech, cette femme que nous avons vue à la télévision, conspuée sur la Promenade des Anglais par des « Rentre chez toi », alors qu’elle essayait d’expliquer que chez elle, c’était ici, à Nice. C’est cela la fracturation de notre société que recherchent nos adversaires, nos ennemis de Daech : avilir la promesse de la République.

Faut-il mettre dans la même catégorie de déclarations celle d’un député accusant cet après-midi Najat Vallaud-Belkacem d’apprendre aux étrangers leur langue d’origine ? Nous le voyons, une dérive est en cours et nous devons, tous ensemble, essayer de l’arrêter. Nous devons dire les choses telles qu’elles sont. Daech n’est pas un courant de l’islam. Daech est une secte millénariste, comme l’explique parfaitement Jean-Pierre Filiu. Cette secte millénariste annonce l’imminence de la fin du monde en s’appuyant sur de prétendus signes prophétiques. Elle offre la rédemption à ceux qui avaient consacré leur vie à la délinquance, à la drogue, au stupre, et elle permet même de racheter la vie de soixante-dix proches. Lorsque ceux qui ont un bagage religieux font allégeance à la secte, ils le déconstruisent pour y substituer le credo de Daech : Tout cela relève davantage de la psychiatrie que des imams. Pour lutter contre eux, pour débusquer les loups solitaires, pour isoler totalement Daech même là où il bénéficie de compréhension, nous devons parler de lui pour ce qu’il est et non, comme nous le faisons trop souvent, comme d’un islam politique dévoyé. (Protestations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

C’est le prix d’un travail idéologique. C’est au moyen de la distinction entre l’islam et Daech que nous gagnerons cette bataille.

M. le président. La discussion générale est close.

Discussion des articles

M. le président. J’appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles du projet de loi.

Article 1er

M. le président. Plusieurs orateurs sont inscrits. Chaque intervenant a droit à deux minutes et je ferai respecter ce temps de parole.

La parole est à Mme Nathalie Kosciusko-Morizet.

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Nous débattons de la prorogation de l’état d’urgence et nous savons déjà qu’il ne suffira pas. Ce texte, comme votre politique, monsieur le Premier ministre, ne pêche pas tant par ce qu’on y trouve que par ce qu’on n’y trouve pas. Rien, dans ce texte, sur le renseignement. Notre dispositif est pourtant défaillant sur des enjeux décisifs, – et vous le savez – comme le renseignement pénitentiaire ou territorial. Nous manquons aussi de technicité face à un ennemi agile qui sait bien user du digital. Nous aurions besoin d’une agence de renseignement technologique unique, comme la NSA aux États-Unis.

Trop peu, mes chers collègues, dans ce texte, sur le salafisme. Tout n’est pas permis au nom de la liberté de conscience ou de la liberté de religion. Nous devons déclarer le salafisme hors la loi, en nous inspirant de la législation qui sous-tend la lutte contre les dérives sectaires, comme l’ont esquissé un certain nombre de nos collègues, de droite comme de gauche, à la tribune à l’instant. Le pendant logique sera de prendre enfin des mesures pour faire naître un islam de France respectueux de la République.

Enfin, il manque dans ce texte des outils capables de mobiliser  chaque Français pour assurer la sécurité de tous, de cultiver la résilience et la cohésion de notre nation. Rediscutons de la création d’un service national court. On y apprendrait les gestes qui sauvent, ceux qui permettent de se défendre. Ce serait un sas pour la réserve opérationnelle que vous cherchez par ailleurs à mobiliser. Monsieur le Premier ministre, voilà quelques propositions concrètes, car l’état d’urgence ne suffira pas. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Jean Lassalle.

M. Jean Lassalle. Monsieur le président, je viens d’écouter avec une infinie attention, comme beaucoup d’autres sans doute, notre collègue Malek Boutih. Si j’avais eu le temps, mais surtout son talent, j’aurais aimé prononcer ses mots. En quelques secondes, je me contenterai de dire ce que je pourrai. Bien entendu, face à ce nouveau massacre, notre grand et beau pays doit, plus que jamais, être uni. Ne perdons pas de temps à régler nos comptes entre nous, cela nous amènerait beaucoup trop loin, et, selon moi, nulle part.

Nous sommes entrés dans une ère d’ultra-violence. Daech et ces tueurs que l’on pointe du doigt ne sont pas seuls en cause, il y a aussi notre manière de vivre ensemble, la transmission du savoir, en panne dans notre pays depuis trente ans, l’absence de valeurs et de repères communs, qui se sont perdus.

Dans ce contexte, ce fléau continuera de peser sur nos épaules pendant de longues années encore, si nous ne nous unissons pas comme notre grand peuple a su le faire chaque fois qu’il a été confronté à des drames de cette envergure.

Il ne sert à rien de chercher ailleurs. Le problème est aussi chez nous. Nous devons nous ressaisir, avec les moyens que nous avons à notre disposition. J’en dirai davantage à l’occasion d’un prochain article.

M. le président. La parole est à Mme Danielle Auroi.

Mme Danielle Auroi. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, pour la quatrième fois depuis novembre 2015, nous sommes sollicités pour voter l’état dit d’urgence, une urgence qui dure et qui serait cette fois justifiée par l’horrible massacre de masse de Nice. Quatre-vingt-quatre victimes, dont vingt à trente étaient de confession musulmane selon le recteur de la mosquée de Marseille. L’état d’urgence est donc, une fois de plus, votre réponse. Six mois de plus ! Et demain ?

Pourtant, monsieur le Premier ministre, vous avez dit à l’instant que jamais vous n’accepteriez de législation d’exception. Mais l’état d’urgence continu est déjà une législation d’exception. Nous avons tous pu constater, lors de cet effroyable massacre, que l’arsenal prévu dans le cadre de l’état d’urgence, n’avait pas empêché l’horreur, pas plus d’ailleurs que les caméras de surveillance. L’état d’urgence, aussi strict et répressif soit-il, n’empêche en rien un individu isolé et psychotique de commettre un massacre.

Les démonstrations d’autorité de cette application de la loi ou de la loi du talion par des frappes en Syrie n’ont vraiment pas beaucoup d’effet. L’autoritarisme et la réduction des droits reviennent à se laisser prendre au piège même que nous tendent Daech et les islamistes.

L’émotion ne doit pas nous faire prendre des décisions inconsidérées, contre-productives, comme l’intensification des bombardements en Irak, en Syrie, ou de nouvelles restrictions de l’État de droit. Il n’y a pas de réponse simpliste et rapide à la situation actuelle. La première est bien sûr de renforcer les services de renseignement et l’appareil judiciaire. Mais dans le moyen et le long terme, nous devons supprimer le terreau favorable au terrorisme que sont l’extrême pauvreté, les violations des droits humains, l’absence de perspective économique et d’avenir pour la jeunesse. C’est de cela aussi que se nourrit le djihadisme.

Gandhi disait qu’à appliquer la loi de l’œil pour l’œil, l’humanité finirait aveugle. C’est pour ne pas finir aveugle que je voterai contre ce texte.

M. le président. La parole est à Mme Sophie Dion.

Mme Sophie Dion. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, la France a peur, toute la France. À Nice, dans toutes les villes, dans tous les villages, même au pied du Mont Blanc, à Passy, dans ma circonscription, dont une famille en voyage à Nice, a été décimée.

Les Français attendent des mesures fortes, au-delà des symboles et des déclarations d’intention. J’entends les arguments juridique set j’y suis sensible. Mais ne tombons pas dans l’excès de juridisme pour éviter de prendre des mesures fortes. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.)

Les amendements du groupe Les Républicains n’ont pas été pris en compte en commission des lois alors que beaucoup d’entre eux relevaient du bon sens. Tel est le cas, me semble-t-il, de celui qui visait à prolonger d’un an l’état d’urgence.

Vous nous dites, monsieur le Premier ministre, que nous sommes en guerre et que cette guerre sera longue. Je crains que, malheureusement, vous ayez raison. Nous prorogeons l’état d’urgence pour la quatrième fois ce soir. Un an semblerait une durée raisonnable et proportionnée pour offrir aux Français le cadre juridique qui permettra de prendre les mesures qu’ils attendent, les mesures qui s’imposent dans l’intérêt de nos concitoyens. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Guénhaël Huet.

M. Guénhaël Huet. L’attentat de Nice, comme ceux du 7 janvier puis du 13 novembre 2015 rendent nécessaire, comme chacun l’a dit au cours de cette soirée, l’union nationale.

Mais ils nécessitent aussi une protection – enfin – efficace de la population française contre le risque terroriste. Nous avons, ces derniers mois et même depuis plusieurs années, monsieur le Premier ministre, eu le sentiment que nous avions, et depuis trop longtemps, cédé à la facilité et aux bons sentiments en mésestimant le risque qui était à nos portes et qui est désormais entré chez nous.

Nous avons, aujourd’hui, le devoir de faire en sorte que notre arsenal juridique et répressif soit renforcé afin de protéger véritablement la population française : tel est le sens des propositions qui vous ont été faites par le groupe Les Républicains lors de la réunion de la commission des lois, comme celui des amendements qui vont être défendus dans quelques minutes par notre groupe.

Ils visent à hisser – enfin – la réponse à la hauteur du risque. Monsieur le Premier ministre, nous espérons que vous saurez entendre nos arguments comme nos amendements.

M. le président. La parole est à M. Jacques Bompard.

M. Jacques Bompard. Monsieur le Premier ministre, résumons-nous : attentat de Charlie-Hebdo, attentat du Bataclan et dans tout Paris, voitures lancées contre des foules dans diverses villes de France, décapitation de Saint-Quentin-Fallavier, meurtre islamiste de Magnanville, attentat de Nice, attaque au couteau dans les Alpes, attentat déjoué aux alentours de Perpignan contre un militaire gradé, puis divers événements.

Il n’y a que dans notre pays qu’un gouvernement élu peut rester en place après un tel chaos. Monsieur Cazeneuve, je vous le dis : je ne dispute ni de votre patriotisme ni de votre professionnalisme.

Vous êtes un Français ayant de vrais désirs de sécurité. Oui mais voilà : votre stratégie aboutit à un abysse de violences et d’absence de réactions devant l’islamisme comme de traitement des réalités qui gangrènent notre pays.

M. Rémi Pauvros. Arrêtez !

M. Jacques Bompard. Vous êtes dans votre droit le plus absolu lorsque vous soulignez que certains de vos prédécesseurs depuis trente ans sont aussi coupables que vous. Mais cela n’épuise pas la question : le gouvernement que vous dirigez a mené en Syrie une politique anti-française qui a mis notre pays en danger.

Ce même gouvernement a prôné avec morgue le refus de l’amalgame au moment où il aurait fallu ne pas faire de quartier avec les terroristes. Alors, je vous le dis : oui à l’état d’urgence s’il s’accompagne de la démission du gouvernement.

M. François Loncle. Non !

M. Jacques Bompard. Celui-ci a échoué à assurer la sécurité des Français, refuse de voir la réalité et nie les évidences : il doit par conséquent partir.

M. le président. La parole est à M. Meyer Habib.

M. Meyer Habib. Jeudi dernier, jour de fête nationale, notre pays a, une nouvelle fois connu l’horreur. Si face à ce nouveau traumatisme l’heure est évidemment au recueillement et à la dignité, les Français ont droit à la vérité. Plus que jamais, l’heure est à l’action.

Ouvrons d’abord les yeux et appelons le mal par ses noms : l’islamisme radical, le fanatisme, le djihadisme. Les mots ont, en effet, un sens : oui des fanatiques se trouvent parmi nous, et non ce ne sont pas des fous ni des déséquilibrés.

Ce sont des ennemis mus par une idéologie criminelle, le djihadisme. Leur stratégie ? Détruire les fondements de notre société.

Cet attentat le montre – hélas – encore une fois : il est clair que beaucoup reste à faire pour muscler notre arsenal juridique et opérationnel. Sans entrer dans les polémiques politiciennes, nous ne pouvons nous satisfaire en permanence de rustines ni d’attitudes uniquement réactives.

Plongeons, au contraire, dans l’action : le rapport fait au nom de la commission d’enquête relative aux moyens mis en œuvre par l’État pour lutter contre le terrorisme depuis le 7 janvier 2015 par Georges Fenech et Sébastien Pietrasanta, qui a été déposé le 5 juillet dernier, propose plusieurs pistes.

Il faut les mettre en œuvre, en particulier celles relatives à notre dispositif de renseignement qui est défaillant. Il nous faut améliorer le fonctionnement de l’espace Schengen, également très défaillant, ajuster notre doctrine d’intervention et restaurer une véritable politique pénale.

Enfin, il faut, surtout, éradiquer le mal à sa source. Pour détruire le djihadisme, il faut d’abord exterminer Daech là où cette organisation se trouve. Il ne faut pas avoir peur et voir la vérité en face : une intervention au sol avec nos alliés est à mon sens inévitable afin de gagner cette guerre.

Mais Daech n’est que l’ultime avatar du djihadisme : il n’existe pas de bon ni de mauvais djihadistes. Le terrorisme ne se développe que parce que des États lui apportent son concours financier, militaire et logistique : nous les connaissons et les nous les fréquentons.

La semaine dernière, notre ministre des affaires étrangères s’est entretenu à Beyrouth, de la manière la plus officielle qui soit, avec des représentants du Hezbollah, une organisation terroriste qui constitue le bras armé de Bachar el-Assad et qui est responsable de la mort de dizaines de nos compatriotes !

J’ai été outré qu’en début d’année nous ayons déroulé le tapis rouge aux Iraniens : il faut une clarté morale !

M. le président. La parole est à Mme Marion Maréchal-Le Pen.

Plusieurs députés du groupe socialiste écologiste et républicain. Ah !

Mme Marion Maréchal-Le Pen. Je vois que M. le Premier ministre est parti. Messieurs les ministres, comme beaucoup de députés ici présents, je ne comprends pas ce que vous faites encore sur ces bancs.

M. Patrick Mennucci. Et vous donc !

Mme Marion Maréchal-Le Pen. Deux cent trente-six morts en dix-huit mois : dans n’importe quel pays du monde, un tel bilan aurait entraîné a minima la démission du ministre de l’intérieur, voire du Premier ministre.

Dès lors, ne vous étonnez pas du fait que le Premier ministre soit hué, ni que des Français manifestent leur légitime colère. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain et sur quelques bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)



Le Premier ministre a d’ailleurs dénoncé ces huées comme indignes. Mais, monsieur le secrétaire d’État, ce qui est indigne, ce n’est pas la colère des Français, c’est qu’aujourd’hui des djihadistes revenus de Syrie continuent de circuler librement.

Mme Brigitte Bourguignon. À Nice, ce n’était pas un djihadiste !

Mme Marion Maréchal-Le Pen. Ce qui est indigne est que des étrangers condamnés et – ou – radicalisés bénéficient encore de titres de séjour, que des mosquées radicales soient toujours ouvertes, que des imams intégristes continuent de prêcher et que des financements étrangers de pays soutenant le terrorisme islamiste affluent en France et continuent de financer un certain nombre de lieux de culte.

Ce qui est indigne, c’est que les accords de Schengen ne soient toujours pas suspendus, nous livrant ainsi à l’immigration clandestine devenue une voie royale pour l’infiltration de terroristes. Cela nous empêche également de lutter contre le trafic d’armes ou de faire respecter les expulsions ou les interdictions de territoire.

Ce qui est indigne, c’est de refuser de prendre les décisions budgétaires nécessaires à l’augmentation de nos moyens militaires ou des effectifs de nos forces de l’ordre.

C’est également le refus idéologique de recourir à la déchéance de nationalité à l’égard de tous ceux qui ne méritent plus l’honneur de jouir de la nationalité française.

Ce qui est indigne est également que certains délinquants récidivistes puissent frapper la France au travers d’actes terroristes, faute d’avoir purgé l’intégralité de leur peine, en raison des remises automatiques de peine.

Ce qui est indigne enfin, ce sont les comparaisons obscènes faites par des ministres entre l’État islamique, les terroristes et le Front national. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

Il s’agit donc aujourd’hui de la troisième prorogation de l’état d’urgence...

M. le président. Je vous remercie.

La parole est à Mme Isabelle Attard. (Exclamations sur certains bancs du groupe Les Républicains.) Comme je l’ai annoncé avant de donner la parole aux uns et aux autres, chaque orateur inscrit sur l’article dispose de deux minutes.

Mme Isabelle Attard. Chers collègues, je voulais tout d’abord apporter tout mon soutien aux familles comme aux amis des victimes de la tragédie de Nice. Je remercie pour leur dévouement les policiers présents – en trop faible nombre – ce jour-là, ainsi que le personnel médical de la ville.

Nous étions tous, sans exception, aux côtés du Président de République le 13 novembre lors de l’annonce de l’état d’urgence. Nous avons ensuite été six à nous opposer à sa première prolongation.

Dès le mois de janvier, les rapports parlementaires se sont succédé pour dire tous la même chose : l’impact et l’efficacité de l’état d’urgence n’ont duré que les premières semaines de son application. Depuis, plus rien.

Ce constat nous a donné raison. Et pourtant, la majorité de cette assemblée s’obstine à prolonger inlassablement un état d’exception totalement inefficace.

Chers collègues, écoutons les spécialistes et les juristes auditionnés par nos collègues. Mettons en œuvre des mesures effectivement efficaces en faisant en sorte que les services de renseignement travaillent mieux ensemble à l’échelle nationale comme européenne.

Faisons en sorte que tous les services internes parviennent à collaborer sans que nous ayons besoin de cet état d’urgence. Enfin, remettons en avant la cohésion sociale, l’éducation, et notamment l’éducation populaire, la police de proximité, car toutes ces notions ont peu à peu été abandonnées au profit d’un discours guerrier.

J’espère que nous serons capables – intelligemment – d’atteindre cet objectif.

Mme Danielle Auroi et Mme Michèle Bonneton. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Charles de La Verpillière.

M. Charles de La Verpillière. Entre le 7 janvier 2015, jour de l’attaque contre Charlie-Hebdo, et le 14 juillet 2016, jour du massacre de Nice, les terroristes ont tué dans notre pays plus de deux cent trente innocents.

S’il me paraît donc évident que l’état d’urgence doit être prolongé, vous jouez – comme toujours – petit bras : votre projet de loi prorogeant l’état d’urgence n’est en effet pas à la hauteur du danger qui menace les Français.

En commission des lois, votre majorité a rejeté la plupart des propositions que notre groupe a été amené à faire en vue de donner plus de moyens aux forces de l’ordre.

Vous ne voulez pas non plus admettre que le travail remarquable de ces mêmes forces de l’ordre n’a de sens que si les terroristes débusqués sont ensuite mis hors d’état de nuire par la justice. Or le volet pénal de votre politique est indigent : nous savons bien pourquoi, après quatre années de laxisme judiciaire.

Enfin, la meilleure loi du monde ne vaut rien si le Gouvernement n’est pas animé par la volonté implacable de l’appliquer jusqu’au bout. L’auteur du massacre de Nice avait été condamné en mars dernier pour violences.

Je prétends que, dans le contexte de l’état d’urgence, il pouvait et devait être expulsé du territoire national.

Mme Élisabeth Guigou. Oh !

M. Charles de La Verpillière. Cela n’a pas été fait : on a vu la suite. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Plus généralement, monsieur le Premier ministre, vous reconnaissez vous-même que nous sommes en guerre. Or cela implique de nommer ses ennemis : l’islamisme radical et les fanatiques qui l’ont adopté. Ils se moquent de pratiquer paisiblement leur religion : ce qu’ils veulent, c’est l’imposer aux autres ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains sur quelques bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.)

M. le président. La parole est à M. Sylvain Berrios.

M. Sylvain Berrios. Monsieur le Premier ministre, l’immobilisme n’offre pas de perspective possible. L’objectif, aussi difficile à atteindre soit-il, ne peut être que la fin des attentats. Pour l’atteindre, il faut être capable de nous remettre en cause et de remettre en cause notre système de sécurité tel que nous l’avons bâti jusqu’à présent.

Il faut, en effet, le réinterroger : sachons reconnaître ses failles et nous inspirer de pays qui, comme les États-Unis ou Israël, sont de longue date confrontés à des situations similaires. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

Dans ce contexte, l’état d’urgence, qui ne permet que de protéger des manifestants syndicaux ou le déroulement de l’Euro 2016, n’est pas optimal. Les Français sont prêts à se battre pour préserver leur liberté : ils ne veulent pas que l’on s’abrite derrière les arguties juridiques d’un État de droit qui protègerait plus efficacement des terroristes en herbe que leur propre sécurité.

Monsieur le Premier ministre, nous ne pouvons plus attendre : la dignité et le respect de la mémoire de ceux qui sont décédés et qui ont été assassinés méritent que vous prêtiez une attention particulière aux propositions du groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et sur quelques bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.)

M. le président. La parole est à Mme Colette Capdevielle.

Mme Colette Capdevielle. Je voudrais évoquer ici les conséquences de la prorogation de l’état d’urgence sur les grands événements estivaux de notre pays. Je ne vous cache pas qu’au lendemain de la tragédie de Nice, les élus, les habitants, les commerçants, les représentants associatifs se sont légitimement interrogés sur le maintien notamment des fêtes de Bayonne.

En effet, elles occupent le cinquième rang mondial pour leur fréquentation : 1,2 millions de festaïres viennent – souvent de très loin – vivre cinq jours et cinq nuits de fête.

Le centre ancien de Bayonne, ville d’art et d’histoire, leur sert de magnifique cadre : il pose cependant de graves questions de sécurité, compte tenu de ses ruelles étroites et de ses locaux peu accessibles.

Il est vital de préserver – comme d’autres dans le Sud-ouest – ces fêtes car elles consacrent tout ce que probablement Daech déteste : les rencontres, l’amitié, la convivialité, la musique, les cultures locales, les danses, les traditions et également l’ivresse.

Tout cela est symbolisé par la même tenue rouge et blanche qui nous rend tous égaux et contribue à notre cohésion sociale.

Il y a en France, et particulièrement dans le Sud-Ouest et au Pays basque, un art de faire la fête que nous cultivons et qui nous est envié.

C’est pourquoi je souhaiterais, messieurs les ministres, que vous puissiez nous confirmer le maintien de ces événements estivaux, le maintien de l’édition 2016 des fêtes de Bayonne, (Murmures sur divers bancs) que vous nous précisiez plus largement les moyens que l’État va pouvoir mettre à disposition dès le 27 juillet prochain.

Je vous remercie de nous donner ces précisions très attendues afin de rassurer nos concitoyens.

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Laurent.

M. Jean-Luc Laurent. L’état d’urgence dont nous parlons ce soir n’est pas nuisible. C’est une procédure qui n’est pas pour autant utile dans la lutte contre le terrorisme dans la durée. Mon vote sur cet article sera donc cohérence avec ceux que j’ai émis lors des deux demandes précédentes de prolongation de l’état d’urgence.

L’état d’urgence a été utile lors de sa première mise en œuvre. Je l’avais d’ailleurs approuvé. L’effet de surprise a joué, les résultats étaient au rendez-vous.

