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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2015-2016

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du mardi 13 octobre 2015

Présidence de Mme Laurence Dumont

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

1

Projet de loi de finances pour 2016 (suite)

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2016 (nos 3096, 3110, 3112, 3116).

Discussion générale (suite)

Mme la présidente. Cet après-midi, l’Assemblée a commencé d’entendre les orateurs inscrits dans la discussion générale.

La parole est à M. Joël Giraud.

M. Joël Giraud. Madame la présidente, monsieur le ministre des finances et des comptes publics, monsieur le secrétaire d’État chargé du budget, madame la rapporteure générale, mes chers collègues, nous débutons ce soir l’examen de la première partie du projet de loi de finances pour 2016, lequel confirme, dans son architecture d’ensemble, les priorités du Gouvernement en faveur de la jeunesse, de la sécurité et de l’emploi, priorités sur lesquelles l’ensemble de sa majorité le rejoint.

La jeunesse, tout d’abord, avec la montée en charge du service civique, le plan numérique pour l’éducation, la poursuite des efforts dans l’éducation nationale avec la création de 8 500 postes supplémentaires, sans oublier l’effort budgétaire exceptionnel de 100 millions d’euros dans l’enseignement supérieur récemment annoncé par le Premier ministre pour faire face au nombre croissant d’étudiants.

La sécurité ensuite, avec le plan de lutte contre le terrorisme, renforcé encore par l’annonce du Gouvernement, lors du débat dans l’hémicycle du 16 septembre, de la création de 900 postes supplémentaires dans la police et la gendarmerie, notamment la police aux frontières.

Enfin l’emploi, avec, non seulement, 445 000 emplois aidés dont 95 000 emplois d’avenir en faveur de l’insertion professionnelle des jeunes, soit 100 000 emplois aidés de plus que dans la dernière loi de finances, mais également le développement de 60 000 entrées en formation supplémentaires, financées par le fonds paritaire et par Pôle emploi, et l’aide exceptionnelle de 4 000 euros pour l’embauche du premier salarié dans les TPE. Certaines de ces mesures sont financées par le décalage de trois mois de la baisse des cotisations pour les salaires entre 1,6 et 3,5 SMIC, décalage pour lequel vous avez le soutien du groupe RRDP.

Le Gouvernement, à la faveur du projet de loi de finances, entérine également sa volonté de relancer l’économie par le pouvoir d’achat des ménages, en desserrant « dans la justice » la pression fiscale sur les foyers moyens et modestes à hauteur de 2 milliards d’euros en 2016. Nous enregistrons donc pour 12 millions de foyers, soit pour les deux tiers des ménages français soumis à l’impôt sur le revenu, une baisse d’impôt d’un montant total de 5 milliards d’euros depuis 2014.

Le groupe RRDP se félicite bien entendu de la poursuite de l’allégement des prélèvements obligatoires, qu’il appelle de ses vœux depuis le début du quinquennat. Cet allégement est doublé du lancement à moyen terme du prélèvement à la source, visant à supprimer le décalage d’un an du paiement de l’impôt sur le revenu qui pénalise plus particulièrement les salariés du privé qui ont des parcours professionnels accidentés – ils sont nombreux ! Toutefois, la simplification proposée par le Gouvernement demeure assez circonscrite.

Tout d’abord, la « première tranche » de l’impôt sur le revenu, à savoir la contribution sociale généralisée, n’est pas vouée à devenir progressive alors qu’elle est également acquittée par les Français les plus modestes. Ensuite, la conjugalisation et la familialisation de l’impôt sur le revenu ne sont pas remises en cause, alors que ces principes archaïques sont issus d’une époque où le travail des femmes n’était pas encouragé. Enfin, le système complexe des niches fiscales, via des réductions et crédits d’impôts, est expressément conservé en dépit non seulement de toutes nos difficultés à contenir et à justifier économiquement nos dépenses fiscales, mais surtout du caractère injuste de certaines de ces niches au plan social.

Le Gouvernement prévoit au total, entre crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi – CICE –, crédit d’impôt recherche – CIR –, TVA, impôt sur le revenu, sans compter les autres, 430 niches pour plus de 83 milliards d’euros en 2016, ce qui représente 1,2 milliard de plus que prévu dans la loi de programmation 2014-2019. Faire le tri parmi ces 430 niches permettrait d’en réduire le coût et de poursuivre ainsi l’allégement des prélèvements obligatoires, notamment en faveur des ménages les plus modestes.

Il faut en effet admettre que l’introduction du CICE a littéralement fait exploser les dépenses fiscales et a rendu leur maîtrise particulièrement ardue. Le rapport de septembre du comité de suivi abrité par France Stratégie souligne que 25,4 milliards d’euros de CICE ont été dépensés depuis le 1er janvier 2013, dont 15,8 milliards d’euros effectivement décaissés par Bercy au 31 juillet 2015. Et 13 milliards de CICE sont également programmés dans ce PLF pour l’an prochain. Toutefois ces sommes, qui sont colossales pour les finances publiques, auraient, pour le moment, selon France Stratégie, été davantage fléchées vers les salaires, car le taux de marge des sociétés non financières est retombé en moyenne de - 0,3% pour s’établir à 29,4% en 2014.

En effet, le Haut conseil des finances publiques avait prévu dès 2014 que, même si le CICE représente une baisse de charges stricto sensu – ce qui n’est pas réalisé dans ce PLF pour 2016 –, celle-ci serait « susceptible d’avoir moins d’impact sur l’emploi dans la situation actuelle des marges dégradées ». C’est pourquoi, s’il est indéniable qu’à ce stade le dispositif, qui est simple et lisible, a permis d’éviter des faillites et des licenciements, son impact direct sur l’investissement et le recrutement de nouveaux salariés tarde toutefois encore à se faire pleinement sentir.

Certes, des PME et des TPE en sont bénéficiaires, mais il s’agit principalement de secteurs non délocalisables comme l’hôtellerie, la restauration ou encore la construction, alors qu’à l’inverse la construction automobile et l’industrie informatique, électronique ou optique sont moins concernées du fait de la composition de leur masse salariale. Il y a également, pour les fournisseurs, la question du « racket au CICE », pour laquelle nous savons que le Gouvernement agit localement.

Enfin, demeure pour les plus grands groupes, du fait de l’absence de ciblage du dispositif, la question non résolue des contreparties à la baisse structurelle et pérenne de leurs impôts, d’autant que ces groupes bénéficient d’autres dispositifs d’optimisation fiscale.

J’en viens ainsi au crédit d’impôt recherche. Nous admettons que le Président de la République ait affirmé sa volonté de le sanctuariser pour l’ensemble de son quinquennat, en écartant notamment la reforme souhaitée par la majorité parlementaire, qui vise à calculer le montant du CIR au niveau de chaque intégration et non des filiales, ce qui permettrait d’économiser 530 millions d’euros par an selon la Cour des comptes.

Aussi le PLF prévoit-il en 2016 une dépense de CIR de 5,51 milliards d’euros, par ailleurs cumulables avec le CICE. Si nous ne doutons pas que ce dispositif soit favorable à notre économie – et c’est heureux au vu de son montant, soumis au secret fiscal –, nous souhaitons toutefois appeler l’attention du Gouvernement sur une disposition, votée par notre assemblée le 1er octobre dernier dans le cadre du projet de loi relatif à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine, qui vise à exclure du bénéfice du CIR les activités d’archéologie préventive des opérateurs privés. Sans l’adoption définitive de cette mesure en PLF 2016, nous maintiendrions un effet d’aubaine sur une activité non délocalisable, créant une distorsion de concurrence au détriment des acteurs publics de l’archéologie préventive.

On peut aisément comprendre que l’archéologie préventive relève de notre patrimoine collectif et non de la recherche et développement et que nous n’avons aucun intérêt à réaliser des dépenses fiscales qui accentuent la privatisation du secteur. D’autant que l’amendement permet aux opérateurs privés agréés de conserver bien entendu le bénéfice du CIR pour l’ensemble de leurs dépenses de R et D, comme les fouilles programmées ou le développement de nouveaux procédés.

Après l’optimisation, j’en viens à la fraude. Le groupe RRDP salue les mesures prises par le Gouvernement dans ce PLF et dans les précédents, pour lutter contre la fraude à la TVA, obliger les multinationales à adopter une politique claire en matière de prix de transfert et accueillir chaleureusement nos célèbres « repentis fiscaux ».

En la matière, le tour de force opéré par l’Organisation de coopération et de développement économiques – l’OCDE – la semaine dernière, après des mois de négociations, est capital. Les ministres des finances du G20 ont en effet endossé le BEPS – Base Erosion and Profit Shifting –, le fameux plan de lutte contre l’érosion de la base fiscale et le transfert des bénéfices, en discussion depuis plusieurs années. C’est un moment historique, que celui par lequel se rejoignent enfin le combat des associations, des ONG et des bénévoles, qui bataillent depuis des années sur ces sujets, et celui des Etats souverains qui, après la crise financière et en pleine crise de la dette, recherchent irrémédiablement de nouvelles recettes en l’absence de marges de manœuvre sur les services publics, les ménages ou les entreprises.

Nous voici donc dans la période transitoire qui précède, puisqu’il nous faut rester optimistes, le rapatriement de l’argent des « paradis fiscaux », période durant laquelle il nous faut encore voter, paradoxalement, d’ailleurs, pour préserver notre souveraineté, des restrictions de dépenses. Je commencerai par la rationalisation des dépenses des agences de l’État, qui constitue un axe fort de la programmation des finances publiques 2014-2019, avec la baisse des subventions et la diminution du plafond des taxes affectées. Un très bon rapport parlementaire à ce sujet avait préconisé l’arrêt des prélèvements sur les fonds de roulement des chambres de commerce et d’industrie, qui, en 2015, ont défavorisé les plus petites d’entre elles. Heureusement, cette année, aucun prélèvement exceptionnel n’est prévu ! L’amendement que nous avons adopté en commission des finances le 7 octobre, atténue de 20 millions d’euros l’effort de taxe additionnelle à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises – TACVAE.

Je déposerai toutefois en seconde partie, à l’article 52, qui crée le fonds de péréquation entre les CCI, des amendements qui rendront éligibles les projets de formation dans les territoires ruraux et d’innovation, ainsi que les aides exceptionnelles aux petites chambres les plus en difficulté financièrement.

Je poursuis sur les agences, avec le coup de rabot important réalisé à l’article 14 par le Gouvernement sur Voies navigables de France. Nous souhaitons le maintien en 2016 du plafond de la taxe hydraulique. À cette fin, nous proposons que soit supprimée l’exonération, introduite par la loi de finances pour 2010, de la taxe hydraulique pour les entreprises de production d’énergie frigorifique recourant au refroidissement par eau de rivière. En effet, le process de refroidissement par eau de rivière, fondé sur un échange thermique entre le prélèvement en rivière et le circuit interne aux machines frigorifiques, implique une alimentation en eau régulière et un volume suffisant permettant la dissipation de chaleur. Il est rendu possible par des ouvrages entretenus par Voies navigables de France.

Concernant ensuite le sujet sensible de la baisse des dotations aux collectivités de l’ordre de 3,67 milliards d’euros en 2016, le groupe RRDP soutient résolument le maintien de l’amendement, voté à l’initiative de notre collègue Christine Pires Beaune et de la rapporteure générale, qui vise à étendre aux travaux de voirie le bénéfice du fonds de compensation pour la TVA – FCTVA. Un autre sujet nous paraît essentiel, en termes budgétaires et environnementaux, pour les collectivités locales, particulièrement dans les zones rurales et les zones de montagne : l’élargissement du FCTVA à la location longue durée de véhicule, à titre expérimental durant trois ans, afin d’en mesurer les effets réels, qui pourraient d’ailleurs bien être favorables au FCTVA.

Concernant le Fonds d’aide à l’investissement local créé à l’article 59, de 1 milliard d’euros sur plusieurs années dont 150 millions d’euros décaissés l’année prochaine, nous nous félicitons qu’il contienne une augmentation substantielle de la dotation d’équipement des territoires ruraux – DETR. L’élu rural que je suis…

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Et montagnard !

M. Joël Giraud. …souhaite connaître son montant pour 2016, après, il est vrai, la forte hausse de 2015, consentie par le Gouvernement par voie d’amendement parlementaire. En effet, si 150 millions d’euros sont décaissés sur le milliard du fonds d’aide, combien de DETR en 2016, sur ces 150 millions ?

La réforme de la dotation globale de fonctionnement – DGF – qui, prévue à l’article 58, est issue des travaux de notre collègue Christine Pires Beaune – nous aurons l’occasion d’en débattre le mois prochain –, va également dans le bon sens. Avec une dotation forfaitaire unique identique pour chaque habitant et des critères plus adaptés aux charges de ruralité et de centralité des communes, nous gagnons en lisibilité et en justice. Pour celles-ci, la commission permanente du Conseil national de la montagne, que je relaie ici, vient d’adopter une motion qui vise la prise en compte tant de la production de services environnementaux par les territoires de montagne, que des critères de surface et de longueur de voirie, ainsi que de celui de l’altitude. Nous souhaitons parvenir sur ce point crucial à un consensus solide.

Enfin, le groupe RRDP propose la prorogation en 2016 du dispositif d’incitation à la fusion des communes par une bonification de 5 % de la dotation forfaitaire accordée aux communes nouvelles. Cette bonification a été introduite par la loi du 16 mars 2015 relative à l’amélioration du régime de la commune nouvelle. D’un montant pourtant relativement minime en 2015 – la Direction générale des collectivités locales évoque 516 106 euros –, son extinction dès 2016 pourrait avoir des conséquences contre-productives sur le processus de fusion dans les territoires ruraux, d’autant que les services de l’État tardent à transmettre les simulations aux communes candidates. Dans un département dont je suis l’élu, à ce jour, certaines simulations n’ont toujours pas été produites. Vous comprendrez que le couperet du 31 décembre 2015 pose un problème.

Pire : l’intégration d’autres communes dans une commune nouvelle déjà fusionnée empêcherait cette dernière de continuer à bénéficier de ce dispositif vertueux de DGF.

Il est important de légiférer sur ce point si nous voulons vraiment encourager les fusions de communes par création de communes nouvelles dans ce pays qui compte 40 % des communes de l’Union européenne.

Monsieur le ministre des finances et des comptes publics, monsieur le secrétaire d’État chargé du budget, mes chers collègues, je conclurai mon propos en évoquant la taxe sur les transactions financières et la taxe sur le risque systémique.

M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics. Très bien !

M. Joël Giraud. Concernant la première, le groupe RRDP a déposé un amendement reprenant le dispositif adopté mercredi en commission des finances, qui vise à intégrer les transactions intra-day à l’assiette de notre impôt de bourse national, au taux de 0,2 %. Toutefois, nous ne doutons pas que le Gouvernement, qui a toujours été fermement opposé à l’élargissement de cette assiette, compte tenu des négociations européennes en cours qui, nous l’espérons, devraient aboutir en 2017, rejettera une telle disposition. Nous avons donc également déposé de nouveau un amendement qui vise, modestement, c’est-à-dire sans toucher à l’assiette, à rehausser le taux de cet impôt, afin de le rapprocher de celui de la stamp duty britannique, laquelle rapporte à la Grande-Bretagne près de 4 milliards de livres par an.

Quant à la taxe sur le risque systémique, nous proposons également, à l’article 9, un léger relèvement de taux qui permettrait à nos plus grandes banques de participer davantage à l’effort de redressement des finances publiques, puisqu’elles ont été épargnées une première fois en 2008, lorsque l’État français a mis en œuvre des plans de sauvetage financés par les contribuables, sans contreparties ni nationalisations partielles, contrairement aux plans de sauvetage élaborés par la plupart des autres États européens, et une seconde fois dans la loi de séparation bancaire de juillet 2013, qui a maintenu leur modèle universel en l’état. (Applaudissements sur les bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.)

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Gaby Charroux.

M. Gaby Charroux. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des finances, madame la rapporteure générale, mes chers collègues, le projet de loi de finances pour 2016 qui vient de nous être présenté était pour nous celui de la dernière chance. Force est de constater que cette chance n’a pas été saisie.

M. Marc Dolez. Eh oui !

M. Gaby Charroux. Dernière chance, car ce budget est le dernier qui sera mis en œuvre en année pleine par la majorité au pouvoir avant les échéances électorales de 2017.

Dernière chance de réorienter le cap économique et budgétaire suivi depuis le début du quinquennat, alors que les indicateurs d’activité et d’emploi montrent que la politique menée fait fausse route.

Dernière chance de revenir sur le pacte de responsabilité et ses 41 milliards d’euros d’allégements fiscaux et sociaux pour les entreprises, sans contreparties exigées.

Dernière chance, encore, de respecter une énième promesse électorale, celle d’engager la grande réforme fiscale que nos concitoyens attendent pourtant.

Dernière chance de réaliser la révolution fiscale pour respecter l’article 13 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, qui dispose que la contribution commune « doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés ».

Dernière chance de revoir notre fiscalité à l’aune des formidables défis environnementaux auxquels nous devons plus que jamais faire face, alors que la COP 21 se tiendra à Paris dans moins de cinquante jours.

En clair, dernière chance de voir le Gouvernement mener une politique budgétaire de gauche, ambitieuse, volontariste, émancipatrice, juste et résolument tournée vers l’avenir.

Cette dernière chance n’a donc pas été saisie, tant ce projet de loi de finances confirme les orientations retenues depuis le début du quinquennat et illustre, à nos yeux, un profond manque d’ambition pour un Gouvernement se réclamant de la gauche. C’est un « budget de continuité », selon vos propres propos, monsieur le ministre.

M. Michel Sapin, ministre. C’est vrai !

M. Gaby Charroux. Nous sommes, hélas, d’accord avec vous sur ce point.

En accordant sans contrepartie aux entreprises de nouveaux cadeaux, qui viennent s’ajouter aux 17 milliards d’euros annuels du CICE, il nous est proposé aujourd’hui, ni plus ni moins, d’enfoncer le clou de la politique de l’offre, quasi intégralement tournée vers la compétitivité des entreprises et la réduction du coût du travail, qui pèserait trop lourdement sur elles.

On peut donc parler de continuité : le budget est sincère, certes, mais c’est un budget de continuité.

En optant pour cette politique, vous vous inscrivez aussi dans la continuité des recettes mises en œuvre depuis plus de trente ans, pour des résultats économiquement inefficaces, socialement destructeurs et écologiquement ravageurs. Notre pays aura pourtant besoin de voir l’investissement repartir à la hausse et la consommation des ménages connaître un renouveau. Mais en matière économique, ce n’est pas dans les vieilles marmites que l’on fait les meilleures soupes.

M. Marc Dolez. Eh oui !

M. Gaby Charroux. L’urgence oblige à changer de logiciel et à promouvoir un autre modèle de société, plus vertueux, sobre, où chacun doit trouver sa place, au lieu d’une compétition de tous contre tous.

Il faudra bien financer ces nouvelles offrandes accordées aux entreprises, évaluées à 9 milliards d’euros. Et vous proposez de les financer à travers un nouveau coup de varlope budgétaire – je pense que vous apprécierez cette expression, madame la rapporteure générale ! (Sourires.)

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Je vous remercie, cher collègue !

M. Gaby Charroux. Ainsi, pour 2016, le plan d’économies s’élève à 16 milliards d’euros – un montant inédit. Les contours de ces économies sont encore flous, mais on sait que ces 16 milliards devront être trouvés auprès de l’ensemble des acteurs publics : l’État, les collectivités, la Sécurité sociale. Disons-le tout net : les services publics vont en prendre un sérieux coup !

Un regard sur les indicateurs macro-économiques du pays devrait pourtant vous amener à opérer un rééquilibrage de cette politique de soutien inconditionnel aux entreprises.

Sur le front de l’emploi, avec le CICE et les autres mesures du pacte de responsabilité, même si les estimations sont rares, les résultats sont de l’ordre de 100 000 emplois créés pour un montant d’aides de 27 milliards d’euros. Le calcul est simple : on obtient le ratio ahurissant de 270 000 euros par emploi créé. Cela laisse sans voix.

Au-delà de ce simple calcul, on se demande comment la courbe du chômage pourrait s’inverser avant le terme de la présente législature.

M. Alain Chrétien. Nous nous le demandons aussi ! Tout le monde se le demande !

M. Laurent Furst. Ils ne le feront pas !

M. Gaby Charroux. Cette situation d’échec est désolante, tant elle laisse nombre de nos concitoyens sur le bord de la route, dans la précarité, sans l’espoir d’un avenir meilleur.

M. Alain Chrétien. Inversez la courbe de la fiscalité !

M. Gaby Charroux. Ce sentiment d’injustice et d’abandon qu’exprime une part grandissante de notre population fait d’ailleurs craindre le pire pour les prochaines échéances électorales.

Revenons au cœur du texte et aux dispositions qui seront débattues dans les prochains jours.

La baisse de l’impôt sur le revenu en faveur des ménages aux revenus moyens et modestes est l’une des mesures phares, pour un montant évalué à 2,1 milliards d’euros. Cette mesure fait suite, entre autres, à la suppression de la tranche à 5,5 % dans la loi de finances précédente. Évidemment, cette diminution d’impôt va être appréciée par les 8 millions de contribuables concernés par la mesure. Mais, comme l’année dernière, la cible est ratée puisque l’impôt sur le revenu est raboté sans lancer la grande réforme fiscale pourtant indispensable.

M. Alain Chrétien. Pour la grande réforme fiscale, parlez-en à M. Hollande !

M. Gaby Charroux. L’impôt sur le revenu, pourtant l’impôt le plus juste, est en constant détricotage depuis des années – un détricotage illustré par son faible rendement, correspondant à environ 3,5 % de la richesse nationale. Les autres prélèvements, beaucoup plus injustes, se sont envolés, notamment la TVA, supportée par tous.

En clair, mes chers collègues, nous sommes loin d’une remise à plat de cette architecture fiscale qui permet aujourd’hui aux 0,01 % les plus riches de payer, en proportion de leurs revenus, moins que les 0,01 % les plus pauvres, tous prélèvements et impôts pris en compte.

Ce n’est pas d’un bricolage de l’impôt sur les revenus que nos compatriotes ont besoin : c’est d’un véritable combat contre toutes les tares qui plombent notre fiscalité. Je veux parler ici de toutes ces niches fiscales coûteuses, inefficaces, qui rendent illisible notre système fiscal.

M. Alain Chrétien. C’est vrai !

M. Gaby Charroux. Je veux aussi parler de l’évasion et de la fraude fiscales. Selon le rapport sénatorial d’Éric Bocquet, ce sont plus de 60 milliards d’euros qui sont détournés chaque année des caisses de l’État. Là devrait être la mère de toutes les priorités budgétaires.

Mes chers collègues, nous aurons l’occasion de débattre des autres dispositions de ce projet de loi de finances au cours des prochains jours. Nous abordons ces discussions dans un état d’esprit constructif, et nous formulerons des propositions alternatives. Elles se concentreront principalement sur quatre grandes thématiques, sur lesquelles les forces progressistes vont se retrouver.

D’abord, le CICE, que j’ai déjà évoqué. Ce gouffre pour nos finances publiques n’est plus acceptable. À défaut d’une abrogation, nous demanderons à nouveau son ciblage précis vers des bénéficiaires utiles pour le pays, créateurs d’emplois et générateurs d’investissements, afin que l’argent public cesse enfin d’être dilapidé comme il l’est aujourd’hui.

M. Marc Dolez. Eh oui !

M. Gaby Charroux. Autre priorité : le crédit d’impôt recherche, le CIR. Contrairement aux propos tenus par quelques-uns de nos collègues en commission, il n’y a pas d’accord entre tous les groupes politiques ici présents pour ne plus toucher au CIR. Bien au contraire : nous estimons qu’il est nécessaire d’apporter les ajustements qui s’imposent, sous peine de voir le coût du CIR continuer sa dérive au cours des prochaines années. Comme pour le CICE, nous nous retrouverons, avec nos partenaires de la gauche progressiste, pour proposer des amendements de bon sens, justes et efficaces pour le pays et sa recherche, publique et privée.

Mes chers collègues, la taxe sur les transactions financières sera, elle aussi, une nouvelle fois au cœur de nos discussions. Nous nous félicitons de l’adoption, en commission, d’un amendement élargissant l’assiette de cette taxe aux opérations dénouées au cours d’une seule et même journée. Nous espérons que l’hémicycle ira dans la même direction, car il s’agit là d’un excellent outil, d’une part pour réguler les marchés financiers, d’autre part pour dégager des moyens afin de financer la transition énergétique et d’apporter notre aide aux pays en développement.

Enfin, la question des moyens alloués aux collectivités sera une nouvelle fois centrale. Cette question sera abordée dans un instant par mon collègue Nicolas Sansu, rapporteur d’une commission d’enquête parlementaire sur cette même thématique. La baisse des dotations prévues entraîne une baisse des appels d’offres inédite pour les trois années à venir. C’est mauvais pour l’emploi, c’est mauvais pour la réponse aux besoins de nos populations et de nos entreprises.

M. Nicolas Sansu. Exactement !

M. Gaby Charroux. Nous proposerons donc de rendre aux collectivités les moyens dont elles ont besoin pour consolider le tissu économique et social de notre pays.

Mes chers collègues, la réalité sur le front de l’emploi et des inégalités appelle des mesures fortes, audacieuses, mais responsables, en s’assurant que l’argent public mobilisé, rare par les temps qui courent, soit utilisé le plus efficacement possible. Tel sera le sens de notre démarche au cours des débats qui s’ouvrent aujourd’hui. (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

M. Marc Dolez. Excellent !

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Lefebvre.

M. Dominique Lefebvre. Madame la présidente, monsieur le ministre des finances et des comptes publics, monsieur le secrétaire d’État chargé du budget, madame la rapporteure générale, mes chers collègues, nous abordons aujourd’hui l’examen du quatrième projet de loi de finances de cette législature. Le groupe socialiste, républicain et citoyen l’aborde dans le même état d’esprit que les trois précédents.

M. Laurent Furst. C’est inquiétant !

M. Alain Chrétien. Cela commence mal !

M. Dominique Lefebvre. Depuis le début de cette législature, mes chers collègues, nous avons une priorité essentielle, et une seule : redresser la France dans la justice et pour le progrès, conformément aux engagements pris par le Président de la République, François Hollande, lors de l’élection présidentielle de 2012. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.)

Redresser la France dans la justice et pour le progrès, c’est conduire les réformes…

M. Alain Chrétien. Lesquelles ?

M. Dominique Lefebvre. …et mener les politiques qui lui permettent de retrouver une croissance suffisamment riche en emplois pour faire baisser le chômage et inscrire cette nouvelle croissance dans la nécessaire transition énergétique.

Redresser la France dans la justice et le progrès, c’est réduire les inégalités, d’autant plus insupportables en période de crise qu’elles s’étaient aggravées sous les deux précédents quinquennats, comme vient encore de le rappeler l’INSEE.

M. Laurent Furst. Un million de chômeurs de plus ! Bravo !

M. Dominique Lefebvre. Redresser la France dans la justice et le progrès, c’est bien évidemment aussi redresser nos comptes publics minés par les déficits et la dette pour préserver notre souveraineté, et donc faire les efforts nécessaires pour y arriver.

Alors, quelle est la situation de la France au moment où nous engageons cette discussion budgétaire ?

M. Bruno Le Maire. Elle est mauvaise !

M. Dominique Lefebvre. Après trois années d’activité ralentie, la reprise économique est à l’œuvre et se diffuse dans l’économie.

M. Laurent Furst. Ah oui ? Tout va bien !

M. Dominique Lefebvre. Le climat des affaires est au plus haut depuis quatre ans, grâce à un taux de marge des entreprises en net redressement.

M. Bruno Le Maire. Vous n’y croyez même pas !

M. Dominique Lefebvre. Les créations d’emplois s’accélèrent et l’investissement redémarre. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.) Les ménages constatent la progression de leur pouvoir d’achat, et leur confiance s’est établie en septembre à son plus haut niveau depuis 2007.

Mme Véronique Louwagie. Nous ne vivons pas dans le même monde !

M. Dominique Lefebvre. Les inégalités ont reculé dès le début du quinquennat, comme vient de l’indiquer l’INSEE pour la seule année 2013, première année effective de cette législature. Nos finances publiques et nos finances sociales se redressent.

M. Paul Salen. Nous n’avons pas les mêmes chiffres !

M. Laurent Furst. Comment peuvent-ils dire cela ? Ils ont libéralisé le cannabis !

M. Dominique Lefebvre. Voilà la réalité, une réalité bien éloignée des descriptions aussi outrancières que catastrophistes des ténors de la droite française, dont l’incontinence et la surenchère verbales sur l’état du pays (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains), indexées sur la perspective de la primaire qui les opposera en 2016 – nous avons entendu tout à l’heure M. Mariton, nous écouterons bientôt M. Le Maire –,…

M. Bruno Le Maire. Hors sujet !

M. Dominique Lefebvre. …n’a d’autre objet que de chercher à faire oublier leur bilan de dix ans de gouvernement de 2002 à 2012.

Bien évidemment, mes chers collègues, il nous faudrait aller plus vite et probablement plus loin, et aussi avoir des résultats plus rapides.

M. Laurent Furst. Ce serait bien !

M. Dominique Lefebvre. Mais, comme je l’ai rappelé dans cet hémicycle il y a quelques jours, pour savoir où on va et comment on y va, il vaut mieux se rappeler d’où on vient et comment on en est arrivé là !

M. Michel Sapin, ministre. En effet, c’est mieux !

M. Dominique Lefebvre. De ce point de vue, chers collègues de l’opposition, j’attends toujours que vous portiez un regard lucide sur la responsabilité qui est la vôtre…

M. Michel Sapin, ministre. Ils en sont incapables !

M. Dominique Lefebvre. …dans la situation dans laquelle vous avez laissé le pays en 2012, et dont vous ne pouvez imputer les causes à la seule crise financière de 2008.

Un million de chômeurs supplémentaires sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy : oui ou non ? Oui !

M. Alain Chrétien et M. Serge Grouard. Combien de chômeurs supplémentaires depuis le début du quinquennat de François Hollande ?

M. Dominique Lefebvre. Une baisse, continue depuis 2002 et brutale à partir de 2007, de la compétitivité de nos entreprises, avec une dégradation de leur taux de marge : oui ou non ? Oui !

La perte en dix ans de 700 000 emplois industriels : oui ou non ? Oui. Une dégradation continue du commerce extérieur, qui était excédentaire en 2001 et déficitaire de 75 milliards d’euros en 2012 : oui ou non ? Oui !

M. Laurent Furst et M. Paul Salen. C’est votre quatrième budget !

M. Dominique Lefebvre. Enfin, 900 milliards d’euros de dette en dix ans, dont 600 milliards, soit 25 points de PIB sous le dernier quinquennat : oui ou non ? Oui.

M. Michel Sapin, ministre. Oui !

M. Dominique Lefebvre. Voilà résumés la situation de la France en 2012 et le bilan de la droite, une situation et un bilan qui ne s’effacent pas d’un coup de baguette magique.

Depuis notre arrivée aux responsabilités, je l’ai déjà dit et je le répète, la situation de la France s’améliore (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains), alors qu’en est-il de la situation de ses finances publiques et sociales ?

M. Paul Salen. Combien de chômeurs en moins ?

M. Dominique Lefebvre. Dans un contexte économique européen et mondial incertain, nous avons su inverser la tendance : le déficit public baisse ! En 2014, il a même été meilleur qu’attendu, à moins 3,9 %. En 2015, il sera de 3,8 % et peut-être même en deçà, je l’espère, monsieur le ministre.

Mme Marie-Christine Dalloz. On peut toujours rêver !

M. Dominique Lefebvre. Cette baisse du déficit public se poursuivra en 2016 pour atteindre 3,3 % avant de repasser sous le seuil de 3 % en 2017. Le déficit structurel reviendra ainsi à son plus bas niveau depuis 1980. La dette publique sera stabilisée à 96,5 % du PIB et en mesure de refluer à partir de 2017.

M. Serge Grouard. C’est faux.

M. Dominique Lefebvre. Je vous rappelle que la dernière fois que la dette française a baissé, c’était sous un gouvernement de gauche.

La dépense publique devrait progresser en valeur de 1 % en 2015, puis de 1,3 % en 2016, à comparer avec une progression annuelle moyenne de 3,2 % entre 2007 et 2012 sous le gouvernement de la droite.

La part des dépenses publiques dans le PIB reculera en 2016, comme en 2015.

M. Alain Chrétien. Elle est stabilisée.

M. Dominique Lefebvre. Le taux de prélèvements obligatoires reculera également en 2016, comme en 2015. Tout cela, c’est le résultat de choix politiques courageux, d’efforts que nous avons dû demander à nos concitoyens, à nos administrations, des efforts que nous avons voulus le plus justement possible partagés.

Ces efforts, nous les avons réalisés en écartant les politiques d’austérité brutales réclamées à la droite de cet hémicycle et parfois ailleurs et en préservant nos priorités politiques. Je veux bien évidemment parler de la sécurité, de la justice, de l’éducation, du travail, de la culture et de la transition énergétique.

M. Laurent Furst. Tout va bien alors.

M. Dominique Lefebvre. Ces efforts demandés à nos concitoyens – qui viennent de traverser la crise la plus profonde et la plus longue depuis soixante ans et doutent légitimement –, eh bien ces efforts, nous le savons, ne trouveront de justification à leurs yeux et ne seront compris par eux pour ce qu’ils sont vraiment que lorsqu’ils en percevront véritablement les résultats dans la durée.

Mme Marie-Christine Dalloz. Ce n’est pas gagné.

M. Dominique Lefebvre. C’est pourquoi, mes chers collègues, nous devons faire preuve de constance et de clarté dans nos choix de politique économique, sociale et budgétaire et c’est pourquoi nous devons tenir nos engagements.

De ce point de vue, le projet de loi de finances pour 2016 que vous nous soumettez, messieurs les ministres, comme le projet de loi de financement de la Sécurité sociale que nous examinerons dans cet hémicycle la semaine prochaine traduisent la clarté et la constance des choix portés par notre majorité.

Comme vous le dites, ces textes financiers sont ceux des engagements pris et des engagements tenus et je veux vous assurer ici de la détermination du groupe socialiste, républicain et citoyen à assurer le respect de ces engagements pour retrouver la confiance des Français.

Tenir nos engagements, c’est bien sûr nous assurer d’abord de la crédibilité et de la sincérité des hypothèses macro-économiques sur la base desquelles nos textes financiers sont établis. À cet égard, je n’aurai pas la cruauté, chers collègues de l’opposition, de comparer systématiquement  vos prévisions à vos réalisations de 2002 à 2012.

Mme Marie-Christine Dalloz. Vous n’étiez pas là !

M. Alain Fauré. Relisez la presse !

M. Dominique Lefebvre. Déficits que vous avez masqués par des prévisions trop optimistes en occultant les efforts nécessaires.

L’objectif de 1 % de croissance pour 2015 est réaliste, tout comme l’objectif de 3,8 % de déficit public, en dépit des inquiétudes estivales récurrentes de notre président de la commission des finances qui crie au loup. Pourtant à chaque fois, les objectifs ont été tenus.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Objectifs bien modestes !

M. Damien Abad. Sans grande ambition.

M. Dominique Lefebvre. Et ce sera également le cas en 2016 en raison de notre rigueur de gestion.

Pour 2016, les hypothèses retenues par le Gouvernement sont encore une fois conformes au consensus des économistes et il faut ici souligner que le temps des budgets construits sur des hypothèses fantaisistes est bel et bien révolu.

L’effort à la fois inédit et exigeant de réduction des déficits, en ligne avec nos engagements européens, se poursuit donc dans ce budget sur la base non pas de coupes de crédits et de postes aveugles, génératrices de dysfonctionnements, voire de disparition pure et simple de services publics, mais sur une analyse rigoureuse de l’efficacité des dépenses et de l’ensemble des mesures d’optimisation à déployer.

Certes, il n’y a pas de sang sur les murs, mais nos résultats en matière de maîtrise de la dépense publique montrent que la démarche est efficace.

L’objectif de 50 milliards d’économies sur trois ans, que nous avons annoncé l’année dernière, sera respecté. Cet effort sera mis en œuvre en 2016 par l’ensemble des administrations publiques à proportion de leur poids dans la dépense publique. Cet effort représente 5,1 milliards d’euros pour l’État, 3,5 milliards d’euros pour les collectivités territoriales, 3,4 milliards d’euros pour l’assurance maladie et 4 milliards d’euros sur les autres dépenses de protection sociale.

Pour 2016, le déficit de l’État devrait être de nouveau en baisse, certes de 1 milliard, parce que l’État prend en charge 11 milliards d’euros de baisse des impôts.

M. Michel Sapin, ministre. Eh oui.

M. Dominique Lefebvre. Sinon la baisse aurait été plus importante. Mais peut-être, souhaitez-vous que nous ne baissions pas les prélèvements obligatoires. (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. Yannick Moreau. Après les avoir augmentés de 50 milliards, cette baisse est bien mince !

M. Dominique Lefebvre. Cette amélioration faciale d’un milliard ne traduit pas l’ampleur des efforts réalisés sur les dépenses de l’État.

Les collectivités locales aussi font des efforts importants, il n’est pas question de le nier, à proportion de leur poids dans la dépense publique.

Les dotations de l’État aux collectivités locales ne représentent, rappelons-le, que 28 % des recettes réelles de fonctionnement des collectivités. Comme nous sommes encore quelques cumulards dans cet hémicycle – j’ai été élu local pendant vingt ans –, je suis bien placé pour savoir que les ressources fiscales des collectivités locales sont stables, notamment les impôts locaux, et progressent de 2 à 3 % par an.

Un ajustement est nécessaire, mais l’effort qui leur est demandé reste inférieur à 2 %. Même s’il est difficile, parce que nouveau, il reste soutenable.

Comme l’année dernière, nous accompagnons ces efforts en renforçant la péréquation et en soutenant l’investissement local. La réforme de la dotation globale de fonctionnement, préparée par notre collègue Christine Pires-Beaune, permettra également de rendre les dotations plus justes.

L’effort de maîtrise de la dépense publique nous permet de financer nos priorités et, en premier lieu, de poursuivre la mise en œuvre du pacte de responsabilité et de solidarité.

S’agissant des entreprises, n’en déplaise au MEDEF, ce pacte est confirmé dans sa globalité dans ce projet de loi de finances et dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale.

Alors que l’ancienne majorité avait augmenté les taxes sur les entreprises, nous les diminuons, parce qu’il faut redonner à celles-ci des marges de manœuvre pour leur permettre d’investir, et je ne reviendrai pas sur l’excellente démonstration de M. le ministre à la suite de l’intervention de Mme Dalloz.

Le total des mesures de soutien aux entreprises représentera ainsi 33 milliards d’euros en 2016, soit 10 milliards de plus qu’en 2015, et 41 milliards d’euros en 2017, bien au-delà des 31 milliards d’augmentation de la fiscalité qu’elles avaient subis de 2011 à 2013.

M. Alain Chrétien. Les frondeurs sont d’accord d’ailleurs !

M. Dominique Lefebvre. L’engagement est tenu concernant la suppression progressive de la C3S pour plus de 80 000 entreprises avec une baisse supplémentaire d’1 milliard d’euros. Il l’est aussi sur l’extension de la baisse des cotisations d’allocations familiales pour tous les salaires inférieurs à 3,5 SMIC, ce qui représentera 4,5 milliards d’euros en année pleine.

Quant au CICE, il a atteint son régime de croisière. Le rapport de France Stratégie de l’automne a montré qu’il prenait toute sa place. Il bénéficie d’abord aux PME et aux entreprises de tous secteurs, et d’abord à des secteurs comme l’agriculture, monsieur Le Maire, l’hébergement, la restauration ou les services. Et aujourd’hui, trois entreprises sur quatre confirment que le CICE aura un effet sur leur niveau d’emploi ou d’investissement.

M. Michel Sapin, ministre. Absolument.

M. Dominique Lefebvre. Priorité est donnée à la compétitivité de nos entreprises, mais aussi à la justice fiscale et au pouvoir d’achat des ménages ! Sur le volet solidarité du pacte, là aussi, les engagements sont tenus.

Nous aurons l’occasion d’avoir lors de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances un large débat sur l’avenir de notre fiscalité et notamment sur la place de l’impôt sur le revenu. Il n’est jamais inutile de débattre et de tracer pour l’avenir de nouvelles perspectives, mais nous devons aussi faire preuve de cohérence et de lisibilité envers les Français, à l’heure où le consentement à l’impôt est parfois remis en cause.

Il m’apparaît donc indispensable et nécessaire, avant de nous engager dans un débat sur l’avenir, de rappeler ici les mesures prises hier dans les dernières lois de finances et celles inscrites aujourd’hui dans ce budget.

Des mesures que nous devons défendre et faire partager par nos concitoyens parce qu’elles sont justes et s’inscrivent dans notre objectif de justice fiscale, un objectif qui n’a jamais été abandonné ou délaissé depuis 2012.

Depuis 2012, nous avons mis la justice au cœur de notre système fiscal, épargnant aux classes populaires et aux classes moyennes un effort qui ne leur incombe pas. L’effort qu’elles ont subi en 2012, 2013 et 2014 résulte des mesures que vous aviez prises en 2011 et dont vous refusez d’assumer la paternité.

M. Alain Chrétien. Mais oui ! L’augmentation des impôts, ce n’est pas vous !

M. Serge Grouard. C’est médiocre.

M. Yannick Moreau. Vous, messieurs, assumez !

Et voilà que vous nous reprochez de ne pas les avoir supprimées alors que vous nous aviez laissé une situation budgétaire qui ne nous permettait pas de le faire.

M. Dominique Lefebvre. L’impôt sur le revenu a été refondu pour le rendre plus juste : la part des revenus au-delà de 150 000 euros par part fiscale est désormais imposée à 45 % et l’avantage procuré par le quotient familial est limité à 1 500 euros par demi-part fiscale. Je vous rappelle que cet effort porte sur les deux derniers déciles de revenu, pas sur les classes moyennes. Mais peut-être considérez-vous que les deux derniers déciles correspondent aux classes moyennes ?

La majorité s’était outre engagée à baisser de 5 milliards d’euros en deux ans les impôts des ménages populaires et des classes moyennes. C’est l’article 2 de ce projet de loi avec une nouvelle baisse de l’impôt sur le revenu de 2,1 milliards d’euros à l’intention des classes moyennes.

Avec la suppression de la première tranche et la réduction d’impôt sur le revenu de 3,2 milliards d’euros de l’an dernier, c’est un total d’un peu plus de 5 milliards d’euros d’allégements pour les ménages. Cela permettra de revenir, comme vous l’avez rappelé, monsieur le ministre, à un pourcentage de foyers imposés à l’impôt sur le revenu identique à ce qu’il était à la fin du précédent quinquennat.

J’ajoute que nous avons fait le choix politique de baisser l’impôt des Français imposables à l’IR qui avait augmenté depuis 2011.

M. Paul Salen. Qui l’a augmenté ?

M. Dominique Lefebvre. Le taux de la CSG n’ayant pas augmenté, c’est bien une priorité politique que nous soutenons.

Nous serons attentifs, messieurs les ministres, aux conséquences de mesures prises par la droite s’agissant de nos concitoyens retraités qui,  du fait du gel de barème de la demi-part des veuves, ont un revenu fiscal de référence supérieur au montant qui leur permettait de bénéficier d’une exonération de taxe foncière. Ils doivent la payer cette année et l’année prochaine. J’espère que vous donnerez des instructions pour accorder des délais de paiement à ceux qui doivent s’en acquitter cette année alors qu’en 2014, avec Christian Eckert, nous le leur avions épargné.

Ce budget finance nos priorités politiques : sécurité, justice, éducation, travail, culture et transition énergétique. Le budget 2016 est donc bien un budget qui tient ses promesses, un budget qui poursuit le rétablissement de nos finances publiques, un budget qui met en œuvre les choix politiques qui ont été faits, un budget qui s’adapte aux urgences et aux imprévus, compte tenu des décisions qui ont dû être prises en 2015.

C’est aussi un budget de gauche.

M. Damien Abad. C’est sûr !

M. Dominique Lefebvre. Le groupe socialiste fera en sorte de garder toute sa cohérence à ce texte.

M. Philippe Gosselin. Il n’y a pas de frondeurs ?

M. Dominique Lefebvre. Nous examinerons les quelque 800 amendements qui ont été déposés et nous seront vigilants à ce que ces amendements respectent les quatre critères suivants : le respect de la trajectoire de baisse du déficit public, le respect de l’évolution la norme de dépense de l’État en volume et en valeur, le respect de l’engagement de baisse des prélèvements obligatoires, et bien sûr le respect de nos priorités politiques. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et sur quelques bancs du groupe écologiste.).)

M. Damien Abad. Et les amendements de suppression du CICE, vous en ferez quoi ?

Mme la présidente. La parole est à M. Bruno Le Maire.

Mme Marie-Christine Dalloz. Ce sera d’un autre niveau !

M. Bruno Le Maire. Madame la présidente, messieurs les ministres, chers collègues, nous sommes tous ici des élus de la République, certains, anciens, d’autres, plus jeunes. Ce qu’il y a de désolant dans cette assemblée, c’est que rien ne change jamais !

M. Laurent Furst. Voilà !

M. Bruno Le Maire. Toujours le même jeu de rôle. Toujours la majorité qui ne trouve d’autre excuse à ses échecs que la responsabilité de la majorité précédente sans comprendre que, depuis quatre ans, qu’elle est au pouvoir, l’augmentation du chômage, c’est la responsabilité du Président de la République et de cette majorité. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. Serge Grouard et M. Philippe Le Ray. Très bien.

M. Alain Fauré. C’est vrai que rien ne change !

M. Bruno Le Maire. Toujours la même augmentation de la dette publique, qui avoisine les 100 % et il faut vraiment être un député de la majorité pour se glorifier de stabiliser à 100 % de la richesse nationale la dette publique. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Toujours la même augmentation de la dépense publique alors que nous savons tous que la dépense publique plombe la croissance française…

M. Dominique Lefebvre. L’hôpital se moque de la charité !

M. Éric Alauzet. Jeu de rôle convenu !

M. Bruno Le Maire. …et qu’il serait temps non de la stabiliser, mais de la faire baisser.

Toujours l’incapacité de tous les gouvernements – et je vais vous faire plaisir, messieurs les ministres – de droite comme de gauche à respecter les engagements que nous avons pris auprès de nos partenaires européens d’atteindre moins de 3 % du déficit public par rapport à notre richesse nationale.

Toujours l’augmentation du nombre de fonctionnaires alors que nous sommes l’un des pays développés au monde qui a le nombre le plus important de fonctionnaires.

Toujours la même politique, toujours la même orientation. Toujours un impôt sur le revenu qui pèse plus sur ceux qui le paient déjà et qui n’en peuvent plus de supporter, seuls, la charge fiscale qui devrait être répartie entre tous les citoyens français. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Toujours les emplois aidés, monsieur le ministre, comme seule réponse au chômage alors que tous les instituts, de l’INSEE jusqu’à la Cour des comptes, nous expliquent qu’à la sortie des emplois aidés, les Français, jeunes ou moins jeunes, sont moins employables que lorsqu’ils entrent dans ces emplois aidés (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen – Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) et que les 4 milliards qui sont dépensés pour ces emplois sont un échec. (Mêmes mouvements.)

M. Michel Sapin, ministre. Vous aussi, dans le jeu de rôle vous êtes bon !

M. Alain Fauré. Le champion toutes catégories !

M. Bruno Le Maire. Et au bout du compte, messieurs les ministres, messieurs les parlementaires, quelle France laissons-nous à nos enfants ? Une France du chômage, une France incapable de créer des emplois, une France qui s’appauvrit, une France où il n’y a pas de croissance, une France où il n’y a pas de perspective, une France dont nos enfants veulent aujourd’hui partir.

Il y a une autre politique qui serait possible, d’autres horizons que nous pourrions dessiner. Oui, nous pouvons faire baisser le nombre de fonctionnaires dans notre pays. Oui, je le reconnais bien volontiers, nous avons besoin de plus de policiers…

M. Alain Fauré. Est-ce pour cela que vous en avez supprimé autant ?

M. Bruno Le Maire. …de plus de gendarmes et de plus de militaires pour garantir la sécurité de tous les Français sur notre territoire ainsi que sur les théâtres d’opérations extérieures. Mais si nous voulons créer plus de postes de fonctionnaires afin de garantir les missions régaliennes essentielles de l’État, ayons le courage de supprimer ailleurs un certain nombre de postes de fonctionnaires. Ayons le courage de reconnaître, comme l’a fait votre ministre de l’économie, M. Emmanuel Macron, qu’il serait temps de toucher au statut de la fonction publique qui, dans bien des cas, est inadapté. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe Les Républicains.)