Le Président de la République l’a rappelé, les possibilités ouvertes par l’état d’urgence n’ont pas vocation à être permanentes. C’est malheureusement ce qui nous est demandé avec la prolongation de six mois.

La lutte antiterroriste est dans les mains des policiers et des magistrats, pas dans celle des préfets. C’est en tout cas ce que nous avons décidé dans la loi du 3 juin, qui renforce les pouvoirs de la police et de la justice et nous place dans le droit ordinaire, avec des moyens d’action renforcés.

Face à une menace forte et durable, ne nous appuyons pas, mes chers collègues, sur une procédure fantôme. On a l’habitude d’entendre les adversaires de l’état d’urgence dénoncer les dérives et craindre l’arbitraire. Moi, cette procédure ne me choque pas mais elle m’apparaît fantomatique, en tout cas du point de vue de la lutte antiterroriste, de la prévention et de l’état de résilience qu’il nous faut créer.

M. le président. La parole est à M. Jacques Myard.

M. Jacques Myard. La lutte, effectivement, sera longue, il ne faut pas être naïf et il faut ouvrir les yeux.

En réalité, elle dépasse très largement le cadre du renseignement, et nous devons ici rendre hommage au travail vigilant des services de la République qui veillent au grain et qui réussissent, mais il peut toujours y avoir des défaillances et il y a attentat.

Aujourd’hui, nous devons donc élaborer en réalité une réponse politique dans le long terme pour faire face à une menace qui va durer.

D’abord, sur le plan interne, nous devons lutter pied à pied contre les dérives communautaristes, et vous avez été beaucoup trop laxistes dans ce domaine, au nom d’une idéologie de permissivité qui nous conduit là où nous sommes aujourd’hui.

Je me souviens encore du Premier ministre fustigeant l’opposition lorsque nous disions que nous devions lutter contre le voile intégral. Il a prétendu que ce n’était pas très grave et qu’il y aurait eu des incidents. Je préfère avoir des incidents aujourd’hui que des tensions incroyables demain matin.

Nous devons aussi adapter notre politique sur le plan géostratégique. Nous avons pris des postures, nous avons suivi des États idéologiques qui ont joué les apprentis sorciers, notamment dans la guerre irako-syrienne, et nous nous sommes trompés d’ennemis. C’est ça la réalité.

M. Nicolas Dupont-Aignan. Bravo !

M. Jacques Myard. Nous devons ouvrir les yeux, changer totalement de politique au Proche et au Moyen-Orient et, sur le plan national, lutter pied à pied contre toutes les dérives communautaristes qui sont le terreau des terroristes. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe Les Républicains et sur quelques bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.)

M. le président. La parole est à M. Julien Aubert.

M. Julien Aubert. Vous demandez la prolongation de l’état d’urgence. J’ai envie de vous demander pour quoi faire.

D’abord, je n’oublie pas les victimes, les policiers assassinés, alors qu’il y avait état d’urgence, mais je n’oublie pas non plus la contradiction dans laquelle est le Gouvernement. Le 14 juillet, le Président de la République nous explique que l’état d’urgence doit être levé et, quelques jours plus tard, le Premier ministre nous explique que, juste avant l’Euro 2016, un attentat a été évité. Où est la cohérence ?

Si l’état d’urgence a effectivement permis de déjouer des menaces terroristes, pourquoi le Président de la République souhaitait-il le lever ? Où est la crédibilité, quelle peut être la confiance à l’égard de ce qui apparaît aux Français comme un tigre de papier ou un fusil sans cartouches ?

Donc oui pour la prolongation de l’état d’urgence, à condition que vous en fassiez quelque chose. Le pays bouillonne, et, si l’État n’est plus en mesure de garantir la sécurité des Français, ce sont les citoyens eux-mêmes qui s’armeront pour se défendre (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain), et notre responsabilité est de donner du signifiant et du signifié à cet état d’urgence.

Vous avez décidé de déclarer la guerre. Alors adoptez le logiciel qui va avec, prenez les mesures nécessaires lorsqu’il est encore temps.

M. le président. La parole est à M. Gilbert Collard.

M. Gilbert Collard. Monsieur le Premier ministre absent, vous avez été, vous et votre gouvernement, les grands incapables de l’état d’urgence, à tel point que le Président de la République a cru bon de dire, dans son éternel exercice comique d’hésitant, qu’on n’allait pas renouveler l’état d’urgence alors même que nous sommes réunis aujourd’hui pour le proroger.

Qu’avez-vous fait de l’état d’urgence que l’on vous a donné ? Pendant cet état d’urgence, on a vu les Nuit debout, les manifestations, les caillassages, les violences à Marseille pendant l’Euro, un véhicule de police incendié, des policiers frappés.

Qu’avez-vous fait de l’état d’urgence ? Rien. Vous en avez fait comme toujours des confettis de paroles, du parfum de bonne conscience. Vous n’en avez rien fait parce que vous êtes des incapables d’État.

Aujourd’hui, vous demandez qu’on vous confie de nouveau un état d’urgence, mais qu’allez-vous en faire ?

Vous avez peur de tout, vous avez peur des mots. Si l’état d’urgence avait été appliqué, l’assassin de Nice n’aurait pas été là et, je vous le dis, que cela vous plaise ou non, ces morts vous regardent et vous aurez des comptes à leur rendre, bande d’incapables. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Gosselin.

M. Philippe Gosselin. Ce 14 juillet, jour de la fête de la nation, tout un symbole, notre pays, une fois de plus, s’est trouvé endeuillé. À nouveau, ce sont des dizaines de victimes qui sont à déplorer, des familles qui sont endeuillées, avec la mort de nombreux enfants malheureusement.

Aujourd’hui, nous sommes tous des Niçois. Rendons hommage aux forces de l’ordre, aux forces de sécurité, aux forces de sécurité civile, à toutes celles, tous ceux, soignants ou bénévoles, qui se sont mobilisés.

Le temps est encore au recueillement, non à la polémique. Évitons les surenchères, les « ya qu’à », les « faut qu’on », mais, pour autant, nous avons une exigence, un devoir de sécurité pour nos concitoyens, de transparence sur ce qui s’est passé, sur les éventuels manquements aux responsabilités. C’est un devoir, un devoir impérieux de l’État.

Oui à la sécurité, à la protection nécessaire de nos concitoyens, à des modifications législatives si besoin, mais non à la facilité.

Pas d’angélisme, pas de fatalité ni de renoncement, mais des mesures. Or, en l’état, la simple prorogation, pour la troisième fois consécutive, de l’état d’urgence, ne suffit pas. Il faut lui donner corps, du contenu, du concret.

Nous verrons dans les débats qui vont suivre, par l’adoption ou non d’amendements que nous proposons, si vous avez ou non, messieurs les ministres, la volonté sincère d’avancer ensemble avec l’ensemble de la représentation nationale ou de faire route seuls. Vous en tirerez alors les conclusions et en assumerez les conséquences. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Marc Le Fur.

M. Marc Le Fur. Messieurs les ministres, 236 morts, en dix-huit mois, des femmes, des hommes, des enfants, de jeunes enfants. La France n’a jamais connu cela depuis la guerre d’Algérie.

La France est visée comme les autres pays occidentaux, mais, ne nous leurrons pas, elle est visée bien plus que nos voisins.

Paris et Nice découvrent une situation que l’on croyait réservée à Tel-Aviv et à Beyrouth. Nous sommes en guerre. Si nous ne l’admettons pas, si nous n’en tirons pas les conséquences, nous commettons une erreur historique.

La réponse n’est pas dans la routine, elle n’est pas dans le banal. Elle est dans l’exception. L’union, oui, à la condition qu’elle soit le préalable à l’action et non le substitut.

Oui, les Français préfèrent un droit d’exception à la barbarie. Sachons l’affirmer cette nuit. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Attard, pour soutenir l’amendement n17, qui tend à supprimer l’article 1er.

Mme Isabelle Attard. Nous avons vu depuis novembre dernier à quoi a servi l’état d’urgence, non pas à lutter contre le terrorisme mais à museler les contestations sociales ou ceux qui luttaient vraiment contre le réchauffement climatique. Tout l’arsenal existe déjà. Il suffit de l’appliquer. Il suffit également de donner les moyens humains ou financiers aux services de renseignement et à la justice afin qu’ils soient efficaces.

Vous avez dit, monsieur Jacob, que les Français étaient en colère. C’est vrai, mais ce que réclament les Niçois et nos compatriotes, ce sont surtout des explications et non l’instauration d’un état policier permanent.

Comment est-il possible, par exemple, qu’un camion de dix-huit tonnes ait pu tourner dans le centre-ville de Nice pendant une journée entière sous l’objectif des caméras de la ville ?

Comment est-il possible qu’un camion ait pu accéder à un centre-ville interdit et à une zone piétonne interdite ?

Alors, oui, ils ont toutes les raisons du monde d’être en colère et je ne pense pas que qui que ce soit ici dans cet hémicycle puisse faire parler les Français en sachant exactement ce que chacun d’entre eux désire.

Alors, oui, ils sont en colère et je ne pense pas, contrairement à vous, qu’ils le sont parce qu’ils désirent un État policier permanent ou l’instauration d’un état d’urgence, qui durera de longs mois encore.

Je continue donc de marteler mon opposition à l’état d’urgence, et je continuerai à demander la suppression des deux articles de ce projet.

(L’amendement n17, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de cinq amendements, nos 15, 67, 69, 80 et 6, pouvant être soumis à une discussion commune.

Les amendements nos 15, 67, 69 et 80 sont identiques.

La parole est à M. Éric Ciotti, pour soutenir l’amendement n15.

M. Éric Ciotti. Cet amendement concerne la durée de prorogation de l’état d’urgence. Nous l’avons évoquée en commission. Vous avez accepté de la porter de trois à six mois en réponse à un amendement déposé par le groupe Les Républicains. C’est un premier pas.

Le Premier ministre a rappelé tout à l’heure, dans un discours empreint de pessimisme, que des attentats auraient été déjoués avant l’Euro, ce qui rend d’ailleurs étonnante l’annonce du Président de la République le 14 juillet de lever l’état d’urgence.

Nous savons, tous les spécialistes le disent et toutes les auditions qui ont eu lieu notamment devant la commission Fenech le confirment, que la menace sera maximale, qu’elle est durable et que nous serons malheureusement pendant plusieurs mois, voire plusieurs années, confrontés à cette situation.

Compte tenu de la menace, ce n’est donc sûrement pas le moment de baisser la garde. Nous vous proposons, pour ne pas avoir à reconduire ces débats éternellement, c’est la quatrième fois que nous le faisons, de prendre nos responsabilités et de proroger l’état d’urgence pendant un an.

M. le président. La parole est à M. Jacques Bompard, pour soutenir l’amendement n67.

M. Jacques Bompard. Pourquoi en rester à trois mois ? Le chef de l’État a proposé lui-même que cela soit porté à six mois.

M. Pascal Popelin, rapporteur. C’est six mois déjà !

M. Jacques Bompard. L’évidence, c’est que l’ensemble des Français est maintenant dans une situation de totale insécurité.

J’ai beaucoup entendu que le risque zéro n’existerait pas. Ce n’est pas le sujet. La France est victime d’attentats intolérables sur son sol, des attentats qui viennent de nouveau ôter la vie à des innocents.

Quand 88 % des Français pensent que les peines nécessaires ne sont pas prononcées, que 77 % évoquent la question des moyens et que seulement 33 % pensent que François Hollande et le Gouvernement sont les mieux à même de lutter contre le terrorisme, il y a un problème. Ce ne sont pas ces six mois qui permettront d’éviter ensuite un allongement de l’état d’urgence pour la campagne présidentielle. Sincèrement, tous les Français préféreront se passer des magnifiques effluves d’une campagne capturée par les médias pour préserver la sécurité de leur enfant.

Le vieux monde des factions politiques disparaît. La sécurité est la première des libertés. Nous voulons tout faire pour au moins tenter de la recouvrer. Je pense donc qu’il faut savoir tirer les conséquences de l’actualité et accepter de proroger l’état d’urgence pendant suffisamment longtemps – par exemple, jusqu’à ce que le terrorisme ait vraiment disparu.

M. le président. La parole est à Mme Valérie Boyer, pour soutenir l’amendement n69.

Mme Valérie Boyer. Cet amendement vise à faire en sorte que l’état d’urgence soit prorogé d’une année. Le 14 juillet, notre pays a été une nouvelle fois la cible du terrorisme (Exclamations sur quelques bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain), et c’est la raison pour laquelle nous sommes ici. Je ne veux pas que ce soit pour renoncer à ce que nous sommes, à nos valeurs, à notre identité et à notre façon de vivre. C’est pourquoi il faut que cet état d’urgence soit prorogé.

La question que nous pouvons nous poser, et que je pose, après mes collègues, au Premier ministre, c’est : qu’avez-vous fait de cet état d’urgence ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.) Nous avons eu des manifestations sans précédent dans notre pays. Aujourd’hui, le bilan est triste, il est même très inquiétant : 236 morts – 236 innocents assassinés – et plus de 600 blessés, à cause de ces actes de terrorisme. C’est le triste bilan de l’état d’urgence.

On nous dit que des attentats ont été déjoués. Pourquoi, en ce cas, le 14 juillet, le Président de République voulait-il, avec sa logique du « ça va mieux », faire cesser l’état d’urgence le 26 juillet, alors même que vous avez dit, monsieur le Premier ministre, qu’un gros attentat avait été déjoué pendant l’Euro ? Aujourd’hui, n’oublions pas non plus les autres pays qui subissent également ces attentats barbares. Nous devons lutter de toutes nos forces, avec les services de l’ordre et les services de santé, qui ont été remarquables, à Nice notamment, et avec les moyens de la démocratie.

Il faut aller plus loin. Il faut changer notre politique étrangère et arrêter de nous tromper d’ennemi, comme vous l’avez fait jusqu’à présent. Il faut aussi se réarmer moralement et lutter contre l’idéologie morbide et assassine qui nous attaque et nous attaquera encore, dites-vous. Il faut moins de complaisance à l’égard des États qui la soutiennent. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. le président. S’il vous plaît, mes chers collègues !

Mme Valérie Boyer. Mes chers collègues, je pense également que pendant cet état d’urgence nous devons nous poser des questions sur le salafisme et sur ces idéologies morbides qui…

M. le président. Je vous remercie, madame Boyer. La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n80.

M. Marc Le Fur. Monsieur le Premier ministre, ne nous faisons pas d’illusions, la guerre sera longue. Donnons-nous les moyens de nous organiser de façon à tenir, même dans l’hypothèse, que nous espérons, où Daech reculerait au Moyen-Orient et perdrait ses bases. En effet, ses combattants se disperseraient dans le monde, en particulier chez nous, où ils ont des relais et des complices. Donnons-nous les moyens de tenir longtemps, de protéger nos compatriotes, non pas pour quelques semaines ni pour quelques mois, mais au moins pour un an. C’est l’objet de cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Guillaume Larrivé, pour soutenir l’amendement n6.

M. Guillaume Larrivé. Il est défendu. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pascal Popelin, rapporteur. Le Gouvernement nous a demandé une prorogation de trois mois. En commission, nous lui avons accordé six mois. C’est la première fois que nous lui accordons une durée aussi longue. Je comprends la volonté des auteurs des amendements qui viennent d’être présentés de manifester le souhait d’aller au-delà. Cependant, je considère qu’il faut conserver un équilibre entre la nécessité d’un état d’urgence qui soit adapté à une menace durable et des clauses de revoyure régulières devant le Parlement pour débattre de la mise en œuvre de l’état d’urgence et apprécier si les conditions posées par la loi de 1955, notamment celle du péril imminent, sont toujours réunies.

J’observe, par ailleurs, que même les auteurs des amendements visant à une prorogation de dix mois ou d’un an ont voté celle de six mois. Je vous propose donc d’en rester là. Avis défavorable pour l’ensemble de ces amendements.

(Les amendements identiques nos 15, 67, 69 et 80, repoussés par le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)

(L’amendement n6, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Bompard, pour soutenir l’amendement n68.

M. Jacques Bompard. Je ne pense pas que l’arrêt de l’état d’urgence doive relever de la seule décision du conseil des ministres. Le grand danger qui nous guette, en matière de lutte contre l’islamisme, c’est la rupture entre le pays réel et le pays légal. À force d’avoir des édiles compromis avec l’UOIF, des mosquées construites avec de l’argent étranger et des violences commises partout au nom de l’islam, le peuple est en train d’en venir par lui-même à la réponse qu’il souhaite. Il m’a été répondu en commission que c’était là la tradition de l’état d’urgence.

Mais la France a-t-elle déjà connu un tel débordement d’horreurs commises par des membres issus de sa population ou des étrangers qu’elle accueille, depuis les pires heures de la Terreur ? La France a-t-elle déjà connu le retour aux événements de la guerre d’Algérie sur son territoire ? Non ! Préserver les petits intérêts d’un gouvernement qui n’a pas protégé les Français n’est pas acceptable. Nous voulons donc que la publicité, parmi la représentation nationale, soit assumée, notamment pour que les Français sachent à quel point vous êtes timides dans vos mesures. À ce titre, la décision de la fin de l’état d’urgence par décret est un risque que nous ne pouvons pas courir.

(L’amendement n68, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

(L’article 1er est adopté.)

Après l’article 1er

M. le président. Je suis saisi de plusieurs amendements portant article additionnel après l’article 1er. La parole est à M. Éric Ciotti, pour soutenir l’amendement n45.

M. Éric Ciotti. Cet amendement vise à interdire le financement de lieux de culte par une puissance étrangère. Vous avez évoqué tout à l’heure, monsieur le Premier ministre, les dangers liés au développement du salafisme dans certains lieux de culte. Nous savons que ce sont des lieux de radicalisation. Nous savons aussi les menaces que fait peser l’influence de puissances étrangères sur ces lieux de culte.

M. Jacques Myard. Très bien !

M. Éric Ciotti. Je crois qu’il faut avoir le courage aujourd’hui de couper ce financement qui est lourd de menaces pour notre pays. C’est l’objectif de cet amendement. Quelques jours avant l’attentat que nous avons subi à Nice, un lieu de culte où la présence d’’influences dangereuses est avérée a été ouvert, alors qu’il est intégralement financé par une puissance étrangère. Malgré les alertes que nous avons lancées avec le maire de Nice et le président de la métropole, le Gouvernement est passé outre nos demandes de ne pas autoriser l’ouverture de ce lieu de culte. Je tenais à le rappeler !

M. Jacques Myard. Bravo !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pascal Popelin, rapporteur. J’ai un problème avec cet amendement. L’expression « lieux de culte » n’apparaît nulle part dans la loi de 1905. Il serait plus logique de viser non pas les bâtiments, mais l’association qui les occupe ou qui les construit et qui est responsable des propos tenus, davantage que ne le sont les locaux.

M. Laurent Wauquiez. C’est inepte comme réponse !

M. Pascal Popelin, rapporteur. Je vous remercie de considérer, cher collègue, que ce que je dis est inepte. Je vous dis que cet amendement est fort mal rédigé, parce qu’il vise un lieu de culte, alors que ce n’est pas cela le problème. Un bâtiment n’est pas affecté de manière définitive. Il est ce qu’il est et, une fois qu’il est affecté à un usage, c’est autre chose. Avis défavorable. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.)

M. le président. C’est une réponse juridique.

M. Claude Goasguen. Pseudo-juridique !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Manuel Valls, Premier ministre. Je reconnais bien là M. Goasguen…

Monsieur Ciotti, ce sujet du financement des lieux de culte musulmans n’est pas nouveau. Nous avons été nombreux à réfléchir sur cette question. Nous avions même envisagé des financements possibles, par le biais de la fondation créée par Dominique de Villepin. Une vraie question se pose sur le rôle de plusieurs pays étrangers, quels qu’ils soient en termes d’influence. C’est aussi pour cela que nous souhaitons construire un islam de France et former nos propres imams. Nous sommes pris dans des contradictions, puisque nous demandons à des pays en lesquels nous avons confiance de former ces imams.

Il y a une vraie difficulté, aussi bien relativement à la formation des imams qu’au financement. Cette réflexion doit se poursuivre. Cela n’est pas facile. Quand un ancien ministre de l’intérieur a voulu donner de la force à la représentation de l’islam de France, il l’a d’abord fait en acceptant que le président du conseil français du culte musulman soit très lié à un pays ami, puis en passant un accord avec l’UOIF dont les liens avec les Frères musulmans sont connus. Ce sont des sujets complexes, qui ont laissé…

M. Laurent Wauquiez. Cela n’a rien à voir avec des puissances étrangères !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur Wauquiez, je vois que vous en êtes un grand spécialiste !

…des traces profondes, y compris dans l’islam. La difficulté que nous rencontrons, monsieur Ciotti, comme vous le savez, c’est que le principe d’égalité interdit de faire des distinctions. C’est là toute la difficulté juridique. Il faudrait que cela s’applique à tout le monde, y compris quand on construit une belle cathédrale orthodoxe au cœur de Paris, grâce aux financements d’un pays dont vous nous dites qu’il faut nous faire un allié pour telles raisons stratégiques. Au-delà de ce rappel, ce point relève du droit. Même si la réflexion est intéressante, le Gouvernement est défavorable à l’amendement.

(L’amendement n45 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de plusieurs amendements, nos 48, 29, 8 et 89, pouvant être soumis à une discussion commune.

Les amendements nos 8 et 89 sont identiques.

La parole est à M. Éric Ciotti, pour soutenir l’amendement n48.

M. Éric Ciotti. Il est défendu.

M. le président. La parole est à M. Guénhaël Huet, pour soutenir l’amendement n29.

M. Guénhaël Huet. Chacun sait que, parmi les multiples causes du terrorisme islamique, il y a des prêches qui sont proférés par des imams incitant à la haine et au passage à l’acte. Parmi tous les exemples qui existent, je n’en citerai qu’un quasiment caricatural : les déclarations répétées de l’imam de Brest. Il est temps que l’État prenne la pleine mesure de la responsabilité de ces imams qui ont un comportement particulièrement dangereux et provocateur, contraire au principe même de laïcité, auquel je sais que vous êtes très attaché, monsieur le Premier ministre.

Cet amendement vise à faciliter la fermeture administrative par le ministère de l’intérieur ou par les préfets, des lieux de culte en général, même si chacun comprend que ceux qui sont visés sont les lieux de culte musulmans où l’on prêche des discours de haine. Il faut qu’il y ait la possibilité d’une fermeture administrative lorsqu’il est manifeste qu’un certain nombre de ces discours portent une atteinte grave à la sécurité publique.

M. le président. La parole est à M. Guillaume Larrivé, pour soutenir l’amendement n8.

M. Guillaume Larrivé. Au-delà des questions rédactionnelles et techniques qui ne sont pas négligeables, et qu’a évoquées le rapporteur, posons-nous quand même ce soir des questions de fond : voulons-nous, oui ou non, accélérer la fermeture des mosquées salafistes ? Voulons-nous, oui ou non, accélérer la dissolution des associations, groupements de fait ou structures diverses qui gèrent ces mosquées ? Pour nous, députés Les Républicains, la réponse est oui.

Nous considérons que l’état du droit, qu’il s’agisse du code de la sécurité intérieure avec des vieilles dispositions héritées d’un décret-loi de 1938 ou même des dispositions actuelles de la loi relative à l’état d’urgence, n’est pas satisfaisant, car il n’a pas permis aux différents gouvernements, jusqu’alors, de procéder véritablement à la fermeture non pas seulement de certaines, mais bien de toutes les mosquées extrémistes qui constituent une menace pour l’ordre public.

Avec cet amendement et l’amendement suivant, nous souhaitons permettre un exercice de vérité. Chacun doit prendre ses responsabilités. Si vous souhaitez, comme nous, dissoudre ces associations et groupements, et fermer ces mosquées salafistes, alors il faut donner au ministre de l’intérieur et aux préfets des pouvoirs exceptionnels dans le cadre de la loi sur l’état d’urgence.

M. le président. Sur les amendements identiques nos 8 et 89, je suis saisi par le groupe Les Républicains d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Jacques Myard, pour soutenir l’amendement n89.

M. Jacques Myard. En effet, il faut regarder les réalités en face et se donner les moyens de lutter contre des prêches tenus dans des mosquées, qui vont à l’encontre de l’ordre public français, c’est-à-dire des lois de la République. Cet amendement n89 a pour objectif de donner au ministre de l’intérieur et aux préfets les moyens d’ordonner la fermeture de tout lieu de culte lorsqu’il existe des raisons sérieuses de penser que celui-ci constitue une menace pour l’ordre public. Si nous avons aujourd’hui un slogan à reprendre, c’est celui-ci : les libertés républicaines ne sauraient être utilisées par des activistes pour agir contre les principes et les valeurs de la République. Si nous devons, bien entendu, respecter les cultes, nous devons être d’une très grande vigilance et d’une très grande fermeté à l’égard des prêches de haine, qui vont contre la République.

M. Christian Jacob. Très bien !

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur l’ensemble de ces amendements ?

M. Pascal Popelin, rapporteur. Je reviendrai en particulier sur les amendements n8 et n89, considérant que pour les précédents, les arguments de rejet restent les mêmes. Ces deux amendements posent des questions intéressantes et les préoccupations qui y sont exprimées doivent être prises en considération. Mais l’état de notre droit en matière d’état d’urgence fait que ces amendements sont totalement satisfaits. En effet, l’article 8 de la loi de 1955 autorise la fermeture provisoire des lieux de culte, et plus généralement de tout lieu de réunion, pendant la durée de l’état d’urgence. C’est d’ailleurs sur ce fondement que quatre mosquées ont été fermées depuis le début de l’état d’urgence. L’amendement doublonne également à 99 % avec la partie de la loi relative à la dissolution d’associations cultuelles, la seule différence proposée étant que la décision ne serait plus prise en conseil des ministres, mais par le ministre de l’intérieur ou le préfet. On va regarder si l’on peut, au cours de la navette, à trouver un dispositif plus adapté à l’objectif que vous fixez, mais en l’état actuel, votre proposition apporte très peu par rapport à ce que le droit permet déjà.

Mme Valérie Boyer. Nous le redéposerons au Sénat !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Manuel Valls, Premier ministre. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Laurent Wauquiez.

M. Laurent Wauquiez. Dans le prolongement des interventions de Guillaume Larrivé et d’Éric Ciotti, je voudrais souligner qu’il s’agit d’un thème qui nous paraît exemplaire de l’approche du Gouvernement. D’abord, y a-t-il, oui ou non, aujourd’hui, en France, une centaine de mosquées salafistes ? Deuxième question : est-ce que, oui ou non, monsieur le Premier ministre, vous n’en avez fermé que dix ? Si c’est le cas, vous dites donc devant la représentation nationale qu’après un an et demi de menace intégriste lourde, vous ne vous êtes attaqués qu’à 10 % des lieux les plus intégristes en France ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Deuxième sujet, qui révèle également la différence d’approche entre nous. Vous nous dites : pas de loi d’exception ! Quant à nous, nous disons : une loi d’exception sur tout ce qui permet d’extirper la menace terroriste, notamment sur les lieux de prêche et les mosquées qui deviennent des relais pour des puissances étrangères, qui mènent un travail de sape intégriste à l’intérieur même de notre territoire. Qu’avons-nous entendu ? Un président de la commission des lois qui nous dit que l’amendement est mal rédigé et un représentant du Gouvernement – vous, monsieur le Premier ministre – qui nous dit que la mesure le gêne par rapport au financement de la cathédrale orthodoxe. Mais est-ce le sujet ? De quoi parle-t-on ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.) Nous vous demandons d’adopter des mesures adaptées. Vous nous dites qu’il faut prolonger la réflexion… Mais agissez ! C’est ce qu’attendent les Français ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Claude Goasguen.

M. Claude Goasguen. Monsieur le Premier ministre, j’ai bien entendu le rapporteur dire qu’il laissait une possibilité d’évolution d’ici demain…

M. Pascal Popelin, rapporteur. Peut-être !

M. Claude Goasguen. Je sais que vous partagez notre préoccupation : plusieurs de vos déclarations ont été très nettes en ce sens. Vous savez bien que dans ces établissements dits religieux se tiennent en réalité des propos de guerre. Dans ce domaine, la logistique juridique est suffisante ; le vrai problème, c’est que pour le moment, elle n’est pas suffisamment appliquée. Cela dépend essentiellement de votre ministre de l’intérieur et de vous-même. Comme vous le savez par les rapports, il y a 130 mosquées à supprimer. Ce ne sont d’ailleurs pas seulement des mosquées ; dans la plupart des cas – lisez les rapports des commissions d’enquête ! –, ces mosquées animent des sites qui diffusent très largement, au-delà de l’auditoire de la mosquée. Prenez par exemple le site particulièrement célèbre de la mosquée de Brest : l’imam de Brest ne parle pas qu’aux Brestois, mais, à travers internet, à pratiquement toute la France. Ses propos sont repris dans d’autres mosquées. Par conséquent, il y a là un problème de structure administrative, qu’il faut presser. Dans ce domaine aussi, il est urgent d’agir.

Pour ce qui est de la première question, le texte de l’amendement est en effet très aléatoire sur les lieux de culte à supprimer ; mais on peut trouver, d’ici demain, une formule qui permette véritablement d’entraîner cette interdiction absolue. Nous sommes en période de guerre. Il ne s’agit pas de créer une législation d’exception, mais – je le répète – d’appliquer le livre IV du code pénal. Vous refusez systématiquement de considérer cette option, mais tôt ou tard elle apparaîtra dans les débats, avec beaucoup de retard. Vous disposez de toutes les dispositions nécessaires dans ce domaine ; appliquez-les ! Et si vous pouvez le faire d’ici demain, ce sera bienvenu. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

(Les amendements nos 48 et 29, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix les amendements identiques nos 8 et 89.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants306
Nombre de suffrages exprimés303
Majorité absolue152
Pour l’adoption139
contre164

(Les amendements identiques nos 8 et 89 ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 65 et 106, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Jacques Bompard, pour soutenir l’amendement n65.

M. Jacques Bompard. J’ai présenté, il y a quelques mois, une proposition de loi visant à instaurer un moratoire sur la construction de mosquées dans notre pays. À cette époque, j’avais également posé une question au Gouvernement. Aujourd’hui, mes arguments sont admis partout, jusque dans la presse ; pourtant à ce moment-là, notre collègue Bruno Le Roux avait prétendu modifier le règlement de l’Assemblée nationale pour remettre en cause mon immunité parlementaire – ce qui montre bien le niveau de tolérance dans ce bâtiment…

Vous refusez de prendre ces mesures. Dans toute la France, des maires soutiennent le salafisme afin de s’assurer le vote des communautés. J’écrivais notamment dans l’exposé des motifs que certaines tendances de l’islam englobent l’ensemble de la vie de l’homme et sont de fait des incitations au communautarisme. En 2012, on a ainsi vu apparaître en France un parti musulman. On a également vu Dalil Boubakeur, recteur de la grande mosquée de Paris, proposer que des églises soient transformées en mosquées, ce qui fut ressenti comme une véritable agression par ceux qui défendent l’identité chrétienne de la France. Il est temps de permettre l’interdiction de certains lieux de culte extrémistes qui encouragent la radicalisation. Rien qu’en Vaucluse, j’indique des lieux à vos services depuis des années, mais je ne vois rien venir, malgré les promesses !

M. le président. La parole est à Mme Marion Maréchal-Le Pen, pour soutenir l’amendement n106.

Mme Marion Maréchal-Le Pen. Il est retiré.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n65 ?

M. Pascal Popelin, rapporteur. L’amendement n’apporte aucune plus-value juridique à l’état actuel du droit, puisque l’article 8 vise tous les lieux de réunion, quels qu’ils soient. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Manuel Valls, Premier ministre. Même avis.

(L’amendement n65 n’est pas adopté.)

(L’amendement n106 est retiré.)

M. le président. La parole est à M. Guénhaël Huet, pour soutenir l’amendement n19.

M. Guénhaël Huet. Défendu.

(L’amendement n19, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour soutenir l’amendement n° 84.

M. Dominique Raimbourg, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Cet amendement vise à permettre au Parlement de reprendre le contrôle, mis en place par la commission des lois à l’occasion de l’instauration de l’état d’urgence. Il concerne la transmission, par les autorités administratives, des arrêtés qu’elles prennent. La rédaction de l’amendement pourrait être améliorée, mais je le maintiens en l’état.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement, pour donner l’avis du Gouvernement.

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement qui vise à renforcer le contrôle du Parlement en lui permettant de recevoir une copie de tous les actes que les autorités administratives sont amenées à prendre dans le cadre de l’état d’urgence. (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.) Si le Gouvernement partage l’objectif de cet amendement, à savoir le renforcement du contrôle parlementaire lors des mesures prises dans ce cadre particulier, cet objectif est déjà pleinement atteint. En effet, les dispositions prévues par l’article 4-1 et un recul de huit mois sur l’application des mesures de l’état d’urgence permettent de conclure que le contrôle parlementaire s’effectue dans des conditions satisfaisantes. Par ailleurs, dès lors que de nombreuses mesures reposant sur la loi du 3 avril 1955 sont prises par les préfets, l’amendement conduirait à multiplier le nombre des autorités chargées de communiquer avec le Parlement, alors que ce rôle est dévolu au seul Gouvernement. Mais si j’ai bien compris, une réflexion commune doit s’engager sur ce sujet au cours des navettes.

(L’amendement n84 est adopté.)

M. le président. La parole est à M. François Rochebloine, pour soutenir l’amendement n59.

M. François Rochebloine. La loi du 20 novembre 2015 prorogeant l’application de la loi 55-385 du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence et renforçant l’efficacité de ses dispositions a inscrit l’information du Parlement pendant l’état d’urgence dans la loi du 3 avril 1955. Ainsi, son article 4-1 précise : « L’Assemblée nationale et le Sénat sont informés sans délai des mesures prises par le Gouvernement pendant l’état d’urgence. Ils peuvent requérir toute information complémentaire dans le cadre du contrôle et de l’évaluation de ces mesures. »

Conformément à ce que le groupe de l’Union des démocrates et indépendants a toujours défendu, tant en novembre, lors de l’examen du premier projet de loi sur l’état d’urgence, que lors de l’examen du projet de loi constitutionnel de protection de la Nation, cet amendement prévoit un véritable contrôle parlementaire de l’état d’urgence. Il propose la création d’une commission non permanente de contrôle de l’état d’urgence, composée de sept députés et de sept sénateurs, désignés respectivement par le président de l’Assemblée nationale et par celui du Sénat, de manière à assurer une représentation équilibrée de tous les groupes politiques. Cette composition s’inspire de celle des commissions mixtes paritaires.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pascal Popelin, rapporteur. En matière de contrôle de l’état d’urgence, nous avons beaucoup innové durant ce semestre, faisant en sorte, à l’Assemblée nationale comme au Sénat, de trouver des modalités satisfaisantes. Vous proposez une construction supplémentaire et inédite dont j’ai du mal à cerner l’intérêt. Par ailleurs, en calquer la composition sur le modèle des commissions mixtes paritaires n’assure en rien à votre groupe d’être représenté ; aussi, je suis étonné de vous voir défendre cette proposition. Cet outil va nous compliquer la vie plutôt que de favoriser ce à quoi nous sommes tous extrêmement attachés : l’efficacité du contrôle parlementaire sur les pouvoirs que nous avons délégués au Gouvernement dans le cadre de l’état d’urgence. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d’État. Je m’en remets à la sagesse de l’Assemblée.

M. le président. La parole est à M. Alain Tourret.

M. Alain Tourret. Le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste se prononcera favorablement à cet amendement. Il nous semble qu’il permettrait d’assurer pleinement le contrôle de l’état d’urgence, en donnant tout pouvoir à l’Assemblée nationale et au Sénat pour ce faire. Il ne peut donc que recevoir notre assentiment.

(L’amendement n59 est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Julien Dive, pour soutenir l’amendement n5.

M. Julien Dive. L’état d’urgence signifie l’adoption de mesures d’exception, qui s’appliquent à tous et à toutes les situations. Les déplacements des membres du Gouvernement sur le territoire sont sécurisés, ce qui est tout à fait normal. Ils impliquent donc une mobilisation supplémentaire des services de police et de gendarmerie. Or durant l’état d’urgence, il faut que les forces de l’ordre soient mobilisées de façon prioritaire sur les missions de protection civile.

Ajoutez à l’état d’urgence, qui a été prorogé à plusieurs reprises, les manifestations contre la loi travail, l’Euro de football et le Tour de France : nos forces de l’ordre sont sur-mobilisées. Nous devons les ménager pour que leur efficacité soit optimale. Cet amendement vise donc à suspendre les déplacements facultatifs – visites, inaugurations – des membres du Gouvernement lorsque l’état d’urgence est déclaré, à l’exception des déplacements du Premier ministre, du ministre de l’intérieur, ou des ministres qui doivent se rendre sur certains lieux en raison de circonstances exceptionnelles.

M. Patrick Mennucci et M. Jean-Luc Laurent. C’est ridicule !

(L’amendement n5, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. Patrick Mennucci. On a bien vu ceux qui, à droite, veulent être ministres : ils n’ont pas levé la main ! N’est-ce pas, monsieur Larrivé ? N’est-ce pas, monsieur Ciotti ? (Sourires sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. le président. S’il vous plaît, monsieur Mennucci, ne suscitez pas de vocations ! (Sourires.)

La parole est à M. Jacques Bompard, pour soutenir l’amendement n53.

M. Jacques Bompard. Par cet amendement, je propose de renforcer l’article 4 de la loi du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence. Dans certains cas, le fait d’apporter la preuve du fanatisme demande un suivi très complexe. À la différence de M. le Premier ministre, je crois – avec Éric Zemmour – qu’il faut faire sauter l’État de droit quand celui-ci étouffe la liberté des Français. La défense de la sécurité est bien la première des libertés.

Cet amendement permettrait de faciliter la lutte contre les islamistes et de renforcer la liberté de nos services. Je vous encourage à l’accepter, car la sécurité des Français doit primer sur tout le reste.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pascal Popelin, rapporteur. Avis défavorable. Vous proposez d’assouplir la rédaction de l’article 5 de la loi du 3 avril 1955 afin – si j’ai bien compris – que davantage d’interdictions de manifester soient prononcées. Je vous rappelle que 540 arrêtés de ce type ont été prononcés depuis l’entrée en vigueur de l’état d’urgence : dans toute la palette des instruments à la disposition du Gouvernement dans le cadre de l’état d’urgence, c’est la deuxième mesure la plus utilisée. Je ne vois pas l’utilité de modifier la rédaction d’un dispositif qui remplit bien son office.

M. Sylvain Berrios. Il y a beaucoup de choses que vous ne comprenez pas !

(L’amendement n53, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Valérie Boyer, pour soutenir l’amendement n71 rectifié.

Mme Valérie Boyer. Cet amendement concerne la police municipale. Nous avons déjà eu ce débat lors des multiples examens de textes concernant l’état d’urgence. Par cet amendement, je propose d’autoriser la police municipale à porter « une arme de catégorie B-1 identique à celle utilisée par les personnels actifs de la police nationale ».

L’objectif est d’habiliter les policiers municipaux, dans le cadre de l’état d’urgence, à porter, dans l’exercice de leurs fonctions, une telle arme. Je tiens à souligner que sur le plan national, nos policiers, nos militaires, nos gendarmes, veillent chaque jour à notre sécurité et accomplissent un travail remarquable. Pour améliorer l’efficacité de ce travail, nous devrions y associer aussi la police municipale, surtout lorsqu’elle est bien formée.

De la même façon, nous avions débattu – c’était d’ailleurs incroyable – lors de l’examen d’un précédent projet de loi relatif à l’état d’urgence pour savoir s’il fallait confier à la police municipale la possibilité de procéder à des contrôles d’identité. Sur ces questions, il faudrait vraiment évoluer, dans cette sinistre occasion qui nous réunit aujourd’hui, pour rendre plus efficace la police municipale, afin de protéger les Français – ce qui est notre objectif premier.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pascal Popelin, rapporteur. Je vous rappelle, ma chère collègue, qu’il est déjà possible d’armer la police municipale. Vous avez parlé des forces de police municipale qui sont « bien formées » : il s’agit simplement, pour les communes dont elles dépendent, de signer une convention de coordination avec les forces de sécurité de l’État – police nationale ou gendarmerie nationale, selon la zone dont relève la commune – et de demander l’autorisation d’acquisition et de détention d’armes. Cette autorisation est donnée par arrêté préfectoral valable cinq ans.

Mme Valérie Boyer. Il s’agit des armes de catégorie B-1, monsieur le rapporteur ! Enfin, ce n’est pas possible !

M. Patrick Mennucci. Les armes de catégorie B-1 ne comprennent pas le bazooka de M. Guaino, vous savez ! (Sourires sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. Pascal Popelin, rapporteur. Quel est l’intérêt d’inscrire cette possibilité dans la loi sur l’état d’urgence, qui ne fournit pas un cadre juridique pérenne ? L’avis de la commission est défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d’État. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. Olivier Marleix.

M. Olivier Marleix. Je ne sais pas si M. le rapporteur fait semblant de ne pas comprendre ou si vraiment il ne comprend pas ! Dans les circonstances exceptionnelles que nous vivons, il est incompréhensible que le Gouvernement choisisse de se priver du renfort de la police municipale dont les effectifs s’élèvent à plus de 20 000. Par cet amendement, notre collègue Valérie Boyer propose de les armer de plein droit pendant la période d’état d’urgence.

Il est incompréhensible que M. le ministre de l’intérieur appelle les Français à s’engager dans la réserve, fût-elle opérationnelle, et que l’on prenne des mois pour les former afin qu’ils soient opérationnels, alors que nous disposons d’une force de 20 000 hommes prête à être utilisée au bénéfice de nos concitoyens, notamment sur les plages. Nous attendons toujours, à ce propos, que M. le ministre de l’intérieur nous explique comment il compte assurer la sécurité des Français sur leurs lieux de vacances.

La police municipale représente une force de défense qui est toute prête. Il est totalement irresponsable de s’en priver. Je ne comprends donc pas votre position sur cet amendement. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d’État. Il n’y a pas lieu de revenir sur ce qu’a dit M. le rapporteur, et sur ce que j’ai dit moi-même : nous sommes défavorables à cet amendement. D’une part, les polices municipales peuvent être armées ; la preuve en est qu’à Marseille, elle l’est : chacun le sait, vous la première, madame Boyer ! Dans les circonstances présentes, M. le ministre de l’intérieur envisagera cette possibilité de manière très ouverte.

Par ailleurs, pour disposer d’un armement, il faut qu’un minimum de formation soit dispensé au préalable. On ne voit pas pourquoi il en irait autrement dans le cadre de l’état d’urgence. Il vaut donc mieux en rester aux procédures générales, et non fixer une procédure exceptionnelle dérogatoire.

M. Marc Le Fur. Ce n’est pas la question !

M. le président. La parole est à Mme Valérie Boyer.

Mme Valérie Boyer. Les réponses que viennent de donner M. le rapporteur et M. le secrétaire d’État me surprennent beaucoup. J’ai répété à deux reprises qu’il s’agit là d’armes de catégorie B-1, identiques à celles qu’utilisent les membres des services actifs de la police nationale. Mon amendement vise à instituer une simple possibilité, dont il ne faut pas priver la police municipale.

Écoutez, monsieur le secrétaire d’État, la police municipale défile avec nos militaires le 14 juillet – c’est en tout cas ce qui se passe à Marseille, et nous en sommes très fiers. Elle est bien formée, et a acquis une grande renommée. Comme vient de le dire mon collègue Olivier Marleix : vous voulez former en trois semaines des réservistes à porter des armes, et vous usez de circonlocutions pour refuser d’armer la police municipale. Vous nous aviez promis des réponses, mais je vois que vous n’avez absolument pas évolué : c’est dramatique.

La menace est encore plus forte aujourd’hui que lors de l’examen des premiers textes relatifs à l’état d’urgence, et vous en êtes encore à faire semblant de ne pas comprendre les questions qu’on vous pose. J’aimerais donc savoir, monsieur le secrétaire d’État, pour quelle raison vous refusez cet amendement de bon sens, qui accroîtrait la sécurité de nos compatriotes. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain. – Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

(L’amendement n71 rectifié n’est pas adopté.)

Mme Valérie Boyer. C’est lamentable !

M. le président. Je vous en prie, madame Boyer, vous avez eu la parole.

Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 51 et 77. La parole est à M. Éric Ciotti, pour soutenir l’amendement n51.

M. Éric Ciotti. Défendu.

M. le président. La parole est à M. Gilbert Collard, pour soutenir l’amendement n77.

M. Gilbert Collard. Cet amendement a pour objet de prolonger la durée de l’assignation à résidence de douze heures à vingt-quatre heures. Il s’agit tout simplement de donner aux services le temps de faire les contrôles nécessaires. Je sais que la Cour européenne des droits de l’homme n’est pas favorable à la prolongation de la durée de ces assignations à résidence, mais c’est l’occasion ou jamais d’affirmer notre autorité, notre pouvoir, en montrant que dans la situation actuelle, nous sommes capables de prendre les décisions qui s’imposent et de voter les textes dont nous avons besoin, que cela plaise aux instances européennes ou non !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pascal Popelin, rapporteur. Nous avons déjà eu ce débat lors de l’examen du premier projet de loi de prorogation de l’état d’urgence. Il était d’abord proposé de fixer cette durée à huit heures ; nous l’avons ensuite portée à douze heures. Une assignation à résidence qui durerait vingt-quatre heures sur vingt-quatre, ce ne serait plus une assignation à résidence, mais une privation de liberté. Or en l’état actuel de notre droit constitutionnel, une privation de liberté ne peut être décidée par une mesure administrative. Ce n’est pas seulement la Cour européenne des droits de l’homme qui fait obstacle à cet amendement, mais aussi une jurisprudence très précise du Conseil constitutionnel.