Ayons le courage de reconnaître, monsieur le ministre, que nous ne pouvons pas continuer à avoir, dans l’éducation nationale, des enseignants – que je respecte, parce que j’en ai été un, et que je considère qu’ils sont au cœur du contrat social français – qui travaillent pour les uns vingt-huit heures par semaine, pour d’autres dix-huit heures par semaine, et pour d’autres encore quinze heures par semaine, simplement parce que ces derniers ont passé le bon concours à l’âge de vingt ans, et que les autres ne l’ont pas fait. Que chacun travaille vingt-deux heures dans le cadre de la scolarité obligatoire et vous verrez à quel point nous pourrons réduire le nombre d’enseignants en France tout en les traitant mieux et en leur assurant un meilleur revenu et plus de considération !

Mme Marie-Christine Dalloz. Ça, c’est concret.

M. Bruno Le Maire. Ayons le courage de vraies ruptures et de vrais changements. Ayons le courage de dire que nous allons supprimer tous les contrats aidés – qui ne permettent pas à nos enfants d’accéder à des métiers et des qualifications – et que les économies ainsi réalisées seront consacrées à l’apprentissage, à la formation des apprentis, et aux aides à l’apprentissage dans les très petites entreprises, les TPE, les petites et moyennes entreprises, les PME, ainsi que chez les artisans et chez les commerçants. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe Les Républicains.)

M. Laurent Furst. Cela réjouit M. Sapin.

M. Bruno Le Maire. Monsieur le ministre, ayons le courage de reconnaître qu’un impôt sur le revenu juste serait un impôt payé par tous les citoyens français qui, par ce geste, marqueraient leur attachement à la République et financeraient, en fonction de leur revenu et de leur situation, tous les services publics de notre pays.

M. Alain Fauré. Qu’avez-vous fait pendant dix ans ?

M. Bruno Le Maire. Enfin, nous sommes tout ici élus de la République. Nous voyons tous, monsieur le ministre, la situation dans laquelle se trouve notre pays. Nous voyons tous qu’à force de ne pas changer, nous ouvrons tout grand la voie aux extrêmes.

À force de défendre toujours les mêmes politiques, nous laissons comme seule possibilité aux Français de donner un grand coup de pied dans la fourmilière en disant : « droite et gauche, gauche et droite, c’est la même chose ».

Eh bien ayons le courage de dire qu’une autre politique, ainsi que de vrais changements, sont possibles : ils valoriseraient le travail, le mérite, nos entrepreneurs, ainsi que la qualité des métiers et des qualifications. Ils permettraient à la France de se redresser et d’offrir un autre avenir politique que celui que nous présentons sur ces bancs depuis trente ans, droite et gauche confondues. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. Alain Fauré. Vous n’êtes pas de Villepin !

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

M. Charles de Courson. Madame la présidente, monsieur le ministre des finances et des comptes publics, monsieur le secrétaire d’État chargé du budget, monsieur le président de la commission des finances, madame la rapporteure générale, pour la quatrième année consécutive le Gouvernement nous présente,  un budget sans vision, dont la seule ambition est de faire croire à une rupture avec les errements des deux premières années du quinquennat, rupture qui, hélas, n’en est pas vraiment une.

Premier point : vos hypothèses économiques pour 2016 sont réalistes, aujourd’hui, pour ce qui concerne la croissance en volume, mais peu en ce qui concerne la croissance des prix. En volume, vous vous calez, pour une fois, sur la moyenne des estimations des économistes qui s’élève à 1,5 % : c’est prudent.

La seule inquiétude qu’on peut nourrir concerne l’environnement international, qui peut se dégrader : la parité entre l’euro et le dollar, qui était très basse, demeure fragile et les taux d’intérêt vont remonter car la Réserve fédérale américaine, la Fed, a annoncé un relèvement de ses taux sans dire à quelle date il prendrait effet. Or, dès lors que les taux remonteront aux États-Unis, il faudra que la Banque centrale européenne procède à une hausse des taux en Europe.

La baisse des prix de l’énergie dépend, elle, d’une décision de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole, l’OPEP, que personne ne peut prévoir. Enfin, un certain nombre de grands pays émergents, dont la Chine, connaissent un ralentissement.

Je répète que, s’agissant du taux d’inflation, vos prévisions, monsieur le ministre, sont excessives. Nous allons finir l’année 2015 avec un taux de croissance des prix presque nul : 0,1 %. Dès lors, comment expliquez-vous, car cela ne figure pas dans le rapport économique et financier, que vous ayez retenu une hypothèse de 1 % ?

En commission, vous nous avez expliqué que, puisque l’objectif de la BCE est d’atteindre un taux d’inflation de 2 %, le Gouvernement fixe le sien à la moitié : c’est un peu just, non ?

M. Michel Sapin, ministre. Puis-je vous interrompre ?

M. Charles de Courson. Mais bien sûr, avec l’autorisation de la présidence.

Mme la présidente. Monsieur le ministre, vous répondrez après.

M. Michel Sapin, ministre. C’est dommage : j’aurais, monsieur de Courson, répondu immédiatement à votre question.

M. Charles de Courson. Monsieur le ministre, à moins que vous ne soyez un monétariste un peu primaire…

M. Philippe Le Ray. Vous êtes monétariste ?

M. Michel Sapin, ministre. Je ne sais pas ce que c’est. (Sourires.)

M. Charles de Courson. …ce que je ne saurais envisager, vous ne pouvez pas penser que l’injection, depuis des mois, de 60 milliards d’euros dans le système bancaire européen fait mécaniquement remonter les prix. Car cela n’est pas vrai, monsieur le ministre : si cette déduction était correcte, comment expliqueriez-vous que l’on finisse l’année avec à peine 0,1 % d’inflation, c’est-à-dire avec une quasi-stabilité des prix ?

M. Michel Sapin, ministre. Je vous répondrais volontiers, mais je ne peux pas.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Madame la présidente, il faut que le ministre réponde !

M. Charles de Courson. Vous m’avez déjà répondu, mais mal, en commission : « moi, je crois aux prévisions de la BCE ». Mais si c’est le cas, expliquez-moi pourquoi la BCE qui affiche – depuis des mois déjà – cet objectif ne parvient pas à l’atteindre ?

Deuxième point que je voudrais développer : les hypothèses que vous formulez, monsieur le ministre, concernant la réduction des déficits structurels, ne correspondent à aucune réalité. C’est une thèse que je défends depuis maintenant plusieurs années car la première question que l’on est en droit de se poser est la suivante : depuis la crise économique de 2008, les traités européens qui raisonnent en termes de déficits structurels sont-ils adaptés à la situation actuelle ? Je ne le crois pas.

M. Michel Sapin, ministre. Je suis d’accord.

M. Charles de Courson. En effet, comment expliquez-vous, monsieur le ministre, que depuis quatre ans l’écart entre le solde effectif et le solde structurel ne cesse de se creuser, à tel point que vos prévisions pour 2015, comme pour 2016, s’élèvent à 2,1 points, c’est-à-dire qu’il n’y a pas de réduction ? Comment expliquez-vous cette évolution ?

Il n’y a, monsieur le ministre, qu’une seule explication : l’hypothèse implicite retenue par les traités européens, c’est-à-dire celle d’un trend de croissance et de cycles d’une durée de cinq à six ans autour de ce même trend, ne doit plus être retenue. Il s’agit de la vieille thèse du président Hollande, dans l’heureux temps où il avait encore le loisir de réfléchir et d’écrire un peu sur ces questions. Or j’affirme pour ma part que cette évolution est terminée.

M. Michel Sapin, ministre. Je ne suis pas en désaccord.

M. Charles de Courson. Oui, mais si vous ne l’êtes pas, ce que vous affichez comme une très forte réduction du déficit structurel n’a plus aucun sens. La seule chose sur laquelle il faut se caler – nous reprendrons ce débat à l’article 1er – est donc le déficit effectif.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Ce qui compte, c’est le nominal.

M. Charles de Courson. Pire – j’ai, voyez-vous, le tort de lire les documents budgétaires : vous rappelez l’engagement n9 du candidat Hollande, qui promettait de ramener le déficit public à 3 % dès l’année 2013. Or, loin de se rapprocher de cet objectif, le déficit n’a diminué que de manière très marginale, passant de 4,1 % en 2013 à 3,9 % en 2014, et à 3,8 % en 2015, soit des baisses extrêmement faibles, d’à peine 2 milliards d’euros par an. Vous espérez atteindre 3,3 % en 2016 et 2,7 % en 2017.

M. Michel Sapin, ministre. C’est vrai.

M. Alain Fauré. Au revoir, monsieur Le Maire !

M. Charles de Courson. Alors là, monsieur le ministre, et même si mon propos est un peu technique, permettez-moi de vous dire que, vraiment, vos prévisions ne tiennent pas la route. Elles tiennent la route sur le budget de l’État, à peu près, mais je constate qu’il n’y a pas de réduction du déficit du budget de l’État, à peine un milliard.

M. Michel Sapin, ministre. Vous savez pourquoi ?

Mme la présidente. Monsieur le ministre, s’il vous plaît.

M. Charles de Courson. Je sais bien ce que vous allez me dire : donc vous vivez à crédit.

M. Michel Sapin, ministre. Cela fait dix milliards de déficit en moins.

M. Charles de Courson. Non, cela n’est pas vrai.

En second lieu, votre hypothèse repose sur le postulat que les l’évolution des finances des collectivités territoriales n’aurait donc pas d’impact, ni positif ni négatif, sur les déficits publiques.

C’est en complète contradiction avec votre hypothèse d’une légère remontée des investissements des collectivités territoriales, d’un peu moins de 2 %.

M. Michel Sapin, ministre. En 2016.

M. Charles de Courson. Or les derniers chiffres figurant au rapport économique et financier font état d’une baisse qui, de nouveau, s’avère très forte : de 8,6 % en 2014 et de 7,9 % en 2015. Nous parlons donc d’une baisse de 8 à 9 % chaque année.

Mais le plus grave concerne la troisième composante du déficit public. Vous nous expliquez, monsieur le ministre, que le déficit des organismes de sécurité sociale passe de moins 0,3 % en 2015 à plus 0,1 % en 2016. Permettez-moi de le dire : cette amélioration de 0,4 % m’a plongé dans des abîmes de perplexité. J’ai donc lu tous les documents : le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2016 et le règlement financier.

Mes chers collègues, voilà ce que l’on trouve dans ce projet de loi de financement : l’ensemble des régimes de base, Fonds de solidarité vieillesse compris, connaîtront un déficit de 12,8 milliards d’euros en 2014 et de 12,4 milliards en 2015, soit une réduction quasi-nulle cette année et de 9,3 milliards – selon les prévisions du gouvernement – en 2016.

M. Dominique Lefebvre. Ce n’est pas mal.

M. Charles de Courson. On constate donc une amélioration de 3,2 milliards. Mais comment expliquez-vous l’écart entre les 0,4 points d’amélioration, ce qui représente 8,8 milliards, et ces 3,2 milliards ? Où sont les 5,6 milliards qui manquent ?

J’ai d’abord été stupéfait en en retrouvant 1,8 milliard grâce d’une part aux régimes de retraite des cadres l’AGIRC et l’ARRCO, et d’autre part à l’Unédic. Vous nous annoncez que le premier va améliorer ce résultat de un milliard, et le dernier de 800 millions d’euros. Mais cela… en vertu de décisions qui ne sont toujours pas prises, puisque les négociations sont en cours ! Je voulais donc vous féliciter : vous êtes un devin. Nous devrions, tous ensemble, nous cotiser pour vous offrir une boule de cristal. (Sourires.) En effet, vous savez déjà qu’un accord va être conclu et qu’il va permettre de diminuer le déficit de 1,8 milliard de réduction du déficit.

M. Michel Sapin, ministre. Attendez six mois.

M. Charles de Courson. De toute façon, monsieur le ministre, en ajoutant ces 1,8 milliard aux 3,2 milliards annoncés en loi de financement, on n’obtient que 5 milliards : où sont les 3,8 milliards qui manquent encore pour aboutir aux 0,4 % de réduction du déficit social ?

M. Guillaume Chevrollier. Voilà une bonne question.

M. Charles de Courson. Dans les documents budgétaires, ils sont introuvables. J’aimerais donc que vous nous expliquiez, monsieur le ministre, ce point qui est essentiel pour atteindre l’équilibre qui est votre objectif : il manque 3,8 milliards, c’est-à-dire 0,2 points du PIB. Nous ne nous situons donc plus dans l’hypothèse d’une baisse de 0,5 point, mais plus dans celle d’une baisse de 0,3 point.

Je rappelle que vous vous êtes engagés, devant l’Union européenne à atteindre un taux de déficit structurel, et pour une fois effectif, de 0,5 %. En effet,  pour 2014 et de 2015, aux 0,5 % de déficit structurel ne correspond finalement  que 0,1 % de déficit effectif. Vous voyez bien que l’écart entre vos prévisions et les réalisations se creuse.

Troisième élément : vous expliquez que vous réduisez la dépense publique. J’ai essayé, dans mes propos, de n’être jamais excessif.

M. Michel Sapin, ministre. C’est vrai.

M. Charles de Courson. J’essaie d’abord de regarder les chiffres. Eh bien, messieurs les ministres, ce que vous dites n’est, hélas, pas exact. Je vous donne les chiffres : vous aviez annoncé 10 milliards d’euros de baisse des dépenses publiques en 2013 et 15 milliards en 2014. Or la dépense publique a continué, en fait, à augmenter.

En effet, vous avez substitué à la dépense budgétaire des crédits d’impôt qui ne sont pas présentés dans vos documents comme des dépenses, alors qu’en comptabilité nationale, européenne comme française, ils en constituent. Je vous donnerai l’écart que cela représente en comptabilité, car vous pourriez transformer toutes les dépenses publiques en crédits d’impôt. Cela vous donnerait le droit de dire : « regardez comme je suis bon ». Et vous ne seriez pas le premier à l’avoir fait : vos prédécesseurs, y compris dans l’actuelle opposition, l’ont fait. Mais cela ne trompe personne.

Il ne faut pas donc s’étonner que le poids des dépenses publiques continue d’augmenter. Hors crédits d’impôt, je vous rappelle les chiffres : ces dépenses passent de 56,2 % du PIB en 2013 à 56,4 % en 2014. Si l’on inclut les crédits d’impôt, on passe à 57 % à 57,5 %.

En 2015, le poids de la dépense publique, hors crédit d’impôt, baisserait à 55,8 %, c’est-à-dire un taux toujours extraordinairement élevé. Mais en incluant les crédits d’impôt, le poids de cette dépense s’établirait à 57,3 % : la légère réduction du poids de la dépense publique – il ne s’agit pas d’une baisse – que l’on pourrait qualifier de petit freinage, est donc très faible si l’on tient compte des crédits d’impôt. En 2016, cette dépense se situerait en effet encore à 56,5 % en les prenant en compte.

Vous avez fait des efforts, je le reconnais, mais ils demeurent notoirement insuffisants pour redresser les finances publiques.

M. Dominique Lefebvre. Ils sont plus importants que ceux que vous aviez faits !

M. Charles de Courson. Ce constat est d’ailleurs partagé par la Cour des comptes, selon laquelle la France se place au plus haut niveau de dépenses de l’OCDE alors que la qualité des services publics n’est pas forcément à la hauteur.

Pour les années 2015 à 2017, le Président de la République avait promis que 50 milliards d’économies seraient réalisées. Les députés du groupe UDI avaient accueilli cette volonté avec une bienveillante attention, mais il est désormais avéré que ces 50 milliards d’économies, pourtant nécessaires, ne seront pas au rendez-vous. Selon la Cour des comptes, cela fera à peine 20 milliards.

Notre rapporteure générale a d’ailleurs elle-même admis qu’en 2015, sur les 18,6 milliards annoncés, seuls 11,2 milliards d’économies seraient véritablement réalisées. Pour 2016, les réductions de dépenses proprement dites ne s’élèveraient qu’à 6 milliards sur les 16 milliards promis.

Et encore la rapporteure générale considère que les 3,7 milliards d’économies sur les dotations aux collectivités locales sont des économies en termes de dépenses publiques, ce qui est techniquement faux. Les économies sont très difficiles à estimer puisqu’elles sont fonction du comportement des élus locaux. S’ils augmentent leurs impôts pour continuer à dépenser, vous n’aurez absolument pas ce résultat.

J’ai essayé de regarder quelles étaient vos hypothèses en la matière. Vous prenez comme hypothèse que les impôts locaux vont augmenter de 3,2 % en 2016, j’y reviendrai à propos de la croissance des dépenses.

Vous n’aurez donc pas du tout 3,7 milliards d’économies, vous n’en aurez qu’une partie en économies réelles.

Deuxième exemple, l’assurance-maladie. Vous prétendez réaliser 3,4 milliards d’économies en fixant l’ONDAM à 1,75 %. D’où vient cette somme puisque l’année dernière, on était à 2 % ? Les économies devraient donc représenter 0,25 % de 180 milliards, c’est-à-dire environ un demi-milliard. Vous nous dites que la croissance potentielle des dépenses d’assurance maladie est de 3,6 %, mais où est-ce écrit ? Cela fait longtemps que ce n’est plus le cas, elle n’a fait que ralentir. Les économies, c’est par rapport à la situation de l’année précédente, c’est-à-dire 2015, qu’il faut les calculer.

Votre présentation est donc totalement erronée. Vous raisonnez par rapport à des tendanciels qui sortent de votre imagination.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. C’est de 1997 à 2002.

M. Michel Sapin, ministre. Le projet de loi de finances de 2002 !

M. Charles de Courson. De 2002 à 2016, cela fait quatorze ans. Vous vous référez donc encore à ce qui se passait il y a plus de dix ans ? Ce n’est pas sérieux.

Je vais vous donner un autre exemple, les économies liées aux décisions prises par les partenaires sociaux, le milliard de l’AGIRC et de l’ARRCO dont nous parlions. D’où sort-il ? De nulle part, les discussions sont en cours. Même chose pour ce qui concerne les 800 millions de l’UNEDIC.

Je vais vous donner quelques autres exemples de cette présentation fallacieuse.

Mme la présidente. Non, monsieur le député, vous ne donnerez pas d’autres exemples.

M. Charles de Courson. Vous prétendez effectuer 800 millions d’économies sur la masse salariale, dont 600 parce que l’on bloque le point d’indice, mais cela fait cinq ans que l’on le bloque. Cela ne représente donc aucune économie par rapport au tendanciel.

Je vais conclure…

Mme la présidente. D’un mot !

M. Charles de Courson. … sur les prélèvements obligatoires.

C’est très important, madame la présidente.

Mme la présidente. Vous avez épuisé votre temps de parole.

M. Alain Fauré. Il n’y a pas que son temps de parole qu’il a épuisé ! (Sourires.)

M. Charles de Courson. J’ai presque fini !

Mme la présidente. Vous aurez de nombreuses occasions de reprendre la parole dans ce débat budgétaire, monsieur le député. Merci de conclure.

M. Charles de Courson. Je vais conclure de façon très simple parce que je voulais faire aussi un dégagement sur les prélèvements obligatoires.

M. Michel Sapin, ministre. Pas de dégagement !

M. Charles de Courson. Savez-vous de combien augmentent les prélèvements obligatoires en 2016 dans les prévisions du Gouvernement, mes chers collègues ? De 22 milliards.

Mme la présidente. Merci de conclure, monsieur le député.

M. Charles de Courson. Il y a un freinage, mais c’est tout, aucune inversion.

En conclusion, parce que j’ai toujours essayé d’être positif, monsieur le ministre, et ce n’est pas vrai que l’opposition ne présente jamais rien, il faut cinq grandes réformes structurelles…

Mme la présidente. Merci, monsieur le député.

M. Charles de Courson. …sans lesquelles vous ne réussirez jamais à redresser le pays. Il faut créer en matière de retraites le régime unique pour tous les Français et mettre en extinction tous les régimes spéciaux. Pour réformer les collectivités territoriales…

Mme la présidente. Merci, monsieur le député.

La parole est à M. Éric Alauzet.

M. Éric Alauzet. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je serai bref sur la question de l’équilibre budgétaire et sur les déficits. Je soulignerai deux points toutefois.

Premier point, nous sommes cette fois engagés dans une logique de sincérité budgétaire concernant les différentes estimations, qu’il s’agisse de la croissance, des prévisions de recettes ou encore des taux d’intérêt. Le déroulement de l’exercice 2015 nous incite donc à faire preuve d’une relative confiance pour 2016.

Le second point concerne le débat autour du déficit structurel et conjoncturel. Je crains que nous ne nous rassurions à bon compte en considérant que la croissance va revenir alors qu’il faudra tôt ou tard revoir la doctrine du déficit conjoncturel, dont une partie devient sans doute structurelle.

Au moment de rédiger mon intervention, il m’est revenu en mémoire notre première décision politique budgétaire, la loi de finance rectificative de juin 2012. Le groupe écologiste s’était alors satisfait avec le Gouvernement de la concrétisation d’une partie de notre projet commun, qui visait à réduire les déficits en remettant de la justice fiscale et sociale. Mais – vous ne vous en souvenez sans doute pas – nous avions regretté que le Gouvernement, issu d’une majorité de gauche et écologiste, n’ait pas cherché à marquer solennellement ce premier budget en y intégrant simultanément des signaux écologiques.

Depuis trois ans, que d’énergie déployée, budget après budget, pour intégrer la fiscalité écologique dans notre modèle ! Et une nouvelle fois, vous nous présentez un projet de budget pour 2016 en renvoyant la question de la fiscalité écologique à plus tard, à la loi de finances rectificative.

Cette méthode a pour inconvénient d’empêcher une approche globale de la fiscalité dans un seul texte.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget. Au contraire !

M. Éric Alauzet. Elle laisse aussi à penser que la question de la fiscalité écologique n’est pas tout à fait prête.

Je ne parle ici que de fiscalité et je ne sous-estime pas, parallèlement à la baisse successive du budget de l’écologie dans les différents exercices, 90 millions cette année, les moyens supplémentaires alloués à la transition écologique pour des montants bien supérieurs, qu’il s’agisse du CITE, 1,4 milliard, de la CSPE et des programmes territorialisés TEPOS – « territoires zéro déchet, zéro gaspillage », villes respirables en cinq ans » – pour un montant de 1,4 milliard sur trois ans à raison de 500 000 euros pour les territoires concernés sur la même période. Il faut encore citer la poursuite de la montée en puissance de la contribution climat énergie, qui passera de 14 à 21 euros la tonne de carbone pour une recette de 4,5 milliards en 2016.

Il est vrai que nous sommes rentrés un peu « en crabe » sur la taxe carbone, parce qu’il fallait financer le CICE, alors qu’il était tout à fait possible, utile et même valorisant d’affirmer le choix de transférer la fiscalité qui pèse sur le travail vers une fiscalité attachée aux énergies fossiles. Préférer le travail et l’énergie humaine aux énergies fossiles, cela se revendique.

Nous disposons enfin, après deux échecs, le dernier datant de l’époque de Nicolas Sarkozy, de l’instauration d’une taxe carbone, un outil moderne et nécessaire à la transition énergétique de notre économie. Certes, le montant reste faible, mais le sens est donné. L’intention est même amplifiée avec la loi de transition énergétique, qui trace une perspective à 2020 et 2030. L’enjeu est donc maintenant de fixer une trajectoire concordante en loi de finances. Pourquoi donc faut-il attendre la loi de finances rectificative ?

Concrètement, il faut donc maintenant adopter une trajectoire glissante sur trois ans, comme nous l’avions fait en 2014, 2015, 2016, qui permettra, dès la loi de finances 2016, de fixer un prix à la tonne de carbone jusqu’en 2018, puis en loi de finances de 2017 jusqu’en 2019, et ainsi de suite avec une augmentation moyenne de 7 à 8 euros par an jusqu’en 2030.

La transition énergétique de notre économie constitue une opportunité unique pour sortir de la crise. Une révolution industrielle peut naître pour peu que notre système fiscal l’intègre en profondeur.

Ce projet de loi de finances initiale est marqué par une nouvelle baisse d’impôt en 2016 après la suppression de la tranche à 5 % en 2015, qui confirmait les premières baisses au cours de l’année 2014. Alors que les baisses de 2015 concernaient les revenus autour du SMIC, soit 9 millions de ménages, celles de 2016 toucheront 8 millions de ménages situés dans les classes moyennes, jusqu’à 3 500 euros de revenu mensuel.

Cette baisse d’impôt inscrite au pacte de solidarité vient compléter le pacte de responsabilité destiné aux entreprises.