(Les amendements identiques nos 51 et 77, repoussés par le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à Mme Marion Maréchal-Le Pen, pour soutenir l’amendement n107.

Mme Marion Maréchal-Le Pen. Il est retiré.

(L’amendement n107 est retiré.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements, nos 7, 88 et 52, pouvant être soumis à une discussion commune.

Les amendements nos 7 et 88 sont identiques.

Avant de donner la parole à M. Guillaume Larrivé pour soutenir l’amendement n7, je vous annonce que je suis saisi par le groupe Les Républicains d’une demande de scrutin public sur les amendements identiques nos 7 et 88.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

M. Guillaume Larrivé. Cet amendement important porte sur une question déjà évoquée lors de la discussion générale. Il s’agit de permettre au Gouvernement de créer des lieux de rétention fermés dans lesquels l’autorité administrative, le ministre de l’intérieur, pourrait affecter un certain nombre d’individus particulièrement signalés, particulièrement connus des services de renseignement comme portant atteinte à la sécurité nationale.

Il s’agit d’une mesure de police administrative, pas d’une sanction judiciaire. Cette mesure est parfaitement conforme à nos principes républicains. Les mesures de police administrative existent déjà, en effet, en droit positif, et sont soumises au contrôle juridictionnel du Conseil d’État en dernier ressort. La mesure que je propose par cet amendement serait soumise à cette juridiction en premier et en dernier ressort. De plus le maintien, au-delà d’un certain délai, de l’assignation dans un centre de rétention serait soumis à l’intervention de l’autorité judiciaire, en l’occurrence d’un juge des libertés et de la détention.

Cet amendement ne méconnaît donc pas du tout les principes de l’État de droit ; il renforce, au contraire, dans le cadre de l’État de droit, les pouvoirs donnés à l’autorité administrative pour mettre hors d’état de nuire, avant qu’ils ne passent à l’acte, ces individus qui veulent nous détruire.

M. le président. La parole est à M. Jacques Myard, pour soutenir l’amendement n88.

M. Jacques Myard. Nous devons surmonter les difficultés auxquelles nous faisons face, et pour cela la rétention administrative est un moyen que le Gouvernement ne peut ignorer. Nous risquons, en effet, d’être confrontés à des individus dont nous savons, en raison d’un faisceau d’indices très forts, qu’ils sont en voie de radicalisation, bien qu’ils ne soient pas encore passés à l’acte. Il faut donc prendre des mesures préventives à l’encontre de ces personnes.

Je rappelle que selon des renseignements concordants, il y aurait dans notre pays plus de 10 000 personnes en voie de radicalisation. Même si seulement dix ou cent d’entre elles passent à l’acte alors qu’on avait de réels soupçons à leur encontre et que des mesures préventives n’ont pas été prises, je crois que le Gouvernement sera cette fois-ci en danger, les Français étant déjà en colère.

Par conséquent, ces amendements, comme l’a dit très bien Guillaume Larrivé, ont pour objectif, sous le contrôle du Conseil d’État et sous le contrôle du juge des libertés et de la détention, de pouvoir prendre des mesures préventives. Nous nous situons dans la prévention, monsieur le garde des sceaux, et nous devons aller de l’avant en ce domaine. Je vous dis que si le Gouvernement refuse ces amendements, je suis convaincu que dans quelque temps, vous reviendrez, la corde au cou, nous dire : « On s’est trompés. Il faut le faire. »

M. le président. La parole est à M. Éric Ciotti, pour soutenir l’amendement n52.

M. Éric Ciotti. Dans le même esprit que les amendements qui viennent d’être défendus par Guillaume Larrivé et par Jacques Myard, celui-ci aborde une question essentielle : celle du principe de précaution en matière de lutte contre le terrorisme. Il y a aujourd’hui plus de 12 000 individus inscrits au fichier des signalés pour la prévention et la radicalisation à caractère terroriste, le FSPRT. Il s’agit de personnes qui présentent manifestement une menace pour notre société. Notre objectif, que ce soit par le placement en centre de rétention – que je défends depuis 2014 ici dans tous les textes concernant la lutte contre le terrorisme – ou par le port du bracelet électronique, est d’en tirer les conséquences. J’en profite, monsieur le président, pour défendre par avance l’amendement n54 précisant les modalités de placement sous surveillance électronique, le principe devant être de placer en centre de rétention les individus les plus radicalisés, les plus dangereux, pour protéger notre société. L’amendement n54 propose donc que les individus dont les signes de radicalisation sont plus faibles mais qui présentent tout de même une dangerosité avérée soient soumis au placement sous surveillance électronique – le PSE –, autrement dit au port d’un bracelet électronique.

Ainsi, tous les individus inscrits dans ce fichier et donc identifiés comme dangereux seraient désormais sous le régime du placement électronique ou en centre de rétention. On appliquerait alors en matière de lutte contre le terrorisme un principe déjà appliqué dans tous les autres domaines sauf dans celui le plus important pour notre société : le principe de la protection de nos libertés !

M. Jacques Myard. Très bien !

M. le président. Sur l’amendement n52, je suis saisi par le groupe Les Républicains d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Quel est l’avis de la commission sur ces amendements ?

M. Pascal Popelin, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable.

S’agissant de l’assignation en centre de rétention, elle serait tout d’abord contraire explicitement à la loi de 1955 qui proclame qu’« en aucun cas l’assignation à résidence ne pourra avoir pour effet la création de camps où seraient détenus les personnes ». (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.) Une telle disposition serait en outre contraire à l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme. Enfin, elle serait contraire à la jurisprudence du Conseil constitutionnel, lequel considère que la rétention administrative est une mesure privative de liberté, et qu’au-delà de cinq jours – et non pas quinze jours comme le proposent les amendements nos 7 et 88 –, elle ne peut être autorisée que par le juge judiciaire.

S’agissant des bracelets électroniques, dont nous avions déjà longuement parlé en novembre dernier, je rappelle que le placement sous surveillance électronique sans l’accord de l’intéressé constitue une mesure privative de liberté pour l’ensemble de notre jurisprudence (Protestations sur de nombreux bancs du groupe Les Républicains), et qu’à ce titre, elle doit être prononcée par le juge judiciaire et non par l’autorité administrative.

Je veux bien, à chaque fois que je vous donne des arguments de droit (Mêmes mouvements), chers collègues de l’opposition, vous entendre m’expliquer que la Constitution ne sert à rien, que les engagements conventionnels de la France, vous vous asseyez dessus, mais nous vous avons dit, dès le début de l’examen de ce texte, que nous étions ouverts à tout ce qui pouvait aller dans le sens de l’efficience de l’état d’urgence et des mesures de protection des Français à la condition que cela ne revienne pas à s’asseoir sur notre État de droit. Oui, nous l’assumons : nous avons une différence avec vous sur ce sujet ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain. – Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. le président. Mes chers collègues, je vous demande, les uns et les autres, même si je sais que l’heure est tardive, de retrouver un peu de calme. Conservons une certaine dignité à notre débat.

Quel est l’avis du Gouvernement sur ces amendements ?

M. Manuel Valls, Premier ministre. Le rapporteur a donné les arguments en droit, que je conforte bien sûr. J’ai dit tout à l’heure que le Gouvernement était prêt à débattre de toutes les propositions constructives de l’opposition comme nous l’avons fait à chaque fois dans le cadre de la lutte contre le terrorisme.

M. Yves Nicolin. Mais pas prêts à les voter !

M. Manuel Valls, Premier ministre. J’ai indiqué qu’en revanche, la ligne rouge serait pour nous l’inconstitutionnalité. Or placer dans un centre de rétention un individu sans limitation de durée, sur le seul fondement d’une menace et sans même la définir précisément serait incontestablement une mesure inconstitutionnelle au regard de l’atteinte disproportionnée à la liberté personnelle des intéressés. Je rappelle que l’article 9 de la déclaration des droits de l’homme précise que la liberté de la personne ne saurait être entravée par une rigueur qui ne serait pas nécessaire.

M. Jean-Patrick Gille. Évidemment !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Une telle mesure n’est d’ailleurs appliquée dans aucun ordre juridique d’un pays démocratique.

Je peux comprendre l’intention des signataires de ces amendements car il s’agit en effet de savoir comment parvenir à neutraliser des individus susceptibles de nuire. M. Myard vient de citer un chiffre, mais il faut être précis et distinguer ce qui est de l’ordre du salafisme, de la radicalisation ou du terrorisme.

Plusieurs députés du groupe Les Républicains. Bla-bla !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Vous pouvez parler de « bla-bla ». Nous concitoyens se posent les questions d’une certaine manière, bien sûr. Mais nous sommes ici dans l’enceinte de l’Assemblée nationale. Vous voulez enfermer des milliers de personnes sur la base d’une simple présomption, et pour une durée que vous n’êtes même pas capables de justifier : pourquoi quinze jours et non pas trois semaines, un mois ou six mois ? Il faut alors judiciariser, mais vous proposez l’ordre sans jugement. M. Ciotti a dit à l’instant que c’était un élément important du débat. C’est en effet le cas et le Gouvernement ne se laissera pas entraîner dans un dispositif qui remettrait en cause l’État de droit, l’ordre constitutionnel et les libertés fondamentales. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain. – Exclamations sur de nombreux bancs du groupe Les Républicains.)

Un député du groupe Les Républicains. On est à Waterloo !

M. le président. La parole est à M. Nicolas Dupont-Aignan.

M. Nicolas Dupont-Aignan. Monsieur le Premier ministre, nous sommes au cœur du débat : vous confondez la remise en cause de l’État de droit avec l’adaptation de l’État de droit. (Rires sur divers bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.) Or vous ne gagnerez pas la guerre contre un ennemi qui nous massacre sans aucun scrupule si vous n’adaptez pas l’État de droit. Ces amendements proposent des mesures très précisément définies et encadrées, et qu’ont prises exactement toutes les démocraties pour vaincre l’ennemi. Pensez aux États-Unis après les attentats du Wall Trade center : ils ont été beaucoup plus loin que ce que nous proposons, et ils ont réussi dans une très large mesure à endiguer le terrorisme. Vous prenez une responsabilité historique devant les Français car le débat de ce soir est clair : vous avez choisi le juridisme au détriment de la sécurité de nos compatriotes. Vous le paierez très cher demain s’il y a un nouvel attentat. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

J’ajoute qu’en tant que maire d’une commune, si nous signons un arrêté d’hospitalisation d’office, que prenons-nous comme décision sinon une mesure de précaution face à un danger ?

M. Nicolas Sansu. Mais c’est un médecin qui décide !

M. Nicolas Dupont-Aignan. Allons-nous ici rester impuissantsface à des gens qui veulent nous tuer ? Nous devons réagir. Mais vous ne réagissez pas : vous êtes coupable de démission nationale. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Laurent Wauquiez.

M. Laurent Wauquiez. Nous traitons d’un sujet, monsieur le Premier ministre, sur lequel on vous a interpellé il y a déjà plus d’un an et demi, un sujet absolument fondamental pour l’évolution de notre lutte contre le terrorisme et qui soulève deux questions.

La première, c’est la modification du nombre : nous sommes passés de quelques individus à environ 10 000 à 12 000 personnes suspectes de proximité avec des réseaux terroristes ou avec des réseaux qui se radicalisent.

La seconde question qui nous est posée à travers ces amendements, c’est de savoir si on attend le passage à l’acte ou si l’on se dote d’outils juridiques permettant de mettre hors d’état de nuire des individus suspects avant qu’ils ne passent à l’acte.

Ce débat est totalement représentatif de la différence d’approche entre nous. C’est un gouffre. Je rappelle que parmi les individus à l’origine des attentats terroristes de ces derniers mois, nombre d’entre elles étaient surveillées par les services de renseignement, classés dans le fichier S et qui, si vous aviez appliqué les mesures que nous préconisons, n’auraient pas pu passer à l’acte, c’est aussi simple que cela. Votre réponse, c’est : Convention européenne des droits de l’homme. « Attention, on porterait atteinte à leur liberté personnelle. Attention, on ne peut pas prendre de mesures privatives de liberté. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.) Attention, ce ne serait pas compatible avec la Constitution. » Mais changer le droit, c’est exactement ce que les Français vous demandent ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.) Changez le droit !

M. Nicolas Dupont-Aignan. Très juste !

M. Laurent Wauquiez. Cela fait un an et demi qu’on vous le demande ! Changez le droit ! Vous n’avez toujours pas compris que l’on n’est pas là pour raisonner à droit constant mais pour prendre les mesures qui permettent de s’adapter. La vraie différence entre vous et nous, c’est que vous, vous invoquez les libertés personnelles des terroristes (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain), alors que nous, nous disons qu’il n’y a pas de libertés pour les ennemis de la République ! (Mêmes mouvements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain. – Applaudissements sur certains bancs du groupe Les Républicains.)

M. Nicolas Bays. Facho ! Facho !

M. le président. La parole est à M. Guillaume Larrivé.

M. Guillaume Larrivé. Mes chers collègues, je voudrais me placer sur un terrain strictement juridique, mais encore faudrait-il que les vociférations cessent. (Mêmes mouvements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

De nombreux députés du groupe socialiste, écologiste et républicain. C’est scandaleux !

M. le président. Monsieur Bays, s’il vous plaît ! C’est le dernier avertissement ! Mes chers collègues, je vous demande de retrouver votre calme.

M. Michel Vauzelle et M. François Loncle. Non !

M. le président. Je sais que certaines interventions peuvent énerver ou les uns ou les autres, mais vous avez à chaque fois la possibilité d’entendre la réponse. Par conséquent, nous allons entendre M. Larrivé…

M. Michel Vauzelle. On n’en a pas envie !

M. le président. …et le Premier ministre a demandé la parole. Il interviendra ensuite.

M. Guillaume Larrivé. Je voudrais, mes chers collègues, apporter deux précisions juridiques qui démontrent que mon amendement n’est en rien une dérogation exceptionnelle à l’État de droit. Tout d’abord, s’agissant de la Convention européenne des droits de l’homme, je tiens à rappeler, monsieur le Premier ministre, que votre gouvernement a notifié par trois fois au Conseil de l’Europe – en novembre 2015, puis en février et en mai de cette année – qu’au titre de l’article 15 de ladite Convention, la France dérogeait à certaines stipulations de la CEDH pendant l’application de l’état d’urgence.

M. Manuel Valls, Premier ministre. Seulement à certaines !

M. Guillaume Larrivé. Je vous invite par conséquent, mes chers collègues, à ne pas raisonner comme si nous étions sous l’empire du droit commun : nous sommes sous l’état d’urgence et la Convention européenne des droits de l’homme ne s’applique pas dans sa totalité pendant cette période. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.) Voilà la première précision qu’il convenait de rappeler.

M. Pascal Popelin, rapporteur. Il ne s’agit pas seulement de la CEDH !

M. Guillaume Larrivé. Deuxièmement, au plan constitutionnel, on sait bien sûr que l’article 66 de la Constitution prévoit que la liberté individuelle, au sens de l’Habeas corpus, implique l’intervention d’un juge judiciaire en ces matières. Et c’est bien la raison pour laquelle nous avons prévu l’intervention du juge des libertés et de la détention pour autoriser la prolongation du maintien en rétention.

M. le président. La parole est à M. Sébastien Pietrasanta.

M. Sébastien Pietrasanta. Puisque les arguments relatifs au droit ou au respect de la Constitution n’atteignent pas les députés de l’opposition, j’évoquerai l’aspect opérationnel. Dans les commissions d’enquête successives, aucun des intervenants, aucun des responsables de services de renseignement n’a défendu ou réclamé cette mesure. Au contraire, ils ont exprimé une certaine hostilité à son sujet, considérant que prévenir des individus qu’ils étaient surveillés et qu’ils seraient placés dans des centres de rétention ou sous bracelet électronique pourrait mettre fin à certaines enquêtes ou services de renseignement.

Par ailleurs, sur le plan opérationnel, regrouper en un même lieu des individus considérés comme dangereux – et qui le sont certainement – revient à faire vivre en réseau des individus, qui se parleront, s’organiseront avant de sortir de ces centres, ce qui augmentera leur dangerosité.

M. Yves Nicolin. Alors, laissez-les tranquilles !

M. Sébastien Pietrasanta. D’un point de vue opérationnel, les mesures proposées sont donc totalement contre-productives.

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Manuel Valls, Premier ministre. Ce débat ne porte pas sur le juridisme…

M. Yves Nicolin. Ah bon ?

M. Manuel Valls, Premier ministre. Non. C’est vous, monsieur Larrivé, qui venez de faire du juridisme à l’instant. Ce débat porte sur des principes, qui sont fondamentaux. Monsieur Wauquiez, je ne crois pas que les propos que vous avez tenus il y a un instant,…

M. Michel Vauzelle. Inadmissibles !

M. François Loncle. Une injure !

M. Manuel Valls, Premier ministre. …au-delà de leur caractère inadmissible, soient un dérapage. Ils sont une stratégie de votre part, que je ne confonds pas avec la droite républicaine. Cette stratégie, monsieur Wauquiez, vous emportera : quand on ne respecte pas les principes de la République, c’est le dérapage. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

Monsieur Wauquiez, qu’est-ce qui fonde la République ? C’est l’État de droit. Il reviendra aux Français, au printemps prochain, de choisir le destin qu’ils veulent pour leur pays. Mais la France, dont je dirige le Gouvernement, ne sera pas celle de centres où l’on enferme, de manière indéterminée, pour un temps indéterminé,…

M. Paul Giacobbi. La Bastille !

M. Manuel Valls, Premier ministre. …des individus que, pour reprendre votre terme, l’on « suspecte ». (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains – Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain, du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et sur certains bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.)

La notion même de suspect a entraîné ce pays dans le pire, à des moments de son histoire, au cours de ces deux derniers siècles ! (Mesdames et messieurs les députés du groupe socialiste, écologiste et républicain se lèvent et applaudissent longuement.)



Et s’il y a, monsieur Wauquiez, quelque chose qui nous sépare, de manière totale, irrémédiable – pas la gauche et la droite, mais vous et nous, parce que je sais qu’il y a des républicains à droite – c’est cette différence fondamentale sur la démocratie et la République. Et je ne me laisserai jamais entraîner par un opportuniste dans cette voie-là ! (Mêmes mouvements.)

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 7 et 88.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants318
Nombre de suffrages exprimés313
Majorité absolue157
Pour l’adoption121
contre192

(Les amendements identiques nos 7 et 88 ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n52.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants300
Nombre de suffrages exprimés295
Majorité absolue148
Pour l’adoption114
contre181

(L’amendement n52 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 54 et 61, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Éric Ciotti, pour soutenir l’amendement n54.

M. Éric Ciotti. Je l’ai défendu précédemment. Cependant, je tiens à m’élever contre les propos du Premier ministre. (Vives exclamations sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

Monsieur le Premier ministre, vous avez caricaturé notre position. Vous prenez là une lourde responsabilité. Nous parlons de personnes extrêmement dangereuses pour notre société. Aujourd’hui, 70 000 procédures d’hospitalisation sous contrainte sont menées dans notre pays, auprès de personnes qui présentent une dangerosité.

Monsieur le Premier ministre, vous refusez de mettre en place une procédure similaire pour des individus beaucoup plus dangereux. C’est vous qui prenez cette responsabilité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. François Rochebloine, pour soutenir l’amendement n61.

M. François Rochebloine. Monsieur le président, si vous le permettez, je défendrai ensemble les deux amendements nos 61 et 62.

En novembre, le Premier ministre avait indiqué que 20 000 personnes faisaient l’objet d’une fiche dite S de renseignement en France, dont 10 500 concerneraient des individus faisant l’objet d’une attention pour appartenance à la mouvance islamique, la mouvance radicale ou leurs liens avec ces mouvances.

La fiche S comporte 16 niveaux en fonction du danger que représente l’individu – le niveau 16 étant le plus faible. Si nous ne pouvons assigner à résidence ou placer sous surveillance plus de 10 000 personnes, il conviendrait de tenir compte de cette gradation.

Ce premier amendement vise donc à permettre de placer les individus classés comme les plus dangereux au fichier S sous surveillance électronique. Quant au second, il vise à tenir compte de la gradation des personnes fichées S, en fonction de leur dangerosité. Dans le souci de protéger la sécurité de nos concitoyens, il convient de permettre d’assigner à résidence les fichés S potentiellement dangereux.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur les amendements nos 54 et 61 ?

M. Pascal Popelin, rapporteur. L’amendement n61 est trop imprécis, puisqu’il vise à placer sous surveillance électronique « certains » fichés S, sans préciser lesquels, pourquoi et selon quels critères. Nous ne pouvons pas nous satisfaire d’une telle rédaction car la loi doit être précise.

Par ailleurs, les restrictions à la liberté individuelle doivent être fondées sur des éléments objectifs. Cela est vrai pendant l’état d’urgence. Cela l’est davantage encore dans le droit commun que vous proposez ici de modifier, monsieur Rochebloine. Les tribunaux administratifs l’ont rappelé à plusieurs reprises et le juge judiciaire ne manquerait pas de le faire à son tour.

En outre, chacun le sait – du moins, je l’espère –, les fiches S sont des éléments de signalement, utiles aux forces de police pour la surveillance, mais ne sont en rien des éléments d’incrimination.

Quant à l’amendement n54, il conduit à un débat identique. Je n’ajouterai pas une provocation à la provocation, en donnant un avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux, pour donner l’avis du Gouvernement sur ces amendements.

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice. Avis défavorable.

M. Nicolas Dupont-Aignan. Alors, on ne fait rien ?

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. D’une part, l’amendement n’exprime pas ce que M. Rochebloine a exposé, puisque les fiches S, qui relèvent du fichier des personnes recherchées, créé en 1969, ne sont pas le fichier automatisé des personnes auteurs d’infractions terroristes, créé par la loi du 3 juin 2016. Il conviendrait donc de réécrire complètement cet amendement.

Plus fondamentalement, comme vous le savez fort bien, monsieur Rochebloine, ne peuvent être placées sous bracelet électronique, que les personnes condamnées, qui ont fait l’objet d’une décision de justice, ou qui sont sous contrôle judiciaire, également par une décision de magistrat. Vous pouvez donc envisager un changement, mais par un amendement plus précis, qui modifierait la façon dont les bracelets électroniques sont utilisés.

(Les amendements nos 54 et 61, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à M. François Rochebloine, pour soutenir l’amendement n62.

M. François Rochebloine. Il est défendu.

(L’amendement n62, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. François Rochebloine, pour soutenir l’amendement n60.

M. François Rochebloine. Cet amendement vise à mettre en place un partage d’informations entre les services de renseignement, la police et la gendarmerie, qui permette d’informer les employeurs dans des domaines sensibles, tels que les transports et la sécurité, si un de leurs employés, qui fait l’objet d’une fiche S, est potentiellement dangereux.

Il s’agit donc de permettre à ces employeurs d’empêcher le recrutement ou de licencier ces employés, afin de protéger la sécurité des Français. Le groupe de l’Union des démocrates et indépendants avait d’ailleurs déposé un amendement identique sur le premier projet de prorogation de l’état d’urgence, en novembre 2015.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pascal Popelin, rapporteur. La préoccupation qui sous-tend cet amendement semble satisfaite par l’article R 50-52 du code de procédure pénale, selon lequel le fichier judiciaire national automatisé des auteurs d’infractions terroristes peut être consulté « pour toute demande de recrutement, d’affectation, d’autorisation, d’agrément, d’habilitation ou de renouvellement de tout emploi dans la fonction publique, auprès d’un opérateur d’importance vitale, dans une installation classée pour la protection de l’environnement dite SEVESO, ou concernant une activité ou une profession dans le domaine de la sécurité, de l’enseignement, de l’éducation ou des transports, ainsi que pour le contrôle de l’exercice de ces activités et professions. » Naturellement, seules les administrations peuvent consulter le fichier, mais elles en informent obligatoirement les employeurs, dans les cas qui le justifient.

Par conséquent, monsieur Rochebloine, je vous invite à retirer votre amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Avis défavorable. Les fiches S, je le répète, ne sont pas au fichier que François Rochebloine évoque dans son amendement.

Par ailleurs, pour corroborer les propos du rapporteur, la consultation de ce fichier par les administrations est prévue dans l’article évoqué ainsi que dans l’article 706-25-9 du code de procédure pénale. Celui-ci prévoit que les représentants de l’État et les administrations de l’État peuvent avoir accès aux documents que vous évoquez, monsieur Rochebloine.

M. le président. La parole est à M. Claude Goasguen.

M. Claude Goasguen. Cette question n’est pas si simple. Certes, il est nécessaire que les administrations aient toutes les possibilités dans ce domaine. Le problème, pourtant, ne concerne pas uniquement les administrations, mais les employeurs. Les incidents qui se sont produits, notamment à Lyon, où un chef d’entreprise, non informé de la dangerosité de son employé, a été décapité, invite à généraliser le partage d’informations. Il ne revient pas à l’administration de prendre systématiquement l’initiative, mais à tout employeur de pouvoir être informé. Cela n’est pas le cas actuellement.

Certes, la rédaction de ces articles est aléatoire : « les administrations peuvent être informées » – le terme « peuvent » étant antijuridique au possible.

Monsieur le Premier ministre, j’attire cependant votre attention sur le fait que, sans aller à l’extrémité contraire, les fichiers S ont besoin d’être largement diffusés. Ils ne le sont pas suffisamment hors de l’administration.

(L’amendement n60 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Éric Ciotti, pour soutenir l’amendement n30.

M. Éric Ciotti. Outre les centres de rétention et le placement sous surveillance électronique des personnes présentant une menace, la rétention de sûreté vise les personnes condamnées, ayant purgé leur peine, qui sont conduites à quitter leur lien d’incarcération, alors qu’elles présentent toujours une dangerosité extrême pour notre société.

Par les lois de février 2008 et mars 2010, la précédente majorité avait mis en place la rétention de sûreté pour les criminels et les délinquants sexuels. Nous voulons faire de même pour les criminels et les délinquants condamnés pour actes de terrorisme.

Là encore, cet amendement participe d’un principe de précaution essentiel. Ce n’est pas une loi d’exception mais une mesure de bon sens, essentielle.

Monsieur le Premier ministre, quand vous nous avez reçus, Christian Jacob, Guillaume Larrivé et moi-même, à Matignon, vous étiez accompagné du garde des sceaux et du ministre de l’intérieur, et le garde des sceaux a déclaré qu’il y avait aujourd’hui en prison 1 500 personnes radicalisées. Ces personnes vont être amenées – c’est le droit – à quitter leur lieu de détention dans quelques mois, dans quelques années, dans quelques jours peut-être. Or nous savons, c’est le garde des sceaux lui-même qui nous le dit, qu’elles sont radicalisées, qu’elles présentent une dangerosité extrême. Ne faisons pas preuve de naïveté, comme vous le faites pour les centres de rétention : il faut avoir le courage de changer le cadre de réflexion actuel, sinon notre société courra de très graves dangers. Tel est l’enjeu de ce débat ; vous refusez d’évoluer, mais il faudra bien le faire. Faut-il un autre drame pour que vous changiez enfin de ligne idéologique ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pascal Popelin, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’amendement défendu par Éric Ciotti.

Cela me donne l’occasion de dire ce qui se déroule entre deux attentats. Entre ces drames, l’activité de la police judiciaire et de la justice est continue. On parle bien évidemment beaucoup de ces drames, et c’est bien légitime vu la souffrance que cela occasionne, mais je voudrais vous indiquer combien d’actions sont aujourd’hui engagées et combien d’individus sont déjà observés par la justice – et sous mandat de dépôt pour une grande partie d’entre eux.

Si je me limite aux contentieux liés aux filières syriennes, il y a actuellement 315 procédures en cours, dont 128 informations judiciaires et 187 enquêtes préliminaires ; 120 procédures ont été engagées depuis le début de l’année 2016 ; 285 personnes sont mises en examen, 183 placées en détention provisoire. Cela me permet de donner un coup de chapeau aux magistrats, qu’ils soient du parquet ou d’instruction, qui travaillent en continu, souvent dans la discrétion.

M. Éric Ciotti et Mme Catherine Vautrin. Ce n’est pas la question !

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Il s’agissait d’une simple information : je ne répondais pas à la question d’Éric Ciotti. Mais comme on parle beaucoup de ce qui n’a pas marché, je voulais indiquer ce qu’était l’action de la justice au quotidien, et chacun s’accorde à penser que nous aurons une action au long cours.

Pourquoi le Gouvernement est-il hostile à l’amendement d’Éric Ciotti ? Pour une simple et bonne raison : c’est que vous dites, monsieur le député, que quand les terroristes auront purgé leur peine, il faudra pouvoir les placer en rétention de sûreté. Or vous savez très bien que dans le cadre de la discussion du projet de loi relatif à la procédure pénale, qui a abouti à la loi du 3 juin 2016, Guillaume Larrivé a proposé un amendement visant à empêcher qu’une telle situation se présente. Par suite de l’adoption de cet amendement, les terroristes ne sortiront pas de prison, puisque, sur votre proposition, l’Assemblée a porté la peine de sûreté à trente ans et instauré la perpétuité réelle.

Je le répète : ces individus ne sortiront pas de prison. (Murmures sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Mme Claude Greff. Si, ils sortent !

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Il n’y a donc aucune espèce de raison de prévoir des rétentions de sûreté. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. Claude Goasguen, pour répondre au Gouvernement.

M. Claude Goasguen. Monsieur le garde des sceaux, avec beaucoup de prestance, vous avez évité de répondre à la question ; pourtant, cette question est réelle.

Je vous le dis franchement : je n’étais pas enthousiaste au sujet des centres de rétention, car je me méfie de la justice administrative préalable – d’ailleurs, je n’avais pas voté la disposition. Là, il ne s’agit pas du tout du même débat : c’est quelque chose qui s’inscrit parfaitement dans le cadre de la procédure judiciaire, c’est-à-dire qui est conforme au droit. Cela l’est tellement que cette mesure a déjà été adoptée pour des incriminations qui ont déjà été citées.

Vous dites que l’on appliquera la réclusion perpétuelle ; mais enfin, tous les terroristes ne sont pas condamnés à la réclusion perpétuelle !

Mme Catherine Vautrin. Exactement !

M. Claude Goasguen. On sait bien, car on a tout de même une petite expérience en la matière, que pour un certain nombre de personnes qui sont emprisonnées pour des délits qui peuvent être extrêmement importants et qui sont radicalisées, le juge d’application des peines pourra être tenté de considérer que cet individu ne s’est pas trop mal tenu, qu’il s’est radicalisé mais qu’on ne le sait pas, et qu’un de ses cousins menuisier veut l’employer. Dans ces conditions, pourquoi le retenir ?

Ce que nous proposons est parfaitement conforme au droit judiciaire. Moi, je souhaite que l’on incrimine les terroristes – en tout cas, en période d’état d’urgence –, de la même manière que nous avons incriminé des délits ou des penchants extrêmement dangereux pour la société.

C’est la raison pour laquelle je vous demande, monsieur le Premier ministre, de laisser l’Assemblée adopter cet amendement, qui nous est utile, car il sera complémentaire de la réclusion perpétuelle. Je vous assure que cela ne créera rien d’anormal dans notre pratique juridique. Pour le coup, nous ne sommes même pas dans l’exception, nous sommes dans la normalité !

M. le président. La parole est à M. Nicolas Dupont-Aignan, pour répondre à la commission.

M. Nicolas Dupont-Aignan. C’est un amendement de pur bon sens, qui est tout à fait conforme à notre ordre juridique : il serait aberrant de le refuser !

Je voudrais répondre à M. le Premier ministre qui, tout à l’heure, invoquait la République. La République, monsieur le Premier ministre, dans les moments difficiles, s’est toujours défendue. Regardez Churchill pendant la guerre de 1940, regardez les États-Unis : toutes les démocraties ont su, à un moment donné, se défendre ! Alors, n’abusez pas de références qui n’ont rien à voir avec la situation actuelle et défendez la République, à laquelle vous semblez tenir, mais que, malheureusement, vous ne défendez plus !

M. le président. Sur l’amendement n30, je suis saisi par le groupe Les Républicains d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

M. Claude Goasguen. Le Gouvernement pourrait-il répondre aux interpellations ? Va-t-il faire preuve de sagesse ?

M. le président. La parole est à Mme Claude Greff.

Mme Claude Greff. J’aurais d’abord voulu une précision de la part du Gouvernement, car, cher monsieur le garde des sceaux, sur les 1 500 personnes aujourd’hui condamnées, seules quinze le sont à la perpétuité.

Je voudrais aussi m’adresser au Premier ministre.

Je ne suis pas intervenue depuis le début du débat, car j’en attendais beaucoup.

M. Jean-Patrick Gille. Oh, vociférer, c’est un peu intervenir !

Mme Claude Greff. Monsieur le Premier ministre, je suis déroutée. Avec ce dernier attentat, la France a été touchée, et tout particulièrement celles et ceux qui ont été atteints dans leur chair. Qu’avez-vous à répondre aux parents, dont les enfants ont été écrasés ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. Michel Pouzol. Quelle démagogie honteuse !

M. Gilbert Le Bris. Indigne !

M. Alexis Bachelay. Taisez-vous !

Mme Claude Greff. Je vous pose la question : qu’avez-vous aujourd’hui à proposer de plus que ce que vous avez fait jusqu’à présent, puisque vous affirmez que toutes les décisions que vous avez prises répondaient aux attentes de la population ? Quelle est la différence entre ce qui avait été fait avant et l’état d’urgence dont vous demandez le renouvellement ? Quelle réponse donnez-vous à la société ? Qu’apportez-vous de plus, alors que nous venons d’avoir quatre-vingt-quatre morts en plus des autres attentats ?

C’est ce que l’on me demande, en tant que parlementaire : « Quelle protection supplémentaire allez-vous nous apporter ? ». Nous attendons une réponse, monsieur le Premier ministre !

M. Luc Belot. Quel talent !

M. le président. Sur l’amendement n83, que nous examinerons juste après, je suis saisi par le groupe Les Républicains d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Je mets aux voix l’amendement n30.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants306
Nombre de suffrages exprimés303
Majorité absolue152
Pour l’adoption123
contre180

(L’amendement n30 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n83.

M. Marc Le Fur. Monsieur le Premier ministre, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, chers collègues, cet amendement devrait pouvoir, me semble-t-il, nous rassembler.

M. Alain Fauré. Ça commence mal !

M. Marc Le Fur. Chacun sait le danger que représente la prison : c’est un lieu privilégié pour la propagande djihadiste. Certains ont même dit qu’il s’agissait d’une école de terrorisme. Il se trouve que dans ces prisons sont enfermés de nombreux fichés S – 1 500 nous dit-on. Ils sont là pour des raisons diverses, parfois pour des crimes ou des délits de droit commun.

L’objectif de cet amendement est de les isoler, de faire en sorte qu’ils ne puissent pas nuire à ceux qui partagent la même prison, qu’ils soient mis à part et qu’ainsi les autres prisonniers soient protégés. C’est un amendement qui concerne la seule administration de notre système pénitentiaire ; il ne s’agit pas de contrevenir à je ne sais quelle liberté, de toucher à quelque droit de l’homme, il s’agit simplement d’administrer les prisons pour que les individus les plus dangereux pour ce qui est du terrorisme ne puissent pas convaincre les autres d’adhérer à leurs thèses.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pascal Popelin, rapporteur. Défavorable.

M. Marc Le Fur. Pourquoi ? Il faut expliquer !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Tout d’abord, je voudrais répondre à Mme Claude Greff. Il n’y a bien évidemment pas en prison 1 500 condamnés pour radicalisme ; j’ai donné les chiffres devant la commission d’enquête présidée par Georges Fenech : 100 personnes sont aujourd’hui condamnées pour des motifs de terrorisme ; 300 personnes détenues sont prévenues sur des incriminations terroristes ; et nous évaluons à 1 500 le nombre de personnes qui seraient radicalisées. Je voulais corriger les chiffres, pour que l’on ne propage pas l’idée qu’il y aurait 1 500 personnes condamnées.

Pour ce qui est de votre amendement, monsieur Le Fur, via la loi du 3 juin 2016, nous avons inscrit dans le code de procédure pénale un nouvel article, l’article 726-2, qui répond largement à votre préoccupation, puisqu’il offre la possibilité d’isoler les personnes qui portent atteinte au bon ordre de l’établissement.

M. Marc Le Fur. Ils ne sont pas isolés !

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Avis défavorable, donc, puisque l’amendement est satisfait.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n83.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants308
Nombre de suffrages exprimés308
Majorité absolue155
Pour l’adoption123
contre185

(L’amendement n83 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Bompard, pour soutenir l’amendement n46.

M. Jacques Bompard. Il y a une chose qui est absolument insupportable aux Français, ce sont les nombreuses provocations de l’État, qui évoque une possible violence entre les forces de droite et les musulmans. Nous avons l’impression de faire face à un ministère qui rejoue les pires allusions complotistes du temps passé. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

Non, les Français ne souhaitent pas un choc des civilisations. Ils veulent simplement pouvoir désigner l’adversaire, le combattre et, comme on disait dans le temps, « le bouter hors de France ». Ils sont confrontés à de la mauvaise foi, la pire de toutes, une mauvaise foi qui grime en radicalisation ce qui n’est qu’une transcription de la pire des violences islamistes.

De trop nombreux témoignages ont montré que le ministère de l’intérieur avait confondu la lutte contre l’islamisme et la lutte politique : militants écologistes, militants pour la famille, militants identitaires, leur persécution par le Gouvernement est un abus qui montre que les valeurs républicaines que vous prétendez arborer sont un masque inquiétant.

Il y a une radicalisation, c’est la radicalisation socialiste (« Oh ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain), qui fait du multiculturalisme, de la haine de soi et de l’intrusion de l’État partout les remèdes à l’islamisme. Or, sans notre civilisation, nous ne vaincrons pas l’islamisme ; et cette civilisation, vous en attaquez les fondements. Je vous demande de vous ressaisir.

(L’amendement n46, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 92 et 28, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Éric Ciotti, pour soutenir l’amendement n92.

M. Éric Ciotti. Cet amendement important concerne les contrôles d’identité, que les policiers et les gendarmes, aujourd’hui, ne peuvent effectuer en tout lieu et en tout temps. Cela non plus ne peut être compris par nos concitoyens au regard de la menace.

Les contrôles d’identité sont permis, bien entendu, sur réquisition des parquets, dans des lieux et des cadres précis ; nous proposons ici que, dans le cadre de l’état d’urgence, chaque officier de police judiciaire puisse effectuer ces contrôles n’importe quand sur l’ensemble du territoire national.

M. le président. Sur l’amendement n92, je suis saisi par le groupe Les Républicains d’une demande de scrutin public. (Murmures sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Jacques Bompard, pour soutenir l’amendement n28.

M. Jacques Bompard. La simplification des contrôles d’identité est une nécessité, nonobstant toutes les idéologies au nom desquelles on osait récemment, dans cet hémicycle, faire l’éloge de nouveaux durcissements de ces contrôles.

Certes, le Premier ministre nous a fait part de sa passion pour l’État de droit ; mais ma passion à moi est la préservation de la vie des Français. Pour cela, nous devons faire avancer les capacités de réponse des institutions, et permettre aux diverses forces de l’ordre de contrôler plus facilement les identités. C’est l’esprit du présent amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pascal Popelin, rapporteur. Nous avons longuement discuté du sujet tout à l’heure en commission, et y avons réfléchi aussi pendant la discussion générale. Nous partageons en effet le constat, mais souhaitons que la mesure proposée soit aussi proche que possible de ce que permet l’état de notre droit.

Aussi ai-je déposé, postérieurement au délai de clôture des amendements, un amendement n108 rectifié. Preuve que la démarche n’a pas été inutile, elle a permis à MM. Jacob, Larrivé, Ciotti et les membres du groupe Les Républicains de déposer un amendement identique n109 rectifié.

Je suppose donc, chers collègues du groupe Les Républicains, que votre demande de scrutin public porte en réalité sur l’amendement n108 rectifié, voire sur le 109 rectifié… (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. le président. Mes chers collègues, veuillez au moins écouter l’explication du rapporteur.

M. Pascal Popelin, rapporteur. Je pose en tout cas la question, et suggère le retrait de l’amendement n92, pour réserver le scrutin public aux amendements nos  108 rectifié et 109 rectifié.

M. Christian Jacob. On peut voter deux fois par scrutin public !

M. Pascal Popelin, rapporteur. L’avis, en tout cas, est défavorable sur les amendements nos 92 et 28. Il sera bien entendu favorable à l’amendement n109 rectifié, dont je répète qu’il est identique au 108 rectifié.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur les deux amendements en discussion ?

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Défavorable. Je rappelle, pour que chacun comprenne bien la portée de ces deux amendements, qu’ils autoriseraient la police et la gendarmerie à organiser des contrôles d’identité sans restriction de temps, de lieu ou de circonstance, et sans contrôle de l’autorité judiciaire. (« Et alors ? » sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.) Il est incroyable de vous entendre réagir ainsi, chers députés de l’opposition.

M. le président. Attendez donc, mes chers collègues : M. le garde des sceaux n’a pas encore donné le début d’une explication…

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Malgré l’heure tardive, je m’efforce en effet d’être constructif et précis, de façon à vous permettre de réfuter mes arguments s’il y a lieu ; mais cela suppose que je puisse les développer…

Visiblement ces arguments ne portent guère, mais ce qui est ici proposé n’est pas constitutionnel (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains), au vu d’une décision du 5 août 1993, laquelle précise explicitement que « la pratique de contrôles d’identité généralisés et discrétionnaires serait incompatible avec le respect de la liberté individuelle ».

Mme Claude Greff. Et les attentats, c’est constitutionnel ?

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n92.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants288
Nombre de suffrages exprimés286
Majorité absolue144
Pour l’adoption118
contre168

(L’amendement n92 n’est pas adopté.)

(L’amendement n28 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Éric Ciotti, pour soutenir l’amendement n93 rectifié.

M. Éric Ciotti. J’ai bien entendu les explications très claires du rapporteur. Le présent amendement prévoit de rendre possibles les fouilles de véhicules en tout lieu et en tout temps dans le cadre de l’état d’urgence. Vous avez cependant déposé, monsieur le rapporteur, un nouvel amendement qui nous a permis de déposer aussi, de notre côté, l’amendement n109 rectifié, lequel répond mieux aux objectifs que nous poursuivons. Nous retirons donc, au profit de ces deux amendements, l’amendement n93 rectifié.

(L’amendement n93 rectifié est retiré.)

M. le président. J’avais reçu, sur l’amendement n93 rectifié, une demande de scrutin public, qui par conséquent n’a plus d’objet.

Retirez-vous aussi l’amendement n94 rectifié, monsieur Ciotti ?

M. Éric Ciotti. Oui, monsieur le président.

(L’amendement n94 rectifié est retiré.)

M. le président. La parole est à M. Éric Ciotti, pour soutenir l’amendement n56.

M. Éric Ciotti. Défendu.

(L’amendement n56, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de plusieurs amendements, nos 108 rectifié, 109 rectifié, 13, 100, 70, 101 et 102, pouvant être soumis à une discussion commune.

Les amendements nos 108 rectifié et 109 rectifié sont identiques.

Sur ces deux amendements identiques, je suis saisi par le groupe Les Républicains d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n108 rectifié.

M. Pascal Popelin, rapporteur. Il est défendu, et l’avis est naturellement favorable à l’amendement n109 rectifié, qui lui est identique.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Manuel Valls, Premier ministre. Favorable sur ces deux amendements identiques.

M. le président. La parole est à M. Guillaume Larrivé, pour soutenir l’amendement n109 rectifié.

M. Guillaume Larrivé. C’est en effet cet amendement, monsieur le président, que je défends ici de préférence au n13 : il recueille, semble-t-il, un large assentiment. Nous tenons à faciliter les fouilles des véhicules et des bagages par les policiers et les gendarmes, dans le cadre procédural le plus opérationnel possible, sans qu’il soit besoin de recourir à l’autorisation du procureur. Cet amendement nous semble donc répondre à un impérieux besoin pratique.

M. le président. L’amendement n13 est-il défendu, monsieur Larrivé ?

M. Guillaume Larrivé. Oui, monsieur le président.

M. le président. La parole est à M. Éric Ciotti, pour soutenir l’amendement n100.

M. Éric Ciotti. Défendu.

M. le président. La parole est à Mme Valérie Boyer, pour soutenir l’amendement n70.

Mme Valérie Boyer. Cet amendement concerne lui aussi la police municipale. (« Ah ! » sur quelques bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.) Nous siégeons ici, au milieu de la nuit, pour débattre à nouveau de ce dont nous avions déjà débattu lors de la précédente prolongation de l’état d’urgence. J’avoue être un peu étonnée des réponses qui m’ont été données, car nous ne sommes pas ici pour faire de l’esthétisme juridique, mais pour apporter des réponses concrètes à nos concitoyens. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

Or, s’il est une réponse concrète que nous pouvons leur apporter, c’est bien d’habiliter les policiers municipaux à procéder à des contrôles d’identité sur toute personne se trouvant sur le territoire de la commune.

M. Sylvain Berrios et M. Olivier Marleix. Très bien !

Mme Valérie Boyer. C’est l’objet du présent amendement, dont, pour le coup, vous ne pourrez pas dire qu’il est inconstitutionnel.

Je me permets de rappeler que, pour passer un paquet de lessive à une caisse de supermarché, il est parfois nécessaire de présenter deux pièces d’identité : cela n’est pas inconstitutionnel, et ne choque personne. (Protestations sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. Jean-Yves Caullet. Rien à voir !