Il n’est pas inutile de rappeler le mécanisme de financement de ces aides. Les baisses de cotisations sociales des entreprises sont financées par un report de 2015 à 2017 de l’échéance des 3 % de déficit alors que les baisses d’impôts des ménages résultent en grande partie de la remarquable réussite de la loi de lutte contre l’évasion fiscale des ménages.

Ce budget est une fois encore tourné vers l’emploi par le soutien aux entreprises. Ainsi, le fait de porter le seuil de dix à onze salariés permettra aux entreprises concernées d’embaucher plus facilement un ou deux salariés supplémentaires, pour une dépense pour l’État de 147 millions d’euros. Plus généralement, en complément d’une nouvelle étape du pacte de responsabilité, ce budget renforce la priorité à l’investissement des entreprises avec la prorogation et l’extension du suramortissement pour les investissements productifs, la dépense étant pour 2016 de l’ordre de 700 millions d’euros.

Il faut toutefois apporter un certain nombre de nuances concernant le soutien à l’investissement.

La première est fondamentale mais je ne développerai pas. Elle a trait aux limites du modèle économique productiviste et libéral, qui épuise les hommes, la nature et la croissance par la captation de richesse et l’externalisation des coûts, ce qui a pour effet de limiter les possibilités d’investissement.

La deuxième nuance tient au fait que marge de manœuvre ne signifie pas toujours investissement et que notre pays souffre moins d’un déficit d’investissement que d’un « mal investissement », d’un mauvais ciblage, comme cela a été démontré dans le rapport Villeroy de Galhau. C’est effectivement l’objet du ciblage du surinvestissement que d’y remédier en partie.

Troisième nuance, l’investissement dans la transition énergétique et écologique de l’économie pâtit de l’absence de signaux clairs et significatifs concernant la remise en cause des niches fiscales favorables aux énergies fossiles et, plus généralement, d’un signal sur le prix du carbone insuffisant.

La quatrième nuance porte sur un point qui sera traité dans la seconde partie du projet de loi de finances et concerne les dotations aux collectivités locales. Je veux insister dès maintenant sur la nécessité de bien prendre en compte la richesse fiscale et le potentiel fiscal des collectivités locales. Si cette question n’est pas suffisamment prise en compte alors que les impôts locaux sont déjà relativement élevés dans les villes et les agglomérations, nous assisterons, comme c’est déjà le cas cette année, à une baisse sensible des investissements, qui nuira à l’objet même de la politique prioritaire menée par le Gouvernement, à savoir la relance de l’activité par l’investissement, notamment dans le secteur du BTP.

M. Serge Grouard. Bien sûr !

M. Éric Alauzet. Toutefois, il faut saluer le dispositif d’extension du FCTVA, qui compensera un peu la baisse de dotations aux collectivités locales mais qui s’inscrit aussi dans une logique encore trop peu affirmée de valorisation et de potentialisation du patrimoine existant face aux logiques d’extension qui ont prévalu ou prévalent encore, avec leurs conséquences sur l’occupation de l’espace et des sols ainsi que sur le coût global, trop souvent sous-estimé, sur le fonctionnement et la maintenance à moyen et long terme.

M. Serge Grouard. C’est très juste ! Bonne remarque !

M. Éric Alauzet. Merci, cher collègue.

Certes, le montant de cette mesure, 143 millions d’euros à compter de 2018, reste modeste au regard de la forte réduction de la DGF de 3 670 millions d’euros, mais il faut la prendre en compte et y ajouter le fonds d’aide à l’investissement proposé en seconde partie du projet de loi de finances ainsi que la montée en puissance de la mesure d’optimisation du FCTVA décidée en loi de finances de 2015. Au total, ce sont environ 1,5 milliard d’euros qui viennent atténuer sensiblement la baisse des dotations aux collectivités locales en faveur de l’investissement.

Je reviens sur la fiscalité écologique, qui n’est pas traitée dans ce projet de loi de finances et qui est renvoyée au projet de loi de finances rectificative, comme d’ailleurs la question du diesel. Cela ne facilite pas l’appréciation du budget et la compréhension du sens que le Gouvernement entend donner à sa politique. Certes, on a pu comprendre que le projet de loi de finances rectificative serait l’occasion de proposer une trajectoire d’évolution de la contribution climat énergie sur trois ans et on a entendu la ministre de l’environnement se déclarer favorable à la convergence des taxes sur les carburants diesel et essence mais, à ce stade, c’est uniquement en termes de confiance que le sujet est posé, ce qui n’est tout de même pas la meilleure façon de procéder.

Bien sûr, nous ne pouvons qu’espérer que ces sujets soient clarifiés dans le PLFR, car je dois dire que nous manquons encore de visibilité. Je souhaite que les engagements du Gouvernement dépassent le stade des annonces. La ligne de mire de la COP 21 nous oblige, et notre responsabilité est historique. La question du financement des investissements pour la transition, sur lesquels j’ai insisté dans mon propos, sera la question centrale qui dira quels sont la sincérité et l’engagement de la France, de son Président et du Gouvernement.

Nos amendements sont inspirés par ces considérations pour favoriser la conversion agricole, la nourriture saine, la protection de la biodiversité, les investissements dans les énergies renouvelables ou les infrastructures énergétiques, la performance et la rénovation thermiques ou encore la prévention des risques naturels. Certains de ces amendements ont d’ailleurs été adoptés en commission. Je pense à l’amendement de Brigitte Allain sur l’agriculture, la nourriture et les circuits courts dans les abattoirs notamment.

Je pense également à un amendement que j’ai moi-même défendu avec les collègues de tous les groupes sur l’extension de la taxe sur les transactions financières aux transactions intra-day. Son adoption par la commission est un signal important que le Gouvernement pourrait reprendre à son compte afin d’ouvrir des perspectives. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas Sansu.

M. Nicolas Sansu. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, madame la rapporteure générale, mes chers collègues, rapporteur de la commission d’enquête en cours sur les conséquences de la baisse des dotations au bloc communal sur l’investissement public et les services publics de proximité, vous comprendrez que je tienne à centrer mes propos sur ce thème.

Plus nos auditions avancent et plus il apparaît que la baisse de la DGF de 12,5 milliards d’euros de 2014 à 2017, qui représente 28 milliards d’euros cumulés comme l’a souligné André Laignel, président du comité des finances locales, est non seulement une faute politique – il y en a bien d’autres ! –, mais aussi une erreur économique. En disant cela, je veux immédiatement dénoncer l’attitude de celles et ceux qui, sans doute par paresse intellectuelle, essaient de faire croire que les députés du Front du gauche seraient favorables à une augmentation du déficit.

Mon collègue Gaby Charroux a montré la pertinence d’une nouvelle architecture fiscale complètement réinventée,…

M. Marc Dolez. C’était une belle démonstration !

M. Nicolas Sansu. …qui permettrait de taxer des revenus considérables qui échappent à l’effort collectif – je pense à l’évasion et à la fraude fiscales –, mais qui prévoirait aussi la fin de niches fiscales insupportables telles que le bénéfice du CICE pour les banques, aux assurances, les cliniques privées et la grande distribution.

C’est un problème de répartition de la richesse. Nous ne serons donc jamais de ceux qui prônent la diabolisation de dépense sociale et publique. Les premiers éléments qui nous sont donnés concernant les conséquences des baisses de dotations, qu’il s’agisse des associations d’élus, des consultants, des professionnels du BTP ou du monde bancaire, montrent le risque d’un effondrement de l’autofinancement des collectivités locales, avec de très fortes conséquences sur l’investissement, que ne règle nullement un fonds de 800 millions d’euros, dont seuls 150 millions sont des crédits de paiement en 2016, ce qui ne consolide pas l’épargne brute.

Après avoir baissé de 12,9 % pour le bloc communal, l’investissement public local devrait se rétracter de 25 % voire de 30 %, en trois ans. Cela représente une baisse de 31 milliards d’euros en 2013 à 23 milliards d’euros en 2017. C’est considérable ! Certes, la raréfaction des ressources des collectivités locales ne date pas de 2014. Elle a été engagée par cette erreur qu’était la suppression de la taxe professionnelle en 2010, remplacée par un impôt économique inadapté et peu efficient.

M. Alain Fauré. Très bien !

M. Nicolas Sansu. La Fédération nationale des travaux publics, la Fédération française du bâtiment, comme l’Union des transports publics ou le Groupement des autorités responsables de transport, nous ont fait part de l’abandon de projets d’investissement, de décrochage de l’activité, avec des conséquences sur l’emploi par dizaine de milliers. N’oublions pas que, depuis 2008, 30 000 emplois ont été perdus dans les travaux publics et 100 000 dans le bâtiment. Cette inquiétude relative à l’investissement local ne consiste pas en la défense de prés carrés ou de petits royaumes, car il y a réellement un risque pour l’emploi et la croissance.

L’OFCE, que nous avons entendu, nous a exposé que cette baisse de 11 milliards d’euros en trois ans correspond à une diminution de 0,55 point de PIB et à une perte de recettes pour l’État de 0,26 point. In fine, l’État n’économisera que la moitié des 11 milliards prévus et l’OFCE, dans ses projections, prévoit un recul de l’investissement public local de 14 milliards. C’est donc une ineptie économique.

Les conséquences sur les services publics de proximité sont aussi à prendre en compte, avec notamment la baisse des subventions au mouvement associatif ou la fermeture de certains équipements. Mais je tiens surtout à rappeler, de manière solennelle, que dans leur très grande, voire leur immense majorité, les élus locaux sont très respectueux de la bonne utilisation de l’argent public. Le procès permanent en mauvaise gestion qui leur est fait est inacceptable.

M. Alain Chrétien. C’est vrai !

M. Damien Abad. Exactement !

M. Serge Grouard. Nous allons finir par être d’accord !

M. Nicolas Sansu. Cela l’est d’autant plus que nos collectivités locales répondent efficacement aux défis qui sont devant nous et qui consistent à engager la transition écologique, à accompagner nos enfants par un soutien péri-éducatif accru, à la demande de l’État, à accueillir les populations fragiles, notamment les migrants, en étant fidèles aux valeurs de notre République.

Les élus locaux ne se dérobent pas devant leurs responsabilités. Aussi personne n’a-t-il le droit de les mettre dans une situation intenable où ils n’auraient le choix qu’entre l’accroissement impopulaire de l’impôt local et la restriction de services publics indispensables, alors même que le dynamisme des collectivités territoriales est un élément stabilisateur en ces temps difficiles.

M. Alain Chrétien. Exactement !

M. Nicolas Sansu. Dans ce contexte, il est utile de rappeler que la DGF n’est pas un cadeau de l’État aux collectivités : c’est la compensation d’une taxe que l’État a décidé de supprimer il y a quarante ans. Cette DGF doit certes être réformée, mais comment accepter de lancer cette réforme sans que des simulations claires soient connues pour en mesurer l’impact ? En fait, il n’y aura que des perdants et parmi eux des perdants-perdants, au rang desquels nombre de villes petites et moyennes, si j’en crois la presse, qui assurent pourtant la cohésion de notre territoire et de la République.

M. Alain Chrétien. Comme Vierzon !

M. Nicolas Sansu. Monsieur le ministre, il est temps de réfléchir à une modification des ressources des collectivités locales. Pour notre part, nous proposons une véritable péréquation verticale assise sur une taxe sur les actifs financiers des entreprises. Au taux de 0,5 %, cela générerait de 25 à 30 milliards d’euros qui permettraient de faire vivre cette valeur qu’est l’égalité républicaine partout sur notre territoire.

Dans quelques semaines, les maires de France seront rassemblés pour leur congrès. Ils sont inquiets, comme ils l’ont montré le 19 septembre, car ils craignent le délitement de l’action publique et, partant, de la République. Surtout, ils pressentent, comme je le pressens également à l’aune des auditions de notre commission d’enquête, que le chemin de la baisse des dotations, brutal et quasi uniforme, est une faute.

D’ailleurs, tous les caciques du Parti socialiste, dont certains sont aujourd’hui ministres et face à moi en ce moment, n’avaient pas de mots assez durs pour dénoncer le gel des dotations…

M. Jean-Luc Laurent. Exactement !

M. Nicolas Sansu. …décidé en 2010 par la droite, parce que c’était déjà une faute. (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et sur quelques bancs du groupe Les Républicains.) Ce choix est d’autant plus une faute que, si la baisse des dotations s’élève à 3,67 milliards d’euros, la baisse du déficit de l’État affichée dans ce PLF 2016 n’atteindrait que 1 milliard. Comprenne qui pourra ! (Mêmes mouvements.)

Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Bachelay.

M. Guillaume Bachelay. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des finances, madame la rapporteure générale, chers collègues, un budget, ce sont les recettes et les dépenses qui le font, mais ce sont d’abord les valeurs qui le fondent. C’est d’un budget de gauche et de progrès que nous débattons ce soir. Un budget de progrès, parce qu’il poursuit le rétablissement des comptes publics pour la souveraineté de la France, pour protéger et développer notre modèle social et pour l’avenir. En 2016, le déficit public continuera sa décrue et retrouvera son niveau de 2008. Quant à celui de la Sécurité sociale, jamais il n’aura été si bas depuis dix ans.

Cette stratégie se conjugue avec le soutien à la croissance. La prévision de 1,5 % retenue par le Gouvernement est jugée réaliste par les conjoncturistes, atteignable par le Haut conseil des finances publiques, et 50 milliards d’euros d’économies sont engagés sur trois ans. Il n’était d’ailleurs pas interdit à ceux qui nous ont précédés d’en réaliser aussi.

M. Laurent Furst. Ils vous succéderont bientôt !

M. Guillaume Bachelay. C’est un budget de progrès, parce qu’il conforte la reprise pour créer des emplois. Les capacités des entreprises se redressent ; le taux de marge a reconquis deux tiers du chemin perdu lors du quinquennat précédent ; le déficit commercial, juge de paix de la compétitivité, de sa chute ou de son rétablissement, retrouvera l’an prochain son niveau de 2007. Ce sont les résultats conjugués du CICE et du Pacte de responsabilité qui se déploient, du suramortissement pour les biens d’équipement que nous avons décidé en direction des entreprises industrielles, ainsi que de la baisse du coût du pétrole et de la fin de l’euro cher, pour laquelle depuis 2012 la France a continûment, efficacement et ardemment milité en Europe. Ayons dans nos débats à venir une attention particulière pour les PME et les TPE.

L’investissement est aussi public et celui des collectivités territoriales indispensable. Est prévu, dans notre projet de budget, un fonds d’aide à l’investissement local dédié, entre autres, à la transition énergétique et numérique. Positive, cette annonce peut être complétée et bonifiée. Le groupe SRC est d’ailleurs porteur de propositions en ce sens.

Conforter la reprise, c’est aussi soutenir le pouvoir d’achat. C’est le sens des baisses d’impôt pour les ménages moyens et modestes initiées en 2014 et concrétisées en 2015. Elles vont continuer en 2016. Au total, deux foyers sur trois redevables de l’impôt sur le revenu auront bénéficié des baisses décidées depuis deux ans. En 2016, cette baisse représentera un gain de 200 à 300 euros pour un ou une célibataire, de 300 à 500 euros pour un couple. La lutte contre la fraude fiscale sera poursuivie et amplifiée. Le Gouvernement a rappelé cet après-midi qu’elle donnait des résultats réels. Nous aurons, en deuxième partie de discussion, l’occasion d’enrichir le débat sur la modernisation de notre fiscalité.

Un budget de progrès aussi, puisque les priorités des Français sont financées. Pour l’école de la République, redevenue avec le retour de la gauche le premier budget de la nation, les créations de postes de professeurs se poursuivront et le plan numérique se généralisera à la rentrée. Pour la sécurité intérieure, la justice et la défense nationale, les effectifs continueront d’être confortés. Une réponse est et sera également apportée aux urgences, pour améliorer notamment la situation des étudiants, développer et faciliter l’engagement des jeunes au sein du service civique, soutenir nos agriculteurs, élargir l’accès à la culture, mais aussi permettre, dans le cadre d’une politique de solidarité et de responsabilité, en France et en Europe, l’accueil des réfugiés.

Les progrès, ce sont aussi de nouveaux droits. Nous sommes fiers, députés socialistes, de la  mise en œuvre prochaine de la complémentaire santé pour les salariés et les retraités fragiles, de la protection universelle maladie et d’une garantie contre les impayés de pensions alimentaires. Ce sont trois avancées, parmi d’autres, concrètes et justes.

Enfin, le progrès consiste à préparer l’avenir. La France va accueillir la Conférence mondiale sur le climat. Elle s’est placée au premier rang des éco-nations avec la loi sur la transition énergétique. Le budget qui nous est soumis prolonge d’un an le crédit d’impôt sur les travaux de rénovation énergétique et élargit l’éco-prêt à taux zéro.

Déficits diminués, compétitivité musclée, pouvoir d’achat encouragé, les efforts réalisés par les Français produisent des effets. Lors de l’audition des ministres, évoquant ces résultats, prévisions de croissance incluses, le président de notre commission des finances, qui aime les chiffres et a des lettres, a convoqué Corneille et Le Cid : « À vaincre sans péril… ». De mon côté, en l’écoutant, j’imaginais ce que Chimène dirait du programme économique de l’opposition : « Je ne sais qu’espérer, et je vois tout à craindre. » (Sourires.)

L’opposition réclame toujours moins de dépenses – 100, 120 ou 150 milliards d’euros, cela dépend des années et des tribunes – sans préciser les économies nécessaires. (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. Romain Colas. Cela dépend des candidats aux primaires…

M. Guillaume Bachelay. Et quand elle s’y essaie, car nous avons entendu cet après-midi notre collègue Mariton lever un coin du voile, c’est pour supprimer des emplois aidés, supprimer l’ISF, supprimer des postes de professeurs, supprimer des prestations sociales et porter l’âge légal de la retraite à 65 ans. (Mêmes mouvements.) Progrès ou régression, mes chers collègues, c’est encore et toujours l’enjeu. Nous, parce que nous voulons le progrès, nous soutenons ce budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen sur quelques bancs du groupe écologiste.).)

Mme la présidente. La parole est à Mme Véronique Louwagie.

Mme Véronique Louwagie. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des finances, madame la rapporteure générale de la commission des finances, mes chers collègues, ce projet de loi de finances pour 2016 était attendu, car nous savons tous que nous ne pouvons continuer dans la situation actuelle. Comme l’a dit très justement Hervé Mariton, la France est la malade de l’Europe. Le niveau de déficit public est supérieur à 3 %. Le niveau des prélèvements fiscaux et sociaux est très important, à près de 45 %. L’endettement s’établit à la fin du premier trimestre 2015 à 97,6 % du PIB. Le niveau de dépenses publiques est élevé, à près de 57 % du PIB.

Pour toutes ces raisons, il serait urgent d’intervenir pour diminuer les dépenses publiques. Je développerai trois points. Le premier concerne les dépenses. Vous annoncez 16 milliards d’euros d’économies au lieu des 14,5 milliards d’euros prévus dans la loi de programmation des finances publiques. Mais votre plan d’économie de 16 milliards demeure flou. Vous vous défaussez notamment sur les collectivités locales, ce qui est contestable.

Je ne suis pas la seule à relever ce flou, puisque, madame la rapporteure générale, vous avez estimé, dans votre rapport sur le projet de loi de finances pour 2016, que sur les 16 milliards d’euros d’économies prévues, un peu plus de 4 milliards restaient « non documentés » par des mesures concrètes, ce qui pose la question de la crédibilité du texte.

Par ailleurs, si l’État partage cet effort avec ses opérateurs pour 5,1 milliards d’euros et avec les régimes sociaux pour 7,4 milliards d’euros, dont 3,4 milliards pour la seule assurance maladie, les collectivités locales y prennent leur part à hauteur de 3,5 milliards d’euros. Le Gouvernement ayant en outre beaucoup promis, de nouvelles dépenses ont été annoncées, qu’il s’agisse de recrutements supplémentaires, de contrats aidés, d’aides aux agriculteurs, de l’aide aux migrants, de l’aide à l’investissement local. Mais le détail des économies prévues pour les financer est aléatoire, et une partie d’entre elles ne figure pas dans le présent texte. Ainsi, ce PLF devra être complété par un projet de loi de finances rectificative, ou sinon les dépenses non financées devront être compensées par des coupes dans les ministères au cours du débat parlementaire que nous entamons.

Le deuxième point concerne l’impôt sur le revenu. Vous annoncez une baisse de l’impôt sur le revenu de 2,1 milliards pour huit millions de foyers fiscaux. Mais ce programme de baisses d’impôt comporte, comme l’a rappelé ma collègue Marie-Christine Dalloz, un risque non dissimulé d’inégalité devant l’impôt car vous concentrez les baisses sur les faibles revenus, excluant de fait les classes moyennes, et vous faites porter les trois-quarts des augmentations sur les revenus des plus aisés. Je tiens à rappeler que, depuis 2011, les recettes tirées de l’impôt sur le revenu ont augmenté de 20 milliards d’euros, soit 35 % de hausse. Il s’agit donc d’une très grosse augmentation. Par ailleurs, si 52,5 % des foyers fiscaux payaient l’impôt en 2012, ce ne sera que 46 % en 2016. C’est dire qu’il y a une véritable concentration de l’impôt.

M. Nicolas Sansu. Tout le monde paye la CSG et la TVA !

Mme Véronique Louwagie. Quid de l’égalité et de la justice sociale ? Cette question nous interpelle et finalement interpelle également dans les rangs de la majorité. C’est pourquoi celle-ci semble peu sereine. Certains de ses membres n’hésitent d’ailleurs pas à faire preuve de créativité fiscale en proposant de nouvelles tuyauteries : ainsi, l’amendement de M. Ayrault et de M. Muet entendait remplacer une partie de la prime d’activité par une baisse de CSG et fusionner l’impôt sur le revenu et la CSG pour donner naissance à un « impôt citoyen sur le revenu ».

M. Jean-Luc Laurent. C’est une bonne chose !

Mme Véronique Louwagie. Dès hier matin, des risques d’inconstitutionnalité étaient évoqués par vous-même, monsieur le ministre. Finalement, le couperet de l’article 40 a mis fin à cette orientation… La discussion reviendra en seconde partie. Déjà, cet amendement signé par 130 députés, met en lumière les hésitations, les revirements et les absences de cap de votre majorité.

M. Jean-Luc Laurent. Et vous, quel est le vôtre ?

Mme Véronique Louwagie. Le troisième point concerne les entreprises. Il est plus que temps de recréer dans notre pays un environnement favorable à l’entreprise, de redonner l’envie d’investir avec un système fiscal incitatif et non dissuasif. Il faut un véritable cercle de confiance qui permette aux chefs d’entreprise de passer à la vitesse supérieure dès l’an prochain. S’il faut convenir que la baisse des prélèvements sur les entreprises à hauteur de 9 milliards d’euros va dans le bon sens, toute la question est de savoir si vous serez en capacité de tenir vos engagements pour 2017, monsieur le ministre. Le report de trois mois des allégements de cotisations sociales patronales afin de compenser le coût des mesures en faveur de l’investissement dans les PME est à cet égard un très mauvais signal qui entame la confiance des chefs d’entreprise dans la stabilité des choix politiques.

En conclusion, je dirai que si M. Eckert n’a pas l’air inquiet, nous le sommes, nous, pour la France ! Si M. le ministre des finances estime pour sa part comprendre que nous doutions puisque c’est l’apanage de l’opposition, je lui réponds que ce n’est pas pour cette raison : ce n’est pas la formule latine Dubito ergo sum qui nous permet d’exister. En revanche, elle m’amène à vous dire, monsieur le ministre, que nous ne partageons pas votre discours. Si votre propre majorité est en plein doute, c’est par ricochet l’ensemble de notre pays, c’est la France ! Dommage ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. Romain Colas.

M. Romain Colas. Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la rapporteure générale, mes chers collègues, l’examen du projet de loi de finances pour 2016, au regard du passé budgétaire de la France que nous avons déjà largement évoqué, constitue pour le Gouvernement et pour notre majorité un triple rendez-vous avec l’efficacité, la justice et la cohérence.

Pour évoquer le rendez-vous de l’efficacité, il faut nous replacer dans le contexte de l’examen du PLF pour 2015 : le Président de la République et le Gouvernement avaient annoncé un programme sans précédent de 50 milliards d’économies et l’opposition, toujours prompte à critiquer la majorité mais c’est bien son rôle, raillait la détermination du Gouvernement à maîtriser les dépenses et contestait sa crédibilité. À leur décharge, il est vrai que, comme les Français, les élus de droite n’avaient pu, lors des deux précédentes législatures, que constater, dans un silence coupable (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains), le formidable décalage entre la volonté, claironnée de tribune en tribune, de réduire les déficits et l’augmentation continue de ces derniers. À l’automne 2014, il y avait même une partie de l’opposition qui semblait presque espérer – cela fait pourtant moins partie de son rôle – une sanction de la Commission européenne à l’égard de la France. Un an plus tard, parce que nous, la gauche, avons joint les actes à la parole, parce qu’un effort réel et incontestable a été réalisé malgré ce que j’ai entendu, nous pouvons débattre en pleine souveraineté, sans que ne puissent être agitées les peurs d’hypothétiques sanctions.

M. Laurent Furst. Elles viendront des électeurs !

M. Romain Colas. Ce projet de loi de finances est aussi un rendez-vous de justice. Alors que des efforts conséquents ont été demandés aux Français, efforts dont, reconnaissons-le, la paternité est partagée sur les différents bancs de cet hémicycle, il nous est aujourd’hui proposé d’amplifier le mouvement d’allégement fiscal engagé en 2014. Après avoir permis à plus de neuf millions de foyers de voir réduite ou annulée leur contribution au titre de l’impôt sur le revenu, trois millions de ménages supplémentaires verront leur pouvoir d’achat accru par une nouvelle baisse de la fiscalité. Cette action en faveur des Français aux revenus modestes ou moyens tranche avec la volonté de la droite qui a encore, et sans aucune surprise, réaffirmé cette année sa volonté de supprimer l’impôt de solidarité sur la fortune. C’est sa seule proposition pour ce PLF.

M. Damien Abad. Vous êtes vraiment caricatural !

M. Romain Colas. Ce seul exemple souligne à quel point, au-delà de ce qui nous sépare s’agissant de la crédibilité de la gestion, gauche et droite n’ont définitivement pas les mêmes priorités en matière de justice fiscale et de redistribution.

M. Alain Chrétien. Parlez de vous, pas de nous !

M. Romain Colas. À cet égard, le débat auquel donnera lieu l’amendement déposé par Jean-Marc Ayrault et par Pierre-Alain Muet sur la fusion de l’IR et de la CSG permettra utilement de réaffirmer que l’ensemble des ménages participent au financement des services publics et de notre protection sociale,…

M. Jean-François Lamour. Pyromanes !

M. Romain Colas. …et que, dans ce cadre, la recherche d’une plus grande équité dans l’effort doit inlassablement mobiliser celles et ceux qui ont placé la justice au cœur de leur engagement. Je sais, monsieur le ministre, que vous faites partie de ceux-là.

M. Damien Abad. Baratin ! Ça sent le maroquin !

M. Romain Colas. Enfin, ce projet de loi de finances est le rendez-vous de la cohérence. La maîtrise des finances publiques, qui ne peut à elle seule tenir lieu de politique, se conjugue avec le réarmement de notre appareil productif, trop longtemps délaissé, et la réaffirmation de notre modèle social. Nous avons fait le choix ambitieux de donner de nouvelles marges de manœuvre au tissu économique. C’est en cohérence avec cet objectif que ce budget propose de franchir une nouvelle étape pour le renforcement de la compétitivité des entreprises. Il nous appartient de poursuivre sur la voie tracée tout en ayant à l’esprit l’ampleur des efforts consentis par les Français pour contribuer au redressement de notre économie. Ces efforts ne peuvent constituer des blancs-seings sans contreparties, mais devenir les catalyseurs d’une volonté qui doit être pleinement partagée par toutes les parties prenantes : celle de faire gagner le pays dans la bataille pour l’emploi et de faire progresser la France sur l’échiquier économique international.

M. Michel Sapin, ministre. Exactement.

M. Romain Colas. La cohérence, c’est également d’assumer avec détermination les priorités qui sont les nôtres en matière de services publics. Ainsi, l’éducation, Guillaume Bachelay vient de le rappeler, est redevenu le premier budget de la nation, et ses moyens seront cette année encore accrus pour accompagner le vaste mouvement de refondation de l’école républicaine.

La sécurité des Français, qu’il s’agisse des moyens dévolus aux forces de l’ordre – cela change du passé – ou aux forces armées, dispose, elle aussi, dans la ligne des engagements pris, de moyens nouveaux.

La cohérence, c’est aussi soutenir les collectivités locales qui irriguent notre territoire.

M. Damien Abad. Vous les avez étranglées !

M. Romain Colas. Si celles-ci doivent concourir à la réduction de la dépense publique, elles doivent aussi être soutenues dans leur action pour relever les grands défis de notre temps, je pense notamment à la transition énergétique ou à l’avènement de la société numérique. Le Gouvernement propose la création d’un fonds d’investissement d’un milliard d’euros. Je souhaite que notre débat, monsieur le ministre, nous permette d’avancer dans le sens d’un soutien toujours plus pertinent aux territoires qui s’engagent pour soutenir l’activité et répondre aux enjeux du moment.

Efficacité, justice, cohérence : tels sont les traits de ce budget. Il nous appartient collectivement de leur donner corps dans nos échanges et par nos votes, et de permettre aux Français de percevoir le sens de notre action,…

M. Damien Abad. Y a du boulot ! Ils ne vont pas être déçus !

M. Romain Colas. … toute entière tournée vers la maîtrise de notre destin commun, le renforcement de notre pacte social et républicain, la préparation de l’avenir ; bref, vers le progrès. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-François Lamour.

M. Michel Sapin, ministre. Lamour, au sabre !

M. Jean-François Lamour. Je vais laisser mon arme au fourreau. (Sourires.)

Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, madame la rapporteure générale, mes chers collègues, caramba ! Encore raté ! Exercice après exercice, vous ratez votre cible, monsieur le ministre : celle du retour à la croissance et de la baisse du chômage. Et notre rapporteure générale a montré que vous êtes incapable de documenter les 16 milliards d’économies que vous nous annoncez dans votre budget pour cette année. Mais ce défaut de sincérité budgétaire ne me surprend pas beaucoup ! Il est symptomatique de votre incapacité à redresser effectivement les comptes publics, et surtout à financer les priorités que vous avez vous-mêmes établies !

Je me concentrerai pour ma part sur le budget de la défense, qui est mis en péril par un certain nombre de malfaçons, en contradiction avec la loi de programmation militaire que nous avons votée cet été ! Mais avant même d’évoquer l’exercice 2016, il faut parler de l’exercice en cours. Car si les financements font défaut cette année, le report de charges sera aggravé pour le nouveau point d’entrée de la LPM. Il était en effet prévu que les recettes exceptionnelles attendues des ventes des bandes de fréquences de 700 mégahertz seraient remplacées cette année par des crédits budgétaires, autour de 2 milliards d’euros, destinés à acquérir les matériels de transport et d’armement indispensables à nos armées. Ce n’est donc pas un détail. Cependant, à l’heure où nous débattons, il n’y a toujours pas eu de budget rectificatif. Je vous demande, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, de me fournir aujourd’hui des éléments de réponse sur ce point.

Je souhaite également aborder deux sujets qui me paraissent absolument primordiaux pour la préparation du budget 2016.

Premier sujet : la LPM actualisée a prévu un milliard d’euros redéployés au bénéfice des opérations d’armement, du fait de l’évolution favorable des indices économiques – ce qu’on appelle « les coûts de facteurs ». Il s’agit des économies que l’État peut espérer sur, par exemple, le prix des carburants et des matières premières. J’avais dit, lors de l’examen du projet de la LPM, que ces économies me paraissaient surévaluées. À titre d’exemple, le poste « carburants opérationnels » représente environ 500 millions d’euros par an, et, en 2014, les économies sur ce poste n’ont atteint que 35 millions d’euros. Avouez qu’on est loin tout de même du milliard d’euros d’économies attendu en cinq ans sur les coûts de facteurs ! Où allez-vous les trouver ? Pouvez-vous nous préciser la ventilation de ces fameux gains de pouvoir d’achat dans la mission « Défense », alors qu’ils ne sont, eux non plus, absolument pas retracés dans les documents budgétaires ?

Un autre sujet essentiel est celui de nos infrastructures de défense, c’est-à-dire les bases terrestres, navales et aériennes, tout ce qui permet d’accueillir les hommes et les matériels dans de bonnes conditions, Le budget 2016 prévoit un peu plus d’un milliard d’euros, notamment pour le maintien en condition de l’existant, dont 200 millions d’euros devant provenir de la cession d’emprises immobilières laissées par le ministère, en particulier à l’occasion de son transfert vers Balard. La présentation de la mission « Défense » indique que cette somme sera « en grande partie alimentée par la cession d’emprises parisiennes ». Mais en ce cas, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, vous allez devoir nous préciser les choses ! Car sur les quatre emprises parisiennes, deux ont déjà été vendues – l’ensemble Bellechasse en 2014 et la caserne de La Pépinière cette année –, et les deux restantes, à savoir l’Hôtel de l’Artillerie et l’îlot Saint-Germain, posent plusieurs questions qui ne sont aujourd’hui pas résolues. S’agissant de l’hôtel de l’Artillerie, valorisé à environ 100 millions d’euros, vous êtes toujours en négociation avec Sciences Po dont le directeur vient de déclarer, pas plus tard que la semaine dernière, que ce chiffre était erroné et que la valeur du bien, en cours d’expertise par les services de l’État, était moindre.

M. Jean-Louis Dumont. Il vaut 120 millions !

M. Jean-François Lamour. En tout état de cause, si cette vente est réalisée en temps utile, elle rapportera dans le meilleur des cas à peu près 100 millions d’euros et en aucun cas les 200 millions espérés pour 2016. D’où ma question : où trouverez-vous les 100 millions restants ? Car, vous en conviendrez, monsieur le ministre, la vente de l’Îlot Saint-Germain n’est pas pour tout de suite tant elle soulève un grand nombre d’interrogations du fait de la volonté de Mme Hidalgo de réaliser 50 % de logements sociaux sur cette parcelle. La valeur de cet ensemble prestigieux, d’abord estimée à 320 millions d’euros, devra, semble-t-il, faire l’objet d’une nouvelle évaluation par France Domaine. Avec le président de la commission des finances, nous avons écrit à France Domaine pour lui demander quelle était la valeur de ce bien, et ce service a été évidemment dans l’incapacité de nous répondre.

Je compte donc sur vous, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, pour éclairer ces trois points dont je crains qu’ils ne portent une ombre de plus sur un budget qui doit être parfaitement clair pour nos armées comme pour l’ensemble de nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Vergnier.

M. Michel Vergnier. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des finances, madame la rapporteure générale, mes chers collègues, avant d’aborder quelques réflexions concernant les collectivités locales, je voudrais à mon tour souligner la cohérence et les avancées contenues dans ce projet de budget. C’est effectivement, comme vous l’aviez annoncé, un budget qui ne trahit pas les engagements que vous aviez pris. « Dire ce que l’on fait ; faire ce que l’on dit », en un mot : redonner du sens à la parole politique.

Ce budget poursuit les efforts de la mise en œuvre du plan d’économies de 50 milliards d’euros, indispensable pour préserver l’avenir.

Personne ne peut raisonnablement s’opposer à une telle orientation, d’autant plus qu’elle ne se fait pas au détriment de priorités énoncées et, là aussi, tenues : la sécurité, la défense, la justice, la culture et l’éducation bénéficieront de moyens supplémentaires. Cela relève non seulement d’engagements tenus, mais aussi d’impérieuses nécessités.

Dans ce domaine, comme dans d’autres, l’héritage a été lourd (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains) – et nous ne l’avons sans doute pas assez dit, non comme un élément de polémique permanente entre une majorité et une opposition,…

M. Damien Abad. Ah non ?

M. Michel Vergnier. …mais comme une analyse concrète et objective.

M. Laurent Furst. Dont vous êtes capables !

M. Michel Vergnier. Tout ne peut se résoudre uniquement par des créations d’emplois, mais il y a danger à sous-doter certains secteurs et à ajouter à cela une suppression totale de formation professionnelle, comme cela a été le cas dans l’éducation nationale sous le quinquennat précédent. « Il est des dépenses de fonctionnement qui sont des investissements pour l’avenir » disait René Teulade. C’est le cas de ces secteurs et de certaines priorités. Le sérieux financier, oui, mais l’humain d’abord ! (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Les engagements de baisses d’impôts sont également respectés; et comment ne pas apprécier que deux tiers des foyers soient concernés par une mesure de justice sociale ? Les avancées se font dans le dialogue et la transparence. Je m’en réjouis.



C’est dans cet esprit que je veux aborder succinctement, car le projet n’est pas abouti, le sujet de l’effort demandé aux collectivités territoriales. Je le redis : certaines d’entre elles disposant de faibles ressources, l’effort est trop important et trop peu étalé dans le temps.



Cependant, le dialogue existe. Je suis bien placé pour le savoir et je m’en réjouis. Les avancées qui sont intervenues grâce à nos échanges ne sont pas négligeables. Je veux parler, bien sûr, du fonds d’1 milliard d’euros de soutien à l’investissement…

M. Alain Chrétien. C’est 150 millions d’euros, pas 1 milliard !

M. Michel Vergnier. …ou de l’élargissement de l’assiette de récupération de la TVA. Ces mesures devront sans doute être précisées et quelque peu étendues. Des amendements votés par la commission des finances seront proposés.

Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, ce qui me semble le plus important est bien d’avoir accepté dès cette année de commencer la réforme de la dotation globale de fonctionnement – DGF. Auparavant, on proposait essentiellement des ajustements, des mesures dites d’équilibre. Plus personne n’y comprenait rien. Si les intentions n’étaient pas forcément mauvaises, les résultats ne faisaient qu’accentuer le caractère illisible de cette dotation – à tel point, d’ailleurs, qu’obtenir des renseignements précis sur tel ou tel point devenait hasardeux.

Vous avez donc décidé – et convenez que j’ai souvent réclamé cette clarification – de vous attaquer au problème. C’est courageux, mais le courage en politique est toujours apprécié.

Jean Germain, pour qui nous avons une pensée affectueuse, et Christine Pires Beaune ont bien travaillé : nous aurons bientôt l’occasion de débattre de ce sujet. Aucun esprit polémique ni frondeur ne m’anime, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État,…

M. Alain Chrétien. C’est suspect !

M. Michel Vergnier. …juste le sens des responsabilités et la connaissance à peu près parfaite des budgets dont j’ai la charge. Respecter les engagements pris en conscience est une doctrine que je m’applique, même si cela doit me conduire à des échanges un peu tendus avec mes amis. Je ne confonds rien, je n’oublie pas ce qui s’est passé avant, et je regarde ce que d’autres promettent pour après, au cas où !

M. Laurent Furst. C’est bientôt !

M. Michel Vergnier. Je ne mène pas de combats contre quelque chose ou contre quelqu’un, mais des combats pour : pour le développement des territoires, pour un investissement soutenu, porteur de projets pour les entreprises, pour les emplois induits, donc pour un projet porteur de croissance.

Nous ne sommes pas des dépensiers inconscients. Chaque euro emprunté est rendu à la population. Chaque euro investi est utile à la vie journalière des habitants de nos collectivités. Chaque salarié de nos communes est en face de la population, quel que soit le service où il travaille : l’état civil, l’entretien, l’enfance, la jeunesse, le personnel, l’urbanisme.

Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, je partage votre engagement et je veux vous faire partager celui de nombreux élus que je connais bien et qui ne passent pas leur temps à se plaindre par principe, mais parce qu’ils sont inquiets.

Je ne doute pas que nous trouverons ensemble, même s’il est étroit, le chemin qui mène à la réussite collective,…

M. Laurent Furst. Le chemin qui mène à la sortie !

M. Alain Chrétien. Le chemin de croix !

M. Michel Vergnier. …celle que je souhaite de tout mon cœur, dans une vision politique des choses où seul compte l’intérêt général. C’est le sens de mon engagement, mais c’est aussi le sens de mon exigence. C’est ainsi que la parole politique restera crédible. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Arlette Grosskost.

Mme Arlette Grosskost. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des finances, madame la rapporteure générale, mes chers collègues, vous nous avez annoncé un budget sans surprise. La réalité dépasse la fiction, car les failles qui y sont détectées une nouvelle fois le rendent peu audible. On y trouve ce mélange détonnant de cadeaux médiatisés et de restrictions grappillées par-ci par-là, plus destiné à rassurer Bruxelles ou les marchés financiers. À tout le moins, le budget est bien plus politique que financier !

Il en est ainsi des 16 milliards d’euros d’économies très peu renseignés, à telle enseigne que flottent toujours 3 milliards d’euros. De plus, est-il besoin de rappeler, pour la bonne compréhension, qu’il s’agit non d’économies sèches, mais bel et bien d’économies par rapport à un tendanciel d’évolution spontanée ? Ainsi, en 2015, 21 milliards d’euros d’économies étaient annoncés. Les économies réalisées se sont élevées à seulement 18,6 milliards.

Les prévisions gouvernementales de croissance, et concomitamment la baisse du déficit, sont intéressantes. Je souhaite très sincèrement leur réalisation. Pour autant, les aléas de la conjoncture économique ne permettent pas d’être aussi affirmatifs que le Gouvernement. Il en est de même des rentrées fiscales, qui apparaissent surévaluées.

Mme Christine Pires Beaune. Si même Mme Grosskost le dit...

Mme Arlette Grosskost. Cette baisse des rentrées s’explique aisément, puisqu’elle est la conséquence inéluctable du comportement de certains contribuables, qui, pressurés par une surfiscalisation confiscatoire, alignent leurs temps de travail. Nous avons dépassé de très loin le « travailler plus pour gagner plus ».

Au nom d’un social-dogmatisme, vous annoncez une baisse des impôts des ménages à faible revenu.

M. Hugues Fourage. Il ne faut pas le faire ?

Mme Arlette Grosskost. Permettez-moi de rappeler que la fiscalité des ménages a augmenté de 18 milliards d’euros au cours des trois derniers projets de loi de finances. Avec un taux de prélèvement obligatoire élevé à 44,5 % du PIB, les classes moyennes et supérieures trinquent, car les fruits de la croissance, bien qu’annoncés, ne sont toujours pas au rendez-vous.

L’impôt devient très concentré. À cela s’ajoute l’augmentation des mesures passées qui continuent à peser sur le budget des ménages : hausse de la taxe carbone ; contribution au service public de l’électricité – CSPE – ; hausse des cotisations retraite. Quant à l’aide personnalisée au logement – APL –, une refonte totale du dispositif ne serait-elle pas plus efficace qu’un simple rabot de 185 millions d’euros ?

En réalité, votre générosité fiscale est à nouveau financée à crédit, d’autant que tous vos engagements budgétaires pèseront de plus en plus dans la dette future. Vous nous présentez ce budget comme celui des promesses tenues. Votre analyse est pour le moins sélective ! (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Où sont la stabilité et la visibilité fiscales, que d’aucuns, dans votre propre groupe, entendent en permanence bouleverser ? Où est l’inversion de la courbe du chômage ?

Les Français perdent patience. Ainsi, la dépense fiscale est supérieure de 1,2 milliard d’euros au montant prévu dans la loi de programmation des finances publiques.

Quant à la prime pour l’emploi – 2 milliards d’euros de dépenses – transformée en prime d’activité, c’est là un bel artifice pour masquer la réalité des dépenses, ou encore une façon grossière de cacher la hausse non maîtrisée de vos crédits d’impôts, dont vous aviez promis la limitation.

Sans parler de l’amendement proposé en commission des finances qui ouvrirait la porte à la fusion de l’impôt sur le revenu et de la contribution sociale généralisée – CSG –, pour rendre l’impôt davantage progressif, hérésie s’il en est !

Par ailleurs, le chômage des jeunes ne cesse d’augmenter : La France comptait ainsi 100 000 nouveaux jeunes sans emploi depuis avril 2012. Les contrats de génération, les emplois d’avenir, tous ces contrats subventionnés n’ont été qu’un sparadrap, alors que 300 000 emplois seraient non pourvus en France…

Dans un premier temps, vous avez choisi de sacrifier l’apprentissage, qui est pourtant un formidable vecteur d’intégration dans l’emploi. Doucement, vous revenez à meilleure décision, ayant compris votre erreur. Où est la logique ?

Les expériences reçues de nos pays limitrophes ont très peu servi – ces pays dans lequel un apprenti peut devenir sans problème le patron d’une grande entreprise.

La réforme territoriale, qui va bousculer l’organisation administrative et la gestion des crédits liés à l’apprentissage, saura-t-elle répondre au plus d’apprentis ? Voilà trois années que vous êtes aux affaires, et malgré des taux d’emprunt exceptionnellement bas, les critères de Maastricht ne sont toujours pas respectés, la croissance est atone, l’investissement est en berne, notre endettement est inquiétant.

Aucune réforme de fond n’est visible. Bien au contraire, le nombre de fonctionnaires repartira à la hausse. Espérons cette fois-ci que la trésorerie sera suffisante pour assurer leur paye !

La Chine, l’Inde, les pays émergents, posent problème. L’onde de choc de ces économies ne peut être écartée. Dans un tel contexte, une politique n’envisageant que le court terme est particulièrement dangereuse. J’en veux pour preuve une remontée des taux prévisible. Quid des 187 milliards d’euros d’émissions de dette sur les marchés, qui risquent de déraper ?

De surcroît, la confiance en notre économie est ternie par une ambiance sociale déplorable. Où est la France apaisée ? Dans une telle ambiance, comment nos entreprises auront-elles à cœur d’ouvrir la voie de l’embauche et des recettes publiques ?

Plus spécifiquement, un amendement à l’article 20 prévoit une contribution sur les passagers de l’aéroport de Bâle-Mulhouse dont les contours sont très flous, et sans étude d’impact.

Monsieur le ministre, pouvez-vous confirmer que la mise en place de cette contribution est subordonnée à la signature de l’accord global comportant plusieurs points et actuellement en négociation ? À défaut, le groupe nous ne saurions accepter cet amendement. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Fauré.

M. Alain Fauré. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des finances, madame la rapporteure générale, mes chers collègues, comme chacun peut le constater, le projet de loi de finances pour 2016 s’inscrit dans la droite ligne des débats de présentation du programme de stabilité et du budget triennal 2015-2017 présenté en avril 2014.

Dans ce contexte, les engagements pris depuis 2012 par le Gouvernement sont tenus, et le choix affiché pour le budget 2016 consiste à les poursuivre s’agissant de l’assainissement des comptes publics, de la diminution de la charge fiscale pour les plus modestes, de la création d’emplois dans l’éducation nationale et du soutien à la croissance économique.

Nous tenons nos engagements en maîtrisant la dépense publique, tant en pourcentage du PIB, soit 3,3 % de déficit pour 2016, qu’en euros sonnants et trébuchants. La dépense publique diminuera de 16 milliards d’euros en 2016,…

M. Alain Chrétien. C’est faux ! C’est une augmentation de 14 milliards d’euros !

M. Alain Fauré. …et le déficit structurel devrait ainsi passer sous le seuil de 1,2 %. Sur ces 16 milliards d’euros d’économies réalisées par rapport à l’évolution spontanée des dépenses publiques, 5,1 milliards devront l’être par l’État, 7,4 milliards par l’assurance maladie et les régimes sociaux et 3,5 milliards par les collectivités territoriales.

En tant qu’élu de terrain, je sais que cet effort est difficile à conduire sur nos territoires.

M. Jean-Luc Laurent. Exact !

M. Alain Fauré. C’est pourquoi il s’accompagnera de plus de justice dans l’attribution des dotations de l’État, notamment avec la réforme de la DGF qui sera conduite dans le courant de l’année 2016, suite aux recommandations du rapport de Mme Pires Beaunes…

M. Hugues Fourage. Très bien !

M. Alain Fauré. ...et à la volonté du Président de la République, pour plus de justice dans ce domaine.

J’ai mesuré au cours des auditions que nous menons dans le cadre de la commission d’enquête visant à évaluer les conséquences sur l’investissement public et les services publics de proximité de la baisse des dotations de l’État aux communes et aux EPCI que les élus sont force de proposition pour mutualiser les services et les investissements au sein de regroupements de collectivités.

Tout cela va dans le bon sens, la contrainte budgétaire doit être perçue positivement : elle oblige à la réflexion, au changement des habitudes et à la remise en cause pour plus d’efficacité. L’effort demandé est de 7 % sur les dotations. Il sera atténué par une aide à l’investissement d’1 milliard d’euros pour les communes et les intercommunalités…

M. Alain Chrétien. Non, pas 1 milliard d’euros ! C’est 150 millions d’euros.

M. Alain Fauré. …afin de financer les grandes priorités d’investissement, le numérique par exemple.

Je rappelle à mes collègues de l’opposition que leur projet politique propose une diminution de 9 milliards d’euros par an.