Mme Valérie Boyer. Le Gouvernement s’était engagé, il y a plusieurs mois, à faire évoluer le sujet. Je ne comprends donc pas pourquoi, dans le contexte de l’état d’urgence, nous en sommes encore réduits à défendre de tels amendements. Aucune avancée n’est intervenue, et si nous avons encore à nous poser ce genre de questions à trois heures et demie du matin, dans le cadre du vote sur l’état d’urgence, j’espère au moins que nous ferons un petit pas pour faire progresser notre droit. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Éric Ciotti, pour soutenir l’amendement n101.

M. Éric Ciotti. Défendu.

M. le président. La parole est à M. Éric Ciotti, pour soutenir l’amendement n102.

M. Éric Ciotti. Cet amendement favorise la sécurisation des transports, notamment en commun, en permettant la fouille des bagages.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur les amendements autres que le n108 rectifié et le n109 rectifié ?

M. Pascal Popelin, rapporteur. Ces amendements assouplissent les conditions de fouille de véhicules et des contrôles pendant l’état d’urgence. Je vous propose de voter les amendements nos 108 rectifié et 109 rectifié, qui résultent des échanges que j’ai eus, depuis la réunion en commission cet après-midi, avec le groupe socialiste, écologiste et républicain et le groupe Les Républicains. Ils me semblent en effet répondre aux préoccupations que, je le répète, nous partageons.

M. le président. Le Gouvernement partage cet avis ?

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Oui, monsieur le président.

M. le président. La parole est à M. Nicolas Dupont-Aignan.

M. Nicolas Dupont-Aignan. L’amendement de Mme Boyer est vraiment élémentaire.

M. Michel Ménard. Primaire, plutôt !

M. Nicolas Dupont-Aignan. Nous manquons d’effectifs de police, un problème de surveillance du territoire se pose, et tout le monde peut constater l’apport de la police municipale : pourquoi donc refuser cet amendement ?

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 108 rectifié et 109 rectifié.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants291
Nombre de suffrages exprimés288
Majorité absolue145
Pour l’adoption279
contre9

(Les amendements identiques nos 108 rectifié et 109 rectifié sont adoptés et les amendements nos 13, 100, 70, 101 et 102 tombent.)

Article 2

M. le président. Plusieurs orateurs sont inscrits sur l’article 2. (Murmures.)

La parole est à M. Jacques Bompard.

M. Jacques Bompard. Certains n’apprécient pas ce que je dis, et pourtant les Vauclusiens que je représente et une majorité de Français veulent que vous sortiez de l’angélisme, messieurs les ministres.

L’angélisme, c’est de nous répondre valeurs, idéologie, convictions fortes de la gauche unitaire, en lieu et place du bien commun. Les Français ne veulent plus de cette sauce philosophique coupable de ce qui nous arrive.

L’islamisme est une gangrène qui se combat avec force et détermination, pas en brûlant des chandelles ou en hurlant au respect des droits de l’homme. Un Afghan qui massacre les passagers d’un train, une famille française mutilée par un islamiste, des habitants d’Avignon soumis à la police de la charia, voilà de quoi nous parlons ! Nous ne parlons pas d’une recherche du CNRS sur la radicalisation qui satisfera vos copains de promo, nous discutons de la défense de la civilisation française face à un tout organisé, violent, cohérent, dépendant des déclarations de prêcheurs reconnus dans tout le monde islamique.

L’État islamique, avec le soutien de la France, a mis à bas la Syrie, mis en danger l’Irak et intervient dans tout le Proche-Orient et dans toute l’Europe. Nous ne parlons pas d’internet, nous parlons de la vie des Français, de l’avenir de notre pays et de notre civilisation. Aussi doit-on peut-être prendre avec une relative indépendance les diktats de l’Europe.

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Attard.

Mme Isabelle Attard. Nous assistons, depuis la nuit de jeudi à vendredi, à une surenchère sécuritaire jamais vue. C’est à celui qui proposera le plus de mois d’état d’urgence, jusqu’à l’état d’urgence permanent,…

M. Sylvain Berrios. Jusqu’à présent, le Gouvernement n’a rien fait !

Mme Isabelle Attard. …le plus d’armes, le plus de guerre, le plus de surveillance de masse, le plus de prison, le plus d’enfermement préventif, le plus de camps d’internement.

Plusieurs députés du groupe Les Républicains. Et alors ?

Mme Isabelle Attard. Vous avez décidé, mes chers collègues, de faire de Minority Report un film de petits joueurs. Mais qui parle d’aide aux victimes ? Qui parle du temps qu’il faut pour reloger les trente et une familles touchées par la prise d’assaut de Saint-Denis ? Qui parle des dérives de cet état d’urgence ? Les perquisitions administratives sans aval du juge ont donné lieu à de graves dérapages, indignes de la démocratie que vous devez défendre, monsieur le Premier ministre, sans parler des perquisitions tous azimuts non préparées, comme celle faite au domicile des maraîchers bio en Dordogne, dont le seul tort était, entre de gros guillemets, d’avoir milité contre le grand projet inutile de Notre-Dame-des-Landes.

Si votre projet est d’enfermer tous ceux qui pourraient – je dis bien qui pourraient – contester l’ordre établi, continuez ainsi. Nos concitoyens, eux, savent faire la différence entre lutte contre le terrorisme et protection des libertés fondamentales.

M. Christian Jacob. Vous rendez-vous compte de ce que vous dites ?

M. le président. La parole est à M. Alain Chrétien.

M. Alain Chrétien. Monsieur le garde des sceaux, le 18 novembre 2015, en commission des lois, je vous demandais d’ouvrir la possibilité de saisir les ordinateurs et les téléphones portables. Vous étiez alors président de cette commission et vous avez balayé cette demande d’un revers de main, avec un certain mépris, ajoutant même que ce n’était pas une demande des services de police. Quelques semaines plus tard, vous me faisiez parvenir un petit mot – dont acte – pour reconnaître que ma demande était légitime.

Pourtant, le temps a passé et nous n’avons rien vu venir. Nous avons donc déposé le 26 janvier 2016, avec quelques dizaines de collègues, une proposition de loi prévoyant la saisie des ordinateurs et des téléphones portables. Je rappelle que les services de police opérant une perquisition administrative n’ont aujourd’hui pas le droit d’aller chercher dans l’ordinateur les données indispensables à l’enquête si l’appareil est éteint ou endommagé.

Je m’étonne qu’il ait fallu attendre huit mois pour que vous rédigiez finalement, en trois jours, cet article 2 qui lève toutes les incertitudes et les inconstitutionnalités qui nous étaient opposées dans le courant du printemps.

Non, monsieur le ministre, tout n’a pas été fait pour protéger les Français ! Nous en avons ici la preuve criante. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. Christian Jacob. Comme quoi !

M. le président. La parole est à M. Jean Lassalle.

M. Jean Lassalle. Ce débat qui réunit une Assemblée extrêmement nombreuse honore, je le crois, la mémoire de nos défunts. C’est une bonne chose que nous adressions tous ensemble ce signal à notre pays.

Cela dit, veillons à ne pas être effrayés plus qu’il ne le faut. Notre population l’est déjà suffisamment !

D’autre part, en suivant attentivement nos discussions, j’en viens à me demander à quoi peut bien servir notre état d’urgence, surtout lorsque l’on voit ce qui lui est parfois retiré.

Tout ceci n’est quand même pas arrivé par hasard et il faut être très vigilant pour l’avenir. Nous avons vendu des armes à tour de bras dans des pays qui étaient dangereux, puis nous sommes intervenus et nous subissons aujourd’hui un retour tragique.

N’oublions pas non plus qu’au-delà de Daech, une sorte de violence immanente s’est répandue dans notre pays. J’ai du mal à croire que des hommes deviennent des soldats de Daech en dix jours. Il y a là quelque chose de plus grave et de plus important, qu’il convient de prendre en compte dès maintenant si nous voulons maîtriser la situation et éviter d’être emportés beaucoup plus loin encore.

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson.

M. Jean-Frédéric Poisson. Messieurs les ministres, mes chers collègues, je profite de l’article 2 pour dire quelle sera ma position sur ce texte : je ne voterai pas la prolongation de l’état d’urgence que le Gouvernement demande au Parlement. Il y a longtemps que je ne suis plus convaincu de son efficacité. J’ai voté contre sa prolongation en février puis en mai dernier pour les mêmes motifs, ayant constaté dans le travail de contrôle effectué au sein de la commission des lois que son efficacité s’était concentrée sur les toutes premières semaines de sa mise en œuvre, avec un déclin constant depuis cette période. Aujourd’hui, je ne vois aucune raison de changer de position par rapport à mes deux précédents votes.

Je constate aussi que la prolongation que vous présentez au Parlement est le seul élément qui reste du discours du chef de l’État devant le Congrès en novembre dernier. C’est fort dommage car ce discours contenait des éléments de modification de la politique étrangère, annonçait la déchéance de nationalité, ce qui a malheureusement déchiré le pays pendant quelques semaines, et promettait une réforme constitutionnelle qui aurait compris notamment cet article 2 soumis ici à notre approbation.

À la fin du compte, nous sommes en train de toucher la limite du système exclusivement sécuritaire que vous avez imaginé pour répondre au terrorisme depuis un an et demi. Mais cette limite explose parce que l’attentat de Nice, dans son atrocité, nous renseigne sur ce que nous constatons et sur ce qu’ont constaté tant la commission d’enquête de nos collègues Georges Fenech et Sébastien Pietrasanta ou la mission d’information que Kader Arif et moi-même avons menée : les nouveaux modes d’action nécessitent davantage de réponses culturelles, politiques, éducatives, et davantage de fermeté opérationnelle que de nouveaux systèmes de droit. Les mois de prolongation que vous nous demandez, qu’il y en ait trois, six, neuf ou douze, ne seront pas plus efficaces que ces derniers mois, j’en fais le pari, pour lutter contre le terrorisme.

Voilà pourquoi je voterai à la fin de la séance contre cette prolongation.

M. Bertrand Pancher et Mme Danielle Auroi. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Laurent.

M. Jean-Luc Laurent. On voit bien, dans la discussion qui a lieu depuis quelques heures comme dans l’article 2, que l’on est un peu loin de l’état d’urgence. Cela m’amène à vous demander, monsieur garde des sceaux, que l’on solidifie une bonne fois pour toutes l’état d’urgence en le constitutionnalisant, comme vous l’aviez d’ailleurs suggéré, mais surtout en prévoyant une loi organique qui serait la boîte à outils des mesures que pourrait autoriser une loi ordinaire mettant en œuvre l’état d’urgence, sans avoir à reprendre sans arrêt l’ensemble des dispositions. Nous y gagnerions en efficacité et en sérieux.

M. le président. La parole est à M. Patrick Vignal.

M. Patrick Vignal. L’article 2 vise à renforcer les dispositions applicables aux perquisitions administratives tout en garantissant et en respectant les exigences du Conseil constitutionnel. Ce nouvel outil juridique permettra certainement aux différentes autorités un accès simplifié à des éléments saisis lors des perquisitions et pouvant être déterminants pour les suites d’une enquête en cours. Néanmoins, bien que nous ayons fait des efforts sans précédent depuis plus de deux ans, le manque de moyens humains se fait aujourd’hui sentir s’agissant des magistrats.

Notre arsenal juridique est composé de nombreux outils efficients, propres à répondre au mieux aux différents types d’attaque terroriste. Les dispositifs du texte compléteront le dispositif judiciaire existant, qui permet de réaliser des enquêtes complexes et de démanteler des réseaux.

Cependant, depuis les attentats et l’instauration de l’état d’urgence, de nombreux procureurs de la République dénoncent la saturation des parquets. Ceux-ci doivent pouvoir intervenir vingt-quatre heures sur vingt-quatre pour lutter contre la montée du terrorisme et de la radicalisation, mais aussi pour traiter les affaires courantes.

C’est le cas à Montpellier, grande ville en proie à la montée de la violence et de la radicalisation. Le nombre d’affaires à traiter y est en constante augmentation, contrairement au nombre de magistrats. Même si les réseaux terroristes sont bien identifiés par la DGSI à Paris, les ressorts de province se heurtent au manque de temps pour instruire des dossiers à signaux faibles, plus complexes car nécessitant de longues investigations. Le cas du barbare de Nice, qui s’est radicalisé dans un temps très court et représente un nouveau genre de terrorisme, en témoigne. Pour être plus efficace face à ces nouveaux comportements, il faut compter avec l’ensemble de la chaîne pénale.

Davantage de magistrats : c’est l’autre urgence de l’état d’urgence.

M. le président. Nous en venons aux amendements à l’article 2.

La parole est à Mme Isabelle Attard pour soutenir l’amendement n87, qui tend à supprimer l’article.

Mme Isabelle Attard. En préambule, je veux remercier mon collègue Jean-Frédéric Poisson pour la cohérence et la justesse de ses propos, tout comme de ses votes, depuis plusieurs mois déjà.

Si je demande la suppression de cet article, c’est parce qu’en février 2016 le Conseil constitutionnel a déjà repoussé la possibilité de saisie de données issues de matériel informatique dans le cadre de l’état d’urgence. Cette tentative de contourner l’avis de la plus haute juridiction française pour restreindre encore un peu plus les droits des Français est tout simplement inacceptable.

M. Éric Ciotti. Il ne s’agit pas de restreindre leurs droits mais de les protéger !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pascal Popelin, rapporteur. Le Conseil constitutionnel a rendu une décision – et non un avis, madame Attard – dont, personnellement, je regrette les effets sur l’efficacité de l’action de nos forces de police. Le projet de loi, tel qu’il est proposé par le Gouvernement, ne cherche pas à contourner cette décision : au contraire, il s’y conforme en prévoyant, pour la saisie des données des matériels informatiques, des garanties dont le Conseil estimait qu’elles manquaient dans la première loi.

Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Défavorable pour les mêmes raisons.

Mais je voudrais revenir en arrière. Il est vrai, monsieur Chrétien, que j’avais rendu un avis défavorable à la mesure de saisie du matériel. Le texte d’origine prévoyait que la copie devait suffire, mais nous avons constaté par la suite dans les opérations de contrôle que le temps de copie est tellement long qu’il rend impossible cette opération pendant la perquisition. Les professionnels nous ont en effet indiqué que la saisie serait plus efficace. C’est donc ce que le Gouvernement propose maintenant, en s’appuyant sur le Conseil constitutionnel. J’avais fait un mea culpa que je confirme publiquement ici. Quand je me trompe, je le reconnais.

(L’amendement n87 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Bompard, pour soutenir l’amendement n78.

M. Jacques Bompard. Il est défendu.

(L’amendement n78, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Denys Robiliard, pour soutenir l’amendement n21.

M. Denys Robiliard. Cet amendement revient sur la rédaction et non sur l’esprit de la modification proposée par le texte. Le cinquième alinéa dispose en effet que « lorsqu’une perquisition révèle qu’un autre lieu remplit les conditions fixées au premier alinéa, l’autorité administrative peut en autoriser par tout moyen la perquisition ». Or ou bien elle autorise, ou bien elle n’autorise pas. Le moyen se rapporte à la communication de l’autorisation et non à l’autorisation elle-même. D’où ma proposition de supprimer les mots « par tout moyen » ainsi que la deuxième phrase de l’alinéa, « Cette autorisation est régularisée en la forme dans les meilleurs délais » dont nous n’avons plus besoin.

La notion de régularisation « en la forme » alors que nous sommes en situation d’exception et qu’il s’agit d’une atteinte au domicile est extrêmement choquante puisqu’en la matière, le respect de la forme équivaut au respect de la liberté.

Nous n’avons pas besoin de cette précision puisque le texte prévoit la communication sans délai au procureur de la République. Par conséquent, la procédure apportera la preuve de l’autorisation ainsi que l’horaire, étant entendu que la préfecture et le parquet communiquent par voie de mails.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pascal Popelin, rapporteur. Je comprends l’intention de notre collègue mais la réécriture qu’il propose aboutit à supprimer l’information du parquet. Or celle-ci ne va pas de soi dans le cadre d’une perquisition administrative qui déroge à toutes les procédures habituelles. Il y a donc lieu de prévoir expressément cette information. Avis défavorable.

(L’amendement n21, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Bompard, pour soutenir l’amendement n76.

M. Jacques Bompard. Dans le précédent texte sur l’état d’urgence, la nécessité de saisie et d’analyse des informations avait été largement abordée. Je propose donc une solution qui est très certainement améliorable mais qui permet de passer outre la décision du Conseil constitutionnel suite à la QPC – question prioritaire de constitutionnalité – du 19 février.

Le Conseil constitutionnel, j’en suis certain, comprendra parfaitement la réalité. Les Français ne veulent plus être livrés en pâture aux islamistes. Daech n’est pas fondé sur une logique idéaliste mais sur une doctrine de l’ultra-violence. Or l’ultra-violence se moque totalement des droits des Salah Abdeslam et autres assassins.

Si nous ne terrorisons pas les islamistes, nous perdrons. C’est ce que les Français ont dit avec vigueur à Nice au Premier ministre.

Cet amendement prend en considération la nécessité d’exploiter un certain nombre d’informations au cours des enquêtes. Les événements belges ainsi que la suite des enquêtes sur le Bataclan donnent une illustration des multiples chemins qu’il faut emprunter pour parvenir à la vérité.

La préservation de la vie privée reste cependant essentielle. Ainsi la conservation des copies par l’autorité judiciaire est un compromis qui pourrait éventuellement prévenir tout dépôt d’une nouvelle QPC par la Ligue des droits de l’homme.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pascal Popelin, rapporteur. Avis défavorable. Vous proposez d’amender l’article 2 pour régler des problèmes qu’il règle déjà, me semble-t-il, de meilleure manière.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Même avis, nonobstant le fait que l’amendement confond parfaitement, en l’espèce, la police administrative et la police judiciaire.

(L’amendement n76 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Valérie Boyer, pour soutenir l’amendement n98.

Mme Valérie Boyer. Il est retiré.

(L’amendement n98 est retiré.)

M. le président. La parole est à M. Denys Robiliard, pour soutenir l’amendement n22.

M. Denys Robiliard. L’alinéa 8 dispose que « l’agent sous la responsabilité duquel est conduite la perquisition rédige un procès-verbal ». Or l’article prévoit également la présence permanente d’un officier de police judiciaire. Celle-ci a deux avantages : l’OPJ est formé à l’établissement de procès-verbaux, certes en matière de police judiciaire mais il peut le faire également en matière de police administrative, et il se trouve sous le contrôle du procureur général. Il a donc à la fois une déontologie et une compétence qui me paraissent préférables à celles d’un autre agent administratif. Dans la mesure où il est présent, il serait intéressant qu’il puisse lui-même rédiger le procès-verbal. Tel est le sens de cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pascal Popelin, rapporteur. Cet amendement a pour objectif de placer sous scellés judiciaires les objets et documents saisis dans le cadre d’une perquisition administrative. Or s’agissant d’une saisie administrative, il n’y a pas lieu de les placer sous scellés judiciaires. C’est uniquement si l’exploitation des données informatiques venait à établir l’existence d’une infraction pénale que ces objets et documents seraient placés sous scellés judiciaires et feraient alors l’objet d’une enquête pénale diligentée sous le contrôle de l’autorité judiciaire. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Même avis.

(L’amendement n22 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Denys Robiliard, pour soutenir l’amendement n23.

M. Denys Robiliard. En lieu et place d’une présentation de l’amendement n23, j’indique au rapporteur que son propos concernant l’amendement n22 est inexact puisqu’il s’agit d’un scellé administratif et non judiciaire. Mais peu importe, l’amendement n23 étant le corollaire du n22 qui n’a pas été adopté, je le retire.

(L’amendement n23 est retiré.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Bompard, pour soutenir l’amendement n79.

M. Jacques Bompard. Le but de cet amendement est de tenter de faciliter le fonctionnement des organisations administratives et de la procédure judiciaire au cœur de l’état d’urgence. Il va de soi que cette nécessité est dérogatoire et a pour but de faciliter le fonctionnement de l’ensemble des acteurs luttant contre le terrorisme.

Nous savons parfaitement quels sont les problèmes existant entre les diverses institutions qui président à notre sécurité, la commission d’enquête l’a parfaitement montré.

Soyons dans le réel, sortons des représentations idéales et des prés carrés : la vie des Français et la respectabilité de nos forces de l’ordre sont en jeu et c’est, je le crois, ce que souhaitent de nombreux parlementaires.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pascal Popelin, rapporteur. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Même avis.

(L’amendement n79 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Attard, pour soutenir l’amendement n104.

Mme Isabelle Attard. L’alinéa 9 de cet article stipule que le juge des référés du tribunal administratif statue dans un délai de quarante-huit heures à compter de sa saisine sur la régularité de la saisie et la demande de l’autorité administrative. Mais l’alinéa ne précise pas ce qui se passe dans le cas où le juge ne peut pas statuer. C’est pourquoi je propose par cet amendement de prévoir cette possibilité afin de ne pas créer un vide juridique. L’amendement vise à ce que l’absence de décision du juge des référés soit considérée par défaut comme un refus.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pascal Popelin, rapporteur. Il n’y a pas de vide juridique puisque les délais peuvent être dépassés sans que cela ne remette en cause la procédure. Cet amendement n’est donc pas nécessaire. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Même avis.

(L’amendement n104 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Guillaume Larrivé, pour soutenir l’amendement n14.

M. Guillaume Larrivé. Il est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pascal Popelin, rapporteur. Vous proposez par cet amendement de porter à douze mois la durée de conservation des données saisies. C’est un sujet que nous connaissons bien : nous en avons débattu lors de l’examen du projet de loi « antiterroriste » de 2014 et lors de l’examen du projet de loi sur le renseignement en 2015.

Selon la nature des données saisies, la durée de conservation variera afin de garantir le respect de la vie privée. S’agissant des correspondances, la loi sur le renseignement avait prévu leur destruction au bout de trente jours après la première exploitation et dans un délai maximal de six mois à compter de leur recueil. J’invite à la plus grande prudence quant à ce délai, d’autant que ce délai de trois mois peut être prolongé à plusieurs reprises sur décision du juge.

(L’amendement n14, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Julien Dive, pour soutenir l’amendement n3.

M. Julien Dive. Cet amendement vise à renforcer l’article 11 de la loi relative à l’état d’urgence qui a été prorogée le 19 février dernier. Cet article énonce que « Le ministre de l’intérieur peut prendre toute mesure pour assurer l’interruption de tout service de communication au public en ligne provoquant à la commission d’actes de terrorisme ou en faisant l’apologie ».

Monsieur le ministre, les événements actuels nous incitent à faire preuve de fermeté devant la multiplication des canaux d’information et ce qu’il conviendrait presque de nommer « l’imam internet ». Des individus se radicalisent chez eux, dans les cybercafés, sur leur smartphone. La seule possibilité de suspension n’est plus suffisante. Le risque zéro n’existe pas mais il est possible de s’en rapprocher en limitant autant que possible l’accès aux services de communication appelant à perpétrer des actes de terrorisme par celui ou celle qui consulterait des sites internet de propagande.