M. Alain Chrétien. Plus que ça : 100 milliards sur cinq ans !

M. Alain Fauré. Alors, chers collègues, soyez téméraires : dès maintenant, soutenez ce que nous proposons, puisque c’est bien inférieur à votre projet, et donc plus supportable pour les collectivités ! Hélas, vous dites le contraire lorsque vous vous déplacez dans vos circonscriptions. Attention au grand écart : les adducteurs pourraient en souffrir !

Plusieurs députés du groupe Les Républicains. Parole de spécialiste !

M. Alain Fauré. Nous tenons par ailleurs nos engagements auprès des familles aux revenus moyens et modestes, comme promis, en diminuant l’impôt sur le revenu.

Mme Marie-Christine Dalloz. Ah non, pas celui des familles aux revenus moyens !

M. Alain Fauré. Au total, ce sont plus de 9 millions de familles qui verront leur impôt baisser, pour une somme de 2 milliards d’euros.

Nous tenons également nos engagements de création d’emplois dans l’éducation nationale, ne vous en déplaise : 35 225 postes déjà créés depuis 2012, auxquels s’ajouteront 10 850 postes en 2016.

M. Philippe Le Ray. C’est génial ! Tout va bien !

M. Alain Fauré. La rentrée scolaire de 2015 s’est très bien passée. Il y a longtemps que cela n’était pas arrivé. Celle de 2016 devrait se passer encore mieux, vu les efforts entrepris : nous nous en glorifions. (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Le budget pour l’enseignement scolaire connaîtra une augmentation de 517 millions d’euros par rapport à 2015, soit un budget de 47,99 milliards d’euros pour 2016. Nous poursuivrons les réformes du premier degré et du second degré, en consacrant une somme importante à la formation des enseignants – qui atteint une ampleur jamais vue au cours des soixante-dix dernières années.

M. Serge Grouard. Que d’autosatisfaction… Un peu de modestie, s’il vous plaît !

M. Alain Fauré. Cet investissement est celui dont nous pouvons être le plus fiers, car il permettra à notre pays, dont la démographie est aujourd’hui encore dynamique, de poursuivre son développement dans le temps. Tout cela dans le but de bâtir la France de demain et de permettre aux jeunes de mieux réussir leur vie d’adulte.

M. Serge Grouard. Ah oui ? Avec 2 millions de jeunes au chômage ?

M. Alain Fauré. Nous poursuivons en outre notre soutien à l’économie, à hauteur de 33 milliards d’euros, avec les mesures de soutien aux entreprises, découlant du CICE, du Pacte de responsabilité et de solidarité, des allégements et d’autres mesures favorables aux TPE et PME.

M. Philippe Le Ray. Allez donc les voir, les entreprises !

M. Alain Fauré. Leurs effets se font sentir : le solde de créations d’entreprises est largement positif. (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Eh oui, chers collègues, et cela contrairement à ce que l’on avait pu connaître jusqu’en 2013 !

Il en va de même pour les créations d’emplois.

Vous comprendrez donc que je soutienne le budget 2016 proposé par le Gouvernement. Ce budget est construit sur des bases réalistes et solides : une croissance de 1,5 %, une évolution des taux d’intérêt de 2,4 % et une inflation de 1 %.

Je le soutiens aussi parce qu’il conforte l’État dans son rôle régalien : l’éducation, la sécurité, la défense, la justice,…

M. Paul Salen. La justice sociale ?

M. Alain Fauré. …la culture bénéficieront de moyens financiers et humains plus importants. C’est assurément contribuer à l’unité et à la sauvegarde de la République.

M. Jean-Yves Caullet. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Damien Abad.

M. Damien Abad. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des finances, madame la rapporteure générale, mes chers collègues, bien que l’on affirme souvent que le présent projet de loi de finances est creux, voire inutile, bref qu’il ne contient pas grand-chose, je lui trouve un mérite : il remet le soldat Ayrault sur le devant de la scène – certes quelque peu malencontreusement –, avec sa proposition de fusion de l’impôt sur le revenu avec la CSG. Cette proposition est, il faut bien le dire, une négation de la valeur travail !

Mme Marie-Christine Dalloz. Bravo !

M. Damien Abad. Je ferai trois critiques à un projet de loi de finances qui ressemble fort à un conte de fées.

En premier lieu, il faudrait considérer que ce budget est sincère, alors qu’il s’agit en réalité d’un trompe-l’œil. D’abord, comme le souligne la Cour des comptes, les objectifs relatifs au déficit seront difficilement atteignables, mais le trompe-l’œil concerne aussi une hypothèse de croissance bien fragile qui, comme l’a souligné le président de la commission des finances, dépendra surtout de nos capacités et de notre niveau d’investissement. Trompe-l’œil enfin, puisque, si vous annoncez 16 milliards d’euros d’économies, un quart de cette somme apparaît peu ou pas documentée.

Ma deuxième critique concerne la fiscalité. Avec vous, on a d’abord connu le détricotage fiscal, puis le matraquage fiscal ; on en vient maintenant à l’illusionnisme fiscal, qui consiste à faire croire aux Français que les impôts diminuent, alors que le taux de prélèvements obligatoires reste constant. Or, monsieur le ministre, nul besoin d’avoir fait l’ENA pour constater que si le taux de prélèvements obligatoires reste constant alors que certains impôts baissent, c’est que d’autres augmentent – ainsi, la contribution climat-énergie et la contribution au service public de l’électricité.

M. Razzy Hammadi. Vous n’avez pas fait l’ENA, mais ce n’est pas tout à fait cela…

M. Damien Abad. Force est aussi de constater que vous concentrez l’impôt sur les classes moyennes, que vous n’aimez décidément pas, alors qu’elles sont les seules à pouvoir prendre l’ascenseur social.

La troisième critique concerne le rythme et l’ampleur de l’effort demandé aux collectivités territoriales. Que l’on soit à Époisses, en Côte-d’Or, ou à Évosges, dans l’Ain, partout la dotation globale de fonctionnement va diminuer, et de manière extrêmement forte : 11 milliards d’euros en moins. La Cour des comptes elle-même le dénonce, car les collectivités locales sont les premiers investisseurs : 70 % de l’investissement public provient d’elles. Or vous le savez : moins d’investissements, c’est moins de croissance et moins d’emplois.

Nous aurons l’occasion d’en débattre lors du congrès des départements de France, mais en tant que président du département de l’Ain, je peux vous dire que nous allons subir un effet de ciseau, avec, d’un côté, la baisse des dotations et, de l’autre, l’explosion des dépenses sociales. Nous attendons donc de vous des gestes forts, notamment s’agissant de l’explosion des allocations sociales, comme le RSA.

Un seul point positif est à noter dans ce projet de loi de finances : l’article qui prévoit l’augmentation du plafond du Fonds de soutien – sujet essentiel. Nous devons aller encore plus loin, grâce à la Commission consultative d’évaluation des normes, afin de bien isoler comptablement l’indemnité pour remboursement anticipé, de manière à éviter d’augmenter l’encours de dettes des collectivités territoriales.

En définitive, que montre ce budget ? Qu’il n’y a pas de cap, ni de vision, et surtout qu’il n’y a plus de courage politique – mais cela fait longtemps que c’est le cas. Vous nous demandez ce que nous proposons et les grandes réformes structurelles que nous envisageons. De fait, le rôle de l’opposition est bien évidemment de s’opposer, mais aussi de donner des orientations et des pistes. En la matière, trois principes doivent nous guider.

Le premier est celui de la stabilité fiscale. Sur les bancs du groupe Les Républicains, nous regrettons votre décision de reporter de trois mois les allégements de charges sociales pour les entreprises. L’investissement, c’est la confiance ; or les entreprises ont perdu celle-ci, de même que les ménages, et les collectivités territoriales sont en train de la perdre à leur tour.

Le deuxième principe est celui de la justice fiscale. Nous croyons en l’universalité de l’impôt. Ce serait une erreur de se satisfaire qu’il y ait aujourd’hui moins de contribuables qui paient l’impôt sur le revenu qu’hier. Le but de l’impôt sur le revenu, c’est que chacun le paie en fonction de ses capacités contributives – et c’est le sens que nous devons donner à la société française.

M. Laurent Furst. Bravo !

M. Damien Abad. Le troisième principe est celui de la compétitivité de l’impôt. Oui, nous condamnons le fait que vous ayez remis en cause la TVA sociale proposée par l’ancienne majorité. Oui, nous devons stabiliser l’impôt sur les sociétés. Oui, nous devons revoir la taxation sur le patrimoine dans notre pays.

En définitive, on voit bien qu’il s’agit d’un budget creux, d’un projet de loi de finances vide, avec des économies en trompe-l’œil, une concentration de l’impôt et une trop brutale diminution des dotations de l’État aux collectivités territoriales. Vous l’aurez compris : ce n’est pas l’heure du « Grand soir » fiscal, c’est celle des grands déboires fiscaux pour la majorité !

La clé, c’est la relance de l’investissement et, d’abord et avant tout, celle de nos valeurs : à savoir, le mérite, l’effort, la responsabilité, les libertés. Un budget, ce n’est pas uniquement des chiffres et des documents comptables, c’est aussi une vision de la société. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. Razzy Hammadi.

M. Razzy Hammadi. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des finances, madame la rapporteure générale, chers collègues, en effet, un budget, ce n’est pas que des chiffres, c’est aussi des choix – et ces choix, nous les assumons, avec notre sensibilité politique, qui est différente de la vôtre, chers collègues de l’opposition, mais nous les assumons dans ce débat, et aussi en fonction des contraintes que nous avons réussi à lever. Or ce budget-ci est précisément un budget qui nous permet de faire des choix : c’est un budget de souveraineté.

Faut-il rappeler que notre retour au pouvoir s’est fait sous l’épée de Damoclès de la surveillance européenne et des perspectives de sanction ? Or, aujourd’hui, nous débattons, nous, élus du peuple, dans un Parlement souverain, sans cette menace au-dessus de nos têtes : c’est un fait !

M. Michel Sapin, ministre. C’est vrai !

M. Razzy Hammadi. Si nous y sommes parvenus, c’est que nous avons essayé de concilier les différents impératifs et que nous avons réussi à suivre nos priorités…

M. Patrick Mennucci. Absolument !

M. Razzy Hammadi. ...sans crier, sans verser dans la polémique inutile ou la démagogie. Ces choix, c’étaient la maîtrise des dépenses et la réduction des déficits publics : ceux-ci ont baissé. On peut faire mentir les manchettes de journaux, on peut faire mentir la parole délivrée du haut de la tribune afin d’égayer le débat public, mais on ne peut pas faire mentir les chiffres,… (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. Julien Aubert. Oh que si !

M. Patrick Mennucci. Ils l’ont fait pendant dix ans : ce sont des spécialistes !

M. Razzy Hammadi. …surtout lorsqu’ils sont validés à tous les échelons de la supervision financière et budgétaire, au plan international comme européen !

Ce gouvernement a donc réduit les déficits, et il l’a fait tout en fixant des priorités : l’éducation, la sécurité, la santé – surtout quand on voit dans quel état certains hôpitaux avaient été laissés en 2012. Mais l’amélioration de la santé a aussi eu des répercussions sur le portefeuille de chacun de nos concitoyens, la France étant le seul pays de l’Union européenne à avoir vu diminuer la dépense contrainte des ménages pour se soigner.

M. Julien Aubert. Quelle chance !

M. Razzy Hammadi. Eh oui, quelle chance, surtout quand, comme beaucoup de nos concitoyennes et de nos concitoyens, on a connu la maladie tout en ayant des revenus modestes ; vous devriez vous en réjouir au lieu de vous moquer !

Il y a donc des choix et des priorités, y compris en matière de baisse des impôts. Car c’est un fait : nous sommes de gauche.

M. Julien Aubert. Cela dépend des jours !

M. Razzy Hammadi. Alors oui, nous l’assumons et le revendiquons : les impôts ont augmenté pour une minorité de foyers, notamment les plus favorisés, mais ils ont baissé, et continueront de baisser, pour une grande majorité de foyers, notamment les plus modestes et les classes moyennes, à hauteur de 5 milliards d’euros en deux ans.

M. Laurent Furst. Et le chômage n’a jamais autant augmenté !

M. Razzy Hammadi. La France est le seul pays européen, à PIB et budget comparables, à l’avoir fait !

M. Julien Aubert. C’était avant les 35 heures ?

M. Razzy Hammadi. Et puisque vous aimez les comparaisons, sachez qu’elle est le seul pays de l’Union européenne qui arrive à réduire son déficit tout investissant des milliards dans des priorités qui sont loin d’être anodines, comme l’éducation.

M. Jean-François Lamour. C’est Merlin l’enchanteur !

M. Razzy Hammadi. C’est l’élu de la Seine-Saint-Denis qui vous parle, un département où l’on peut aujourd’hui, pour la première fois depuis dix ans, voir un enseignant devant chaque classe ; vous seriez aussi heureux que moi si l’un de vos enfants était dans l’une de ces classes…

M. Patrick Mennucci. Tu parles ! Ils les mettent dans le privé !

M. Razzy Hammadi. …après ne pas avoir eu d’enseignant au cours des années précédentes en raison des coupes budgétaires aveugles que vous avez réalisées !

M. Jean-François Lamour. Oh, arrête ton numéro !

M. Razzy Hammadi. Si un budget est une question de choix, c’est aussi une affaire de comparaisons – car la discussion budgétaire permet de confronter différentes propositions, dans le cadre d’un débat démocratique sain et utile. Or qu’avons-nous comme alternative ? M. Fillon propose 110 milliards d’économies – les chiffres varient selon les jours. (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. Serge Grouard. Non, cela ne dépend pas des jours !

M. Alain Chrétien. Ça va mal finir, cette histoire !

M. Razzy Hammadi. Nicolas Sarkozy – qui n’est pas un simple candidat à la primaire, mais le président de votre parti – proposait quant à lui, en mars 2015, 140 milliards d’économies dans Le Figaro ; mais il a dû se raviser ensuite, et surtout comprendre que la primaire à droite ne se gagnerait pas sur le montant des économies à réaliser. (Mêmes mouvements.)

M. Julien Aubert. Et Ayrault, que propose-t-il ?

M. Razzy Hammadi. En septembre, il revenait donc à 100 milliards.

M. Alain Chrétien. Pourquoi ne parlez-vous pas de vos propositions, à vous ? Faites la promotion de votre parti !

M. Razzy Hammadi. Quant à Nathalie Kosciusko-Morizet ici présente, elle n’est pas en reste : elle propose 100 milliards ! On la savait amatrice de poésie ; de fait, quand on lui demande comment elle compte faire, elle répond : « Avec de profondes réformes structurelles ». Soyons sérieux ! (Mêmes mouvements.)

Plusieurs députés du groupe Les Républicains. Soyez sérieux, vous !

M. Razzy Hammadi. Nous conduisons ici, de manière responsable, un débat budgétaire qui fixe des objectifs avec générosité, fierté, efficacité.

M. Jean-François Lamour. Cinq minutes pour ne rien dire !

M. Razzy Hammadi. Je terminerai par deux choses.

À plusieurs reprises au cours de ce débat, vous avez accusé la majorité et le Gouvernement de n’être pas sincères. Depuis trois ans, c’est toujours la même accusation, mais d’année en année, les hypothèses de croissance, d’inflation et de baisse des déficits sont vérifiées. Le procès en insincérité que vous faites au Gouvernement n’est donc qu’un procès d’intention, qui montre votre mauvaise foi. (Exclamations persistantes sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. Julien Aubert. C’est insupportable !

M. Razzy Hammadi. Quant à l’impôt sur le revenu pour tous, nous y reviendrons plus tard au cours du débat. Baisser les impôts ne veut pas dire les supprimer ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. Serge Grouard. Que c’est creux !

M. Patrick Mennucci. Il a été remarquable !

Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Kosciusko-Morizet.

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des finances, madame la rapporteure générale, mes chers collègues, j’évoquerai la question des dotations aux collectivités territoriales. Vous savez tous que celles-ci se trouvent actuellement dans une situation très préoccupante.

Souvenez-vous : en 2012, l’engagement n54 du candidat Hollande promettait de maintenir les dotations à leur niveau de l’époque. Quelques mois après son élection, pourtant, le Président de la République changeait d’avis et annonçait 750 millions d’euros de réductions en 2014 puis en 2015. Sur ce, ses ministres nous annoncent quelques mois plus tard que finalement, ce ne sera pas 750 millions d’euros de réduction, mais 1,5 milliard d’euros – soit le double.

Mais c’était sans compter sur un nouveau retournement de François Hollande, puisque début 2014, le Président de la République décidait de réaliser 50 milliards d’euros d’économies d’ici la fin du quinquennat – économies que nous n’avons toujours pas vues. Quelques mois plus tard, nous apprîmes que 10 milliards d’euros, puis 11 milliards d’euros seront à la charge des collectivités territoriales.

M. Alain Chrétien. Après les municipales !

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Vous avez raison, cher collègue. 11 milliards d’euros, disais-je, seront à la charge des collectivités, et ces économies-là, elles, seront vraiment faites ! Résultat : alors que les dotations de l’État aux collectivités territoriales devaient être stabilisées sur le quinquennat, elles seront en réalité réduites de 12,5 milliards d’euros. Cette trajectoire est confirmée par le projet de loi de finances pour 2016 que défend aujourd’hui le Gouvernement.

Même la Cour des comptes, mes chers collègues, s’est inquiétée des répercussions de la baisse drastique des dotations de l’État sur les finances des collectivités territoriales. Selon la Cour, la réduction de 11 milliards d’euros entre 2014 et 2017 risque d’aggraver l’effet de ciseau entre dépenses et recettes, un mouvement qui entraînerait aussi un recul de l’épargne brute et des investissements.

Nous n’avons jamais contesté la nécessité de faire des économies, mais en décidant, en si peu de temps, de passer de la stabilité à de telles coupes drastiques, vous mettez tout simplement en péril le fonctionnement même des collectivités territoriales, et au premier chef des communes, qui constituent pourtant l’échelon des services publics de proximité par excellence.

Mes chers collègues, nous atteignons le comble de l’absurdité avec la métropole du Grand Paris, qui malgré un budget en apparence considérable, mais en réalité complètement virtuel du fait des mécanismes de transfert automatique aux territoires, pourrait bien être confrontée à une impasse de 100 millions d’euros dès sa première année de fonctionnement. J’ai d’ailleurs déposé, avec Patrick Devedjian et nos collègues des groupes républicain et centriste, un amendement tendant à obtenir le gel du Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales, le FPIC, dont l’évolution inquiétante représente une charge énorme pour nos collectivités.

M. Hugues Fourage. Non : c’est la solidarité !

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Mes chers collègues, personne ne nie que les intercommunalités et la coopération intercommunale constituent des leviers d’économies au niveau local. Je salue d’ailleurs les élus, qui mettent déjà quotidiennement tout en œuvre, dans leurs communes et leurs intercommunalités, pour faire de cette nécessité une réalité.

Mais la réduction des dépenses ne se décrète pas de manière brutale. On l’atteint petit à petit, en mettant bout à bout des économies, dans une vision de long terme : mutualisation des services publics, non-remplacement progressif d’agents partant en retraite… La réforme qui visait à créer le conseiller territorial représentait d’ailleurs un progrès indéniable, mais par idéologie, parce qu’elle émanait de la droite, vous l’avez abrogée.

M. Alain Chrétien. Nous la referons !

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, à défaut d’avoir le courage politique de conserver les réformes qui n’ont pas été engagées par vous, soyez au moins assez raisonnable pour entendre nos arguments – qui sont aussi ceux de la Cour des comptes – en faveur des collectivités territoriales. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Bernadette Laclais.

Mme Bernadette Laclais. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des finances, madame la rapporteure générale, l’examen de ce projet de loi de finances pour 2016 est un moment important. Comme beaucoup de mes collègues, je note avec satisfaction nombre de propositions qui vont dans le bon sens. Le déficit baisse, et revient en 2016 à son niveau de 2008 ; de ce fait la part de la dette publique dans le PIB se stabilise.

Ce projet de loi de finances choisit de proposer une baisse d’impôts pour les ménages, une baisse pour les entreprises, et des priorités clairement affichées : sécurité, santé, justice, éducation et culture, sans parler des choix du projet de loi de financement de la sécurité sociale, qui sont difficiles à dissocier des choix opérés dans le cadre de ce projet de loi de finances.

La part des prélèvements obligatoires dans la richesse nationale devrait baisser pour la première fois depuis 2009, et une première étape vers le prélèvement à la source est amorcée à partir de 2016. Après trois années d’activité très ralentie, beaucoup d’acteurs économiques s’accordent à reconnaître que l’environnement extérieur est favorable pour soutenir la croissance et l’emploi et que les mesures prises au cours des trois dernières années diffusent dans l’économie.

Pourtant – nous le savons bien – l’emploi n’est pas encore au rendez-vous, et nos PME peinent à se développer et à se financer. Ce défaut de croissance constitue une faiblesse de l’économie française. Or l’emploi se crée non dans les entreprises existantes, mais dans celles qui naissent, et les PME sont massivement à l’origine de la création d’emplois, notamment dans les start-up, qui sont les championnes de la nouvelle économie. Les PME sont par ailleurs plus résilientes aux crises, car elles ont une meilleure réactivité et un meilleur ancrage territorial. Malgré leur rentabilité et la qualité de l’emploi, les PME – je l’ai dit – peinent à croître. Un chiffre illustre cette difficulté : après sept ans d’existence, l’emploi créé par les PME françaises est de 107 % contre 226 % pour les PME américaines. Et je ne parle pas des ETI : 4 300 en France, contre 8 200 au RU et 7 309 en Allemagne.

Nous connaissons les causes du mal : la faiblesse des structures d’investissement en amorçage et en capital-risque, la restriction du crédit bancaire pour les activités à caractère innovant présentant un profil de risque, le manque de culture entrepreneuriale des citoyens. En France, l’investissement est au mieux mal compris, et le plus souvent mal vu. L’investissement dans les PME est perçu comme risqué et est peu liquide. De surcroît, il est réellement difficile de mettre en relation entrepreneurs et investisseurs. Excepté les business angels et le crowdfunding, il n’y a pas de système d’intermédiation organisé.

Permettez-moi de revenir quelques instants sur ces investisseurs de proximité. Je me suis rendu compte encore une fois la semaine dernière que même les membres les plus assidus de votre commission ne semblaient pas connaître leur apport à l’économie réelle, à tel point qu’ils ont été comparés aux chambres consulaires ! J’ai le plus grand respect pour elles, mais elles ne lèvent aucun fonds pour accompagner les entreprises.

C’est là l’une des particularités des investisseurs de proximité : ils investissent une partie de leur patrimoine dans les entreprises locales, ils les accompagnent bénévolement et apportent leurs compétences, leur expérience et leur réseau. L’accompagnement est d’ailleurs aussi important que le soutien financier. Ce n’est pas moi qui le dis : des analyses ont démontré que les entreprises accompagnées par les investisseurs de proximité avaient un tiers de chance de survie en plus au bout de quatre ans.

Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, une étude de novembre 2012 – passée trop inaperçue – de la direction générale de la compétitivité, de l’industrie et des services – la DGCIS, devenue depuis septembre 2014 la DGE, direction générale des entreprises, ce qui ne change rien à la pertinence de ses travaux – concluait : « Les sociétés accompagnées par les business angels créent plus d’emplois que les autres sociétés. Ces sociétés misent davantage sur un projet, prennent plus de risques. Elles embauchent plus que les autres. Elles contribuent également plus à l’investissement et à l’innovation. La durée de l’accompagnement par les business angels se révèle être le principal facteur explicatif des écarts de performance. »

C’est pourquoi j’insiste sur l’intérêt qu’il y a, particulièrement aujourd’hui, à tout mettre en œuvre pour favoriser l’épargne citoyenne de proximité – car c’est bien de cela que je parle – pour la croissance et le développement de nos territoires. Au moment où l’argent public est rare, l’épargne privée doit être ciblée vers les PME. Les outils traditionnels et professionnels ne peuvent répondre à ce besoin pour des raisons structurelles. Pour mémoire, si 5 % de l’épargne de nos concitoyens était mobilisée à cet effet, cela représenterait 200 milliards d’euros de financement en fonds propres. Le développement des circuits courts et d’une démarche citoyenne participative dans un cadre associatif peut répondre à ce besoin.

C’est pourquoi, au cours des débats sur le projet de loi de finances pour 2016 comme sur le projet de loi de finances rectificative, je défendrai un certain nombre d’amendements pour faire sauter des verrous que le législateur a posés au fil du temps, sans doute par peur d’effets de bords réels ou supposés.

À la fin de l’année 2014, et grâce à votre soutien, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, des avancées ont été enregistrées dans la loi de finances rectificative. Par la suite, la première lecture de la loi Macron a fait naître beaucoup d’espoirs, avant que son examen au Sénat puis la nouvelle lecture à l’Assemblée nationale referment beaucoup de portes. L’on m’a répondu alors : « Nous attendons le rapport de la mission d’information sur l’investissement productif de long terme, dont Olivier Carré et Christophe Caresche sont co-rapporteurs ». Ce rapport a été publié – et salué sur tous les bancs de la commission des finances. Les amendements que j’ai déposés s’inspirent de ses propositions.

Quelques mesures simples et efficaces pourraient nous permettre d’avancer ensemble. Certaines ont un coût : je peux comprendre les réticences du Gouvernement à leur égard. Mais d’autres, financièrement plus modestes, serviraient puissamment l’innovation, en donnant de meilleures opportunités de croissance aux PME engagées dans ce secteur. Nous avons besoin de capitaux français : ici, nous avons la possibilité d’en mobiliser au service de la création de start-up et d’emplois.

Sans ces évolutions, nous risquons de voir s’amplifier les évasions de start-up vers d’autres contrées aux financements plus performants. Puissions-nous, dans l’esprit de la mission d’information Carré-Caresche, nous accorder sur ces points : nous le devons bien à nos PME et à ces investisseurs de proximité qui n’attendent pas de nous des postures politiques ou des carcans technocratiques, mais des avancées bien concrètes.

Je vous remercie par avance de la bienveillance avec laquelle vous examinerez ces propositions que je vous soumettrai dans le débat. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Mme la présidente. La parole est à M. Serge Grouard.

M. Serge Grouard. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des finances, madame la rapporteure générale, les Français croient de moins en moins dans notre vie politique. Aujourd’hui, ils ne croient plus en vous, pour au moins deux raisons.

D’une part, parce que vous n’obtenez aucun résultat sur les fronts essentiels que sont la lutte contre le chômage et la réduction de la dette. D’autre part, parce qu’au lieu de reconnaître l’évidence, vous tentez de travestir la vérité. J’ai entendu ce soir beaucoup de contrevérités chez les orateurs de la majorité !

Votre budget est un vrai trompe-l’œil, et je vais en donner des exemples précis, issus du document officiel de présentation du projet de loi de finances pour l’année 2016 que vous avez vous-même présenté le 30 septembre dernier, monsieur le secrétaire d’État, devant la commission des finances de notre assemblée. Je donnerai aussi des chiffres précis, que je mets quiconque au défi de venir contester.

Tout d’abord, vous prenez ce qui vous arrange en oubliant ce qui vous gêne. Vous dites que la reprise est clairement engagée, et que la croissance s’établira à 1 % cette année puis à 1,5 % l’an prochain. Vous oubliez simplement de dire que la France est à la traîne par rapport aux autres pays développés : la croissance est de 2,8 % aux États-Unis, et en moyenne de 1,8 % dans la zone euro.

Vous dites encore que les exportations sont très dynamiques : elles ont augmenté de 6 % en 2015. Vous oubliez simplement de dire que les importations ont augmenté encore plus vite, de 6,1 % ! Vous affirmez plus loin que les créations d’emplois ont repris, et que 60 000 créations d’emplois sont attendues, mais vous oubliez de donner les chiffres relatifs aux suppressions d’emplois, et à l’augmentation du chômage.

M. Michel Sapin, ministre. Vous n’avez pas bien compris : le chiffre que vous avez cité est un chiffre net.

M. Serge Grouard. À chacun sa vérité, pour reprendre Pirandello !

Il y a pire. Nombre de vos affirmations sont fausses, et sur des questions fondamentales. Vous parlez d’une « baisse des prélèvements obligatoires ». En réalité, le taux de prélèvements obligatoires passe de 44,6 % du PIB pour cette année à 44,5 % pour 2016, soit une diminution de 0,1 % du PIB. Mais comme le PIB est supposé augmenter au cours de l’année à venir, il y aura dans les faits une augmentation en valeur absolue – c’est ce que voulait dire tout à l’heure notre ami Charles de Courson. Je rappelle qu’en 2012, le taux de prélèvements obligatoires s’établissait à 43,8 %, soit 0,7 % de moins qu’aujourd’hui. Où est la baisse ?

Vous affirmez que la dépense publique est contenue. En réalité, elle croîtra de 1 % en 2015, puis de 1,3 % en 2016. Surtout, vous continuez à creuser la dette. Il fallait tout de même oser écrire dans votre document – en page 9 – que la dette publique est stabilisée. C’est encore faux ! L’an prochain, la France empruntera exactement – le chiffre figure à la page 90 du projet de loi de finances – 187 milliards d’euros, et remboursera 127 milliards d’euros. Résultat net : 60 milliards d’euros de dettes en plus. CQFD ! À défaut de redresser la France, arrêtez donc de leurrer les Français. Assumez vos choix ! Ayez le courage de présenter objectivement la réalité, même si elle n’est pas flatteuse.

Votre projet de loi de finances n’aura, pour toutes ces raisons, aucun résultat. Et cette tendance dramatique ne date pas d’hier : la dégradation des finances publiques de la France remonte au début des années 1980.

La dette publique représentait 20 % du PIB en 1980 contre près de 100 % aujourd’hui ; la dépense publique, 41,8 % du PIB en 1970 contre environ 57 % aujourd’hui ; les prélèvements obligatoires, enfin, 34 % du PIB en 1970 contre 44,5 % aujourd’hui. On le voit, il s’agit d’une tendance de long terme, qui n’a pas été amorcée sous le gouvernement précédent, contrairement à l’idée que vous cherchez en permanence à accréditer pour masquer votre impuissance à proposer de vraies solutions. C’est cette tendance lourde qu’il faut inverser.

M. Marc Goua. Nous sommes d’accord.

M. Serge Grouard. Cela passe par une véritable politique de réduction de la dépense publique, de l’ordre – j’ose le dire – de 10 %, donc, au regard des quelque 1 300 milliards d’euros de dépense au total, d’environ 130 milliards, et ce sur sept ans.

M. Marc Goua. Où proposez-vous de réaliser des économies ?

M. Serge Grouard. La chose est possible, je l’affirme, mais elle exige des réformes de gouvernance et de structure, dont M. de Courson a pris quelques exemples.

J’ajoute qu’il faudra bien lever certains tabous, et poser la question d’une suppression des 35 heures dans la fonction publique, source nécessaire d’économies dans la durée : personne, à l’avenir, n’échappera à cette réalité, j’en prends le pari devant vous. J’ai d’ailleurs formulé, à cette fin, des propositions précises que je n’ai pas le temps de détailler ici.

D’autres pays ont au demeurant mené cette réforme, parmi lesquels le Canada, les Pays-Bas et la Finlande : c’est donc qu’elle est possible, et en tout cas nécessaire et urgente. Or, à l’inverse, vous augmentez la dette, les effectifs de la fonction publique et la dépense publique ;…

M. Laurent Furst. Eh oui : c’est la gauche !

M. Serge Grouard. …vous proposez quelques économies mal chiffrées et, de toute façon, insuffisantes, tout en maintenant le niveau des prélèvements obligatoires. Bref, vous menez une politique de la rustine ; mais ce n’est pas avec des rustines que l’on gagne le Tour de France. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Luc Laurent.

M. Jean-Luc Laurent. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des finances, madame la rapporteure générale, mes chers collègues, nous abordons l’examen du dernier véritable projet de loi de finances du quinquennat. Nous avions entamé la législature avec la course aux 3 % ; nous la terminons loin de ce chiffre et toujours en train de courir. Et je serais tenté de dire : « Ce qui devait arriver arriva. »

M. Julien Aubert. Tout à fait !

M. Jean-Luc Laurent. L’ajustement budgétaire, aussi intelligent et ajusté qu’il ait pu être en 2012 et 2013, a cassé la croissance. Notre performance, compte tenu de l’euro faible, du pétrole bon marché et des taux d’intérêt bas, n’a absolument rien de rassurant, la France n’ayant pu capitaliser ces données au bénéfice de sa croissance.

Nous avons fait l’ajustement budgétaire en nous dispensant de toute réforme fiscale et en considérant qu’elle était soit déjà faite – pour paraphraser un propos tenu lors de l’examen du PLF pour 2015 –, soit inutile. Nous abordons donc la fin de l’exercice en bricolant le barème de l’impôt sur le revenu avec la suppression d’une tranche et une mesure assez pernicieuse sur la décote. La création d’un impôt progressif sur l’ensemble des revenus ne date, rappelons-le, que de 1914. Nous devrions prendre grand soin de conforter notre centenaire… On a coutume de dire qu’un bon impôt est un impôt ancien : plutôt que de malmener le vieillard, nous devrions le ménager en utilisant pleinement cet impôt.

Le rapprochement de l’impôt sur le revenu et de la CSG est une nécessité. La réforme d’une fiscalité locale toujours injuste a malheureusement été remisée. Le malaise à l’égard du consentement à l’impôt est profond, et je fais partie de la centaine de cosignataires de l’amendement proposé par Jean-Marc Ayrault et Pierre-Alain Muet.

Affaiblir l’impôt sur le revenu est un sale coup porté au pacte républicain. Pour tout citoyen, payer l’impôt est un marqueur, comme l’était feu le service national. Le fait de ne plus être imposable n’est pas une bonne nouvelle pour les intéressés ; et j’ai la faiblesse de penser qu’il n’est pas bon, du point de vue de notre idéal républicain, de faire sortir des ménages de cet impôt.

M. Paul Salen. Très bien !

M. Jean-Luc Laurent. Son poids budgétaire, on le sait, reste en deçà de sa valeur symbolique, qui est centrale. Pourtant, il fut le premier impôt de la modernité, quarante ans avant la TVA ; et contrairement à celle-ci, il est juste. En affaiblir l’assiette, le faire reposer sur des contributeurs toujours moins nombreux, n’est donc pas un service à rendre à la République.

Monsieur le ministre, nous bricolons des mesures de pouvoir d’achat pour tenir les engagements du pacte de responsabilité, qu’au demeurant je soutiens. Ce bricolage n’a rien d’enthousiasmant ni de mobilisateur. On le voit bien, notre système fiscal, pour s’en tenir à ce qui concerne les ménages, est à bout de souffle : l’impôt rentre, et l’on sait qu’il s’agit d’un point fondamental pour la crédibilité d’un État.

Nous allons donc débattre, cette semaine, du budget de la nation. Ne renvoyons pas une nouvelle fois la réforme fiscale à demain. Nous en discutons chaque année depuis 2012, à chaque examen du projet de loi de finances. Repousser encore la décision serait plus qu’un regret : ce serait un échec collectif dont nous devrions bien entendu rendre compte ; ce serait surtout un échec pour la citoyenneté, laquelle suppose le consentement à l’impôt, à un impôt juste, enfin juste, et auquel chacun doit contribuer pour que vive la République.

M. Pierre-Alain Muet et M. Julien Aubert. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Chrétien.

M. Alain Chrétien. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, madame la rapporteure générale, mes chers collègues, le projet de loi de finances pour 2016 est fondé sur une prévision de croissance de 1,5 %. Ah, cette fameuse croissance ! Toutes les semaines, le Président de la République, le Premier ministre et les membres du Gouvernement ne cessent de répéter, sur les télévisions et les radios, que la croissance est là, qu’elle arrive : « Anne, ma sœur Anne, ne vois-tu rien venir ? » La réponse est non.

Cette croissance atteindra-t-elle 1,5 % l’an prochain ? Nous l’espérons, car de ce seul critère dépendra la sincérité du budget que vous nous présentez. En tout état de cause, la croissance ne viendra pas de l’économie française, elle aussi atone en dépit de quelques frémissements perceptibles ici ou là. La croissance, en réalité, vous pensez qu’elle viendra de l’extérieur, par exemple de la progression de plus de 5 % du commerce mondial, prévision au demeurant très optimiste par rapport à celle du FMI. Une fois de plus, vous attendez la croissance des autres avant de tout faire pour qu’elle devienne française et contribue, ce faisant, au redressement des comptes publics à la faveur de la consommation et des investissements sur notre sol.

Il faut bien vous répéter certaines vérités. Vous prétendez que le déficit baissera, mais c’est faux : il restera au même niveau qu’en 2015, à un milliard près, autant dire l’épaisseur du trait.

De la même façon, vous annoncez une baisse des impôts : c’est tout aussi faux ! Qui peut le croire ? Bien sûr, vous vous livrez à des manipulations entre les différentes classes de Français, les opposant les uns aux autres, mais au final, Serge Grouard l’a rappelé, le taux de prélèvements obligatoires demeurera aux alentours de 44,6 % : là encore, rien de nouveau sous le soleil.

Fidèles à la politique menée depuis le début du quinquennat, vous concentrez aussi l’impôt sur le revenu : c’est votre choix, bien que des voix, au sein même de la majorité, plaident pour un élargissement de l’assiette de cet impôt, qui rapporte quelque 60 milliards d’euros : alors que son acquittement peut être regardé comme un acte citoyen, il concerne aujourd’hui moins de la moitié des Français. Bref, il y a donc un débat chez vous à ce sujet.

M. Jean-Luc Laurent. Mais non ! N’oublions pas la CSG !

M. Alain Chrétien. La démonstration a par ailleurs été faite, à gauche comme à droite, qu’une grande partie des 16 milliards d’économies annoncées n’étaient pas documentées : je n’y reviens pas.

En tant que maire d’une ville moyenne, je dois aussi pousser un coup de gueule. À Vesoul, il n’y a pas de colloques, de cocktails, de petits fours, d’embauches de complaisance massives ou de cabinet pléthorique : nous sommes à l’os, monsieur le ministre. On ne peut aller plus loin dans la réduction des dépenses de fonctionnement, d’autant que concomitamment à la diminution des recettes, vous nous imposez une augmentation des dépenses. Ainsi, aux termes de l’accord Lebranchu, les rémunérations des fonctionnaires territoriaux augmenteront en 2017, sans que les collectivités, naturellement, n’aient eu leur mot à dire. Un tel déséquilibre est inadmissible, surtout au regard des discours sur la concertation et la démocratie participative.

Aujourd’hui, le traitement réservé par l’État aux collectivités locales est pire encore que sous le gouvernement Fillon, qu’un orateur a évoqué. Le gel des dotations vous avait fait pousser des cris d’orfraie : vous vouliez le changement, vous l’avez, mais c’est encore pire ! C’est ce que nous ne manquerons pas de rappeler à nos concitoyens lors des prochaines semaines, à l’occasion des élections régionales.

Bref, cette baisse des dotations est aveugle, brutale et mortifère, alors qu’elle devrait tenir compte des spécificités de chacune de nos collectivités.

M. Jean-François Lamour. Bien entendu !

M. Alain Chrétien. Celles-ci sont prêtes à fournir des efforts, mais en fonction du contexte local et du potentiel fiscal. Bercy, que je sache, dispose d’ordinateurs suffisamment puissants pour ajuster le redressement des finances publiques en fonction de ce contexte.

Tels sont, mes chers collègues, les griefs que j’adresse à ce projet de budget : ils sont un peu redondants, j’en ai conscience, mais la pédagogie n’est-elle pas l’art de la redondance ? Nous espérons, en tout cas, qu’ils seront compris. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Alain Muet.

M. Pierre-Alain Muet. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des finances, madame la rapporteure générale, mes chers collègues, mon propos se concentrera sur la baisse d’impôts pour les ménages. Cette baisse est légitime au regard des efforts précédemment demandés, et elle est pertinente dès lors que les comptes et les marges des entreprises se sont sensiblement redressés au cours des derniers mois : elle constitue donc la meilleure façon de soutenir l’activité économique, car elle offrira des débouchés aux entreprises en créant un cycle vertueux qui fera redémarrer à la fois l’investissement et la consommation.

Il convient toutefois de remettre en perspective les réformes que nous conduisons pour les inscrire dans le paysage de notre fiscalité des revenus. La France a en effet deux spécificités à cet égard. En premier lieu, parce qu’elle est le seul pays à ne pas avoir mis en place le prélèvement à la source, l’impôt sur le revenu y est fondé sur les revenus de l’année écoulée ; par conséquent, notre imposition reste inadaptée aux accidents de la vie professionnelle, tels que le chômage ou la diminution de revenus, ainsi qu’aux accidents de la vie familiale, comme la séparation au sein d’un couple.

De ce point de vue, l’idée d’un prélèvement à la source, lancée par le Président de la République et à laquelle travaille le Gouvernement, est une réforme fondamentale. Elle demande du temps, mais une opportunité s’ouvre aujourd’hui pour la mener à bien, car la déclaration sociale nominative permettra d’ajuster aussi le taux d’imposition à la réalité des revenus courants.

Le deuxième aspect de notre imposition des revenus, vous l’avez rappelé l’un et l’autre, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, c’est que nous avons dans notre pays deux impôts sur le revenu, là où tous les pays n’en ont généralement qu’un. Nous avons en effet l’impôt sur le revenu proprement dit, progressif, qui représente 3,5 % du PIB, et la CSG, d’un volume plus important, qui représente 5 % du PIB. La somme des deux correspond à peu près au montant de l’impôt sur le revenu dans les autres pays, soit 8,3 % du PIB, contre 9 % au Royaume-Uni, 9,5 % en Allemagne et 10 % aux États-Unis. La particularité de la France n’est donc pas, comme on l’entend parfois, que seuls la moitié des Français paient l’impôt sur le revenu, mais que le plus gros de nos deux impôts sur le revenu n’est pas progressif.

Par conséquent, pour la moitié la plus modeste de nos concitoyens, l’impôt sur le revenu présente d’emblée un taux très élevé – le taux moyen de la CSG. Quand on prend en compte le taux d’imposition correspondant à ces deux impôts pris ensemble, on constate que l’imposition est à peu près constante pour la première moitié de nos concitoyens, au taux de la CSG, et n’est progressive que pour la deuxième moitié. Pour les neuf premiers déciles, soit neuf Français sur dix, la CSG payée est supérieure à l’impôt sur le revenu payé.

S’il est donc une réforme fiscale qui s’impose assez naturellement, et si elle est possible, elle doit consister à instaurer de la progressivité pour la première moitié de nos concitoyens, dont l’impôt n’est constitué que de la CSG, afin que cet impôt commence à un taux plus raisonnable et que nous ayons, comme dans tous les autres pays, une progressivité constante de l’imposition sur l’ensemble des revenus.

Une réelle réforme s’impose donc et, du reste, elle a en quelque sorte déjà été engagée – certes sous une forme différente – lorsque la gauche a créé la prime pour l’emploi – PPE –, en partie pour compenser le fait que la CSG était proportionnelle. La création du revenu de solidarité active – RSA – tient aux mêmes raisons : il s’agissait de soutenir nos concitoyens les plus modestes. Aujourd’hui, alors que nous avons unifié les deux, se pose la question de savoir si l’on ne pourrait pas faire plus directement cet effort, non pas en versant une prime d’activité, mais en rendant dégressive la CSG. C’est exactement ce que nous proposons dans l’amendement que nous défendrons avec Jean-Marc Ayrault.

Il s’agit de transformer une dépense en allégements d’impôts, ce qui est plutôt favorable en termes de réduction des prélèvements obligatoires, et d’aller vers plus de justice, car cette mesure ne rendra pas seulement notre impôt plus progressif : elle est aussi une façon de reconnaître et de faire reconnaître que tous les Français paient l’impôt sur le revenu.

On peut certes objecter que cette démarche est difficile et que peuvent se poser des problèmes de constitutionnalité. Cependant, le fait que la prime d’activité soit familialisée et que l’on puisse se poser la question du lien avec l’impôt sur le revenu permet de contourner cette difficulté.

Nous devons ainsi nous interroger sur la possibilité d’avancer vers un impôt citoyen, reconnu par tous, et, avec le prélèvement à la source, qui est également une réforme fondamentale, vers une imposition des revenus plus simple, plus claire et plus juste. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Mme la présidente. La parole est à M. Julien Aubert.

M. Julien Aubert. Monsieur le secrétaire d’État, madame la rapporteure générale, mes chers collègues, nous voici donc appelés à débattre du dernier budget de la mandature pour la majorité actuelle, puisque le prochain durera jusqu’aux élections présidentielle et législative de 2017.

Mon premier constat sera de dire que la lucidité n’est, hélas ! pas au rendez-vous, avec des hypothèses macroéconomiques très exagérées. En effet, en prenant pour hypothèse de départ une croissance de 1,5 point, le Gouvernement a choisi de se donner de la marge pour optimiser les prévisions de recettes fiscales. Malheureusement, le Haut conseil des finances publiques, que vous avez-vous-même créé, n’est pas de cet avis, puisqu’il a relevé que « l’hypothèse d’une croissance de 1,5 % en 2016 ne peut plus être qualifiée de « prudente », comme elle l’avait été en avril dernier. ». Hypothèse imprudente, donc.

Rappelons que, sur la période de 2012 à 2014, la croissance moyenne a été de 0,3 % et que, depuis 2011, la France n’a jamais dépassé 1,5 % de croissance. Le volontarisme a ses limites.

À partir de cette base optimiste, vous calculez les impôts. Vous les avez tellement augmentés ces dernières années – les prélèvements obligatoires sont en effet passés de 42,6 % du PIB en 2012 à 44,9 % en 2014 – que vous avez cassé l’outil fiscal. Les conséquences en sont connues : une explosion de l’économie au noir, la fuite des travailleurs à l’étranger et un découragement généralisé de la France qui travaille. Un seul chiffre suffit à le démontrer : l’élasticité moyenne des recettes à la croissance a été de – 0,6 entre 2012 et 2014, alors que, depuis 2005, elle était toujours supérieure à 1.

Or, une élasticité négative signifie qu’une hausse de la croissance est susceptible de provoquer une variation à la baisse des recettes. Cherchez l’erreur ! Voilà pourquoi vous aurez en 2016 la double peine : une croissance probablement moins élevée que vos estimations et une croissance des recettes fiscales inférieure au taux de croissance du PIB.

La conséquence logique est que vous avez décidé, l’an dernier, un rétropédalage tardif, avec des baisses ciblées. Comme La Bruyère dans Les Caractères, vous vous êtes contentés de rendre au public ce qu’il vous avait donné. Vous prétendez donc baisser les impôts après avoir pressé le citron jusqu’à ce que les pépins craquent. Il n’en demeure pas moins que votre politique fiscale de gribouille porte le sceau de l’injustice.

S’il est vraisemblable que le taux de prélèvements obligatoires devrait rester stable, l’effort fiscal au titre de l’impôt sur le revenu a en effet été concentré sur les classes moyennes et supérieures. Les « gestes fiscaux » de ces deux dernières années n’ont eu pour effet que de diminuer le nombre de contribuables, puisque moins de la moitié des Français paient l’impôt sur le revenu.

M. Pierre-Alain Muet. Et la CSG ? Il faut appeler un chat un chat !

M. Julien Aubert. C’est donc vers une paupérisation assumée des classes moyennes et supérieures que vous souhaitez nous mener, au nom d’un sacro-saint principe socialiste : l’égalité des revenus pour tous.

Afin de divertir l’attention de cette inégalité entre une France qui suffoque d’impôts et une France qui ne participe pas à l’effort contributif, vous avez alors ouvert le débat intéressant qui porte sur le prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu, sur la progressivité de la CSG, ou encore sur la création d’un impôt universel.

La question de la création d’un impôt minimal pour tous doit impérativement être explorée, au nom de l’inclusion des citoyens dans le devenir de notre pays. Une somme symbolique pourrait ainsi être demandée à toute personne résidant sur notre territoire, au nom de la contribution au devenir du pays.

Malheureusement, cet impôt unique doit être distingué de votre initiative tendant à marier la CSG et l’impôt sur le revenu, qui se traduira une nouvelle fois pas des injustices. Le Conseil des prélèvements obligatoires, dans son rapport de février 2015, estimait en effet que ce serait très complexe et qu’il serait plus utile d’explorer la piste prometteuse d’une complémentarité organisée entre les deux impositions.

En additionnant des pommes et des carottes, des cotisations sociales et des impôts, notre système de sécurité sociale fondé sur la cotisation assurantielle est en train de basculer vers un système britannique beveridgien de financement par l’impôt. Il n’en faut pas plus pour déresponsabiliser les partenaires sociaux et donner l’impression aux Français que la prestation sociale est de droit et qu’elle ne coûte rien.