Je propose donc que soit adopté le principe de systématisation de la suspension des moyens de communication en ligne et non plus seulement sa seule possibilité.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pascal Popelin, rapporteur. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Le Gouvernement préférerait qu’il soit retiré. M. Dive vient de lire le texte de la loi, qui dispose que le ministre de l’intérieur « peut prendre » toute mesure. Cela sous-entend qu’il prend effectivement ces mesures. L’activité du ministre de l’intérieur montre que depuis que la possibilité lui est offerte, l’outil a été largement utilisé puisque bon nombre de mesures ont été prises pour interrompre les services en question.

(L’amendement n3 n’est pas adopté.)

(L’article 2 est adopté.)

Après l’article 2

M. le président. La parole est à M. Guénhaël Huet, pour soutenir l’amendement n36 portant article additionnel après l’article 2.

M. Guénhaël Huet. Cet amendement, qui me semble relever à la fois de la logique et du bon sens, vise à ce que toute personne qui aurait commis un acte grave contre l’ordre public ou la sûreté de l’État se trouve automatiquement privée de toute prestation sociale, quelle qu’en soit la nature. Cette conclusion me paraît logique après la commission d’un certain nombre d’actes terroristes.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pascal Popelin, rapporteur. C’est un sujet qui revient lui aussi régulièrement : on ne peut vous reprocher de manquer de constance. Je rappelle que sur le plan constitutionnel, il est impossible, en vertu du principe d’égalité, de remettre en cause le bénéfice d’une allocation pour une raison différente de celle pour laquelle elle est versée.

En revanche, les conditions dans lesquelles il peut être procédé à la suspension du versement d’une allocation sont précisées dans la loi et concernent notamment le fait de ne pas résider sur le territoire national. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Même avis, en précisant que trois cent personnes ont été privées du versement des prestations au motif qu’elles avaient quitté le territoire national.

(L’amendement n36 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Meyer Habib, pour soutenir l’amendement n66.

M. Meyer Habib. Monsieur le ministre, il existe un phénomène de plus en plus inquiétant : le djihadisme, qui est quasiment la seule forme de terrorisme dans notre pays, concerne de plus en plus des enfants mineurs qui quittent le domicile familial pour le djihad. Je rappelle que le terroriste qui vient de frapper en Allemagne avait à peine dix-sept ans.

La lutte contre la radicalisation n’aboutira que si les parents y sont pleinement associés. Il faut donc les responsabiliser. L’objet de cet amendement est donc d’impliquer davantage les parents. Aucun enfant ne naît raciste, aucun enfant ne naît antisémite et encore moins djihadiste. Les enfants grandissent dans un cocon familial qui leur inculque des valeurs et une façon d’être. Jean-Christophe Lagarde le rappelait tout à l’heure, tout commence par l’éducation.

Il est vrai que parfois les parents sont dépassés par la radicalisation de leurs enfants. Tout récemment, un certain nombre de parents ont pris les devants et ont prévenu les autorités de la radicalisation de leur enfant. Il va de soi qu’il faut prévoir ces cas de figure et c’est pourquoi je vous propose par cet amendement que le juge intervienne pour apprécier la situation, l’objet de l’amendement étant de suspendre les allocations familiales perçues non seulement pour l’enfant à charge, djihadiste potentiel, ayant commis des actes terroristes, mais aussi pour l’ensemble des enfants de la famille.

Vous allez naturellement me dire qu’il s’agit d’une sanction collective et qu’on ne peut pas punir toute la famille. Quel est notre objectif aujourd’hui ? La loi doit dresser des barrières et les parents doivent prendre leurs responsabilités. On ne peut pas en même temps bénéficier des largesses de la République et laisser la chair de sa chair violer ouvertement toutes les règles et les valeurs de cette République.

À ceux qui s’inquiètent, et c’est normal, de la pénalisation des parents, qui dans certains cas sont aussi victimes, dans la mesure où ils sont dépassés par la radicalisation de leurs enfants, je réponds qu’aux termes de cet amendement le juge pourra décider du maintien, total ou partiel, des allocations familiales à la famille. J’ai entièrement confiance en la sagesse du juge pour apprécier les situations au cas par cas et c’est pourquoi je vous demande de voter cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pascal Popelin, rapporteur. Avis défavorable.

(L’amendement n66, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 18 et 16, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.

La parole est à M. Éric Ciotti, pour les soutenir.

M. Éric Ciotti. L’amendement n18 vise à permettre l’introduction, dans le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, du droit de retirer un titre de séjour à une personne passible d’une condamnation pénale.

L’amendement n16 tend à permettre de retirer leur titre de séjour aux personnes inscrites au FSPRT, le fichier des signalés pour la prévention et la radicalisation à caractère terroriste.

Nous devons envoyer un message très clair. Lors de la discussion générale, j’ai parlé d’un réarmement moral autour des valeurs de la République. Un étranger qui commet un délit sur le sol national, ou qui est soupçonné de se radicaliser et de présenter une menace terroriste, n’a plus sa plus place sur notre territoire et doit être immédiatement expulsé.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pascal Popelin, rapporteur. Je vais essayer de répondre aux deux amendements, bien qu’ils ne portent pas exactement sur le même sujet.

L’amendement n18 est manifestement excessif, puisqu’il prévoit le retrait de la carte de séjour d’un étranger poursuivi pour toute infraction pénale, même un stationnement gênant sur la chaussée ou un défaut du port de ceinture de sécurité. Chacun conviendra qu’un seuil doit être atteint avant qu’on ne recoure à des mesures administratives aussi radicales. Il est probable que la rédaction de l’amendement ne correspond pas à l’objectif poursuivi par son auteur.

Quant à l’amendement n16, je rappelle que l’inscription au FSPRT est une prérogative de l’administration. L’amendement conditionnerait donc un pouvoir de l’administration, le retrait de la carte de séjour, à une décision de l’administration. Il s’agit donc d’une proposition en trompe-l’œil, reposant in fine sur deux actions de la même autorité.

Si je peux comprendre la volonté qui sous-tend l’amendement, j’invite son auteur à trouver un autre fait générateur de la capacité de l’administration à retirer une carte de séjour, par exemple une décision judiciaire devenue définitive.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Même avis. Il existe un principe de proportionnalité, que M. Ciotti ne méconnaît pas, puisqu’il a souvent déposé des amendements en ce sens, et que nous lui avons souvent répondu.

Pour connaître parfaitement notre droit, il sait aussi que, si la menace à l’ordre public est avérée, il existe des outils juridiques : un arrêté d’expulsion emporte le retrait de plein droit de la carte de séjour.

(L’amendement n18 n’est pas adopté.)

(L’amendement n16 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Meyer Habib, pour soutenir l’amendement n44.

M. Meyer Habib. Je persiste et signe. Cet amendement vise à déchoir tous les djihadistes de leur nationalité française, qu’ils soient mono-, bi- ou trinationaux.

Je suis conscient que ce débat a défrayé la chronique et fait couler beaucoup d’encre. Le Président de la République, après avoir annoncé la mesure au Congrès réuni à Versailles, l’a finalement retirée. Mais ici même, avant le 4 décembre 2014, donc avant les attentats de Charlie, de l’hypercacher et bien d’autres encore, je disais que certains djihadistes répertoriés ne possédaient que la nationalité française. Peut-on considérer que les faits qui leur sont reprochés soient moins graves ou que les dangers qu’ils font courir à nos compatriotes en cas de retour soit moins grand ? Évidemment non.

Hélas, depuis lors, le danger n’a pas été écarté, et 238 Français ont été lâchement assassinés. Comment peut-on différencier Lahouaiej Bouhlel, Tunisien terroriste de Nice, Amimour, Français terroriste et tueur du Bataclan, ou Merah, Franco-Algérien, terroriste de Toulouse ou d’autres encore ?

Il n’importe pas que ces barbares soient binationaux ou non, nés français ou non, naturalisés ou non. Ces djihadistes vomissent la France. Ils outragent nos valeurs. Ils massacrent nos enfants. Ils rêvent d’un califat universel. Pour moi, ils ne possèdent aucune nationalité si ce n’est celle de la mort.

Pour ces criminels, aucun argument juridique robuste ne s’oppose à la déchéance de la nationalité française. Si, pour pouvoir prononcer cette peine, nous devons modifier la Constitution, faisons-le ! La France n’a pas ratifié à ce jour la convention faisant obstacle à la création d’apatrides. Il faut arrêter de couper les cheveux en quatre. Chaque djihadiste doit savoir qu’il sera déchu de la nationalité française ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.) Les Français attendent de la simplicité, de l’efficacité, de la clarté et surtout de la simplicité.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pascal Popelin, rapporteur. J’entends la passion de notre collègue sur cette question. Malheureusement, celle-ci a été tranchée. Sur proposition du Gouvernement, le projet de loi constitutionnelle de protection de la nation prévoyait de telles dispositions, mais, après avoir été adopté à l’Assemblée nationale à une majorité des trois cinquièmes, il n’a pas reçu le même accueil au Sénat. En conséquence, il a fallu interrompre le processus de révision constitutionnelle.

Le Conseil d’État, dans son avis du 11 décembre 2015, ayant indiqué que, pour adopter une telle procédure, il faut modifier la Constitution, j’émets un avis défavorable.

(L’amendement n44, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Guénhaël Huet, pour soutenir l’amendement n47.

M. Guénhaël Huet. Défendu.

(L’amendement n47, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 12 et 50, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Guillaume Larrivé, pour soutenir l’amendement n12.

M. Guillaume Larrivé. Nous souhaitons que, pendant la publication de l’état d’urgence, tout étranger dont la présence en France constitue une menace grave pour la sécurité nationale puisse faire l’objet d’une décision ministérielle d’expulsion, ainsi que d’une interdiction administrative définitive du territoire.

Dans le droit commun, plus précisément dans le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, des dispositions générales organisent les procédures d’expulsion pour motifs d’ordre public. Avec cet amendement, nous entendons déroger aux conditions de fond et de procédure prévues par ce code, et accélérer les procédures d’expulsion de ressortissants qui menacent gravement la sécurité nationale.

M. le président. La parole est à M. Meyer Habib, pour soutenir l’amendement n50.

M. Meyer Habib. Il est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pascal Popelin, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d’État. Les amendements présentent trois difficultés.

En premier lieu, ils prévoient un régime d’expulsion propre à l’état d’urgence, mais dont les effets perdureraient une fois celui-ci terminé, ce qui est contraire à l’esprit et à la lettre de la loi de 1955.

Par ailleurs, le critère que constitue la menace pour la sécurité nationale n’apporte rien de plus à ceux que prévoit déjà le droit commun. Il contribue plus à perturber l’édifice qu’à le consolider.

Vous le savez, le droit en vigueur s’articule notamment autour des critères de menaces graves pour l’ordre public ou de nécessité impérieuse pour la sûreté de l’État ou la sécurité publique. Le cadre juridique actuel est efficace. Il prévoit que certaines catégories d’étrangers bénéficient d’une protection relative ou quasi absolue contre l’expulsion en raison de leur attache avec la France. Les actes liés directement ou indirectement au terrorisme ont pour effet de rendre ces protections inopérantes et justifient l’expulsion.

Enfin, les amendements introduisent un dispositif disproportionné en ce qu’ils n’opèrent aucune distinction entre catégories d’étrangers, européens, ressortissants des pays tiers, et ressortissants étrangers résidant en France depuis de nombreuses années. De ce point de vue, et leurs auteurs le savent bien, ils sont incompatibles tant avec le droit communautaire qu’avec nos engagements internationaux.

(L’amendement n12 n’est pas adopté.)

(L’amendement n50 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Guillaume Larrivé, pour soutenir l’amendement n95.

M. Guillaume Larrivé. Il est défendu.

(L’amendement n95, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Guillaume Larrivé, pour soutenir l’amendement n96.

M. Guillaume Larrivé. Défendu.

(L’amendement n96, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Bompard, pour soutenir l’amendement n35.

M. Jacques Bompard. Malika Sorel, membre du Haut conseil à l’intégration, affirmait dans le Figaro, le 18 juillet : « Les sociétés occidentales, devenues temples de la consommation, se sont laissé convaincre par les faiseurs d’opinion que le bien-être matériel était la clé de tous les problèmes ou presque. Les événements de Nice, après d’autres événements terrifiants, apportent un cinglant démenti. »

Ce cinglant démenti va notamment contre les idéologues qui prônaient la déradicalisation, le vivre-ensemble, les pseudo-valeurs républicaines, et contre l’ensemble des idées apportées par le Gouvernement pour parler du terrorisme. Avez-vous vu ce petit bonhomme grimé avec un béret parisien et une baguette, censé représenter un terroriste pour des enfants ?

Un enfant de dix ans sait aujourd’hui que c’est plutôt une burqa ou une djellaba que portent le plus souvent les islamistes. Arrêtez votre folie idéologique !

Pour lutter contre cette folie, il faut interdire de rentrer en France à ceux qui sont partis au Proche-Orient tuer des juifs, des chrétiens, des Kurdes ou des chiites.

(L’amendement n35, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Bompard, pour soutenir l’amendement n33.

M. Jacques Bompard. Défendu.

(L’amendement n33, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 42 et 75.

La parole est à M. Éric Ciotti, pour soutenir l’amendement n42.

M. Éric Ciotti. Défendu.

M. le président. La parole est à Mme Valérie Boyer, pour soutenir l’amendement n75.

Mme Valérie Boyer. Je suis désolée, je vais le défendre. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.) Mais je vais aller vite.

M. le président. S’il vous plaît, monsieur Bachelay…

Mme Valérie Boyer. J’aimerais qu’on prenne enfin une décision concrète car jusqu’à présent, les amendements que j’ai défendus ont été rejetés, même quand ils relèvent du bon sens. J’avoue que je ne le comprends pas, tant les mesures que je propose me semblent évidentes. Elles avaient d’ailleurs été discutées.

Dans le contexte où nous nous trouvons, on ne peut pas se contenter de guérir les blessures de notre pays avec de la compassion, des minutes de silence, voire une absence totale d’explication, comme celle qu’on m’a opposée tout à l’heure.

Cela n’a que trop duré. C’est pourquoi je vous propose de prendre de réelles mesures qui permettent de lutter efficacement en amont contre le terrorisme.

L’amendement vise à mettre en place une interdiction de retour sur le territoire national pour tout ressortissant français ayant une double nationalité, s’il existe de sérieuses raisons de croire que celui-ci a effectué des déplacements à l’étranger ayant pour objet la participation à des activités terroristes, des crimes de guerre ou des crimes contre l’humanité, ou encore des déplacements à l’étranger sur un théâtre d’opérations de groupements terroristes et dans des conditions susceptibles de le conduire à porter atteinte à la sécurité publique lors de son retour sur le territoire français.

Le retour de ces individus représente en effet un danger majeur pour la sécurité de notre pays et de l’ensemble des Français. La mise en place d’une telle disposition, nous permettant d’agir en amont, est donc essentielle.

Les présentes dispositions que propose l’amendement entraînent le retrait du passeport français et de la pièce d’identité française des personnes concernées, lorsque celles-ci possèdent la double nationalité.

L’interdiction de retour du territoire sera prononcée par le ministre de l’intérieur pour une durée de six mois. Elle est renouvelable autant de fois que les conditions sont réunies.

Tel est le dispositif à la fois concret et adaptable que je vous propose d’adopter.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pascal Popelin, rapporteur. Mme Boyer a dit qu’elle ne comprenait pas mes réponses – ou que celles-ci étaient incompréhensibles. Je vais essayer d’être le plus clair possible. (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. le président. On écoute M. Popelin.

M. Pascal Popelin, rapporteur. Je rappelle un des engagements fondamentaux de la France, et non seulement de la France, mais de tous les pays démocratiques : nul ne peut être privé du droit d’entrer sur le territoire de l’État dont il est le ressortissant. Dès lors, je ne peux être favorable à l’amendement, et préfère la solution du contrôle administratif des retours, que vient de mettre en place l’article 52 de la loi du 3 juin 2016 qui renforce la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement.

Dans le cadre de la discussion, nous aurons la possibilité d’améliorer cette disposition.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d’État. Même avis.

(Les amendements identiques nos 42 et 75 ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de cinq amendements, nos 81, 25, 63 rectifié, 73 et 97, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n81.

M. Marc Le Fur. Il s’agit d’associer systématiquement à une peine liée à un acte de terrorisme une interdiction complémentaire du territoire. Ce serait non plus une option mais une obligation faite aux juges, de façon à ce que les étrangers condamnés pour actes de terrorismes soient reconduits dans leur pays d’origine à l’issue de leur peine, et ne puissent plus revenir sur notre territoire pour y sévir à nouveau.

M. le président. La parole est à M. Jacques Bompard, pour soutenir l’amendement n25 (« Défendu ! « sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain).

M. Jacques Bompard. Nous avons le devoir d’en revenir à la double peine. Quelle est la grande caractéristique commune aux islamistes ayant commis des attentats sur notre sol ? Ils étaient tous condamnés ; ils avaient tous un casier judiciaire. Le terroriste de Nice aurait dû être renvoyé en Tunisie. Il ne l’a pas été – nous l’avons constaté. Pour l’opinion publique, le terroriste tunisien condamné sur notre sol n’aurait pas dû avoir le droit de résider en France. Malheureusement, la double peine a été supprimée. C’est extrêmement regrettable pour la sécurité de nos concitoyens, et cela constitue une erreur intellectuelle, un crime contre l’esprit. Non, l’appartenance à la nation française ne dépend pas simplement d’une autorisation de la loi : elle est d’abord et avant tout une reconnaissance de la société envers un individu jugé digne de participer à ce qui fait la France. La participation à des complots, des ententes ou des entreprises ayant concouru d’une manière ou d’une autre à un soutien à l’islamisme doit conduire automatiquement, pour le moins, au renvoi dans le pays d’origine.

J’ai entendu M. Popelin parler de germes de la désunion. Qu’il ouvre donc les yeux : il n’y a pas eu d’interventions racistes à Nice, mais une réaction épidermique à la vente médiatique de banalités bien-pensantes. « Dehors les islamistes ! Terrorisons les terroristes ! », comme le disait Pasqua. Voilà ce que veulent les Français !

M. le président. Sur l’amendement n97, je suis saisi par le groupe Les Républicains d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. François Rochebloine, pour soutenir l’amendement n63 rectifié.

M. François Rochebloine. L’actuel article 422-4 du code pénal prévoit la possibilité de prononcer l’interdiction du territoire français soit à titre définitif, soit pour une durée de dix ans ou plus, à l’encontre de tout étranger coupable d’une infraction à caractère terroriste. L’objet de cet amendement est de rendre obligatoire cette peine complémentaire d’interdiction du territoire français dès lors qu’une personne a été condamnée pour une infraction terroriste. Les infractions terroristes ainsi visées sont définies aux articles 421-1 et suivants du code pénal.

M. le président. La parole est à Mme Valérie Boyer, pour soutenir l’amendement n73.

Mme Valérie Boyer. Ce n’est pas la réponse que je ne comprends pas, monsieur le rapporteur : c’est le sens qui l’anime.

Il est quatre heures un quart du matin : un peu de bon sens ne nous fera pas de mal ! Il s’agit avec cet amendement de la capacité d’une nation, en l’occurrence la nôtre, à éloigner des étrangers qui commettent des actes de délinquance. C’est un problème de souveraineté nationale. Cet amendement propose donc de rendre obligatoire la peine complémentaire d’interdiction du territoire français en cas de condamnation pour certaines infractions terroristes, sauf décision spécialement motivée de la juridiction. Une telle disposition nous aurait peut-être permis d’éviter ce qui s’est passé le 14 juillet.

M. le président. La parole est à M. Éric Ciotti, pour soutenir l’amendement n97.

M. Éric Ciotti. Il est défendu, monsieur le président.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements en discussion commune ?

M. Pascal Popelin, rapporteur. Beaucoup d’entre eux n’ont pas été examinés par la commission. À titre tout à fait personnel, je suis favorable à l’amendement n63 rectifié et défavorable à tous les autres amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Le Gouvernement est défavorable à l’amendement n81 : il s’agit d’une peine automatique, ce que censure le Conseil constitutionnel – pas seulement au regard de la Constitution, mais aussi au regard de l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Il est également défavorable à l’amendement n25, de même qu’à l’amendement n63 rectifié, dans la mesure où le dispositif actuel, à savoir l’article 131-30-2 du code pénal, est plus sévère que celui proposé par l’amendement. C’est en effet sur la base de cet article que plus de 500 interdictions de territoire ont été prononcées cette année à titre définitif ; dans le dispositif proposé, nous aurions un système de dérogation. Pour les mêmes raisons, le Gouvernement est défavorable aux amendements n73 et 97.

(Les amendements nos 81, 25, 63 rectifié et 73, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix l’amendement n97.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants303
Nombre de suffrages exprimés303
Majorité absolue152
Pour l’adoption123
contre180

(L’amendement n97 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements, nos 10, 90 et 11, pouvant être soumis à une discussion commune.

Les amendements nos 10 et 90 sont identiques.

L’amendement n10 est-il défendu, monsieur Larrivé ?

M. Guillaume Larrivé. Oui, monsieur le président, pour des raisons de fond que je vais exposer en présentant également l’amendement n11.

Avec ces deux amendements, nous proposons que les détenus condamnés pour des actes terroristes ne fassent plus l’objet de mesures d’aménagement ou de réduction de peine. L’amendement n10 a un champ large, qui couvre toutes les mesures d’aménagement ou de réduction de peine ; l’amendement n11 a un champ restreint aux seules mesures de réduction automatique de peine.

Il nous paraît important d’en finir avec cette pratique tout à fait déplorable qui consiste finalement à accepter que des terroristes condamnés pour des crimes ou des délits n’effectuent pas la totalité de leurs peines de prison.

M. le président. La parole est à M. Éric Ciotti, pour soutenir l’amendement identique n90.

M. Éric Ciotti. Il est défendu.

M. le président. Sur les amendements identiques nos 10 et 90, je suis saisi par le groupe Les Républicains d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

L’amendement n11 vient d’être défendu par M. Larrivé.

Quel est l’avis de la commission sur les trois amendements en discussion commune ?

M. Pascal Popelin, rapporteur. Je demande à leurs auteurs de bien vouloir retirer ces amendements au profit de l’amendement n32 de MM. Ciotti et Larrivé. (Exclamations sur divers bancs.)

M. le président. Pouvez-vous répéter, monsieur le rapporteur ? Je ne suis pas sûr que l’attention ait été assez soutenue au moment où vous vous êtes exprimé… (Sourires)

M. Pascal Popelin, rapporteur. Très clairement, monsieur le président, le bon amendement à adopter sur ce sujet me semble être l’amendement n32 de MM. Ciotti et Larrivé.