Il est, en outre, évident que cette fusion se fera sur le dos de certains contribuables, qui verront leur taux d’imposition augmenter. Je ne peux résister à la tentation de citer l’un des deux co-auteurs de cet amendement sur la CSG, qui déclarait à cette tribune en octobre 2011 qu’il y avait une austérité aveugle du côté des recettes : « Vous avez, non pas supprimé le nombre des niches, ce qui aurait pu réduire les déficits sans effet négatif sur la croissance, mais inventé de nouveaux impôts ! (…) vous êtes les champions de l’invention de nouveaux impôts ».

Quatre ans plus tard, ce même député – qui s’exprimait juste avant moi et qui n’est pas Premier ministre –, sous prétexte de simplification, invente une nouvelle imposition déguisée plutôt que de nouveaux impôts. Vous êtes les champions de l’inventivité fiscale.

François Hollande avait du reste lui-même reconnu qu’il s’agirait d’une hausse pour les 15 % les plus fortunés. Aujourd’hui, l’Institut de l’entreprise redoute un report massif d’imposition vers les catégories les plus aisées. Je vous rappelle en outre que, selon les maisons des Français de l’étranger, 65 000 Français hautement qualifiés quittent chaque année notre pays.

L’autre grande erreur de votre politique fiscale est d’aller piocher les réserves là où elles sont, en ne faisant aucune espèce de distinction entre les organismes et en passant au bulldozer sur la libre administration des collectivités territoriales. Une baisse de 40 % de la dotation en trois ans représente, même pour une commune bien gérée, un défi insurmontable – vous avez vu le cas de Vesoul.

L’État est comme un gigantesque feu : il mange, il mange, et plus il mange, plus il grossit. Quand il aura tout mangé, il mourra. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Goua.

M. Marc Goua. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, madame la rapporteure générale, chers collègues, le projet de loi de finances pour 2016 confirme le cap économique et financier que nous nous sommes fixé. En effet, les résultats positifs de la politique menée depuis maintenant trois ans permettront de réduire notre déficit public, tout en poursuivant l’allégement des impôts de nos concitoyens et la baisse du coût du travail.

Dans un contexte de reprise progressive de l’activité dans notre pays, malgré un ralentissement de l’économie mondiale, nous atteindrons cette année 1 % de croissance et 1,5 % en 2016. Notre déficit atteindra ainsi 3,8 % du PIB cette année et 3,3 % l’an prochain. Ces prévisions nous confortent dans l’objectif affiché de passer sous la barre des 3 %, conformément à nos engagements auprès de la Commission européenne.

Nous avons certes demandé des efforts importants à nos concitoyens pour retrouver la maîtrise de notre dépense publique. Mais, comme le souligne le rapport de notre rapporteure générale, ces efforts ont été menés dans la justice et supportés principalement par les ménages les plus aisés.

À la suite des premières baisses d’impôts adoptées à l’été 2014, nous engageons pour l’an prochain de nouveaux allégements pour les ménages aux revenus moyens et modestes. Au total, plus de 12 millions de foyers auront bénéficié des baisses d’impôts entre 2015 et 2016.

À côté de ces mesures soutenant le pouvoir d’achat des ménages français, nous continuons la mise en œuvre du Pacte de responsabilité. Ainsi, à partir du 1er avril 2016, les cotisations familiales pour les salaires allant jusqu’à trois fois le SMIC seront abaissées de 5,25 % à 3,45 %. La contribution sociale de solidarité des sociétés – C3S – sera de nouveau réduite en 2016, puis supprimée en 2017.

En complément du Pacte, nous proposons plusieurs mesures visant à favoriser l’emploi dans les TPE et PME. La restauration des marges des entreprises devrait se traduire par une reprise soutenue de l’investissement.

Nous répondons, dans le même temps, aux urgences auxquelles nous devons faire face. Des moyens conséquents ont ainsi été alloués à nos forces de sécurité, à notre armée ou à l’accueil des réfugiés.

L’ensemble de ces mesures est financé par une baisse historique des dépenses de l’État, de ses opérateurs et des collectivités territoriales.

La contribution des collectivités territoriales au redressement des finances publiques représentera en 2016 près de 3,67 milliards d’euros d’économies. Je souhaite appeler votre attention sur ce dernier point et exprimer ma profonde inquiétude, que je ne suis pas seul à ressentir,…

M. Alain Chrétien. Nous la partageons !

M. Marc Goua. …quant à l’avenir des communes de banlieue.

M. Alain Chrétien. Pas seulement des banlieues, mais de toutes les communes, grandes ou petites !

M. Marc Goua. Ces communes, comme vous le savez, présentent des taux de chômage et de scolarisation bien supérieurs à la moyenne nationale. Elles concentrent également une part conséquente de foyers bénéficiant d’exonérations diverses, notamment de taxe foncière sur les propriétés bâties.

Conformément à la promesse formulée par le Premier ministre à cette tribune lors de son discours sur le programme de stabilité 2014-2017, le Gouvernement s’était engagé à compenser intégralement la baisse des dotations de l’État pour les collectivités les plus pauvres. Or, les minorations des allocations compensatrices de fiscalité directe locale prévues à l’article 10 du présent projet de loi vont à l’encontre de ces orientations.

M. Alain Chrétien. Et voilà ! Encore un engagement qui n’est pas tenu ! Un de plus !

M. Marc Goua. En effet, comment ces communes fragiles peuvent-elles assurer un service public de qualité et de proximité auprès de populations en grande difficulté, alors que les dotations actuelles de l’État couvrent à peine leurs charges de fonctionnement ?

Enfin, je souhaite revenir sur la réforme de la dotation globale de fonctionnement – DGF. Je souscris entièrement à l’objectif de la rendre plus lisible, plus simple et plus juste. Cependant, sans simulations disponibles à ce jour, il est impossible d’évaluer précisément les conséquences financières d’une telle réforme.

Je pense notamment à la suppression de la fraction cible de la dotation de solidarité urbaine – DSU –, qui pourrait avoir des effets désastreux. Je crains en effet que l’augmentation des mécanismes de péréquation, que je salue par ailleurs, ne compense pas intégralement la suppression de la DSU cible, laquelle, je le souligne, était ces dernières années la seule ressource dynamique de nos collectivités.

L’an dernier, nous avons su apporter des corrections justes et nécessaires au projet de budget, afin de préserver les capacités financières des communes les plus en difficulté. Je sais donc notre assemblée attentive à ce sujet et capable de soutenir les territoires les plus pauvres et de contribuer à tenir la promesse du Premier ministre.

Après avoir mené des réformes courageuses et ambitieuses depuis notre arrivée aux responsabilités, il nous faut maintenant assurer une stabilité fiscale et juridique. Cette condition est indispensable si nous voulons retrouver la confiance des agents économiques et de nos concitoyens. Nous devons donc maintenir ce cap économique et financier, car il n’y aura pas de croissance durable et créatrice d’emplois sans restauration de la confiance. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Mme la présidente. La parole est à M. Paul Salen.

M. Paul Salen. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, madame la rapporteure générale, je ne vous ferai pas l’injure de vous rappeler que ce budget est le quatrième de votre majorité. Si vous voulez rester sérieux, vous ne pouvez plus vous contenter d’évoquer l’héritage d’une situation.

Ce projet de loi de finances pour 2016 est le dernier budget complet du quinquennat et constitue donc votre dernière chance de mettre en œuvre votre stratégie économique. Or, vos revirements et autres renoncements qui ont parsemé sa préparation marquent une absence totale de cap.

Votre gouvernement s’est engagé, dans le cadre de ce projet de loi de finances, à tenir ses promesses d’économies vis-à-vis de Bruxelles. Cependant, tout le détail de ces économies n’a, me semble-t-il, pas été donné, poussant le Haut conseil des finances publiques à réagir en affirmant que « des risques significatifs pèsent sur la réalisation de l’objectif de ralentissement de la dépense en volume, particulièrement au regard de sa trajectoire passée. »

Encore une fois, le compte n’y est pas ! Même certains membres de votre majorité le reconnaissent et vous l’ont fait savoir par différentes propositions, d’ailleurs intéressantes, que vous avez refusées.

Le Haut conseil des finances publiques a confirmé une surestimation de vos prévisions, selon lesquelles le déficit public s’élèverait à 3,8 % du PIB en 2015 et 3,3 % en 2016. La croissance serait de 1 % en 2015 et de 1,5 % en 2016. L’OCDE a d’ores et déjà rabaissé ce taux pour 2016 à 1,4 %. L’objectif pour 2016 apparaît donc difficilement atteignable.

Il est difficile de ne pas constater le manque de réelle visibilité de ce budget, tant les annonces et les contre-annonces ont fait l’objet d’allers-retours publics entre les différents ministères, augmentant encore l’anxiété des Français dans un contexte dont la sérénité n’est pas la principale caractéristique.

Le plan d’économies engagé par l’État reste globalement flou : 3 à 4 milliards d’euros d’économies inscrites dans le projet de loi de finances ne sont pas rattachés à des mesures concrètes, tout comme les 600 millions d’économies prévues sur les ministères. Par ailleurs, votre projet de budget ne fait que très peu état de la chasse aux niches fiscales. Or, le coût des quelque 430 niches fiscales atteindra encore 83 milliards d’euros en 2016.

Prenons un exemple : sur les 2,7 milliards d’euros d’économies prévues dans les dépenses d’intervention de l’État, seuls 500 millions sont rattachés à des mesures concrètes via la réforme de l’aide personnalisée au logement, des aides à la pierre ou encore de l’indexation des prestations sociales.

Vous nous rejouez le même scénario que l’an dernier : vous aviez été très discrets sur le détail des économies du budget pour 2015, assurant qu’elles seraient au rendez-vous, ce qui n’a malheureusement pas été le cas.

Finalement, sur 16 milliards d’économies annoncés, seuls 5,95 milliards constituent une économie réelle, tandis que le reste ne correspond qu’à un effort budgétaire.

En outre, les socialistes étant censés s’occuper des plus faibles, je m’étonne que la création de la prime d’activité, dispositif remplaçant la prime pour l’emploi et le RSA activité, fasse 824 000 perdants, signal désastreux envoyé à une population qui cherche à rester dans l’emploi.

En matière de réduction des dépenses, la création de 8 300 postes de fonctionnaires en 2016, une première depuis quatorze ans, n’est pas la meilleure garantie de votre bonne volonté adressée à l’Union européenne, dont de nombreux pays ont engagé des réformes fortes et courageuses et qui regarde avec une certaine anxiété la trajectoire négative de nos finances publiques.

Concernant les baisses d’impôt, vous avez ciblé une certaine partie de la population sans permettre au reste des Français d’alléger leur fiche d’impôts, entraînant une hyperconcentration fiscale, encore plus importante, sur les classes moyennes. Aujourd’hui, seuls 46 % de nos concitoyens sont concernés par l’impôt sur le revenu. Ce n’est pas juste ! Chaque Français doit participer à l’effort de solidarité nationale à la mesure de ses moyens, comme l’a dit un député de votre majorité.

Votre politique fiscale a été particulièrement clivante depuis 2012. Ainsi, un couple marié avec deux enfants gagnant 50 000 euros par an paiera plus d’impôt en 2016 qu’il n’en payait en 2012, avec une hausse de 159 euros. Cela constitue bien la preuve que vous ciblez en priorité les classes moyennes, car gagner à deux 4 000 euros par mois, soit 2 000 euros par mois pour chacun des époux, c’est faire partie non pas du clan des nantis, mais bien de la classe moyenne !

Afin de préparer les futures échéances électorales, vous avez préféré baisser les dotations aux collectivités locales pour ne pas avoir à couper dans les dépenses publiques, laissant à ces collectivités le soin de se débrouiller avec une éventuelle hausse des impôts locaux.

Récemment, des dépenses d’urgence ont été annoncées pour l’aide aux réfugiés et aux agriculteurs. Où se trouvent-elles dans le projet de loi de finances ? Quelles économies supplémentaires entraîneront-elles ? Dans quels domaines ? Autant de questions auxquelles ce texte ne répond pas.

En conclusion, monsieur le secrétaire d’État, les quelques avancées, minimes, de ce budget interviennent malheureusement trop tard pour inverser la tendance catastrophique dans laquelle vous avez entraîné notre économie et l’ensemble des Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Monique Rabin, dernière oratrice inscrite.

Mme Monique Rabin. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, depuis le début de la soirée, chacun s’est exprimé, avec les mêmes mots-clés que l’année dernière, sur le projet de budget pour notre pays en 2016. Si nous sommes plus détendus dans cette assemblée que l’an passé, c’est parce que l’épée de Damoclès européenne – expression qu’on lit un peu partout – ne pèse pas aussi lourdement que les années précédentes, tant il est vrai que les engagements de la France sont respectés. Il faut dire que nous partions de loin !

Certes, le contexte externe est favorable avec des taux d’intérêt bas, le prix de l’énergie faible et un taux de change plus propice aux exportations. Mais ce contexte ne doit pas faire oublier le volontarisme du Gouvernement, très rigoureux dans ses choix de réduction de la dépense publique et, je le souligne, de modernisation de l’action publique. Aujourd’hui, pour la première fois depuis 2008, le déficit public est inférieur à 4 % du PIB : puissent les journalistes déclinistes nous lire et nous entendre !

Comme chaque fois qu’elle est au pouvoir, la gauche a un discours de vérité et agit. À ce stade, je voudrais souligner l’effort de nos administrations qui, au nom de la réduction de la dépense, tentent d’offrir un service similaire avec beaucoup moins de moyens à nos concitoyens.

Que dire, dès lors, de la promesse de nos adversaires de droite de faire non pas 50 milliards d’économies, mais 100 ou 150 ?

M. Alain Chrétien. Nous ne sommes pas des adversaires, mais des concurrents !

Mme Monique Rabin. J’ai bien entendu les quelques exemples cités : les fonctionnaires, les 35 heures, l’impôt pour les classes aisées ; cela nous donne un aperçu du programme.

La rigueur budgétaire doit, selon nous, se faire en sauvegardant notre modèle français. Après la vie à crédit que nous avons menée sous le précédent mandat, nos concitoyens paient aujourd’hui la facture. Je voudrais leur rendre hommage et leur dire combien, de toutes nos forces, nous espérons que ces efforts collectifs portent et qu’une vie meilleure se profile.

Au cours de la discussion budgétaire qui s’annonce, nous aurons l’occasion de nous exprimer sur des choix : le pouvoir d’achat des ménages, avec la baisse d’impôt sur le revenu pour 8 millions d’entre eux, l’engagement d’une réforme fiscale importante, la transition énergétique dans le contexte de la COP 21, la poursuite d’une politique en faveur des entreprises, créatrice de richesses, et la question de l’investissement privé et public, notamment celui des collectivités locales.

Ce soir, je souhaite simplement faire un zoom sur l’un des plus gros postes de dépenses de ce budget : celui de notre contribution au budget de l’Union européenne.

La participation française au budget communautaire est estimée, à l’article 22 du présent projet de loi de finances, à 21,5 milliards d’euros. C’est une participation en croissance continue. Elle prend dans tous les pays la forme d’un prélèvement.

Française, mais aussi profondément européenne, je voudrais d’abord souligner combien ce prélèvement, essentiellement basé sur le revenu national brut, affreusement corrigé de rabais et de rabais du rabais, complexe, opaque et injuste, me paraît préjudiciable à l’esprit européen. L’esprit des traités prévoyait d’abonder le budget de l’Union par le biais d’un système de ressources propres, et non pas par prélèvement sur les budgets nationaux, dont l’effet est pervers. Privant les États de recettes, le système actuel renforce le sentiment anti-européen.

À l’occasion de l’examen de ce projet de loi de finances, je souhaite rappeler combien il est nécessaire d’avancer sur d’autres ressources à caractère transnational : la taxe amplifiée sur les transactions financières, une taxation sur les multinationales qui ne connaissent pas les frontières et font de l’optimisation fiscale en mettant en concurrence les pays et, pourquoi pas, l’invention d’une taxe carbone et d’une taxe sur le numérique à l’échelle du continent européen.

Autre piste, plus ponctuelle mais qui donnerait à l’Union un caractère plus juste et permettrait de faire face à des dépenses exceptionnelles : la lutte renforcée contre la fraude en matière de TVA. Sur ce plan, je crois que nous avançons !

Concernant les dépenses, l’adhésion ou, mieux, l’élan en faveur de l’Europe, et donc de son financement, passe par une clarté des choix qui sont faits. Or des postes de dépenses créateurs de richesse sont amputés, tels que la recherche ou certaines interconnexions de transports qui sont des pistes avérées de croissance européenne.

Si j’évoque cela, c’est que les dépenses de l’Union ont un effet levier évident sur nos propres investissements. Voter le prélèvement, c’est aussi se soucier de l’utilisation qui en sera faite, c’est se préoccuper de mettre en adéquation les besoins de l’Union et la contribution votée. De ce point de vue, je comprends la nécessité de dégager des marges supplémentaires pour faire face à des événements exceptionnels, comme je l’ai lu dans le projet de loi, mais je ne voudrais pas que ceux-ci deviennent une justification à la baisse des moyens sur des projets structurants, d’autant que l’Union a déjà mis de côté 1,6 milliard d’euros de marge.

Après le beau discours du Président de la République aux côtés de Mme Merkel, je ne puis imaginer que nous ne trouvions des moyens nouveaux, amplifiés, pour parvenir à ces objectifs partagés et réaffirmés à Strasbourg.

Bien entendu, nous voterons cette contribution au budget de l’Europe, en espérant cependant que l’ambition européenne vienne replacer les États à leur juste place. Et nous voterons et défendrons votre projet de loi de finances, sans nous interdire quelques correctifs, dans l’esprit de responsabilité qui caractérise le groupe socialiste, républicain et citoyen. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Mme la présidente. La discussion générale est close.

La parole est à M. le secrétaire d’État chargé du budget.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget. À cette heure tardive, je ne pourrai répondre à l’ensemble des orateurs ; nous aurons de longues heures pour pouvoir le faire précisément. Je souhaiterais néanmoins aborder trois points qui ont été soulevés par de nombreux orateurs, que je remercie globalement pour la qualité de leurs interventions et pour le caractère finalement assez paisible et serein de leurs propos.

Le premier point que je souhaite aborder porte sur la réforme de la dotation globale de fonctionnement, dite DGF. Plusieurs d’entre vous ayant soulevé cette question, je souhaite vous donner deux ou trois éléments.

Monsieur le président de la commission des finances, vous nous dites qu’il n’est pas possible de faire cette réforme en quelques semaines : pardon, mais vous avez fait la réforme de la taxe professionnelle en une ou deux nuits ! On en a d’ailleurs longtemps payé les conséquences !

M. Alain Fauré. En quelques jours !

Mme Monique Rabin. Sans évaluation !

M. Nicolas Sansu. Et on a vu le résultat !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Le résultat, c’est que vous avez soigneusement conservé cette réforme !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. La réforme de la DGF est annoncée depuis longtemps ; le Comité des finances locales a été sollicité il y a plusieurs mois pour travailler sur la réforme de la DGF – il n’a d’ailleurs pas montré un empressement extrême à se lancer dans le travail. C’est un peu facile de dire « On le fait trop vite, donc il ne faut rien faire » !

Chacun a reconnu l’injustice, l’opacité, la complexité, voire le déni démocratique que représentent les dotations dans leur ensemble. Aujourd’hui, alors que nous proposons un schéma de travail, il nous reste quelques jours, quelques semaines pour travailler ensemble – il y aura des navettes –, avec des simulations.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Je l’espère !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Nous en avons, nous en aurons : elles sont encore à affiner, comme vous le savez, notamment sur la question des grandes métropoles. Il y a probablement quelques paramètres que nous-mêmes souhaiterons ajuster parce que nous avons pointé un certain nombre d’insuffisances. Tout ce qui a été dit est intéressant et mérite d’être travaillé. C’est une invitation au travail, une ouverture en vue de bouger un certain nombre de critères ; mais quand une réforme est indispensable, il n’y a pas lieu de la remettre à plus tard, cela fait trop longtemps que cela dure !

Le deuxième point que je souhaite aborder porte sur la question de la fiscalité dite environnementale, soulevée par M. Alauzet, qui est toujours assidu à nos débats, ainsi que par d’autres. Pourquoi souhaitons-nous la traiter dans le projet de loi de finances rectificative plutôt que dans le projet de loi de finances ? Nous ne sommes pas complètement prêts, je vous le confesse, parce que les choses sont compliquées.

Mme la rapporteure générale a parfaitement décrit les différents dispositifs concernant la fiscalité environnementale : la contribution au service public de l’électricité, dite CSPE, qui représente une somme considérable, puisqu’elle atteindra bientôt 8 milliards d’euros ; la contribution climat-énergie, qui représente une somme considérable, puisqu’elle atteindra bientôt 4,5 milliards ; et puis les différentes fiscalités telles que la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques, dite TICPE, dont le montant est considérable. Toucher à l’un de ces paramètres sans toucher aux autres serait une erreur, parce que nous perdrions en efficacité.

La CSPE doit être réformée, car elle n’est pas aujourd’hui compatible avec le droit européen ; nous sommes contraints de la réformer avant la fin de l’année.

Il nous faut en évaluer très précisément l’impact sur le prix du gaz, de l’électricité, et nous y travaillons. Ce débat interfère aussi avec celui sur la convergence entre la fiscalité du diesel et celle de l’essence, ou celui sur l’augmentation de la contribution climat-énergie, actuellement programmée jusqu’en 2016, ce qui a également un impact sur le prix des carburants, certains souhaitant que cette taxe augmente jusqu’en 2020.

Un travail sérieux et rigoureux ne peut pas traiter séparément ces questions, qui sont liées les unes aux autres, et c’est pourquoi nous préférons y apporter une réponse globale.

Troisième et dernier point, essentiel, la concentration de l’impôt sur le revenu.

Vous avez raison, monsieur Muet : la CSG est le principal impôt payé par les Français…

M. Nicolas Sansu. Non, c’est la TVA !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. … Hormis la TVA bien sûr. Disons que c’est le principal impôt sur les revenus payé par les Français, avec un rendement d’environ 90 milliards, contre environ 70 milliards pour l’impôt sur le revenu.

Par conséquent, il est faux de prétendre que tous les Français ne paient pas l’impôt sur le revenu.

M. Alain Chrétien. La CSG n’est pas l’impôt sur le revenu !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. La CSG est bien un impôt assis sur le revenu. Il est dû par tous les salariés, à hauteur de 7,5 % de leur revenu. Un salarié au SMIC paye donc à ce titre 100 euros par mois, à quelques euros près. Et vous prétendez que la moitié des Français ne paient pas d’impôt sur leur revenu. C’est aberrant !

Ce débat mérite donc d’être posé.

Vous avez évoqué, monsieur le président de la commission des finances, la concentration de l’impôt sur le revenu sur le dernier décile. Vous avez raison de dire qu’en 2015, les 10 % les plus riches vont payer 67,8 % de l’impôt sur le revenu. Mais savez-vous quel était le pourcentage d’impôt payé par le dernier décile en 2011 ?

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Le même !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Non, monsieur le président ! Ce n’était pas le même, puisqu’il était en 2011 de 72,4 %, soit presque 5 % de plus.

Contrairement à ce que vous dites, et cela pose une vraie question, la concentration de l’impôt sur le revenu a baissé ces quatre dernières années, en tout cas en ce qui concerne le dernier décile.

M. Nicolas Sansu. Malheureusement !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Dernier point sur ce qui est un vrai sujet : à peu près 46 % ou 47 % des foyers fiscaux ne paieront pas l’impôt sur le revenu en 2015, soit la même proportion qu’en 2008, monsieur le président, et je n’ai pas choisi cette date au hasard : n’étiez-vous pas rapporteur général de la commission des finances en 2008 ?

Soyons donc prudents dans l’interprétation des chiffres. On peut regarder les taux moyens d’imposition de chacun des déciles ou le taux moyen d’imposition au titre de l’impôt sur le revenu. Mais quand vous dites que nous avons augmenté la concentration de l’impôt sur le revenu, c’est faux concernant le dernier décile, et je viens de vous le démontrer très précisément.

Mais nous reprendrons ces débats, qui devraient nous occuper encore quelques heures au cours des prochaines semaines. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

2

Ordre du jour de la prochaine séance

Mme la présidente. Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :

Questions au Gouvernement sur des sujets européens ;

Suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2016.

La séance est levée.

(La séance est levée, le mercredi 14 octobre 2015, à zéro heure quarante-cinq.)

La Directrice du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Catherine Joly