M. le président. Maintenez-vous vos amendements, monsieur Larrivé ?

M. Guillaume Larrivé. Nous maintenons naturellement les amendements n10 et 90, car ils n’ont pas le même champ que l’amendement n32 – et ce n’est pas qu’une question de forme. Avec ces amendements, le groupe Les Républicains propose que les détenus terroristes criminels ou délinquants ne fassent plus l’objet d’aucune mesure d’aménagement ni de réduction de peine. C’est simple, clair et net. Le champ est bien sûr plus large que celui de l’amendement auquel le rapporteur est favorable, mais nous les maintenons. Nous demandons d’ailleurs un scrutin public, afin que chacun puisse s’exprimer de manière très directe. Il y aura ceux, députés républicains, qui seront défavorables à ce qu’on libère de manière anticipée des criminels terroristes (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain), et il y aura les autres, qui ne feront pas ce choix. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Même avis que la commission.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 10 et 90.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants299
Nombre de suffrages exprimés295
Majorité absolue148
Pour l’adoption127
contre168

(Les amendements identiques nos 10 et 90 ne sont pas adoptés.)

(L’amendement n11 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements, nos 74, 32, 85 et 40, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à Mme Valérie Boyer, pour soutenir l’amendement n74. (« Ah ! » sur quelques bancs du groupe Les Républicains.)

Je vois que Mme Boyer est entourée de son fan-club, mais il faudrait qu’il la laisse s’exprimer.

Mme Valérie Boyer. Compte tenu de la gravité du sujet qui nous occupe, j’imagine que vous êtes encore prêts à rester longtemps, mes chers collègues. Néanmoins, je serai brève. Cet amendement rend plus rigoureuses les conditions d’exécution des peines des personnes condamnées pour terrorisme. Il les exclut du bénéfice du mécanisme de la libération sous contrainte créé par la loi de 2014, ainsi que du bénéfice du crédit automatique de réduction de peine défini à l’article 721 du code de procédure pénale, dont nous venons de parler.

M. le président. Sur l’amendement n32, je suis saisi par le groupe Les Républicains d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Éric Ciotti, pour soutenir cet amendement.

M. Éric Ciotti. Il a pour objet de supprimer tout caractère d’automaticité à la réduction de peine en matière de terrorisme. Il est hélas plus restrictif que celui qui a été inopportunément rejeté tout à l’heure, mais il permet du moins d’éviter la mise en liberté de personnes condamnées pour des actes de terrorisme.

M. le président. La parole est à M. Pascal Popelin, rapporteur, pour soutenir l’amendement n85.

M. Pascal Popelin, rapporteur. Je le retire au profit de l’amendement n32, monsieur le président. (« Ah ! » sur les bancs du groupe Les Républicains.)

(L’amendement n85 est retiré.)

M. le président. La parole est à M. Éric Ciotti, pour soutenir l’amendement n40.

M. Éric Ciotti. Il est défendu.

M. le président. Le rapporteur nous a dit qu’il soutenait l’amendement n32. Quel est l’avis du Gouvernement sur les trois amendements qui restent en discussion ?

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Le Gouvernement est favorable à l’amendement n32. Il n’aime pas les caractères automatiques. Il était contre les peines planchers parce qu’elles étaient automatiques…

M. Guy Geoffroy. Mais ce n’était pas automatique !

M. Sébastien Huyghe. Cela n’a jamais été automatique !

M. Guy Geoffroy. Il ne faut pas mentir !

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. …il est contre les crédits de réduction de peine parce qu’ils sont automatiques.

(L’amendement n74 n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n32.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants296
Nombre de suffrages exprimés293
Majorité absolue147
Pour l’adoption256
contre37

(L’amendement n32 est adopté et l’amendement n40 tombe.) (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Bompard, pour soutenir l’amendement n31.

M. Jacques Bompard. Il est défendu.

(L’amendement n31, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Éric Ciotti, pour soutenir l’amendement n34.

M. Éric Ciotti. Il est défendu.

(L’amendement n34, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Éric Ciotti, pour soutenir l’amendement n37.

M. Éric Ciotti. Il est également défendu.

(L’amendement n37, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, pour soutenir l’amendement n43.

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Nous sommes confrontés à une nouvelle génération de terroristes. Premièrement, ils sont jeunes et seront donc en situation de nuire à l’issue de la période de sûreté. Deuxièmement, ils pratiquent la dissimulation ; ils ont souvent un comportement exemplaire en prison, au regard des critères de l’administration pénitentiaire, et peuvent ainsi leurrer les acteurs judiciaires et bénéficier de remises de peine. C’est pourquoi cet amendement a pour objet d’instaurer, pour eux, une perpétuité réelle, laquelle qui n’existe pas, comme vous le savez, dans la législation actuelle.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pascal Popelin, rapporteur. Je suis perplexe devant cet amendement car son deuxième alinéa aurait en réalité pour effet d’alléger les peines prévues par le droit en vigueur et de supprimer certaines incriminations comme l’organisation ou la direction d’un groupement voué à la commission d’un acte terroriste, réprimées par l’article 421-6 du code pénal. Dès lors, on ne pourrait plus punir que la participation, et il ne serait plus possible de sanctionner plus durement les chefs de réseau, qui risquent actuellement une peine de trente ans de réclusion criminelle au lieu de vingt ans. Sans même examiner les dispositions de l’amendement relatives à la période de sûreté, je suis donc très fortement défavorable à cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Défavorable. Cet amendement est contraire à l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme, qui interdit toute peine perpétuelle incompressible.

(L’amendement n43 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Éric Ciotti, pour soutenir l’amendement n91.

M. Éric Ciotti. Il est défendu.

(L’amendement n91, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 72 et 99, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à Mme Valérie Boyer, pour soutenir l’amendement n72.

Mme Valérie Boyer. Cet amendement a pour objet de créer un nouveau délit, qui sanctionne de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende le séjour intentionnel sur un théâtre étranger d’opérations terroristes, afin de permettre le contrôle judiciaire ou la détention provisoire de djihadistes dès leur retour de l’étranger, sans qu’il soit nécessaire de rapporter la preuve d’une entreprise terroriste autonome.

M. le président. La parole est à M. Éric Ciotti, pour soutenir l’amendement n99.

M. Éric Ciotti. Cet amendement vise à créer un nouveau délit de séjour intentionnel sur un théâtre d’opérations terroristes, qui permettrait de judiciariser de façon beaucoup plus simple le retour des personnes engagées dans les rangs djihadistes.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pascal Popelin, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Également défavorable, puisque cette possibilité existe déjà. Les articles 421-2-6 et 421-2-1 du code pénal couvrent exactement les dispositions proposées par ces amendements.

M. Claude Goasguen. Appliquez-les !

(Les amendements nos 72 et 99, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à M. Éric Ciotti, pour soutenir l’amendement n26.

M. Éric Ciotti. Cet amendement a pour objet de relever l’échelle des peines en matière correctionnelle, en portant le quantum de peine de dix à quinze ans. C’est une demande qui a notamment été formulée par le parquet antiterroriste de Paris devant de multiples commissions d’enquête.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pascal Popelin, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Également défavorable, puisque cette aggravation des peines érige en crime une infraction qui doit rester un délit. La procédure criminelle terroriste, de par sa lenteur et ses lourdeurs, n’apparaît pas adaptée à ces procédures, alors même que le procureur de Paris cherche à correctionnaliser les dossiers lorsque c’est possible. La justice sera dans l’impossibilité de juger en cour d’assises professionnelle les centaines de procédures en cours pour des faits d’association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste.

(L’amendement n26 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Attard, pour soutenir l’amendement n103.

Mme Isabelle Attard. Chers collègues – je m’adresse en particulier à ceux d’entre vous qui appartiennent à la majorité dite « socialiste » –, je vous propose de vous plonger un bref instant dans le passé. Vous êtes les représentants contemporains d’une longue histoire politique. Vous l’assumez pleinement, puisque la boutique du Parti socialiste vend dix euros des mugs comportant des citations de Jaurès. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

Je vous propose d’aller au-delà et de lui rendre très concrètement hommage en reprenant un amendement que Jaurès avait déposé en 1894 ; il dénonçait clairement à cette occasion les causes profondes du terrorisme. Un peuple heureux, confiant en son avenir et fier de ses représentants ne voit pas ses jeunes désespérés partir à l’étranger pour rejoindre une zone de guerre. C’est pourquoi je vous propose d’insérer, après le premier alinéa de l’article 421-2-5 du code pénal, l’alinéa suivant : « Sont considérés comme ayant fait publiquement l’apologie du terrorisme tous les hommes publics, ministres, sénateurs, députés ayant trafiqué de leur mandat, touché des pots-de-vin, participé aux affaires financières véreuses. » (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

(L’amendement n103, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n82.

M. Marc Le Fur. Il est défendu.

(L’amendement n82, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Bompard, pour soutenir l’amendement n41.

M. Jacques Bompard. Il est défendu.

(L’amendement n41, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Morel-A-L’Huissier, pour soutenir l’amendement n4.

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Le présent amendement vise à rendre directement accessible à toutes les forces de l’ordre et aux services de renseignement de l’État les fichiers concernant de manière directe ou indirecte la lutte contre le terrorisme.

(L’amendement n4, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Bompard, pour soutenir l’amendement n20.

M. Jacques Bompard. Il est défendu.

(L’amendement n20, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement n1.

M. Philippe Gosselin. Un arrêté du garde des sceaux, pris le 9 juin dernier, permet la vidéosurveillance, notamment pour le dernier survivant du groupe de terroristes du 13 novembre 2015. Une partie de la doctrine et un certain nombre d’avocats s’interrogent sur la légalité de ce dispositif. Un recours en référé-liberté a d’ailleurs été exercé la semaine dernière devant le tribunal administratif de Versailles, lequel a considéré qu’il était tout à fait loisible de prendre des mesures exceptionnelles, compte tenu des circonstances. Toutefois, il me semble que, puisque l’occasion nous en est donnée, il serait sans doute préférable de consolider les bases juridiques de ce dispositif à mes yeux important, qui permet d’assurer une forme de contrôle et de protection de l’intéressé contre lui-même et la tenue d’un procès.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pascal Popelin, rapporteur. Favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Le Gouvernement a également un avis favorable et remercie Philippe Gosselin pour cet amendement. Il tient à saluer la clarté et la qualité de l’écriture de l’amendement, qui est vraiment du meilleur aloi. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

(L’amendement n1 est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Meyer Habib, pour soutenir l’amendement n55.

M. Meyer Habib. Le présent amendement vise à pérenniser et encourager l’autorisation de port d’arme pour les policiers et les militaires en dehors de leurs heures de service actif. On l’a vu à Nice, hélas : la présence de policiers armés capables de neutraliser le plus vite possible un terroriste qui cherche à faire le maximum de victimes permet de limiter l’ampleur d’un attentat. Le 13 juin, à Magnanville, l’assassinat du couple de policiers à leur domicile aurait peut-être pu être évité s’ils avaient été armés. Je rappelle les mots du Président de la République au lendemain de cet acte odieux : « Ce crime doit nous amener à donner aux policiers et aux gendarmes les moyens de se défendre lorsqu’ils ne sont pas en service, en conservant leurs armes à tout moment. » On sait que les terroristes peuvent frapper à toute heure, dans des lieux tels que les bars, les cafés ou les théâtres.

Face à l’ampleur et à l’imminence de la menace, le ministre de l’intérieur a tout récemment demandé que nos policiers puissent être armés, même en dehors de leur service, pendant la durée de l’état d’urgence. Cela a été formalisé par une note interne de Jean-Marc Falcone, directeur général de la police nationale, le 19 novembre dernier. C’est un début, mais il me semble que ce dispositif devrait être pérennisé et, à défaut, légalisé pendant l’état d’urgence. Je rappelle que, le 13 novembre 2015, deux policiers étaient présents dans la salle du Bataclan ; l’un a été tué, l’autre grièvement blessé. Ils étaient spectateurs, non armés. Je rappelle également l’acte héroïque d’un policier de la BAC, qui se rendait au stade de France, et qui est arrivé quatorze minutes après le début de l’attentat au Bataclan ; il a tué un des terroristes et, à partir de ce moment, on n’a plus déploré aucune victime. Si ces policiers avaient été armés, on aurait peut-être évité un bilan aussi dramatique.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pascal Popelin, rapporteur. Il s’agit de mesures qui ne relèvent pas du domaine législatif mais du domaine réglementaire : un arrêté en date du 6 juin 2006, modifié, porte règlement général d’emploi de la police nationale. Je rappelle que, depuis le 4 janvier 2016, il a été amendé, à tout le moins pour la durée de l’état d’urgence, dans le sens que souhaite Meyer Habib.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Le Gouvernement souhaite le retrait de l’amendement, puisque le ministre de l’intérieur a indiqué, au lendemain de l’attentat terroriste de Magnanville, qu’il envisageait d’assouplir les conditions du port d’arme hors service des policiers nationaux et des gendarmes, dans le cadre du droit commun, et que cela se ferait par voie réglementaire. Il n’y a aucune raison de faire figurer cette disposition dans la loi.

M. le président. Monsieur Habib, retirez-vous votre amendement ?

M. Meyer Habib. Oui, monsieur le président.

(L’amendement n55 est retiré.)

M. le président. La parole est à M. Meyer Habib, pour soutenir l’amendement n39.

M. Meyer Habib. Il est défendu.

(L’amendement n39, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. François Rochebloine, pour soutenir l’amendement n57.

M. François Rochebloine. Le présent amendement vise à instaurer une garde nationale. Les forces de l’ordre sont à bout de souffle et les policiers doivent faire face à une importante fatigue physique et psychologique depuis la mise en place de l’état d’urgence. Chacun se plaît à le reconnaître. Force est de constater que nous n’avons pas les moyens de surveiller et de sécuriser l’ensemble du territoire national, des lieux de transport et des lieux publics. Il y a urgence à renforcer le dispositif de sécurité. Aussi vous proposons-nous la création d’une garde nationale, afin que les citoyens qui souhaitent s’engager au service de l’intérêt général puissent être formés efficacement dans le cadre d’un programme civique.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pascal Popelin, rapporteur. Monsieur Rochebloine, je ne comprends pas vraiment ce que la création de cette garde nationale apporterait par rapport à l’actuelle réserve opérationnelle des armées, prévue à l’article L 4211-1 du code de la défense. Les critères d’admission que vous proposez sont à peu près les mêmes, à l’instar des missions de ce corps et de sa disponibilité. En tant que militaires, les réservistes bénéficient de toutes les assurances maladie et les assurances décès possibles, d’une solde et d’un équipement. On sait bien que ce qui limite aujourd’hui l’amplitude de la réserve opérationnelle, ce n’est pas un problème de droit mais une contrainte budgétaire. Consécutivement à l’appel aux réservistes qui a été lancé par le ministre de l’intérieur et, plus largement, par le Gouvernement, je gage que des efforts seront consentis pour une montée en puissance du dispositif à l’occasion du prochain projet de loi de finances.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Même avis.

(L’amendement n57 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Bompard, pour soutenir l’amendement n58.

M. Jacques Bompard. Il est défendu.

(L’amendement n58, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Bompard, pour soutenir l’amendement n49.

M. Jacques Bompard. Il est défendu.

(L’amendement n49, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Bompard, pour soutenir l’amendement n38.

M. Jacques Bompard. Il est également défendu.

(L’amendement n38, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Titre

M. le président. La parole est à M. Éric Ciotti, pour soutenir l’amendement n64 portant sur le titre du projet de loi.

M. Éric Ciotti. Il est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pascal Popelin, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Sagesse.

(L’amendement n64 n’est pas adopté.)

M. le président. Nous avons achevé l’examen des articles.

Je vous rappelle que la conférence des présidents a décidé qu’il serait procédé à un scrutin public sur l’ensemble du projet de loi.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Explications de vote

M. le président. Dans les explications de vote, la parole est à M. Bruno Le Roux, pour le groupe socialiste, écologiste et républicain.

M. Bruno Le Roux. Je voudrais, dans ce moment dont la gravité n’a échappé à personne, me féliciter du débat que nous avons pu avoir ce soir. Et je m’en félicite en dépit de la formule indigne de M. Wauquiez (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains) ; je tiens à le dire très calmement, mais je peux le dire d’une autre façon, si vous le souhaitez.

Chacun a pu exprimer ses arguments. Dans ce climat qui doit faire honneur à notre débat démocratique, j’aimerais dire mon étonnement, ma perplexité face aux réactions qu’ont suscitées les réponses apportées par le rapporteur et le Gouvernement sur la conformité des propositions qui étaient faites à nos textes fondamentaux – la Constitution, la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, les engagements internationaux de la France –, aux « Et alors ? » qui ont laissé entendre qu’on pouvait aujourd’hui passer outre ces engagements de la France.

J’y insiste, car il est choquant de laisser à penser que nous pourrions demain trouver de la force pour notre République en bafouant nos textes fondamentaux, nos règles de droit, en niant les engagements de la France que nous défendons tous dans cet hémicycle. Je tiens à le dire très clairement : nous allons soutenir ce texte parce qu’il en complète d’autres et que nous avons la conviction de ne pouvoir vaincre le terrorisme que dans le respect strict de l’État de droit, avec les outils de l’État de droit,…

Un député du groupe Les Républicains. Rêveur !

M. Bruno Le Roux. …et sans que nous soyons soumis pour cela à une quelconque dérive populiste qui emportera tous ceux qui y céderont.

Monsieur le ministre, nous vous soutiendrons bien entendu sur ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. Guillaume Larrivé, pour le groupe Les Républicains.

M. Guillaume Larrivé. Mes chers collègues, tout au long de ce débat, nous nous sommes exprimés avec une obsession : la responsabilité et l’efficacité. Après l’attentat de Nice, la réponse de l’Assemblée nationale ne peut évidemment pas être la levée de l’état d’urgence. Nous voterons donc naturellement sa prorogation.

Toutefois, mes chers collègues, au nom de notre groupe, je regrette les procès d’intention qui nous ont été faits tout au long de cette séance. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains. – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

Il n’y a pas, d’un côté, ceux qui respecteraient le droit, vous, et, de l’autre, chez nous, ceux qui décideraient de s’asseoir sur les principes fondamentaux de notre République. Au contraire : c’est parce que nous défendons l’État de droit, c’est parce que nous sommes attachés à la République, c’est parce que nous voulons défendre la nation, c’est parce que nous voulons sauvegarder la sécurité des Français que nous tenons à adapter les instruments de l’État de droit. La règle juridique ne doit pas être un alibi pour l’inaction.

M. Guy Geoffroy. Très bien !

M. Guillaume Larrivé. La règle juridique ne doit pas être un prétexte pour s’enfermer dans des habitudes et dans des routines, bien au contraire ! L’état d’urgence ne doit pas être virtuel : il doit être un véritable renforcement de l’État de droit au service des Français. Il faut bien admettre que des conceptions s’opposent. Lorsque nous avons proposé des avancées concrètes, notamment pour mettre hors d’état de nuire les individus qui veulent détruire la France, vous les avez refusées. Vous vous enfermez dans un confort routinier alors que nous vous avons proposé des avancées. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Mme Claude Greff. Vous ne pensez même pas à ceux qui ont été tués !

M. le président. La parole est à M. François Rochebloine, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

M. François Rochebloine. Par ce projet de loi, il nous est demandé de prolonger l’état d’urgence, un état d’exception. Monsieur le Premier ministre,…

Un député du groupe Les Républicains. Il n’est plus là !

M. François Rochebloine. …quoi que vous en disiez, vous demandez au Parlement un état d’exception, et ce au bénéfice du doute. Le Parlement vous l’accordera, nous vous l’accorderons.

Le groupe de l’Union des démocrates et indépendants considère que ce projet de loi dont l’objet est la prolongation de l’état d’urgence n’est qu’un symbole. En démocratie, en République, les symboles sont essentiels, et plus encore en temps de guerre, mais ils ne sont malheureusement que des symboles. La France, la République a besoin de bien plus pour gagner cette guerre. Comme l’a si bien dit notre président Jean-Christophe Lagarde, au-delà des symboles, ce dont la France a besoin, ce dont nos concitoyens ont besoin c’est de retrouver ensemble une véritable cohésion nationale.

Celle-ci ne peut naître qu’autour d’une stratégie claire, partagée, expliquée aux Français et soutenue par une action déterminée de l’État.

Nous vous le demandons instamment, monsieur le Premier ministre : cette action déterminée, cette guerre nous ne l’emporterons que par l’éducation, la culture, le partage de l’histoire et des valeurs républicaines, si chères à notre pays, la France, patrie universelle des droits de l’homme.

Mes chers collègues, la République est une conquête, un combat de l’homme sur les forces qui le minent, notre bien commun le plus précieux. Et c’est aujourd’hui ce qui est en jeu : c’est notre combat, c’est le sens de notre guerre. Nous la gagnerons, coûte que coûte, pour toutes les victimes qui sont tombées, pour leur famille, leurs enfants, pour notre avenir et pour la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants et sur quelques bancs du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Roger-Gérard Schwartzenberg, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Notre pays vit des circonstances dramatiques et la succession d’attentats de masse qui a commencé voilà plusieurs mois nous appelle à utiliser les armes juridiques les plus efficaces face à cette situation. C’est pourquoi notre groupe votera naturellement ce projet de loi prorogeant l’état d’urgence.

Tout d’abord, dans les périodes précédentes, l’état d’urgence a prouvé son efficacité, notamment par les assignations à résidence, par les perquisitions administratives et beaucoup d’autres mesures. Ensuite, l’état d’urgence a laissé subsister totalement les grandes libertés publiques. Enfin, l’état d’urgence s’exerce sous le contrôle d’organes, d’instances aussi sourcilleuses que le Conseil d’État ou que le Conseil constitutionnel, par la voie des questions prioritaires de constitutionnalité. Je sais que le Gouvernement a fait adopter à juste titre trois lois assez récemment sur le renseignement ou sur le terrorisme. Elles sont de qualité, mais elles ne se situent pas au même niveau d’efficacité que l’état d’urgence. Quand notre pays est attaqué de cette manière, il ne peut descendre d’un ou plusieurs crans dans l’efficacité du dispositif visant à assurer la sécurité de la population.

Pour conclure, ce débat s’est déroulé, pour l’essentiel, à quelques exceptions près, dans la dignité que chacun souhaitait, dans la responsabilité, parce que nous avons tous en commun, comme la population de notre pays, le souci de l’intérêt national, le souci de l’intérêt général, et la conscience commune de l’appartenance à une même nation.

Vote sur l’ensemble

M. le président. Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants519
Nombre de suffrages exprimés515
Majorité absolue258
Pour l’adoption489
contre26

(Le projet de loi est adopté.)

2

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :

Hommage aux victimes de l’attentat de Nice ;

Questions au Gouvernement ;

Lecture définitive du projet de loi relatif au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels ;

Discussion, sur le rapport de la commission mixte paritaire, du projet de loi pour une République numérique ;

Lecture définitive du projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages ;

Deuxième lecture de la proposition de loi organique relative à la nomination à la présidence du conseil d’administration de l’Agence française pour la biodiversité ;

Suite de la discussion de la proposition de loi relative à la régulation, à la responsabilisation et à la simplification dans le secteur du transport public particulier de personnes.

La séance est levée.

(La séance est levée, le mercredi 20 juillet 2016, à quatre heures cinquante-cinq.)

La Directrice du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Catherine Joly